Presse-toi à gauche !
Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...

Après six ans, une autre rentrée sans que la CAQ soit capable de régler les problèmes en éducation

« Le travail est loin d'être terminé avec la signature des nouvelles conventions collectives. Le gouvernement peut et doit poser des gestes dès maintenant pour réussir à régler toute une série de problèmes qui persistent et qui nuisent tant à l'attraction de personnel, à tous les niveaux d'enseignement, qu'à la réussite des élèves, des étudiantes et des étudiants du Québec », Caroline Senneville, présidente de la CSN. – Caroline Senneville, présidente de la CSN
14 août 2024 | tiré du site de la CSN
Malgré le renouvellement récent des conventions collectives avec les syndicats du secteur de l'éducation et d'une partie de l'enseignement supérieur, on constate encore une série de problèmes que le gouvernement de la CAQ est incapable de régler. La violence est en hausse dans les écoles, on manque de personnel à divers niveaux, les infrastructures, de l'école primaire à l'université, sont dans un état lamentable, les cégeps et les universités sont sous-financés et l'intelligence artificielle n'est toujours pas encadrée par des balises claires.
C'est la première rentrée scolaire avec la nouvelle convention qui prévoit une distribution plus hâtive des postes tant souhaitée par le gouvernement. Les problèmes récurrents du réseau de l'éducation et de l'enseignement supérieur demeurent cependant bien réels. On constate toujours un manque de main-d'œuvre et des situations qui nuisent à l'attraction et à la rétention du personnel persistent.
Inaction en enseignement supérieur
La CSN accueille favorablement l'annonce de la ministre de l'Enseignement supérieur du Québec, Pascale Déry, sur la formation d'une instance de concertation nationale sur l'intelligence artificielle en enseignement supérieur. Alors que cette technologie se développe de façon expéditive et chaotique, la CSN espère que cette instance sera rapidement constituée et qu'elle sera permanente. La centrale entend y participer et faire part de ses recommandations pour des balises nationales, ayant elle-même développé une expertise en matière d'IA.
La nouvelle politique de financement des universités, déposée en juin dernier, est loin d'avoir fait ses preuves et la CSN s'inquiète des sommes importantes consacrées pour la diplomation dans des secteurs dits « prioritaires ». Le sous-financement de l'ensemble des missions universitaires se perpétue. La course aux primes à la diplomation n'augure rien de bon, ni pour les secteurs prioritaires ni pour ceux qui sont négligés. De plus, les chargé-es de cours de nos établissements universitaires revendiquent le déblocage de fonds pour financer leur contribution à la recherche.
En juin dernier, le ministère a rendu public le rapport du groupe de travail sur les cours défis au collégial. Alors que la ministre Déry avait ce rapport en sa possession depuis un an, la CSN estime qu'il est temps qu'elle s'engage dans la mise en œuvre des recommandations du rapport en collaborant avec l'ensemble de la communauté collégiale.
La CSN compte quelque 80 000 membres dans le secteur de l'éducation, dont 45 000 en enseignement supérieur. Elle représente 85 % des employé-es du milieu collégial.
CITATIONS
« Le travail est loin d'être terminé avec la signature des nouvelles conventions collectives. Le gouvernement peut et doit poser des gestes dès maintenant pour réussir à régler toute une série de problèmes qui persistent et qui nuisent tant à l'attraction de personnel, à tous les niveaux d'enseignement, qu'à la réussite des élèves, des étudiantes et des étudiants du Québec . Après six ans au pouvoir à répéter que l'éducation constitue une priorité nationale, il serait temps pour le gouvernement Legault d'être cohérent et d'agir enfin de manière conséquente. »
– Caroline Senneville, présidente de la CSN
« Alors que la CAQ se trouve à mi-mandat, il est grand temps que la ministre Déry passe à l'action face aux nombreux enjeux qui touchent le milieu de l'enseignement supérieur. Elle a déjà en main plusieurs idées, notamment sur les cours défis dans les cégeps. L'état des finances publiques ne saurait constituer une excuse pour abdiquer sa responsabilité de soutenir des réseaux collégial et universitaire à la fois accessibles et humains. Nos membres s'attendent à ce que la ministre défende vraiment ces derniers auprès de ses collègues et du premier ministre. »
–Benoit Lacoursière, président de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ–CSN)
« Du côté du personnel de soutien, ce qui retient notre attention tant dans le réseau scolaire que dans le réseau collégial, c'est la vétusté des établissements. Dans les documents liés au dernier budget du Québec, le gouvernement note que 56 % des écoles sont en mauvais ou en très mauvais état. Or, on apprend cet été une baisse de 400 millions de dollars dans ce que Québec devait allouer pour rattraper le déficit d'entretien des immeubles. Dans les cégeps, le Vérificateur général du Québec soulève que deux établissements sur trois sont en mauvais état et que les investissements déjà prévus ne suffiront pas à renverser leur dégradation importante. Le gouvernement agit de façon irresponsable en laissant les choses aller. »
– Frédéric Brun, président de la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP–CSN)
« La nouvelle politique de financement des universités annoncées en juin ouvre la voie à un système d'enseignement supérieur à deux vitesses où les domaines d'études jugés prioritaires par le gouvernement auront le haut du pavé et certains autres seront négligés. Du côté des cégeps, on constate un manque important de professionnel-les dans tous les secteurs d'activité de nos établissements. À titre d'exemple, le nombre de professionnel-les dans les secteurs des services psychosociaux et de l'adaptation scolaire est insuffisant pour répondre aux demandes de nos étudiantes et de nos étudiants. Ce manque de personnel fragilise nos équipes, qui ne peuvent pas offrir le niveau de service dont notre population étudiante a besoin pour maximiser leurs chances de réussite. »
-Ryan William Moon, vice-président de la Fédération des professionnèles (FP–CSN)
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Un BAPE sur Northvolt est nécessaire

On se souvient tous de l'empressement avec lequel le ministre québécois de l'Environnement, M. Benoît Charette, a autorisé la destruction d'un écosystème exceptionnel en bordure de la rivière Richelieu pour permettre à la compagnie Northvolt d'y construire une usine de composantes de batteries d'automobiles. Selon le ministre tout retard dans la mise en œuvre des travaux aurait pu amener le constructeur à vouloir s'établir ailleurs.
L'urgence d'accueillir la compagnie suédoise chez nous était telle que, en plus de lui octroyer généreusement 7,3 milliards de fonds publics, il fallait renoncer à étudier sérieusement les impacts environnementaux et socioéconomiques que pourrait avoir son projet sur la région et sur tout le Québec. Malgré les demandes répétées des experts, des scientifiques et de la population, les responsables de la CAQ ont obstinément rejeté les nombreuses demandes de BAPE sur le projet Northvolt et, plus largement, sur la transition énergétique.
Mais voilà qu'au début juillet, on apprenait qu'en raison de difficultés financières, la compagnie Northvolt décidait de reporter son projet en sol québécois. La compagnie préfère dorénavant concentrer ses ressources sur son usine principale en Suède. Non seulement il n'y a plus d'urgence, mais le projet Northvolt au Québec est reporté aux calendes grecques ! Maintenant que le site écologique a été détruit et que des milliards de dollars ont été engagés, peut-on enfin conclure que nos gouvernements ont fait preuve de négligence ?
Une étude du projet par le BAPE aurait sans aucun doute permis de mettre en lumière le peu de viabilité économique de cette usine géante, compte tenu des difficultés financières que connait la compagnie suédoise et de la déconfiture que subit présentement la filière batteries enEurope. Maintenant que nous savons qu'il n'y a plus d'urgence, ne serait-il pas judicieux de prendre tout le temps nécessaire pour évaluer correctement les impacts du projet s'il venait un jour à se concrétiser ?
À chaque semaine qui passe, de nouvelles informations parviennent aux groupes citoyens qui surveillent le dossier Northvolt, notamment de la part d'experts indépendants comme le biologiste et spécialiste en écotoxicologie Daniel Green. Ces nouvelles n'ont rien pour nous rassurer. En effet, si l'usine de Northvolt venait à être construite, il faudrait impérativement aménager des bassins de décantation pour contenir les eaux usées toxiques résultant de ses procédés. Les risques de pollution des eaux souterraines et de la rivière Richelieu sont réels. Un déversement ou une infiltration porterait atteinte de manière irréparable à la qualité de l'eau dont dépendent 350 000 personnes, de même qu'à la biodiversité de la rivière. Le site contient actuellement de l'arsenic et du cadmium, et la présence éventuelle d'autres contaminants soulève de vives inquiétudes. On craint notamment la présence de cobalt, de nickel (les abeilles sont très sensibles au nickel et les pomiculteurs de la région ont besoin de ces pollinisateurs), de manganèse et de composés perfluorés (PFAS).
Selon d'autres informations, les saumures toxiques que dégagerait le site pourraient être transportées jusqu'au dépotoir de déchets dangereux de Stablex à Blainville.
Malheureusement, ou plutôt heureusement, une commission du BAPE s'est déjà prononcée négativement sur le projet d'agrandissement du dépotoir deStablex. Il a en effet été démontré qu'en plus de détruire un milieu écologique particulièrement important, la technologie utilisée par Stablex pour contenir les matières toxiques n'est pas fiable. Des fuites pourraient polluer l'eau de la tourbière de Blainville et s'écouler du bassin versant vers le fleuve Saint-Laurent. À noter que, même si les commissaires du BAPE ont jugé le projet de Stablex trop peu sécuritaire pour être autorisé, le gouvernement de la CAQ n'en a pas moins décidé de l'autoriser.
Nombreux sont les exemples au Québec de projets désastreux résultant de l'entêtement des gouvernements à ignorer les conclusions des évaluations environnementales, les avis d'experts et les questions légitimes des citoyens et citoyennes. Mentionnons les expropriations forcées (en pure perte) de l'aéroport de Mirabel ; la centrale au gaz de Bécancour, qui coûte chaque année 120 millions de dollars à Hydro-Québec pour rester inactive ; ou encore la cimenterie de Port-Daniel, qui s'est avérée un fiascoéconomique et environnemental. L'usine de composantes de batteries de Northvolt sera-t-elle le prochain trophée à mettre au bêtisier de nos décideurs ?
Maintenant que la construction de l'usine de Northvolt est suspendue pour une durée indéterminée, le gouvernement québécois n'a plus aucune raison de s'opposer à ce que toute la lumière soit faite sur ses éventuels impacts environnementaux et socioéconomiques. Un BAPE sur Northvolt est aussi pertinent et nécessaire aujourd'hui qu'il l'était avant le début des travaux. Tout comme l'est également un BAPE générique sur la transition énergétique. L'environnement et la transition énergétique sont l'affaire de tous, citoyens et citoyennes. Les problèmes découlant de la crise du vivant sont trop importants pour être laissés à l'improvisation de quelques joueurs.
Louise Morand, L'Assomption
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Comparaisons boiteuses

La polémique au sujet d'un projet de parc éolien en terre maskoutaine perdure. Sur la page frontispice du Courrier de Saint-Hyacinthe, on peut lire que la MRC « des Maskoutains encadre ; Pierre-de-Saurel empoche »[1] . Le titre est accrocheur, mais si on regarde la situation à la loupe, la comparaison est boiteuse ; ce n'est même pas comparer des pommes avec des oranges, mais comparer des pommes avec des pierre rondes.
Première différence fondamentale. À Pierre-de-Saurel, la MRC est le maître d'œuvre ; c'est elle qui est propriétaire du parc éolien Pierre-de-Saurel (PEPS). Depuis sa création, tout est orienté vers le communautaire.[2] Ici, Innergex est une compagnie privée dont l'objectif primordial est de faire des profits pour ses actionnaires. Pour obtenir le privilège d'exploiter notre vent, elle est prête à payer des redevances. Reste à savoir si toutes les personnes qui seront affectées par le projet auront leur juste part du gâteau.
À la page 6 du Courrier, [1] le maire de Sorel, M. Péloquin, dit que des éoliennes tournent chez lui depuis 7 ans. Il oublie de mentionner que ce sont des éoliennes de première génération, beaucoup plus petites que celles qu'on nous propose. Les nouvelles éoliennes ont une production beaucoup plus élevée, mais elles sont plus grandes. La pale de l'éolienne atteint son apogée à 205 mètres (672 pieds) du sol ; ça, c'est plus haut que l'édifice de la place Ville-Marie à Montréal. Par conséquent, ces dimensions gigantesques auront plus d'impacts sur le paysage visuel de notre milieu agricole.
La semaine dernière, M. Michael Sabia, PDG d'Hydro-Québec, a annoncé que notre société d'état allait redevenir maitre d'œuvre.[3] Comment est-ce que le projet d'Innergex va s'insérer dans cette nouvelle politique ? Ajoutons une autre incertitude au sujet d'Innergex. M. Fitzgibbon a déposé un projet de loi (PL 69) à l'Assemblée nationale.[4] Ne vaudrait-il pas mieux attendre de connaître les nouvelles règles du jeu avant de prendre une décision dans notre MRC ?
Enfin parlons de transparence. Innergex fait du maraudage en catimini auprès des agriculteurs à Saint-Hugues, à Saint-Dominique et à Saint-Pie. Seuls, les propriétaires fonciers ayant une terre agricole dans des secteurs très précis de la municipalité ont droit à l'information. Le 24 avril dernier à Saint-Pie, toutes les personnes ne répondant pas à ce critère arbitraire de la compagnie ont été exclues.[5]. Ce maraudage semble se planifier devant une carte géographique dans un bureau central ; se présenter chez un propriétaire terrien sans savoir qu'il est également maire de la municipalité ou chez un militant écologiste n'est pas de bon augure pour la future interaction sociale harmonieuse avec le milieu. Dans ce tête-à-tête, le représentant d'Innergex veut que l'agriculteur s'engage à signer un contrat d'entente sans être en mesure de répondre à toutes ses questions concernant le type d'engin ou la possibilité de construire un bâtiment quelconque après l'installation de l'éolienne sur son terrain. N'oublions pas que ce contrat d'entente, c'est comme une promesse de vente d'une propriété ; ce n'est pas le « vrai » contrat, mais les conditions qui s'y trouvent seront automatiquement transférées telles quelles dans le futur contrat notarié ! Pour ne pas se faire rouler dans la farine, faire vérifier un contrat par son avocat ou un fiscaliste est une condition non négociable pour toute personne avisée.
Le 19 juin 2024, au centre Humania de Saint-Hyacinthe, c'est la MRC qui a parrainé une séance d'information et de consultation, pas Innergex. Des citoyens tenteront également de connaître les « pour » et les « contre » de ce projet lors d'une soirée d'information qui aura lieu le 4 juillet. Comparons le degré de transparence d'Innergex avec un autre promoteur d'éoliennes, la Coop de Saint-Jean-Baptiste. Une coïncidence qui en dit long : au moment même où la MRC des Maskoutains présentait sa séance d'information à Saint-Hyacinthe, la Coop tenait une séance d'information à Saint-Césaire au sujet du parc éolien de Monnoir.[6] Au mois de mars, la Coop avait déjà présenté une série de trois autres séances d'information. Tout comme dans notre MRC, les éoliennes à Sainte-Angèle-de-Monnoir en milieu agricole sont un problème où les relations de bon voisinage sont mises à rude épreuve. Mais les dirigeants de la Coop prennent le taureau par les cornes et discutent avec la communauté. Après tout, le développement durable axé sur la transition énergétique passe par l'économique, l'écologique et le social.
En 1962, le Québec a décidé que la production de l'électricité serait nationalisée. Cela permet d'avoir les avantages de l'électricité tout en faisant face collectivement aux inconvénients : barrages, terres inondées, lignes de transport, etc. Contrairement à Hydro-Québec, aux MRC, aux regroupements de Nations autochtones et à la Coop, Innergex est une compagnie privée, cotée en bourse ; sa seule responsabilité est de satisfaire ses actionnaires. Ce soir, où sont les représentants d'Innergex ? Un adage proclame que les absents ont toujours tort. Alors, pourquoi les dirigeants d'Innergex ne sont-ils pas présents pour discuter avec nous au sujet d'enjeux si importants ?
Gérard Montpetit
Membre du CCCPEM
Membre du CMVÉ
le 19 juin 2024
1] Le Courrier de Saint-Hyacinthe, édition-papier du jeudi 13 juin 2024
2] https://eoliennespierredesaurel.com/le-projet/
3] https://www.ledevoir.com/economie/813930/hydro-quebec-lance-developpement-gros-projets-eoliens ?
et
https://www.hydroquebec.com/data/a-propos/pdf/strategie-developpement-eolien.pdf
4] https://www.assnat.qc.ca/fr/actualites-salle-presse/conferences-points-presse/ConferencePointPresse-94921.html
et
https://www.ledevoir.com/politique/quebec/814427/reactions-partagees-projet-loi-fitzgibbon-energie ?
5] https://rveq.ca/replique-opinions/sur-invitation-seulement
6] « www.eolienmonnoir.com » ou « info@eolienmonnoir.com »
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Aéroport de Saint-Hubert (YHU) Opération camouflage

Longueuil, 10 juillet 2024. - Après un premier sondage (publié en janvier) expliquant que les citoyens sont “heureux” de l'arrivée du terminal Porter Airlines, voilà un nouveau sondage commandité par DASH-L, la structure gestionnaire de l'aéroport Saint-Hubert.
DASH-L réalise ainsi une nouvelle opération marketing pour faire oublier que leur projet n'a jamais été déposé avec les études pertinentes nécessaires pour être évalué publiquement, comme exigé par deux consultations publiques en 2022 et qu'ainsi il n'y a nullement
d'acceptabilité sociale. Une fois de plus, il s'agit d'un pur acte de communication, sans réalité tangible.
Pour la Coalition Halte-Air St-Hubert, ce énième sondage bidon a pour but de camoufler la réalité du développement programmé par DASH-L, une réalité qui, en cet été 2024, prend corps concrètement par la construction d'un nouveau terminal par JB Aviation Services, en plus de celui de Porter Airlines, un terminal "privé" pour 55 millions de $, 13 000 m2, avec plein de jets “de luxe” : https://www.newswire.ca/fr/news-releases/creation-d-un-premier-terminal-prive-d-aviation-de-premiere-classe-au-met-846321692.html .
Cette annonce a été faite par DASH-L auprès des investisseurs, à la mi-juin. Il n'y a eu aucune communication auprès du grand public (un seul article fut publié dans un média francophone spécialisé) et l'on comprend vite pourquoi. Le transport aérien par jets privés est le symbole du mépris d'une minorité richissime qui s'enorgueillit de pouvoir polluer tranquillement sans avoir de compte à rendre à qui que ce soit. Selon unrapportpublié en 2021 par l'organisation européenne Transport et Environnement, un vol en jet privé est 5 à 14 fois plus polluant qu'un vol commercial (par passager) et 50 fois plus polluant qu'un
voyage en train.
Une fois de plus, la communication de DASH-L est rattrapée par la réalité : au-delà des apparences, le projet de l'aéroport va clairement à l'encontre des engagements environnementaux du Canada, duQuébec et desmunicipalités en termes de réduction de gaz à effet de serre tout autant que dudroit à un environnement sain des citoyen.ne.s canadiens.
Concernant le sondage à proprement parler, quelques commentaires s'imposent :
● La méthodologie du sondage est d'emblée contestable. En effet, d'après Revenu Québec, moins de 12% des personnes au Québec ont un revenu de plus de 100.000$ alors que dans le sondage, 25% des personnes interrogées ont un revenu de plus de 125 000$. Or, on sait que des personnes à hauts revenus sont plus enclines à utiliser l'avion. Ainsi une première conclusion s'impose : l'échantillon interrogé par Léger n'est pas représentatif de la population québécoise.
● Les questions posées sont à l'évidence pernicieuses, car elles ne présentent aucunement les détails de l'agrandissement de l'aéroport (nombre de passagers et de vols journaliers attendus par rapport à la situation actuelle, prévisions chiffrées sur l'augmentation du trafic routier sur les axes à proximité ou l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre, investissements publics financés par les taxes des contribuables, etc.). Une fois de plus, l'on présente le projet sans expliquer ses conséquences financières, environnementales et sanitaires, entretenant sciemment une forme de désinformation de la population. Rappelons qu'à ce jour, aucune étude sérieuse quant aux répercussions du projet à long terme n'a été publiée par DASH-L.
● Certaines questions sont confuses à dessein. Par exemple à la question Q3, il n'est nullement expliqué le type d'offre de vols concernés (c'est-à-dire internationaux, nationaux, ou régionaux) alors que dans la réalité Montréal-Trudeau dispose de l'exclusivité des vols internationaux. L'argument de proximité (question Q6A) pour certains habitants de la Rive-Sud est soigneusement entretenu par DASH-L et c'est ainsi que peu d'habitants savent aujourd'hui que seuls les vols régionaux et nationaux sont concernés par le développement du terminal Porter Airlines.
● Seulement 3% des personnes interrogées pensent qu'il y aura des retombées économiques de ce développement et 1% des créations d'emplois (question Q6A). Au moins, voilà une donnée claire : à part les naïfs et la mairesse de Longueuil, personne ne croit à un important développement économique avec l'arrivée de Porter Airlines. En réalité, la dépréciation immobilière induite par le bruit et la pollution sur 100 km2
va fragiliser la communauté en accentuant les inégalités sociales, comme le démontrent de nombreuses études économiques par exemple aux États-Unis.
Contrairement à ce qu'essaye de faire croire DASH-L, il n'y a pas d'acceptabilité sociale du projet de développement de l'aéroport St-Hubert, mais une grande méconnaissance par la population de la réalité de ce projet mortifère.
Pour information : coalition.halteair@gmail.com
https://www.facebook.com/coalitionhalteairSH
https://www.instagram.com/coalitionhalteairsh/
https://twitter.com/Coalition_YH
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Le chant des oiseaux ou le sifflement des éoliennes ?

Malgré l'engouement majeur de nombreux élus pour le développement éolien, je ne peux, en tant qu'agriculteur et ornithologue, que déplorer le manque apparent d'intérêt de la part de ces mêmes élus de réfléchir aux conséquences de ce développement sur la faune aviaire.
Quand on évoque l'impact qu'auraient ces machines industrielles sur les oiseaux, on nous sert toujours le même argument : « les chats tuent plus d'oiseaux que les éoliennes ». Cet argument simpliste ignore que bien que les chats soient de redoutables chasseurs, leurs principales victimes se limitent majoritairement aux espèces familières qui cohabitent avec nous et dont les populations ne sont pas menacées. Pensons, par exemple, aux moineaux domestiques, merles d'Amérique, quiscales bronzés, carouges à épaulettes, chardonnerets jaunes et bruants chanteurs qui se sont admirablement bien acclimatés aux activités humaines.
Mais la réalité est tout autre car nous sommes entourés d'une incroyable diversité d'espèces venues de loin pour se reproduire chez nous et nous rendre des services écologiques formidables.
Avant de penser à perturber leur milieu de vie, ne faudrait-il pas se poser quelques questions ? Commander quelques études ?
Commençons par le début, en les identifiant. Quand je parle d'oiseaux migrateurs, en me basant seulement sur ce que j'observe sur mes terres, je trouve d'abord la grande famille des palmipèdes, soit l'oie des neiges et la bernache du Canada, présentes par millions d'individus des mois durant. Leur arrêt migratoire leur permet de se reposer et s'alimenter avant de reprendre leur voyage vers le Nord pour s'y reproduire. Rappelons-nous que ces espèces ont une importance cruciale pour les populations autochtones du grand Nord qui bénéficient à chaque année de cette manne venue du ciel, tout comme d'ailleurs bien d'autres membres de la faune arctique.
D'autres espèces de palmipèdes nichent aussi chez nous : canard colvert, canard noir, canard branchu, sarcelles d'hiver et à ailes bleues pour ne nommer que celles-là. J'ajoute aussi deux membres de la grande famille des limicoles : la bécasse d'Amérique et la bécassine de Wilson. Rappelons-nous que ces espèces sont soumises à une pression de chasse régie par la loi sur les oiseaux migrateurs et font le bonheur de bien des chasseurs l'automne venu.
En provenance du cercle arctique, d'autres grands migrateurs de la famille des limicoles s'observent aussi dans nos champs, principalement en août et septembre : le pluvier bronzé, le pluvier argenté, le bécasseau minuscule et, à l'occasion, le bécasseau sanderling se signalent à tous les jours. Je n'oublie surtout pas le pluvier kildir, qui nous fait l'honneur de nicher autour de nous et parfois même dans nos cours.
Cinq variétés d'hirondelles, toutes à statut précaire, s'ajoutent au menu. L'hirondelle bicolore, rustique, à front blanc, noire et à ailes hérissées se partagent le territoire, dévorant en vol des milliers d'insectes nuisibles aux cultures, sans oublier le martinet-ramoneur dont les effectifs baissent malheureusement à vue d'oeil.
Parmi les bruants qui nichent abondamment dans nos champs, j'observe régulièrement le bruant familier, chanteur, des prés et le vespéral, et parfois même d'autres espèces moins fréquentes. Le goglu des prés, espèce protégée, niche aussi chez-nous. La maubèche des champs et la sturnelle des prés, oiseaux champêtres autrefois très présents dans nos champs, se font de plus en plus rares.
La pie-grièche grise nous visite de l'automne au printemps, prédateur sans serres qui capture petits rongeurs et petits oiseaux et les dévore après les avoir empalés sur une branche.
Et j'en arrive maintenant aux maîtres du ciel : les oiseaux de proie, ceux-là dont la vue seule de l'ombre suffit à terroriser le petit monde aviaire. Qu'ils soient nocturnes ou diurnes, qu'ils se nourrissent de mammifères, d'oiseaux, de poissons, de batraciens et reptiles et parfois même d'insectes, leur vie n'est pas nécessairement facile car ils ne réussissent généralement leur capture qu'une fois sur dix et doivent enseigner à leur progéniture cet art subtil de la chasse en vol qu'ils perfectionnent avec les années.
Parmi les espèces nocturnes, j'aperçois au printemps et à l'automne de chaque année le rare et obscur hibou des marais. Le petit-duc maculé, le hibou moyen- duc et le grand-duc sont aussi très présents. La chouette rayée est très bien établie et niche partout dans les bois. Quant à la petite nyctale, la chouette lapone et le harfang des neiges, leur présence demeure cyclique. Entendre leur hululement me transporte au pays des mystères de la nuit.
Plus facilement observables, les espèces diurnes nichent partout autour de nous. Si le busard des marais établit son nid avec régularité dans nos champs de foin, la buse à queue rousse préfère la forêt.
Le faucon pèlerin passe régulièrement chasser les pigeons près des centres de grains, et de façon éloquente avec ses piqués à près de 250 km/h. L'épervier de Cooper, l'épervier brun, le faucon émerillon et la crécerelle d'Amérique nichent aussi parmi nous.
Sans aucun battement d'ailes et dans le silence le plus total, l'urubu à tête rouge plane majestueusement au-dessus du territoire, à la recherche de cadavres à dévorer. Cet éboueur sans pareil nettoie les restes et depuis peu, un nouveau venu est parfois aperçu dans nos régions pour lui prêter main forte : l'urubu noir.
Si le pygargue à tête blanche sait très bien chasser et pêcher, il peut aussi s'accommoder d'une charogne à l'occasion ; en toutes saisons, la carcasse d'un chevreuil le fera descendre au sol. Tout comme le balbuzard pêcheur qui circule et niche près de nos rivières, le pygargue conserve toujours le même nid qu'il rafistole chaque année. Pour sa part, l'aigle royal ne passe qu'en période de migration. La grande majorité de ces dernières espèces ont un statut de protection.
Moucherolles, moqueurs, parulines, viréos, corneilles et grands corbeaux complètent le décor, le tout dans le garde-manger de la Réserve mondiale de la Biosphère du Lac Saint-Pierre.
Avec toute cette diversité de faune aviaire qui risque d'être sévèrement malmenée par le développement éolien, comment expliquer l'absence d'études sur l'impact de projets majeurs pour cette précieuse nature qui nous assure d'un parfait équilibre de la biodiversité ?
Comment expliquer l'absence de réaction des clubs d'ornithologie alors qu'on joue si impunément dans leur champ d'activités ?
Et, surtout, comment expliquer le silence et l'inaction de nos élus...
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Éoliennes : les MRC doivent agir dans l’intérêt des citoyens

« Aidez-nous à vous aider », tels sont leurs mots, car selon eux, il semble que les citoyens soient mieux placés que les maires et la préfète pour demander votre soutien et intervenir auprès de M. Fitzgibbon et d'Hydro-Québec. »
Caricature Reporterre
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt la lettre de Mme Nathalie Lefebvre de Saint-Adelphe (MRC de Mékinac) adressée à la députée de Champlain, Mme Sonia Lebel.
Tout d'abord, il faut féliciter Mme Lefebvre pour cette lettre. Nous avons le devoir de nous faire entendre auprès de nos élus.
Un passage de la lettre m'a frappé :
« Pour en revenir à cette séance, vu notre mécontentement, Madame la préfète Caroline Clément ainsi que ses collègues mairesses et maires ont invité l'assistance à vous faire part de nos doléances parce qu'ils prétendent ne pas avoir le pouvoir d'intervenir pour stopper le projet auprès de votre collègue, le ministre Pierre Fitzgibbon, ni celui de présenter un RCI plus sévère parce qu'ils craignent la désapprobation des quatre ministères dont celui de l'Énergie. « Aidez-nous à vous aider », tels sont leurs mots, car selon eux, il semble que les citoyens soient mieux placés que les maires et la préfète pour demander votre soutien et intervenir auprès de M. Fitzgibbon et d'Hydro-Québec. »
Ici, dans la MRC Nicolet-Yamaska, nous nous sommes fait servir le même argument que dans la MRC de Mékinac concernant la prétendue impossibilité de stopper les projets éoliens sous prétexte qu'il était dans les Orientations gouvernementales en aménagement du territoire ou "OGAT" de favoriser l'implantation d'éoliennes. Un juriste me faisait remarquer que les OGAT ne sont ni des lois, ni des règlements, ni des décrets et ont donc un poids très limité devant les tribunaux.
Par ailleurs, cette OGAT en faveur des éoliennes est elle-même en contradiction avec les OGAT en faveur de la protection du territoire agricole. De plus, il existe des OGAT concernant l'implantation d'éoliennes, lesquelles n'ont pas été respectées dans la confection de notre RCI dans la MRC Nicolet-Yamaska et ceci n'a pas empêché les autorités provinciales d'approuver ce RCI. Également et surtout, selon la Loi, un RCI est là pour empêcher rapidement une activité nuisible (d'où l'absence de référendum – ce qui fait l'affaire de bien des MRC) et non pas pour favoriser une telle activité comme le font plusieurs MRC pour les projets éoliens et ceci, n'a pas empêché l'approbation du RCI de la MRC Nicolet-Yamaska.
Tout ça pour vous dire qu'il semble qu'il y a une volonté manifeste au gouvernement provincial d'implanter des éoliennes en territoire agricole et habité et ce, au mépris des lois, des OGAT et de l'opposition majoritaire des citoyens, opposition clairement démontrée par des pétitions dans la MRC Nicolet-Yamaska et par la présence massive de citoyens (200 à 300) à plusieurs séances du Conseil des maires.
À mon avis, une MRC pourrait très bien adopter un RCI très restrictif concernant les éoliennes et même les interdire. Normalement, en vertu des lois, des OGAT et du principe de précaution, on pourrait s'attendre à ce que le gouvernement provincial approuve un tel RCI. S'il arrivait hypothétiquement qu'il ne l'approuve pas :
1. La MRC pourrait alors revenir avec les preuves scientifiques justifiant les distances séparatrices, ou bien justifiant son refus d'implantation d'éoliennes. Ces preuves existent.
2. Si le gouvernement maintenait son refus, elle pourrait alors aller devant les tribunaux et disposerait de beaucoup d'arguments pour défendre son RCI.
3. Maintenant, est-ce qu'un gouvernement aussi impopulaire que celui de la CAQ osera aller devant les tribunaux pour s'en prendre à une MRC qui bénéficiera de l'appui de sa population pour empêcher l'implantation d'éoliennes ?
Pour justifier leur refus d'adopter un RCI restrictif ou interdisant l'implantation d'éoliennes, les MRC pourraient prétendre que si un tel RCI était refusé par le gouvernement provincial, il n'y aurait aucune réglementation sur leur territoire régissant une telle implantation et que les promoteurs pourraient alors implanter leurs monstres mécaniques n'importe comment. Mais il faut savoir que pour implanter des éoliennes, un promoteur doit avoir une résolution favorable de la MRC et des municipalités touchées. On comprendra que la MRC ayant adopté un RCI restrictif ou interdisant les éoliennes n'adoptera jamais une telle résolution favorable, ce qui bloquerait les espoirs du promoteur, sans compter qu'un promoteur ne cherchera pas à implanter des éoliennes dans une MRC qui n'en veut pas.
En résumé, cet argument de bien des MRC à l'effet qu'elles ne peuvent stopper un projet éolien ou adopter un RCI restrictif est fallacieux et est invoqué pour cacher le fait qu'elles y tiennent mordicus à avoir des éoliennes. Et si vraiment, elles n'en veulent pas et qu'elles continuent à en favoriser l'implantation afin "d'obéir" au gouvernement provincial, elles ne font pas leur devoir qui est d'agir dans l'intérêt des citoyens, et les maires concernés devraient penser à céder leur place à des gens plus courageux !
Michel Veilleux
conseiller municipal à Sainte-Monique
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Diviser pour mieux régner

En tant qu'agriculteur et propriétaire de terres agricoles, j'ai été invité le 24 avril à la réunion tenue à Saint-Pie par Innergex, un producteur d'énergie renouvelable qui veut implanter des éoliennes dans la région. Si cette réunion a fait parler, c'est qu'il y a des questions à se poser sur le modèle d'affaires proposé par la compagnie Innergex.
D'entrée de jeu, il régnait une atmosphère un peu spéciale à cette réunion « sur invitation seulement ». Je sentais qu'en tant que membre de la confrérie des cultivateurs, le fait que nous sommes peu nombreux et l'attitude hostile de la population qui nous entoure nous autorisaient à avoir un point de vue particulier. Selon nous, le choix d'accueillir ou non une éolienne sur nos terres ne regarde que nous. Je ressens qu'il y a bel et bien un fossé entre nous et la population, et que ce gouffre est sur le point de se creuser encore un peu plus.
Certains ont accusé les opposants d'engendrer la division sociale. Pourtant la division sociale est intrinsèque à ce modèle d'affaires qui opère en faisant du maraudage et en offrant des montants considérables d'argent avant même d'avoir consulté la population. Ce modèle mis en œuvre au vu et au su des municipalités et de la MRC ne va qu' empirer la situation.
Je m'explique mal tous les efforts et les heures de travail que les élus de la MRC ont investis pour élaborer un règlement de contrôle intérimaire (RCI) sachant que la composante sociale du développement durable a été complètement écartée. Pire, le RCI est une acceptation implicite du projet d'Innergex et aggrave la division qui corrode les communautés. Quand les choses vont mal, s'il n'y a pas de cohésion sociale, on tombe tout de suite en période de crise.
Pourquoi tant de hâte ? Les intérêts financiers à court terme d'Innergex semblent miser sur cette division sociale. Il faut une pause qui donne à la population le temps d'être bien informée. De plus, le projet de loi 69 sur la gouvernance responsable des ressources énergétiques a été déposé à l'Assemblée nationale. Un moratoire permettrait de connaître les nouvelles règles du jeu.
Pierre Renard
Agriculteur de Saint-Pie-de-Bagot
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Mon paysage

Je me suis établi dans le 9e Rang de Saint-Liboire il y a maintenant 45 ans. Le paysage m'y a attiré. Il y avait des fermes de taille moyenne entrecoupées de lignes d'arbres diversifiés.
Au fil des ans, j'ai vu disparaître ces lignes d'arbres ainsi que des boisés de fermes au profit de l'agrandissement des terres cultivables. C'était pour mieux produire et avoir de meilleurs rendements. Malheureusement, le tout s'est fait au détriment de la biodiversité. Malgré tout, les paysages demeuraient agricoles. Les agriculteurs, ces modulateurs de paysages, nous donnaient constamment à voir comment les saisons marquaient notre quotidien. Les labours à l'automne, les semis au printemps avec leur verdure attrayante et leur rectitude dans les champs quand les cultures commencent à poindre, les champs qui changent de couleur au gré de la saison, passant du vert tendre au vert foncé ou au jaune doré. Puis les récoltes à l'automne qui préparent la venue de l'hiver.
Toutes ces beautés font partie intégrante de mon paysage. Je me suis farouchement battu en compagnie de nombreuses personnes pour protéger nos terres agricoles de l'envahissement de l'industrie des gaz de schiste. Nous avons gagné cette bataille titanesque et nous avons ainsi conservé nos paysages intacts. Nous avons protégé notre eau et notre air pur ainsi que la vocation de notre territoire. Notre territoire est agricole, pas industriel.
Aujourd'hui, ce sont les éoliennes qui prennent le relais des gaz de schiste. Les mêmes discours, les mêmes confrontations, les mêmes divisions sociales qui se présentent encore à nos portes. Sous prétexte que cela apportera de la richesse dans nos municipalités, poussées par l'intervention d'un gouvernement avide de privatiser notre électricité, nous assistons à des pressions venues de partout pour mousser une activité industrielle dans nos campagnes. Le besoin est loin d'être réel. L'histoire nous a démontré à plusieurs reprises que les vues de certains dirigeants n'étaient pas fondées. On n'a qu'à penser aux projets des centrales thermiques dans les années 2000, alors qu'on nous faisait croire que nous étions pour geler en hiver si nous ne bâtissions pas ces centrales polluantes. À ce que je sache, malgré le fait que nous ne soyons pas allés dans cette direction, nous n'avons jamais manqué de courant.
Aujourd'hui, le ministre Fitzgibbon nous dit les mêmes âneries. C'est probablement parce qu'il a vendu à rabais notre courant électrique à des compagnies étrangères pour qu'elles viennent s'établir sur notre territoire.
Je suis toujours aussi ému quand je circule dans ma région de pouvoir apercevoir les Montérégiennes et au loin, les montagnes de l'Estrie, entourées de nos beaux paysages agricoles. Je ne voudrais pas regarder ce panorama parsemé d'éoliennes qui feront deux fois la hauteur de notre hôpital régional, donnant ainsi un aspect industriel à nos vues.
Je regarde mon paysage et mon paysage, ça me regarde. Je vais me battre pour le défendre encore une fois. L'acceptabilité sociale sera un facteur déterminant dans la poursuite de ce dossier. Ralliez-vous, le mouvement citoyen se remet en marche !
Jacques Tétreault
Citoyen de la MRC des Maskoutains
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Recul de l’homophobie mais loin encore de l’égalité des droits

La récente manifestation pour l'égalité et la victoire organisée à Kyiv le 16 juin par des collectifs LGBT reflète le développement d'un mouvement autonome par rapport à l'État et aux partis parlementaires qui se contentent de vagues promesses pour l'après-guerre. Les collectifs LGBT, et notamment l'organisation des militaires LGBT, qui avait tenu à être bien visible dans cette manifestation, exigent des changements législatifs immédiats. Ils sont conscients que l'avenir de l'Ukraine se dessine à travers les mobilisations actuelles des mouvements populaires.
Tiré de Entre les lignes et les mots
Plus de 70% des Ukrainiens estiment que les personnes LGBTQ devraient avoir les mêmes droits que les autres citoyens, ce qui représente une augmentation de presque 7% par rapport à 2022, selon un sondage publié par l'Institut international de sociologie de Kyiv (KIIS) le 18 juin 2024. Cette évolution est relativement récente. Pendant les vingt premières années de l'Ukraine indépendante, les niveaux d'homophobie étaient semblables à ceux qui se manifestaient en Russie et dans d'autres républiques post-soviétiques d'Europe. Selon un sondage réalisé par European Social Survey en 2010, seuls 28% des Ukrainiens estimaient que « les gays et les lesbiennes devraient être libres de vivre leur vie comme ils l'entendent ». Ce chiffre était le plus bas de tous les pays européens couverts par l'enquête, à l'exception de la Russie. Certaines recherches mettaient même en avant une progression de l'homophobie au début des années 2000.
Au fur et à mesure que la société ukrainienne évoluait de manière indépendante par rapport à la Russie, l'homophobie a connu un certain recul. Mais on aurait tort de lier mécaniquement les deux mouvements. Andrii Kravchuk [1], un activiste gay expliquait en 2014 que si de nombreux militants LGBT avaient soutenu Maïdan, ils avaient fait le choix de ne pas rendre visible leur participation. Ils ne tenaient à fournir des arguments à la propagande pro-russe. Ils craignaient l'affrontement avec les groupes d'extrême droite nationalistes ukrainiens. Il semble bien que les très rares pancartes en faveur des droits des personnes LGBT étaient portées par des provocateurs pro-russes pour être aussitôt photographiées et diffusées massivement sur les réseaux sociaux. Cette hypothèse de provocation est appuyée par différents témoignages selon lesquels en janvier 2014, des personnes ont été payées pour se faire photographier sur la place Maïdan en agitant des drapeaux arc-en-ciel avec des drapeaux de l'Union européenne des États- Unis. La majorité des activistes LGBT qui ont participé aux rassemblements de la place Maïdan ont opté pour l'invisibilité. Le témoignage d'Anna Dovgopol est éloquent :
L'autre partie aurait pu vouloir, d'une manière ou d'une autre, déclarer sa présence en tant que LGBT, mais c'était dangereux en raison du grand nombre de militants d'extrême droite (d'abord Svoboda, puis le Secteur droit). Lors de la première grande manifestation après le passage à tabac des étudiants le 30 novembre, je faisais partie d'un groupe LGBT et nous avions plusieurs drapeaux arc-en-ciel dans nos sacs, que nous n'avons pas osé sortir parce que des colonnes de militants de Svoboda défilaient à nos côtés, avec l'air assez agressif que l'on connaît. En outre, plus tard, il y a eu plusieurs cas d'at- taques par l'extrême droite contre des filles de la communauté féministe et de gauche qui portaient des affiches sur les droits des femmes (des affiches très modérées, telles que « Europe = salaires égaux pour les femmes »), ainsi que contre des activistes de gauche [2].
Ce n'est qu'après Maïdan que la dynamique de mobilisation des personnes LGBT [3] a commencé peu à peu à faire changer la situation. Ces mobilisations se sont heurtées à l'hostilité et à la violence organisées. L'homophobie s'appuie sur une convergence de fait entre trois courants importants dans la société ukrainienne des vingt premières années du 21e siècle.
Les trois courants homophobes
Un premier courant était constitué par les forces pro-russes et anti-Maïdan qui mettaient en avant la lutte contre la « Gayropa » et présentaient les lois européennes contre la discrimination comme « une homosexualisation forcée » de la population ukrainienne. Avant 2022, les propositions de loi les plus scandaleuses contre les personnes LGBT ont souvent été déposées par des parlementaires du Parti des régions qui s'inspiraient directement de la législation répressive adoptée en Russie. Si ce courant a pratiquement disparu après 2022 sur le territoire libre de l'Ukraine, il est étroitement associé au pouvoir dans les régions occupées. Les persécutions contre les personnes LGBT y ont atteint des niveaux de violence inédits avec des assassinats, le recours à la torture dans les centres de filtration et l'association automatique de toute « déviance sexuelle » à l'entreprise satanique de l'Occident global. Que ce soit en Crimée, au Donbass ou dans les territoires occupés après février 2022, la vie des personnes LGBT s'est convertie en enfer. Les témoignages recueillis par l'ONG Projector dans le district de Kherson qui a été occupé entre mars et novembre 2022 sont glaçants : humiliations, tortures, viols, confiscation de médicaments rétroviraux contre le VIH. Une partie des victimes n'ont pas osé porter plainte après la libération du district.
Les différentes Églises chrétiennes (tant orthodoxes que catholique-grecque et catholique-romaine) partagent de manière très œcuménique une homophobie virulente même si elles peuvent diverger considérablement sur tout le reste et notamment sur les liens avec le patriarche de Moscou. La formation en 1996 d'un Conseil pan-ukrainien des églises et formations religieuses (désigné sous l'acronyme UCCRO en anglais) a constitué une base solide pour un travail de lobby antiféministe et anti-LGBT. Les Églises chrétiennes traditionnelles s'y sont associées à des Églises relativement nouvelles comme les adventistes du septième jour ainsi qu'à des autorités religieuses juives et musulmanes. La première déclaration solennelle des différents courants religieux contre la perspective d'un mariage pour tous remonte à 2007. Depuis le début de la guerre massive, l'homophobie religieuse s'est trouvé un nouvel argument qui se situe au-delà des textes sacrés : la démographie. Ainsi, l'UCCRO expliquait en juin 2023 que :
Assimiler la « cohabitation homosexuelle » au mariage et à la famille serait « extrêmement dangereux » dans la « crise démographique » provoquée par l'invasion de la Russie. Depuis février de l'année dernière, la population permanente de l'Ukraine est passée de 43 à 29 millions d'habitants, ce qui a entraîné un « manque de ressources humaines » pour la reconstruction d'après-guerre [4].
On trouve exactement le même argument en Russie pour justifier les législations anti-LGBT.
Enfin, l'extrême droite nationaliste se revendique de l'héritage idéologique de l'Organisation des nationalistes ukrainiens suivant lequel la construction étatique de l'Ukraine doit reposer sur une base ethnolinguistique « pure » et la famille patriarcale traditionnelle constitue la cellule de base de la société. Dans cette optique, les personnes LGBT sont assimilées à un facteur de désordre et de dégénérescence de la race. Le parti Svoboda, qui se considère comme l'héritier idéologique de Stepan Bandera, a fait de l'homophobie une de ses bannières de combat et n'a pas hésité à recourir à la violence contre des rassemblements LGBT.
Le reste du monde politique parlementaire oscillait entre l'hostilité et l'indifférence envers les revendications des personnes LGBT tantôt par conviction, tantôt par opportunisme électoral. La revendication du mariage pour tous était rejetée au nom d'un article de la Constitution de 1996 qui limitait le mariage à l'union d'un homme et d'une femme. En 2014, l'Alliance démocratique avait refusé l'adhésion de Bogdan Globa, activiste LGBT [5]. Il s'agit pourtant d'un parti modéré du centre-droit, lié à la démocratie chrétienne en Europe et recrutant de nombreux cadres dans des ONG pro-européennes. Le dirigeant du parti avait clairement indiqué que ce n'était pas tant la vie sexuelle de Globa qui lui posait problème, mais sa revendication politique des droits des personnes LGBT. L'épisode est intéressant parce que, pour la première fois, la plupart des journaux ukrainiens ont publié des articles plutôt favorables à Bogdan Globa.
Dans une telle situation, le mouvement LGBT s'est construit progressivement autour de petits noyaux d'activistes, souvent liés aux mouvements féministes et à la gauche non parlementaire. Leur développement a été plus tardif et plus difficile en Ukraine occidentale. Les premières années ont été particulièrement dures. L'organisation Sphère, qui mène un travail communautaire à Kharkiv depuis 2017, a enregistré 30 attaques contre ses locaux ou ses rassemblements entre 2018 et 2022. Des commandos d'extrême droite ont attaqué son local à de nombreuses reprises avec une complicité de la police. La première apparition publique de Sphère s'est déroulée dans les circonstances suivantes :
Ce jour-là, huit lesbiennes féministes, coiffées de tulle et de couleurs joyeuses, se positionnent à l'entrée du palais des mariages, le bâtiment municipal où habituellement les couples hétérosexuels se jurent fidélité jusqu'à la mort. Soudain arrivent à pied 50 hommes, matraques et bombes lacrymogènes à la main. Yakiv, 17 ans à l'époque, accompagnait la noce lesbienne avec son petit ami. « Ils nous encerclent, nous traitent de pédés pervers et nous crachent dessus. Un gars me cogne à la mâchoire ». Les assaillants brûlent un drapeau arc-en-ciel, lancent des lacrymogènes et s'affrontent à 15 policiers. Les fausses mariées s'éparpillent en courant. Des policiers les aident à évacuer. Sphère déposera plainte pour violences. Des mois plus tard, le tribunal prononcera un non-lieu. « Manque d'éléments à charge ». Ce délit, impuni, est le premier d'une longue liste. Sur le cadenas, scié par la police, est collé un logo : « Ordre et Tradition ». C'est le nom d'un groupe d'extrême droite ultra-conservateur créé en 2016. Chrétien. Anti-Rroms. Antirusses. Homophobe. Mais surtout, violent, armé, et entraîné au combat. L'un de ses chefs, Ivan Pilipchuk, poste en ligne des photos de Mein Kampf et de lui effectuant le salut nazi [6].
Trois leviers : la guerre, la jeunesse et l'Europe
Dans cette situation particulièrement critique, les activistes LGBT ont pu s'appuyer sur trois facteurs.
Le plus surprenant de tous est la guerre. En 2018, Viktor Pylypenko, activiste gay qui s'était engagé dans un bataillon armé de volontaires du Donbass, a créé l'union des militaires LGBT [7]. La décision de rendre visible la présence de personnes LGBT dans les rangs de l'armée et des unités volontaires était un pari audacieux. Elle s'est faite parallèlement à l'organisation d'une exposition de photos d'Anton Shebetko intitulée « Nous étions là » où des militaires acceptaient de se faire photographier en revendiquant leur identité LGBT [8]. Certains ont posé en dissimulant leur visage, d'autres ont préféré se montrer à visage ouvert. Les photos étaient complétées par des témoignages enregistrés sur des vidéos. La guerre qui, par ailleurs, a été utilisée par la droite pour revendiquer un virilisme héroïque a donc aussi été l'occasion d'une intégration réelle de personnes LGBT dans des formations constituées principalement par des personnes issues des classes populaires. En juin 2019, l'union des militaires LGBT a formé sa propre colonne d'une trentaine de personnes dans la marche pour l'égalité de Kyiv. Elle était dirigée par Viktor Pylypenko et Nastya Konfederat, une activiste lesbienne engagée volontaire dans l'armée. À cette occasion, le média indépendant Hromadske a publié une interview de Pylypenko, qui mettait en avant la responsabilité de la hiérarchie militaire dans les discriminations au sein de l'armée : lorsqu'on lui a demandé ce que c'était que d'être gay dans l'armée, il a répondu que « c'est inconfortable parce qu'il y a beaucoup d'homophobes. C'est à cause des homophobes, en particulier des commandants homophobes, que ces personnes ne peuvent pas s'exprimer. Ces personnes sont les mêmes que nous, mais malheureusement elles vivent cachées. C'est une honte, car elles se battent pour la liberté du peuple, pour nos droits, entre autres choses ». En ce qui concerne la discrimination, Viktor a déclaré qu'il avait été traité de « “pédé” en ligne par des personnes qui se disent nationalistes mais qui ne sont pas allées à la guerre ».
La présence de dizaines de milliers de personnes LGBT dans les forces armées est rendue visible par des écussons qui représentent une licorne [9], parfois accompagnée d'un drapeau arc-en-ciel. C'est une caractéristique générale de l'armée ukrainienne d'accepter que les militaires cousent sur leur uniforme des signes et symboles de leur choix. Dès 2014, un certain nombre de militaires LGBT ont commencé à rendre visible leur présence dans l'armée en cousant un écusson avec une licorne. À l'époque, on disait qu'il n'y avait pas d'homosexuel·les dans l'armée. Dès lors, la licorne qui est un animal mythique qui n'existe pas dans la nature, est devenue un symbole fort. Le recours à la licorne est doublement courageux. Il affiche une identité LGBT au sein de l'armée mais il implique aussi un risque accru de traitement inhumain en cas de capture par les forces russes ou leurs collaborateurs séparatistes.
Il faut cependant se garder d'une idéalisation de la situation. La guerre est aussi l'accélérateur de phénomènes négatifs comme la brutalisation des rapports humains, la banalisation de la violence. Il y a donc une dynamique contradictoire qu'on peut observer depuis 2014. L'autonomie des collectifs LGBT représente une garantie importante dans une perspective d'émancipation. Elle se heurte aussi à des obstacles puissants dont témoignent de nombreux épisodes de violences homophobes.
Un deuxième facteur est de nature sociologique. Il concerne l'évolution rapide de la jeunesse ukrainienne qui s'émancipe par rapport aux valeurs traditionnelles de la famille patriarcale. Certes, il existe aussi une partie de la jeunesse qu'attirent l'extrême droite et ses codes virils démonstratifs mais le témoignage de nombreuses personnes LGBT indique qu'il y a un recul marqué de l'homophobie dans les générations nouvelles, notamment dans les écoles et universités. Un film comme Jeunesse en sursis, de Kateryna Gornostai, reflète bien cette évolution [10]. Ce film, sorti en 2021, a été le résultat d'un long travail collectif entre la réalisatrice et de jeunes de Kyiv. Il s'agit d'une fiction qui a une nette portée documentaire.
Enfin, la perspective d'une adhésion à l'Union européenne a pu constituer un levier pour les revendications LGBT. En effet, tout processus d'adhésion implique une mise en conformité du droit national avec le droit européen. C'est ainsi qu'a pu être adoptée en novembre 2015 une loi contre les discriminations au travail qui interdit et sanctionne les discriminations basées sur l'orientation sexuelle. Le vote de cette loi n'a été rendu possible que par la pression de l'Union européenne qui menaçait de ne pas supprimer l'obligation d'un visa pour les Ukrainiens dans le cas où cette loi n'aurait pas été adoptée. Alors que lors d'un premier vote le 5 novembre, seuls 117 députés sur 450 avaient voté en faveur de l'amendement antidiscrimination, une semaine plus tard, ce sont 234 députés qui l'ont adopté, plus soucieux de l'entrée dans l'espace Schengen que des droits fondamentaux. Ce revirement soudain n'était pas une conversion à la cause des droits LGBT. C'est ainsi que Yourii Lutchenko, chef de la fraction parlementaire du parti du président Poroshenko justifiait le vote de la loi antidiscrimination dans les termes suivants : « Mieux vaut une gay pride sur le Kreschatyk que les tanks russes dans le centre de la capitale de l'Ukraine. » La plupart des parlementaires firent des déclarations ambiguës pour dire qu'ils votaient contre la discrimination par « adhésion européenne » mais que jamais, au grand jamais, ils n'accepteraient le mariage pour tous.
Certains, à gauche, ont vu dans l'utilisation du droit européen une forme d'homo-nationalisme [11]. Le concept même d'homo-nationalisme me paraît brumeux. Dans certains cas, il sert simplement à condamner l'homo-internationalisme, c'est-à-dire la solidarité entre mouvements LGBT dans les différentes parties du monde sur la base d'exigences élémentaires communes. Suivant un raisonnement décolonial simpliste, il y aurait un mouvement LGBT international décrit comme dominé par « des hommes blancs de classe moyenne » qui imposerait ses idées à travers des ONG dans les pays du « Sud global ». Cet argument ignore la capacité de réappropriation des revendications mondiales par des collectifs LGBT de pays du Sud [12]. Il les considère comme de simples relais passifs sacrifiant leur autonomie en échange d'une aide financière ou d'un appui juridique. Dans les cas les plus graves [13], la critique de l'homo-nationalisme dissimule une hostilité de principe à toute émancipation des personnes LGBT dans un Sud fantasmé ou parmi les minorités racisées des pays du Nord. En réalité, la stratégie des collectifs LGBT en Ukraine n'est guère différente de celle des syndicats et des organisations de défense de l'environnement. Elle s'appuie sur le droit européen pour faire avancer ses revendications propres. Renoncer à ce levier affaiblirait leur action.
Après le déclenchement de la guerre à grande échelle, la pression des mouvements LGBT a pu s'appuyer sur l'expérience concrète de la discrimination vécue par les militaires en cas de décès, de disparition ou de capture. Les partenaires de personnes LGBT n'ont aucun droit dans ces cas. Les épreuves de la guerre ont poussé de plus en plus de personnes – militaires et civiles – à faire un « coming out », refusant de continuer à raser les murs par rapport à l'homophobie ambiante. C'est ce qu'explique un ingénieur de Kramatorsk, blessé à la suite d'un bombardement russe :
Je suis gay mais je n'en ai parlé à personne pendant longtemps. Mais après la blessure, j'ai beaucoup réfléchi. Je suis fatigué d'avoir peur, je veux être avec celui que j'aime vraiment, ne pas avoir peur de marcher en lui tenant la main [14].
Une pétition a été lancée en juin 2022 pour appuyer la proposition de loi 9103 concernant l'institution d'une union civile qui ouvrirait aux personnes LGBT des droits comparables à ceux qui découlent du mariage. En quelques mois, elle a été signée par 28 000 personnes. Le président Zelensky s'est engagé à demander à son Premier ministre d'agir pour faire avancer les droits des personnes LGBT mais cette promesse est restée sans suite jusqu'à présent. Une « piqûre de rappel » est venue le 1er juin 2023. La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), a condamné l'Ukraine dans la mesure où elle ne dispose d'aucun statut légal protégeant les couples formées par des personnes du même sexe [15]. Conformément à sa jurisprudence, la Cour européenne n'impose pas d'ouvrir le mariage aux couples homosexuels mais elle impose aux États de disposer d'un statut conférant des droits similaires à ceux dont disposent les couples mariés.
Une autre revendication immédiate importante est l'adoption de la proposition de loi 5488 qui introduira dans le droit pénal la notion de « crime de haine » de manière à réprimer différents délits contre les personnes lorsque l'hostilité à l'égard d'un groupe discriminé apparaît comme un mobile spécifique. Parmi les facteurs de discrimination considérée figure l'orientation sexuelle et l'identité de genre. Dans ce domaine, les mobilisations LGBT peuvent également s'appuyer sur un arrêt du 11 avril 2024 de la CEDH [16], qui a jugé que l'Ukraine avait violé l'article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) combiné à l'article 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention européenne des droits de l'homme en raison de l'inefficacité de l'enquête sur deux agressions verbales et physiques du requérant, un homme gay, impliquant des insultes homophobes. Suite à la première agression, les autorités n'ont pas donné suite aux allégations de crime de haine du requérant et ont d'abord classé l'agression comme un vol. La Cour a noté que la qualification pénale choisie par les autorités nationales pour la deuxième agression comme relevant des dispositions ordinaires du droit pénal a compromis leur capacité à découvrir le motif homophobe allégué de l'agression. Dans le contexte où l'extrême droite a fréquemment recours à la violence contre les mouvements LGBT, une loi réprimant les crimes de haine devrait faciliter le combat judiciaire contre ces agressions.
La marche de Kyiv du 16 juin dernier est venue rappeler ce principe essentiel : la victoire contre l'agression et l'égalité des droits dans la société sont inséparables.
[1] Andrii Kravchuk, « LGBT ukrainiens entre deux mondes : Russie et Union européenne », Dialogai, 1er septembre 2014.
[2] Cité par Tamara Martsenyuk, « Права людини для ЛГБТ спільноти і Євромайдан 2013-2014 », Commons, 2015.
[3] Pour un aperçu des premières années de ces mobilisations, voir : Denys Lavrik, « Гомофобія в Україні : тенденції постмайданного періоду », Spylne, 18 mai 2015.
[4] https://www.churchtimes.co.uk/articles/2023/23-june/news/world/resist-western-pressure-on-gay-rights-ukrainian-religious-leaders-urge
[5] https://archive.kyivpost.com/article/content/ukraine-politics/democratic-alliance-denies-membership-to-gay-activist-350645.html
[6] Cette description est reprise de Michel Despratx, « Ukraine : gays envers et contre tous », La Chronique d'Amnesty International, 22 juin 2022.
[7] https://lgbtmilitary.org.ua/eng
[8] www.youtube.com/watch?v=sTkch9dAlUY
[9] Maxime Birken, « Guerre en Ukraine : ces soldats LGBT arborent une licorne en blason, et c'est plus qu'un symbole », Huffpost, 31 mai 2022.
[10] On peut voir ce film avec des sous-titres anglais (sous son titre ukrai- nien Stop Zemlia) sur le site de la plateforme Tak Flix :
https://takflix.com/en/films/stop-zemlia
[11] C'est la position de Tamara Martsenyuk dans un article de 2015 qui est, par ailleurs, une excellente source d'information et d'analyse. L'article revendique la filiation décoloniale de sa critique de l'« homo-nationalisme ». Voir Tamara Martsenyuk, « Права людини для ЛГБТ спільноти і Євромайдан 2014-2013 », Commons.
[12] L'exemple de l'Afrique du Sud montre comment l'alliance entre les mouvements LGBT de ce pays et des organisations LGBT internationales a été un facteur important de succès qui me semble démentir l'hypothèse décoloniale de l'homo-nationalisme.
[13] C'est le cas de Houria Bouteldja qui admire la politique menée par l'ancien président Ahmadinejad en vue de l'éradication des personnes LGBT dans la société iranienne. Voir : Serge Halimi, « Ahmadinejad, mon héros », Le Monde diplomatique, août 2016.
[14] Mathilde Goanec, « Ukraine : la guerre, « un puissant accélérateur » pour les droits LGBT+ », Mediapart, 5 décembre 2022.
[15] CEDH, Arrêt du 1er juin 2023, « Maymulakhin et Markiv c. Ukraine ».
[16] CEDH, Arrêt du 11 avril 2024, « Karter v. Ukraine ».
Laurent Vogel
Laurent Vogel est membre du comité belge du RESU. Une version plus longue de cet article se trouve sur le site :
https://solidarity-ukraine-belgium.com
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Affirmations LGBTQ+ dans le monde arabe et musulman

Depuis une poignée d'années, en dépit d'innombrables difficultés, d'ostracismes sociaux, d'arrestations massives et même de meurtres, notamment commis par l'Organisation de l'État islamique (OEI) en Syrie contre de supposés homosexuels jetés du haut d'immeubles, une véritable scène queer animée par des homosexuels, des lesbiennes comme des transgenres est en train de faire sa percée au Maghreb et dans les pays du Levant. Par la réappropriation d'une mémoire littéraire, picturale et musicale, par le travail militant et l'action culturelle, ces nouveaux venus veulent affirmer librement leur identité de genre dans les sociétés arabes contemporaines. Grâce aux nouveaux outils de communication, elles et ils créent des plateformes internet d'une formidable diversité, lieux de débats et d'expression.
Tiré de orientxxi
5 août 2024
Par Jean Stern
artqueerhabibi/Instagram
Loin d'un orientalisme gay de pacotille venu d'Occident, et nourri le plus souvent de l'exploitation sexuelle de garçons arabo-musulmans, cette scène naissante place l'affirmation individuelle et collective et la mémoire plurielle comme axes centraux de ce processus d'identification, à écouter plusieurs de ces militant.e.s LGBTQ+ qui ne craignent plus de s'exprimer à visage découvert.Une série de tables rondes réunies à l'Institut du monde arabe(IMA) de Paris en juin 2021 a permis d'entendre des acteurs de cette émergence d'Égypte, de Tunisie, du Yémen, du Liban, de Jordanie et de Palestine, entremêlés de performances superbes des dragqueens La Kahena et Anya Kneez.
Certain.es ont dû partir dans un exil contraint et forcé, mais d'autres continuent à militer et à travailler dans leur pays, au Liban et en Jordanie notamment. Et comme tout mouvement émergent, les homosexuels, lesbiennes et trans qui se mobilisent tentent d'abord de trouver des lignes de force communes, autour principalement de la mémoire culturelle, de l'ancrage dans un patrimoine arabo-musulman notamment littéraire qui a été longtemps enfoui, avec des poètes comme Abû-Nuwâs par exemple, et la prise de parole collective qui permet à chacun de se retrouver. Pour l'affirmation individuelle, il est particulièrement touchant de parcourir par exemple des sites de paroles anonymes sous forme de forums, commeسلوان اهل العزاء (queer qui ne peuvent pas se plaindre en public) qui rassemble des témoignages de LGBTQ+ du Proche-Orient bouleversés par la mort tragique de l'Égyptienne Sarah Hegazy.
Mohamad Abdouni, fondateur du site Cold Cuts au Liban et Maha Mohamed, fondatrice, elle, du site Transat en Égypte sont tous à la recherche de la mémoire des travestis du Caire et de Beyrouth, à travers des textes, des photographies, des présentations de lieux disparus et oubliés. « Notre objectif est de créer des sources en langue arabe pour parler de notre histoire », explique Mohamad Abdouni, qui a par exemple retrouvé de nombreux documents sur des bals trans au Liban dans les années 1970-1980. « Chaque rencontre, chaque témoignage retrouvé, c'est comme une histoire d'amour », témoigne-t-il joliment.
Tout comme en Jordanie Khalid Abdel-Habi a depuis plus de quatorze ans constitué un riche panorama des artistes queer de toute la région pour son magazine My.Kali. Avec ironie et talent, son magazine, en partie consultable en ligne, met en scène des icônes queer occidentales comme Jane Fonda dans Barbarella en 1968, ou arabo-musulmanes comme le performeur canado-marocain Mehdi Bahmad, sublime musicien et danseur. Mais ces figures de proue culturelles côtoient dans My.Kali des articles sur la solidarité des LGBTQ+ de la région avec les Palestiniens, et pas seulement avec les homosexuels palestiniens. « J'ai voulu construire notre voix queer sans imiter les Occidentaux », résume Khalid Abdel-Habi, qui assume la direction artistique du magazine jordanien.
La Tunisienne Rania Arfaoui, animatrice du collectif Mawjoudin (Nous existons), et le Palestinien Omar Khatid, directeur du plaidoyer de l'organisation alQaws, vont pour leur part placer la convergence des luttes pour l'identité, pour les droits, contre le colonialisme, le capitalisme et les inégalités au cœur de leur discours militant. « Notre combat est celui de la Palestine, explique Omar Khatid. La violence capitaliste et la violence coloniale sont la même matière, il n'y a pas de ligne de démarcation entre une violence et une autre. Toutes les luttes sont légitimes ». Souci que partage la Tunisienne Rania Arfaoui, qui « veut combattre l'héritage du colonialisme, notamment des articles pénalisants comme l'article 230 du Code pénal tunisien, sans pour autant rentrer dans les schémas homonationalistes des pays occidentaux qui aggravent la situation des queer du Sud en instrumentalisant le combat pour leurs droits ». Omar Khatid complète : « Être queer c'est notre identité, et on doit avoir notre place au Moyen-Orient et au Maghreb. On peut être musulman et queer, nous avons notre culture, notre histoire, même s'il y beaucoup de stigmatisation. Mais il n'y a pas non plus de code queer universel, on n'est pas obligé de s'identifier à la culture queer blanche, notre souci est d'abord de toucher notre communauté ».
« Il faut créer des espaces pour les personnes queer, ajoute pour sa part la militante yéménite Hind Al-Eryani, la lutte pour les droits et le changement doit venir de la base qui doit construire ses propres communautés ». L'enjeu pour ces militants et ces acteurs culturels est tout de même lourd : « rester en vie pour avoir le droit d'exister » résume Hind Al-Eryani, qui vit elle-même en exil, mais continue de se battre pour les LGBTQ+ de son pays, dans un contexte particulièrement tragique de guerre.
Pour suivre ce mouvement émergent, Orient XXI compte explorer, au fil des prochains mois, ce renouveau LGBTQ+ au Proche-Orient et au Maghreb, à travers une série d'enquêtes et de témoignages. Nous commencerons d'abord par un reportage auprès de proches de Sarah Hegazy, qui racontent un an après l'onde de choc qu'a provoqué sa mort en Égypte. Puis nous irons à Beyrouth découvrir un lieu de convivialité inédit, oasis de tolérance et de savoir-vivre ensemble dans cette ville meurtrie.
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :