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Préface de Silyane Larcher au livre de Philomena Essed : Comprendre le racisme au quotidien

Madeline est directrice du département juridique de la filiale française d'une multinationale japonaise1. Près d'une vingtaine de personnes, secrétaires, analystes financiers et avocat·es, travaillent sous ses ordres. À l'exception du personnel de sécurité et de ménage, elle est la seule salariée noire de l'entreprise. Les personnes qui l'ont embauchée sont étasuniennes et japonaises. Ses employeurs sont très satisfaits de ses compétences et de son travail. Pourtant lorsqu'elle se déplace en Suisse ou au Luxembourg pour représenter le groupe afin d'établir de gros contrats, elle rencontre toujours des réactions spontanées, souvent contenues, parfois explicites, d'étonnement. Elle n'est jamais celle à laquelle client·es ou collaborateur·trices s'attendaient a priori. Ce qui dans ce monde très socialement privilégié peut occasionner quelques quiproquos. Les contrôleurs de train inspectent méthodiquement ses papiers d'identité lorsqu'elle voyage en classe business. Un matin où elle se rendait plus tôt qu'à l'accoutumée au bureau, habillée en leggings et en baskets afin de profiter de la salle de sport du dernier étage de l'immeuble de l'entreprise, l'un des gardiens l'intercepte avant qu'elle ne monte dans l'ascenseur. Il craignait une intrusion inopportune dans les lieux. Pourtant, elle avait utilisé son badge pour entrer… Comme ses revenus confortables le lui autorisent, il lui arrive de se rendre dans des boutiques de luxe de l'avenue Montaigne à Paris pour faire du shopping. Elle est très souvent suivie de près par les vigiles qui anticipent un possible vol ou alors les vendeuses s'adressent spontanément à elle en anglais, persuadées qu'elle est Africaine-Américaine. Pourtant, Madeline est d'origine guadeloupéenne, donc Française.
Maman d'une petite Ana de 10 ans, elle reçoit aussi les plaintes de sa fille qui s'est vue écartée d'un concours très sélectif de danse classique en raison de ses courbes, jugées trop « généreuses pour une fillette de son âge », et de sa coiffure, tenue pour non conforme aux exigences de la scénographie d'un prestigieux ballet ; sans parler de ces moments d'amusements où les petits camarades d'Ana lui intiment, dans des jeux de rôles, d'occuper la position de servante « pour rigoler », entraînant chez cette dernière incompréhension et désolation. Ces situations saturent la vie quotidienne de cette Française cadre supérieure racialisée comme noire dans ses activités les plus ordinaires, qu'elles soient professionnelles, familiales ou de loisir. Leur accumulation et leur caractère routinier décrivent ce que Philomena Essed qualifie de « racisme quotidien », objet du présent livre, qui définit aussi ce que c'est d'être « racisé·e », terme issu de la sociologie française entré au dictionnaire de la langue française en 2019.
Dans un contexte français où les notions d'« intersectionnalité » et de « racisme systémique » se banalisent dans le vocabulaire politique courant, autant qu'elles font l'objet de controverses politiques et universitaires, il faut se réjouir que les lectrices et lecteurs français·es et francophones puissent découvrir le travail pionner de Philomena Essed. Rendu désormais accessible par une remarquable traduction de Damien Trawalé et Patricia Bass, sous le titre Comprendre le racisme quotidien. L'étude que l'on va lire ici a une histoire et une postérité particulières à l'étranger d'abord, mais aussi en France dans une certaine mesure. J'y reviendrai. Pour comprendre le caractère en son temps pionnier de la recherche dont ce livre est tiré, il faut néanmoins dire quelques mots du contexte dans lequel elle a vu le jour.
Sociologue née aux Pays-Bas de parents de la classe moyenne supérieure, originaires du Suriname (ou Guyane Hollandaise), Philomena Essed a passé sa vie entre cette ex-colonie2néerlandaise d'Amérique du Sud où elle a grandi, les Pays-Bas où elle arrive avec sa famille à l'âge de 14 ans, et les États-Unis où elle réside depuis plus de vingt ans3. Dans ces circulations transatlantiques, le racisme et l'analyse critique de la race, les engagements féministes et en faveur de la justice sociale, ont été indissociablement au cœur de ses préoccupations politiques, sociales et scientifiques. C'est comme étudiante en anthropologie sociale, à la frontière entre monde immigré – condition qui ne fut pas vraiment la sienne, mais définissait plutôt celle de ses parents et de son entourage – et monde intellectuel néerlandais, c'est-à-dire national et bourgeois, qu'elle s'est intéressée à la question raciale, et plus singulièrement à l'expérience vécue du racisme aux Pays-Bas. Basé sur une enquête qualitative par entretiens approfondis et non-directifs conduits à la fin des années 1980 auprès de 55 femmes afro-descendantes diplômées du supérieur, réparties entre les Pays-Bas et les États-Unis (la Californie),Comprendre le{} racisme quotidien est devenu un classique de la sociologie du racisme et des études de genre outre-Atlantique en raison de son approche novatrice du racisme et des dynamiques de racialisation. Après une précédente recherche menée à une plus petite échelle auprès de femmes migrantes de milieux sociaux variés, originaires du Suriname vivant aux Pays-Bas, Philomena Essed a étendu son exploration de l'expérience vécue du racisme auprès de femmes de même origine migratoire, mais de classes moyennes supérieures, et auprès de femmes Africaines-Américaines, également de classes moyennes supérieures. En s'inscrivant au croisement de la psychologie sociale, de la sociologie et de l'analyse de discours, ce travail venait bousculer les approches dominantes du racisme et des relations entre groupes racialisés qui se concentraient le plus souvent soit sur l'étude des préjugés et des croyances raciales, soit sur l'étude des manifestations institutionnelles du racisme, notamment sous le prisme de l'approche par les discriminations et les politiques publiques. Autre élément majeur du début des années 1990, Philomena Essed venait défier le consensus politico-moral, ancré dans l'opinion majoritaire néerlandaise, qui affirmait que les Pays-Bas étaient – en dépit d'une histoire coloniale qui embrassait la traite esclavagiste atlantique et la colonisation de l'Afrique du Sud ! – un pays de traditions culturelles pluralistes peu touché par le racisme, alors identifié à une réalité historique des États-Unis. Le choix de comparer, au niveau de la recherche doctorale dont sera plus tard tiré ce livre, l'expérience vécue de femmes afro-descendantes diplômées des Pays-Bas et des États-Unis ne doit rien au hasard. Il s'agissait pour la jeune chercheuse, d'une part de contourner l'idée admise que le racisme relevait d'une idéologie du rejet ou de la haine peu présente parmi les élites occidentales cultivées, dites éclairées et progressistes, et d'autre part, de contester l'autre idée de sens commun selon laquelle le racisme se traduirait essentiellement par des discriminations, c'est-à-dire l'inégal accès à des droits et à des opportunités (logement, travail, accès à la santé, etc.).
En se penchant prioritairement sur des femmes noires et métisses de classe moyenne supérieure, souvent universitaires, la sociologue s'est de surcroît donné les moyens d'abstraire l'interprétation de l'expérience de la racisation de logiques d'infériorisation d'emblée déterminées par les conditions socio-économiques de vie des personnes qu'elle a interrogées. De manière très heuristique, cette stratégie méthodologique vient opposer un démenti à la thèse, très en vogue en France – où la recherche s'est longtemps concentrée sur le vécu des travailleuses et travailleurs issu·es de l'immigration postcoloniale, surreprésenté·es dans les classes populaires –, qui assimile les logiques de racialisation à des mécanismes symboliques, parmi d'autres, de mise à l'écart des classes subalternes. Ainsi, là où d'aucuns voudraient voir des logiques de race dans la production des discriminations et des inégalités sociales se trouverait en vérité une reconfiguration de la lutte des classes4. À l'instar de l'expérience de Madeline présentée en ouverture de ce texte, les résultats des travaux de Philomena Essed nous enseignent que les classes supérieures diplômées non-blanches n'échappent pas à des logiques de racialisation, de minorisation, de contrôle, de mise à l'écart et de subalternisation, donnant toute son épaisseur, sa multi-dimensionnalité et son hétérogénéité au « racisme quotidien ». Enfin, focaliser l'analyse sur les femmes a pour autre vertu heuristique d'inscrire la compréhension du racisme de facto dans sa relation coextensive avec le genre. Sans que Philomena Essed forge le concept à peu près contemporain d'« intersectionnalité » – que l'on doit à Kimberlé Crenshaw (1989) –, elle théorise toutefois l'imbrication du genre et de la race dans les rapports sociaux de pouvoir qu'elle qualifie de « racisme genré » (gendered racism). Il faut en effet souligner la dimension véritablement imbriquée, indissociable, de l'identité genrée et de l'assignation raciale dans l'approche du racisme menée ici, tant une réception devenue courante de l'intersectionnalité en France tend à laisser croire que l'analyse intersectionnelle consisterait en l'analyse d'une concaténation ou combinatoire de segments sociaux (classe, race, genre, âge, etc.) juxtaposés dont l'élucidation permettrait de rendre compte de la domination sociale5. Il n'y a donc pas d'un côté le racisme et de l'autre, le sexisme que les chercheur·euses devraient se donner pour tâche de démêler. Au contraire, l'autrice considère qu'il est analytiquement difficile – sinon impossible – de distinguer dans l'expérience de la racisation les aspects qui relèveraient strictement de l'assignation raciale et à l'opposé, ceux qui ne relèveraient que de l'oppression sexiste. Ainsi, uniment race et genre procèdent ensemble des modalités par lesquelles la racisation, dans un contexte spécifique, inscrit un sujet social identifié à un groupe essentialisé dans une place, un rôle ou une fonction fantasmée et généralement à la fois subalterne et genrée.
Ce sont les limites de sa socialisation d'étudiante féministe qui ont confronté Philomena Essed à ses premières interrogations touchant spécifiquement au racisme. Cette précision est importante. Car depuis cette position singulière, la conscience des points aveugles du « nous » rassembleur du mouvement féministe néerlandais a conduit la jeune chercheuse, au début des années 1980, à interroger l'expérience des femmes afro-surinamaises des classes populaires et moyennes parmi lesquelles elle gravitait. On aurait pu croire que l'analyse féministe aurait conduit à l'analyse antiraciste. Tout autre chose s'est pourtant joué dans cette position à la fois politique et épistémique ou « positionnalité » (positionality) selon le terme anglophone, condition d'un regard spécifique et d'émergence d'une question sur le monde social. L'isolement expérientiel, donc intellectuel, parmi des féministes aveugles à l'ampleur de l'expérience du racisme et des discriminations dans la vie des femmes surinamaises a imposé l'investigation du racisme en tant que tel, autrement dit à investir l'invisible pour un regard ou « point de vue » majoritaire. La construction de l'objet de recherche a ainsi soigneusement découlé de la rencontre intime avec l'hégémonie des luttes politiques progressistes aveugles à la race et les discours de déni quant aux formes diverses d'expression du racisme dans le tissu social lui-même. Indissociable de sa socialisation régulière avec des immigré·es du Suriname de classes sociales variées et de sa propre expérience en tant qu'afro-descendante et militante féministe, la démarche de Philomena Essed, qu'il faut donc comprendre comme une véritable entreprise de dévoilement, s'est fondée sur une hypothèse forte : le racisme traverse l'ordre social et imprègne, à divers degrés et de manière différenciée, la vie sociale des personnes noires ou non-blanches plus largement. Et pour démontrer qu'il n'est pas une « affaire étasunienne », il fallait apprécier l'expérience de femmes noires et métisses des Pays-Bas à l'aune de celle de femmes Africaines-Américaines et ainsi donner à lire ce qu'elles ont en partage, mais aussi de distinct, dans leur confrontation ordinaire à la racisation. Paru initialement en anglais chez un éditeur étasunien distribué en Grande-Bretagne et en Inde car l'autrice avait délibérément fait le choix de ne pas écrire sa thèse en néerlandais, Understanding Everyday Racism, a d'abord fait l'objet d'un accueil controversé aux Pays-Bas tout en étant loué aux États-Unis pour son inventivité méthodologique, en même temps que pour son originalité et son audace compte tenu de l'approche comparative inédite qu'il proposait. Venant enrichir les approches courantes de la race et du racisme, il s'est aujourd'hui imposé dans bien des bibliographies de sociologie du racisme et d'études de genre de par le monde.
Traduit en français plus de trente ans après sa publication à l'attention d'un lectorat francophone, les analyses de Philomena Essed font étrangement écho à des débats français incessants. On trouvera en effet de nombreux traits communs entre ce qu'elle décrit de la société néerlandaise du tournant des années 1980-1990 et la société française d'aujourd'hui, plus de vingt ans après le début du 21e siècle. Pourtant, sans doute en raison de sa forte dimension méthodologique qui peut lui donner une apparence aride, en France l'ouvrage est resté connu essentiellement des spécialistes sans qu'il n'ait été jugé utile d'envisager sa traduction, donc de lui offrir une vie au-delà des milieux scientifiques. On le trouve ainsi régulièrement cité dans les travaux de sociologie des discriminations6, entre l'interprétation du racisme comme épreuve morale et comme vécu des « micro-agressions », terme du registre psycho-émotionnel qui n'apparaît pas sous la plume de Philomena Essed7. Il fait partie de l'attirail méthodologique de nombreuses thèses de sociologie consacrées à la race et aux discriminations racistes. Mais cette connaissance ancienne de l'ouvrage ne semble pas avoir entraîné de prise au sérieux des résultats de la recherche ni de discussion large de ses enjeux pour la conceptualisation même de l'objet « racisme » dans un pays comme la France8. Certes, le mot même de « racisme » se révèle ductile dès lors qu'il désigne aussi bien une idéologie ou une doctrine, généralement assimilée aux théories pseudo-scientifiques du 19e siècle, que l'hostilité à l'égard d'un ou plusieurs membres d'un groupe situé au bas d'une hiérarchie entre groupes humains en cela constitués en races. Cette hostilité elle-même fondée sur la croyance dans la supériorité d'une « race » par rapport à d'autres se trouve par exemple cristallisée dans des pratiques institutionalisées (en particulier juridiques), telles qu'on peut l'observer dans la ségrégation du Sud des États-Unis ou dans l'apartheid de l'Afrique du Sud, mais aussi dans la mise en œuvre du code de l'Indigénat dans les colonies françaises ou même dans la division de couleur entre libres et esclaves qui régit les sociétés de plantation des Amériques (Caraïbe, Amériques du Sud et du Nord).
Dans le fond, la notion de « racisme quotidien » théorisée par Philomena Essed perturbe un consensus d'ordre psychologique, en même temps qu'un dogme moral – fruit de l'éthos des démocraties dites « modernes » –, en vertu duquel le racisme serait une réalité du passé et ses résurgences, la pure expression de l'attachement anachronique à de « vieilles idées » antimodernes, à des « passions tristes » dont les groupes minoritaires construits en bouc-émissaires seraient les cibles privilégiées. Ce mot de « racisme » serait donc bien malvenu dans une république qui fonde son pacte social sur le lien civique entre des individus abstraits, toutes et tous membres d'une même communauté d'égaux. Pour peu qu'on veuille lire Comprendre le racisme quotidien autrement que comme un ouvrage offrant un protocole d'enquête à des chercheur·euses, que l'on consente encore à se départir des définitions étroites – et rassurantes – du racisme pour mieux le sociologiser, on se rendra vite compte que la démonstration confronte à l'idée dérangeante que le racisme est une réalité prégnante du présent, qu'il est mobile, voire ubiquitaire. C'est sans doute l'une des difficultés théoriques et épistémologiques de l'analyse : si le racisme est partout, c'est qu'il n'est peut-être nulle part après tout ! Or l'intérêt de l'ouvrage, qui explique sa postérité, est d'offrir l'appareillage théorique permettant d'identifier et d'analyser, donc de comprendre, les manifestations contemporaines du racisme dans des démocraties hétérogènes ou pluriethniques en raison des legs sociaux de l'esclavage et des migrations venues des anciennes colonies. Le racisme quotidien n'est pas ici celui de l'insulte, du trait d'humour sans équivoque ou de l'agression raciste susceptible de faire l'objet d'un dépôt de plainte, ni celui de l'interpellation policière fondée sur le délit de faciès, ni même celui du militantisme politique ou médiatique de groupuscules d'extrême droite inquiets du « grand remplacement ». La contemporanéité du racisme que décrit Essed s'inscrit dans l'étoffe même du social, dans la banalité du quotidien, et à ce titre se caractérise, non par son éclat ni son bruit, mais bel et bien par son invisibilité, par son caractère microscopique. Ni racisme idéologico-politique ni racisme institutionnel stricto sensu, le racisme quotidien « est l'intégration du racisme dans des situations quotidiennes par le biais de pratiques (cognitives et comportementales […]) qui activent des relations de pouvoir sous-jacentes9 ». Défini de la sorte, il est un racisme actif ou en acte, processuel et relationnel, produit dans les relations sociales elles-mêmes, celles-ci impliquant des rapports de pouvoir entre individus appartenant à des groupes minoritaires et majoritaires. Plus encore, précise la sociologue, « le racisme quotidien n'existe pas au singulier, mais seulement au pluriel, en tant que complexe de pratiques et de situations cumulatives et liées les unes aux autres10 ».
Le livre restitue en une analyse longuement détaillée l'expérience de Rosa N., afro-surinamaise, médecin gériatre en établissement hospitalier, présentée en cas idéal-typique de la réalité hétérogène du « racisme quotidien ». « L'histoire de Rosa N., explique Essed, ne rapporte pas d'idéologies racistes ou de mouvements racistes ou fascistes organisés. Elle relate simplement ses expériences quotidiennes dans des situations de routine impliquant des personnes “normales”11. » Il ne s'agit pas pour l'autrice de restituer le vécu au sens simplement émotionnel ou moral des personnes enquêtées dont Rosa N., mais bel et bien de reconstituer de l'intérieur, c'est-à-dire à partir de leur perspective (donc de leur point de vue et de leur position sociale), le savoir expérientiel qu'elles élaborent à titre personnel et par interconnaissance à propos de situations accumulées, répétées dans la vie de tous les jours et contextualisées rendant compte du maillage socio-racial qui les enserre et dessine les contours de ce racisme spécifique qu'est le racisme quotidien. Les détails et éléments de contexte rapportés par Rosa N. permettent à la sociologue de resituer l'enquêtée dans une structure relationnelle et institutionnelle plus large qui la dépasse et sans laquelle il ne serait pas possible de comprendre les enjeux et la nature de son expérience sociale. Ainsi, précise Essed :
En raison de sa profession, un nombre proportionnellement élevé de membres du groupe dominant auxquels elle est confrontée dans ses interactions quotidiennes appartiennent à l'« élite » néerlandaise éduquée. Les relations entre Rosa N. et les membres du groupe dominant sont racialisées parce qu'elles sont structurées par les stratifications plus larges de la société.
Dans le même sens, l'expérience de Madeline évoquée précédemment n'est pas réductible à sa seule interaction, prise isolément, avec l'agent de sécurité de l'immeuble de son entreprise par exemple, ni encore à l'étonnement de la vendeuse qui découvre qu'elle n'est pas Africaine-Américaine. Elle ne peut être comprise qu'au regard de la position de Madeline dont l'identité de femme, noire, en outre isolée dans son milieu social et professionnel élitiste, la singularise par rapport à la norme définie par le groupe majoritaire, implicitement blanche. Le racisme quotidien dans la vie de Madeline ne se comprend qu'à l'aune de cette accumulation routinière de circonstances qui l'inscrivent à côté de la place qu'elle occupe socialement et qui ce faisant, définissent la place à laquelle elle est a priori attendue, sa place, supposément « naturelle » et généralement inférieure à celle du groupe majoritaire – ceci pouvant arriver par exemple, même quand le vigile dans l'immeuble ou le contrôleur est une personne noire comme elle, car il n'appartient pas à la norme de majorité. On comprend par-là, et Philomena Essed y insiste plusieurs fois dans le livre, que le racisme quotidien n'est pas un phénomène individuel ni psychologique, simple affaire de préjugés ou d'hostilité à l'égard d'un·e autre, ni même un phénomène étroitement institutionnel, mais bel et bien un processus fluide et relationnel qui traverse les interactions sociales, celles-ci étant sous-tendues par des dynamiques de pouvoir et des hiérarchies sociales historiquement construites. En effet, Rosa N. et Madeline ne correspondent pas à l'idée préconçue, tenue pour évidente, au préjugé donc, de l'expert dans un cas et de la femme fortunée, dans l'autre. Parce qu'elles ne sont pas à leur place présumée, elles sont rappelées à l'ordre racial par des tiers (supérieurs hiérarchiques, collègues, interlocuteurs ordinaires) sous la forme, selon Essed, de la marginalisation, de la « problématisation » (le fait par exemple que leur présence soit remise en cause ou tenue pour incongrue ou qu'elles soient encore sous-estimées) et de la neutralisation (containment). Pour le dire autrement, leur présence « détonne » dans des milieux sociaux dont la hiérarchie n'est pas seulement socio-économique, mais aussi, on le voit à travers ces interactions, en dernière instance racialisée (et genrée).
La force du travail de Philomena Essed fut de saisir, sans doute avec plus de finesse que ne le permet la notion englobante de « racisme systémique », les intrications entre micro-interactions et macrostructures dans le cours ordinaire de la quotidienneté et de les analyser dans leur interdépendance. En déconstruisant les modalités de formation de la connaissance interne du racisme par les personnes qui le vivent au quotidien – des femmes afro-descendantes –, le livre montre de manière détaillée que les routines de pensée (cognitions) qui associent mécaniquement et régulièrement une couleur de peau, un genre, des traits ou phénotypes, à des comportements, des places ou fonctions sociales, et qui sont elles-mêmes indissociables de pratiques sociales exercées par des acteurs tant individuels qu'institutionnels, sont enracinées dans des représentations sociales dominantes héritées. Ces routines de pensées, manières ordinaires de voir le monde et d'interagir avec lui, font en effet peser sur des corps des attentes sociales spécifiques déterminées par des préjugés historiques. Il en découle que dans des sociétés façonnées, même à des degrés divers, par l'histoire coloniale, l'ordre social se présente nécessairement comme un ordre racial. Toute la tâche de la recherche est alors d'aider à discerner l'ampleur de ces effets d'héritage dans les représentations sociales et surtout leur part agissante dans les relations sociales, nécessairement inscrites dans des situations sociales spécifiques et contextualisées. De manière plus cruciale et au-delà du monde universitaire, dans un pays où l'idéal universaliste se confond en pratique avec le déni du caractère racial de l'ordre social ou avec le tabou de la race comme rapport social, on peut faire le pari que l'ouvrage de Philomena Essed offrira à ses lectrices et lecteurs français·es, les outils intellectuels pour dessiller les yeux et décrypter les ressorts cachés de la domination raciale dans leur quotidien comme dans celui de leur entourage. S'il n'est pas possible de combattre le racisme quotidien sans interroger le caractère d'évidence des valeurs hégémoniques de l'ordre social, une telle entreprise réclame au moins de recouvrer la vue sur l'ordinaire des relations sociales.
Silyane Larcher
Chargée de recherche au CNRS en sciences politiques et professeure associée en Études de genre et des sexualités à l'université Northwestern (États-Unis).
Philomena Essed : Comprendre le racisme au quotidien
Edition établie par Damien Trawalé
Traduit de l'anglais par Damien Trawalé et Patricia Bass
https://www.syllepse.net/comprendre-le-racisme-quotidien-_r_22_i_1072.html
Notes
1. NdÉ. Madeline est ici le prénom fictif d'une connaissance proche qui existe réellement et dont j'ai toutefois modifié quelques caractérisations pour protéger l'anonymat. Cette situation ordinaire permet d'introduire le sujet de l'ouvrage ici donné à lire, mais aussi les effets très concrets de socialisation des femmes universitaires afrodescendantes, également objet du texte d'Essed.
2. Le territoire devient largement autonome en 1954, puis officiellement indépendant en 1975.
3. Pour en savoir plus sur le parcours biographique et intellectuel de l'autrice, voir Philomena Essed et Silyane Larcher, « Conversation avec Philomena Essed », Raisons politiques : revue de théorie politique, n° 89, février, 2023, p. 77-95.
4. Ce problème fut au cœur de la controverse qui opposa Gérard Noiriel, historien de l'immigration, et Éric Fassin, sociologue du genre, sur la pertinence du recours à la catégorie analytique de race et à l'usage de l'intersectionnalité dans la sociologie française. Voir Abdellali Hajjat et Silyane Larcher (dir.), « Intersectionnalité », Mouvements, 2019, https://mouvements.info/intersectionnalite/. Voir aussi Sarah Mazouz, Race, Paris, Anamosa, 2021.
5. Pour une analyse plus détaillée de cette réception on lira avec profit Evélia Mayenga, « Les traductions françaises de l'intersectionnalité : race, mondes académiques et profits intellectuels », Marronnages : les questions raciales au crible des sciences sociales, n° 2 (1), https://doi.org/10.5281/zenodo.10246750. Contre l'appauvrissement de l'intersectionnalité dans ses usages et circulations, voir, par Jennifer, Nash, une des figures montantes du féminisme noir étatsunien, Réinventer le féminisme noir : au-delà de l'intersectionnalité, Nantes, Aldéia, 2022. Voir également Jules Falquet, Imbrication : femmes, race et classe dans les mouvements sociaux, Vulaines-sur-Seine, Le Croquant, 2019.
6. Voir Didier, Fassin, « Nommer, interpréter : le sens commun de la question raciale », dans Didier Fassin et Éric, Fassin (dir.), De la question sociale à la question raciale ? Représenter la société française, Paris, La Découverte, p. 35 ; François Dubet et col., Pourquoi moi ? L'expérience des discriminations, Paris, Le Seuil, 2013, p. 11 ; Julien Talpin et col., L'épreuve de la discrimination : enquête dans les quartiers populaires, Paris, Alpha, 2023, p. 29. Sur les microagressions, terme forgé en 1970 par un psychologue africain-américain, voir plus largement Derald Wing Sue, Microagressions in Everyday Life. Race, Gender and Sexual Orientation, New York, Wiley Press, 2010.
7. Un article récent souligne cette mésinterprétation de la recherche consistant à assimiler le « racisme quotidien » aux « micro-agressions », deux concepts pourtant distincts, les secondes ne constituant qu'une dimension du premier. Voir Dounia Bourabain et Pieter-Paul Verhaeghe, « Everyday Racism in Social Science Research. A Systematic Revie », Du Bois Review. Social Science Research on Race, n° 18-2, 2021, p. 221-250.
8. Chose que saisit très bien la sociologue africaine-américaine Trica Keaton dans un ouvrage récent, explicitement inspiré des travaux de Philomena Essed. Voir Trica Keaton, #You Know You're Black in France When : The Fact of Everyday Antiblackness, Cambridge, MIT Press, 2023.
9. Philomena Essed, Understanding Everyday Racism. An Interdisciplinary Theory, Newbury Park, Sage, 1991, p. 50.
10. Ibid., p. 147.
11. Ibid., p. 164.

Deux peuples pour un État ? Relire l’histoire du sionisme de Shlomo Sand

La création d'un État binational où Israéliens et Palestiniens seraient citoyens du même État a jadis été l'aspiration de nombreux intellectuels juifs critiques, de gauche comme de droite. Les prises de position en faveur du binationalisme, d'Ahad Haam dès la fin du xıxe siècle à Léon Magnes en passant par Hannah Arendt et beaucoup d'autres, pour qui le désir de créer un État juif exclusif sur une terre peuplée en majorité par des Arabes entraînerait un conflit violent et insoluble, se sont révélées tout à fait exactes. Avec l'arrivée aux affaires de l'extrême droite en Israël, les massacres perpétrés par le Hamas et les bombardements de la bande de Gaza, la question d'un État binational est devenue une urgence pour toute la région. Lui tourner le dos n'y changera rien.
Deux peuples pour un État ? Relire l'histoire du sionisme
par Shlomo Sand
Traduit par : Michel Bilis
Éd. du Seuil
Paru le 05/01/2024
Le binationalisme ne relève pas seulement du vœu pieux, mais aussi de la réalité présente : 7,5 millions d'Israéliens-juifs dominent, par une politique d'expulsion, de déplacement, de répression et d'enfermement, un peuple palestinien-arabe de 7,5 millions de personnes, dont une grande partie est privée de droits civiques et des libertés politiques élémentaires. Il est évident qu'une telle situation ne pourra pas durer éternellement.
Shlomo Sand est un historien israélien, professeur émérite à l'université de Tel-Aviv, et auteur de nombreux livres, dont certains ont suscité de vifs débats (Comment le peuple juif fut inventé, Fayard, 2008). Son dernier ouvrage au Seuil, Une race imaginaire. Courte histoire de la judéophobie, a été publié en 2020.
Traduit de l'hébreu par Michel Bilis
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Sommaire
Avant propos
1. « Terre des ancêtres » ou terre des indigènes
Le foyer ancestralÀ propos de la nationEthnocentrismeBinationalisme ?
2. « Un esclave qui vient à régner » : une question cachée
L'amant d'autres ?Centre spirituel ?Ignorer l'autre
3. Alliance pour la Paix contre « Muraille d'acier »
Les débuts de l'AllianceLa fraction « extrémiste »Hans Kohn et la fin de l'Alliance
4. Martin Buber, Hannah Arendt et le binationalisme
Du Volkisme à Je et TuVers l'idée binationaleHannah Arendt et l'antisémitismeUn État-nation juif ?
5. Théopolitique et l'association Ihoud
Un Américain pas tranquilleLe chancelier prophèteL'association IhoudLe dernier des Mohicans
6. La gauche et « La fraternité entre les peuples »
Le marxisme sionisteCommunistes en PalestineFin d'une idée
7. L'Action sémite et un État arabo-hébraïque
Le contexte « cananéen »Une gauche « sémite »La Charte hébraïque
8. 1967 : un pays à partager ou un pays à unifier ?
Trois pétitionsMenahem Begin contre l'apartheidLa détresse du sabra blancFissures à gaucheLa désillusion : suiteLa sensibilité s'aiguise
9. « On ne peut pas applaudir d'une seule main »
Curiosité et réconciliationL'idée nationale palestinienneÉtat démocratique unique ?Le paradigme binational
10. Conclusion. Apartheid, transfert ou État binational ?
La patrie s'élargit. Les nouveaux pionniers. Hégémonie sur le terrain. Stychie et catastrophe. L'option cachée. Alternatives imaginaires. Utopies et calamités.

L’État d’Israël contre les Juifs de Sylvain Cypel

Après le massacre commis par le Hamas près de Gaza le 7 octobre 2023, ayant causé la mort de 1 140 personnes, la guerre menée par Israël a fait plusieurs dizaines de milliers de victimes chez les Palestiniens et déplacé par la force 80 % d'entre eux, suscitant des plaintes internationales pour crimes " de génocide " et " contre l'humanité ". Ce livre explique en quoi les agissements de l'armée israélienne sont l'aboutissement d'une longue maturation.
Imagine-t-on en France une loi qui établirait deux catégories de citoyens : par exemple, les " Français de souche " et les autres, qui ne bénéficieraient pas de droits égaux ? Une telle loi a été votée par le Parlement israélien en 2018, au bénéfice des seuls citoyens juifs. De par le monde, les dirigeants " illibéraux " plébiscitent désormais Israël, fascinés par sa capacité à imposer une idéologie " identitaire ", où xénophobie et islamophobie bénéficient d'un large soutien populaire. Avec quelles conséquences, pour les Palestiniens comme pour les Israéliens ?
En France, le CRIF, représentant du judaïsme et lobby pro-israélien, promeut un soutien sans faille aux actions des gouvernants d'Israël. Mais, aux États-Unis, des responsables juifs et plus encore la jeunesse juive dénoncent l'occupation indigne des Territoires palestiniens. Va-t-on vers un divorce irrémédiable entre Juifs israéliens, engoncés dans le tribalisme, et Juifs américains, qui redécouvrent les attraits de la diaspora ?
Sylvain Cypel a été directeur de la rédaction de Courrier international et rédacteur en chef au Monde. Il a couvert la seconde Intifada en 2001-2003 et a été correspondant du Monde aux États-Unis de 2007 à 2013.
Table des matières
Préface. Dahiya – " Le destin de notre génération "
La politique comme continuation de la guerre
Le point Godwin du débat
Le Hamas, la résistance et l'échec
Une société démembrée, une autre ensauvagée
" Génocide ", " crime contre l'humanité "... Les mots et les faits,
Biden, Macron et la faillite de l'" Occident "
Introduction
" Ce qui ne s'obtient pas par la force s'obtient en usant de plus de force "
La fascination pour Israël des nouveaux dirigeants identitaires
1. " L'imposition de la frayeur ". La réalité de l'occupation militaire
L'armée la plus morale du monde
L'enseignement du mépris
" L'épanouissement d'un Ku Klux Klan juif "
Israël, champion de la " guerre au terrorisme "
2. " Uriner dans la piscine du haut du plongeoir ". Ce qui a changé en Israël en cinquante ans
La fin du déni
L'affaire Azaria
L'impunité et la brutalisation de la société
L'" odeur du fascisme "
3. " Mais quel est ton sang ? ". L'État-nation du peuple juif
" Une loi mauvaise pour Israël et mauvaise pour le peuple juif "
Le triomphe de l'ethnocratie
" L'espace vital du peuple juif "
4. " Ils ne comprennent pas que ce pays appartient à l'homme blanc ". Une idée émergente : la pureté raciale
Haro sur les " infiltrés " noirs
Les liens avec les " suprémacistes " blancs
La quête du gène juif
5. " Localiser, pister, manipuler ". La cybersurveillance, nouvelle arme politico-commerciale d'Israël
La tradition des ventes d'armes
La cybersurveillance dernier cri
" Agir sous les radars "
Israël et l'affaire Khashoggi
Après les Palestiniens, la surveillance des Israéliens déviants
6. " L'État du Shin Bet est arrivé ". Quand le peuple plébiscite la " démocratie autoritaire "
Des Palestiniens, Israël étend ses filets aux Juifs mal-pensants
BTS, l'ennemi intérieur
BDS, la " menace stratégique "
L'État sécuritaire en action
7. " Une espèce en voie de disparition ". La société civile israélienne en souffrance
Qui a encore besoin d'une Cour suprême ?
Le désarroi de l'opposition citoyenne
8. Quand Hitler " ne voulait pas exterminer les Juifs ". Netanyahou, l'histoire " fke " et ses amis antisémites
Le mufti de Jérusalem instigateur de la Shoah ?
Le ciment de l'islamophobie
L'alliance avec le vieil antisémitisme d'Europe de l'Est
Le cas Soros : Trump est-il antisémite ?
9. " Il n'est pas nécessaire ni sain de se taire ". Crise au sein du judaïsme américain
Ces Juifs américains qui tournent le dos à Israël
Pourquoi ce tournant intervient-il aujourd'hui ?
Crise au parti démocrate
La contestation du statut d'Israël aux États-Unis
10. " Pas ça ! Vous ne me citez pas là-dessus... ". L'aveuglement des Juifs de France
De l'adhésion à la Révolution française au sionisme d'extrême droite
Le CRIF, organisme communautaire ou lobby pro-israélien ?
L'entre-soi ethnique et le poids de la couardise
11. " Je suis épuisé par Israël, ce pays lointain et étranger ". Schisme dans le judaïsme ?
" Quel Israël soutenez-vous, exactement ? "
" Là se situe la faiblesse qui nous fera choir "
" Renouveau diasporique " aux États-Unis
Vers une scission dans le judaïsme ?
12. La " relation spéciale " avec Israël, jusqu'à quand ?
L'affligeant legs de Donald Trump
Un État d'apartheid
Biden a-t-il une stratégie crédible ?
Conclusion. " Israël contre les Juifs ".
Tony Judt, in memoriam
Remerciements.
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Des lectures à propos du Front populaire de 1936 en France

Voici quelques suggestions de lectures pour comprendre les résonances du passé qui ne manqueront pas d'être évoquées dans les prochaines semaines à l'occasion des législatives en France et la mise sur pied du Nouveau Front populaire. Une occasion pour renouer avec une mobilisation extraordinaire qui s'est malheureusement terminée sans avoir atteint son plein potentiel. Bonne lecture.
La France du Front populaire
Jacques Kergoat, 2006, Éd. La Découverte, 420 p. ISBN : 9782707148629

La mémoire collective des Français conserve présentes les images du Front populaire : grèves, occupations d'usines, manifestations, accords Matignon, semaine des 40 heures, congés payés, etc. Grâce à des archives inédites et de nombreux entretiens avec des acteurs de ces événements, Jacques Kergoat s'est efforcé de montrer dans ce livre les incertitudes, les hésitations, les rêves et les passions des Français des années 1930.
C'est une France provinciale et rurale, qui semble se réveiller d'un long sommeil tranquille et découvre avec stupeur les nouvelles contraintes de ce temps de crise. La jeunesse revendique une place ; les femmes travaillent, manifestent et font grève ; la seconde génération d'immigrés italiens et polonais s'intègre tant bien que mal dans une France composite, qui accueille alors les réfugiés espagnols.
Les partis politiques et les syndicats vivent des clivages, des scissions ou des recentrages. Ainsi toute la société amorce une profonde mutation. De l'empire colonial aux nouvelles industries, de la musique au cinéma, tout exprime ce remue-ménage. Le Front populaire est l'instant privilégié de ces changements : signe de santé sociale, élan d'optimisme, volonté d'un mieux-être.
Jacques Kergoat (1939-1999), sociologue, historien du socialisme, a milité au Parti socialiste unifié avant de rejoindre la Ligue communiste révolutionnaire, dont il était devenu l'un des dirigeants. Fondateur de la Fondation Copernic, il a co-dirigé l'ouvrage Le Monde du travail (La Découverte, 1998).
Table des matières
1. Les années hésitantes
La mutation morose
La crise
Les choix du patronat
Le parti radical à la croisée des chemins
Le temps des ligues
La flambée verte
Les stratégies syndicales
Le PCF : sectarisme et ultra-gauchisme
Socialistes : reconstruction et nouvelles divisions
Paysans, ouvriers : même combat ?
2. La naissance du Front populaire
Le scandale Stavisky et le 6 février
Les appareils hésitent
Le 12 février
Premières initiatives unitaires
L'affaire Doriot
Le pacte d'unité d'action
Remous radicaux
L'Internationale communiste et le tournant du PCF
Les répercussions à gauche
Plan, catalogue ou programme ?
Doriot et Bergery
Une droite sans politique
Pacifisme et nationalisme face au pacte Laval-Staline
Un 14-Juillet tricolore
3. La victoire électorale
Émeutes à Brest et à Toulon
Exclusions en chaîne
La " gauche révolutionnaire "
L'adhésion radicale
Le programme du Front populaire
Un seul parti ouvrier ?
La réunification syndicale
La gauche paysanne reste divisée
Tensions internationales
Un climat social et politique perturbé
La campagne électorale
Premier tour : poussée à gauche
Une majorité " Front populaire "
4. Les grèves de juin
L'exemple de l'aéronautique
La première vague de la métallurgie parisienne
PC et PS : ébranlés à gauche
Il n'y aura pas de ministres communistes
Le premier gouvernement Blum
La deuxième vague
L'accord Matignon
Les grèves repartent de plus belle
Il faut savoir arrêter une grève...
Une très lente " deffervescence "
Bilan statistique
La mue de la CGT
La CFDT aussi
Socialistes et communistes : des adhérents par milliers
Un mouvement ouvrier en recomposition
5. La Révolution française a-t-elle commencé ?
Des grèves " payantes "
L'origine des grèves
La signification de juin 36
À l'aube de la révolution ?
Le rôle de l'extrême gauche
Les contradictions des militants du PCF
La droite se ressaisit
Jacques Doriot et le PPF
Le parti social français
Un rapport de forces incertain
6. Pour l'Espagne
Il y a toujours des Pyrénées
Léon Blum et la non-intervention
La gauche hésitante
L'organisation de la solidarité
Les Brigades internationales
Une non-intervention " relâchée " ?
La gauche divisée
7. Les premières lézardes
Le PCF et le " front des Français "
La dévaluation
Les radicaux divisés
Patronat et bourgeoisie à l'offensive
Un budget militaire renforcé
Le gouvernement Blum et l' Église
La pause
Les afrrontements de Clichy
La chute du gouvernement Blum
Le tour de Chautemps
La Cagoule
Les élections cantonales
La gauche et les colonies
L'évolution de la politique coloniale
L'isolement des socialistes anticolonialistes
Les grèves de l'hiver 1937 et la démission de Chautemps
Les combinaisons parlementaires à l'ordre du jour
La droite traditionnelle sur le devant de la scène
L'impossible union nationale
Le second gouvernement Blum
Les grèves de la métallurgie parisienne
La nouvelle politique économique de Blum
Et Blum tombe pour la seconde fois
8. L'agonie
L'heure de Daladier
Marceau Pivert s'en va
Une situation sociale instable
Munich
Les décrets Reynaud
Le congrès de Nantes de la CGT
Les grèves sauvages
Vers l'affrontement
La grève du 30 novembre
Les raisons de l'échec
La répression patronale
La répression gouvernementale
La répression judiciaire
Faibles réactions ouvrières
9. Le paysage de la défaite
Organisation du travail et nouvelles qualifications professionnelles
Le mouvement de la jeunesse
La place des femmes
Les immigrés exclus
10. Repères pour un bilan
Une incontestable réussite : les congés payés
La réforme scolaire s'enlise
L'Office du blé et la condition paysanne
Des nationalisations en trompe l'oeil
Une progression inégale du pouvoir d'achat
L'application des 40 heures
11. Le mouvement culturel
Le monde irréel de la chanson
Du sport rouge au sport populaire
Écrivains engagés et lectures ouvrières
Le cinéma, miroir du Front populaire
Bibliographie
Livres
Articles
Travaux universitaires
Index géographique
Index des noms.
Juin 36
par Jacques Danos et Marcel Gibelin, 1986, Ed. Bons caractères, 320 p. ISBN : 2915727082

Les 2 et 3 juin, ce sont des entreprises appartenant à l'industrie chimique, à l'alimentation, au textile, aux industries graphiques, à l'ameublement qui sont paralysées par la grève et occupées (...) Le 4 juin, les grèves s'étendent encore : les camionneurs, la distribution des journaux, les restaurants et hôtels, le livre, la serrurerie, l'orfèvrerie, la distribution d' essence, les laboratoires pharmaceutiques, l'habillement, le bâtiment, le gaz, l'agriculture (...)
Partout où elles éclatent, les grèves s'accompagnent d'occupation, partout elles rassemblent la quasi-totalité du personnel ; partout elles sont immédiatement appuyées par la sympathie active de la population (...) Le désordre apparent des mouvements dispersés peut se transformer en une manifestation puissante, en un mouvement général les conséquences seront peut-être Redoutables. ".
La réalité de juin 1936 que nous faisons découvrir cet ouvrage est bien différent de la version forgée par les dirigeants des partis du Front populaire, et reprise par leurs héritiers politiques. Jacques Danos et Marcel Gibelin montrent que ce ne fut pas le gouvernement du Front populaire de Léon Blum qui accorde à la classe ouvrière les 40 heures, les congés payés, le droit d'élire des délégués, ou les importantes augmentations de salaires. Tout cela fut arraché par la grève.
Les accords Matignon ne furent pas un cadeau offert à la classe ouvrière pour la récompenser d'avoir bien voté, mais un contre-feu mis en place à la hâte par le patronat et le gouvernement Blum soutenu par la CGT et les partis de gauche, animés par même une préoccupation : tenter de ramener dans son lit le torrent de la grève. Ils y réussirent, mais difficilement.
Ce livre a été édité pour la première fois en 1952. Son intérêt est d'abord historique. Les auteurs ont su nous faire revivre cette période et le mouvement gréviste de manière enthousiasmante et détaillée. Tous ceux qui sont partie prenante des combats des travailleurs y retrouveront l'atmosphère, l'élan de ce grand moment du mouvement ouvrier. Ils y trouveront aussi des leçons qui éclairent la période actuelle.
Front populaire, révolution manquée
par Daniel Guérin, 2013, Ed, Agone, 504 p. ISBN 9782748901733

« À travers tout le pays, les travailleurs étaient en grève, et ils occupaient les usines. Ils avaient trouvé une nouvelle forme d'action directe : la grève sur le tas. Ils l'avaient choisie eux-mêmes, en dehors et contre la bureaucratie syndicale, parce qu'ils estimaient à juste titre que ce moyen de pression serait plus sensible aux capitalistes que les simples grèves d'antan “ dans le calme et la dignité “.
Au lendemain du 1er mai, passant aux actes, les ouvriers de l'usine Bréguet, au Havre, avaient occupé les ateliers. Latécoère à Toulouse, Bloch à Courbevoie avaient suivi l'exemple. Le mouvement avait pris très vite le caractère d'une vague de fond. Le pays que Blum s'apprêtait à gouverner n'était déjà plus celui qui, quelques semaines plus tôt, avait porté le Front populaire au pouvoir. Le rapport des forces sociales était renversé.
Cette grève générale avait surgi spontanément de la conscience ouvrière et elle avait des mobiles élémentaires : la crise économique et les décrets-lois déflationnistes qui avaient durement frappé une partie des salariés. L'unité syndicale enfin scellée, l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement populaire ouvraient aux masses paupérisées la perspective d'un changement radical. »
Comme pour tout grand mouvement social, comprendre les raisons de son échec alimente la mémoire des luttes afin d'en tirer les leçons. En ce sens, ce livre est un véritable classique de l'histoire sociale du XXe siècle.

Les GES ne plafonnent pas mais croissent à un taux croissant

Régulièrement les grands médias annoncent le plafonnement ou la baisse des émanations des gaz à effet de serre (GES), La Presse pour le Canada, le Washington Post pour la Chine, The Economist pour l'Europe, le New York Times pour le monde. Et pourtant il n'en est rien.
Cette baisse ou ce plafonnement ou tout simplement une décélération de la hausse du CO2, le principal GES, on ne la voit pas quand on examine l'évolution de l'étalon de mesure par excellence soit celle de l'observatoire de Mauna Loa à Hawaï qui enregistre la densité du CO2 depuis 1958. Au XXIe siècle, la réalité a plutôt été une accélération du taux de croissance de chaque décennie (ligne noire). La baisse du taux de croissance des premières années de la présente décennie s'explique par l'effet de la pandémie. Mais le record de 2023 vient effacer toute illusion :

Source : Trends in CO2, Global Monitoring Laboratory, Earth System Research Laboratories, NOAA
Est-ce que les autres GES compenseraient ? Le taux de croissance du méthane, même en baisse annuelle depuis le début de la présente décennie, reste en moyenne pour le début de celle-ci le plus élevé depuis la décennie 1980 :

Source :Annual Increase in Globally-Averaged Atmospheric Methane, Global Monitaring Laboratory, NOAA
Quant aux émissions d'oxyde nitreux atmosphérique et de l'hexafluorure de soufre atmosphérique, les deux autres GES en importance, elles sont tendanciellement en nette croissance depuis l'an 2000 :
Source : Annual Increase in Globally-Averaged Atmospheric Nitrous Oxide and Atmospheric Sulfur Hexafluoride, Global Monitoring Laboratory, NOAA
Ce mensonge systématique — en comparaison, les « fake news » de l'extrêmedroite sont de la petite bière — est propagé par les grands médias et corroboré par les grandes gueules de ce monde, intellectuels organiques du capitalisme.
L'embêtant pour leur politique de communication c'est que les démocraties parlementaires qui s'accrochent vaille que vaille aux droits fondamentaux n'ont pas encore réussi à faire taire leurs scientifiques. Ce n'est pas pour avoir tenté de le faire tel le canadien gouvernement Harper ultra-conservateur qui en plus a saboté le recensement de 2011. On imagine ce que font ou pourraient faire les démocraties dite illébérales et les régimes carrément dictatoriaux qui commencent à être légion. Une présidence Trump, encore plus déterminée que ne l'était le gouvernement Harper, ne pourrait-elle trouver le moyen de faire taire les scientifiques de l'observatoire de Mauna Loa ?
Feux de forêt et guerres en rajoutent à la « fake news » du plafonnement des GES
Cependant, s'il est difficile de faire mentir les données provenant directement d'une lecture instrumentale de la densité des gaz atmosphériques, il n'en est pas de même pour celles provenant des émanations à la source soit celles colligées en grande partie par les entreprises elles-mêmes souvent sans supervision selon des méthodologies variées puis regroupées par les gouvernements, dont l'intérêt est de les minimiser, et enfin centralisées à l'ONU. Évidemment, ces données restent essentielles car elle sont les seules à pouvoir être distribuées par pays et par secteurs. Mais elles ne passent pas le test de la comparaison des grands totaux mondiaux par type de gaz dont l'arbitre est la croissance de la température terrestre qui ne décélère pas et est peut-être en accélération si l'on se fie à l'année 2023 :

Selon Copernicus, « la température mondiale moyenne sur les 12 derniers mois (juin 2023-mai 2024) est la plus élevée jamais enregistrée » soit « 1,63 °C au-dessus de la moyenne préindustrielle de 1850-1900 » nettement au-dessus du 1.5°C. Alors, qui ment effrontément ? Le mensonge ne provient pas seulement de données tordues mais aussi d'émanations de GES non rapportées qui sont de plus en plus substantielles. L'an dernier, selon la chronique Down to Earth du 13 juin 2024 de The Guardian, « les incendies dévastateurs ont émis environ 6,5 milliards de tonnes de dioxyde de carbone, annulant les efforts de lutte contre les émissions… » soit 17% des émanations officiellement rapportées de CO2 » pour 2023. L'année en cours est mal partie avec des incendies dévastateurs en Méditerranée et qui débutent en Californie.
Les guerres en rajoutent. Selon The Guardian,
[l]e coût climatique des deux premières années de la guerre de la Russie contre l'Ukraine est supérieur aux émissions annuelles de gaz à effet de serre produites individuellement par 175 pays… […] L'invasion russe a généré au moins 175 millions de tonnes d'équivalent dioxyde de carbone (tCO2e), en raison de l'augmentation des émissions dues à la guerre directe, aux incendies de paysages, aux vols détournés, aux migrations forcées et aux fuites causées par les attaques militaires sur les infrastructures de combustibles fossiles, ainsi que du coût futur de la reconstruction en termes de carbone. […] Cela équivaut à faire rouler 90 millions de voitures à essence pendant une année entière - et c'est plus que le total des émissions générées individuellement par des pays comme les Pays-Bas, le Venezuela et le Koweït en 2022.
Les émanations de GES de la guerre-massacre contre Gaza durant les 120 premiers jours dont 30% proviennent des avions cargo étatsuniens connus pour avoir transporté des bombes, des munitions et d'autres fournitures militaires vers Israël, toujours selon un autre article du Guardian, ont été équivalentes à celles annuelles d'un micro-état comme le Vanuatu sans prendre en compte la reconstruction :
Le coût en carbone de la reconstruction de Gaza sera supérieur aux émissions annuelles de gaz à effet de serre générées individuellement par 135 pays. […] Historiquement, les gouvernements ont mal pris en compte le coût climatique de la guerre et, plus largement, du complexe militaro-industriel. […] Dans l'ensemble, les conséquences de la guerre et de l'occupation sur le climat sont mal connues. Grâce en grande partie à la pression exercée par les États-Unis, la déclaration des émissions militaires est volontaire, et seuls quatre pays soumettent des données incomplètes à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).
On peut se consoler, au moins pour les émanations de méthane, grâce au développement récent des satellites en mesure de détecter le pot aux roses des grands émetteurs qui ne peuvent plus se cacher :

Source : The European Space Agency
La grande bourgeoisie fonce droit devant jusqu'à l'absurde réactionnaire
À qui et pourquoi cette gargantuesque « fake news » globale et durable peut-elle être utile ? Évidemment à ce 1%, cette grande bourgeoisie, s'appuyant sur la moyenne bourgeoisie du 9%, qui mène l'économie à la tête de quelques centaines de transnationales, dont le noyau stratégique financier de quelques dizaines « too big to fail », quelques centaines de grandes universités et think-tanks et une dizaine de gouvernements-clefs. Contraints par la loi d'airain de la compétition entre capitaux qui pousse à la centralisation-concentration des entreprises et son corollaire au niveau de la hiérarchie des États, ce 1% n'en a que pour la maximisation des profits et la puissance dominatrice des États jusqu'à la guerre.
Pour le reste c'est « Après moi, le déluge ».
« L'industrie mondiale du pétrole et du gaz a engrangé environ 4 000 milliards de dollars de bénéfices en 2022, contre une moyenne de 1 500 milliards de dollars ces dernières années. Le secteur pourrait dépenser cet argent de bien des manières, mais jusqu'à présent, les entreprises semblent vouloir rembourser leurs dettes et reverser une bonne partie de ces bénéfices à leurs actionnaires. » Au Canada, ces superprofits n'ont pas empêché Shell de gagner« plus de 200 millions de dollars en vendant des crédits carbone pour des réductions qui n'ont jamais eu lieu, le tout en faisant du lobbying contre les réglementations visant à plafonner les émissions. » Quant aux cinq grandes banques canadiennes, selon Greenpeace, elles « continuent à injecter plus de 100 milliards de dollars par an dans les combustibles fossiles… ».
Si le gouvernement canadien ne cesse de tergiverser à propos du contrôle des émanations de l'industrie pétrolière au point d'en être ridicule, il n'hésite pas une seconde à se conformer aux ordres des ÉU et de l'OTAN eu égard au niveau de son budget militaire. Faut-il pleurer ou rire des frasques de la CAQ à propos du troisième lien, scandale écologique doublé d'absurdité économique drapé par l'empoisonneuse sécurité qui fait avaler une dose léthale de racisme et de sexisme à une populace figée par la peur, ce pour quoi la CAQ est passé maître avec le PQ pas loin derrière. Jusqu'au soi-disant progressiste Projet-Montréal qui déroule le tapis rouge à l'archi-polluante Formule 1, dans tous les sens du mot, occasion d'enrichissement autant pour la transnationale responsable que pour les petits commerces, au point de devoir s'auto-humilier parce que la pluie abondante a gâché la fête.
La grande « fake news » du soi-disant progrès de la lutte climatique sert à perpétuer le train-train capitaliste de l'absurde petite politique politicienne jusqu'au risque d'une troisième guerre mondiale dont le terrain est labouré par deux guerres génocidaires auxquelles il faudrait ajouter les deux guerres civiles hautement meurtrières du Soudan et de la Birmanie et bien d'autres. Quand les grandes puissances de l'OTAN dénoncent à juste titre la guerre génocidaire ukrainienne mais qu'ils arment l'État sioniste perpétrant un plus important génocide tout en traitant d'antisémites ceux et celles qui dénoncent le sionisme qui en est la cause, quitte à renier les droits fondamentaux sensés porter notre civilisation, l'absurde devient incommensurable. Faut-il se surprendre que dans un tel contexte, le grand public perde de vue l'enjeu central à la survie de l'humanité, soit les crises conjointes des courses folles vers la terre-étuve et vers la sixième grande extinction.
Il est certainement rationnel de stratégiquement bloquer la montée des extrêmes droites qui surfent sur l'absurdité du monde mais non pour revenir au libéralisme parlementaire qui leur a pavé la voie avec son austérité néolibérale.
À la recherche de la stratégie unificatrice contre la marginalité toujours vaincue
Afin de tenter de se sortir de la marginalité, une bonne partie de la nébuleuse québécoise écologiste, à l'invitation de Mob6600, s'est réunie en une « rencontre inter-luttes » le 15 juin sous la thématique « Quels moyens pour la lutte sociale et écologiste ? » dans le cadre du « Camp climat » dans la forêt Steinberg. Une quinzaine de groupes, en cinq minutes chacun, s'y sont présentés. Ces présentations et la discussion qui s'ensuivit ont permis de souligner points forts et points faibles à corriger. La grande majorité des groupes étaient petits et même groupusculaires à l'exception de deux, Fondation Suzuki et le CCMM-CSN, qui se donnent une vocation de « soutien à la mobilisation citoyenne », par exemple construire des coalitions dans un bassin de 140 organisations ou le soutien logistique, en plus de tâches qui leur sont propres vis-à-vis le grand public ou le mouvement syndical comme des campagnes, de la représentation et de l'éducation. Chacun se démarquait pas ses caractéristiques soit de domaine d'intervention (Northvolt, friche L'Assomption, pipeline 9B, feux de forêt, extension du Port de Montréal à Contrecœur, transport collectif) et la particularité de ses méthodes (diversité des tactiques, désobéissance civile, procès politique, réunions d'information, blocages, représentation, mémoires, rapports scientifiques, comités paritaires, sites web et Facebook, actions clandestines en soutien, podcasts).
Ressortaient deux groupes. Mères au front est une fédération d'une trentaine de groupes locaux comptant environ 8 000 membres. Chaque groupe mène ses propres luttes mais le centre donne la priorité à certaines comme les enjeux de la Fonderie Rouyn-Noranda, Northvolt et les caribous. Mob6600, étant donné son attache territoriale reconnue dans la discussion comme facteur facilitant la mobilisation, a amorcé la transition vers l'action de masse par des manifestations et des activités culturelles ce qui ne l'empêche pas dans un cadre de diversité des tactiques de faire de la représentation et de l'action directe tels des blocages.
La discussion a permis de souligner les défauts du fonctionnement en petits groupes exigeant la super-militance tels l'éparpillement et l'épuisement militant. Les victoires sont rares. Même les victoires contre l'exploitation des hydrocarbures ouvraient la voie à la filière batterie quoique ce n'était pas le cas du projet de pipeline Énergie-est. La moindre des choses est de ne pas se condamner les uns les autres, plutôt se faire résonnance, tout en ne fermant pas la porte à l'indispensable critique mutuelle et en reconnaissant l'avantage de la diversité d'opinions et des tactiques qui permettent de rejoindre différents milieux. Constamment réagir dans l'urgence peut faire perdre de vue le fondement anticapitaliste et décolonial des luttes et faire oublier le ralliement des personnes opprimées, premières victimes de la crise climatique, et l'unité avec les peuples autochtones, fer de lance de la lutte climatique.
La grande difficulté reste la transcroissance vers les mobilisations de masse d'autant plus que l'ennemi est puissant monétairement comme légalement, et n'hésite pas à s'unir du fédéral au municipal (Mob6600, Northvolt) malgré leurs chicanes par ailleurs. Des initiatives rassembleuses s'annoncent comme la coalition d'une quarantaine de groupes « La suite du monde » pour la manifestation climatique de la fin septembre qui n'a pas eu lieu l'an dernier. Mais la gent étudiante, en ce moment démobilisée quant à la lutte climatique, et le mouvement syndical, dont la mobilisation a déjà déçu, seront-ils de la partie en masse ? Rien n'est moins certain.
On remarque aussi le projet « Les soulèvements du fleuve » comme « volonté de mettre en branle un mouvement de résistance au développement industriel, colonial et extractiviste. De mettre en résonnance ce qui résiste et s'organise. Une tentative qui rassemble de multiples groupes, initiatives et usages. […] On pourrait ainsi résumer cette ultime lubie du gouvernement : éventrer le Nord, bétonner le Sud et transformer le fleuve Saint-Laurent en autoroute. » Voilà qui est bien dit mais y aura-t-il une suite et une croissance de cette coalition anti-décroissance ? Il est certainement exact que Contrecœur, Ray-Mont Logistique, Northvolt et les mines qui l'approvisionnent, l'élargissement du Port de Québec veulent faire du fleuve et de ses affluents une autoroute de la marchandise comme jamais aux dépends des bélugas et de la préservation des berges riches en source de vie. Les soulèvements du fleuve pourrait être la coalition en opposition au Projet Saint-Laurent de François Legault.
Le volet politique Québec solidaire et sa dissidence aux abonnés absents
Manque à ce panorama de la lutte climatique le volet proprement politique tout comme il faisait défaut au Festival de la décroissance conviviale dans la même forêt Steinberg il y a deux semaines. Depuis le dernier Conseil national de Québec solidaire, on sait que le nouveau programme de facto a balancé par-dessus bord tant le cadre général de la décroissance que la priorité à la production de batteries pour le transport collectif de la part de l'usine Northvolt. La dissidence à cette orientation semble penser que la simple lutte contre la privatisation d'HydroQuébec et la nationalisation des entreprises exploitant les ressources naturelles suffiraient à corriger le tir. Le bilan du socialisme du XXe siècle a plus que démontrer que la nationalisation mur à mur sans démocratisation de la planification afférente, telle en Union soviétique, peut faire pire en dommage environnemental. Hydro-Québec, nationalisée depuis plus d'un demi-siècle, ne poursuit-elle pas une politique croissanciste de capitalisme vert ?
On peut penser qu'une planification démocratique d'une économie socialisée et décentralisée du XXIe siècle opterait sans hésiter pour une décroissance matérielle réduisant drastiquement le niveau moyen de consommation tout en élevant celui du 50% mondial le plus pauvre.
En bénéficierait grandement le niveau de bien-être de tout le monde grâce à une société de sobriété solidaire et égalitaire. Ce qui signifie au moins la fin du règne de l'auto solo et du bungalow avec son corollaire d'étalement urbain au bénéfice de logements collectifs dans des quartiers et villages quinze minutes reliés par des parcs nature et un réseau de transport actif et public. Mais il semble que le mouvement écologique québécois devra se passer de l'outil essentiel d'une orientation dite écosocialiste sur la scène politique autrement qu'en vain discours du dimanche. Québec solidaire et sa dissidence en restent à se chamailler pour la meilleure chaise sur le pont du Titanic.
Marc Bonhomme, 16 juin 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca
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Le nouvel âge des fléaux du capitalisme. Les machines à pandémie (V)

Les nouvelles zoonoses sont inextricablement liées à l'industrialisation des volailles, des porcs et des bovins. En mars, Cal-Maine Foods [Ridgeland, Mississippi], le plus grand producteur d'œufs des Etats-Unis, a signalé que des poules de l'une de ses usines d'œufs du Texas avaient contracté l'influenza aviaire hautement pathogène de type A, mieux connue sous le nom de grippe aviaire. Pour éviter que la maladie ne se propage, l'entreprise a abattu 1,6 million de volailles. Il ne s'agit là que du dernier abattage massif dans le cadre de l'épidémie actuelle de grippe aviaire : plus de 100 millions de volailles d'élevage et d'innombrables oiseaux sauvages sont morts aux Etats-Unis et au Canada depuis le début de l'année 2022 [2].
« Le système alimentaire mondial est un désastre à évolution lente, mais il n'est pas cassé. Il fonctionne précisément comme un système alimentaire capitaliste est censé fonctionner : il se développe constamment, concentrant les richesses dans quelques monopoles puissants, tout en transférant tous les coûts sociaux et environnementaux à la société. » Eric Holt-Giménez [1]
Aux Etats-Unis, Cal-Maine exploite 42 « installations de production » dans lesquelles 44 millions de poules pondent plus de 13 milliards d'œufs par an. En 2023, ses bénéfices bruts s'élevaient à 1,2 milliard de dollars pour un chiffre d'affaires de 3,1 milliards de dollars [3]. Dans ce contexte, la perte de 1,6 million de volailles au Texas est un inconvénient mineur – d'autant plus que le gouvernement états-unien (en réponse au lobbying de l'agro-industrie) paie pour les volailles abattues lors d'épidémies de grippe aviaire. Des millions de poulets morts, c'est le prix à payer pour faire des affaires, et ce n'est pas très grave.
Les virus de la grippe ont été transportés par les oiseaux aquatiques pendant des siècles sans les rendre malades, mais lorsqu'une variante appelée H5N1 s'est propagée aux canards d'élevage dans le sud de la Chine, en 1996, elle a rapidement évolué vers une forme à la fois hautement infectieuse et mortelle pour les volailles. Cette version s'est ensuite propagée aux oiseaux sauvages et a continué à muter tout en se répandant dans le monde entier. La maladie touche principalement les volailles, mais, entre 2003 et 2019, 861 cas humains ont été signalés dans 17 pays, et 455 des patients sont décédés [4].
- Appellation des virus
- Il existe quatre types de virus de la grippe : A, B, C et D. Le type A est le plus courant et provoque les symptômes les plus graves. Les sous-types ayant des caractéristiques et des effets différents sont nommés d'après les propriétés des protéines Hemagglutinin (H) et Neuraminidase (N) présentes à leur surface. Par exemple, A(H7N2) est un sous-type de virus de la grippe A qui possède les protéines H-7 et N-2. Plus de 130 sous-types de type A ont été identifiés, et chacun d'entre eux se présente sous des formes multiples, appelées clades (groupes d'organismes) ou groupes.
Une variante de la grippe apparue pour la première fois chez les porcs aux Etats-Unis et au Mexique en 2009 a ensuite infecté des millions de personnes dans le monde entier, tuant entre 150 000 et 575 000 personnes.
Depuis la fin des années 1990, une nouvelle variante hautement pathogène du H5N1 est devenue la principale cause de grippe aviaire en Europe, en Afrique, en Asie et en Amérique du Nord, causant la mort de millions de volailles. En avril 2024, le département états-unien de l'Agriculture a signalé que, pour la première fois, le virus avait infecté des vaches laitières. Le 8 mai, le CDC (Centers for Disease Control and Prevention) a indiqué que 36 troupeaux de vaches laitières dans 9 Etats étaient touchés par le H5N1, mais il s'agit certainement d'une sous-estimation, car de nombreux exploitants refusent de tester le bétail ou de signaler les infections.
Un ouvrier de laiterie du Texas est le premier exemple connu de transmission du H5N1 d'un mammifère à l'homme, mais là encore, il est possible que d'autres cas n'aient pas été signalés, d'autant plus que les symptômes de cette grippe chez l'homme sont légers et de courte durée. Le risque pour la santé humaine est actuellement considéré comme faible, mais comme le souligne l'épidémiologiste Michael Mina, « la transmission incontrôlée parmi le bétail signifie que le virus se trouve de plus en plus en contact avec l'homme. Chaque exposition humaine, à son tour, offre la possibilité de nouvelles mutations qui pourraient permettre une transmission interhumaine. Bien que le risque d'une pandémie de H5N1 soit actuellement faible, les conséquences de l'inaction pourraient être catastrophiques. » [5]
Les usines à grippe
Jusqu'au troisième quart du XXe siècle, un virus de la grippe aviaire qui se serait propagé à un poulet ou à un porc domestique se serait rapidement retrouvé dans une impasse. Presque tous les poulets étaient élevés dans des fermes familiales, dans des troupeaux de quelques dizaines d'unités : 400 formait déjà un très grand élevage. Les porcs étaient élevés en nombre beaucoup plus restreint. Par conséquent, même si le virus était très contagieux, il aurait rapidement manqué de nouveaux hôtes à infecter.
Les choses ont changé avec ce que l'on a appelé « l'altération la plus profonde de la relation entre l'animal et l'homme depuis 10 000 ans » [6], à savoir l'expansion rapide d'exploitations d'alimentation animale concentrée (CAFO), plus précisément appelées « fermes industrielles ».
Aujourd'hui, une poignée d'entreprises géantes contrôlent la production de poulets de chair (poulets élevés pour la viande) et de poules pondeuses (poulets élevés pour les œufs). Dans une installation typique, des centaines de milliers de volailles sont entassées dans des bâtiments sans fenêtres, avec peu d'espace pour se déplacer. A la fin du XXe siècle, l'industrie de la volaille en Amérique du Nord a été complètement transformée et ses méthodes ont été largement copiées, notamment en Asie du Sud-Est et en Chine.
La transformation de l'élevage porcin a été encore plus rapide à partir des années 1990.
- « En 1992, moins d'un tiers des porcs des Etats-Unis étaient élevés dans des fermes de plus de deux mille animaux, mais en 2004, quatre porcs sur cinq provenaient de l'une de ces exploitations géantes, et en 2007, 95% d'entre eux en provenaient. Une analyse réalisée par Food & Water Watch a révélé qu'entre 1997 et 2007, 4600 porcs ont été ajoutés chaque jour à un élevage industriel, portant le total à plus de 62 millions d'animaux. » [7]
Dans le monde, les trois quarts des vaches, poulets, porcs et moutons sont élevés dans des installations industrielles confinées. Aux Etats-Unis, la proportion d'animaux élevés dans des fermes industrielles est bien plus élevée, avec plus de 99% des poulets et 98% des porcs.
Les volailles et les animaux de ces systèmes industriels ont été élevés pour croître rapidement et produire des quantités constantes de viande ou d'œufs tout en consommant un minimum d'aliments. Grâce à des programmes de sélection axés sur le profit, les volailles commerciales ont perdu plus de la moitié de la diversité génétique de leurs ancêtres sauvages [8]. Les élevages industriels sont peuplés d'animaux génétiquement identiques qui réagissent de la même manière aux nouvelles infections – un virus qui rend un animal malade peut faire de même pour les autres sans qu'il soit nécessaire de procéder à d'autres mutations. Si un poulet d'une méga-ferme contracte la grippe aviaire, la plupart des autres mourront en quelques jours.
Si l'on voulait construire une machine à créer des pandémies, on pourrait difficilement faire mieux que le système des fermes industrielles. Comme l'écrit Rob Wallace : « Notre monde est encerclé par des villes de millions de porcs et de volailles en monoculture, pressés les uns contre les autres, un écosystème presque parfait pour l'évolution de multiples souches virulentes de grippe. » [9]
- « Même si cela n'est pas intentionnel, l'ensemble de la chaîne de production est organisé autour de pratiques qui accélèrent l'évolution de la virulence des agents pathogènes et la transmission qui s'ensuit. Les monocultures génétiques – animaux et plantes alimentaires dont le génome est presque identique – suppriment les pare-feu immunitaires qui, dans des populations plus diversifiées, ralentissent la transmission. Les agents pathogènes peuvent désormais évoluer rapidement autour des génotypes immunitaires communs de l'hôte. Par ailleurs, la promiscuité diminue la réponse immunitaire. L'augmentation de la taille des populations d'animaux d'élevage et la densité des élevages industriels favorisent la transmission et les infections récurrentes. Le haut débit, qui fait partie de toute production industrielle, fournit un réservoir continuellement renouvelé en vulnérabilités au niveau de l'étable, de la ferme et de la région, supprimant ainsi le plafond de l'évolution de la mortalité des agents pathogènes. Le fait de loger un grand nombre d'animaux ensemble récompense les souches qui peuvent le mieux s'en débarrasser. L'abaissement de l'âge d'abattage – à six semaines pour les poulets – est susceptible de sélectionner des agents pathogènes capables de survivre à des systèmes immunitaires plus robustes. » [10]
De même, un groupe de travail pluridisciplinaire parrainé par le Council for Agricultural Science and Technology (Etats-Unis), organisme à but non lucratif, a conclu :
- « L'un des principaux effets des systèmes modernes de production intensive est qu'ils permettent la sélection et l'amplification rapides d'agents pathogènes issus d'un ancêtre virulent (souvent par le biais d'une mutation ténue), ce qui accroît le risque de propagation et/ou de dissémination de la maladie. … En d'autres termes, en raison de la révolution de l'élevage, les risques mondiaux de maladie augmentent. » [11]
L'émergence accélérée des zoonoses est inextricablement liée à l'industrialisation de la « production » des volailles, des porcs et des bovins, elle-même inextricablement liée à la volonté d'expansion du champ soumis capital et à son accumulation, quels que soient les dommages causés. Des bénéfices annuels de 4,9 milliards de dollars (Cargill), 4,4 milliards de dollars (JBS Foods) et 4,1 milliards de dollars (Tyson Foods) [12] ne sont possibles que les coûts des pandémies et de la pollution sont reportés sur la société dans son ensemble. Tant que les élevages industriels généreront de tels bénéfices, l'agro-industrie continuera à considérer les maladies épidémiques comme un coût acceptable de son activité.
L'agro-industrie, comme le dit Rob Wallace, a conclu une alliance stratégique avec la grippe. Big Food est en guerre contre la santé publique, et la santé publique est en train de perdre [13]. (A suivre –Article publié sur le blog de Ian Angus Climate&Capitalism le 15 mai 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre. Voir les quatre premières contributions publiées sur ce site les 12, 16, 27 mars et le 24 avril)
Notes
[1] Eric Holt-Giménez, Can We Feed the World without Destroying It ?, Global Futures (Cambridge, UK ? ; Medford, MA : Polity Press, 2018), 86.
[2] Andrew Jacobs, “A Cruel Way to Control Bird Flu ? Poultry Giants Cull and Cash In.,” The New York Times, April 2, 2024, sec. Science.
[3] Cal-Maine Foods, “3Q 2024 Investor Presentation.”
[4] Centers for Disease Control and Prevention, “Highlights in the History of Avian Influenza (Bird Flu),” Centers for Disease Control and Prevention, July 8, 2022.
[5] Michael Mina and Janika Schmitt, “How to Stop Bird Flu From Becoming the Next Pandemic,” TIME, May 9, 2024.
[6] Michael Greger, Bird Flu : A Virus of Our Own Hatching (New York : Lantern Books, 2006), 109–10.
[7] Wenonah Hauter, Foodopoly : The Battle over the Future of Food and Farming in America (New York : New Press, 2012), 171.
[8] William M. Muir et al., “Genome-Wide Assessment of Worldwide Chicken SNP Genetic Diversity Indicates Significant Absence of Rare Alleles in Commercial Breeds,” Proceedings of the National Academy of Sciences 105, no. 45 (November 11, 2008) : 17312–17.
[9] Rob Wallace, Big Farms Make Big Flu : Dispatches on Infectious Disease, Agribusiness, and the Nature of Science (New York : Monthly Review Press, 2016), 38.
[10] Rob Wallace et al., “COVID-19 and Circuits of Capital,” Monthly Review 72, no. 1 (May 1, 2020) : 1–15.
[11] Council for Agricultural Science and Technology, “Global Risks of Infectious Animal Diseases,” Issue Paper, February 2005, 6.
[12] Warren Fiske, “‘Big Four' Meat Packers Are Seeing Record Profits”, Politifact, June 30, 2022.
[13] Wallace, Big Farms Make Big Flu, 11 ; “COVID-19 and Circuits of Capital,” 12.
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L’héritage de la seconde guerre mondiale

Pour le 80e anniversaire du débarquement de Normandie (1944), les différents gouvernements impérialistes ont voulu souligner l'engagement des soldats, mais surtout les résultats de la victoire des Alliés sur le type de société qui a résulté de cette victoire. Dans le chapitre du livre d'Ernest Mandel sur la Seconde Guerre mondiale, ce dernier tire un tout au bilan de cette guerre, bilan sur lequel il vaut la peine de revenir, surtout à la lumière de la remontée de l'extrême-droite à l'échelle mondiale.
(tiré du livre : Sur la Seconde Guerre mondiale, une interprétation marxiste, Ernest Mandel, Éditions La Brèche, 2018, pp. 196 à 204)
Les destructions laissées par la Seconde Guerre mondiale sont stupéfiantes. Quatre vingt millions de personnes ont été tuées, si l'on inclut celles qui sont mortes de faim et de maladies en rapport direct avec la guerre, huit fois plus que pendant la Première Guerre mondiale. Des douzaines de villes ont été totalement détruites, surtout au Japon et en Allemagne. Les ressources matérielles susceptibles de nourrir, habiller, loger, équiper tous les pauvres de ce monde ont été gaspillées à des fins purement destructives. Des forêts ont été dévastées et des terres agricoles laissées en friche à une échelle qu'on n'avait plus vue depuis la Guerre de Trente ans ou l'invasion mongole de l'Empire islamique.
Les ravages destructeurs sur les esprits et le comportement humain ont été les plus graves. Violence et mépris barbares à l'encontre des droits humains élémentaires, à commencer par le droit à la vie, se sont' répandus à un niveau jamais atteint durant et après la Première Guerre mondiale.
L'apogée de cette montée de la barbarie fut l'avènement de la Bombe, véritable quintessence de la force destructive fondamentale du capitalisme tardif. Depuis 1945, l'ombre de l'annihilation finale plane sur le destin de l'humanité sous la forme d'un sinistre nuage en forme de champignon. Cette ombre empoisonne déjà des centaines de milliers d'êtres humains, tant eux-mêmes que leurs descendants, elle empoisonne aussi leur esprit. Sans parler des effets, sur le long terme et largement méconnus, des retombées radioactives directes de la bombe nucléaire ou des explosions expérimentales.
Toutes ces destructions ont-elles été inutiles ? Le capitalisme international est-il sorti de la Seconde Guerre mondiale ayant résolu les contradictions fondamentales, structurelles et conjoncturelles, qui l'avaient mené au conflit ? Nombre d'observateurs l'auraient catégoriquement nié dix ans plus tôt, alors que contrairement à la période de l'entre-deux-guerres, on pouvait constater que l'économie capitaliste internationale avait fait l'expérience de deux décades [1](presque trois, dans les pays anglo-saxon) de croissance sans précédent, interrompue seulement par des récessions mineures et d'une longue période historique avec un bas niveau de chômage et une hausse impressionnante du niveau de vie des· masses travailleuses des pays impérialistes.
Aujourd'hui, il est évident que ces vingt à vingt-cinq années de boom économique ne furent qu'une parenthèse, « une onde longue expansive » de l'économie capitaliste, qui suivait la « longue dépression » de l'entre-deux-guerres, et qui sera elle-même suivie d'une « longue dépression » d'une durée encore plus longue que celles des années 1913-1939 [2]
Bien sûr, cette parenthèse a vu les forces productives opérer un nouveau bond en avant. La troisième révolution technologique a généré une énorme augmentation des biens matériels et des compétences et des connaissances de la classe ouvrière internationale, sans parler de l'explosion du nombre des salariés. Même si les progrès matériels et intellectuels furent inégalement répartis, suivant le développement des pays capitalistes, ils ont permis d'élargir la base à partir de laquelle construire le socialisme. Les conditions matérielles pour bâtir un socialisme mondial d'abondance et de dépérissement global de la division du travail entre patrons et travailleurs étaient bien plus importantes en 1970 qu'en 1939, sans parler de 1914. Elles le sont encore plus en 1985.
En même temps, cependant, le prix que le genre humain doit payer pour ce retard dans l'instauration du socialisme mondial, pour la survie de ce capitalisme pourrissant, devient de plus en plus en plus effrayant. La tendance des forces productives à se transformer en forces destructrices non seulement se manifeste par des crises périodiques de surproduction et des guerres mondiales, mais cela se manifeste de plus en plus implacablement dans le champ de la production, de la consommation, de rapports sociaux, de la santé (particulièrement la santé mentale) et, par-dessus tout, dans cette suite ininterrompue de guerres locales. À nouveau, le coût global de ces souffrances humaines, de ces morts et de ces menaces pour la survie physique de l'humanité est sidérant. Il dépasse tout ce qu'on a pu voir pendant la Première et la Seconde guerre mondiale. [3]
Deux excellents exemples suffisent à souligner ce point (beaucoup d'autres pourraient être cités). Depuis 1945, il ne s'est pas passé une seule année sans que des guerres "locales" n'éclatent quelque part sur le globe, et souvent simultanément. La plupart de ces guerres sont des guerres contre-révolutionnaires d'intervention contre des mouvements d'indépendance nationale ou contre des révolutions sociales. Le nombre des victimes égale ou dépasse, déjà, celui de la Première Guerre mondiale.
La perversion de la consommation et des besoins humains par la production de masse standardisée, fondée sur le profit, impose toujours plus de maladies et de morts à l'humanité. Non seulement elle implique à la fois augmentation de la surproduction et compression artificielle de la production de nourriture à l'Ouest, de même que faim et famine dans le Sud, mais elle génère aussi, en Occident même, un flot croissant de biens de consommation, dont la nourriture, inutiles, dangereux el empoisonnés. Le résultat en est la croissance dramatique des maladies dites de « civilisation », comme les cancers et les occlusions coronariennes, causées par l'air vicié, l'eau et le corps lui-même. De nouveau, un tribut stupéfiant est payé à la mort. La menace d'empoisonnement de l'air, des mers, de l'eau et des forêts pose la question de la survie physique de l'humanité dans les mêmes termes que la pose la guerre mondiale nucléaire.
En ce sens, la Seconde Guerre mondiale n'a rien résolu, c'est-à-dire n'a éliminé aucunes des causes de fond des crises de plus en plus intenses menaçant la survie de la civilisation et de l'humanité. Hitler a disparu, mais la vague de destruction et de barbarie continue de monter, quoique de façon plus diverse et moins concentrée (pour autant qu'on évite une troisième guerre mondiale) [4], car les causes destructrices sous-jacentes demeurent. C'est la dynamique expansionniste de la concurrence, l'accumulation du capital et un impérialisme de plus en plus autocentré, avec tout le potentiel destructeur que cette expansion recèle face à la résistance et la désobéissance croissante de millions, si ce n'est de centaines de millions d'êtres humains, qui opèrent en "boomerang", c'est-à-dire de la "périphérie", les peuples dominés, vers le " centre " impérialiste.
La militarisation des États-Unis traduit la permanence de cet expansionnisme et son pouvoir de destruction, nonobstant de particulières circonstances historiques. Joseph Schumpeter affirmait, contre les marxistes, que les racines de l'impérialisme étaient essentiellement précapitalistes, semi-féodales, de type absolutiste-militariste et non de la responsabilité du business capitaliste. [5]Il a essayé de le prouver en affirmant que le pays le plus puissant du monde, les États-Unis d'Amérique, n'avait ni armée ni establishment militaire à proprement parler. Il est allé jusqu'à réitérer ses arguments, qu'il avait déjà une première fois avancés juste après la Première guerre mondiale, dans son classique Capitalisme, socialisme, démocratie(datant de 1943, c'est l'une des rares études historiques bourgeoises dernières cinquante dernières années qu'il vaut la peine de mentionner, largement supérieure à la critique de Marx par Popper, sans parler des vociférations antisocialistes de Frederich A. Hayek. [6]
Il est vrai que les spécificités historiques du capitalisme US, ses limites et la faiblesse des États de sa sphère d'influence commerciale en Amérique latine, lui ont donné la possibilité de s'étendre géographiquement, tout en ne recourant que peu à la force (en tout cas, significativement moins que les puissances européennes ou le Japon.) Plus tard, après la Première Guerre mondiale, la gigantesque supériorité industrielle et financière de l'impérialisme US fit que gouverner « pacifiquement » (non sans utiliser le « gros bâton »ici ou là, bien sûr) était plus efficace que les occupations territoriales directes ou les aventures militaires à grande échelle.
L'issue de la Seconde Guerre mondiale a tout bouleversé. À commencer par l'avènement d'une complète hégémonie de l'impérialisme US impliquant qu'il pouvait, de plus en plus, jouer le rôle de gendarme mondial du capitalisme. En ce sens, les contradictions entre l'internationalisation des forces productives et la permanence de l'État-nation furent, partiellement et temporairement, surmontées. Mais il lui était impossible de jouer ce rôle sans un puissant establisment militaire en expansion. L'impérialisme US dut affronter littéralement toutes les contradictions du capitalisme international et de plus, les réduire puis les réprimer.
Sous le capitalisme, particulièrement l'impérialisme dans sa phase de « capitaliste tardif » caractérisé par de monstrueuses quantités de capitaux en recherche permanente de champs d'investissement, un establishment militaire en expansion signifie des firmes industrielles capitalistes en pleine croissance, tournées vers la production d'armes. Elles y ont un intérêt propre, car l'État se porte garant de l'augmentation permanente de la production et des profits ainsi générés. D'où l'apparition du « complexe militaro-industriel » pour citer les mots judicieusement choisis d'Eisenhower, général devenu président des États-Unis.
Ainsi, en définitive, Schumpeter avait complètement tort, et les marxistes avaient raison à propos du cas, exemplaire, des États-Unis. Au-delà de toutes ses spécificités historiques et de sa singularité, quoique avec un demi-siècle de retard sur la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne, le Japon et l'Italie, la militarisation des États-Unis procédait directement des besoins du grand business et de l'impérialisme US.
Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Aussi puissant fût-il, l'impérialisme US ne pouvait affronter simultanément, avec ses seules ressources militaires, l'Union soviétique, le processus de révolution permanente dans les pays coloniaux et semi-coloniaux et une classe ouvrière périodiquement rétive et explosive dans plusieurs pays impérialistes. Il avait besoin d'alliés : il devait les soigner, au premier chef, financièrement. En conséquence, l'impérialisme US vit la loi du développement inégal et combiné [7] se manifester pour la première fois contre lui-même.
Quand les États-Unis entreprirent de reconstruire et de consolider l'impérialisme d'Allemagne de l'Ouest et du Japon (de la même façon qu'ils avaient précédemment présidé à la reconstruction et à la stabilisation de la France et de l'Italie), ils initièrent un processus qui offrit à ces pays l'opportunité d'atteindre une croissance de la productivité industrielle en moyenne plus rapide, ainsi qu'un profil industriel plus moderne, que ceux des États-Unis eux-mêmes. C'était la conséquence de la défaite et des destructions que ces pays avaient subies. Ainsi, la constitution de la machine de guerre américaine assura aussi la fonction de pressurisation d'alliés récalcitrants, de façon à ce qu'ils ne s'autonomisent pas trop sur les plans financier, commercial et industriel, fonction qui fut elle-même, petit à petit, sapée par les modifications des rapports de forces au détriment de l'impérialisme américain. Ainsi, en dépit de son hégémonie militaire, le « règne du dollar » et de la domination américaine sur la propriété et le contrôle des entreprises multinationales ne durèrent pas plus de vingt ans après la Seconde Guerre mondiale. Si l'on garde en tête la puissance industrielle et militaire soviétique, qui cassa dans les années cinquante, le monopole américain tant sur les armes nucléaires que sur les moyens de les utiliser, le « siècle américain » a à peine duré plus d'une décade. Bretton Woods [8] le « règne du dollar. [9], le « règne des multinationales contrôlées par les Américains, ont réellement permis après 1945-1948, au capitalisme américain et mondial d'éviter un effondrement économique comparable à celui de la grande Dépression [10] Mais ces mesures s'érodèrent et, finalement, aboutirent à la longue dépression qui a commencé à la fin des années soixante - début des années soixante-dix" [11]
Le boom d'après-guerre ne fut pas non plus la conséquence automatique du choix d'une expansion commerciale et financière « pacifique » de l'impérialisme US. La précondition du plan Marshall, donc des exportations massives de capitaux et de tout ce qui en découlait, était d'en finir avec la montée du mouvement ouvrier de l'après-guerre dans plusieurs pays impérialistes clés, particulièrement la France, l'Italie et le Japon où le militantisme était largement canalisé par les PC et, de ce fait, perçu comme une menace directe par l'impérialisme américain. Cette montée ouvrière eut lieu aussi aux États-Unis, bien qu'avec un niveau de politisation et de radicalisation moindre. [12]
Dans ces conditions, la lutte des classes dans les principaux pays capitalistes, comme à l'échelle internationale, se combina avec les rapports conflictuels entre les différentes grandes puissances et avec la guerre froide, d'une façon spécifique et discontinue. Certaines des principales grèves dans l'industrie doivent être distinguées de grèves plus tardives, par exemple la vague de grèves aux USA et les première grèves sauvages massives, en Belgique et en France, résultant du départ des PC des coalitions gouvernementales, sous la pression de la classe ouvrière (et non sous la pression de l'impérialisme américain ou des bourgeoisies européennes). Mais les défaites partielles de ces combats, combinées à un capitalisme de plus en plus répressif (dont le Taft Hartley Act [13] et l'érosion graduelle de la puissance syndicale aux États-Unis, fournissent les exemples les plus significatifs), ainsi que le tournant des PC d'une politique de participation à des gouvernements de coalition vers des positionnements ultragauches, conduisirent au déclin général du militantisme ouvrier - même en Grande-Bretagne où la désorientation politique avait le plus de chance d'être évitée grâce à la présence d'un gouvernement travailliste assis sur une large majorité parlementaire actrice d'importantes réformes législatives. Alors que la stabilisation du capitalisme dans les principaux pays impérialistes permettait au boom économique de démarrer sur des bases favorables - le déclin de la première vague de radicalisation et d'engagement des travailleurs de l'après-guerre - elle conféra au développement du rapport de forces entre les classes une orientation particulière, tout à fait différente de celle de 1923. [14]
Aucune classe ouvrière de pays impérialistes ne subit de défaite écrasante. Alors que la guerre froide occasionna de grosses divisions idéologiques et organisationnelles à l'intérieur du mouvement ouvrier, elle contraignit les impérialistes à payer le prix fort pour garder leur "front intérieur" relativement calme. En conséquence du boom économique de l'après-guerre dans la société occidentale - induisant une nouvelle augmentation du salariat, c'est-à-dire de l'industrialisation et, en conséquence, les attentes de plus en plus pressantes des travailleurs de voir leurs désirs réalisés par leurs luttes syndicales et leurs initiatives politiques (sauf aux USA) - le mouvement ouvrier organisé continua de se renforcer dans les pays impérialistes. Il atteignit des niveaux records, dans et hors des usines. Pendant un moment, cette croissance sembla réellement alimenter le boom en permettant aux masses de s'équiper de biens durables et d'acheter leur logement. Mais à partir d'un certain point, symbolisé par mai 68, les contradictions entre cette croissance et le fonctionnement normal de l'économie capitaliste devinrent évidentes.
D'un autre côté, les conditions mêmes dans lesquelles le « Siècle américain » avait été conçu : le règne des entreprises multinationales et les conséquences de la troisième révolution sur les matières premières (élimination graduelle du travail humain), facilitèrent le passage de l'impérialisme de la domination directe du "tiers monde" [15] à sa domination indirecte (du colonialisme au néocolonialisme) sans aucune redistribution significative des profits (la plus-value mondiale) en faveur des classes dirigeantes du tiers-monde.
Un flux constant de richesse du Sud vers le Nord, se maintint pendant toute la période de l'après-guerre, alimentant, à la fois, le boom lui-même et la révolte contre la surexploitation induite, prenant la forme de mouvements de libération nationale. Les vieux empires s'étaient effondrés. Mais la tentative de stabiliser un nouvel américain "indirect" tendait petit à petit vers l'échec. [16]
De ce point de vue, également, la Deuxième Guerre mondiale n'avait structurellement rien résolu pour le capitalisme. Le capitalisme s'était stabilisé et avait prospéré en Occident de 1948 à 1968. Mais le prix payé fut des crises continuelles dans le tiers monde et l'accumulation d'éléments de plus en plus explosifs en Europe occidentale - qui explosèrent en 1968. La crise de l'impérialisme n'avait pas été résolue.
Pas plus que la crise des rapports de production capitaliste. Le répit n'avait pas été utilisé pour réparer la digue. Les brèches s'élargissaient. Et, par ces brèches, les flots de la révolution pourraient recommencer à se déverser. Cela reste la meilleure chance, en fait la seule chance, d'éviter la troisième guerre mondiale. Le genre humain ne peut être sauvé de la destruction que par un contrôle rationnel, international et national, sur ses affaires, c'est-à-dire en abolissant les classes, les conflits entre nations et la concurrence.. Et seule une fédération mondiale démocratique et socialiste peut atteindre cet objectif.
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[1] Nous sommes en 1986. NDE
[2] À ce propos, voir Ernest Mandel, Late CapitalismLondres 1976. Le troisième âge du capitalisme, La Passion, Paris 1997) et The Long Waves of Capitalism Development, Cambridge 1981Les Ondes Longues du développement capitaliste, Syllepse, Paris, 2014
[3] Pendant le bombardement de l'Indochine par l'aviation américaine, entre 1964 et 1973, la puissance destructrice larguée fut trois fois plus importante que durant l'ensemble de la Seconde guerre mondiale en Europe et en Asie, guerre de Corée incluse : 7,5 millions de tonnes de bombes dont 400 000 tonnes de napalm.
[4] Selon Amnesty International, la torture est, aujourd'hui, régulièrement pratiquée (institutionnalisée] dans plus de 50 pays.
[5] Josef Schumpeter, Zur Soziologie der Imperialismen (1919) publié en anglais sous le titre Imperialism and Social Classes (en français Impérialisme et classes sociales, Flammarion 1999).
[6] Voir, par exemple, The Road to Serfdom, 1944. (La route de la servitude, PUF, 2013)
[7] Voir Michel Husson http://hussonet.free.fr/rouage4.pdf, p.4, qui cite Trotsky, Histoire de la révolution russe, t. 1,p.42, Seuil. Nde.
[8] Accords signés en juillet 1944, aux États-Unis, entre les 44 pays alliés pour organiser les grandes lignes du nouveau système financier mondial. nde.
[9] Bien sûr, ce ne fut possible que grâce aux dommages irréparables de la seconde guerre mondiale a causés aux finances et à la marine marchande et militaire britannique. Les autorités anglaises, dans un document très clair, disaient : alors que les transports commerciaux des Nations Unies s'améliorent, et cela va probablement continuer, les importations britanniques continuent régulièrement de se dégrader. »(cité par Howard, Grand Strategy pp. 632-636). En 1937, la Grande-Bretagne importait pour près de cinq millions de tonnes par mois, tous biens confondus. Les chiffres tombent à deux millions et demi de tonnes, fin 1940 - début 1941, puis à deux millions, en été 1942, enfin passent à un million et quart, entre novembre 1942 et février 1943. En 1941, les stocks de nourriture et de matières premières, sauf l'huile, étaient montés à quatre millions de tonnes au-dessus du niveau de sécurité minimum. En avril 1943, ils étaient à un million de tonnes sous ce niveau minimum. La situation financière était encore pire. Tous les placements avaient été pratiquement liquidés. Le solde de sa balance en dollars était débiteur de un milliard.
[10] La Grande Dépression commence en 1928, passe par le krach du 24 octobre 1929, dit le "jeudi noir" et s'achève avec la Seconde Guerre mondiale. nde.
[11] E.Mandel, The Second Slump, 3e édition. Londres 1986.
[12] Sur la vague de grèves d'après-guerre aux USA : Jeremy Breker, Strike, San Francisco 1972
[13] Loi américaine de 1947 qui interdit les grèves spontanées, impose un prévis de 60 jours, oblige les dirigeants syndicaux à se déclarer "non communistes", etc. nde.
[14] Caractérisé par le chômage de masse et la paupérisation de la population. nde.
[15] Vocable désuet désignant, globalement, les pays dominés : les pays n'appartenant pas à l'ensemble des pays impérialistes ni au bloc post-capitaliste, soviétique et chinois. nde
[16] La liquidation de l'Empire britannique en Inde offre une confirmation frappante de l'application de la théorie du matérialisme historique étendue au rôle de l'individu dans l'histoire de Plékhanov. Il affirme que lorsque la nécessité historique (de classe) d'un certain type de personnalité apparaît, les circonstances y pourvoient et de fait en produisent plusieurs. Afin de gérer le retrait de l'Inde aussi pacifique que possible, l'Empire britannique avait à sa disposition non seulement un "Lord de la gauche travailliste" descendant d'une famille noble et ami de Nehru et Gandhi, Sir Stafford Cripps, mais aussi un héritier de la famille royale elle-même, Lord Mountbatten. David Cannadine résuma sa participation tout à fait correctement : « Ses conceptions progressistes, son expérience à l'est de Suez, et ses liens étroits avec le roi lui-même, en firent l'homme idéal pour en finir avec la domination britannique en Inde en 1947 (...) Quand il est né, la reine Victoria était sur le trône, l'Empire britannique était le plus grand empire qu'on ai jamais vu et la livre ne valait pas seulement vingt shillings mais aussi cinq dollars. Quand il est mort, Mme Thatcher était au 10 Downing Street, la marine anglaise n'était plus que l'ombre d'elle-même, l'Empire britannique s'était désintégré dans le Commonwealth et la livre ne valait pas deux dollars »

Législatives en France : Communiqué de presse CFDT, CGT, Unsa, FSU, Solidaires

L'abstention et l'extrême droite ont atteint un record lors des élections européennes de ce 9 juin. Cette tendance est à l'œuvre dans toute l'Europe mais la France est le pays dans lequel les listes d'extrême droite font le score le plus élevé.
Les organisations syndicales alertent depuis des années sur la crise sociale et démocratique qui traverse notre pays. Une politique qui tourne le dos au social et qui crée déclassement, abandon de nos industries et de nos services publics, le passage en force contre la mobilisation historique contre la réforme des retraites, l'absence de perspectives de progrès et la banalisation des thèses racistes, constituent le terreau sur lequel l'extrême droite prospère.
En décidant de dissoudre l'Assemblée nationale, et d'organiser des élections législatives en trois semaines, après les premiers départs en vacances et à la veille des Jeux Olympiques, le président de la République prend une lourde responsabilité.
Il faut un sursaut démocratique et social. A défaut, l'extrême droite arrivera au pouvoir. Nous l'avons vue à l'œuvre dans l'histoire et aujourd'hui en Italie ou en Argentine par exemple : austérité pour les salaires et les services publics, réformes constitutionnelles remettant en cause l'indépendance de la justice et le rôle des syndicats, attaques contre les droits des femmes et des personnes LGBTQIA+, remise en cause du droit à l'IVG, politiques racistes qui mettent en opposition les travailleuses et les travailleurs en fonction de leur religion, de leur couleur ou de leur nationalité. Nous connaissons ses votes en France comme en Europe, ils sont toujours défavorables aux travailleuses et aux travailleurs.
Notre République et notre démocratie sont en danger. Il faut répondre à l'urgence sociale et environnementale et entendre les aspirations des travailleuses et des travailleurs et notamment :
– Augmenter les salaires et les pensions ;
– Revenir sur la réforme des retraites et sur celles de l'assurance chômage ;
– Défendre nos services publics et en garantir l'accès à toutes et tous sans condition de nationalité et sur tout le territoire. Notre école, notre recherche, notre système de santé, de prise en charge de la dépendance, notre système de justice sont asphyxiés et ont besoin d'investissements massifs ;
– Mettre fin à la verticalité du pouvoir en commençant par restaurer la démocratie sociale à tous les niveaux, entreprise, branche, territoire et interprofessionnel ;
– Mettre en place des mesures de justice fiscale et notamment taxer les super profits, dividendes et rachats d'actions ;
– Instaurer enfin l'égalité salariale et éradiquer les violences sexistes et sexuelles ;
– Instaurer le droit à la régularisation pour tous les travailleurs et travailleuses étranger·es sur la base d'un certificat de travail ;
– Relocaliser et transformer notre industrie pour répondre aux besoins sociaux en environnementaux en la protégeant du dumping social, fiscal et environnemental ;
– Créer de nouveaux droits pour permettre aux travailleuses et aux travailleurs d'anticiper les transformations environnementales et de sécuriser leur emploi.
Dans l'immédiat, nous appelons le président de la République à la cohérence. L'Assemblée nationale est dissoute, les réformes doivent donc être interrompues étant donné qu'il n'y a plus aucun contrôle démocratique. Le gouvernement doit en particulier immédiatement renoncer à sa réforme de l'assurance chômage.
Nous appelons à manifester le plus largement possible ce week-end pour porter la nécessité d'alternatives de progrès pour le monde du travail.
Le 10 juin 2024.
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Communiqué de la CGT : Face à l’extrême droite, le front populaire !

L'abstention et l'extrême droite ont atteint un record lors des élections européennes de ce 9 juin. Cette tendance est à l'œuvre dans toute l'Europe mais la France est le pays dans lequel les listes d'extrême droite font le score le plus élevé et progressent le plus.
10 juin 2024
Tiré de https://snjcgt.fr/2024/06/10/face-a-lextreme-droite-le-front-populaire/
C'est avec une énorme colère que la CGT accueille ces résultats alors qu'elle alerte, en vain, depuis des années. Emmanuel Macron en porte la première responsabilité. Il n'a cessé de banaliser le Rassemblement National, en reprenant ses thèses, et mène avec le patronat une politique sociale violente qui accrédite l'idée que la seule alternative serait l'extrême droite.
En décidant d'organiser des élections législatives en trois semaines à la veille des Jeux Olympiques et après les premiers départs en vacances, le président de la République joue, encore une fois, avec le feu, en faisant primer de petits calculs politiciens.
Nous ne le laisserons pas faire. Ni recul social, ni banalisation du racisme et de la xénophobie. Forte de son histoire, la CGT prend toutes ses responsabilités pour empêcher qu'à nouveau les travailleuses et les travailleurs ne soient enfermés dans une fausse alternative entre l'extrême droite et le néolibéralisme, dont les forces de l'argent seraient les plus grandes gagnantes.
Les résultats du 9 juin le démontrent. Sans sursaut immédiat, l'extrême droite arrivera au pouvoir. Notre République et notre démocratie sont en danger. Pour empêcher la catastrophe organisée par Emmanuel Macron et Marine Le Pen d'advenir, l'unité de la gauche est indispensable. Pour battre l'extrême droite, le monde du travail a besoin d'espoir et de perspectives en rupture avec la politique d'Emmanuel Macron. Il faut répondre à l'urgence sociale et environnementale, avec des propositions fortes pour augmenter les salaires et les pensions, défendre notre industrie et nos services publics et gagner le droit à la retraite à 60 ans. Un débat en profondeur doit être mené pour que les leçons soient vraiment tirées pour bâtir une alternative durable.
Quant au gouvernement, il doit immédiatement renoncer à sa réforme de l'assurance chômage et à toutes les contre-réformes en cours et notamment la réforme de la fonction publique.
La CGT appelle le monde du travail à se syndiquer, à s'organiser, à participer à toutes les initiatives de mobilisation contre l'extrême droite et contre la politique d'Emmanuel Macron, en commençant par l'appel des organisations de jeunesse à se rassembler dès ce lundi soir. La CGT appelle tous les travailleuses et travailleurs à prendre d'ores et déjà leurs dispositions pour pouvoir voter les 30 juin et 7 juillet prochains. Attachée à l'unité des salariés, la CGT échangera, ce soir, avec les autres organisations syndicales sur les possibilités d'actions communes et examinera toute proposition d'action unitaire.
Montreuil, le 10 juin 2024.
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Ukraine : syndicats contre guerre et libéralisme

Depuis le début de la guerre, le mouvement syndical ukrainien, y compris cheminot, se bat sur deux fronts. Il participe massivement à la lutte pour chasser l'occupant russe. Il doit aussi combattre les mesures gouvernementales qui utilisent la loi martiale pour fragiliser le Code du travail et les droits syndicaux pour préparer la thérapie de choc néolibérale de l'après-guerre.
Tiré de Entre lesl ignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/06/16/ukraine-syndicats-contre-guerre-et-liberalisme/
Depuis l'agression armée de la Fédération de Russie contre l'Ukraine le 14 février 2022, « Ukrzaliznytsia » (les chemins de fer ukrainiens) a montré qu'elle était une entreprise d'infrastructure essentielle. Les cheminots contribuent à la capacité de défense de l'État par leur travail héroïque pendant les hostilités et les attaques à la roquette. Des dizaines de milliers se sont enrôlés dans l'armée ukrainienne. Il y a un an, selon les syndicats des chemins de fer ukrainiens, 353 d'entre eux ont été tués dans les combats ou les tirs croisés et 819 étaient blessés.
Démantèlement à bas bruit des droits sociaux
Alors que la guerre et la survie économique absorbent l'attention de la population, « un démantèlement à bas bruit des droits sociaux se poursuit » alertait Le Monde Diplomatique de novembre 2023. En mars 2022 déjà, un premier projet de loi visait la réglementation des relations de travail en temps de guerre. Ce projet a été adopté sans débat ni vote par le parlement ukrainien. « Une méthode, explique Mediapart (21.6.2023), facilitée par l'interdiction des grèves et des manifestations par la loi martiale, en vigueur depuis l'invasion russe. » Les employeurs peuvent désormais augmenter le temps de travail hebdomadaire de 40 à 60 heures, licencier leurs employé∙es dans un délai de dix jours ou suspendre temporairement leurs contrats de travail.
En juillet 2022, les parlementaires votaient un second projet de texte suspendant les accords collectifs d'entreprise et donnaient à l'employeur toutes marges de manœuvre pour modifier unilatéralement les conditions de travail. Le texte imposait cette fois des changements qui ne se cantonneront pas au temps de guerre. Le 9 août 2022, ETF, la Fédération européenne des travailleurs des transports qui représente à Bruxelles les syndicats de cheminot∙es de tous les pays européens et leurs membres dont ceux du SEV, avait tiré la sonnette d'alarme. ETF avait écrit aux plus hautes instances européennes pour leur faire part de ses préoccupations quant à ce projet de loi n°5371 qui prive quasiment 70% des salarié∙es de leurs droits. Elle leur demandait d'agir pour faire stopper les attaques contre le mouvement syndical en Ukraine.
Droit du travail, victime collatérale de la guerre
En vain. La loi était ratifiée le 17 août 2022 par le président Zelensky. Pour les entreprises de moins de 250 salarié∙es, plus aucun accord collectif ne s'applique : les contrats de travail sont « négociés » et signés directement entre l'employeur et l'employé. Dans une lettre du 19 août, les Confédérations internationale et européenne des syndicats avaient dénoncé, dans un courrier d'une rare fermeté, adressé à la Commission et au Conseil européen, une loi « antisociale », « motivée par des oligarques derrière le parti au pouvoir, qui se moquent des intérêts du peuple ».
Livia Spera, secrétaire générale de l'ETF, a exprimé clairement son mécontentement en février 2023 après un an de conflit : « Le sacrifice des travailleurs des transports ukrainiens ne doit pas être récompensé par la destruction de leurs droits par leur gouvernement. Nous faisons savoir aux décideurs ukrainiens que le mouvement syndical international est conscient des soi-disant « réformes » et des plans de privatisation qui sont poursuivis sous la couverture politique de cette guerre, et que nous ne l'accepterons pas. Les droits des travailleurs ukrainiens ne doivent pas devenir des dommages collatéraux dans cette guerre. »
Alors que la guerre se durcit, l'offensive néolibérale du gouvernement redouble fin 2023 avec un nouveau projet de réforme du Code du travail ukrainien élaboré par le ministère de l'Économie et publié par le gouvernement. Le document complet compte 264 articles et constitue une attaque antisociale centrale contre les droits des travailleurs. Le but est de perpétuer les restrictions « temporaires » des droits de la période de guerre après la victoire. L'idée est notamment de pouvoir encore réduire les primes en cas d'heures supplémentaires ou de travail de nuit et de simplifier les procédures de licenciement des travailleurs. Le syndicat des cheminots et travailleurs de la construction des transports d'Ukraine (Turtcu), membre de l'ETF, a réagi en janvier 2024 et a souligné la nécessité de le réviser. Il y a urgence, car si le nouveau code devait être adopté cette année, il entrerait en vigueur en 2025.
Après-guerre néolibéral
On peut se demander pourquoi l'État ukrainien attaque pareillement le service public et le droit du travail alors qu'il devrait se concentrer sur la guerre. Même si la perspective peut sembler lointaine, la réponse se trouve dans la reconstruction à travers un « plan Marshall », y compris pour le rail, qui aiguise les appétits. Fin 2022, la Banque mondiale estimait à 350 milliards d'euros le coût des dommages en Ukraine. La question était déjà à l'agenda lors de la conférence de Lugano à l'été 2022. Le « brouillon » du plan de reconstruction citait comme contrainte institutionnelle à un « marché du travail moderne » la « position de résistance des syndicats ». Jusqu'à présent, les plans suivent largement les traditions néolibérales en se basant sur les principes de déréglementation, libéralisation, soutien des secteurs d'exportation et privatisation pour attirer les capitaux.
Les élites ukrainiennes prennent donc les devants en assouplissant le Code du travail pour satisfaire l'Europe et le FMI qui avaient « offert » des prêts conditionnés en échange de « réformes » favorables aux entreprises, mais aussi pour attirer les capitaux européens et américains. Alexander Rodnyansky, principal conseiller économique du président ukrainien, ne cache pas que l'Ukraine doit devenir attractive par « un vaste programme de privatisations et une remise à plat du droit du travail » (The Guardian, octobre 2022).
Le peuple et les travailleur∙euses ukrainiens méritent toute notre solidarité. En Ukraine, guerre et capitalisme ne semblent malheureusement être que les deux faces d'une même médaille qui n'amène que morts, souffrance et régression sociale implacable.
Yves Sancey
yves.sancey@sev-online.ch
Ucraina, i sindacati contro la guerra e il liberalismo
https://andream94.wordpress.com/2024/06/16/ucraina-i-sindacati-contro-la-guerra-e-il-liberalismo/
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