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Une société en miettes : pourquoi les Sud-Africains ont puni l’ANC

20 août 2024, par Franco Bonomi Bezzo, Laura Silva — , ,
Le Gatsby est un sandwich emblématique de la ville du Cap : on coupe un pain en deux et on le fourre d'une variété d'ingrédients, laissant souvent des miettes éparses lorsqu'on (…)

Le Gatsby est un sandwich emblématique de la ville du Cap : on coupe un pain en deux et on le fourre d'une variété d'ingrédients, laissant souvent des miettes éparses lorsqu'on le mange. Dans notre étude « From Gatsby to crumbs, material and immaterial responses to infrastructural precarity », nous explorons les effets du délestage, c'est-à-dire des pénuries d'électricité programmées et prolongées qui se produisent régulièrement en Afrique du Sud.

Tiré d'Afrique en lutte. Photo : Des agents de la police métropolitaine du Cap tentent d'arracher un morceau de fil électrique branché illégalement à des habitants d'un quartier informel appelé Oasis Farm, près du Cap, le 13 septembre 2023. Rodger Bosch/AFP

Nous constatons que ces pénuries, qui ont un impact différent sur la dynamique de la solidarité civique selon les classes sociales et les races, privent uniformément les citoyens de toute participation politique et de tout engagement gouvernemental, ce qui évoque une société réduite à l'état de miettes « à la Gatsby ».

« Racisme énergétique »

L'histoire de l'Afrique du Sud est étroitement liée aux questions énergétiques. Avant la fin de l'apartheid en 1994, selon diverses sources, entre un tiers et la moitié de la population avait accès à l'électricité. Alors que la majorité des Blancs y avaient accès, seule une petite partie des ménages noirs et métis en bénéficiaient, ce qui a conduit à la montée de ce que l'on a appelé le racisme énergétique.

Le programme de reconstruction et de développement (RDP) du gouvernement post-apartheid lancé en 1994 s'est attaché à corriger les déséquilibres sociaux créés par l'ancien régime pour la majorité de la population sud-africaine. Le RDP visait à augmenter le nombre de connexions électriques domestiques, se fixant l'objectif d'atteindre au moins 95 % avant 2022.

Cependant, la mauvaise gestion, la corruption et la mauvaise planification ont abouti à une crise pour Eskom, le producteur public d'électricité. Pour éviter que le réseau ne s'effondre, Eskom a mis en place depuis 2007 un système de niveaux de délestage (Stage 1 à Stage 8) qui détermine la gravité et l'intensité des coupures. Chaque niveau représente une quantité croissante de charge à réduire. L'objectif est de répartir équitablement les coupures afin de minimiser l'impact sur les résidents et les activités économiques.

Le délestage est réparti de manière planifiée entre différentes régions du pays. Eskom et les municipalités locales publient des horaires de coupures à l'avance pour informer les citoyens et les entreprises des périodes de délestage. Les coupures sont généralement planifiées par tranches de 2 à 4 heures, selon le niveau de délestage et la demande sur le réseau. Le délestage est déclenché par divers facteurs, notamment des pannes imprévues dans les centrales électriques, des problèmes de maintenance, une demande exceptionnelle due à des conditions météorologiques extrêmes, ou des contraintes sur l'approvisionnement en combustibles. En 2017, l'Afrique du Sud était confrontée à 836 heures de délestage par an. En 2023, les Sud-Africains ont subi plus de 6 800 heures de coupures d'électricité au début du mois de décembre, ce qui a conduit le président Cyril Ramaphosa à déclarer qu'il s'agissait d'une urgence nationale.

En tant que chercheurs en sociologie politique et spatiale, nous cherchons à comprendre comment les problèmes d'infrastructures affectent la participation civique et politique. Nous avons enquêté sur les conséquences quotidiennes du délestage, sur la manière dont les gens y faisaient face et sur les personnes qu'ils blâmaient. Au cours du premier semestre 2023, en interrogeant 25 habitants de différents quartiers du Cap (Muizenberg, Beacon Valley, Khayelitsha), l'une des villes les plus inégalitaires et ségréguées au monde, nous avons découvert que les sentiments et les perceptions du délestage différaient considérablement selon que les habitants réfléchissaient aux effets des délestages sur la vie quotidienne ou sur leurs causes plus abstraites, souvent politiques.

Des réactions aux délestages très contrastées

Parmi les divers groupes sociaux et raciaux du Cap, les réactions au délestage varient considérablement, un peu comme les divers ingrédients d'un sandwich Gatsby. Alors que les personnes riches, isolées, disposant de revenus et de ressources supérieurs à la moyenne et celles vivant dans deux des communautés les plus défavorisées du Cap (Khayelitsha) ont manifesté des sentiments et des réactions presque nulles, celles vivant dans des communautés intermédiaires (Muizenberg, Beacon Valleys) ont manifesté plusieurs formes d'engagement et de soutien.

Dans ces communautés intermédiaires, la solidarité et la résilience sont fortes face à des défis tels que le délestage. Les habitants se soutiennent mutuellement par le biais d'une assistance communautaire et d'initiatives locales, souvent ancrées dans une identité commune. À Beacon Valley, les habitants collectent des fonds pour s'assurer que personne ne souffre de la faim. À Muizenberg, les habitants aident les petites entreprises en collectant des fonds et en organisant des soupes populaires. Ces communautés s'engagent également auprès des autorités locales par le biais de pétitions et de courriels, souvent accueillis par le silence, appelant à un meilleur dialogue pour résoudre des problèmes tels que le délestage.

Pour les personnes aisées, qui vivent détachées de tout sens de la communauté, les défis pratiques posés par le délestage sont considérés au pire comme des inconvénients mineurs. Dans le meilleur des cas, ils sont même reconfigurés en symbole de statut social, illustrant leur détachement des préoccupations quotidiennes. Au sein de ce groupe, les générateurs et les panneaux solaires sont des solutions courantes. Le programme « Power Heroes », qui vise à protéger les citoyens des délestages tout en réduisant la demande d'électricité au Cap, encourage cette démarche en permettant aux propriétaires de produire de l'électricité et de la revendre à la ville. Pour bénéficier de telles initiatives, il faut être propriétaire de son logement, avoir des capacités financières et être capable de s'y retrouver dans des procédures administratives complexes.

C'est les communautés à faibles revenus, majoritairement noires, que le délestage affecte le plus durement, exacerbant les difficultés et les inégalités existantes. Les coupures d'électricité perturbent des activités cruciales comme la cuisine et le travail indépendant, qui sont indispensables à la subsistance des habitants.

Les petites entreprises et les cliniques se débattent sans électricité, ce qui affecte les revenus et les soins de santé. Les appareils ménagers sont souvent endommagés, ce qui alourdit la charge financière. La tension économique prolongée a déplacé l'attention vers la préservation et l'intérêt personnel, ce qui a entraîné une diminution des protestations et des efforts d'organisation des communautés pour relever les défis liés aux infrastructures.

La criminalité exacerbe la situation, avec des branchements électriques illégaux, des vols et des actes de vandalisme qui compromettent la sécurité et la cohésion de la communauté. Dans ces communautés, il est évident que le délestage aggrave les fractures socioéconomiques et raciales existantes, érodant la cohésion communautaire et la résilience collective au sein des groupes défavorisés.

Désillusion vis-à-vis de la chose politique

Dans une société de miettes, malgré ces différentes expériences, lorsque l'on considère le délestage à une échelle plus large, nombreux sont encore ceux qui le considèrent comme un défi collectif, partagé de manière similaire, sinon égale, par tous les citoyens sud-africains. Le délestage est souvent comparé à des crises telles que le changement climatique et la pandémie de Covid-19, plutôt qu'à des problèmes spécifiques d'infrastructure liés à l'accès à l'eau ou à la construction de logements publics.

Les pannes d'électricité représentent un point de basculement dans une crise sociopolitique plus profonde, qui mine la confiance dans les partis politiques et favorise l'apathie et l'isolement des citoyens. C'est là qu'émerge une société de miettes, née d'une frustration et d'une désillusion profondes, propres à toutes les races et de tous les groupes sociaux. Le gouvernement, en particulier le Congrès national africain (ANC), est tenu pour responsable de la crise due à la mauvaise gestion et à la corruption d'Eskom, le fournisseur d'énergie appartenant à l'État. Cette érosion de la confiance s'étend au processus électoral : de plus en plus de citoyens remettent en question l'efficacité du vote en raison des promesses non tenues par la démocratie post-apartheid. Toutes les actions, y compris le vote, sont perçues comme inefficaces. Cette méfiance généralisée et ce manque d'engagement politique et civique peuvent expliquer les résultats décevants de l'ANC lors des dernières élections.

De manière plus générale, nos conclusions soulignent la façon dont les contraintes structurelles et les réalités quotidiennes peuvent fortement diminuer l'engagement collectif et la confiance dans la politique, même dans des cas comme celui de l'Afrique du Sud où l'ANC est soutenu par l'histoire de Nelson Mandela et des mouvements anti-apartheid.

Franco Bonomi Bezzo, Dr., Ined (Institut national d'études démographiques) et Laura Silva, Post-doctorante en sociologie, Paris School of Economics, Sciences Po

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l'article original.

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Soudan : Violences sexuelles généralisées dans la capitale

20 août 2024, par hrw.org — , ,
Les Forces de soutien rapide comme principaux auteurs des crimes ; des attaques contre les opérations humanitaires et les infrastructures de santé nuisent aux survivantes (…)

Les Forces de soutien rapide comme principaux auteurs des crimes ; des attaques contre les opérations humanitaires et les infrastructures de santé nuisent aux survivantes

Tiré de Entre les lignes et les mots

Les Forces de soutien rapide (Rapid Support Forces, FSR) au Soudan ont commis des actes de violence sexuelle généralisés dans des zones de Khartoum qu'elles contrôlent, des actes qui constituent des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité.

Les FSR et les Forces armées soudanaises (Sudanese Armed Forces, FAS) ont toutes deux attaqué du personnel médical, des équipes de secours locales et des infrastructures de soins, ce qui constitue des crimes de guerre.

L'Union africaine et l'ONU devraient déployer de toute urgence une force de protection civile, et les États prendre des mesures pour que les auteurs de violences sexuelles soient tenus responsables de leurs actes.

(Nairobi) – Les parties au conflit au Soudan, en particulier les Forces de soutien rapide (Rapid Support Forces, FSR), ont commis des viols généralisés, notamment des viols collectifs, et ont forcé des femmes et des filles à se marier à Khartoum, la capitale du pays, depuis le début du conflit en cours, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui.

Le rapport de 89 pages, intitulé« “Khartoum is Not Safe for Women” : Sexual Violence against Women and Girls in Sudan's Capital” » (« Khartoum est dangereuse pour les femmes » : Violences sexuelles contre les femmes et les filles dans la capitale soudanaise »), documente des violences sexuelles généralisées, ainsi que des mariages forcés de femmes et d'enfants, dans le cadre du conflit à Khartoum et dans ses villes adjacentes. Les prestataires de services qui soignent et soutiennent les victimes ont également entendu des témoignages de femmes et de filles qui affirment avoir été détenues par les FSR dans des conditions qui pourraient être assimilées à de l'esclavage sexuel. Les recherches menées mettent également en lumière les conséquences dévastatrices sur la santé physique et mentale des survivantes, l'impact dévastateur des attaques des belligérants contre les centres de soins ainsi que le blocage délibéré de l'aide humanitaire par les Forces armées soudanaises (Sudanese Armed Forces, FAS).

« Les Forces de soutien rapide se sont livrées à des viols, y compris des viols collectifs, et ont forcé d'innombrables femmes et filles à se marier dans des zones résidentielles de la capitale soudanaise », a déclaré Laetitia Bader, directrice adjointe de la division Afrique de Human Rights Watch. « Le groupe armé a terrorisé les femmes et les filles et les deux parties au conflit les ont empêchées d'obtenir de l'aide humanitaire ainsi que des services de soutien, aggravant leurs souffrances tout en leur donnant le sentiment qu'elles ne sont en sécurité nulle part. »

Il est d'une importance primordiale d'entendre directement les survivantes de violences sexuelles et de recueillir leurs expériences, avis et demandes dans un cadre assurant leur sécurité et leur dignité. Toutefois, à quelques exceptions près, ce rapport ne présente pas de témoignages directs des survivantes elles-mêmes. En effet, compte tenu des restrictions d'accès à Khartoum, des défis sécuritaires qui s'y posent, du manque de services pour les survivantes et des obstacles logistiques, Human Rights Watch s'est entretenu avec 42 prestataires de santé, travailleurs sociaux, psychologues, avocats et membres d'unités d'interventions d'urgence établies à Khartoum, entre septembre 2023 et février 2024.

Dix-huit des prestataires de santé avec lesquels Human Rights Watch a mené des entretiens ont fourni des soins médicaux ou un soutien psychosocial directs aux survivantes de violences sexuelles, ou ont géré des incidents individuels. Ils ont déclaré avoir pris en charge un total de 262 survivantes de violences sexuelles âgées de 9 à 60 ans entre le début du conflit en avril 2023 et février 2024.

« J'ai dormi avec un couteau sous l'oreiller pendant des mois, par crainte des raids des FSR qui donnent lieu à des viols », a relaté à Human Rights Watch, début 2024, une femme âgée de 20 ans vivant dans une zone contrôlée par les FSR. « Depuis que cette guerre a débuté, être femme à Khartoum, qui est sous le contrôle des FSR, c'est être en danger. »

Les séquelles physiques, mais aussi émotionnelles, sociales et psychologiques avec lesquelles les survivantes doivent continuer de vivre sont immenses, a constaté Human Rights Watch. Les membres des personnels de santé ont rencontré plusieurs d'entre elles qui nécessitaient des soins pour des blessures invalidantes subies lors de viols, y compris collectifs. Au moins quatre d'entre elles en sont mortes. De nombreuses survivantes qui ont tenté d'interrompre leur grossesse à la suite d'un viol se sont heurtées à des obstacles considérables en matière d'accès à l'avortement. Les survivantes ont décrit ou présenté des symptômes indiquant un stress post-traumatique et une dépression, notamment des pensées suicidaires, de l'anxiété, de la peur et des insomnies.

« J'ai parlé à une survivante d'un viol qui venait de découvrir qu'elle était enceinte de trois mois », a déclaré un psychiatre. « Elle était de toute évidence traumatisée et secouée de frissons, craignant la réaction de sa famille. Elle m'a confié : « S'ils apprennent ce qui m'est arrivé, ils me tueront ». »

Des survivantes ont déclaré aux prestataires de soins avoir été violées par jusqu'à cinq combattants des FSR. Ces derniers ont également enlevé des femmes et des filles, les enfermant dans des maisons et d'autres infrastructures qu'elles occupaient à Khartoum, Bahri et Omdurman, et les soumettant à des violences sexuelles et à d'autres abus. Des éléments des FSR ont parfois agressé des femmes et des filles devant des membres de leurs familles. Les FSR ont également contraint des femmes et des filles à des mariages forcés.

Moins de cas sont attribués aux Forces armées soudanaises, mais une hausse du nombre d'incidents a été signalée après que ces combattants ont pris le contrôle d'Omdurman début 2024. Des hommes et des garçons ont également été violés, notamment en détention.

Les deux parties au conflit ont bloqué l'accès des survivants à des soins de santé complets nécessaires, a relevé Human Rights Watch.

Les FAS ont délibérément restreint l'approvisionnement humanitaire, y compris les articles médicaux, ainsi que l'accès des personnels humanitaires, imposant un blocus de facto sur les articles sanitaires destinés aux zones sous contrôle des FSR à Khartoum depuis au moins octobre 2023. Les FSR ont pillé des stocks médicaux et occupé des locaux médicaux.

Les équipes locales de premiers secours ont été contraintes de jouer un rôle de premier plan dans la réponse aux violences sexuelles. Elles en paient toutefois le prix fort, les deux parties ayant intimidé, placé en détention arbitraire et attaqué des médecins, des infirmiers et des secouristes volontaires, notamment en raison de l'aide fournie à des survivantes de viol. Dans plusieurs cas, des éléments des FSR se sont livrés à des violences sexuelles contre des prestataires de soins, ont-ils déclaré.

Toute violence sexuelle perpétrée dans le cadre d'un conflit constitue un crime de guerre. Comme c'est également le cas pour les mariages forcés, lorsque les violences sexuelles sont perpétrées dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique contre une population civile, comme c'est le cas au Soudan, celles-ci peuvent alors faire l'objet d'une enquête et de poursuites pour crimes contre l'humanité, a rappelé Human Rights Watch.

L'obstruction délibérée et les restrictions arbitraires de l'aide humanitaire violent également le droit humanitaire international, et les pillages ainsi que les attaques visant les civils, y compris les membres de personnels de santé et les premiers secours, constituent des crimes de guerre. Cibler intentionnellement des opérations d'aide humanitaire, notamment ses personnels, locaux et véhicules, constitue également un crime de guerre passible de poursuites en vertu du statut de la Cour pénale internationale (CPI).

Aucune des parties au conflit n'a pris de mesures significatives pour empêcher ses forces de commettre des viols ou de s'en prendre à des infrastructures de soin, ni pour enquêter de manière indépendante et transparente sur ces crimes, a constaté Human Rights Watch. Le 23 juillet, le porte-parole des FSR a écrit à Human Rights Watch en rejetant les affirmations selon lesquelles le FSR occuperaient des hôpitaux ou des centres médicaux dans les trois villes de l'État de Khartoum. De plus, il n'a fourni aucune preuve que les FSR auraient enquêté de façon effective sur ces accusations de violences sexuelles par ses forces, ni encore moins pris des mesures pour que les responsables rendent des comptes.

L'Union africaine et l'ONU devraient immédiatement collaborer pour déployer une nouvelle mission de protection des civils au Soudan, notamment pour prévenir les violences sexuelles et basées sur le genre, appuyer la fourniture de services complets à toutes les survivantes et documenter les violences sexuelles liées au conflit. Cette mission devrait être dotée d'un mandat et de moyens pour surveiller les obstructions à l'aide humanitaire et en faciliter l'accès.

Il est urgent que les bailleurs de fonds internationaux renforcent leur soutien politique et financier aux équipes locales de premiers secours. Les États devraient œuvrer ensemble à l'imposition de sanctions ciblées contre les commandants responsables de violences sexuelles et d'attaques visant les professionnels de santé et les premiers secours locaux. Les États Membres de l'ONU, en particulier ceux de la région, devraient continuer à soutenir les enquêtes internationales sur ces crimes, notamment celles menées par la Mission internationale indépendante d'établissement des faits sur le Soudan. L'ONU devrait en priorité veiller à reconstituer sa capacité à répondre aux violences sexuelles liées aux conflits à l'échelle de son système.

« Les femmes, les hommes et les enfants exposés à un risque d'abus imminent ou qui ont survécu à des viols à Khartoum et au-delà devraient pouvoir sentir que le monde est prêt à les protéger et à garantir leur accès aux services d'aide et à la justice », a conclu Laetitia Bader. « L'ONU et l'Union africaine devraient être le fer de lance de cette protection et les États tenir pour responsables les auteurs de violences sexuelles en cours, d'attaques contre les personnels médicaux locaux, d'infrastructures de santé, et de blocage de l'aide. »

https://www.hrw.org/fr/news/2024/07/29/soudan-violences-sexuelles-generalisees-dans-la-capitale

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En Éthiopie, le nettoyage ethnique du Tigray de l’Ouest : « Ils ont chacun tiré une balle pour vérifier si nous étions morts »

20 août 2024, par Mehdi Labzaé — , ,
Enquête · Durant dix-huit mois, le chercheur Mehdi Labzaé a parcouru les camps de déplacés du Tigray de l'Ouest, dans le nord de l'Éthiopie. Il a recueilli des centaines de (…)

Enquête · Durant dix-huit mois, le chercheur Mehdi Labzaé a parcouru les camps de déplacés du Tigray de l'Ouest, dans le nord de l'Éthiopie. Il a recueilli des centaines de témoignages de survivant·es de la guerre que se livrent les nationalistes amharas et les Forces de défense du Tigray. Cette enquête en trois volets permet de saisir l'ampleur des violences et des massacres systématiques qui s'apparentent à un nettoyage ethnique, la notion de « pureté » ethnique utilisée pour trier les populations, la mise en esclavage d'une partie d'entre elles, comment un système d'apartheid a été mis en place et comment le retour des réfugié·es, malgré l'accord de paix, est encore incertain.

Tiré d'Afrique XXI.

Depuis l'article consacré à ce sujet par Afrique XXI en décembre 2021, le nettoyage ethnique à « Wolqayt-Tegedé » se poursuit dans la plus grande indifférence. Entre novembre 2020 et décembre 2021, 1,2 million de personnes ont fui cette zone du nord de l'Éthiopie, selon les Nations unies, et l'essentiel des réfugiés est réparti dans des camps aux périphéries de toutes les villes du Tigray.

L'impossibilité de se rendre dans ce territoire, constitutionnellement connu comme le Tigray de l'Ouest, explique en partie ce silence international. Depuis l'Est, seule l'armée fédérale éthiopienne peut circuler sur les ponts de la rivière Tekezé, qui marque selon les nationalistes amharas la frontière entre la région éponyme et le Tigray. Au Sud, des combats et la loi martiale empêchent de circuler en région Amhara. À l'Ouest, le Soudan frontalier est en guerre depuis avril 2023 et, au Nord, l'Érythrée est un État-garnison hermétique.

Pour savoir ce qu'il se passe au Tigray de l'Ouest, occupé depuis trois ans et demi, après son annexion par les forces amharas, il faut rencontrer les personnes déplacées, qui continuent de fuir la zone. Entre novembre 2022 et juin 2024, j'ai pu m'entretenir avec plus de cent personnes réfugiées au Soudan et au Tigray. Leurs récits décrivent une administration d'occupation d'une brutalité extrême.

Assis « dans des petits trous déjà creusés »

Depuis novembre 2020, de nombreuses réunions ont été organisées par les autorités locales dans le but de contraindre les Tigréen·nes resté·es sur place à partir. Elias (1), originaire d'un village agricole situé le long d'une route principale dans le nord du Tigray de l'Ouest, 16 ans au moment des faits, raconte que le 25 juillet 2021, l'administration de la zone a organisé une réunion dans sa localité. Dans les jours suivants, des miliciens nationalistes amharas, appelés « Fanno », ont pillé le village. Le 28 juillet, Elias et une cinquantaine d'autres habitant·es sont donc parti·es à pied, en direction de la rivière Tekezé, qu'ils ont atteinte après quatre jours de marche. Là, d'autres Fanno et des Forces spéciales amharas (ASF) les attendaient. Hommes, femmes et enfants ont été retenu·es dans un lieu proche de la rivière.

Le matin du 4 août 2021, des soldats des ASF ont appelé les hommes à venir « se laver » dans la rivière. « Ils ont mis un gamin et un vieux à part », se souvient Elias. Dix-sept hommes ont été emmenés sur une sorte de plage où leurs mains ont été attachées dans leur dos. Elias raconte que les soldats les ont fait s'asseoir par groupe de trois « dans des petits trous déjà creusés ». Puis les hommes en armes ont commencé à tirer. Elias, premier du groupe assis en rang, n'a pas été touché mais a feint de l'être en s'effondrant sur l'homme derrière lui qui avait visiblement été tué sur le coup. « Ensuite, ils ont chacun tiré une balle pour vérifier si nous étions morts. » Touché à l'intérieur de la cuisse, Elias saignait mais la blessure n'était pas trop profonde.

La nuit tombée, il est parvenu à se lever, malgré ses bras entravés. Il s'est éloigné de la rivière et a atteint des parcelles agricoles où le bord tranchant d'un gros tuyau d'irrigation lui a permis de scier ses liens. Il a marché pendant trois jours, se nourrissant de fruits et de canne à sucre. Il a tenté de traverser le Tekezé, en vain, car le courant était trop puissant en cette saison des pluies. Il a finalement été arrêté par des soldats érythréens (2) qui, après consultation d'un chef milicien local, l'ont emmené à la prison d'Addi Remets. Elias a été libéré le 2 décembre 2022, avec 35 autres détenus, après la signature des accords de Pretoria de novembre 2022 censés mettre fin à la guerre.

Raflés et exécutés

Mebrahtu, âgé d'une cinquantaine d'années, a survécu à un massacre similaire. Arrêté chez lui, à Qorarit, un soir de la mi-juillet 2021, il a été gardé en prison près de quinze jours. Il y a été régulièrement battu et insulté de « junta », surnom péjoratif faisant référence au Front de libération du peuple du Tigray (TPLF) – et par extension aux Tigréen·nes –, tiré d'un discours du Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, dans lequel il avait qualifié le parti de « junte gloutonne » (« sigibgib junta »). Lors de violents interrogatoires, Mebrahtu a été accusé d'être un ancien adhérent du TPLF et de transmettre des informations aux Forces de défense du Tigray (3) (TDF) qui menacent certaines villes de la région Amhara, ce qu'il a nié. Le soir du 4 août, il a été emmené avec dix-sept autres détenus tigréens au bord d'une falaise, au lieu-dit de Qaqa, où des Fanno et des soldats des ASF les ont exécutés d'une rafale de kalachnikov. Mebrahtu, qui garde de cette nuit une cicatrice sur le buste, a miraculeusement survécu et est parvenu à regagner puis à traverser le Tekezé avec l'aide d'autres Tigréens en fuite.

Fin 2021, l'issue de la guerre est encore incertaine. Depuis l'été, les TDF ont gagné de nombreuses batailles et tiennent du terrain en région Amhara. À l'automne, elles sont si près d'Addis-Abeba que les ambassades occidentales organisent l'évacuation de leurs ressortissant·es. Début novembre, le gouvernement fédéral déclare l'état d'urgence, quelques jours après que la région Amhara a fait de même. Dans le Tigray de l'Ouest, l'administration d'occupation accélère la répression des Tigréen·nes. Une vague d'arrestations et de massacres de plus grande échelle s'ensuit (4).

Le 24 octobre 2021, plus de 80 habitant·es de May Gaba, petite ville agricole dans les basses terres, sont raflé·es par les Fanno et les ASF puis exécuté·es. Accompagnés des administrateurs des villages, les miliciens sont venus dès 4 h 30 du matin chercher les gens chez eux et dans les églises, dont certaines sont bondées en ce jour de fête d'un saint local. « Il y avait une distribution de nourriture à l'église quand ils sont arrivés. Les Tigréens ont été appelés pour une réunion », se rappelle une femme présente à l'église. Quatre-vingt-six personnes, dont cinq femmes, sont emmenées dans des lieux de détention, dont Enda Teklay, le plus grand hôtel de May Gaba, transformé en prison depuis plusieurs mois.

« Certaines sont mortes en tombant des falaises »

À partir de 15 h 30, les personnes arrêtées sont chargées, les bras attachés haut dans le dos, sur des pick-ups conduits par des soldats érythréens. Trois voyages sont nécessaires pour emmener toutes les personnes arrêtées. Abrha est dans le dernier convoi. Ce vieil homme malnutri raconte comment, à l'orée d'une grotte, près d'une carrière, les soldats ont fait s'asseoir les détenus en rangs. C'est à ce moment, profitant de l'obscurité, qu'Abrha est parvenu à se glisser entre deux véhicules et à courir malgré ses liens dont « [il a] gardé les traces pendant des semaines ». Connaissant par cœur ces environs où il a passé l'essentiel de sa vie, il s'est caché dans une autre grotte, puis a entendu les soldats compter et faire feu. Après leur départ, il est sorti de sa cachette.

Il a fait couper ses liens dans la première maison qu'il a croisée et a prévenu tout le monde : « Fuyez, ils tuent les Tigréens ! » leur a-t-il dit. « Ensuite, tous les habitants sont sortis, au moins 2 500 personnes », témoigne-t-il. Geré, un homme d'une trentaine d'années, confirme son récit : « Ce jour-là, les gens n'ont pas seulement été massacrés, ce sont des centaines, des milliers de personnes qui se sont enfuies dans tous les sens. Certaines sont mortes dans le Tekezé, en tentant de traverser, d'autres en tombant des falaises. » Lui-même a été réveillé tôt par sa mère qui avait renoncé à se rendre à l'église à la vue des rafles. Geré a pu fuir à temps, mais son voisin a été arrêté.

Les 29 et 30 octobre 2021, un scénario similaire s'est reproduit à Delesa Qoqah, une localité proche où les survivant·es ont identifié plus de 100 victimes. Plus de deux ans après les faits, un prêtre de Delesa Qoqah n'en revient toujours pas : « Ils ont tué plus de 100 personnes après les avoir convoquées à un réunion ! » se souvient-il. Le 31 octobre, c'est à May Cha'e que 22 hommes ont été exécutés.

« Ils ont tué les 30 premiers... »

Le 6 novembre, plus de 170 personnes originaires de Addi Goshu, May Woini et May Qeyh ont été tuées, sur plusieurs sites proches de la route reliant Humera à Addi Goshu. « À May Qeyh, ils ont fait du porte-à-porte pour aller chercher les gens, raconte un survivant. C'étaient des Fanno. Je ne les avais jamais vus mais je connaissais le chef des milices dans le coin, Haile Tsegay, un gars de Sola, près d'Addi Remets. Vers 20 heures, lui et ses hommes nous ont emmenés. » Ils ont rejoint une exploitation bovine de May Woini, où se trouvait déjà un groupe d'habitants d'Addi Goshu, les mains attachées haut dans le dos. Notre témoin se souvient :

  • Ils ont pris un premier groupe de 30 personnes qu'ils ont fait s'approcher d'un genre de tranchée qu'ils avaient creusée. Les autres, ils nous ont fait nous mettre en deux lignes et nous redemandaient : “Ceux qui ont des armes, dites-nous.” J'ai dit que je n'avais rien et ils m'ont dit de me taire avant de me frapper. Ils ont tué les 30 premiers. J'ai dit doucement à mon frère de courir mais il a refusé, il était terrorisé. Ils ont pris 17 personnes de May Qeyh à part, dont moi. Je sentais que les liens dans mon dos n'étaient pas si serrés, donc je les ai fait jouer un peu jusqu'à ce qu'ils soient lâches. Et d'un seul coup je me suis mis à courir vers le bush ! Ils m'ont tiré dessus mais j'étais déjà loin quand ils m'ont touché à la jambe, au-dessus du genou.

Le 29 novembre, une quarantaine de Tigréen·nes fuyant May Woini ont été exécuté·es sur les bords du Tekezé. Les circonstances demeurent floues mais rappellent le massacre du 17 janvier 2021, où 52 personnes ont été tuées par des Fanno en traversant à pied le pont sur le Tekezé (5).

À chaque fois, les survivant·es ou proches de victimes racontent la même chose : des rafles et des réunions au cours desquelles l'administration dit aux habitants que les Tigréen·nes doivent partir sinon, selon un euphémisme apprécié des nationalistes amharas, l'administration amhara ne « pourra être tenue responsable » de ce qu'il pourrait leur arriver. Un instituteur d'Addi Remets, arrêté et déporté dès novembre 2020, l'exprimait ainsi : « Ils nous ont dit qu'on avait le choix entre deux options : “Si vous décidez de partir, alors on vous arrange le transport, mais si vous décidez de rester, alors on ne pourra être tenus pour responsables.” »

La répétition d'un même modus operandi pousse à conclure que des ordres avaient bien été passés et qu'il s'agissait d'une politique officielle mise en place par l'État local. Le massacre de plusieurs dizaines de personnes en même temps nécessite de l'organisation. Il faut prévoir les véhicules pour emmener les victimes sur les champs de tir. Il faut aussi s'assurer de la présence de suffisamment d'hommes pour surveiller les personnes arrêtées. Dans plusieurs cas, comme pour le massacre du 6 novembre 2021, des fosses avaient été creusées en avance.

(À suivre)

Notes

1- Tous les prénoms ont été changés.

2- Au début de l'occupation, les soldats érythréens étaient nombreux au Tigray de l'Ouest, assistant les nationalistes amharas dans l'administration de la zone et participant aux pillages et aux massacres. L'alliance entre le gouvernement fédéral éthiopien et l'État érythréen a pris fin avec la signature de l'accord de Pretoria en novembre 2022, auquel Asmara était opposé.

3- Les Forces de défense du Tigray (TDF) sont une force de guérilla mise sur pieds début 2021 pour lutter contre l'armée fédérale. Elles ont reposé sur un encadrement en grande majorité issue du TPLF et une mobilisation populaire, et ont compté plus de 250 000 hommes et femmes au plus fort de la guerre.

4- Les arrestations et emprisonnements de masse ont été documentés dans le rapport de Human Rights Watch et Amnesty International paru le 6 avril 2022.

5- Human Rights Watch et Amnesty International, « Ethiopia : “We will erase you from this land” : crimes against humanity and ethnic cleansing in Ethiopia's Western Tigray Zone » (p.139-146), 2022.

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La bataille pour le Venezuela

20 août 2024, par Valério Arcary — , ,
Alors que le Venezuela connait une crise politique aigue après les élections qui ont vu la victoire officielle du président Nicolas Maduro, la contestation des résultats (…)

Alors que le Venezuela connait une crise politique aigue après les élections qui ont vu la victoire officielle du président Nicolas Maduro, la contestation des résultats électoraux par l'opposition et une partie du peuple vénézuélien a conduit à des mobilisations fortement réprimées. Contretemps contribue à la publication de différents points de vue de la gauche critique sur la situation au Venezuela, dont le peuple subit depuis plus d'une décennie une crise et un effondrement socio-économique sans précédent dans l'histoire de l'Amérique latine.

5 août 2024 | tiré du site contretemps.eu
https://www.contretemps.eu/la-bataille-pour-le-venezuela/

Dans cet article, Valerio Arcary revient sur certaines des dynamiques des mobilisations post-électorales et sur leur contexte général qui ne saurait se limiter au moment électoral.

***

(…) Le représentant du capital n'a besoin que de 20 % des voix pour gouverner, car la bourgeoisie possède les banques, les trusts, les cartels, les chemins de fer. (…) le rapport des forces (…) au niveau parlementaire (…) est un miroir déformant. La représentation parlementaire d'une classe opprimée est considérablement en dessous de sa force réelle, et inversement, la représentation de la bourgeoisie, même un jour avant sa chute, sera toujours la mascarade de sa force imaginaire. Seule la lutte révolutionnaire met à nu, en balayant tout ce qui peut le cacher, le véritable rapport des forces. Dans la lutte directe et immédiate pour le pouvoir, le prolétariat développe une force infiniment supérieure à son expression au parlement (…).

LÉON TROTSKY, LA RÉVOLUTION ALLEMANDE ET LA BUREAUCRATIE STALINIENNE (1932)

Le CNE (Conseil national électoral), organe subordonné au gouvernement vénézuélien, a annoncé la victoire de Maduro et, le lendemain de l'élection, officialisé sa nomination. L'opposition d'extrême droite dénonce des fraudes et annonce qu'elle a obtenu 70 % des voix. S'il est juste d'exiger du Conseil national électoral qu'il publie le résultat final de l'ensemble des votes et qu'il rende publics les registres du décompte de voix, la charge de la preuve de la fraude incombe à ceux qui remettent en cause l'impartialité du décompte. De simples soupçons ne suffisent pas. Jusqu'à présent, aucune preuve irréfutable n'a été présentée. S'il est essentiel que tous les faits soient rendus publics, l'accusation de fraude mise en avant par la campagne de l'opposition d'extrême droite ne devrait pas suffire à repousser indéfiniment la reconnaissance de la victoire de M. Maduro.

Il n'est pas nécessaire d'enjoliver le régime, qui est autoritaire et qui a à la fois réprimé les forces réactionnaires qui veulent le renverser et réduit au silence et à l'illégalité les courants de gauche qui s'appuient sur la classe ouvrière, pour admettre la victoire de Maduro. Bien que bonapartiste, le régime dispose d'une base sociale incontestable. Bien que le PSUV soit monolithique, et que Nicolás Maduro soit un caudillo, voire une caricature de caudillo, ils ont une base sociale incontestable. De plus, il est prévisible qu'à une certaine échelle, un vote non pas « maduriste » mais antifasciste et anti-impérialiste profiterait à Maduro. Le pays est socialement et politiquement fracturé. L'opposition néo-fasciste dispose également d'une base sociale et a attiré des votes anti-Maduro qui ne sont pas d'extrême-droite, et a montré dans les rues qu'elle avait du soutien. Ce soutien n'est pas surprenant, étant donné le blocus économique qui a étranglé le Venezuela, à des degrés divers d'intensité, au cours des dix dernières années.

Tout comme il n'est pas raisonnable d'idéaliser le régime, il n'est pas non plus judicieux d'idéaliser l'expérience « chaviste » en tant que processus ininterrompu de construction d'un « socialisme du 21e siècle ». Le gouvernement Maduro s'est engagé dans un projet de régulation étatique et nationaliste du capitalisme avec des réformes sociales. Il n'y a jamais eu de processus de rupture avec le capitalisme comme celui de Cuba en 1961. La situation sociale est très grave, avec des niveaux élevés de pauvreté et de chômage qui expliquent l'émigration d'au moins 20% de la population. Le blocus impérialiste n'est pas le seul facteur de l'effondrement économique et social, car le gouvernement n'est pas dénué de responsabilités face aux inégalités sociales croissantes, mais il est largement le plus important. Avant l'élection de Chávez en 1998, les conditions de vie de la majorité de la population étaient dramatiques. Aujourd'hui, le Venezuela est au bord de la guerre civile.

L'analyse du résultat des élections ne peut se réduire à une considération naïve, stricto sensu, des procédures juridico-électorales. Nous ne devons pas oublier que même dans les pays où les régimes libéraux-démocratiques ont acquis les formes les plus avancées, la lutte des forces populaires se heurte à des obstacles. Le pouvoir du capital manipule le suffrage, car le contrôle de la richesse facilite le contrôle du pouvoir. Les élections peuvent être plus ou moins libres, mais l'expression de la volonté populaire est toujours, dans une certaine mesure, faussée par des forces sociales, comme la domination des médias ou la manipulation des réseaux sociaux. Une analyse marxiste doit évaluer la dynamique politique et sociale du conflit.

La décision de María Corina Machado d'essayer de promouvoir une mobilisation de masse dès la fermeture des bureaux de vote avec des actions violentes et incendiaires pour défendre la victoire autoproclamée d'Edmundo González fait partie d'une stratégie de coup d'État qui n'a pas été improvisée. Les critères pour caractériser les mobilisations, selon la boussole marxiste, sont schématiquement au nombre de quatre : (a) on évalue les tâches politico-économiques posées au pays, c'est-à-dire le contenu socio-historique du programme de mobilisation, que le sujet social soit conscient ou non de ces tâches ; (b) on étudie qui est le sujet social, c'est-à-dire les classes ou le bloc de classes qui se sont unies pour descendre dans la rue et protester ; (c) on identifie la direction politique des mobilisations, le sujet politique ; (d) enfin, les résultats, c'est-à-dire l'aboutissement du processus.

Le programme des mobilisations de l'opposition d'extrême droite est le renversement du gouvernement Maduro. Mais il ne s'agit pas d'une « révolution démocratique » contre une tyrannie. Si María Corina et Edmundo González prennent le pouvoir, l'imposition d'un régime dictatorial sera inexorable. Ce qui est en jeu, c'est un réalignement du Venezuela sur les États-Unis en tant que semi-colonie, la privatisation de PDVSA [compagnie pétrolière nationale] et la cession des plus grandes réserves de pétrole aux grandes compagnies pétrolières, ainsi que l'emprisonnement des dirigeants chavistes et la répression des organisations populaires. Un programme contre-révolutionnaire. Il ne faut pas se laisser impressionner par leur caractère plus ou moins massif. Rappelons les manifestations au Brésil en 2015/16 pour renverser le gouvernement de Dilma Rousseff, qui dénonçaient la fraude comme seul explication possible de la défaite d'Aécio Neves [candidat du PSDB] aux élections de 2014. La dénonciation de la fraude a également été mis en œuvre en 2019 en Bolivie contre la réélection d'Evo Morales, et a servi de déclencheur au coup d'État policier-militaire. Le sujet social est la bourgeoisie « historique » et la majorité de la classe moyenne, même si des secteurs populaires descendent aussi dans la rue. La direction politique est indubitablement néo-fasciste. Les résultats ne peuvent être qu'une défaite historique pour la lutte des travailleurs et du peuple et l'anéantissement de la gauche pour une génération.

En bref, le Venezuela est secoué par une mobilisation contre-révolutionnaire visant à renverser de manière insurrectionnelle le gouvernement Maduro. Le 29 juillet, il y a eu des marches, des actions de groupes pour renverser les statues d'Hugo Chávez dans différents endroits et des pillages. Le mardi 30 juillet, Edmundo Gonzalez et Maria Corina Machado ont appelé à une manifestation dans le centre de Caracas et ont réussi à rassembler des dizaines de milliers de personnes. Le pays est profondément fracturé, socialement et politiquement. Des manifestations aux États-Unis, appelées par Trump, et au Brésil, par Bolsonaro, ont également cherché à subvertir le résultat de l'élection. Mais le Venezuela est isolé sur le plan international, car le gouvernement de Maduro défend un positionnement indépendant. Le choix au Venezuela n'a jamais été entre la dictature et la démocratie. Les États-Unis et l'Union européenne ont été et sont complices de régimes dictatoriaux et autoritaires dans tous les continents. Mais il n'y a jamais eu la moindre ingérence contre les cheikhs d'Arabie Saoudite, autre grand producteur de pétrole. Mais au Venezuela, ils ont tout fait pour renverser d'abord Chávez, puis Maduro. Pourquoi ? Parce qu'ils veulent réduire le pays à un statut semi-colonial et avoir un accès illimité à ses réserves de pétrole.

*

L'historien Valério Arcary est militant révolutionnaire depuis les années 1970. Il a rejoint le mouvement trotskyste pendant la révolution portugaise, et est retourné au Brésil en 1978. Il a été membre de la direction nationale du Parti des Travailleurs de 1987 jusqu'en 1992, et président du Parti Socialiste des Travailleurs Unifié (PSTU), l'une des principales organisations trotskystes brésiliennes, de 1994 à 1998. Il est maintenant un membre dirigeant de Resistencia, un courant révolutionnaire au sein du Parti pour le Socialisme et la Liberté (PSOL).

Cet article a été publié le 1er août 2024 dans Jacobin América Latina. Traduction Contretemps.

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Vénézuela : le régime de Nicolás Maduro n’incarne plus la gauche

Le chavisme a longtemps constitué un espoir en Europe : le renouveau de l'intervention de l'État dans un pays qui avait souffert de plusieurs plans d'ajustement co-signés avec (…)

Le chavisme a longtemps constitué un espoir en Europe : le renouveau de l'intervention de l'État dans un pays qui avait souffert de plusieurs plans d'ajustement co-signés avec le FMI, la mise en place de dispositifs de démocratie participative, la redistribution d'une partie de la rente pétrolière aux plus modestes, un affrontement ouvert avec l'impérialisme états-unien mettant à mal ses projets de libre-échange continentaux. Pourtant, depuis plusieurs années le gouvernement Maduro a perdu la plupart des caractéristiques progressistes de son prédécesseur.

Tiré de : La chronique de Recherches internationales
(Août 2024)

Thomas Posado
Maître de conférences en civilisation latino-américaine contemporaine à l'Université de Rouen
Auteur de Venezuela : de la Révolution à l'effondrement aux Presses Universitaires du Midi.

Dans un contexte d'effondrement économique, l'exécutif mène une politique libérale destinée à attirer les capitaux via une dollarisation rampante et des mesures favorables aux investisseurs. Le « socialisme du XXIème siècle », qui n'était resté qu'au stade de promesse rhétorique, a disparu au profit d'une exploitation court-termiste des matières premières. Depuis sa mise en minorité électorale lors des élections législatives de 2015, Nicolás Maduro utilise les institutions pour se maintenir au pouvoir malgré son impopularité. Ayant désormais une faible légitimité démocratique, Nicolás Maduro confie toujours davantage de pouvoir à l'armée alors que la participation citoyenne est remisée au rang de souvenir poussiéreux.

Maduro dans une fuite en avant autoritaire

Les élections présidentielles du 28 juillet constitue un nouveau saut en avant dans le tournant autoritaire opéré par Nicolás Maduro. Le Conseil national électoral, institution proche du chef de l'État, a annoncé la victoire du candidat sortant avec plus de huit points d'avance sur son principal concurrent (51,95 % pour Nicolás Maduro contre 43,18 % pour Edmundo González). Á l'inverse, l'opposition a mis en ligne ce qu'elle affirme être les procès-verbaux de 83,5 % des bureaux de vote et parvient à des résultats diamétralement opposés (67,1 % pour Edmundo González contre 30,4 % pour Nicolás Maduro). Depuis deux semaines, les procès-verbaux de ces bureaux de vote n'ont pas été publié par le camp maduriste qui mise sur le soutien des institutions dirigés par ses proches (Conseil national électoral, Tribunal suprême de justice) pour valider le scrutin. La répression frappe témoins des bureaux de vote, dirigeants de l'opposition libérale, journalistes, manifestants contestant les résultats annoncés par le CNE. Le bilan est pour l'heure de 24 morts et de 1263 arrestations selon les ONG de défense des droits humains. Il est significatif de la volonté de terroriser les protestataires que Nicolás Maduro fournisse des estimations du nombre de détentions plus élevés et souhaite dédier les prisons de haute sécurité de Tocorón et Tocuyito à l'incarcération, au travail forcé et à la "rééducation" des manifestants.

Á l'intérieur du pays, le gouvernement Maduro est devenu un ennemi des courants les plus à gauche. Le Parti communiste vénézuélien n'a d'ailleurs plus le droit de se présenter en son nom propre а des élections depuis que sa personnalité juridique a été confiée а des proches du gouvernement par les instances judiciaires acquises à Nicolás Maduro. Le candidat qu'il soutenait dans un premier temps, Manuel Isidro Molina, n'a pas été validé par les instances électorales comme celle d'Andrés Giussepe qui souhaitait incarner un chavisme critique. Si l'opposition libérale a pu présenter un candidat en la personne d'Edmundo González, l'opposition de gauche est restée orpheline de toute possibilité d'inscrire un candidat. Ces atteintes aux libertés démocratiques ne se limitent pas au champ électoral. Deux dirigeants syndicaux de l'entreprise sidérurgique, SIDOR, Daniel Romero et Leonardo Azócar, sont incarcérés depuis plus d'un an pour des actions revendicatives.

Maduro n'est ni un rempart face à l'opposition libérale, ni face aux États-Unis
Ces critiques ne valent pas un soutien à l'opposition libérale, dirigée par les courants les plus radicaux depuis la primaire d'octobre 2023 en vue de l'élection présidentielle. Ce scrutin a été emporté de manière écrasante par María Corina Machado avec 93 % des suffrages exprimés. Inéligible aux yeux des institutions vénézuéliennes, elle a cédé sa place à une autre candidate (Corina Yoris), elle aussi empêchée, c'est ainsi qu'Edmundo González, diplomate inconnu des Vénézuéliens est devenu le candidat unitaire de l'opposition libérale.

Derrière ce prête-nom qui avait la précieuse autorisation de se présenter, c'est María Corina Machado qui a mené la campagne et concentre le poids politique. Elle est depuis les années 2004 la dirigeante de l'opposition la plus radicalement anti-chaviste, y compris lorsque celui-ci était démocrate et redistribuait les richesses aux plus modestes : celle qui demandait le soutien de George W. Bush en 2005, celle qui faisait partie des fractions les plus insurrectionnelles appelant à « la sortie » de Nicolás Maduro en 2014, celle qui en appelait а l'intervention militaire étrangère contre son propre pays en 2019, celle qui signait des tribunes aux tonalités néo-coloniales avec l'extrême-droite espagnole de Vox en 2020, celle qui affirme encore actuellement son soutien à des dirigeants aussi réactionnaires que Nayib Bukele, Javier Milei et Benjamin Netanyahu.

Á l'instar de ce qui peut se passer en France, le pouvoir exécutif a favorisé l'émergence des courants les plus radicaux au sein de la droite pour mieux se maintenir au pouvoir. En limitant les possibilités d'organisation et en légitimant depuis l'État des politiques économiques libérales, il a disqualifié la gauche. En ne cédant aucun compromis dans les différentes négociations qui ont lieu depuis une décennie (en République dominicaine en 2017-2018, en Norvège en mai 2019, à la Barbade à l'été 2019, au Mexique en 2021), il a disqualifié les fractions modérées de l'opposition libérale, ouvrant la voie aux courants les plus ouvertement anti-communistes.

La critique de Maduro ne vaut pas non plus soutien à l'impérialisme états-unien. Les mesures coercitives unilatérales mises en place par Donald Trump en 2017 et surtout en 2019 ne sont pas l'origine de la crise économique qui commence dès 2012 mais ont eu des conséquences criminelles pour la population vénézuélienne tout en étant contre-productive du point du changement de régime rapide visé par les États-Unis. Ces sanctions ont été suspendues entre octobre 2023 et avril 2024 en vue de l'organisation des élections présidentielles, principalement au bénéfice de la multinationale, Chevron. Isolé dans la communauté internationale occidentale, peu soutenu par sa population, Nicolás Maduro n'est pas en position de force pour négocier une répartition de la rente pétrolière plus favorable à l'État vénézuélien. L'administration états-unienne est désormais pris dans une contradiction entre d'une part, son lien avec l'opposition libérale vénézuélienne et d'autre part, le besoin d'un approvisionnement en pétrole géographiquement proche et la contention de la crise migratoire vénézuélienne qui a déjà poussé 7,7 millions de personnes à l'extérieur des frontières de leur pays, soit un quart de la population nationale.
L'horizon est obscur pour les Vénézuéliens. Le devoir de la gauche européenne est de se solidariser avec la gauche vénézuélienne qui subit la répression du gouvernement de Nicolás Maduro sans partager l'orientation de l'opposition vénézuélienne, d'autant plus que celle-ci est dirigée par les courants les plus ouvertement anti-communistes. On ne peut pas faire confiance à Nicolás Maduro ni pour combattre les courants les plus radicaux qui dirigent l'opposition libérale vénézuélienne ni pour combattre l'impérialisme étasunien.

Cette chronique est réalisée en partenariat rédactionnel avec la revue Recherches internationales à laquelle collaborent de nombreux universitaires ou chercheurs et qui a pour champ d'analyse les grandes questions qui bouleversent le monde aujourd'hui, les enjeux de la mondialisation, les luttes de solidarité qui se nouent et apparaissent de plus en plus indissociables de ce qui se passe dans chaque pays.
Site : http://www.recherches-internationales.fr/
Mail : recherinter@paul-langevin.fr

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Appel unitaire : Solidarité avec les revendications démocratiques du peuple vénézuélien. Mise à jour du 9 aout 2024.

20 août 2024, par Solidarité avec le peuple venezuelien — , ,
L'appel unitaire de solidarité avec les revendications démocratiques a été finalisé le 9 août avec de nouvelles signatures (dont GRS et Génération-s) 9 août 2024 | tiré du (…)

L'appel unitaire de solidarité avec les revendications démocratiques a été finalisé le 9 août avec de nouvelles signatures (dont GRS et Génération-s)

9 août 2024 | tiré du site Arguments pour la lutte sociale
https://aplutsoc.org/2024/08/07/appel-unitaire-solidarite-avec-les-revendications-democratiques-du-peuple-venezuelien/

L'annonce des résultats des élections présidentielles vénézuéliennes du 28 juillet 2024 a suscité des protestations populaires massives. Nicolas Maduro affirme avoir gagné avec 7 points d'avance, sans que le Conseil national électoral n'ait publié, comme il en a l'obligation, les résultats détaillés du scrutin. L'équipe de son principal concurrent, Edmundo Gonzalez,à quant à elle publiée sur Internet ce qu'elle affirme être le procès-verbaux de 87% des bureaux de vote lui donna un avantage de 37 points. Dans cette situation, la seule sortie par le haut consiste en un audit citoyen, public et pluraliste des actes du scrutin, qui permettent la publication par le Conseil national électoral de l'ensemble des résultats par bureau de vote pour que la volonté exprimée dans les urnes puisse prévaloir.

Depuis le soir des élections, les manifestants subissent une répression implacable : au moins 1200 arrestations. (selon les données du procureur général de la République), dont des journalistes., des étudiants, des assesseurs de bureaux de vote. .À ce jour, le décompte des morts s'élève à au moins 22 victimes. Les déclarations de Nicolas Maduro selon lesquelles deux prisons seraient dédiées à l'incarcération de 1000 personnes supplémentaires, au travail forcé et à la rééducation des manifestants nous indignent particulièrement. Nous affirmons le droit inaliénable des Vénézuéliens à choisir démocratiquement leurs dirigeants ainsi qu'à protester sans être criminalisés par l'État.

Face au risque d'aggravation du conflit porté par l'auto proclamation unilatérale des deux principaux candidats et l'intervention des grands puissances étrangères en leur faveur, nous soutenons les efforts de médiation des gouvernements latino-américains de gauche entre les forces patriotiques en dispute pour une solution pacifique, en particulier le Brésil, la Colombie et le Mexique qui sont qui ont appelé dans une déclaration commune au respect du « principe fondamental de la souveraineté populaire (…) grâce à une vérification impartiale des résultats.

Enfin, nous appelons à la constitution d'un réseau de solidarité internationaliste avec le peuple vénézuélien pour le soutien de ses aspirations démocratiques et de ses luttes d'émancipation, en rejetant toutes les prétentions et actions impérialistes au Venezuela. D'où qu'elles viennent.

Signataires :

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Gauches et droites latino-américaines dans un monde en crise

20 août 2024, par Éric Toussaint, Franck Gaudichaud — , , ,
Nous publions la préface rédigée par Franck Gaudichaud et Éric Toussaint à la demande de la revue cubaine Temas pour un livre coordonné par Julio César Guanche à paraître en (…)

Nous publions la préface rédigée par Franck Gaudichaud et Éric Toussaint à la demande de la revue cubaine Temas pour un livre coordonné par Julio César Guanche à paraître en Argentine sous le titre Izquierdas y derechas en America latina.

19 juin 2024 | tiré du site du CADTM | Photo : Emergentes + Hernán Vitenberg para Emergentes (CC BY-NC 4.0)
https://www.cadtm.org/Gauches-et-droites-latino-americaines-dans-un-monde-en-crise

Le monde de ces dernières années a été marqué par de multiples crises. On pourrait parler d'une « polycrise » globale, intersectionnelle et interconnectée du capitalisme néolibéral : turbulences politiques et économiques profondes, guerres et violences armées, effondrement accéléré des écosystèmes et du climat, pandémies et extractivisme prédateur, redéfinitions brutales des équilibres géopolitiques et tensions inter-impérialistes, etc. Une fois de plus, l'humanité traverse des ouragans et des défis majeurs dans un moment historique où, manifestement, sa survie même en tant qu'espèce et son (in)capacité à habiter collectivement et pacifiquement cette planète sont d'ores et déjà en jeu. La grande révolutionnaire allemande Rosa Luxemburg déclarait, dans les années 1910, alors qu'il était minuit dans le siècle dernier : socialisme ou barbarie ! Ce slogan résonne très fort aujourd'hui [1], dans un contexte où les peuples et les mouvements populaires continuent de résister, de se mobiliser, de débattre, de proposer, mais sans parvenir à surmonter la fragmentation structurelle, ni - pour l'instant - à voir des forces politiques émancipatrices ayant une réelle capacité à accompagner, consolider ces résistances et construire un cap à moyen terme pour des alternatives démocratiques et éco-sociales « raizal », pour citer le sociologue colombien Orlando Fals Borda (1925-2008).

Cependant, si l'on observe les Amériques « latines » et les Caraïbes au cours des deux dernières décennies, les terres de Berta Cáceres (1971-2016), José Carlos Mariátegui (1894-1930) et Marielle Franco (1979-2018) semblent chercher de nouvelles voies sociales et politiques, réveillant les espoirs de la gauche mondiale, au-delà de la chute du mur de Berlin et d'un néolibéralisme vorace. « Tournant à gauche », « vague progressiste », « fin du néolibéralisme », « marée rose » : l'inflexion sociopolitique vécue par de nombreux pays d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale dans les années 2000 a surpris beaucoup d'observateurs et d'observatrices et même fasciné beaucoup d'autres, notamment en Europe [2]. Le défi - en particulier pour des pays comme la Bolivie, le Venezuela et l'Équateur, qui ont construit un narratif et une promesse « transformatrice » - était de trouver des voies politico-électorales et nationales-populaires avec une clé « post-néolibérale » et anti-impérialiste. Pour certains militant.e.s et mouvements, il ne s'agissait pas seulement de « démocratiser la démocratie », mais aussi de ne pas rester enfermé dans un nouveau modèle fondé sur l'extractivisme des matières premières, la soumission au marché mondial et diverses formes de colonialisme interne et externe.

Plus de 20 ans après le début de ce « cycle », nous pouvons constater à quel point cet objectif de transformation n'a pas été atteint, bien qu'à des rythmes et des réalités très différents selon les scénarios régionaux et nationaux d'Abya Yala [3]. Obstacles et difficultés, désenchantement et désillusion ont été communs à plusieurs pays gouvernés par la gauche et le « progressisme », sans qu'une dynamique homogène ne soit perceptible. Parallèlement, les forces conservatrices et les nouvelles extrêmes droites ont su capitaliser sur ce contexte de crises multiples, pour imposer de nouveaux récits politiques et culturels furieusement « antiprogressistes », soutenus par les grands groupes médiatiques et par les oligarchies économiques locales et impériales, afin, in fine, de se poser en « alternatives populaires » : Javier Milei est le dernier maillon de cette chaîne réactionnaire globale [4]. Nayib Bukele Ortez, réélu à la présidence du Salvador en février 2024, a développé un style de gouvernement qui rappelle l'expérience de la présidence de Rodrigo Duterte aux Philippines entre 2016 et 2022, durant laquelle des milliers d'exécutions extrajudiciaires contre des secteurs populaires « lumpénisés » ont été menées par les forces répressives sous son contrôle au nom de la lutte contre le trafic de drogue. Daniel Noboa, élu président de l'Équateur en 2023, pourrait tenter d'aller dans ce sens.

Comme le montre ce livre, il est essentiel d'établir un bilan critique et argumenté des dernières décennies, du point de vue des sciences sociales et de leur méthodologie, en approfondissant et en débattant les essais et les publications qui tentent de décrypter l'Amérique latine d'aujourd'hui. L'objectif est d'analyser dans sa complexité changeante la période ouverte dans les années 2000 (avec l'élection d'Hugo Chávez en 1999), produit des luttes sociales et populaires contre l'hégémonie néolibérale de la période précédente. Un premier sursaut suivi d'une multiplicité de victoires électorales permettant un relatif « âge d'or » (entre 2005 et 2011) de la gauche et des gouvernements progressistes, avec diverses formes d'État compensateur et redistributeur, une baisse notable de la pauvreté et de nouvelles formes de participation politique, période suivie d'un net reflux régional, d'une baisse du prix des matières premières et d'une embellie conservatrice (2011-2018), marquée - entre autres - par la crise profonde de la « révolution bolivarienne », débouchant sur le moment chaotique post-pandémique des dernières années (2019-2023), où l'on a assisté à la victoire de Bolsonaro au Brésil, à la confirmation des dynamiques de droite en Équateur, mais aussi à des soulèvements populaires au Chili, en Haïti, en Colombie, au Pérou et en Équateur. Dans le même temps, une troisième nouvelle « vague » de gauches institutionnelles( ou « progressisme tardif » selon Massimo Modonesi), clairement limitée (par rapport au début du siècle), a commencé à prendre forme au Chili avec l'élection de Gabriel Boric (2021), en Colombie avec la victoire de Gustavo Petro (2022), Honduras avec la présidence de Xiomara Castro (2022), Guatemala avec l'élection de Bernardo Arévalo en 2023 mais aussi - depuis 2018 - avec l'élection de Manuel López Obrador au Mexique ou en 2020 avec le retour démocratique du Mouvement pour le Socialisme (MAS) en Bolivie.

Cet ouvrage collectif, coordonné par le chercheur Julio César Guanche et publié par la revue cubaine Temas, nous invite à comprendre ces processus à partir de différents points de vue, géographies et sensibilités. L'intérêt principal de cette publication est de couvrir les réalités politiques et sociales de plusieurs pays : l'Argentine, le Brésil, le Chili, l'Équateur, le Mexique, le Pérou et Cuba, à partir d'un examen critique des continuités et des nouveaux phénomènes dans la région, en particulier les transformations sociales et culturelles souterraines qui sous-tendent les changements politiques en cours. Ainsi, ce livre pluraliste traite des processus de gauche ou « progressistes » au pouvoir, ainsi que des processus conservateurs et réactionnaires. Il décrit les dimensions plébéiennes du populisme ou de l'extrême droite (en Équateur, au Brésil et au Pérou), et décrypte les contradictions des progressistes au pouvoir. Si les auteurs envisagent ici les aspects partisans et institutionnels (par exemple, à propos de la droite équatorienne ou de la gauche chilienne et mexicaine), ce n'est pas sans laisser de côté le vaste champ des mobilisations collectives et de la société civile organisée : mouvements sociaux afro-descendants, luttes féministes et anti-féministes, mouvements religieux fondamentalistes, mouvements indigènes sont tous présents dans cet opus. Sans aucun doute, la diversité des approches et des origines des chercheurs inclus ici, qui ont tous une longue histoire de travail et de vie dans différents pays de la région, permet au lecteur d'offrir une vision intéressante, plurielle et contrastée du continent à l'heure actuelle.

Le politologue Noberto Bobbio, dans son ouvrage désormais classique, Droite et gauche, essai sur une distinction politique [5] a souligné de manière convaincante que la distinction des deux pôles de ce binôme peut être un bon point de départ pour réfléchir à une carte politique. Dans cette distinction, Bobbio part de l'axe liberté/égalité pour classer les forces politiques : les droites revendiquant de manière privilégiée le concept de « liberté » (du marché et/ou de l'individu en particulier) et les gauches celui d'« égalité » (et d'émancipation sociale et collective). En transposant cette réflexion à l'Amérique latine et aux Caraïbes, et en rompant avec les visions eurocentriques, il serait nécessaire d'introduire un ensemble d'autres concepts pour penser cette distinction, tels que la colonialité du pouvoir et les conceptions nationales/plurinationales de l'État, les notions de souveraineté populaire et d'anti-impérialisme, les droits des peuples indigènes et les rapports sociaux de race ou de genre, les modèles de développement et les modèles socio-environnementaux, etc. Au-delà de ces caractérisations, ce sont surtout les zones grises et les recoins des espaces sociopolitiques latino-américains actuels que ce livre confirme, des espaces qui ne se résument pas à une simple dichotomie gauche/droite. Cette publication propose des versions actualisées de textes parus dans un dossier de larevue Temas en 2022. Dans leur présentation, les coordinateurs notent à juste titre :

« L'arrivée de nouveaux gouvernements de gauche et de centre-gauche identifiés comme la « marée rose » en Amérique latine et dans les Caraïbes ne fait que renvoyer à un phénomène électoral, dont l'environnement politique est plus complexe. En son sein coexistent des différences stratégiques, des croisements de bases sociales entre les zones de gauche et les zones conservatrices, comme le néo-évangélisme, le rejet de l'autoritarisme de certains mouvements progressistes, des critiques sur les questions de genre, la justice raciale et environnementale, les revendications des peuples indigènes, et d'autres sujets à l'ordre du jour politique, comme la transition énergétique, la perpétuation de l'extractivisme et sa corrélation avec un système de démocratie populaire, qu'il s'appelle socialisme ou non« . Bien qu'ils aient perdu des sièges au gouvernement, les courants conservateurs ont gagné une base populaire, comme le reflète non seulement leur représentation parlementaire, mais aussi le renforcement du consensus néolibéral parmi ces autres bases, sur la »liberté« et la »démocratie« et contre le »populisme". Ces courants n'ont pas cessé d'utiliser la répression pour maintenir un régime d'inégalité caractérisé par une grande dévastation sociale ». [6]

Plus que jamais, les réalités latino-américaines montrent la turbulence des sociétés et de l'ensemble des forces politiques : une situation dans laquelle l'extrême droite « libertarienne » et « anarcho-capitaliste » est capable de faire un ratissage électoral dans des secteurs populaires précaires, alors que dans le même temps, des courants politiques émergeant du cœur de la gauche incarnent des pratiques autoritaires ou sont déconnectés des mouvements sociaux, féministes ou écologistes. C'est ce que confirment plusieurs chapitres du livre et ce que souligne Daniel Kersffeld, rappelant que le progressisme a été marqué ces dernières années par diverses formes de caudillisme, de corruption, d'acceptation d'un modèle de développement extractiviste, ou encore par la mise en œuvre de politiques de « main de fer » et de militarisation, qui semblaient jusqu'à récemment être le « patrimoine politique » de la droite. Dans un autre chapitre, la chercheuse et militante féministe antiraciste Alina Herrera Fuentes souligne que le conservatisme patriarcal ne vient pas seulement des rangs de la droite :

« Les parcours nationaux des progressistes ont été et sont profondément fragiles et discontinus. À certaines périodes et sur certaines questions, des progrès ont pu être accomplis, mais ils se sont arrêtés à d'autres moments. Par exemple, alors que le taux de pauvreté global a diminué, la féminisation de la pauvreté a augmenté au cours de cette période. En d'autres termes, la pauvreté a globalement diminué, mais les femmes ont moins bénéficié que les hommes des politiques qui ont permis d'atteindre cet objectif (ONU Femmes 2017). Mais surtout, ce sont les politiques qui remettent en cause les normes traditionnelles de la famille et de la sexualité - comme l'avortement, le mariage homosexuel, la reconnaissance de l'identité de genre et, dans certains cas, la violence fondée sur le genre - qui ont été le plus entravées par le conservatisme des dirigeants ou directement par les alliances entre les hommes politiques au pouvoir et le néoconservatisme religieux en expansion. Les preuves à cet égard infirment l'hypothèse selon laquelle, par définition, la politique de gauche remet en question les croyances et les hiérarchies conservatrices, avec une base religieuse implicite ou explicite ».

Bien entendu, ces observations n'effacent pas le bilan positif des années 2000-2010 en termes de lutte contre la pauvreté, de progrès des politiques publiques en matière d'éducation, de santé ou de construction de logements, de conquête de processus constituants originaux (Bolivie, Équateur, Venezuela), l'élan bolivarien pour une intégration régionale indépendante des Etats-Unis (UNASUR, CELAC, ALBA), le développement d'une nouvelle diplomatie Sud-Sud, notamment grâce à Hugo Chávez, qui a tenté de privilégier un axe de gauche anti-impérialiste, et dans une certaine mesure à Lula, qui a favorisé l'accroissement de l'influence de son pays dans la région et l'axe des BRICS. En ce qui concerne les politiques internationales de Lula et de Dilma Rousseff, il serait utile de prendre en compte et d'actualiser l'analyse faite par l'auteur marxiste brésilien Ruy Mauro Marini (1932-1997) dans les années 1960, lorsqu'il a qualifié le Brésil de « sous-impérialisme ». Comme le note Claudio Katz :

« Ruy Mauro Marini ne s'est pas contenté de ressasser les vieilles dénonciations du rôle oppressif des États-Unis. Il a plutôt introduit le concept controversé de »sous-impérialisme« pour décrire la nouvelle stratégie de la classe dirigeante brésilienne. Il a décrit les tendances expansionnistes des grandes entreprises affectées par l'étroitesse du marché intérieur et a perçu leur promotion de politiques étatiques agressives pour faire des incursions dans les économies voisines ». [7]

Alors qu'Hugo Chávez soutenait activement le projet ALBA avec Cuba, avec l'appui notamment de la Bolivie et de l'Équateur, et jetait les bases d'une Banque du Sud, Lula a donné la priorité au renforcement du rôle régional et international du Brésil en tant que puissance régionale, coordonnant l'intervention militaire en Haïti (ce qui convenait parfaitement à Washington) et participant activement au lancement des BRICS en 2009 avec la Russie, la Chine et l'Inde (auxquels s'est ajoutée l'Afrique du Sud en 2011). Hugo Chávez avait besoin de la protection du Brésil de Lula contre le danger posé par Washington, et espérait beaucoup de son soutien à la création de la Banque du Sud. Bien que l'acte fondateur de la Banque ait été signé à Buenos Aires - en décembre 2007 - par les présidents brésilien Lula, argentin Néstor Kirchner, bolivien Evo Morales, vénézuélien Hugo Chávez et paraguayen Nicanor Duarte Fruto, le Brésil a effectivement paralysé la mise en œuvre de la Banque [8]. La Banque du Sud n'a jamais fonctionné [9] et aucun crédit n'a été accordé au cours des quinze années qui ont suivi sa création. En fait, Lula a favorisé l'utilisation de la Banque Nationale de Développement Économique et Social (BNDES) pour la politique de crédit dans la région. Cette banque accorde des crédits à de grandes entreprises brésiliennes comme Odebrecht, Vale do Rio Doce, Petrobras, etc. afin qu'elles puissent étendre et renforcer leurs activités à l'étranger [10]. Par la suite, Lula a soutenu le lancement des activités de la Nouvelle Banque de Développement (NBD) créée par les BRICS, basée à Shanghai et présidée à partir de 2023 par Dilma Rousseff [11]. Lula a également favorisé le Mercosur, qui correspondait aux intérêts du grand capital brésilien. L'avortement de la Banque du Sud doit être inclus dans l'évaluation critique de la première vague du progressisme. De même que l'isolement relatif de l'Équateur en 2007-2009 dans sa décision d'auditer sa dette et de suspendre le paiement d'une grande partie de celle-ci, en la déclarant illégitime. L'Équateur a remporté une victoire éclatante contre ses créanciers privés, mais son exemple n'a pas été suivi par les autres pays de la région, malgré les promesses faites lors de la réunion des chefs d'État de la région qui s'est tenue au Venezuela en juillet 2008, et contre la volonté du président Fernando Lugo (Paraguay) de suivre l'exemple de l'Équateur [12].

Ainsi, à l'heure du bilan, on perçoit toutes les nuances, les revers et les limites de ce premier cycle, tributaire d'équilibres fragiles et transitoires, qui a laissé place à une recomposition de la droite et même à des figures fascisantes (Bolsonaro, Kast, Milei, Añez, Bukele, etc.). En fait, si ce livre parle de « gauches et de droites » au pluriel, il explore aussi la notion même de « progressisme ». Cette caractérisation est présente dans presque tous les chapitres, mais que signifie aujourd'hui le progressisme latino-américain : la crise du processus bolivarien au Venezuela, les timides réformes du jeune président Boric au Chili, le « populisme de gauche » d'AMLO ? Ce mot est par excellence conceptuellement vaste et ambigu, devenant un mot insaisissable et en même temps omniprésent. En fait, il est intéressant de rappeler que « cette notion de progressisme appartient au langage par lequel, historiquement, la gauche marxiste a désigné les programmes et les forces sociales et politiques sociaux-démocrates, populistes ou nationaux-populistes qui cherchaient à transformer et à réformer le capitalisme en introduisant des doses d'intervention et de régulation de l'État et de redistribution des richesses : dans le cas de l'Amérique latine, avec un net accent anti-impérialiste et développementaliste. Ce dernier aspect, aujourd'hui présenté comme le »néo-développementalisme « , est lié à la notion de progrès et contribue à définir l'horizon et le caractère du projet, ainsi que les critiques qui, à partir de perspectives environnementalistes, écosocialistes ou postcoloniales, remettent en question l'idée de progrès et de développement, tant dans leurs expressions au cours des siècles passés que dans leur prolongement au XXIe siècle ». [13]

Nous pensons que ce livre montre que des ambiguïtés et des points de fuite peuvent également être trouvés lorsqu'il s'agit de définir les droits du temps présent, le conservatisme ou même la nouvelle extrême-droite. Cependant, ce que les cas de l'Équateur analysé par Franklin Ramírez Gallegos, du Brésil présenté par Luiz Bernardo Pericás et du Pérou (article de Damian A. Gonzales Escudero) soulignent, c'est qu'une base commune pour la consolidation et la radicalisation de la droite actuelle est la confrontation frontale avec le progressisme, que ce soit dans ses aspects nationaux-populaires ou de centre-gauche. C'est ce que confirme un pays, aujourd'hui scénario capital de la réaction continentale : l'Argentine, où la construction de la candidature « outsider » de Milei s'est appuyée sur la haine d'une partie de l'électorat pour le péronisme et le kirchnerisme, dans un contexte d'effondrement économique, d'hyperinflation et de rejet de l'administration d'Alberto Fernández, qui n'a pas tenu ses promesses de dénoncer la dette illégitime et odieuse contractée par Mauricio Macri auprès du FMI en 2018. Un autre pays qu'il serait intéressant d'inclure dans les réflexions est le Nicaragua de Daniel Ortega, car il offre l'exemple dramatique d'un pays gouverné par une force politique initialement issue d'une révolution (1979-1989) et qui incarne aujourd'hui la tutelle d'un clan familial répressif, qui a voulu mettre en œuvre un programme du FMI en 2018, provoquant une rébellion massive de la jeunesse et d'autres secteurs populaires, et qui a décidé de la réprimer brutalement afin de rester au pouvoir [14].

Il faut ici reconnaître un autre aspect original de ce livre : il inclut une réflexion sur la situation à Cuba, une réflexion critique nécessaire quand Cuba et sa révolution ont été un « phare » central de l'imaginaire de la gauche latino-américaine et mondiale tout au long du vingtième siècle [15]. Manuel R. Gómez revient sur l'histoire de la droite cubaine, en tant qu'instrument « utile » - mais non décisif - de la politique étatique et impériale des Etats-Unis, tant dans les périodes de « main de fer » de Washington à l'égard de l'île caribéenne, que de rapprochement relatif et timide sous le mandat Obama. Quant à Wilder Pérez Varona, il pose à juste titre la question suivante : dans quel sens peut-on parler de gauche et de droite à Cuba aujourd'hui, compte tenu des spécificités de l'histoire cubaine depuis 1959 et de son régime sociopolitique ? Là, le terme même de « révolution » est devenu flou, car « pendant des décennies, le terme révolutionnaire a fusionné des relations très diverses. Très tôt, cette condition a expulsé toute opposition de la communauté politique nationale et l'a qualifiée de contre-révolutionnaire. L'utilisation du terme »révolution« a servi à synthétiser une épopée exceptionnelle, dont les réalisations et les acquis ont résisté à la belligérance systématique des États-Unis. Son utilisation a souvent évité à la fois l'analyse des contradictions du processus et de ses acteurs. La prémisse de l'unité face au siège a externalisé le conflit politique ».

Parler aujourd'hui, à Cuba, en termes de gauche/droite renvoie en fait à une question essentielle : celle de la représentation politique ou plutôt de son déficit, dans le contexte d'une société de plus en plus inégalitaire et différenciée, de l'élargissement de la contestation et des exigences croissantes de changements dans les domaines économique et culturel, mais aussi d'une véritable démocratisation politique.

Pour conclure cette brève présentation, revenons à notre constat initial. La « polycrise » mondiale et la prise de conscience que nous entrons dans une période de fortes turbulences qui se font sentir sur l'ensemble du continent. Ainsi, comme l'affirment Gabriel Vommaro et Gabriel Kessler, aujourd'hui « la polarisation idéologique avec des composantes affectives, le mécontentement généralisé et la polarisation autour d'un leader émergent marquent la politique latino-américaine, dont les électorats, comme sous d'autres latitudes, sont de plus en plus volatiles et insatisfaits » [16] . Peut-être avons-nous là une leçon essentielle de ce livre collectif et des urgences qu'il signifie. Au-delà des régimes politiques, de droite comme de gauche, progressistes ou conservateurs, le malaise citoyen et le mécontentement de ceux « d'en bas » s'amplifient. Mais il y a aussi du désespoir si des alternatives démocratiques locales et globales n'émergent pas, un désespoir qui pourrait ouvrir la porte à des forces de plus en plus violentes et réactionnaires, et même à la possibilité du fascisme [17].

Depuis l'œil du cyclone, les auteur.e.s de cet ouvrage contribuent à l'analyse du moment crucial que nous vivons, à une meilleure compréhension du présent et à l'esquisse de perspectives d'avenir pour l'Amérique latine et les Caraïbes.

Traduit de l'espagnol par Christian Dubucq.

Notes

[1] 1. Andreas Malm, Corona, Climate, Chronic Emergency : War Communism in the Twenty-First Century, Londres, Verso, 2020.

[2] 2. Voir par exemple : Tariq Ali, Piratas del Caribe. El eje de la esperanza, Madrid, Foca ediciones, 2008.

[3] 3. Maristella Svampa, Del cambio de época al fin de ciclo : gobiernos progresistas, extractivismo, y movimientos sociales en América Latina, Buenos Aires, Edhasa, 2017 et Massimo Modonesi, « La normalización de los progresismos latinoamericanos », Jacobín América Latina, juillet 2022, https://jacobinlat.com/2022/07/04/la-normalizacion-de-los-progresismos-latinoamericanos.

[4] 4. Pablo Stefanoni, La rébellion est-elle passée à droite ? Paris, Éditions La Découverte, 2022. Miguel Urban, Trumpismos : Neoliberales y Autoritarios. Radiografía de la derecha radical, Madrid, Verso, 2024, https://versolibros.com/products/trumpismos.

[5] 5. Norberto Bobbio, Droite et gauche : essai sur une distinction politique, Seuil, Paris, 1996

[6] Temas, N° 108-109, marzo-octubre 2022, https://temas.cult.cu/revista/revista_datos/3

[7] Claudio Katz, La teoría de la dependencia cincuenta años después, Argentine, Ed. Batalla de Ideas, 2018, p. 102.

[8] Éric Toussaint, Banque du Sud et nouvelle crise internationale, Paris, 2008, CADTM/Syllepse.

[9] Éric Toussaint, La banque du Sud est une alternative, pas celle des BRICS, CADTM, 19 août 2014. Voir également : Éric Toussaint, « L'expérience interrompue de la Banque du Sud en Amérique latine et ce qui aurait pu être mis en place comme politiques alternatives au niveau du continent », https://www.cadtm.org/L-experience-interrompue-de-la-Banque-du-Sud-en-Amerique-latine-et-ce-qui , CADTM, 10 mai 2024.

[10] Caio Bugiato, « A política de financiamento do BNDES e a burguesia brasileira », in Cadernos do Desenvolvimento, http://www.cadernosdodesenvolvimento.org.br/ojs-2.4.8/index.php/cdes/article/view/125/128

[11] Éric Toussaint, « Les BRICS et leur Nouvelle banque de développement offrent-ils des alternatives à la Banque mondiale, au FMI et aux politiques promues par les puissances impérialistes traditionnelles ? », CADTM, 22 avril 2024.

[12] Éric Toussaint et Benjamin Lemoine, « En Équateur, des espoirs déçus à la réussite. Les exemples de l'Afrique du Sud, du Brésil, du Paraguay et de l'Équateur », CADTM, 3 août 2016.

[13] Franck Gaudichaud, Massimo Modonesi, Jeffery Webber, Fin de partie. Les expériences progressistes dans l'impasse, (1998-2019), Paris, 2020, Syllepse.

[14] Nathan Legrand, Éric Toussaint, « Nicaragua, la otra revolución traicionada », CADTM, 30 janvier 2019, https://www.cadtm.org/Nicaragua-la-otra-revolucion-traicionada. Éric Toussaint, « Nicaragua : L'évolution du régime du président Daniel Ortega depuis 2007 », https://www.cadtm.org/Nicaragua-L-evolution-du-regime-du-president-Daniel-Ortega-depuis-2007 , CADTM, 25 juillet 2018. Éric Toussaint, « Nicaragua : Poursuite des réflexions sur l'expérience sandiniste des années 1980-1990 afin de comprendre le régime de Daniel Ortega et de Rosario Murillo », https://www.cadtm.org/Nicaragua-Poursuite-des-reflexions-sur-l-experience-sandiniste-des-annees-1980, CADTM, 12 août 2018.

[15] Tanya Harmer, Alberto Martín Álvarez (dir.), Toward a Global History of Latin America's Revolutionary Left, Gainesville, University of Florida Press, 2021.

[16] Dossier « Cómo se organiza el descontento en América Laina ? Polarización, malestar y liderazgos divisivos », Nueva Sociedad, Nº 310, mars-avril 2024, https://nuso.org/articulo/310-como-se-organiza-el-descontento-en-america-latina/

[17] Dossier « Ultraderechas, neofascismo o postfascismo », Cuadernos de Herramienta, avril 2024, https://herramienta.com.ar/cuadernos-de-herramienta-las-ultraderechas-neofascismo-o-postfascismo

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Kanaky / Nouvelle-Calédonie : pour la libération des prisonniers et prisonnières de la CCAT et de tous les emprisonné∙es !

20 août 2024, par Collectif — , ,
Colonisé en 1853 par la France, l'archipel de Kanaky / Nouvelle-Calédonie est, depuis fin 1986, réinscrit sur la liste des territoires à décoloniser établie par l'ONU. C'est un (…)

Colonisé en 1853 par la France, l'archipel de Kanaky / Nouvelle-Calédonie est, depuis fin 1986, réinscrit sur la liste des territoires à décoloniser établie par l'ONU. C'est un « territoire nonautonome », selon l'article 73 de la Charte des Nations Unies. Son peuple dispose du droit à l'autodétermination et à l'indépendance, conformément aux résolutions 1514 et 1541 de décembre 1960. L'ONU reconnaît le droit à l'autodétermination « interne » au peuple Kanak de NouvelleCalédonie, en tant que population autochtone bénéficiant d'une protection juridique particulière. En application de la résolution 2625 de l'Assemblée générale de l'ONU, la Nouvelle-Calédonie dispose d'un « statut séparé et distinct » par rapport à la France. Le territoire relève du droit international et est « sous responsabilité française ». La France n'est que puissance administrante et doit rendre des comptes à l'ONU jusqu'à l'aboutissement du processus de décolonisation.

Tiré d'Aplutsoc.

Le processus de décolonisation s'est traduit par différents accords suite à la période sanglante des années 80, dont le dernier, l'accord de Nouméa, dans lequel le FLNKS (Front de Libération National Kanak et Socialiste) est une des parties, doit mener au bout de trois référendums à l'autodétermination et à l'indépendance.

Un référendum volé

De fait, contre les attentes du gouvernement et des anti-indépendantistes, lors du deuxième référendum en 2020, l'indépendance ne s'est jouée qu'à 9000 voix. L'État français a pris peur et a imposé le troisième référendum du 12 décembre 2021 en pleine pandémie de Covid, et cela malgré la demande unanime de report de l'ensemble des courants indépendantistes. Ils ont donc appelé à la non-participation, très largement suivie. Le peuple Kanak ne s'est donc pas exprimé « dans le respect de sa volonté libre et authentique ».

Loi sur le dégel du corps électoral : la goutte d'eau de trop

L'État français, a fait reporter les élections provinciales avec une première loi organique, pour pouvoir imposer le dégel du corps électoral et faire entrer près de 25000 nouveaux électeurs, principalement métropolitains.

Le passage en force de cette loi a fait monter les tensions dans le pays. Malgré les alertes, les parlementaires sont responsables de l'actuel embrasement de la Kanaky / Nouvelle-Calédonie après avoir décidé, à près de 20000 km de l'avenir de tout un peuple.

Le même jour, Nouméa et sa périphérie se sont embrasées, suite à des tirs de flash-ball par des policiers sur des jeunes Kanak qui portaient des drapeaux.

Répression coloniale et milices racistes

La réponse de la jeunesse a été le prétexte pour une répression violente des quartiers populaires de Nouméa composés en majorité d'habitant∙es Kanak et Océaniens. L'archipel a été militarisé avec l'arrivée de milliers de gendarmes, dont le GIGN, en plus des 4000 militaires déjà présents.

Des milices racistes et armées agissent en toute impunité en tirant sur des manifestants indépendantistes, assassinant des jeunes Kanak et occasionnant de nombreux blessés. Des élus locaux de la droite loyaliste ont soutenu, sur les réseaux sociaux, les actes de ces milices armées qui pratiquent de véritables chasses à l'homme. Des groupes armés circulent en pick-up, provocant et agressant des jeunes Kanak ou Océaniens.

Ces morts s'apparentent à des exécutions extrajudiciaires.

La fin des milices, leur désarmement et une enquête de l'ONU sont une nécessité

La suspension de la loi sur le dégel du corps électoral, imposée par le soulèvement de
la jeunesse Kanak et la dissolution de l'Assemblée Nationale n'est qu'une étape : il
faut l'abroger. Aujourd'hui tout reste à faire, car la répression continue et aucune solution politique n'est proposée en réponse aux aspirations du peuple Kanak.

L'arrestation et la déportation des leaders indépendantistes mobilisés depuis des mois
dans la CCAT, avaient été précédées d'une criminalisation et d'accusations publiques à leur encontre de la part du Haut-Commissaire de Nouvelle-Calédonie et du ministre Darmanin. Cette vision paranoïaque et raciste qui nie les conséquences politiques des choix gouvernementaux derrière des accusations de manipulations étrangères ou « maffieuses » a conduit l'Etat français à renouer avec les pires pratiques coloniales et à enfermer à 20 000 km de chez eux des dirigeant∙es politiques de premier plan, ainsi que plusieurs dizaines de militant∙es, déportés dans les prisons françaises sans que parfois leurs familles mêmes ne soient informées.

Les 11 dirigeant∙es de la CCAT ont été mis en examen sous des chefs d'inculpation
criminels sans aucun lien avec leur activité politique et sur la base de dossiers vides
et d'accusations sans fondement. Cinq d'entre eux sont déportés en France et placés
à l'isolement. Deux militantes après avoir été emprisonnées sont aujourd'hui
assignées à résidence en France loin de leurs familles et enfants.

Après ces élections législatives qui ont vu les Français voter massivement contre
l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement d'extrême droite, nous, militants et
militantes de la solidarité avec le peuple Kanak demandons à tous les partis
politiques, les syndicats, les associations et mouvements anti coloniaux et
antiracistes de prendre position pour la libération immédiate des militants arrêtés,
tant en Kanaky / Nouvelle-Calédonie que de ceux qui ont été déportés en France, et
de s'engager à soutenir l'ouverture d'un véritable dialogue pour un accès garanti à
l'indépendance qui seul peut faire revenir la paix.

Appel à l'initiative du Collectif Solidarité Kanaky, composé de : MKF (Mouvement des Kanak de France), USTKE en France (Union Syndicale des Travailleurs Kanak et des Exploités en France), Union syndicale Solidaires, CNT (Confédération Nationale du Travail), STC (Sindicatu di i Travagliadori Corsi), Association Survie, Ensemble !, NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste-L'Anticapitaliste), PIR (Parti des Indigènes de la République), PCOF (Parti Communiste des Ouvriers de France), UCL (Union Communiste Libertaire), PEPS (Pour une Ecologie Populaire et Sociale), FASTI (Fédération des Associations de Solidarité avec Toute-s les Immigré-e-s), FUIQP (Front Uni des Immigrations et des Quartiers populaires), UP (Union Pacifiste, section française de l'Internationale des résistants à la guerre).

Avec le soutien de : Collectif Solidarité avec le peuple Kanak de Rennes, Comité de soutien pour Kanaky - Bretagne Sud, Collectif Solidarité Kanaky Brest, Collectif Solidarité pour Kanaky Besançon, Association Information et soutien aux droits du peuple Kanak (AISDPK), Association des Ami.es de Maurice Rajsfus, Association Ingalañ, ATTAC Nièvre, Cerises la coopérative (journal et site), Editions Syllepse, Langile Abertzaleen Batzordeak (LAB), Réseau international du Comité pour l'abolition des dettes illégitimes (CADTM), Syndicat national Travail Emploi Formation Professionnelle (CGT TEFP), Union départementale CGT Paris, Union départementale Solidaires Morbihan, Union Démocratique Bretonne (UDB), Union Juive Française pour la Paix (UJFP).

Et des signataires

1. Gilbert Achcar, sociologue, universitaire, Université de Londres (Angleterre).
2. Octavio Alberola, militant anarchiste, antifranquiste, internationaliste.
3. François Alfonsi, élu local, ex-député européen (Corse).
4. Nils Andersson, militant anticolonial, ancien éditeur.
5. George Arnauld, militante féministe (Martinique).
6. Georges Auspitz, membre de la coordination nationale de l'Union juive française pour la paix (UJFP).
7. Bernard Baissat, réalisateur, membre de l'Union pacifiste.
8. Etienne Balibar, professeur retraité de l'Université Paris Nanterre.
1. Ludivine Bantigny, historienne.
2. Jean Batou, historien.
3. Anne Baudonne, adjointe au maire, Paris 20e, Parti communiste français (PCF).
4. Mathieu Bellahsen, psychiatre, lanceur d'alerte.
5. Cendrine Berger, ingénieure, Fédération de l'éducation de la recherche et de la culture (FERC Sup CGT).
6. Olivier Besancenot, ex-candidat à l'élection présidentielle, NPA-L'Anticapitaliste.
7. Smaïl Bessaha, militant CGT-Culture.
8. Alain Bihr, professeur honoraire de sociologie.
9. Eric Bottin, professeur retraité.
10. Saïd Bouamama, sociologue et militant du Front uni des immigrations et des quartiers populaires (FUIQP).
11. Antoine Boulanger, cosecrétaire Fédération de l'éducation de la recherche et de la culture (FERC Sup CGT)
Sorbonne-Université.
12. Houria Bouteldja, membre du QG Décolonial.
13. Youssef Boussoumah, membre du QG Décolonial.
14. José Bové, ex-député européen.
15. Sarah Brochart, membre de la coordination nationale de l'Union juive pour la paix (UJFP).
16. Fabrizio Burattini, militant politico-syndical, coordinateur du site “refrattario.link” (Italie).
17. Frédéric Burnel, militant pour l'émancipation, syndicaliste Fédération syndicale unitaire (FSU), militant de
Rejoignons-nous.
18. Patrick Chamoiseau, écrivain.
19. Alexis Charansonnet, historien, militant du Parti communiste français (PCF), ancien adjoint au maire de
Bagneux.
20. Mathias Chauchat, professeur de droit public, Université de la Nouvelle-Calédonie.
21. Vincenzo Cicero, responsable syndical d'UNIA, militant du Mouvement pour le socialisme, MPS (Suisse).
22. Nara Cladera, cosecrétaire fédérale SUD Education, coanimatrice du Réseau syndical international de
solidarité et de luttes.
23. Sylvie Colas, secrétaire nationale en charge des dossiers internationaux de la Confédération paysanne.
24. Philippe Corcuff, professeur de science politique à Sciences Po Lyon.
25. Annick Coupé, syndicaliste et altermondialiste.
26. Marie Courroye, membre de l'association Survie, syndicaliste Union syndicale Solidaires.
27. Léon Crémieux, technicien aéronautique, syndicaliste SUD Aérien, retraité.
28. Alexis Cukier, philosophe, militant Fédération de l'éducation de la recherche et de la culture (FERC Sup
CGT), ATTAC, Rejoignons-nous.
29. Christian Dandrès, conseiller national, président du Syndicat des services publics (SSP), Genève (Suisse).
30. Pierre Dardot, philosophe.
31. Laurence De Cock, historienne et enseignante.
32. Mikel de la Fuente, enseignant retraité du Droit du travail, militant du mouvement basque des retrait∙es
(Pays basque).
33. Jean-René Delépine, cosecrétaire de la fédération des syndicats SUD-Rail [Solidaires].
34. Christine Demmer, anthropologue.
35. Catherine Destom-Bottin, membre de l'Association des communistes unitaires (ACU) et du comité éditorial
de Cerises la coopérative.
36. Pascal Dias, militant SUD Santé Sociaux Seine-Saint-Denis.
37. Bernard Dréano, membre du collectif français du Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine (RESU).
38. Sylvain Duez-Alesandrini, militant associatif, co-président de l'ONG internationale Alliance européenne
pour l'autodétermination des peuples autochtones.
39. Simon Duteil, ex codélégué Union Syndicale Solidaires.
40. Argitxu Dufau, porte-parole et responsable de Langile Abertzaleen Batzordeak, LAB au Pays Basque Nord
(Pays basque).
41. Josu Egireun – Redaction de Viento Sur (Etat espagnol))
42. Sabine Enders, ATTAC Nièvre.
43. Didier Epsztajn, animateur du blog « entre les lignes entre les mots ».
44. Annie Ernaux, écrivaine.
45. Jules Falquet, militant Rejoignons-nous.
46. Patrick Farbiaz, membre de la Fondation Copernic.
47. Elsa Faugère, anthropologue, INRAE.
48. Malcolm Ferdinand, chargée de recherche CNRS, IRRISO.
49. Julie Ferrua, codéléguée générale de l'Union syndicale Solidaires.
50. Charles Fournier, député d'Indre-et-Loire.
51. Annie Gafforelli, adjointe au maire, Paris 20e, Parti communiste français (PCF).
52. Jean-Jacques Gandini, ex-président du Syndicat des avocats de France (SAF), membre de la Ligue des
droits de l'Homme (LDH).
53. Michelle Garcia, militante anticoloniale et internationaliste, Rejoignons-nous.
54. Franck Gaudichaud, historien.
55. Barbara Glowczewski, directrice de recherche émérite, LAS, CNRS, Collège de France.
56. Lorenz Gonschor, PhD, politologue, Université du Pacifique Sud, Suva, (Fidji).
57. Nacira Guénif, sociologue, anthropologue, Université Paris 8, LEGS, CNRS.
58. Daniel Guerrier, anticolonialiste, ancien coprésident de l'Association information et soutien aux droits du
peuple kanak (AISDPK).
59. Murielle Guilbert, codéléguée
60. Christine Hamelin, sociologue.
61. Françoise Hönle, professeure agrégée retraitée, syndiquée SNES-FSU.
62. Samy Joshua, professeur émérite Aix-Marseille Universités.
63. Aurélie Journée-Duez, anthropologue EHESS / Laboratoire d'anthropologie sociale.
64. Steve King pour Générations pays lorientais.
65. Aurore Koechlin, sociologue et féministe.
66. Tamara Knezevic, militante de la Grève féministe de Suisse, Lausanne
67. Daniel Kupferstein, réalisateur.
68. Alain Lacombe, membre du comité éditorial de Cerises la coopérative.
69. Mehdi Lallaoui, réalisateur, coprésident de l'Association information et soutien aux droits du peuple kanak
(AISDPK).
70. Véronique Lamy, porte-parole du Parti communiste des ouvriers de France (PCOF).
71. Sylvie Larue, militante du Syndicat national de l'éducation physique (SNEP-FSU), membre du comité
éditorial de Cerises la coopérative.
72. Serge Latouche, professeur émérite d'économie de l'Université de Paris-Sud, objecteur de croissance.
73. Pierre-Eric Lauri, chercheur en agronomie.
74. Christian Laval, sociologue.
75. Olivier Le Cour Grandmaison universitaire.
76. Kevin Le Tétour, cosecrétaire fédéral SUD éducation.
77. Isabelle Leblic, anthropologue, coprésidente de l'Association information et soutien aux droits du peuple
kanak (AISDPK).
78. Gilles Lemée, Ensemble ! Rhône.
79. France Lert, ancienne chercheure INSERM en santé publique.
80. Jean-Yves Lesage, animateur du blog « communistes libertaires de la CGT ».
81. Michael Löwy, écosocialiste.
82. Christian Mahieux, syndicaliste SUD-Rail - Union syndicale Solidaires, coanimateur du Réseau syndical
international de solidarité et de luttes.
83. Jan Malewski, revue Inprecor.
84. Gilles Manceron, historien, coanimateur de l'Association histoire coloniale et postcoloniale.
85. Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne.
86. Olivier Marboeuf, auteur.
87. Fabien Marcot, philosophe, féministe.
88. Jean-Pierre Martin, psychiatre, membre d'Ensemble !
89. Mehdi Meftah, militant du Parti des indigènes de la république (PIR).
90. Isabelle Merle, historienne.
91. Henri Mermé, coanimateur de la commission internationale d'Ensemble !
92. Martino Miceli, doctorant en Anthropologie à l'EHESS, IRIS.
93. Romolo Molo, avocat, Genève (Suisse).
94. Maurice Montet, secrétaire de l'Union pacifiste.
95. Thierry Moutin, Professeur Aix-Marseille Université.
96. Dominique Nathanson, militant juif décolonial, animateur du site Mémoire Juive & éducation.
97. Richard Neuville, militant internationaliste et de l'autogestion.
98. Hélène Nicolas, anthropologue.
99. David Noël, historien, président de la Ligue des droits de l'Homme du Pas-de-Calais.
100. Fabrizio Ortu, militant pour les droits du peuple (Sardaigne).
101. Gilbert Pago, historien.
102. Patrizia Paoli, militante indépendantiste corse, coordinatrice de Corsica internaziunalista (Corse).
103. Jaime Pastor, membre de la direction de Viento Sur (Etat espagnol).
104. Alice Picard, porte-parole nationale d'ATTAC.
105. Philippe Pierre Charles, Groupe révolution socialiste GRS (Martinique).
106. Christian Pierrel, directeur de publication de La Forge.
107. Marc Plocki, association des ami.es de Maurice Rajsfus.
108. Matteo Poretti, syndicaliste UNIA, Bellinzone (Suisse).
109. Robert Posnic, membre de la Ligue des droits de l'Homme (LDH).
110. Christine Poupin, militante féministe et écosocialiste, NPA-L'Anticapitaliste.
111. Vincent Présumey, membre du collectif français du Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine (RESU).
112. Raphaëlle Primet, conseillère de Paris, coprésidente du Parti communiste français (PCF).
113. Matteo Pronzini, secrétaire syndical d'UNIA, élu du Mouvement pour le socialisme (MPS) au législatif du
canton du Tessin (Suisse).
114. Pablo Rauzy, militant de la Fédération de l'éducation de la recherche et de la culture (Ferc Sup CGT),
Université Paris 8.
115. Renée Ravoteur, militante de Lyannaj pou dépolyé Matinik (Martinique).
116. Fabrice Riceputi, historien, coanimateur de l'Association histoire coloniale et postcoloniale.
117. Bruno Richard, citoyen, médecin généraliste.
118. Mathieu Rigouste, chercheur en sciences sociales.
119. Laurent Ripart, historien.
120. Dorothée Rivaud-Danset, professeur honoraire des universités.
121. Michel Roger, conseiller d'arrondissement Paris 20e.
122. Théo Roumier, syndicaliste SUD éducation en lycée professionnel.
123. Sandrine Rousseau, députée, Les Ecologistes.
124. Pierre Rousset, militant associatif et internationaliste, animateur du site « Europe solidaire sans
frontières ».
125. Alain Ruscio, historien, coanimateur de l'Association histoire coloniale et postcoloniale.
126. Koldo Saenz, secrétaire aux relations internationales de Langile Abertzaleen Batzordeak LAB (Pays basque).
127. Marc Saint-Upéry, journaliste, traducteur, éditeur, Foligno (Italie).
128. Christine Salomon, anthropologue.
129. Catherine Samary, économiste Université Paris Dauphine, militante du NPA-L'Anticapitaliste.
130. Mariana Sanchez, membre du collectif français du Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine (RESU).
131. Patrick Saurin, militant syndicaliste SUD BCPE et associatif.
132. Jean-Marc Schiappa, historien.
133. Giuseppe Sergi, élu du Mouvement pour le socialisme (MPS) au législatif du canton du Tessin (Suisse)
134. Patrick Silberstein, éditions Syllepse, coauteur du Guide du Paris colonial et des banlieues.
135. Sylvain Silberstein, éditions Syllepse.
136. Francis Sitel, codirecteur de la revue ContreTemps, membre d'Ensemble !
137. Agostino Soldini, membre du Syndicat des services publics (SSP), Lausanne (Suisse).
138. Ersilia Soudais, députée de la 7ème circonscription de Seine-et Marne.
139. Pierre Stambul, porte-parole de l'Union Union juive française pour la paix (UJFP).
140. Alessandro Stella, historien.
141. Yves Thebault ,ancien président du CRIDEV.
142. Yves Daniel Thébault, syndicaliste FSU à la retraite, La Réunion.
143. Julien Théry, historien.
144. Toufik-de-Planoise, journaliste.
145. Luc Tournabien, écrivain.
146. Éric Toussaint, porte-parole international du Comité pour l'abolition des dettes illégitimes ( CADTM).
147. Josette Trat, universitaire, militante féministe.
148. Julien Troccaz, cosecrétaire de la fédération des syndicats SUD-Rail [Solidaires].
149. Charles-André Udry, éditeur, animateur du site A l'encontre, Lausanne (Suisse).
150. Miguel Urban, ex-député européen (Etat espagnol).
151. Roseline Vachetta, ex-députée européenne, NPA-L'Anticapitaliste.
152. Charlotte Vanbesien, secrétaire générale de la Fédération de l'éducation de la recherche et de la culture
(FERC CGT).
153. Patrick Vassallo, militant altermondialiste, membre du comité éditorial de Cerises la coopérative.
154. Françoise Verges, politologue, militante féministe décoloniale.
155. Antoine Vigot, militant Fédération syndicale unitaire (FSU).
156. Olivier Vinay, vétérinaire, professeur agrégé, Bureau national de la Fédération syndicale unitaire (FSU).
157. Christiane Vollaire, philosophe.
158. Sophie Zafari, syndicaliste Fédération syndicale unitaire (FSU).
159. Juan Hernández Zubizarreta, membre de l'Observatorio de Multinacionales en América Latina (Pays
basque).
160. Gaétan Zurkinden, membre du Syndicat des services publics (SSP), Fribourg (Suisse).

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Projet 2025 présente un plan anti syndical

20 août 2024, par Jenny Brown — , ,
Les commentateurs.trices se sont beaucoup concentré sur les aspects antidémocratiques du Projet 2025 de la Heritage Foundation, un manuel radical pour les 180 premiers jours (…)

Les commentateurs.trices se sont beaucoup concentré sur les aspects antidémocratiques du Projet 2025 de la Heritage Foundation, un manuel radical pour les 180 premiers jours d'une nouvelle administration Trump. Peu se sont arrêté sur la partie qui prévoit de mettre les syndicats à genou et de s'attaquer aux droits des travailleurs.euses.

Jenny Brown, Jacobin, 27 juillet 2024
Traduction, Alexandra Cyr

Les entreprises qui financent la campagne de D. Trump ont versé leur mise. Dans son Projet 2025, la Heritage Foundation présente en 900 pages une liste de propositions pour une nouvelle présidence Trump et une Cour suprême conciliante.

(En 2016) la victoire de D. Trump a été une surprise et le milieu des affaires a vu son mandat chaotique comme une occasion manquée. Cette fois, la Fondation, qui est la chambre d'écho des grands employeurs.euses, présente une longue liste de personnes qu'elle veut voir embauchées et nommées par la nouvelle possible présidence de D. Trump. Elle présente aussi un plan complet d'interventions à faire au cours des 180 premiers jours.

Dès le premier jour, le National Labor Relations Board (NLRB) devrait remercier le conseiller général qu'il n'y ait jamais siégé de toute ma vie, Mme Jennifer Abruzzo.

Ensuite, vient la reclassification de milliers de fonctionnaires par décret exécutif de telle sorte qu'ils et elles puissent être renvoyés.es et remplacés.es par des plus loyaux.ales aux entreprises.

Puis le plan prévoit de mettre la hache dans les protections que la classe ouvrière américaine a gagné une à une au cours de 100 années de détermination, de sacrifices et d'unité.

Dégoutant : l'abolition des lois sur le paiement de heures supplémentaires, l'élimination totale des syndicats du secteur public, des protections de santé sécurité, du salaire minimum, rendre plus difficile l'accès à l'assurance chômage et remettre les enfants au travail comme c'était le cas dans les années 1920.

En s'attaquant aux travailleurs.euse de la construction syndiqués.es, les exigences pour les privilèges salariaux et les ententes prévues dans les projets fédéraux disparaitraient.

Plus encore : l'élimination du Département de l'éducation est au programme avec l'interdiction d'enseigner l'histoire des femmes, des Afroaméricains.es. Cela donne une idée de la manière qui sera utilisée pour introduire les changements. L'avortement serait interdit dans tout le pays. (L'AFL-CIO publie les détails de cette liste alarmante).

Je suis en Floride où une partie de ce plan a été testé. Mon vieux syndicat, AFSCME Local 3340, représente les concierges, les secrétaires et les technicien.nes de l'Université de Floride à Gainesville depuis 50 ans. L'automne dernier, la convention collective a été abolie, le syndicat a perdu sa certification grâce à une loi adoptée par la législature républicaine qui exige qu'il perçoive les contributions d'au moins 60% de ses membres. La Floride est un État dit du « droit de travailler » où les membres des syndicats peuvent bénéficier des services syndicaux sans payer de contribution.

Un de mes amis, qui travaille pour le service de traitement des eaux de la ville, a perdu son syndicat, le Communications Workers of America. Il raconte que les jeunes travailleurs.euses ne comprennent pas ce que signifie de travailler sans être syndiqué et refusent de devenir membres. Ainsi, le syndicat a perdu sa certification.

Projet 2025 veut étendre ce cauchemar a tout le pays.

Déjà nous vivons avec les conséquences des trois nominations de juges à la Cour suprême par D. Trump. Ce tribunal vient de mettre fin à la règle de revoie dite Chevron. Donc, en ce moment les juges n'ont plus aucune obligation de déférer les causes pour contraventions aux règles de protection des travailleurs.euses devant le NLRB ou l'Administration de la santé sécurité au travail, que les entreprises poursuivies n'aiment pas. La Cour peut imposer ses propres visions anti ouvrières.

Un meilleur 2025

Quelle sera notre réponse ? Premièrement, nous pouvons informer nos collègues que ce programme est un vrai plan pour que la future administration Trump puisse s'attaquer aux protections syndicales et ouvrières. Peu importe ce qu'il en dit lui-même et sa prétention à être du côté des Américains.es ordinaires. Pendant qu'il prétend s'éloigner de ce plan, plusieurs membres de son entourage en font partie et sont prêts.es à jouer les rôles clés. Ils et elles sont bien au courant que devant la paralysie du Congrès, « les politiques deviennent personnelles ».

Deuxièmement, exigeons un programme positif pour reconstruire le pays. Faisons pression sur les candidats.es qui s'expriment le moindrement à ce sujet de le traiter sérieuxeusement : il nous faut un salaire minimum à 25$ l'heure, des droits effectifs à la syndicalisation, les soins de santé pour tous et toutes et sans interférence de la part des compagnies d'assurance, la taxation des riches pour financer à hauteur les écoles et les transports en commun, une assurance chômage avec le financement nécessaire, des bénéfices de la Sécurité sociale renforcés et la poursuite des sérieux investissements que l'administration Biden a souscrit dans les emplois de l'économie verte pour arrêter les changements climatiques.

N.B. : Jenny Brown est assistante d'édition chez Labor Notes. Elle est l'auteur de Birth Strike : The Hidden Fight Over Women's Work. Son dernier volume s'intitule, Without Apology : The Abortion Struggle Now.

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« C’est un cinglé » ! R. Bracey Sherman critique les propos de J.D. Vance colistier de D. Trump

20 août 2024, par Amy Goodman, Renee Bracey Sherman — , ,
Nous discutons maintenant avec Renee Bracey Sherman à propos des déclarations de J.D. Vance colistier de D. Trump (dans l'actuelle bataille électorale). Ses remarques sexistes (…)

Nous discutons maintenant avec Renee Bracey Sherman à propos des déclarations de J.D. Vance colistier de D. Trump (dans l'actuelle bataille électorale). Ses remarques sexistes ont été examinées sérieusement depuis qu'il est devenu le possible vice-président de D. Trump.

Democracy Now, 29 juillet 2024
Traduction et organisation du texte, Alexandra Cyr

Amy Goodman :

Mme Bracey Sherman soutient que ses attaques contre les femmes qui n'ont pas d'enfants en propre et sa promotion du modèle traditionnel de vie pour les femmes, qui les ramène aux années 1950, sont la preuve qu'il n'est pas du tout en lien avec les familles modernes. « Pour faire court, c'est un cinglé. Plus sérieusement, c'est un suprémaciste blanc et un nationaliste de la même couleur » dit Mme Bracey Sherman en expliquant l'idéologie de ce personnage.

Elle est une militante pour la justice en reproduction. Elle a publié dans Teen Vogue un intéressant article intitulé : J.D. Vance ne veut pas que toutes les épouses mènent une vie traditionnelle, que les blanches. Expliquez-nous cela Renee.

R.B.S. : Bonjour Amy, merci pour votre invitation. Je vois informer l'auditoire, pour être complètement transparente, que je suis une de ces femmes sans enfants en propre. Je suis très à l'aise avec ma situation, j'ai une vie plus qu'intéressante.

Je pense que le plus important sur lequel s'arrêter, c'est cette image d'épouses traditionnelles que l'on voit sur TikTok. Généralement, ce sont des femmes blanches qui présentent ces vidéos qui mettent l'accent sur la partie si agréable, idyllique, sans aucune égratignure de la vie des femmes à la maison dans les années 1950 ; combien c'est réjouissant de rester à la maison de se retirer du monde du travail. Ce sont de véritables propagandes en faveur du mode de vie que des gens comme J.D. Vance souhaitent.

Mais si vous jetez un coup d'œil à l'histoire vous vous rendez compte que les femmes de couleur n'ont jamais pris part à cette société idyllique. Elles ont toujours dû travailler, qu'elles aient été nourrices ou esclaves et en étant abusées par les femmes blanches des plantations jusqu'aux années 1950 où elles ont dû travailler. Il leur à fallu faire face aux incarcérations massives, aux séparations familiales et toutes ces incidences. Elles n'ont pas eu le choix, la question de rester à la maison ou d'aller travailler ne se posait pas, même à bas salaire, sans filet social à cause des barrières racistes. Elles ont toujours dû travailler.

Donc, quand J.D. Vance décrit ce que le futur devrait apporter, ce sont des femmes à la maison, mais les femmes blanches. Il est convaincu que ces femmes doivent rester à la maison et procréer alors que les autres vont travailler selon les règles capitalistes. Ainsi lui et les contributeurs.trices à sa campagne pourront faire de plus en plus d'argent sur notre dos et grâce à nos bas salaires.

A.G. : Pouvez-vous nous en dire plus sur les enjeux que représente la conception de J.D. Vance du genre, de la sexualité et du mariage. Que signifient ses attaques contre les gens sans enfants en propre et sa fixation sur la famille nucléaire ? D'ailleurs il faut dire que ce n'est pas le cas de Kamala Harris qui est la belle-mère des enfants (de son mari).

R.B.S. : Pour faire court : « c'est un cinglé ». Plus sérieusement, c'est un nationaliste suprémaciste blanc. Il pense que les « vrais » enfants sont ceux et celles né naturellement après une conception tout aussi naturelle. Ils sont les légitimes. Ce qui est insensé parce qu'il promeut l'adoption comme alternative à l'avortement. Ensuite il attaque Pete Buttigieg (secrétaire aux transports) qui adopte des enfants. Encore une fois, c'est qu'il est convaincu que seules certaines familles ont de la valeur, ce sont les familles blanches qui ont des enfants de manière naturelle et où il y a un seul parent ou des parents hétérosexuels.

Il n'accorde aucun crédit à notre monde qui a vu naitre toutes sortes de familles : des divorcés.es, des familles reconstituées, des parents adoptifs, toutes ces différentes familles qui sont l'avenir de la reproduction que nous élaborons ensemble. Il ne peut supporter cela. Il ne peut supporter que la lutte pour l'avortement, pour la justice en reproduction, toutes ces luttes nous assurent que nous pouvons décider quand et comment nous créons nos familles. Ça le terrifie.

A.G. : On nous rapporte aussi que J.D. Vance, le vice-président désigné aurait écrit une préface au prochain livre de Kevin Roberts, le président de la Heritage Foundation et directeur du Projet 2025. L'équipe de campagne de D. Trump a nié tous liens avec cette proposition radicale de presque 1,000 pages, un véritable devis pour une éventuelle présidence républicaine. Elle touche à toutes les politiques américaines depuis l'immigration jusqu'aux droits de reproduction et au climat.

Pouvez-vous nous nous parler des intentions de la droite liée à Make America Great Again (MAGA) surtout quant aux droits de reproduction et que pensez-vous que seraient les effets d'une Maison blanche Trump-Vance à ce sujet ?

R.B.S. : Ce serait terrifiant. Si vous êtes préoccupés.es par les droits à l'avortement, par l'accès à la fécondation in vitro, par la vie sexuelle, si vous aimez en avoir une et avec qui vous voulez, si vous aimez les jouets sexuels, he ! bien, tout cela sera impossible. Ce sont les temps modernes à la sauce Comstock. Antony Comstock au milieu du 19ième siècle a tenté d'utiliser les services postaux pour que la contraception, la pornographie, les jouets sexuels, tout ce genre de choses soit hors d'atteinte. Le Projet 2025 n'est que la version reformulée de cette vieille tentative.

Donc, tout ce à quoi vous attachez du prix, de la valeur, à votre vie sexuelle, votre famille, les libertés que vous avez pour construire une famille qui vous tient à cœur, que vous aimez, qui fondent votre vie, tout cela est menacé avec ce projet 2025. J'espère vraiment que la population va porter attention à cela. Quand nous avons mis en garde contre le fait que l'arrêt Roe c. Wade pouvait être aboli, on ne nous a pas assez écouté. S'il-vous-plait, écoutez-nous maintenant car ils sont vraiment sérieux avec ce projet. Ce n'est pas un mauvais rêve. Ils l'ont écrit. C'est leur but, et ils ne se laisseront pas arrêter facilement.

A.G. : Pouvez-vous nous dire comment l'histoire personnelle et professionnelle de J.D. Vance permet de douter de ce qu'il proclame en public à propos des rôles dans la famille ? Il est marié à une femme qui a beaucoup de succès et de pouvoir qui a mit fin à son emploi dans son bureau d'avocats.es la semaine de la Convention républicaine. Vendredi, dans une entrevue, Megyn Kelly a questionné M. Vance à propos de sa femme. (Voici sa réponse) : J'aime tellement ma femme. Je l'aime pour ce qu'elle est. Évidemment elle n'est pas blanche et les suprémacistes blancs.hes nous ont attaqué à ce sujet. Mais c'est que … J'aime Usha. C'est une bonne mère.
Votre réaction Renee ?

R.B.S. : OK C'est un cinglé. À mes yeux, si vous êtes marié à une femme de couleur et que vous ne pouvez ne rien dire d'autre qu'elle n'est pas blanche et qu'elle est une bonne mère……Il est comme ça. Sa vision du monde est tellement attachée à la dominance du blanc, que c'est sur cela qu'il faut s'arrêter et sur le rôle social des femmes réduit à faire des enfants. Je trouve cela terrifiant, il ne peut rien voir d'autre. Je l'ai écrit dans un article : il s'est tant réjouit qu'ils soient un couple de pouvoir jusqu'à ce qu'il arrive aux plus hauts échelons qui l'oblige, elle, à renoncer au sien. C'est un avenir terrifiant dans lequel nous ne déciderons pas ce que sera le nôtre. Les femmes de couleur seront les plus affectées ; elles doivent servir les hommes blancs comme lui.

A.G. : Renee Bracey Sherman, je vous remercie d'avoir été avec nous.

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