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Les États-Unis envoient des soldats en Israël, au risque d’être entraîné dans la guerre ?

En déployant un système de défense antimissile et une centaine de soldats pour le faire fonctionner, Washington s'implique encore un peu plus au Moyen-Orient. Semblant redouter une escalade entre l'Iran et Israël, le pays de Joe Biden pourrait se retrouver pris dans l'engrenage, s'inquiètent des observateurs et certains responsables outre-Atlantique.
Tiré de Courrier international. Légende de la photo : Une station de lancement du système de défense antimissiles à haute altitude (THAAD) de l'armée américaine, le 4 mars 2019. Photo Cory Payne/AFP
Les États-Unis ont annoncé, le dimanche 13 octobre, l'envoi en Israël d'une batterie THAAD, “un intercepteur terrestre conçu pour abattre des missiles balistiques”, ce qui marque “une étape importante dans leurs efforts pour protéger directement Israël contre une attaque ennemie”, notamment iranienne, rapporte The Wall Street Journal.
Washington enverra également à l'État hébreu une centaine de soldats pour faire fonctionner ce système de défense antimissile, “renforçant ainsi l'engagement des États-Unis dans la guerre qui s'intensifie au Moyen-Orient, alors que le pays s'attend à une attaque imminente d'Israël contre l'Iran”, écrit The Washington Post. Le journal évoque “le premier déploiement significatif de soldats états-uniens en Israël depuis le début de la guerre”.
Selon Aaron David Miller, un expert du Moyen-Orient passé par le département d'État, l'envoi de ce matériel montre que Washington s'attend à une riposte israélienne “d'une telle ampleur que les Iraniens devront y répondre”. L'État hébreu a reçu le 1er octobre une pluie de missiles balistiques, en représailles à l'assassinat de hauts dirigeants de l'Iran et de ses alliés, qui “a démontré que le système de pointe de défense antimissile israélien pouvait se trouver submergé”, ajoute The Washington Post.
Un risque pour les États-Unis
En venant épauler son allié, tout en appelant à ne pas frapper les sites pétroliers pour éviter de déstabiliser l'économie mondiale, le président Joe Biden montre une nouvelle fois qu'il préfère user de “la carotte” plutôt que du bâton dans sa relation difficile avec le Premier ministre israélien, estime Harrison Mann, ancien officier et analyste du renseignement aux États-Unis, qui redoute la suite.
- “Une fois que ce système antimissile sera en place, […] quel intérêt Nétanyahou aura-t-il à tenir parole et à ne pas viser les cibles sensibles qu'il a promis d'éviter ?”
Qui plus est, poursuit le quotidien de la capitale, la décision de déployer plus de soldats en Israël “accroît le risque de pertes humaines, un scénario qui pourrait entraîner les États-Unis encore plus loin dans le conflit qui est en train de s'étendre, selon Aaron David Miller”.
The New York Times observe, lui aussi, que ces soldats se retrouveront “plus près de la guerre” et note que cette décision intervient “alors que de hauts responsables du Pentagone se demandent si la présence militaire renforcée des États-Unis dans la région contribue à contenir la guerre, comme l'espère Washington, ou au contraire à l'attiser”.
Des inquiétudes se font ainsi entendre au sujet des opérations de plus en plus offensives menées par Israël, “en sachant qu'une armada de navires et une douzaine d'avions de chasse des États-Unis se tiennent prêts”. Ainsi, désormais, qu'un système de défense antimissile.
Gabriel Hassan
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Gaza et Liban : la position étatsunienne me révolte profondément !

Je suis abasourdi. Incrédule. Profondément révolté. Je viens de voir, en direct sur Al Jazzera, l'intervention de l'ambassadrice des États-Unis Linda Thomas-Greenfield lors de la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU, convoquée à la suite du lancement par l'Iran, dans la nuit du 1er au 2 octobre, de plus de 180 missiles balistiques contre Israël.
Quelle présentation absolument biaisée ! Quelle hypocrisie ! Quelle façon éhontée d'ignorer complètement l'oppression historique dont souffre, depuis des décennies, le peuple palestinien !
Un bref rappel du contexte général qui a mené à ce lancement de missiles par l'Iran.
Le 7 octobre 2023, le Hamas attaque Israël faisant, dans l'espace de quelques heures, 1139 victimes israéliennes et retournant à Gaza avec 250 otages.
Traumatisée par l'assaut le plus atroce et meurtrier qu'elle n'ait subi depuis sa fondation en 1948, Israël contrattaque la bande de Gaza, la bombardant massivement et annonçant avec rage et vengeance qu'elle va priver Gaza de toute eau, alimentation, et énergie !
Le Hezbollah, se montrant solidaire du Hamas, qui, comme lui, résiste depuis longtemps à une brutale occupation israélienne qui dure depuis des décennies, se met immédiatement à tirer des roquettes depuis le sud du Liban vers le nord d'Israël.
Quelques jours plus tard, l'armée de terre israélienne envahit Gaza. Cette invasion, toujours en cours et constamment accompagnée de bombardements, a produit, à ce jour, la destruction d'environ 75% de l'infrastructure– résidences, écoles, hôpitaux, mosquées, églises, systèmes d'eau, routes, etc. – rendant la bande de Gaza inhabitable. Elle a fait 100 000 blessés et 42 000 victimes, dont 70% enfants et femmes, 226 employés des Nations Unies, 174 journalistes et employés des médias. Plus de 17 000 enfants ont perdu un de leurs parents, et souvent tous les deux. Plus de 1 000 de ces derniers ont dû subir l'amputation d'une jambe, d'un bras, etc., souvent sans anesthésie aucune. Plus de 90% de la population de Gaza s'est vu contrainte de se déplacer, plusieurs de nombreuses fois.
Alors que l'attention internationale se focalise sur Gaza, Israël en profite pour intensifier ses attaques en Cisjordanie. Depuis un an, elle y a tué plus de 720 Palestiniens et Palestiniennes, en a détenu plus de 11 000 - dont plus de 200 mineurs – et généralement sans accusation et possibilité de procès. Elle a aussi permis à des colons fanatiques juifs d'expulser violemment de plus en plus de Palestiniens et Palestiniennes de leurs terres, prenant possession de celles-ci avec une impunité totale.
Telle est l'immensité du carnage et de la destruction à Gaza – atrocités qu'on peut observer en direct au jour le jour sur nos écrans –que le vent de sympathie internationale que s'était initialement attiré Israël à la suite de l'attaque du Hamas le 7 octobre se transforme rapidement en condamnation et isolement international de plus en plus accentués (1)
Néanmoins, le gouvernement de Joe Biden continue de se solidariser avec son grand allié Israël, décrivant sans cesse, et avec moultes détails, les atrocités commises par le Hamas le 7 octobre, répétant comme un perroquet qu'Israël a le droit de se défendre, mais passant complètement sous silence le fait, pourtant reconnu par le droit international, que Palestiniens et Palestiniennes ont eux aussi le droit de se défendre contre une occupation qui est carrément illégale, dure depuis des décennies, et est d'une brutalité et inhumanité inouïes !
Au lieu de reconnaître le Hamas comme le fer de lance de la résistance palestinienne, le gouvernement Biden réduit celui-ci à un mouvement terroriste et monstrueux qui doit être éliminé.
Que tuer avec de puissantes bombes étatsuniennes 17 000 enfants à Gaza, les déchiquetant littéralement en mille morceaux, puisse représenter monstruosité et terrorisme...
Que la situation à Gaza soit rendue telle que la Cour internationale de justice, le 26 janvier dernier, estime tellement plausible qu'Israël soit en train de commettre un génocide qu'elle accepte d'entamer une enquête officielle à ce sujet...
Que la Cour pénale internationale de justice, le 20 mai dernier, demande un mandat d'arrêt contre le premier ministre d'Israël Benjamin Nétanyahou et son ministre de la Défense Yoav Gallant, les accusant, entre autres, d'utiliser la faim comme arme de guerre (2)...
Que le Conseil de sécurité de l'ONU ordonne, le 10 juin 2024, un cessez-le-feu immédiat à Gaza...
Que la Cour internationale de Justice déclare, le 19 juillet dernier, que l'occupation par Israël de la bande de Gaza, la Cisjordanie, et Jérusalem Est soit carrément illégale et exige que tout ce territoire soit rendu au plus tôt à la Palestine...
Que l'Assemblée générale des Nations Unies, le 10 septembre dernier, reconnaisse officiellement, dans un vote historique (143 en faveur, 9 contre, et 25 abstentions), la Palestine comme membre...
Que tout cela se passe importe peu au gouvernement Biden.
Selon lui, tous ces jugements et décisions n'ont aucune validité. Rien ne démontre, insiste-il, que ce qui se passe à Gaza constitue un génocide ! Rien ne démontre que les actions des leaders israéliens constituent des crimes ! Les ordonnances de cessez-le-feu provenant du Conseil de sécurité de l'ONU, allègue-t-il, n'aurait pas de caractère obligatoire ! (3)
Non seulement le gouvernement Biden refuse de sévir contre le gouvernement d'Israël, notamment en coupant le flot d'armes et d'argent, mais il fait exactement le contraire ! Il augmente celui-ci de façon spectaculaire !
Sans doute dans un effort pour échapper à l'isolement international dans lequel le plonge de plus en plus son appui inébranlable à un régime qui a une montagne de plus en plus énorme de sang et d'atrocités sur les mains... et pour tenter de calmer la colère montante que suscite chez une partie substantielle de sa base électorale démocrate son appui immoral à Israël, surtout dans le segment des jeunes et les Arabes, le gouvernement Biden multiplie les déclarations où il demande à Israël de limiter le plus possible le nombre de victimes civiles.
Il y a beaucoup trop de victimes civiles, se lamente-t-il avec une hypocrisie consommée ! Nous travaillons inlassablement et de façon acharnée avec nos alliés afin qu'Israël et le Hamas arrivent à un cessez-le-feu, répète depuis des mois le gouvernement Biden. Un cessez-le-feu comportant une négociation politique aboutissant à la solution de deux états, un pour Israël, et un pour la Palestine.
Cependant, qu'Israël fasse exactement le contraire...
Qu'elle fasse augmenter de façon spectaculaire, barbare et inhumaine la destruction d'infrastructure, et que le nombre de victimes palestiniennes augmente par douzaines chaque jour...
Que le premier ministre Benjamin Nétanyahou saborde systématiquement toute proposition de cessez-le-feu, dès que le Hamas affirme avoir accepté une telle proposition...
Que Nétanyahou, le 31 juillet, ose assassiner à Téhéran Ismail Haniyeh, le chef politique du Hamas, alors que ce dernier venait tout juste d'accepter la proposition de cessez-le-feu que le président Joe Biden lui-même proposait, en affirmant que celle-ci avait été formellement acceptée par Israël...
Que le parlement israélien, le Knesset, pousse l'audace jusqu'à voter massivement, le 17 juillet dernier, contre la création d'un état palestinien souverain, rejetant formellement et publiquement la solution politique de deux états que propose depuis des mois le gouvernement Biden...
Non. Tout cela ne change absolument rien à l'appui de fer (iron-clad) qu'offre ce dernier à Israël !
Comme si le gouvernement Biden n'avait pas suffisamment démontré au monde entier toutes ses contradictions et le ridicule éhonté de ses prises de position par rapport à Israël et le conflit en cours, le porte-parole du Département d'état étatsunien Matt Miller répondait ce qui suit à un journaliste qui l'interrogeait récemment lors d'une conférence de presse :
« Nous n'avons jamais voulu arriver à une résolution diplomatique avec le Hamas. Nous voulons un cessez-le-feu, mais nous nous sommes toujours engagés à détruire le Hamas. Nous avons toujours dit clairement que nous voulions une autorité gouvernante différente à Gaza. » (4)
Difficile d'arriver à une entente avec une partie, si cela est conditionnel à ce que celle-ci accepte sa propre disparition !
Le 17 septembre, Israël, sans doute frustrée de ne pas avoir réussi à éliminer le Hamas à Gaza, se tourne vers le Liban et y fait exploser, dans l'espace de quelques secondes, environ 5000 téléavertisseurs. Et, le lendemain, de centaines de walkietalkies et radios portatives.
Ces explosions, qui ont lieu surtout à Beyrouth mais aussi partout au Liban - supermarchés, voitures ordinaires, ambulances, résidences, etc., enfreignent carrément les lois humanitaires internationales et constituent des actes on ne peut plus terroristes : 37 morts, dont deux enfants ; plus de 3 000 blessés, dont 200 grièvement, plusieurs perdant des doigts, un œil, et parfois tous les deux.
Le 27 septembre, Israël assassine à Beyrouth le chef du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, ainsi qu'un général de l'armée iranienne.
Un autre geste du premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, pour saborder, on ne peut plus clairement, une proposition de cessez-le-feu. Car au moment même où il est assassiné grâce à 80 bombes de 2 000 lb de fabrication étatsunienne - dénommées, à cause de leur capacité de pénétrer une épaisseur imposante de béton, « bunker busters »
– Nasrallah venait tout juste d'accepter la proposition de cessez-le-feu de 21 jours proposée par les États-Unis, la France, et la Grande Bretagne. Une proposition, qui, selon les dires de Washington, aurait déjà été formellement acceptée par le gouvernement israélien.
Cette attaque revêt un caractère terroriste, car les 80 bombes font aussi plus de trois douzaines de victimes civiles libanaises ainsi que 200 blessés.
Dans les jours qui suivent, Israël poursuit ses bombardements et réussit à assassiner un nombre considérable de hauts leaders du Hezbollah, suscitant cris de joie et de victoire en Israël.
Puis, les troupes israéliennes commencent à envahir le sud du Liban.
Dans la nuit du 1er au 2 octobre, l'Iran, qui n'avait toujours pas encore riposté à l'assassinat à Téhéran d'Ismail Haniyeh, le chef politique du Hamas, lance plus de 180 missiles balistiques contre Israël. Selon Israël et les États-Unis, presque tous ces missiles furent contrés, grâce, d'une part, à la robuste défense antimissile israélienne – Dôme de fer, Fronde de David et système Arrow – et, d'autre part, à l'aide des États-Unis qui ont tiré une douzaine d'intercepteurs depuis leurs destroyers déployés en mer, entre la Méditerranée et le golfe d'Oman. Cependant, l'Iran maintient qu'un bon nombre de missiles ont bel et bien atteints leurs cibles, soit des bases militaires israéliennes. La version iranienne semble valide, car des images satellite et des images diffusées sur les réseaux sociaux montrent clairement des missiles frappant les uns après les autres la base aérienne de Navtim dans le désert du Néguev, et déclenchant quelques explosions secondaires. (5)
Quelques derniers commentaires pour compléter ce tableau du contexte, à la fois général et plus immédiat, dans lequel intervenait l'ambassadrice des États-Unis Linda Thomas-Greenfield lors de la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU mentionnée au début de cet article. Une intervention, comme mentionné plus haut, qui me laissait abasourdi, incrédule, et profondément révolté.
Si le Hezbollah tire des projectiles sur le nord d'Israël depuis le 8 octobre 2023, obligeant environ 60 000 Israéliens à se déplacer de cette région, ce n'est pas, comme le laisse constamment entendre Israël, parce qu'il serait enfant de la noriceurs, méchant, monstrueux, barbare et terroriste. C'est plutôt parce qu'il représente un mouvement de résistance palestinienne à l'occupation d'Israël, et se solidarise avec la bande de Gaza qui est en train de subir ce que la Cour internationale de justice qualifie de génocide plausible. Le Hezbollah affirme d'ailleurs depuis des mois que ses attaques contre Israël cesseront complètement dès qu'il y aura un cessez-le-feu à Gaza.
Si les Houthis, depuis le 3 décembre dernier, attaquent des navires commerciaux en mer Rouge à l'aide de drones et de missiles balistiques, surtout les navires qui se dirigent vers Israël, c'est fondamentalement parce qu'ils se solidarisent avec la souffrance des Palestiniens et Palestiniennes à Gaza, et reprochent à Washington et aux puissances occidentales de soutenir un pays qui est en train de commettre un génocide. Et, comme le Hezbollah, ils répètent depuis des mois que dès qu'il y aura cessez-le-feu à Gaza, ils mettront immédiatement fin à leurs attaques.
Si l'Iran a tiré quelques 180 missiles balistiques sur Israël dans la nuit du 1 au 2 octobre dernier, ce n'est pas, comme le laissent entendre le premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou, ainsi que le gouvernement Biden, parce que ce pays est fondamentalement terroriste et barbare, et cherche constamment à semer haine et chaos dans le Moyen-Orient. C'est fondamentalement parce qu'il appuie avec une main de fer la cause palestinienne, s'oppose carrément à l'oppression exercée par l'état juif, et accuse les pays occidentaux, principalement les États-Unis, d'appuyer financièrement, militairement, et politiquement un régime génocidaire.
Est très révélateur à cet égard la réaction de Nétanyahou lorsqu'Emmanuel Macron proposait, le 5 octobre dernier, l'arrêt des livraisons d'armes à Israël, et argumentait que c'était un non-sens, d'une part, de poursuivre le flot d'armes à ce pays, et, d'autre part, d'appeler à un cessez-le-feu :
« Quelle honte ! » s'exclame Nétanyahou avec colère. « Alors qu'Israël combat les forces de la barbarie dirigées par l'Iran, tous les pays civilisés devraient se tenir fermement aux côtés d'Israël. Pourtant, le président Macron et d'autres dirigeants occidentaux appellent maintenant à des embargos sur les armes contre Israël. Ils devraient avoir honte. »
Ayant brossé un tableau du contexte dans lequel fut convoquée d'urgence une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU, j'invite maintenant lectrices et lecteurs à lire l'intervention de l'ambassadrice des États-Unis Linda Thomas-Greenfield, lors de cette réunion. Je les invite, plus précisément, à noter :
• Qu'elle qualifie les deux leaders, un du Hamas et l'autre du Hezbollah, de « chefs terroristes », comme si ces deux mouvements n'avaient rien à voir avec la lutte contre une occupation illégale que mène le peuple palestinien, comme si le terrorisme faisait tout simplement partie de l'ADN de ces deux mouvements.
• Qu'elle attribue à l'Iran la responsabilité d'une « escalade significative », qualifie son lancement de missiles balistiques contre Israël « d'attaque non provoquée », et demande aux membres du Conseil de sécurité de l'ONU de condamner cette attaque et d'imposer de nouvelles sanctions sur l'Iran. Comme si ce n'était pas le carnage et la destruction que perpétue Israël à Gaza depuis un an et au Liban depuis deux semaines qui représente la racine fondamentale de « l'escalade significative » ! Comme si les missiles balistiques tombaient du ciel par pure malice, représentaient une « attaque non provoquée », et n'avaient absolument rien à voir avec le carnage et la destruction que perpétue Israël ! Comme si la grande priorité du Conseil de sécurité de l'ONU ne devrait pas être de condamner le nettoyage ethnique, voire le génocide, qu'effectue présentement Israël ! Et surtout de condamner tous les pays, surtout les États-Unis, qui financent et appuient un tel carnage et une telle destruction !
• Qu'elle a le culot d'accuser l'Iran d'avoir réalisé une attaque « destinée à causer beaucoup de morts et de destruction », alors qu'elle non seulement s'abstient de porter une accusation similaire envers son allié israélien, qui lui, réalise bel et bien depuis un an des montagnes d'attaques qui sont non seulement destinées à être meurtrières et dévastatrices, mais qui le sont effectivement et spectaculairement !
• Qu'elle accuse formellement l'Iran « de s'être rendu complice des attaques du 7 octobre contre Israël en finançant, en entraînant, en dotant de moyens, et en soutenant l'aile militaire du Hamas », comme si c'était un péché mortel que de financer un mouvement de libération nationale, mais un acte carrément angélique de la part des États Unis que de financer Israël, un pays qui opprime, détruit, massacre, impose un système d'apartheid, et commet un génocide !
• Qu'elle accuse l'Iran d'encourager les Houthis au Yémen de perturber le transport maritime mondial et de lancer des attaques contre Israël », comme si les attaques des Houthis n'avaient absolument rien à voir avec la lutte menée par la résistance palestinienne ; comme si les Houthis n'étaient que des fauteurs de troubles, qui agissent par pure haine et ne cherchent que chaos et destruction !
• Qu'elle accuse l'Iran d'armer et d'encourager « le Hezbollah après que son ancien chef, Nasrallah, a pris la décision le 7 octobre d'ouvrir un « front nord » contre Israël », comme si c'était une action criminelle que d'armer et encourager un mouvement qui lutte spécifiquement pour la libération d'un peuple qui souffre d'une horrible et longue oppression !
• Qu'elle affirme qu'il « ne fait aucun doute que le soutien iranien à ses proxys régionaux a directement contribué aux crises à Gaza et au Liban ». Comme si ce n'était pas plutôt le soutien étatsunien indéfectible à son proxy israélien qui a « directement contribué aux crises à Gaza et au Liban », un soutien immense qui, depuis des dizaines d'années, permet à Israël de continuer à imposer au peuple palestinien une oppression brutale et carrément coloniale !
• Qu'elle accuse l'Iran et ses alliés de se donner « corps et âme à ce qui ne constitue que pure propagande », comme si le récit mis de l'avant par Nétanyahou et Biden - Israël est en train de mener la grande lutte des pays civilisés contre barbarisme et terrorisme – tenait la route ! Comme si ce n'était pas plutôt ce récit précis qui n'a aucun sens ! Comme si ce n'était pas ce récit précis « qui ne constitue que pure propagande » !
• Qu'elle note que « l'intensification des combats (au Liban) au cours de la semaine dernière a entraîné le déplacement de près d'un million de personnes, » et pleure « les nombreux civils qui ont été tués ». Comme si ce n'était pas carrément à son allié Israël qu'incombait l'entière responsabilité de cette « intensification des combats » ! Comme s'il lui suffisait de dire qu'elle pleure « les nombreux civils qui ont été tués » ! Comme s'il suffisait de verser quelque larmes pour s'excuser des montagnes de morts qu'elle-même et son pays, les États-Unis, produisent quotidiennement en fournissant fidèlement à Israël bombes, avions, munitions et caution morale et politique !
• Qu'elle affirme ne pas voir « d'exemple plus frappant de soutien étatique au terrorisme que le lancement de missiles balistiques pour venger la mort d'un chef terroriste ». Comme si ce n'était pas plutôt les actions massivement génocidaires et destructives lancées par Israël depuis un an qui constituaient, devant les yeux du monde entier, l'exemple le plus spectaculaire et le « plus frappant de soutien étatique au terrorisme » !
Chers collègues,
Hier, le Corps des gardiens de la révolution islamique d'Iran, le CGRI, a lancé près de 200 missiles balistiques en direction d'Israël. (...)
L'intention déclarée de l'Iran était de venger la mort de deux chefs terroristes soutenus par le CGRI, et d'un commandant du CGRI, en infligeant des dommages importants et en tuant des personnes en Israël.
Heureusement, grâce à une coordination étroite entre les États-Unis et Israël, l'Iran n'a pas atteint ses objectifs.
Ce résultat n'enlève rien au fait que cette attaque, destinée à causer beaucoup de morts et de destruction, a marqué une escalade significative de la part de l'Iran. Elle n'enlève rien à la nécessité d'une action immédiate du Conseil.
Le moment est venu pour le Conseil de s'exprimer - d'une seule voix - et de condamner l'Iran pour son attaque non provoquée contre un autre État membre. Et, ce qui est tout aussi important, d'imposer des conséquences sérieuses au Corps des gardiens de la révolution islamique pour ses actions.
Chers collègues, d'une manière générale, l'Iran s'est rendu complice des attaques du 7 octobre contre Israël en finançant, en entraînant, en dotant de moyens et en soutenant l'aile militaire du Hamas.
Après l'horrible attaque du Hamas, perpétrée il y a près d'un an aujourd'hui, les États-Unis ont envoyé un message clair à l'Iran : n'exploite pas la situation d'une manière qui risquerait d'entraîner la région dans une guerre plus vaste.
Le CGRI a ignoré cet avertissement de manière flagrante et répétée.
En encourageant et en permettant aux Houthis au Yémen de perturber le transport maritime mondial et de lancer des attaques contre Israël. (...) Et en armant et en encourageant le Hezbollah après que son ancien chef, Nasrallah, a pris la décision le 7 octobre d'ouvrir un « front nord » contre Israël.
Il ne fait aucun doute que le soutien iranien aux mandataires régionaux a directement contribué aux crises à Gaza et au Liban.
Au centre des efforts déployés par l'Iran depuis le 7 octobre pour semer le chaos et menacer la stabilité régionale se trouve le Corps des gardiens de la révolution islamique, qui a bafoué et violé à plusieurs reprises les résolutions de ce Conseil.
Je n'arrive pas à croire que je doive le dire, mais je le ferai : le CGRI et ses alliés se donnent corps et âme à ce qui ne constitue que pure propagande.
La décision de lancer près de 200 missiles balistiques sur Israël n'était en aucun cas défensive. Le CGRI ne protégeait pas l'Iran contre les menaces d'un autre État membre.
Au contraire, le CGRI a agi par solidarité avec le Hezbollah après l'assassinat de Nasrallah, qui dirigeait un groupe terroriste ayant sur les mains le sang de milliers d'Américains, de Libanais et d'Israéliens.
Je ne vois pas d'exemple plus frappant de soutien étatique au terrorisme que le lancement de missiles balistiques pour venger la mort d'un chef terroriste.
C'est indéfendable et inacceptable. En tant que membres du Conseil de sécurité, nous avons la responsabilité collective d'imposer des sanctions supplémentaires au Corps des gardiens de la révolution islamique pour son soutien au terrorisme et pour avoir bafoué un si grand nombre de résolutions de ce Conseil.
Si ce Conseil reste les bras croisés, quel message enverra-t-il ? Je crains que le silence et l'inaction ne fassent qu'inviter le CGRI à répéter des attaques comme celles que nous avons vues hier, et le 13 avril de cette année, encore et encore et encore.
Chers collègues, nous nous réunissons à un moment où le risque que des pays de la région soient entraînés dans un conflit plus large est accru.
Le Liban en fait partie. L'intensification des combats au cours de la semaine dernière a entraîné le déplacement de près d'un million de personnes, et nous pleurons les nombreux civils qui ont été tués.
Nous reconnaissons également que, depuis près d'un an, Israël n'a cessé de réclamer la mise en œuvre intégrale de la résolution 1701. Alors même que les attaques du Hezbollah le long de la frontière israélo-libanaise ont déplacé des Libanais et que le Hezbollah a empêché le gouvernement libanais d'exercer sa pleine souveraineté de son côté de la Ligne bleue.
Il est révélateur que, même après les événements récents, Israël continue de réclamer la mise en œuvre intégrale de la résolution 1701.
L'obtention de ce résultat par le travail acharné de la diplomatie reste la priorité urgente des États-Unis. Nous sommes fermement convaincus qu'une solution diplomatique le long de la ligne bleue, conforme à la résolution 1701, est le seul moyen de désamorcer durablement les tensions et de permettre aux citoyens israéliens et libanais de rentrer chez eux en toute sécurité.
Dans le cadre de la recherche de cette solution diplomatique, nous réitérons notre appel à toutes les parties pour qu'elles protègent les civils.
Nous soulignons également notre soutien à la FINUL et insistons sur le fait que toutes les parties doivent veiller à ce que le personnel de la FINUL reste en sécurité.
Chers collègues, nous sommes également déterminés à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour mettre fin à la guerre à Gaza, où les civils palestiniens ont été pris dans le collimateur de la guerre et où une grave crise humanitaire persiste. C'est pourquoi nous nous efforçons d'obtenir un accord de cessez-le-feu et la libération des otages, conformément à la résolution 2735.
Les événements de la semaine dernière devraient envoyer un message sans ambiguïté aux dirigeants du Hamas, qui continuent de se cacher dans les tunnels sous Gaza : le Hezbollah et l'Iran ne vous sauveront pas.
La seule voie à suivre est celle d'un accord de cessez-le-feu. Nous devons redoubler d'efforts pour trouver des solutions diplomatiques qui garantiront la sécurité des populations dans toute la région.
Ce faisant, il ne doit y avoir aucun doute : les États-Unis continueront à soutenir le droit d'Israël à se défendre contre le Hezbollah, le Hamas, les Houthis et tous les autres terroristes soutenus par l'Iran.
Bien entendu, la manière dont Israël se défend est importante. Nous continuons à affirmer clairement que des mesures doivent être prises pour minimiser les dommages causés aux civils.
Chers collègues, comme l'a souligné le président Biden à la suite de l'attaque d'hier : « Les États-Unis soutiennent pleinement, pleinement, pleinement Israël ».
Nos actions ont été de nature défensive.
Soyons clairs : le régime iranien sera tenu responsable de ses actes. Et nous mettons fermement en garde contre le fait que l'Iran - ou ses proxys - entreprennent des actions contre les États-Unis, ou d'autres actions contre Israël.
Chers collègues, ce moment de grand risque est un test pour ce Conseil. Il est impératif que nous condamnions sans équivoque l'attaque de l'Iran et que nous exigions qu'il cesse de soutenir le terrorisme dans la région.
Les habitants d'Israël, de Gaza et de Cisjordanie, du Liban et de toute la région méritent une paix durable. Et il est grand temps que ce Conseil demande des comptes à l'Iran pour avoir attisé les flammes de la guerre.
Je vous remercie, Madame la Présidente.
Notes
1. Patrick Wintour, Israel was told ‘you are not alone' – but year of war has left it isolated, The Guardian, le 4 octobre 2024. Consulté le même jour
2. La cour demande aussi en même temps un mandat d'arrêt contre deux leaders du Hamas pour les atrocités commises en Israël le 7 octobre 2023.
3. US Spokesperson Contradicts Himself In Excruciating Press Conference, Michael Walker, publié sur YouTube le 3 octobre 2024.
4.Andrew Roth, Escalation with Iran could be risky : Israel is more vulnerable than it seems, The Guardian, le 5 octobre 2024. Consulté le même jour
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Biden-Harris envoient plus d’armes et de troupes américaines au Moyen-Orient

Alors qu'Israël continue d'étendre sa guerre au Moyen-Orient, l'administration du président Joe Biden et de la vice-présidente Kamala Harris continue de fournir une aide militaire et d'augmenter ses forces militaires dans la région pour soutenir Israël.
Hebdo L'Anticapitaliste - 724 (10/10/2024)
Par Dan La Botz
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a récemment déclaré que son pays se battait sur sept fronts : Gaza, la Cisjordanie, le Liban, la Syrie, l'Irak, le Yémen et l'Iran. Le Hezbollah a déclaré qu'il pourrait attaquer Chypre, en Méditerranée orientale, s'il s'apercevait que l'île est utilisée comme base israélienne pour attaquer le Liban. Une guerre entre l'Iran et Israël semble désormais probable, et les États-Unis pourraient bien y être entraînés.
Israël, le plus grand bénéficiaire de l'aide américaine
Si l'administration Biden-Harris a toujours appelé à la paix dans la région, elle l'a fait en persistant à soutenir politiquement et à armer Israël. Depuis des semaines, le sénateur Bernie Sanders appelle à la suppression de l'aide militaire à Israël, car ce pays a enfreint le droit international et le droit américain. « À mon avis, a-t-il déclaré, Israël ne devrait plus recevoir un centime d'aide militaire américaine ». Mais le gouvernement Biden-Harris l'a ignoré, ainsi que d'autres critiques.
L'aide militaire américaine à Israël est stupéfiante. Depuis sa création en 1948, selon l'organisation non gouvernementale Council on Foreign Relations « Israël a été le plus grand bénéficiaire cumulé de l'aide étrangère des États-Unis, recevant environ 310 milliards de dollars (corrigés de l'inflation) d'aide économique et militaire totale. Les États-Unis ont fourni à Israël une aide économique considérable entre 1971 et 2007, mais la quasi-totalité de l'aide américaine sert aujourd'hui à soutenir l'armée israélienne, la plus avancée de la région. Les États-Unis ont provisoirement accepté de fournir à Israël 3,8 milliards de dollars par an jusqu'en 2028 ».
Biden-Harris ignorent la loi
Depuis le début de la guerre d'Israël contre le Hamas en octobre dernier, les États-Unis ont fourni environ 30 milliards de dollars d'aide militaire à Israël. Selon la loi Leahy, les États-Unis ne peuvent pas fournir d'assistance en matière de sécurité aux gouvernements ou groupes étrangers qui commettent des violations flagrantes des droits de l'homme, mais l'administration Biden-Harris a tout simplement ignoré la loi.
Les États-Unis eux-mêmes sont également présents — environ 40 000 militaires étaient présents dans la région au mois d'août, et ce chiffre ne cesse d'augmenter. Les troupes américaines sont stationnées à Bahreïn, en Égypte, en Irak, en Israël, en Jordanie, au Koweït, au Qatar, en Arabie saoudite, en Syrie et aux Émirats arabes unis, et il existe également de grandes bases à Djibouti et en Turquie.
Depuis le début de la guerre d'Israël contre le Hamas, Biden a également envoyé plusieurs navires de guerre en Méditerranée orientale et en mer Rouge. Il s'agit de deux groupes de porte-avions, de plusieurs destroyers, d'un navire de débarquement amphibie et de milliers de marines. Les États-Unis ont également déployé des ressources considérables de l'armée de l'air, des chasseurs, des avions de transport et des avions-citernes, ainsi que quelques milliers de soldats supplémentaires. D'autres avions de guerre américains sont en route.
De nombreuses questions pour le mouvement antiguerre
Le mouvement de solidarité avec la Palestine, si actif sur certains campus au printemps, a été réprimé par les administrations universitaires, et ses campements et manifestations sont interdits. Des professeurEs pro-palestiniens ont été licenciéEs et des conférencierEs annulés. Certaines parties du mouvement de solidarité avec la Palestine sont divisées sur le soutien au Hamas. Dans plusieurs villes américaines, des milliers de personnes se sont jointes aux manifestations pro-palestiniennes du 5 octobre, scandant des slogans tels que « Gaza, Liban, vous vous lèverez, le peuple est à vos côtés ». Mais avec la guerre qui maintenant sévit non seulement à Gaza mais aussi au Liban, où 43 % des habitantEs seraient chrétienEs et 58 % musulmanEs (27 % chiites), nombreux sont ceux qui ne soutiennent pas le Hezbollah et l'accusent même d'être responsable de la guerre, ce qui complique la situation. La guerre avec l'Iran la rendra encore plus compliquée. Le mouvement antiguerre n'a pas encore pris la mesure de cette évolution.
Kamala Harris a rencontré des groupes arabes et musulmans dans l'État crucial du Michigan la semaine dernière. Elle continue de parler de paix alors que Biden fournit des armes. Cela pourrait lui coûter l'élection et conduire à la victoire du républicain Donald Trump.
Dan La Botz, traduction Henri Wilno
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Choisir la pleine démocratie, combattre sa destruction !

Notre espace démocratique est sous tension. De multiples questions surgissent, sociales, écologiques, mais nous sentons bien qu'elles butent désormais contre un mur infranchissable (pour exemples la réforme des retraites et, quoique sur un mode différent, les mégabassines (1). Ce mur porte un nom : la crise de la démocratie. D'où la question : doit-on renforcer plus encore le pouvoir présidentiel ou, au contraire, réanimer notre vie démocratique par plus de pouvoirs citoyens ?
9 octobre 2024 | tiré du site entre les lignes entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/10/09/choisir-la-pleine-democratie-combattre-sa-destruction/#more-86384
Depuis 1958, naissance de notre constitution, mais surtout depuis 2023, nous sommes confrontés à une crise qui débouche sur deux lourdes tendances contradictoires : opter pour un pouvoir centralisé, mais fragile démocratiquement, et trop présidentiel, ou, au contraire, investir dans un enrichissement authentique de notre démocratie ? Le moment est venu d'agir pour construire un avenir où le pouvoir et la participation vont de pair !
Notre choix, à Attac France (2), est depuis longtemps, de faire progresser la démocratie, de démocratiser (3), et corrélativement de diminuer tout pouvoir autoritaire et/ou arbitraire (dans la gestion des conflits sociaux).
I – Un césarisme représentatif grandissant !
Le mode représentatif actuel montre que nombre d'élites essaient de donner à la démocratie le visage du césarisme (ou bonapartisme assimilé à un pouvoir concentré entre les mains d'un homme fort, charismatique, appuyé par le peuple) (4). Quant au peuple dont sa souveraineté est transférée à ses représentants, il cherche à conserver le peu de pouvoir dont il dispose encore, sinon en regagner un peu.
Le mode représentatif est le système dominant de notre démocratie telle qu'elle existe : une démocratie de plus en plus réduite à des traficotages constitutionnels. La « crise démocratique » actuelle montre un écart grandissant entre les élites qui cherchent à enlever le pouvoir aux citoyens et les citoyens eux-mêmes qui potentiellement veulent reprendre ce pouvoir. En d'autres termes, il y a un conflit entre le pouvoir (kratos) et le peuple (demos).
Or il est essentiel d'avoir plus de participation citoyenne. Les citoyens ne doivent pas rester passifs entre les élections. Actuellement, les moyens d'intervenir entre les élections sont très limités : les citoyens sont réduits au rapport de force par manifestations de rue de plus en plus réprimées, tandis que les parlementaires votent des lois, peuvent censurer le gouvernement par le jeu d'alliances incertaines. Ils peuvent aussi destituer le président.
À côté des outils démocratiques, il existe des mesures de l'exécutif qui sont des contraintes contre les représentants des électeurs, comme le passage en force d'une loi (article 49.3), les ordonnances (article 38), l'élimination des amendements de l'opposition, et le vote bloqué (article 44.3). Le référendum est contrôlé par le Président et le gouvernement, et si le résultat ne leur plaît pas, ils peuvent passer outre comme ce fut le cas en 2005. Désormais, nous l'avons vu, le président peut même nier le résultat des urnes et donner le pouvoir au groupe parlementaire le plus faible. Ces dispositions constitutionnelles peuvent être considérées comme des abus de pouvoir de l'exécutif.
La dissolution de l'Assemblée nationale (en juin 2024) après un scrutin européen qui n'avait aucune incidence sur la politique nationale, le refus de nommer un Premier ministre du groupe parlementaire le plus important, l'arrêt des institutions pendant deux mois, et l'envoi de lettres plafonds aux ministères sur pour contraindre la politique économique avant même la nomination d'un Premier ministre sont peuvent être considérés comme un déni démocratique, une faute constitutionnelle, voire un coup d'État. Le gouvernement démissionnaire a poussé le détail jusqu'à passer un décret, le 9 juillet, pour suspendre le repos hebdomadaire de certaines activités agricoles, alors qu'il devait se contenter de gérer les affaires courantes.
Un régime représentatif peut être démocratique ou autoritaire, selon les actions pouvoirs de l'exécutif et ce qu'il en fait. La Constitution de la Ve République est un régime présidentiel qui n'a fait que se renforcer. Macron utilise les méthodes autoritaires du néolibéralisme avec son gouvernement bis des cabinets-conseils : au lieu d'avancer vers plus de démocratie, il la fait reculer.
II – Une Ve République clivée par les inégalités
Nous devrions vivre dans une République pour tous et toutes, une République libre, égalitaire et solidaire, mais Emmanuel Macron divise profondément la société en favorisant les riches (concentration des dividendes dans le 1%), et en libérant les entreprises des contraintes de leur responsabilité sociale et environnementale. Cette politique inégalitaire a pour conséquence non seulement d'affliger les plus faibles (exonération des cotisations patronales pour les faibles salaires) mais aussi de frapper l'ensemble du monde du travail par diverses formes de précarité. En outre, cette politique encourage la concurrence entre les individus. À eux de s'adapter ou de s'éliminer ! L'égalité est oubliée ! L'égalité est même niée par l'extrême droite en passe de prendre le pouvoir…
Le régime de Macron est autoritaire, césariste et antirépublicain. Il nie le peuple, le divise et empêche le vote des parlementaires. Il s'appuie sur la forme actuelle de la Constitution de la 5e République, modifiée dans sa forme depuis son adoption initiale et qui laisse les mains libres à l'exécutif avec un président déclaré irresponsable. Aucun chef d'un État dit démocratique n'a un tel pouvoir.
III – Une autre République est possible et nécessaire !
La Ve République est parvenue à son terme. C'était inéluctable : elle contient en elle, les ferments de la démocrature (5) ; ce mal autoritaire voire dictatorial qui se diffuse partout sous couvert d'élections et de votations. Il faut que cela cesse. Nous devons franchir ce mur que cette constitution a dressé entre l'exécutif et les citoyens.
Il ne s'agit donc plus de réformer cette constitution devenue nocive. Il s'agit d'en changer pour que le peuple puisse exercer sa souveraineté, ne serait-ce que par le contrôle de ses élus qu'il doit pouvoir révoquer. Mais la démocratie peut aller au-delà en permettant aux citoyens de proposer des référendums eux-mêmes (RIC -cf 6), d'utiliser les mécanismes des assemblées citoyennes et des conventions citoyennes. Le peuple a montré en 2005 qu'il savait s'intéresser à des sujets complexes, lors du référendum sur le traité européen. Les citoyens ont aussi démontré dans les conventions citoyennes dont les experts ont dit y voir des conclusions d'experts alors même que les citoyens la composant sont tirés au sort.
Aux représentants qui ont trop souvent montré qu'ils représentaient d'autres intérêts que ceux du peuple, affirmons que, nous, peuple de France, sommes capables de prendre notre destin en main.
Jean-Luc Picard Bachélerie, Christian Delarue, Jacques Testart, Alain Mouetaux, Robert Joumard, Jean-Michel Toulouse, Martine Monier, Monique Demare, Margaret Méchin, Martine Boudet, Eliane Cesarin Mayoussier – de l'Espace de travail Démocratie d'ATTAC
Notes :
(1) Retraites et mega-bassines : crise démocratique, un diagnostic philosophique sur Radio France
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-invite-e-des-matins/reforme-des-retraites-mega-bassines-diagnostic-philosophique-d-une-crise-democratique-2020517
(2) ATTAC France et pas que « l'Espace de travail Démocratie » ( dite communément « Commission Démocratie » )
(3) Pour les membres d'« ATTAC Démocratie » une « démocratisation de notre démocratie césariste est nécessaire » : Lire « Pour un autre démocratie, une autre constitution » (automne 2023)
https://france.attac.org/nos-idees/etendre-et-approfondir-la-democratie/article/pour-une-autre-democratie-une-autre-constitution
ou
https://blogs.mediapart.fr/amitie-entre-les-peuples/blog/081023/pour-une-autre-democratie-une-autre-constitution
(4) Césarisme (ou bonapartisme – terme proche) lire notre dernier texte : « Contre un césarisme antidémocratique, une constituante ».
https://blogs.attac.org/commission-democratie/outils-de-la-democratie/article/contre-un-cesarisme-antidemocratique-une-constituante
ou
https://blogs.mediapart.fr/christian-delarue/blog/070924/contre-un-cesarisme-antidemocratique-une-constituante
(5) D comme Démocrature
https://blogs.mediapart.fr/edition/abecedaire-citoyen-du-club-2024/article/100924/d-comme-democrature
(6) Sur le RIC :
https://france.attac.org/nos-idees/etendre-et-approfondir-la-democratie/article/les-enjeux-democratiques-actuels-le-ric-referendum-d-initiative-citoyenne
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article72140
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Belgique : Pour la liberté de circulation et d’installation, contre les centres fermés

En mémoire du 22 septembre 1988, jour où Semira Adamu, militante sans papier, a été tuée par deux policiers lors d'une tentative d'expulsion.
6 octobre 2024 | du site d'inprecor.org
https://inprecor.fr/node/4335
Pour la liberté de circulation et d'installation et l'abolition des politiques migratoires fascistes.
Afin de soi-disant récupérer les voix du Vlaams Belang, l'ex-secrétaire d'État à l'Asile et la Migration, Theo Francken (ex- militant d'extrême-droite et dirigeant de la N-VA) avait fait voter en 2017 son fameux « Masterplan centres fermés » pour les personnes en séjour illégal : forte extension de la capacité de retour existante et création de trois nouveaux centres fermés afin de pouvoir dépasser les 5000 retours forcés. Ses successeurs (Mahdi et de Moor) ont continué le sale boulot, bavant leurs slogans creux et hypocrites (« …ferme mais humain » puis « humain mais ferme » !) En 2024, on parle même « d'externaliser nos frontières » : construire des prisons dans les pays de l'Est et du Sud global pour y renvoyer « nos déboutés ».
Car le gouvernement fédéral Vivaldi sortant (avec Ecolo et le PS) a docilement repris en main la construction des trois centres fermés dont un centre fermé de 200 places au total à Jumet d'ici 2028, ce qui en ferait le plus grand centre de détention de Belgique, avec l'appui des autorités de Charleroi (PS et Paul Magnette).
Les centres fermés sont de véritables prisons de transit avant de déporter par avion hors du territoire belge les personnes détenues, non pas pour des infractions pénales commises, mais uniquement pour des raisons migratoires.
Ces prisons sont indignes, en termes de respect des droits et des procédures ainsi qu'en termes de conditions de détention : manque criant de personnel e.a. de soignants, invasion de punaises de lit, harcèlement et violence récurrente, automutilation et tentatives de suicide, campagnes de désinformation et d'incitation à l'expulsion volontaire.
Ces prisons sont le résultat d'une politique migratoire violente dictée par l'extrême droite basée sur l'exploitation, la détention et l'expulsion de personnes dépossédées par un système capitaliste et néo-colonialiste de leur dignité et humanité.
La gauche anticapitaliste soutient la lutte des personnes sans-papiers pour une vraie politique migratoire qui comprend :
- L'ouverture des frontières (« Toute personne à le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat « = Déclaration universelle des droits de l'homme)
- La liberté de circulation et d'installation pour tou·te·s, également pour les non européen.ne.s, avec égalité des droits (personne n'est illégal)
- La régularisation de tou·te·s les personnes sans-papiers
- Le démantèlement des centres fermés (utilisation de l'argent récupéré pour améliorer l'accueil des demandeurs d'asile qui fuient notre désordre économique, militaire et climatique)
Le 20 septembre 2024, publié par la Gauche anticapitaliste.
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L’impérialisme politique, la Russie de Poutine et la nécessité d’une alternative de gauche mondiale

[NDLR : Ilya Matveev abordera le thème de « L'impérialisme(s) aujourd'hui » lors de la conférence en ligne, « Boris Kagarlitsky et les défis de la gauche aujourd'hui », le 8 octobre prochain. La campagne de solidarité internationale Boris Kagarlitsky organise cette conférence dans le cadre de sa campagne pour la libération de Kagarlitsky de la prison russe, après son emprisonnement pour avoir dénoncé l'invasion massive de l'Ukraine. En tant que co-organisateur de la conférence, LINKS International Journal of Socialist Renewal encourage tous ses lecteurs à s'inscrire à l'événement].
Tiré de Entre les lignes entre les mots
4 octobre 2024
Entretien avec Ilya Matveev par Ilya Matveev & Federico Fuentes
Ilya Matveev est un socialiste et économiste politique russe. Actuellement chercheur invité à l'Université de Californie à Berkeley, il est également membre du groupe de recherche Public Sociology Laboratory basé en Russie. Dans cet entretien approfondi avec Federico Fuentes pour LINKS International Journal of Socialist Renewal https://links.org.au/, Matveev discute des deux logiques de l'impérialisme, de la façon dont elles nous aident à expliquer les différents chemins empruntés par la Chine et la Russie pour devenir des puissances impérialistes et de la nécessité pour la gauche d'avoir une vision mondiale commune du changement progressif.
Au cours du siècle dernier, le terme impérialisme a été utilisé pour définir différentes situations et a parfois été remplacé par des concepts tels que la mondialisation et l'hégémonie. Quelle est la validité du concept d'impérialisme aujourd'hui et comment le définis-tu ?
Le principal débat concernant l'impérialisme est de savoir s'il faut le considérer comme une théorie permettant de comprendre le capitalisme mondial comme une politique d'agression ou de coercition menée par un pays puissant à l'égard d'un pays plus faible. Lénine a soutenu que l'impérialisme était une caractéristique globale du capitalisme à un stade avancé : la logique économique de l'impérialisme était intégrée dans sa définition. Mais c'est là le problème de la définition de Lénine, car tu ne peux pas expliquer chaque acte spécifique d'agression impérialiste par des motifs économiques uniquement. Si tu définis l'impérialisme comme une caractéristique du capitalisme mondial alors il peut être logique de le remplacer par des termes tels que mondialisation, qui est parfois considérée comme une sorte de « nouvel impérialisme ». Mais si nous considérons l'impérialisme comme une politique systématique d'agression envers un pays plus faible par des moyens militaires, politiques et/ou économiques alors il n'est pas logique d'assimiler la mondialisation à l'impérialisme.
L'économie peut être le moteur de l'impérialisme mais ce n'est pas la même chose. Il n'existe pas de loi éternelle selon laquelle l'impérialisme doit toujours coïncider avec les besoins du capital. De plus, l'impérialisme peut être motivé par d'autres facteurs. Le [géographe américano-britannique] David Harvey, s'appuyant sur les travaux de [l'économiste italien] Giovanni Arrighi, suggère deux logiques de l'impérialisme : la logique économique du capital et la logique géopolitique de l'État. L'interaction entre ces deux logiques peut être complexe ; parfois leurs besoins coïncident, parfois non. De plus, ces logiques ne sont pas universelles. La logique du capital est plus universelle dans la mesure où les contradictions capitalistes sont plus ou moins les mêmes partout. Mais il n'en va pas de même pour l'impérialisme politique. Il n'y a pas de logique universelle de l'impérialisme politique : différents pays auront des motivations et des stratégies différentes. Cela peut entraîner des contradictions entre les deux logiques. C'est pourquoi nous ne devrions pas les réduire en une seule.
Y a-t-il cependant des éléments des travaux de Lénine sur l'impérialisme qui restent pertinents aujourd'hui ?
La contribution la plus importante de Lénine dans ce domaine a été de développer les idées de l'auteur libéral anglais John Hobson jusqu'à leur conclusion logique. Hobson, qui a écrit un livre célèbre intitulé Imperialism, voulait prouver que l'impérialisme était une aberration et que le capitalisme et le commerce finiraient par apporter la paix au monde. Mais il avait des opinions économiques peu orthodoxes qui l'ont amené à développer une théorie selon laquelle lorsque vous avez d'énormes inégalités au sein d'un pays, vous vous retrouvez avec un capital excédentaire qui ne peut pas être réinvesti de façon rentable chez vous et qui doit donc être investi à l'étranger. Pour Hobson, il s'agit là de la « racine économique » de l'impérialisme, car lorsque vous réinvestissez des capitaux à l'étranger, vous devez créer les conditions pour que vos investissements soient rentables. Cela peut signifier, par exemple, contraindre d'autres pays à accepter vos investissements. Tu devais également protéger ces investissements et les routes commerciales, ce qui nécessitait une grande marine. Cette logique économique a donc créé le besoin d'utiliser la force dans les affaires internationales. Les idées de Hobson ont fait de lui un renégat au sein de la tradition libérale car il a découvert que le commerce ne menait pas toujours à la paix ; au contraire, pour Hobson, les contradictions capitalistes créaient la demande d'une politique étrangère plus agressive.
Lénine a repris l'idée de Hobson mais a dit qu'il se trompait sur la capacité à réformer le capitalisme. Selon Lénine, le capitalisme produira toujours une demande d'agression extérieure parce qu'il y aura toujours un surplus de capital. Le développement inégal et combiné signifie qu'il y aura toujours des pays capitalistes plus développés et moins développés et que les pays capitalistes développés chercheront à exporter leurs capitaux vers les pays moins développés et exerceront une pression politique pour s'assurer que ces investissements sont rentables. Il était donc impossible de réformer le capitalisme. Lénine envisageait également que les capitaux nationaux concurrents des pays capitalistes développés feraient pression sur leurs gouvernements pour les aider à obtenir une plus grande part du marché mondial. Le problème était qu'une fois le monde entier divisé entre les différents blocs capitalistes nationaux, la seule option qui restait pour poursuivre l'expansion était la guerre. La guerre mondiale était donc inévitable : elle était inscrite dans la logique du capitalisme.
Ces deux idées constituent la contribution la plus importante de Lénine. Il était le défenseur le plus cohérent de ces deux idées : le capitalisme engendre l'impérialisme, car les pays les plus développés auront toujours besoin de nouveaux débouchés pour leurs investissements et le capitalisme engendre des rivalités inter-impérialistes car les pays puissants s'affronteront inévitablement lorsqu'ils chercheront à accroître leur part du marché mondial. La grande contribution de Lénine a été d'expliquer les motifs économiques qui sous-tendent l'impérialisme et les rivalités inter-impérialistes. Le problème, comme je l'ai mentionné, c'est qu'il a dissocié cette logique économique de toute considération idéologique ou politique.
Après la chute de l'Union soviétique et la fin de la guerre froide, la politique mondiale a été complètement dominée par l'impérialisme américain. Ces dernières années, cependant, un changement semble s'opérer. Nous avons assisté à la montée en puissance de la Chine, à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, et même à des nations comme la Turquie et l'Arabie saoudite, entre autres, qui déploient leur puissance militaire au-delà de leurs frontières. Comment vois-tu ces dynamiques actuelles au sein de la politique mondiale ?
Après la Seconde Guerre mondiale, le monde s'est approché de quelque chose de similaire à l'idée d'ultra-impérialisme de Karl Kautsky. Kautsky n'était pas d'accord avec le concept de rivalité inter-impérialiste de Lénine et suggérait la possibilité que les pays impérialistes créent un cartel ou une alliance afin d'exploiter conjointement le reste du monde. C'est ce qu'il a appelé l'ultra-impérialisme. Nous avons assisté à quelque chose de similaire sous l'hégémonie américaine dans la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, et plus particulièrement à partir des années 80 avec l'effondrement de l'Union soviétique. Pendant cette période, l'Occident a collectivement dominé et exploité le reste du monde. Cela a été possible parce que la logique économique de l'impérialisme a décliné après la Seconde Guerre mondiale, les politiques keynésiennes imposant des limites à la suraccumulation du capital. À cette époque, la logique de l'impérialisme était plutôt politique, à savoir la vision du monde des États-Unis et leur lutte contre le communisme. À partir des années 80, cependant, la suraccumulation est réapparue en raison des politiques néolibérales. C'était l'apogée de ce que l'on pourrait appeler l'ultra-impérialisme, au cours duquel un Occident uni a imposé des programmes d'ajustement structurel et des politiques néolibérales à tous les pays périphériques.
Nous assistons aujourd'hui à la désintégration de cet ultra-impérialisme dirigé par les États-Unis. Le problème, c'est que les États-Unis ont essayé de jouer sur deux tableaux. Ils voulaient une forte consommation chez eux et ont donc emprunté de l'argent à la Chine. Et ils voulaient aussi exporter des capitaux à l'étranger. Le résultat final a été la transformation de la Chine en une puissance économique qui a constitué une menace pour la domination économique des États-Unis. C'est ce conflit économique qui est à l'origine du conflit politique entre les deux pays aujourd'hui. À mon avis, les dirigeants chinois ne veulent pas activement affronter les États-Unis. Mais leurs ambitions économiques, motivées par les contradictions objectives de l'accumulation du capital en Chine, les ont forcés à s'affirmer davantage. Je ne pense pas non plus que les États-Unis souhaitent activement une confrontation avec la Chine. Mais, là encore, la logique économique de l'impérialisme est très puissante et difficile à contrecarrer. C'est ce qui motive le conflit entre les États-Unis et la Chine. Nous nous retrouvons moins avec un monde multipolaire qu'avec un monde bipolaire qui réapparaît. La confrontation entre la Chine et les États-Unis, bien qu'encore gérable pour l'instant, ne fait que croître. Tout cela crée une situation très explosive, qui ne s'apparente plus à l'ultra-impérialisme, mais plutôt à la période précédant la Première Guerre mondiale.
Mais certains, se basant sur la définition de Lénine, remettraient en question l'idée que la Chine est impérialiste.
Si nous regardons le monde aujourd'hui, que voyons-nous ? Nous voyons la montée de la Chine en tant que centre alternatif d'accumulation de capital au sein du système capitaliste mondial qui exporte du capital par le biais d'énormes projets mondiaux tels que l'initiative Belt and Road. La motivation de ces projets est économique : La Chine a un excédent de capital et une surcapacité industrielle, elle a donc besoin de nouveaux débouchés pour réinvestir le capital et exporter des marchandises. Pour y parvenir, la Chine a commencé à se démener dans le monde entier pour trouver de nouveaux marchés. Cela a déclenché un conflit avec les États-Unis, l'hégémon mondial, qui ont également besoin de débouchés pour leurs marchandises et leurs investissements. Cela signifie que la relation de coopération qui existait lorsque les États-Unis utilisaient la Chine comme plate-forme de production devient lentement antagoniste. Le capital chinois, soutenu par l'État chinois, est désormais si puissant que le capital américain ne veut plus coopérer avec lui. Au contraire, il craint la montée en puissance de la Chine et s'attend à ce que le capital chinois devienne un concurrent puissant. C'est pourquoi le capital américain a commencé à demander l'aide de l'État américain pour contrer cette menace.
Nous nous retrouvons avec une rivalité inter-impérialiste classique, telle que décrite par Lénine. Deux puissants centres de capitalisme s'affrontent pour obtenir des débouchés pour leurs investissements et leurs marchandises. Cela conduit à la création de blocs politiques autour de ces centres d'accumulation capitaliste : les États-Unis ont l'Occident derrière eux, la Chine a la Russie. En ce sens, la logique économique de l'impérialisme est toujours d'actualité pour comprendre le monde d'aujourd'hui.
Comment la Russie s'inscrit-elle dans ce scénario ? Peut-elle également être définie comme impérialiste ?
Dans le cas de la Russie, c'est une dynamique différente qui est en jeu. Le capital russe n'a jamais été assez puissant pour défier l'Occident ; il a toujours été un partenaire junior du capital occidental, qui préférait coopérer avec le capital russe afin de mieux exploiter les ressources naturelles russes et de profiter du rôle de la Russie en tant que puissance sous-impérialiste dans le monde post-soviétique. Le capital occidental a utilisé la Russie pour extraire la plus-value des pays post-soviétiques. Pour donner un exemple : [la société gazière majoritairement détenue par l'État russe] Gazprom comptait de nombreux investisseurs internationaux, dont l'énorme société américaine de gestion d'actifs BlackRock, qui pèse des milliers de milliards de dollars. Lorsque Gazprom s'est développé en Ukraine, en Moldavie, en Biélorussie… BlackRock en a également profité. Les capitaux occidentaux n'avaient rien contre le fait que la Russie soit une puissance régionale tant qu'elle leur offrait la possibilité de faire des profits dans la région. D'un point de vue économique, il n'y avait pas de réelle contradiction : Les capitaux russes et occidentaux coopéraient et profitaient tous deux de cette coopération.
Mais à partir de 2014, la logique politique de l'impérialisme russe a commencé à se découpler de la logique économique. Avant cela, l'impérialisme russe reposait sur un arrangement sous-impérialiste : il menait une politique agressive à l'égard des pays de la région post-soviétique et l'Occident profitait de ses actions. Il avait donc un intérêt direct dans l'impérialisme russe. Mais en 2014, Poutine a brisé le scénario en annexant la Crimée. À ce moment-là, la Russie a cessé d'être une puissance sous-impérialiste et a choisi la voie de la confrontation avec l'Occident. Il a brisé les règles que l'Occident avait fixées pour le gouvernement et le capital russes. Pourtant, il n'y avait aucune logique économique réelle à cette décision car elle ne faisait que rendre la vie plus difficile aux capitalistes russes. L'annexion de la Crimée ne répondait à aucune logique économique. Bien que la Crimée possède quelques gisements de ressources naturelles, pour les exploiter, la Russie devrait investir beaucoup d'argent. De plus, la Crimée est aujourd'hui un bénéficiaire net de l'énergie russe et du financement du gouvernement fédéral. Par conséquent, l'explication de son annexion ne peut être trouvée dans des motifs économiques ; l'explication se trouve dans le domaine de l'idéologie de la classe dirigeante russe.
Les cas de la Chine et de la Russie sont donc différents. Avec la Chine, tu as un impérialisme plus classique, tel que décrit par Lénine. En Russie, tu as un impérialisme différent – un impérialisme politique qui est découplé, dans une certaine mesure, des intérêts économiques.
Es-tu en train de suggérer que, contrairement aux puissances impérialistes qui ont vu le jour à l'époque de Lénine, l'impérialisme russe n'a pas de fondement économique et s'explique uniquement par des facteurs politico-idéologiques ?
Je ne dis pas que l'impérialisme russe est entièrement différent des autres impérialismes ou qu'il n'a aucune base économique. À partir de 1999, la Russie a commencé à se remettre de la crise des années 90 ; jusqu'en 2008 environ, elle a connu une période de forte croissance économique avec un taux de croissance annuel d'environ 7%. Au cours de cette période, les entreprises russes sont devenues de puissantes sociétés mondiales. Même si les capitaux russes n'étaient pas aussi puissants que les capitaux occidentaux, ils sont devenus un acteur sérieux sur le marché mondial. Dans le même temps, il y a eu une suraccumulation de capitaux en Russie en raison des prix élevés de l'énergie et des matières premières.
Ces entreprises russes émergentes avaient besoin de réinvestir leur capital excédentaire quelque part et elles ont choisi de le faire dans les pays post-soviétiques. Leur objectif était de reconstruire quelque chose de similaire aux chaînes d'approvisionnement et aux liens économiques qui existaient à l'époque soviétique. La différence, cependant, c'est que cette fois-ci, ce sont les capitaux russes qui sont aux commandes. À l'époque de l'Union soviétique, l'économie soviétique était intégrée ; aujourd'hui, il s'agit d'une économie russe qui domine les autres économies de la région. Cela a fait pression sur le gouvernement russe pour qu'il s'affirme davantage dans la région post-soviétique. En ce sens, la logique économique léniniste classique de l'impérialisme s'applique au cas de la Russie, en particulier dans les années 2000, lorsque Poutine arrive au pouvoir.
Mais il est important de souligner à nouveau que lorsque la Russie a revendiqué la région post-soviétique au cours de cette première période, elle l'a fait en coopérant avec les États-Unis et l'Occident plutôt qu'en les affrontant. Cette coopération ne s'est pas limitée à la coopération économique entre les capitaux occidentaux et russes ; il y a également eu une coopération géopolitique entre les États russes et occidentaux. Par exemple, la Russie a coopéré avec l'OTAN dans sa guerre contre l'Afghanistan. La Russie était le plus grand fournisseur de pétrole et de ressources de l'OTAN et fournissait à la coalition de l'OTAN des routes logistiques terrestres et aériennes. En 2011, la Russie a vendu des hélicoptères de transport aux États-Unis pour le gouvernement qu'elle avait installé en Afghanistan dans le cadre d'un accord d'une valeur de plus d'un milliard de dollars américains. De toute évidence, malgré les désaccords ou les tensions qui existaient, l'Occident considérait la Russie comme un partenaire junior, du moins jusqu'en 2014.
En fin de compte, il n'y avait rien d'inévitable à ce que la Russie devienne un ennemi de l'Occident si l'on se limite strictement à la logique économique. La Russie aurait pu rester une puissance sous-impérialiste qui profitait conjointement de l'espace post-soviétique avec les capitaux occidentaux. Elle aurait pu être comme la Turquie d'aujourd'hui qui semble agir de manière indépendante mais veille à ne pas gâcher les relations avec l'Occident. Ou comme le Brésil, qui a eu des dirigeants tels que Lula [da Silva] qui peuvent avoir une rhétorique très militante et être en désaccord avec les États-Unis sur de nombreux points mais qui entretiennent avec eux des relations qui sont loin d'être extrêmement conflictuelles. La Russie était comparable à ces pays, en ce sens qu'ils ont tous bénéficié économiquement du fait d'être un partenaire junior de l'Occident, même si certaines tensions ou contradictions existaient.
Alors, qu'est-ce qui a conduit à ce changement de positionnement de la Russie vis-à-vis de l'Occident ?
Pour comprendre ce changement, il faut se pencher sur la logique politique en jeu. Poutine craignait que l'Occident ne prépare un changement de régime contre lui. Poutine était aussi clairement incapable de comprendre les mouvements populaires et les révolutions sociales. Pour Poutine, le mouvement populaire était une contradiction dans les termes car les gens ne pouvaient jamais rien faire par eux-mêmes ; tout mouvement de ce type était toujours contrôlé et manipulé de l'extérieur. Ainsi, lorsque le Printemps arabe [de 2010-11] s'est produit, Poutine n'y a vu rien d'autre que la volonté de l'Occident de déstabiliser les pays du Moyen-Orient.
Puis est survenue la révolution de Maïdan [2014] en Ukraine. Poutine a refusé d'accepter qu'il puisse s'agir d'un véritable mouvement populaire motivé par la frustration sincère des gens à l'égard du gouvernement et de la répression. Au lieu de cela, il a vu dans Maïdan l'utilisation de l'Ukraine par les États-Unis comme un pion dans leur jeu d'échecs avec la Russie. Maïdan a transformé la vision de Poutine. Car si Maïdan était une manœuvre de l'Occident contre la Russie, alors, selon la logique de Poutine, la Russie devait répondre en écrasant violemment cette manœuvre et en faisant la sienne. En fin de compte, la crainte d'un changement de régime a coloré tous les calculs de Poutine. Elle l'a conduit à faire l'amalgame entre une menace politique pour son régime et une menace occidentale pour la sécurité de la Russie. D'une manière générale, l'OTAN ne menaçait pas la Russie d'un point de vue militaire conventionnel. Mais pour Poutine, l'OTAN était derrière Maïdan, qu'il considérait comme un complot contre son pouvoir.
Résultat, la Russie est devenue un pays impérialiste beaucoup plus agressif après 2014 : l'annexion de la Crimée, l'armement des séparatistes du Donbass et l'occupation de certaines parties de l'est de l'Ukraine s'expliquent, en fin de compte, par la crainte idéologique de Poutine que l'Occident ne complote pour un changement de régime. En réalité, l'Occident s'accommodait parfaitement de Poutine en tant que dirigeant capitaliste qui facilitait l'accès des entreprises occidentales aux ressources naturelles russes et à la région post-soviétique. Cela convenait également à Poutine, jusqu'à ce qu'il craigne que l'Occident ne complote contre lui. Cela explique en fin de compte pourquoi la Russie s'est engagée dans la voie de la confrontation avec l'Occident.
Et une fois que la Russie s'est engagée sur cette voie, il lui a été difficile de faire marche arrière car la confrontation a pris une logique propre. Par exemple, après l'annexion de la Crimée par la Russie, les Ukrainiens ont commencé à détester Poutine et se sont tournés vers l'Occident pour obtenir de l'aide. Pourtant, c'est exactement ce que Poutine voulait empêcher. Alors qu'a-t-il fait ? Il est devenu encore plus agressif envers l'Ukraine et a finalement lancé une invasion à grande échelle, tout cela au nom de la prévention d'une Ukraine pro-occidentale. Mais la haine de l'Ukraine à l'égard de la Russie était précisément le produit des propres actions de la Russie. Poutine ne pouvait cependant pas comprendre cela, pour lui, tout cela n'était qu'une manifestation du complot de l'Occident contre son pouvoir. Paradoxalement, alors que les convictions de Poutine n'étaient pas fondées sur la réalité, la chaîne d'événements qu'il a déclenchée n'a fait que renforcer ses convictions, le conduisant finalement sur la voie de cette guerre désastreuse. C'est pourquoi cette guerre n'était pas le résultat de motifs économiques ; elle était motivée par l'idéologie.
Quelle influence pensez-vous que la montée en puissance de la Chine ait pu avoir dans les calculs de Poutine et dans le passage de la Russie d'une puissance sous-impérialiste à une puissance impérialiste ? Il semble possible que la présence de la Chine en tant que puissance alternative vers laquelle la Russie pourrait se tourner une fois en confrontation avec l'Occident ait influencé les décisions prises par Poutine depuis 2014….
C'est une question intéressante. Je suis d'accord pour dire que Poutine avait une meilleure perception de ces changements mondiaux qui se préparaient par rapport aux responsables économiques russes et au gouvernement, qui considéraient ce type de confrontation extrême avec l'Occident comme inimaginable. Il suffit de regarder 2022 : il était évident à l'époque que même les secteurs les plus faucons du gouvernement ne s'attendaient pas à une invasion à grande échelle de l'Ukraine. Poutine, quant à lui, était totalement convaincu que les Ukrainiens attendaient que la Russie les libère du colonialisme occidental et de la soi-disant petite minorité de nazis de type Bandera au pouvoir dans le pays. Mais tout en ayant cette vision fantaisiste de l'Ukraine, Poutine était d'une certaine manière plus prévoyant que d'autres en ce qui concerne le type de changements tectoniques qui se produisaient dans les affaires mondiales et la place de la Russie dans le monde. Poutine pouvait sentir les possibilités offertes par la Chine et les pays semi-périphériques tels que la Turquie, le Brésil et l'Inde, qui devenaient plus autonomes par rapport aux États-Unis.
Il faut savoir qu'en 2000, les pays du G7 contrôlaient 65% du PIB mondial, mais qu'en 2021-22, ce chiffre était plutôt de l'ordre de 40-45%. Le bloc de pays des BRICS représentait une part légèrement plus importante du PIB mondial lorsqu'il était mesuré en termes de parité de pouvoir d'achat. Cela représentait un énorme changement en termes de pouvoir économique et politique. Poutine a perçu ce changement et, comme tu l'as dit, a vu l'opportunité. Il a compris que la rupture de la Russie avec l'Occident serait très douloureuse, mais qu'elle pourrait probablement survivre dans une alliance avec la Chine et en commerçant avec des pays semi-périphériques qui étaient devenus puissants de leur propre chef, économiquement et politiquement. Et il avait raison sur ce point alors que ses opinions sur les motivations occidentales et l'Ukraine étaient follement inexactes et biaisées, sa vision de ce qui se passait à l'échelle internationale était tout à fait exacte. C'est cette combinaison de pensée saine et de pensée erronée qui a finalement conduit à l'invasion et à tout ce qui s'est passé depuis.
Certains militants de gauche, s'appuyant sur la définition de l'impérialisme de Lénine, soutiendraient que l'absence de motifs économiques et la puissance économique beaucoup plus faible de la Russie par rapport à l'Occident signifient que la guerre de la Russie contre l'Ukraine ne peut pas être impérialiste. Certains vont même jusqu'à imputer une sorte de dynamique anti-impérialiste à la guerre de la Russie. Pourquoi, selon toi, est-il important de comprendre la guerre de la Russie comme un acte d'agression impérialiste ?
C'est le problème des définitions économistes de l'impérialisme : lorsqu'un pays ne correspond pas à un certain profil économique ou que vous ne pouvez pas expliquer immédiatement les actions d'un pays sur la base d'une certaine logique économique, alors la position par défaut est que le pays ne peut pas être impérialiste ou agressif et que ses actions doivent donc être défensives. Mais un pays peut être agressif sans que ses actions soient motivées par des raisons économiques spécifiques.
Si nous comprenons l'impérialisme comme une politique d'agression systématique envers un voisin plus faible, alors nous pouvons voir pourquoi l'impérialisme définit exactement ce que la Russie fait à l'Ukraine depuis les années 90. Il y avait déjà des points d'agression à l'époque, lorsque la Russie a manipulé l'approvisionnement en gaz de l'Ukraine afin d'influencer les politiques du gouvernement. Puis, en 2004, la Russie a essayé de faire pression sur l'Ukraine pour qu'elle élise un candidat présidentiel pro-russe, en envoyant des « doreurs d'image » et des agents secrets de Moscou à Kiev pour aider à vaincre [Viktor] Iouchtchenko. En cas d'échec, la Russie a cherché à contraindre l'Ukraine en interrompant son approvisionnement en gaz naturel, une première fois en 2006 et une seconde fois en 2009. La Russie a également acquis des actifs économiques en Ukraine afin de créer une plateforme économique qui lui servirait de point d'appui politique dans le pays. Après cela, tu as eu l'annexion de la Crimée, la participation de la Russie à la guerre dans l'est et, enfin, l'invasion à grande échelle en 2022.
Toute l'histoire des relations russo-ukrainiennes dans la période post-soviétique est celle de l'impérialisme russe à l'égard de l'Ukraine. Comment peut-on décrire cela autrement que par de l'impérialisme ? De plus, comment peut-on le définir comme défensif ? Les actions impérialistes de la Russie ont commencé bien avant qu'il ne soit question que l'Ukraine rejoigne l'OTAN. Par exemple, lorsque la Russie s'est ingérée dans les élections ukrainiennes de 2004 l'Ukraine n'était en aucun cas liée à l'OTAN. Et en quoi peut-on dire que l'Ukraine a attaqué la Russie ? Comment est-ce possible ? Avec quelle armée ? L'armée ukrainienne était pratiquement inexistante avant 2014. L'Ukraine n'a commencé à renforcer son armée qu'en réponse à l'impérialisme russe. Il va de soi que la Russie est l'agresseur dans cette relation. Son agression s'est intensifiée progressivement, mais la Russie a toujours été l'agresseur. En nous en tenant à une compréhension uniquement économique de l'impérialisme, nous passons à côté de l'impérialisme russe en tant que phénomène.
À la lumière de tout ce dont nous avons discuté, vois-tu des possibilités de construire des ponts entre les luttes anti-impérialistes et les luttes dans les pays impérialistes, en gardant à l'esprit que les différentes luttes seront confrontées à des puissances différentes et peuvent donc chercher à obtenir le soutien de blocs impérialistes rivaux ? À quoi devrait ressembler l'internationalisme anticapitaliste et anti-impérialiste au 21e siècle ?
Il y a bien sûr des aspects pratiques à l'internationalisme, comme l'aide aux prisonniers politiques. Les campagnes de solidarité internationale peuvent faire beaucoup et ont fait beaucoup, par exemple pour [le marxiste russe anti-guerre emprisonné] Boris Kagarlitsky. Malheureusement, il y a beaucoup de prisonniers de gauche en Russie en ce moment. Donc, concrètement, c'est quelque chose que le mouvement socialiste peut faire : se soutenir mutuellement en aidant les prisonniers politiques en Russie.
Mais pour réfléchir à cette question de manière plus générale, nous devons d'abord comprendre la nature de la rivalité inter-impérialiste actuelle par rapport à la guerre froide. Bien que l'Union soviétique ait été problématique à bien des égards, sa politique étrangère comportait une composante idéologique : elle avait la vision d'un autre monde qui représentait une sorte d'alternative. L'Union soviétique avait un projet idéologique, même s'il était déformé par le stalinisme et vidé de sa substance par le cynisme des élites. Cette vision idéologique a influencé l'attitude de l'Union soviétique à l'égard du tiers-monde, même si son approche des mouvements post-coloniaux comportait aussi un élément cynique. Mais la Russie n'est pas l'Union soviétique. Si nous regardons la Russie d'aujourd'hui, nous constatons qu'il n'y a pas de vision d'une alternative.
La seule chose que la Russie propose, c'est la confrontation avec l'Occident. La Russie dit : « Vous devez vous battre contre l'Occident ». Mais se battre pour quoi au juste ? Quelle est la vision russe d'un modèle politique, économique alternatif ? La Russie est un pays ultracapitaliste dirigé par des oligarques, avec d'énormes inégalités entre les gens et les régions, et un État-providence très faible. La guerre avec l'Ukraine a peut-être contraint ces oligarques à réorienter leurs intérêts commerciaux vers les marchés d'Asie et à quitter leur propriété londonienne pour un immense appartement à Dubaï. Mais quelle différence cela fait-il pour un travailleur russe ordinaire ? La Russie n'a rien de progressiste. Il en va de même pour la Chine : elle n'a pas de vision idéologique au-delà du capitalisme avec une grande présence de l'État ; elle n'offre pas de vision alternative de changement progressif.
Cela signifie que les mouvements progressistes du monde entier doivent se battre pour une alternative. Ils ont besoin d'une vision alternative pour guider ce mouvement internationaliste mondial des travailleurs et des socialistes. Cela signifie également qu'il ne faut pas faire de compromis avec les dictatures ou les classes capitalistes prédatrices, que ce soit en Chine, en Russie ou aux États-Unis. En fin de compte, cela se résume à une vision très classique de l'impérialisme dans laquelle l'ennemi principal se trouve à la maison. Le principal ennemi des socialistes russes est l'impérialisme russe ; ce ne sont pas les États-Unis ou l'Ukraine. Et le principal ennemi des socialistes américains est l'impérialisme américain. C'est la base du véritable internationalisme : l'unité contre nos propres gouvernements impérialistes et pour une vision commune du changement progressif aux États-Unis, en Russie et en Chine. Cela peut sembler abstrait, mais c'est tout simplement de la bonne logique. C'est la base sur laquelle nous pouvons construire des ponts entre nos luttes.
Publié le 28 septembre 2024
https://links.org.au/political-imperialism-putins-russia-and-need-global-left-alternative-interview-ilya-matveev
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France - La « {dette } » ? Une Fake News au service de l’austérité-Barnier

« La dette explose, pourquoi ? C'est comme ça, ne vous posez pas de question, consentez à rembourser, parce que cette dette est la vôtre ! D'où mon budget d'une austérité qui ne fait que commencer. » Telle est la politique de Barnier.
Tiré de aplutsoc
9 octobre 2024
Par aplutsoc
La dette est à la fois l'ardoise de Macron et la croisade libérale d'austérité menée par Barnier. Une croisade sur plusieurs années. Explications.
1) Cette Dette, c'est la nôtre ? Ah bon ?
La dette des administrations publiques ? Seulement ? Tu parles…
En vrai, c'est un mécanisme financier infernal :
. L'État, pour financer ses dépenses, emprunte aux marchés financiers, et non à la Banque de France depuis que l'Union européenne l'a décidé.
. Une méthode du capitalisme financier.
. L'État français s'endette sur les marchés à des taux variables.
. Cette fluctuation des taux d'intérêt module le coût de refinancement de l'État.
Elle fait de la dette un instrument pour justifier la destruction des services publics et des modèles sociaux. C'est ainsi que la dette est d'abord et avant tout le « marché de la dette »
2) Une Dette instrument de l'austérité
. Le ralentissement de l'activité économique provoque une réduction des rentrées d'impôts, accentuée par les exonérations Macron pour les riches.
. Les recettes des impôts diminuent, le besoin de recourir à l'emprunt augmente.
. Et on est parti dans un cercle vicieux avec un effet boule de neige, c'est-à-dire une forte augmentation de la dette et des intérêts à payer.
. L'endettement public est en permanence instrumentalisé par le gouvernement, la Commission européenne, le Fonds monétaire internationale, ou encore les agences de notation , pour l'adoption de mesures d'austérité.
3) Et vlan ! Le budget Barnier et la baisse des budgets sociaux, …
…. les privatisations, la réduction de la protection sociale qui permet au plus grand nombre de vivre mieux (Sécurité sociale, système de retraites par répartition, assurance chômage de moins en moins protectrice)…
La démocratie ? « Perte de temps », crie le capitalisme ensauvagé !
Le pouvoir ne fait même pas semblant :
« La dette, surgie soudain à la rentrée, est celle du peuple, c'est vrai parce que je le dis, répète Barnier.
–Mais alors, nos besoins élémentaires, santé, travail, logement, ne sont pas pris en compte ? Le capitalisme d'automne n'a pas de temps à perdre avec la parole d'en bas ?
– Ben non, répond Barnier qui a une austérité à faire passer, la mise en souffrance de la démocratie en est la condition. »
Barnier comme Premier ministre est né d'un déni de démocratie électorale.
« Et alors ? Mon gouvernement dépend de Le Pen, de cette extrême droite rejetée par les électrices et les électeurs… Mais en quoi ça me concerne, moi Barnier je suis commissaire européen en capitalisme sauvage, alors, hein, les bulletins de vote…
– Ben alors, mon vote n'est pas pris en compte, seuls pèsent les intérêts des financiers, des riches, des nantis ? »
-Oui, oui, répond Barnier, minoritaire je suis minoritaire, j'impose les intérêts de la minorité, les très riches, les grandes fortunes. »
Austérité + déni de démocratie = putsch ultralibéral
Nous n'avons pas voté pour cette impasse démocratique, nous n'avons pas opté pour ce choc d'austérité contre nos intérêts sociaux et la satisfaction de nos besoins élémentaires.
Voilà pourquoi on ne peut plus séparer les revendications telles que l'augmentation des salaires, l'abrogation de la loi sur la retraite à 64 ans, la protection et l'indemnisation des chômeurs, avec l'exigence de démocratie.
S'opposer au putsch ultralibéral
Les jours heureux, à la naissance du Front Populaire, ont été vécus avec bonheur quand partis, syndicats et associations reconnaissaient comme leur le programme commun à tout le mouvement ouvrier. Eh bien, ce sont ces jours heureux qui doivent revenir, pour que vive ensemble notre programme revendicatif et notre espérance immédiate de démocratie.
Déni de démocratie et choc d'austérité – Le carburant raciste veut tout incendier
Au carrefour du déni démocratique et du choc d'austérité se développe un bloc réactionnaire contre une « invasion de migrant·es ».
Une puissante presse dominée par les milliardaires de droite et d'extrême droite déverse un discours anxiogène sur la menace d'une « immigration de masse ».
Une campagne électorale permanente de ces forces coalisées, dont le RN, dénonce le « laxisme » en matière d'immigration.
Elle appelle à intensifier les expulsions, jusqu'à la « remigration ». Retailleau au gouvernement, Le Pen en soutien à Barnier, en sont les animateurs.
Chaque jour, un « lumpen-commentariat » envahit les chaînes en continu et déverse les dénonciations de l'immigration comme des « préoccupations légitimes ».
Où est le cœur vibrant de l'idéologie de la réaction anti-immigrés ?
La panique morale organisée dénonce des frontières et des barrières qui s'érodent et des gens qui se trouvent là où ils ne devraient pas être.
Les réactionnaires lancent leur croisade contre « le déclin du mode de vie traditionnel » dominé par la perspective de « l'extinction des Blanc·hes ».
Les passions persécutrices et vengeresses sécrétées par le bloc réactionnaire sont le produit direct de :
. la compétition sociale incessante,
. l'inégalité de classes croissante,
. la célébration des gagnant·es et le sadisme envers les perdant·es,
. et des conséquences psychologiques de plus en plus toxiques de l'échec.
Le racisme d'aujourd'hui ?
Il est celui de l'époque des déplacements de populations entre les anciennes colonies et les anciennes métropoles coloniales.
Il est centré sur le refus des mouvements de populations provoqués par les dégâts de l'économie capitaliste, les guerres et les dérèglements climatiques.
C'est un racisme qui affirme l'irréductibilité des différences culturelles, et qui s'obsède du « danger « de l'effacement des frontières et l'incompatibilité des styles de vie.
C'est un racisme qui dit dans de multiples langues : « Puisque l'horizon du capitalisme est indépassable, alors battons-nous pour qu'il y en ait pour nous seuls car il n'y en aura pas pour tout le monde. »
Le nouveau pacte social et politique sur lequel convergent les néolibéraux et les néofascistes est un pacte économique à connotation ethno-raciale.
C'est pourquoi notre réponse combine la lutte pour la victoire du Nouveau Front Populaire, le développement des luttes sociales et la guerre au bloc raciste anti-immigrés.
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L’extrême droite autrichienne gagne les élections, mais surtout l’hégémonie

Les prévisions se sont finalement réalisées et le Parti de la liberté d'Autriche (FPÖ) a clairement remporté les élections législatives du dimanche 29 septembre 2024, devenant la première force du pays avec 28,85% des voix, soit une augmentation de plus de 12 points par rapport aux dernières élections.
9 octobre 2024 | tiré du site alencontre.org
http://alencontre.org/divers/lextreme-droite-autrichienne-gagne-les-elections-mais-surtout-lhegemonie.html
Avec ces résultats, le FPÖ a réussi pour la première fois de son histoire à dépasser le Parti populaire autrichien (ÖVP), qui a obtenu 26,27%, soit une baisse significative de 11 points de pourcentage dans les urnes. Bien que le Parti social-démocrate d'Autriche (SPÖ) n'ait pas réussi à améliorer ses résultats – 21,14% – il n'a pas non plus enregistré de pertes significatives, mais la progression du FPÖ le relègue à une inconfortable troisième place Il est suivi par le parti libéral NEOS avec 9,14% (+1,1) et les Verts avec 8,24% (-5,6). Ni le parti communiste autrichien (KPÖ : 2,3%), ni le parti satirique de la bière (BIER :2%) n'ont réussi à franchir le seuil nécessaire pour entrer au parlement et la question reste de savoir s'ils l'auraient fait si l'autre s'était retiré, ainsi que la mesure dans laquelle le SPÖ a capitalisé sur le vote utile de la gauche [1]. [Le taux de participation fut de 77,3%, donc plus élevé qu'en 2019 : 75,6% ; voir le graphique ci-dessous ayant trait à la répartition des sièges]

Les résultats de ces élections sont sans précédent et l'avenir politique de l'Autriche est incertain. Certaines voix internationales ont déjà exprimé leur inquiétude : le ministre italien des affaires étrangères, Antonio Tajani de Forza Italia, affirme :« Je pense que l'Autriche a besoin d'un gouvernement de coalition qui exclut le FPÖ, les combats politiques se gagnent toujours au centre afin que les partis d'extrême gauche et d'extrême droite ne puissent pas causer de dommages ». Le président de la Israelitische Kultusgemeinde Wien et Ariel Muzicant et de l'European Jewish Congress, a déclaré au quotidien italien La Stampa, le 30 septembre : « Kickl se réclame des slogans de Göbbels, je vais écrire au Président [Alexander Van der Bellen, élu au suffrage universel en janvier 2017] qu'il lui fasse obstacle [pour un rôle gouvernemental] »
Le fait que les « bleus » – nom donné à l'extrême droite en Autriche – aient remporté ces élections ne signifie pas automatiquement qu'ils gouverneront. Ce lundi 30 septembre, le quotidien Der Standard a rappelé qu'en 2019, il fallait 100 jours pour former un exécutif. Si le FPÖ a déjà préparé son équipe de négociation et ne veut pas attendre trop longtemps pour s'asseoir à la table des négociations, plusieurs obstacles se dressent sur son chemin à Ballhausplatz 2, le siège de la chancellerie fédérale autrichienne. Le président du pays, Alexander van der Bellen, pourrait par exemple, dans l'exercice de ses fonctions, ne pas confier à Herbert Kickl, le candidat du FPÖ, le soin de former un gouvernement en faisant appel aux piliers démocratiques de la constitution de la IIe République, bien que cette éventualité semble peu probable.
Les conservateurs décisifs
Si le FPÖ fait la une des journaux, c'est l'ÖVP qui détient la clé du gouvernement. Malgré son net recul – le Parti populaire autrichien n'a bénéficié ni de la baisse de l'inflation en août, ni de la stabilité supposée que les électeurs recherchent après des catastrophes naturelles telles que les récentes inondations en Europe centrale, ni de ses équilibres de politique étrangère avec la Russie sur la base de la neutralité historique du pays – les 52 députés conservateurs seront déterminants pour la formation d'un exécutif.
La première option de l'ÖVP serait d'entrer dans un gouvernement de coalition avec le FPÖ comme partenaire minoritaire. Cette option a ses partisans et ses détracteurs au sein du parti. Parmi les premiers – y compris, selon des interviews données il y a quelques semaines, le chancelier Karl Nehammer lui-même (ÖVP) – il y a ceux qui optent pour quelque chose de plus machiavélique : un cordon sanitaire non pas contre le FPÖ, mais contre Herbert Kickl, dans l'espoir de précipiter une crise interne dans le parti qui lui permettrait, au moins, de gagner de l'oxygène même s'il gouverne avec eux et de regagner ainsi le terrain perdu. Dans cette constellation politique, l'ÖVP utiliserait sûrement ses 52 sièges dans les négociations pour revendiquer des portefeuilles clés tels que les Finances, l'Intérieur et la Justice qui lui permettraient de se présenter à l'électorat comme le partenaire fiable de la coalition.
La deuxième option, une grande coalition avec les sociaux-démocrates étant exclue – l'empreinte que le président de gauche du parti [depuis juin 2023], Andreas Babler, a imprimée au parti est considérée comme « instable » par une grande partie de l'opinion publique – consiste pour l'ÖVP à diriger un gouvernement tripartite avec d'autres partis, les libéraux étant le « parti charnière », selon le modèle allemand.
La perte de voix dans les circonscriptions industrielles est particulièrement inquiétante pour les sociaux-démocrates. La direction du SPÖ a exprimé sa volonté d'entamer un cycle de négociations avec les autres partis, et bien que Michael Ludwig, maire de Vienne et l'un des poids lourds du parti, ait déclaré aux médias qu'un débat sur les noms au sein du parti n'était pas envisagé, la démission de Babler pourrait bien être le prix à payer pour la signature d'une coalition avec les conservateurs s'il finit par être considéré comme le principal obstacle à la formation de cette coalition. Comme le note Barbara Tóth dans Der Falter, « la campagne électorale est terminée et les luttes de pouvoir commencent ».
En attendant les discussions entre les partis, la société civile s'est déjà mobilisée et une première manifestation a déjà été convoquée pour le jeudi 3 octobre devant le Parlement, exigeant que les partis politiques ne pactisent pas avec le FPÖ.
Le FPÖ conquiert l'hégémonie
Même si le FPÖ reste en dehors du gouvernement, il ne faut pas oublier qu'il a gagné quelque chose d'encore plus important : l'hégémonie politique. En tant que première force parlementaire, il pourrait suivre l'exemple du Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen et, à partir de là, s'efforcer de miner l'exécutif – inévitablement présenté comme une « coalition de perdants » – puis, à un moment plus propice, s'attaquer à la Chancellerie fédérale. Entre-temps, et surtout à travers les apparitions médiatiques de ses élus et les médias sociaux, le FPÖ normalise son discours auprès de l'opinion publique.
La confirmation dans les urnes de ce que les sondages ont montré ces derniers mois et qui révèle que, contrairement à ce qui se passait il y a quelques années, de moins en moins d'électeurs n'hésitent pas à exprimer ouvertement leur sympathie pour le FPÖ, est une indication du chemin parcouru par l'extrême droite autrichienne dans ce domaine. Interrogée par l'agence de presse APA sur les résultats des élections, la dramaturge et prix Nobel de littérature 2004 Elfriede Jelinek – ancienne critique du FPÖ et l'une des voix les plus connues contre le parti – a répondu laconiquement : « Rien, tout a été dit, sauf que les catastrophes annoncées se produisent ».
Le FPÖ a donc des raisons de se réjouir des résultats de ces élections, car même sans gouverner, il pourra influencer l'agenda du prochain gouvernement. Kickl pourrait, depuis son siège de député, devenir l'un des hommes forts de l'extrême droite en Europe centrale. La figure de proue de cette tendance, Viktor Orbán, est déjà au pouvoir en Hongrie depuis des années, et lors des récentes élections régionales en République tchèque – qui se sont déroulées en même temps que les élections sénatoriales – le parti d'Andrej Babiš, l'ANO, a été le parti le plus voté. Si ces résultats se confirment, Andrej Babiš détrônerait Petr Fiala au poste de premier ministre lors des élections législatives prévues en octobre 2025, si elles ne sont pas anticipées. Babiš est l'un des fondateurs, avec Kickl et Orbán, des « Patriotes pour l'Europe », la troisième force au Parlement européen, dont Vox [dans l'Etat espagnol] est également membre.
Aucun des scénarios n'augure de « stabilité » et tous confirment un glissement vers la droite en Europe. (Article publié sur le site de Sin Permiso, le 30 septembre 2024 ; traduction-édition rédaction A l'Encontre)
[1] A Vienne, la capitale, le SPÖ obtient 29,8% de suffrages, le FPÖ 21,2%, l'ÖVP 17,6%, Grüne(Les Verts) : 12% ; NEOS 11,1%, KPÖ, 3,8%. Le taux de participation dans cette circonscription fut de 67,4%. Le quorum se situe à 4%.
Dans la ville de Graz, la troisième du pays, le SPÖ obtient 21,7% de suffrages, l'ÖVP, 21,3%, le FPÖ 19,9%, 17,6%, Grüne 15,5%, NEOS 12,1% ; KPÖ, 6%. Le taux de participation : 73,3%.
A Innsbruck, la deuxième du pays, le SPÖ obtient 23% de suffrages, l'ÖVP, 20,81%, le FPÖ 22,29, 17,6%, Grüne 14,68%, NEOS 11,56%, KPÖ 3,84%. Le taux de participation : 69,81%. (Réd.)
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Pour une politique migratoire d’accueil et de solidarité

Nous, associations, collectifs de personnes exilées, collectivités accueillantes et syndicats, faisons part de notre vive préoccupation quant aux intentions du gouvernement Barnier en matière d'immigration. Après le feuilleton de la loi sur l'asile et l'immigration, nous nous opposerons à toute nouvelle dégradation des droits des personnes exilées en France et continuerons à défendre une politique migratoire d'accueil et de solidarité.
5 octobre 2024 | tiré d'entre les lignes entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/10/05/pour-une-politique-migratoire-daccueil-et-de-solidarite/
A peine nommé, le gouvernement fait de l'immigration son cheval de bataille et multiplie les annonces outrancières et dangereuses. Le ministre de l'Intérieur a déjà annoncé réunir les préfets « des dix départements où il y a le plus de désordre migratoire pour leur demander d'expulser plus, de régulariser moins ». Nous dénonçons cette représentation mensongère des migrations : non, il n'y a pas de désordre migratoire, ni de crise migratoire. Nous assistons à une crise de l'accueil et de la solidarité, et une mise en danger des personnes exilées par des politiques de restriction et d'exclusion dont les gouvernements successifs se font les champions. Collectivement, nous revendiquons la régularisation des personnes sans-papiers, la protection des mineur-e-s non accompagné-e-s, le respect de la dignité et des droits humains.
Le ministre de l'Intérieur a annoncé vouloir remettre en cause l'Aide médicale de l'Etat (AME). La santé des personnes exilées est à nouveau instrumentalisée pour venir alimenter des considérations de politique migratoire. Nous souhaitons rappeler que l'AME est un dispositif de santé, essentiel pour l'accès aux soins des personnes et qu'elle répond à des enjeux de santé publique. A ce titre, cette politique publique se décide au ministère de la Santé. Nous nous inquiétons de voir nos gouvernant-e-s s'approprier la rhétorique d'extrême droite basée sur l'appel d'air et les dépenses incontrôlées, pourtant largement pourfendue par nombres d'études et rapports récents. Enfin, nous alertons sur le fait qu'environ un quart des bénéficiaires de l'AME sont mineur-e-s, et qu'il est intolérable de vouloir priver des enfants de l'accès aux soins.
Rien ne sera épargné aux personnes issues de parcours d'exil. Le gouvernement envisage même une nouvelle loi sur l'asile et l'immigration pour promouvoir des mesures pourtant censurées par le Conseil constitutionnel en début d'année. Ceci, à l'heure où nous constatons déjà les premières conséquences dramatiques de la loi promulguée le 26 janvier 2024. Ce gouvernement s'est lui-même placé sous la tutelle de l'extrême droite et a choisi de faire des personnes exilées le bouc-émissaire de tous les maux. Ses propositions s'inscrivent dans l'intensification du climat de peur pesant sur les personnes étrangères, et plus généralement sur toutes les personnes victimes du racisme. Le programme est clair : restrictions des droits, criminalisation des migrations et des personnes solidaires, répression des personnes exilées, enfermement à tout-va. Dans sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale ce mardi 1er octobre, le Premier ministre a annoncé vouloir « lutter contre le racisme » et traiter le sujet de l'immigration avec dignité, mais il se contredit aussitôt en prévoyant d'augmenter la durée maximale légale de rétention, d'empêcher les personnes exilées de franchir les frontières, et en faisant peser sur elles toutes les suspicions. En revanche, Michel Barnier ne remet à aucun moment en question les déclarations inquiétantes du ministre de l'Intérieur. Nous dénonçons l'orientation du gouvernement, et rappelons notre attachement à un Etat de droit qui respecte les personnes et les considère avec humanité, pas comme des indésirables.
Nous, associations, collectifs de personnes exilées, collectivités accueillantes, et syndicats, appelons à mettre fin à cette obsession migratoire xénophobe et dangereuse, et à respecter les droits de chaque personne, indépendamment de sa nationalité, de son origine, de sa religion, de son orientation sexuelle et de genre. Nous appelons chacun-e à la vigilance et à la solidarité, à continuer à soutenir et à participer aux actions, comme les luttes des travailleur-se-s Sans Papiers pour leur régularisation. Nous resterons mobilisé-e-s contre tout nouveau coup porté au respect des droits et à la dignité des personnes étrangères.
Signataires :
Organisations nationales : Les Amoureux au ban public / Anafé / ANVITA / Ardhis / CCFD-Terre Solidaire / CGT / La Cimade / CNAJEP / CRID / Dom'Asile / Emmaüs / Femmes Egalité / FSU / Gisti / Grdr – Migrations-Citoyenneté-Développement / Humanity Diaspo / J'Accueille / LDH (Ligue des droits de l'Homme) / Ligue de l'Enseignement / Limbo / Médecins du Monde / MRAP / On Est Prêt / Oxfam / Patrons Solidaires / PLACE Network / Planning Familial / Polaris 14 / Réseau Féministe « Ruptures » / Ripostes, pour une coordination antifasciste / SAF (Solidarités Asie France) / Singa / Thot / UEE / Union syndicale Solidaires / UniR Universités & Réfugié.e.s / Utopia 56 / Visa – Vigilance et initiatives syndicales antifascistes / Watizat / Weavers
Organisations locales : Association Bretillienne des Familles / Accueil Réfugiés Bruz / L'Auberge des migrants / Bienvenue Fougères / Droit à l'Ecole / Fédération Etorkinekin Diakité / Forum Social des Quartiers – Rennes le Blosne / Groupe accueil et solidarité (GAS) / L'Hirondelle de Martigné-Ferchaud / Intercollectif : Coordination Sans-Papiers 75, CTSP Vitry, CSPM, CSP 17e, CSP 93, Gilets Noirs / L'IOSPE – InterOrga de soutien aux personnes exilées de Rennes / Ligue des Droits de l'Homme – Pays de Rennes / Migrants en Bretagne Romantique – QMS / Pantin Solidaire / Paris d'Exil / Plouër Réfugié-e-s / Réseau Territoires Accueillants 35 / Soutien Migrants Redon / Tous Migrant / Un Toit c'est Un Droit Rennes / VIAMI Val d'lle-Aubigné Accueil Migrants
Paris, le 2 octobre 2024
https://www.ldh-france.org/pour-une-politique-migratoire-daccueil-et-de-solidarite/
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En Ukraine, l’écocide est utilisé comme arme de guerre. Cela devrait faire partie des crimes traités par la Cour pénale internationale

Depuis le 24 février 2022, la Russie mène contre l'Ukraine plusieurs guerres parallèles : la conventionnelle, l'hybride ou la cyberguerre, et celle contre l'environnement — l'écocide. L'écocide en tant qu'arme de guerre est accompagné par la destruction systématique des infrastructures civiles et du réseau énergétique du pays. L'écocide n'est donc pas uniquement un simple dommage collatéral de la guerre conventionnelle, son objectif est de rendre invivables les régions de l'Ukraine pour la vie civile.
26 septembre 2024 | Tjhe conversation | Des maisons inondées dans la ville d'Oleshky, en Ukraine, le 10 juin 2023. Les inondations ont suivi l'explosion catastrophique qui a détruit le barrage de Kakhovka dans la région méridionale de Kherson. (AP Photo/Evgeniy Maloletka, File)
https://theconversation.com/en-ukraine-lecocide-est-utilise-comme-arme-de-guerre-cela-devrait-faire-partie-des-crimes-traites-par-la-cour-penale-internationale-238641
En détruisant les infrastructures, les routes, et en forçant les autorités ukrainiennes à investir temps et ressources à la reconstruction, la Russie s'assure de nuire le plus possible à la campagne militaire. Toute ressource, humaine ou matérielle investie dans le sauvetage ou la reconstruction d'une région prive le complexe militaro-industriel de la même ressource. Il s'agit donc d'une tactique de guerre à large spectre, visant à limiter les capacités ukrainiennes dans plusieurs secteurs, notamment dans le secteur militaire.
Un homme passe devant une voiture endommagée après une attaque de roquettes russes à Malokaterynivka, dans la région de Zaporizhzhia, en Ukraine, le 21 août 2024. La présence d'une importante centrale nucléaire à proximité laisse craindre un écocide depuis le début de la guerre. (AP Photo/Andriy Andriyenko)
Professeur titulaire de relations internationales au Département d'histoire de l'Université Laval, ma co-auteure, Sophie Marineau, est doctorante à l'Université catholique de Louvain en histoire. Depuis 2014, la guerre en Ukraine et la réaction internationale vis-à-vis du conflit sont au centre de nos recherches respectives.
Un geste délibéré
Le mot écocide provient du grec oïkos (maison) et du latin caedere (tuer) : l'action de tuer la Terre.
Selon l'historien David Zierler, l'écocide est une destruction délibérée de l'écologie et de l'environnement comme arme de guerre. Pour Laurent Neyret, juriste et spécialiste du droit de l'environnement, l'écocide comprend « toute action généralisée ou systématique comprise dans une liste d'infractions qui causent des dommages étendus, durables et graves à l'environnement naturel, commises délibérément et en connaissance de cette action ».
Guerre du Vietnam
L'étude de l'écocide comme arme de guerre peut être retracée à la guerre du Vietnam lorsque les Américains ont mené de larges campagnes de bombardements visant à rendre le territoire hostile et inhabitable pour la population et le Front national de libération du Sud Vietnam, notamment par l'utilisation de l'Agent orange. Depuis, plusieurs tentatives, par différents acteurs de la communauté internationale, ont échoué à faire reconnaître l'écocide comme un crime international. Encore aujourd'hui, la lutte continue.
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À cet effet, depuis le début de l'invasion russe de février 2022, le président ukrainien déplore le manque de reconnaissance internationale de l'écocide, et l'absence de compétence de la Cour pénale internationale (CPI) pour ce type de crime.
Cour pénale internationale
Les quatre crimes pour lesquels la CPI a compétence sont le génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et le crime d'agression. Dans une vidéo sur son canal Telegram, le président Volodymyr Zelensky déclare que la Russie est coupable de crime d'agression, l'un des crimes de guerre qu'elle a commis, et qu'on peut ajouter à la liste un écocide brutal à la suite de la destruction du barrage Khakovka en juin 2023.
En liant l'écocide aux autres crimes pour lesquels la CPI a compétence, Zelensky souhaite attirer l'attention de la communauté internationale sur la sévérité des dégâts causés par la guerre. Les coûts de reconstruction, estimés par la Banque Mondiale, sont déjà à près de 500 milliards de dollars américains pour tout le territoire ukrainien.
La destruction du barrage de Kakhovka pourrait éventuellement inciter la Cour pénale internationale à inclure l'écocide comme un cinquième crime relevant de ses compétences.
Vue aérienne d'un barrage coupé en deux
Cette image fournie par Maxar Technologies montre le barrage et la station de Kakhovka, en Ukraine, après son effondrement, le 7 juin 2023. (Satellite image 2023 Maxar Technologies via AP, File)
Rupture du barrage de Kakhovka
Selon le rapport de l'ONU, la destruction délibérée du barrage de Kakhovka, situé au sud de l'Ukraine et sous occupation de l'armée russe, le 6 juin 2023, a provoqué une inondation dévastatrice sur plus de 620 km2.
La rupture du barrage a causé la mort d'au moins 40 civils ukrainiens, quelque 4 400 foyers ont été inondés et plus de 4 000 personnes des oblasts de Kherson et de Mykolaivska ont été déplacées. Le rapport indique aussi de nombreux dommages sur l'écosystème de la région, notamment sur l'industrie de la pêche. On dénombre la perte de plus de 11 388 tonnes de poissons. Quelques 11 294 hectares de forêt ont aussi été détruits par les inondations. Parallèlement, le barrage permettait de fournir de l'eau potable à près d'un million de personnes qui s'en sont retrouvées privées à la suite de sa destruction.
Un homme accroupi devant des milliers de poissons morts gisant sur une terre asséchée
Un photographe prend des photos de poissons morts dans le réservoir asséché de Kakhovka après la destruction catastrophique du barrage de Kakhovka près de Kherson, en Ukraine, le 18 juin 2023. On dénombre la perte de plus de 11 388 tonnes de poissons. (AP Photo/Mstyslav Chernov)
Notons également que la Russie a refusé l'aide des Nations unies pour secourir la population civile ukrainienne sinistrée dans les zones sous son contrôle.
Pas un cas isolé
Malheureusement, le cas du barrage Khakovka n'est pas un cas isolé dans cette guerre. La Russie a visé d'autres barrages, notamment ceux de Oskil et de Pechenihy, en plus des attaques autour de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia — cinq fois plus grandes que la centrale de Tchernobyl, dont l'explosion de 1986 causerait potentiellement jusqu'à 25 000 cancers supplémentaires en Europe d'ici 2065.
L'armée russe a également transformé la centrale nucléaire de Zaporizhzhia en base militaire, sachant pertinemment que l'armée ukrainienne ne la prendra jamais pour cible, pour éviter tout incident, même si une contre-offensive devait être lancée dans la région.
Vue d'une caméra d'une centrale nucléaire. Une fumée s'élève d'une tour de refroidissement
Sur cette image d'une caméra de surveillance, de la fumée s'élève d'une tour de refroidissement de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia dans une zone contrôlée par la Russie dans la région, en Ukraine, le 11 août 2024. (Ukrainian Presidential Press Office via AP)
De nombreux autres sites industriels endommagés ou détruits par les frappes russes ont causé des fuites de produits chimiques dangereux dans les rivières, les lacs, et dans l'écosystème ukrainien de façon générale.
Plus récemment, le 26 août 2024, la Russie a également lancé une frappe massive contre la centrale hydroélectrique de Kiev. Des coupures d'eau et d'électricité ont été signalées, mais la centrale n'aurait pas subi de dommages critiques selon les autorités ukrainiennes. En visant les infrastructures énergétiques, la Russie espérait démoraliser les Ukrainiens en les privant durablement d'eau et d'électricité.
Un droit international non contraignant
Étant donné que l'écocide n'est pas à l'heure actuelle un délit pénal au regard du droit international, l'Ukraine pourrait poursuivre les auteurs présumés de l'écocide en appliquant son propre code pénal. L'article 441 de ce code définit l'écocide comme étant la « destruction massive de la flore et de la faune, l'empoisonnement de l'air ou des ressources en eau, ainsi que toute autre action susceptible de provoquer une catastrophe environnementale ». Le code prévoit une peine d'emprisonnement allant de 8 à 15 ans.
L'Ukraine n'est cependant pas seule dans sa campagne pour faire reconnaitre l'écocide comme un crime international. Le Vanuatu a déjà soulevé la proposition en 2019, récemment appuyée par Fidji et Samoa — deux États insulaires du Pacifique — particulièrement vulnérables aux changements climatiques et à la montée des océans. Une demande formelle a été déposée à la CPI, le 9 septembre 2024.
Si l'écocide devait être reconnu comme une nouvelle compétence de la CPI, l'Ukraine serait alors en droit d'engager des procédures contre la Russie pour les ravages délibérés de la guerre actuelle sur son territoire.
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