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Il n’y aura pas de paix juste sans sanctions contre Israël

Le 6 octobre 2023, il n'y avait ni calme, ni paix pour les Palestiniens. La violence, nous la vivons au quotidien. Elle s'invite dans notre chair, sous les bombes, aux check-points, derrière les barreaux, dans la rue, ou simplement en allant cueillir des olives.
Tiré du blogue de l'auteur.
Nous, Palestiniennes et Palestiniens — et Arabes de manière plus générale — sommes exténués. Chercher l'empathie et la reconnaissance de notre lutte auprès de l'opinion publique semble parfois vain. Comme nos parents, nos grands-parents avant nous, nous portons chaque jour le deuil de nouveaux massacres, exodes forcés, maisons arrachées, révoltes écrasées. Inlassablement, nous devons justifier notre droit le plus élémentaire de vivre libres sur notre terre, en espérant ne pas être accusés d'antisémitisme ou d'apologie du terrorisme. Un an écoulé et se pose la question de comment avancer ? La fin de l'impunité d'Israël alimentée par notre déshumanisation reste la clé.
Le génocide en cours à Gaza est sans aucun doute l'un des pires épisodes de l'histoire contemporaine du peuple Palestinien. Israël a tué plus de 40,000 palestiniens et exterminé 902 familles entières rayées du registre de la population. Il est difficile de prendre du recul lorsque nous sommes dans le tourbillon d'un moment historique et une telle déflagration, où l'urgence est à stopper le carnage, arrêter de creuser des fosses communes.
Néanmoins, pour construire un chemin politique et social fondé sur les valeurs de liberté, équité et droits humains sur toute la terre du Jourdain à la mer Méditerranée - aujourd'hui entièrement contrôlé par Israël - il faut comprendre le moment actuel dans son contexte - même le plus immédiat - à la lumière des faits et non de la désinformation et des anathèmes, car les narratifs sont intimement liés aux décisions politiques.
La violence n'a pas commencé le 7 octobre et le “conflit” ne s'est pas amorcé ce jour-là non plus. Faire de cette date le point de départ pour expliquer la situation — et en faire le point central de la couverture médiatique sur la situation — c'est déjà s'inscrire dans le problème. Prendre pour prisme les violences subies par les Israéliens plutôt que de les reconnaître comme un symptôme, c'est effacer d'un revers de main des décennies de politiques génocidaires, d'invasions de pays voisins, de bombardements de capitales étrangères, et de spoliation des terres. Cela banalise la violence, tout en exigeant de nous soumission, silence et surtout, l'interdiction de résister pour un avenir meilleur.
Demander aux Palestiniens ce qu'ils pensent de la violence ou s'ils la condamnent — une tactique d'interview usée jusqu'à la corde — c'est faire l'impasse sur le fait que cette violence, nous la vivons au quotidien. Elle s'invite dans notre chair, sous les bombes, aux check-points, derrière les barreaux, dans la rue, ou simplement en allant cueillir des olives. Aucun parent, qu'il soit chrétien, juif, musulman ou bouddhiste, ne devrait jamais avoir à enterrer son enfant.
Il y a soixante-seize ans en 1948, 750,000 Palestiniens étaient expulsés de leurs terres et forcés à l'exil - dont toute ma famille paternelle - dans une campagne de nettoyage ethnique appelée la Nakba. Depuis octobre 2023, deux millions de Palestiniens de Gaza ont de nouveau été déplacés, nombreux d'entre eux étant déjà des réfugiés de la Nakba de 1948.
Les Palestiniens ont toujours vécu la Nakba comme un processus continu de dépossession et non pas un événement limité dans le temps. Une violence palpable, tant dans des flambées extrêmes comme à Gaza aujourd'hui que dans le système complexe de colonisation imposé par l'occupation militaire et l'apartheid, qui envahissent nos vies quotidiennes, contrôlant notre temps, notre espace, et jusqu'aux décisions les plus intimes.
La dernière décennie a été marquée par la fin de l'illusion d'un "processus de paix", par des soulèvements massifs populaires comme la Grande Marche du Retour de 2018 à 2020, réprimée dans le sang, et les soulèvements populaires en 2021 pour Jérusalem, tant d'événements qui ont culminé avec l'attaque du 7 octobre.
L'extermination en cours à Gaza s'inscrit dans un continuum d'oppression systémique qui remonte aux origines du projet sioniste. Il n'est pas le résultat d'une vengeance qui aurait mal tourné ou d'une réponse “exagérée” au 7 octobre ou encore moins d'une offensive visant à “éliminer le Hamas”. Ce n'est pas non plus une guerre pour récupérer les otages israéliens, qui auraient été libérés depuis longtemps si Netanyahu n'avait pas rejeté les accords de cessez-le-feu successifs ou fait assassiner le principal négociateur du Hamas. De toute manière, le gouvernement Israélien aurait trouvé d'autres prétextes pour l'opération de destruction totale en cours.
Le 6 octobre 2023 il n'y avait ni calme, ni paix pour les Palestiniens, seulement une illusion de tranquillité pour les Israéliens barricadés derrière leurs murs et leur arsenal militaire étouffant et invisibilisant les Palestiniens. Gaza subissait depuis seize ans un blocus inhumain et transformé en "prison à ciel ouvert". En Cisjordanie, les années 2022 et 2023 avaient été les plus meurtrières depuis des décennies. La violence quotidienne contre les Palestiniens, banalisée et ignorée des médias, était reléguée au rang de simples épisodes dans un “conflit inextricable” — un anathème effaçant toute dimension coloniale et politique, exonérant ainsi Israël de ses responsabilités.
Aujourd'hui Netanyahu et sa coalition mènent une stratégie de destruction totale en commençant par Gaza et par extension la Cisjordanie et le Liban. Il embrasse la doctrine du leader sioniste Jabotinsky qui, en 1923 reconnaissant le caractère colonial du projet sioniste, et qu'« il n'existe pas de cas unique de colonisation effectuée avec le consentement de la population autochtone” prônait la mise en place d'un “mur de fer” pour écraser toute contestation.
Comment Israël a-t-il pu façonner et fabriquer un tel consentement à son entreprise de conquête coloniale et bénéficier d'une telle impunité face au piétinement continu de toute loi internationale ?
La réponse est dans la déshumanisation des Palestiniens, et le racisme qui irrigue la perception de la situation entre Israéliens et Palestiniens.
Les Palestiniens sont présumés coupables, violents et racistes jusqu'à preuve du contraire. L'accent médiatico-politique est mis sur les victimes idéales — femmes, enfants, médecins — comme si les hommes, artisans de leur quotidien, avaient moins droit à la dignité. Le génocide, filmé en temps réel, se transforme en débat sémantique, la famine est qualifiée d'"inventée", et les mensonges d'État repris pour argent comptant. Les civils ne sont plus des civils et les limites du pire toujours dépassables. Cybersurveillance, censure, incarcération, répression des mouvements de solidarité et accusations d'antisémitisme parachève l'arsenal pour criminaliser les Palestiniens et normaliser la violence d'Etat Israélienne.
D'autre part, qualifier le Hamas de "groupe terroriste", un concept politique sans définition en droit international, ou comme un mouvement antisémite visant à anéantir les juifs, dépolitise la nature de ce groupe et légitime toute forme de punition collective et d'oppression. Pourtant, l'oppression des Palestiniens, leur résistance et leurs révoltes existaient bien avant la création du Hamas en 1987, qui lui-même est né dans ce contexte d'un demi-siècle de répression.
Au contraire, la communauté internationale, en particulier les pays occidentaux, part du principe que les choix politiques et les actions d'Israël sont par essence légitimes et menés de bonne foi. Ainsi, les dirigeants israéliens ont perfectionné la politique du fait accompli : gagner du temps pour étendre son emprise coloniale, repousser les lignes rouges et rendre toute contestation future d'autant plus difficile. La nouvelle litanie des "négociations pour un cessez-le-feu" remplace le "processus de paix". Une tactique qui ne date pas d'hier. Lorsque l'armée israélienne a occupé la Cisjordanie et Gaza en 1967, le monde a demandé qu'ils se retirent immédiatement et mettent fin à l'occupation. Puis lorsque les colonies ont été construites et se sont consolidées sans aucune conséquence internationale, les négociations se sont réduites à demander le gel de nouvelles colonies. Cinquante ans plus tard, plus de 700,000 colons règnent en maître en Cisjordanie et l'assemblée générale des Nations Unies vote de nouveau pour demander à Israël de “mettre fin à l'occupation”.
Mais voilà, après un siècle de contestation de l'entreprise coloniale sioniste, les Palestiniens sont toujours là, et demandent l'intégralité de leurs droits.
Ce que demande l'avenir immédiat est d'abord la reconstruction d'un mouvement national politique Palestinien unifié qui puisse se réapproprier notre combat historique. Un pouvoir qui devra englober toutes les parties prenantes politiques, du Hamas au Fatah en passant par les non-affiliés et les réfugiés en exil, sans que notre mobilisation politique soit écrasée avant même d'être organisée.
Nous devons entre temps résister à la tentation d'embrasser les gesticulations diplomatiques hâtives et propositions de “raviver” des “solutions” et “processus de paix” voués à normaliser les faits accomplis coloniaux, masquer les responsabilités d'Israël tout en nous imposant des dirigeants fantoches choisis par leurs mécènes.
La véritable question à poser aujourd'hui n'est pas de savoir si la “solution à deux États peut être sauvée”, mais quel contrat social nous souhaitons instaurer sur l'ensemble du territoire qui inclut aujourd'hui Israël et les territoires occupés depuis 1967. Tant que les lois constitutionnelles et les institutions en place, racistes par essence, continueront de donner plus de droits aux juifs, tant que les Palestiniens ne pourront pas revenir sur leur terre, et tant que remettre en question le sionisme en tant que projet politique restera un tabou intouchable, la violence prévaudra.
Il n'y aura pas de cessez-le-feu sans sanctions contre Israël et sans prise de conscience internationale que l'impunité et la complicités doivent cesser. Il n y aura pas de paix sans démanteler le système d'Apartheid et de Nakba continue. Il n'y aura pas de paix sans justice internationale ou droits fondamentaux pour tous.
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Enquête : Le gouvernement de Netanyahou ne se contente pas d’autoriser la terreur juive en Cisjordanie, il la finance également

Les colons parlent de révolution : Plus de 60 avant-postes agricoles illégaux ont vu le jour en Cisjordanie au cours des sept dernières années, s'emparant de vastes étendues de terres palestiniennes. Grâce à la main-d'œuvre bon marché fournie par des jeunes « à risque », cette entreprise est également devenue l'un des principaux fomentateurs de la terreur juive dans les territoires - et l'État paie généreusement la facture.
Tiré de France Palestine solidarité. Article originalement paru dans Haaretz. Photo : Les colons israéliens mènent des raids à Masafer Yatta © Mohammad Hureini
La route menant à Havat Dorot Illit - la ferme d'Upper Dorot - commence en fait par une descente abrupte. Le virage serré de la route interne de la colonie de Ma'aleh Shomron mène à un sentier vierge dans une réserve naturelle, ce qui représente un défi même pour les conducteurs expérimentés. Le sentier a été tracé uniquement pour la ferme. Pendant de longues minutes, il ressemble à une route qui ne mène nulle part.
Au sommet de la colline se trouve la maison des propriétaires de la ferme : Ben Yishai Eshed, sa femme Leah et leurs deux jeunes enfants. Une famille et un troupeau de bovins, qui sont restés comme un os dans la gorge des communautés palestiniennes de longue date vivant dans la région. À quelque distance de la maison familiale, une cabane en béton domine le terrain. C'est le quartier général improvisé des soldats de l'unité de défense régionale des Forces de défense israéliennes qui gardent l'avant-poste des colons. Cependant, le cœur de la ferme palpite à l'intérieur d'une modeste structure située sur le côté : une grande tente recouverte d'une toile noire. Les matelas entassés à l'intérieur indiquent que c'est là que vivent les garçons de Dorot Illit.
Dans une vidéo promotionnelle diffusée sur le web, Eshed se vante de la présence dans la ferme de pas moins de six jeunes « volontaires qui apprennent à travailler, à apprécier et à aimer la terre ».
Lors de notre visite, nous avons rencontré deux jeunes qui ont déclaré avoir 17 et 16 ans, bien qu'ils aient l'air plus jeunes. L'un d'eux nous a expliqué qu'il avait grandi dans une ville isolée du nord d'Israël, qu'il avait quitté l'école il y a un an et qu'il s'était retrouvé à la ferme par l'intermédiaire d'une connaissance de ses parents. Depuis qu'il s'est installé dans cet avant-poste isolé, il s'est astreint à une routine exigeante qui consiste à se lever à 5 heures du matin pour emmener les vaches au pâturage. Au fil du temps, il est également devenu habile dans la récolte des olives et les travaux d'entretien. Après nous avoir raconté son histoire, il part à toute vitesse avec son ami sur un véhicule tout-terrain.
C'est alors qu'Eshed lui-même arrive de la route principale. Il est un instant déconcerté par ces invités inattendus qui sont venus faire une randonnée dans la réserve naturelle et se sont retrouvés dans sa ferme, mais il nous adresse immédiatement un regard amical. « Les enfants vous ont offert du café ? » demande-t-il, en précisant qu'il veut dire “les gars”. Qui sont les gars ? « Des jeunes de 15 ou 16 ans qui ne se sont pas retrouvés à l'école », explique-t-il.
Eshed se sépare de nous cordialement mais fermement. Nous reprenons le chemin sinueux. En chemin, nous apercevons un conteneur de stockage portant l'inscription « Uri Eretz Ahavati » (Réveille-toi, ma terre bien-aimée) - le nom de l'association à but non lucratif pour les jeunes à risque qui est à l'origine du projet éducatif expérimental de la ferme. Selon ses rapports au Registre des associations, Uri Eretz gère « un cadre éducatif pour les jeunes qui ont des difficultés à s'intégrer dans des cadres formels, ce qui implique la création de fermes agricoles qui servent de pensionnat pour les jeunes, où on leur apprend à aimer la terre et à travailler le sol ».
Dorot Illit constitue la première partie du projet. En 2023, l'association à but non lucratif qui exploite la ferme a reçu près de 400 000 shekels (environ 110 000 dollars) du ministère du développement du Néguev et de la Galilée ; Eshed reçoit également un salaire symbolique de l'organisation. En outre, le ministère de l'agriculture a approuvé une subvention de près de 100 000 shekels sur une période de deux ans. Ce n'est pas tout. Jusqu'à la fin de l'année 2023, la ferme a également bénéficié d'un soutien dans le cadre d'un programme pour les jeunes à risque lancé par le Fonds national juif.
En juillet dernier, des colons de la ferme et de ses environs sont arrivés dans un village palestinien voisin. Selon les habitants, les intrus les ont attaqués avec des tuyaux de fer, des gourdins et des pierres, et ont incendié leurs tentes ; un garçon de 3 ans qui dormait dans l'une d'elles a été blessé. Au total, cinq habitants du village ont été hospitalisés. Eshed lui-même a été documenté sur les lieux. Une plainte déposée par l'un des villageois a été rejetée par la police, qui a affirmé qu'elle n'était pas en mesure de localiser les suspects.
Les Palestiniens affirment que cette agression est la pire d'une série d'actes abusifs perpétrés par les gens de la ferme. En effet, ils considèrent leur vie avant et après l'établissement de l'avant-poste.
En définitive, Havat Dorot Illit - l'un des endroits les plus extrêmes et les plus indisciplinés de Cisjordanie, qui est devenu un foyer de frictions et de violences presque dès sa création - bénéficie d'une part importante du financement public. Et ce n'est pas le seul.
* * *
Les colons de Cisjordanie parlent de ce qui se passe depuis quelques années dans les avant-postes agricoles et pastoraux, presque tous illégaux, comme d'une véritable révolution. Son esprit incarne le « miracle » que la ministre des Missions nationales, Orit Strock, a décrit dans le contexte des événements déclenchés par le massacre du 7 octobre. En effet, dans l'ombre de la guerre qui dure depuis un an, le gouvernement a resserré son emprise sur la Cisjordanie. Le plat de résistance de ce repas est constitué de groupes relativement restreints de fermiers gloutons qui prennent le contrôle de vastes étendues de terre.
Les pionniers dans ce domaine existent depuis longtemps. Les premières communautés qu'ils ont créées, dans les années 1980 et 1990, étaient la ferme Har Sinai dans les collines du sud d'Hébron, le ranch d'Avri Ran à Givot Itamar et la ferme Skali à l'est de la colonie d'Elon Moreh. Au début de l'année 2017, 23 avant-postes de ce type étaient disséminés en Cisjordanie. Mais depuis lors, leur nombre a considérablement augmenté, avec quelque 65 nouveaux avant-postes créés en l'espace de sept ans seulement. En 2021, Amira Hass a publié un article dans Haaretz sur quatre fermes qui avaient été créées en l'espace de cinq ans et qui contrôlaient une superficie équivalente à celle de la ville de Holon.
Aujourd'hui, il existe environ 90 avant-postes de ce type qui, ensemble, couvrent approximativement 650 000 dunams (162 500 acres) de terres, soit environ 12 % du territoire de toute la Cisjordanie - une superficie équivalente à celle de Dimona, Jérusalem, Be'er Sheva, Arad et Eilat réunies.
L'entreprise florissante des avant-postes pastoraux et agricoles, qui diffèrent du type d'avant-postes typiquement associés aux jeunes des collines, a été lancée et fondée de manière bien planifiée. Il suffit d'écouter Zeev (« Zambish ») Hever, le leader de longue date des colons qui a librement accès au bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu. Hever, le cerveau de l'accaparement des terres dans les territoires et le chef d'Amana, la principale branche opérationnelle du mouvement pour la création d'avant-postes de colons, a fait la lumière sur le projet en juin. Dans une interview accordée au magazine Nadlan Yosh (Judea-Samaria Real Estate), M. Hever a indiqué que la mission principale d'Amana était de « sauvegarder les territoires ouverts » et a ajouté que « les principaux moyens que nous utilisons sont les fermes agricoles ». Il a également noté que « la zone occupée par ces fermes est 2,5 fois plus grande que la zone occupée par les centaines de colonies ».
Amana est assurément une organisation puissante, dont les actifs sont estimés à 600 millions de shekels (environ 158 millions de dollars actuellement). Néanmoins, elle n'aurait pas pu, à elle seule, donner vie à une entreprise aussi ambitieuse. Ces dernières années, l'État a fait des fermes d'avant-postes un projet phare et les a comblées de largesses extraordinaires. Des dizaines de millions de shekels de fonds publics sont injectés dans ces communautés directement par les ministères, les autorités locales des territoires et la division des colonies de l'Organisation sioniste mondiale. Parallèlement, le ministre des finances, Bezalel Smotrich, a annoncé qu'il travaillait à la légalisation officielle des fermes.
Des dizaines de millions de shekels de fonds publics sont injectés dans ces communautés. Au moins six ministères sont impliqués dans le financement et le maintien de cette entreprise en plein essor, dont l'objectif sous-jacent est la dépossession systématique des résidents palestiniens.
Contrairement au passé, les propriétaires des nouvelles fermes ont tendance à jouer le jeu avec l'État, s'écartant ainsi de l'idéologie « classique » des jeunes des collines, qui rejetaient totalement la coopération avec ce qu'ils considéraient comme l'establishment. Le résultat est que les agriculteurs des avant-postes travaillent désormais main dans la main avec l'État, qui leur accorde des prêts pour l'établissement de leurs communautés, leur attribue des contrats pour des pâturages, les relie aux infrastructures, répond à leurs besoins en matière de sécurité, leur achète du matériel et leur offre également des « subventions pour le pâturage » et même des « subventions pour la création d'entreprises ».
L'enquête de Haaretz révèle qu'au moins six ministères sont impliqués dans le financement et le maintien de cette entreprise florissante, dont l'objectif sous-jacent est la prise de possession de terres par la force et la dépossession systématique des résidents palestiniens.
Le généreux panier de soutien n'est qu'un élément de cette initiative. Le Fonds national juif (Keren Kayemeth LeIsrael) est également devenu un soutien important de cette initiative, sa principale contribution tournant autour de projets pour les jeunes à risque dans les fermes et les ranchs.
D'une manière générale, le terme « jeunes à risque » est devenu ces dernières années la cheville ouvrière de toute une industrie de « blanchiment » des fermes, notamment en termes d'image. Le séjour des adolescents sous l'égide d'un cadre « éducatif » ou « réhabilitatif » confère aux avant-postes une légitimation précieuse, qui se traduit par des budgets conséquents. Certains programmes sont même inclus dans les paquets d'activités d'enrichissement que le ministère de l'éducation propose aux établissements d'enseignement.
Entre-temps, cependant, il est de plus en plus évident que, dans de nombreux cas, les avant-postes d'agriculteurs et de bergers sont devenus un terrain propice à la violence nationaliste extrême. Les exemples de ces dernières années sont nombreux : la ferme de Zohar Sabah, dans la vallée du Jourdain, d'où des colons, dont certains étaient mineurs, ont attaqué le directeur d'une école palestinienne dans l'enceinte de l'établissement ; la ferme de Hamachoch, près de Ramallah, dont les habitants ont réussi à chasser les résidents du village palestinien voisin, Wadi al-Siq ; Yinon Levy, de la ferme de Meitarim, dans le sud des collines d'Hébron, qui a mené des attaques et des harcèlements qui ont forcé les résidents d'un autre village à s'enfuir. Dans ces fermes, la force d'avant-garde est souvent composée d'adolescents à risque.
Depuis que la guerre a éclaté il y a un an, la passion ostensible de la vengeance parmi les colons des fermes s'est accrue, de même que leur audace. Le Shin Ben a récemment remis au gouvernement un document dans lequel il mettait en garde contre la prolifération rapide des fermes et l'augmentation des incidents violents qui en découlent. Appelons un chat un chat », déclare Hagit Ofran, qui dirige le projet “Settlement Watch” au sein de Peace Now. « La montée en flèche de la violence des colons en Cisjordanie est directement liée à l'émergence des avant-postes agricoles. Leurs habitants sont responsables d'une grande partie de cette violence ». Dans le même temps, le nombre de communautés palestiniennes situées à proximité des fermes et dont les habitants ont été chassés de force de leurs maisons a fortement augmenté.
Nous parlons de 35 expulsions [de villages] au cours des deux dernières années, la majorité d'entre elles étant des « expulsions d'octobre » », note Dror Etkes, fondateur de Kerem Navot, une ONG qui surveille les colonies en Cisjordanie.
L'arène internationale n'est pas restée indifférente à cette évolution. Au cours de l'année écoulée, les États-Unis, la Grande-Bretagne et d'autres pays ont imposé des sanctions aux propriétaires de six de ces fermes. Expliquant les raisons des mesures imposées à trois fermes en mars dernier, l'administration Biden a déclaré qu'elles s'étaient « livrées à des violences répétées et à des tentatives de violence contre des Palestiniens en Cisjordanie » et, dans certains cas, contre d'autres Israéliens également.
Mais les jeunes volontaires qui vivent dans ces communautés ne sont pas affectés par la condamnation internationale. « Depuis que la guerre a commencé, nous sommes pratiquement autorisés à tout faire, du point de vue de la sécurité et aussi en ce qui concerne les autorisations », déclare avec une honnêteté inquiétante un jeune qui vit à Havat Oppenheimer, à côté de la colonie haredi (ultra-orthodoxe) d'Immanuel, dans le nord de la Cisjordanie. « L'armée est avec nous et il nous sera plus facile de prendre possession des terres. Il en va de même pour les États-Unis, car depuis le 7 octobre, ils ont les yeux rivés sur Gaza et moins sur la Judée et la Samarie [en Cisjordanie] ». En effet, depuis que la guerre a éclaté, des réservistes ont été déployés en permanence dans les avant-postes agricoles, renforçant ainsi l'emprise sur les terres de Havat Oppenheimer, alias Havat Se'orim (Ferme de l'orge), et d'autres avant-postes similaires.
La ferme de l'orge, créée à la mi-2023 par le chef du service foncier du conseil régional de Samarie, se trouve non loin de Dorot Illit. « Il y a trois fermes le long du même axe », explique le jeune homme, qui ajoute : »C'est divisé d'une manière absolument stratégique.
Le joyau de la couronne est la « salle de guerre », une partie du bâtiment principal remplie d'écrans divisés qui reçoivent les images des caméras disséminées dans la région, ce qui permet d'observer l'ensemble du secteur 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Une salle de contrôle plantée au cœur d'une réserve naturelle verdoyante. Le propriétaire de la ferme dispose même d'un drone équipé d'un mécanisme de vision nocturne, grâce à la générosité du One Israel Fund, une organisation américaine qui fournit aux avant-postes agricoles toute une série de dispositifs technologiques liés à la sécurité.
« Depuis que la guerre a commencé, nous sommes pratiquement autorisés à tout faire », explique un jeune qui vit à Havat Oppenheimer, dans le nord de la Cisjordanie. « L'armée est avec nous et il nous sera plus facile de prendre possession des terres.
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Nili, situé à quelques kilomètres à l'est de la ligne verte, est un symbole de la colonisation séculaire et bourgeoise. Ses maisons aux toits de tuiles rouges sont entourées d'une clôture hermétique. Dans la rue qui mène à la colonie, une installation composée de chaises vides appelle silencieusement à un accord pour sauver les otages de Gaza. Depuis le point d'observation situé au sommet de la colline, deux villages palestiniens sont visibles à proximité, rappelant l'objectif fondamental de la création de ces communautés. Pourtant, aujourd'hui, la contribution des colonies de vétérans comme celle-ci à l'objectif de creuser un fossé entre les communautés arabes de Cisjordanie semble presque marginale.
Il n'est pas nécessaire d'avoir des jumelles pour observer les nouveaux développements dans la région. Au pied de Nili se trouve la ferme Magnezi, nommée d'après son fondateur, Yosef Chaim Magnezi, qui y vit avec sa femme Devora et leur tout jeune fils. « Le contraste entre Nili et Magnezi constitue l'essence de toute l'histoire ici », affirme l'activiste Etkes. Magnezi couvre environ 5 000 dunams (1 250 acres) de terres agricoles - la taille de la ville de Yehud-Monosson dans le centre d'Israël, et quatre fois la taille de Nili - même si toute sa population consiste en une seule famille vivant dans un camion transformé en résidence, avec quelques invités occasionnels.
La ferme de Magnezi a étendu ses longues tentacules sur les terres palestiniennes qui l'entourent au moyen de nouveaux chemins de terre. Les documents promotionnels rédigés à propos de la ferme indiquent que son objectif est « d'empêcher une prise de contrôle par les Arabes des territoires de notre précieuse terre ». Magnezi, pour sa part, a déclaré dans une interview : « Il y aura des Juifs dans ces collines. Il y a ceux qui comprennent plus vite et ceux [qui comprennent] plus lentement ».
L'avant-poste, avec son troupeau de 200 moutons, ses pâturages à perte de vue et ses bosquets de bananiers et de manguiers, ne pourrait exister sans un réseau efficace de bénévoles. La plupart sont des adolescents, dont certains ont abandonné leurs études dans divers cadres et d'autres n'ont pas de contact avec leur famille. Selon le site Internet de Hashomer Yosh (Gardien de la Judée-Samarie), une organisation soutenue par le gouvernement qui contribue à fournir des volontaires aux fermes - qui vient tout juste de faire l'objet de sanctions américaines - « de nombreux jeunes viennent à Magnezi... parmi eux des jeunes haredi de [la colonie de] Kiryat Sefer ».
Magnezi et sa femme délèguent de nombreuses tâches aux membres de leur jeune main-d'œuvre - dont certains sont classés comme étant à risque - y compris l'entretien des infrastructures et le travail de berger. L'enveloppement thérapeutique et rééducatif ostensiblement fourni par la ferme est basé sur le travail manuel dans un endroit où les gens « vivent simplement et se débrouillent avec peu, [et qui est] connecté à la nature », a déclaré Magnezi au site web de Channel 7 News l'année dernière. « Les jeunes, et c'est tout à leur honneur, ont cette flamme dans les yeux. Ce sont eux qui doivent faire ces choses folles. Les jeunes veulent créer une ferme et être actifs. Ils doivent être autorisés à le faire ».
L'entreprise ostensiblement éducative de Magnezi est ainsi devenue un aimant pour les jeunes à problèmes. L'un d'entre eux, Einan Tanjil, originaire de Kiryat Ekron, une ville proche de Rehovot, est arrivé adolescent dans les collines de Cisjordanie. En février dernier, il est devenu l'une des premières personnes à faire l'objet de sanctions de la part de l'administration américaine. En novembre 2021, alors qu'il avait 19 ans, Tanjil et une vingtaine de colons masqués ont attaqué des Palestiniens qui récoltaient des olives dans les bosquets de Surif, un village proche de la colonie de Bat Ayin. Il a également matraqué trois militants israéliens des droits de l'homme et a été reconnu coupable d'agression aggravée à l'aide d'une arme froide (non explosive) et de tentative d'agression.
Au cours de la procédure judiciaire, Tanjil a demandé à être placé en détention dans la ferme des Magnezi. Yosef Chaim Magnezi a comparu à l'audience et a longuement décrit comment il avait aidé des jeunes comme Tanjil. « J'ai beaucoup travaillé avec ces jeunes, je crois vraiment en eux », a-t-il déclaré. « Ce sont des personnes très fortes et je pense qu'il faut leur donner une orientation dans la vie. Devora, son épouse, a également évoqué leur rôle dans la réhabilitation de jeunes comme Tanjil. « Cela fait partie de ma mission, dit-elle, d'accepter des gens qui n'ont nulle part où aller.
Pour sa part, le service de probation n'a pas été impressionné par les propos du couple, pas plus que le juge. La représentante de l'État a rappelé au tribunal que Magnezi lui-même avait fait l'objet d'une enquête pour suspicion de menaces et d'intrusion lors d'un incident survenu dans un village palestinien voisin. Elle a ajouté que sa ferme était un foyer de « troubles et de frictions ».
Lors d'une visite de la ferme par Haaretz il y a deux semaines, l'un des volontaires, un jeune homme de 18 ans issu d'une communauté haredi, a été aperçu en train d'effectuer des travaux d'entretien. Il a raconté qu'il était arrivé à Magnezi deux ans plus tôt, après avoir abandonné une yeshiva et s'être impliqué dans des activités criminelles. « J'ai été emprisonné pour des bêtises de jeunesse », a-t-il déclaré. « Je suis la personne que je suis aujourd'hui grâce à la ferme. Et il ajoute, très simplement : « C'est une ferme de colonisation. Avant cela, les Arabes venaient ici ».
Aujourd'hui, l'endroit est en plein essor, a déclaré le jeune homme, en montrant une structure orange isolée située à environ un kilomètre à pied - une « ferme-fille » où vivent désormais d'autres volontaires comme lui. « Nous avons commencé ici et nous avançons vers là. La vie sur le « nouveau site » a été compliquée par les frictions constantes avec les Palestiniens de la région.
La volonté d'expansion n'est pas anodine : Il y a peu, la ferme a fait savoir qu'elle était en difficulté économique et a lancé une campagne de crowdfunding sous le slogan « Saving Magnezi's Farm » (Sauver la ferme de Magnezi). Le public a répondu en donnant environ un demi-million de shekels. L'organisation à but non lucratif qui a servi de canal pour les dons est l'organisation Btsalmo de l'activiste de droite Shai Glick. C'est d'ailleurs cette même organisation qui a permis de collecter des fonds pour une autre personne « dans le besoin », le Premier ministre Benjamin Netanyahou, afin de financer sa défense juridique.
Outre l'organisation Hashomer Yosh, l'organisation à but non lucratif Regavim, qui contribue également à soutenir la ferme Magnezi, reçoit chaque année de généreuses subventions du gouvernement. Le ministère de l'agriculture a accordé une modeste subvention à la ferme et d'autres aides à son fonctionnement proviennent de la JNF.
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L'activité du JNF en Cisjordanie a suscité de vifs désaccords au sein de l'organisation. Certains de ses représentants locaux sont d'orientation politique de centre-gauche et d'autres sont des Juifs d'Amérique du Nord - des groupes qui n'approuvent généralement pas l'entreprise de colonisation. Lorsque les membres des communautés juives du monde entier font des dons généreux à la JNF, ils ne se rendent peut-être pas compte que leur argent sert en fait à financer des activités qui profitent à des avant-postes de colons extrémistes, dont certains sont violents, dans toute la Cisjordanie.
Néanmoins, au cours des trois dernières années, le Fonds a transféré 5,5 millions de shekels à son programme pour la jeunesse agricole, qui aide les bénévoles des avant-postes agricoles et pastoraux et est présenté comme un programme d'aide aux jeunes à risque. Dans le cadre de ce programme, les adolescents volontaires participent à des formations professionnelles, à différents types d'ateliers et à des cours de maturité - payés par le JNF. La formation professionnelle comprend des options permettant de développer des compétences particulièrement utiles pour les avant-postes des colons, telles que la soudure, l'installation de caméras de sécurité, les travaux agricoles et la maîtrise de l'arabe. Ces activités risquent non seulement de ne pas entraîner le départ des jeunes des fermes, mais aussi de contribuer à leur maintien sur place.
Un document obtenu par Haaretz révèle la liste des avant-postes, pour la plupart illégaux, soutenus dans le cadre du programme agricole du JNF, dont certains ont été sanctionnés par Washington en raison de leur caractère violent. Certains responsables du JNF craignent que la poursuite du financement du programme ne constitue une violation de ces sanctions.
Havat Hamachoch et Havat Rimonim sont deux de ces avant-postes. Ces deux fermes, ainsi que la personne qui les dirige, Neria Ben Pazi, ont fait l'objet de sanctions américaines pour leur rôle dans l'expulsion de communautés palestiniennes locales. Une autre ferme impliquée dans le même programme du JNF et qui figure également sur la liste noire des États-Unis est celle de Zvi Bar Yosef. Il y a environ un an, Haaretz a rapporté une série d'exemples d'attaques violentes provenant de la ferme de Zvi, dont certaines ont été décrites comme des pogroms.
Au total, jusqu'à la fin de l'année 2023, plus de 200 adolescents ont participé au projet du JNF dans des dizaines de fermes de Cisjordanie. Quatre-vingts de ces jeunes figuraient parmi les bénéficiaires des 1,5 million de shekels (environ 415 000 dollars) que le JNF a transférés au Conseil régional de Binyamin, en Cisjordanie. Le FMN a transféré une somme encore plus importante, 2 millions de shekels, à Artzenu, une organisation qui a financé des programmes de formation pour 150 jeunes dans 25 autres fermes. Artzenu est en effet l'une des organisations les plus étroitement liées aux nombreux volontaires qui affluent dans ces avant-postes. La coopération avec cette organisation a été gelée par le JNF à la suite d'un rapport de Haaretz l'année dernière.
Lorsque les Juifs de la diaspora font des dons généreux à la JNF, ils ne se rendent pas toujours compte que leur argent sert en fait à financer des activités qui profitent à des avant-postes de colons extrémistes, dont certains sont violents.
Pour les militants de gauche, les projets présentés comme destinés aux jeunes à risque ont toujours été un moyen efficace de s'approprier des terres en Cisjordanie. Dès 2013, un avant-poste thérapeutique appelé Haroeh Haivri (le berger hébreu) a été établi près de Kfar Adumim, à l'est de Jérusalem, pour « réhabiliter » les jeunes des collines. La ferme a été construite sans permis, mais l'État l'a ensuite légalisée. Actuellement, elle fonctionne en coopération avec les forces armées et reçoit une généreuse subvention de 2 millions de shekels par an de la part du ministère de l'éducation.
L'académie prémilitaire de Liel, nommée en l'honneur du sergent-chef Liel Gidoni, tué lors de l'opération Bordure protectrice en 2014, et destinée aux jeunes à risque, a été créée quatre ans plus tard, après que des colons eurent repris un camp militaire abandonné dans la vallée du Jourdain. Le ministère de l'éducation lui alloue environ 170 000 shekels par an, en moyenne.
La ferme de Lechatchila, créée en 2019 dans la région de Jéricho pour les jeunes Haredi en décrochage scolaire, est un autre avant-poste agricole relativement récent. Depuis sa création, les tensions n'ont cessé de croître entre la ferme et les communautés de bergers bédouins voisines. Ce projet fait également partie du projet du JNF pour les jeunes agriculteurs et a été financé à hauteur d'environ 1,25 million de shekels au cours des deux dernières années.
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En tout état de cause, les millions que le JNF consacre aux activités des bénévoles dans les avant-postes non autorisés ne sont qu'un rouage dans un mécanisme de soutien gouvernemental multi-institutionnel et lourd de ressources. Pour trouver un autre organisme public impliqué dans la garantie de telles entreprises, il faut remonter à août 2022, lorsque Naftali Bennett était premier ministre du « gouvernement du changement ».
À cette époque, Bennett, qui détenait également le portefeuille des colonies au sein du gouvernement, a approuvé le programme de travail annuel de la division des colonies de la WZO, qui comprenait « la planification des infrastructures essentielles et des éléments de sécurité dans les jeunes colonies [c'est-à-dire les avant-postes illégaux] avec un horizon de régularisation. » Sous le couvert de ce langage alambiqué, la division a transféré 15 millions de shekels aux avant-postes agricoles en 2023. Cette année, le budget a presque triplé, passant à 39 millions de shekels (plus de 10 millions de dollars).
Yisrael Gantz, chef du conseil régional de Binyamin, a décrit le plan avec une émotion palpable lors d'une réunion l'année dernière. « Nous avons ici un EB [budget exceptionnel] d'un grand intérêt et d'une grande importance, qui est à notre disposition pour la première fois dans l'histoire », a-t-il déclaré. « Le commandement central [des FDI] a défini exactement ce qu'il fallait mettre où, la division de la colonisation a transféré les fonds et nous devons exécuter [le plan]. C'est la première fois que Young Settlement reçoit un budget gouvernemental sur la table ».
Il apparaît que les avant-postes en question dépensent les 54 millions de shekels, sur deux ans, pour acquérir des véhicules utilitaires, des drones, des caméras, des générateurs, des barrières électriques, des poteaux d'éclairage, des clôtures, des panneaux solaires et bien plus encore. La division des implantations de la WZO ne divulgue pas quels types de « composants de sécurité » ont été achetés pour quels avant-postes. Cependant, Peace Now rapporte que des dispositifs utilisés à des fins de sécurité ont récemment été installés dans au moins 30 fermes, dont cinq ont fait l'objet de sanctions internationales pour des actes violents à l'encontre de Palestiniens.
Lors d'une réunion organisée par le parti du sionisme religieux en juin, le directeur général de la division des colonies, Hosha'aya Harari, a parlé de l'important soutien public offert aux fermes de colonisation. Il a indiqué que 68 communautés de ce type avaient été financées en 2023. Il a également mentionné les 7,7 millions de shekels affectés à la « construction de nouvelles routes » dans les avant-postes en général. Ces routes en terre sont des artères cruciales pour les avant-postes, permettant aux colons de s'étendre profondément dans le territoire environnant.
En plus de s'emparer des terres, les fermiers agissent souvent comme des inspecteurs autoproclamés qui s'occupent des constructions palestiniennes illégales, à l'aide de drones, de menaces et de rapports aux autorités. Ils ont été rejoints par des départements de patrouille foncière mis en place par différents conseils, auxquels le ministère des colonies a alloué des dizaines de millions de shekels depuis 2021. Au cours des deux dernières années, les organes de patrouille ont reçu en moyenne 35 millions de shekels par an, afin de « prévenir les violations en matière de planification et de construction et la saisie de terres publiques » - même si c'est l'administration civile qui a l'autorité de superviser la construction palestinienne. Les fonds ont été utilisés pour acquérir des véhicules tout-terrain et pour installer des caméras dans les zones ouvertes, pour financer en partie les salaires et pour « construire des routes et fermer des zones ».
En plus de saisir des terres, les agriculteurs agissent souvent comme des inspecteurs autoproclamés qui s'occupent des constructions palestiniennes illégales, à l'aide de drones, de menaces et de rapports aux autorités.
Il est peut-être tout à fait naturel que l'État considère les fermes des avant-postes comme des start-ups - comme une entreprise innovante conçue pour s'emparer d'un maximum de territoire avec un minimum de main-d'œuvre - et, par conséquent, qu'il accorde aux colons des subventions au titre de la « création d'entreprise ». Treize « fermiers » ont reçu un tel financement, pour un total de 1,6 million de shekels, de 2020 à 2022. Parmi les bénéficiaires figurent l'entrepreneur Zvi Laks, de la ferme Eretz Hatzvi, à l'ouest de Ramallah, qui a reçu 140 000 shekels, et Issachar Mann, qui dirige un avant-poste dans les collines du sud d'Hébron et a reçu 120 000 shekels.
Ces deux fermes sont des exemples d'avant-postes qui sont présentés au public comme des lieux de loisirs et d'activités récréatives, mais dont la véritable raison d'être est cachée. Eretz Hatzvi est décrit sur son site web comme un « complexe d'hospitalité avec une étonnante piscine écologique », qui propose des « petits déjeuners de style campagnard ». La ferme Mann promet aux vacanciers « l'hospitalité du désert », dont le fleuron est une « tente bédouine » divisée en trois chambres. Une nuit vous coûtera 800 shekels (212 dollars) ; sa principale attraction est une paire de pataugeoires qui font face aux étendues infinies du désert de Judée.
Comme les autres communautés illégales mentionnées ici, ces deux avant-postes s'appuient également sur une main-d'œuvre composée de jeunes volontaires (le site d'Eretz Hatzvi contient une galerie de photos intitulée « Our Special Youth ») ; tous deux font également partie du programme « Farm Youth » du JNF. En juillet, les États-Unis ont sanctionné la ferme Mann en raison de la violence systématique perpétrée par ses colons.
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Meirav Barkovsky, membre du groupe Jordan Valley Activists qui aide à protéger les bergers palestiniens, rencontre quotidiennement les fermiers des avant-postes. Mais une visite à la ferme Asael, alias Havat Eretz Shemesh, est une expérience qu'elle n'est pas prête d'oublier.
« Un samedi de novembre dernier, nous avons été informés que des colons avaient volé les vaches de deux Palestiniens et les avaient emmenées à la ferme Asael », raconte-t-elle à Haaretz, ajoutant qu'elle et deux autres militants ont décidé de se rendre à l'avant-poste, fondé par Asael Kornitz. « Nous pensions y aller, leur parler et peut-être les persuader de rendre les vaches. Nous étions optimistes, peut-être naïfs - avec le recul, même stupides ».
Les trois hommes ont gravi la colline menant à la ferme sur un sentier qui se terminait par une clôture métallique. Les meuglements de l'autre côté indiquent qu'ils sont au bon endroit. « Une lumière vive nous a aveuglés », se souvient Barkovsky. « Nous sommes sortis de la voiture et nous les avons appelés, nous avons dit que nous étions venus pour les vaches. Soudain, en un instant, un groupe de jeunes masqués est arrivé de la direction de l'avant-poste et nous a attaqués ».
S'ils étaient masqués, comment avez-vous su qu'il s'agissait de jeunes ?
Barkovsky : « On le voit à leur apparence, au corps révélé par les plis de leurs chemises. »
Sasha Povolotsky, qui appartient également au groupe de la vallée du Jourdain et qui était le chauffeur lors de l'incident, ajoute : « Je dirais qu'il y avait 10 adolescents d'âges différents. On pouvait voir qu'ils étaient jeunes à leur corpulence. La plupart d'entre eux n'étaient pas grands, ils étaient minces, presque imberbes sous leurs chemises. On pouvait clairement voir qu'il s'agissait d'un corps de garçon.
Un homme costaud, plus âgé que les autres, accompagnait le groupe de jeunes. Les militants racontent que les adolescents ont bousculé les deux femmes et leur ont arraché leurs téléphones portables, tandis que l'homme plus âgé a brutalement frappé Povolotsy. « Il l'a frappé à coups de poing », raconte M. Barkovsky. « Le visage de Sasha était ensanglanté lorsqu'il s'est relevé. Ils ont continué à le frapper et il est retombé.
« Je suintais du sang », dit Povolotsky. « Il s'est avéré qu'il m'a cassé le nez et l'orbite de l'œil.
Mais l'événement n'était pas encore terminé. Povolotsky : « Alors que nous nous enfuyions sur la route sinueuse, un véhicule tout-terrain transportant des enfants était juste derrière nous. Ils ont jeté des pierres en passant à côté de notre voiture. Les vitres ont volé en éclats, j'étais à peine capable de conduire. Il n'aurait pas fallu grand-chose pour que nous tombions dans la vallée. »
« Sasha conduit, il conduit vite, mais ils se rapprochent et nous emboutissent avec le véhicule par l'arrière », poursuit Barkovsky. Ils ont appelé une ambulance et la police, qui les a rejoints en descendant de l'avant-poste. « Mais l'officier n'a pas accepté de monter avec nous pour identifier les agresseurs », raconte Polovotzky. « Nous avons porté plainte et, deux semaines plus tard, nous avons été informés que l'affaire avait été classée en raison de la difficulté à localiser les suspects. Deux des suspects n'avaient que 15 ans, et deux autres 16 et 17 ans.
Pour sa part, Kornitz a déclaré qu'il « n'avait pas connaissance d'un tel événement ».
Les résidents de la ferme Asael ont systématiquement terrifié une communauté palestinienne voisine, obligeant finalement les habitants à partir. Mais Kornitz a reçu deux bourses d'entrepreneuriat de 150 000 shekels de la part de la division des implantations de la WZO, ainsi qu'un soutien de la part de l'État. Le ministère de l'agriculture a approuvé une généreuse « subvention de pâturage » de plus d'un quart de million de shekels sur deux ans. En général, ce ministère est un canal important pour le transfert des fonds gouvernementaux vers les avant-postes agricoles. Les données du ministère montrent qu'entre 2017 et 2023, il a approuvé des subventions de plus de 3 millions de shekels pour les avant-postes, dont environ la moitié a été effectivement versée. Certains des avant-postes qui ont reçu des fonds ont ensuite fait l'objet de sanctions internationales.
Outre le soutien direct, l'État finance également les fermes des colons de manière indirecte, par l'intermédiaire d'organisations à but non lucratif qui participent à leurs activités et en veillant à ce qu'elles disposent d'une main-d'œuvre. La majorité des subventions gouvernementales sont transférées sous l'égide du programme « Volontariat pour l'agriculture », par l'intermédiaire duquel les ministères injectent 20 millions de shekels par an dans ces organisations à but non lucratif. Selon un rapport de Peace Now, environ 30 % de ces subventions sont destinées à la Cisjordanie.
L'une de ces organisations, Hashomer Yosh, sert d'agence centrale de placement pour les volontaires, et en particulier pour les adolescents, au nom des fermes des colons. Les T-shirts verts portant le logo de l'organisation sont visibles dans les avant-postes ; parmi les volontaires, on trouve des jeunes filles effectuant leur service national comme alternative au service militaire. Le 1er octobre, les États-Unis ont imposé des sanctions à Hashomer Yosh. Mais l'État a, du moins jusqu'à présent, adopté l'organisation à but non lucratif, lui allouant en moyenne 1,8 million de shekels par an, prélevés sur les fonds publics.
En septembre, le personnel de Hashomer Yosh a rencontré le ministre de la protection sociale, Yaakov Margi, dans le but de « promouvoir la jeunesse pionnière dans les fermes », selon l'organisation. Son PDG, Avichai Suissa, a refusé de s'étendre sur les sujets abordés. Le bureau de Margi a noté que la réunion avait été organisée avant que les sanctions ne soient imposées et qu'un lien actif avec le groupe n'était pas à l'ordre du jour. Le porte-parole du ministère a ajouté : « La réunion n'a porté que sur le sort des jeunes ».
Une autre organisation à but non lucratif importante dans le même domaine est Shivat Zion Lerigvei Admadata, plus connue sous le nom d'organisation Artzenu (mentionnée ci-dessus). L'année dernière, le groupe a reçu quelque 4 millions de shekels des ministères de l'éducation, de l'agriculture et du développement du Néguev et de la Galilée. L'ampleur des fonds publics investis dans l'organisation a été multipliée par cinq en seulement deux ans. La mission déclarée de l'association est de « renforcer le lien entre la jeune génération et le travail de la terre afin de préserver les territoires ouverts ». En mai 2023, Shivat Zion a ajouté à ses objectifs officiels « la gestion et l'exploitation de programmes éducatifs pour les jeunes à risque ».
Son programme de soutien aux jeunes volontaires dans les avant-postes agricoles est le projet phare de l'organisation. Une déclaration sur son site Internet indique que ces dernières années, de plus en plus d'adolescents « ont trouvé un refuge sûr dans ces fermes » et que « Artzenu met l'accent sur l'autonomisation de ces adolescents et crée une atmosphère holistique pour eux ». Le directeur d'Artzenu est Yonatan Ahiya, président de la faction « Souveraineté maintenant » du Likoud et l'un des principaux recruteurs du parti.
Les groupes à but non lucratif dont les tendances politiques semblent moins évidentes jouent également un rôle important dans le projet gouvernemental de financement des fermes isolées. C'est le cas de l'association Hiburim - Beit She'an and Valley, qui gère principalement des groupes dits garin Torani - littéralement, des noyaux de Torah ou des groupes de base de personnes qui s'installent dans des communautés largement non religieuses - à Beit She'an et à Afula. Ces dernières années, cependant, l'organisation a développé un programme appelé Hiburim - Connecting Through Agriculture (hiburim signifie « connexions » en hébreu), et environ un tiers de ses activités se déroulent désormais en Cisjordanie, par exemple dans la colonie de Hamra, dans la vallée du Jourdain.
À côté de Hamra se trouve un avant-poste agricole très connu, la ferme Emek Tirza, qui a été impliquée dans certains des incidents les plus violents de la vallée. À la suite de ces incidents, les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Union européenne ont récemment imposé des sanctions à l'encontre d'Emek Tirza et de son responsable, Moshe Sharvit. Des activistes chevronnés de la vallée du Jourdain se souviennent d'incidents au cours desquels les résidents de l'avant-poste ont lapidé des Palestiniens et leurs troupeaux, les ont battus et ont lâché des chiens sur eux pendant de longues périodes.
Pour la communauté internationale, la goutte d'eau qui a fait déborder le vase à Emek Tirza a été le fait que, quelques semaines après le début de la guerre à Gaza, Sharvit et ses acolytes ont expulsé par la force les habitants d'Ein Shibli, une communauté palestinienne voisine. Les villageois ont été attaqués, menacés par une personne qui s'est fait passer pour un agent du service de sécurité du Shin Bet, et ils affirment que Sharvit lui-même leur a donné un délai explicite : « Vous avez cinq heures pour partir : « Vous avez cinq heures pour partir ». Une famille raconte que quelques jours avant de s'enfuir, des habitants de l'avant-poste sont arrivés, ont agressé le père de famille et ont saccagé leur propriété.
Pour la communauté internationale, la goutte d'eau qui a fait déborder le vase à Emek Tirza a été le fait que quelques semaines après le début de la guerre à Gaza, Sharvit et ses acolytes ont expulsé par la force les habitants d'Ein Shibli, une communauté palestinienne voisine.
Lors d'un autre incident, qui s'est produit le 15 avril non loin d'Emek Tirza, deux Palestiniens ont été tués par balle. Une source militaire a déclaré à Haaretz que, par la suite, le Shin Bet a identifié Sharvit comme étant présent sur le site et armé, mais que son arme n'a pas été confisquée pour inspection pendant plusieurs semaines.
La ferme ne prospère pas uniquement grâce à des dons privés, mais aussi parce qu'elle reçoit l'aide de l'État et de l'organisation de la colonie d'Amana, par exemple en se voyant attribuer des pâturages ou en étant raccordée au système d'approvisionnement en eau. Il y a également des primes occasionnelles provenant directement du gouvernement lui-même. En 2023, par exemple, Sharvit a bénéficié d'une subvention du ministère de l'agriculture pour le pâturage.
Au fil des ans, Emek Tirza est devenu un avant-poste prospère, dont l'une des cartes de visite est son projet éducatif pour les jeunes. Ce ne sont pas des jeunes qui ont abandonné le cadre [formel] », insiste Sharvit dans une vidéo YouTube décrivant son activité. « Ils se trouvent dans un cadre beaucoup plus rigide et exigeant. Il y a ici des exigences auxquelles il faut répondre ».
La ferme est également connue comme un « complexe d'accueil à la campagne ». Sur leur site web, Sharvit et sa femme invitent le public à séjourner dans des tentes climatisées sur le site, à barboter dans une « piscine de soins » et à organiser des événements familiaux dans « notre khan », qui dispose d'une « grande piste de danse suffisante pour une occasion excitante ».
Cependant, lors d'une visite guidée de la ferme par Sharvit, documentée par la BBC le mois dernier, il a mentionné le but ultime pour lequel l'endroit a été créé. « Nous nous emparons ici de quelques milliers de dunams, de la taille d'une ville pas si petite... 7 000 dunams [7 km²], c'est sans fin ». Il poursuit en décrivant la stratégie de l'ensemble de l'entreprise de construction d'avant-postes agricoles. « Le plus grand regret que nous ayons eu en construisant des colonies, c'est d'être restés coincés à l'intérieur des clôtures et de ne pas nous être étendus à l'extérieur. [En fin de compte, l'espace est la chose la plus importante ici. Cette ferme est très importante, mais la chose la plus importante est la zone environnante... Nous gardons des zones ouvertes dans lesquelles personne ne pénètre, dont personne ne s'approche. »
Sharvit a de nombreux partenaires dans le projet de prise de contrôle de la vallée du Jourdain par les Juifs. En parcourant la route d'Alon, qui relie la vallée à la route transsaharienne, on peut voir un ensemble extraordinaire d'avant-postes agricoles et pastoraux. Pas moins de 30 communautés de ce type ont été établies le long de cette route au cours des dernières années, et les médias des colons se vantent déjà de la création réussie d'une « formidable continuité territoriale », depuis la zone industrielle de Sha'ar Binyamin, au nord de Jérusalem, jusqu'au nord de la vallée du Jourdain.
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Sur la même route, entre les colonies de Hemdat et Maskiot, se trouve Havat Nof Gilad (Um Zuka), un avant-poste religieux établi par Uri et Efrat Cohen en 2016. Il bénéficie lui aussi des largesses de l'État, notamment d'une subvention de 530 000 shekels du ministère de l'Agriculture.
Ici aussi, les projets de construction et autres sur le site dépendent d'une main-d'œuvre composée d'adolescents volontaires qui n'ont pas trouvé leur place dans les établissements d'enseignement conventionnels. « Chacun d'entre eux est venu ici avec sa propre situation et sa propre vie », a déclaré Efrat Cohen lors d'une émission sur les médias sociaux à propos de diverses fermes en Cisjordanie. Pour sa part, Uri les perçoit comme une force de combat essentielle dans la guerre qu'il mène. « Nous sommes là et nous triompherons. La question est de savoir combien de temps cela prendra et quel prix nous paierons », déclare-t-il dans la vidéo. « Ces jeunes de 15, 16 et 17 ans sont le fer de lance de l'État d'Israël et ce sont eux qui gagnent la bataille.
Les adolescents de Nof Gilad font tout : souder, monter la garde la nuit, emmener les animaux au pâturage. La discipline est stricte à la ferme, disent-ils. « L'emploi du temps est très chargé », explique un jeune qui vit sur l'avant-poste depuis quatre ans. « Le travail toute la journée, les responsabilités, la garde du troupeau la nuit - la vie, tout. Les Cohen, a-t-il ajouté, « sont un peu comme mes parents » ; ils l'aident lorsqu'il est dans un « mauvais état mental ».
Un autre jeune, qui n'a pas encore 17 ans, a déclaré : « J'ai l'impression que c'est [la vie sur le terrain] : « J'ai l'impression qu'elle [la vie à la ferme] me fait mûrir davantage que l'école ». Et un autre jeune homme, qui est arrivé à la ferme alors qu'il était mineur, a fait son service militaire et est revenu, a expliqué : « Un jeune de 16 ans qui vient ici, qui garde la nuit, qui dort trois heures par nuit et qui travaille toute la journée, qui fait des choses qu'il n'a pas toujours envie de faire, il devient différent. En fin de compte, ce qui forge le plus le caractère d'une personne, c'est sa capacité à faire face aux difficultés ». Au moins 15 jeunes comme lui se sont intégrés à la vie à Nof Gilad au fil des ans, a-t-il ajouté.
Comment ces jeunes se retrouvent-ils dans ce centre ? Selon M. Cohen, c'est au ministère des affaires sociales de répondre à cette question. « Vous payez des impôts », a-t-il dit à un militant qui l'a interpellé. « Les impôts vont au ministère des affaires sociales, qui les subventionne [les adolescents]. Pourquoi me posez-vous la question ?
Sous les auspices des conseils régionaux de Cisjordanie, le ministère de la protection sociale participe effectivement à l'intégration des adolescents dans les avant-postes agricoles et pastoraux, mais il maintient qu'il ne les y dirige pas. Cette pratique remonte à une décision prise par le gouvernement Bennett-Yair Lapid sous le titre « Renforcer les réponses thérapeutiques et éducatives pour les jeunes de la région de Judée et Samarie ». Le principal résultat de cette décision a été un programme appelé Mit'habrim (Connexion), dont l'un des objectifs est d'institutionnaliser le lien entre le ministère de la protection sociale et les avant-postes.
Haaretz s'est entretenu avec un certain nombre d'employés du ministère de l'aide sociale qui travaillent dans les conseils de colonies et qui connaissent bien le fonctionnement de Mit'habrim. Deux d'entre eux ont accepté de parler de la manière dont Mit'habrim est mis en œuvre, et il en ressort que les conseils n'envoient pas nécessairement les jeunes directement dans les fermes, mais qu'ils contribuent plutôt à faciliter leur séjour. Le Conseil régional de Shomron, par exemple, a mis à disposition un travailleur social ainsi que trois coordinateurs qui travaillent avec les fermiers afin de les « former à identifier les signes de détresse chez les jeunes ». Un autre élément du programme consiste à encourager les adolescents à participer à des cours, des programmes de formation et des activités d'enrichissement. « L'idée est de les voir, afin qu'ils ne deviennent pas des jeunes perdus », a déclaré la source.
Au conseil régional, on insiste sur le fait que les jeunes ne sont pas retirés à la garde légale de leurs parents et qu'ils ne répondent pas nécessairement aux critères des jeunes à risque. « Pour la plupart, ce sont des jeunes très idéologiques, qui fonctionnent, et qui ne trouvent pas leur place dans les cadres standards.
« La plupart des gars dans les fermes ne sont pas des résidents de Judée et de Samarie et ne sont pas ce que l'on appelle des jeunes des collines », ajoute quelqu'un qui est impliqué dans le programme Mit'habrim dans le Conseil régional de Binyamin. « Ils viennent d'endroits comme Jérusalem, Petah Tikva et Holon. Nous voulons nous assurer que les jeunes qui nous arrivent de l'extérieur ne rencontrent pas de situations à risque. Une fois sur place, les jeunes ont besoin d'être encadrés et accompagnés. Ils doivent être orientés vers des activités productives ».
Un jeune homme qui a vécu dans des fermes lorsqu'il était mineur explique que la plupart des adolescents qui y vivent sont « des personnes qui ont abandonné l'école en raison de difficultés d'apprentissage ou d'une incompatibilité avec le système, parfois en raison d'une incompatibilité religieuse ou d'un trouble déficitaire de l'attention ». Ils entendent parler des avant-postes par le bouche à oreille. « Si vous abandonnez l'école, vous savez que cette option existe. Il a ajouté que dans un cas, un garçon qui avait eu des démêlés avec la justice et qui était censé être envoyé dans un centre de réhabilitation, a réussi à persuader le juge de l'autoriser à résider dans une ferme à la place.
La question du type de jeunes qui doivent vivre dans ces avant-postes a été soulevée lors d'une réunion, en mars dernier, de la commission spéciale de la Knesset sur les jeunes Israéliens, présidée par la députée Naama Lazimi (travailliste). Galit Geva, directrice de l'unité du ministère des affaires sociales chargée des populations à risque, a participé à cette réunion, convoquée à la suite du pogrom perpétré par des colons dans la ville palestinienne de Hawara. Elle a indiqué à la commission que 320 jeunes - 240 garçons et 80 filles - vivant dans des fermes de Cisjordanie étaient en contact avec des travailleurs sociaux. Environ deux tiers de ces jeunes sont originaires de colonies et les autres de divers endroits du pays, dont beaucoup de Jérusalem.
Apparemment, le ministère de la protection sociale a affecté un travailleur social à quatre autorités locales dans les territoires : Samarie, Binyamin, le bloc d'Etzion et les collines d'Hébron. Cependant, de nombreux jeunes dans les fermes vivaient en fait dans la vallée du Jourdain, où il n'y avait pas de supervision de l'État. Les défenseurs des droits de l'homme de la région ont signalé à plusieurs reprises que de jeunes colons, parfois des enfants, emmenaient eux-mêmes les animaux au pâturage et qu'ils étaient exposés à divers dangers. Aucune réponse officielle n'a été apportée à cette situation.
« Nous voyons des enfants, dont certains n'ont même pas l'âge de la bar-mitzvah, qui sont très négligés et qui passent des heures dans les champs avec leurs troupeaux pour s'emparer des pâturages des Palestiniens », raconte Gali Hendin, de l'association Mistaclim - Looking the Occupation in the Eye (Regarder l'occupation dans les yeux). Yifat Mehl, une autre activiste, ajoute : « Les jeunes sont le fer de lance de la violence spontanée. Auparavant, les agriculteurs eux-mêmes allaient affronter les Palestiniens et les activistes. Aujourd'hui, ces jeunes sont en première ligne. Ils sont l'avant-garde.
Dans une lettre qu'elle a envoyée en mars dernier au ministère de la protection sociale au nom des militants de la vallée du Jourdain, le professeur Michal Shamai, de l'école de travail social de l'université de Haïfa, a comparé les jeunes vivant dans les avant-postes agricoles au phénomène des « enfants soldats » qui ont été recrutés pendant les guerres dans les pays africains. « Ce n'est pas à cela que devrait ressembler un processus de réhabilitation des jeunes à risque. De tels endroits sont un terreau fertile pour le développement de la haine. Et la haine n'est pas une réhabilitation », a déclaré Shamai à Haaretz. Cette semaine, les militants ont de nouveau contacté le ministère de la protection sociale et des affaires sociales, signalant des « suspicions d'atteinte à des mineurs ». Les activistes ont mis en garde contre « la soumission d'adolescents et de jeunes à des situations de préjudice physique et émotionnel, de négligence physique présumée et d'absence des cadres scolaires ».
Dans une lettre adressée au ministère des affaires sociales, le professeur Michal Shamai, de l'école de travail social de l'université de Haïfa, compare les jeunes vivant dans les fermes à des « enfants soldats » qui ont été recrutés pendant les guerres dans les pays africains.
En outre, les jeunes des fermes constituent une main-d'œuvre bon marché. Roni (nom fictif) vivait récemment dans une ferme de la vallée du Jourdain pendant une année de service volontaire avant de partir à l'armée. Elle a toutefois décidé de partir plus tôt que prévu, car elle estimait qu'elle et les autres jeunes étaient employés dans des conditions d'exploitation.
« Au début, tout semblait rose et enchanteur », explique Roni. « Vous avez toutes les responsabilités et vous vous sentez chez vous. Mais nous travaillions de 6 heures du matin, avec une pause d'une demi-heure pour le déjeuner, jusqu'à 7 heures du soir. Nous n'étions pas payés, bien sûr, à part 400 shekels par mois (environ 110 dollars) versés par l'organisation par laquelle nous faisions notre année de service ». Il est difficile pour les jeunes volontaires de se révolter, explique-t-elle, « parce que pour eux, le propriétaire de la ferme et sa femme sont comme un père et une mère. Ce sont des enfants de 15-16 ans qui pensent qu'ils [le couple de fermiers] leur ont sauvé la vie ».
* * *
Un matin d'avril dernier, Binyamin Achimeir, 14 ans, qui vivait à l'avant-poste de Malachei Hashalom, le long de la route d'Allon, est parti seul à 6 heures du matin pour emmener un troupeau de moutons au pâturage. Il n'est pas revenu. Le lendemain matin, son corps a été retrouvé à proximité : il avait été sauvagement assassiné par un Palestinien du village voisin.
Achimeir, dont la famille vit à Jérusalem, n'était pas le genre d'adolescent qui abandonne l'école pour se retrouver parmi les jeunes sur les collines de Cisjordanie. Il combinait les études à la yeshiva et le bénévolat à la ferme pendant les week-ends. Sa sœur, Hanna Achimeir, journaliste à i24NEWS, pense qu'il est erroné de coller l'étiquette « à risque » à ces jeunes. « Je comprends la tentation de faire le lien, dit-elle, mais à mon avis, c'est une erreur. La plupart des jeunes religieux qui se rendent dans les fermes sont en quête de sens. Pour un jeune qui a une affinité avec la nature ou un désir de calme, il est naturel de se rendre dans ces fermes.
Achimeir, qui vit à Jaffa, ajoute que « pour les adolescents de Tel-Aviv, la recherche [de sens] peut prendre la forme de toutes sortes d'expériences branchées que la ville peut offrir ». Dans une société nationale-religieuse, les restrictions sont infinies et l'on a le sentiment qu'un autre monde, parallèle, se cache au coin de la rue. Si vous avez grandi dans une communauté bourgeoise et que vous êtes un peu curieux, vous vous retrouverez soit au Cats Square [un lieu de rencontre pour les jeunes à Jérusalem], soit vous vous dirigerez vers les fermes si vous êtes un peu hippie ».
La ferme Malachei Hashalom a été fondée par Eliav Libi, qui y vit avec sa famille. Il a récemment créé une filiale appelée Havat Harashash. Selon des militants de gauche, ses résidents ont terrorisé une communauté bédouine voisine, Ein Rashrash, jusqu'à ce que ses habitants s'enfuient il y a environ un an.
La web-série sur les fermes de Cisjordanie a consacré un épisode à Harashash, mettant en scène les adolescents qui y vivent. L'un d'entre eux, âgé de 17 ans, a expliqué qu'il travaillait bénévolement dans la ferme depuis deux ans. « Vous n'êtes pas payés, n'est-ce pas ? » a demandé l'intervieweur, qui a répondu par l'affirmative.
À la suite du meurtre, la ferme a lancé une campagne de crowdfunding via l'organisation à but non lucratif Btsalmo, sous le titre « La réponse au meurtre », qui a permis de récolter environ 433 000 shekels. Cependant, la soi-disant réponse a pris la forme d'une série d'assauts menés par des colons de toute la région contre dix villages palestiniens voisins. Résultat ? Quatre Palestiniens ont été tués et des dizaines d'autres blessés au cours de ces attaques, au cours desquelles des voitures ont été incendiées et des maisons gravement endommagées.
* * *
D'aucuns pensent qu'au moins certains des avant-postes agricoles ont un effet réellement bénéfique sur leurs jeunes volontaires. En effet, ils semblent être les piliers de l'avant-poste de Nof Avi, près de la colonie urbaine d'Ariel. La ferme a été fondée par Israël et Sara Rappaport, qui vivent de la vente de bétail et y élèvent leurs trois filles ; un groupe de volontaires est toujours sur place. Certains jeunes portent un T-shirt portant l'inscription « Rappaport's wounded » (les blessés de Rappaport). Amos, père d'un adolescent qui a vécu à la ferme, estime que le terme « blessé » est tout à fait approprié.
« Mon fils a quitté la maison à l'âge de 14 ans et demi », raconte-t-il. « Il traînait dans la rue et s'est rapidement attiré des ennuis. Il a été arrêté pour effraction, possession d'un couteau, utilisation d'un canif. Il s'est retrouvé dans l'un des lieux de rencontre de Jérusalem et a rencontré des gars de la zone de colonisation d'Eli. C'est là que s'est fait le lien avec les fermes. Un jour, il nous a simplement informés qu'il vivait avec un jeune couple dans une ferme en Samarie ». C'était l'avant-poste des Rappaport.
« C'était une sorte de salut pour nous », dit Amos. « Après avoir passé des mois à ne pas savoir ce qui lui arrivait, nous avions enfin une adresse. Il y avait aussi d'autres gars comme lui, qui se portaient volontaires et faisaient des choses productives et positives. Son séjour là-bas n'a été que bénéfique ».
Cependant, le fils d'Amos n'a pas fini par utiliser la ferme comme un tremplin vers un mode de vie normatif ; il a été attiré par des endroits plus extrêmes. « Il est passé par deux ou trois fermes de ce type avant d'arriver à un avant-poste beaucoup plus sauvage. Il y a quatre mois, il a été emprisonné. Je ne sais pas quel genre de personne il serait devenu s'il n'avait pas connu ces fermes, mais j'ai tendance à croire que son état serait pire ».
Haaretz a demandé à Sara Rappaport de parler des « blessés », mais cette demande a été rejetée. « Il m'est difficile de faire confiance à Haaretz », a-t-elle répondu.
« Les propriétaires des fermes aident à prévenir la détérioration de ces adolescents », déclare un éducateur qui travaille avec des adolescents à risque dans toute la Cisjordanie. « Lorsqu'un jeune est en crise et qu'il est en fait une sorte de nomade, la ferme est un point d'ancrage pour lui. Où qu'ils se trouvent, ces jeunes ont besoin d'être pris en charge. Si, au lieu d'être jetés sur la place des Chats ou sur les plages du Kinneret, ils faisaient des gardes dans une ferme. Peut-être que du point de vue de Haaretz, cela ressemble à de l'exploitation, mais pour lui, ce sera une sorte de cadre sécurisé ».
Le rabbin Arik Ascherman, fondateur de l'organisation de défense des droits de l'homme Torah of Justice, qui a été attaqué à plusieurs reprises au cours de ses années d'activisme, s'interposant entre les Palestiniens et les colons abusifs, connaît bien cette approche. « Les propriétaires des fermes se considèrent comme des éducateurs », explique M. Ascherman. « Je conteste bien sûr ce point de vue. Au-delà des horreurs que ces jeunes font subir aux Palestiniens, nous devons également prendre en compte ce que le séjour dans les fermes leur fait subir. »
En réponse
Le JNF a répondu à cette question : « Le programme Noar Besikuy [jeunes à risque] du JNF existe dans les communautés de la périphérie sociale et géographique du pays. Ce programme offre aux jeunes la possibilité de s'intégrer dans divers cadres de la société israélienne, en t

Israël prétend redessiner par la guerre le Proche-Orient

Israël poursuit sans relâche ses bombardements sur le Liban, assortis de tentatives d'« incursions » terrestres, selon la formule consacrée. Ses attaques contre le Hezbollah dépassent très largement l'objectif officiellement avancé : permettre le retour des habitants du nord du pays. En décapitant la direction de l'organisation et en assassinant son secrétaire général Hassan Nasrallah, le premier ministre israélien veut affaiblir l'Iran et cherche à reconfigurer toute la région.
Tiré d'Orient XXI.
La décision israélienne d'éradiquer le leadership du Hezbollah constitue évidemment une tentative de déconnecter les fronts soutenus par le régime iranien contre Israël. Il s'agit d'affaiblir Téhéran et ses mandataires en imposant un nouveau statu quo régional favorable avant qu'une nouvelle administration américaine ne prenne le relais en janvier prochain. Cependant, cette stratégie déclenche des risques de conflit régional qui pourraient finalement dompter le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou.
Le 27 septembre 2024, des avions de combat israéliens ont envoyé 85 bombes anti-bunkers sur une réunion souterraine dans la banlieue sud de Beyrouth, entraînant la mort du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Le 4 octobre, ils ont également largué 73 tonnes de bombes sur l'héritier présomptif et cousin maternel de Nasrallah, Hashem Safieldine ; rien n'indique, pour l'instant, qu'il a survécu à cet assassinat.
Cette offensive de choc et d'effroi a brièvement paralysé les capacités du Hezbollah. La percée humaine et technologique dans les rangs du régime iranien puis du Hezbollah est sans précédent. Avec l'aide de l'administration américaine, Israël a pu non seulement dominer l'espace aérien, mais aussi s'appuyer sur les développements de l'intelligence artificielle pour assassiner des dirigeants de haut niveau à Téhéran et de ses mandataires au Moyen-Orient.
La politique du Hezbollah de lier le front libanais à celui de Gaza est difficile à préserver compte tenu de la pression militaire israélienne et de la pression diplomatique américaine. L'offensive israélienne, qui a débuté le 17 septembre avec l'explosion des bipeurs et des talkies-walkies, a bouleversé la structure du Hezbollah, qui n'est plus en mesure de riposter de manière proportionnée.
L'organisation avait parié sur le fait qu'Israël n'ouvrirait pas un nouveau front. Cependant, l'absence de riposte de la part du régime iranien et du Hezbollah aux assassinats perpétrés par Tel-Aviv depuis des années a encouragé le premier ministre Nétanyahou. En effet, Téhéran a donné l'impression de ne plus être en mesure de protéger ses alliés après l'assassinat du chef du Hamas Ismail Haniyeh lors d'une visite à Téhéran le 31 juillet 2024, puis celui de Nasrallah.
La centralité du rôle de ce dernier dans l'« axe de la résistance » a cependant poussé le régime iranien à réagir. Téhéran a lancé le 1er octobre plus de 180 missiles balistiques sur Israël sans causer de dommages stratégiques significatifs significatifs tandis que les Brigades Al-Qassam, aile militaire du Hamas, ont recommencé à lancer des roquettes sur Tel-Aviv ainsi que des attaques individuelles à l'intérieur d'Israël. Le Hezbollah a réussi à tuer au moins 20 soldats israéliens qui tentaient une incursion au Liban, pendant que les groupes chiites soutenus par l'Iran en Irak et les Houthis au Yémen ont intensifié leurs propres attaques. L'idée d'une unité des fronts contre Israël est devenue une réalité, alors que le régime iranien tente de rétablir un certain équilibre dans la dynamique de dissuasion avec Israël..
L'héritage mitigé de Nasrallah
L'assassinat de Nasrallah ne doit pas être sous-estimé. Il va avoir un impact à long terme sur le Hezbollah et la dynamique régionale. L'aura du dirigeant parmi ses partisans fait écho à la doctrine du martyr dans la conscience collective chiite, de sorte que son mythe survivra à sa mort. Toutefois, sa trajectoire en tant que secrétaire général du Hezbollah pendant 32 ans a été complexe. Du milieu des années 1990 au retrait israélien du Liban en mai 2000, il est apparu comme un leader national et panarabe inspirant le récit de la résistance contre Israël. L'invasion américaine de l'Irak en 2003, qui a déclenché l'émergence de l'Iran comme puissance régionale, a porté les ambitions de Nasrallah au-delà des frontières libanaises ; cela s'est reflété par la synchronisation de ses activités avec celles de l'architecte de la puissance régionale du régime iranien, le chef de la force al-Qods, Qassem Soleimani.
Cette synchronisation s'est traduite par quatre décisions problématiques prises par Nasrallah. Premièrement, la décision de capturer des soldats israéliens en juillet 2006, conduisant à la grande confrontation avec Israël, qui s'est conclue par l'établissement de règles d'engagement qui ont globalement tenu jusqu'au 17 septembre 2024.
Ensuite, alors que le régime iranien se méfiait des États-Unis, de l'Arabie saoudite et de leurs alliés au Liban, le Hezbollah a retourné ses armes en mai 2008 contre ces dirigeants libanais rivaux — lesquels faisaient partie du gouvernement ayant pris la décision de démanteler le système de télécommunication de l'organisation. Peu après, le Hezbollah a adopté cette même oligarchie libanaise corrompue pour maintenir son contrôle sur le système politique, ce qui a contribué à l'effondrement économique et financier du Liban.
Tandis que le Hezbollah combattait les islamistes syriens pénétrant par la frontière libanaise, le régime iranien l'a impliqué dans le conflit syrien en 2013 pour consolider le régime. Cela l'a poussé à accroitre ses effectifs, les rendant plus vulnérables, l'a exposé à des brèches dans ses rangs, et l'a détourné de son principal champ de bataille, Israël.
Enfin, dix ans plus tard, le Hezbollah, initialement hésitant, s'est pleinement impliqué dans le « front de soutien » à Gaza, suite de l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.
Les calculs du régime iranien ont toutefois évolué au cours des six dernières années. L'administration Trump a rétabli les sanctions économiques américaines contre le régime en novembre 2018 et assassiné en janvier 2020 Qassem Soleimani. Le régime se retrouve désormais avec des ressources limitées et une force aérienne modeste pour affronter Israël, alors que les États-Unis ont clairement fait savoir qu'ils s'impliqueraient militairement si Téhéran entrait dans le conflit régional. Nasrallah était le chef de facto de l'« axe de la résistance » depuis l'assassinat de Soleimani. Ses commandants ont formé les combattants de l'axe iranien et c'était lui qui jouait les médiateurs entre les différentes composantes en cas de besoin.
Le charisme et le leadership de Nasrallah sont irremplaçables dans la structure du Hezbollah, mais son approche traditionnelle du champ de bataille et son manque de compétences en matière d'organisation ont été dépassés par les services de sécurité israéliens, qui s'appuient sur des technologies et des services de renseignement performants. Nasrallah a déclaré en 2006 qu'il n'avait pas anticipé la réaction israélienne lorsqu'il a ordonné la capture de soldats israéliens. Visiblement, il n'avait pas non plus anticipé l'action de Tel-Aviv ayant conduit à son assassinat en 2024.
La complicité des États-Unis
L'incontrôlable Nétanyahou a plongé Israël dans la plus longue guerre de son histoire, avec des combats sur plusieurs fronts. Au-delà de l'extase immédiate que procure l'assassinat de dirigeants du Hezbollah et du Hamas, il n'a pas de stratégie que cela soit à Gaza ou au Liban. Quant aux États-Unis, qui lui fournissent les outils de destruction, ils sont désormais perçus comme complices ou incapables d'influencer leur principal allié au Proche-Orient.
Depuis un an au moins, le régime iranien pousse Washington à exercer une pression suffisante sur Nétanyahou pour qu'il accepte un cessez-le-feu à Gaza — car c'était pour lui, la voie la plus sûre pour éviter une confrontation directe avec Israël. De son côté, l'administration Biden a envoyé un message clair à Téhéran pour qu'il n'attaque pas les cibles américaines, en partant du principe qu'elle était attachée à la sécurité d'Israël sans être impliquée dans le conflit à Gaza et au-delà. Elle souhaite que l'Iran reste passif alors qu'Israël s'en prend à ses mandataires les uns après les autres et que Nétanyahou cherche à entraîner Washington dans un conflit régional.
Le discours égocentrique et les politiques belliqueuses de Netanyahou placent le Moyen-Orient dans une compétition sécuritaire perpétuelle. Cet excès de confiance n'existerait pas sans la supériorité de sa puissance aérienne fournie par les États-Unis. Cependant, l'administration Biden n'a pas encore utilisé le levier de l'aide militaire pour contraindre le premier ministre israélien et ne semble pas déterminée à exercer des pressions sur Netanyahou pour qu'il accepte un cessez-le-feu.
Quelle suite ?
Depuis des mois, Tel-Aviv fait pression sur le Hezbollah pour qu'il retire ses forces au nord du fleuve Litani pour garantir le retour des résidents israéliens à la frontière nord avec le Liban, conformément à la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies qui a mis fin à la guerre de juillet 2006. Mais les médiations franco-américaines pour atteindre ces objectifs ont échoué, le Hezbollah exigeant, en préalable, un cessez-le-feu à Gaza. Depuis le début du conflit en octobre 2023, il s'en tenait à une confrontation transfrontalière limitée. Israël a bouleversé ce statu quo.
Depuis 2006, le Hezbollah a renforcé ses capacités et dispose à présent de drones, de roquettes à plus longue portée, et de capacités maritimes. Tel-Aviv a également renforcé ses capacités en matière de renseignement et de technologie, et peut infiltrer, comme jamais, l'infrastructure et les membres de l'organisation. Israël dispose de la puissance aérienne tandis que le Hezbollah peut cibler les soldats israéliens lors d'une invasion terrestre. Mais il y aura un coût humain et économique qu'on peut déjà mesurer, car Israël étend ses frappes aériennes à tout le Liban.
Israël a pu difficilement protéger ses soldats sur le terrain à Gaza ; ce sera plus difficile à gérer au Liban. Nétanyahou ne semble pas vouloir lancer une offensive à long terme. Sa volonté serait plutôt de faire pression sur le Hezbollah et de détourner l'attention des pourparlers sur le cessez-le-feu à Gaza. Objectifs atteints. Mais le premier ministre israélien n'a aucune stratégie si le Hezbollah ne cède pas.
Or, celui-ci n'a pas cessé de lancer des roquettes sur Israël et de perturber les tentatives de l'armée israélienne de franchir la frontière libanaise. Nétanyahou ne peut donc pas continuer à affirmer, devant l'opinion publique de son pays, qu'il a atteint ses objectifs. Jusqu'à présent, il n'a pu libérer les otages capturés par le Hamas, ni assurer le retour des habitants du nord. Israël n'est pas plus en sécurité aujourd'hui qu'après un an de recours excessif à la force.
Nasrallah est mort mais pas le Hezbollah. Le groupe dispose désormais d'une direction faible et collective, et de forces opérationnelles décentralisées qui mènent les batailles sur le terrain. Le Hezbollah a subi un coup dur, dont il faudra évaluer l'impact. Il lui sera difficile de maintenir la même rhétorique et les mêmes politiques.
Ce qui se passera au Liban et à Gaza dépendra en grande partie de la manière dont Washington gèrera la rivalité entre Israël et l'Iran et si les dirigeants américains prendront ou non leurs distances par rapport à Tel-Aviv. Les erreurs de calcul constituent les plus grands risques d'extension du conflit, à moins que Washington et Téhéran n'entament des pourparlers, directement ou indirectement, pour contraindre leurs alliés respectifs, Israël et le Hezbollah.
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Le Hezbollah, entre défis et résistances

Le Hezbollah est confronté à son plus grand défi depuis sa fondation, avec l'assassinat de dirigeants militaires et politiques clés, dont son secrétaire général Hassan Nasrallah, qui a dirigé le parti pendant 32 ans.
Tiré de Inprecor
11 octobre 2024
Par Joseph Daher
Un enfant tenant une image de Hassan Nasrallah lors d'un défilé pendant son discours, en novembre 2023. © Fars Media Corporation, CC BY 4.0
L'armée d'occupation israélienne a imposé, avec le soutien des États-Unis, à partir de la mi-septembre, une escalade meurtrière contre le Liban, prenant la forme d'une guerre ouverte. Cette escalade a commencé par l'explosion d'appareils de communication utilisés par des membres du Hezbollah, civils et militaires, tuant 39 personnes et en blessant près de 3 000. Elle s'est poursuivie par des campagnes de bombardements massifs visant à assassiner les hautes personnalités militaires et politiques du Hezbollah, mais tuant également plus d'un millier de civils et à provoquer le déplacement forcé de plus d'un million de personnes. Le total de personnes tuées depuis le 7 octobre dépasse maintenant les 2000.
Culte de la personnalité
Au cours des dernières décennies, un culte de la personnalité s'est développé dans la propagande du parti autour de Hassan Nasrallah. Cela s'est notamment reflété dans les suites de la guerre d'Israël contre le Liban en 2006, lorsque leur slogan initial « Al-Nasr al-îlâhi » a été changé en « Nasr(un) min Allâh » (Une victoire de Dieu), ce qui était une instrumentalisation du nom de Hassan Nasrallah. Cela faisait partie de la culture de l'image du leader dans les campagnes médiatiques du parti.
Alors que le Hezbollah jouissait d'une popularité considérable auprès des autres confessions religieuses libanaises et même au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, la popularité de Nasrallah en dehors de la base du parti a considérablement diminué après la guerre de 2006. Plusieurs raisons expliquent cette évolution, notamment l'utilisation par le Hezbollah de ses capacités militaires contre d'autres acteurs nationaux. Par exemple, en 2008, le parti a envahi certains quartiers de Beyrouth-Ouest et des affrontements militaires ont eu lieu dans d'autres régions, notamment dans le Chouf, après que le gouvernement libanais a annoncé qu'il souhaitait démanteler le réseau de communication du parti.
En plus de ce conflit intérieur, il a participé plus tard à la répression meurtrière du mouvement populaire syrien aux côtés du régime despotique syrien et cela a de nouveau attisé les tensions confessionnelles au Liban.
Enfin, le Hezbollah fait partie de tous les gouvernements depuis 2005 et est donc perçu comme l'un des responsables de la crise économique et financière de 2019, comme les autres partis dominants libanais. Hassan Nasrallah a même été très virulent à l'égard du mouvement de protestation cette année-là, l'accusant d'être financé par des ambassades étrangères et envoyant des membres du parti attaquer les manifestants. Ajoutons à cela d'autres incidents confessionels, entre des membres du Hezbollah et des individus d'autres confessions, et finalement les accusations, à l'encontre du Hezbollah principalement, d'obstructions dans l'enquête sur les explosions du port de Beyrouth. Tous ses éléments ont mené à un plus grand isolement, à la fois politique et sociale au sein de la population libanaise, hors de sa base populaire chiite, du Hezbollah. Plutôt que d'être considéré comme une figure de la résistance nationale, Nasrallah était également de plus en plus perçu comme un « Zaim » confessionnel défendant les intérêts politiques de son parti et ceux de régimes autoritaires, comme la Syrie et l'Iran.
C'est cet isolement qui a contribué à la volonté du parti d'éviter une guerre totale avec Israël après le 7 octobre. En adoptant une action calculée et modérée contre les cibles militaires israéliennes, le Hezbollah a tenté d'empêcher que le conflit ne soit exploité par des ennemis politiques internes au Liban, ce qui ferait du parti le principal acteur responsable de tous les malheurs du pays. Cependant, la guerre actuelle d'Israël contre le Liban, avec le soutien des États-Unis, a gravement compromis ce plan.
Et maintenant ?
Dans ce contexte, les responsables du Hezbollah tentent de démontrer que le parti poursuit la voie tracée par l'ancien secrétaire général du parti après son assassinat et celui d'un certain nombre de hauts cadres militaires et politiques. Le leader intérimaire Naim Qassem l'a souligné devant ses partisans et ses membres dans son discours, lorsqu'il a déclaré : « Nous poursuivons les traces de Hassan Nasrallah ».
Pour le Hezbollah, les priorités sont désormais de protéger d'abord ses structures internes et sa chaîne de commandement, notamment en comblant le vide au sommet du parti concernant les différentes responsabilités politiques et militaires, et en élisant un nouveau secrétaire général.
Ces priorités expliquent en partie l'évolution rhétorique récente du parti du Hezbollah concernant l'objectif affiché depuis le 7 octobre de 2023 de ne pas séparer les fronts de Gaza et du Liban jusqu'à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza. En effet, le secrétaire général adjoint Naïm Kassem, et des députés du parti Hussein Hajj Hassan et Amine Cherri, ont affirmé après l'assassinat de Hassan Nasrallah que leur priorité était de mettre fin à l'agression israélienne contre le Liban et de soutenir un cessez-le-feu, indépendamment d'un arrêt des combats à Gaza. Cependant ces déclarations restent lettre morte, car l'armée d'occupation israélienne poursuit sa guerre meurtrière contre le Liban. Cette évolution est aussi liée aux défis internes sur le plan national, et l'incapacité pour son principal soutien l'Iran de faire bien plus en faveur du Hezbollah.
Cela dit, le parti reste actuellement l'acteur politique le plus important au Liban, tout en continuant à exercer une influence dépassant ses frontières nationales, notamment en Syrie, et à représenter les intérêts politiques régionaux de Téhéran.
Les capacités militaires du Hezbollah continuent de représenter un atout majeur du parti, malgré les infiltrations israéliennes, l'affaiblissement de la communication interne et l'assassinat d'un grand nombre de ses commandants militaires expérimentés. Il dispose notamment d'effectifs militaires de plusieurs dizaines de milliers de soldats (probablement environ 50.000 avec les réservistes) et d'un vaste arsenal de roquettes et de missiles. Pour la première fois depuis le 7 Octobre, le parti a utilisé différents types de missiles Fadi, qui sont des missiles puissants et de longue portée, pour frapper des sites militaires dans la périphérie des villes de Haïfa et de Tel-Aviv. De même, lors des premières tentatives d'infiltration de l'armée d'occupation israélienne dans les territoires libanais, les soldats du Hezbollah ont leurs infligés des pertes, en détruisant plusieurs tanks et causant la mort de plusieurs soldats israéliens.
Parallèlement à son mouvement armé, le parti dispose d'un vaste réseau d'institutions fournissant à sa base populaire des services clés et essentiels, même s'ils ont été partiellement mis à mal par la guerre et sont sous pression des besoins toujours croissant de la population impactée par la guerre, dont un grand nombre sont issus de sa base populaire. Dans ce contexte, cette dernière restera très probablement dans sa grande majorité fidèle, malgré des critiques plus importantes formulées à l'encontre du parti et de ses politiques, en particulier en l'absence d'une alternative politique inclusive et dans le contexte d'une crise économique profonde et continue avec un État et ses services publics aux abonnés absents.
Au niveau régional, un affaiblissement trop important du Hezbollah est problématique pour la stratégie géopolitique et le réseau d'influence régional de l'Iran. Les objectifs stratégiques de Téhéran, en particulier depuis le 7 Octobre, ont en effet été d'améliorer sa position géopolitique régionale afin d'être dans la meilleure position pour les futures négociations avec les États-Unis, en particulier sur les questions nucléaires et les sanctions, et de garantir ses intérêts politiques et sécuritaires. La dernière attaque iranienne contre Israël doit être considérée dans ce cadre, tout en essayant de réaffirmer une forme de dissuasion, bien qu'inégale par rapport à la supériorité des capacités militaires israéliennes et au soutien apporté par Washington. De plus cette attaque ne permettra à aucun moment d'arrêter la guerre israélienne contre le Liban.
Le Hezbollah se trouve dans la situation la plus dangereuse depuis sa fondation, et il est peu probable que cela s'améliore de sitôt compte tenu des attaques continues d'Israël et de l'isolement du parti au Liban.
Si les principaux atouts du mouvement ont été de construire une organisation forte et disciplinée, et non un « one-man show » – malgré le culte de la personnalité dont bénéficie Nasrallah –, la capacité du parti à élargir sa base est très limitée par sa stratégie et son orientation politiques. Le Hezbollah ne s'est pas engagé dans la construction d'un projet contre-hégémonique qui remettrait en cause le système confessionnel et néolibéral libanais. En fait, il l'a activement soutenu en devenant l'un de ses principaux défenseurs.
De plus, le parti a agi comme le principal centre d'influence et d'intérêts iraniens dans la région, en particulier après l'éruption des soulèvements en Syrie et au Moyen-Orient et en Afrique du Nord depuis 2011, qui favorisent également un ordre autoritaire néolibéral opposé à l'émancipation et à la libération des classes populaires.
En d'autres termes, le Hezbollah, comme d'autres acteurs politiques régionaux impliqués dans la résistance contre Israël, est incapable de construire un grand mouvement liant les enjeux démocratiques et sociaux, s'opposant à toutes les forces impérialistes et sous-impérialistes, tout en promouvant la transformation sociale par en bas, à travers la construction de mouvements dans lesquels les classes populaires sont les véritables acteurs de leur émancipation.
Le 5 octobre 2024
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Guerre au Liban : pourquoi Benyamin Netanyahou tient tant à chasser les Casques bleus de la Finul

Après que l'armée israélienne a blessé cinq des soldats de la Finul, le premier ministre israélien prétend, dans une cynique adresse au secrétaire général de l'ONU, que le seul moyen d'assurer leur sécurité serait leur évacuation.
Par Bruno Odent, L'Humanité, France, le 13 octobre 2024
La Force intérimaire des Nations unies au Liban ( Finul ) a été au cœur de toutes les polémiques durant le week-end. En l'espace de 48 heures, vendredi 11 et samedi 12 octobre, ses Casques bleus ont essuyé des tirs des commandos israéliens qui interviennent sur le territoire libanais pour en découdre avec les milices du Hezbollah.
Cinq soldats de l'ONU ont été blessés et l'un de leurs porte-parole, Andrea Tenenti, a accusé l'armée israélienne d'avoir tiré de « façon répétée » et « délibérée » sur les positions de la Finul, infligeant « beaucoup de dommages » au dispositif installé sur place par l'ONU. « Le conflit entre le Hezbollah et Israël n'est pas qu'un conflit qui implique deux pays. Très bientôt, ce pourrait être un conflit régional avec un impact catastrophique pour tous », a-t-il prévenu quelques instants plus tard, comme pour relever le rôle salutaire de la mission de maintien de la Finul.
Le président des États-Unis, Joe Biden, s'est ému de la situation, demandant à Israël de ne plus tirer sur les soldats de l'ONU, quand son homologue français, Emmanuel Macron, a jugé ces attaques « inacceptables ».
*Exercice devenu classique de renversement des accusations*
La Finul, qui est composée de quelque 10 000 soldats, est déployée au Liban depuis 1978 à la suite d'une décision du Conseil de sécurité de l'ONU. Il s'agissait alors de mettre fin à une première invasion israélienne condamnée par les Nations unies qui demandaient dans une résolution à Israël de retirer ses troupes du territoire libanais.
La Finul fut chargée d'opérer sur la frontière israélo-libanaise pour orchestrer le retrait des troupes israéliennes au Liban du Sud, consolider la paix et aider le gouvernement libanais à rétablir son autorité effective dans la région.
Pas de quoi impressionner le premier ministre israélien, peu enclin il est vrai à se plier aux décisions de la communauté internationale. Benyamin Netanyahou a appelé, ce dimanche 23 (sic) octobre, le secrétaire général de l'ONU pour qu'il sorte les Casques bleus de la Finul de leur poste d'observation.
« Monsieur le secrétaire général, mettez les forces de la Finul à l'abri. Il faut le faire tout de suite, immédiatement ! » a lancé en anglais un Netanyahou courroucé et passé maître dans l'art de la provocation lors d'un discours filmé au début du Conseil des ministres.
Et d'ajouter à l'adresse d'Antonio Guterres dans un exercice devenu classique de renversement des accusations sur l'origine des responsabilités : « Nous regrettons que les soldats de la Finul aient été blessés et nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter que cela ne se reproduise. Mais le moyen le plus simple et le plus évident d'y parvenir est tout simplement de les faire sortir de la zone de danger. »
Quelques instants plus tard, le Liban « condamnait » cet appel martial de Netanyahou à évacuer les Casques bleus de la frontière, le premier ministre libanais, Najib Mikati, s'indignant d'un « nouveau refus (israélien) de se plier au droit international » et dénonçant « l'agression israélienne contre la Finul ».
Lecture suggérée par André Cloutier
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Les forces israéliennes prennent à nouveau pour cible les forces de maintien de la paix de l’ONU dans le sud du Liban

La force de maintien de la paix des Nations unies au Sud-Liban confirme que son quartier général à Naqoura a été touché par des explosions pour la deuxième fois en 48 heures, un jour après que les forces israéliennes ont frappé la même position.
Tiré de France Palestine solidarité. Photo : Des soldats de la paix de la FINUL patrouillent dans les environs de Tyr, au sud du Liban © UN Photo/Pasqual Gorriz.
Deux casques bleus de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) ont été blessés après que deux explosions se soient produites à proximité d'une tour d'observation, a déclaré la mission des Nations unies dans un communiqué vendredi.
« Il s'agit d'un événement grave et la FINUL rappelle que la sécurité du personnel et des biens de l'ONU doit être garantie et que l'inviolabilité des locaux de l'ONU doit être respectée à tout moment », a ajouté le communiqué.
« Toute attaque délibérée contre des soldats de la paix constitue une grave violation du droit humanitaire international. » L'un des soldats de la paix blessés a été transporté dans un hôpital de la ville voisine de Tyr, tandis que l'autre a été soigné sur place.
L'organisation a également déclaré que « plusieurs murs en T de notre position de l'ONU 1-31, près de la ligne bleue à Labbouneh, sont tombés lorsqu'une chenille [militaire israélienne] a frappé le périmètre et que des chars [israéliens] se sont déplacés à proximité de la position de l'ONU », en référence à la ligne de démarcation entre Israël et le Liban.
« Nos forces de maintien de la paix sont restées sur place », a indiqué le communiqué, ajoutant que des forces de maintien de la paix supplémentaires avaient été envoyées pour renforcer la position.
L'armée israélienne a déclaré dans un communiqué qu'elle procédait à un examen approfondi de l'incident au cours duquel deux soldats de la paix ont été blessés « par inadvertance » dans le sud du Liban. Elle a ensuite déclaré que deux membres de la mission de maintien de la paix des Nations unies avaient été blessés lorsque les forces israéliennes avaient répondu à une menace.
Elle a indiqué qu'elle avait demandé au personnel de la FINUL de se rendre dans des zones protégées et d'y rester quelques heures avant l'incident.
Le ministère libanais des affaires étrangères avait précédemment déclaré que les attaques visaient des tours de guet et la base principale de la FINUL à Naqoura, ainsi que la base du bataillon sri-lankais.
L'agence de presse officielle libanaise National News Agency a rapporté que les tirs d'artillerie d'un char israélien Merkava avaient blessé des membres du bataillon sri-lankais, sans préciser où ils se trouvaient exactement.
S'exprimant lors d'une conférence de presse à Beyrouth, le premier ministre intérimaire libanais, Najib Mikati, a déclaré que les actions d'Israël constituaient un « crime dénoncé ». Il a ajouté qu'il avait discuté avec le secrétaire d'État américain Antony Blinken des efforts déployés pour parvenir à un cessez-le-feu au Liban.
Le Hezbollah a également condamné les attaques israéliennes. Le chef des médias du groupe, Mohammad Afif, a déclaré que les attaques visaient les soldats de la paix de l'ONU, les civils, les zones résidentielles, les hôpitaux et le personnel médical, et a dénoncé les « excuses » et les justifications utilisées par l'armée israélienne pour continuer à les frapper, notamment en affirmant qu'elles contenaient des armes et des explosifs.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a déclaré vendredi qu'il était « très clair que cet incident est intolérable et ne peut se répéter ».
Le ministère russe des affaires étrangères s'est déclaré vendredi « scandalisé » par le fait que les soldats de la paix de la FINUL aient été pris pour cible et a exigé qu'Israël s'abstienne de toute « action hostile » à leur encontre.
Human Rights Watch a demandé une enquête de l'ONU sur ces attaques et a déclaré que le fait de prendre délibérément pour cible les missions de l'ONU constituait un « crime de guerre ».
« Les forces de maintien de la paix de l'ONU au Sud-Liban jouent depuis longtemps un rôle humanitaire et de protection des civils essentiel », a déclaré Lama Fakih, directeur pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord de l'organisation de défense des droits de l'homme basée à New York. « Tout ciblage des soldats de la paix de l'ONU par les forces israéliennes viole les lois de la guerre et interfère dangereusement avec la protection des civils et le travail d'aide de la FINUL.
La Chine s'est déclarée « gravement préoccupée et a fermement condamné » les attaques d'Israël contre les opérations de paix de l'ONU, tout comme l'Inde, qui a déploré la « détérioration de la situation sécuritaire le long de la Ligne bleue ».
Le ministère indien des affaires extérieures a déclaré « L'inviolabilité des locaux de l'ONU doit être respectée par tous et des mesures appropriées doivent être prises pour garantir la sécurité des soldats de la paix de l'ONU et le caractère sacré de leur mandat. »
La France a convoqué l'ambassadeur d'Israël pour lui demander des explications, a indiqué le ministère des affaires étrangères dans un communiqué.
« Ces attaques constituent des violations graves du droit international et doivent cesser immédiatement », a déclaré le ministère.
La France compte environ 700 soldats dans le cadre de la mission de la FINUL. Aucun de ses soldats n'a été blessé jusqu'à présent. Le ministère a déclaré que toutes les parties au conflit avaient l'obligation de protéger les soldats de la paix.
Assaut contre les Casques bleus
L'incident de vendredi survient un jour après que les casques bleus de l'ONU ont déclaré que l'armée israélienne avait tiré « à plusieurs reprises » sur le quartier général et les positions de la FINUL dans le sud du Liban.
Deux casques bleus indonésiens ont été blessés jeudi et sont toujours hospitalisés, a indiqué la mission.
Le personnel de la FINUL porte des casques bleus pour être clairement identifiable et sa position est connue de l'armée israélienne.Israël a reconnu que ses forces avaient ouvert le feu dans la zone, affirmant que les combattants du Hezbollah contre lesquels il fait la guerre opèrent à proximité des postes de l'ONU.
L'attaque de jeudi a suscité une condamnation mondiale.
Le ministre italien de la défense, Guido Crosetto, a dénoncé l'incident comme un possible crime de guerre, rompant ainsi avec le soutien apporté par son pays à Israël tout au long de la guerre qui l'a opposé à Gaza et au Liban.
« Il ne s'agit pas d'une erreur ni d'un accident », a déclaré M. Crosetto lors d'une conférence de presse. « Cela pourrait constituer un crime de guerre et représente une violation très grave du droit humanitaire international. »
Le porte-parole de la FINUL, Andrea Tenenti, a déclaré à Al Jazeera qu'il s'agissait d'un événement « très grave ».
Il a expliqué qu'Israël avait déjà demandé aux soldats de la paix de quitter « certaines positions » près de la frontière, mais « nous avons décidé de rester parce qu'il est important que le drapeau de l'ONU flotte dans le sud du Liban ».
« Pour l'instant, nous restons, nous essayons de faire tout ce que nous pouvons pour surveiller [et] fournir de l'aide », a ajouté M. Tenenti.
La ministre indonésienne des affaires étrangères, Retno Marsudi, a confirmé que les soldats de la paix de son pays se trouvaient à l'hôpital pour une observation plus approfondie. « L'Indonésie condamne fermement l'attaque », a-t-elle déclaré. « Attaquer le personnel et les biens de l'ONU est une violation majeure du droit humanitaire international. »
Traduction : AFPS
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Une quarantaine de sociétés de journalistes réclament de nouveau l’accès à Gaza

Un an après le 7-Octobre, de nombreuses sociétés de journalistes et rédactions, dont la SDJ de Mediapart, demandent dans une tribune collective aux instances internationales et aux dirigeants de tous les pays d'appeler à l'ouverture de ce territoire à la presse pour qu'elle y exerce son métier : informer.
Tiré du blogue de l'auteur.
Depuis un an, la bande de Gaza est soumise à d'intenses combats et aux bombardements israéliens, en représailles aux massacres et à l'enlèvement de nombreux otages par des milices terroristes du Hamas, le 7 octobre 2023.
La presse, cependant, ne peut toujours pas entrer dans cette enclave. L'accès en est interdit par Israël. Il est donc impossible de voir directement ce qui s'y passe. Impossible de rendre compte par nous-mêmes des destructions massives, des dizaines de milliers de morts et de blessés palestiniens sans dépendre de la communication de chaque camp.
Les journalistes palestiniens bloqués dans Gaza ne bénéficient quant à eux d'aucune protection. Plus d'une centaine d'entre eux ont été tués, et il a été démontré que plusieurs dizaines parmi eux l'ont été dans le cadre de leur travail. Les correspondants des agences de presse, des chaînes de télévision ou de radio, les interlocuteurs des médias que nous représentons sont, comme l'immense majorité des Gazaouis et de leurs familles, déplacés, leurs vies mises en danger. Ils sont régulièrement soumis à de nombreuses coupures d'électricité et des moyens de communication, empêchant de transmettre à l'extérieur ce qu'ils voient et entendent.
Cette situation, que nous avions déjà dénoncée il y a un an, est sans précédent. Il revient aux rédactions, comme dans chaque conflit armé, de mesurer les risques d'envoyer ou non leurs journalistes sur un terrain de guerre, comme elles le font à travers le monde.
Nous le répétons, la désinformation et le mensonge sont aussi des armes de guerre des différentes parties prenantes au conflit. Empêcher les journalistes d'exercer librement leur métier ne peut que les servir. Ce droit d'informer et d'être informé est le pilier de nos démocraties. Il s'agit d'une liberté fondamentale, inscrite dans l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Nous demandons donc aux autorités israéliennes de préserver la sécurité des journalistes qui tentent actuellement de travailler à Gaza et d'ouvrir ce territoire à la presse internationale pour qu'elle y fasse son métier : informer sans entrave et témoigner de la marche de cette guerre, l'une des plus meurtrières et violentes de ce début du XXIe siècle.
Les sociétés de journalistes et de rédacteurs de : Arrêt sur images, Arte, BFM Business, BFM-TV, Blast, Challenges, France 24, France Télévisions rédaction nationale, France 3 rédaction nationale, Franceinfo TV, Franceinfo.fr, Konbini, LCI, L'Express, L'Humanité, Le Figaro, Le Monde, Le Nouvel Obs, L'Informé, La Tribune, La Vie, Le Point, Le Télégramme, Libération, Mediapart, M6, Premières Lignes TV, Radio France, RFI, RMC, RTL, « Sept à huit », Télérama, TV5 Monde, L'Usine nouvelle, ainsi que Reporters sans Frontières.

Etats-Unis. La grève de 45 000 dockers… cinq semaines avant les élections présidentielles

Les travailleurs des ports de la côte est des Etats-Unis et du golfe du Mexique se sont mis en grève mardi 1er octobre à la suite de l'échec des négociations entre le syndicat qui les représente – l'International Longshoremen's Association (ILA)– et l'organisation des compagnies maritimes internationales qui les emploient.
2 octobre 2024 | tiré du site alencontre.org
https://alencontre.org/ameriques/americnord/usa/etats-unis-la-greve-de-45-000-dockers-cinq-semaines-avant-les-elections-presidentielles.html
Environ 45'000 travailleurs ont débrayé à 0h01 ce mardi, ce qui en fait la grève la plus importante que le syndicat ait connue depuis 1977. Mardi, les travailleurs de 36 ports différents ont cessé le travail après l'expiration de leur contrat de six ans avec l'United States Maritime Alliance (USMX) – et selon la durée de la grève – cela pourrait avoir un impact considérable sur l'économie des Etats-Unis.
La grève touche certains des plus grands ports du pays, comme la Port Authority of New York and New Jersey (Autorité portuaire de New York et du New Jersey). Dans l'ensemble, les ports concernés manutentionnent environ 50% des importations et des exportations depuis et à destination des Etats-Unis. Bien qu'une partie du fret ait été détournée à titre préventif vers la côte ouest, cette solution n'est pas sans complications.
Ces derniers jours, il semblait que les négociations entre l'USMX et l'ILA allaient bon train. L'USMX demandait une prolongation du contrat actuel afin de disposer de plus de temps pour négocier. L'ILA a toutefois refusé la nouvelle proposition.
Le président de l'ILA, Harold J. Daggett [élu en 2011, réélu en 2023 pour la quatrième fois], a prévenu mardi que le syndicat était « prêt à se battre aussi longtemps que nécessaire, à rester en grève aussi longtemps qu'il le faudra, pour obtenir les salaires et les protections contre l'automatisation que méritent les membres de l'ILA ».
Qu'est-ce que l'International Longshoremen's Association ? Pourquoi ses membres font-ils grève ?
L'ILA représente environ 45'000 travailleurs qui assurent le déchargement des énormes conteneurs de grands porte-conteneurs. En fin de compte, les marchandises transportées par les navires sont acheminées vers les entrepôts, les rayons des magasins et les usines.
Les membres travaillent dans les ports de la côte Est, jusqu'au Maine, ainsi que dans les ports de la côte du Golfe du Mexique, en Louisiane et au Texas.
« La grève porte sur deux questions principales », indique Art Wheaton. Il dirige les études sur les conditions de travail et « relations industrielles » à l'université de Cornell (dans l'Etat de New York). « La première porte sur les salaires. La deuxième concerne la technologie. »
Le syndicat a exigé une augmentation de salaire significative pour les dockers au cours des six années de la durée du contrat collectif, ainsi qu'une augmentation des cotisations à leur plan de retraite et un droit de regard sur le rôle de l'automatisation dans leur secteur. Certains rapports indiquent que le syndicat a demandé jusqu'à 77 % d'augmentation de salaire (AP, 18 septembre) ; la proposition la plus récente d'USMX offrait une augmentation de 50%, sur la durée du contrat.
Selon Art Wheaton : « La principale préoccupation des dockers est qu'ils ne veulent pas que des machines automatisées soient chargées de prendre, de déposer et de décharger la cargaison automatiquement. Ils tiennent à ce qu'un opérateur soit présent pour garantir la qualité et la sécurité de leurs opérations, ainsi que la sécurité de l'emploi. »
Les négociations entre l'USMX et l'ILA en vue d'un nouveau contrat ont été interrompues en juin, apparemment à cause de l'utilisation de l'automatisation dans Port of Mobile situé dans l'Etat du Alabama [un port en eau profonde et bien connecté au réseau ferroviaire de CN]. La semaine dernière (fin septembre), l'USMX a déposé une plainte auprès du National Labor Review Board [agence fédérale chargée contrôlant les élections syndicales et les infractions aux règles commises par les syndicats ou les employeurs], affirmant que l'ILA refusait de poursuivre les négociations contractuelles. L'USMX n'a pas répondu à notre demande de commentaire.
Les compagnies maritimes qui composent l'USMX – toutes basées en dehors des Etats-Unis – ont gagné des milliards grâce à l'essor du commerce mondial et du transport maritime, affirme le syndicat, alors que les salaires ont stagné face à l'inflation.
Les dockers de la côte ouest gagnent environ 55 dollars de l'heure, (New York Times 24 septembre 2024) comparés au 39 dollars de l'heure en moyenne pour les travailleurs qualifiés de la côte est et du golfe du Mexique (CNN 1er octobre 2024). Les dockers de la côte ouest ont obtenu une augmentation de salaireimpressionnante lors leur dernier contrat [pour six ans]. Ces derniers appartiennent à un autre syndicat, l'ILWU (International Longshoremen and Warehouse Union). Il est depuis longtemps beaucoup plus radical que l'ILA en termes d'orientation, de revendications et de tactiques, selon Gabe Winant, historien du travail à l'université de Chicago. Les grands succès salariaux des travailleurs organisés dans l'ILWU ont prouvé qu'il était possible d'exiger davantage – et surtout de l'obtenir. Aujourd'hui, l'ILA espère remporter une victoire similaire.
Quelles seront les marchandises concernées ?
Plus de 50% des marchandises importées aux Etats-Unis par des porte-conteneurs entrent par les ports de la côte est et du golfe du Mexique, et près de 70% des exportations par conteneurs sortent par ces ports. Dans l'immédiat, il devrait y avoir peu de pénuries ou d'augmentations de prix sur la plupart des biens de consommation. De nombreuses firmes se sont préparées à la grève. Toutefois, en fonction de la durée de la grève, certains produits périssables pourraient être plus chers ou plus difficiles à trouver.
« Nous avons tous ces produits périssables importés [sur] la côte Est », comme les myrtilles, les bananes et le poisson d'Amérique du Sud, indique Chris Tang, professeur de gestion des filières d'approvisionnement auprès de l'UCLA (Université de Californie à Los Angeles). « Nous importons également des vêtements, des jouets et des produits électroniques via la côte Est. »
L'industrie automobile risque également d'être touchée, car de nombreuses voitures et pièces détachées sont importées d'Europe. Chris Tang souligne : « Il y a encore des stocks disponibles dans les usines automobiles et chez les concessionnaires, donc à court terme, la grève n'a pas d'impact majeur ». Mais si la grève se prolonge pendant des semaines, ces stocks s'épuiseront et les problèmes de réparation automobile pourraient s'aggraver en raison des retards de livraison des pièces détachées.
Outre la grève, d'autres facteurs affectent actuellement le transport maritime mondial, notamment les attaques des Houthis en mer Rouge, qui ont perturbé le transport depuis novembre dernier, ainsi que des conditions météorologiques extrêmes. Le canal de Panama a également été touché indépendamment des grèves ; la voie navigable souffre d'un manque d'eau, ce qui a créé un retard dans le transport maritime.
Art Wheaton ajoute : « Quiconque a essayé d'acheter du papier hygiénique pendant la pandémie de Covid peut vous le dire : notre chaîne d'approvisionnement est fragile, et lorsque vous commencez à vous attaquer aux cargos, au rail et aux semi-remorques, vous êtes fichus. Il est impossible d'acheminer quoi que ce soit. Ajoutez à cela qu'une grande partie de la côte Est vient d'être submergée par les eaux suite l'ouragan (Hélène) qui vient de passer. »
Dans l'ensemble, les consommateurs ne devraient pas trop s'inquiéter de la pénurie de marchandises. Pour l'instant, Chris Tang conseille de ne pas accumuler les produits de peur qu'ils ne disparaissent des rayons, ce qui créerait des pénuries et ferait grimper les prix, indépendamment de la grève.
Une grève à la veille des élections du 5 novembre. Une « complication » pour Biden et Kamala Harris ?
La suite de la grève dépend en grande partie de la rapidité avec laquelle l'ILA et l'USMX parviendront à un accord.
La Loi fédérale donne au Congrès et au président le pouvoir d'interrompre une grève dans certaines circonstances. Dans le cas présent, le président Joe Biden pourrait ordonner le retour des dockers dans les ports pour une durée 80 jours, le temps que l'USMX et l'ILA poursuivent les négociations contractuelles, en vertu des pouvoirs conférés par la loi Taft-Hartley, mais il ne souhaite pas le faire [1].
Chris Tang prévient que cela pourrait changer au fur et à mesure que la grève se prolonge, étant donné qu'elle pourrait se poursuivre jusqu'à l'élection présidentielle.
L'administration Biden devra faire face à « la pression des consommateurs, des détaillants, des fabricants et des compagnies maritimes » pour prendre des mesures et rouvrir les ports, a déclaré M. Tang. Certains regroupements de firmes demandent déjà à M. Biden de renvoyer les membres de l'ILA au travail. Mais Biden a également largement soutenu l'action syndicale, à l'exception de la grève des cheminots de 2022[blocage par le Congrès, sur demande de Biden, en 2022, d'accorder un congé maladie payés de 7 jours pour les travailleurs du rail] et un certain nombre de syndicats contribuent à la campagne de la vice-présidente Harris.
« Je pense qu'en ce moment, le président Biden est soumis à une forte pression », a déclaré Chris Tang. Dans l'idéal, l'administration n'aura pas à agir, l'ILA et l'USMX parvenant à un accord soit de leur propre chef, soit avec l'aide de fonctionnaires du NLR, lors des négociations [2].
« La politique officielle du gouvernement depuis plus de 100 ans est que la meilleure solution est une solution négociée », explique Art Wheaton. L'approche gouvernementale est la suivante « Le syndicat n'obtiendra pas tout ce qu'il veut, la direction de l'USMX de n'obtiendra pas tout ce qu'elle veut, mais il faut se réunir pour des négociations pour voir ce que les deux parties peuvent accepter. » (Article publié sur le site de Vox en date du 2 octobre 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)
Ellen Ioanes travaillait, avant d'écrire pour Vox, auprès de Business Insider
Notes
[1] Selon Politico du 1er octobre 2024 « La Maison Blanche a réaffirmé mardi qu'elle ne contraindrait pas les dockers en grève à reprendre le travail. Elle a insisté sur le fait que l'impact sur les marchandises vitales de l'Amérique serait minime pour l'instant.
La formule clé est “pour l'instant” […] Jusqu'à présent, l'administration Biden s'en tient à son scénario : tenter de réunir le syndicat et l'industrie du transport maritime autour d'une table, surveiller la situation et espérer que le conflit ne s'éternise pas. Cela signifie que le président Joe Biden n'a pas l'intention d'utiliser les pouvoirs conférés par la loi Taft-Hartley de 1947 pour mettre fin à la grève [selon la loi Raft-Hartley, le gouvernement fédéral dispose du droit d'interdire ou d'arrêter une grève qui met en danger la sécurité nationale]. Des groupements d'entreprises comme la Chambre de commerce des Etats-Unis (U.S. Chamber of Commerce) demandent déjà à Biden de faire appel à cette loi, mais cela l'exaspération des syndiqués à quelques semaines des élections. » (Réd.)
[2] Sur le site de l'ILA, en date du 25 septembre, il est proclamé – ce verbe n'est pas exagéré : « L'ILA, le syndicat “I love America”, maintiendra son engagement de longue date d'assurer le fret militaire pendant la grève. Les navires de croisière ne seront non plus pas affectés par la grève du 1er octobre dans les ports de l'Atlantique et du Golfe. » De quoi rassurer l'administration. (Réd.)

#16OCT24 – Journée internationale d’action pour la souveraineté alimentaire des peuples et contre les multinationales

BAGNOLET, le 1er octobre 2024. Nous, la paysannerie mondiale, rassemblant des peuples ruraux divers, des communautés autochtones et migrantes, des femmes et des enfants du monde rural, des pêcheur·euses, des berger·ères, ainsi que tous les autres petit·es producteur·rices alimentaires, nous unissons de nouveau nos voix pour faire entendre nos luttes pour la souveraineté alimentaire de nos peuples.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/10/11/16oct24-journee-internationale-daction-pour-la-souverainete-alimentaire-des-peuples-et-contre-les-multinationales/
Chaque jour, le monde se réveille face à de nouvelles dégradations environnementale dans diverses régions. Pendant ce temps, un tout petit nombre d'actionnaires de multinationales continue de tirer profit des crises que ces mêmes multinationales ont générées. La vie est constamment menacée, et de nombreuses politiques publiques sont vidées de droits fondamentaux tels que la santé, le logement et l'alimentation, ainsi que des droits collectifs et paysans. Cela a conduit à la détérioration de la justice sociale et à la monopolisation des biens communs.
La paysannerie mondiale, ainsi que d'autres populations vulnérables, subissent une dépossession constante de leurs moyens de subsistance et de survie. En plus de cela, la guerre, les occupations et les opérations militaires continuent de détruire la biodiversité et la souveraineté alimentaire, tout en semant la terreur et en fauchant des vies dans plusieurs régions comme la Palestine, le Liban, le Soudan, le Yémen et Haïti. La criminalisation et l'oppression des luttes pour la terre et les territoires continuent de coûter la vie à des activistes, comme on le voit dans des pays tels que le Honduras, les Philippines, la Colombie et le Brésil, pour n'en citer que quelques-uns.
Le réchauffement climatique, principalement causé par l'agrobusiness, l'extractivisme et l'exploitation minière, aggrave ces crises et met en danger le droit à l'alimentation de nos peuples. Plus de deux milliards de personnes – soit près d'un tiers de la population mondiale – peinent à accéder régulièrement à une alimentation adéquate. La faim et l'insécurité alimentaire sévère touchent aujourd'hui 864 millions de personnes, en particulier les enfants et les femmes. La malnutrition est une réalité pour beaucoup, et de plus en plus de pays signalent une hausse de ce fléau.
Alors, que faire dans un monde en proie à une crise systémique ?
De la paysannerie mondiale et du mouvement mondial pour la souveraineté alimentaire, nous croyons fermement en la nécessité d'une transformation systémique qui protège notre relation symbiotique avec Terre. Seule une telle transformation peut garantir la justice sociale, la paix, et une réforme agraire globale, afin que nous puissions vivre avec dignité, sans pauvreté ni faim.
Pour commencer, nous EXIGEONS une transition agroécologique qui préserve les systèmes alimentaires locaux et promeut un nouveau cadre commercial basé sur les principes de la souveraineté alimentaire.
Nous AVONS URGEMMENT BESOIN de politiques publiques qui soutiennent et mettent en œuvre une telle transition, en priorisant les modèles de production paysanne, les économies sociales et solidaires.
Nous EXIGEONS également la protection des paysan·nes et des défenseur·euses des droits humains de nos territoires contre la violence , la stigmatisation et la criminalisation. Ceci passe par la mise en œuvre de la déclaration des Nations unies sur les droits des paysan·nes et autres personnes travaillant dans le monde rural (UNDROP) ainsi que par d'autres actions protégeant et revendiquant le rôle de ces personnes.
Les politiques agricoles dictées par les multinationales aggravent uniquement la crise climatique, et l'accent mis sur les produits agricoles importés entraîne un désespoir croissant parmi la paysannerie.
Nous EXIGEONS des mesures pour freiner le pouvoir croissant des multinationales dans les espaces politiques de nos pays et dans les forums multilatéraux.
Nous APPELONS à un traité contraignant de l'ONU pour réguler les entreprises transnationales ETN), mettre fin aux violations des droits humains, mettre fin à l'impunité des entreprises multinationales, et garantir l'accès à la justice pour les communautés affectées, en conformité avec l'UNDROP et d'autres instruments juridiques.
Il est urgent d'établir un système de réponse au changement climatique qui RECONNAISSE la paysannerie comme un acteur clé, en particulier les femmes paysannes. Cependant, dans de nombreux pays et cultures, les femmes paysannes et les diversités manquent encore de reconnaissance légale. Il est essentiel de modifier les lois et les politiques publiques pour garantir les droits de propriété, en reconnaissant leur rôle historique dans l'agriculture.
Pour toutes ces raisons, en ce 16 octobre 2024, Journée internationale d'action pour la souveraineté alimentaire des peuples et contre les entreprises transnationales, nous appelons nos organisations régionales et locales, allié·es, mouvements sociaux et collectifs à se mobiliser ensemble en défense de la vie, d'une alimentation saine et souveraine pour les peuples, et des droits de millions de paysan·nes.
Nous demandons d'autres politiques publiques pour que les populations ne soient plus dépendantes des produits agricoles importés émetteurs de carbone et d'un type d'agriculture dominé par les multinationales de l'agroalimentaire. Nous avons besoin d'une agriculture durable basée sur la souveraineté alimentaire, c'est pourquoi les réformes agraires, comme le prévoit l'UNDROP, sont essentielles.
Une délégation mondiale représentant nos organisations membres participera à diverses activités, comme les mobilisations pour défendre la biodiversité lors de la COP16 à Cali, en Colombie, les sessions marquant la Décennie de l'Agriculture Familiale à Rome, la Session Plénière du Comité de la Sécurité Alimentaire Mondiale, etc. Nous rejoindrons également et soutiendrons les préparatifs du troisième Forum Mondial Nyeleni sur la souveraineté alimentaire, la justice globale et le changement systémique prévu pour 2025. Nous vous appelons à vous joindre à ces mobilisations et activités, à nous soutenir et à amplifier nos voix.
Pour la biodiversité et la souveraineté alimentaire. Mettons fin à l'impunité des multinationales et leur emprise sur nos territoires !
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Un tournant important dans la vie démocratique de Québec solidaire.

Les modifications proposées aux statuts de Québec solidaire pour le prochain congrès n'ont rien d'un nettoyage cosmétique. Elles vont déboucher, si jamais elles sont adoptées, sur un affaiblissement de la démocratie délibérative et nous mener à une démocratie plébiscitaire. Des amendements proposent l'utilisation du suffrage universel pour l'élection à des postes de responsabilité et l'utilisation de référendums pour trancher des débats politiques. Ces propositions relèvent d'une démocratie plébiscitaire. Des propositions sont marquées par le retour des notions de chef, la disparition ou l'affaiblissement d'instances ou par la diminution des pouvoirs du congrès ou des assemblées générales dans le fonctionnement du parti. C'est un fonctionnement verticaliste qui se profile. Ceci ne mènera pas au renforcement de l'engagement politique des membres ni à l'intensification de son rayonnement.
1. Affaiblir des prérogatives du congrès
Plusieurs amendements visent à affaiblir le pouvoir du congrès de Québec solidaire. L'élection au suffrage universel des porte-paroles et de la présidence constitue un recul du pouvoir attribué au congrès du parti.
La légitimité démocratique ne découle pas seulement de la simple expression des volontés individuelles, mais de leur co-construction dans la discussion. Cela est également vrai pour les élections. L'élection au suffrage universel ne peut que saper la démocratie délibérative en niant l'importance et la pertinence de la confrontation des idées à partir de débats concrets. Les personnes qui ne participent pas à ces débats n'ont pour guider leur choix que la notoriété de celles qui se présentent à une élection pour un poste. D'autre part, en introduisant des postes de responsabilité accordés par suffrage universel, alors que d'autres postes sont accordés par le vote des délégué-es, ces amendements aux statuts introduisent une double légitimité chez les personnes élues, et donc des inégalités de prestige et de statut entre elles. [1]
L'élection d'un chef ou d'une cheffe à partir des obligations imposées par la loi électorale ouvre la porte au retour du chef. Cette proposition est essentiellement motivée par des raisons économiques. Une élection de ce type permettrait de mener une vraie course à la chefferie, pouvant faire l'objet d'un financement. Le texte qui motive cette proposition se veut d'ailleurs rassurant, en prétendant que ce chef n'aura que des fonctions administratives. Mais cela ne sera considéré ainsi ni par les grands médias ni par les autres partis politiques. Ce type de fonctionnement conduira inévitablement à la rupture avec un fonctionnement qui est basé sur des préoccupations démocratiques et féministes, celles de porte-parole élu-es (une femme et un homme) par les délégué-es à un congrès. La notion de chef (au masculin) qui structure les partis politiques traditionnels comme partis patriarcaux ne doit pas faire un retour en force dans la pratique de QS. Les difficultés connues cette dernière année auraient dû être une leçon importante à cet égard.
Il en va de même de l'élection de la personne porte-parole candidate au poste de premier ou première ministre. La participation aux débats des chefs est une chose. L'élection d'un premier ou d'une première ministre en est une autre, d'autant plus que nous favorisons, si nous utilisons ce langage, une dynamique de centralisation du pouvoir dans le parti et nous taisons le fait que nous rejetons la centralisation actuelle des pouvoirs dans les mains d'un premier ministre. Notre démarche de constituante vise d'ailleurs à redéfinir nos institutions pour mettre fin à ce type de centralisation des pouvoirs.
2. Les référendums, utilisés comme moyens de trancher les débats
La tenue d'un vote des membres pour trancher des débats importants place la procédure d'un référendum sur le même pied que l'instance que représente le congrès. Il est d'ailleurs prévu que le congrès du parti ne pourra pas renverser une position adoptée par référendum à moins d'un vote des deux tiers.
Pour le comité des statuts, le référendum interne permet à l'ensemble des membres de se prononcer sur une question précise. Un référendum pourrait être lancé par décision du congrès ou du Conseil national, par des décisions du Comité de coordination national ou par une pétition portée par une association locale et signée par 5 % des membres en règle.
Qu'un congrès décide de tenir un référendum, dans des circonstances particulières et à des fins d'information, c'est une chose, mais en faire un mode de résolution des débats dans le parti en est une autre.
Un référendum peut conduire à éviter ou à contourner une assemblée générale délibérative. Il ne permet pas de débattre de manière approfondie des enjeux entourant une décision politique, de soupeser réellement les options alternatives à partir d'échanges concrets et d'enrichir par des amendements ou par des textes alternatifs des éléments pouvant éclairer la décision des membres impliqués concrètement dans les débats. De plus, les personnes qui n'ont pas participé aux débats peuvent ne pas avoir une véritable compréhension des enjeux reliés à ces débats.
La réponse binaire (voir les deux options proposées lors de la tenue d'un référendum) peut rendre dangereusement vaseuse et incompréhensible une décision à laquelle on aura agrégé une série de propositions contradictoires. C'est pourquoi le référendum constitue une dangereuse remise en question de la démocratie délibérative. Un tel fonctionnement ne conduirait pas à une amélioration de la démocratie, au contraire. Il peut rendre le parti vulnérable à des opérations extérieures puisqu'il ne s'agirait que de devenir membres pour avoir un poids sur les débats internes sans pour autant participer à ces débats.
3. Mettre en place un Conseil national moins représentatif du parti dans son ensemble réduira la richesse des débats politiques au sein du parti.
La mise en place d'un Conseil national qui ne serait pas composé d'une délégation reflétant le nombre de membres des associations locales mais bien plutôt de deux personnes déléguées par association de circonscription, et ce quelle que soit son importance, est dangereuse à plusieurs égards. On justifie cette proposition en arguant que cette délégation non proportionnelle permettrait de réduire l'importance numérique de l'instance tout en renforçant le poids des régions dans le Conseil national.
Un véritable fonctionnement démocratique impliquerait de ne pas écarter les positions minoritaires mais au contraire de leur permettre de s'exprimer car elles peuvent refléter des expériences distinctes de différents secteurs du parti et de différentes implantations sociales. Un Conseil national (CN) plus petit et ne tenant aucun compte de l'importance de l'implantation des associations locales risque de devenir un CN homogène, ne permettant pas de refléter les différentes orientations présentes dans le parti et donc infirmant la pertinence des débats et des décisions qui en découlent. Si on veut renforcer les représentations régionales, on pourra penser à une représentation proportionnelle modulée régionalement, qui permettrait à la fois d'alléger l'instance tout en tenant compte de la sous-représentation des régions hors des grandes régions urbaines.
4 Abolir des associations régionales pour une Concertation régionale volontaire des associations qui le veulent bien
L'abolition des associations régionales fait disparaître une assemblée générale des membres au niveau régional au profit de Comités de concertation régionaux. Ces derniers seraient le produit des associations qui veulent organiser cette concertation. D'ailleurs, cette Concertation régionale regrouperait des représentant-es des associations locales et une représentante régionale à la Commission nationale des femmes.
Nous croyons qu'il faut maintenir les associations régionales tout en précisant leurs missions. Pourquoi ? Les associations régionales ne sont pas seulement une instance regroupant les membres qui ne font pas partie d'une association locale. C'est une instance qui permet, par son assemblée générale et les débats qui y ont cours, de saisir les problématiques régionales, d'élaborer des analyses et des perspectives pour faire face aux dynamiques régionales et d'aider à construire le parti dans les divers mouvements sociaux des différentes régions. Que ce soit en ce qui concerne les services publics (école, santé, transports publics, questions environnementales, etc.) ou autrement, les problématiques régionales abondent et ne peuvent être appréhendées sur la seule base des associations locales. Des campagnes régionales peuvent être élaborées pour que le parti puisse donner des réponses concrètes à ces problèmes. Si on limite les associations régionales à organiser les membres non organisés dans une région, on passe à côté de la pertinence d'une association régionale et on ne permet pas son développement.
Se contenter d'une concertation large qui ne devra son existence qu'au bon vouloir des associations locales ne saurait être une réponse souhaitable. À l'heure où le parti parle d'implantation dans les régions, la centralisation des initiatives au niveau national et l'élimination d'une assemblée générale des membres dans les différentes régions ne peuvent conduire qu'à un évitement des particularités dont il faut pourtant se saisir pour implanter le parti. Une certaine décentralisation permettant le développement des capacités d'initiative et d'autonomie des régions est essentielle.
5. La fusion des Réseaux militants [2] avec les commissions thématiques, dans les Comités d'action politique (CAD), est un exemple de fausse piste.
Fusionner les réseaux militants visant la mobilisation des membres appartenant à différents mouvements sociaux et ayant une volonté de construire des bases dans les différentes régions du Québec avec des instances d'élaboration n'ayant que des pouvoirs de recommandation et les encadrer par la commission politique, c'est rejeter des structures ayant la volonté de construire le parti de la rue. Leur formation origine de la volonté des militant-es de QS dans différents mouvements sociaux.
D'autre part, la fusion de 4 réseaux militants avec 14 commissions thématiques reste mal définie. C'est ce qui amène le Comité de coordination national à « proposer de créer une politique pour détailler le nombre et les noms des futurs comités d'action politique, ainsi que leur interaction avec et au sein de la Commission politique. »
La fusion des commissions thématiques avec les réseaux militants n'aidera pas à régler les difficultés actuelles des commissions thématiques. Il faudrait plutôt redéfinir le rôle des commissions thématiques dont le travail était dédié à l'élaboration du programme du parti. Il faut maintenant que ces commissions thématiques se voient confier le mandat d'analyser différents enjeux sociaux, d'accumuler de l'expertise à cet égard. Mais elles peuvent également rechercher des témoignages auprès des militant-es de mouvements sociaux particuliers pour renforcer les sensibilités des membres du parti à ce qui est vécu dans les mouvements ayant un potentiel antisystémique.
La fonction spécifique des réseaux militants est de développer le travail du parti dans les mouvements sociaux. L'important, pour la construction des réseaux, c'est d'être un lieu de regroupement des militant-es de QS dans des structures militantes qui ne doivent pas seulement se construire au niveau national, mais chercher également à s'enraciner dans les différentes régions du Québec.
6. Une profusion d'autres propositions sont aussi soumises à l'attention des membres
Nombre d'autres enjeux seraient à discuter : la place accordée à la formation des membres et de son organisation dans le parti, notamment. La proposition d'une École solidaire qui se réunirait une fois par année et où le Congrès ne siégerait pas est pour le moins rachitique et ne constitue en rien une perspective de prise en charge véritable de la formation dans un parti qui se veut militant. Le rapport du parti avec l'aile parlementaire mériterait également des développements importants. La question des liens que doit établir un parti de gauche avec les partis et organisations sociales sur le plan international est également absente des propositions.
Enfin, il est nécessaire de rappeler que l'on a offert aux militant-es du parti un texte dépassant les 100 pages. Le cahier de synthèse risque d'être plus volumineux encore. Le temps de discussion attribué pour les mutations proposées dans le fonctionnement de Québec solidaire est certes trop court. Mais face aux enjeux importants soulevés par ces débats, il ne faut pas en minimiser l'importance et comprendre qu'il pourrait s'agir d'un tournant important dans la vie démocratique de Québec solidaire.
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