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Ilaria Salis, élue au Parlement européen pour échapper à Viktor Orban

Après plus d'un an dans les sinistres geôles hongroises, Ilaria Salais, la jeune enseignante de Monza, dans les environs de Milan (Italie), devrait pouvoir retrouver son pays, sa famille, ses proches et ses camarades. Elle vient d'être élue au Parlement européen.
<https://www.humanite.fr/sections/societe>
L'Humanité, France. Mis à jour le 10 juin 2024 à 17h16
Par Thomas Lemahieu <https://www.humanite.fr/authors/tho...>
Adieu cafards, punaises de lit et souris ! Au revoir, les mauvais traitements, la nourriture avariée et les autres formes de torture blanche. Après plus d'un an dans les sinistres geôles hongroises et quelques semaines assignée à résidence en liberté très surveillée à Budapest, la jeune enseignante de Monza, dans les environs de Milan (Italie), devrait pouvoir retrouver son pays, sa famille, ses proches et ses camarades.
Placée en bonne position sur la liste pour les européennes de l'Alliance des Verts et de la Gauche ( AVS ), Ilaria Salis, la militante antifasciste italienne qui avait été arrêtée, emprisonnée et poursuivie pour sa participation, en février 2023, aux protestations contre le « Jour de l'honneur » – un rassemblement strictement néonazi célébrant l'« héroïsme » des SS, la Wehrmacht et les collabos magyars face à l'Armée rouge –, a été élue au Parlement européen.
Ilaria Salis doit pouvoir quitter la Hongrie
Le but, c'était bien de la sortir des griffes de Viktor Orbán, de la protéger des brutes locales qui faisaient circuler son adresse ces dernières semaines et de lui éviter une peine pouvant aller jusqu'à vingt ans de prison, sur la base d'un dossier complètement fabriqué en toute dépendance du gouvernement hongrois…
Dans le paysage passablement désolé de l'Union européenne>, c'est une belle victoire : en vertu de l'immunité délivrée par les électeurs italiens, Ilaria Salis doit pouvoir quitter la Hongrie. Reste une incertitude pour son père, Roberto, qui a mené sa campagne par procuration : que va faire le gouvernement postfasciste de Giorgia Meloni particulièrement passif dans cette affaire, si le premier ministre hongrois cherche le bras de fer ? /« J'attends qu'ils fassent respecter la volonté des citoyens italiens… »/
L'enseignante et activiste italienne Ilaria Salis est accusée d'avoir attaqué des néonazis
présumés en Hongrie.
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Israël. Une “pause tactique” à Gaza qui met Nétanyahou hors de lui

L'armée israélienne a annoncé dimanche 16 juin l'instauration d'une pause humanitaire de onze heures chaque jour pour permettre l'acheminement d'aide dans le sud de la bande de Gaza. Aucun membre du gouvernement n'en avait, semble-t-il, été informé.
Tiré de Courrier international. Légende de la photo : Distribution d'aide alimentaire par l'UNRWA dans le camp de réfugiés de Jabalia dans le nord de la bande de Gaza le 13 juin 2024. Photo Omar Al Qaatta/AFP
Une “pause tactique et humanitaire” quotidienne de onze heures dans le sud de la bande Gaza jusqu'à nouvel ordre. C'est ce qu'a annoncé, tôt dimanche 16 juin, un porte-parole de l'armée israélienne, repris par ynet, le site d'information du quotidien Yedioth Ahronot.
“Afin d'augmenter le volume de l'aide humanitaire entrant à Gaza et à la suite de discussions supplémentaires avec l'ONU et les organisations internationales, une pause locale et tactique de l'activité militaire à des fins humanitaires aura lieu de 8 heures à 19 heures tous les jours jusqu'à nouvel ordre le long de la route qui mène du point de passage de Kerem Shalom à la route de Salah Al-Din et plus loin vers le nord”, est-il écrit dans un message mis en ligne sur X et accompagné d'une carte.

Plus précisément, cette pause devrait être observée dans la zone allant de Kerem Shalom, passage dans le sud de Gaza, à la frontière avec l'Égypte, jusqu'à la route Salaheddine puis vers le nord du territoire palestinien. Sur la carte publiée par l'armée, on voit la route humanitaire s'étendant jusqu'à l'hôpital européen de Rafah, à environ 10 km de Kerem Shalom.
Comme pris par surprise, les plus hauts dirigeants israéliens, à commencer par le Premier ministre Benyamin Nétanyahou lui-même, se sont élevés contre cette annonce. Benyamin Nétanyahou l'a qualifiée d'“inacceptable”, selon ynet. Le ministre de la Défense Yoav Gallant a, lui aussi, dit ne pas avoir été informé de cette décision.
Quant au ministre de la Sécurité nationale, l'extrémiste Itamar Ben Gvir, il est sorti de ses gonds : “La personne qui a pris la décision d'instaurer une pause à un moment où les meilleurs de nos soldats tombent au combat […] est maléfique et stupide “, a-t-il tempêté, en faisant référence à la mort, la veille, de onze militaires. Et d'ajouter :
- “Il est temps de mettre fin à cette approche folle et délirante.”
“Après enquête, le Premier ministre a été informé qu'il n'y avait pas de changement dans la politique de l'armée et que les combats à Rafah se poursuivaient comme prévu”, rapporte pourtant The Times of Israel, qui indique que Tsahal a dû publier un nouveau communiqué pour mettre les choses au clair.
Le pont flottant américain a cessé de fonctionner
L'ONU a, pour sa part, salué cette annonce mais a demandé que cela “conduise à d'autres mesures concrètes” pour faciliter l'aide humanitaire, a souligné Jens Laerke, le porte-parole de l'agence onusienne pour les situations d'urgence (Ocha), à l'AFP. “Nous saluons cette annonce mais bien entendu, cela ne s'est pas encore traduit par une aide accrue pour les personnes dans le besoin.”
Israël est vivement condamné par la communauté internationale, y compris par les États-Unis, pour ne pas avoir pris suffisamment de mesures pour assurer la distribution de l'aide humanitaire à Gaza, rappelle The Jerusalem Post.
- “L'absence d'un système efficace de distribution de l'aide a conduit les Nations unies à affirmer que la population de Gaza était affamée et à accuser Israël d'utiliser la faim comme arme de guerre.”
La Coordination des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT) affirme qu'aucune restriction à l'entrée de camions à Gaza n'est imposée et que 8 600 camions commerciaux ou humanitaires y sont arrivés entre le 2 mai et le 13 juin, soit 201 en moyenne chaque jour, écrit Al-Jazeera en reproduisant un tweet de la COGAT.

Mais, ajoute aussitôt le média qatari, “une grande partie de cette aide s'entasse aux points de passage et n'atteint pas sa destination finale, car les déplacements à l'intérieur de la bande de Gaza sont très dangereux”.
De plus, le port flottant construit à grands frais par les États-Unis a cessé de fonctionner fin mai après seulement onze jours de service. L'armée américaine a annoncé samedi 15 juin qu'il allait être remorqué jusqu'au port israélien d'Ashdod pour y être réparé.
Courrier international
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Le salaire du génocide ou comment l’économie israélienne tient

Comme toutes les guerres, celle que mène Israël contre Gaza coûte extrêmement cher économiquement et la croissance est en chute libre. Toutefois, si elle ne s'effondre pas, c'est grâce à l'aide publique et privée des États-Unis, mais aussi de l'Union européenne qui a poursuivi ses échanges commerciaux comme si de rien n'était. Sans oublier l'Inde et la Chine. Benyamin Nétanyahou peut poursuivre tranquillement son génocide des Palestiniens.
Tiré d'Orient XXI.
L'économie israélienne a enregistré une chute de 21 % du produit intérieur brut (PIB) au dernier trimestre 2023 (comparé à celui de l'année précédente), soit deux fois plus que ne le prévoyait la banque centrale, après le 7 octobre. En février 2024, l'agence américaine Moody's a pris la décision sans précédent d'abaisser la note de l'État et celle des cinq plus grandes banques commerciales d'Israël.
Les conséquences vont surtout peser sur l'industrie technologique. En temps normal, cette branche emploie un Israélien sur sept et génère environ la moitié des exportations du pays, un cinquième du produit intérieur brut (PIB) et plus d'un quart des recettes de l'impôt sur le revenu. Une performance qui ne peut se maintenir qu'avec un accès aux capitaux étrangers dont le coût de collecte menace d'augmenter.
Chute des investissements dans la tech
Depuis la fin de 2022, les investissements dans les hautes technologies n'ont cessé de s'affaisser, et fin 2023, la chute a atteint 20 % par rapport aux chiffres déjà faibles de l'année précédente ; les investissements étrangers ont dégringolé de 29 % (1). Les premières données pour 2024 montrent que les flux sont au plus bas depuis neuf ans.
Le modèle de croissance du pays étant lié à ce secteur, de tels résultats posent des problèmes majeurs. D'autant que les projets du premier ministre Benyamin Nétanyahou visant à orienter l'économie vers la production de matières premières, au détriment de ce secteur dont il doute de la loyauté politique, ont été mis à mal. En mars 2024, inquiets des missiles houthis autant que des retombées politiques, l'Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC) et British Petroleum (BP) ont interrompu les discussions concernant l'acquisition prévue de la moitié du principal producteur israélien de gaz naturel, NewMed Energy (2).
Tout cela soulève des questions sur la viabilité de l'économie d'Israël et, par conséquent, sur sa capacité à poursuivre son assaut contre Gaza. Déjà les économistes du ministère des finances avaient estimé que les seules manœuvres de Benyamin Nétanyahou pour changer la constitution (et l'opposition que cela suscitait) conduiraient à une amputation de la croissance de 15 à 25 milliards de dollars (14,9 milliards à 18,6 milliards d'euros) par an (3). Une étude de la société de conseil américaine RAND a indiqué que les pertes économiques en cas de campagne militaire limitée, mais de longue durée contre la Palestine, s'élèveraient à 400 milliards de dollars (plus de 373 milliards d'euros) sur dix ans (4). Selon le ministère des finances, l'opération « Sabre de fer » coûte 269 millions de dollars (plus de 350 millions d'euros) par jour à l'économie — une guerre à l'échelle de la région serait, bien sûr, beaucoup plus onéreuse.
On peut s'interroger sur la capacité de la société israélienne qui vit dans un certain confort matériel à supporter un retour à une économie de guerre comme dans les années 1970 lorsque les dépenses militaires représentaient 30 % du PIB. Même si l'on fait abstraction de cette question, beaucoup d'autres se posent : les réalités économiques peuvent-elles influer sur la voie suivie par les dirigeants politiques et militaires ? Si oui, comment ? Les entreprises étrangères qui contribuent au génocide pourront-elles maintenir leur politique sur une longue période ?
Les sources de la résilience à moyen terme
Malgré les vents contraires, il y a peu de raisons de penser que les pressions économiques puissent accélérer la fin de la guerre à court ou moyen terme. Cela tient à l'ampleur des marchés financiers israéliens et aux réserves en devises étrangères, d'une part, ainsi qu'aux relations extérieures de l'État et de l'économie, d'autre part.
1. Des marchés de capitaux profonds et des réserves abondantes
La profondeur des marchés de capitaux israéliens permet à la coalition au pouvoir de financer localement une grande partie de ses projets militaires : cette année environ 70 % des 60 milliards de dollars (55,8 milliards d'euros) des emprunts d'État seront vendus sur les marchés intérieurs et libellés en nouveau shekel israélien (NIS). De plus, comme il y a une forte demande des institutions financières locales, les taux d'intérêt restent peu élevés localement, un peu plus quand il s'agit de bons du Trésor proposés à l'international, mais pas excessivement plus que pour ceux actuellement émis par les États-Unis. De ce fait, au cours des cinq premiers mois de cette année, le ministère israélien des finances a pu emprunter (en vendant des obligations d'État) un total de 67,5 milliards de NIS (16,7 milliards d'euros) sans encourir de lourdes charges de remboursement.
Ainsi, bien que le gouverneur de la Banque d'Israël mette régulièrement en garde contre les emprunts excessifs — et bien que certains indicateurs signalent un malaise sur le marché — Tel-Aviv peut s'endetter sans trop souffrir financièrement, tout au moins pour l'instant. Cela donne aux dirigeants une grande autonomie et cela se répercute sur la guerre.
L'accumulation de réserves de devises étrangères au cours des deux dernières décennies a un effet protecteur similaire. De 27 milliards de dollars (25 milliards d'euros) en 2005, la valeur des réserves détenues par la Banque d'Israël a dépassé les 200 milliards de dollars (186 milliards d'euros) au début 2024. Non seulement ces actifs génèrent des revenus pour l'État, mais ils permettent également à la banque centrale de défendre le shekel sur les marchés des changes (5). Ce qui contribue à maintenir l'inflation à un faible niveau, renforçant ainsi la stabilité de l'économie de guerre.
Toutefois, la violence génocidaire de l'armée nécessite des volumes de munitions bien supérieurs à ce que les fabricants nationaux, qui ont réorienté leurs activités vers des produits haut de gamme, sont actuellement capables de produire. Sans les flux incessants d'obus d'artillerie, de missiles, d'ogives et autres, qui proviennent presque tous des États-Unis (ou de caches d'armes leur appartenant prépositionnées en Israël avant cette guerre) (6) et d'Allemagne, les campagnes actuelles sur Gaza et le Sud-Liban échoueraient rapidement. De même, sans les clouds fournis par Google et Microsoft ainsi que le partage de données WhatsApp par Meta, on peut être certain que le plan israélien d'assassinats de masse pilotés par l'intelligence artificielle s'effondrerait rapidement.
2. La solidité des relations extérieures
Le deuxième facteur, peut-être le plus important, expliquant la résilience à moyen terme de l'économie israélienne est la solidité de ses relations extérieures. Elles lui apportent des appuis en tout genre : des flux financiers au commerce, en passant par le soutien logistique, sans oublier les armées de réserve de main-d'œuvre, telle la promesse de l'Inde de fournir 50 à 100 000 travailleurs pour remplacer les Palestiniens de Cisjordanie. De quoi, en fin de compte, rendre le génocide israélien possible.
Une vaste constellation d'acteurs américains, publics et privés, soutient actuellement financièrement l'État, l'armée et l'économie. Les flux provenant du gouvernement fédéral demeurent les plus importants. La subvention annuelle du Programme américain de financement militaire à l'étranger — 3,3 milliards de dollars (3,075 milliards d'euros) par an depuis l'administration Obama (2009-2017) — couvre, en général, 15 % de ses dépenses de défense. Comme ces dernières devraient augmenter de près de 15 milliards de dollars (13,95 milliards d'euros) en 2024, la ligne de crédit gratuite du gouvernement américain va considérablement augmenter cette année. En avril dernier, le Congrès américain a voté la loi sur la sécurité nationale accordant 13 milliards de dollars (12 milliards d'euros) d'aide supplémentaire (7). Sur cette somme, 5,2 milliards de dollars ont été affectés au réapprovisionnement des systèmes de défense Iron Dome, Iron Beam et David's Sling, 4,4 milliards de dollars (4,1 milliards d'euros) à la reconstitution des stocks de munitions épuisés et 3,5 milliards de dollars (3, 2 milliards d'euros) aux systèmes d'armes avancés.
Organisations américaines pour budget israélien
Mais, cela va au-delà. Sur l'ensemble du territoire états-unien, des États, des comtés et même des municipalités sortent également leur carnet de chèques. Le canal de financements est supervisé par la Development Corporation for Israel (DCI), une entité enregistrée aux États-Unis qui agit en tant que courtier local et souscripteur pour le compte du ministère israélien des finances. Depuis 1951, la DCI émet ce que l'on appelle des « obligations israéliennes » sur le marché américain. Bien que rarement connus du public, ces instruments financiers, libellés en dollars et destinés à fournir un soutien général au budget israélien, représentent 12 à 15 % de la dette extérieure totale d'Israël. Ils constituent donc une source substantielle de crédit et de devises fortes pour Tel-Aviv.
Depuis le 7 octobre, la DCI a considérablement accru ces ventes d'obligations, en partie en développant ses partenariats avec une organisation de droite l'American Legislative Exchange Council (ALEC). Au cours des deux dernières décennies, l'ALEC a été l'une des forces les plus influentes dans les coulisses de la politique américaine. Son activité consiste généralement à rédiger des projets de loi sur des sujets allant de l'avortement au mouvement Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS) puis à diffuser des modèles législatifs auprès de ses alliés dans les assemblées des États, où ils deviennent lois.
Cet automne, l'ALEC a diversifié ses opérations en mobilisant sa Fondation des agents financiers de l'État pour encourager l'achat d'obligations israéliennes par des fonds de pension publics et par les trésoreries des États et des municipalités. Les fruits de ces efforts sont assez stupéfiants : 1,7 milliard de dollars (1,58 milliard d'euros) d'achats d'obligations en six mois seulement. Au-delà de leur valeur matérielle pour Israël, ces achats constituent un engagement important de la part de l'appareil d'État américain dans son ensemble. Les autorités locales comme le gouvernement fédéral se montrent ainsi prêts à investir des sommes significatives dans les entreprises génocidaires d'Israël.
Malheureusement les citoyens et les institutions financières ont la même attitude que les dirigeants. Ils ont, eux aussi, accordé (et/ou facilité) un grand nombre de crédits à Israël depuis le début de sa destruction de Gaza. Certains l'ont fait, au printemps dernier, en achetant près des trois-quarts des obligations dont il vient d'être question. Au lendemain de l'opération « Sabre de fer », des banques américaines ont également organisé des ventes d'obligations privées pour le compte de l'État israélien, dont les rendements n'ont pas été rendus publics.
De Goldman Sacha à BNP-Paribas
Le fait le plus marquant, cependant, a été l'opération menée par Bank of America et Goldman Sachs qui, en mars 2024, ont souscrit à la première vente internationale d'obligations israéliennes post-7 octobre. Aux côtés de la Deutsche Bank et de BNP Paribas, ces financiers sont parvenus à attirer suffisamment d'investisseurs du monde entier pour en faire la plus importante vente de l'histoire d'Israël : près de 7,5 milliards d'euro-obligations (8).
Les contributions privées américaines ne s'arrêtent pas là. Si les investissements technologiques sont globalement en retrait, un certain nombre d'entreprises continuent d'injecter des capitaux, malgré le génocide en cours. Ainsi, ces six derniers mois, Nvidia, le leader mondial de la production de puces et de l'intelligence artificielle basé à Santa Clara, a investi des sommes considérables dans l'acquisition d'entreprises israéliennes (9). En décembre, fort d'une subvention de 3,2 milliards de dollars (3 milliards d'euros) et d'un taux d'imposition extrêmement réduit (7,5 % au lieu de 23 %), Intel a accepté de construire une nouvelle usine de semi-conducteurs. Un mois plus tard, Palantir Technologies, l'entreprise de modélisation d'intelligence artificielle, a annoncé un nouveau partenariat stratégique avec le ministère israélien de la défense.
L'Union européenne, bouée de sauvetage
Comme en témoigne la participation de la Deutsche Bank et de BNP Paribas à l'émission d'euro-obligations, l'Europe joue un rôle non négligeable. La Banque européenne d'investissement, basée à Luxembourg et détenue conjointement par les 27 États membres de l'Union européenne, a maintenu son intention d'injecter 900 millions de dollars (838 millions d'euros) dans l'économie israélienne (10). Depuis le 7 octobre, le programme Horizon Europe, principal instrument de financement de la recherche et de l'innovation, a autorisé l'octroi de près d'une centaine de subventions à des entreprises et institutions israéliennes. À plus petite échelle, l'organisation à but non lucratif European Investment council (EIC) a récemment augmenté ses investissements dans les startups israéliennes.
Mais ce sont surtout les échanges de biens et de services qui comptent. Le flux ininterrompu d'exportations vers le marché européen, qui reste son principal partenaire, a joué un rôle essentiel dans l'excédent de 5,1 % de la balance commerciale d'Israël au cours du dernier trimestre 2023. Bien qu'il ait été question dans les capitales européennes de revoir l'accord d'association de l'Union européenne avec Israël, les premières données publiées pour 2024 montrent que celle-ci continue d'importer des produits israéliens : plus de 4,27 milliards d'euros au premier trimestre — une somme qui correspond à peu près à ce qui a été observé ces dernières années et qui sert de bouée de sauvetage à l'économie israélienne.
Les affaires continuent avec la Chine et l'Inde
Le maintien par Tel-Aviv de relations extérieures (secrètes et ouvertes) avec des économies non occidentales a également renforcé la viabilité de son économie de guerre. Même si elles n'atteignent pas tout à fait les volumes d'avant le 7 octobre, même si elles sont sans aucun doute réduites en raison des interventions des Houthis, qui ont forcé les compagnies maritimes à suspendre le commerce direct, les données communiquées par la Banque d'Israël indiquent que les importations en provenance de Chine sont toujours substantielles : 10 milliards de dollars (9,3 milliards d'euros) au premier trimestre 2024. Elles demeurent l'un des éléments vitaux de l'économie au quotidien, bien que les investissements chinois restent déprimés — en grande partie en raison des pressions exercées par les États-Unis sur Tel-Aviv.
Quant à la contribution de l'Inde, qui importe de grandes quantités d'armes israéliennes et exporte des travailleurs bon marché pour remplir les postes de travail vidés des Palestiniens, elle est loin d'être négligeable. Malgré les difficultés, il est clair que des marchandises sont acheminées en Israël via le Golfe et la Jordanie, approvisionnant les rayons des magasins.
Enfin, il faut tenir compte des relations ambiguës de la Turquie. Bien que le ministère du commerce d'Ankara ait instauré des interdictions progressives sur le commerce avec Israël à partir du début du mois d'avril 2024, il y a des raisons de penser que la mesure ne sera pas totalement appliquée. Dans un premier temps, la politique prévoit un sursis de trois mois permettant aux entreprises d'honorer les commandes existantes par l'intermédiaire de pays tiers. Il est donc peu probable qu'elle provoque un resserrement immédiat de l'offre. Deuxièmement, les liens commerciaux entre les producteurs turcs d'acier et d'aluminium et Israël sont profonds et anciens, la dépendance des premiers à l'égard de ce marché est bien connue. Il ne faut donc pas écarter la possibilité que les fournisseurs turcs trouvent une solution pour livrer des fournitures essentielles non seulement aux entreprises de construction, mais aussi à l'industrie de l'armement — peut-être par le biais d'un transbordement en Slovénie.
Capable de s'appuyer sur des marchés de capitaux importants, des réserves de devises fortes et des relations solides avec des partenaires économiques extérieurs, Israël n'est confronté à aucune limite matérielle immédiate dans la conduite de son génocide. À moins que la politique des partenaires extérieurs en question ne change, Israël sera libre de poursuivre son massacre inadmissible pendant un certain temps encore.
Un espoir à long terme ?
À long terme, plusieurs éléments peuvent jouer contre cette économie de guerre. Parmi eux, la tendance au désinvestissement évoquée précédemment, que les interventions du gouvernement ne parviendront probablement pas à inverser. S'y ajoute une possible augmentation des impôts pour reconstituer les réserves. Mais, peut-être plus important encore, ce sont les tensions sociales que la poursuite du génocide accentuera dans les mois et les années à venir.
Depuis longtemps, le pays figure parmi les plus inégalitaires de l'OCDE11. Des mesures plus sophistiquées estiment actuellement le taux de pauvreté à 27,8 %, avec un tiers des habitants en situation d'insécurité alimentaire. Malgré toute la mythologie qui a entouré la « startup nation », il s'avère en outre que la croissance et les gains de productivité réalisés au cours des deux dernières décennies sont en réalité relativement faibles, la fuite des cerveaux ayant des conséquences.
À ce mélange s'ajoute désormais l'austérité. En effet, après avoir enregistré des déficits considérables tout au long de sa campagne sur Gaza, Israël va accélérer le retrait de son État-providence en réduisant les dépenses sociales et éducatives, tout en pressurant les ménages pauvres par l'augmentation des taxes à la consommation. Il est certain que des tensions sociales importantes sont à prévoir alors que, déjà, des clivages fracturent la société israélienne – entre les quelques personnes qui ont profité du boom technologique et immobilier et les nombreuses autres qui n'en ont pas vu la couleur ; entre les communautés religieuses exemptées du service militaire et celles qui sont chargées de risquer leur vie pour faire avancer leur vision de la conquête ; entre une communauté de colons bénéficiant d'une dérogation spéciale de la part de l'État et toutes les autres obligées de compter sur les banques alimentaires pour assurer leur subsistance. D'une manière ou d'une autre, cela ne peut que se répercuter négativement sur la cohérence du projet d'État et sur la capacité du gouvernement actuel à poursuivre ses complots destructeurs.
Pour la Palestine, et plus particulièrement pour les Palestiniens de Gaza, il y a urgence. Le temps nécessaire pour que la dynamique sociale se mette en place au sein de la société israélienne — pour que la capacité d'Israël à faire la guerre soit corrodée de l'intérieur — est tout simplement trop long.
Donc, quiconque espère mettre fin à ce génocide ne peut que prôner l'isolement de l'économie israélienne dans tous les domaines possibles, seul moyen d'y parvenir. Tant que les solides relations extérieures du pays ne seront pas affaiblies, voire rompues, les moteurs de la violence israélienne continueront à fonctionner sans le moindre crachotement. Pour les bloquer au point que les bombes cessent de tomber, il faut perturber les circuits financiers et commerciaux existants.
Colin Powers
Notes
1- Adrian Filut, « Economic concerns mount as Israel faces drop in foreign investment and services export », Ctech, 18 mars 2024.
2- Ani, « BP, UAE suspend USD 2 bn gas deal in Israel amid Gaza war », The Economic Times, Bombay, 15 mars 2024.
3- Nimrod Flaschenberg, « Israel's economy was Netanyahu's crown jewel. Can apartheid survive without it ? », +972 Magazine, 27 mars 2023.
4- C. Ross Anthony et al., The Costs o the Israeli-Palestinian Conflict, Rand Corporation, Santa Monica (États-Unis), 2015.
5- Galit Alstein, « Israel's $48 billion war leaves it at mercy of bond markets », BNN Bloomberg, Toronto, 22 novembre 2023.
6- Connor Echols, « Bombs, guns, treasure : What Israel wants, the US gives », The New Arab, 12 mars 2024.
7- « FY2024 National Security Supplemental Funding : Defense Appropriations », Insight, Congressional Research Service, Washington, 25 avril 2024.
8- Steven Scheer, « Israel sells record $8 billion in bonds despite Oct 7 attacks, downgrade », Reuters, 6 mars 2024.
9- Meir Orbach, « Nvidia continues Israel shopping spree with acquisition of Deci », Ctech, 25 avril 2024.
10- Sharon Wrobel, « EU financial arm to invest €900m in Israel, including Western Galilee desalination », The Times of Israel, 25 juin 2023.
11- Le coefficient de Gini qui s'établit à 0 quand il y a égalité parfaite et 1 pour une inégalité totale s'élève à 0,34, contre 0, 395 pour les États-Unis et 0,298 pour la France.
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Alors que Gaza est victime d’un génocide physique, la Cisjordanie est confrontée à un génocide économique

Alors que le monde est préoccupé par l'horrible génocide dans la bande de Gaza, Israël tue des centaines de Palestiniens, s'empare de plus en plus de terres et étrangle économiquement la Cisjordanie occupée.
Tiré de France Palestine Solidarité. Photo : L'armée israélienne attaque et détruit la ville de Jénine en Cisjordanie occupée, accompagnée de nombreux bulldozers, 30 mai 2024 © Quds News Network
Le 22 mai, à la suite des décisions de la Cour internationale de justice contre Israël et de la reconnaissance de la Palestine par trois pays européens, le ministre israélien des finances d'extrême droite, Bezalel Smotrich, a pris des "mesures punitives sévères" à l'encontre de l'Autorité palestinienne. Il a notamment bloqué le transfert des recettes fiscales perçues par Israël au nom de l'Autorité palestinienne, ce qui pourrait entraîner l'effondrement de cette dernière.
Depuis sa création dans le cadre des accords d'Oslo de 1993, l'Autorité palestinienne a été limitée par des accords politiques, économiques et de sécurité imposés par Israël et ses alliés. L'un des plus importants est l'accord économique de Paris de 1994, qui était censé être temporaire et durer cinq ans. Il a établi la dépendance de l'économie palestinienne à l'égard de l'économie israélienne et a donné à l'État d'occupation les moyens de rendre cet accord temporaire permanent. Pour l'essentiel, l'accord a intégré l'économie palestinienne dans celle d'Israël par le biais d'une union douanière, Israël contrôlant toutes les frontières, les siennes et celles de l'Autorité palestinienne. Cela signifie que la Palestine reste dépourvue de portes d'accès indépendantes à l'économie mondiale.
Cela signifie que la Palestine reste dépourvue de portes d'entrée indépendantes dans l'économie mondiale. Selon l'accord, le gouvernement israélien est chargé de collecter les taxes sur les marchandises importées en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, qu'il transfère au trésor de l'Autorité palestinienne en échange d'une commission de 3 %.
Il est supposé que cet argent sera transféré en douceur à l'Autorité palestinienne, à raison d'une moyenne de 190 à 220 millions de dollars américains par mois. L'AP compte sur ces fonds pour payer les salaires de ses employés et s'acquitter de ses obligations en matière de dépenses de fonctionnement de ses institutions.
La décision de M. Smotrich n'est pas la première que le gouvernement israélien prend à l'encontre de l'Autorité palestinienne et de l'économie palestinienne en général. Elle s'inscrit dans le prolongement d'une série de mesures déclarées et non déclarées visant à saper l'autorité. En effet, l'AP représente le gouvernement potentiel d'un futur État palestinien auquel les gouvernements israéliens successifs, qu'ils soient de droite ou de gauche, se sont toujours opposés.
Israël a toujours utilisé les recettes fiscales pour faire pression sur l'Autorité palestinienne et saper l'économie palestinienne ; il ne s'agit pas d'une réponse au 7 octobre.
Les transferts ont été bloqués sous de nombreux prétextes, dont celui de punir l'AP pour toute démarche politique qu'elle entreprend, comme l'adhésion à la Cour pénale internationale en 2015, par exemple. En effet, l'État d'occupation déduit systématiquement une partie des fonds depuis 2019, sous prétexte que l'AP verse des allocations aux familles des prisonniers et martyrs palestiniens, ce qu'Israël qualifie de "soutien au terrorisme".
Depuis le 7 octobre, le gouvernement d'occupation israélien a également déduit des recettes fiscales le montant que l'AP verse normalement à ses institutions dans la bande de Gaza, qui s'élève à environ 75 millions de dollars par mois, ce qui a entraîné une crise économique majeure. Il est clair qu'Israël veut séparer complètement la Cisjordanie de Gaza, bien que les deux soient des territoires palestiniens occupés et fassent partie de l'État palestinien indépendant envisagé.
En septembre de l'année dernière, le ministre palestinien des finances, Shukri Bishara, a annoncé qu'Israël retenait 800 millions de dollars à l'Autorité palestinienne. Selon les données du ministère des finances à Ramallah le mois dernier, le montant total des recettes fiscales retenues par Israël s'élevait à 1,6 milliard de dollars, soit l'équivalent de 25 à 30 % du budget annuel total de l'Autorité palestinienne.
Cette situation a entraîné un déficit financier sans précédent dans la trésorerie de l'Autorité palestinienne, menaçant sa capacité à fournir des services de base tels que la santé, l'éducation et la sécurité, et à payer les salaires des fonctionnaires qui reçoivent des salaires partiels depuis des années. En raison de ces déductions, le gouvernement palestinien n'a pas été en mesure de payer l'intégralité des salaires de ses employés depuis novembre 2021, alors qu'il s'était engagé à en payer 80 à 85 % jusqu'au déclenchement de la guerre contre les Palestiniens de Gaza. Ce pourcentage a progressivement diminué pour atteindre 50 % au cours des deux derniers mois. Les fonctionnaires sont désormais dans l'incapacité de s'acquitter de leurs obligations financières mensuelles envers les banques et les écoles.
Les institutions publiques palestiniennes ont réduit les heures de travail afin d'économiser de l'argent, ce qui a entraîné une réduction des services, notamment dans les domaines de la santé et de l'éducation dans les écoles et les universités. L'enseignement se fait principalement en ligne.
Les fonctionnaires palestiniens - dont je fais partie - n'ont pas reçu de salaire complet depuis 2021, et le total des arriérés dus équivaut à six mois de salaire complet. Collectivement, cela représente environ 750 millions de dollars, auxquels s'ajoutent 800 millions de dollars de dettes envers le secteur privé, ce qui a eu un impact majeur sur les hôpitaux privés et les sociétés pharmaceutiques. Incapable de remplir ses propres obligations financières, et avec un pouvoir d'achat réduit pour les biens et les services, le secteur privé du commerce et des services a été paralysé.
Outre les dépenses du gouvernement, en particulier les salaires des 147 000 fonctionnaires, l'économie palestinienne repose sur deux autres piliers qui ont été gravement endommagés depuis le 7 octobre : le marché du travail israélien et le secteur privé. Israël a empêché les travailleurs palestiniens d'entrer dans l'État d'occupation, ce qui signifie que 200 000 d'entre eux ont perdu leur unique ou principale source de revenus et sont au chômage.
Cette situation a réduit le pouvoir d'achat des familles palestiniennes, ce qui a eu un effet d'entraînement sur les entreprises privées et a augmenté le chômage. On estime à 500 000 le nombre de Palestiniens au chômage en Cisjordanie occupée, des milliers d'emplois ayant été perdus.
Le chômage atteint un niveau sans précédent
La diminution du soutien financier accordé à l'Autorité palestinienne par les États arabes a encore aggravé la situation. En outre, l'Autorité a atteint sa limite d'emprunt auprès des banques, ce qui a rendu encore plus difficile le paiement des salaires des employés, et le cycle des dépenses continue donc de s'effondrer.
Tout cela a conduit à la quasi-paralysie de l'économie palestinienne et à une forte pression sur les citoyens ordinaires qui ne peuvent plus trouver d'emploi et n'ont que peu ou pas d'économies pour couvrir les besoins de base. Cette situation risque de déclencher des crises sociales, politiques et économiques majeures.
À tout cela s'ajoute le fait qu'Israël a tué plus de 500 Palestiniens en Cisjordanie depuis octobre et en a arrêté 9 000, la plupart sans inculpation ni jugement. Les camps de réfugiés et les villes du territoire occupé ont vu leurs infrastructures vitales détruites dans le cadre d'actes vicieux de punition collective visant à saper les activités légitimes de lutte contre l'occupation.
Nous, Palestiniens de Cisjordanie occupée, avons honte de parler de notre situation à cause de l'horreur du génocide sans précédent qui se déroule sous nos yeux à Gaza. Nous préférons garder le silence pour ne pas détourner l'attention de ce qui se passe là-bas. Nous comprenons qu'Israël cherche à séparer Gaza de la Cisjordanie afin d'anéantir tout niveau de solidarité au sein d'une société palestinienne unie. Le fait est que nous, en Cisjordanie, préférerions mourir de faim avec nos frères de la bande de Gaza plutôt que de voir l'Autorité palestinienne cesser de remplir ses obligations à leur égard et à l'égard des familles des martyrs et des blessés.
Journaliste palestinien vivant à Ramallah, Fareed est agriculteur et militant politique et environnemental.
Traduction : AFPS
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Comment Biden s’est transformé en colombe

Afin que personne ne puisse imaginer qu'une révélation divine s'est abattue sur Biden et son administration, et qu'ils se sont repentis de leur collusion avec les auteurs du génocide... (traduit de l'arabe).
Gilbert Achcar
Professeur, SOAS, Université de Londres
Ainsi donc, après huit mois de génocide au moyen de bombardements intensifs de zones palestiniennes densément peuplées, qui ont coûté la vie à près de cinquante mille personnes, entre les morts qui ont été dénombrés et ceux qui sont encore sous les quarante millions de tonnes de gravats résultant de la destruction de près de 300 000 logements selon les estimations de l'ONU, sans parler des bâtiments publics, après toute cette férocité meurtrière et destructrice de « l'État juif » à côté de laquelle la férocité de « l'État islamique » semble plutôt modeste, et après des efforts continus pour faciliter ce génocide en s'opposant à tout projet de cessez-le-feu, c'est-à-dire de cessation du massacre, notamment en exerçant un droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU, voici Biden, le sioniste fier de l'être, insistant soudainement pour obtenir un cessez-le-feu au point de soumettre un projet de résolution à cet effet au Conseil de sécurité de l'ONU lundi dernier.
Afin que personne ne puisse imaginer qu'une révélation divine s'est abattue sur Biden et son administration, et qu'ils se sont repentis de leur collusion avec les auteurs du génocide, ils ont tenu à présenter leur projet de trêve, consistant en un cessez-le-feu temporaire et un échange de prisonniers, en prélude à des négociations visant à mettre fin à l'agression israélienne sur la bande de Gaza, comme s'il s'agissait d'un projet qui avait l'approbation d'Israël, voire même un projet israélien, de sorte que la responsabilité de son échec à entrer en vigueur retombe sur le seul Hamas. C'est de la pure hypocrisie, puisque Netanyahu n'a jamais officiellement annoncé son approbation du projet, mais a agi jusque là comme voulant s'en dissocier. De leur côté, les dirigeants politiques du Hamas ont fait preuve de perspicacité et de compréhension du jeu en s'empressant de saluer la résolution du Conseil de sécurité et d'exprimer leur volonté de négocier les termes de sa mise en œuvre, renvoyant ainsi la balle dans le camp du gouvernement sioniste après que l'administration américaine ait tenté de la confiner dans leur propre camp.
C'est parce que le gouvernement sioniste est dans un état de confusion. Si Netanyahu avait publiquement accepté le projet de trêve, Gantz et son groupe n'auraient pas décidé de mettre fin dimanche à leur participation au cabinet de guerre. Ils ont attribué leur retrait à la réticence de Netanyahu à accepter le projet de trêve et à fixer des conditions pour mettre fin à la guerre qui soient conformes aux intérêts israéliens et aux souhaits du parrain américain. En vérité, l'objectif de la récente initiative de Washington au Conseil de sécurité n'est pas de faire pression sur le Hamas, mais plutôt de faire pression sur Netanyahu pour qu'il accepte le projet officiellement et publiquement. Ceci en deuxième lieu, mais en premier lieu, Biden déploie des efforts pour montrer à cette partie importante de l'opinion publique américaine qui est bouleversée par la guerre génocidaire menée par l'État sioniste, et qui constitue une proportion importante des électeurs traditionnels du Parti démocrate, qu'il est sérieux dans ses efforts pour arrêter la guerre.
L'administration américaine intensifiera la pression sur Netanyahu pour qu'il accepte la trêve temporaire, dont ils savent tous qu'elle ne durera pas plus de quelques semaines (comme expliqué la semaine dernière dans « La trêve à Gaza et les dilemmes de Netanyahu et du Hamas », 4/6/2024), et pour qu'il mette fin à sa dépendance envers les « néonazis » de son gouvernement et accepte l'offre de ses rivaux Gantz et Lapid de former un gouvernement d'unité nationale incluant le Likoud, les deux principaux partis d'opposition, ainsi que d'autres groupes sionistes moins extrémistes que ceux de Ben-Gvir et Smotrich. Que cela se produise ou non, Biden a besoin de ressembler à un faucon qui s'est transformé en colombe, afin d'atténuer les manifestations contre lui qui devraient perturber la Convention nationale démocrate en août prochain (19-22) à Chicago, lorsque le Parti démocrate adoptera officiellement ses candidats à la présidence et à la vice-présidence.
Voilà le secret de la métamorphose de Biden, d'un partenaire clé dans la guerre génocidaire sioniste en un défenseur de la paix. Si cette mutation est un hommage à l'importance du mouvement de protestation contre la guerre aux États-Unis, nous ne pouvons ignorer sa nature opportuniste et hypocrite et le fait que Biden, Gantz et leurs entourages diffèrent avec Netanyahu sur la manière de liquider la cause palestinienne après avoir perpétré conjointement la « Seconde Nakba », et non sur l'objectif de la liquidation lui-même.
Traduction de ma tribune hebdomadaire dans le quotidien de langue arabe, Al-Quds al-Arabi, basé à Londres. Cet article est paru le 11 juin en ligne et dans le numéro imprimé du 12 juin. Vous pouvez librement le reproduire en indiquant la source avec le lien correspondant.
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USA : les contradictions de la politique étrangère de Biden

Au cimetière américain de Normandie, en France, lors d'un discours prononcé à l'occasion du 80e anniversaire du jour J, Joe Biden a appelé l'alliance occidentale à s'unir une fois de plus pour défendre la liberté et la démocratie contre « un tyran déterminé à dominer », c'est-à-dire Vladimir Poutine et sa guerre contre l'Ukraine.
Hebdo L'Anticapitaliste - 712 (12/06/2024)
Par Dan La Botz
Crédit Photo
Wikimedia commons
Les contradictions de la politique étrangère de Joe Biden ont été mises en évidence tant à l'étranger qu'à l'intérieur du pays le week-end dernier.
La liberté et la politique de Netanyahou
Le président américain a demandé à l'auditoire : « Allons-nous nous dresser contre la tyrannie, contre le mal, contre la brutalité écrasante de la poigne de fer ? » Pendant ce temps, des dizaines de milliers de PalestinienNEs et leurs alliés ont encerclé la Maison Blanche avec une liste de noms de milliers de PalestinienNEs tués par la main de fer à Gaza. Ces noms étaient inscrits sur une bannière rouge symbolisant les lignes rouges fixées par Joe Biden, et que le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou continue d'ignorer et de franchir.
L'affirmation de Biden selon laquelle les États-Unis sont toujours le leader d'un monde libre et démocratique qui galvanise les alliés européens de l'Amérique pour s'opposer à un dictateur déterminé à conquérir, entre en contradiction avec le fait que les États-Unis soutiennent Israël. C'est un fossé qui divise les électeurEs démocrates. Le candidat républicain Donald Trump a uni son parti et sa base autour de sa personnalité charismatique et autoritaire et son programme réactionnaire qui menace de saper et de détruire la démocratie américaine. La campagne de Joe Biden repose en grande partie sur la promesse de défendre la démocratie et la liberté — celle des femmes de choisir l'avortement, de vote, d'organiser un syndicat ou une manifestation pour les droits civiques — menacées par une victoire de Trump.
Le parti démocrate est soumis à d'énormes pressions, en grande partie à cause du soutien de Biden à Israël. Le groupe parlementaire progressiste a fait pression sur Biden pour qu'il freine Israël et instaure un cessez-le-feu, mais le groupe lui-même s'est divisé sur ces questions. Les neuf membres du groupe de gauche, dont quatre de DSA, les Socialistes démocrates d'Amérique, ont adopté les positions les plus critiques à l'égard de la politique de soutien de Biden à Israël, même s'ils répugnent à critiquer le président de manière trop virulente, de peur de compromettre sa réélection. D'autre part, certains représentantEs ont quitté le Progressive Caucus parce qu'ils estiment qu'il est trop critique à l'égard d'Israël.
Politique migratoire
Une autre contradiction profonde entre la rhétorique et la politique se trouve dans la politique d'immigration de Biden. Dans un récent discours sur la politique migratoire, Biden a déclaré, pour se distinguer de Trump, « je ne diaboliserai jamais les immigrés. Je ne dirai jamais des immigrés qu'ils “empoisonnent le sang” d'un pays ».
Ces mots ont été prononcés lors de l'annonce par Biden de l'adoption d'une politique de restrictions plus sévères à l'égard des migrantEs demandant l'asile à la frontière mexicaine, une politique qui ressemble beaucoup à celle de Trump. Lorsque le niveau de 2 500 sans-papiers par jour sera atteint, ce qui arrive presque tous les jours, la frontière leur sera complètement fermée.
À 150 jours de l'élection, les républicains s'unissent autour de Trump, malgré sa récente condamnation pour crime, tandis que les démocrates se fragmentent en raison du manque de cohérence politique et morale de Biden.
Traduction par la rédaction
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Les personnes migrantes ne sont pas la source de tous les maux de la société québécoise

Alors qu'il n'avait pas daigné aborder la question des immigrants temporaires lors de la consultation sur la planification pluriannuelle de sa politique migratoire, le gouvernement Legault cible les travailleurs et les travailleuses migrantes temporaires comme la source de tous les maux de la société québécoise.
La réalité de l'immigration dans le monde d'aujourd'hui
« Les migrations constituent un phénomène propre aux sociétés humaines, mais qui ont pris des formes différentes à différentes périodes de l'histoire. À l'heure où les conflits se multiplient, où les inégalités et l'exclusion sociale atteignent des sommets et où l'environnement se dégrade à grande vitesse, il est totalement illusoire d'imaginer que les flux migratoires baissent ou diminuent. » [1]. Ces situations du sud global sont les résultats et les conséquences d'une politique de pillage.
La situation internationale actuelle provoque le déplacement de populations où se concentrent les conflits (Asie, Afrique et Proche-Orient) et où la misère est le lot d'une bonne partie de la population (Amérique centrale et du Sud). Si ce sont les pays du Sud qui accueillent une bonne partie des migrant-es, l'Europe et l'Amérique du Nord reçoivent une bonne partie des populations qui se déplacent.
La montée des migrations s'explique par le fait que des personnes ne trouvent pas la possibilité de vivre dignement là où elles se trouvent. Si on ajoute aux causes économiques et sociales les conséquences de la crise climatique sur les déplacements des sociétés humaines, l'attitude la moins réaliste est celle du refus de se préparer et de planifier les déplacements de population qui s'annoncent.
Une politique de l'immigration choisie pour les besoins du capital
La réponse des dirigeant-es des pays du Nord a été de limiter l'immigration à celle choisissant de répondre aux besoins économiques des entreprises et à l'accueil parcimonieux des demandeur-euses d'asile d'une part et de transformer leurs pays en véritables forteresses contre les immigrant-es qui ne correspondent pas aux normes satisfaisant aux besoins du capital. Les dirigeant-es politiques de ces pays ont cherché à couvrir ces politiques antihumanistes par une démagogie relevant de la xénophobie et du racisme.
La politique migratoire de la CAQ s'est toujours inscrite dans des orientations néolibérales
La politique migratoire de la CAQ vise non seulement à un arrimage serré de l'immigration avec le marché du travail, mais surtout à répondre de plus en plus étroitement aux besoins des entreprises. Elle a visé à favoriser l'immigration en région, ce qui a plus ou moins fonctionné car 85% des immigrant-es s'établissent dans la grande région de Montréal.
Si les demandeur-euses d'asile ne sont pas sous leur responsabilité, le gouvernement de la CAQ trouve que le Québec reçoit trop de ces réfugié-es par rapport aux autres provinces et souhaite un rééquilibrage à ce niveau. Mais il souhaite également que le gouvernement fédéral établisse des critères plus restrictifs pour diminuer l'accueil de réfugié-es. Le gouvernement Legault veut diminuer le nombre de réfugié-es que reçoit le Québec.
Il souhaite faire de la connaissance du français une condition de l'acceptation de personnes demandant l'immigration permanente. Mais il souhaite aussi maintenant que cette exigence touche également les travailleurs et travailleuses temporaires.
Le gouvernement de la CAQ a toujours utilisé la crainte de l'immigration pour se créer une rente électorale
Aux élections de 2018, la CAQ à proposé de réduire les seuils d'immigration (permanente) à 40 000 personnes par année. Ce parti a défendu qu'il fallait augmenter la part de l'immigration économique choisie aux dépens du regroupement familial et de l'immigration des demandeur-euses d'asile. Pour s'assurer de la réalisation de ces objectifs et faire la preuve de son nationalisme, il a demandé le transfert de tous les pouvoirs en immigration dans les mains du gouvernement du Québec.
Aujourd'hui, il reprend la même chanson. Alors qu'il est responsable d'une bonne partie de la politique migratoire et de la situation des personnes migrantes, il veut faire du gouvernement fédéral le responsable de la montée de l'immigration des travailleurs et travailleuses temporaires, alors qu'il a été lui-même le principal responsable de cette politique qui visait à répondre aux besoins de certains secteurs de l'économie. C'est son gouvernement qui a laissé se développer une immigration de travailleurs et de travailleuses temporaires dont les droits et la protection sociale ne sont pas au rendez-vous dans les secteurs des travaux agricoles, dans l'hôtellerie, la restauration, la transformation alimentaire, la construction et le commerce de détail. Cette politique a assigné ces travailleurs et travailleuses migrantes à un segment surexploité et précarisé du marché du travail [2]
Ces travailleurs-euses temporaires sont l'objet d'une exploitation éhontée. Ils vivent des conditions de travail difficile. Ils sont souvent liés par leur permis de travail à un patron particulier qui peut jouer de leur statut pour les menacer de les retourner dans leur pays d'origine. Leur statut ne leur permet pas d'aspirer à une résidence permanente et ils sont privés de droits fondamentaux. Comme personnes souvent racisées, ils et elles subissent des discriminations raciales.
Legault place la responsabilité des problèmes de la société québécoise sur les dos des personnes migrantes
« Quand on n'est plus capable de loger des familles, quand on n'est plus capable de scolariser des enfants, quand on n'est plus capable d'avoir accès à des services de santé, qu'on n'est plus capable de freiner le déclin du français, on est dans une situation d'urgence », a dit M. Legault. [3]
Ce sont des propos irresponsables. Le premier ministre Legault fait un lien entre l'immigration et à peu près tous les dossiers imaginables comme l'affirmait la députée de Québec solidaire, Christine Labrie. Le trop grand nombre d'immigrant-es serait responsable de la crise du logement, de la pénurie d'enseignant-es, des difficultés d'accès aux services de santé ou de garderies. Même le développement de l'itinérance aurait pour cause le nombre de personnes migrantes en territoire québécois. Et sans doute que le nombre de personnes migrantes serait aussi la cause du déclin du français. Ce sont là des propos démagogiques qui simplifient la réalité des problèmes, rend plus difficile d'identifier les sources véritables des problèmes et bloque les voies de leur dépassement.
Cette démagogie contre les personnes migrantes les plus précaires, permet au premier ministre d'escamoter les problèmes véritables comme la concentration de la richesse, le sous-investissement en santé et en éducation, une offre de logements qui ne répond pas aux besoins de la population, l'inflation liée à la volonté des monopoles de faire le maximum de profits en haussant les prix, le refus des plus riches de payer leur juste part, l'urgence de se mobiliser contre la crise climatique, etc.
Les discours des partis d'opposition
Le PLQ n'a qu'une préoccupation. Défendre une politique d'immigration choisie pour répondre aux besoins du patronat. Pour ce qui est de l'élargissement des droits des demandeurs-euses d'asile ou de l'amélioration des conditions de travail de travailleurs et travailleuses temporaires, cela n'entre pas dans le cadre de ses réflexions. Ce parti ne se préoccupe pas de la régularisation des sans-papiers. Car l'existence de ces derniers permet d'offrir au patronat une main-d'œuvre sans droits.
Le chef du PQ, Paul St-Pierre Plamondon avait tenu à plusieurs reprises des propos faisant des personnes migrantes les causes des problèmes de la société québécoise.
Aux dernières élections québécoises, il s'était montré le plus résolu sur la limitation des seuils pour l'immigration permanente à 35 000 personnes par année.
Durant la dernière campagne électorale, Québec solidaire n'a malheureusement pas rompu avec une vision utilitariste et nationaliste d'une politique migratoire. Il a proposé essentiellement de mettre en place une série de mesures pour favoriser l'installation des personnes migrantes en région. On aurait pu s'attendre à une critique de l'ensemble de la politique du gouvernement Legault en immigration et à une rupture avec la logique utilitariste brimant les droits des personnes migrantes, mais tel n'a pas été le cas. Il a joué le jeu de la nécessité d'un quota. Le moins que l'on puisse dire, c'est que QS s'est positionné en deçà des revendications de nombre d'organisations communautaires et syndicales et n'a pas rompu avec la logique des seuils.
En janvier dernier, Québec solidaire rentrait dans le jeu de stigmatiser le trop grand nombre d'immigrant-es. 528 000 immigrants temporaires c'est trop, a déclaré Gabriel Nadeau-Dubois [4] Dénoncer les conditions de vie et de travail qui leur sont faites est une chose, mais viser leur nombre sans préciser le chemin de leur régularisation en est une autre. À ce niveau également, des débats sérieux devront être menés dans Québec solidaire.
Donner une réponse humaniste aux migrations
Les migrations vont se faire. Les politiques migratoires ne peuvent se résumer à des politiques basées sur l'immigration choisie. Mais il faut éviter les migrations clandestines qui feront qu'une partie significative de la population se retrouverait sans papiers et sans droits, à la merci des décisions arbitraires des autorités et des patrons.
Pour éviter cela, il faut ouvrir les frontières et réguler l'immigration à partir de constats précis : la migration est une richesse et le contrôle des frontières est inefficace et contre-productif. L'ouverture des frontières ne signifie pas que les flux migratoires ne sont pas régulés, mais que cette régulation se fait à partir des conditions et des principes qui affirment que les immigrant-es sont une richesse et que fermer les frontières est inefficace et inhumain. Ces personnes sont un apport au niveau économique, social et culturel, car elles sont porteuses d'une diversité qui enrichit la société qui les accueille.
En somme, il faut défendre l'égalité des droits : droit de s'installer durablement, de travailler, de recevoir un salaire égal pour un travail égal, d'acquérir la nationalité et de voter.
Adopter une telle attitude, c'est faire primer les droits de la personne sur les besoins du capital et dépasser une immigration conforme aux seuls intérêts des grandes entreprises. Agir ainsi, c'est empêcher que se développe une population d'étranger-ères de l'intérieur avec toutes les paniques identitaires qui s'y rattachent. Face aux crises qui taraudent la planète et qui provoqueront une accélération des migrations, il faut prendre le problème à bras le corps et le faire dans une perspective radicalement humaine.
Des revendications concrètes pour opérationnaliser ces orientations :
Toute une série de revendications a été avancée par les organisations syndicales, populaires et antiracistes. Nous n'en mentionnons ici que quelques-unes. Elles indiquent la voie des luttes concrètes qu'il faut mener pour que la liberté de circulation et d'installation puisse se concrétiser. Il faut :
• arrêter les expulsions et les emprisonnements des immigrant-es
• régulariser les sans-papiers pour éviter de bâtir des couches surexploitées de personnes sans droits à l'intérieur du Québec
• mettre fin aux permis de travail fermés
• adopter des mesures facilitant l'accès à la résidence permanente
• élargir l'accueil de réfugié-es et la réunification familiale.
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[1] Olivier Bonfond, il faut tuer TINAN, 200 propositions pour rompre avec le fatalisme et changer le monde, Édition du Cerisier, 2017, p. 311
[2] Marie-Hélène Bonin, Le Québec, de terre d'accueil à club privé, Nouveaux Cahiers du Socialisme, no.27, hiver 2022
[3] Hugo Pilon-Larose, La Presse, 10 juin 2024
[4] François Carabin, La Presse canadienne, 25 janvier 2024

La lutte de lignes ne fait que commencer

Le consensus médiatique à la suite du Conseil national de Québec solidaire tenu du 24 au 26 mai dernier à Jonquière est que la crise interne du parti est résorbée alors que le porte-parole masculin et chef parlementaire, Gabriel Nadeau-Dubois, en est sorti gagnant en faisant adopter sa ligne « pragmatique » visant à faire de QS « un parti de gouvernement ».
Or, si l'aspect spectaculaire de la crise interne, fait de déclarations et lettres dissidentes dans les médias, est terminé, la réalité est qu'une dissidence vocale et bien organisée s'est non seulement exprimée au CN mais a réussi à obtenir des gains mineurs qui sont autant de balises à partir desquelles la lutte interne se poursuivra contre l'orientation dite « pragmatique ».
Dissidence organisée et vocale
Il faut se rappeler que la crise interne a éclaté le 29 avril avec la démission fracassante et publique de la porte-parole féminine, Émilise Lessard-Thérien, soit moins de quatre semaines avant la tenue du CN. La crise a pris toute une autre tournure quand le chef parlementaire deux jours plus tard a lancé un ultimatum à l'effet que QS devait adopté une posture pragmatique afin de devenir « un parti de gouvernement » ou bien il pourrait reconsidérer son parcours politique. [1] Un tollé public et interne s'en est suivi durant lequel on a pu observer l'émergence de trois réseaux de dissidence dans le parti. Un premier constitué autour de la Commission nationale des femmes (CNF) accusant le chef parlementaire d'avoir centralisé le pouvoir autour de sa personne et d'avoir muselé sa co-porte-parole ainsi que l'ex députée Catherine Dorion. Un deuxième réseau provenant de militants et militantes des régions très fortement déçus du départ d'Émilise. Et finalement, un réseau de gauche voulant faire de QS un parti anti-capitaliste, démocratique et proche des mouvements sociaux.
Or, le défi était de coordonner ces divers réseaux pour que s'exprime de façon cohérente l'opposition à l'orientation prônée par le chef parlementaire. Ce défi était de de taille car la direction du parti a refusé obstinément de tenir un débat ouvert sur la stratégie du parti forçant les discussions sur un terrain qu'elle avait balisé elle-même soit la Déclaration de Saguenay et la proposition de réécriture du programme du parti. La stratégie adoptée par la dissidence a été de recadrer la Déclaration de Saguenay pour qu'elle ne soit plus le socle d'un nouveau programme, telle que le désirait la direction, mais plutôt la synthèse d'une tournée de régions sans incidence programmatique. Quant à la refonte du programme, la dissidence a réussi à éliminer les mots « modernisation » ou « réécriture » pour y substituer le terme de « réactualisation ». Ce sont là de modestes gains, qui du point de vue externe ou des médias apparaissent très limités, mais leur signification est ailleurs. C'est à l'interne qu'il faut mesurer leur impact.
Quatre terrains de lutte
Pour la première fois depuis trois ans un courant d'opposition articulé et public s'exprime à l'encontre de la stratégie de recentrage politique électoraliste, et de personnalisation autour du porte-parole masculin, que pratique la direction du parti. Au lieu de ressortir aigrie et déçue du dernier Conseil national, la dissidence, bien au contraire, désire se préparer à mener une lutte de lignes prolongée au sein de Québec solidaire.
Quatre terrains de luttes s'ouvrent devant ce courant d'opposition. Le premier terrain est celui de la campagne pour le choix d'une nouvelle porte-parole féminine de QS qui s'annonce dès septembre. Ce sera l'occasion idéale pour rappeler les critiques formulées tant par Émilise que Catherine Dorion portant sur la centralisation du pouvoir autour de GND et du muselage des voix féminines dissidentes, et pour exiger l'égalité en fait de la porte-parole féminine avec le porte-parole masculin. Certaines militantes veulent soulever à cette occasion l'idée de l'alternance homme-femme afin que la nouvelle porte-parole féminine soit la représentante du parti au débat des chefs lors de la prochaine campagne électorale.
Le deuxième terrain est celui de la refonte du programme. Bien que la direction tentera par tous les moyens à limiter et circonscrire ce travail à des comités ou instances qu'elle peut contrôler, la dissidence doit au contraire proposer des lieux de débats larges et démocratiques, se tenant dans toutes les régions, afin que les membres à la base et les sympathisants puissent participer à ce processus. Sur le fond de la question, alors que nous savons fort bien que la direction cherche à éliminer les références au dépassement du capitalisme ainsi qu'au propositions de nationalisations, il faudra formuler nos propres propositions de réactualisation du programme afin de renforcer son caractère de rupture avec le système actuel.
La troisième piste de travail est la modification des statuts devant être discutée au congrès de novembre prochain. Il faut s'assurer que les mécanismes démocratiques et participatifs de QS soient renforcés et non amoindris par la vision d'un parti centralisé et dominé par son aile parlementaire, que l'on tentera de nous imposer.
Et finalement, le quatrième terrain de lutte portera sur l'organisation interne de la dissidence afin qu'elle puisse s'exprimer tant dans les structures de base du parti (associations locales et régionales, réseaux militants) que les comités de travail nationaux (commission politique, commission des femmes) avec comme objectif d'être fortement représentée dans les futurs congrès et conseils nationaux. Un élément important sera l'articulation de la vision politique (anti-capitaliste, féministe, écologique et démocratique) de cette dissidence afin qu'elle puisse s'exprimer de façon cohérente et gagner des appuis au sein de QS.
D'ores et déjà nous pouvons affirmer que l'opposition actuelle présente quelque chose de nouveau dans Québec solidaire. Alors que par le passé, les débats intenses qu'a connu le parti portaient sur des questions particulières comme les alliances électorales avec le PQ, la position sur la loi 21 et notre vision de la laïcité ou bien la fusion avec Option Nationale, la lutte actuelle porte sur la stratégie globale de Québec solidaire. Au centre du présent débat est la question brulante de l'avenir du parti. Sera-t-il une formation électoraliste, social-démocrate, orientée vers la gouvernance du système actuel ou bien un authentique parti des urnes et de la rue, proche des mouvements sociaux et des classes populaires, voulant transformer en profondeur et radicalement la société québécoise ? Une authentique lutte de lignes est engagée dans Québec solidaire.
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[1] Voir l'entrevue avec Gabriel Nadeau-Dubois publiée par Radio-Canada le 1er mai 2024, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2069414/gabriel-nadeau-dubois-avenir-quebec-solidaire

Hydro-Québec, base de notre indépendance

Samedi le 8 juin dernier, le Mouvement Québec Indépendant organisait une conférence sur la politique énergétique du gouvernement de la CAQ. « Aujourd'hui on assiste à un mouvement inverse où s'accélère le processus de privatisation de notre production électrique. Alors que la question de l'indépendance revient à l'avant-scène politique en vue de l'élection de 2026, peut-on faire l'indépendance en continuant ainsi de dilapider notre principale richesse naturelle ? Poser la question c'est y répondre. »
Nous avons retenu deux présentations : celle de Robert Laplante qui a brossé l'historique du « processus de privatisation et qui en a souligné les impacts négatifs majeurs » et celle de Martine Ouellet qui a mis « en évidence le front de résistance en train d'émerger actuellement en faveur du maintien d'Hydro-Québec sous le contrôle public. »
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Robert Laplante
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Martine Ouellet
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Northvolt : Les citoyen.nes s’organisent

Le Comité Action Citoyenne - Projet Northvolt, un groupe de citoyennes et citoyens bénévoles ayant à cœur, comme vous tous, de protéger la SANTÉ, la VIE et le VIVANT, vient de lancer une campagne de sociofinancement. Notre objectif est de recueillir 20 000$.
2024/06/05 | Par Collectif
Les fonds serviront dans un premier lieu à ce que des prises d'échantillons citoyens, sous la supervision d'un expert, soient faites selon les méthodes scientifiquement reconnues et que ces échantillons soient analysés par un laboratoire indépendant, afin que l'entreprise et le gouvernement n'aient d'autre choix que de reconnaître les résultats.
Cette levée de fonds vise aussi la création d'un fonds générationnel pour assurer une surveillance citoyenne pour la santé et le bien être des générations à venir, car cette surveillance citoyenne devra avoir lieu sur une base continuelle pour de nombreuses décennies
Dans un deuxième temps ces fonds serviront à consulter un avocat spécialisé en droit municipal afin de savoir exactement comment et pourquoi le droit fondamental à un référendum nous a été enlevé et comment nous pouvons être assuré.es que les décisions présentes et futures dans le projet en cours, suivent les procédures normales et surtout légales. Nous voulons aussi obtenir les avis légaux nécessaires pour que la démocratie de notre société soit respectée et protégée.
Nous avons besoin de votre soutien afin de protéger notre source d'eau potable. Pour contribuer, cliquez ici.
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