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Les États-Unis approuvent le transfert à Israël de bombes et d’avions à réaction d’une valeur de plusieurs milliards de dollars.

Selon des sources, une livraison d'armes a été autorisée alors même que Washington s'inquiète publiquement de l'offensive prévue à Rafah.
4 avril 2024 | tiré du journal The Guardian | Photo : U.S. Air Force, 14-5072, Lockheed Martin F-35 Lightning II © Anna Zvereva
https://www.france-palestine.org/Les-Etats-Unis-approuvent-le-transfert-a-Israel-de-bombes-et-d-avions-a
Ces derniers jours les EU ont autorisé le transfert à Israël de bombes et avions de combats d'une valeur de plusieurs milliards de dollars, ont déclaré vendredi des sources proches des décideurs, alors même que Washington exprime publiquement ses inquiétudes quant à une offensive prévue à Rafah.La nouvelle livraison d'armes comprend plus de 1800 bombes MK-84 de 2 000 livres (907 kg) et 500 bombes MK-82 de 500 livres (227 kg) selon les sources, qui ont confirmé un rapport du Washington Post.
Washington accorte à Israël, son allié de longue date, une assistance militaire annuelle de 3,8 milliards de dollars.Cette livraison survient alors qu'Israël fait face à d'intenses critiques internationales en raison de sa campagne continue de bombardements et de son offensive terrestre à Gaza, et tandis que de nombreux membres du parti de Joe Biden lui demandent de mettre un terme à l'aide militaire états-unienne.
Les États-Unis ont précipité les envois à Israël de défenses aériennes et de munitions, mais certains démocrates et groupes arabo-américains ont critiqué le soutien inébranlable de l'administration Biden à Israël, qui lui donne, selon eux, un sentiment d'impunité.
Biden a reconnu « la douleur ressentie » par de nombreux Arabo-Américains, causée par la guerre à Gaza et le soutien EU à Israël et à son offensive militaire. Pourtant, il a promis un soutien continu à Israël malgré son désaccord public croissant avec Benjamin Netanyahu, le premier ministre israélien.
La Maison Blanche a refusé de commenter ce transfert d'armes. L'ambassade israélienne n'a pas immédiatement réagi à une demande de commentaires.
Cette décision d'envoyer des armes a été prise après la visite cette semaine à Washington du ministre de la défense israélien Yoav Gallant pour discuter des besoins en armes d'Israël avec ses homologues états-uniens.
S'adressant à des journalistes mardi, Gallant, cherchant visiblement à apaiser les tensions israélo-américaines, a souligné l'importance des liens états-uniens pour la sécurité et le maintien de l'avantage militaire qualitatif d'Israël dans la région, y compris ses capacités aériennes.
La guerre a éclaté le 7 octobre après que des militants du Hamas ont attaqué Israël, tué 1200 personnes et saisi 253 captifs, selon les décomptes israéliens. Israël a répliqué en lançant un assaut aérien et terrestre dans la Bande de Gaza, qui a fait à ce jour, plus de 32 000 Palestiniens tués.
Traduction : Chronique de Palestine
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La violence sexuelle ne peut pas être une lutte anticoloniale

L'agression sexuelle brutale du Hamas le 7 octobre était-elle l'expression d'une lutte anticoloniale ? Ou la description est-elle différente si l'on part de la voix des femmes, plutôt que de réduire le conflit aux deux pôles homogènes de l'antisémitisme et de l'islamophobie, s'interroge Catrin Lundström, professeur adjoint d'ethnicité et de migration à l'université de Linköping.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/04/02/la-violence-sexuelle-ne-peut-pas-etre-une-lutte-anticoloniale/
Après plus de cent jours de bombardements à Gaza, des dizaines de milliers de civil·es tué·es et des millions qui fuient pour sauver leur vie, des maisons et des mosquées rasées, des pénuries désespérées de fournitures, j'ai, comme beaucoup d'autres, été incitée à prendre position par des ami·es et, en particulier des collègues palestinien·nes, internationaux, qui ont soit mis fin à leur amitié, soit été renvoyé·es pour avoir elles et eux-mêmes pris position. Pourtant, je n'arrive pas à oublier l'image du corps à moitié nu de l'Israélienne, allongée sur la plate-forme du camion sous les jambes des combattants du Hamas qui l'acclament, armes à la main. Pour moi, elle soulève la question suivante : où en sommes-nous si nous ne reconnaissons pas les agressions sexuelles – ou plus précisément le fait de poignarder, de couper les seins et de tirer dans le cou lors d'un viol – comme des expressions de la résistance ?
Un récent rapport de 23 pages de Pramila Patten, représentante spéciale des Nations unies sur la violence sexuelle dans les conflits, publié le 4 mars, montre qu'il existe des preuves solides de viols collectifs, de tortures et d'abus sexuels sur des femmes ligotées et mortes avec les organes génitaux coupés dans au moins trois kibboutz le long de la frontière de Gaza lors de l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023.
Dès le 17 octobre, la sociologue marocaine Eva Illouz a appelé la gauche, dans le journal Dagens ETC, à ne pas passer sous silence « le meurtre de masse de civil·es innocent·es dans leurs maisons, la violence aveugle contre les femmes, les personnes âgées et les enfants, et les enlèvements massifs de citoyen·nes israélien·nes » dans les déclarations qu'elle savait à venir.
Depuis lors, un certain nombre d'universitaires, de commentateurs/commentatrices et de journalistes ont apporté à cette sordide histoire des contributions politiques bien plus éclairées que je ne suis en mesure de le faire.
C'est pourquoi je m'en tiens à la femme juive décédée. Elle incarne sans aucun doute une série de privilèges dans ce contexte particulier, contrairement aux nombreuses femmes palestiniennes pauvres et anonymes de Gaza, qui regardent actuellement leurs enfants mourir de faim.
Mattias Gardell, professeur de religion comparée, a expliqué dans le magazine Parabol (3/23), peu après l'attentat, que « nous » avons tendance à nous identifier à la « guerre de la civilisation contre la barbarie » qui, « depuis le début du colonialisme, se caractérise par la supériorité militaro-technologique ». Nous nous sentons surtout concerné·es par les vies dans lesquelles nous nous reconnaissons, sur la base de « notions normatives de vies dignes d'être vécues, de vies civilisées, décentes et bien ordonnées dans un environnement reconnaissable », a soutenu Gardell, en s'appuyant sur le raisonnement de la philosophe Judith Butler concernant les « vies vivables ».
Par conséquent, nous devrions pouvoir pleurer la femme dans le camion – si seulement elle n'était pas israélienne. C'est ce qu'ont pensé les nombreuses femmes juives du monde entier qui, en novembre 2023, se sont rassemblées sous la bannière #MeTooUNlessURAJew – en réponse à ce qu'elles considéraient comme le retard de l'ONU Femmes à condamner les viols brutaux commis le 7 octobre (ce qu'elle a fait deux mois plus tard). À leur tour, un certain nombre de féministes de gauche pro-palestiniennes du monde entier ont lancé des accusations de « pinkwashing » et de « féminisme colonial ». Et ce, bien que les Nations unies aient déclaré que la violence systématique fondée sur le genre était un crime au regard du droit international.
Contrairement aux hommes, les femmes ne représentent pas la nation. Elles la symbolisent, affirme Joanne Sharp, professeur de géographie britannique. En tant que porteuses des idéologies de la nation, les femmes sont chargées de marquer les frontières entre les races, les classes et les groupes ethniques, principalement en tant que mères, mais aussi en tant qu'épouses et filles. C'est pourquoi la femme israélienne est une proie particulièrement importante. Elle est non seulement un symbole de la judéité, mais aussi de la nation et de l'État d'Israël. Le pouvoir sur son corps devient donc une humiliation de l'homme israélien, du soldat et de la puissance militaire.
Une autre femme morte qui a démontré la fonction symbolique des femmes est la Jina irano-kurde Mahsa Amini, dont le destin tragique a été le point de départ de la révolte féministe iranienne de septembre 2022. Il était facile de s'identifier à Amini, car elle était du bon côté pour tout le monde – sauf, fondamentalement, pour le régime iranien.
L'écologiste Andreas Malm, également dans Parabol (3/23), s'est insurgé contre les réactions consternées qui ont suivi le pogrom du Hamas, comme si leurs actions étaient l'expression d'une « terreur non provoquée, du mal à l'état pur et de la barbarie dans sa forme la plus pure ». Malm nous dit que c'est cela la « lutte anticoloniale » armée. Et dans cette approche, il n'y a en réalité que deux camps : celui du colonisateur et celui de l'opprimé. Et pour Malm lui-même, un seul camp.
Quelle place reste-t-il pour les femmes dans cet arrangement ? Peut-être la femme israélienne dans le camion était-elle l'une des sympathisantes des colons de Benjamin Netanyahou ? Probablement pas. Peut-être que les femmes palestiniennes dont les maisons et les familles sont actuellement détruites – craignent également l'organisation théocratique et répressive qu'est le Hamas ? Ce n'est pas improbable.
La sociologue Eva Illouz observe dans le journal israélien Haaretz (3 février 24) que le système de pensée autrefois complexe du monde occidental autour de valeurs normatives fixes, telles que l'égalité, la démocratie, la liberté d'expression, la diversité et la tolérance, a été réduit au cours de ce conflit à deux pôles mutuellement homogènes : l'islamophobie et l'antisémitisme – et souvent chez des personnes qui n'ont pas une connaissance approfondie de ces deux notions.
Nombreux sont ceux qui ont souligné les problèmes posés par cette dichotomie. Mais plus nombreux encore sont ceux qui ont appelé à prendre position sur ce génocide potentiel. C'est compréhensible, et l'importance des mouvements de protestation populaire ne doit pas être sous-estimée. Mais malgré les voix qui prétendent défendre « les femmes et les enfants » (souvent ensemble), je vois peu de perspectives qui prennent comme point de départ les violences sexuelles incessantes du Hamas contre les Israélien·nes au festival, ou les contre-voix des femmes palestiniennes au pouvoir patriarcal et antidémocratique du Hamas.
Les théoriciens postcoloniaux ont souligné la difficulté de parler au nom des subalternes et de les représenter. Ce que nous pouvons faire, c'est créer des espaces discursifs pour ces voix. Et depuis notre distance sûre et « endommagée par la paix », nous devrions pouvoir faire de la place à la femme israélienne mutilée et morte, et ouvrir la possibilité de pleurer sa vie également, bien qu'elle se trouve du « mauvais » côté des lignes de conflit – qui, dans ce cas, sont plus que deux.
Catrin Lundström
https://fempers.se/2024/11/sexuellt-vald-kan-inte-vara-antikolonial-kamp/
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)
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Elections locales en Turquie : un camouflet inédit pour le régime

En Turquie, les oppositions viennent d'obtenir une victoire inattendue face à la coalition au pouvoir, menée par le président récemment réélu Recep Tayyip Erdogan. Une bonne nouvelle pour le camp démocratique mais aussi pour le mouvement kurde, qu'analyse dans cet article Emre Öngün, même si le régime n'a nullement dit son dernier mot et a déjà commencé à remettre en cause le verdict des urnes.
Tiré du site de la revue Contretemps.
Les élections pour renouveler l'ensemble des collectivités locales en Turquie ont eu lieu le 31 mars 2024. Il s'agissait d'un scrutin multiple. Chaque électeur/trice était appelé-e à voter plusieurs fois : pour son muhtar (élu à l'échelle du quartier ou du village en zone rurale), le/la maire, le conseil municipal et, dans le cas des « municipalités métropolitaines », pour le/la maire métropolitain-e, et pour les départements sans « municipalité métropolitaine » des conseils départementaux (qui ont assez peu d'importance en Turquie).
Deux précisions doivent donc être faites concernant ces formes de représentation :
1) Les « municipalités métropolitaines » correspondent à peu près au statut de Paris en France. Elles regroupent, d'une part, municipalité et département en une seule institution et, d'autre part, elles se subdivisent en arrondissements (39 à Istanbul dont la population varie entre 16.000 et 1 million d'habitants). Les membres du conseil de la métropole sont élus dans les arrondissements (comme pour Paris, Lyon et Marseille). Il existe 30 municipalités métropolitaines en Turquie dont la population varie entre 750 milles habitants (Erzurum)[1] à 16 millions (Istanbul)… Ces 30 métropoles représentent plus des trois-quarts de la population totale.
2) L'élection du maire se fait au suffrage direct uninominal à un tour et celui du conseil municipal à la proportionnelle. Ainsi, il arrive régulièrement que le maire élu doive cohabiter avec un conseil municipal qui lui est hostile en majorité.
Enfin, il ne faut jamais perdre de vu le caractère colonial et répressif de la politique étatique à l'égard des Kurdes. Lors des deux dernières élections locales, la quasi-totalité des maires issus du mouvement kurde (DBP/HDP) ont été emprisonnés et les localités mises sous tutelle. En outre, les élections dans ces localités font l'objet de mesures de répression ou de manipulation spécifiques, ce qui a été encore le cas en 2024.
Radiographie de la défaite du bloc erdoganiste
Au regard du dispositif institutionnel, il est possible d'analyser les résultats des élections à partir de plusieurs indicateurs : maires élus, scores aux conseils municipaux et départementaux, nombre total de voix… Or, quel que soit l'indicateur retenu, le résultat est sans appel : il s'agit d'une véritable claque pour l'AKP (Parti de la Justice et du Développement, conservateur, nationaliste, capitaliste) du président Erdogan[2] et, dans une certaine mesure, pour son partenaire ultranationaliste du MHP (Parti de l'Action Nationaliste, ultranationaliste).
Si on examine les scrutins pour les conseils départementaux et métropolitains en nombre de voix, l'évolution entre les élections locales de 2019 et 2024 (voir carte en illustration) ainsi que l'élection parlementaire de 2023 se présente ainsi :
Ainsi, en 10 mois, l'AKP et le MHP ont perdu 6 millions d'électeurs. Pourtant, Recep Tayyip Erdogan avait annoncé le soir même de sa réélection comme président son prochain objectif : la reconquête des municipalités perdues en 2019, en particulier Istanbul dont il a été maire. Il pouvait être raisonnablement optimiste puisqu'il avait déjà déjoué les analyses qui le donnaient perdant lors des élections générales et qu'avec le souffle de la défaite, la principale coalition d'opposition avait explosé.
Cette coalition composée principalement du CHP (Parti de la République et du Peuple, centre gauche « laïc » nationaliste) et du Iyi (Bon Parti, droite issue de l'ultranationalisme) n'avait pas résisté à la politique de la « terre brulée » du Iyi rompant tout accord avec le CHP et oscillant dans son degré d'opposition à l'AKP. De son côté, de manière légitime et face à la faible ouverture du CHP, le mouvement kurde présentait ses propres candidats dans les grandes villes de l'Ouest (contrairement à 2019).
Pourtant, le résultat du 31 mars a été le plus gros revers de l'histoire du parti présidentiel qui a perdu, symboliquement, la première place en termes de voix à l'échelle du pays au profit du CHP, qui enregistre, de son côté, un succès historique. A l'échelle des localités, les résultats sont très durs pour les deux principaux partis de la coalition au pouvoir (alliés dans un grand nombre de municipalités mais concurrents dans ce qui est considéré comme des bastions du régime ou des localités ingagnables). Les 5 plus grandes métropoles du pays (Istanbul, Ankara, Izmir, Bursa, Antalya), qui représentent à elles seules plus du tiers de la population totale, sont désormais dirigées par le CHP. Sur les 10 plus grandes, l'AKP n'en conserve que 3.
A Istanbul, le maire CHP sortant, Ekrem Imamoglu, a facilement gagné avec 51% et 12 points d'avance sur son terne adversaire bureaucrate de l'AKP. Il est non seulement réélu maire mais, de plus, le CHP remporte 26 arrondissements sur 39, ce qui lui assure une confortable majorité au Conseil de la métropole et lui permet de mettre un terme à sa cohabitation avec une majorité AKP hostile. Le CHP remporte les arrondissements d'Üsküdar (détenu depuis 30 ans par le parti de l''islam politique Fazilet, puis par l'AKP) et de Beyoglu où Erdogan avait pris ses premiers galons.
Ekrem Imamoglu, homme fort du CHP depuis que son allié Özgür Özel a été élu président du parti au dernier congrès en délogeant le président sortant Kemal Kiliçdaroglu (une première en 100 ans dans l'histoire de ce parti), est plus que jamais « l'alternative » pour concurrencer Erdogan. Son discours de victoire a, comme d'habitude, cherché à ressembler sur un terrain démocratique l'ensemble des composantes de la société en nommant chaque minorité. S'il a un profil éclectique et, au fond, libéral en matière économique, il est à noter qu'il s'est toujours garder de critiquer le DEM (parti du mouvement national kurde, continuité du HDP) et a régulièrement dénoncé la répression dont celui-ci a fait l'objet. Son allié Özel a également abordé ce sujet dans son discours .
A Ankara, le résultat est carrément une humiliation pour l'AKP avec 60% pour le maire sortant CHP (l'ex-ultranationaliste Mansur Yavas) contre 31% pour son challenger erdoganiste, un affairiste caricatural. Là aussi, le CHP remporte la majorité des arrondissements et le conseil métropolitain, contrairement à 2019.
A Bursa, seule métropole du top 5 qui échappait au CHP, l'AKP-MHP (qui se présentaient ensemble) connaissent une chute entre 10-14 points selon l'indicateur retenu, qui profite à la fois au CHP et à des partis d'opposition sur sa droite.
Un succès inattendu pour les oppositions
La soirée électorale fut en grande partie une accumulation de succès, pour nombre d'eux inattendus, pour le CHP. Il serait trop long de tous les citer. Toutefois, il est possible, d'en retenir quelques-uns qui donnent l'ampleur du bouleversement.
A Manisa (1,5 millions d'habitants, ouest anatolien) où le CHP n'avait jamais gagné la mairie depuis 1950, mairie aux mains du MHP depuis 2009, le CHP balaye le MHP-AKP avec 57% contre 30% au maire sortant et progresse de 19 points au scrutin pour le conseil. Dans l'arrondissement minier de Soma, où un terrible coup de grisou avait entrainé la mort de 301 mineurs il y a 10 ans, le CHP écrase l'AKP au pouvoir avec 58% en doublant son score…
Dans la région de la Mer Noire occidentale, les évolutions sont tout aussi spectaculaires et… surprenantes. Par exemple, pour le petit chef-lieu de Bartin, considéré comme une forteresse du régime, le CHP remporte facilement le scrutin en doublant son score et en obtenant plus de 50% des voix alors même que le MHP et l'AKP avaient obtenu les deux tiers des votes en 2019.
Autre cas, encore plus spectaculaire, la ville d'Adiyaman (Anatolie du sud) où le CHP avait laissé son partenaire de droite Iyi se présenter lors des précédentes élections locales (avec un score de 12%). Au scrutin parlementaire de 2023, le CHP a obtenu 22% … et remporte largement celui du 31 mars 2024, en doublant son score (précisons que le candidat CHP n'est pas transfuge d'un autre parti).
Si l'AKP et le MHP sont les grands perdants de la soirée, ce qu'a admis Erdogan dans un discours assez terne, il en existe d'autres. Le premier est le Iyi qui est globalement balayé lors de ce scrutin avec 3,8% et un seul chef-lieu (et encore il s'agit d'un maire sortant AKP qui a changé d'affiliation lorsque son parti a rejeté sa candidature). Sa tactique de se présenter quasi systématiquement « seul » et de prendre le risque d'offrir des postes de maires à l'AKP à la faveur de la division a été très mal vécue par une grande partie de son électorat.
La crise qui couvait en son sein a éclaté dès hier soir. S'étant constituée en tant que parti de centre-droit d'opposition à l'AKP, il n'a jamais trouvé sa place. Les autres perdants sont tous les petits partis de droite (Saadet, DEVA, GP) auquel le CHP de Kiliçdaroglu avait donné une place disproportionnée lors des élections générales avec l'objectif d'attirer un électorat conservateur. Ces partis sont généralement en dessous de 1%. C'est l'idée même du type d'alliance réalisée par Kiliçdaroglu en 2023 qui prend du plomb dans l'aile : une alliance essentiellement oppositionnelle paralysée par des négociations internes interminables et qui s'avère incapable d'avancer des propositions au-delà de la lutte contre la corruption.
Si le CHP est le grand gagnant de la soirée, il n'est pas le seul. Le DEM a montré une nouvelle fois l'impressionnante résilience du mouvement national kurde. Alors même que ces dix dernières années signifiait pour un élu local de ce mouvement aller en prison, il a réussi à présenter des équipes qui ont engrangé davantage de victoires qu'en 2019 malgré la répression et la tutelle imposée par l'Etat central à leurs localités. Le DEM a gagné par rapport à 2019 les chefs lieu de Mus et Agri face à l'AKP et Tunceli/Dersim face au CHP (dans une tout autre configuration).
Ces résultats auraient été encore meilleurs si le régime n'avait pas déplacé des fonctionnaires et des soldats dans certains chefs-lieux moins peuplés (Bitlis, Sirnak, Kars) au Kurdistan pour avantager l'AKP. Le DEM estime à 20.000 ces électeurs occasionnels. Au demeurant, quand on regarde à l'échelle des départements dans leur globalité (score au conseil départemental), le DEM gagne dans l'ensemble du Kurdistan y compris là où elle n'a pas emporté le chef-lieu.
L'autre grand gagnant de la soirée est le YRP (Yeni Refah Partisi, Parti de la Nouvelle Prospérité) dirigé par Fatih Erbakan, le fils de feu Necmettin Erbakan, fondateur du mouvement Milli Görüs(Vision Nationale) dont sont issus les premiers partis de l'islam politique de Turquie (MSP, Refah, Fazilet) – les noms successifs sont la conséquences des interdictions dont ils ont fait l'objet. Le père Erbakan a été le mentor du jeune dirigeant Erdogan avant que celui-ci ne prenne son indépendance avec les « rénovateurs » du parti et conquiert le pouvoir avec l'AKP.
Après avoir gagné 4 députés à la faveur d'un accord parlementaire avec l'AKP, le YRP s'est présenté de manière indépendante quasiment partout et a réussi une percée en atteignant 6% ou 7% des voix selon l'indicateur retenu. Le YRP a même remporté l'une des 10 plus grandes métropoles du pays SanliUrfa (2,1 millions d'habitants, frontière sud du Kurdistan) et, contre l'AKP, le bastion conservateur de Yozgat (Anatolie centrale) grâce à des transfuges venus de ce parti même si ces maires n'ont pas obtenu de majorité à leurs conseils municipaux.
Si ce genre de victoire est due à des politiciens bien implantés, la progression du YRP est globale et ce parti atteint des scores significatifs par sa seule force. Avec sa plateforme très conservatrice (rappelons que son programme prévoit la suppression pure et simple du délit de violence conjugale), le YRP apparaît comme un concurrent de l'AKP sur « sa droite », capable de capter l'intérêt d'un électorat conservateur mécontent de la crise économique, de la corruption de l'AKP et, pour les plus politisés, de son hypocrisie en ce qui concerne la Palestine (des discours et des prières pour Gaza mais aucune interdiction d'exportation vers Israël, y compris de matériel militaire).
Dans une moindre mesure, les ultranationalistes du ZP (Parti de la Victoire) spécialisés dans le discours de haine anti syrien, en plus de la haine antikurde, se maintiennent autour de 2% sans toutefois réussir de percée.
Enfin, les différents partis de gauche marxiste se présentaient également hors Kurdistan de manière dispersée dans un scrutin qui ne leur est généralement pas favorable et n'ont pas obtenus des résultats élevés. Ces partis ont été impactés par la vague CHP et handicapés par leur division là où une victoire aurait pu être possible face au CHP (ces partis sont surtout forts là où les oppositions sont hégémoniques). Notons tout de même la victoire du TIP (Parti des Travailleurs de Turquie, marxiste) dans l'arrondissement arabophone de Samandag (Suwadiyah en arabe, 100 milles habitants) du département de Hatay à la frontière syrienne.
Les ressorts de la défaite du bloc erdoganiste
La question qui s'impose est pourquoi un tel revers pour l'AKP moins d'un an après son succès lors des élections générales ? Il est évidemment trop tôt pour une analyse fine de ces résultats, néanmoins certaines observations peuvent être formulées.
L'électorat de l'AKP et MHP semble avoir connu une érosion dans deux directions en moins d'un an :
– La première est vers l'abstention. En effet, celle-ci a augmenté d'une façon globale : la participation n'a été « que » de 77% contre 84% en 2019 (et 86% aux élections générales de 2023). Ces taux de participation peuvent laisser songeur en France mais pour un pays hyper-politisé comme la Turquie, où les élections constituent un moment social très important et où toutes les collectivités locales sont renouvelées en même temps, 77% est un taux assez faible. Cette évolution semble tenir principalement aux électorats de l'AKP et du MHP.
– La deuxième est vers l'YRP, devenu la valeur refuge de la contestation conservatrice sans prendre le risque d'un quelconque « progressisme » social du CHP.
Entre temps le vote d'opposition s'est concentré en grande partie sur le CHP, qui absorbe la majorité de l'énorme recul du Iyi et récupère le vote des Kurdes de l'Ouest (hors Kurdistan) comme le prouve le très faible score obtenu par le DEM à Istanbul (2%) bien en dessous de son potentiel (8,2% en 2023).
Plusieurs pistes peuvent être abordées pour expliquer la désaffection des électeurs de l'AKP et le renforcement des oppositions. La première est, bien entendu, une crise économique qui n'en finit pas et entraîne un appauvrissement de la population. Toutefois, les effets de cette crise ne s'accumulent pas de manière linéaire depuis 2023. Jusqu'aux élections de 2023, Erdogan avait tout indexé sur la victoire politique et mis en œuvre les « erdoganomics » qui n'étaient qu'une accumulation de mesures sociales contracycliques ponctuelles, en somme des expédients, combinée à une politique de taux d'intérêt artificiellement bas.
Cette politique, dénoncée par tous les économistes libéraux, permettait de soulager la vie quotidienne mais ruinait les réserves en devises de la Banque centrale et n'était pas viable à long terme. La désignation de Mehmet Simsek, l'homme de confiance de la finance internationale, au ministère des finances et de Hafize Gaye Erkan (une ancienne de Goldman Sachs et de First Republic) à la Banque Centrale (jusqu'à sa démission en février 2024) signifiait un retour à un libéralisme orthodoxe.
Une concrétisation de cette nouvelle situation économique est l'évolution des pensions de retraites dans un contexte de très forte inflation (65% sur un an selon les chiffres officiels, 122% selon le collectif de chercheurs indépendants ENA). A trois semaines des élections locales, Erdogan a été ainsi obligé de déclarer que même si tous les investissements publics étaient stoppés, il serait impossible de financer une réévaluation des retraites au niveau de l'inflation et qu'il valait mieux attendre la baisse de l'inflation (espéré au second semestre) pour mener une politique de revalorisation… cela alors même que les retraités constituent une part très importante de son électorat et connaissent un appauvrissement significatif.
L'absence d'amélioration dans la vie quotidienne de la grande majorité de la population rend d'autant plus insupportable la corruption et le népotisme de l'Etat AKP-MHP dont les exemples sont innombrables, des ministres jusqu'au plus petit responsable local : contrats publics obtenus dans un système de corruption permanent, obtention d'emploi public uniquement par proximité partisane, enfants de responsables esquivant les résultats de concours publics, hypocrisie de de l'affichage de vertus morales tout en étalant une richesse de parvenus etc… Cela rend également insupportable le refus même d'appliquer la loi, quand cela arrange le régime, et un arbitraire toujours présent.
Enfin, le régime ne parvient définitivement plus à porter un quelconque horizon souhaitable et répète en boucle, tel un disque rayé, le discours sur « les dangers des terroristes », les « valeurs familiales en danger » et « l'unité de la nation ». Erdogan avait réussi à jouer des peurs sur ces thèmes tout en sauvant les meubles sur le plan social à coup d'expédients. Dans un scrutin local, qui se prête plus difficilement à une telle dramatisation, et dans un contexte de dégradation de la situation sociale, cette recette n'a pas marché.
Quelle perspective post-Erdogan ?
Pour autant, les jours du régime erdoganiste sont-ils définitivement comptés ? L'échec des oppositions en 2023 invite évidemment à la prudence mais, plus que jamais, la principale force qui peut empêcher la chute d'Erdogan n'est pas Erdogan lui-même mais le potentiel élevé d'ineptie politique du CHP.
Le soir du scrutin, la plupart des commentateurs ont évoqué le précédent des élections locales de 1989 lors desquelles le SHP (Parti Social-Démocrate Populaire, ancêtre de l'actuel CHP) avait connu un succès historique. Il était également rappelé que cette vague avait été suivie par un important reflux, avec des expériences municipales plus ou moins désastreuses marquées par des affaires de corruption (notamment à Istanbul) qui ont entraîné un échec lors des élections générales suivantes.
Ce risque existe toujours bien entendu. Il suffit de songer au fait que le CHP a présenté malgré toutes les critiques une figure aussi contestée pour corruption que le maire sortant Lütfü Savas à Hatay, finalement battu par l'AKP malgré la vague CHP dans le reste du pays. Mais il en existe un autre plus important et structurel : celui du racisme antikurde (et antisyrien) inhérent à de larges pans du CHP.
Ainsi, la candidate du CHP à Afyon Karahisar (Anatolie occidentale) a déclaré avant son élection que si elle gagnait sa mairie serait à ouvert à tou-te-s sauf aux représentants du DEM créant une mini crise au sein du CHP… Or, à la surprise générale, cette candidate a remporté la victoire et est désormais une maire… hostile au DEM. Certes, le président du CHP, Özgür Özel a dénoncé les injustices subies par le DEM lors de ce scrutin. Certes, Ekrem Imamoglu a fait de même, et évoqué souvent la nécessité de considérer de manière fraternelle les Kurdes de Turquie. Il a également déclaré publiquement qu'il serait insensé de considérer le DEM et ses millions d'électeurs comme des « terroristes »…
Mais tout cela reste des propos fragiles au regard d'un appareil lourd qui a une longue tradition de nier, si ce n'est de repousser, les aspirations des Kurdes de Turquie.
Le test réussi de Wan/Van
A peine 48 heures après le scrutin, les forces d'opposition passaient leur premier examen. Le conseil électoral de Van refusait de valider la victoire du candidat du DEM, Abdullah Zeydan, qui avait pourtant remporté le scrutin avec 57% avec 30 points d'avance sur le candidat de l'AKP.
Le prétexte donné tient dans une argutie juridique déposée à 5 minutes de la fermeture de l'instance décisionnaire le vendredi soir alors qu'A. Zeydan était candidat depuis 2 mois. Non seulement, le comité électoral a annulé la victoire d'A. Zeydan mais plutôt qu'annuler le scrutin pour un vice de procédure (qui n'existait pas), a offert la victoire au candidat de l'AKP qui avait fini 2ème … Cela intervient après 10 ans d'annulation systématique de scrutins remportés par le mouvement national kurde.
La réaction du DEM ne s'est évidemment pas faite attendre, condamnant cette décision arbitraire. La population de Van et de villes kurdes a entamé des manifestations, brutalement réprimées par la police. 15 jours d'interdiction de manifestations et de rassemblement ont été décrétés à Van et ne sont d'ores et déjà pas respectés.
La gauche radicale turque a également protesté, le président du TIP, Erkan Bas, s'est rendu à Van pour participer aux mobilisations. Le changement avec la période précédente tient dans le fait que la nouvelle direction du CHP, par la voix de son président, Ö. Özel mais aussi du maire d'Istanbul, E. Imamoglu, ont condamné immédiatement et fermement l'annulation de l'élection à Van (mais ne s'y sont pas rendus dans les 24 heures).
Si la direction de l'AKP a expliqué que tout cela relevait d'un fonctionnement légal « normal », de nombreux soutiens médiatiques du régime même parmi les plus virulents et veules, ne sont pas parvenus à défendre une opération aussi grossière au lendemain d'une défaite historique. 24 heures de mobilisation plus tard, le Haut Conseil Electoral admettait l'élection d'A. Zeydan et cassait la première décision.
Il s'agit d'un premier test réussi pour le combat démocratique après le bouleversement qu'ont été ces élections locales. Les succès sont assez rares pour ne pas les apprécier. Il ne s'agit, toutefois, que d'un premier test, face à une opération mal ficelée, et la route de la démocratisation de la Turquie reste encore longue.
Au final, le contraste est saisissant avec le voisin russe et ses élections sans suspense, alors même que les profils politiques de Poutine et d'Erdogan font l'objet de rapprochements (souvent justifiés). La société de Turquie a prouvé une nouvelle fois que, tout en étant structurée par les contradictions du colonialisme et du racisme envers les Kurdes, elle est profondément marquée par une culture démocratique minimale mais solide.
Minimale parce que centrée presque uniquement autour des élections, et pouvant supporter qu'une partie du pays soit privée de représentation locale propre (les tutelles imposées au Kurdistan). Mais solide parce que le vote, et plus largement la politique, sont, malgré tout, considérés comme un enjeu important déterminant le cours de la société. Il s'agit d'un terrain sur lequel il est possible de dégager une perspective pour la démocratisation et les droits sociaux dans une perspective de classe.
Notes
[1] Certains arrondissements d'Istanbul (2 pour être précis) comptent donc davantage d'habitants que les plus petites « métropoles ».
[2] La seule victoire de l'AKP sur un CHP est à la métropole de Hatay où le maire sortant CHP Lütfü Savas, très contesté au sein même de son camp, était fortement remis en cause pour de nombreuses affaires de corruption qui ont eu pour conséquence dramatique l'effondrement de nombreux immeubles lors du grand tremblement de terre de février 2023.
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Afghanistan : mille jours de gouvernement taliban

Non, le « cimetière des empires », désormais Émirat islamique d'Afghanistan – n'a pas purement et simplement disparu du radar de la tumultueuse actualité agitant de toutes parts l'Asie-Pacifique, loin s'en faut. A minima, disons qu'il s'est fait un tant soit peu plus discret dernièrement, moins omniprésent, laissant à d'autres théâtres asiatiques eux aussi terriblement fébriles le devant de la scène géopolitique régionale, comme le détroit de Taïwan, la mer de Chine du Sud, la péninsule coréenne ou la frontière sino-indienne.
Tiré de Asialyst
29 mars 2024
Par Olivier Guillard Olivier
Au marché du district de Baharak dans la province afghane du Badakhshan, le 25 février 2024. (Source : Al Jazeera)
*Relevons à ce propos que le Département d'État américain dénonçait le 21 mars en des termes sévères l'administration Trump pour sa gestion désordonnée du retrait complet des forces américaines d'Afghanistan.
Certes, près de trois ans après la désintégration à l'été 2021 de l'administration Ghani à Kaboul, la défaite – par KO et chaos – du camp pro-démocratie sous les coups de boutoir des mollahs talibans et de leurs troupes zélées, pour ne pas parler du retrait précipité*, sinon désordonné, voire déshonorant, d'une coalition internationale éreintée par deux décennies de présence, d'espérance et d'impuissance conjuguées, cette nation passerelle entre les Asies centrale et méridionale ne s'est pas départie de sa jurisprudence crisogène, ni de sa fébrilité maladive, moins encore de sa sinistralité coutumière. L'actualité de ces derniers jours, des semaines passées, en témoigne plus qu'il ne faudrait.
Entre querelles régionales et terreur transfrontalière
*La veille donc de l'attaque perpétrée près de Moscou par l'EI, au bilan humain considérable. **Mentionnons ici l'inquiétude de Washington quant au regain récent d'activités d'Al-Qaïda en Afghanistan, appelant fin 2023 dans divers communiqués ses sympathisants à attaquer les ambassades occidentales et israéliennes en réponse au conflit Israël-Hamas.
Le 21 mars*, à Kandahar, seconde ville du pays et terreau méridional originel des talibans, un attentat-suicide perpétré devant une banque et imputé au groupe terroriste État islamique (EI) faisait une vingtaine de victimes civiles se pressant alors devant l'établissement, en plein ramadan. Un énième acte inqualifiable condamné par les Afghans et la communauté internationale : « une attaque terroriste insensée », selon les mots de la chargée d'Affaires américaine en Afghanistan**.
Trois jours plus tôt, le 18 mars, les forces pakistanaises menaient des frappes aériennes sur l'Est afghan, sur les provinces de Paktika et Khost, laissant dans leur sillage une dizaine de morts parmi la population. Une attaque amenant les troupes frontalières afghanes à riposter à l'arme lourde. Islamabad justifie ces frappes en réponse à l'attaque meurtrière (7 morts dans les rangs des forces pakistanaises) engagée 48 heures plus tôt au Nord-Waziristan (Pakistan) par des Talibans pakistanais (TTP), dont la base-arrière se trouverait sur le sol afghan, ce que nie véhément le gouvernement taliban afghan. Des événements graves fragilisant plus encore la très erratique relation entre ces deux nations partageant 2 670 km de frontière commune… et bien des désaccords.
*Selon l'ONU, 1,5 million d'Afghans vivraient au Pakistan sans document officiel. Sur ce total, 600 000 personnes auraient gagné le « pays des purs » dans la foulée du retour à Kaboul des talibans en août 2021.
Du reste, comment pourrait-il en aller différemment au premier trimestre 2024 entre Kaboul et Islamabad alors que cette dernière a décrété en novembre dernier le rapatriement express vers l'Afghanistan – le HCR* parle de retour forcé – des réfugiés afghans présents au Pakistan et ne pouvant justifier de papiers d'identité (carte de citoyenneté) en bonne et due forme. Depuis octobre 2023, un demi-million d'Afghans ont dû quitter ce havre très relatif, par-delà la Ligne Durand (frontière).
Mi-janvier, pendant une dizaine de jours, on déplorait par ailleurs à la frontière afghano-pakistanaise, au poste de Torkham, un interminable embouteillage de camions, de transports de marchandises sur des kilomètres, Islamabad renforçant les exigences en matière de documents d'identité (passeport et visas valides pour les conducteurs afghans à compter du 13 janvier). En retour, les autorités talibanes afghanes interdisaient aux véhicules de transport pakistanais d'entrer en Afghanistan.
Sur le front de la lutte contre la pauvreté : entre piètre gouvernance et incompétence
La gouvernance talibane, déjà sujette à caution sur de multiples plans, tarde de toute évidence à délivrer ses bienfaits à la population. Même surtout pour ses besoins primaires : selon le dernier rapport du Special Inspector General for Afghanistan Reconstruction (SIGAR), au printemps 2024, l'insécurité alimentaire sévère touche 16 millions d'Afghans. De leur côté, les Nations unies (UNOCHA) révèlent que du fait des ingérences et obstructions multiples des talibans sur le terrain – plus de 130 répertoriées officiellement pour le seul mois de novembre 2023 – dans le déroulement des opérations humanitaires, une trentaine de projets d'assistance diverses à la population afghane ont dû être interrompus, affectant les franges les plus exposées, les régions les plus sinistrées. Ce, alors même que selon l'OMS, environ 18 millions d'Afghans ont cruellement besoin d'une assistance en matière de soins de santé.
Sans surprendre, ce n'est pas dans le domaine économique et de la gestion des finances publiques que la supposée expertise talibane a jusqu'alors fait des miracles : selon la Banque mondiale, lors de leurs deux premières années aux affaires, l'économie afghane s'est respectivement contractée de –20,7 % et –6,2 %. Le Bureau international du travail (BIT) évolue à près d'un million les destructions d'emplois en Afghanistan depuis l'été 2021.
Les droits de l'homme, angle mort de la feuille de route talibane
*Evoquant une « campagne de persécution » envers les femmes, Amnesty international parle de « crime contre l'humanité ». **Madame Roza Otubayeva, le 20 décembre 2023.
Contrairement aux promesses des responsables talibans faites à l'été 2021, les droits de l'homme figurent en bonne place des secteurs sinistrés sous leur joug obscurantiste. Peu avant Noël, lors d'une allocution à la tribune du Conseil de Sécurité, la Représentante Spéciale du Secrétaire général de l'ONU détaillait, désemparée, à son auditoire, l'effroyable panorama de souffrance et d'affront fait aux Afghanes et aux Afghans : « Discrimination systématique à l'égard des femmes* et des filles, répression de la dissidence politique et de la liberté d'expression, absence de représentation significative des minorités, cas constants d'exécutions extrajudiciaires, d'arrestations et de détentions arbitraires, tortures et mauvais traitements. »**
*Human Rights Watch, World Report 2024 : Afghanistan, p.4. **Les 18-19 février 2024, une réunion des envoyés et représentants spéciaux des Nations unies pour l'Afghanistan était organisée à Doha, afin de définir une ligne de conduite pour l'engagement international en Afghanistan et faciliter le dialogue entre les Talibans et la communauté internationale. Cette dernière s'est conclue sur un constat d'échec. ***Première femme afghane nommée diplomate, présidente et fondatrice de l'association Afghanistan Libre.
Sans parler comme il se doit des assauts incessants en direction de la résiliente, méritante société civile afghane et de ses magnifiques hérauts*. « Comment a-t-on pu accepter que les talibans s'assoient à la table des négociations à Doha ? »**, s'emporte à bon droit Chékéba Hachemi***, dont le propos à fleur de peau est relayé dans un très éclairant article du magazine Le Point publié le 8 mars au titre éloquent, sinon glaçant : « En Afghanistan, 28 millions de femmes et de filles emmurées vivantes »**.
Plutôt que de se montrer enclin à quelque assouplissement ou réforme en la matière, le gouvernement taliban préfère arrêter sur la voie publique les femmes pour non-conformité au code vestimentaire, ou encore annoncer le recrutement de 100 000 professeurs qui dispenseront leur enseignement dans des madrassas. Pour rappel, dès 2022, l'administration talibane faisait la promotion de l'étrange concept pédagogique de « public jihadi madrassas », où la priorité serait – dans chacune des 34 provinces du pays – donnée à l'enseignement religieux, loin devant toute autre matière.
La course à la reconnaissance internationale
*Après un premier quinquennat entre 1996 et 2001. **Tolonews (Afghanistan), 24 mai 2023, ***L'ambassade de la République populaire de Chine à Kaboul est – à l'instar de quelques rares autres (Inde, Iran, Pakistan, Japon, Russie ou Arabie saoudite) – ouverte et fonctionnelle au printemps 2024. ****En 2023, plusieurs grands groupes d'État chinois ont négocié divers accords d'investissements avec le gouvernement taliban, dans le secteur de l'exploitation des hydrocarbures notamment (contrat de 25 ans). *****On pense ici notamment au souhait de Pékin et d'Islamabad d'inclure l'Afghanistan dans l'ambitieuse autant que controversée Belt & Road Initiative chinoise (BRI).
Près de trois ans donc après le retour* à Kaboul d'un gouvernement taliban, la communauté internationale dans son entièreté s'est jusqu'alors abstenue de lui accorder la reconnaissance officielle à laquelle cette administration peu éclairée aspire tant. Une lenteur qui n'est pas sans exaspérer cette ancienne insurrection radicale peu versée en son temps dans la diplomatie… Pour autant, quand le Département d'État américain explique que « les talibans doivent gagner en légitimité pour être reconnus à l'échelle internationale »**, les maîtres actuels de Kaboul et de ce territoire enclavé entre Asie centrale et sous-continent indien défendent un tempo et un mode opératoire fort différents. Notamment lorsque Pékin accueillait le 1er décembre 2023 le nouvel « ambassadeur » taliban dans la capitale chinoise***. Ou encore quand les capitales régionales d'Asie méridionale et d'Asie centrale, en plus de Pékin****, Moscou et Ankara, se désolidarisent peu à peu de cet embargo occidental sur la reconnaissance internationale de ce régime disputé***** pour favoriser pragmatiquement leurs intérêts sécuritaires et économiques respectifs. Avec pour dénominateur commun le principe d'interagir avec les talibans plutôt que de les isoler – si certaines conditions sont préalablement réunies******.
Le cimetière des espérances
*Office des Nations unies contre la drogue et le crime – UNODC.
En 2022, les talibans ont certes interdit la production et le commerce de l'opium, faisant brutalement chuter l'année suivante les revenus générés par ce trafic éminemment lucratif (réduite de 90 %, la récolte 2023 d'opium aurait généré « seulement » 200 à 260 millions dollars, contre plus d'1,5 milliard de dollars deux ans plus tôt*). Mais au regard du passif global considérable associé à leur management austère et anachronique de ces trois dernières années, leur accorder la précieuse reconnaissance internationale de leur « gouvernement » sonnerait comme un effroyable mépris pour les souffrances endurées par la population accablée de ce si tourmenté cimetières des empires – sinon des espérances et de la gouvernance.
Propos recueillis par Olivier Guillard
*****
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Les sondages pratiques quotidiens montrent que les Israéliens continuent à choisir cette guerre, même s’ils ne veulent pas de Netanyahou

La plupart des Israéliens savent que Benyamin Netanyahou leur ment. La plupart soupçonnent que ses choix politiques sont motivés par des intérêts personnels et familiaux. Autrement, le Likoud sous sa direction, selon les sondages, n'obtiendrait pas seulement 18 sièges à la Knesset. Et pourtant, la plupart des Israéliens le soutiennent. Certes, contrairement à ce que nous disent les sondages et les experts.
Tiré d'Europe solidaire sans frontière. Article paru à l'origine dans Haaretz le 2 avril 2024. Traduction À l'encontre.
En effet, le sondage le plus fiable est bien celui de la participation persistante de milliers d'Israéliens à l'offensive militaire impliquant des massacres et une destruction massive à Gaza, ainsi qu'aux opérations d'oppression et d'expulsion qui se déroulent en Cisjordanie.
La volonté inébranlable des parents d'envoyer leurs enfants tuer et être tués, blesser et être blessés – et ensuite souffrir toute leur vie de post-traumatisme – est une réponse constante et invariable dans un sondage de facto réalisé quotidiennement. Le langage édulcoré et le consensus dans les médias, ainsi que l'attachement à la croyance que la guerre est la solution, est une sorte de réponse à une question posée en filigrane : qui soutiennent-ils ?
Les photos TikTok postées par des soldats – indiquant le manque de volonté ou l'incapacité des Forces de défense israéliennes (FDI) à stopper le flux de selfies en provenance de Gaza – montrent une bestialité arrogante dépourvue de toute inhibition de la part des soldats. Elles constituent une sorte de sondage. Les parents qui n'expriment pas de choc ou d'inquiétude sur le fait que leurs enfants, avec leurs propres smartphones, fournissent à la Cour pénale internationale des preuves à charge contre eux-mêmes sont également des sondés qui approuvent Netanyahou et sa politique militaire, même s'ils ne sont pas sondés à ce sujet et même s'ils ne votent pas pour lui.
Les réservistes qui se déplacent entre les manifestations de la rue Kaplan [centre de Tel-Aviv] et les ruines de Gaza ou son ciel parsemé de bombardiers ou de drones prédateurs sont également des personnes interrogées dans le cadre d'un sondage, dont la réponse est sans ambiguïté. Se plaindre continuellement que le monde est antisémite est la réponse souhaitée à un sondage qui fait saliver Netanyahou tous les matins.
Il en va de même du refus de comprendre que, contrairement à nos écrans de télévision, qui restent focalisés sur les horreurs du 7 octobre et les rapports déchirants sur ses victimes, les téléspectateurs des chaînes de télévision étrangères ont vu les horreurs des bombardements et de la famine délibérée dans la bande de Gaza au cours des six derniers mois. Ils connaissent des centaines, voire des milliers, de reportages bouleversants sur les victimes palestiniennes [1].
***
De nombreux Israéliens savent que le gouvernement dirigé par Netanyahou laisse sciemment des otages épuisés mourir de faim, de manque de médicaments, d'épuisement, de mauvais traitements ou des suites de frappes aériennes israéliennes. Apparemment, les Israéliens sont plus nombreux que jamais à soutenir cette « directive Hannibal » non déclarée (qui autorise l'armée à mettre en danger la vie d'un soldat pour éviter qu'il ne soit kidnappé) [2]. Tout cela au nom de la victoire absolue.
Beaucoup d'Israéliens savent que les otages, leurs familles et leurs terribles souffrances n'intéressent pas ce gouvernement. Ils ont été choqués par les déclarations publiques de mépris des hommes politiques et par leur manque d'empathie. Beaucoup d'Israéliens savent que les membres du cabinet sont des clowns ineptes dans le meilleur des cas, ou des politiciens rusés qui s'occupent de leur propre portefeuille dans le pire des cas.
Beaucoup d'Israéliens savent que le ministre (Bezalel Smotrich) des Finances et des colonies [dans le cadre du ministère de la Défense] détruit notre économie. Ils savent que la guerre le fait également. Que le ministre de la Sécurité nationale (Itamar Ben-Gvir) donne des instructions pour faire taire les manifestants, tout en démantelant la police. Ils savent que le ministre de l'Education (Yoav Kisch) détruit l'éducation et que le ministre des Communications (Shlomo Karhi) s'oppose à la liberté de la presse. Ils savent que le ministre de la Défense (Yoav Gallant) n'apporte pas la sécurité. Ils savent que l'Etat est sur la corde raide.
Et ils savent que la conception erronée formulée par le premier ministre, en collaboration avec les agences de renseignement et de sécurité, selon laquelle le Hamas à Gaza était contenu, qu'il se comportait comme nous voulions qu'il se comporte, est la raison de la grande catastrophe qui a frappé les plus de 1400 personnes mortes et enlevées, leurs familles et leurs communautés.
Et pourtant, les Israéliens continuent de soutenir ce gouvernement par le simple fait qu'il affirme « faire le travail » (l'euphémisme accepté pour l'invasion et le massacre) à Gaza, et accomplir loyalement la mission de dépossession menée par les forces de défense des colonies en Cisjordanie. Cela se traduit aussi par le fait même que l'Association médicale israélienne n'exprime pas son choc face aux rapports sur la famine à Gaza ; et que les juristes et les organisations de protection de l'enfance ne soulèvent même pas de questions sur le nombre élevé d'enfants palestiniens tués. Le soutien à ce gouvernement s'exprime aussi par le fait que les manifestants [clamant leurs récriminations face à Netanyahou] de la rue Kaplan n'ont pas rejoint en masse les dizaines de courageux activistes qui accompagnent les agriculteurs et les bergers palestiniens afin de les protéger de la violence des colons. Ni avant, ni pendant cette guerre.
***
Cette perception fallacieuse découle d'un objectif qui n'a pas changé : habituer les Palestiniens à l'idée que même leur aspiration minimale d'un petit Etat souverain à côté d'Israël ne sera pas réalisée, sans parler de leur attente qu'Israël reconnaisse en général sa responsabilité pour les expulsions de 1948 et accepte un certain processus de retour des réfugiés, sans parler de leur exigence d'égalité entre « le fleuve et la mer ».
L'objectif est resté le même, y compris lorsqu'un gouvernement israélien a accepté de reconnaître l'OLP lors des accords d'Oslo, mais pas, Dieu nous en préserve, le peuple palestinien. Peu à peu, puisque les Palestiniens refusent de se faire à cette idée et que les organisations de colons sont devenues les dirigeants de facto d'Israël, la réalisation de cet objectif est devenue de plus en plus violente et brutale.
C'est ainsi qu'on en est arrivé au « plan décisif » imaginé par Bezalel Smotrich pour les Palestiniens [voir article publié sur ce site le 13 novembre 2023] : soit accepter un statut inférieur, émigrer et être déraciné soi-disant de son plein gré, soit affronter la défaite et la mort dans une guerre. Tel est le plan actuellement mis en œuvre à Gaza et en Cisjordanie, la plupart des Israéliens étant des complices actifs et enthousiastes, ou acquiesçant passivement à sa réalisation, indépendamment de leur dégoût pour ce gouvernement et ses membres. La grande majorité continue de croire que la guerre est la solution.
Amira Hass
Notes
[1] Selon Le Monde du 1er avril 2024, « le Parlement israélien a adopté lundi 1er avril un projet de loi permettant d'interdire la diffusion de médias étrangers portant atteinte à la sécurité de l'Etat. La chaîne [Al Jazeera] a dénoncé une “campagne frénétique” à son encontre basée sur un “mensonge dangereux et ridicule” ». (Réd.)
[2] Selon l'une de ces règles d'engagement, officieusement nommée ‘procédure Hannibal', en cas d'incursion ennemie et de capture de civils, les unités israéliennes de combat doivent à tout prix empêcher les ravisseurs de rejoindre leurs bases arrière, quel que soit le prix à payer par les soldats et les captifs. (Réd.)
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Génocide assisté par ordinateur

L'intelligence artificielle générative au service d'exterminator. Les puissances occidentales délivrent un permis de tuer à la folie meurtrière sioniste, l'alimentent en armements sophistiqués. Les cibles humaines sont fournies en masse par les logiciels. Tous les palestiniens sont fichés comme suspects. C'est le premier génocide assisté par ordinateur de l'histoire avec suivi en temps réel. Cinq cents cibles frappées par jour. Des bâtiments publics, des écoles, des universités, des hôpitaux, des mosquées, des églises, des maisons privées. Les familles décimées se comptabilisent dans les dommages collatéraux.
Une intelligence artificielle dénommée The Gospel marque les bâtiments. Un autre système, Lavender, voue des dizaines de milliers de palestiniens, leurs proches, leurs amis, à l'élimination. Une stratégie d'extermination mûrement pensée, théorisée, planifiée. Le livre The Human-Machine Team : How to Create Synergy Between Human and Artificial Intelligence That Will Revolutionize Our World, Le tandem Homme-Machine. Comment créer une synergie entre intelligence humaine et intelligence artificielle qui révolutionne le monde, est en vente sur les plateformes internétiques.
Une seule doctrine militaire : « Bombarder tout ce qu'on peut quel qu'en soit le prix ». L'ouvrage ne fait aucun mystère des intentions criminelles : « Aujourd'hui, l'ère numérique s'accélère. L'intelligence artificielle change radicalement le monde. L'ordinateur, grâce au Big Data, génère mieux les informations que les humains ». Toutes les informations sociales, privées, intimes, comportementales, audiovisuelles, iconographiques, cellulaires, internétiques, automatiquement compilées, servent à définir les cibles. L'armée exécute aveuglément.
Les préconisations de l'intelligence artificielle sont traitées comme des ordres. L'aviation écrase toutes les maisons signalées, sans entrer dans les détails. Aucun examen préalable, aucune analyse approfondie des données brutes de renseignement. Une logique impitoyable, épouvantable, apocalyptique, paranoïaque, psychotique, assassine. Des enfants, des femmes, des vieillards sont massacrés sont merci. Derrière la prétendue maîtrise technologique, se dissimule une imprécision totale. Le monstre immonde renaît de ses cendres avec des moyens décuplés. L'automatisation traduit la volonté de saccager, de tuer toujours plus. « On t'a parlé du Sphinx, dont l'énigme funeste / Ouvrit plus de tombeaux que n'en ouvre la peste » (Pierre Corneille).
Dans Ethnic Cleansing of Palestine, Oneworld Publications, 2007, Le Nettoyage ethnique de la Palestine, éditions La Fabrique, 2024, l'historien juif Ilan Pappé parle de génocide progressif depuis 1948. Une entreprise systématique, méthodique d'expulsions, de destructions, de néantisations. Sous régime pro-sioniste français, où les propalestiniens sont interdits de manifestation, soumis aux brimades administratives et professionnelles, pistés, fichés, interpelés, la première traduction de 2008 est retirée des ventes par les éditions Fayard. « La géographie humaine de l'ensemble de la Palestine est transformée de force. Le caractère arabe des villes est effacé par la destruction de zones étendues. Ce qui motive cette transformation, c'est le désir d'effacer l'histoire et la culture d'une nation et de la remplacer par une version préfabriquée de l'histoire d'une autre. Toute trace de la population indigène est éradiquée » (Ilan Pappé).
Le génocide se double d'une destruction culturelle généralisée. Des sites archéologiques, des monuments antiques, des édifices religieux chrétiens et musulmans, des trésors artistiques, des patrimoines entremêlés sont systématiquement pilonnés, réduits en ruines. La Grande Mosquée Omari, remontant à deux milles cinq cents ans, antique temple païen. La mosquée Sayyed Hashim, abritant le tombeau d'Hashim ibn Abd Manaf, grand-père du prophète Mohammed. La mosquée Khalid Ibn al-Walid. Le Pacha Palace du treizième siècle. L'église byzantine du quatrième siècle dans le district de Jabalia. L'église orthodoxe grecque Saint-Porphyre du cinquième siècle. Le sanctuaire d'Al-Khader. Le Hammam al-Sammara, bain public vieux de mille ans, réputé pour ses vertus curatives, dans le quartier Zeitoun. Le musée Khoudary. Le musée de Rafah. Le musée d'Al-Qarara, près de Khan Younis, possédant une collection inestimable de trois mille objets remontant à l'âge de bronze, aux Cananéens. L'ancien port grec d'Anthédon. La liste est interminable.
Impossible de documenter l'étendue des dégâts. Les sites archéologiques attestent de la présence palestinienne depuis l'âge de pierre. C'est cette preuve matérielle, antédiluvienne, qu'on veut abroger. Les archéologues eux-mêmes sont visés, plusieurs d'entre eux assassinés. Dans le monde entier, le sionisme s'assimile désormais au génocide. La population planétaire encolérée, défilant massivement dans les grandes capitales, couvrant les murs, les escaliers, les trains des couleurs palestiniennes, portant le keffieh, bloquant les grandes surfaces, les usines d'armement complices, s'appelle génération Gaza. Il faut rappeler avec force que le sionisme, idéologie prédatrice, fasciste, est l'antithèse, la réfutation, la négation du judaïsme.
Mustapha Saha
Sociologue
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Des médias évoquent des « difficultés » : Les troupes israéliennes se retirent de Khan Younès

Selon Al Jazeera, citant des médias israéliens, l'offensive contre Khan Younès a duré 4 mois en raison « des difficultés majeures rencontrées par les troupes au sol ». L'armée d'occupation a annoncé hier le retrait de ses troupes du sud de la bande de Ghaza, six mois, jour pour jour, après l'offensive israélienne contre l'enclave palestinienne.
Tiré d'El Watan.
Ce retrait, inattendu, intervient le jour même où de nouveaux pourparlers sont prévus au Caire entre le mouvement de résistance Hamas et Israël, via des médiateurs internationaux (Etats-Unis, Egypte et Qatar), en vue d'une trêve dans la bande de Ghaza. Etaient attendus hier au Caire le chef de la CIA, Bill Burns, le chef des services secrets, David Barnea, le Premier ministre qatari, Mohammed Ben Abdelrahmane Al Thani, et une délégation du Hamas, selon le média égyptien progouvernemental Al Qahera News.
Une délégation israélienne dirigée par les chefs du Mossad et du Shin Bet « partira demain (aujourd'hui, ndlr) » pour Le Caire afin de participer aux négociations, a, pour sa part, rapporté Israel Today. Ces négociations coïncident ainsi avec le retrait des troupes israéliennes, notamment de la ville de Khan Younès, réduite en poussière par les raids israéliens.
Selon des médias israéliens, l'ensemble des troupes ont quitté le sud de Ghaza. « Aujourd'hui (hier, ndlr), dimanche 7 avril, la 98e division de commandos de l'armée israélienne a terminé sa mission à Khan Younès. La division a quitté la bande de Ghaza afin (...) de se préparer à des futures opérations », a indiqué l'armée israélienne dans un communiqué.
Elle a précisé qu'une « force significative » continuerait à opérer dans le petit territoire palestinien au gré de ses besoins stratégiques. « Une force menée par la 162e division et la brigade Nahal continue d'opérer dans la bande de Ghaza pour garantir la liberté d'action de l'armée et sa capacité à conduire des opérations précises basées sur du renseignement », a précisé le même communiqué.
Le quotidien israélien Haaretz a avancé que le retrait de l'infanterie du sud de Ghaza est motivé par le fait que l'armée « y a atteint ses objectifs ». Un responsable militaire, cité par Haaretz, a affirmé que les troupes israéliennes n'avaient « plus besoin de rester dans le secteur sans nécessité » stratégique.
Champ de ruines
Il a également affirmé que la 98e division « a démantelé les brigades du Hamas à Khan Younès ». Des affirmations démenties peu de temps après le retrait par des tirs de missiles depuis Khan Younès, épicentre de la résistance depuis plusieurs semaines.
La radio de l'armée israélienne a d'ailleurs confirmé hier que cinq roquettes ont été tirées depuis Khan Younès – d'où les forces israéliennes se sont retirées – en direction des colonies israéliennes, ajoutant que le Dôme de fer a intercepté un certain nombre d'entre elles.
D'après l'armée israélienne, les Palestiniens déplacés de Khan Younès – une partie seulement des déplacés – peuvent désormais retourner chez eux après avoir trouvé refuge à Rafah, plus au sud près de la frontière avec l'Egypte.
Un photographe de l'AFP a vu hier des dizaines de personnes quitter Rafah en direction de Khan Younès, à pied, en voiture ou sur des charrettes tirées par des ânes. L'attention se porte désormais sur Rafah où, malgré l'inquiétude de nombreuses capitales étrangères, Israël s'est dit déterminé à engager une offensive terrestre alors que plus de 1,5 million de Ghazaouis y ont trouvé refuge.
L'armée israélienne se retire de cette portion de la bande de Ghaza après avoir semé une désolation totale. Elle laisse derrière elle un décor apocalyptique, des villes réduites à néant et une détresse humaine indicible. Elle a, surtout, provoqué une catastrophe humanitaire avec la majorité des 2,4 millions d'habitants menacés de famine, selon l'ONU.
Située à 3 km au sud de Rafah et transformée en champ de ruines par les bombardements israéliens, la ville de Khan Younès, la plus grande du sud du territoire, est depuis plus d'un mois le fief de la résistance palestinienne face à l'agression israélienne.
Al Qassam sceptique
Le Hamas, qui a déclaré samedi qu'il « ne renoncerait pas à ses exigences » pour un accord sur un cessez-le-feu complet, s'est dit hier sceptique après le retrait des troupes israéliennes du sud de Ghaza. « Nous sommes sceptiques quant aux intentions de l'occupation concernant le retrait de Khan Younès », a déclaré à Al Jazeera Ismail Thawabta, directeur du bureau d'information du gouvernement dans la bande de Ghaza.
Il a ajouté que « ce qui se passe sur le terrain est différent de ce que l'occupant dit aux médias », expliquant que les Israéliens « ferment tous les points de passage de Ghaza et n'autorisent pas l'entrée de l'aide humanitaire ».
Des proches de prisonniers israéliens ont manifesté samedi soir à Tel-Aviv pour réclamer la libération des leurs et pour marquer les six mois de leur captivité. Ils ont aussi réclamé la démission du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, de plus en plus contesté sur tous les fronts pour son obsession à poursuivre l'opération génocidaire dans les Territoires palestiniens.
« S'il vous plaît, faites tout, payez le prix, quel qu'il soit, le prix le plus élevé, je m'en fiche. Je veux qu'Ofer et tous les autres » reviennent « à la maison », a martelé Yifat Kalderon, cousine d'Ofer Kalderon, un père de famille détenu à Ghaza.
Selon Al Jazeera, citant des médias israéliens, l'offensive contre Khan Younès a duré 4 mois en raison « des difficultés majeures rencontrées par les troupes au sol ».
La chaîne qatarie a aussi révélé hier que les estimations de l'armée israélienne indiquaient que la bataille de Khan Younès « se terminerait dans les deux mois, mais qu'elle a duré quatre mois ».
La raison pour laquelle l'armée de l'occupant a mal calculé son intervention à Khan Younès « est due à la grande complexité et aux difficultés auxquelles elle a été confrontée ».
De leur côté, les Brigades Al Qassam, bras armé du Hamas, ont fait savoir qu'Israël « a été forcé de mettre fin à ses opérations avant d'avoir atteint ses objectifs ». « L'occupant est entré dans la plupart des zones de la bande de Ghaza, les détruisant complètement et se vantant d'avoir réussi à démanteler les Brigades du Hamas.
Chaque fois qu'il est retourné dans des zones où il pensait ne pas trouver de résistance, il a été surpris par une riposte violente et qualitative », a souligné Al Qassam. Après six mois d'intenses bombardements sur la bande de Ghaza, le bilan des victimes s'est élevé hier 33 175 morts et 75 886 blessés, selon le ministère palestinien de la Santé.
Au cours des dernières 24h, l'armée israélienne a commis quatre massacres dans la bande de Ghaza tuant 38 personnes et en blessant 71 autres.
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La catastrophe humanitaire de Gaza

Un fallacieux débat sur la qualification de la situation nutritionnelle à Gaza retarde encore l'adoption des décisions politiques qui pourraient aboutir à un arrêt effectif des hostilités, constatent nos confrères du site « The Conversation ».. Fallacieux, car il suscite des discussions sur la définition même de la famine, alors que la définition donnée par l'Integrated Food Security Phase Classification (IPC), outil développé en 2004 par le Programme alimentaire mondial (PAM), l'UNICEF, la FAO et diverses ONG (dont ACF, CARE et Oxfam) vaut référence internationale.
Tiré de MondAfrique.
En tout état de cause, la question n'est pas de savoir si existe une famine – et selon quelle définition –, mais si sont en place les mécanismes qui « fabriquent » une dramatique pénurie alimentaire. Or cela ne fait aucun doute quand on lit les rapports des organisations internationales ou quand on observe les scènes désespérées de personnes se précipitant, dans le chaos et la violence, au-devant des points de distribution de vivres encore opérants.
Rappelons que les quatre piliers de la sécurité alimentaire sont :
– la disponibilité des denrées alimentaires (le fait que les aliments soient présents sur le territoire) ;
– l'accès de la population à ces denrées (le fait que les gens puissent effectivement recevoir et consommer ces aliments) ;
– la bonne utilisation de ces aliments (liée aux bonnes pratiques de préparation et de diversité du régime alimentaire) ;
– la stabilité de ces trois piliers dans le temps. Aujourd'hui, à Gaza, aucun de ces principes n'est respecté.
La disponibilité des denrées alimentaires est réduite
La production locale de nourriture, les importations commerciales, les stocks et les aides extérieures sont tous réduits ou anéantis. Le système alimentaire et les chaînes de valeur de l'agriculture se sont effondrés ou survivent de façon marginale grâce au marché informel. Une grande partie des terres et infrastructures agricoles, y compris les vergers, les serres et les champs cultivés, ont subi d'importantes destructions. Les hostilités ont également provoqué le déplacement de populations loin des terres agricoles. Environ 70 % du bétail et des autres animaux auraient été perdus depuis le 7 octobre 2024.
D'autres restrictions imposées aux Gazaouis affectent les moyens de subsistance et l'accès à la nourriture, comme l'interdiction de facto de se déplacer à moins d'un kilomètre de la clôture frontalière, ce qui exclut l'accès à une grande partie des terres agricoles. L'activité de pêche est largement interrompue en raison des dommages subis par les bateaux, du manque de carburant et des conditions de sécurité. Plus de 300 granges, 100 entrepôts agricoles, 119 abris pour animaux, 200 fermes ont été détruits.
La coupure totale d'électricité qui a commencé le 11 octobre 2023 se poursuit. Un peu d'électricité est encore produite à l'intérieur de Gaza par des générateurs et des panneaux solaires. Les hostilités continuent d'empêcher la livraison de carburant à la centrale électrique de Gaza, qui ne fonctionne toujours pas, et bloquent la distribution transfrontalière d'électricité.
Cette situation a de graves répercussions sur tous les aspects de la vie quotidienne, notamment la transformation et le stockage des denrées alimentaires, le pompage et la distribution de l'eau potable, le traitement des eaux usées et le fonctionnement des télécommunications et des systèmes financiers.
D'après les données de l'UNRWA, le nombre maximum de camions entrant quotidiennement par les points de passage de Kerem Shalom et de Rafah était de 500 par jour avant l'escalade de la violence ; environ 70 % de ces camions transportaient alors de la nourriture ou un mélange de produits alimentaires et non alimentaires. Entre janvier et septembre 2023, une moyenne quotidienne de 150 camions de nourriture est entrée dans Gaza. Entre le 8 octobre 2023 et le 9 mars 2024, ce nombre est tombé à une moyenne de 65 camions par jour et la disponibilité des denrées alimentaires a considérablement diminué.
L'entrée des camions humanitaires et commerciaux dans Gaza est presque intégralement limitée aux gouvernorats du sud, principalement à Rafah. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA) estime que moins de 5 % de tous les camions alimentaires ont atteint le nord de Gaza au cours des quatre dernières semaines, tandis que 45 % sont restés à Rafah et qu'environ 50 % ont atteint les gouvernorats centraux de Deir al-Balah et Khan Younis.
Le 20 février 2024, le PAM a décidé de suspendre ses livraisons d'aide alimentaire au nord de Gaza en raison du chaos et de la violence. Le 5 mars, un convoi alimentaire de 14 camions, le premier du PAM envoyé vers le nord depuis la suspension des livraisons le 20 février, s'est vu refuser l'accès après trois heures d'attente au poste de contrôle de Wadi Gaza, puis a été pillé sur le chemin du retour.
L'accès à la nourriture est dégradé
Même quand de la nourriture a pu parvenir quelque part à Gaza, cela ne signifie pas que la population a la possibilité de se la procurer.
L'inflation est très élevée. De septembre à décembre 2023, elle a été estimée, tous produits confondus, à 48 %, atteignant des records pour certains produits : + 100 % pour l'huile ; + 300 % pour les œufs ; + 750 % pour la farine de blé.
Les marchés informels dominent désormais les transactions de produits alimentaires et non alimentaires dans Gaza, car les marchés formels se sont effondrés à la suite de l'épuisement des stocks et des dommages subis par les principaux lieux d'activité. Les ventes et les achats se font principalement dans la rue, avec des activités de troc potentielles.
La population, et plus particulièrement les groupes vulnérables, est de plus en plus confrontée à des risques pour accéder aux marchés en raison des opérations militaires et des bombardements, mais aussi de l'absence d'ordre social. Transporter et distribuer de la nourriture dans la rue est risqué, en particulier dans le nord de la bande de Gaza et dans le gouvernorat de Gaza, où les gens sortent en groupe pour acheter de la nourriture et/ou portent des couteaux pour se protéger.
Comme évoqué plus haut, les deux autres grands piliers de la sécurité alimentaire sont la bonne utilisabilité des aliments et la stabilité des approvisionnements. Or l'utilisation de la nourriture obtenue par la population est entravée. Quand on parle d'utilisation, on parle de toutes les conditions requises pour concrètement pouvoir tirer bénéfice de la nourriture obtenue : disposer de combustible pour la cuisson, d'une eau saine pour les préparations culinaires et la boisson, d'ustensiles pour le stockage et la cuisson, et d'un état de santé permettant la préparation et la bonne assimilation des nutriments. Tous ces facteurs sont aujourd'hui altérés.
Quant à la stabilité des approvisionnements, elle est inexistante. La livraison et la distribution des denrées sont désordonnées et chaotiques, comme le traduisent les violences et scènes de pillage sur les lieux de distribution, ou les noyades en mer lors de tentatives désespérées pour récupérer des denrées parachutées par avion.
Un contexte propice à la diffusion de pathologies
Les pathologies liées à la promiscuité, à la mauvaise qualité de l'eau, au manque d'hygiène corporelle et à la dégradation de l'environnement sont en forte augmentation.
Pour y faire face, la population déplacée ne peut compter que sur un système de santé local détruit et sur des acteurs humanitaires internationaux dont la présence est aujourd'hui dérisoire, du fait de la dangerosité du terrain et/ou des multiples entraves établies par les autorités israéliennes. Une pénurie d'acteurs internationaux que la mort toute récente de 7 membres de l'ONG « World Central Kitchen » va amplifier.
Avant l'escalade des hostilités, la majorité de l'approvisionnement en eau dans la bande de Gaza provenait de sources souterraines et le reste (environ 20 %) d'usines de dessalement et d'oléoducs transfrontaliers. Le pompage excessif des eaux souterraines en Palestine a entraîné une grave pollution et salinisation de l'eau, en particulier dans la bande de Gaza. Plus de 97 % de l'eau pompée dans l'aquifère côtier ne répond pas aux normes de qualité de l'eau fixées par l'OMS.
La plupart des systèmes de traitement des eaux usées ont été suspendus et ne fonctionnent plus depuis novembre 2023, en raison des dommages subis, du manque d'approvisionnement en carburant/électricité et du manque d'entretien. Selon une étude menée en février 2024, l'accès à l'eau pour la boisson, le bain et le nettoyage est estimé à 1,5 litre par personne et par jour, alors que la quantité minimale d'eau nécessaire à la survie est de 15 litres selon les normes internationales.
En ce qui concerne la gestion des déchets solides, qui était déjà une question cruciale avant l'escalade, la dernière mise à jour de l'UNRWA du 16 janvier indique que cette gestion se poursuit dans les gouvernorats de Rafah et de Khan Younis et partiellement dans le gouvernorat de Deir al-Balah, où environ 45 chargements de camions d'ordures ont été transférés vers des sites temporaires. En février 2024, dans le gouvernorat de Rafah, 80 % des sites d'accueil de déplacés qui ont été évalués lors d'une enquête du cluster Wash avaient des latrines non fonctionnelles. Seuls 15 % des sites disposaient d'installations pour le lavage des mains à proximité des latrines. 24 % des sites évalués offraient un accès sûr et privé aux latrines et 51 % disposaient d'installations séparées pour les hommes et les femmes. Là où les regroupements de populations sont les plus denses, on note la présence de matières fécales humaines autour des lieux de stationnement dans près de 80 % des cas.

Les indicateurs de santé disponibles traduisent les effets de cette promiscuité et de ce manque d'hygiène. Dans les gouvernorats de Khan Younis et de Deir al-Balah, au cours des deux premières semaines de mars plus de 97 % des enfants de moins de cinq ans ont eu une ou plusieurs maladies, 56 % ont souffert d'infections respiratoires aiguës, 70,5 % ont eu la diarrhée et 82,3 % ont eu de la fièvre. À Rafah, les chiffres sont très proches. Ces données construisent une équation particulièrement dangereuse : « moins d'apports de nourriture, plus de pertes ». Les enfants sont exposés à un risque majeur de déshydratation aiguë pouvant entraîner leur mort.
Selon l'OCHA, 1,9 million de personnes déplacées sont exposées à un risque élevé de maladies transmissibles en raison de la surpopulation des sites de déplacés et du manque d'accès à des installations d'eau, d'assainissement et d'hygiène adéquates. À Gaza, des cas d'hépatite A ont été confirmés en janvier 2024 et l'OMS a averti que les conditions de vie inhumaines permettront à l'hépatite A de continuer à se propager.
Un système de santé en lambeaux
Le système de santé, ultime ligne de défense des populations civiles en dénutrition grave ou malades, est aujourd'hui inopérant, du fait de la destruction des structures de soins, de la fuite ou de la mort des professionnels, et de l'interruption des chaînes d'approvisionnement en médicaments et consommables utiles aux équipes soignantes encore en mesure d'agir sur place. Ce qui reste de ce système de santé doit en outre se consacrer à soigner les blessés, qui se comptent en dizaines de milliers. Rappelons que, au 14 mars 2024, les hostilités auraient fait près de 105 000 victimes dans la bande de Gaza, soit près de 5 % de la population totale. Cela comprend plus de 73 000 blessés, dont un quart sont des enfants, et plus de 31 000 morts dont un tiers sont des enfants.
Selon le dernier rapport de situation de l'UNICEF, les hôpitaux continuent de subir de graves perturbations dans la fourniture de soins de santé. 155 établissements de santé ont été endommagés et 32 hôpitaux et 53 centres de santé ne fonctionnent pas en raison des hostilités ou de la pénurie de médicaments essentiels.
Les structures de santé sont également confrontées à des pénuries de personnel médical, notamment de chirurgiens spécialisés, de neurochirurgiens et de personnel de soins intensifs, ainsi qu'à un manque de fournitures médicales, et ont un besoin urgent de carburant, de nourriture et d'eau potable. À Deir al-Balah et Khan Younis, selon l'OCHA, depuis janvier 2024, trois hôpitaux – Al Aqsa, Nasser et Gaza European – risquent d'être fermés en raison de l'émission d'ordres d'évacuation dans les zones adjacentes et de la poursuite des hostilités à proximité.
À Rafah, cinq hôpitaux fonctionnent encore. Mais l'afflux de personnes déplacées migrant vers Rafah a dépassé le nombre de lits disponibles dans les hôpitaux, entraînant une incapacité à répondre aux besoins de la population ainsi regroupée. Les services de santé primaire sont également très demandés dans les abris informels qui accueillent les personnes déplacées. La poursuite du siège autour de certains hôpitaux affecte considérablement leur capacité de gestion des cas. L'orientation des patients en dehors de Gaza reste un défi, car la liste d'attente continue de s'allonger.
Tous les indicateurs d'analyse internationaux des situations de pénurie alimentaire sont au rouge. Au regard du droit international humanitaire, la faim ne doit pas être utilisée comme arme de guerre. C'est pourtant aujourd'hui le cas dans la bande de Gaza. Face à la situation décrite, le débat sur la notion de famine apparaît dérisoire.
Il faut que cela cesse. C'est ce constat qui a amené la Cour internationale de justice (CIJ) à ordonner à Israël d'empêcher la famine qui « s'installe » à Gaza. Et de l'ordonner encore plus vivement récemment. La CIJ enjoint à l'État hébreu de garantir la fourniture d'eau et de nourriture à la population de l'enclave palestinienne. C'est également l'objet d'une toute récente déclaration officielle de la Commission nationale consultative sur les Droits de l'Homme (CNCDH), dont l'auteur du présent article est membre et contributeur des recommandations finales.
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Bilan de six mois d’une guerre dévastatrice : Ghaza, 33 000 morts plus tard…

Documentant au jour le jour les pertes humaines et matérielles enregistrées depuis le début de la guerre totale menée par les forces d'occupation sionistes à Ghaza, le Bureau central palestinien des statistiques (BCPS) fournit un bilan effroyable des boucheries et des destructions israéliennes commises dans l'enclave dévastée.
Tiré d'El Watan.
Ce 7 avril, six mois auront passé depuis l'opération « Tofane Al Aqsa » (Déluge d'Al Aqsa) déclenchée par le mouvement Hamas et d'autres groupes de résistance palestiniens pour obliger Israël et l'ensemble de la communauté internationale à reconnaître l'existence et la souveraineté du peuple palestinien et affranchir les territoires occupés du joug colonial sioniste qui dure depuis 75 ans.
La riposte de l'Etat hébreu a été d'une brutalité inouïe : 33 175 morts et 75 886 recensés jusqu'à ce dimanche, selon le ministère de la Santé du gouvernement Hamas à Ghaza, et un niveau de destruction d'une ampleur épouvantable. En plus de 180 jours de bombardements et de pilonnages tous azimuts, la monstrueuse machine de mort israélienne a fini quasiment par effacer Ghaza de la carte.
Documentant au jour le jour les pertes humaines et matérielles enregistrées depuis le début de la guerre totale menée par les forces d'occupation sionistes, le Bureau central palestinien des statistiques (BCPS) fournit un bilan effroyable des boucheries et des destructions israéliennes commises dans la bande de Ghaza.
Les chiffres reproduits ici ont été arrêtés au 6 avril. D'abord les pertes humaines. Le BCPS donne un chiffre plus élevé parce qu'il inclut également les morts dénombrés en Cisjordanie. Ainsi, le nombre total de victimes recensées par le Bureau palestinien des statistiques jusqu'au 6 avril est de 33 596 morts, dont 459 Palestiniens tués en Cisjordanie.
Le nombre total de blessés, lui, est de 80 565, dont 4750 en Cisjordanie. La même source précise que 14 000 enfants et adolescents ont été sauvagement ravis à l'affection des leurs à Ghaza et 116 en Cisjordanie depuis le 7 octobre, ajoutant que 9220 femmes ont péri suite aux frappes israéliennes dans l'enclave martyrisée.
Le bilan général des pertes humaines fait état également de 364 membres du personnel médical, 246 enseignants et cadres administratifs pédagogiques, 135 journalistes et travailleurs des médias, et 48 éléments de la Protection civile. Tous fauchés par la furie létale de l'occupant sioniste. 152 employés de l'Unrwa ont également trouvé la mort suite aux attaques israéliennes indiscriminées.
62% du parc immobilier détruits
Le Bureau central palestinien des statistiques fait état par ailleurs de 7000 disparus au moins enregistrés dans la bande de Ghaza. Concernant les Palestiniens détenus dans les geôles israéliennes, ils dépassent les 12 000 : 8030 en Cisjordanie et plus de 4000 à Ghaza.
En six mois d'une campagne génocidaire acharnée, plus de 1,9 million de personnes, soit 85% des habitants de Ghaza ont été déplacés. La majorité d'entre eux sont massés à Rafah, au sud de l'enclave, qui est toujours menacée par une opération massive. Selon l'Unrwa, l'agression israélienne a détruit 62% du parc immobilier de Ghaza.
Cela se traduit, selon le Bureau central palestinien des statiques, par 360 000 maisons détruites ou endommagées. Le BCPS détaille : 290 000 logements ont été partiellement endommagés par les raids sionistes ; 79 000 unités d'habitation ont été totalement détruites et plus de 25 000 bâtiments réduits en ruine.
Les dégâts ont touché également les écoles et les universités. 405 établissements de formation ont été affectés par les bombardements. Une centaine d'écoles et d'universités ont été totalement anéanties. Les lieux de culte n'ont pas non plus été épargnés : 290 mosquées ont été pulvérisées ainsi que 3 églises.
A ce paysage de désolation s'ajoutent 168 bâtiments gouvernementaux démolis par les forces d'occupation. La catastrophe humanitaire qui prévaut dans la bande de Ghaza impose de lui accorder une attention particulière en dressant ce bilan.
Et sous ce chapitre, il convient de se pencher sur l'état des établissements de santé, surtout à la lumière des dernières opérations israéliennes qui ont conduit à la destruction du plus grand hôpital de Ghaza : le complexe médical Al Shifa.
Dans un communiqué diffusé hier à l'occasion de la Journée mondiale de la Santé, célébrée le 7 avril de chaque année, le Bureau central palestinien des statistiques a fourni une série d'indicateurs alarmants qui illustrent l'effondrement du système de santé dans la bande de Ghaza au terme de six mois d'atrocités.
« 489 membres du personnel médical, dont des médecins spécialistes, sont tombés en martyrs, et 600 autres ont été blessés » dans la bande de Ghaza, indique le BCPS, « en plus de l'arrestation de plus de 310 cadres médicaux et de la destruction et de la mise hors service de plus de 126 ambulances ».
Depuis le 7 octobre, « l'OMS a enregistré plus de 600 agressions contre les infrastructures sanitaires en Cisjordanie et dans la bande de Ghaza », poursuit le communiqué. Et de préciser que « sur les 36 hôpitaux de la bande de Ghaza, 10 seulement sont fonctionnels et de façon partielle » et « 76% des centres de premiers soins sont à l'arrêt ».
1,1 million de personnes confrontées à une famine de niveau 5
« En Cisjordanie, 286 attaques ont été menées contre les structures de santé » souligne le même organisme. Cela a « empêché d'assurer les soins, y compris la fourniture de médicaments ». Les violences subies par les structures de santé palestiniennes incluent « la fermeture des hôpitaux » et « le refus d'accès aux ambulances ».
Le Bureau central palestinien des statistiques affirme en outre que « 350 000 patients atteints de maladies chroniques dans la bande de Ghaza ont été privés des soins nécessaires, dont environ 71 000 personnes atteintes de diabète, 225 000 personnes souffrant d'hypertension artérielle et 45 000 personnes souffrant de maladies cardiovasculaires ».
A ceux-là s'ajoutent « les personnes atteintes de cancer, de maladies des reins et d'autres pathologies ». Le BCPS déplore la « fermeture du seul hôpital oncologique spécialisé dans le traitement des cancéreux » ainsi que de « l'hôpital psychiatrique de Ghaza ». A cet inventaire affreux s'ajoute la famine.
C'est l'autre fléau qui ravage la bande de Ghaza après celui des bombes. Selon le Programme alimentaire mondial, la famine touche 1,1 million de personnes dans l'enclave assiégée. Et 70% de la population du nord de l'enclave est confrontée à une famine encore plus sévère.
Il faut savoir que le nombre de personnes livrées à un niveau de famine catastrophique (niveau dit « IPC5 ») a doublé en moins de trois mois, passant de 570 000 en décembre à 1,1 million aujourd'hui. « Au moins 31 décès dus à la malnutrition et à la déshydratation, dont 28 enfants » ont été enregistrés dans la bande de Ghaza, d'après le bureau palestinien des statistiques.
« Selon une étude menée par l'Unicef avec un groupe de partenaires en février dernier, il a été constaté qu'environ 31% des enfants de moins de deux ans dans le nord de Ghaza souffrent de malnutrition aiguë, et ce pourcentage a doublé en seulement un mois, car il était d'environ 16% en janvier », relève la même source.
Cette étude de l'Unicef « montre également qu'environ 5% des enfants de moins de deux ans souffrent d'émaciation aiguë dans la région ». « Avant l'agression israélienne, le taux d'émaciation chez les enfants de moins de deux ans était de 0,6%, selon l'enquête palestinienne à indicateurs multiples 2019-2020 », précise le BCPS.
Par ailleurs, « plus de 90% des enfants de moins de cinq ans souffrent d'au moins une maladie infectieuse ». « Des rapports de l'Organisation mondiale de la santé indiquent que plus de 640 000 cas d'infections respiratoires aiguës ont été enregistrés, et environ 346 000 cas de diarrhée, dont 105 635 chez les enfants de moins de cinq ans.
En outre, d'autres signes d'épidémies telles que la jaunisse, la varicelle et les maladies de peau, ont été détectés. Les rapports publiés en mars montrent que plus de 31 348 cas d'infection par l'hépatite A ont été recensé », peut-on lire dans le même document.
« Des centaines de fausses couches »
Le Bureau palestinien des statistiques a mis d'un autre côté l'accent dans son état des lieux sur le calvaire des femmes enceintes. La situation humanitaire insoutenable que subissent les parturientes à Ghaza a eu une « incidence élevée » sur les grossesses, provoquant « des fausses couches et des naissances prématurées ».
« Plus de 540 000 femmes en âge de procréer résident dans la bande de Ghaza et on estime que plus de 5000 naissances ont lieu chaque mois », souligne l'organisme palestinien. « La vie des femmes enceintes est en danger et les risques d'exposition à des complications pendant la grossesse ou l'accouchement augmentent, ce qui peut entraîner une aggravation de la mortalité maternelle.
Des rapports indiquent également que des centaines de fausses couches et de naissances prématurées ont été enregistrées à la suite de la panique et de la fuite forcée », révèle le BCPS.
« D'un autre côté, l'insécurité alimentaire et la malnutrition croissantes au sein de la population de la bande de Ghaza empêchent les mères de pouvoir bénéficier d'une alimentation appropriée et d'allaiter leurs nouveau-nés.
L'accès limité à l'eau potable, aux installations sanitaires et aux produits d'hygiène contribue à exposer les femmes et les enfants à diverses maladies et menace leur vie », prévient le bureau palestinien des statistiques.
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Depuis le 7 octobre, Israël a confisqué illégalement 27 000 décares de terres en Cisjordanie

Israël a confisqué illégalement environ 27 000 décares de terres en Cisjordanie occupée et a forcé 25 communautés palestiniennes à partir depuis le début de la guerre contre Gaza le 7 octobre dernier, poursuivant ainsi son accaparement des terres qui dure depuis des décennies, a déclaré samedi un organe du gouvernement palestinien, rapporte l'agence Anadolu.
Tiré de France Palestine Solidarité.
"L'État d'occupation utilise son hostilité féroce envers notre peuple dans la bande de Gaza en menant des opérations massives de confiscation de terres palestiniennes, affectant 27 000 décares de territoires palestiniens", a déclaré Moayya Sha'ban, chef de la Commission de résistance à la colonisation et au mur (CWRC), dans un communiqué marquant la Journée de la terre de Palestine."
La superficie des terres palestiniennes effectivement soumises aux mesures israéliennes s'élève à 2 380 kilomètres carrés, soit 42 % de la superficie totale de la Cisjordanie et 69 % de l'ensemble des zones classées (C), qui sont des zones soumises au régime militaire d'occupation", a-t-il ajouté.
Sha'ban a déclaré qu'Israël avait déjà commencé à établir des zones tampons autour des colonies de Cisjordanie par le biais d'une série d'ordonnances militaires, mettant en garde contre le fait d'"isoler davantage de terres et d'empêcher les citoyens d'y accéder sous des prétextes militaires et de sécurité".
Après le 7 octobre, date du début de l'offensive israélienne, Sha'ban a déclaré que les autorités israéliennes chargées de la planification ont soumis à l'étude "un total de 52 plans structurels visant à construire un total de 8 829 unités coloniales sur une superficie de 6 852 décares, dont 1 895 unités ont été approuvées".
En ce qui concerne les attaques des colons, il a déclaré que depuis le 7 octobre, les colons israéliens ont mené un total de 1 156 attaques qui ont entraîné la mort de 12 Palestiniens.
"Les mesures d'occupation et le terrorisme des milices coloniales ont conduit, depuis le 7 octobre, au déplacement de 25 communautés bédouines palestiniennes, composées de 220 familles, dont 1 277 individus", a-t-il déclaré.
"Les mesures des autorités d'occupation et les attaques des milices coloniales ont empêché les citoyens d'accéder à plus d'un demi-million de décares de terres agricoles", a-t-il ajouté.
Sha'ban a déclaré que toutes ces mesures "visent à contrôler la terre palestinienne ... et à éliminer toute possibilité d'établir un État palestinien en vidant les zones classées C, en isolant la ville sainte (Jérusalem) de sa composante palestinienne, et en renforçant le contrôle sur elle par la colonisation et l'expulsion".
En vertu des accords d'Oslo de 1995 entre Israël et l'Autorité palestinienne, la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, a été divisée en trois parties - les zones A, B et C - la zone C étant placée sous le contrôle administratif et sécuritaire d'Israël jusqu'à ce qu'un accord sur le statut final soit conclu avec les Palestiniens.
En vertu du droit international, les colonies juives en Cisjordanie et à Jérusalem-Est sont illégales.
La Journée de la terre de Palestine, le 30 mars, est une journée annuelle de commémoration, pour les Palestiniens, des événements survenus à cette date en 1976, lorsque les autorités israéliennes ont confisqué de vastes étendues de terres palestiniennes.
Israël est accusé de génocide devant la Cour internationale de justice (CIJ). Une décision provisoire rendue en janvier a ordonné à Tel-Aviv de mettre fin aux actes de génocide et de prendre des mesures pour garantir l'acheminement de l'aide humanitaire aux civils de Gaza.
Photo : Opération de démolition à Massafer Yatta, 28 novembre 2023 © Mohammad Hureini
Traduction : AFPS
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Médias mondiaux en crise : la diffusion de l’information à risque
La réforme en santé et en sécurité : Quelle voix au travail pour les personnes non syndiquées ?
8 avril 2024 | CRIMT
Le régime de santé et de sécurité du travail a, depuis avril 2022, rendu obligatoire la mise en place de mécanismes de prévention et de participation représentative des travailleurs et des travailleuses. Ces mécanismes visent notamment à ce que les travailleurs et les travailleuses participent à l'identification et à l'analyse des risques auxquels ils et elles sont susceptibles de faire face dans leur milieu de travail et puissent faire entendre leur voix.
Afin d'assurer l'effectivité des mécanismes de prévention et de participation ainsi instaurés, il importe de s'intéresser à la façon dont ceux-ci se déploieront en milieu non-syndiqué. Au Québec, près de 60% des travailleurs et des travailleuses ne bénéficient pas de couverture syndicale. Comment les personnes au statut d'emploi ou au statut migratoire précaires pourront-elles faire entendre leur voix ? Qu'en sera-t-il pour celles œuvrant pour une agence de placement de personnel ? Quelles sont les stratégies qu'il convient de déployer pour que ces mécanismes produisent leurs fruits également en milieu non syndiqué ? Quel est le rôle de l'inspectorat du travail à cet égard ? Quelles sont les meilleures pratiques sur le plan international ?
Ce webinaire, sous forme de table-ronde, a permis de discuter de ces enjeux. Les intervenant.es étaient Geneviève Baril-Gingras (Université Laval), Aude Cefaliello (ETUI), Jeffrey Hilgert (Université de Montréal), Annie Landry (FTQ) et Félix Lapan (UTTAM). Il a été animé par Dalia Gesualdi-Fecteau (Université de Montréal).
Conflit d’intérêt pour le tribunal administratif du logement ?
Aujourd’hui marque six mois de génocide – Voix juives indépendantes
Contre l’impérialisme multipolaire, une réponse internationaliste

« La nature du capital » par Frédéric Monferrand
Archives Révolutionnaires publie l’introduction du livre La nature du capital (Éd. Amsterdam, 2024). L’auteur, Frédéric Monferrand, part du postulat que la crise écologique du capitalisme mène la pensée contemporaine à un véritable vertige ontologique. Pour ce dernier, un retour à Marx, et plus particulièrement aux Manuscrits de 1844, est une nécessité pour recadrer les débats contemporains portant sur le rapport Nature / Société. Cette intervention marxiste dans le domaine de l’ontologie développe une défense d’un « naturalisme historique », où l’appropriation de la vie matérielle par le travail représente un espace stratégique de transformation et d’émancipation sociale.

Introduction :
Capitalisme, naturalisme, ontologie
Printemps 2016 : les rues de Paris sont le théâtre d’importantes manifestations contre la réforme du Code du travail prévue par la « loi El Khomri », et le mouvement gagne une ampleur telle qu’on se prend pour un temps à rêver d’abolir « la “loi Travail” et son monde ». Hiver 2018 : la « loi Travail » est passée, mais les rues s’animent de nouveau, parcourues de Gilets jaunes qui s’opposent à la taxe carbone par laquelle le gouvernement entend faire payer au travail le coût des dégâts environnementaux causés par le capital. « Fin du monde, fin du mois : même combat ! » est cette fois le slogan sous lequel convergent prolétaires endetté·es et écologistes conséquent·es. Printemps 2020 : le monde n’a pas pris fin, mais il est à l’arrêt. Les rues sont étrangement désertes, vidées par un virus qui parvient mieux que les mouvements sociaux à contraindre tous les États du globe à alléger le poids que l’économie fait ordinairement peser sur la nature et la vie. Et pourtant, « le monde d’après » le confinement ressemble à s’y méprendre au « monde d’avant », à ceci près que les fins de mois y sont plus difficiles encore. Le bilan politique de la séquence qui vient de s’achever est donc globalement déprimant, raison pour laquelle elle s’avère théoriquement stimulante et riche d’enseignements. Car si l’histoire était le lieu de la félicité, il y aurait mieux à faire que de philosopher.
« Contre la “loi Travail” et son monde », « fin du monde, fin du mois : même combat », « le monde d’après », « le monde d’avant » : que nous disent donc de philosophiquement significatif ces expressions et ces slogans ? D’abord, que les différentes réformes imposées pour relancer la croissance, c’est-à-dire renforcer l’exploitation, s’inscrivent dans une totalité plus large où elles s’articulent à des manières de produire et d’échanger, de vivre et de se déplacer qui, prises ensemble, dessinent quelque chose comme un monde historique. Ensuite, que ce monde n’est pas vraiment le nôtre. C’est le monde des lois antisociales et des grands projets inutiles, des villes marchandisées et des zones périurbaines désolées : un monde organisé par et pour l’accumulation du capital, que la majorité d’entre nous habite en étranger·ères parce que nous avons été dépossédé·es du pouvoir de l’aménager d’une manière qui nous permettrait d’y séjourner dignement. Enfin, que ce monde court à sa perte parce qu’outre des populations humaines aliénées, il comprend des êtres et des milieux autres qu’humains épuisés par un mode de vie dont ils indiquent à leur manière l’insoutenabilité : en l’occurrence, en y faisant irruption sous la forme d’un virus dont l’expansion mondiale épouse et allégorise les circuits du capital.
Pour qui conçoit la philosophie comme une activité aux prises avec le présent, comme une manière d’enchaîner théoriquement sur des problèmes qui se posent pratiquement, la conjoncture actuelle apparaît ainsi comme un moment d’interrogation collective sur le capitalisme et sa tendance à composer un monde à son image. Comment rendre compte de cette tendance ? Quels concepts mobiliser, quelle méthode employer, quel type d’argumentation déployer pour comprendre et critiquer la propension du capital à se mondialiser tout en se mondanéisant, à s’étendre à l’échelle du globe tout en se fondant dans des paysages qu’il produit et dégrade en même temps ? Le problème est ontologique : il porte sur la nature du capital, au double sens des caractéristiques essentielles des sociétés capitalistes et du type de rapport qu’on y entretient à la Terre et à ses habitants. C’est à ce problème qu’est consacré cet ouvrage, dont l’objectif est d’expliciter l’ontologie sociale sous-jacente à la critique du capitalisme contemporain. J’opérerai, pour ce faire, un détour par la lecture d’un texte où, pour la première fois, le jeune Karl Marx érige la nature du capital en objet central de sa réflexion : les Manuscrits économico-philosophiques de 1844. Car il me semble que les problèmes qui nous occupent actuellement prennent une acuité nouvelle lorsqu’on les aborde à partir de textes du passé, et que ceux-ci ne nous parlent vraiment que lorsqu’on les lit à l’aune des préoccupations du présent. Il y a là comme un cercle herméneutique – élaborer d’un même élan un cadre théorique permettant de lire Marx à nouveaux frais, et de se donner prise sur l’actualité – dont la productivité ne peut être établie a priori, mais seulement éprouvée, et dans lequel il convient donc d’entrer sans plus tarder.
Vertiges ontologiques
Que l’époque soit prise de vertiges ontologiques, c’est ce dont suffit à convaincre un simple regard jeté sur les étals des librairies. On y trouve de nombreux ouvrages qui traitent frontalement de la nature du réel, que ce soit en nous assurant de notre capacité à connaître le monde tel qu’en lui-même il est, c’est-à-dire tel qu’il serait si nous n’y étions pas, en pluralisant les contextes sous lesquels nous en éprouvons la réalité, ou en le peuplant d’une foule d’objets réels ou imaginaires, naturels ou artificiels, dont les différences s’estompent à mesure qu’on les dote d’agentivité. Ces propositions sont assurément loin de se recouper. Ainsi, là où le « réalisme spéculatif » dépeint un monde d’après la finitude, comme déserté par ses occupant·es humain·es[1], les « ontologies orientées vers l’objet » ou les « nouveaux matérialismes » le décrivent à l’inverse comme densément peuplé, voire grouillant d’entités hybrides et bigarrées dont l’agentivité remet en question nos partages conceptuels établis[2]. Quant au « réalisme contextuel », il rappelle de manière plus sobre, mais non moins radicale, que le réel n’est pas un espace extérieur dont on pourrait rater l’entrée, mais ce à quoi se mesure toute action efficace ou toute parole sensée[3]. Si l’on ajoute à cet inventaire à la Prévert les multiples études sur le vivant qui nous apprennent que la Terre est moins habitée que produite par les plantes et les animaux, les bactéries et les champignons avec lesquels nous la partageons[4], on conclura que la philosophie est de nouveau animée d’un souci du réel qui tranche avec la fascination toute kantienne qu’elle a longtemps éprouvée pour les constructions intellectuelles ou les productions de l’esprit. C’est du monde qu’elle veut parler, du monde réel, et non de la manière dont nous nous le représentons.
Le marxisme semble être resté étranger à cette passion nouvelle ou renouvelée pour le réel, et on peut le regretter. Non pas parce que la tradition intellectuelle et politique inaugurée par l’auteur du Capital serait un vivier d’arguments métaphysiques époustouflants à faire valoir dans les débats que l’on vient brièvement d’évoquer. Plutôt parce que Marx, avec d’autres il est vrai, nous a appris à adopter une attitude réflexive à l’égard des controverses philosophiques, c’est-à-dire à les envisager comme autant de symptômes ou d’échos plus ou moins affaiblis des préoccupations qui agitent une société à un moment donné de son histoire. S’engager en marxiste dans le tournant ontologique amorcé par la pensée contemporaine, c’est donc d’abord interroger ce qui, dans le monde social tel que nous le connaissons, peut bien pousser les philosophes à s’inquiéter à ce point de la nature de ce qui est. Une hypothèse possible, et suggérée par les différents slogans précédemment évoqués, est que cette inquiétude témoigne d’une volonté de se réapproprier en pensée un monde dont on s’est vu déposséder, dans lequel on ne se reconnaît plus vraiment, voire qui nous apparaît carrément « étranger et hostile[5] ». En d’autres termes, c’est l’expérience contemporaine de l’aliénation qu’exprimeraient à leur manière les efforts déployés par nos contemporain·es pour s’assurer de la réalité du monde ou en dénombrer les composants[6].
De cette hypothèse, on aurait tort de conclure que la spéculation serait vaine et qu’elle devrait laisser place nette à la seule critique des dispositifs sociaux aliénants. Car, telle est en tout cas la conviction sous-jacente à ce livre, l’exercice de la critique sociale est lui-même ontologiquement engageant : il présuppose une certaine conception de ce que « social » signifie et implique à ce titre une prise de parti à l’égard, non pas de la réalité en général, mais de la réalité sociale en particulier. Pour le dire naïvement : on ne dénoncerait pas certains arrangements sociaux comme des obstacles au bonheur ou à la liberté si l’on n’y voyait pas des formes déterminantes de notre rapport au monde et surtout, si l’on ne pensait pas possible de les transformer. La réflexion sur les présupposés les plus généraux de la critique sociale débouche ainsi rapidement sur une idée qui, dans sa désarmante simplicité, relève de plein droit de l’ontologie : l’idée selon laquelle « social » se dit de cet ensemble de choses et de relations, de normes et d’institutions qui conditionnent nos actions et peuvent être modifiées par nos actions.
L’enjeu du naturalisme
Le plus souvent, c’est par distinction d’avec la nature que l’on fait ressortir ce caractère essentiellement transformable des phénomènes sociaux. L’idée de nature peut alors aussi bien renvoyer à la permanence, comme lorsqu’on souligne que le marché n’est pas un mode naturel, mais historique ou transitoire de satisfaction des besoins, qu’au donné, comme lorsqu’on rappelle que la capacité qu’ont certaines personnes dotées d’un utérus fonctionnel à porter des enfants n’explique ni ne justifie leur assignation aux tâches reproductives. Est-ce à dire que le propre de faits sociaux tels que le marché ou la division sexuelle du travail serait à l’inverse d’être non seulement changeants, mais aussi construits, changeants parce que construits ? C’est assurément la position la plus intuitive, et elle suffit souvent à rappeler qu’il y a tant de manières de faire société qu’aucune ne peut être jugée plus naturelle, au sens cette fois de nécessaire, que les autres. Et pourtant, il n’est, à la réflexion, pas certain que la métaphore architecturale de la « construction » soit la mieux à même de rendre compte de ce que l’on veut dire lorsqu’on affirme qu’il est possible de défaire les liens sociaux que nous refaisons quotidiennement par nos actions.
Cette métaphore a ceci d’insatisfaisant qu’elle implique la position d’une instance qui précéderait le social comme sa condition et le produirait en quelque sorte de l’extérieur. C’est ainsi que dans la Construction de la réalité sociale, un ouvrage déjà ancien, mais qui domine encore les débats en ontologie sociale, John Searle fait de l’esprit, c’est-à-dire de notre capacité à nous représenter les choses autrement qu’elles ne sont, l’origine et le fondement des faits sociaux : si nous utilisons par exemple des morceaux de papier comme moyens de paiement alors même que rien, dans leur composition physique, n’appelle cette fonction, explique Searle, c’est que nous nous accordons à croire qu’il s’agit « d’argent[7] ». On voit ici à quel point la métaphore de la construction devient égarante lorsqu’on la transpose du registre critique qui lui confère un sens à un registre ontologique. Elle mène à réduire le social à la croyance, si ce n’est à la fiction, c’est-à-dire à déréaliser ce dont on voulait pourtant penser la réalité contraignante. Et elle suggère finalement qu’il suffirait de suspendre notre croyance en l’existence de cette contrainte pour qu’elle cesse de s’exercer[8]. Animé·es d’un désir de transformer le monde, nous sommes une fois de plus renvoyé·es à son interprétation.
Faut-il en conclure alors qu’au-delà même de la version qu’en propose Searle, le problème du constructivisme est de présupposer l’existence d’une réalité « naturelle » sur laquelle nous projetterions différents phénomènes « sociaux » ? C’est notamment ce que soutiennent celles et ceux qui s’emploient aujourd’hui à tirer toutes les conséquences ontologiques du fait que la réflexion sur le social est historiquement solidaire de l’expansion économique et coloniale de l’Occident : les modernes n’ont pris conscience de la relativité de leurs mœurs qu’en dévalorisant celles des autres, selon un mouvement spéculaire qu’il s’agit aujourd’hui d’inverser, ou plutôt de symétriser. À suivre des anthropologues comme Eduardo Viveiros de Castro ou Philippe Descola, il n’est ainsi plus suffisant d’insister sur l’égale dignité des formes de vie collectives offertes à l’enquête ethnographique. Car c’est l’existence même du pôle d’invariance autour duquel on les a jusqu’à présent faire varier, la croyance en une « nature » universelle à laquelle chaque « culture » se rapporterait sur un mode particulier, qui se révèle problématique dès lors que l’on adopte le point de vue des enquêté·es.
Adopter ce point de vue, celui des Arawatés du Brésil ou des Achuars d’Équateur, c’est voir s’ouvrir devant soi d’autres mondes et d’autres manières d’y séjourner : des mondes dans lesquels les plantes que l’on cultive et les animaux que l’on chasse ne sont ni perçus, ni traités comme des choses appartenant à une « nature » uniforme, ou plutôt uniformisée par le simple fait que l’humanité civilisée s’en serait retirée, mais comme des personnes incarnant elles-mêmes un point de vue sur la réalité et susceptibles à ce titre d’être intégrées aux jeux équivoques de la socialité[9]. Si l’on ajoute alors que ces mondes humains et autres qu’humains sont menacés de disparition par la mondialisation du capital, on conclura que le tournant ontologique pris par de larges pans de la pensée contemporaine ne répond pas seulement à l’angoisse d’arpenter la Terre en étranger. Il exprime également la conscience du fait que cette Terre s’appauvrit en mondes en même temps qu’elle se réchauffe, qu’elle se dérobe sous nos pieds à mesure que s’étend l’extractivisme ou que s’accumulent les déchets. L’ontologie sociale recoupe ainsi l’écologie politique, de sorte qu’un même mouvement doit nous mener à interroger la réalité de la nature et la nature de la société.
Or, là encore, il n’est pas certain que le pur et simple abandon des catégories de « nature » et de « société » soit la meilleure stratégie à adopter pour s’engager sur cette voie. Certes, nul·le ne peut plus ignorer que le découpage du réel en une partie naturelle et une partie sociale ne représente qu’une manière parmi d’autres de composer un monde doté de sens et offrant prise à l’action. Mais l’on aurait tort d’en conclure que les entités que nous autres modernes avons pris l’habitude de qualifier de « naturelles » n’existent pas davantage que celles qu’on qualifie spontanément de « sociales ». Car, pour comparer le traitement que réservent différents collectifs aux milieux et aux êtres vivants qui les peuplent, il faut bien présupposer que ces derniers témoignent d’une altérité réelle à l’égard des pratiques de soin, de prédation ou de production à travers lesquelles ils nous sont donnés, ce qui est une définition minimale de la naturalité. Par corrélat : pour critiquer certaines de ces pratiques comme injustes ou insoutenables, irrationnelles ou violentes, il faut bien présupposer qu’elles relèvent de manières de faire auxquelles on pourrait collectivement renoncer, ce qui est cette fois une définition possible de la socialité. Aussi la véritable leçon qu’à travers les anthropologues, nous administrent les Achuars ou les Arawatés n’est-elle pas que n’existent dans le monde ni entités naturelles, ni comportements sociaux. Elle est qu’il y a quelque chose d’absurde à penser le naturel et le social comme deux régions de l’être entre lesquelles les êtres humains pourraient transiter.
À bien y réfléchir, cette métaphore spatiale s’avère plus déroutante encore que la métaphore architecturale pour penser la vie collective. C’est elle, après tout, qui nourrit la croyance proprement idéaliste selon laquelle l’humanité serait « sortie » de la nature pour entrer dans la société. Et c’est sur elle que se fondent les discours idéologiques pour lesquels certaines parties de l’humanité – les travailleur·euses, les femmes et les colonisé·es – n’auraient pas vraiment franchi les frontières de la socialité ou végéteraient encore dans cette zone naturelle qui accueille tout ce que l’humanité moderne, blanche, mâle et bourgeoise, s’est jamais proposé de dominer. À tel point qu’on peut avancer que la naturalisation de la domination, sa transfiguration en une nécessité éternelle ou sa justification biologisante, est secrètement solidaire d’une forme d’antinaturalisme qui exprime le point de vue des dominants sur les dominé·es. Comme l’explique Ariel Salleh, il faut en effet s’être libéré, c’est-à-dire déchargé sur d’autres, des tâches productives et reproductives nécessaires à la vie pour avoir le privilège d’oublier que les êtres humains sont des êtres naturels et vivants[10]. C’est pourquoi la critique de la domination présuppose l’adoption d’une position pour laquelle les formes sociales de la vie humaine sont, non pas de pures et simples constructions, mais des médiations qui structurent les rapports que nous entretenons les un·es à l’égard des autres et de la nature en nous (nos corps, nos besoins et nos capacités) aussi bien que hors de nous (les milieux et les autres vivants). Elle présuppose, en d’autres termes, l’adoption d’une position naturaliste en ontologie sociale[11].
Ce naturalisme, on l’aura compris, n’a pas grand-chose à voir avec l’ontologie dualiste que Bruno Latour ou Philippe Descola attribuent aux modernes pour la relativiser[12]. Il en représente même l’exact opposé, puisqu’il consiste à refuser d’installer la société dans une transcendance radicale à l’égard de la nature pour la restituer à l’immanence d’une nature dont nous faisons tou·te·s, quoique sous différentes modalités, l’expérience incarnée et qui se trouve toujours, quoique à différents degrés, investie de sens ou pratiquement transformée. En conséquence, il ne s’agit pas non plus d’un naturalisme essentialiste ou réductionniste, qui réduirait les comportements sociaux à des invariants biologiques ou à des lois d’évolution du vivant, puisqu’il invite à l’inverse à concevoir les formations sociales qui se succèdent ou coexistent dans l’histoire comme autant de manières plus ou moins aliénantes de donner forme à la nature humaine et non humaine, d’en prolonger les tendances ou de les inhiber, d’en épouser la souplesse ou de les mutiler. Que le jeune Marx ait été le premier à combiner des arguments naturalistes et historicistes de ce type, qu’il ait, en d’autres termes, formulé ce que j’appellerai avec d’autres un naturalisme historique[13] et qu’il l’ait fait dans une perspective résolument critique, voilà qui convaincra peut-être de l’intérêt d’une relecture des Manuscrits de 1844.

Relire les Manuscrit de 1844
Plus encore que Le Capital ou L’Idéologie allemande, les Manuscrits de 1844 furent au cœur de grandes querelles interprétatives dont l’enjeu n’était rien de moins que la définition de l’identité théorique et politique du marxisme. Il y a à vrai dire là quelque chose d’étonnant, puisque ces manuscrits sont en fait un artefact éditorial, composé de manière plus ou moins arbitraire à partir de trois cahiers rédigés par Marx entre la fin du mois de mai et celle du mois d’août 1844 lors de son séjour parisien, et dont il n’eut jamais l’intention de faire un livre[14]. Mais l’histoire a tranché et notre rapport à Marx et aux marxismes reste, qu’on le veuille ou non, médiatisé par la réception de ce (non-)texte à l’égard duquel tout·e intellectuel·le critique digne de ce nom se dut, pendant un temps, de définir ses positions.
Dès 1932, Herbert Marcuse propose ainsi une longue recension des Manuscrits de 1844 dans laquelle il présente leur publication simultanée par les sociaux-démocrates Landshut et Mayer et les communistes de l’Institut Marx-Engels comme un événement susceptible « de placer la discussion relative à l’origine et au sens initial du matérialisme historique, voire de la théorie tout entière du “socialisme scientifique”, sur un terrain nouveau ». Ce terrain nouveau, précise Marcuse, n’est autre que celui d’une « ontologie de l’homme » destinée à justifier philosophiquement le projet politique d’un dépassement intégral de l’aliénation[15]. L’enthousiasme est alors à son comble et durera une trentaine d’années. Louis Althusser y met en effet un bémol en 1965, année de parution d’un ensemble d’articles dans lesquels il présente la philosophie des Manuscrits de 1844 comme le principal obstacle dont Marx dû se libérer pour devenir le rigoureux théoricien que l’on connaît : « ce texte de la presque dernière nuit est paradoxalement le texte le plus éloigné qui soit, théoriquement parlant, du jour qui allait naître[16] ». Or, c’est précisément le fait que Marx y fonderait sa critique de l’aliénation sur une « théorie de l’essence de l’homme[17] » qu’invoque Althusser pour reléguer « ce texte de la presque dernière nuit » dans la préhistoire idéologique du marxisme. Un cycle d’interprétation des Manuscrits de 1844 s’achevait ainsi, au cours duquel la question de « l’humanisme » a accaparé toute l’attention, jusqu’à s’imposer comme la seule digne d’être adressée au jeune Marx.
Certes, Marcuse et Althusser n’entendent pas exactement la même chose par « humanisme ». Pour Marcuse, qui fut un temps l’assistant de Heidegger, il s’agit au fond d’une ontologie existentielle. En qualifiant l’être humain d’« être générique » (Gattungswesen), Marx voudrait dire qu’il est cet être du monde par et pour lequel il existe quelque chose comme un monde, c’est-à-dire une totalité de choses qui ont un sens parce qu’elles ont été produites ou peuvent être utilisées dans un processus de production. Le travail apparaît ainsi chez Marcuse comme l’activité humaine par excellence, celle au moyen de laquelle le donné naturel se trouve transcendé, dépassé et transformé en un monde historique renvoyant aux êtres humains l’image de leur vocation à la liberté[18]. Althusser souligne lui aussi cette affinité, explorée entre-temps par Trần Đức Thảo ou Maurice Merleau-Ponty, entre l’humanisme jeune-marxien et l’existentialisme post-husserlien[19]. Mais c’est pour présenter ces positions comme deux variations possibles sur le vieux thème idéaliste du « propre de l’homme » ou de l’exceptionnalité du sujet humain. L’idée « d’être générique » renvoie en effet selon lui à une essence générale logée au cœur d’individus particuliers, lesquel·les partageraient ainsi un petit nombre de propriétés telles que la rationalité, la liberté ou la propension à travailler qui les excepteraient de l’ordre commun de la nature[20].
Aussi opposés soient-ils, les jugements portés par Marcuse et Althusser sur la valeur des Manuscrits de 1844 reposent donc sur un même présupposé : le présupposé antinaturaliste selon lequel les réflexions consacrées par le jeune Marx à la nature humaine visent à fixer une différence radicale entre l’humanité et le reste de la nature. Et les deux auteurs s’accordent en conséquence à présenter cette différence comme le principe ultime ou le fondement nécessaire de toute critique de l’aliénation. C’est parce que le travail arracherait les êtres humains à la nature pour les livrer à l’histoire et à la liberté qu’il faudrait voir plus, ou autre chose, qu’une injustice économique dans l’appropriation capitaliste des moyens de production : une « perte de l’homme », voire une « catastrophe de l’essence humaine[21] ». La problématique des Manuscrits de 1844, le sens des arguments qui y sont avancés et la démarche qui préside à leur formulation, se trouvait ainsi et pour longtemps manquée ou, à tout le moins, déformée.
Comme souvent en philosophie, tout se joue dès le commencement. Disons-le donc immédiatement : Marx ne part pas de la nature humaine. Il « par[t] d’un fait économique, d’un fait actuel : le travailleur devient d’autant plus pauvre qu’il produit plus de richesse, que sa production s’accroît en puissance et en extension[22] ». Ce fait, il en propose alors différentes descriptions que l’on peut schématiquement qualifier de « phénoménologiques » en ce qu’elles visent toutes à critiquer les institutions du capital (la division du travail et l’échange marchand, l’industrie et la propriété privée) du point de vue de leurs effets sur l’expérience vécue en première personne par les prolétaires. Ce que révèlent ces descriptions, ou ce qui se dévoile à mesure que progresse l’enquête ouvrière qui constitue le véritable point de départ des Manuscrits de 1844, ce n’est dès lors pas que les travailleur·euses incarneraient en négatif la figure exemplaire de la « condition humaine », ou qu’elles et ils seraient dépossédé·es d’une « essence humaine » dont on pourrait lister les propriétés idéales. C’est plus prosaïquement que l’organisation actuelle des rapports sociaux condamne la majeure partie de l’espèce humaine – un terme qui traduit aussi fidèlement que possible le concept de Gattungswesen – à accomplir chaque jour un travail épuisant pour pouvoir payer le loyer d’un logement insalubre. L’aliénation, puisque c’est de cela qu’il est ici concrètement question, ne consiste donc pas à être privé·es de ce qui nous distingue de la nature. Elle consiste à l’inverse à devenir étranger·ères à ce qui nous rattache au reste de la nature : le fait d’être des vivants qui éprouvent des besoins, tels que le besoin d’évoluer dans un environnement sain, de s’engager dans des activités variées et de pouvoir déployer librement ses forces ou ses capacités. L’équation jeune-marxienne « l’humanisme est = au naturalisme[23] » ne dit rien de plus, ou rien de moins. Elle indique à sa manière que les êtres humains sont des Terriens, qui font inexorablement partie d’une nature à laquelle elles et ils se rapportent sous des formes sociales plus ou moins aliénantes.
Il faut donc s’y résoudre : la critique de l’aliénation formulée dans les Manuscrits de 1844 ne repose pas sur une anthropologie philosophique aux accents existentialistes. Elle débouche, au contraire, sur une ontologie sociale sobrement naturaliste. Car ce n’est pas parce qu’il aurait décidé a priori que « l’être de l’homme » est de travailler que Marx critique les institutions du capital comme un facteur d’injustice ou de non-liberté. C’est parce qu’il voit dans le capitalisme une vaste entreprise de mise au travail des corps et des milieux qu’il le conçoit finalement comme un processus historiquement particulier, et particulièrement aliénant, de socialisation de la nature humaine et non humaine. La critique est donc première. C’est elle qui nous contraint à soulever des questions ontologiques relatives à la nature de la société. Elle, aussi, qui nous pousse à transformer la manière dont on affronte généralement ces questions, en partant pour ce faire des expériences négatives au cours desquelles les rapports sociaux se manifestent dans leur écrasante objectivité. Elle, enfin, qui nous mène à reconnaître que chaque société peut être définie par la manière dont les vivants humains y activent les forces propres à leur nature en s’appropriant collectivement celles qui sont à l’œuvre dans la nature. Alors certes, nul·le n’est tenu·e d’adopter une perspective critique sur la société. Mais il y a fort à parier que quiconque se risquera à le faire avec Marx et au-delà de lui finira par soutenir que l’appropriation matérielle de la nature, parce qu’elle est constitutive de toute vie sociale, représente à la fois le lieu stratégique d’une transformation radicale du monde où nous vivons et l’enjeu historique d’une libération du monde dont nous vivons.
[1] Quentin Meillassoux, Après la finitude. Essai sur la nécessité de la contingence, Paris, Seuil, 2006.
[2] Graham Harman, L’Objet quadruple, trad. fr. O. Dubouclez, Paris, PUF, 2010 ; D. Coole et S. Frost (eds.), New Materialisms. Ontology, Agency, and Politics, Durham, Duke University Press, 2010.
[3] Jocelyn Benoist, Éléments de philosophie réaliste, Paris, Vrin, 2011 et, plus récemment, L’Adresse du réel, Paris, Vrin, 2017.
[4] Pour trois exemples différents de ce type de travaux, voir Vinciane Despret, Habiter en oiseau, Arles, Actes Sud, 2019 ; Baptiste Morizot, Manières d’être vivant, Arles, Acte Sud, 2020 ; Anna Lowenhaupt Tsing, Le Champignon de la fin du monde, trad. fr. Ph. Pignarre, Paris, La Découverte/Les Empêcheurs de penser en rond, 2017.
[5] Karl Marx, Manuscrits économico-philosophiques de 1844, trad. fr. F. Fischbach, Paris, Vrin, 2007, p. 121. Je serai parfois amené à modifier cette traduction à partir du texte publié dans Marx-Engels Gesamtausgabe. Erste Abteilung, Band 2 (MEGA2 I/2), Berlin, Dietz Verlag, 1982.
[6] Sur l’idée que l’aliénation consiste en une « perte du monde », voir Franck Fischbach, La Privation de monde. Temps, espace et capital, Paris, Vrin, 2011.
[7] John Searle, La Construction de la réalité sociale, trad. fr. Cl. Tiercelin, Paris, Gallimard, 1995, p. 57-64.
[8] Comme l’écrit Marx dans un passage dirigé contre Stirner, mais qui convient étonnamment bien aux positions de Searle : « Ici, Jacques le bonhomme s’imagine qu’il dépend des “bourgeois” et des “travailleurs”, qui sont dispersés dans tous les États civilisés de l’univers, de faire établir du jour au lendemain une attestation selon laquelle “ils ne croient pas” à la “vérité” de l’argent ; à supposer même que cela soit possible, il croit que cela changerait quelque chose. » Karl Marx et Friedrich Engels, L’Idéologie allemande, trad. fr. H. Augier, G. Badia, J. Baudrillard et R. Cartelle, Paris, Éditions sociales, 1976, p. 185. Là encore, je serai parfois amené à modifier cette traduction en fonction du texte publié dans Marx Engels Werke (MEW), Band 3, Berlin, Dietz Verlag, 1978.
[9] Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005 ; Eduardo Viveiros de Castro, Métaphysiques cannibales, trad. fr. O. Bonilla, Paris, PUF, 2009.
[10] Ariel Salleh, Ecofeminism as Politics. Nature, Marx and the Postmodern, Londres, Zed Books, 1997.
[11] Pour la compatibilité entre naturalisme et critique sociale, voir Stéphane Haber, Critique de l’antinaturalisme. Études sur Foucault, Butler, Habermas, Paris, PUF, 2006, un ouvrage auquel les réflexions développées ici doivent beaucoup.
[12] Philippe Descola, Par-delà nature et culture, op. cit. ; Bruno Latour, Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La Découverte, 2004.
[13] Pour d’autres usages de ce concept, voir Paul Guillibert, Terre et capital. Pour un communisme du vivant, Paris, Amsterdam, 2021 ; Arvi Särkelä, Immanente Kritik und Soziales Leben. Selbsttransformative Praxis nach Hegel und Dewey, Francfort-am-Main, Klostermann, 2018 ; Jean-Baptiste Vuillerod, Theodor W. Adorno. La domination de la nature, Paris, Amsterdam, 2021.
[14]Jürgen Rojahn, « Marxismus-Marx-Geschichtswissenschaft. Der Fall der sog. „ökonomisch-philosophischen Manuskripte aus dem Jahre 1844” », International Review of Social History, vol. XXVIII, no 1, 1983, p. 2-49.
[15] Herbert Marcuse, « Les Manuscrits économico-philosophiques de Marx. Nouvelles sources pour l’interprétation des fondements du matérialisme historique », Philosophie et révolution, trad. fr. C. Heim, Paris, Denoël/Gonthier, 1969, p. 43 et 59.
[16] Louis Althusser, Pour Marx, Paris, La Découverte, 1996, p. 28.
[17] Ibid., p. 159.
[18] Voir Herbert Marcuse, « Les Manuscrits économico-philosophiques de Marx », art. cit., p. 64, ainsi que les précisions apportées dans « Les fondements philosophiques du concept économique de travail », Culture et société, trad. fr. G. Billy, D. Bresson et J.-B. Grasset, Paris, Les éditions de Minuit, 1970, p. 21-60.
[19] Voir Louis Althusser, « Sur Feuerbach », Écrits philosophiques et politiques, t. II, Paris, Stock/IMEC, 1997, p. 212 ; Trần Đức Thảo, « Marxisme et phénoménologie », Revue internationale, no 2, 1946, p. 168-174 ; Maurice Merleau-Ponty, Non et non-sens, Paris, Nagel, 1966, p. 221-241. Sur les rapports de Trần Đức Thảo, Merleau-Ponty et Sartre au marxisme, voir Alexandre Feron, Le Moment marxiste de la phénoménologie française, Cham, Springer, 2022.
[20] Louis Althusser, « La querelle de l’humanisme », Écrits philosophiques et politiques, t. II, op. cit., p. 519 ; Pour Marx, op. cit., p. 234.
[21] Ibid., p. 232 ; Herbert Marcuse, « Les Manuscrits économico-philosophiques de Marx », art. cit., p. 88.
[22] Karl Marx, Manuscrits économico-philosophiques de 1844, op. cit., p. 117.
[23] Ibid., p. 146.
En Europe, Northvolt a tenu des consultations publiques !
Solidarité en péril : appel à retrouver nos racines pour réécrire notre histoire.

Manifestation de solidarité avec la Palestine : la mobilisation s’élargit à Québec

À la suite de six mois d'atrocités ininterrompues en Palestine, reconnues comme un génocide plausible par la Cour Internationale de Justice, les organisations Palestine Québec et Syndicalistes pour la Palestine appellent à une grande manifestation le 7 avril 2024 à 13h devant l'Assemblée nationale.
Cette manifestation est soutenue par plus d'une trentaine d'organisations engagées dans nos communautés, dont le Conseil central de la CSN, le RÉPAC 03-12, le Regroupement des groupes de femmes de la Capitale-Nationale, le Collectif pour un Québec sans pauvreté, le FRAPRU et le Collectif de Québec pour la paix. Elle vise notamment à réclamer un cessez-le-feu immédiat et permanent ainsi que la fin de la complicité du Canada et du Québec avec les crimes d'Israël.
« Ne rien faire dans une situation d'injustice, et ce que subissent les populations civiles en Palestine en est clairement une, c'est prendre le parti de l'oppresseur et ça ne devrait jamais être une option pour le mouvement syndical. Ça fait maintenant plus de 50 ans que la CSN soutient la cause palestinienne, la situation actuelle est absolument intolérable et nous interpelle au plus haut point, c'est pourquoi le conseil central appelle à participer massivement à la manifestation de dimanche, » a déclaré Barbara Poirier, présidente du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN).
Détails de l'Événement
● Date et Heure : 7 avril 2024, 13h
● Lieu : Départ devant l'Assemblée nationale de Québec
● Organisateurs : Palestine Québec et Syndicalistes pour la Palestine
Déroulement
De 13h à 13h15 : Présentation de nouveaux chants et vente de drapeaux
13h20 à 13h30 : Début des discours.
● Prise de parole de Palestine Québec
● Prise de parole de Syndicalistes pour la Palestine
● Prise de parole d'une jeune Palestinienne qui a grandi à Québec
13h45 : Début de la marche jusqu'au consulat américain.
14h15 : Discours d'un membre de la Voix Juive Indépendante devant le consulat
américain, ainsi que du comité Uni.e.s pour la Palestine de Ulaval.
14h30 : Reprise de la marche sur la rue Saint-Jean.
15h : Retour à l'Assemblée nationale.
Mise en contexte
Selon un récent rapport de l'ONU, le bilan à Gaza est catastrophique – plus de 32,975 palestiniennes et palestiniens tués, 75 577 blessés, et 1,7 million de personnes déplacées. L'accès à l'eau potable est presque inexistant, exacerbant une crise de malnutrition et une insécurité alimentaire criante.
En réponse à l'urgence d'un soutien international pour le peuple palestinien, et à la suite d'une pression continue de nombreux citoyens et citoyennes, la ville de Québec a joint sa voix à celle de l'Assemblée nationale du Québec et de la Chambre des communes pour appeler à un cessez-le-feu humanitaire immédiat et permanent en Palestine.
Les organisatrices de Palestine Québec rappellent que malgré ces récentes prises de position, « les gouvernements du Québec et du Canada continuent d'être complices du nettoyage ethnique du peuple palestinien. L'État Israélien est capable de maintenir le siège à Gaza grâce au support financier inconditionnel et indéfectible des États-Unis et de ses alliés, incluant le Canada. » En effet, le gouvernement canadien a autorisé des exportations d'armes d'une valeur de 28,5 millions de dollars à Israël dans les 6 derniers mois.
La manifestation du 7 avril portera les revendications suivantes :
● Un cessez-le-feu immédiat et permanent
● La fin de l'occupation illégale israélienne des territoires palestiniens
● La fin du blocus illégal de Gaza
● La fin de la complicité du Canada et du Québec avec les crimes d'Israël
● L'arrêt immédiat de l'exportation d'armes ou de composantes d'armes à Israël.
● La fermeture du bureau du Québec à Tel-Aviv, marquant notre refus de normaliser les relations avec un État qui viole systématiquement les droits humains et le droit international.
Nous invitons les médias et le public à se joindre à nous pour cet événement significatif, marquant notre solidarité avec le peuple palestinien et notre appel à l'action pour mettre fin au génocide.
De l’acier pour décarboner
Mexique : Claudia Sheinbaum, succède à Andres Manuel Lopez Obrador
Le nettoyage social : le revers de la médaille des Jeux Olympiques
Nous en Lutte – Soirée de Projection
Ford coupe ses plans de construction de logements abordables
Le travail gratuit imposé : un rouage essentiel
Appel à soutenir le journalisme engagé du collectif Dèyè Mòn Enfo
La STR, je t’aime, mais tu pues
Liban : le système de la kafala, un engrenage de violences pour les femmes migrantes
Haïti : La vie au temps du Bwa Kale – un an de résistance populaire

Québec solidaire doit répondre aux réalités migratoires actuelles, produit de la mondialisation capitaliste.

Les dernières déclarations de Québec solidaire sur ses orientations face à l'immigration semblent s'engoncer dans une approche utilitariste de l'immigration choisie pour les seuls intérêts du Québec et de son économie. Cette orientation pourrait conduire à une sous-estimation de l'importance et des enjeux des phénomènes migratoires. Une discussion doit être ouverte sur cette question au sein de QS.
Une première nécessité : caractériser les politiques migratoires des gouvernements néolibéraux à Ottawa comme à Québec.
La politique canadienne en matière d'immigration est entièrement soumise aux besoins du capitalisme et conforme aux intérêts des grandes entreprises. Les personnes migrantes sont considérées comme des réservoirs de main-d'œuvre. Si cette main-d'œuvre est qualifiée, elle a accès à la résidence permanente et donc éventuellement à la citoyenneté. L'immigration choisie est de plus en plus définie précisément pour des entreprises particulières pour répondre à leurs besoins.
Mais, c'est l'immigration de travailleurs et travailleuses temporaires qui s'est le plus développée ces dernières années. Les programmes des travailleurs immigrants temporaires sont principalement destinés à apporter de la main-d'œuvre saisonnière dans l'agriculture, à fournir des aides familiales ; à pallier le manque de main-d'œuvre dans les secteurs de la santé et des services sociaux ; dans l'hôtellerie, etc. Ce sont des travailleurs et travailleuses sans droits et sans pouvoir réel de se défendre face à la réalité de la surexploitation, car toujours sous la menace d'une possible expulsion. La stabilité du séjour est de plus en plus remise en question les maintenant dans une situation de précarité et de vulnérabilité. Récemment, le ministre fédéral de l'Immigration, Marc Miller, a annoncé « que son gouvernement compte réduire la proportion de résidents temporaires au sein de la population canadienne au cours des trois prochaines années. » [1] Le plafond des travailleurs étrangers temporaires pouvant être engagés passerait de 30 à 20% et les exigences fédérales demandant aux employeurs de démontrer qu'ils ont été incapables de trouver de la main-d'œuvre locale seront plus sévères. » [2] Cet ajustement repose sur la transformation du climat politique, soit la montée des discours de plus en plus conservateurs sur l'immigration. Tout cela repose sur l'espoir de pouvoir en tirer une rente électorale.
Etre sans papier devient un statut durable pour de plus en plus de personnes immigrantes. Ce sont des personnes sans droit et disponibles à bas coût pour les entreprises. « Si le nombre précis de sans-papiers au Canada reste méconnu, on parlait potentiellement d'un demi- million de personnes concernées, voire davantage. ». Le gouvernement libéral à un temps promit une régularisation massive et historique des sans-papiers au Canada. C'est pourquoi les demandes de régularisation massive ont été de plus en plus insistantes de la part des organisations des travailleurs et travailleuses migrants. Mais, en ce domaine également, le climat politique serait moins propice. [3]. Le gouvernement Trudeau a ainsi laissé tomber ses promesses de rédularisation massive.
Dans l'ensemble des pays d'Europe ou d'Amérique du Nord, le droit d'asile est bafoué. L'accueil comme réfugié est de plus en plus difficile. Les demandeurs d'asile font face à de plus en plus d'obstacles et de délais pour que les demandes d'asile soient acceptées. Ces délais les placent souvent dans une situation de personnes sans droit et sans papier qui peuvent difficilement vivre dans des conditions sûres et humaines. Ces personnes font souvent face à des arrestations, à des enfermements et à des expulsions. La notion de réfugié a été de plus en plus réduite et l'accès à ce droit se trouve limité aux personnes qui fuient les dictatures et la guerre et dont la vie même est menacée.
La politique migratoire du gouvernement du Québec s'inscrit purement et simplement dans la même logique utilitariste. Les particularités du gouvernement Legault se retrouvent que dans sa volonté d'accentuer des orientations du gouvernement fédéral : moins d'immigrant-e-s, moins d'étudiant-e-s étrangers, et surtout une attitude plus dure en ce qui concerne les demandeurs d'asile et les possibilités de recomposition familiale. Et pour parvenir à ces fins, le gouvernement Legault demande le transfert de plus en plus de pouvoirs en ces matières vers le Québec. Sous la pression du Parti québécois, il a même affirmé vouloir récupérer tous les pouvoirs, demande que le gouvernement Trudeau s'est empressé de rejeter.
Pour renforcer son orientation d'une immigration choisie et utilitaire, le gouvernement de la CAQ, appuyée par le PQ [4] abreuve la population de discours xénophobes qui présentent les personnes migrantes comme un problème et une menace pour nos conditions de vie, nos services sociaux et notre avenir national. Il travaille à construire un consensus favorable à la fermeture des frontières, car les migrant-e-s seraient trop nombreux. Ces discours ne sont pas propres aux Québec. Dans l'ensemble des pays capitalistes avancés, que ce soit en Europe ou aux États-Unis, ils développent des politiques visant à transformer ces pays en forteresse assiégée. On voit se multiplier les murs et se renforcer les politiques répressives contre les immigrants.
Au-delà de l ‘immigration choisie, les fondements de migrations plus massives
La migration est un phénomène historique (forcé ou propulsé) par les rapports d'exploitation, d'oppression et maintenant par la crise climatique. Les causes des déplacements forcés des populations sont toujours plus nombreuses au 21 e siècle. Les interventions militaires, le financement des dictatures, le pillage des ressources naturelles ou alimentaires, les accords commerciaux inégaux de libre-échange, l'exacerbation de la crise climatique poussent aux migrations. Ces dernières se font encore principalement sur un axe Sud-Sud. Mais les migrations vers le Nord commencent à devenir plus importantes.
Il faut donc comprendre que les migrations ne se limitent pas à l'immigration choisie pour le bien des entreprises ou des services sociaux d'ici. Les migrations sont liées soit à des conflits géopolitiques souvent provoqués par des interventions impérialistes (Vietnam, Afghanistan, Syrie, Ukraine…) soit à la détérioration des conditions d'existence de régions entières (Afrique, Amérique centrale et du sud...). La montée des migrations s'explique par le fait que des personnes ne trouvent pas la possibilité de vivre dignement là où elles se trouvent. Si on ajoute aux causes économiques et sociales, les conséquences de la crise climatique sur les déplacements des sociétés humaines, l'attitude la moins réaliste est celle du refus de préparer et de planifier les déplacements de population qui s'annoncent. Se limiter à l'immigration choisie pour les besoins économiques des entreprises et à l'accueil parcimonieux des réfugié-e- s, c'est refuser de reconnaître la réalité de la recrudescence des migrations en cette période de crise et de chaos. Ce ne sont pas les murs, des clôtures ou des quotas qui nous aideront à faire face à ces réalités.
Les nouvelles inflexions de la politique migratoire de Québec solidaire
Déjà une orientation utilitariste s'était manifestée durant la dernière campagne électorale, mais les récentes entrevues de Guillaume Cliche-Rivard dans le cadre du conflit sur cette question entre Québec et Ottawa semblent approfondir cette dérive. Nous croyons que Québec solidaire ne pourra éviter de reprendre le débat. Le programme actuel demeure à ce niveau peu développé et insiste sur les rapports entre l'immigration et la langue française. [5] La faiblesse de cette orientation repose sur la négligence manifestée jusqu'ici à envisager l'évolution concrète des réalités migratoires dans le contexte de la mondialisation capitaliste et de la crise climatique. Les orientations que nous devons développer à cet égard sont restées en friche.
Durant la dernière campagne électorale, Québec solidaire parlait d'un seuil entre 60 000 et 80 immigrant-e-s par an en ce qui concerne l'immigration permanente. [6] Il proposait un plan intitulé « objectif Régions » qui s'adressait à ceux qui s'établissent en région et qui y cumulent 12 mois d'emploi avec une preuve d'intention d'y demeurer. « Ce programme permettra, écrivait-on, de répondre à la pénurie de main-d'œuvre touchant différents services essentiels comme dans le réseau de la santé ou dans les écoles par exemple, en plus d'assurer la revitalisation économique en région ». [7] On aurait pu s'attendre à une critique de l'ensemble de la politique du gouvernement Legault en immigration et à une rupture avec une logique utilitariste de l'immigration brimant les droits des personnes migrantes, mais tel n'a pas été malheureusement le cas.
La proposition de régularisation était marquée par une prudence. Cette régularisation suggérée toucherait 10 000 personnes par an et aurait comme objectif d'en intégrer un certain nombre dans l'économie formelle. [8], On est loin de l'objectif d'une régularisation générale et massive comme le demandaient les organisations des travailleurs et travailleuses migrants. [9]
En ce début d'année, le porte-parole de Québec solidaire, Gabriel-Nadeau Dubois, déclarait qu'il y avait trop d'immigrant-e-s temporaires au Québec que ce soient des étudiant-e-s étrangers, des travailleurs ou travailleuses temporaires ou encore des demandeurs d'asile. Il faisait référence au nombre de 528 000 immigrant-e-s temporaires. [10]
Dans une entrevue à la télévision de Radio-Canada, le responsable parlementaire du dossier immigrant et député de Saint-Henri-Sainte-Anne, Guillaume Cliche-Rivard, allait encore plus loin. Il y affirmait que le Québec faisait plus que sa part. Il envisageait l'hypothèse de réduire le nombre de ces travailleurs et travailleuses immigrants temporaires à 350 000 ou 325 000. [11] Et il soulevait l'hypothèse d'envoyer vers l'Alberta par autobus, les immigrants temporaires consentants. « Je suis certain qu'il y a des milliers de gens qui veulent, qui sont volontaires pour aller dans le reste du pays puis ça pourrait réduire la pression sur le Québec, » [12], Mais il faut faire cela, ajoutait-il, en protégeant les secteurs clés de l'économie comme les services sociaux, la construction et les régions qui ont besoin de ces travailleurs immigrants temporaires. Il faudrait donc cibler des secteurs dans cette réduction des travailleurs temporaires. [13]
En somme, Québec solidaire, en ce qui concerne la politique migratoire, affirmait défendre deux priorités : faire respecter les pouvoirs du Québec en matière d'émigration et s'appuyer sur un comité d'expert-e-s pour établir la capacité d'accueil. « On est rendu à 530 000 immigrants temporaires, la capacité d'accueil actuelle est dépassée, dit M. Cliche Rivard. On veut que des économistes, des démographes, des gens des services publics, des experts en francisation qualifient la capacité d'accueil de chacune des régions en fonction de la disponibilité en logement, des services publics, de la capacité de francisation et aussi de l'apport de l'immigration dans l'économie. À partir de là, on pourra prendre nos décisions politiques. Et si on veut augmenter nos capacités d'accueil, il faut investir. » [14] Il reprenait essentiellement les mêmes propos lors de son entrevue à l'émission Tout un matin avec Patrick Masbourian, [15]. Dans cette entrevue, il se portait d'abord à la défense du pouvoir du Québec et stigmatisait l'incapacité du gouvernement Legault de défendre les droits du Québec en matière d'immigration.
Une politique migratoire de gauche doit rompre avec cette approche utilitariste et à courte vue Québec solidaire en matière migratoire doit faire primer les droits humains sur les besoins du capitalisme. Un parti politique de gauche doit donc sortir de la vision utilitariste des gouvernements et entreprises capitalistes qui justifient essentiellement l'acceptation des personnes migrantes que par les besoins de main-d'œuvre ou par l'accueil de réfugié-e-s dont la vie est menacée.
Québec solidaire doit rompre avec la logique de l'établissement de quotas, ouvrir les frontières et garantir la liberté de circulation et d'installation. Personne n'est illégal sur Terre. Tout le monde doit avoir le droit de se déplacer. Les frontières doivent être ouvertes à tout-tes celles et ceux qui fuient leur pays, que ce soit pour des raisons sociales, politiques, économiques ou environnementales. L'ouverture des frontières ne signifie pas que les flux migratoires ne sont pas régulés, mais que cette régulation se fait à partir des conditions et de principes fondamentaux qui affirment que les immigrant-e-s son une richesse et que fermer les frontières est inefficace et inhumain.
La politique migratoire d'un Québec indépendant
Québec solidaire ne peut centrer son programme face à l'immigration à l'exigence de transferts de pouvoirs vers un gouvernement néolibéral comme celui de la CAQ. Le véritable transfert de ces pouvoirs pourra se réaliser dans un Québec indépendant. Et les pouvoirs que son indépendance lui donnera doivent s'inspirer d'une solidarité agissante et humaniste envers les personnes migrantes.
Afin d'éviter un processus de morcellement de la population d'un Québec indépendant entre ceux e celles qui ont des droits et ceux et celles qui en ont pas ou peu, il faut garantir l'égalité des droits à toutes les personnes habitant le territoire. L'égalité des droits implique la libre circulation, mais aussi la reconnaissance d'une série de droits : droit de s'installer durablement, droit de travailler, de recevoir un salaire égal pour un travail égal, droit de vivre en famille, droit à la citoyenneté, droit à l'accès à la sécurité sociale et aux services sociaux, droit à la syndicalisation, droit à un salaire égal pour un travail d'égale valeur.
Affirmer une telle politique migratoire, c'est faire le choix que l'extension des droits fondamentaux aux exilé-e-s et aux immigré-e-s. Cette orientation doit être partie prenante de notre projet d'indépendance nationale et peut contribuer à la création de liens de solidarité avec les peuples du monde contre les politiques de l'oligarchie et de leurs gouvernements.
Ces orientations doivent être discutées. Elles renforceraient la capacité de Québec solidaire à faire face à la montée des discours de droite et à leur promotion de la xénophobie.
[1] Radio-Canada, Le gouvernement fédéral souhaite réduire de 6,2 % à 5 % la proportion de résidents temporaires dans la population canadienne d'ici 2027, 21 mars
[2] Ibid.
[3] Radio-Canada,Pas de régularisation massive et historique de sans-papiers au Canada, 25 mars 2024
[4] Le Québec se dirige vers « une crise sociale sans précédent », dit PSP, La Presse, 5 novembre 2023
[5] Programme de Québec solidaire, points 8.6.1 et 8.6.2, 2019
[7] Objectif régions : Québec solidaire présente son plan en immigration, 11 septembre 2022
[8] Québec solidaire propose un programme de régularisation des personnes sans statut, 28 février 2023
[9] Une régularisation des sans-papiers réclamée par les organisations communautaires, 25 octobre 22.
[10] 528 000 immigrants temporaires, « c'est trop », dit Québec solidaire, 25 janvier 2024
[11] Entrevue avec Julie Droilet à RDI, 22 janvier 2024
[12] Ibid.
[13] Ibid.
[14] Que proposent les partis politiques en immigration, Vincent Brousseau-Pouliot, La Presse, 8 février 2024
[15] Radio-Canada, Tout un matin, le 28 mars 2024
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