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« L’implantation des éoliennes se fait de façon anarchique »

L'Union des producteurs agricoles dénonce l'accaparement des terres agricoles par les promoteurs éoliens privés pour répondre aux demandes d'Hydro-Québec.
Face au projet du gouvernement Legault de doubler la production d'électricité, Charles-Félix Ross, le directeur général de l'Union des producteurs agricoles, appelle à la vigilance et la mobilisation citoyennes. L'UPA s'oppose notamment à l'implantation des éoliennes sur des terres agricoles. M. Ross appelle à une mobilisation aussi efficace que celle qui a eu raison des projets d'exploitation de gaz de schiste et de transport de gaz naturel liquéfié.
3 avril 2024 |tiré de pivot.quebec
https://pivot.quebec/2024/04/03/limplantation-des-eoliennes-se-fait-de-facon-anarchique/?vgo_ee=ic%2BzuCgf6z9EWMri2vad2pm1YkqT8NVIUSJllKy89O
Face au projet du gouvernement Legault de doubler la production d'électricité, Charles-Félix Ross, le directeur général de l'Union des producteurs agricoles, appelle à la vigilance et la mobilisation citoyennes. L'UPA s'oppose notamment à l'implantation des éoliennes sur des terres agricoles. M. Ross appelle à une mobilisation aussi efficace que celle qui a eu raison des projets d'exploitation de gaz de schiste et de transport de gaz naturel liquéfié.
Dans son plan d'action déposé cet hiver, Hydro-Québec vise une production de 400 térawatts-heures (TWh) à l'horizon 2050, contre environ 200 TWh aujourd'hui.
La hausse est déjà en cours. En mars 2023, Hydro-Québec a lancé un appel d'offres pour l'acquisition de 1500 mégawatts (MW) d'énergie éolienne additionnelle, entièrement privée.
Les promoteurs font le tour des campagnes. L'Union des producteurs agricoles (UPA) a un message pour eux : « allez ailleurs ! »
Pourquoi l'UPA s'oppose-t-elle à l'implantation d'éoliennes sur les terres agricoles ?
Charles-Félix Ross : Les terres agricoles sont une ressource rare et non renouvelable. Elles servent à nourrir les populations. Elles doivent être protégées et conservées pour les prochaines générations. C'est une responsabilité collective.
Au Québec, la superficie des terres en culture est de 0,24 hectare par habitant. C'est le taux le plus bas au sein de l'OCDE [l'Organisation de coopération et de développement économiques, qui regroupe 38 pays développés]. Aux États-Unis, ce taux est de 1,52 hectare par habitant.
La zone agricole est constamment grugée et grignotée par des développements de toutes sortes. En plus des superficies exclues de la zone agricole, des milliers d'hectares ont été sacrifiés pour des « utilisations non agricoles » (UNA) en zone verte. Depuis 25 ans, la perte réelle représente 57 000 hectares [570 km2, soit plus que l'île de Montréal].
Les UNA sont une approche sournoise. Les terres visées par leur implantation demeurent comptabilisées en zone verte. Or, elles perdent leur vocation agricole et, plus souvent qu'autrement, de manière irrémédiable.
L'implantation de parcs éoliens en zone agricole est un exemple type d'UNA.
Imaginez 3000 à 5000 éoliennes sur le territoire agricole du Québec, soit le nombre nécessaire pour répondre à la demande d'Hydro-Québec. Imaginez tous les ennuis et inconvénients de ces installations pour la pratique de l'agriculture. Imaginez la perte de territoire. Imaginez le réseau souterrain, l'immense toile d'araignée de chemins pour raccorder toutes ces éoliennes au réseau d'Hydro-Québec. Imaginez, enfin, l'appétit de promoteurs de toutes sortes qui voudront s'installer en marge de ces parcs pour bénéficier de cette énergie.
Lors d'un colloque sur l'avenir de l'énergie tenu à Montréal le 28 mars, vous avez parlé de « Far West ». Que voulez-vous dire ?
Charles-Félix Ross : Le principe de base de l'aménagement du territoire, c'est la planification. Le gouvernement du Québec devrait dire où sont les meilleurs gisements de vent. Mais ce n'est pas ce qui se passe.
Hydro-Québec dit « j'ai besoin de 1500 mégawatts » et lance des appels d'offres. Les offres sont retenues selon divers critères. L'un d'eux, auquel la grille d'analyse accorde beaucoup de points, c'est la proximité du réseau, soit la facilité de connecter les éoliennes au réseau de transport. Autrement dit, ce qui prime, ce sont les coûts, pas la protection des ressources ou le potentiel des gisements de vent.
« Les représentants des compagnies font le démarchage selon leurs critères de rentabilité. »
Le gouvernement se dégage de toute planification. L'implantation des éoliennes se fait de façon anarchique. C'est effectivement le Far West. Hydro dit aux compagnies privées : « faites vos démarches, on va prendre votre production ». C'est un peu n'importe quoi. Les représentants des compagnies font le démarchage auprès des producteurs agricoles et des municipalités selon leurs critères de rentabilité.
Hydro-Québec entrevoit la construction de 5000 kilomètres de ligne de transport pour raccorder la production privée d'électricité éolienne et solaire. Les coûts de raccordement seront aux frais de la société d'État.
Lors de ce même colloque, vous avez évoqué les tensions que provoquent les projets d'éoliennes parmi les producteurs agricoles…
Charles-Félix Ross : L'une des pires nuisances du développement éolien est la division qu'il provoque au sein des communautés. Aujourd'hui, il y a des citoyens, des agriculteurs, amis jadis, qui ne se parlent plus, qui se détestent. Des citoyens en colère, en guerre, avec des voisins qui ont pris la décision de participer à un projet éolien, à l'encontre de leur volonté et souvent de celle de la majorité.
POUR EN SAVOIR PLUS
Diviser pour régner : quand les éoliennes débarquent en campagne
Dans ces cas, cette décision individuelle, souvent motivée par des intérêts financiers, est imposée aux autres qui en subissent les conséquences visuelles, sonores et autres, allant de la perte de territoire à la restriction de certaines activités, en passant par des impacts environnementaux insoupçonnés.
Hydro-Québec peut exproprier un producteur agricole pour passer une ligne de transport qui va se brancher à l'éolienne sur la terre du voisin. Des gens vont subir le choix des autres.
Mais au bout du compte, est-ce que l'intérêt collectif n'est pas bien servi ?
Charles-Félix Ross : C'est le contraire. D'un point de vue collectif, le plan d'action d'Hydro-Québec et du gouvernement n'est pas rentable pour la société.
Leur prémisse de base, c'est qu'on va décarboner l'économie et électrifier les transports. On a de cinq à six millions de véhicules au Québec : va-t-on les remplacer par des Tesla fabriquées en Chine avec du charbon ? Si on électrifie tous ces véhicules, oui, on va manquer d'électricité. Mais pourrait-on plutôt viser une diminution du parc automobile, une densification de l'habitat, le développement et l'électrification du transport en commun ?
Dire qu'on va décarboner le Québec en doublant la capacité de production d'énergie, c'est un non-sens. C'est un objectif démesuré.
« Si les gens se mobilisent contre ces plans démesurés de doubler la production d'électricité, le gouvernement devra reculer. »
En ce qui concerne les éoliennes, il faut voir qui en profitera le plus. Une éolienne de cinq mégawatts peut rapporter 35 000 $ par année à un producteur agricole, 30 000 $ à une municipalité… et 1,2 million $ au promoteur, soit 36 millions $ sur 30 ans. Avec près de 3000 éoliennes de cinq mégawatts installées pour atteindre les objectifs de demande […], c'est près de 100 milliards $ qui seront versés aux promoteurs éoliens au cours de cette période. Tout dépendamment de leurs marges bénéficiaires, ce sont des centaines de millions de dollars de profits que nous nous apprêtons à leur accorder chaque année.
Qui paiera pour démanteler ou renouveler tout cet attirail aérien et souterrain dans 20 à 30 ans, lorsque ces parcs éoliens seront tous désuets en même temps ?
Pourquoi ne serions-nous pas propriétaires de ces parcs comme nous sommes propriétaires de nos barrages ? Engrangeons les profits de cette opération, pas seulement les dépenses, et redistribuons-les pour financer nos projets collectifs, en santé, en éducation, en agriculture et pour financer nos municipalités.
Vous croyez que la population pourrait forcer le gouvernement à reculer ?
Charles-Félix Ross : Oui. La meilleure chose, c'est la mobilisation citoyenne.
Les citoyens ont réussi à faire reculer le gouvernement libéral avec ses projets de gaz de schiste. Ça n'avait pas de bon sens, ils voulaient développer ça dans nos cours. C'est vraiment la mobilisation citoyenne, les comités de citoyens, les groupes environnementaux qui ont forcé le gouvernement à reculer. Le peuple a dit : on n'en veut pas, de gaz de schiste.
Cette fois encore, si les gens se mobilisent contre ces plans démesurés de doubler la production d'électricité, le gouvernement devra reculer.
AUTEUR:L
André Noël a été journaliste à La Presse pendant près de 30 ans. Ses nombreuses enquêtes lui ont permis de remporter de nombreux prix de journalisme, dont le prix Judith-Jasmin, le Concours canadien de journalisme, le prix Michener du Gouverneur général et le prix du Centre canadien pour le journalisme d'enquête. Il a aussi été enquêteur et rédacteur à la Commission Charbonneau.
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Renoncer graduellement au gaz à meilleur coût

Le gouvernement du Québec a récemment adopté le projet de loi 41 sur la décarbonation des bâtiments et des initiatives réglementaires des municipalités, et plusieurs d'entre nous (membres de la coalition Sortons le gaz) ont exprimé leur déception quant à des aspects cruciaux de cette décision.Toutefois, nous ne sommes pas « interloqués », comme l'indique M. Francis Vailles dans sa chronique sur le sujet, mais plutôt préoccupés quant à des articles de la loi qui sont contradictoires et freinent les actions de plus en plus de municipalités qui veulent agir en matière de décarbonation des bâtiments.
D'emblée, nous tenons à rappeler que personne parmi nous ne prône une sortie complète du gaz du jour au lendemain au Québec.
Nous proposons plutôt de cesser d'ajouter des appareils au gaz, de ne pas remplacer les appareils existants qui sont rendus à la fin de leur vie utile et de rapidement installer des thermopompes pour que les bâtiments existants qui se chauffent au gaz passent à la biénergie électricité-gaz.
Or à nos yeux, le gouvernement Legault a adopté le projet de loi 41 en réaction à un important mouvement des municipalités qui ont décidé d'interdire le gaz dans les nouveaux bâtiments.
L'enjeu ? De nombreuses personnes confondent la pointe réelle du réseau d'Hydro-Québec (qui est d'une centaine d'heures par hiver) avec le tarif DT pour le chauffage biénergie électricité-gaz, qui procure plutôt un effacement de la consommation d'électricité pour le chauffage, entraînant un recours au gaz polluant pendant 573 heures annuellement en moyenne, et ce, de façon tout à fait inutile la moitié du temps.
Or, bon an, mal an, le chauffage au gaz représente 9 % des nouvelles constructions au Québec. C'est donc dire que 91 % de toutes les nouvelles constructions chauffées par plinthes électriques occasionneront une importante demande en puissance électrique et donc des surcoûts en puissance de plusieurs centaines de dollars par année à Hydro-Québec, et ce, pour chaque construction.
Déplacer la pointe
Il existe pourtant des technologies de chauffage électrique qui déplacent efficacement la pointe dans le temps. Dans le secteur résidentiel, de tels systèmes sont d'ailleurs subventionnés par Hydro-Québec dans la nouvelle construction, au moyen du nouveau programme LogisVert. Pour les plus grands bâtiments, Hydro-Québec a développé le ThermÉlect hydronique.
Ce type de chauffage électrique est présent dans des centaines de bâtiments résidentiels depuis peu au Québec. Pour les nouvelles maisons, une étude d'Écohabitation a démontré qu'il est beaucoup moins cher de chauffer avec un accumulateur de chaleur et une thermopompe qu'avec un système biénergie au gaz naturel. Et c'est encore moins cher depuis qu'Énergir a décidé d'obliger tous les nouveaux raccordements à consommer du gaz de source renouvelable (GSR), lequel coûte aujourd'hui huit fois plus cher au client que le gaz naturel fossile.
Ce type de système avec accumulateur de chaleur et 100 % électrique est aussi présent dans de nombreux bâtiments institutionnels et commerciaux.
Il a par exemple remplacé le gaz, au début des années 2000, dans l'édifice Price à Québec, qui loge entre autres les appartements de fonction du premier ministre du Québec.
Les coûts en puissance ne peuvent donc pas justifier le maintien du gaz lorsque l'option électrique de déplacement de charge existe et est déjà utilisée. De plus, le coût par tonne de GES calculé dans l'article pour la biénergie électricité-gaz ne tient pas compte de la compensation des pertes de revenus d'Énergir par la clientèle d'Hydro-Québec qui coûtera 2,4 milliards de dollars d'ici 2050, ce que nous estimons à 180 $ par tonne.
Enfin, si le gaz de source renouvelable (GSR) peut jouer temporairement un rôle dans la décarbonation des systèmes de chauffage existants, sa rareté et son coût élevé amènent la communauté scientifique à recommander qu'il soit utilisé prioritairement pour les usages industriels difficilement électrifiables. D'ailleurs, l'Agence internationale de l'énergie recommande de ne plus renouveler d'équipements de chauffage au gaz à partir de 2025.
Par l'adoption du projet de loi 41 sur la décarbonation des bâtiments, le gouvernement désire sauver l'investissement de la Caisse de dépôt et placement du Québec dans Énergir et perpétuer les prolongements du réseau gazier au risque d'avoir des actifs échoués (investissement qui perd de sa valeur en raison de l'impact des changements liés à la transition énergétique) d'ici 2050.
La logique des environnementalistes est raisonnée et pragmatique : il faut plutôt intensifier la décarbonation des bâtiments et réserver le GSR à des usages circonscrits aux industries qui ne peuvent s'électrifier.
JEAN-PIERRE FINET Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEE)
Cosignataires : Pascal Bergeron, Environnement Vert Plus ; Philippe Duhamel, coordonnateur général, Regroupement vigilance hydrocarbures Québec (RVHQ) ; Éric Pineault, président du comité scientifique de l'Institut des sciences de l'environnement, UQAM ; Arnaud Theurillat-Cloutier, Travailleuses et travailleuses pour la justice climatique (TJC) ; Stéphanie Harnois, Fondation David Suzuki ; Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie, Greenpeace Canada ; Anne-Céline Guyon, analyste Climat-Énergie, Nature Québec ; Patricia Clermont, Association québécoise des médecins pour l'environnement (AQME) ; Jean-François Lefebvre, Imagine Lachine-Est ; les membres de Pour Nos Enfants Montréal
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Rejet de l’entente de principe à la FIQ

La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) a publié le 13 avril 2024 un communiqué annonçant que l'entente de principe conclue entre le comité de négociation de la FIQ et le gouvernement du Québec a été rejetée par 61% de ses membres qui ont participé à la consultation (le taux de participation s'élève à 77%).
Pour la présidente de l'organisation syndicale, madame Julie Bouchard, ce résultat veut dire minimalement trois choses pour les 80 000 salariésEs syndiquésEs qu'elle représente : ses « membres sont déterminés à voir leurs conditions de travail s'améliorer. Elles jugent qu'elles ont fait les frais depuis trop longtemps d'un réseau de la santé complètement désorganisé. Elles veulent rompre avec la culture d'en faire plus avec moins et obtenir une pleine reconnaissance de la valeur de leur travail et de leur expertise . »
L'avenir nous dira si la FIQ sera en mesure de pulvériser le cadre financier que le gouvernement Legault a conclu avec le Front commun intersyndical CSN-CSQ-FTQ-APTS et la FAE.
Ce rejet de l'entente de principe nous indique qu'il est encore trop tôt pour entreprendre un véritable bilan de la présente ronde de négociation.
À suivre…
Source : https://www.newswire.ca/fr/news-releases/negociations-dans-le-secteur-public-la-federation-interprofessionnelle-de-la-sante-du-quebec-fiq-annonce-qu- elle-retournera-en-negociations-862956700.html . Consulté le 14 avril 2024.
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Yvan Perrier
14 avril 2024
14h
yvan_perrier@hotmail.com

Négociations dans le secteur public - La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec-FIQ annonce qu’elle retournera en négociations

MONTRÉAL, le 13 avril 2024 - Les membres de la FIQ ont rejeté la proposition d'entente de principe survenue avec le gouvernement du Québec, à une majorité de 61 %. Les membres de la FIQ ont été catégoriques : c'est elles qui disent non aux offres de la CAQ et il faut les écouter. Le vote référendaire des 10, 11 et 12 avril a suscité un taux de participation de 77 %. « Nos membres se sont prononcées : elles veulent être considérées, respectées, tout en ayant de meilleures conditions de travail. Bien qu'elles sachent qu'une convention collective ne peut régler tous les problèmes du réseau public de santé, elles ont perdu confiance envers le gouvernement, leurs gestionnaires. Nous appelons les dirigeants à les écouter et à amener à la table des solutions qui vont réellement améliorer le quotidien de nos membres et reconnaître leur expertise ainsi que les spécificités de leur travail » affirme Julie Bouchard, présidente de la FIQ.
Le temps est maintenant à la réflexion et à la consultation des instances démocratiques de la FIQ, afin de faire le point avec elles et décider de la suite des choses. « Ce vote veut dire trois choses : nos membres sont déterminées à voir leurs conditions de travail s'améliorer. Elles jugent qu'elles ont fait les frais depuis trop longtemps d'un réseau de la santé complètement désorganisé. Elles veulent rompre avec la culture d'en faire plus avec moins et obtenir une pleine reconnaissance de la valeur de leur travail et de leur expertise. C'est un message fort qu'elles envoient au gouvernement » ajoute madame Bouchard.
La FIQ continuera également de surveiller le déploiement, dans les prochains mois, de l'agence Santé Québec, qui changera fondamentalement le fonctionnement du réseau. C'est dans cette conjoncture que les négociations reprendront. « Nous sommes prêtes à nous retrousser les manches. Il en va de la santé de nos membres, de celle de la population, ainsi que de celle du réseau public de santé » de renchérir la présidente de la FIQ, Julie Bouchard.
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Un salon du livre sur le dos des travailleuses et des travailleurs !

Québec, le 13 avril 2024 – Les membres du Syndicat des travailleuses et travailleurs de Librairie Renaud-Bray (CSN), qui représente les employé-es des succursales de Place Laurier et des Galeries de la Capitale, sont actuellement présents devant le Salon International du Livre de Québec au centre des congrès.
Le but de leur présence est de distribuer des tracts pour faire éclater au grand jour leurs conditions de travail et les demandes démesurées de l'employeur dans le cadre de leur négociation.
La trésorière du Syndicat des travailleuses et travailleurs de Librairie Renaud-Bray (CSN), Isabelle Nadeau, dénonce la situation « notre employeur veut nous faire reculer face à nos congés de maladie et nos horaires de travail. Pire encore, Renaud-Bray ne veut même pas reconnaître notre droit de prendre des pauses de 15 minutes durant nos quarts de travail, c'est inacceptable ! »
Le syndicat est présent de 11 h à 14 h pour distribuer ses tracts et se faire entendre de la population ainsi que soutenir leurs membres qui travaillent actuellement au Salon du livre. Renaud-Bray est un leader mondial de la librairie avec un chiffre d'affaires de plusieurs millions par année, exiger des reculs dans les conditions de travail de ses travailleuses et travailleurs quand les conditions sont déjà exécrables est simplement inhumain.
À propos
Le Syndicat des travailleuses et travailleurs de Librairie Renaud-Bray (CSN) regroupe 60 membres. Le syndicat est affilié à la Fédération du commerce (CSN) qui regroupe près de 30 000 membres dans ses 360 syndicats, au Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN) qui compte 45 000 membres dans 240 syndicats de toutes provenances et, bien sûr, à la CSN qui compte pour sa part plus de 330 000 membres syndiqués provenant tant du secteur privé que public.
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Malartic, un documentaire de Nicolas Paquet

Dix ans après l'ouverture de l'énorme mine d'or à ciel ouvert de Malartic, ce documentaire de Nicolas Paquet pose la question universelle de la gestion démocratique du territoire.
▶️ Visionnez la bande-annonce → bit.ly/MalarticBA
🍿 Trouvez une projection près de chez vous → bit.ly/3vKcBjI
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Comprendre le retour de l’inflation dans la crise globale du capitalisme

L'auteur étasunien Paul Mattick déploie dans son dernier ouvrage traduit en français l'idée que le retour de l'inflation est un symptôme d'une crise plus globale du capitalisme. Une crise de plus en plus complexe et dangereuse.
Tiré du blogue de l'auteur.
Paul Mattick junior poursuit depuis la mort en 1981 de son père, également appelé Paul Mattick (lire ici l'article sur la vie et la pensée de cette figure du mouvement conseilliste international), le travail que ce dernier avait synthétisé dans Marx et Keynes paru dans les années 1960 ( et publié en français chez Gallimard dans la collection Tel). Cette pensée conçoit le capitalisme comme un régime de crise permanent plus ou moins compensé par des contre-tendances de moins en moins efficaces.
Dans son dernier ouvrage, Le Retour de l'inflation, paru à l'automne dernier en anglais et traduit en français avec une remarquable célérité par les éditions Smolny, Paul Mattick prend de la hauteur sur la question de ce retour soudain de l'accélération des prix après des décennies où ce risque semblait avoir disparu.
Réalités du capitalisme
La première partie de l'ouvrage revient sur l'évolution historique du lien entre la monnaie, l'inflation et le capitalisme. Et le propos vise directement à écarter les deux interprétations dominantes de l'inflation de ce début des années 2020 : celle de la théorie quantitative de la monnaie, qui veut que ce soit la création monétaire qui ait créé un excès de demande, et celle de la théorie du choc, qui veut que l'inflation soit l'effet d'un élément extérieur à l'économie (la guerre, la pandémie, le réchauffement climatique).
Ces deux analyses sont en effet non seulement les lectures traditionnelles du phénomène inflationniste, mais ce sont aussi des lectures qui perçoivent l'inflation comme une perturbation, une anomalie dans le système économique. En cela, elles réalisent trois erreurs fondamentales : celle d'ignorer le caractère historique et particulier du capitalisme, celle de percevoir ce dernier comme un système d'équilibre et celle de concevoir la monnaie comme un simple outil facilitant les transactions commerciales.
Pour Paul Mattick, le capitalisme est un système qui évolue dans le temps. Les phases inflationnistes ont donc des fonctions différentes qui répondent à des moments de crise particuliers. Mais c'est aussi et surtout un système en permanent et profond déséquilibre. En cela, le texte reprend les thèses d'un texte de 1938 important de Henryk Grossman, un économiste qui a beaucoup influencé Paul Mattick senior, Marx, l'économie politique classique et le problème de la dynamique (dont la traduction est d'ailleurs en cours aux mêmes éditions Smolny).
La limite de la science économique moderne est qu'elle est fondée sur la notion d'équilibre. Or, cette notion elle-même repose sur l'idée que l'offre et la demande finissent toujours par trouver un point d'entente, ce que l'économiste italien Vilfredo Pareto appelait un « optimum », un niveau de prix où le vendeur et l'acheteur y trouve la meilleure satisfaction mutuelle possible. C'est dans ce cadre que la monnaie n'intervient que comme un « voile » sur les échanges : elle les facilite, mais ne joue pas sur le niveau réel de l'équilibre.
Les deux théories évoquées plus haut s'inscrivent dans cette perspective d'équilibre général de l'économie. Lorsque les conditions de cet équilibre sont perturbées, soit par de la création monétaire qui déséquilibre le système, soit par un choc externe, l'inflation apparaît.
Mais comme le remarque Paul Mattick dans un entretien au journal The Brooklyn Rail, le problème de ces théories est « qu'elles ignorent les dynamiques de l'économie capitaliste dans son ensemble ». La relation entre l'offre et la demande n'est pas qu'une simple relation entre producteurs et consommateurs qui agiraient indépendamment les uns des autres, c'est une relation elle-même régulée par le moteur de la production capitaliste, celui de la profitabilité. Offre et demande sont en réalité directement ou indirectement déterminées par cette recherche du profit.
Cette recherche se fait dans un cadre monétaire, parce que la monnaie n'est pas un simple appendice à la production capitaliste, elle en constitue le cœur. La particularité de ce mode de production, au regard des précédents, est en effet de généraliser l'usage de la monnaie et de faire des relations sociales des relations d'abord monétaires. « C'est le premier système social dans lequel le contrôle du temps de travail et de ce qui en sort est structuré par la circulation de l'argent », résume Paul Mattick.
Considérer que la monnaie est un simple « voile » et que, partant, sa quantité perturberait l'équilibre est donc ne pas comprendre la spécificité du capitalisme et son fonctionnement. L'inflation n'est donc pas un « phénomène monétaire », mais un « produit du fonctionnement du système de production et d'échange de marchandise pris comme un tout ».
Les illusions perdues des économistes
Tout cela empêche la théorie économique de saisir la dynamique capitaliste et mène aux faillites continuelles de cette dernière que Paul Mattick ne manque pas de relever, précisant que « les mathématiques de la théorie néoclassique ont été empruntées à la physique », mais que cet emprunt n'allait pas jusqu'à retenir « l'attachement historique de la science mère à se confronter aux informations issues de l'expérience ». D'où cette tendance bien connue des économistes à considérer que quand le réel leur donne tort, c'est le réel qui se trompe.
Paul Mattick insiste dès son introduction sur cette division entre le monde des économistes et celui des citoyens ordinaires. Et il en tire une conclusion logique : « si l'on veut comprendre correctement l'histoire en cours de l'économie, on doit le faire dans d'autres termes que ceux qui structurent les interprétations et prescriptions politiques existantes ». C'est évidemment l'immense intérêt de ce livre qui rejoint un sentiment largement partagé par ceux qui ont pu observer ce retour récent de l'inflation : l'impossibilité de l'expliquer correctement avec les clés des théories économiques dominantes.
Le point de départ de Paul Mattick est donc la question de la profitabilité. Sa vision est conforme à celle de son père et de Henryk Grossman : le capitalisme est bel et bien soumis à une contradiction majeure : pour être plus rentable, il faut augmenter la productivité et donc mécaniser. Mais en mécanisant, on réduit la possibilité de créer suffisamment de surplus productif au regard de la consommation du capital nécessaire. C'est la fameuse « baisse tendancielle du taux de profit », si discutée dans les milieux marxistes mais qui, il faut le souligner, découle assez logiquement de la théorie de la valeur travail de Marx.
Le capitalisme sait faire face à cette tendance. Il mobilise des contre-tendance permettant de retrouver des moyens d'augmenter le taux de profit. Mais ces moyens sont toujours temporaires et doivent toujours être renouvelées. L'analyse de Grossman, c'est que chaque contre-tendance mobilisée finit par affaiblir encore davantage le système qui doit, finalement, accélérer l'exploitation du travail (et l'on pourrait ajouter aujourd'hui, de la nature) pour produire toujours moins de croissance. Et c'est dans cette dynamique qu'il faut comprendre les apparitions de l'inflation.
Ce phénomène semble évident depuis un demi-siècle. Pour Paul Mattick, un de ses ressorts a été la transformation de la « monnaie-marchandise » basée sur l'or et l'argent en « monnaie de crédit » telle qu'on la connaît de nos jours et qui est fondée sur la création monétaire directe par les banques commerciales. Après la crise des années 1970, le crédit public comme privé a été un des ressorts de la contre-tendance ainsi que l'idéologie néolibérale qui a permis de renforcer l'exploitation du travail et d'accélérer le démantèlement des services publics.
Le chemin vers le retour de l'inflation
Avec la crise de 2008, une nouvelle phase de la crise s'ouvre, plus profonde. La tendance récessive après la crise financière a conduit les banques centrales à chercher à relancer l'inflation par de la création monétaire. Mais cette création monétaire n'a soutenu les prix que sur les marchés financiers et immobiliers, alors que la pression sur les salaires s'accentuait.
La crise sanitaire a modifié ces équilibres. La perturbation des chaînes logistiques et la guerre en Ukraine ont été utilisées comme des prétextes pour récupérer la possibilité d'augmenter ses profits en augmentant les prix. Ceci permettait de compenser le retrait des banques centrales du soutien aux profits, du moins temporairement, alors même que les salaires, eux, encaissaient l'essentiel des effets de la hausse des prix.
Ce premier phénomène allait de pair avec un autre, lui aussi hérité de la crise du Covid : l'expansion du soutien public au secteur privé. Ce phénomène n'est certes pas nouveau, mais il prend des proportions d'autant plus remarquables que la dette publique est déjà à un niveau élevé.
Paul Mattick n'est pas un partisan de la « théorie moderne de la monnaie ». Pour lui, la dette publique est toujours un coût pour le capital dans la mesure où son remboursement dépend toujours d'une production de plus-value in fine. Si la dépense publique n'est pas capable de faire accélérer cette production, elle pose, pour lui, problème dans un système capitaliste déjà en crise. La seule issue alors est l'austérité et, encore une fois, la répression du monde du travail. C'est ce que l'on observe ces derniers temps en France.
Une crise finale ?
Pour Paul Mattick, la crise du capitalisme est donc de plus en plus sérieuse et la monnaie ne représente pas une solution parce qu'elle est un rouage essentiel du fonctionnement capitaliste. Bien au contraire, monnaie et violence sont intimement liées et le retour de l'inflation s'accompagne aussi d'une violence d'État croissante, dans les relations internes aux pays comme dans les relations internationales, pour maintenir l'ordre capitaliste.
Dans son ouvrage majeur, L'Accumulation du capital, en 1929, Henryk Grossman estimait que la crise croissante du capitalisme ne pouvait mener qu'à une exacerbation de la lutte de classes qui devait déboucher sur la victoire du prolétariat. Mais cette lecture économiciste s'est fracassée sur la capacité du capitalisme à se concevoir comme la fin de l'histoire. La seule solution raisonnable semble désormais « le seul cadre réaliste pour parvenir à une vie agréable », souligne Paul Mattick reprenant les termes de l'historien Steve Fraser.
La crise économique n'est donc plus réellement un danger pour le capitalisme, bien au contraire. Paul Mattick achève son livre sur l'espoir que la gestion par la violence du capital et la crise écologique accélérée ne finisse par affaiblir ce consensus en faveur du capitalisme. C'est sans doute très optimiste tant on sait qu'il est pour nos sociétés « plus facile d'envisager la fin du monde que celle du capitalisme ».
Finalement, il est probable que l'on ne fera pas l'économie d'un travail en profondeur sur la nature et la réalité du capitalisme, mais aussi sur les leviers de ce que Guy Debord appelait le Spectacle et qui en est le support essentiel. L'ouvrage de Paul Mattick a ceci d'important qu'il fait une partie du chemin, celui de jeter un regard sans illusion sur notre organisation sociale et économique.
Paul Mattick, Le Retour de l'Inflation : monnaie et capital au 21e siècle, traduction par Éric Sevault, éditions Smolny, 172 pages.
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Chaînes en papier de bureau : à propos du livre "Franz Kafka, rêveur insoumis"

Peut-on dire encore quelque chose de nouveau sur Kafka ? Ce livre en fait le pari. Il me semble, en effet, qu'il est temps de jeter sur cette oeuvre un regard différent, qui tente de rendre compte de son fascinant pouvoir d'insoumission. Introduction à mon livre « Franz Kafka, reveur insoumis », Orange, Editions le Retrait, 2024.
Tiré du blogue de l'auteur.
Introduction
Peut-on dire encore quelque chose de nouveau sur Kafka ? Ce livre en fait le pari. Il me semble, en effet, qu'il est temps de jeter sur cette oeuvre un regard différent, qui tente de rendre compte de son fascinant pouvoir d'insoumission.
Dans son célèbre essai sur Kafka, Walter Benjamin lançait un avertissement (malheureusement peu suivi) : « C'est avec prudence, avec circonspection, avec méfiance, qu'on doit avancer en tâtonnant à l'intérieur de ses écrits. » Les remarques qui suivent doivent être considérées comme un tâtonnement prudent, une hypothèse de travail à vérifier, un point de départ possible pour des recherches futures.
Les commentaires sur Kafka - une masse de documents qui ne cesse de croître – ont pris avec le temps la forme et l'allure d'une tour de Babel, tant par la confusion des langues que par le caractère infini de l'entreprise. Est-ce un hasard si les femmes ont souvent proposé les lectures les plus intéressantes de Kafka ?
En tout cas je ne peux que rendre hommage à des auteures comme Hannah Arendt, Marthe Robert, Rosemarie Ferenczi et Marina Cavarocci Arbib, dont les travaux se détachent avec force de la masse un peu grise et indistincte d'une bonne partie de la « littérature secondaire ». Je ne suis pas toujours d'accord avec leurs analyses, mais je me suis largement appuyé sur certains de leurs apports pour développer, dans une autre direction, ma propre contribution.
On peut classer la plupart des travaux sur l'écrivain pragois en six grands courants :
I. Les lectures strictement littéraires, qui se limitent délibérément au texte, en ignorant le « contexte ».
II. Les lectures biographiques, psychologiques et psychanalytiques.
III. Les lectures théologiques, métaphysiques et religieuses.
IV. Les lectures sous l'angle de l'identité juive.
V. Les lectures socio-politiques.
VI. Les lectures post-modernes, qui aboutissent en général a la conclusion que la signification des écrits de Kafka est « indécidable ».
Ces interprétations sont d'inégal intérêt : certaines contiennent des intuitions importantes, mais beaucoup tentent de réduire l'œuvre littéraire à un modèle pré-établi, en interprétant situations et personnages comme symboles ou allégories d'un message. Par ailleurs, à cette production pléthorique de la littérature secondaire est venu s'ajouter, au cours des dernières années, une nouvelle branche en pleine expansion : la littérature…tertiaire, cest à dire l'étude des diverses interprétations de l'œuvre de l
écrivain pragois. À quand une littérature quartenaire ?
Dans un autre passage connu de son essai, Benjamin observe qu'il y a deux façons de rater immanquablement Kafka : l'approche naturelle et l'approche surnaturelle. En d'autres termes, les lectures psychanalytiques et les interprétations théologiques. Cette remarque me semble profondément juste.
Ces deux dimensions ne sont certes pas absentes de l'œuvre, mais elles sont aufgehoben, au sens dialectique du terme : niées/conservées/dépassées. La dimension œdipienne par exemple - le violent conflit avec le père - est bel et bien présente dans les écrits littéraires de Kafka, mais tout son art consiste précisément à dépasser cet aspect psychologique dans un univers imaginaire où se trouve posée la question de l'autorité en général.
Cela vaut également pour le judaïsme : la condition juive est un point de départ essentiel, qui n'est pas moins "nié/conservé" dans une problématique universelle. Comme l'observe si bien Marthe Robert, la condition des juifs praguois, enfermés dans "un ghetto aux murs invisibles", devient dans l'œuvre littéraire de Kafka - notamment dans ses trois romans posthumes - "le schéma d'une condition infiniment plus générale". Quant au moment théologique, il est sans doute présent, mais de façon indirecte et "négative", comme j'essayerai de le montrer.
Reste la lecture exclusivement "littéraire". Il est évident que Kafka ne vivait que pour la littérature : c'était son obsession, sa raison d'être, sa seule planche de salut. Elle constitue sa réponse à un monde déchu. Partant de ce constat - évident à la lecture du Journal et de la Correspondance - beaucoup d'interprètes sont tombés dans le piège, en faisant de la littérature l'objet , le contenu, la trame de ses écrits.
Ceux-ci étant alors une sorte d'allégorie élaborée de l'œuvre littéraire elle-même, dans un jeu de miroirs qui se réfléchissent mutuellement à l'infini. Or, cette déduction est illusoire. Musil était lui- aussi obsédé par son oeuvre, mais la littérature n'est pas l'objet de celle-ci, et la Cacanie n'est pas une allégorie de ses propres écrits.
L'enjeu des romans de Kafka n'est pas l'écriture en tant que telle, mais le rapport entre l'individu et le monde. Certes, telle ou telle nouvelle peut effectivement avoir pour objet l'œuvre littéraire elle-même ; c'est le cas, très probablement, de la figure d'"Odradek" dans la célèbre parabole "Les soucis d'un père de famille", selon la brillante démonstration de Marthe Robert dans Seul comme Kafka. Mais il serait vain de vouloir appliquer cette grille de lecture à ses romans et à l'ensemble de ses écrits.
Considérant l'extension immodérée de la littérature secondaire sur notre auteur, pourquoi ajouter encore une brique à cette pyramide herméneutique ?
Ma contribution se situe plutôt dans le courant "socio-politique", mais elle tente d'articuler les autres niveaux, grâce à un fil rouge qui permet de relier la révolte contre le père, la religion de la liberté (d'inspiration juive hétérodoxe) et la protestation (d'inspiration libertaire) contre le pouvoir meurtrier des appareils bureaucratiques : l'anti-autoritarisme.
Dans son article sur le surréalisme de 1929, Benjamin écrivait : « Depuis Bakounine, l'Europe manque d'une idée radicale de la liberté. Les surréalistes en ont. » Cette phrase s'applique rigoureusement à Franz Kafka.
Je vais essayer de suivre ce fil rouge selon l'ordre chronologique, en partant de certaines données biographiques souvent négligées, notamment les rapports de Kafka avec les milieux anarchistes praguois, pour analyser ensuite les trois grands romans inachevés et quelques unes des nouvelles les plus importantes. J'utiliserai également des fragments, des paraboles, des éléments de la correspondance et du journal pour éclairer les grands textes littéraires, sans toutefois prendre en compte l'ensemble de l'œuvre : ainsi, je n'ai pas essayé d'interpréter les premiers écrits de Kafka – antérieurs à 1912 - ni les derniers - Jospéhine ou le peuple des souris, Les recherches d'un chien, etc. Je ne peux pas dire si ces textes, ainsi qu'un certain nombre de paraboles, aphorismes et fragments divers, relèvent ou non de mon hypothèse.
Je ne pense pas trop m'avancer en affirmant que cette lecture de Kafka, - se laissant guider par ce « fil d'Ariane » du labyrinthe kafkaïen qu'est le désir de liberté - est nouvelle. En tout cas je n'ai rien trouvé d'analogue dans la littérature secondaire. Ce que j'ai rencontré dans certaines interprétations qui me sont proches sont plutôt des pistes, des fragments, des intuitions, quelques passages, que je cite - parfois, je l'avoue, arrachés de leur contexte - pour étayer mon argumentation. Mais nulle part une analyse systématique de l'oeuvre sous l'angle de la passion anti-autoritaire qui la traverse comme un courant électrique. Grâce à cette grille de lecture, les pièces du puzzle semblent trouver leur place et les principaux écrits de Kafka apparaissent sous le signe d'une très grande cohérence. Bien évidemment, il ne s'agit pas d'une cohérence de doctrine, mais de sensibilité.
Cette interprétation n'a donc aucune vocation à l'exhaustivité. Il s'agit plutôt d'un essai, d'une tentative de mettre en évidence la dimension formidablement critique et subversive de l'œuvre de Kafka, si souvent occultée.
Ce n'est pas du tout une lecture consensuelle, et elle ne manquera pas de susciter des controverses, tant elle se dissocie du canon habituel de la critique littéraire sur Kafka. Ma tentative est fortement marquée par l'empreinte de Walter Benjamin - non seulement son essai sur Kafka de 1934 mais aussi, et surtout, ses Thèses « Sur le concept d'histoire » de 1940. Dans ce dernier écrit, il adresse à l'historien critique l'injonction suivante : « A chaque époque il faut tenter d'arracher derechef la tradition au conformisme qui veut s'emparer d'elle » (Thèse VI). Ce livre se veut une petite contribution à cette tâche.
La lecture « politique » proposée ici n'est évidemment que partielle : l'univers de Kafka est trop riche, complexe et multiforme pour que l'on puisse le réduire à une formule unilatérale. Quelle que soit la pertinence d'une interprétation, son œuvre garde tout son inquiétant mystère, et sa singulière consistance onirique, comme une sorte de « rêve éveillé » inspiré par la logique du merveilleux. Pour paraphraser André Breton, la poésie contient toujours « un noyau infracassable de nuit »…
Le mot « politique » est d'ailleurs assez inapproprié : ce qui intéresse Kafka est à mille lieux de ce qu'on désigne habituellement par ce terme : les partis politiques, les élections, les institutions , les régimes constitutionnels, etc.
Le terme « critique » serait peut-être plus adéquat. Cette dimension critique est souvent éclipsée par un certain type d'interprétation académique. Cependant, il est probable que c'est celle qui est le plus profondément ressentie par les millions de lecteurs modernes pour qui le mot Kafka est devenu synonyme d'inquiétude face au système bureaucratique.
Pour désigner la puissance oppressive de ce système, Kafka a inventé une image frappante : « Les chaînes de l'humanité torturée sont en papier de bureau (Kanzleipapier) ». Le terme allemand est difficile à traduire : « paperasse », utilisé par certains traducteurs, est faible. Papier de bureau, papier officiel, papier de Ministères, seraient plus appropriés. Kanzlei est habituellement traduit par « bureau », mais ce mot ne donne pas la richesse du sens originaire du terme. Il a sa source dans le latin médiéval cancelleria qui décrit un lieu entouré de grilles ou de barrières – cancelli en latin – où l'on prépare des documents officiels.
C'est un mot qui revient souvent sous la plume de l'écrivain pragois dans Le Procès et Le Château, pour rendre compte des lieux où siègent les instances - lieux toujours entourés de très hauts cancelli, visibles ou invisibles, qui tiennent à distance les communs des mortels. Ces Kanzleipapiere sont évidemment des documents écrits ou imprimés : formulaires officiels, fiches de police, papiers d'identité, actes d'accusation ou décisions des Tribunaux.
L'écriture est donc le medium par lequel les instances dirigeantes exercent leur pouvoir. La réponse de Kafka utilise le même moyen, mais en inversant radicalement la démarche : une écriture de la liberté, littéraire ou poétique, qui subvertit les prétentions des puissants.
L'image des « chaînes en papier » semble d'ailleurs être à double sens : elle suggère à la fois le caractère oppressif du système bureaucratique, qui asservit les individus avec ses documents officiels, et le caractère précaire de ces chaînes, qui pourraient être facilement déchirées, si les humains voulaient s'en libérer...
Kafka a souvent été accusé - par Georges Lukacs, Günther Anders et d'autres - de prêcher, par son pessimisme radical, le fatalisme et la résignation. Or, dans une lettre à son ami Oscar Pollak du 27 janvier 1904, il expliquait ainsi sa conception du rôle de la littérature : un livre ne présente de l'intérêt, écrivait-il, que s'il est « un coup de poing dans le crâne qui nous réveille (...), une hache qui brise en nous la mer glacée ». Cela ne ressemble pas beaucoup à un appel à la résignation...
Post - Scriptum
La branche paternelle de ma famille, les Löwy, était originaire de Bohème, tout comme la branche maternelle de la famille de Kafka (comme l'on sait, sa mère s'appelait Julia Löwy). Le nom était assez fréquent dans l'Empire austro-hongrois et il n'existe, à ma connaissance, aucun lien de parenté entre les deux familles. Sauf celui – largement mythique - de l'appartenance à la vaste tribu des Lévites, grands scribes et gratteurs de parchemin devant l'Eternel...
J'ai entendu pour la première fois parler de Kafka pendant mes années de lycée au Brésil, en écoutant une conférence de Mauricio Tragtenberg sur « La bureaucratie dans le Château de Kafka ». Mauricio était un jeune intellectuel juif/brésilien, autodidacte - il fera plus tard une carrière universitaire - de sensibilité marxiste/libertaire.
Je ne me rappelle plus très bien des détails de la conférence, mais l'idée générale était que le roman de Kafka était une des plus intéressantes analyses critiques de la signification des pouvoirs bureaucratiques dans les sociétés modernes ; mon livre doit beaucoup à cette lointaine mais inoubliable intervention du regretté ami Mauricio.
De tous les membres du cercle pragois de Kafka, le seul que j'ai eu la chance de rencontrer fut Shmuel Hugo Bergmann, son collègue d'école et le premier témoin de son engagement socialiste. Je faisais partie d'un groupe d'étudiants d'hébreu qu'il a reçus un samedi après-midi de 1963, dans sa maison à Jérusalem. Il nous a fait part de quelques réflexions sur la vie moderne, à partir d'un incident de la vie quotidienne auquel il avait assisté : une paire d'amoureux dans un parc, entièrement absorbés par la parole…d'un radio transistor qu'ils écoutaient.
Notre société, constatait Bergmann, est en train de perdre de plus en plus la capacité de dialogue et d'écoute réciproque : on assiste à une crise de la communication humaine, à un déclin de l'échange direct des personnes, au profit des appareils impersonnels. Ce fut une leçon inoubliable de Kulturkritik de la civilisation moderne, dans la plus belle tradition du romantisme juif/allemand de l'Europe centrale…
L'origine de ma recherche sur Kafka remonte à un essai des années 1960, qui a une histoire assez curieuse. Il fut publié sous le titre « Kafka et l'anarchisme », en hébreu, dans la revue – éditée à Tel-Aviv - Beayot Beinleumiot (Problèmes Internationaux), numéro d'avril 1967. Quelques mois après, il se trouve traduit en yiddish dans la Freie Arbeiter Stimme (Voix ouvrière libre) de New York (15.12.67), un journal socialiste libertaire américain ! Il s'ensuivra une traduction en espagnol dans le périodique argentin Tierra y Libertad et une autre, plus tardive (1972), en anglais (à partir de l'espagnol), sous forme de brochure, et attribuée à un certain « Mijal Levy » (translittération argentine à partir du yiddish ?).
Moi, j'ignorais tout de ces traductions... Mais, en 1981, j'ai publié une version revue et corrigée en français, avec le même titre, dans un volume collectif en hommage à Lucien Goldmann, Essais sur les formes et leurs significations (Paris, Médiations).
Ce premier essai doit beaucoup à la biographie du jeune Kafka par Klaus Wagenbach, mais tente déjà une interprétation de l'œuvre.
J'y suis revenu en 1988, dans mon livre Rédemption et Utopie. Le judaïsme libertaire en Europe centrale. Une étude d'affinité élective (Paris, PUF, 1988), dont le chapitre intitulée « Kafka : theologia negativa et utopia negativa », reprend, en les élargissant, les thèmes de ce premier essai. J'ai eu l'occasion de discuter cette version avec le regretté Gershom Scholem, qui était intéressé par la problématique, sans nécessairement partager mon analyse. Et j'ai continué à travailler sur Kafka au cours des années 1990. Des versions plus courtes de certains des chapitres du présent ouvrage sont parues dans les revues Archives de Sciences Sociales des Religions ( CNRS, Paris), L'Homme et la Société (Paris), Diogène (Unesco, Paris), Refractions (Lyon), Analogon (Prague), Salamandra (Madrid).
Si j'ai décidé de reprendre ce chantier c'est avec la conviction que l'écrivain juif praguois est plus que jamais actuel, plus que jamais lisible dans nos angoisses, en ce début de XXIème siècle – c'est-à-dire, chargé de ce que Walter Benjamin appelait Jetztzeit, « temps d'à présent ». Aujourd'hui, encore plus qu'à l'époque où vivait Kafka, ce rêveur insoumis, « les chaînes de l'humanité torturée sont en papier de ministères ».
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Gramsci, son époque et la nôtre

Longtemps pauvre en monographies, la bibliographie française consacrée à Antonio Gramsci est en train de combler son retard. Après la monumentale biographie intellectuelle que lui ont consacrée Romain Descendre et Jean-Claude Zancarini, l'ouvrage de Yohann Douet, L'hégémonie et la révolution. Gramsci penseur politique (Éditions Amsterdam, 2023), permet d'approfondir la réception de cet auteur capital.
Tiré du site de la revue Contretemps.
Son auteur, qui a déjà largement publié sur le sujet, se propose à la fois de présenter de façon synthétique les concepts essentiels des Cahiers de prison et de les situer dans les débats contemporains qui ont fait de la référence à Gramsci un enjeu de première importance. L'extrait du chapitre 8 que nous proposons à nos lecteurs·rices est consacré à l'actualité de la pensée gramscienne dans l'horizon qui l'unit à notre présent : celui de la lutte pour l'émancipation comme effort continu de sortie de la subalternité et de conquête de cette hégémonie nouvelle dont l'objectif n'est autre que la société communiste et démocratique.
En raison des profondes différences entre l'époque de Gramsci et la nôtre, il faut se poser frontalement la question de l'actualité de sa pensée. Cet examen est d'ailleurs appelé par son historicisme épistémologique : il souligne en effet que la validité de tout cadre théorique ou de toute notion est conditionnée historiquement et affirme explicitement que le marxisme deviendra caduc une fois la société de classe dépassée. Il ne s'agit pour nous ni de conserver à l'identique ni de rejeter intégralement les perspectives politiques et stratégiques de Gramsci, mais plutôt de se demander dans quelle mesure et en quoi elles pourraient être modifiées ou développées afin d'être rendues adéquates à la situation présente. On reviendra donc dans les pages suivantes sur les raisons de la pertinence contemporaine de l'approche générale de Gramsci, et l'on discutera des principales questions sur lesquelles ses conceptions semblent demander une reformulation, une modalisation, un approfondissement ou une réarticulation.
Sortir de la subalternité
C'est d'abord la conception gramscienne de la subalternité qui apparaît particulièrement actuelle. Cela s'explique entre autres par le fait que les notions gramsciennes de subalternité et d'hégémonie sont assez souples pour aider à penser des luttes émancipatrices de différents types, dont certaines ne sont pas réductibles à la lutte des classes. Parler de « groupes sociaux subalternes » permettait notamment à Gramsci d'analyser la situation de classes dominées qui ne s'identifiaient pas – ou pas encore – comme telles (les masses paysannes, notamment celles du Mezzogiorno, et certaines fractions de la petite bourgeoisie), alors même qu'il était indispensable d'exercer une activité hégémonique en leur direction.
Mais la notion de subalternité s'applique aussi d'une manière éclairante à des questions qu'il a peu étudiées, en particulier à la situation des groupes sociaux subissant une oppression systémique de genre et de race (dans un cadre colonial ou autre)[1]. On ne peut évidemment pas revenir ici sur les différents travaux inspirés de Gramsci et portant sur ces rapports de domination spécifiques, en particulier dans la longue et riche tradition des subaltern studies[2].
On ne donnera donc ici qu'un exemple qui suggère que Gramsci a su mettre en évidence certains traits généraux de la logique immanente à l'émancipation des groupes opprimés. Pensons à ces paroles de « l'Hymne des femmes » (l'hymne du Mouvement de libération des femmes), dont l'affinité avec les réflexions des Cahiers est frappante :
- Nous, qui sommes sans passé, les femmes,
- Nous qui n'avons pas d'histoire,
- […] Seules dans notre malheur, les femmes,
- L'une de l'autre ignorée,
- Ils nous ont divisées, les femmes,
- Et de nos sœurs séparées.
Est exprimée ici, de façon presque pure, la situation de subalternité telle que la conçoit Gramsci : le fait d'être « désagrég[é][3] », aux « marges de l'histoire », soumis à l'« initiative » des groupes sociaux dominants qui brise toute « tendance à l'unification », n'avoir qu'une histoire « fragmentée et épisodique », qu'un passé obscur et spectral[4].
L'hymne se poursuit ainsi :
- Reconnaissons-nous, les femmes,
- Parlons-nous, regardons-nous,
- Ensemble on nous opprime, les femmes,
- Ensemble révoltons-nous.
- [..] Le temps de la colère, les femmes,
- Notre temps est arrivé,
- Connaissons notre force, les femmes,
- Découvrons-nous des milliers.
La condition première de l'émancipation des femmes s'avère être leur unification autonome par la reconnaissance réciproque et l'organisation, de sorte à produire un « changement dans la manière d'être[5] », à affirmer leur activité collective subalterne contre « l'emprise et les limites de la force des choses » et celles du système d'oppression, à devenir « dirigeantes et responsables[6] » et, ainsi, à s'ériger en nouveau sujet historique.
Désagrégation et unification
Ce qui rend incontestablement pertinente pour notre époque l'approche de Gramsci, c'est aussi sa sensibilité à la précarité des volontés ou subjectivités collectives qui émergent au sein des masses subalternes et l'importance qu'il accorde en conséquence au travail d'organisation de ces dernières.
Il s'arrête à cet égard sur une anecdote frappante. Durant la guerre de Trente ans, 45 cavaliers hongrois auraient occupé et tyrannisé les Flandres à eux seuls pendant près de six mois, la population désarmée et démoralisée par la guerre ne parvenant pas à leur opposer de résistance. Or, explique-t-il, « il est possible que surgissent à tout moment “45 cavaliers hongrois” là où n'existe pas de système de protection des populations sans défense, dispersées, contraintes de travailler pour vivre, et qui ne sont donc pas en mesure à tout moment, de repousser les assauts, les incursions, les pillages, les coups de main organisés avec un certain esprit de système et avec un minimum de prévision “stratégique” ». Cet exemple indique plus généralement que
- dans toute situation politique la partie active est toujours une minorité, et que si celle-ci, quand elle est suivie par les masses, n'organise pas ce mouvement, de façon stable, et est dispersée par une circonstance quelconque propice à la minorité adverse, tout l'appareil s'écroule et il s'en forme un nouveau, dans lequel les anciennes masses ne comptent pour rien et ne peuvent plus se mouvoir ni agir. Ce qu'on appelait « masse » a été dispersé en des dizaines d'atomes sans volonté ni orientation, et une nouvelle masse se forme, même d'un volume inférieur à la première, mais plus compacte et plus résistante, qui a la fonction d'empêcher que la masse primitive ne se reforme et devienne efficace[7].
Gramsci pense vraisemblablement à la destruction des organisations ouvrières et paysannes par le mouvement fasciste puis le régime fasciste, ainsi qu'à la formation corrélative d'une autre volonté collective (plus réduite) en raison de l'organisation par le fascisme de certains groupes sociaux, en particulier la petite-bourgeoisie. Par-delà ce contexte historique déterminé, l'atomisation et la désorientation décrites dans ces lignes résonnent avec la désagrégation socio-politique contemporaine des subalternes.
Mais deux différences importantes méritent d'être soulignées. La première est que, même si la restauration néolibérale a impliqué des moments de lutte frontale et de répression (pensons à la fameuse grève des mineurs britanniques de 1984-1985, sans même parler du coup d'État de Pinochet), le processus d'atomisation des subalternes se déploie aussi, et peut-être surtout, d'une manière plus indirecte et insidieuse : « moléculaire », dirait Gramsci. Les effets de la désindustrialisation, du chômage, de la précarité, de la stigmatisation de l'activité syndicale, du sentiment d'impuissance politique, etc., rongent progressivement les organisations existantes et sapent ou fragmentent leurs bases sociales. Ces processus, en dépit de leur indéniable violence, se déroulent selon une temporalité nettement plus longue que la répression et la reconfiguration hégémonique fascistes qui, en quelques années, ont presque intégralement détruit le mouvement ouvrier. La seconde différence notable est que l'on ne constate pas à l'époque actuelle la formation d'une « nouvelle masse […], même d'un volume inférieur ».On pourrait objecter l'existence d'un « bloc bourgeois » qui se caractérise par une certaine homogénéité sociale et idéologique. Mais, même dans ce cas, les formes d'expression politique sont très fluctuantes, et ce bloc n'est pas structuré par des organisations de masse stables et consistantes – peut-être tout simplement car il n'en a pas besoin, les sommets de l'État jouant au fond ce rôle de représentant et d'organisateur. En d'autres termes, les transformations néolibérales « construisent une hégémonie par désagrégation plutôt que par adhésion », ce qui signifie notamment que, « loin de produire un imaginaire commun, [elles] clivent les classes et les groupes mais aussi les individus[8] ».
Par ailleurs, la configuration néolibérale présente des similarités avec l'américano-fordisme : dans ce cas, Gramsci met les processus socio-économiques au cœur de l'analyse, tout en précisant qu'ils s'accompagnent également d'une « propagande idéologique et politique très habile » et d'un usage parcimonieux de « la force (destruction du syndicalisme ouvrier à base territoriale)[9] ». La différence essentielle réside ici dans la nature des processus socio-économiques en question, puisque le fordisme se caractérise par des hauts salaires, qui permettent de recruter et de sélectionner une main-d'œuvre qualifiée, résistante et disciplinée, et qui sont à la fois un moyen et une conséquence de la modernisation technico-économique et de la rationalisation tayloriste.
Les causes et les modalités de la désagrégation des subalternes à l'époque de Gramsci et à la nôtre sont donc nettement différentes. Pour autant, certaines des réflexions générales qu'il énonce dans le cadre de ses analyses du fascisme conservent toute leur force :
- Le politique réaliste, qui sait combien il est difficile d'organiser une volonté collective, n'est pas facilement portée à croire qu'elle se reforme mécaniquement après s'être désagrégée. L'idéologue, qui comme le coucou a mis ses œufs dans un nid déjà prêt et ne sait pas construire de nids, pense que les volontés collectives sont un état de fait naturel, qu'elles naissent et se développent pour des raisons qui tiennent aux choses mêmes[10].
Gramsci prend pour exemple la nation italienne en 1848, qui n'existait qu'à l'état fragmentaire, et précise qu'elle n'était pas une « entité permanente qu'il fallait seulement pousser, par quelques artifices, à redescendre dans la rue[11] ». Mazzini l'avait cru à tort, tout comme il avait commis la faute politique de négliger la guerre de position ; les deux erreurs étaient étroitement liées. Il en va de même dans le cas non de la nation ou du peuple mais de ce sujet politique d'un autre type qu'est la classe ouvrière, ou plutôt l'alliance des classes subalternes sous la direction de la classe ouvrière. Même si elles ne sont jamais absolument désagrégées, fragmentées ou atomisées, et même si leurs luttes contre la domination bourgeoise ne sont jamais réduites à néant, il faut, pour rendre ces luttes cohérentes et former à partir d'elles une volonté collective, une activité hégémonique continue, que l'on peut considérer comme guerre de position. Cette dernière doit du reste être menée tout autant contre les classes dominantes qu'au sein des subalternes qu'il s'agit d'unifier sur des bases autonomes – tout cela formant un seul et même processus.
L'hégémonie aujourd'hui
On le sait, la question de l'unification des subalternes est aux yeux de Gramsci indissociable de celle de l'hégémonie. C'est en définitive derrière l'hégémonie du prolétariat que les subalternes en général pourront s'unifier et, réciproquement, cette hégémonie nouvelle ne pourra se réaliser intégralement qu'en triomphant de la domination bourgeoise, ce qui requiert précisément un haut niveau d'unification et d'organisation des subalternes.
Mais en quel sens peut-on encore parler d'hégémonie – et en particulier d'hégémonie du prolétariat – aujourd'hui ? Dans l'Italie des années 1920 et 1930, la stratégie hégémonique impliquait d'abord de tisser une alliance étroite et sur tous les plans – économique, politique, idéologique – entre une classe ouvrière moderne et ascendante et une paysannerie encore largement majoritaire, notamment dans le Mezzogiorno. Comprise en ce sens strict, la stratégie gramscienne semble moins adaptée aux pays capitalistes développés (l'Ouest) qu'à des pays où le développement capitaliste est peu avancé (du type de ceux qu'il appelait « périphériques[12] »), et qui se caractérisent par une paysannerie nombreuse. En tout cas, il n'y aurait pas lieu de répéter cette stratégie à l'identique de nos jours en France, où les agriculteurs sont très minoritaires. À cela s'ajoutent des interrogations légitimes sur la situation actuelle de la classe ouvrière, qui ne semble plus être une force sociale ascendante (dans les pays du centre), même d'un point de vue démographique. En France, d'après l'INSEE, le nombre d'ouvriers décroît régulièrement, est passé sous la barre des 20 % et est même inférieur à celui des cadres depuis 2020.
En revanche, les salariés constituent près de 90 % de la population.On trouve certes au sein de cet ensemble des groupes occupant des « positions de classe contradictoires » (selon l'expression d'Erik Olin Wright[13]) comme les cadres (dominés en tant que salariés ne possédant donc pas les moyens de production, mais dominants en raison de leurs fonctions hiérarchiques ou de leur niveau de vie). Pour autant, la majorité des salariés peuvent être comptés aux rangs des exploités, d'une manière ou d'une autre ; réciproquement, l'essentiel des exploités sont salariés, même s'il existe également une exploitation indirecte d'une grande partie des agriculteurs, ainsi que des petits artisans et commerçants (passant par des rapports marchands et/ou financiers)[14]. Les subalternes sont très largement des salariés – même s'ils ne se mobilisent pas forcément en tant que tels –, et sous cet aspect ils sont donc plus homogènes que du temps de Gramsci. Mais ils sont profondément fragmentés, à la fois objectivement et subjectivement, sous bien d'autres aspects : positions hétérogènes dans les rapports d'emploi capitalistes (salariés stables, précaires, chômeurs, futurs salariés en formation) ; différences juridiques de statut (public, privé, intérim, salariat caché des plateformes) ou de nationalité (Français, étrangers régularisés ou sans-papiers) ; divisions géographiques (grandes villes, banlieues, périurbain, campagnes, outre-mer colonial) ; effets de l'hétéropatriarcat, du racisme systémique ou encore de l'âge et des générations. À cela s'ajoutent bien sûr les écarts en termes de combativité, de conscience de classe, de positionnement politique, de visions du monde ou de modes de lutte et d'organisation collective.
Cette fragmentation n'est certes pas synonyme d'atomisation ou de désagrégation absolue, ni de passivité totale. Gramsci considérait déjà que, même au niveau le plus faible du rapport de forces politique, l'antagonisme n'est pas nul et qu'il existe des dynamiques collectives pour défendre des intérêts communs. Simplement, les intérêts en question sont des intérêts particuliers qui ne sont partagés que par des groupes sociaux étroits (telle profession, telle région, tel groupe identitaire, etc.) – étroitesse corporatiste qui sépare les subalternes, voire les oppose entre eux.
En France, des luttes massives et radicales se sont déroulées dans la dernière période : luttes contre des contre-réformes néolibérales (loi « travail » en 2016, réforme des retraites en 2019-2020 et 2022-2023), Gilets jaunes (2019-2020), luttes antiracistes (manifestations massives contre les violences policières, notamment), marches pour le climat, etc. Mais le fait que des liens organiques n'aient pas été tissés entre ces mouvements alors qu'ils se sont succédé à quelques mois d'intervalle et ont même parfois eu lieu simultanément montre l'incapacité des forces subalternes, sinon à dépasser un niveau purement corporatiste, du moins à parvenir jusqu'au plus haut niveau des rapports de force politiques – la « phase la plus nettement politique », le « moment hégémonique[15] ». Les luttes que l'on vient de citer sont tendanciellement liées à des secteurs sociaux différents, même s'ils ne sont évidemment pas étanches : le salariat stable ou de la fonction publique dans le cas des luttes du mouvement ouvrier organisé ; un salariat des services, souvent plus précarisé et féminisé, ainsi que des travailleurs exploités sous des formes non salariales, dans le cas des Gilets jaunes ; la jeunesse des classes moyennes pour les luttes écologistes ; la jeunesse racisée et des quartiers populaires dans le cas des luttes antiracistes (avec, bien sûr, de profondes différences selon que ces luttes prennent des formes émeutières, comme en 2005 ou en 2023, ou aboutissent à des manifestations classiques). Les différences entre ces mouvements résident donc dans la base sociale, le mode d'action et dans le caractère, formalisé ou non, des organisations qui les ont impulsés et dirigés.
En dépit d'appels fréquents à la convergence des luttes, celle-ci ne s'est que trop peu réalisée concrètement, à l'exception de quelques initiatives louables mais nettement minoritaires. Autrement dit, aucun des groupes sociaux en lutte n'a été en mesure d'exercer une activité hégémonique assez soutenue et conséquente pour tisser des liens organiques avec les autres et pour mettre en œuvre concrètement une alliance socio-politique dans la perspective de l'unification des subalternes. La responsabilité incombe notamment aux organisations existantes. Par exemple, l'attitude réticente voire hostile des directions d'une grande partie des syndicats – « réformistes » aussi bien que « contestataires » – à l'encontre du mouvement des Gilets jaunes a de toute évidence été une faute sociale et politique majeure, l'inverse même de ce que devrait être une politique hégémonique. Cela a constitué un obstacle à la dialectique avec la spontanéité des masses que des organisations œuvrant à l'émancipation des subalternes se doivent d'établir. Gramsci l'a écrit : « négliger et, pis, mépriser les mouvements dits spontanés, c'est-à-dire renoncer à leur donner une direction “consciente”, à les élever à un plan supérieur en les insérant dans la politique, […] peut avoir souvent de très graves et très sérieuses conséquences[16] ».
Toutefois, si l'on suit Gramsci, il serait illusoire de croire que ce soit seulement par l'activité collective au niveau syndical que peut se réaliser le passage au moment politico-hégémonique du rapport de force politique : c'est pour lui la tâche du parti. La taille trop modeste des partis politiques de la gauche révolutionnaire et même radicale, ainsi que l'insuffisance de leur ancrage social, ne peuvent que renforcer la logique objectivement corporatiste – car non coordonnées avec les autres – des luttes évoquées, quelles que soient les intentions des individus qui y prennent part. Il en va de même de la scission entre les intellectuels critiques ou progressistes et les masses, les intellectuels véritablement organiques des classes subalternes constituant une exception. En somme, il s'avère désastreux de négliger le moment de la construction organisationnelle, non bien sûr dans le sens de l'édification d'un appareil bureaucratique mais dans celui de la structuration organisationnelle des groupes sociaux subalternes visant à renforcer leur puissance. Cela requiert notamment de comprendre – en particulier dans ce qu'il a de contradictoire – le sens commun des groupes sociaux que l'on prétend organiser (représentations, opinions, aspirations, etc.), même s'il s'agit de le transformer.
Dans cette perspective, la stratégie gramscienne de guerre de position reste largement pertinente. Elle ne saurait se réduire à une guérilla institutionnelle dans les assemblées élues ou dans les médias, ni à une « longue marche à travers les institutions » (selon l'expression de Rudi Dutschke, parfois attribuée à tort à Gramsci), mais implique d'abord de lutter pour gagner ou renforcer des positions dans la société civile (y compris au sein des organisations de masse des subalternes, si leur ligne est insatisfaisante). On voit difficilement comment on pourrait dépasser la fragmentation des subalternes sans une guerre de position ainsi comprise, par exemple simplement en menant une campagne électorale réussie, en réunissant les suffrages populaires vers le tribun le plus talentueux. Non seulement il est douteux que l'on obtienne la victoire électorale à ces seules conditions, mais une victoire de ce type serait très précaire et ne suffirait sans doute pas à unifier véritablement les subalternes.
La guerre de position et l'activité d'élaboration d'une alternative hégémonique concrète et crédible, susceptible d'entraîner une partie conséquente des masses populaires et de faire converger durablement leurs luttes, ont nécessairement une dimension culturelle et intellectuelle. Si l'on aurait tort d'y réduire la conception gramscienne de l'hégémonie, l'élaboration et la diffusion de conceptions du monde nouvelles – dont le paradigme reste le marxisme –, ainsi que de représentations et sensibilités émancipatrices, jouent un rôle décisif dans les luttes des subalternes.Du reste, partager une même conception du monde, dans la mesure où cela rend possible une action commune cohérente, constitue déjà en soi un certain type d'organisation collective, bien qu'encore trop lâche[17].
Mais revenons à la configuration socio-économique actuelle. Comme pour Gramsci, le problème reste pour nous l'unification autonome des groupes sociaux subalternes et leur victoire contre le pouvoir du capital. Mais, en raison de la généralisation du salariat, de sa fragmentation et des transformations du capitalisme (tertiarisation, crises, etc.), il ne faut peut-être plus tant se demander, pour résoudre ce problème, quelle est la classe fondamentale qui doit établir son hégémonie sur d'autres classes alliées (le prolétariat industriel salarié sur la paysannerie) mais quels sont, au sein des masses dominées et exploitées, les pôles hégémoniques – les pôles d'attraction et de direction – en mesure d'œuvrer à l'unification autonome de ces masses et d'accroître la puissance de leurs luttes émancipatrices.
Dans le cas de la France, le mouvement ouvrier organisé semble toujours être le candidat le plus crédible pour jouer le rôle de pôle hégémonique principal, bien que cela suppose de surmonter les profondes limites des organisations syndicales et partidaires actuelles, et de défendre d'une manière concrète et résolue, outre les revendications de classe au sens strict, des revendications féministes, antiracistes, écologistes, etc., ce à quoi peut l'amener l'action d'autres pôles hégémoniques. On peut d'ailleurs considérer aussi ces revendications comme des revendications anticapitalistes et de classe, en un sens large. Plusieurs éléments laissent penser que le mouvement ouvrier organisé est le mieux placé pour jouer ce rôle de pôle hégémonique principal (mais non exclusif) : il est, par définition, organisé ; les organisations syndicales conservent une influence socio-politique importante (que montre leur capacité de mobilisation lors des mouvements sociaux), nettement plus forte que les autres organisations des subalternes ; certaines de ces organisations syndicales conservent une disposition à la conflictualité sociale significative (notamment si l'on compare la situation française à la plupart des autres sociétés capitalistes avancées) même si elle est limitée ; la plupart des organisations politiques en mesure d'œuvrer (même très partiellement) à l'unification autonome et à l'émancipation des subalternes (sachant que le niveau politique est décisif dans une dynamique hégémonique) entretiennent une multitude de liens (historiques, sociologiques, idéologiques, programmatiques, symboliques, dans les pratiques politiques quotidiennes, etc.) avec le mouvement ouvrier, bien qu'elles ne les revendiquent pas nécessairement avec insistance et que ces liens aient été beaucoup plus étroits par le passé.
Si telle est la situation en France, dans des pays et contextes différents, des forces et mouvements antiracistes, féministes, étudiants, paysans ou encore de nationalités indigènes sont sans doute plus à même de donner une impulsion décisive aux autres secteurs et de jouer un rôle de catalyseur ou de direction. Les pôles hégémoniques peuvent donc varier selon les situations. Par ailleurs, les activités hégémoniques de plusieurs pôles peuvent, et vraisemblablement doivent, se combiner et s'articuler de différentes manières. Enfin, le pôle hégémonique qui joue le rôle principal peut changer au cours du processus d'unification autonome des subalternes.
Tout cela signifie-t-il qu'il faille renoncer à la notion d'hégémonie du prolétariat ? Non, mais il convient de préciser la signification de cette expression. On l'a vu, il importe de discerner les différents pôles hégémoniques autour desquels peut se tisser l'unité des subalternes. Cela étant, l'établissement d'une hégémonie historiquement nouvelle, mettant fin au pouvoir bourgeois, est indissociable d'une transformation radicale de la société dans son ensemble. Or, dans un tel processus, les groupes sociaux qui remplissent des fonctions économiques essentielles et qui ont un intérêt à une telle transformation, donc en premier lieu le prolétariat (que l'on comprend ici au sens large d'ensemble des salariés exploités), doivent jouer un rôle central, à la fois pour pouvoir l'emporter contre les dominants (en utilisant l'arme de la grève) et pour pouvoir révolutionner la structure économique en lui donnant une orientation communiste et démocratique. On peut ainsi parler d'hégémonie du prolétariat dans la mesure où son unification autonome et son activité de transformation révolutionnaire de la structure économique sont des conditions fondamentales pour l'établissement d'une hégémonie d'un type nouveau, qui ne soit plus le corrélat d'une domination. Une telle unification du prolétariat ne saurait être comprise comme une homogénéisation abstraite, qui occulterait les oppressions spécifiques de genre ou de race et qui, par là même, les reproduirait. Et le processus d'unification du prolétariat lui-même met en jeu l'activité de pôles qui, situés au sein des masses subalternes, ne sont pas pour autant prolétariens au sens strict (dans le sens où les personnes participant à des mouvements antiracistes, féministes, étudiants, paysans, indigènes, etc., ne se mobilisent pas d'abord en tant que prolétaires dans de tels cadres).
Notes
[1] Houria Bouteldja a récemment proposé une théorisation d'inspiration gramscienne du racisme systémique et des luttes sociales et antiracistes en France dans Beaufs et Barbares. Le pari du nous, Paris, La Fabrique, 2023.
[2] Pour un recueil d'études issues de tradition des subaltern studies, voir Ranajit Guha et al., Subaltern Studies. Une anthologie, trad. fr. Fr. Cotton, Toulouse, L'Asymétrie, 2017.
[3] C16, § 12, p. 224.
[4] C25, § 2, p. 309, texte A en Q3, § 14, p. 300.
[5] C8, § 205, p. 374.
[6] Ibid.
[7] C15, § 35, p. 141-142.
[8] Isabelle Garo, « Le néolibéralisme et son monde. Remarques sur quelques analyses récentes », Contretemps, juillet 2017.
[9] C22, § 2 p. 183, texte A en Q1, § 61, p. 72.
[10] C15, § 35, p. 142.
[11] Ibid.
[12] Voir supra, chap. 6, p. 178-179.
[13] Voir Ugo Palheta, « Erik Olin Wright : reconstruire le marxisme », La Vie des idées, mars 2019.
[14] On laisse de côté ici la question de l'exploitation domestique et patriarcale (des femmes par les hommes, au sein du foyer), par exemple telle que Christine Delphy a pu la théoriser, qui demanderait une discussion à part entière.
[15] C13, § 17, p. 381, texte A en Q4, § 38, p. 457.
[16] C3, § 48, p. 296.
[17] Voir chap. 1, p. 27.
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La nostalgie du courage politique
Les 90 ans de Jean Chrétien et le décès de Brian Mulroney m'ont rappelé l'époque où nos dirigeants, tous partis confondus, osaient faire preuve de courage politique sur la scène internationale. Le premier ministre Justin Trudeau fait pâle figure face à ces prédécesseurs lorsque les compare.
Dernièrement, le haut-commissaire de l'Afrique du Sud au Canada a rendu hommage à Brian Mulroney en vantant le courage dont il avait preuve pour dénoncer l'apartheid, pour militer pour la libération de Nelson Mandela et pour imposer des sanctions contre l'Afrique du Sud. Il a encouragé Justin Trudeau à prendre exemple sur celui qui a contribué à briser l'hégémonie du Commonwealth sur le soutien à l'apartheid en tenant tête à Margaret Thatcher et Ronald Reagan.
Justin Trudeau pourrait aussi s'inspirer de Jean-Chrétien qui a refusé de joindre les efforts des États-Unis en Irak, au grand dam des États-Unis. Une décision qui lui vaut les louanges de toute la classe politique aujourd'hui.
Il pourrait aussi bâtir sur l'héritage de Lester B. Pearson ; celui qui a créé les opérations de la paix des Nations Unies et qui s'en est servi pour résoudre la crise du canal de Suez. Ses efforts lui ont valu le prix Nobel de la paix. Pourquoi ne pas redonner vie à ce corps pour trouver une solution à la crise en mer Rouge ?
Il pourrait même prendre exemple sur son père en critiquant l'état de siège contre Gaza, avec la même vigueur que Pierre-Elliott Trudeau l'a fait lorsqu'il critiquait l'embargo des États-Unis contre Cuba.
Le Canada n'a pas toujours fait figure de fantoche des États-Unis et d'Israël. Des anciens Premiers ministres ont pu faire preuve de courage politique, étaient guidés par des convictions et ont osé user de leur capital politique pour une cause qu'ils considéraient juste.
Cesser les exportations d'armes à Israël après que le cap des 30 000 victimes soit franchi et maintenant que la famine soit généralisée ne démontre pas le courage de nos politiciens, mais plutôt leur manque de conviction.
Chaque jour, le Premier ministre nous éloigne de la voix compatissante et constructive qu'il promettait au lendemain de sa première victoire lorsqu'il annonçait que le Canada est de retour sur la scène internationale. Près de 10 ans plus tard, le temps est venu pour le premier ministre de décider de l'héritage qu'il souhaite laisser le jour qu'il quittera la vie politique.
Rali Jamali
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"Si nous n’allions pas nous battre, la gauche cesserait d’exister en Ukraine"

Début février, nous nous sommes rendus dans l'est de l'Ukraine pour rencontrer le socialiste et historien ukrainien Taras Bilous, qui sert dans l'armée ukrainienne depuis le début de l'invasion massive par les troupes russes à quelques dizaines de kilomètres de la ligne de front.
Taras Bilous est l'un des représentants les plus visibles de la gauche ukrainienne, membre du Mouvement social (Sociaľnyj ruch) et rédacteur en chef du média en ligne Commons (Spiľne). Il est surtout connu à l'étranger pour ses essais Letter to the Western Left from Embattled Kiev et I Am a Ukrainian Socialist. Voici les raisons pour lesquelles je résiste à l'invasion russe.
L'entretien a été réalisé dans le cadre d'une publication à venir sur la scène antiautoritaire ukrainienne.
Nous nous rencontrons à l'extérieur de la base. Les discussions politiques ont-elles tendance à poser problème, même parmi les soldats de base ?
Le commandement ne censure pas les opinions des soldats du rang. Cependant, je sais par expérience que les discussions des subordonnés avec les médias, en particulier sur des sujets politiques, peuvent rendre les officiers subalternes nerveux. Il m'est arrivé qu'un commandant craigne de se faire taper sur les doigts pour mon interview, même si, en réalité, cette menace n'existait pas.
En outre, j'essaie d'éviter les discussions inutiles. Je n'annonce pas trop mes opinions politiques ou le fait que je suis historien pour ménager mes forces. Sinon, quelqu'un veut immédiatement que je parle du Kievan Rus ou que je pose des questions provocantes. Si je vois qu'il pourrait y avoir une collaboration militante avec cette personne à l'avenir, alors je commence à lui parler.
Est-il difficile de travailler avec des personnes qui ont des opinions différentes ?
Les opinions ne me dérangent pas dans ce contexte. Les gens sont vraiment différents ici, mais on a rarement l'occasion de discuter de questions politiques générales. En revanche, sur les questions qui affectent directement nos vies et notre service militaire, comme la haute direction, nous trouvons assez facilement un terrain d'entente. Le facteur humain est un problème beaucoup plus important dans l'armée. Certains officiers donnent des ordres stupides qui entraînent des morts inutiles. Tout soldat ayant servi au moins six mois vous racontera plus d'une histoire de ce genre.
Quant aux soldats du rang, ils se sont tous ressaisis au cours des premiers mois, mais aujourd'hui, après deux ans, la fatigue s'est installée. En Occident, nombreux sont ceux qui pensent qu'avec la fatigue, notre volonté de combattre va progressivement s'émousser. Cependant, ce n'est pas parce que nous sommes fatigués qu'il n'est pas important que nous continuions à résister. Mais comme je l'ai dit, les gens sont différents ici. Certains, malgré les actions des officiers, comprennent que nous devons continuer à travailler et à pousser. Et d'autres... Une fois, j'ai servi avec un soldat d'une autre compagnie et nous avons passé quatre jours dans une tranchée qui s'effondrait. J'ai commencé à la réparer et le soldat m'a dit : "Ne me raconte pas de conneries. Demande au commandant de liaison de venir et de réparer la tranchée lui-même."
Malgré une détermination commune à continuer de résister à l'agression russe, les gens s'interrogent individuellement : "Pourquoi devrais-je être celui qui se sacrifie ?" Si les dirigeants ont fait une erreur de calcul, pourquoi les simples soldats devraient-ils le payer de leur vie ? Et cela vaut aussi pour les civils, dont la volonté de s'enrôler diminue. Même certains de mes amis qui ont essayé de s'engager en 2022 et qui n'ont pas été incorporés tentent aujourd'hui d'échapper à la mobilisation. Ce n'est pas tant la peur qui est en cause que certaines pratiques absurdes qui ont cours dans l'armée et que tout le monde connaît. Ils auraient pu les changer il y a longtemps, mais à quelques exceptions près dans quelques unités distinctes, ils ne l'ont pas fait.
En 2022, vous avez décidé de rejoindre l'armée alors que vous n'aviez aucune expérience du combat après 2014. Ces deux étapes de la guerre sont-elles différentes pour vous ?
En 2014, il s'agissait d'une guerre de territoire. Certains voulaient vraiment rejoindre la Russie, même s'ils étaient minoritaires. Un nombre assez important de personnes ayant des opinions pro-russes voulaient rester en Ukraine, mais souhaitaient la fédéralisation de Donetsk et de Luhansk. Cependant, le pourcentage de la population du Donbass qui défend ce point de vue peut être longuement débattu, et il a évolué au fil du temps. À la veille de l'incursion des troupes russes en 2022, une enquête menée dans le Donbass a montré que le bien-être était plus important pour la plupart des gens que l'État dans lequel ils vivraient - l'Ukraine ou la Russie. Cela vaut pour les deux côtés du front, même si, au fil des ans, l'écart d'opinion entre les deux parties du Donbas s'est creusé. Ce sont des gens qui se sont habitués à une double identité, pour ainsi dire. Quand ils vont à Lviv, ils sont pro-Moscou, et quand ils sont à Moscou, ils sont pro-Khokhly. En 2014, la guerre a été déclenchée par le Russe Igor Girkin (en tant que commandant militaire de la République populaire de Donetsk) et plus tard cette année-là, les troupes russes se sont jointes à l'invasion. Mais de nombreux habitants qui, pour diverses raisons, ont décidé de se battre contre l'armée ukrainienne se sont également joints à eux.
À cette époque, la guerre a eu un effet complètement différent sur moi. Elle a tué le nationalisme en moi.
Mais en 2022, il s'agissait déjà d'une invasion ouverte de régions comme Kiev, où personne n'accueillait l'armée russe. De même, le sud, Kherson, la région de Zaporozhye, où la plupart des gens veulent retourner en Ukraine. En ce sens, il s'agit d'un autre type de guerre et tout est beaucoup plus simple.
Ressentez-vous directement l'influence de cette "double identité" parmi vos camarades de combat ?
Il y a des opinions différentes partout, même au sein de l'escouade. Par exemple, mon commandant de compagnie actuel a apparemment soutenu les anti-Maidan au printemps 2014. J'ai des relations tendues avec lui, donc je déduis davantage de la façon dont il argumente lors de conversations avec d'autres officiers. Selon lui, les habitants de l'est de l'Ukraine n'aimaient pas Maïdan, ils ont donc exigé la fédéralisation, mais le gouvernement n'était pas disposé à accepter des négociations. Cependant, depuis que le groupe de Girkin (des séparatistes soutenus par des soldats russes, note de l'auteur) s'est emparé de la ville de Slovyansk en 2014, il affirme qu'il s'agit d'une opération des services de renseignement russes. Il n'apprécie pas non plus les activistes linguistiques qui veulent que nous passions tous à l'ukrainien. La plupart des membres de mon unité sont originaires des régions orientales et, d'après ce que j'ai entendu, ils n'aiment pas les nationalistes. Certaines de mes connaissances ont également servi dans des unités composées d'anciens "Berkutsiens" (membres de l'ancienne police anti-émeute) qui ont défendu le régime de Yanukovych pendant le Maidan et n'ont pas changé d'avis à ce sujet. En même temps, ils défendent l'Ukraine contre l'agression russe.
Et quel poste occupez-vous ?
Pendant les deux premières années de l'invasion totale, j'ai servi principalement en tant qu'aiguilleur. En pratique, il s'agissait d'un travail assez varié - tantôt derrière un ordinateur, tantôt en train d'installer des radios et de distribuer des câbles de communication. Le plus souvent, en tant qu'aiguilleurs, nous maintenions des patrouilles dans des tranchées situées à plusieurs kilomètres du "zéro" (le zéro est la ligne de contact, note de l'auteur). Nous fournissons un canal de communication de secours pour les gars au point zéro. Si, par exemple, le canal général de communication tombe en panne ou que le signal ne leur parvient pas, nous sommes là en tant qu'intermédiaire.
Aujourd'hui, mon travail a changé, je sers dans un bataillon de reconnaissance, mais ce que je fais exactement, je préfère ne pas le dire publiquement.
Dans le milieu de la gauche tchèque, la solidarité avec les civils et les réfugiés est forte, mais il y a encore peu de compréhension pour la résistance armée, un malentendu sur l'engagement volontaire dans l'armée et des demandes pour arrêter la fourniture d'armes. Qu'en pensez-vous ?
Lorsque vous ressentez l'invasion pour vous-même, cela vous change. Comme l'a dit l'un de nos rédacteurs, il est beaucoup plus facile d'établir des priorités dans ces moments critiques. Il y a beaucoup de choses qui sont importantes pour vous dans la vie de tous les jours. Mais lorsque votre propre vie est en jeu, elle devient l'élément principal et tout le reste passe au second plan. Cela permet de s'aérer un peu l'esprit.
Dans les premiers jours de l'invasion, j'ai compris que l'avenir du mouvement de gauche en Ukraine dépendait de notre participation active à la guerre. Nous sommes largement jugés sur nos actions dans des moments aussi critiques. Nous ne sommes déjà pas très influents et si nous n'étions pas allés nous battre à ce moment-là, tout se serait effondré. La gauche aurait cessé d'exister en tant qu'entité en Ukraine. Pour certaines raisons, j'étais et je suis toujours l'un des représentants les plus visibles du mouvement de gauche, et j'ai donc une responsabilité non seulement pour moi, mais aussi pour les autres. C'était aussi plus facile pour moi, je ne suis pas marié, je n'ai même pas d'enfants.
Lorsqu'on me demande pourquoi j'ai décidé de rejoindre l'armée, je n'aime pas répondre aux médias. Pour tout dire, je n'étais pas sûr de faire un bon soldat. Et c'est l'une des raisons pour lesquelles je ne m'y suis pas préparé. Je pensais être plus utile dans d'autres domaines, comme la rédaction d'articles. Honnêtement, je ne suis toujours pas Dieu sait quel type de soldat (rires). Mais j'apprends petit à petit et nous verrons bien. J'ai encore au moins une année entière devant moi.
Depuis le début de l'agression russe à grande échelle, vous avez écrit deux articles influents , Lettre à la gauche occidentale depuis Kiev envahie et Je suis un socialiste ukrainien. Voici les raisons pour lesquelles je résiste à l'invasion russe, qui ont été traduites dans plusieurs langues, dont l'anglais. Est-il possible de continuer à écrire dans des conditions de guerre ?
Depuis le début de l'invasion, je n'ai pu écrire de manière concentrée qu'au cours des premiers mois, lorsque j'en avais la force. Il y avait plus de temps. L'adrénaline est devenue complètement incontrôlable au cours des premiers mois. Je n'ai jamais eu autant de facilité à écrire de ma vie. D'habitude, je me torture à formuler chaque phrase, mais cette fois-là, je me suis assis et j'ai écrit un article en une demi-journée. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Je n'ai ni l'énergie ni la confiance nécessaires. Je suis plus critique maintenant, et j'évalue tout.
Vous avez mentionnédans l'interview qu'il n'est pas certain de ce qu'il adviendra de la population pro-russe des régions de Donetsk et de Louhansk et de la Crimée une fois que ces territoires seront libérés. Quelles seront les relations avec cette partie de la société ? Que se passera-t-il ?
Nous avons déjà des zones libérées, c'est-à-dire que nous avons une pratique que nous pouvons analyser. Par exemple, une de mes connaissances, journaliste et ancienne activiste de gauche qui a fui la Crimée en 2014 pour se rendre en Ukraine, travaille actuellement sur des questions de collaboration à Londres. Les gens y sont souvent jugés injustement.
Il y a, bien sûr, des cas de ceux qui ont participé activement à la répression, et ils doivent certainement être condamnés. Mais il y a aussi des cas où l'Ukraine juge de façon manifestement injuste, par exemple, un électricien des services techniques qui a maintenu les conditions de vie des gens ordinaires à Lyman pendant l'occupation. Mais il existe également une vaste zone grise où les choses ne sont pas aussi claires. L'expression "État de droit" ne s'applique pas tout à fait à l'Ukraine, compte tenu des nombreux problèmes que connaît le système judiciaire dans ce pays. Malgré tout, la répression et le respect des droits de l'homme dans les territoires occupés et en Ukraine sont incomparables.
Le discours du courant dominant ukrainien sur les régions orientales est également quelque peu schizophrène en ce qui concerne la population locale. D'une part, les gens les considèrent comme "nôtres", d'autre part, ils les considèrent tous comme des "séparatistes". Il n'y a tout simplement pas de récit cohérent sur ce qui s'est passé en 2014. De plus, si vous allez au-delà d'un certain niveau d'acceptabilité lorsque vous décrivez ces événements, vous êtes considéré comme un séparatiste. À cet égard, je n'aime vraiment pas la façon dont tout cela fonctionne en Ukraine.
Vous avez écrit sur le fait que le gouvernement Zelensky met en œuvre des politiques néolibérales pendant la guerre. En même temps, vous estimez que Zelensky était le candidat le plus centriste, ou du moins le plus éloigné de la droite radicale. Nous aimerions savoir comment cela a évolué au cours des deux dernières années. Comment l'électorat perçoit-il cela ? Y a-t-il des changements à ce niveau ?
Oui, il y a des changements. À l'époque, je voulais dire que, parmi les hommes politiques qui ont une chance de devenir président de l'Ukraine, Zelensky est le plus modéré en termes de nationalisme. Il n'y a pas eu de changement à ce niveau jusqu'à présent. Cependant, le consensus général a évolué vers plus de nationalisme. Et Zelensky a également évolué dans cette direction. Mais on pourrait aussi trouver des politiciens dans le spectre actuel qui seraient plus ouverts envers la population russophone, mais ils n'ont aucune chance de remporter l'élection présidentielle.
Il me semble également que certains membres de la gauche occidentale ne comprennent pas qu'une position ouverte sur les questions linguistiques n'est pas synonyme d'un programme généralement progressiste. De mon point de vue, il s'agit souvent d'une stratégie des populistes pour récupérer les anciens électeurs des partis pro-russes.
Zelensky a passé la première année et demie de son mandat à essayer de parvenir à la paix dans le Donbass et les larbins de Porochenko le blâment toujours. Au cours des premiers mois de l'invasion, il s'est à nouveau adressé au public russe dans ses discours. Comme beaucoup d'Ukrainiens, il espérait que les Russes finiraient par se soulever. À un moment donné, il a rompu le bâton à ce sujet et a soutenu la demande de ne pas délivrer de visas aux Russes et de leur interdire l'accès à l'Europe.
À l'automne 2022, Poutine décrète la mobilisation et Zelensky s'adresse à nouveau aux Russes en russe. À ce moment-là, le courant principal ukrainien a suffisamment évolué pour franchir la ligne autorisée. Dans ces moments-là, il est évident que les politiques de Zelensky sont de plus en plus inclusives par rapport au courant politique ukrainien dominant. Alors, oui, nous avons de la chance que les choses se soient passées de cette manière.
En même temps, cela n'enlève rien au fait que Zelensky est un trou du cul sur de nombreux sujets. Plus récemment, par exemple, dans la manière dont il a abordé la question de la Palestine. Il s'agit de la manière dont il répond aux critiques, dont il rivalise avec ses rivaux politiques et dont il concentre le pouvoir médiatique. Lui et ses proches collaborateurs sont des gens du spectacle et ils adoptent une approche très professionnelle pour capter l'humeur du public.
Par exemple, dans les premiers jours de l'invasion russe, ils ont combiné les informations télévisées de toutes les chaînes en un téléthon commun. À l'époque, c'était adapté à la situation ; personne ne pouvait assurer seul une telle couverture de l'actualité. Il aurait dû être aboli depuis longtemps, car il limite la liberté d'expression, mais il ne l'abolit pas. Il n'y a que des connards et des idiots. Et nous avons toute une liste de leurs politiques totalement inadaptées.
Qu'en est-il de la représentation de la gauche sur le Maïdan ? Vous ne faisiez pas partie du mouvement de gauche à l'époque. Pourriez-vous décrire le contexte de l'époque ?
Je suis ambivalent à ce sujet. J'étais au Maïdan, mais je n'aime pas le pathos qui l'entoure. J'étais activiste avant le Maïdan. Quelques mois auparavant, nous avons essayé d'organiser une manifestation sur l'éducation. Nous avons distribué des tracts sur le campus, mais les gens étaient très passifs. Mais dès que le Maïdan a commencé, les mêmes personnes qui, quelques mois auparavant, disaient que cela n'avait pas d'importance ou quelque chose d'aussi cynique, se sont soudain passionnées pour la cause et ont tenu des discours tellement révolutionnaires que j'en suis resté bouche bée. (Rires)
Je ne savais pas à l'époque que les gens changeaient soudainement lors des grands soulèvements. Maidan est une histoire de résistance à l'État, à l'appareil répressif, mais aussi de solidarité. Mais lorsque la manifestation est entrée dans une phase violente, la participation à la violence a changé les gens, ce qui m'a mis mal à l'aise. Je suis originaire de Luhansk, et dès le premier jour, j'ai observé ce qui s'y passait. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai vécu Maïdan différemment de mes camarades de classe et de mes amis de Kiev. Dès le début, j'ai eu peur que les choses tournent mal dans le Donbas. Malheureusement, cela s'est avéré vrai.
Je suis devenu gauchiste au milieu de tout cela, en 2014, alors que la gauche occidentale n'était pas au mieux de sa forme. En fait, la gauche ukrainienne était en décomposition à cause des mêmes problèmes que ceux que nous attribuons aujourd'hui à l'Occident. La réaction de la gauche occidentale est généralement meilleure aujourd'hui qu'en 2014, notamment parce que l'agresseur est désormais clairement identifié. Malgré cela, dans les premiers jours de l'invasion, j'ai estimé qu'il était nécessaire d'obtenir de l'aide d'ici pour expliquer quoi et comment, afin que nous puissions mettre fin immédiatement aux réactions erronées. Je pensais, à ma manière exagérée, que les Occidentaux allaient se réveiller.
Aujourd'hui, je vois à quel point j'ai été naïf et que j'ai sous-estimé l'ampleur du problème. En même temps, j'avais déjà eu l'expérience de 2014, suffisamment pour ne pas être trop surpris par la réaction de la gauche occidentale. Mais nous avons aussi des membres plus jeunes qui sont entrés dans le mouvement de gauche au cours des dernières années avant l'invasion, et pour certains d'entre eux, cela a été un choc.
Dans l'un de vos articles, vous abordez le droit à l'autodétermination et critiquez les arguments selon lesquels l'invasion de l'Ukraine est un simple conflit par procuration. Selon vous, une partie de la gauche radicale adopte même une position plus "impérialiste" sur cette question que, par exemple, les responsables américains. Comment cela se manifeste-t-il et d'où vient-il selon vous ?
Les préjugés à l'égard de l'Ukraine, la perception non critique de la Russie, etc. ont été exploités. Outre l'arrêt des livraisons d'armes, que veulent réellement de nombreux gauchistes anti-guerre ? Ils veulent que les États-Unis et la Russie concluent un accord sans tenir compte des opinions de ceux qui vivent ici. De telles solutions n'ont rien à voir avec les valeurs de la gauche. Elles impliquent une certaine acceptation du néoréalisme dans les relations internationales, ce qui montre que la gauche n'a pas développé d'approche commune consensuelle sur ces questions.
Le seul consensus est probablement le droit à l'autodétermination des peuples, mentionné plus haut, mais dans le cas de l'Ukraine, une partie de la gauche l'a soudainement oublié. Lorsqu'il s'agit d'une situation critique, des personnes par ailleurs raisonnables écrivent soudain des conneries.
Dans ce cas précis, les États-Unis disent en substance que l'Ukraine peut décider quand et dans quelles conditions elle mettra fin à sa résistance. Cependant, dans le cas de nombreux autres conflits armés dans le monde, c'est le contraire qui est vrai avec le soutien au droit à l'autodétermination. Du moins dans les pays du Sud. Ou maintenant que la gauche occidentale soutient la Palestine et que les États-Unis soutiennent Israël. Nous, Ukrainiens, avons également publié une lettre de solidarité avec les Palestiniens. Cependant, la gauche occidentale soutient la Palestine de diverses manières. Je suis frappé de voir que ce sont souvent les mêmes gauchistes occidentaux qui ont poussé les hauts cris contre l'extrême droite ukrainienne au cours de l'année et demie écoulée qui soutiennent aujourd'hui le Hamas sans esprit critique. Je ne peux alors plus prendre au sérieux aucune de leurs déclarations sur l'hypocrisie de l'Occident.
Il me semble qu'il y a une certaine moralisation dans cette position ?
Oui. Et ce malgré le fait qu'il y ait eu beaucoup de critiques féministes au cours des dernières décennies qui condamnent à juste titre le discrédit des femmes en tant qu'êtres émotionnels et non-objectifs. Dans le cas de la guerre, elles projettent cette "émotivité" sur nous, les Ukrainiens. Bien qu'il n'y ait rien de mal à cela. Le contraire de l'émotivité n'est pas la rationalité, mais l'indifférence. Et puis vient le moment de rompre le pain, et la gauche oublie tout cela. Cependant, le principal problème me semble évident, et c'est la confusion entre l'anti-impérialisme et l'anti-américanisme. Tous les conflits sont vus sous l'angle de l'opposition aux États-Unis.
Une autre chose qui me surprend encore est la confusion entre la Fédération de Russie et l'Union soviétique. Bien que nous puissions discuter de l'Union soviétique et de l'évaluation qu'il convient d'en faire, la Russie de Poutine n'est en aucun cas l'Union soviétique. À l'heure actuelle, il s'agit d'un État totalement réactionnaire. Il est impossible de ne pas remarquer combien d'écrivains de gauche glissent de temps à autre dans leurs textes qu'ils considèrent toujours la Russie comme l'Union soviétique. Et ce, même s'ils reconnaissent rationnellement que le régime de Poutine est réactionnaire, conservateur, néolibéral, etc. Et puis, boum, soudain, ils lâchent quelque chose comme quoi le soutien des États-Unis à l'Ukraine est une sorte de revanche contre la Russie pour la révolution bolchevique. Eh bien, merde (rires).
Quel conseil donneriez-vous à la gauche occidentale ?
Une grande partie de la gauche a adopté une position totalement inadéquate. Ceux qui passent leur temps à défendre l'Ukraine font, après tout, ce qu'il faut. La gauche est en crise partout. C'est juste que quelque part elle est complètement foutue, comme ici, et que quelque part elle va mieux, comme en Occident. Si je devais donner un conseil général, je recommanderais d'accorder moins d'attention à la position abstraite qui est correcte, et de se concentrer davantage sur l'action pratique pour nous aider à sortir du trou dans lequel nous nous trouvons.
Même au sein de notre propre organisation, jusqu'en 2022, nous avons adopté des positions différentes sur la guerre dans le Donbas. Il était parfois difficile de les concilier. Pour ne pas aggraver la situation, nous nous sommes souvent censurés.
L'un de mes arguments est qu'il ne faut pas se disputer sur des choses que nous ne pouvons pas influencer. Les gens de gauche se sentent souvent condescendants, ils se considèrent comme raisonnables et critiques. Pourtant, de l'intérieur, il suffit d'examiner à quel point il s'agit d'un discours passe-partout. Par exemple, la façon dont ils articulent leur position et leur stratégie dans les débats. Au lieu d'analyser des conditions spécifiques, il s'agit souvent d'une répétition de modèles tirés d'un contexte et d'une époque complètement différents, qui ne correspondent pas du tout à la situation. Nous devons nous éloigner de ces modèles. Par exemple, le marxisme n'est pas un dogme, mais pour une raison quelconque, trop de marxistes réduisent en pratique le marxisme à une simple répétition de dogmes établis. "Pas de guerre sauf la guerre des classes", etc.
Une situation révélatrice s'est produite lorsqu'une délégation allemande de Die Linke est venue au Bundestag au printemps dernier. Jusqu'alors, leur position sur les livraisons d'armes était totalement négative. À leur départ, le président du groupe a déclaré qu'ils avaient reconsidéré certaines de leurs positions après leur expérience à Kiev. Par exemple, le fait que les Ukrainiens ont clairement besoin d'une défense antimissile. La même défense antimissile qu'ils avaient refusé de fournir jusqu'alors les protégeait déjà à Kiev. Ainsi, plus d'un an après l'invasion, ils ont réalisé à quel point elle était nécessaire. Il leur a fallu beaucoup de temps pour comprendre cela, et il leur reste encore beaucoup de choses à comprendre. (Rires) Mais il s'agit là d'un minimum.
Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez dire à la gauche tchèque, par exemple en ce qui concerne le pacifisme extrême que vous avez mentionné ?
La gauche tchèque a l'expérience historique de la répression du Printemps de Prague, et je ne comprends donc pas pourquoi elle ne comprend pas notre défi. Peut-être est-ce dû à une dépendance excessive à l'égard de la théorie de la gauche occidentale. Franchement, c'était exactement la même chose dans notre pays et, à certains égards, c'est encore le cas aujourd'hui. Après 1989, la situation de la gauche en Ukraine était très déprimante et nous nous sommes d'autant plus tournés vers les auteurs occidentaux. Chez Commons, nous faisons aussi des traductions. Mais à un certain niveau, on comprend et on sent que nous avons besoin d'une sorte de décolonisation de nous-mêmes. Le 24 février 2022, jour de l'invasion russe, est également devenu un moment d'émancipation intellectuelle pour nous. Il faut être plus critique par rapport à ce qu'écrivent les auteurs occidentaux, dont nous avons beaucoup appris et que nous admettons ouvertement, mais nous avons un contexte un peu différent. Nous ne devons pas avoir peur de regarder les choses d'un point de vue local, y compris les idées des auteurs occidentaux de gauche.
Dans cet environnement gauchiste, nous nous sommes aussi souvent contentés, à notre détriment, de répéter les points de vue de la gauche occidentale. Les deux fléaux de la politique de gauche contemporaine sont, d'une part, la reconstruction historique et, d'autre part, l'adoption de tendances. Les gens lisent des auteurs centenaires et, l'un après l'autre, se réclament du marxisme ou du féminisme. Le monde a beaucoup changé et les gens les lisent trop littéralement, même s'ils ne correspondent plus vraiment aux conditions actuelles.
Deuxièmement, il s'agit d'un culte de l'adoption de certaines guerres culturelles ou sous-cultures occidentales à la mode. En 2016, deux militants de gauche ont décidé de scander le slogan "De l'argent pour l'éducation, pas pour la guerre" lors d'un événement en Ukraine. Seulement, ils l'ont fait dans un contexte complètement différent, en Italie, qui a été impliquée dans des agressions impérialistes.
Dans notre cas, l'Ukraine est avant tout une victime de l'agression d'un autre État. En bref : ce fut un désastre. Les conséquences pour la gauche locale ont été tout simplement terribles. Nous étions déjà dans une situation difficile après 2014, et cette seule action, ce seul slogan, n'a fait qu'empirer les choses. Alors oui, nous avons aussi fait beaucoup d'erreurs. Il est vrai que certains d'entre nous ont également tiré de mauvaises conclusions. Nous avons aussi beaucoup à apprendre. Mais en même temps, nous avons appris certaines choses d'une expérience amère.
Entretien réalisé par Polina Davydenko et publié le 13 avril 2024 dans : https://a2larm.cz/2024/04/kdybychom-nesli-bojovat-levice-by-v-ukrajine-prestala-existovat-rika-taras-bilous/
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)
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Les vertus écologiques de la baisse du temps de travail

La réduction du temps de travail est une revendication de longue date des écologistes. Elle induit plus de temps pour s'occuper de soi et des autres, et nous pousse à nous interroger : de quoi avons-nous réellement besoin ?
• Une enquête diffusée en partenariat avec l'émission La Terre au carré, de Mathieu Vidard, sur France Inter.
10 avril 2024 | tiré de reporterre.net
Une semaine « en » quatre jours, oui. Travailler moins ? Certainement pas. « Je suis contre la réduction du temps de travail », a bien précisé le Premier ministre, Gabriel Attal, lors de son intervention sur TF1 mercredi 27 mars. Il commentait l'expérimentation de la semaine en quatre jours dans la fonction publique, annoncée par le gouvernement. Il s'agit d'une compression du temps de travail et non pas d'une réduction. L'heure n'est pas à la victoire pour les partisans de semaines plus allégées, comme les syndicats CGT et Solidaires, qui plaident pour les 32 heures depuis des années. Cette expérimentation est tout de même l'occasion de rouvrir les débats sur le temps de travail salarié. Est-ce que l'augmentation du temps libre est une condition pour mieux préserver la planète ?
La réduction du temps de travail — aussi appelée « RTT » — est « avant tout une revendication portée par le mouvement ouvrier », rappelle l'historien Willy Gianinazzi. Mais « les pionniers de l'écologie politique en France », comme le philosophe André Gorz et l'agronome et homme politique René Dumont, l'ont aussi préconisée dès les années 1970. « Gorz a défendu la réduction du temps de travail dans une optique de décroissance », dit Willy Gianinazzi. Travailler moins pourrait, selon Gorz, permettre d'avoir plus de temps à consacrer à des activités non marchandes, en harmonie avec la nature.
Le temps retrouvé
La réduction du temps de travail est depuis toujours une revendication des écologistes en France. « À l'époque de la réforme des 35 heures [au début des années 2000], les Verts prônaient déjà la semaine de 32 heures », souligne Willy Gianinazzi. Et les Écologistes continuent de la réclamer aujourd'hui. La députée écolo Sandrine Rousseau revendique même un « droit à la paresse ». Une référence au célèbre ouvrage du même nom de l'essayiste Paul Lafargue, publié en 1880. « La vie ne se résume pas au travail », expliquait encore l'élue récemment sur LCI.
Dans Paresse pour tous (Le Tripode, 2021) et La Vie est à nous (Le Tripode, 2023) l'écrivain sous pseudonyme Hadrien Klent décrit une France dans laquelle on ne travaille plus que trois heures par jour. « La paresse, ce n'est ni la flemme, ni la mollesse, ni la dépression. La paresse, c'est tout autre chose : c'est se construire sa propre vie, son propre rythme, son rapport au temps – ne plus le subir. La paresse au XXIe siècle, c'est avoir du temps pour s'occuper de soi, des autres, de la planète », écrit-il.
Du temps libre pour s'occuper de la planète, c'est, par exemple, prendre le temps de réparer plutôt que d'acheter du neuf, cuisiner ou fabriquer ses produits d'entretien, participer à des initiatives de type Association pour le maintien d'une agriculture paysanne (Amap), prendre le vélo ou le train plutôt que la voiture, etc.
« La paresse, c'est avoir du temps pour s'occuper de soi, des autres, de la planète »
En tout cas, des études montrent que les usages du temps dégagé par un troisième jour libre dans la semaine « sont davantage des usages de sobriété que des usages de consommation », explique le sociologue Jean-Yves Boulin, spécialiste du travail et de l'emploi, interrogé par Ouest France. « Les gens vont prendre le temps d'être en famille, de jardiner, de cuisiner… En cela, ce n'est pas quelque chose qui va dans le sens d'une augmentation de la consommation carbonée. »
À l'inverse, les longues journées de travail seraient synonymes de plus de dégradations environnementales. Selon une étude des économistes Francois-Xavier Devetter et Sandrine Rousseau, les personnes travaillant beaucoup et ayant un salaire élevé consomment plus de biens et d'énergie. La corrélation entre le nombre d'heures de travail et la consommation est notamment significative concernant les dépenses dans le logement, les hôtels et restaurants et les transports, des secteurs particulièrement polluants.
Lire aussi :Retraites : la vie ne se réduit pas au travail, affirme la pensée écologique
Les personnes qui travaillent beaucoup prennent moins les transports en commun. Elles mangent plus souvent à l'extérieur et plus souvent des produits congelés ou tout préparés. Elles font des activités plus axées sur la consommation, qui marquent une position dans la société tout en demandant peu de temps.
Travailler moins et produire moins
Aujourd'hui, 10 000 salariés en France travaillent quatre jours par semaine — le plus souvent à 35 heures. « L'écologie n'est pas l'aspect le plus mis en avant par les employeurs et les salariés », précise Pauline Grimaud, sociologue postdoctorante au Centre d'études de l'emploi et du travail (CEET-Cnam), qui étudie actuellement les entreprises qui ont mis en place la semaine de quatre jours. Leurs motivations premières affichées sont « l'articulation des temps sociaux, le bien-être et la productivité », explique-t-elle. « Cela permet de garder les salariés. »
Mais surtout, les entreprises qui accompagnent la semaine de quatre jours d'une baisse du temps de travail sont d'ailleurs « marginales », selon Pauline Grimaud. La plus connue est la société d'informatique LDLC, passée à la semaine de 32 heures, sous l'impulsion de son médiatique patron, Laurent de la Clergerie. Dans un entretien à Sud Ouest, ce dernier se réjouit d'avoir des salariés « qui travaillent plus efficacement tout en étant beaucoup moins stressés ». Dans un reportage deFrance Culture sur un site de LDLC près de Nantes, Antony raconte que son jour libéré lui permet d'avoir plus de temps pour ses travaux et pour passer du temps avec son fils.

Travailler moins permettrait, selon André Gorz, d'avoir plus de temps à consacrer à des activités non marchandes, en harmonie avec la nature. © Mathieu Génon / Reporterre
Plus de productivité, ce n'est pas en tout cas pas ce que réclament les défenseurs de la réduction du temps de travail version écolo. Au contraire, elle doit être l'occasion de questionner la finalité du travail. « Il faut s'interroger sur le pourquoi du travail. Qu'est-ce qu'on produit ? Pourquoi ? Pour qui ? », observe l'économiste Jean-Marie Harribey, ardent défenseur de la RTT depuis plusieurs décennies. « Le capitalisme mondial épuise la nature. Il faut affecter les capacités humaines à autre chose que produire toujours davantage », dit-il. « Il faut sortir du cercle vicieux travail-production-consommation, de plus en plus dévastateur pour la planète », avance de son côté le philosophe Arnaud François, auteur de l'ouvrage Le travail et la vie (Hermann, 2022). Autant pour préserver le vivant que pour réduire la souffrance sociale, Arnaud François estime qu'il faut « s'interroger sur ce qui fait véritablement besoin au niveau mondial » et « ne produire et travailler qu'en conséquence ».
De quoi avons-nous besoin ?
Reste à se mettre d'accord sur ce qui fait vraiment « besoin ». Le débat est à peine amorcé. Et se mettre d'accord, aussi, sur la manière de financer la réduction du temps de travail. Sur ce point, les propositions diffèrent. « Il faudrait, en même temps, réduire les inégalités de revenus à l'avantage des plus pauvres. Et pour éviter un trop gros effet rebond, c'est-à-dire une augmentation de la consommation, il faut ponctionner les hauts salaires pour améliorer les services publics », estime Jean-Marie Harribey. Dans Paresse pour tous (Le Tripode, 2021), le fictif « candidat de la paresse » à l'élection présidentielle Émilien Long estime qu'il est « économiquement viable d'avoir des journées de travail de trois heures de travail », si on taxe les heures supplémentaires, les revenus du capital et les multinationales du numérique, et en limitant les écarts de salaire dans un ratio de 1 à 4.
Dans Travailler moins, travailler autrement ou ne pas travailler du tout (Rivages, 2021), le théoricien de la décroissance Serge Latouche écrit, lui, que, pour être efficace, la RTT devrait « être massive » et, bien sûr, accompagnée de tous les autres changements impliqués par la décroissance. Il imagine une phase de transition, « en attendant de pouvoir abolir l'économie », dans laquelle le protectionnisme et l'inflation ne seraient plus « tabous », pour sortir des logiques néolibérales.

Chantier collectif en Normandie. Le temps libéré du travail salarié, c'est aussi du temps pour bricoler, retaper et apprendre à faire de ses mains. © E.B / Reporterre
La question de la réduction du temps de travail ne peut être pensée sans étudier le mot travail sous toutes ses acceptions. Car le travail n'est pas que salarié ou soumis à rétribution financière. « On entend souvent dire que dans une société soutenable, on consommerait moins et donc on travaillerait moins », assurait dans Reporterre le philosophe Aurélien Berlan. Pourtant, « si l'on consommait moins d'énergies (notamment fossiles), il y aurait un plus fort besoin de recourir au travail physique, et donc à l'énergie musculaire, dans nos activités de tous les jours — qu'il s'agisse de se déplacer, de construire une maison ou de fabriquer des outils. Plutôt que d'un droit à la paresse, il faut se préparer à mettre la main à la pâte si on veut parler sérieusement de sobriété. »
Aurélien Berlan prône la « reprise en main de nos conditions de vie en tâchant de pourvoir nous-mêmes à nos besoins », dans la lignée des féministes de la subsistance. Mais il faudra veiller, pourrions-nous ajouter, à ce que ces tâches soient partagées. Le travail domestique, ou plus largement le travail du soin, est aujourd'hui largement assuré par les femmes et les personnes racisées ou immigrées — gratuitement ou à moindre coût. Pour reprendre les termes de la sociologue écoféministe Geneviève Pruvost, il faut lutter contre « une longue invisibilisation qui va du travail de subsistance, au contact premier des matières, jusqu'au travail domestique dans nos cuisines ».
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Gambie. Le Parlement ne doit pas lever l’interdiction des mutilations génitales féminines

En réaction au vote imminent prévu au Parlement de Gambie le 18 mars...
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/04/15/gambie-le-parlement-ne-doit-pas-lever-linterdiction-des-mutilations-genitales-feminines/
En réaction au vote imminent prévu au Parlement de Gambie le 18 mars sur un projet de loi visant à revenir sur l'interdiction des mutilations génitales féminines (MGF), Michèle Eken, spécialiste de l'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique centrale à Amnesty International, a déclaré :
« Ce projet de loi établirait un dangereux précédent pour les droits des femmes et ternirait le bilan de la Gambie en matière de droits humains. Nous demandons instamment au Parlement de voter contre.
« Quelle déception de constater qu'après le long combat mené par les militant·e·s gambiens pour faire progresser les droits des femmes, le Parlement s'apprête à envisager un tel retour en arrière.
« Le gouvernement gambien doit s'attaquer aux causes profondes des mutilations génitales féminines et aux facteurs les favorisant, et mettre en œuvre des politiques globales qui donneront aux femmes et aux filles le pouvoir de revendiquer et d'exercer leurs droits fondamentaux
Michèle Eken, spécialiste de l'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique centrale à Amnesty International
« Les mutilations génitales féminines portent atteinte au droit des filles et des femmes à la santé et à l'intégrité corporelle. Leur légalisation constituerait une violation de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, de la Convention relative aux droits de l'enfant et de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant (CADBE), toutes ratifiées par la Gambie. Elle violerait également le principe d' « égale dignité de la personne » que garantit la Constitution gambienne.
« Enfin, le gouvernement gambien doit s'attaquer aux causes profondes des mutilations génitales féminines et aux facteurs les favorisant, et mettre en œuvre des politiques globales qui donneront aux femmes et aux filles le pouvoir de revendiquer et d'exercer leurs droits fondamentaux. »
Complément d'information
Selon l'UNICEF, en Gambie, environ 46% des filles âgées de 14ans ou moins ont subi des mutilations génitales féminines (MGF). Ce pourcentage atteint 73% des filles et des femmes âgées de 15 à 49 ans. Les mutilations génitales féminines peuvent entraîner toute une série de complications de santé, notamment des douleurs chroniques, des infections, des difficultés lors de l'accouchement, voire la mort pendant ou après la mutilation.
Depuis que les MGF ont été interdites en Gambie en 2015, seuls deux cas ont fait l'objet de poursuites et la première condamnation pour avoir pratiqué des mutilations n'a été prononcée qu'en août 2023. Au lieu d'aller de l'avant et d'appliquer cette loi importante, assortie d'un ensemble de politiques globales visant à donner aux femmes et aux filles le pouvoir d'exercer leurs droits fondamentaux, le Parlement envisage aujourd'hui de l'annuler.
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CAMPAGNE DE FINANCEMENT D’ARCHIVES RÉVOLUTIONNAIRES
Un local pour Archives Révolutionnaires
Un nouveau local pour accueillir la jeunesse engagée, organiser des ateliers et faciliter l’accès à nos collections d’archives
Du 25 avril au 2 juin 2024



Notre campagne de sociofinancement vise à concrétiser l’ouverture d’un local public à Montréal afin d’y accueillir la jeunesse engagée et de pérenniser l’activité d’Archives Révolutionnaires. Aidez-nous à atteindre notre objectif de 10 000$ !
Vos contributions permettront de meubler le local, de rendre accessibles nos archives inédites et d’organiser six ateliers éducatifs en 2024-2025 destinées aux étudiant(e)s et travailleur(euse)s de 15 à 29 ans. Cet espace d’échange et d’apprentissage que nous mettons sur pied permettra aux jeunes – et moins jeunes – de découvrir l’héritage des luttes populaires et de développer leur esprit critique. Contribuez à former une nouvelle génération consciente de son histoire et prête à transformer le monde en soutenant notre projet. Aidez-nous à assurer notre avenir !
Pour chaque contribution, vous aurez droit à une contrepartie, qu’il s’agisse d’autocollants, de livres, d’une affiche exclusive ou d’un sac en tissu en édition limitée. Il est aussi possible de simplement donner, sans rien attendre en retour. Nous fournirons régulièrement plus d’informations sur le déroulement de la campagne.
La période d’inscription pour notre campagne est maintenant ouverte ! Inscrivez-vous pour être tenus au courant du lancement officiel de notre collecte de fonds.



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Liban : le système de la kafala, un engrenage de violences pour les femmes migrantes

Les employées domestiques au Liban, comme dans bon nombre d'autres pays du Moyen-Orient, sont soumises au système de la kafala pour leur résidence et leur permis de travail. Cette forme de parrainage s'apparente fortement à de l'esclavage moderne institutionnalisé. Les femmes migrantes font ainsi face à de nombreuses violences et privations et, depuis la crise économique et le début de la guerre à Gaza, leurs conditions de vie ne cessent de se dégrader.
Tiré de
Journal des Alternatives - Plateforme altermondialiste Se désabonner
11 avr. 2024
https://alter.quebec/liban-le-systeme-de-la-kafala-un-engrenage-de-violences-pour-les-femmes-migrantes/?utm_source=Cyberimpact&utm_medium=email&utm_campaign=JdA-PA-2024-04-11
Par Amélie David -3 avril 2024
Photo : Travailleuse migrante au Liban - le système Kafala @John Owens for VOA, domaine public, via Wikimedia Commons
Dans les rues d'Achrafiyeh, un quartier cossu de Beyrouth, capitale du Liban, elles sont nombreuses à arpenter les trottoirs tôt le matin pour promener les chiens de leurs employeurs. Elles portent un tablier, parfois bleu, parfois blanc. Un liseré propret, des sabots en plastique, une doudoune mal attachée pour affronter l'hiver humide libanais… Elles baissent la tête ou regardent ailleurs, comme si elles craignaient de croiser le regard des autres passants. Elles : les travailleuses domestiques migrantes soumises au régime de la kafala.
Miriam Prado se souvient parfaitement de cet uniforme, de ces « chaussures blanches » et des « chaussettes blanches » impeccables qu'elle devait porter chaque fois qu'elle dépassait le seuil de la maison d'un de ses anciens employeurs. La Philippine est au Liban depuis 31 ans. Depuis 31 ans, elle est une employée domestique, soumise au système de la kafala. Même si elle a pu se débarrasser de son uniforme, les règles de la kafala pèsent toujours sur ses épaules, tout comme le poids des abus qu'elles entrainent.
Main-d'œuvre à bas prix
Le système de la kafala désigne, à la base, une mesure spécifique au droit musulman qui permet de confier un enfant à une famille sans filiation et ainsi d'avoir un kafil, un parrain. Mais depuis les années 1970, il s'agit d'un système institutionnalisé et légal de main-d'œuvre à bas prix auxquels sont soumis les travailleurs.ses immigré.es au Liban tels que les professeurs.ses d'université, les employé.es dans divers domaines ou d'autres professions plus précaires, comme le personnel de nettoyage, en entreprise ou chez les particuliers.1
Selon les estimations, il y aurait 250 000 travailleurs domestiques au Liban. La plupart seraient des femmes, principalement venues d'Éthiopie, du Kenya, des Philippines et du Bangladesh. Une étude récente indique 2 que « les femmes représentent 76 % de l'ensemble de la main-d'œuvre immigrée, venue au Liban pour trouver du travail, et 99 % de l'emploi domestique. »2
Invisibilisées par un statut et une absence totale de protection de leurs droits, ces femmes sont souvent à la merci de leur employeur. Beaucoup de ces employées de maison vivent chez leurs employeurs.ses, parfois sans aucune intimité. Dans la plupart des cas, dès leur arrivée sur le sol libanais, leur passeport leur ait retiré et est « confié » à la famille qui les emploie. Les salaires fluctuent d'un foyer à un autre, et d'une nationalité à une autre, et oscillent entre 500 USD et 150 USD par mois.
Leurs communications et leurs déplacements sont contrôlés. « En outre, elles courent un grand risque de voir leurs droits de travailleuses déniés — absence de jours de repos, longues journées de travail, non-versement de salaires — et de subir harcèlement et violence sexuels et sexistes, sans que les auteurs soient inquiétés… », continuent les autrices de l'étude.
« J'avais tellement peur »
C'est ce qu'a vécu Miriam Prado. Au cours de ces trois décennies de labeur au Liban, elle a presque tout vécu. « Dans mon premier emploi, mes employeurs m'ont battue. Je suis allée me réfugier dans les toilettes, j'avais tellement peur… J'y suis restée pendant 8 heures avant que la situation ne se calme. Quand j'ai pu sortir, c'était la nuit, je me suis enfuie », décrit celle qui est aujourd'hui présidente de l'Alliance des employées migrantes, une organisation qui vient en aide aux employées domestiques.
Elle retrouve un emploi, mais au bout de deux ans, la famille la met dehors sans plus d'explications selon elle. Chez son troisième employeur, Miriam y reste trois ans. « Quand je suis rentrée de mes vacances aux Philippines, ils m'ont accusée de leur avoir volé un diamant d'une valeur de plusieurs milliers de dollars… J'ai dit que ce n'était pas moi et ils m'ont menacée de me jeter du 18e étage… », raconte cette mère de deux garçons qui vivent toujours aux Philippines. Les rapports d'ONG et les interviews avec des travailleurs sociaux confirment que ce genre d'abus sont courants pour les employées domestiques.
Nombreuses sont celles qui font aussi face à des abus sexuels, même s'il reste difficile pour elles d'en parler ouvertement. De nombreuses employées de maison décèdent chaque année au Liban dans des conditions obscures. En septembre dernier, unrapport du mouvement antiraciste indiquait, selon une information d'un média local, qu'une employée de maison à Tripoli (deuxième ville du Liban) avait été hospitalisée dans un état grave après avoir chuté du balcon de son employeur. « Lebanon24 a rapporté que l'employée fuyait la maison de son employeur, sans mention du traitement de ce dernier ni de son environnement de travail », note le rapport de l'ONG.
Des salaires confisqués « en raison » de la crise
Depuis le début de la crise en 2019, la chute continuelle des salaires, la dévaluation fulgurante de la monnaie locale et l'inflation à trois chiffres que connaît le Liban, la situation pour ces populations vulnérables ne s'est guère améliorée. Nour (le prénom a été changé), une Éthiopienne arrivée au Liban à l'aube de la crise, en a fait les frais. « Mon employeur m'a payée pendant deux ans et puis il a arrêté. Il disait que c'était en raison de la COVID-19, de la crise économique, de l'explosion », souffle-t-elle.
Depuis le déclenchement de la guerre entre le Hamas et Israël, qui a des répercussions importantes au sud du Liban, les choses n'évoluent pas dans le bon sens. En janvier dernier, le mouvement antiraciste s'inquiétait de l'abandon de ces migrantes employées domestiques qui vivent dans le sud du Liban par leurs employeurs, comme cela avait déjà pu être le cas lors de la guerre entre Israël et le Hezbollah en 2006.
Nour est aujourd'hui accompagnée par une ONG d'aide aux droits des femmes. Elle est hébergée en attendant de récupérer son salaire confisqué et de retrouver ses papiers. « Après ça, je veux rentrer dans mon pays et revoir ma famille. »
1.La venue des employées de maison est souvent organisée par des multitudes d'agences spécialisées. D'après l'organisation Human Rights Watch, ce système génère plus de 100 millions de dollars chaque année. En début d'année, plusieurs médias ont rapporté que les frais pour les règles et les lois qui régulent le recrutement des travailleurs migrants ont augmenté et ont été approuvés par le conseil des ministres en février dernier. Selon le rapport tiré des journaux, l'ARM indique que de nombreuses agences ont fermé leurs portes en raison de la crise économique. Les journaux indiquent aussi que les frais des visas pour les travailleurs migrants ont eux aussi augmenté. Les auteurs des articles rapportent notamment qu'entre 20 et 30 % des familles libanaises emploient travailleurs domestiques, la plupart probablement, vivant avec elles. [↩]
2.Mezher Z., Nassif G., Wilson C., Travailleuses domestiques immigrées au Liban : une perspective genrée, dans : Aurélie Leroy éd., Migrations en tout « genre ». Paris, Éditions Syllepse. [↩]
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Violences en politique : pensons la protection des lanceur·ses d’alerte

Militante féministe, Anais Leleux a été l'une des premières coordinatrices nationales de NousToutes. Elle s'est particulièrement engagée contre les violences sexistes et sexuelles en politique, soutenant les victimes et dénonçant les complicités à l'oeuvre dans tous les partis. Elle revient ici sur la nécessité de penser la protection des victimes d'hommes politiques.
Tiré de Entre les lignes et les mots
Dans la France de mes années NousToutes, les femmes crevaient, immolées par le feu devant leur fille de 8 ans. Elles étaient frappées à mort, le crâne explosé à coups de pied, avant d'être jetées aux ordures. Toutes les six minutes, une femme était victime de viol ou de tentative de viol. Et pendant que nous pointions les violences masculines, les failles du système, c'est nous que l'on accusait d'aller trop loin. Les politiques faisaient des grands discours, mais agissaient peu. Comment l'auraient-ils pu ? Alors que leurs propres partis grouillaient de mecs violents ?
Dans la France de mes années NousToutes, nous étions cinq et demi à monter au créneau contre Nicolas Hulot, ministre que l'on décrivait encore comme un homme charmant. Un don Juan, mais pas un prédateur, ça non. Il n'y avait pas encore eu Envoyé spécial mais il y avait déjà eu l'enquête d'Ebdo. Il suffisait de publier un tweet de soutien pour que les victimes vous contactent et vous parlent. Tout était déjà là, pour qui voulait ouvrir les yeux, lire entre les lignes, agir. Mais l'appareil avait pesé de tout son poids pour écraser celles qui avaient été harcelées, agressées, violées. L'appareil s'était organisé pour défendre, continuer à valoriser, maintenir au pouvoir un homme dont tout le monde savait qu'il était dangereux. Des femmes avaient été envoyées en première ligne, d'autres s'étaient spontanément dévouées.
Et tout ce petit monde avait perdu un temps considérable à protéger un homme qui allait nécessairement finir par tomber. Parce que les militantes, les journalistes – au premier rang desquelles Anne Jouan – ne lâcheraient rien. Mais surtout, parce que le sentiment d'impunité, le refus de se remettre en question étaient tels qu'il allait forcément recommencer.
Nicolas Hulot aurait pu admettre qu'il avait fait du mal, qu'il avait pris de force ce qu'on n'avait pas voulu lui donner, qu'il le regrettait, surtout quand on sait les conséquences que ses actes avaient eu sur ses victimes. Beaucoup de faits étaient prescrits, les victimes plus récentes ne souhaitaient pas parler. Certaines étaient prêtes à raconter une partie de l'histoire, mais pas tout. Tout dire c'était trop dur, c'était trop s'exposer. Tout ce qu'elles voulaient, c'est qu'il ne recommence jamais. Et cela, il le savait.
Oui, Nicolas Hulot aurait pu faire preuve de courage politique. Il aurait pu, en tant que figure publique, considérée comme progressiste, adresser la question de la domination masculine, dire qu'il n'en était pas exempt, qu'il allait faire mieux, qu'il allait réparer. Il aurait pu, ne serait-ce que dans le privé, reconnaître les faits, demander de l'aide.
Je crois que s'il ne l'a pas fait, c'est qu'il n'avait, au fond, aucune envie de s'arrêter.
Nicolas Hulot a préféré, malgré les tentatives de quelques proches de le raisonner, de le surveiller, d'écarter celles qui pourraient lui plaire, continuer à prédater. Et à intimider celles qui auraient pu parler. Je pense à cette jeune femme, qui avait fini par quitter son travail, où il trouvait encore moyen de l'atteindre. Un jour que son employeur lui avait dit « Au fait, j'ai croisé Nicolas, il te passe le bonjour », elle avait tout plaqué, tétanisée. Aux dernières nouvelles, elle vivait du RSA, dans un trou paumé. Gâchis monumental. Elle était brillante, sincèrement engagée. Mais c'est d'elle dont on disait qu'elle pourrait nuire à l'écologie.
C'était la France de mes années NousToutes. Et quatre ans après mon départ du Comité de pilotage, je suis au regret de constater que rien n'a changé.
Nicolas Hulot fait parti des neuf cas abordés dans le dernier rapport de l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique. Ses autrices, et notamment l'ancienne collaboratrice d'élu-es Fiona Texiere, pointent que les mis en cause adoptent toujours la même ligne de défense : ils nient ou minimisent les faits, évoquent un éventuel complot politique, qui ne sera jamais étayé, mettent en avant leur souffrance, usent du vocabulaire juridique à tort et à travers, se cachent derrière l'absence de plainte ou de condamnation, puis ils parlent de leur douleur. On aurait pu ajouter qu'ils assignent systématiquement à une forme de folie les femmes qui parlent.
Le travail de l'Observatoire est précieux et mérite une attention, un relai et un soutien particulier des militant-es, des mécènes, des politiques et des journalistes.
Dans ce rapport, l'Observatoire aborde en filigrane la question des menaces. Il le fait avec bien plus de distance que je ne peux le faire. Car si ses membres ont comme moi, accès aux coulisses de ces affaires, elles basent leur rapport sur ce qui est public, à savoir ce qui est paru dans la presse.
Pour que l'Observatoire puisse analyser les menaces avec plus de précision, il faudrait que cette question soit traitée par les journalistes. Quelle le soit suffisamment bien pour que celles qui les subissent osent en parler. Il faudrait que cette question soit posée, systématiquement. Qu'elle le soit aux victimes, qu'elle le soit aux témoins. L'homme mis en cause dispose-t-il de moyens de pression sur les femmes concernées ? A-t-il activé ces moyens de pression ? Y-a-t-il un risque qu'il les active ? Ou que certain-es de ses proches s'en chargent ? Si oui que fait le parti pour protéger les personnes qui pourraient faire l'objet de pressions ou de mesures de représailles ? Pire encore, le parti met-il en danger celles qui lancent l'alerte ?
Que risquent celles qui parlent ? Qu'ont peur de subir celles qui gardent le silence ? Pourraient-elles perdre leur travail, leurs enfants, leur conjoint-e, leurs ami-es, leur carrière politique, le toit qu'elles ont sur la tête ?
Ont-elles les moyens financiers de faire face ?
Les hommes mis en cause vont rarement jusqu'au bout. Il n'empêche qu'ils sont nombreux, ces mecs puissants, à assigner leurs accusatrices en justice. Qu'est-ce que 400 euros de l'heure – le prix moyen d'un avocat – quand on bénéficie d'un revenu de ministre ou de député, quand on est un héritier ou une ancienne star de la télé ? Pour leurs victimes, assurément moins dotées, ces violences judiciaires, qui sont aussi des violences psychologiques et des violences économiques, sont particulièrement compliquées à dépasser. En quelques mois, on atteint aisément les 20 000 euros de frais. On nous dira qu'il y a toujours l'aide juridictionnelle. On répondra que la plupart des avocat-es ne font pas dans le pro-bono et qu'il n'y a pas de raison qu'on laisse les hommes puissants continuer à matraquer la gueule des victimes à coups de ténor du barreau.
Je crois, pour penser la question depuis quelques temps déjà, qu'il serait opportun que les partis appliquent la loi du 21 mars 2022 à celles et ceux qui les saisissent de cas de VSS un statut de lanceur ou de lanceuse d'alerte et la protection qui en découle. Cela commence par la protection de l'identité mais comporte tout un tas d'autres mesures de sauvegarde, dont un soutien psychologique.
Ce n'est que dans ces conditions que les femmes victimes d'hommes politiques se sentiront en capacité de parler au parti, voire de saisir la justice. Pour être à même de le faire, elles doivent bénéficier, elles aussi, d'un système de protection. Tout appareil qui se dit féministe, a fortiori à gauche, doit penser cette question de la sécurité matérielle des victimes. Il doit penser le rapport de genre mais aussi le rapport de classe. Il doit l'anticiper, être force de proposition, penser les inégalités qui existent entre l'homme puissant et les femmes concernées.
On a vu, dans certains partis, des victimes se voir offrir un travail, une place sur une liste, un mandat, de l'argent à condition qu'elles se taisent. Peut-être serait-il temps de leur faire la proposition inverse : « on peut contribuer à vos frais d'avocat, vos frais de psy, on peut mobiliser le réseau pour vous aider à avoir un travail suffisamment bien payé pour vous sécuriser, vous donner les moyens de parler, si un jour vous avez envie de le faire. »
Et puis il y aura toujours celles qui se refuseront à porter plainte, pour des raisons personnelles ou politiques. Qu'elles ne puissent se résoudre à envoyer l'homme mis en cause en prison, qu'elles aient pu tenir à lui ou qu'elles croient fondamentalement davantage dans la justice restauratrice. Cette dernière a été abordée par la France insoumise à l'automne dernier. Je regrette qu'elle ne l'aie pas mieux été, par un parti qui s'est davantage soucié de protéger l'un des siens que de penser un véritable changement. Mais ce premier pas, dont j'espère qu'il inspirera d'autres partis, a au moins le mérite d'exister. La justice restauratrice implique de partir des besoins exprimées par la victime. De mon expérience, ils tiennent généralement à peu de choses : la reconnaissance – ne serait-ce que privée – de ce qui a été fait, la garantie que des choses sont mises en place et que les violences vont s'arrêter.
Quand un homme auteur de violences n'est pas capable de concéder cela, je crois qu'il n'y a plus rien à en attendre. La bonne nouvelle, c'est qu'une fois qu'on l'a compris, on peut avancer. Et qui sait, un jour, de la politique ré-espérer.
Anais Leleux
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La FIDH rejoint le mouvement global pour la reconnaissance de l’apartheid de genre comme crime de droit international

Le 23 mars 2024, le Bureau international de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) – son corps élu composé de défenseur·es des droits humains originaires de tous les continents a adopté à la majorité une résolution alignant l'organisation au mouvement global appelant à la reconnaissance du crime d'apartheid de genre en droit international.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/04/10/la-fidh-rejoint-le-mouvement-global-pour-la-reconnaissance-de-lapartheid-de-genre-comme-crime-de-droit-international/
Le 23 mars 2024, le Bureau international de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) – son corps élu composé de défenseur·es des droits humains originaires de tous les continents a adopté à la majorité une résolution alignant l'organisation au mouvement global appelant à la reconnaissance du crime d'apartheid de genre en droit international.
Paris, 28 mars 2024. Reconnaissant le travail considérable initié et réalisé ces dernières années par des féministes, des universitaires et des expert⋅es du monde entier, la FIDH est convaincue qu'il est temps d'élargir la définition du crime d'« apartheid » pour y inclure des situations dans lesquelles l'oppression est dirigée contre un ou plusieurs groupes de genre spécifiques, comme c'est le cas en Afghanistan pour les femmes et les jeunes filles. La FIDH estime de façon plus générale que l'apartheid de genre est le crime le plus approprié pour caractériser les situations où il existe une discrimination institutionnalisée et systématisée sévère.
Avec ses organisations membres, la FIDH est depuis longtemps engagée dans la lutte contre l'impunité et l'accès à la justice pour les victimes de crimes internationaux devant les juridictions nationales, régionales et internationales. Malgré de nombreux obstacles, des progrès notables ont été réalisés grâce à l'évolution des lois et des pratiques et à l'interprétation progressive d'un corpus juridique international vieillissant, y compris en ce qui concerne les violences sexuelles et basées sur le genre. En adoptant cette résolution, la FIDH souligne la nécessité de veiller à ce que le droit international continue d'évoluer et de refléter de nouvelles réalités.
« L'oppression, la ségrégation et la discrimination généralisées auxquelles sont confrontées les femmes et les filles en Afghanistan depuis le retour illégal des Talibans au pouvoir en 2021 nous ont fait prendre conscience du fait que les lois internationales actuelles ne suffisent pas à décrire de manière adéquate des situations d'une telle gravité. La reconnaissance du crime d'apartheid de genre comblerait une lacune dans le droit international et contribuerait à une plus grande redevabilité des responsables », déclare la vice-présidente de la FIDH et directrice exécutive d'Open Asia – Armanshahr Guissou Jahangiri.
La FIDH soutient le fait que les situations de discrimination à l'encontre des membres d'un certain genre, en particulier les femmes, les filles et les personnes LGBTQI+, puissent faire l'objet de poursuites en vertu du droit international, notamment au titre du crime contre l'humanité de persécution basée sur le genre. Cependant, le crime de persécution basée sur le genre, ainsi que les autres crimes existants, ne sont pas suffisamment en adéquation avec les situations où un régime généralisé et institutionnalisé d'oppression et de discrimination est établi, avec l'intention de le maintenir.
« Pour que les victimes aient une chance d'obtenir justice, pour que les auteur⋅es soient tenu⋅es responsables, il est nécessaire de disposer d'un crime qui reflète véritablement la gravité et la singularité des situations qui présentent les caractéristiques de l'apartheid de genre. Notre décision, celle de nous aligner sur le mouvement visant à codifier l'apartheid de genre comme un nouveau crime en vertu du droit international, reconnaît les expériences vécues par les victimes et les survivant·es et la nécessité d'adapter le droit international », déclare Alice Mogwe, présidente de la FIDH.
Cette résolution de la FIDH arrive à un moment critique, alors que d'importantes discussions se tiennent actuellement sur le projet de Convention sur les crimes contre l'humanité, qui représente une opportunité clé et propice de codifier le crime d'apartheid de genre. La FIDH espère que davantage de parties prenantes soutiendront l'important mouvement en faveur de la reconnaissance de ce crime.
En attendant que le crime d'apartheid de genre soit inclus et défini dans le droit international, la FIDH reste déterminée à utiliser tous les outils juridiques actuellement disponibles pour rendre justice aux victimes du monde entier et soutient laproposition de définition suivante de l'apartheid de genre : « par crime d'apartheid on entend des actes inhumains analogues à ceux que vise le paragraphe 1 [de l'article 2 du projet de Convention sur les crimes contre l'humanité], commis dans le cadre d'un régime institutionnalisé d'oppression systématique et de domination d'un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux, ou d'un groupe de genre sur tout autre groupe de genre ou tous autres groupes de genre, sur la base du genre, et dans l'intention de maintenir ce régime. »
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Indonésie : le Comité des femmes obtient des espaces sécurisés

La Ministre indonésienne de l'émancipation des femmes et de la protection de l'enfance, Gusti Ayu Bintang Darmawati, a inauguré l'espace sécurisé de PT Evoluzione Tyre (groupe Pirelli) dans l'ouest de Java, le 19 mars dernier.
TIré de Entre les lignes et les mots
L'entreprise est syndiquée par le CEMWU (Syndicat des travailleurs de la chimie, de l'énergie et des mines), affilié à IndustriALL. Les deux parties ont signé une politique de tolérance zéro en matière de violence et de harcèlement en 2021, dans le cadre d'un engagement à éliminer la violence et le harcèlement dans le monde du travail.
Au cours des trois dernières années, le Comité des femmes du conseil d'IndustriALL pour l'Indonésie a fait pression sans relâche sur le ministère pour qu'il mette en œuvre une politique d'espaces sécurisés au sein des zones industrielles et sur le lieu de travail.
Ira Laila, Présidente du Comité des femmes du conseil d'IndustriALL pour l'Indonésie, a remercié la direction de l'entreprise, le ministère et les autorités locales pour leur soutien ainsi que les dirigeants de la fédération pour la mise en place de ces espaces sécurisés.
Ces espaces offriront un environnement sûr aux travailleuses pour qu'elles puissent exprimer leurs problèmes liés à la violence et au harcèlement. Il propose également une formation sur la violence et le harcèlement au niveau de l'usine.
« Nous espérons que ces dispositions créeront un environnement sûr et paisible, de sorte que l'entreprise continue à se développer et que les travailleurs et travailleuses en profitent. Il ne s'agit que d'une première étape. Le Comité des femmes fera pression pour que d'autres espaces du même genre soient créés dans toute l'Indonésie »
a ajouté Ira Laila.
La Directrice pour l'égalité des genres et les travailleurs non manuels d'IndustriALL, Armelle Seby, a déclaré :
« Le travail du Comité des femmes d'IndustriALL en Indonésie est exemplaire. Après la négociation de la politique de tolérance zéro, qui a été adoptée dans plus de 82 usines, la création de ces espaces permettant aux femmes de dénoncer les cas de violence et de renforcer leurs capacités est un nouveau pas en avant dans la lutte contre la violence à l'égard des femmes et dans l'application de la Convention 190, même si elle n'a pas encore été ratifiée par l'Indonésie. Ces actions des syndicats vont changer la vie de milliers de travailleuses ».
https://www.industriall-union.org/fr/indonesie-le-comite-des-femmes-obtient-des-espaces-securises
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Non à la mise en péril du processus de décolonisation en Nouvelle-Calédonie

La politique du coup de force, irrespectueuse des droits légitimes du peuple Kanak, conduite par le gouvernement ne peut mener qu'à un immense gâchis, s'alarment dans cet appel 56 personnalités.
Tiré de Entre les lignes et les mots
L'État a imposé que le 3e référendum d'autodétermination se tienne à la date prévue en décembre 2021. C'était aller contre la demande des indépendantistes de le reporter, compte tenu de l'impact du covid et de la période de deuil qui s'en est suivie. En dépit d'une abstention de 57%, dont une majorité de Kanaks, le gouvernement considère que l'électorat de l'archipel a alors définitivement opté pour une « Nouvelle-Calédonie dans la France ».
Aujourd'hui, il décide de reporter les élections provinciales de 2024 et de modifier la Constitution pour autoriser le « dégel » du corps électoral provincial. Il s'agit d'ouvrir la citoyenneté calédonienne, pas seulement aux natifs – les indépendantistes sont favorables à la pleine application du droit du sol –, mais au terme d'une durée de 10 ans à tous les résidents. Lesquels deviendront électeurs et éligibles pour les assemblées de Province qui déterminent les orientations politiques locales et la composition du Congrès du pays.
Cette imposition d'un « corps électoral glissant », sans un accord politique global négocié entre les différentes parties prenantes, constitue un passage en force de l'État. Celui-ci, une fois de plus, dicte son calendrier en fixant au processus engagé la date butoir du 1er juillet 2024.
C'est revenir sur un élément clé de l'accord de Nouméa, lequel a permis d'engager un processus de décolonisation et de garantir la paix civile au cours de ces trente dernières années.
Une telle politique renoue avec la logique qui a fait de la Nouvelle-Calédonie une colonie de peuplement.
Elle vise à mettre définitivement en minorité le peuple Kanak, en contradiction du droit international et des résolutions de l'ONU qui invitent les « puissances administrantes » à« veiller à ce que l'exercice du droit à l'autodétermination ne soit pas entravé par des modifications de la composition démographique dues à l'immigration ou au déplacement de populations dans les territoires qu'elles administrent ».
Le Congrès du FLNKS, qui s'est tenu le 23 mars 2024, s'est unanimement prononcé contre ce projet de réforme constitutionnelle. Il a également confirmé que, pour le FLNKS, seuls le dialogue et la recherche du consensus peuvent permettre d'envisager une solution d'avenir pour l'ensemble des Calédoniennes et Calédoniens.
Nous nous alarmons de cette politique du coup de force, irrespectueuse des droits légitimes du peuple kanak et qui met en péril la notion même de citoyenneté calédonienne au principe de la construction du destin commun.
Elle compromet la recherche d'un consensus entre les diverses communautés quant au devenir du pays et ne peut conduire qu'à un immense gâchis.
Il est impératif de préserver le processus de décolonisation qui a été poursuivi ces dernières décennies. Pour les droits du peuple kanak et des autres communautés. Pour l'avenir de la Kanaky/Nouvelle-Calédonie. Pour l'image de la France et celle de la République.
Premiers signataires :
Gilbert Achcar, chercheur et écrivain
Paul Alliès, universitaire
Bertrand Badie, politiste
Etienne Balibar, philosophe
John Barzman, historien
Christian Belhôte, magistrat
Jérôme Bonnard, syndicaliste Union syndicale Solidaires
Claude Calame, helléniste et anthropologue
Patrick Chamoiseau, écrivain
David Chapell, historien, Université de Hawaï
Mathias Chauchat, professeur de droit, université de Nouvelle Calédonie
Nara Cladera, syndicaliste Union syndicale Solidaires
Pierre Cours-Salies, sociologue
Thomas Coutrot, économiste
Pierre Dardot, philosophe
Christine Demmer, anthropologue
Bernard Dreano, responsable Cedetim
Josu Egireun, syndicaliste et anticapitaliste
Didier Epsztajn, blogueur Entre les lignes, entre les mots
Franck Gaudichaud, historien, Université Toulouse Jean Jaurès
Daniel Guerrier, militant anticolonialiste, ancien co-président de l'AISDPK
Christine Hamelin, anthropologue
Hortensia Ines, syndicaliste Union syndicale Solidaires
Mehdi Lallaoui, réalisateur
Christian Laval, sociologue
Isabelle Leblic, anthropologue
Michael Löwy, sociologue
Christian Mahieux, syndicaliste Union syndicale Solidaires, éditeur Syllepse
Philippe Marlière, politiste
Roger Martelli, historien
Jean-Pierre Martin, psychiatre
Gustave Massiah, économiste, altermondialiste
Laurent Mauduit, écrivain et journaliste
Isabelle Merle, historienne
Michel Naepels, anthropologue
Ugo Palheta, sociologue
Alice Picard, porte parole nationale d'ATTAC
Christian Pierrel, directeur de publication de La Forge
Philippe Pignarre, éditeur
Boris Plezzi, secrétaire confédéral CGT, en charge des questions internationales
Jacques Ponzio, psychanalyste
Michèle Riot-Sarcey, historienne
Henri Saint-Jean, docteur en psychologie sociale
Christine Salomon, anthropologue
François Sauterey, vise président du MRAP
Denis Sieffert, éditorialiste
Patrick Silberstein, éditeur Syllepse
Francis Sitel, responsable revue ContreTemps
Marc Tabani, anthropologue
Serge Tcherkezoff, anthropologue
Jean-Marie Theodat, universitaire
Benoît Trepied, anthropologue
Anne Tristan, journaliste
Jacques Vernaudon, linguiste, université de Polynésie française
Antoine Vigot, syndicaliste FSU
Sophie Zafari, militante syndicale
Contact : appelkanaky@orange.fr
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Sénégal : la volonté de changement

La victoire de Faye, fruit de la mobilisation populaire, crée une nouvelle situation politique permettant à la gauche radicale de peser pour une véritable rupture. De la prison au palais présidentiel, le parcours est plutôt singulier pour Bassirou Diomaye Faye qui vient de remporter les élections présidentielles dès le premier tour avec plus de 54 % des voix, fait unique dans l'histoire du Sénégal.
Tiré d'Europe solidaire sans frontière.
Continuité politique
Le pays a connu deux grandes périodes politiques, celle des gouvernements du parti socialiste avec Senghor puis Abdou Diouf, puis celle des libéraux avec Abdoulaye Wade et Macky Sall. Au-delà des étiquettes politiques, les politiques menées ont été les mêmes. Un présidentialisme fort qui n'hésitait pas, lors de crises sociale ou politique, à user d'une répression violente contre les opposantEs engendrant des morts et des emprisonnements. Des attaques contre la presse. Une corruption qui a nourri un clientélisme sur lequel se sont fondés les pouvoirs successifs et qui servait aussi de justification pour écarter les adversaires politiques. Ce qui impliquait une justice aux ordres.
Le gouvernement de Macky Sall a pu faire illusion avec son plan Sénégal Émergent, se traduisant par le lancement de grands travaux comme le train régional express, la création d'un nouvel aéroport international ou l'édification d'une ville nouvelle à côté de la capitale Dakar. Mais cette orgie de béton a surtout profité aux plus nantis et n'a pas réduit la pauvreté qui touche plus de la moitié de la population, ni endigué le chômage endémique de la jeunesse.
Les limites d'un programme
C'est précisément cette jeunesse refusant un avenir sans perspectives, si ce n'est de se lancer dans une immigration aux dangers mortels, qui s'est mobilisée pour la victoire de Faye. Avec son mentor Ousmane Sonko la popularité de leur organisation le PASTEF (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité) dissoute par Macky Sall, est d'avoir dénoncé la corruption des élites du pays.
Faye se qualifie lui-même de candidat antisystème et de rupture et promeut la souveraineté politique et économique du pays. Si le programme politique de Bassirou Diomaye Faye est particulièrement détaillé, il est aussi très technocratique et jamais n'apparaît la nécessité d'une participation citoyenne pour l'édification de ce nouvel ordre politique promis. Le fil conducteur reste de favoriser et développer les entreprises sénégalaises, vues comme sources du développement du pays. Bien que le futur président se soit exprimé pour une sortie du Sénégal du franc CFA, cette mesure, tout comme d'ailleurs la fermeture de la base militaire française, n'y figure pas.
La prise en compte des principales revendications des droits des femmes est absente et traduit une vision conservatrice de la société.
Les organisations de la gauche radicale qui ont soutenu la candidature de Faye peuvent s'appuyer sur cette mobilisation populaire pour peser en faveur d'une politique qui réponde aux aspirations et besoins des populations.

Rwanda : les créanciers du génocide

Trente ans après le début du génocide des Tutsis au Rwanda, les débats ressurgissent légitimement sur les responsabilité des différents acteurs dans cette tentative de destruction d'un peuple. C'est en particulier le cas concernant la France, dont de nombreuses enquêtes ont démontré le rôle dans le soutien aux génocidaires, avant et après les quelques semaines où furent assassinées entre 800 000 et un million de personnes.
Tiré du site de la revue Contretemps.
Mais dans ces débats, le rôle des bailleurs de fonds internationaux n'est jamais mentionné. Dans cet article, Éric Toussaint, porte-parole et un des fondateurs du réseau international du Comité pour l'Abolition des Dettes illégitimes (CADTM), tente d'éclairer la nature de leurs responsabilités. Pour un autre éclairage sur le génocide des Tutsis au Rwanda, on pourra aussi lire sur notre site cet article de Jean Nanga.
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Retour sur le génocide de 1994
A partir du 7 avril 1994, en l'espace de moins de trois mois, près d'un million de Rwandais – le chiffre exact reste à déterminer – sont exterminés parce qu'ils et elles sont Tutsis ou supposés tels. Il faut y ajouter plusieurs dizaines de milliers de Hutus. Ce sont des opposants politiques au régime en place ou des personnes qui refusent ou pourraient refuser de prêter leur concours au génocide. Avant celui-ci, la population était estimée à environ 7,5 millions.
La comparaison avec le génocide des juifs et des tziganes par le régime nazi est pleinement justifiée. Il y a bien certaines différences : le nombre absolu de victimes (6 millions de juifs ont été exterminés par les nazis), les moyens mis en œuvre (les nazis ont conçu et utilisé des moyens industriels pour appliquer la solution finale).
Mais il y a bien eu génocide c'est-à-dire la destruction planifiée d'une collectivité entière par le meurtre de masse ayant pour but d'en empêcher la reproduction biologique et sociale.
Les politiques mises en œuvre par les institutions financières multilatérales
Il est fondamental de s'interroger sur le rôle des bailleurs de fonds internationaux. Ma thèse, c'est que les politiques imposées par les institutions financières internationales, principaux bailleurs de fonds du régime dictatorial du général Juvénal Habyarimana, ont accéléré le processus conduisant au génocide. Généralement, l'incidence négative de ces politiques n'est pas prise en considération pour expliquer le dénouement dramatique de la crise rwandaise. Seuls quelques auteurs mettent en évidence la responsabilité des institutions de Bretton Woods (e. a. Chossudovsky, 1994 ; Chossudovsky et Galand, 2004). Celles-ci refusent toute critique à ce sujet.
Au début des années 1980, quand éclata la crise de la dette du Tiers Monde, le Rwanda (comme son voisin, le Burundi) était très peu endetté. Alors qu'ailleurs dans le monde, la Banque mondiale et le FMI abandonnaient leur politique active de prêts et prêchaient l'abstinence, ils adoptèrent une attitude différente avec le Rwanda : ces institutions se chargèrent de prêter largement au Rwanda. La dette extérieure du Rwanda a été multipliée par vingt entre 1976 et 1994. En 1976, elle s'élevait à 49 millions de dollars ; en 1994, elle représentait près d'un milliard de dollars. La dette a surtout augmenté à partir de 1982. Les principaux créanciers sont la Banque mondiale, le FMI et les institutions qui y sont liées (nous les appellerons les IFI, Institutions Financières Internationales). La Bm et le FMI ont joué le rôle le plus actif dans l'endettement. En 2001, les IFI détenaient 87 % de la dette extérieure rwandaise. En 2019, 25 ans après le génocide, les dettes du Rwanda à l'égard des IFI ont plus que triplé (voir tableau ci-dessous).
Tableau. Évolution de la dette extérieure publique du Rwanda par catégorie de créancier, en valeur absolue et en pourcentage[1]
Le régime dictatorial en place depuis 1973 garantissait de ne pas verser dans une politique de changements structurels progressistes. C'est pourquoi il était soutenu activement par des puissances occidentales : la Belgique, la France et la Suisse. En outre, il pouvait constituer un rempart par rapport à des États qui, dans la région, maintenaient encore des velléités d'indépendance et de changements progressistes (la Tanzanie du président progressiste Julius Nyerere, un des leaders africains du mouvement des non alignés, par exemple).
Durant la décennie 1980 jusqu'à 1994, le Rwanda reçut beaucoup de prêts et la dictature d'Habyarimana s'appropria une partie considérable de ceux-ci. Les prêts accordés devaient servir à insérer plus fortement l'économie rwandaise dans l'économie mondiale en développant ses capacités d'exportation de café, de thé et d'étain (ses trois principaux produits d'exportation) au détriment des cultures destinées à la satisfaction des besoins locaux. Le modèle fonctionna jusqu'au milieu des années 1980, moment où les cours de l'étain d'abord, du café ensuite, et enfin, du thé s'effondrèrent. Le Rwanda, pour qui le café constituait la principale source de devises fut touché de plein fouet par la rupture du cartel du café provoquée par les États-Unis au début des années 1990.
Utilisation des prêts internationaux pour préparer le génocide
Quelques semaines avant le déclenchement de l'offensive du Front Patriotique Rwandais (FPR) en octobre 1990, les autorités rwandaises signent avec le FMI et la Bm à Washington un accord pour mettre en œuvre un programme d'ajustement structurel (PAS).
Ce PAS est mis en application en novembre 1990 : le franc rwandais est dévalué de 67 %. En contrepartie, le FMI octroie des crédits en devises à décaissement rapide pour permettre au pays de maintenir le flux des importations. Les sommes ainsi prêtées permettent d'équilibrer la balance des paiements. Le prix des biens importés augmente de manière vertigineuse : le prix de l'essence grimpe de 79 %. Le produit de la vente sur le marché national des biens importés permettait à l'État de payer les soldes des militaires dont les effectifs montent en flèche. Le PAS prévoyait une diminution des dépenses publiques : il y a bien eu gel des salaires et licenciements dans la fonction publique mais avec transfert d'une partie des dépenses au profit de l'armée.
Alors que les prix des biens importés grimpent, le prix d'achat du café aux producteurs est gelé, c'est le FMI qui l'exige. Conséquence : la ruine pour des centaines de milliers de petits producteurs de café (Maton, 1994). Ceux-ci et les couches les plus appauvries des villes ont dès lors constitué un réservoir permanent de recrues pour les milices Interahamwe et pour l'armée.
Parmi les mesures imposées par la Banque Mondiale et le FMI au travers du PAS, il faut relever en outre : l'augmentation des impôts à la consommation et la baisse de l'impôt sur les sociétés, l'augmentation des impôts directs sur les familles populaires par la réduction des abattements fiscaux pour charge de famille nombreuse, la réduction des facilités de crédit aux paysans…
Pour justifier l'utilisation des prêts du couple BM/FMI, le Rwanda est autorisé par la BM à présenter d'anciennes factures couvrant l'achat de biens importés. Ce système a permis aux autorités rwandaises de financer l'achat massif des armes du génocide. Les dépenses militaires triplent entre 1990 et 1992 (NDUHUNGIREHE, 1995). La BM et le FMI ont envoyé plusieurs missions d'experts pendant cette période, ces derniers ont souligné certains aspects positifs de la politique d'austérité appliquée par Habyarimana mais ont néanmoins menacé de suspendre les paiements si les dépenses militaires continuaient à croître. Les autorités rwandaises ont alors mis au point des artifices pour dissimuler des dépenses militaires : les camions achetés pour l'armée ont été imputés au budget du ministère des Transports, une partie importante de l'essence utilisée par les véhicules des milices et de l'armée était imputée au ministère de la Santé… Finalement, la BM et le FMI ont fermé le robinet de l'aide financière début 1993 mais elles n'ont pas dénoncé l'existence des comptes bancaires que les autorités rwandaises détenaient à l'étranger auprès de grandes banques et sur lesquelles des sommes importantes restaient disponibles pour l'achat d'armes. On peut considérer qu'elles ont failli à leur devoir de contrôle sur l'utilisation des sommes prêtées. Elles auraient dû stopper leurs prêts dès début 1992 quand elles se sont rendues compte que l'argent était utilisé pour des achats d'armes. Elles auraient dû alerter l'ONU dès ce moment. En continuant à réaliser des prêts jusque début 1993, elles ont aidé un régime qui préparait un génocide. Les organisations de défense des droits de l'homme avaient dénoncé dès 1991 les massacres préparatoires au génocide. La Banque mondiale et le FMI ont systématiquement aidé le régime dictatorial car celui-ci était un allié des États-Unis, de la France et de la Belgique.
La montée des contradictions sociales
Pour que le projet génocidaire soit mis à exécution, il fallait non seulement un régime pour le concevoir et se doter des instruments pour sa réalisation. Il fallait également qu'une masse appauvrie, lumpenisée, soit prête à réaliser l'irréparable. Dans ce pays, 90 % de la population vit à la campagne, 20 % de la population paysanne dispose de moins d'un demi hectare par famille. Entre 1982 et 1994, on a assisté à un processus massif d'appauvrissement de la majorité de la population rurale avec, à l'autre pôle de la société, un enrichissement impressionnant. Selon le professeur Jef Maton, en 1982, les 10 % les plus riches de la population prélevaient 20 % du revenu rural ; en 1992, ils en accaparaient 41 % ; en 1993, 45 % et au début 1994, 51 % (Maton, 1994). L'impact social catastrophique des politiques dictées par le couple FMI/BM et de la chute des cours du café sur le marché mondial (chute à mettre en corrélation avec les politiques des institutions de Bretton Woods et des États-Unis qui ont réussi à faire sauter le cartel des producteurs de café à la même époque) joue un rôle clé dans la crise rwandaise. L'énorme mécontentement social a été canalisé par le régime Habyarimana vers la réalisation du génocide.
Les créanciers du génocide
Les principaux fournisseurs d'armes au Rwanda entre 1990 et 1994 sont la France, la Belgique, l'Afrique du Sud, l'Égypte et la République populaire de Chine. Cette dernière a fourni 500 000 machettes. L'Égypte – dont le vice-ministre des Affaires étrangères, chargé des relations avec l'Afrique, n'était autre que Boutros Boutros-Ghali – a offert au Rwanda un crédit sans intérêt pour lui permettre d'acheter des armes d'infanterie pour un montant de six millions de dollars en 1991. Une fois le génocide déclenché, alors que l'ONU avait décrété, le 11 mai 1994, un embargo sur les armes, la France et la firme britannique Mil-Tec ont fourni des armes à l'armée criminelle via l'aéroport de Goma au Zaïre (Toussaint, 1996). Une fois Kigali, capitale du Rwanda, prise par le FPR, plusieurs hauts responsables du génocide ont été reçus à l'Élysée. Les autorités rwandaises en exil ont installé à Goma avec l'aide de l'armée française le siège de la Banque Nationale du Rwanda. Celle-ci a effectué des paiements pour rembourser l'achat d'armes et en acheter de nouvelles jusque fin août 1994. Les banques privées Belgolaise, Générale de Banque, BNP, Dresdner Bank… ont accepté les ordres de paiement des génocidaires et ont remboursé les créanciers du génocide.
La situation après le génocide
Après la chute de la dictature en juillet 1994, la BM et le FMI ont exigé des nouvelles autorités rwandaises qu'elles limitent le nombre de fonctionnaires à 50 % des effectifs prévu au cadre précédant le génocide. Les nouvelles autorités ont accepté.
Les premières aides octroyées par les États-Unis et la Belgique fin 1994 ont servi à rembourser les arriérés de dette du régime Habyarimana à l'égard de la BM. Les aides octroyées par les pays du Nord arrivaient au compte-gouttes dans le pays qui était à reconstruire. Les autorités ont accueilli plus de 800 000 réfugiés depuis novembre 1996.
D'après le document de David Woodward réalisé pour Oxfam, en 1996, si la production agricole s'était un peu redressée, elle restait de 38 % inférieure aux habituelles premières récoltes et de 28 % inférieure aux secondes. Le secteur industriel s'avérait plus lent encore à récupérer : seules 54 des 88 entreprises de production existant avant avril 1994 avaient repris leur activité et la plupart produisaient bien en deçà de leur niveau antérieur : la valeur ajoutée de l'ensemble du secteur industriel ne représentait plus fin 1995 que 47 % de son niveau de 1990.
L'augmentation de 20 % des salaires du service public en janvier 1996 fut la première depuis 1981 mais on estimait officiellement que 80 % des travailleurs du secteur public se situaient sous le seuil de pauvreté. Il ne faut pas s'étonner que les Rwandais préfèrent travailler dans une ONG comme chauffeur ou cuisinier plutôt que s'investir dans la fonction publique. Ce chiffre n'est d'ailleurs pas particulier à la fonction publique puisque la BM estimait en 1996 que 85 à 95 % des Rwandais vivaient en dessous du niveau de pauvreté absolue.
Il faut noter un accroissement considérable du nombre de femmes chefs de ménage passant de 21,7 % avant le génocide à quelque 29,3 % avec des pointes de plus de 40 % dans certaines préfectures. Leur situation est particulièrement dramatique lorsqu'on sait à quel point les femmes sont discriminées au niveau des lois notamment liées à l'héritage, à l'accès au crédit et au régime foncier. Déjà avant le génocide, 35 % des femmes chefs de ménage avaient un revenu mensuel inférieur à 5 000 francs rwandais (environ quinze dollars) par personne, alors que ce taux était de 22 % pour les hommes chefs de famille.
Malgré un taux élevé d'adoption d'orphelins suite au génocide et au sida, le nombre d'enfants sans famille oscillait entre 95 000 et 150 000.
Au niveau de l'enseignement, les inscriptions dans le cycle primaire ne sont que de l'ordre de 65 % tandis que le taux de fréquentation des écoles secondaires ne dépasse pas les 8 % (Woodward, 1996). Selon la Banque mondiale, le nombre d'élèves terminant les études primaires a baissé entre 1990 et 2001, passant de 34 % à 28 % (World Bank, World Keys Indicators, 2003). Le taux de mortalité infantile se maintient à un niveau particulièrement élevé (183 pour 1000).
En 1994, la dette extérieure totale du Rwanda s'élevait à près d'un milliard de dollars. Cette dette avait été entièrement contractée par le régime Habyarimana. Dix ans plus tard, cette dette a augmenté d'environ 15 % et le Rwanda est toujours sous ajustement structurel.
La dette contractée avant 1994 rentre pleinement dans la définition de « dette odieuse », en conséquence le nouveau régime aurait dû en être totalement exonéré. Les créanciers multilatéraux et bilatéraux savaient parfaitement à qui ils avaient affaire quand ils prêtaient au régime d'Habyarimana. Après le changement de régime, ils n'avaient pas le droit de reporter leurs exigences sur le nouveau Rwanda. Et pourtant, ils l'ont fait sans vergogne. C'est absolument scandaleux.
Les autorités rwandaises qui ont pris le pouvoir en 1994 ont tenté de convaincre la Bm et le FMI de renoncer à leurs créances. Ces deux institutions ont refusé et ont menacé de fermer le robinet du crédit si Kigali s'entêtait. Elles ont demandé à Kigali de faire silence sur l'aide qu'elles ont apportée au régime d'Habyarimana en échange de nouveaux prêts et d'une promesse d'annulation future de dette dans le cadre de l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés (lancée en 1996). Il est déplorable que le gouvernement ait accepté ce marchandage. Les conséquences sont néfastes : poursuite de l'ajustement structurel dont les conséquences économiques et sociales sont désastreuses et maintien d'une dette extérieure insoutenable et odieuse. En faisant cela, les autorités de Kigali ont obtenu le statut de bon élève du FMI, de la BM et du Club de Paris. Pire en participant à l'occupation militaire d'une partie du territoire du pays voisin, la République Démocratique du Congo, à partir d'août 1998 et en participant au pillage de ses ressources naturelles, le régime rwandais s'est fait le complice des États-Unis et de la Grande-Bretagne dans la région (ces deux pays cherchent activement un affaiblissement de la RDC).
Les Rwandais devraient être libérés de la dette et de la tutelle des créanciers du génocide.
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L'audit de la dette : un précédent avorté : les exemples du Rwanda et de la République démocratique du Congo – Entretien avec Éric Toussaint. Propos recueillis par Benjamin Lemoine
Quels ont été les premiers terrains d'expérimentation de la méthode CADTM pour combattre les dettes illégitimes ?
Il faut resituer cela dans la convergence entre le CADTM et différents mouvements actifs en France et ailleurs. Le CADTM, par exemple, s'est beaucoup investi dans la solidarité avec le mouvement néozapatiste qui est apparu publiquement le 1er janvier 1994 au Chiapas (Mexique) et s'est rendu à plusieurs reprises au Mexique. Le CADTM a également participé comme coorganisateur à la grande mobilisation d'octobre 1994 en Espagne contre la réunion de la Banque mondiale et du FMI pour fêter leur demi-siècle d'existence. Cette action faisait partie de la campagne mondiale « Fifty years, it's enough ». En ce qui concerne les contacts en France, j'ai mentionné la LCR, la campagne « Ca suffat comme ci » de 1989, le collectif « Les Autres Voix de la planète » créé en 1996 pour organiser le contre-G7, il faut y ajouter AITEC et le CEDETIM animés par Gus Massiah. Il y a aussi le mouvement Survie, animé à l'époque par François-Xavier Verschave, qui lutte contre la Françafrique et a bien perçu l'importance de la thématique de la dette. Survie avait un rapport étroit avec le CADTM, y compris parce que Survie, comme le CADTM, a été très actif pour dénoncer le génocide au Rwanda en 1994, ainsi que « l'opération Turquoise » organisée par Mitterrand. En 1995, une délégation du CADTM s'est rendue au Rwanda et un rassemblement international CADTM a été organisé à Bruxelles avec la question du génocide et les responsabilités des créanciers au cœur du programme. Et à partir de 1996, le CADTM s'est lancé dans l'audit de la dette rwandaise avec, à ce moment-là, le nouveau régime à Kigali dirigé par Paul Kagamé, qui est toujours au pouvoir. Kagamé voulait faire la clarté sur la dette et une équipe de deux personnes qui travaillaient étroitement avec le CADTM s'est mise en place. Michel Chossudovsky, un Canadien, professeur d'université à Ottawa, qui écrivait beaucoup dans le Monde diplomatique, et Pierre Galand, alors secrétaire d'Oxfam en Belgique, se sont rendus à Kigali et ont mené l'enquête en étroite relation avec le CADTM. Je dialoguais beaucoup avec eux et j'ai écrit un article qui s'appelait « Les créanciers du génocide » qui a eu un certain écho.
Cette initiative va inspirer la méthodologie CADTM sur l'audit de la dette ?
Effectivement, même si le dénouement a été frustrant. Peu de gens savent qu'une des missions de l'opération Turquoise consistait à mettre la main sur toute la documentation de Banque centrale du Rwanda à Kigali et de transférer tout cela dans un container à Goma en RDC, afin d'empêcher que les nouvelles autorités aient accès aux traces écrites révélant à quel point la France avait soutenu le régime génocidaire de Juvénal Habyarimana. Quand Laurent-Désiré Kabila a lancé son offensive contre Mobutu en 1996, à partir de l'est du Congo, Kagamé a pu mettre la main sur ce container, le rapatrier à Kigali et a ouvert les archives, sur lesquelles ont travaillé Michel Chossudovsky et Pierre Galand .
En somme, on retrouve la boîte noire…
Absolument, et on a vu l'implication des banques françaises dans le financement des achats d'armes du général Habyarimana. L'Egypte et la Chine étaient également impliqués en fournissant beaucoup de machettes, tandis que les Français fournissaient du matériel plus sophistiqué pour l'armée génocidaire rwandaise. Alors au départ, et c'est un point commun pour la suite de nos expériences, des mouvements internationalistes rentrent en contact avec un chef d'État, Paul Kagamé, qui veut faire la clarté et qui met à la disposition d'experts une documentation qui d'habitude est secrète. Kagamé, fort de cette ressource, a menacé les USA, la France, la Banque mondiale (BM) et le FMI de mettre sur la place publique le financement du génocide. Washington et Paris tout comme la Banque mondiale et le FMI ont dit en gros : « Ne sors pas ça ! En échange de ton silence, on te propose de réduire la dette rwandaise, en t'ouvrant une ligne de crédit maximale à la BM et au FMI. On réduit ce qu'on te réclame comme remboursement, on te le préfinance par de nouveaux prêts ». Et Kagamé est rentré dans le jeu. Ça a été une expérience tout à fait frustrante, non seulement pour l'énergie et l'éthique, mais aussi par rapport à ce que cela aurait pu constituer comme précédent. En effet, avant le régime d'Habyarimana, le niveau de dette du Rwanda était extrêmement faible, toute la dette réclamée au Rwanda était une dette contractée par un régime despotique, et donc tombait typiquement sous le coup de la doctrine de la dette odieuse, un peu comme la dette réclamée à la RDC.
En République démocratique du Congo, après le renversement du dictateur Mobutu en 1996-1997, Pierre Galand et moi travaillions en relation avec les nouvelles autorités de Kinshasa (c'est Pierre Galand qui entretenait les véritables contacts) et surtout avec les mouvements sociaux. Plusieurs membres et sympathisants congolais du CADTM qui avaient passé 20 ans en exil en Belgique étaient rentrés dans leur pays après la chute de Mobutu et occupaient des postes à Kinshasa . Nous avions aussi des contacts de longue date avec Jean-Baptiste Sondji, ex-militant maoïste congolais, qui était devenu ministre de la santé dans le gouvernement de Kabila.
Dans ces cas-là, quels sont les soutiens ou les alliances que vous recherchez ?
Personnellement je donnais l'absolue priorité aux relations avec les mouvements sociaux (syndicats, organisations paysannes, étudiantes…). Je n'avais pas une grande confiance dans le nouveau gouvernement de RDC sauf en partie en la personne de Jean Baptiste Sondji. Il s'agissait de remettre en cause le paiement de la dette réclamée à la RDC par des régimes et des institutions qui avaient soutenu Mobutu et lui avaient permis de rester au pouvoir pendant plus de 30 ans. Laurent Désiré Kabila avait mis en place un « Office des biens mal acquis » et il y avait un lien évident entre enrichissement lié à la corruption et endettement du pays. Là aussi, d'ailleurs, il y a eu une déconvenue parce que Kabila a négocié avec les banquiers suisses une transaction alors qu'il y avait une possibilité pour la RDC d'obtenir de la justice helvète qu'elle force les banquiers suisses complices des détournements opérés par Mobutu de restituer ce que celui-ci avait déposé dans leurs coffres. Scandaleusement, LD Kabila a accepté une transaction secrète avec les banquiers suisses et a abandonné la procédure juridique en cours.
Je me suis rendu à Kinshasa durant l'été 2000 pour travailler avec les mouvements sociaux et les ONG congolaises sur la question de la dette odieuse réclamée à la RDC. Mon livre La Bourse ou la Vie avait beaucoup de succès dans les milieux universitaires et dans la gauche congolaise. En Belgique, l'ex-métropole coloniale, le CADTM avait développé une forte campagne pour l'annulation de la dette odieuse de la RDC et pour le gel des avoirs du clan Mobutu en Belgique. Nous avions collaboré à la rédaction d'une brochure commune à l'ensemble des ONG et des organisations de solidarité Nord/Sud actives en Belgique afin de réclamer l'annulation des dettes congolaises. Dans la foulée de ces activités menées par le CADTM, des organisations de RDC ont adhéré au réseau international CADTM (à Kinshasa, au Bakongo, à Lubumbashi et à Mbuji-Mayi). La leçon à tirer des tentatives de dénonciation de la dette odieuse au Rwanda et en RDC est qu'il ne faut pas faire confiance aux gouvernements. Il faut donner la priorité absolue au travail avec les organisations citoyennes à la base, avec les mouvements sociaux et avec les individus décidés à agir jusqu'au bout pour que la clarté soit faite et que des décisions soient prises par les gouvernements.
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Bibliographie
CHOSSUDOVSKY, Michel et autres. 1995. « Rwanda, Somalie, ex Yougoslavie : conflits armés, génocide économique et responsabilités des institutions de Bretton Woods », 12 p., in Banque, FMI, OMC : ça suffit !, CADTM, Bruxelles, 1995, 182 p.
CHOSSUDOVSKY, Michel. The Global economic crisis, Department of Economic, University of Ottawa and Committee for the Cancellation of the Third World Debt (COCAD), Bruxelles, 1995, 18 p.
CHOSSUDOVSKY, Michel et GALAND Pierre, « Le Génocide de 1994, L'usage de la dette extérieure du Rwanda (1990-1994). La responsabilité des bailleurs de fonds », Ottawa et Bruxelles, 1996, http://globalresearch.ca/articles/CHO403F.html
MATON, Jef. 1994. Développement économique et social au Rwanda entre 1980 et 1993. Le dixième décile en face de l'apocalypse, Université de Gand, Faculté de Sciences économiques, 1994, 43 p.
NDUHUNGIREHE, Marie-Chantal. Les Programmes d'ajustement structurel. Spécificité et application au cas du Rwanda. Mémoire de licence, UCL, Faculté de Sciences économiques, 1995, 162 p.
TOUSSAINT, Eric. 1996. « Nouvelles révélations sur les ventes d'armes », 2 p., CADTM 19, Bruxelles, 1996.
TOUSSAINT, Eric. 1997. « Rwanda : Les créanciers du génocide », 5 p., in Politique, La Revue, Paris, avril 1997.
WOODWARD, David. 1996. The IMF, the World Bank and Economic Policy in Rwanda : Economic, Social and Political Implications, Oxfam, Oxford, 1996, 55 p.
Pour en savoir plus : Renaud Duterme, Rwanda : une histoire volée. Dette et génocide, Août 2013, Éditions Tribord
Article publié initialement sur https://www.cadtm.org/Rwanda-les-creanciers-du-genocide
Benjamin Lemoine est chercheur en sociologie au CNRS spécialisé sur la question de la dette publique et des liens entre les États et l'ordre financier. Une version abrégée de cet entretien est parue dans le numéro spécial « Capital et dettes publiques », de la revue Savoir / Agir n°35, mars 2016.
Note
[1] Banque mondiale, International Debt Statistics, Données consultées le 6 avril 2021. Disponibles à : https://databank.worldbank.org/source/international-debt-statistics#
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La montée en puissance des prophètes pentecôtistes africains

Des foules en liesse, des audiences record et des millions en dons. En Afrique, depuis quelques années, les prophètes pentecôtistes charismatiques se multiplient et gagnent en pouvoir et influence, se projetant bien au-delà du religieux.
Tiré de MondAfrique.
Le pentecôtisme connaît une montée météorique en Afrique chrétienne, avec des milliers de nouveaux membres chaque année. Au Zimbabwe, par exemple, le Ministère Prophétique de Guérison et de Délivrance affirme que le nombre de ses membres est passé de 45 000 à plus d'un million en seulement cinq ans. Il s'agit d'un chiffre gigantesque dans un pays de 16 millions d'habitants.
Ces figures charismatiques dirigent des méga-églises où ils accueillent notamment des jeunes marginalisés, promettant et professant la guérison par la foi, la santé et la richesse. Et souvent, cet engouement des masses pour ces nouveaux leaders spirituels se traduit par quelque chose approchant un culte de personnalité.
Une étude menée en 2022 dans 34 pays africains par Afrobarometer confirme cette tendance : 69 % des personnes interrogées faisaient confiance aux chefs religieux ; 51% faisaient confiance à leur président. De nombreux adeptes pensent même que ce serait un déclassement pour un prophète de se présenter à la Présidence de la République.
Abus sexuels, emprise, corruption
Les prophètes ne se privent pas de cet amour des masses pour abuser de leur statut : structures ecclésiastiques autoritaires, abus sexuels, corruption, intimidation… Ils font même jouer la peur de représailles spirituelles : si on ne se soumet pas aux nouveaux élus de Dieu, la damnation, la faim ou la maladie frapperont. Après tout, martèlent-ils, leur parole est définitive, et la remettre en question serait un acte du diable, qui tente désespérément de nuire aux intermédiaires entre le Seigneur et l'humanité.
Mais leur succès n'est pas uniquement dû au facteur religieux. Une partie du succès s'explique aussi par toute l'œuvre sociale et caritative que ces méga-églises mènent, tels des repas gratuits ou des soins, offrant une alternative alléchante aux services étatiques des fois trop chers ou alors défaillants dans ces domaines. Toute l'opération est financée par les dons (non taxés) des adeptes dont la gestion est complètement opaque et privée. Ces prophètes se permettent par la suite des modes de vie fastueux qu'ils justifient comme la preuve ultime de leur évangile : ils ont la foi, donc ils attirent la prospérité et les bonnes grâces de Dieu.
Une économie parallèle
Et au delà du social, ces pères spirituels, qui se nomment eux-mêmes “papa” et appellent leurs adeptes leurs “enfants”, usent de leur richesse pour se faciliter la vie sur le plan juridique, en se payant les meilleurs avocats, et en échangeant de l'argent contre le silence lorsqu'une accusation d'abus fait surface. Et sur le plan politique, les élus (séculaires) font de leur mieux pour forger des liens forts et médiatisés avec ces prophètes. Qui sait, peut-être que cette masse de croyants pourra un jour se transformer en masse de votants. Les pentecôtistes charismatiques se positionnent donc comme conseillers voire guides spirituels des politiques, et en échange ceux-ci les protègent de la justice. C'est gagnant-gagnant.
Sous l'emprise de cette influence de plus en plus séculaire des prophètes, une économie parallèle se développe dans les rues, où les dons caritatifs des croyants permettent le financement de nombreux services et projets que ces mêmes croyants usent quotidiennement : nourriture, vêtements, argent et emplois au sein de l'Église – souvent sous la forme de dons de l'Église aux membres considérés comme pauvres.
Une machine bien huilée, que personne ne semble avoir intérêt à entraver.
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Mali : La junte suspend les partis et les associations politiques

Le gouvernement militaire de transition du Mali devrait immédiatement revenir sur sa décision de suspendre les partis et les associations politiques, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Une telle suspension serait en violation à la fois de la loi malienne et du droit aux libertés d'expression, d'association et de réunion telles que définies par le droit international en matière des droits humains.
Tiré du site de Human Right Watch.
Le 10 avril, le Conseil des ministres du Mali a adopté un décret suspendant les activités des partis politiques et des associations politiques « jusqu'à nouvel ordre » dans tout le pays. Le 11 avril, l'organe de régulation des communications maliennes, la Haute autorité de la communication (HAC), a invité tous les médias à « arrêter toute diffusion et publication [d'informations sur les] activités » des partis politiques et des associations. Cette décision semblait être en réponse à l'appel du 31 mars de plus de 80 partis et associations politiques pour un retour à l'ordre constitutionnel, par l'organisation de l'élection présidentielle dans les meilleurs délais. La junte militaire, qui s'est emparée du pouvoir par un coup d'État en mai 2021, avait annoncé en septembre 2023 que cette élection, initialement prévue pour le 26 mars 2024, serait reportée à une date indéterminée pour des raisons techniques.
« Les autorités maliennes semblent avoir suspendu tous les partis et associations politiques parce qu'ils n'aimaient pas leur appel à tenir des élections démocratiques », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch.
- « La junte malienne, comme tout autre gouvernement, devrait respecter les droits humains et immédiatement lever cette suspension. »
Après des mois de reprise des hostilités entre les groupes séparatistes armés et les troupes gouvernementales maliennes dans le nord du pays, le colonel Assimi Goïta, président de transition du Mali, a annoncé, le 31 décembre 2023, l'ouverture d'un « dialogue direct inter-malien pour la paix et la réconciliation », visant à éliminer « les racines des conflits communautaires et intercommunautaires », en établissant comme priorité « l'appropriation nationale du processus de paix ». Dans un communiqué de presse diffusé le 10 avril, le colonel Abdoulaye Maïga, ministre de l'Administration territoriale, a affirmé que la suspension des partis et des associations politiques était justifiée pour assurer que le dialogue inter-malien « [se tiendrait] dans un climat de sérénité, pas dans la cacophonie ».
« La déclaration du ministre contient des contradictions », a déclaré un membre du parti politique Solidarité africaine pour la démocratie et l'indépendance (SADI). « Les autorités invitent les citoyens à un dialogue national mais, en même temps, elles les privent de leur habillage politique […] Qui [les autorités] veulent-elles voir participer à ce dialogue ? Les gens devraient pouvoir participer à la fois en tant que citoyens et en tant que dirigeants politiques ou membres de partis politiques ».
En janvier, les autorités ont engagé des poursuites contre le parti SADI, menaçant de le dissoudre, après l'affichage sur les réseaux sociaux d'un message de son dirigeant, Oumar Mariko. Mariko avançait que les forces armées maliennes avaient commis des crimes de guerre contre des membres du Cadre stratégique permanent, une coalition de groupes politiques et armés du nord du Mali.
Depuis le coup d'État militaire, la junte malienne a durci sa répression de la dissidence pacifique, de l'opposition politique, de la société civile et des médias, rétrécissant de plus en plus l'espace civique dans le pays, a déclaré Human Rights Watch.
Le 13 mars, le ministre de l'Administration territoriale a dissous l'Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM), accusant ses membres de « violences et affrontements dans le milieu scolaire et universitaire ». L'AEEM était la quatrième organisation dissoute en moins de quatre mois. Le 6 mars, les autorités ont dissous la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l'imam Mahmoud Dicko (CMAS), qui avait appelé à la tenue de l'élection présidentielle dans le cadre d'un processus de retour à un régime démocratique civil, l'accusant de « déstabilisation et de menace pour la sécurité publique ».
Le 28 février, les autorités ont dissous l'organisation politique Kaoural Renouveau, l'accusant d'avoir tenu des « propos diffamatoires et subversifs » à l'encontre de la junte militaire. Et le 20 décembre, elles ont dissous l'Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance, une organisation de la société civile qui surveillait le déroulement équitable des élections, reprochant à son président des « déclarations de nature à troubler l'ordre public ».
La junte a également pris pour cible des dissidents et des lanceurs d'alerte. Le 4 mars, les autorités ont fait disparaître de force le colonel de gendarmerie Alpha Yaya Sangaré, qui avait récemment publié un livre sur les abus commis par les forces armées maliennes. On ne sait toujours pas où il se trouve OU sa location reste inconnue à ce jour.
- Un activiste malien des droits humains a déclaré que « les autorités veulent garder le monopole du pouvoir politique en refusant à leurs opposants le droit d'exprimer leurs opinions et d'exercer des activités politiques ».
La constitution du Mali, ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Mali a ratifié en 1974, protège les droits aux libertés d'association, d'expression et de réunion pacifique. L'article 25 du Pacte assure le droit des citoyens de participer aux affaires publiques. Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, le corps d'experts indépendants qui surveille le respect du pacte par les États signataires, a confirmé le droit de tous de « se joindre à des organisations et des associations s'intéressant aux affaires politiques et publiques. »
« La décision de la junte de suspendre les partis politiques s'inscrit dans le contexte de sa répression incessante d'une opposition et d'une dissidence pacifique », a affirmé Ilaria Allegrozzi. « Les autorités devraient immédiatement lever cette suspension, autoriser les partis et les associations politiques à opérer librement et s'engager à respecter les libertés et les droits fondamentaux ».
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De l’état du monde et du déni des gens qui nous gouvernent

Quelle étrange période que celle que nous vivons ! Et sans doute faut-il désormais apprendre à aiguiser son regard pour tenter d'aller au-delà des apparences premières.
14 avril 2024
Car c'est justement cela le propre des élites économiques, politiques et médiatiques de notre temps : être dans le déni et s'enfermer dans une bulle cognitive à ce point étroite qu'elles ne voient plus ce qui pourtant crève les yeux, finissant –égarées, lassées et cyniques— par faire comme si de rien n'était, ou presque. À préférer au mieux naviguer entre 2 eaux, utilisant le gros de leurs pouvoirs pour donner l'illusion que malgré tout elles nous entraînent dans la bonne direction.
C'est que nous sommes confrontés à des conditions historiques radicalement nouvelles qui ont toutes de quoi nous déconcerter profondément. Au-delà même de la multiplicité et des effets combinés des crises économiques, sociales, politiques, culturelles, sanitaires, écologiques et géopolitiques qui nous ont assaillis ces dernières années –songez à la Covid ou aux guerres en Ukraine et à Gaza—, nous nous trouvons soudainement placés devant une série de défis qui, de par leur caractère mondialisé, ont pris une dimension littéralement anthropologique.
Ils nous obligent en effet, non seulement à nous arrêter aux problèmes les plus urgents du quotidien, mais aussi et surtout à les replacer et tenter de les régler depuis le temps long de l'histoire, et par conséquent à nous interroger tout autant sur le sens même de l'aventure humaine que sur les vertus de la vaste trajectoire du progrès que depuis l'époque moderne nous prétendons –nous gens d'Occident— incarner.
À quoi sert-il de continuer à parier sur l'augmentation infini et sans discrimination du PIB du monde si, comme nous l'indiquent les experts et scientifiques du GIEC, nous sommes à cause de cela en train de frapper un mur, en termes de changements climatiques, mais aussi de raréfaction des ressources, de disparition des espèces animales, de destruction d'un environnement vital pour la vie, la vie avec un grand V ? Et que vaut un accroissement de la puissance technologique humaine (pensez à certaines applications de l'IA non régulées), si au sein du désordre géopolitique d'aujourd'hui, elle se transforme en puissance destructrice ou barbare aux effets incalculables ? Et plus encore, est-ce vraiment la panacée de défendre coûte que coûte un libre-marché capitaliste dans lequel, au-delà même d'inégalités grandissantes, ne cessent de perdurer la faim pour les uns, et pour les autres le manque généralisé stimulé par une société de consommation jamais au rendez-vous des promesses qu'elle ne cesse de faire miroiter ?
C'est bien là l'étrange : face à ces questions de fond ressurgissant depuis les pressantes exigences du présent, nos élites paraissent tétanisées, plus préoccupées de faire illusion ou de se maintenir hypocritement au pouvoir que d'aider les sociétés auxquelles elles appartiennent à se dresser à leur hauteur. Et dans la société civile d'en bas c'est à une véritable course de vitesse à laquelle on assiste ; une course de vitesse entre l'exaspération ou le ressentiment des uns mobilisés désormais largement par les forces d'extrême droite, et les volontés démocratiques de changement des autres, mais portées par une gauche sur la défensive, fragmentée et à la recherche d'un second souffle.
Cette dernière saura-t-elle se ressaisir et retrouver le rôle qu'elle a su jouer par le passé, celui d'être le sel de la terre en rappelant les dimensions historiques et structurelles qui sont en jeu comme le rôle émancipateur que les peuples et mouvements sociaux peuvent y jouer ? Au milieu des clameurs guerrières qui sourdent de toutes parts, au-delà du jeu sordide des États enfermés dans la seule logique des rapports de force à courte vue, n'est-ce pas aussi à cela qu'il faut désormais oser travailler ? De toute urgence, comme une fenêtre ouverte sur d'autres possibles !
Pierre Mouterde
Sociologue, essayiste
Québec, le 14 avril 2024
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Déclaration des patriotes du 16 mars

Nous, patriotes haïtiens de plusieurs villes, sommes réunis le 16 mars 2024. Wap jwen vèsyon kreyol sou lòt paj la.
Nous, patriotes haïtiens de plusieurs villes, sommes réunis le 16 mars 2024, et déclarons :
1. Le droit souverain du peuple haïtien sur son territoire est absolu et sacré. Les étrangers qui violent ce droit sont des ennemis de la nation. Les Haïtiens qui aident l'ennemi à violer la souveraineté haïtienne sont des traîtres qui seront punis comme le commandent nos ancêtres et les lois de notre pays.
a. Le Core Group est persona non grata. Kenyans, Sénégalais, CARICOM, Espagnols… autres mercenaires, mieux vaut rester sur votre territoire !
b. Michel Martelly, Gilbert Bigio, Reynold Deeb, Izo (Johnson André), Dimitri Herard, Jimmy Cherizier (Babekyou), Vitelhomme Innocent, André Apaid, Guy Philippe ... tous les criminels qui ont brisé les murs des prisons et versé le sang d'innocents doivent être arrêtés ou puni de mort (bwa kale !)
c. Le seul gouvernement de transition que nous reconnaîtrons est celui qui émane de dirigeants haïtiens qui n'ont pas le sang du peuple sur les mains.
d. #HaitiAuxHaitiens #HaitiensPourHaiti #ArettezBigio #ArretezMartelly
2. Pour défendre la vie des Haïtiens honnêtes, nous lutterons contre toute force du mal, pour le désarmement effectif des criminels (étrangers et Haïtiens) et la reconstitution des forces de légitime défense de notre nation.
a. Décréter une mobilisation continue en faveur de la reconstitution des forces de l'ordre (Police et Armée) chargées de garantir la sécurité de toutes et tous en notre patrie, selon nos besoins et sans discrimination, aucune.
b. Abolir toutes les milices privées qui protègent et servent actuellement les oligarques criminels, les forces impérialistes blanches et leurs complices.
c. Nous cherchons à ce que le droit international soit dûment appliqué pour forcer les États-Unis et la République dominicaine à surseoir l'envahissement d'Haïti avec des armes meurtrières alors que ces pays abritent sur leur territoire des criminels majeurs qui ont du sang haïtien sur les mains (par exemple Bigio, Martelly…).
d. #AbasLesCriminels #ZeroToleranceTraitres #ZeroToleranceVioleurs #ZeroToleranceAssassins
3. Mobilisation incessante pour dénoncer et contrer toutes les forces malveillantes qui ont gangstérisé Haïti avec les milices du PHTK.
a. Nous exigeons restitution et réparations de la part des gouvernements de pays membres du Core Group, des Nations Unies et de l'OEA pour les multiples crimes qu'ils ont commis contre le peuple haïtien au cours de l'histoire ainsi qu'à l'époque actuelle.
b. Nous ouvrons nos bras pour recevoir et offrir notre solidarité à tous les peuples en lutte comme ceux de Cuba, le Mali, le Niger, le Boukina Faso, la Palestine, le Venezuela... qui font face aux actions malveillantes du même klan de colonisateurs, voleurs de terres qui forme le Core Group.
c. #DeboutAvecHaiti #JugezClinton #JusticeDignitéRéparationPourHaiti ?
Deklarasyon patriòt 16 mas lan
Yon ekip patriyòt Ayisyen k ap viv nan plizyè vil te reyini 16 Mas 2024
Nou deklare :
1. Dwa granmoun pèp Ayisyen an sou peyi li sakre. Etranje ki vyole dwa sa a se lènmi nasyon an. Ayisyen ki ede lènmi vyole granmounite Ayiti se trèt k ap resevwa pinisyon jan zansèt yo ak manman lwa peyi nou ekzije sa.
a. Core Group persona non grata. Mèsenè Kenya, Senegal, CARICOM, Panyòl ret nan patiray nou !
b. Michel Martelly, Gilbert Bigio, Reynold Deeb, Izo (Johnson André), Dimitri Herard, Jimmy Cherizier (Babekyou), Vitelhomme Innocent, André Apaid, Guy Philippe … tout kriminèl ki pete pòt prizon epi ki fè san pèp inosan koule : anba kòd osnon bwa kale !
c. Sèl gouvènman tranzisyon n ap rekonèt se youn ki soti nan tèt kole Ayisyen ki pa gen san pèp la sou men yo.
d. #AyitiPouAyisyen #AyisyenPouAyiti #AreteBigio #AreteMartelly #AbaBlanMalveyan
2. Pou nou defann lavi Ayisyen onèt, nou dekrete koukouwouj dèyè tout malonèt jouk nou va rive dezame tout kriminèl (etranje tankou Ayisyen) epi remanbre fòs defans lejitim nasyon nou an.
a. Nou dekrete mobilizasyon manch long pou remanbre fòs legal (Polis ak Lame) ki la pou asire sekirite tout moun sou zile a, kòmsadwa, san paspouki.
b. Aba tout milis prive k ap pwoteje e sèvi oligak kriminèl ak blan malveyan enperyalis yo.
c. Nou ekzije aplikasyon dwa entènasyonal prese prese pou fòse Etazini ak Dominikani sispann anvayi Ayiti ak zam fannfwa pandan leta peyi sa yo ap kouve gwo kriminèl chèf milis kidnapè lakay yo, tankou Bigio, Martelly…
d. #ToutMounSeMoun #LaviToutMounSakre #ToutKriminèlSeKriminèl #ZewoToleransPouTrèt #ZewoToleransPouKadejakè #ZewoToleransPouAsasen
3. Mobilizasyon san pran souf nan tout peyi blan malveyan yo ki gangsterize Ayiti ak milis PHTK yo.
a. Nou ekzije Restitisyon ak reparasyon nan men gouvènman peyi Kò Gwoup yo, Nasyonzini, OEA pou tout krim yo fè kont pèp Ayisyen an nan listwa tankou nan epòk kounye a.
b. Nou louvri bra pou nou resevwa epi ofri solidarite bay tout pèp tankou Kiba, Mali, Nijè, Boukina Faso, Palestin, Venezyela… k ap lite kont menm lagrandyab vòlò tè kolonizatè ki anndan Core Group yo.
c. #LeveKanpePouAyiti #JijeClinton #JistisDiyiteReparasyonPouAyiti<
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La lutte anti-coloniale pour l’autodétermination du peuple haïtien atteint l’ONU

La lutte anti-(néo)coloniale à Haïti s'insère à plein titre dans les contingences géopolitiques actuelles. Pour faire face aux défis existentiels que lui incombent, le peuple haïtien mène une lutte de longue-haleine pour l'émancipation et l'autodétermination, qui nécessite d'un mouvement de solidarité internationaliste solide et mobilisé.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/04/15/declaration-de-solidarite-avec-le-peuple-haitien-communique-collectif/
En effet, les forces impérialistes dominantes continuent d'imposer leur mainmise sur la île caribéenne afin d'en tirer des clairs avantages stratégiques ; il s'agit d'éviter qu'Haïti puisse entreprendre la voie de la véritable indépendance, pour une souveraineté nationale et populaire.
La situation actuelle dans le pays est caractérisée par une violence inouïe et par des violations généralisés et systématiques des droits humains, et notamment des populations les plus vulnérables (personnes issues des classes populaires et des communautés rurales). La moitié du pays se trouve désormais aux mains de gangs criminelles, instrumentalisées par l'oligarchie nationale – assujettie aux intérêts impérialistes – afin de confiner et limiter la contestation sociale. Face à cela, le mouvement social haïtien (organisations paysannes, organisations politiques progressistes, syndicats, organisations féministes…) s'organise collectivement et revendique des espaces d'autonomie où bâtir ses propres voies de développement auto-centré. Ce sont précisément ces modèles alternatifs au système raciste et néocolonial dominant qui dérangent. Ainsi, le mouvement social est dans le viseur impérialiste et néocoloniale ; d'où l'instrumentalisation des gangs criminelles.
Dans le contexte haïtien, l'ONU a joué un rôle historiquement néfaste. Les interventions sous couvert de cette organisation se poursuivent depuis trois décennies. Ces « missions de paix », qui ont pour but déclaré d' aider le pays à retrouver la stabilité politique et à lutter contre la corruption, n'ont en réalité que contribué à empirer la situation. Début octobre 2023, le Conseil de sécurité de l'ONU profile une nouvelle intervention militaire étrangère pour combattre les gangs qui secouent le pays.
Les mouvements sociaux haïtiens mettent en garde face à cette nouvelle tentative d'ingérence étrangère sous couvert de l'ONU, ou il vaudrait mieux dire, sous couvert du « Core-group de l'ONU sur Haïti ». Ce dernier est un groupe inter-gouvernemental auto-nommé de pays (entre autres, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, le Canada) qui de facto contrôle et administre la vie politique haïtienne depuis 2004 (année du coup d'état parainné par les Etats-Unis et la France contre le Président Aristide). Un groupe qui ne représente ni l'ONU ni la soi-disant « communauté internationale » mais plutôt les intérêts stratégiques du système impérialiste dominant à traction états-unienne.
Les principales organisations paysannes haïtiennes membres de La Via – Tet Kole Ty Peyizan Ayitien, Mouvement paysan papaye (MPP) et le Mouvement paysan national du congrès papaye (MPNKP), toutes membres de La Via Campesina – sont mobilisées à tous les niveaux pour s'opposer au plan d'intervention militaire, soutenues par les organisations de la solidarité internationaliste.
La Via Campesina a lancé, fin 2023, une campagne de solidarité avec la lutte du peuple haïtien. Dans ce cadre, des efforts de plaidoyer se sont également déployés au niveau du système international des droits humains, appuyés par le CETIM qui a accompagné les organisations paysannes haïtiennes au niveau des instances onusiennes. La lutte sociale à Haïti passe aussi par la création d'un rapport de force au niveau international, et l'ONU représente en ce sens un terrain de lutte de prédilection.
Dans le cadre de la 55ème session du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, le CETIM et les organisation paysannes haïtiennes ont déposé un rapport sur la situation des droits humains dans le pays pour faire lumière sur la situation de crise profonde dans laquelle verse le pays. Dans ce rapport, il a été question d'abotder les origines coloniales de la crise actuelle, l'historique des ingèrences étrangères, tout en émettant une série de revendications et demandes concrètes adressées au Conseil des droits de l'homme.
A_HRC_NGO_Haiti-FR : TÉLÉCHARGER
Ensuite, Micherline Islanda Aduel, en représentation des organisations paysannes haïtiennes, du CETIM et FIAN International, est intervenue en réunion plénière du Conseil des droits de l'homme lors d'un débat sur la situation à Haïti. Dans son intervention, elle a insisté sur le fait qu'il soit nécessaire de « laisser les institutions démocratiques légitimes, les mouvements sociaux ainsi que les organisations politiques prendre les mesures nécessaires pour remettre le pays sur le chemin de la paix et de la démocratie ».
https://player.vimeo.com/video/933779400?h=046219dc7f
Les principales revendications présentés à l'ONU s'articulent ainsi autour du rejet de l'intervention militaire impérialiste, le respect de l'indépendance et l'intégrité territoriale d'Haïti, ainsi que sur la nécessité d'assurer la participation des mouvements sociaux au futur processus de transition démocratique. Il a été également question de focaliser l'attention sur la situation dans les zones rurales qui est particulièrement affectée par la situation ; ainsi, le relance de de la production agricole, tout en protégeant les droits des populations paysannes et rurales, à la lumière des dispositions de la Déclaration de l'ONU sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales, est une priorité fondamentale. La Déclaration peut en ce sens servir de boussole, de levier politique et juridique au service des intérêts des classes populaires, en vue de la reconstruction du pays sur des bases de justice sociale et climatique.
VIVE HAÏTI SOUVERAIN !
VIVE LA LUTTE DU PEUPLE POUR UNE SOLUTION HAÏTIENNE POUR HAÏTI !
VIVE LA SOLIDARITÉ ENTRE TOUTES LES ORGANISATIONS PROGRESSISTES LUTTANT POUR LA JUSTICE SOCIALE !
Pour savoir plus :
Micherline est également intervenue lors d'une conférence publique à Genève, intitulée « Luttes anticoloniales dans le Sud Global : Une perspective paysanne », aux côtés de représentant-e-s paysan-ne-s du Niger, Colombie et Palestine. Cet événement visait à aborder les perspectives paysannes quant aux articulations entre luttes anticoloniales et luttes pour la souveraineté alimentaire.
Voir le webinaire sur la situation à Haïti, organisé par La Via Campesina :
https://vimeo.com/924141686?fbclid=IwAR0xmQW8UEmzPz_1RAnUoTTJQeeFw1Nm4j_5cGzNV33hDwdpDc_8XgQwdcY
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Argentine. Sous pression de la rue, la CGT appelle à une journée de grève générale le 9 mai

Alors que depuis trois mois, les directions syndicales négocient avec le patronat et refusent de s'opposer de manière coordonnée au plan de Milei, elles ont fini par appeler, sous pression de la rue, à une nouvelle journée de grève générale, le 9 mai prochain.
12 avril 2024 | tiré de Révolution permanente | Crédits photo : La Izquierda Diario
En 24 heures, la situation a changé. Alors que ce mercredi, les dirigeants de la CGT n'annonçaient aucune date de mobilisation tout en continuant de mener leurs négociations avec le patronat sur une réforme du travail, ils ont annoncé dans la nuit du jeudi une date de grève générale, prévue le 9 mai prochain. Le contexte de crise économique grave et les attaques directes du gouvernement envers les travailleurs et les classes populaires intensifient les mobilisations par en bas. Les directions syndicales sont donc prises entre le mécontentement de la base et la dureté des attaques du gouvernement et des entreprises, et ont fini par appeler à cette date lointaine du 9 mai.
La passivité de la CGT mise à mal
Les conducteurs de bus ont organisé une grande grève qui a secoué la région métropolitaine de Buenos Aires, réclamant des augmentations de salaire. Dans plusieurs villes, les métallurgistes ont organisé une grande marche. PepsiCo Mar del Plata a été paralysé en raison de licenciements. Les travailleurs licenciés de GPS-Aerolíneas Argentinas et les fonctionnaires sont descendus dans les rues ce vendredi pour protester contre les licenciements, mais aussi contre le nouveau projet de loi Omnibus. Les mouvements sociaux ont récemment manifesté massivement et ont fait face à une répression brutale au centre de Buenos Aires. Les enseignants, les personnels non enseignants et les étudiants de différentes universités nationales prévoient également de se mobiliser massivement le 23 avril.
La colère s'accumule depuis la base face à une situation économique étouffante. L'inflation a frappé durement ces derniers mois tous les Argentins. Les salaires ont chuté comme jamais auparavant. Les retraités sont ceux qui paient le plus lourd tribut à l'ajustement fiscal : depuis 2015, le niveau de leur pension a diminué de 60%, et Milei cherche à le faire baisser à nouveau de 20% en dessous du minimum pour les personnes, majoritairement des femmes, qui n'ont pas suffisamment cotisé. De nouvelles hausses de tarifs sont à venir et pendant ce temps, les banques, les grandes entreprises agricoles, les compagnies minières, les sociétés privatisées d'énergie s'enrichissent.
C'est dans ce contexte que la bureaucratie de la CGT a annoncé de nouvelles mesures, sans changer l'essentiel de son plan, qui consiste à négocier avec le patronat une réforme sur le travail, qui prévoit de supprimer l'indemnisation et de la remplacer par un système dans lequel le travailleur lui-même cotise mensuellement à un fond qui lui serait versé en cas de licenciement. Le texte prévoit aussi une réduction des amendes pour les employeurs en cas de non-déclaration régulière de leurs travailleurs. C'est donc un texte de loi pro-patronal qui augmenterait la précarisation des conditions de travail et rendrait les licenciements moins coûteux pour les entreprises.
Par l'annonce de cette date, les directions cherchent à apaiser la colère et à avancer dans leurs négociations, syndicat par syndicat. Pour cela, ils divisent les luttes et donc l'immense force sociale de la classe ouvrière, plutôt que de l'unir. La CGT refuse de faire face au méga DNU en n'appelant pas non plus à la grève et à la manifestation les jours où la nouvelle Loi Omnibus sera discutée au Congrès national. Bien que le chapitre du travail soit bloqué par la justice, le décret comporte de nombreuses autres attaques. Il détruit les conquêtes populaires et dérégule les marchés pour qu'ils exploitent les travailleurs et travailleuses.
À travers cette date lointaine et en maintenant le dialogue social avec le patronat, les syndicats refusent de s'opposer de manière coordonnée au plan de Milei et aux grands puissants qui le soutiennent. La CGT et la CGT-A sont en train de construire un plan de bataille et une stratégie selon leurs intérêts, en s'efforçant de contenir la mobilisation par la gauche au sein du péronisme, dans une perspective électorale, pour les élections législatives de mi-mandat de 2025 et la campagne de leur candidat Grabois. Leur objectif et de contenir la colère à travers des jours de grève étalés dans le temps.
Une combativité à l'extrême-gauche pour un 9 mai réussi
L'attitude de la gauche et du syndicalisme combatif est opposée à cette passivité. Depuis décembre, l'extrême-gauche, dont le PTS (organisation sœur de Révolution Permanente en Argentine) ont été les premiers à descendre dans la rue pour affronter le protocole répressif de Patricia Bullrich au côté de milliers de manifestants. Des assemblées de quartier ont commencé à se former, et des casserolades ont eu lieu dans de nombreuses villes. En janvier, l'extrême-gauche et les syndicats combatifs ont participé pleinement à la première grève générale que la CGT a été contrainte de convoquer, tout en dénonçant le fait qu'ils ont empêché son élargissement massif à tous les secteurs, notamment en permettant aux transports de fonctionner presque normalement toute la journée. Les 8 et 24 mars, des centaines de milliers de personnes des secteurs les plus combatifs ont également convergé dans les rues. Le 23 avril a lieu la grande marche nationale universitaire en direction du Congrès national, au sein de laquelle les revendications seront contre les licenciements massifs qui ont lieu partout en Argentine, et pour empêcher l'approbation de la nouvelle loi Omnibus.
Le 9 mai, aucun espoir ne doit être placé dans la direction des syndicats. Ce jour-là, les travailleurs et travailleuses doivent paralyser le pays en faisant une grande démonstration de force. Il s'agit de « frapper ensemble, marcher séparément ». L'unité pour la lutte, tout en maintenant l'indépendance des secteurs démocratiques et combatifs. Car il ne s'agit pas seulement de se battre syndicat par syndicat ou secteur par secteur, ni de prendre des mesures nationales isolées de temps en temps. Il s'agit de se battre pour la continuité d'un plan de lutte et de le faire dans le cadre de la construction de la grève générale. Car c'est la seule façon de vaincre le plan de Milei dans son entièreté.
Comme l'écrivent nos camarades du PTS, « Il est nécessaire dès aujourd'hui de s'organiser depuis la base dans des assemblées dans chaque lieu de travail, d'étude et dans chaque quartier, comme le font les assemblées populaires. Se coordonner dans des instances démocratiques pour avoir également plus de force pour soutenir chaque combat et pour lutter contre la bureaucratie. Dans cette voie, nous voulons ouvrir la voie à la lutte pour une autre issue. Une issue qui commence par affirmer qu'il y a de l'argent pour les salaires, l'éducation, la santé, la science, les retraites, mais que les grands entrepreneurs et le capital financier le prennent. Cela implique de rompre avec le FMI, de ne pas payer la dette et de nationaliser la banque, et face aux hausses de tarifs, de promouvoir la nationalisation et l'expropriation sous contrôle ouvrier de tout le système énergétique, sur la voie d'un programme global pour que la crise soit supportée par les capitalistes, et d'imposer un gouvernement des travailleurs et des pauvres qui remette en question la domination des propriétaires du pays en commençant par la réorganisation de la société en fonction des besoins des grandes majorités et non du profit capitaliste. Cela implique également qu'au fil de chaque lutte, nous cherchions à construire une force politique socialiste des travailleurs, sans tomber dans les pièges du péronisme qui vient d'échouer et de s'ajuster pendant ses gouvernements, laissant un taux de pauvreté de 41,7 %, et qui aujourd'hui mise sur le fait de laisser passer le plan de Milei pour ensuite « revenir » et administrer les ruines appauvries du pays ».
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Mexique : des élections historiques

La population mexicaine votera le 2 juin prochain pour la présidence du pays lors d'un scrutin historique puisque, pour la première fois, il en sortira une présidente. En effet, les deux principales candidates sont deux femmes. Il y a Claudia Sheinbaum, ex-mairesse de Mexico, successeure du président actuel, Andrés Manuel Lopez Obrador (AMLO), et candidate du Mouvement pour la rénovation du Mexique (MORENA). Et Xochitl Galvez, ingénieure, candidate du Parti de l'action nationale de l'ancien président Vincente Fox, auquel se sont ralliés le Parti de la révolution institutionnelle (PRI) et le Parti de la révolution démocratique (PRD).
5 avril 2024 | tiré du Journal des Alternatives | Photo Credit : Dimitri dF Creative Commons via Flickr
https://alter.quebec/mexique-des-elections-historiques/?utm_source=Cyberimpact&utm_medium=email&utm_campaign=JdA-PA-2024-04-11
Dans un premier temps, Andrés Manuel Lopez Obrador (AMLO) a été élu en 2018 avec 53 % des voix, démontrant ainsi un fort soutien populaire, un résultat rarement obtenu. Sa popularité lui a également permis de faire élire 202 député.es de MORENA et 60 sénateur. trices au parlement. Actuellement, 22 des 33 États sont gouvernés par MORENA.
Au cours de son mandat, AMLO a poursuivi ce qu'il appelle une « Quatrième transformation » (4T) du pays. Les trois autres sont des périodes historiques clés : le mouvement pour l'Indépendance (1810 à 1821), la Réforme aboutissant à la séparation de l'Église et de l'État (1858 à 1861) ; la Révolution qui a promulgué la constitution actuelle du Mexique (1910 et 1917).
Slogan de campagne électorale, la 4T était remplie de promesses de transformations profondes dans la vie de la population, avec des investissements sociaux et la promotion d'une économie forte et productive. Il s'est toutefois occupé essentiellement d'améliorer la vie quotidienne des gens tout en veillant à l'équilibre politique à partir de principes.
Le bilan d'AMLO centré sur la vie quotidienne
Après six ans au pouvoir, AMLO détient entre 58 % et 65 % d'approbation selon les sondages. Face à toutes les adversités, il a réalisé des alliances tactiques avec un certain pragmatisme, sans renier ses convictions, malgré les critiques et les déceptions qu'il a pu générer dans ses allié.es.
Il a augmenté le salaire minimum de 22 %, en proposant que l'augmentation ne soit pas inférieure au taux d'inflation. Il a mené une réforme des lois du travail qui a permis une plus grande liberté syndicale.
Il a réaffirmé le droit à une retraite et a augmenté la prestation chaque année. Il a amélioré les protections en santé et en soins médicaux pour l'ensemble des Mexicain.nes. Il a octroyé des bourses aux étudiant.es issu.es de familles pauvres.
Il a fait une lutte pour adopter l'élection au suffrage direct des autorités judiciaires. Il a mené une politique de lutte contre la corruption, éliminé des privilèges fiscaux et supprimé des dépenses publiques onéreuses.
Il a reconnu les peuples indigènes comme sujets de droit public. Il a interdit l'extraction d'hydrocarbures par fracturation sur le territoire national.(gaz de shiste).
Il a exercé une politique étrangère souveraine, tournée vers le Sud : en faveur de Pedro Castillo au Pérou, le soutien d'Evo Morales en Bolivie, sa relation avec Cuba, la défense de la non-ingérence au Venezuela, l'appui à Petro en Colombie. Il a maintenu des relations inévitables avec son voisin du Nord.
Le gouvernement des 4 T a connu une augmentation significative du nombre de femmes dans sa composition. Le gouvernement d'AMLO présente une parité absolue, avec dix femmes et dix hommes, contre trois femmes et dix-huit hommes dans le gouvernement précédent. Par ailleurs, Morena est la formation politique qui compte le plus de femmes députées à la Chambre (avec 21 % d'entre elles).
Il a mené une politique de communication directe, définissant un « agenda » quotidien (par le biais des « Mañaneras », des points de presse matinaux). Il a également dû confronter les pouvoirs en place : les médias, les multinationales présentes dans les secteurs stratégiques, la vieille classe politique néolibérale, la monarchie espagnole, le département d'État américain (d'abord avec Trump puis avec Biden, avec des politiques différentes en matière d'immigration et de lutte contre le trafic de drogue), qui ont tentait d'imposer des politiques internes au Mexique, auxquelles AMLO a résisté sans générer de conflits !
Le sort du scrutin en juin prochain
Les sondages sur les résultats des élections de juin prochain donnent la présidence à Claudia Sheinbaum de MORENA, avec une avance de 25 % de plus que Xochitl Galvez du Front large pour le Mexique, regroupant les oppositions du centre droit (PRD) et de la droite (PAN et PRI).
La candidate de MORENA a été élue par des sondages du parti et de quatre autres entreprises de sondage qui ont réalisé 12 000 enquêtes pour déterminer la personne candidate qui poursuivra le legs d'AMLO et le mouvement de gauche. La désignation des candidatures des autres formations politiques se fait selon les intérêts des instances dirigeantes qui décident qui va les représenter.
L'opposition se présente sous une coalition Frente Amplio por Mexico (Front large pour le Mexique), composée du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), du Parti révolutionnaire démocratique (PRD) et du Parti d'action nationale (PAN). Cette alliance réunit tous les vieux partis et a choisi de contourner son propre processus de sélection pour finalement désigner la sénatrice du PAN Xóchitl Gálvez comme sa candidate, par le biais d'un accord entre les partis. Au cours de ce processus, les partis ont forcé le retrait des autres candidatures, malgré de fortes oppositions à être évincés par la direction de leur parti.
Claudia Sheinbaum, diplômée en physique de l'UNAM, a déclaré à plusieurs reprises qu'elle défendrait la continuité des 4 T, mais avec son propre cachet : féministe et scientifique écologique. Elle soutient qu'elle voudra garantir les droits pour construire une société de bien-être et une politique de soins.
Bertha Xóchitl Gálvez Ruiz est ingénieure informatique aussi de l'UNAM et est une femme d'affaires. D'origine modeste, elle a fondé High Tech Services, une entreprise qui conçoit des bâtiments intelligents. Elle a aussi créé la Fondation Porvenir, qui soutient les enfants souffrant de malnutrition dans les régions indigènes du Mexique. Gálvez a voté avec le PAN (de Droit) dans toutes les occasions importantes sans se distinguer par sa propre empreinte ou son opinion dans aucune délibération notable.
Les enjeux des élections concernent la protection des avancées sociales qu'AMLO a mise en place, notamment dans la lutte contre la pauvreté, alors que plus de cinq millions de personnes en sont sorties au cours des sixdernières années. Cet enjeu constitue un défi pour la nouvelle présidente qui sera élue en juin. Claudia Sheinbaum veut aussi y inclure l'environnement, l'économie féministe axée sur les soins et la justice sociale. Il s'agit d'un moment déterminant pour la consolidation de la gauche qui indiquera aux autres pays des Amériques que l'espoir à gauche est bien vivant et en évolution.
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Justice climatique : la CEDH condamne la Suisse dans une décision historique*

La Cour européenne des droits de l'Homme a rendu *mardi 9 avril* une série de décisions très attendue portant sur la responsabilité des États en matière d'action contre le changement climatique. Si la Suisse a été condamnée, une première, les requêtes concernant la France et le Portugal ont été rejetées.
Tiré de L'Humanité, France. Mis à jour le mercredi 10 avril 2024 à 07h06
Par Théo Bourrieau <https://www.humanite.fr/auteurs/the...>
,
Irène Sulmont <https://www.humanite.fr/auteurs/ire...> et
Vadim Kamenka <https://www.humanite.fr/auteurs/vad...>
,
www.humanite.fr/environnement/cedh/justice-climatique-la-cedh-condamne-la-suisse-dans-une-decision-historique <http://www.humanite.fr/environnemen...>
À Strasbourg, ce mardi, la Cour européenne des droits de l'homme ( CEDH ) a fait condamner, pour la première fois, la Suisse. La requête portée par les Aînées pour la protection du climat ( 2 500 Suissesses âgées de 73 ans en moyenne ) dénonçait des « manquements des autorités suisses pour atténuer les effets du changement climatique » (1), qui ont des conséquences négatives sur les conditions de vie et la santé.
C'est la Grande Chambre, formation la plus solennelle de la CEDH, composée de 17 juges qui a conclu, le 9 avril, « à la violation du droit au respect de la vie privée et familiale de la convention et à celle du droit à l'accès à un tribunal » et que « la Confédération suisse avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de la convention en matière de changement climatique » ; la Cour citant, par exemple, les émissions de gaz à effet de serre (GES) dont la Suisse n'a ni imposé des limites nationales applicables ni atteint « ses objectifs de réduction des émissions de GES ».
*Un jugement qui fait référence*
L'arrêt de la CEDH est définitif et contraignant. Car il oblige la Suisse à redoubler d'efforts pour lutter contre le changement climatique. Pour l'avocate spécialisée dans le droit de l'environnement Corinne Lepage, jointe par l'Humanité : « C'est une décision historique car, pour la première fois, une juridiction internationale reconnaît la carence d'un État et la violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme. Et la jurisprudence qu'a créée la Cour s'applique à la France comme aux autres États. »
Si Raphaël Mahaim, l'un des avocats de l'association des Aînées, s'est félicité que la Cour ait enfin « posé une liste d'exigences pour qu'un État se conforme à ses obligations climatiques », la formation d'extrême droite UDC ( Union démocratique du centre ) a appelé « la Suisse à se retirer du Conseil de l'Europe ». Dans un communiqué, le premier parti helvétique a condamné un arrêt « inacceptable » et scandaleux.
Le jugement peut surtout servir de référence dans d'autres dossiers portant sur le changement climatique et s'appliquer dans les 46 États membres du Conseil de l'Europe et signataires de la convention européenne des droits de l'homme. « Ce n'est que le début en matière de contentieux climatique : partout dans le monde, de plus en plus de gens traînent leurs gouvernements devant les tribunaux pour les tenir responsables de leurs actions. En aucun cas, nous ne devons reculer, nous devons nous battre encore plus parce que ce n'est que le début », a réagi la jeune militante écologiste suédoise Greta Thunberg (2), venue à Strasbourg assister à l'audience.
*L'inaction climatique, une attaque aux droits humains*
Si la Suisse a été condamnée, la présidente de la CEDH, l'Irlandaise Siofra O'Leary, a rejeté deux autres requêtes sur la même thématique concernant la France et le Portugal. L'ancien maire écologiste de Grande-Synthe (Nord), Damien Carême (3), accompagné par l'ancienne ministre de l'Environnement, Corinne Lepage, avait saisi la Cour européenne pour faire condamner l'État français d'inaction sur le risque de submersion de son ancienne commune (4).
En 2019, le député européen avait déjà saisi le Conseil d'État qui avait donné raison, en juillet 2021 (5), à la commune, mais avait rejeté sa demande individuelle. « En France, cela faisait des années ( depuis 2018 ) que j'avais commencé ce contentieux avec le maire Damien Carême. Je regrette que cette action n'est pas aboutie faute d'être recevable. Mais la CEDH consacre que le fait de ne pas agir en matière climatique est désormais une attaque aux droits humains », a réagi Corinne Lepage.
La troisième affaire n'a pas abouti. Portée par un collectif de six Portugais âgés de 12 à 24 ans (6), mobilisés après les terribles incendies qui ont ravagé leur pays en 2018 (7), la plainte visait non seulement Lisbonne, mais également tous les États membres de l'Union européenne et États membres du Conseil de l'Europe comme la Suisse, la Turquie, le Royaume-Uni et la Russie.
*Les ONG alertent sur l'enjeu des européennes*
Alors que les acquis du pacte vert sont déjà en proie à des reculs, les élections européennes du 6 au 9 juin prochains s'annoncent cruciales. En cette fin de mandature, le Réseau Action Climat < https://reseauactionclimat.org/ > et ses associations membres dressent un bilan. Arnaud Schwartz, vice-président de France Nature Environnement, note « une approche systémique avec une tentative de prendre en compte ce que dit la science ».
Bien que le Parlement soit le moteur des ambitions environnementales dans le trilogue européen, plusieurs législations ont été considérablement affaiblies, voire rejetées par cette institution, comme le règlement sur les pesticides en novembre 2023.
Le Réseau Action Climat, en s'appuyant sur une analyse paneuropéenne des votes des députés, a fait émerger plus clairement les positions des différents partis politiques. Selon le réseau d'associations, les eurodéputés moteurs en matière environnementale, dans un ordre décroissant, ont été ceux des Écologistes, du Parti socialiste et Place publique, ainsi que la France insoumise.
(1) www.humanite.fr/environnement/environnement/inaction-climatique-de-plus-en-plus-de-citoyens-se-tournent-vers-la-justice-selon-lonu-804359 <http://www.humanite.fr/environnemen...>
(2) www.humanite.fr/monde/greta-thunberg/pour-greta-thunberg-la-planete-est-en-train-detre-tuee-800374 <http://www.humanite.fr/monde/greta-...>
(3) www.humanite.fr/societe/grande-synthe/grande-synthe-la-petite-jungle-de-nouveau-evacuee <http://www.humanite.fr/societe/gran...>
(4) www.humanite.fr/environnement/christophe-bechu/climat-des-zones-bientot-inhabitables-a-cause-de-lerosion-cotiere-500-communes-identifiees <http://www.humanite.fr/environnemen...>
(5) www.humanite.fr/societe/climat/historique-le-conseil-detat-somme-le-gouvernement-de-prouver-quil-agit-contre-le-rechauffement-climatique-696473 <http://www.humanite.fr/societe/clim...>
(6) www.humanite.fr/environnement/climat/inaction-climatique-la-cour-europeenne-des-droits-de-lhomme-se-penche-sur-la-plainte-de-6-jeunes-contre-32-etats <http://www.humanite.fr/environnemen...>
(7) www.humanite.fr/societe/canicule/canicule-le-portugal-en-proie-aux-flammes-comme-la-grece-et-le-canada-805568 <http://www.humanite.fr/societe/cani...>
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Le syndicat s’implante chez Tesla Allemagne

IG Metall en Allemagne continue de syndiquer à l'usine européenne de Tesla à Grünheide, près de Berlin.
Tiré de Inprecor 719 - avril 2024
8 avril 2024
Par Lars Henriksson
Des élections ont récemment été organisées pour le comité d'entreprise, le Betriebsrat, dont sont dotées toutes les entreprises de plus de cinq salariés en Allemagne, qu'il y ait ou non des accords syndicaux. Tous les employés peuvent se présenter aux élections et, en principe, chacun a le droit de voter, y compris les travailleurs temporaires qui ont travaillé pendant plus de trois mois. Lors des élections, IG Metall a contesté le conseil sortant, qui avait été élu alors que l'usine n'avait pas encore démarré et qui était donc dominé par les représentants de l'entreprise. La liste d'IG Metall s'est présentée aux élections avec des revendications telles que la création d'emplois, l'embauche de travailleurs temporaires, une meilleure protection de la santé, des pauses plus longues pour les travailleurs des chaînes de montage et des congés plus longs, autant d'éléments qui devraient être garantis par une convention collective.
Le résultat a été mitigé pour IG Metall. Sur les quelque 80 % de votants, 39 % ont choisi IG Metall. La liste du syndicat est donc la plus importante, mais avec 16 sièges sur 39, elle reste minoritaire au sein du comité d'entreprise, où 23 sièges ont été attribués à des listes plus ou moins antisyndicales.
Selon le journal régional Märkische Oderzeitung (MOZ), la direction, à différents niveaux, s'est activement engagée dans l'élection du côté antisyndical, notamment en portant et en distribuant des badges de campagne portant le texte "Giga Yes - Union No" (Giga oui - syndicat non). L'usine Tesla en Allemagne est, selon les propres termes de l'entreprise, une "usine Giga", et la plus grande liste antisyndicale, dominée par des techniciens, des chefs d'équipe et d'anciens membres du comité d'entreprise, s'est appelée Giga United. Selon MOZ, la direction a fait circuler des rumeurs sur ce qui se passerait si IG Metall prenait pied, allant même jusqu'à arrêter la production pour organiser des réunions expliquant qu'il n'était pas opportun de donner de l'influence à ce syndicat. Elon Musk lui-même s'est rendu à l'usine pour mettre en garde les employés contre les "forces extérieures" et a soutenu les groupes antisyndicaux.
Le fait qu'IG Metall n'ait pas pu vaincre les forces antisyndicales est une déception, mais le syndicat reste le groupe le plus important au sein du comité d'entreprise et ses représentants pourront travailler plus ouvertement.
Publié par le 3 avril 2024 par Internationalen.se
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gauche.media
Gauche.media est un fil en continu des publications paraissant sur les sites des médias membres du Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG). Le Regroupement rassemble des publications écrites, imprimées ou numériques, qui partagent une même sensibilité politique progressiste. Il vise à encourager les contacts entre les médias de gauche en offrant un lieu de discussion, de partage et de mise en commun de nos pratiques.