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Le Premier ministre G. Attal vient de se précipiter au Canada

16 avril 2024, par Patrick Le Hyaric — , ,
Le Premier ministre G. Attal vient de se précipiter au Canada, pour rassurer J Trudeau sur l'engagement du gouvernement Français dans l'application du traité de libre-échange (…)

Le Premier ministre G. Attal vient de se précipiter au Canada, pour rassurer J Trudeau sur l'engagement du gouvernement Français dans l'application du traité de libre-échange avec ce pays.

Tiré de la Lettre de Patrick Le Hyaric
https://r.lettre.patrick-le-hyaric.fr/mk/mr/sh/SMJz09SDriOHW0XUB9hMISjBGCA5/-nomp5MgYDxP

Bonjour à chacune et chacun,

Peu importe pour le premier ministre que le parlement de son pays, devant lequel il est responsable n'a pas donné son aval à ce texte, puisque l'une des chambres, le Sénat l'a rejeté. Peu importe aussi que 10 États de l'Union européenne ne l'ont toujours pas voté. La démocratie pour le Premier ministre n'est qu'un vulgaire tapis sur lequel il s'essuie les pieds. Il a parlé d'un « accord gagnant-gagnant » mais il n'a pas dit « gagnant » pour qui. Le monde des affaires c'est sûr. Pour l'emploi, les salaires, la préservation de la planète c'est perdant-perdant. Pas un ouvrier Canadien, pas un ouvrier Européen n'a vu l'aspect « gagnant » du bon M. Attal.

Et les défenseurs de ces traités ne parlent jamais d'une question fondamentale : le pouvoir donné aux multinationales d'attaquer les États non pas en justice mais devant des tribunaux arbitraux privés quand la législation est jugée par elle comme une entrave à l'augmentation des profits au niveau ou elles le souhaitent. Bref, c'est le pouvoir des multinationales et de la haute finance contre les droits nationaux et contre les législateurs nationaux. M. Attal les devance et les rassure contre le vote des représentants du peuple Français.

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Européennes : une gauche radicale, unitaire et démocratique pour une véritable alternative

16 avril 2024, par Personnalités engagées à gauche — , ,
« Les élections européennes doivent être l'occasion de renforcer une gauche radicale ancrée dans les luttes sociales, féministes, antiracistes et écologiques, les quartiers (…)

« Les élections européennes doivent être l'occasion de renforcer une gauche radicale ancrée dans les luttes sociales, féministes, antiracistes et écologiques, les quartiers populaires, capable de stopper l'ascension de l'extrême droite ». Pour un ensemble de personnalités politiques et intellectuelles, les luttes ne doivent pas seulement être une réaction défensive, mais aussi construire « une nouvelle force politique, plus forte et plus populaire que ce que représentent aujourd'hui les organisations et les luttes ».

9 avril 2024 | tiré d'Europe solidaire sans frontières
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article70425

Les élections européennes auront lieu dans un contexte nouveau à l'échelle continentale, marqué par la guerre en Ukraine et ses multiples conséquences et la perspective de plusieurs élargissements dans la partie orientale de l'Europe. Ces élections doivent être l'occasion d'affirmer et renforcer, en France et en Europe, une gauche radicale ancrée dans les luttes sociales, féministes, antiracistes et écologiques, les quartiers populaires, capable de stopper l'ascension de l'extrême-droite et de promouvoir auprès du plus grand nombre la perspective d'une alternative globale au système capitaliste, écocide, patriarcal, raciste, impérialiste et validiste.

Les mouvements sociaux montrent la voie

Aujourd'hui, dans les manifestations et les comités de soutien au peuple palestinien contre la guerre génocidaire menée par l'État d'Israël, des dizaines de milliers de personnes, dont un grand nombre de jeunes des quartiers populaires, se mobilisent pour une solidarité concrète et politique, se politisent en dénonçant les responsabilités et complicités du gouvernement français.

De même, les mobilisations en soutien à la résistance du peuple ukrainien contre la guerre impérialiste menée par l'État russe, la solidarité avec les peuples du Sahel qui dénoncent la Françafrique et l'ingérence militaire de l'État français, mais aussi avec les peuples des confettis de l'empire confrontés à la domination coloniale française, en Kanaky ou aux Antilles, notamment reconstruisent un internationalisme concret, en soutien aux résistances populaires contre tous les impérialismes. La grève féministe du 8 mars a été à nouveau cette année l'occasion de construire un féminisme radical, inclusif et décolonial, qui s'attaque frontalement au patriarcat et promeut toutes les émancipations, inscrit dans un mouvement féministe et LGBTQI+ qui constitue aujourd'hui la plus grande et dynamique des internationales de lutte.

De même, la mobilisation contre la loi Darmanin – révélatrice du racisme structurel de l'Etat français – conduite par un mouvement unitaire porté par les premier·es concerné·es et notamment les sans-papiers et les migrant·es, a permis l'affirmation d'un antiracisme politique qui promeut toutes les égalités et constitue aujourd'hui le premier rempart contre la menace fasciste. Le mouvement des agriculteur·ices a permis de remettre sur le devant de la scène la nécessité d'une rupture avec la Politique Agricole Commune et les traités de libre-échange et la confrontation d'idées entre ses composantes capitalistes, réactionnaires, parfois proches de l'extrême-droite (FNSA, Coordination Rurale…) et nos camarades paysan·ne·s anticapitalistes et écologistes de la Confédération Paysanne. Un an après les grandes mobilisations du printemps 2023 face à la contre-réforme néolibérale des retraites et contre les mégabassines à Sainte-Soline, nous n'avons pas oublié non plus les rencontres, expériences, solidarités permises par ces luttes, à la fois radicales et unitaires, qui nous donnent à toutes et à tous un cap politique.

Toutes ces luttes auxquelles nous participons en France, ces mouvements sociaux et ces mobilisations citoyennes, ne sont pas seulement une réaction défensive face à la crise globale du système qui nourrit la montée de l'extrême droite, elles sont aussi là où, de manière offensive, s'inventent de nouvelles pratiques militantes et se dessine une alternative politique.

A l'échelle européenne, ces luttes et ces solidarités ne sont pas isolées : dans d'autres pays ont lieu des mobilisations sociales, féministes, écologistes et antiracistes et de solidarité avec l'Ukraine et la Palestine.

La gauche politique n'est pas à la hauteur

Mais le dynamisme, la radicalité et la diversité de tous ces mouvements ne se retrouve pas sur le plan électoral. À l'approche des élections européennes, la gauche politique est à nouveau divisée et les enjeux ne sont pas clarifiés. Au sein des forces de l'ex-NUPES, certaines essaient de se détacher de la dynamique combative portée par cette alliance en 2022, de déplacer le curseur politique à droite pour préserver la vieille gauche institutionnelle. Les autres ne veulent pas assumer l'objectif pourtant incontournable de construction d'une alternative écologiste, féministe et sociale, radicale et unitaire, sans concession avec le système, et restent fermés à une alliance avec les forces anticapitalistes.

Quant aux exigences démocratiques, féministes, égalitaristes, portées notamment par les plus jeunes militant·es, elles continuent pour l'instant d'être négligées, parfois méprisées, creusant encore l'écart avec la culture politique d'auto-organisation des mouvements sociaux récents et des aspirations des militant·es. Pour que les choses changent, il ne faut compter que sur les capacités à s'organiser pour peser dans les rapports de force, bousculer les hiérarchies et les habitudes, imposer un agenda radical, unitaire et populaire dans le champ politique.

Que pouvons-nous faire ? Porter des propositions politiques claires…

La campagne des élections européennes doit être un moment de clarification politique à gauche, pour en finir avec les erreurs et renoncements qui ont affaibli notre camp social ces dernières années.

Notre gauche s'oppose à tous les impérialismes et les colonialismes, sans ambiguïté ni double-standard. Le soutien aux résistances de tous les peuples, à leur droit à disposer d'eux-mêmes et à une paix juste et durable (et donc décoloniale) n'est donc pas un pacifisme abstrait : nous soutenons le droit à l'auto-détermination partout en Europe et dans le monde, en Palestine, en Ukraine, au Sahel et ailleurs ainsi que l'aide aux peuples en résistance en même temps qu'une opposition aux Etats terroristes (qui bombardent les populations civiles) et militaristes.

Cela impose une dénonciation de l'accord entre l'UE et Israël, une dénonciation sans complaisance à l'égard de l'État français qui soutient politiquement et par la vente d'armes la guerre génocidaire d'Israël et qui est le troisième plus grand exportateur d'armes au monde, notamment à l'Arabie Saoudite (qu'il soutient aussi militairement dans sa guerre contre le Yémen). Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est également inséparable de la défense des droits des migrant·es et de l'accueil digne et inconditionnel de tou·tes les migrant·es et les réfugié·es, sans distinction, contre les politiques de l'Europe forteresse, pour la liberté de circulation et d'installation de toutes et tous.

Notre gauche veut être antiraciste et antifasciste en acte, et pas seulement en parole. Pour combattre l'extrême-droite, il n'est efficace ni de proclamer des valeurs abstraites ni de faire comme si le vote néofasciste n'était qu'une simple expression de colère. Il faut prendre le problème à bras le corps et, sur le terrain comme dans les institutions, montrer que les solidarités, le respect des diversités et de toutes les égalités, peuvent et doivent s'imposer face aux haines et aux replis identitaires. Il faut aussi que les habitant·e·s des quartiers populaires, les migrant·e·s, et tou·te·s les premier·e·s concerné·e·s par le racisme, la stigmatisation et l'exploitation, aient des droits égaux dans les domaines de la vie (travail, logement, culture, circulation et installation…), et toute leur place dans les institutions politiques, depuis les conseils municipaux jusqu'au Parlement européen.

Notre gauche critique la logique capitaliste des traités européens et de libre-échange qui détruisent les droits sociaux et organisent la concurrence entre les peuples. Elle lui oppose à l'échelle de l'UE le refus du dumping social et fiscal, les revendications sociales du monde du travail : la hausse des salaires, l'extension de la protection sociale et des services publics, la réduction massive du temps de travail contre le chômage et la précarisation, la défense intransigeante des retraites et le retour en France de la retraite à 60 ans. Elle promeut l'autogestion dans l'entreprise, la démocratie économique et la planification démocratique de la bifurcation écologique. Pour cela, parmi les moyens nécessaires, nous mettons en avant notamment la socialisation des grandes entreprises de l'énergie, de production d'armement et des banques, la création de nouveaux droits politiques des travailleurs·ses pour défendre leur santé et celle des usager·es, mettre fin à l'extractivisme et au productivisme, décider des fins et des moyens de leurs activités, la hausse massive des impôts des grandes entreprises et des grandes fortunes, la fin des exonérations de cotisations sociales pour les entreprises - qui appauvrissent les caisses de solidarité (retraite, maladie, chômage...) - ainsi que l'annulation des dettes illégitimes.

Notre gauche milite résolument pour l'égalité réelle entre femmes et hommes au travail et dans la société, pour un droit à la contraception et à l'IVG garanti partout en Europe, contre les discriminations contre les femmes et les LGBT+.

Notre gauche agit pour la reconversion écologique et autogestionnaire de l'économie européenne : accès à une alimentation saine et accessible à tous·tes, gratuité et développement des transports publics, création de logements sobres et abordables pour le plus grand nombre, lutte résolue contre les pollutions et les pesticides, protection des biens communs tels que l'eau.

Pour convaincre largement, il faut être cohérent : il faut critiquer radicalement les dégâts humains, sociaux et écologiques de la politique de la PAC, du règlement Dublin II et la violence de Frontex (l'agence de répression des migrant-e-s aux frontières de l'UE), des règles budgétaires néolibérales de la zone euro, du caractère anti-démocratique des traités européens, etc… Mais cela ne peut pas se faire au nom de la défense des intérêts du capitalisme français comme du capitalisme de tout autre Etat-membre de l'UE : dans chaque pays, les capitalistes et les partis politiques à leur service ont intérêt à la casse sociale, au protectionnisme économique et au productivisme.

Dans le cadre de ces élections européennes, face aux demandes d'adhésion de l'Ukraine et de la Moldavie – pour se protéger de la Russie –, qui s'ajoutent à celles des Balkans de l'Ouest, nous exprimons un internationalisme par en bas qui prône des choix démocratiques au sein de chaque peuple concerné tout en exprimant nos critiques de l'UE.

Et quels que soient ces choix, nous construisons des liens transnationaux avec les forces progressistes - politiques, syndicales, antiracistes, féministes, LGBTQ+, écologistes - de chaque pays pour mener ensemble des luttes pour la protection et l'extension des droits égalitaires et des services publics qui doivent être la base d'une construction européenne autre que celle de l'Union européenne néolibérale. Par conséquent, en aucun cas nous ne défendons une « forteresse Europe » contre la demande d'adhésion de l'Ukraine dévastée par une guerre impérialiste ; pas plus qu'il ne fallait défendre une « Europe des riches » contre l'adhésion de pays appauvris par les destructions néolibérales à l'œuvre depuis des décennies dans la périphérie de l'UE. Il faut au contraire, avec les forces progressistes ukrainiennes, saisir l'opportunité de la demande d'adhésion de ce pays pour défendre des droits sociaux égalitaires et des rapports solidaires entre peuples en Europe et avec les peuples du reste du monde.

Enfin, notre gauche promeut la démocratie dans tous les domaines de la vie sociale, soutient des alternatives concrètes et systémiques au capitalisme que défendent les institutions européennes. Ce sont les solidarités internationales des luttes qui dessinent la voie d'une autre Europe : celle des convergences entre mouvements écologistes contre les projets climaticides, entre mouvements féministes post #MeToo et qui s'organisent autour de la grève féministe du 8 mars, entre syndicats de classe qui luttent contre les mêmes contre-réformes néolibérales. C'est une autre Europe, par exemple, que portent les ouvriers ex-GKN en Italie qui, à la suite de leur licenciement, ont occupé leur usine et portent un projet de reconversion écologique impliquant notamment de construire des vélos-cargos pour des coopératives de livreurs dans d'autres pays européens. Ce qui doit être porté au Parlement européen, c'est l'Europe des luttes et des alternatives, pas des bureaucrates et des lobbys, celle de la militante écologiste Greta Thunberg et pas des défenseurs des politiques néolibérales comme l'actuelle présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.

…et construire une alternative écologiste et sociale, radicale et unitaire

Les catastrophes sociales et environnementales causées par les politiques néo-libérales menées en Europe et la menace de cataclysmes que représente l'extrême-droite en France et en Europe nous imposent d'être à la fois radicaux et unitaires. Nous devons viser à toutes les échelles et toutes les occasions l'alliance des diverses forces de la gauche antilibérale pour faire front face aux fascistes et répondre aux enjeux sociaux et écologiques, pour rendre crédible une voie politique alternative à celle que portent les actuelles institutions européennes. Nous devons construire une nouvelle force politique, plus forte et plus populaire que ce que représentent aujourd'hui nos organisations et nos luttes, capable de constituer au sein d'une telle alliance un pôle alternatif, révolutionnaire et radicalement démocratique. C'est ce qui guidera nos choix et nos actions dans la prochaine période, pendant les élections européennes et au-delà. Nous ne pouvons pas faire autrement, il faut construire l'alternative !

Signataires :

Alexis Cukier (Rejoignons-nous et On construit l'alternative),

Béa Whitaker (Rejoignons-nous et On construit l'alternative),

Bruno Dellasudda (militant d'Ensemble ! et On construit l'alternative),

Catherine Samary (économiste, militante altermondialiste et NPA),

Christiane Vollaire (philosophe),

Christine Poupin (porte-parole du NPA),

Daria Saburova (Réseau Européen de Solidarité avec l'Ukraine),

Fabien Marcot (Rejoignons-nous et On construit l'alternative),

Florence Ciaravola (militante d'Ensemble ! et On construit l'alternative),

Florence Henry (CGT Educ'Action),

Michael Lowy (sociologue et militant écosocialiste),

Malika Kara-Laouar (Rejoignons-nous et On construit l'alternative),

Mariano Bona (militant de la gratuité des transports, militant d'Ensemble ! et On construit l'alternative),

Michelle Garcia (militante féministe, antiraciste et internationaliste, Rejoignons-nous),

Mornia Labssi (militante CGT et antiraciste),

Noufissa Mikou (militante de la solidarité avec la Palestine et militante d'Ensemble !),

Olivier Besancenot (NPA, ancien candidat aux élections présidentielles),

Olivier Le Cour Grandmaison (universitaire),

Paul Guillibert (philosophe et militant écologiste),

Omar Slaouti (militant des quartiers populaires),

Pauline Salingue (porte-parole du NPA),

Philippe Poutou (NPA, ancien candidat aux élections présidentielles),

Stefanie Prezioso (historienne et ancienne députée à l'Assemblée fédérale suisse),

Thomas Coutrot (économiste),

Tony Fraquelli (CGT cheminots)

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Bruno Le Maire, ce héros qui protège les impôts des ultra-riches

16 avril 2024, par Bernard Marx — ,
Taxer les riches pour sauver le modèle social français ? L'idée serait bonne si elle n'allait pas à l'encontre de tous les intérêts que le ministre de l'Économie entend (…)

Taxer les riches pour sauver le modèle social français ? L'idée serait bonne si elle n'allait pas à l'encontre de tous les intérêts que le ministre de l'Économie entend représenter.

10 avril 2024 | tiré de regards.fr
https://regards.fr/bruno-le-maire-ce-heros-qui-protege-les-impots-des-ultra-riches/

Dans une tribune publiée le 3 avril dans Les Échos, Bruno Le Maire est vent debout contre tout débat sur une hausse des impôts. Le ministre de l'Économie a une obsession : que la crise des finances publiques débouche bien sur une casse de la protection sociale à la française.

Et « BLM » s'inquiète : chaque jour, des politiques, des économistes, des spécialistes avancent l'idée qu'il faudrait en passer par des impôts… Ils ont l'incroyable culot, non seulement de ne pas être tous des extrémistes de gauche, mais en plus de mettre sur la table des propositions qui admettent que les ultra-riches et le capital dominant n'en payent pas assez.

Selon ce sondage commandé par Les Échos début avril, les Français doutent à 61% que le durcissement de l'assurance chômage soit efficace pour réduire le déficit public. Ils sont très massivement opposés à une désindexation des retraites et à une hausse générale des impôts. Mais ils sont tout aussi massivement favorables à une taxation des super-profits et à une augmentation des impôts ciblée sur les plus riches.

Bref, TINA – il n'y a pas d'alternative– prend tous les jours des plombs dans l'aile. Rien ne serait pire pour le ministre, son Président et les forces sociales qu'ils représentent, qu'un autre possible que leur politique devienne crédible.

Cela vaut donc la peine de décortiquer l'argumentaire « lemairien », une compilation des contes à dormir debout.

Le contexte : « Sans surprise, le débat sur la hausse des impôts a repris de plus belle en France »

Mais pourquoi diable ce débat a-t-il « repris de plus belle » ? Parce que, selon Bruno Le Maire, « à chaque difficulté de finances publiques », les politiques n'ont que cela en tête contrairement aux Français qui n'en voudraient pas.

« Difficulté de finances publiques » ? L'écrivain/homme politique a le sens de l'euphémisme !

  • Le déficit des finances publiques pour 2023 a été de 5,5% du PIB et non de 4,9% comme prévu par le gouvernement. Ce n'est pas la conséquence d'un dépassement soudain des dépenses mais de recettes fiscales moindres que prévues. La TVA a été pénalisée par la faiblesse de la consommation et l'impôt sur les bénéfices est moins rentré que prévu, notamment dans le secteur bancaire alors que les profits ont continué d'y augmenter. À quoi s'ajoute le poids de la dette (110% du PIB) et la politique monétaire de la BCE qui ont fait monter les taux d'intérêt sur les emprunts publics. Moins qu'il n'y parait cependant, puisque l'inflation diminue la dette.
  • Il y a un besoin annuel d'au moins 3% du PIB d'investissements publics supplémentaires pendant dix ans. Pour le climat, la bifurcation écologique, les infrastructures (numérique, transports, etc.), la santé, l'éducation, la formation, la justice et la culture. Et aussi, du moins cela mérite discussion, pour la défense. Des investissements pris au sens large du terme, c'est-à-dire non seulement des infrastructures et des équipements, mais aussi des emplois et des salaires. Des « investissements » que les entreprises et les capitaux privés ne feront pas parce qu'ils ne sont pas rentables.

Pourquoi dans ces conditions refuser d'augmenter les impôts ?

Argument 1 : parce que les riches payent déjà leur juste part. La preuve des mots du ministre : « 10% des contribuables paient les trois quarts de l'impôt sur le revenu […] Le taux marginal des prélèvements atteint 60% – record absolu en Europe ».

Dans la vraie vie, sous Emmanuel Macron :

  • l'impôt sur le revenu – seule imposition progressive en fonction du revenu – occupe une place trop faible dans les impôts payés par les ménages : environ 95 milliards d'euros contre 160 pour la CSG et la CRDS, et plus de 200 pour la TVA, les taxes sur le tabac et sur les carburants. La CSG est proportionnelle au revenu et la TVA n'est payée que sur le revenu dépensé en biens de consommation. Comme plus on est riche plus on épargne, le poids de la TVA est d'autant plus faible.
  • le taux marginal des prélèvements a été de facto abaissé depuis 2018 et l'instauration par Emmanuel Macron du Prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30% sur les revenus financiers des ménages. Et comme on le sait, plus on est riche et plus la part des revenus financiers est élevée. 1% des foyers fiscaux (400 000 foyers sur 40 millions en 2021) concentrent 96% des montants totaux déclarés à l'impôt sur le revenu. 62% de dividendes sont déclarés par 0,1% des foyers fiscaux (soit 40 000 foyers) et 33% par 0,01% des foyers fiscaux (4000 foyers), selon un rapport du très officiel France Stratégie ;
  • loin d'être progressive en fonction du revenu, le taux d'imposition diminue tout en haut de l'échelle. Comme le rappelle Christian Chavagneux dans Alternatives économiques, citant une étude du très officiel Institut des Politiques Publiques, « le taux d'imposition des revenus (y compris l'impôt sur les sociétés, supposé taxer les dividendes correspondant au capital détenu) passe progressivement de 46% pour les 0,1% les plus riches à 26% pour le top 0,0002%, autrement dit les 75 foyers du sommet de la distribution, pour qui la richesse se compte en milliards ». Si on fait abstraction de l'impôt sur les sociétés considéré ici comme un impôt sur le revenu (en rose sur le graphique ci-dessous), le taux d'imposition à l'entrée des 10% des plus hauts revenus est de 30% environ. Il augmente jusqu'à 36%. Mais diminue pour les 0,5% les plus riches (non compris les impôts sur la consommation) jusqu'à ne plus représenter que 2% du revenu des milliardaires en France.

(graphique page 6)

Argument 2. Parce que nous avons déjà agi. « La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de 2011 est toujours en place treize ans plus tard » ; « Avec la majorité, nous avons mis en place la taxe sur les géants du numérique » ; « Nous avons mis en place l'impôt minimum mondial, qui va permettre de taxer à 15 % au moins les grandes multinationales », dixit Bruno Le Maire.

Dans la vraie vie, sous Emmanuel Macron :

  • la contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus est payée par 0,1 à 0,2% des ménages les plus riches (revenu fiscal supérieur à 250 000 euros pour un célibataire et 500 000 euros pour un couple). Le taux est de 3%. Le montant moyen est de 30 000 euros. Cela ne corrige pas du tout la dégressivité de l'impôt dont bénéficient en réalité les ménages les plus riches (voir ci-dessus).
  • La taxe « GAFA » instituée en 2019 a été un petit pas en avant : elle devrait rapporter 800 millions en 2024. Elle ne cible que la publicité numérique et ne règle pas la sous-déclaration des activités en France et l'évasion fiscale massive des GAFA.
  • L'impôt minimum mondial doit plus aux batailles des sociétés civiles qu'à l'acharnement du gouvernement français. On leur doit d'autres progrès comme un recul de l'évasion fiscale dans les paradis fiscaux, grâce à l'échange automatique d'informations bancaires. Mais on est encore très loin du compte. Et la taxe mondiale de 15% minimum sur les bénéfices des multinationales a été considérablement affaiblie, comme l'analyse l'Observatoire européen de la fiscalité. Les trous dans la raquette ne cessent de grossir. Le rendement prévu initialement est déjà divisé par deux. Les pays en développement n'en bénéficieront pratiquement pas. S'ajoute le risque d'une nouvelle course à l'alignement du taux d'imposition vers le bas. Y compris en France où Bruno Le Maire a déjà fait passer le taux normal de 33 à 25%.

Argument 3. Parce qu'on va continuer. On cite toujours Bruno Le Maire : « Nous sommes déterminés à mettre en place un impôt minimum sur le revenu, pour contrer l'optimisation fiscale des plus riches » ; « Nous sommes disposés à durcir la contribution sur la rente des énergéticiens, dont le rendement a été trop faible en 2023 » ; « Avec le Premier ministre, nous voulons lutter contre toutes les rentes ».

Attention, manœuvre extrêmement dangereuse, réservée aux professionnels… dès la phrase suivante, le ministre avertit : « En revanche, nous n'augmenterons pas les impôts en France ».

C'est clair : l'impôt minimum sur le revenu contre l'optimisation fiscale des plus riches, la fiscalité pour lutter contre les rentes, c'est de la frime. Et le « durcissement » de la contribution des énergéticiens aura sans doute à peu près le même rendement qu'avant : 300 millions au lieu de 4,3 milliards espérés en 2023.

S'agissant de l'impôt minimum sur les plus riches, c'est d'autant plus du vent que la bataille en cours menée en Europe, et jusqu'au niveau du G20 par le Président du Brésil, vise à créer non pas un impôt minimum sur leur revenu mais un impôt minimum de 2% sur leur fortune. Selon Gabriel Zucman, l'un des initiateurs de cette lutte, les recettes fiscales supplémentaires pourraient atteindre 1 point de PIB (soit près de 30 milliards pour la France).

Pour Bruno Le Maire, la question ne sera même pas posée.

Bernard Marx

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« Si nous ne nous engagions pas dans les forces armées, la gauche ukrainienne cesserait d’exister », déclare Taras Bilous.

16 avril 2024, par Lukáš Dobes, Polyna Davydenko — , ,
13 avril 2024 | tiré d'Europe solidaire sans frontières https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article70483 Nous nous rencontrons à l'extérieur de la base militaire. Les (…)

13 avril 2024 | tiré d'Europe solidaire sans frontières
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article70483

Nous nous rencontrons à l'extérieur de la base militaire. Les discussions politiques entre soldats posent-elles problème ?

Le commandement ne censure pas les opinions des soldats du rang. Cependant, je sais par expérience que lorsque leurs subordonnés parlent aux médias, en particulier de sujets politiques, cela peut rendre les officiers subalternes nerveux. Il m'est arrivé qu'un commandant craigne de se faire taper sur les doigts en raison de l'interview que j'avais accordée, même si, en réalité, cette menace n'existait pas.

Quoi qu'il en soit, j'essaie d'éviter les discussions inutiles. Je ne clame pas haut et fort mes opinions politiques ou le fait que je suis historien, par souci de préserver mes forces. Sinon, quelqu'un voudra immédiatement que je prenne position sur la Russie kiévienne ou il y aura que je pose des questions provocatrices. Mais si je vois qu'il est possible d'envisager une collaboration militante avec cette personne, alors je commence à lui parler.

Est-il difficile de travailler avec des personnes qui ont des opinions différentes ?

Les divergences d'opinion ne me dérangent pas dans ce cadre. Les gens sont vraiment différents ici. En fait, il est rare que l'on discute de questions politiques générales. Mais sur les questions qui affectent directement nos vies et notre activité militaire, telles que l'appréciation du haut commandement, nous trouvons assez facilement un terrain d'entente.

Un problème beaucoup plus important dans l'armée, c'est le facteur humain. Certains officiers donnent des ordres stupides qui entraînent des morts inutiles. Tout soldat ayant servi au moins six mois peut vous raconter plus d'une histoire de ce genre.

Quant aux soldats du rang, ils se sont tous montrés solides et déterminés au cours des premiers mois après l'invasion, mais aujourd'hui, deux ans plus tard, la lassitude s'est installée. En Occident, beaucoup pensent qu'avec la fatigue, notre volonté de combattre va progressivement s'émousser. Cependant, ce n'est pas parce que nous sommes fatigués qu'il n'est pas important pour nous de continuer à résister.

Mais comme je l'ai dit, les gens changent de comportement quand ils participent à une guerre. Certains, malgré les agissements des officiers, comprennent qu'il faut continuer à se battre et à persévérer. tandis que d'autres... Une fois, j'ai été envoyé en mission avec un soldat d'une autre compagnie et nous avons passé quatre jours dans une tranchée qui s'effondrait. J'ai commencé à la réparer, et le soldat m'a dit : « Arrête de faire le con. Que le commandant vienne et répare la tranchée lui-même ».

Malgré la volonté largement partagée de continuer à résister à l'agression russe, tout le monde s'interroge : « Pourquoi devrais-je être celui qui se sacrifie ? » Si les dirigeants ont fait une erreur de prévision, pourquoi les simples soldats devraient-ils le payer de leur vie ? Et cela vaut aussi pour les civils, dont la volonté de rejoindre les rangs de l'armée diminue. Même certains de mes amis qui avaient voulu s'engager en 2022 et qui n'ont pas été incorporés tentent aujourd'hui d'échapper à la mobilisation. La raison n'est pas tant la peur que certaines pratiques absurdes qui sont courantes dans l'armée : tout le monde les connaît. Ils auraient pu les changer depuis longtemps, mais à quelques exceptions près dans quelques unités particulières, ils ne l'ont pas fait.

En 2022, vous avez décidé de rejoindre l'armée bien que vous n'ayez pas connu le combat depuis 2014. Ces deux phases de la guerre sont-elles différentes pour vous ?

En 2014, c'était une guerre pour le territoire. Certaines personnes voulaient vraiment intégrer la Russie, même s'il s'agissait d'une minorité. Un nombre assez important de personnes ayant des opinions pro-russes voulaient rester en Ukraine, mais elles souhaitaient une fédéralisation [plus d'autonomie pour Donetsk et Luhansk]. Bien entendu, on pourrait débattre longuement du pourcentage de la population du Donbass qui défendait tel ou tel point de vue, et ce que les gens pensaient a évolué au fil du temps.

À la veille de l'intervention des troupes russes en 2022, une enquête menée dans le Donbass a montré que pour la plupart des gens, le bien-être était plus important que la question de savoir dans quel État ils vivraient - l'Ukraine ou la Russie. Cela vaut pour les personnes vivant de part et d'autre de la ligne de front. Bien entendu, le fossé entre les deux parties du Donbass s'est creusé au fil des ans. Ces personnes se sont habituées à avoir une double identité, pour ainsi dire. Lorsqu'ils vont à Lviv, ils sont considérés comme pro-Moscou, et lorsqu'ils sont à Moscou, les gens les considèrent comme pro-Ukrainiens.

En 2014, c'est un Russe, Igor Girkin, qui a déclenché la guerre (en tant que commandant militaire de la République populaire de Donetsk, note de l'auteur) et, plus tard dans l'année, les troupes russes ont envahi le pays. Mais il ne fait aucun doute qu'une partie de la population locale a décidé, pour diverses raisons, de se joindre à la lutte contre l'armée ukrainienne.

À cette époque, la guerre a eu un effet complètement différent sur moi. Elle a anéanti tout nationalisme en moi. Mais en 2022, nous avons été confrontés à une invasion ouverte, y compris dans des régions comme Kjiv, où personne n'a souhaité la bienvenue à l'armée russe. Une invasion du sud, des régions de Kherson et de Zaporojié, où la plupart des gens veulent retourner en Ukraine. En ce sens, il s'agit d'un autre type de guerre, et tout est beaucoup plus simple.

Ressentez-vous directement les effets de cette « double identité » parmi vos camarades de combat ?

Partout il y a des divergences d'opinion, même au sein de l'escouade. Par exemple, mon commandant de compagnie actuel a semble-t-il soutenu les anti-Maïdan au printemps 2014. J'ai des relations tendues avec lui, donc je me base plutôt sur ses arguments lors de ses conversations avec d'autres officiers. Selon lui, les habitants de l'est de l'Ukraine ont désapprouvé Maïdan et ont donc réclamé la fédéralisation, mais le gouvernement n'était pas disposé à accepter des négociations. Cependant, depuis que le groupe de Girkin (des séparatistes soutenus par des soldats russes, note de l'auteur) s'est emparé de la ville de Slovyansk en 2014, il estime qu'il s'agit d'une opération des services de renseignement russes. Il n'aime pas non plus ceux qui militent pour que nous passions tous à la langue ukrainienne. La plupart des membres de mon unité sont originaires des régions orientales et, si j'en crois ce que j'ai entendu, ils n'aiment pas les nationalistes des deux bords. Certaines de mes connaissances ont également servi dans des unités composées d'anciens « Berkutsiens » (membres de l'ancienne police anti-émeute) qui ont défendu le régime de Ianoukovitch lors du Maïdan et qui n'ont pas changé d'avis à ce sujet. En même temps, ils défendent l'Ukraine contre l'agression russe.

Quelle est ta fonction dans l'armée ?

Au cours des deux premières années de l'invasion à grande échelle, j'ai servi principalement en tant que transmetteur. En pratique, il s'agissait d'un travail assez varié - parfois derrière un ordinateur, parfois en train d'installer des radios et de poser des câbles de communication. Le plus souvent, en tant que transmetteurs, nous restions dans une tranchée à plusieurs kilomètres de la ligne « zéro » [de contact]. Nous assurons un circuit de communication de secours pour les gars qui se trouvent au point zéro. Si, par exemple, le réseau général de communication tombe en panne ou que le signal ne parvient pas jusqu'à eux, nous sommes là pour leur fournir une solution de secours.

Récemment, mon activité a changé, je sers dans un bataillon de reconnaissance, mais je préfère ne pas dire clairement ce que je fais.

Dans les milieux de la gauche tchèque, la solidarité avec les civils et les réfugiés est forte, mais il y a encore peu de compréhension à l'égard de la résistance armée, un malentendu sur l'engagement volontaire des Ukrainiens dans l'armée, et aussi des demandes pour arrêter la fourniture d'armes [occidentales]. Qu'en penses-tu ?

Lorsque que l'on subit l'invasion de plein fouet, cela vous change. Comme l'a dit l'un de nos rédacteurs, il est beaucoup plus facile d'établir des priorités dans des moments aussi critiques. Il y a beaucoup de choses qui sont importantes pour vous dans la vie de tous les jours. Mais lorsque votre propre vie est en jeu, cela devient la chose principale et tout le reste passe au second plan. Cela rend les idées un peu plus claires.

Dans les premiers jours de l'invasion, j'ai compris que l'avenir de la gauche en Ukraine dépendrait de la question de savoir si nous participerions activement à la guerre ou non. Nous sommes tous essentiellement jugés sur nos actions dans des moments aussi critiques. Nous, la gauche, ne sommes déjà pas très influents dans ce pays et si nous n'étions pas allés nous battre à ce moment-là, tout se serait effondré. La gauche aurait cessé d'exister sous une forme organisée en Ukraine. Pour diverses raisons, j'étais et je suis toujours l'un des représentants les plus visibles du courant de gauche qui est aujourd'hui dans les forces armées, et j'ai donc une responsabilité, non seulement envers moi-même, mais aussi envers les autres. C'était aussi plus facile pour moi, je ne suis pas marié, et je n'ai même pas d'enfants.

Pour tout dire, je n'étais pas certain de faire un bon soldat. Et c'est l'une des raisons pour lesquelles je ne m'y suis pas préparé. J'ai toujours pensé que je serais plus utile dans d'autres domaines, en écrivant des articles par exemple. Honnêtement, je ne suis toujours pas un très bon soldat (rires). Mais j'apprends petit à petit et on verra bien. J'ai encore au moins une année entière devant moi.

Depuis le début de l'invason russe à grande échelle, tu as écrit deux articles qu ont eu un certain écho : « Lettre à la gauche occidentale depuis Kjiv assiégé » et « Je suis un socialiste ukrainien, voici les raisons pour lesquelles je résiste à l'invasion russe », qui ont été traduits en plusieurs langues. Est-il possible de continuer à écrire en temps de guerre ?

Depuis le début de l'invasion, je n'ai pu écrire avec concentration qu'au cours des premiers mois, lorsque j'en avais la force. Il y avait plus de temps. Mon adrénaline était complètement hors de contrôle pendant ces premiers mois. Je n'ai jamais eu autant de facilité à écrire de ma vie. D'habitude, je me torture pour formuler chaque phrase, mais à cette époque, je m'asseyais et j'écrivais un article en une demi-journée. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Je n'en ai ni l'énergie ni la conviction nécessaires. Je suis plus critique maintenant, et je tourne les choses dans ma tête.

Dans un entretien, tu as dit que l'on ne savait pas exactement ce qu'il adviendrait de la population pro-russe des régions de Donetsk et de Louhansk ainsi que de la Crimée une fois que ces territoires seraient libérés. Quelles seront les relations avec cette composante de la société ? Que se passera-t-il ?

Nous avons déjà des zones libérées, c'est-à-dire que nous avons une pratique que nous pouvons analyser. Par exemple, un de mes amis, journaliste et ancien activiste de gauche qui a fui la Crimée en 2014 pour l'Ukraine, s'occupe maintenant des affaires de collaboration à Lyman. Les gens y sont souvent jugés injustement. Il y a, bien sûr, des cas où des personnes ont participé activement à la répression, et elles doivent assurément être condamnées. Mais il y a aussi des cas où l'Ukraine rend des jugements manifestement injustes, par exemple dans le cas d'un électricien des services techniques qui a assuré le maintien des installations pour les gens ordinaires à Lyman pendant l'occupation.

Il existe une vaste zone grise où les choses ne sont pas si claires. L'expression « État de droit » ne s'applique pas tout à fait à l'Ukraine, étant donné les nombreux problèmes que connaît le système judiciaire dans ce pays. Malgré tout, le niveau de répression et de respect des droits de l'homme dans les territoires occupés par la Russie est incomparable avec celui du reste de l'Ukraine.

Le discours dominant ukrainien à propos des régions orientales est également quelque peu schizophrène pour ce qui touche aux populations locales. D'une part, les gens les considèrent comme « nôtres », d'autre part, ils les considèrent tous comme des « séparatistes ». Il n'y a pas de discours cohérent sur ce qui s'est passé en 2014. De plus, si vous allez au-delà d'un certain discours convenu, lorsque vous dépeignez ce qui s'est passé, vous êtes considéré comme un séparatiste. À cet égard, je n'aime vraiment pas la façon dont les choses se passent en Ukraine.

Tu as écrit sur le fait que le gouvernement Zelensky mettait en œuvre des politiques néolibérales dans le cadre de la guerre. En même temps, tu considères que Zelensky était le candidat le plus centriste, ou du moins le candidat le plus éloigné de la droite radicale. Nous aimerions savoir comment cela a évolué au cours des deux dernières années. Comment l'électorat perçoit-il cela ? Y a-t-il des changements à ce niveau ?

Oui, il y a des changements. À l'époque, je voulais dire que, parmi les hommes politiques qui avaient une chance de devenir président de l'Ukraine, Zelensky était le plus modéré en termes de nationalisme. Il n'y a pas eu de changement à ce niveau jusqu'à présent. Toutefois, le sentiment général s'est orienté vers un nationalisme plus prononcé. Et Zelensky a également évolué dans cette direction. On peut aussi trouver des hommes politiques plus ouverts à la population russophone, mais ils n'ont aucune chance de remporter l'élection présidentielle. Il me semble également que dans la gauche occidentale, on en comprend pas toujours qu'une position plus ouverte sur les questions linguistiques n'est pas synonyme d'un programme globalement progressiste. De mon point de vue, il s'agit souvent d'une tactique des populistes pour récupérer les anciens électeurs des partis pro-russes.

Zelensky a passé la première année et demie de son mandat à essayer de parvenir à la paix dans le Donbass, et les larbins de Porochenko le lui reprochent encore. Dans les premiers mois de l'invasion, il s'adressait encore au peuple russe dans ses discours. Comme de nombreux Ukrainiens, il espérait que les habitants de la Fédération de Russie finiraient par se soulever. À un moment donné, il a modifié sa position et a appuyé la demande de ne pas délivrer de visas aux Russes et de leur interdire l'accès à l'Europe.

À l'automne 2022, Poutine a décrèté lamobilisation et Zelensky s'est à nouveau adressé aux Russes en russe. À ce moment-là, l'opinion publique ukrainienne avait suffisamment évolué pour qu'il soit permettre de franchir la ligne autorisée. À ces moments-là, il est évident que les orientations politiques de Zelensky sont toujours plus ouvertes que celles du courant politique dominant en Ukraine. Alors, oui, nous avons de la chance que les choses se soient passées de cette manière.

Mais en même temps, cela n'enlève rien au fait que Zelensky se comporte comme un trou du cul sur de nombreux sujets. Dernièrement, par exemple, dans la manière dont il a abordé la question de la Palestine. Et aussi sa façon de répondre aux critiques, de se mesurer à ses rivaux politiques et de concentrer le contrôle des médias. Lui et ses proches collaborateurs sont des gens du spectacle et ils adoptent une approche très professionnelle et technique pour appréhender l'humeur du public. Par exemple, dans les premiers jours de l'invasion russe, ils ont regroupé les informations télévisées de toutes les chaînes en un unique téléthon. À l'époque, c'était adapté à la situation ; personne ne pouvait assurer seul une telle couverture de l'actualité. Mais aujourd'hui, on peut dire que cela aurait dû être abandonné depuis longtemps, car cela limite la liberté d'expression. Mais Zelensky ne le supprime pas. Il est entouré d'abrutis et d'idiots. Nous pourrions dresser une longue liste de leurs politiques totalement inadaptées.

Qu'en est-il de la participation de la gauche au Maïdan ? Vous ne faisiez pas partie de la gauche à ce moment-là. Pouvez-vous décrire le contexte de l'époque ?

J'ai une relation contradictoire avec cette période. J'étais au Maïdan, mais je n'aime pas le pathos qui y est associé. J'étais un activiste avant le Maïdan. Quelques mois plus tôt, nous avons essayé d'organiser une manifestation sur l'éducation. Nous avons distribué des tracts sur le campus, mais les gens étaient très passifs. Mais dès que le Maïdan a commencé, les mêmes personnes qui, quelques mois auparavant, disaient qu'il ne servait à rien de manifester, ou des choses tout aussi cyniques, se sont soudain passionnées pour la cause et ont tenu des discours tellement révolutionnaires que je me suis contenté de les regarder (rires). Je n'avais pas réalisé à l'époque que les gens changent soudainement lors des grandes mobilsations.

Maidan, c'est l'histoire d'une résistance à l'État, à l'appareil répressif, mais aussi celle de la solidarité. Mais lorsque la protestation est entrée dans une phase violente, la participation à cette violence a changé les gens, ce qui m'a mis mal à l'aise. Je suis originaire de Luhansk, et dès le premier jour, j'ai bien observé ce qui s'y passait. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai vécu Maïdan différemment de celles et ceux qui étaient en cours avec moi et de mes amis de Kjiv. Dès le début, j'ai eu peur que les choses tournent mal dans le Donbass. Malheureusement, c'est ce qui s'est produit.

Je suis devenu un militant de gauche au milieu de tout cela, en 2014, alors que la gauche occidentale ne se présentait pas sous son meilleur jour. En fait, la gauche ukrainienne était en décomposition à cause des mêmes problèmes que nous mettons aujourd'hui sur le compte de l'Occident.

La réaction de la gauche occidentale est globalement meilleure aujourd'hui qu'en 2014, notamment parce que l'identité de l'agresseur est désormais claire. Malgré cela, dans les premiers jours de l'invasion, j'ai estimé qu'il était nécessaire d'apporter une aide depuis ici pour expliquer le pourquoi et le comment, afin que nous puissions immédiatement mettre un terme aux réactions inappropriées. Je pensais, à ma manière assez excessive, que les Occidentaux allaient se réveiller. Aujourd'hui, je vois à quel point j'ai été naïf et combien j'ai sous-estimé l'ampleur du problème. En même temps, j'avais déjà eu l'expérience de 2014, suffisamment pour ne pas être trop surpris par la réaction de la gauche occidentale. Mais nous avons aussi des membres plus jeunes qui ont rejoint le mouvement de gauche au cours des quelques années qui ont précédé l'invasion, et pour certains d'entre eux, cela a été un choc.

Dans l'un de tes articles, tu as abordé la question du droit à l'autodétermination et tu as critiqué les arguments selon lesquels l'invasion de l'Ukraine n'est qu'un simple conflit par procuration. Selon toi, une partie de la gauche radicale adopte même une position plus « impérialiste » sur cette question que, par exemple, les responsables américains. Comment cela se manifeste-t-il et d'où vient-il selon toi ?

Une partie de la gauche occidentale a épousé les préjugés contre l'Ukraine, les représentations acritiques de la Russie, etc. En dehors de l'arrêt des livraisons d'armes, qu'est-ce que tous ces militant.e.s de la gauche anti-guerre veulent en réalité ? Ils veulent que les États-Unis et la Russie parviennent à un accord sans tenir compte de l'avis de ceux qui vivent ici. De telles réponses n'ont rien à voir avec les valeurs de la gauche. Une telle approche présuppose une acceptation implicite du modèle néo-réaliste en matière de relations internationales.

Sur ces questions, la gauche n'a pas trouvé d'approche commune qui puisse faire l'objet d'un consensus. Le seul consensus est probablement sur le droit à l'autodétermination des peuples, mais dans le cas de l'Ukraine, une partie de la gauche a brusquement oublié ce principe. Dans les situations critiques, des personnes par ailleurs raisonnables se mettent soudain à écrire toutes sortes de conneries.

Dans ce cas particulier, les États-Unis disent en substance que l'Ukraine peut décider quand et dans quelles conditions elle mettra fin à sa résistance. Toutefois, pour de nombreux autres conflits armés dans le monde, les États-Unis adoptent une position très différente en ce a trait au soutien au droit à l'autodétermination. Du moins dans les pays du Sud global.

Il me semble que cette position est quelque peu moralisatrice ?

Oui, et ce malgré le fait qu'il y ait eu beaucoup de critiques féministes au cours des dernières décennies qui condamnent à juste titre le fait de discréditer les femmes en tant qu'êtres émotionnels et non-objectifs. Avec la guerre, on projette cette « émotivité » sur nous, les Ukrainiens, même s'il n'y a rien de mal à cela. Pourtant, il n'y a rien de mauvais là-dedans. Le contraire de l'émotivité n'est pas la rationalité, mais l'indifférence. Et lorsqu'il s'agit de prendre des décisions difficiles, c'est cmme si la gauche oublie tout cela.

Le principal problème est, cela me me semble évident, la confusion entre anti-impérialisme et anti-américanisme. Tous les conflits sont perçus en termes d'opposition aux États-Unis.

Une autre chose qui me surprend toujours est la confusion entre la Fédération de Russie et l'Union soviétique. Bien que l'on puisse discuter de l'Union soviétique et de l'évaluation qu'il convient d'en faire, la Russie de Poutine n'est en aucun cas l'Union soviétique. Aujourd'hui, c'est un État complètement réactionnaire. On ne peut s'empêcher de remarquer combien d'auteurs de gauche glissent dans leurs textes des réflexions et des arguments qui montrent qu'ils continuent à voir la Russie comme l'Union soviétique. Et ce, même s'ils reconnaissent rationnellement que le régime de Poutine est réactionnaire, conservateur, néolibéral, etc. Et puis, boum, soudain ils lâchent quelque chose comme quoi le soutien des États-Unis à l'Ukraine est une sorte de revanche contre la Russie en raison de la révolution bolchévique. Quelle connerie ! (rires).

Quel conseil donnerais-tu à la gauche occidentale ?

Une partie significative de la gauche a adopté une position absolument incorrecte. Ceux qui consacrent leur temps à défendre l'Ukraine font, somme toute, ce qui est juste. La gauche est en crise partout. C'est tout simpement que dans certains cas, elle est complètement foutue, comme ici, et que dans d'autres cas, elle va mieux, comme à l'Ouest. Si je devais donner un conseil de portée générale, je recommanderais de ne moins se préoccuper de savoir quelle position abstraite est correcte, et de se concentrer davantage sur des actions pratiques pour nous aider à sortir du trou dans lequel nous nous trouvons.

Même au sein de notre propre organisation, jusqu'en 2022, nous avons adopté des positions différentes sur la guerre dans le Donbass. Il était parfois difficile de concilier ces sensibilités. Pour ne pas aggraver la situation, nous nous sommes souvent censurés. L'un de mes arguments est qu'il ne faut pas se disputer sur des points sur lesquels on ne peut pas avoir d'influence. Les gens de gauche sont souvent perçus comme condescendants, ils se considèrent comme les seuls à être raisonnables et à avoir l'esprit critique. Pourtant, de l'intérieur, il est facile de constater qu'il s'agit en grande partie de formules toutes faites. Par exemple, la façon dont certains militants de gauche présentent leur position et leur stratégie dans les débats. Au lieu de se livrer à une analyse des situations concrètes, ils se contentent souvent de reproduire des schémas établis dans un contexte et à une époque totalement différents et qui ne correspondent pas du tout à la situation. Nous devons nous éloigner de ces stéréotypes. Le marxisme n'est pas un dogme, mais pour diverses raisons, trop de marxistes réduisent en pratique le marxisme à une simple répétition de dogmes établis. « Pas de guerre en dehors de la guerre des classes », etc.

Un exemple révélateur s'est produit au printemps dernier lors de la venue de la délégation allemande de député.e.s de Die Linke au Bundestag. Jusque là, leur position sur la fourniture d'armes était totalement négative. Au moment de leur départ, le président du groupe a déclaré qu'ils avaient reconsidéré certaines de leurs positions après ce qu'ils avaient appris à Kjiv. Par exemple, le fait que les Ukrainiens ont de toute évidence besoin d'une défense antimissile. La même défense antimissile qu'ils avaient refusé de fournir jusqu'alors les avait en fait protégés à Kjiv ! Ainsi, plus d'un an après l'invasion, ils ont réalisé à quel point elle était nécessaire. Il leur a fallu beaucoup de temps pour en arriver là, et il leur reste encore beaucoup de choses à comprendre (rires). Mais c'est au moins le minimum.

Y a-t-il quelque chose que tu voudrais dire à la gauche tchèque, par exemple en ce qui concerne le pacifisme radical auquel tu as fait allusion ?

La gauche tchèque a connu l'expérience historique de la répression du Printemps de Prague, je ne comprends donc pas pourquoi elle ne parvient pas à mieux comprendre notre positionnement. Peut-être est-ce dû à une dépendance excessive à l'égard des théories de la gauche occidentale. Pour être franc, il en allait exactement de même dans notre pays et, à certains égards, c'est encore le cas aujourd'hui. Après 1989, la situation de la gauche en Ukraine était très déprimante et nous nous sommes d'autant plus tournés vers les auteurs occidentaux. À la revue Spilne (Commons), nous faisons également des traductions. Mais à partir d'un certain stade, on comprend et on sent que nous avons besoin d'une sorte de décolonisation de nous-mêmes. Le 24 février 2022, jour de l'invasion russe, est aussi devenu le moment d'une émancipation intellectuelle pour nous. Il est nécessaire d'être plus critique à l'égard de ce qu'écrivent les auteurs occidentaux, dont nous avons beaucoup appris et ce que nous reconnaissons ouvertement, mais nous nous trouvons dans un contexte quelque peu différent. Nous ne devons pas avoir peur de regarder les choses dans une perspective locale. Et cela inclut le développement d'une analyse locale des idées des auteurs occidentaux de gauche.

Ici, dans les milieux de gauche, nous avons aussi, et cela nous a fait du tort, souvent simplement reproduit les points de vue de la gauche occidentale. Les deux fléaux de la politique de gauche contemporaine sont la reconstruction historique et l'adaptation aux conceptions en vogue

. Au lieu de se livrer à une analyse des situations concrètes, ils se contentent souvent de reproduire des schémas établis dans un contexte et à une époque totalement différents et qui ne correspondent pas du tout à la situation. Nous devons nous éloigner de ces stéréotypes. Le marxisme n'est pas un dogme, mais pour diverses raisons, trop de marxistes réduisent en pratique le marxisme à une simple répétition de dogmes établis. « Pas de guerre en dehors de la guerre des classes », etc.

Un exemple révélateur s'est produit au printemps dernier lors de la venue de la délégation allemande de député.e.s de Die Linke au Bundestag. Jusque là, leur position sur la fourniture d'armes était totalement négative. Au moment de leur départ, le président du groupe a déclaré qu'ils avaient reconsidéré certaines de leurs positions après ce qu'ils avaient appris à Kjiv. Par exemple, le fait que les Ukrainiens ont de toute évidence besoin d'une défense antimissile. La même défense antimissile qu'ils avaient refusé de fournir jusqu'alors les avait en fait protégés à Kjiv ! Ainsi, plus d'un an après l'invasion, ils ont réalisé à quel point elle était nécessaire. Il leur a fallu beaucoup de temps pour en arriver là, et il leur reste encore beaucoup de choses à comprendre (rires). Mais c'est au moins le minimum.

Y a-t-il quelque chose que tu voudrais dire à la gauche tchèque, par exemple en ce qui concerne le pacifisme radical auquel tu as fait allusion ?

La gauche tchèque a connu l'expérience historique de la répression du Printemps de Prague, je ne comprends donc pas pourquoi elle ne parvient pas à mieux comprendre notre positionnement. Peut-être est-ce dû à une dépendance excessive à l'égard des théories de la gauche occidentale. Pour être franc, il en allait exactement de même dans notre pays et, à certains égards, c'est encore le cas aujourd'hui. Après 1989, la situation de la gauche en Ukraine était très déprimante et nous nous sommes d'autant plus tournés vers les auteurs occidentaux. À la revue Spilne (Commons), nous faisons également des traductions. Mais à partir d'un certain stade, on comprend et on sent que nous avons besoin d'une sorte de décolonisation de nous-mêmes. Le 24 février 2022, jour de l'invasion russe, est aussi devenu pour nous le moment d'une émancipation intellectuelle. Il est nécessaire d'être plus critique à l'égard de ce qu'écrivent les auteurs occidentaux, dont nous avons beaucoup appris, ce que nous reconnaissons ouvertement, mais nous nous trouvons dans un contexte quelque peu différent. Nous ne devons pas avoir peur de regarder les choses dans une perspective locale. Et cela inclut le développement d'une analyse enracinée localement des idées des auteurs occidentaux de gauche.

Ici, dans les milieux de gauche, nous avons aussi, et cela nous a fait du tort, souvent simplement reproduit les points de vue de la gauche occidentale. Les deux fléaux de la politique de la gauche contemporaine sont la reconstruction historique et l'adoption des conceptions à la mode. Les gens lisent des auteurs qui ont cent ans d'âge et se proclament marxistes ou féministes au vu de ces textes classiques... Le monde a beaucoup changé et les gens lisent les classiques trop littéralement, même quand ils ne sont plus réellement en phase avec les conditions actuelles. Deuxièmement, la gauche ne peut pas s'empêcher de faire siennes les guerres culturelles ou les sous-cultures occidentales à la mode. En 2016, deux militants de gauche qui participaient à une manifestation en Ukraine ont décidé de scander le slogan « De l'argent pour l'éducation, pas pour la guerre ». Seulement, ils l'ont importé d'un contexte complètement différent, de l'Italie, qui a été impliquée dans une agression impérialiste. En ce qui nous concerne, l'Ukraine est d'abord et avant tout victime de l'agression d'un autre État. En bref : ce fut un désastre. Les conséquences pour la gauche locale ont été tout simplement terribles. Nous étions déjà dans une situation difficile après 2014, et cette seule action, ce seul slogan, n'a fait qu'empirer les choses. Alors oui, nous avons fait beaucoup d'erreurs. Il faut reconnaître que certains d'entre nous ont tiré de mauvaises conclusions. Nous aussi avons beaucoup à apprendre. Mais en même temps, notre amère expérience ukrainienne nous a appris un certain nombre de choses.

P.-S.
Source : https://a2larm.cz/2024/04/kdybychom-nesli-bojovat-levice-by-v-ukrajine-prestala-existovat-rika-taras-bilous/

Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l'aide de DeepLpro, à partir de la traduction du tchèque en anglais d' Adam Novak

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Lettre d’information syndicale du RESU - Politique du RESU en matière de médias publics

16 avril 2024, par Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine — , ,
Bienvenue dans le numéro de mars 2024 de la lettre d'information syndicale du Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine (RESU). Dans ce numéro, nous posons des questions (…)

Bienvenue dans le numéro de mars 2024 de la lettre d'information syndicale du Réseau
européen de solidarité avec l'Ukraine (RESU). Dans ce numéro, nous posons des
questions essentielles : Le mouvement syndical en Europe en fait-il assez pour soutenir l'Ukraine, ses travailleurs et leurs syndicats à un moment où la situation sur le front militaire est bloquée ? Que peuvent-ils faire de plus ?

Mars 2024 NUMÉRO 8 - | Photo : Londres, 24 février. Le cortège de l'Union des services publics et commerciaux avec l'Ukraine

Dans ce numéro

Nous présentons également les luttes en cours des travailleuses, des étudiants et des
retraités ukrainiens, ainsi que des communautés qui se mobilisent pour faire pression sur leurs gouvernements locaux afin qu'ils augmentent leur soutien aux forces armées.

Contenu

Dossier : Que doivent faire nos syndicats pour aider l'Ukraine ? 2-11

Lutte des travailleurs en Ukraine 12-15

Les luttes communautaires en Ukraine 16-18

Lutte des étudiants en Ukraine 19-20

Lutte des femmes en Ukraine 21-22

Autres nouvelles et analyses sur l'Ukraine 23-25

Solidarité avec les travailleurs et les syndicats d'Ukraine 26-27

Lutte des travailleurs en Biélorussie 28-32

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Eléments pour un bilan du groupe ensuféministe

16 avril 2024, par Catherine Samary — , ,
Nous avons mis en avant et lancé des campagnes sur des questions de genre liées à la guerre en Ukraine et ses conséquences spécifiques pour les femmes (pressions pour fuir le (…)

Nous avons mis en avant et lancé des campagnes sur des questions de genre liées à la guerre en Ukraine et ses conséquences spécifiques pour les femmes (pressions pour fuir le pays et devenir réfugiées avec leurs enfants) et des sujets qui restent souvent dans l'ombre dans le monde dominé par les hommes de la guerre et de la politique internationale.

1. Réalisations

Nous avons offert une réponse rapide et opportune au Manifeste féministe campiste avec le Manifeste " Droit de résister ", élaboré par une collectivité importante et largement représentative de groupes et d'individus féministes ukrainiens que nous avons soutenus (signatures et diffusion internationale) (juillet 2022).

Nous avons mis en avant et lancé des campagnes sur des questions de genre liées à la guerre en Ukraine et ses conséquences spécifiques pour les femmes (pressions pour fuir le pays et devenir réfugiées avec leurs enfants) et des sujets qui restent souvent dans l'ombre dans le monde dominé par les hommes de la guerre et de la politique internationale (cf. analyse produite dans " Le droit de résister " des féministes ukrainiennes : la question des viols de guerre et autres formes de violence sexuée, y compris l'augmentation de la violence domestique), les questions plus larges des droits reproductifs et sexuels, les droits du travail des femmes, en particulier dans le secteur de la santé (campagne Be like Nina), la question des femmes soldats (inégalité avec leurs homologues masculins, discriminations, violences sexuelles, manque d'équipement).

Campagnes :

• Pétitions sur l'avortement et les droits reproductifs (juin, septembre 2022) - préparées lors de réunions zoom avec Zofia, féministe polonaise et figure dirigeante du Razem.

• Campagne Be like Nina (lancée en septembre 2023 avec l'objectif d'en faire une campagne générale de l'ENSU et d'autres forces (syndicales).

• Campagne Veteranka (lancée en février 2024).

Nous avons donné la parole aux collectivités féministes ukrainiennes et autres collectivités féministes internationales par le biais d'articles sur notre site web, traduits en plusieurs langues, de vidéos sélectionnées, et par le biais de réunions publiques de zoom :

• Panel féministe international " La guerre de Poutine : nouveaux défis et réponse féministe transnationale, 26.1.2023 (avec des intervenants d'Ukraine, de Russie, de Pologne et d'Iran).

• Campagne "Be like Nina" - Rencontre avec Oksana Slobodiana, 31 juillet 2023

• Zoom meeting présentant les activités de Feminist Workshop, 9 mars 2024

Nous avons collecté des fonds pour financer les groupes féministes ukrainiens, en particulier lorsqu'ils ont été touchés par des coupures d'électricité massives pendant le rude hiver 2022-2023.

En mai 2023, nous avons pris en charge la traduction de certains messages du canal Telegram du groupe russe Anti-War Feminist Resistance. Nous publions des numéros mensuels à travers notre réseau sur les activités anti-guerre en Russie, les actes de soutien aux organisations ukrainiennes, la répression et les femmes prisonnières politiques en Russie.

Récemment, le groupe de travail féministe de l'ENSU a été renforcé par la participation d'Alla, membre active de l'atelier féministe en Ukraine, et de Patrick Letrehondat, qui suit en permanence les activités féministes ukrainiennes.

1. Défis

Au cours des derniers mois, le nombre de membres actifs du groupe de travail féministe a considérablement diminué. Nous avons perdu (lors des réunions régulières - pas pour les projets ad hoc et les zooms) la plupart de nos membres ou contacts internationaux - les participantes les plus régulières venant de France, de Belgique, de Grèce et des Etats-Unis. Nos réunions sont également devenues moins régulières. En revanche, certaines activités de l'ENSU sur des sujets féministes ont été reprises par des réseaux ENSU nationaux plus larges (Espagne, France, Belgique et Royaume-Uni), qui ont pu gérer plus efficacement certaines des campagnes que nous avons proposées (en particulier la collecte de fonds) (par exemple "Be like Nina" et Veteranka). Enfin, l'organisation d'une rencontre féministe a été couronnée de succès en France grâce à un réseau d'associations (syndicats, Attac...) liées aux activités du RESU.

La diminution du nombre de nos membres actifs peut être liée à la "double charge" des camarades femmes ayant des enfants en bas âge ou au fait que nos membres sont souvent impliquées dans de nombreuses autres tâches militantes - dans les syndicats par exemple, ou dans des mobilisations en faveur de l'importance de la cause palestinienne.

1. Autres tâches possibles

Depuis le début de la guerre, nous avons soulevé (sans pouvoir le faire) la question de la solidarité avec les réfugiés ukrainiens à l'étranger (principalement des femmes et des enfants). La fin des mesures provisoires plus favorables (par exemple en ce qui concerne le logement et l'emploi pour ces réfugiées) représente une véritable tâche pour notre réseau. Nous devons analyser l'évolution de la situation des femmes ukrainiennes réfugiées dans différents pays, y compris la Pologne, en particulier en ce qui concerne les droits reproductifs.

Mais nous manquons de forces. L'un de nos projets devrait être d'organiser à nouveau une large réunion internationale de féministes pour examiner les situations auxquelles sont confrontées les femmes ukrainiennes et pour assurer le suivi de nos campagnes en cours ou pour voir si nous devons en lancer de nouvelles.

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Attaque israélienne contre le World Central Kitchen : Biden durcit le ton, le soutien américain à la guerre d’Israël continue, les protestations aussi

16 avril 2024, par Dan La Botz — , ,
Lorsque Israël a tué sept travailleurs de la[World Central Kitchen (WCK)->]le 1er avril, il a franchi une ligne rouge invisible qui a immédiatement suscité l'indignation de (…)

Lorsque Israël a tué sept travailleurs de la[World Central Kitchen (WCK)->]le 1er avril, il a franchi une ligne rouge invisible qui a immédiatement suscité l'indignation de l'Europe, de l'Australie et de l'Amérique. Avant cette attaque, Israël avait tué plus de 200 travailleurs humanitaires palestiniens et 33 000 Palestiniens essentiellement musulmans, pour la plupart des femmes et des enfants, mais cette fois il n'a pas tué les bonnes personnes en causant la mort de Blancs originaires de pays majoritairement chrétiens – l'Australie, la Pologne, le Royaume-Uni, et un citoyen américain et canadien, Jacob Flickinger, 33 ans. Le WCK, réputé pour ses actions caritatives, est dirigé par le chef José Andrés, citoyen américain né en Espagne.

Tiré de Inprecor 719 - avril 2024
8 avril 2024

Par Dan La Botz

Netanyahu, qui ne s'est pas excusé pour le meurtre de 200 travailleurs humanitaires palestiniens, de 140 journalistes ou de 13 800 enfants, a immédiatement reconnu son erreur et a déclaré : « Malheureusement, au cours de la journée écoulée, il y a eu un cas tragique où nos forces ont frappé involontairement des personnes innocentes dans la bande de Gaza. Cela arrive en temps de guerre ».

L'attaque contre WKC a été un cadeau pour Biden qui a été attaqué par les progressistes pour ne pas avoir freiné Israël. Il a pris son téléphone, appelé Netanyahou et lui a dit qu'il devait protéger les travailleurs humanitaires, garantir plus d'aide aux Palestiniens et demander un cessez-le-feu immédiat en échange d'otages, suggérant qu'il pourrait conditionner l'aide militaire américaine à Israël. M. Biden a déclaré : « Nous sommes passés aujourd'hui d'une accolade à une poignée de main, puis à une tape sur les doigts ».

La guerre d'Israël contre les Palestiniens est menée avec des milliards de dollars d'aide militaire américaine, y compris de la part de l'administration Biden. Légalement, l'aide militaire américaine ne peut aller à des pays qui ne protègent pas les civils et n'assurent pas l'aide humanitaire. Jusqu'à présent, le président avait exercé une légère pression verbale sur Netanyahou pour qu'il modifie la stratégie d'Israël vis-à-vis des Palestinien·nes. L'attaque israélienne contre le WCK a donné à Joe Biden l'occasion de se montrer plus ferme. Néanmoins, la colère contre Israël et les États-Unis continue de croître.

Andrés, le directeur de WCK, a immédiatement accusé Israël d'avoir délibérément attaqué les travailleurs humanitaires de son organisation. À la suite de l'enquête menée par les Forces de défense israéliennes et des mesures disciplinaires prises à l'encontre des officiers, WCK a déclaré que « les Forces de défense israéliennes ont déployé une force meurtrière sans tenir compte de leurs propres protocoles, de leur chaîne de commandement et de leurs règles d'engagement ». Et WCK a exigé une enquête indépendante. Une enquête convaincante d'Al Jazeera a révélé que l'armée israélienne avait attaqué « méthodiquement et délibérément » les travailleurs du WCK. Fin mars, Volker Türk, le plus haut responsable des droits de l'homme des Nations unies, a déclaré qu'il était « plausible » qu'Israël utilise la famine comme arme de guerre à Gaza. Pour beaucoup d'entre nous, cela semble non seulement plausible, mais évident. L'attaque contre le WCK a conduit ce dernier et d'autres organisations d'aide à suspendre leur travail, ce qui a aggravé la famine et la faim à Gaza.

L'attaque contre le WCK a intensifié la dissidence de certains sénateurs et représentants du parti démocrate qui s'opposent au soutien continu, et jusqu'à présent sans critique, de Biden à la guerre d'Israël. Et bien sûr, cela a encouragé les protestations continues des militant·es appelant à un cessez-le-feu qui ont eu lieu lors d'événements du parti, interrompant parfois Biden lui-même. Jewish Voice for Peace, un groupe antisioniste, a déclaré sur X que l'attaque d'Israël contre WCK était intentionnelle, écrivant : « Écoutez d'abord les Palestiniens – et immédiatement – chaque fois qu'ils subissent le génocide et la colonisation israéliens. L'assassinat par l'armée israélienne de toute personne à Gaza est conscient et calculé ».

L'attaque israélienne contre WCK a enflammé l'opposition à Biden au sein de la gauche, qui, lors des primaires, a voté « non engagé » plutôt que de voter pour le président. La « tape sur la main » de Biden ne les impressionnera pas – à moins qu'il n'arrête réellement l'aide militaire à Israël. Et cela semble encore peu probable. Le soutien de Biden à Israël pourrait lui coûter l'élection. Peut-être.

7 avril 2024, publié par International Viewpoint.

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No Tech for Apartheid : grogne chez Google autour d’un contrat d’IA avec Israël

À l'ombre de la guerre à Gaza, un groupe de protestation a été créé au sein du géant de la tech, et compte désormais une quarantaine d'employés, raconte “Time”. Leur objectif : (…)

À l'ombre de la guerre à Gaza, un groupe de protestation a été créé au sein du géant de la tech, et compte désormais une quarantaine d'employés, raconte “Time”. Leur objectif : pousser Google à abandonner un projet du nom de Nimbus permettant à l'État hébreu de bénéficier de services d'intelligence artificielle.

Tiré de Courrier international.

Dans un article paru le 8 avril sur Google et Israël, dans le contexte actuel de la guerre à Gaza, le magazine américain Time s'attarde sur la montée de la grogne au sein du géant technologique concernant un de ses projets, baptisé “Nimbus”, un contrat de 1,2 milliard de dollars signé en 2021 avec l'État hébreu.

Ce projet, décrié par des employés de l'entreprise comme un outil supplémentaire de la politique “génocidaire” et d'“apartheid” d'Israël, consiste à fournir des services d'intelligence artificielle (IA) et de “cloud computing” (stockage et gestion de données sur des serveurs externes) au gouvernement ainsi qu'à l'armée israélienne.

Ces dernières semaines, un jeune ingénieur a ainsi été remercié pour avoir protesté publiquement contre le projet lors d'une conférence faisant la promotion de l'industrie technologique israélienne, tandis que deux autres ont rendu leur tablier, également sur fond de contestation du projet, rapporte le Time.

Conférence perturbée

“Le 4 mars, dans le centre de Manhattan, le directeur général de Google pour Israël, Barak Regev, parlait lors d'une conférence […] lorsqu'un membre du public s'est levé en signe de protestation. ‘Je suis ingénieur logiciel chez Google Cloud et je refuse de contribuer à une technologie qui alimente le génocide, l'apartheid ou la surveillance', a lancé le manifestant, vêtu d'un tee-shirt orange orné du logo blanc de Google. ‘Pas de technologie pour l'apartheid'”, a-t-il ensuite scandé.

Cet ingénieur de 23 ans, nommé Eddie Hatfield, “a été hué par le public et rapidement expulsé de la salle”, avant d'être démis de ses fonctions trois jours plus tard.

Mais sa réaction est loin d'être un cas isolé, explique le magazine américain, qui s'est entretenu avec dix employés de Google, cinq actuels et cinq anciens. “Hatfield fait partie d'un mouvement croissant au sein de Google qui appelle l'entreprise à abandonner le projet Nimbus. Le groupe de protestation, appelé ‘No Tech for Apartheid', compte désormais une quarantaine d'employés […], qui affirment que des centaines d'autres travailleurs sympathisent avec leurs objectifs”, écrit l'auteur de l'article, Billy Perrigo.

“Tuer des civils”

Même s'il n'existe “aucune preuve que la technologie de Google ou d'Amazon ait été utilisée pour tuer des civils” dans la guerre actuelle à Gaza, les employés de Google craignent que les outils mis à la disposition d'Israël dans le cadre du projet Nimbus ne soient utilisés “à des fins de surveillance, de ciblage militaire ou d'autres formes” de répression ou de liquidation.

Des craintes qui semblent d'autant plus légitimes, selon le journaliste, que des enquêtes récentes dans la presse israélienne ont révélé le recours de plus en plus courant par l'armée israélienne à des systèmes de ciblage générés par l'IA, sans surveillance ou avec un contrôle humain réduit.

Courrier international

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Envoi d’armes à Israël : Des pays européens menacés de poursuites pour complicité de génocide

Deuxième plus grand fournisseur d'armes d'Israël (après les Etats-Unis), l'Allemagne fait face à deux plaintes devant ses tribunaux et une troisième devant la Cour (…)

Deuxième plus grand fournisseur d'armes d'Israël (après les Etats-Unis), l'Allemagne fait face à deux plaintes devant ses tribunaux et une troisième devant la Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction de l'Onu, devant laquelle elle a comparu mardi dernier pour « complicité » et « facilitation » de génocide à Ghaza. Au début du mois de novembre dernier, ses ventes ont atteint 300 millions d'euros, soit dix fois plus que l'année précédente.

Tiré d'El Watan.

Fervent défenseur et fidèle allié de l'Etat hébreu, Berlin est de plus en plus critiqué par des Ong de droits de l'homme pour son soutien militaire à l'entité sioniste, notamment après l'assassinat des sept humanitaires, dont deux Britanniques, un Australien et un Polonais, par un raid israélien. Vendredi dernier, une plainte a été déposée contre le gouvernement allemand par cinq Palestiniens de Ghaza, le sommant de stopper le transfert d'armes vers Israël, notamment un chargement de 3000 armes antichars. Déposée au nom de l'ECCHR (Centre européen du droit constitutionnel et les droits de l'homme), une ONG berlinoise, la plainte cible les dirigeants allemands pour « avoir exporté des armes de guerre vers Israël afin de participer et l'aider à la commission de génocides à Ghaza ».

Une action soutenue par le Centre palestinien pour les droits de l'homme (PCHR) et le Centre Al Mezan pour les droits de l'homme à Ghaza, ainsi que par l'organisation palestinienne de défense des droits de l'homme Al Haq à Ramallah, en Cisjordanie. « Avec ce procès, nous demandons au tribunal de suspendre les licences d'exportation délivrées par le gouvernement allemand pour les expéditions d'armes vers Israël, dans le cadre de mesures provisoires. Le procès concerne notamment les licences pour les armes antichars. Le nombre considérable de civils tués et le taux de mortalité quotidien à Ghaza ont suscité de vives inquiétudes dans le monde entier quant aux violations du droit international humanitaire et aux éventuels crimes internationaux commis par les forces armées israéliennes.

Il existe des indications de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité commis contre la population palestinienne à Ghaza, ainsi que d'allégations de génocide. En continuant d'exporter des armes de guerre, la République fédérale d'Allemagne viole ses obligations en vertu du droit international, telles qu'elles sont énoncées dans la Convention sur le génocide, le Traité international sur le commerce des armes et les Conventions de Genève, que l'Allemagne a ratifiées », a écrit Wolfgang Kaleck, secrétaire général du centre berlinois, avant de conclure : « Le droit international et les droits de l'homme sont fondamentaux. Une condition préalable fondamentale à une politique étrangère allemande fondée sur des règles et axée sur les droits de l'homme est le respect du droit dans ses propres prises de décision. L'Allemagne ne peut pas rester fidèle à ses valeurs, si elle exporte des armes vers une guerre où de graves violations du droit humanitaire international sont manifestes. »

Plainte de plus de 300 juristes du Royaume-Uni

L'action, dont la réponse doit avoir lieu dans les deux semaines qui suivent son enregistrement, a été engagée 48 heures après les plaidoiries des représentants du gouvernement allemand devant la CIJ, devant laquelle le Nicaragua l'a traduit pour « complicité » et « facilitation » de génocide à Ghaza. Durant plus de deux heures, son collectif de défense a rejeté toutes les accusations portées contre Berlin, tout en consacrant une grande partie de son exposé à la défense d'Israël et à « son droit de légitime défense ».

Le Royaume-Uni fait lui aussi l'objet de lourdes pressions au sein de son gouvernement, mais aussi de l'opposition pour stopper les opérations de livraison d'armes à Israël. Fournisseur d'armes et allié indéfectible de l'Etat hébreu, le Royaume-Uni fait l'objet d'une pression accrue depuis l'assassinat de ses trois ressortissants, des humanitaires de l'ONG WCK (World Central Kitchen) par un raid israélien à Ghaza. De nombreuses voix se sont élevées contre le transfert d'armes et le réexamen de leur exportation vers Tel-Aviv.

Le 4 avril, 600 juristes du Royaume, entre magistrats, avocats et universitaires, ont signé une déclaration mettant en garde le Premier ministre Rishi Sunak contre la poursuite des exportations d'armes vers Israël, sous peine de se rendre coupable de génocide. Leur emboîtant le pas, le Syndicat des services publics et commerciaux, qui représente les fonctionnaires, a demandé une réunion urgente avec le ministère du Commerce, « pour discuter du risque juridique auquel sont confrontés les fonctionnaires en raison de leur lien avec les exportations d'armes vers Israël ».

Le Syndicat a affirmé qu'il envisageait une action en justice contre le gouvernement avant d'expliquer : « Compte tenu des implications pour nos membres, nous pensons qu'il existe de nombreuses raisons de suspendre immédiatement tous ces travaux. Nous vous demandons donc de nous rencontrer en urgence pour discuter de cette question et cesser immédiatement les travaux. Il est entendu que les membres ont demandé à leurs employeurs de cesser de leur confier des tâches liées aux autorisations d'exportation. »

Quelques semaines auparavant, une plainte pour « crimes de guerre » à Ghaza a été déposée par l'Ong ICJP (Centre international de la justice pour les Palestiniens) au niveau de la police de Londres, visant notamment quatre responsables du gouvernement britannique. Rassemblant avocats, universitaires et responsables politiques, cette ONG, qui soutient les droits des Palestiniens, a déclaré avoir remis un dossier de preuves à l'unité chargée d'enquêter sur les crimes de guerre au sein de Scotland Yard, notamment « en lien avec des responsables politiques britanniques de premier plan ».

« Notre plainte apporte suffisamment de preuves à la police pour initier une enquête et arrêter les individus nommés dans la plainte », avait déclaré Tayab Ali, largement médiatisée. Mais l'organisme a décidé de ne pas rendre publics à ce stade les noms des personnes visées. Il s'agit de « responsables israéliens de haut rang, de militaires, de neuf ressortissants britanniques servant au sein de l'armée israélienne, ainsi que quatre ministres du gouvernement britannique accusés d'être complices de ces crimes », a néanmoins précisé M. Ali. Il a en outre indiqué que « l'enquête de l'ICJP continue », notamment sur « le crime de génocide et la potentielle complicité du gouvernement britannique ».

Des plaintes à Paris pour stopper les ventes d'armes

Samedi dernier, le tribunal administratif de Paris a rejeté un recours déposé par Amnesty International pour obtenir en urgence la suspension des livraisons françaises d'armes destinées à Tel-Aviv. Selon la presse française, le juge des référés « s'est déclaré incompétent et a donc débouté les requérants ». Le juge a estimé, à en croire l'AFP, que « ce dossier n'était pas détachable de la conduite des relations internationales de la France ». A travers son action en justice, la section française d'Amnesty, aux côtés de la Ligue des droits de l'homme, a tenté de contraindre le gouvernement à suspendre les licences d'exportation de certains matériels de guerre vers Israël, jusqu'à ce que l'Etat hébreu « se conforme au droit humanitaire et international ». La procédure portait sur les licences d'exportation de matériels militaires de catégories ML5 (qui permet à l'artillerie de déterminer des cibles) et ML15 (servant à l'imagerie et aux radars). En clair, des armes offensives et non pas défensives comme l'a indiqué le ministre des Armées, Vincent Droullé. La France, a-t-il insisté, ne livre pas d'armes à Israël, mais des « composants intégrés dans un système d'armes à vocation purement défensive ».

Les ML5 et les ML15 sont utilisés par Israël, dans ses opérations génocidaires contre la population civile de Ghaza. Samedi dernier, lors de l'audience, l'avocat d'Amnesty International, Lionel Crusoé, avait mis l'accent sur la « situation humanitaire catastrophique » à Ghaza et la récente prise de position du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, qui a exigé l'arrêt de toute vente d'armes à Israël. Le tribunal doit encore se prononcer cette semaine sur deux recours similaires, déposés par d'autres associations dont Action sécurité éthique républicaines, l'ACAT-France (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture), Stop Fuelling War et Sherpa, ciblant, l'exportation de matériels de guerre de catégorie ML3 (munitions et éléments de munitions). Le troisième recours en attente a été engagé par les associations Attac et France Palestine Solidarité pour arrêter toutes les licences d'exportation de matériels de guerre vers Israël. Il est important de rappeler que le 5 avril, 115 parlementaires français avaient adressé une lettre à leur président, Emmanuel Macron, pour alerter sur ce qu'ils ont qualifié de « barre symbolique » des « 33 000 morts et 13 750 enfants tués » à Ghaza, et de lui demander l'arrêt immédiat des ventes d'armes à Israël.

« Nous considérons que la France est en contradiction avec les traités internationaux qu'elle a signés en continuant de fournir du matériel militaire à Israël. Toutes ces mises en garde contre la complicité de génocide à Ghaza, ont été renforcées par une résolution du Conseil des Nations unies pour les droits de l'homme à Genève, qui interdit toute exportation d'armes vers Israël, en raison d'un grand risque de génocide à Ghaza. »

De nombreux pays ont suspendu leurs exportations de matériel militaire vers l'Etat hébreu, dont l'Espagne, l'Italie, la Norvège, les Pays-Bas, la Belgique, l'Irlande, le Canada, pour ne citer que ceux-là, en raison de la grave situation humanitaire induite par la guerre à Ghaza.

En attendant la décision de la CIJ, relative aux demandes d'injonction du Nicaragua contre l'Allemagne, pour « complicité de génocide », en raison de ses livraisons d'armes à Israël et sa décision de suspension de l'aide financière à l'Unrwa, l'agence onusienne qui aide les Palestiniens à survivre, les Ghazaouis continuent à mourir sous les bombes et les balles sionistes.

Durant les dernières 24 heures, alors que le monde avait détourné le regard vers la riposte iranienne contre Tel-Aviv, l'armée sioniste a tué 43 Palestiniens et blessé 62 autres, dans la nuit du samedi et la journée d'hier, portant le nombre de victimes au 191e jour depuis l'attaque du 7 octobre à 33 729 morts, majoritairement des enfants et des femmes, et 76 371 blessés.

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« L’Iran s’est trouvé mis au pied du mur par l’attaque contre son consulat »

16 avril 2024, par Gilbert Achcar — ,
Le chercheur franco-libanais Gilbert Achcar, professeur à l'École des études orientales et africaines de l'université de Londres, revient sur l'attaque israélienne du 1er avril (…)

Le chercheur franco-libanais Gilbert Achcar, professeur à l'École des études orientales et africaines de l'université de Londres, revient sur l'attaque israélienne du 1er avril contre le consulat à Damas et analyse la réponse de la République islamique. Il examine également les effets de ce regain de tension sur les négociations en cours pour mettre fin à la guerre à Gaza.Entretien réalisé par Pierre Barbancey pour L'Humanité.

Tiré de Inprecor 719 - avril 2024
14 avril 2024

Par Gilbert Achcar

Le système anti-missile en action après que l'Iran a lancé des drones et des missiles vers Israël, vu d'Ashkelon, Israël le 14 avril 2024. REUTERS - Amir Cohen

Que cherchait Israël en frappant le consulat d'Iran à Damas ?

L'attaque israélienne continuait la longue série de frappes contre des objectifs iraniens en Syrie, inaugurée depuis une dizaine d'années lorsque l'Iran a commencé à s'implanter dans ce pays à la faveur de la guerre civile postérieure au soulèvement populaire de 2011. Toutefois, les autorités israéliennes ne pouvaient ignorer que la destruction du consulat, adjacent à l'ambassade d'Iran, constituait une escalade majeure, au-delà même de l'identité des victimes, dont un haut-gradé du corps des « gardiens de la révolution », le bras armé idéologique du régime iranien, et sept autres officiers.

Il me semble donc qu'il s'agissait d'une provocation délibérée visant à susciter une riposte iranienne et enclencher un engrenage pouvant mener à une action de grande envergure contre l'Iran. Il y a pour cela deux raisons principales, dont l'une est « triviale » et l'autre stratégique. La raison triviale est que la fuite en avant militaire est dans l'intérêt de Benyamin Netanyahou, dont on sait que l'état de guerre conditionne son maintien au pouvoir. Elle est aussi dans l'intérêt de l'ensemble du gouvernement israélien, confronté à une antipathie croissante dans les opinons publiques occidentales. Or, une confrontation avec l'Iran à l'image très négative est de nature à restaurer la solidarité occidentale avec Israël. Cela s'applique aussi à l'administration Biden, qui a pâti ces derniers temps de la dégradation de l'image de son allié israélien.

Quant à la raison stratégique, elle est évidente : depuis que Donald Trump a répudié en 2018 l'accord sur le nucléaire conclu en 2015 avec l'Iran, ce dernier a considérablement accéléré son activité d'enrichissement d'uranium au point qu'il est aujourd'hui estimé qu'il ne faudrait que quelques jours à Téhéran pour produire au moins trois bombes nucléaires. Si l'on y ajoute la capacité de l'Iran en matière de frappe à distance, dont on a vu la démonstration samedi dernier, on comprend aisément la hantise d'Israël de perdre son monopole régional de l'armement nucléaire, et partant sa capacité dissuasive. Certes, Israël possède un nombre considérable de têtes nucléaires, mais son territoire est beaucoup plus exigu que celui de l'Iran. Il est donc à craindre que l'attaque contre le consulat ait été conçue comme première salve d'une escalade militaire devant conduire à une attaque israélienne contre le potentiel nucléaire iranien.

Que peut-on lire dans la réplique iranienne ?

On peut y lire un grand embarras. Téhéran s'est trouvé mis au pied du mur par l'attaque contre son consulat. Sa « crédibilité » dissuasive a été considérablement érodée au fil des ans par des promesses répétées de vengeance jamais tenues, du moins à un niveau significatif, comme après l'assassinat en Irak, ordonné par Trump en janvier 2020, du chef de la force Al-Qods des « gardiens de la révolution », Qassem Soleimani. Il y a eu aussi l'absence d'intervention directe dans la guerre menée par Israël à Gaza, contrairement aux exhortations du Hamas. L'Iran s'est contenté de faire intervenir ses alliés libanais et yéménites, de façon autolimitée dans le cas du Hezbollah libanais.

Téhéran se devait donc d'agir cette fois-ci afin de ne pas perdre complètement la face. En même temps, les dirigeants iraniens sont conscients du but de la provocation israélienne et craignent une attaque sur leur sol avant d'avoir réalisé un équilibre de la terreur en se dotant de l'arme nucléaire. C'est pourquoi ils ont opté pour une attaque massive en apparence, dont ils savaient qu'elle n'aurait pas grand impact. Attaquer l'État du monde le mieux doté en défense aérienne, aidé de surcroît par de puissants alliés, dont les États-Unis au premier chef, avec des drones et des missiles de croisière à 1500 kilomètres de distance, pour un parcours de plusieurs heures, c'est s'attendre à ce que très peu arrive à destination. Seuls quelques missiles balistiques ont pu passer à travers les mailles du filet de protection israélien.

Les sources iraniennes se sont empressées de déclarer l'affaire close en ce qui les concerne. C'est bien naïf. S'ils avaient attaqué une représentation diplomatique israélienne aux Emirats arabes unis ou au Bahreïn, par exemple, personne n'aurait pu sérieusement le leur reprocher. Mais en lançant des centaines d'engins sur le territoire même d'Israël, ils ont donné en plein dans le panneau, légitimant ainsi une attaque israélienne directe sur leur propre territoire. Il n'est pas très difficile de comprendre qu'ils ont à la fois fait la preuve du danger qu'ils représentent pour Israël, renforçant ainsi l'argument israélien pour une destruction préventive de leur potentiel, et démontré leur faiblesse stratégique face à un adversaire bien mieux doté qu'eux. C'est à mon sens une erreur qui pourrait s'avérer aussi monumentale que celle qu'a commise le Hamas en lançant l'opération du 7 octobre 2023.

Quelles sont les conséquences sur la guerre menée à Gaza et les négociations ?

Les négociations étaient déjà dans l'impasse avant tout cela. Là, les perspectives d'un accord deviennent fort minces, d'autant que la pression occidentale sur Israël va très probablement diminuer en intensité et que l'incertitude plane au sujet des otages. Israël a déjà détruit la plus grande partie de Gaza, la transformant en champ de tir et d'intervention ponctuelle pour ses forces armées. Il reste Rafah, qu'Israël se prépare à envahir après en avoir déplacé la population civile. Cela nécessite un effort bien moindre que l'offensive menée jusqu'en janvier dernier. Par ailleurs, la confrontation avec l'Iran ne nécessite pas un surcroît de mobilisation terrestre, sauf au nord pour parer à une éventuelle offensive du Hezbollah. Quant au potentiel israélien de frappe à distance, il reste entier puisque l'administration Biden veille à le maintenir à niveau par des livraisons continues d'armement, outre sa contribution directe à l'effort de guerre israélien.

Entretien réalisé par Pierre Barbancey

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L’Iran et les houthistes, une alliance sans alignement

En riposte au bombardement de son consulat à Damas, l'Iran a lancé une attaque limitée contre Israël dans la nuit du 13 au 14 avril. Les houthistes yéménites y ont participé et (…)

En riposte au bombardement de son consulat à Damas, l'Iran a lancé une attaque limitée contre Israël dans la nuit du 13 au 14 avril. Les houthistes yéménites y ont participé et continuent à viser les navires de commerce « ennemis » en mer Rouge. Conscient de sa propre capacité de nuisance et de son inscription dans des enjeux locaux, le mouvement armé Ansar Allah n'est toutefois pas totalement aligné avec les intérêts de la République islamique.

Tiré d'Orient XXI. Cet article a initialement été publié par le Sana'a Center for Strategic Studies sous le titre « Iran's View of Houthi Attacks in the Red Sea : Protecting Gains and Limiting Costs », le 9 avril 2024. Traduit de l'anglais par Laurent Bonnefoy.

La guerre à Gaza a donné aux houthistes, dont le nom en arabe est Ansar Allah, l'occasion de consolider leur pouvoir au Yémen et d'étendre leur influence régionale. Pour atteindre leurs objectifs, ils ont lancé des dizaines d'attaques contre la navigation en mer Rouge. Sur le plan intérieur, cela leur a permis de mobiliser un fort sentiment propalestinien au sein de la population. Au niveau régional, le mouvement a pu s'affirmer comme une puissance émergente. Il a démontré sa capacité et sa volonté d'entraver la navigation dans l'un des principaux goulots d'étranglement du commerce mondial.

Pour comprendre les intérêts et les perceptions de l'Iran concernant la crise en mer Rouge, il est utile d'examiner son approche du Yémen avant l'opération du Hamas le 7 octobre. Pour les dirigeants de la République islamique, la montée en puissance des houthistes constitue une évolution indéniablement positive. Ces derniers sont certes confrontés à des obstacles au niveau national du fait de la situation économique difficile et du mécontentement croissant dans les régions sous leur autorité. Cependant, ils sont sortis de la guerre civile et de l'intervention menée par l'Arabie saoudite depuis neuf ans comme autorité gouvernante de facto dans le nord-ouest du pays, sans concurrent politique ni militaire. Le gouvernement internationalement reconnu reste d'ailleurs, quant à lui, faible et divisé.

Légitimer le pouvoir

Le montant exact du soutien financier de l'Iran au mouvement yéménite n'est pas connu, mais il ne dépasse probablement pas quelques centaines de millions de dollars par an depuis 2015. En fournissant aux houthistes des armes légères, des munitions et des pièces détachées pour des armes plus sophistiquées, tels des missiles et des drones, en plus de la formation et des renseignements nécessaires pour les utiliser, l'investissement limité de l'Iran lui a procuré des gains tout à fait significatifs (1). C'est en partie grâce à ce soutien que les houthistes sont devenus la puissance dominante au Yémen et un acteur clé de « l'axe de la résistance » — le réseau régional de groupes armés non étatiques guidé par Téhéran.

Le fait que les houthistes aient engagé une escalade militaire en mer Rouge permet à l'Iran de maximiser le rendement de son investissement au Yémen et ne modifie donc pas son calcul global. De son point de vue, la prochaine étape reste la légitimation du pouvoir des houthistes. C'est pourquoi Téhéran soutient un processus politique entre ces derniers et l'Arabie saoudite, dont la République islamique souhaite encourager le retrait. Si ce processus a été mis de côté pour l'instant, il ne fait aucun doute que Riyad souhaite toujours se sortir de sa guerre coûteuse au Yémen. Le résultat en sera inévitablement la consolidation du pouvoir des houthistes et non un processus de réconciliation nationale qui impliquerait une dilution du pouvoir du mouvement contrôlant actuellement Sanaa. Or, au vu de leurs récentes interventions, les houthistes seront en mesure d'obtenir encore plus de concessions de la part de Riyad lorsque les pourparlers finiront par reprendre.

Institutionalisation de« l'axe de résistance »

L'émergence des houthistes en tant qu'acteur régional puissant profite également à l'Iran au-delà des frontières du Yémen, en renforçant ses capacités de dissuasion et son aptitude à imposer des coûts à ses rivaux américains, israéliens et saoudiens. Elle indique qu'en plus du détroit d'Ormuz, l'Iran et ses partenaires peuvent perturber la navigation dans un autre point névralgique, le détroit de Bab Al-Mandeb, qui relie le golfe d'Aden à la mer Rouge, et par lequel transite environ 12 % du commerce maritime mondial.

La démonstration par les houthistes de leurs capacités régionales et l'intensification de leurs liens avec d'autres partenaires iraniens, en particulier le Hamas et le Hezbollah, confirment la tendance à l'institutionnalisation de « l'axe de la résistance ». Enfin, la capacité du mouvement yéménite à se positionner en tant que champion de la cause palestinienne renforce le récit porté par ces acteurs issus de différents coins du Proche-Orient. Les houthistes tirent ainsi parti d'une position véritablement populaire au Yémen et dans l'ensemble du monde arabe, au moment où leurs rivaux, forcément alignés sur les États-Unis, se montrent moins engagés dans la défense des droits des Palestiniens.

Un pari qui demeure audacieux

Malgré ces avancées, les récents événements survenus en mer Rouge présentent des risques pour l'Iran. Le principe dominant de la politique étrangère de la République islamique est d'éviter une confrontation directe avec les États-Unis, compte tenu de la grande asymétrie de puissance entre les deux pays. Le soutien apporté aux groupes armés non étatiques dans toute la région lui permet de repousser l'insécurité au-delà de ses propres frontières. Car ses dirigeants comprennent qu'en cas d'escalade majeure, les États-Unis ont en fin de compte la capacité de causer beaucoup plus de dégâts. C'est en partie la raison pour laquelle l'Iran a encouragé le Hezbollah à ne pas intensifier son conflit avec Israël, une retenue compatible avec les intérêts intérieurs actuels du parti libanais.

C'est dans ce contexte que la démesure des actions houthistes présente des risques pour l'Iran. Ceux-ci estiment à juste titre qu'aucun acteur au Yémen ne peut les défier. Non seulement ils peuvent résister à des frappes aériennes limitées de la part des États-Unis et du Royaume-Uni, mais ils peuvent aussi tirer profit de ces attaques sur le plan politique. En ce sens, leur tolérance au risque est plus élevée que celle de l'Iran, qui cherche davantage à éviter l'escalade. L'Iran est également conscient que le Hamas subit des dommages militaires importants et a perdu la capacité de gouverner la bande de Gaza. Ce sont-là deux leviers importants dans le jeu régional de Téhéran qui souhaite ainsi éviter que les houthistes ne subissent davantage de dommages au-delà des bombardements américano-britanniques.

Un calibrage minitieux

L'équilibre idéal pour la République islamique est une zone grise dans laquelle les houthistes, comme d'autres groupes armés pro-iraniens, provoquent l'Arabie saoudite, Israël et les États-Unis, et contribuent à les enliser dans des conflits aussi coûteux que possible. Pendant ce temps, « l'axe de la résistance » marque des points sur le plan rhétorique, renforçant sa popularité. Une telle mécanique permet à l'Iran de faire pression directement et indirectement sur ses rivaux et de leur imposer des coûts, tout en évitant une escalade qui lui serait coûteuse. C'est probablement la raison pour laquelle, comme l'ont suggéré de récents articles (2), l'Iran s'est efforcé de maîtriser certaines des milices qu'il soutient en Irak. Celles-ci avaient poussé le bouchon trop loin, augmentant le risque d'une nouvelle escalade.

Cet exercice de calibrage minutieux ravive l'ancien débat sur le niveau d'influence opérationnelle et stratégique que l'Iran exerce à l'égard des houthistes. Certains analystes considèrent ces derniers comme des mandataires et affirment que Téhéran, sans nécessairement les contrôler directement, exerce une influence majeure. Les récents événements plaident néanmoins en faveur d'un point de vue plus nuancé. Farouchement nationalistes tout en bénéficiant d'une aide iranienne importante, les houthistes sont devenus un acteur puissant de plus en plus indépendant. Il serait donc davantage judicieux de les qualifier de partenaires. Malgré quelques divergences, leurs intérêts sont pour la plupart alignés et ils collaborent étroitement dans une même quête.

L'objectif principal de la politique étrangère iranienne reste de limiter la marge de manœuvre des États-Unis en augmentant les coûts réels ou potentiels de leurs actions, de même qu'en les forçant à faire de mauvais choix et à adopter des politiques préjudiciables. C'est dans cette situation que l'Iran a contribué à pousser les États-Unis dans la mer Rouge. Washington se retrouve désormais empêtré dans la guerre au Yémen en bombardant les houthistes, avec des chances de succès limitées. Sachant qu'Israël est embourbé dans une guerre coûteuse à Gaza, et que les houthistes ont émergé comme une puissance régionale réalisant d'importants gains en termes de propagande, l'objectif de la République islamique est désormais de protéger les acquis de ses alliés tout en minimisant les pertes : effectives pour ce qui concerne le cas du Hamas, potentielles dans le cas des houthistes. L'équilibre demeure donc précaire.

Notes

1- Thomas Juneau, « How war in Yemen transformed the Iran-Houthi partnership », Studies in Conflict and Terrorism, vol. 47, n°3, 2023.

2- Susannah George, Dan Lamothe, Suzan Haidamous et Mustafa Salim, « Iran wary of wider war, urges its proxies to avoid provoking U.S. », The Washington Post, 18 février 2024.

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Nations unies - « Anatomie d’un génocide ». Le rapport de Francesca Albanese sur la situation à Gaza

16 avril 2024, par Francesca Albenese — , ,
Le 25 mars 2024, la rapporteuse spéciale de l'ONU présentait au Conseil des droits de l'homme un rapport mettant en évidence la dimension génocidaire de l'offensive israélienne (…)

Le 25 mars 2024, la rapporteuse spéciale de l'ONU présentait au Conseil des droits de l'homme un rapport mettant en évidence la dimension génocidaire de l'offensive israélienne sur Gaza. Dressant un tableau précis de la situation, elle appelle les États à mettre en œuvre un embargo sur les armes, à adopter des sanctions contre Israël afin d'imposer un cessez-le-feu et à déployer une présence internationale protectrice dans le territoire palestinien occupé.

Tiré de orientxxi
8 avril 2024

Par Francesca Albenese

26 mars 2024. Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des droits dans les territoires palestiniens, s'exprime lors d'une conférence de presse durant une session du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, à Genève.
Fabrice COFFRINI/AFP

Dans son rapport de mars 2024 présenté devant le Conseil des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies (ONU), Francesca Albanese présente les actes et les intentions pouvant caractériser un génocide en cours à Gaza. La question d'un génocide réalisé par des moyens militaires est encore une fois posée, ainsi que celle de l'assistance militaire à Israël. En droit international, cette question n'est pas nouvelle dès lors qu'au Rwanda, la contribution de l'armée au génocide des Tutsi a déjà été attestée. Dans l'ex Yougoslavie, le massacre de Srebrenica, considéré comme acte de génocide, s'inscrivait également dans un contexte de conflit armé. S'agissant d'Israël, le blocus de Gaza exigeant l'emploi de la force militaire de l'État avait été présenté dès 2009 comme participant potentiellement d'un crime contre l'humanité (1). Et la Convention internationale sur la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 énonce bien, dans son article I :

Les parties contractantes confirment que le génocide, qu'il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu'elles s'engagent à prévenir et à punir.

Un contexte menaçant

Suite à la publication de ce rapport, un certain nombre d'États occidentaux ont relayé les accusations portées par Israël contre la personne de la rapporteuse spéciale. Le ministre des affaires étrangères et le ministre de l'intérieur israéliens estimaient en février 2024 que l'ONU devrait désavouer publiquement ses « propos antisémites » et la renvoyer définitivement (2). Et le Quai d'Orsay a cru bon d'affirmer pendant le point de presse du 26 mars 2024 que

Madame Albanese n'engage pas le système des Nations unies. Nous avons eu l'occasion par le passé de nous inquiéter de certaines de ses prises de positions publiques problématiques et de sa contestation du caractère antisémite des attaques terroristes du 7 octobre dernier.

Dans ce contexte menaçant, la rapporteuse spéciale n'est pourtant pas isolée parmi les experts indépendants du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, chargés de « mandats thématiques » ou de « mandats par pays ». Ils ont publié collectivement plusieurs déclarations relatives au risque de génocide depuis le début de l'offensive israélienne contemporaine. Très récemment, c'est le rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, Michael Fakhri, qui a alerté sur la volonté délibérée d'infliger une famine à Gaza (3).

Créé en 1993 par la Commission des droits de l'homme (devenue Conseil des droits de l'homme), le mandat du rapporteur spécial sur les territoires palestiniens occupés (qui fait partie des « mandats par pays ») vise à y examiner la situation des droits humains et à formuler des recommandations à l'intention de l'ONU. Plusieurs intellectuels de grande envergure, tels les professeurs sud-africain John Dugard (2001-2008), américain Richard Falk (2008-2014) ou canadien Michael Lynk (2016-2022) se sont succédés dans ces fonctions. Ils ont progressivement avancé une réflexion sur l'apartheid et invité les États à saisir la Cour internationale de justice (CIJ) d'une demande d'avis sur la situation. Cette demande s'est concrétisée et a donné lieu aux audiences de la fin février 2024 devant la Cour. L'indépendance des experts du Conseil des droits de l'homme et la force de leurs rapports ont souvent suscité des oppositions. En décembre 2008, elles avaient culminé avec l'arrestation puis l'expulsion par Israël de Richard Falk (4).

La mise en cause par Israël des rapporteurs spéciaux sur les territoires palestiniens occupés accompagne désormais un discours israélien visant à discréditer l'ensemble de l'ONU, son Secrétaire général, voire même ses juges. On sait que l'UNRWA, l'agence de l'ONU dédiée aux réfugiés palestiniens, a aussi été spécifiquement ciblée, ce qui a conduit à fragiliser son fonctionnement et affaiblir encore la population de Gaza. Dans son rapport, Francesca Albanese appelle d'ailleurs les États à continuer d'assurer le financement de l'agence (§ 97, g).

L'UNRWA est en outre implicitement confortée par la dernière ordonnance de la CIJ, largement centrée sur la question de la famine. Privilégiant la voie terrestre d'acheminement de l'aide humanitaire, la Cour ordonne à Israël de

prendre toutes les mesures nécessaires et effectives pour veiller sans délai, en étroite collaboration avec l'Organisation des Nations unies, à ce que soit assurée, sans restriction et à grande échelle, la fourniture par toutes les parties intéressées des services de base et de l'aide humanitaire requis de toute urgence […] en particulier en accroissant la capacité et le nombre des points de passage terrestres et en maintenant ceux-ci ouverts aussi longtemps que nécessaire (5).

Dans la requête qu'il a récemment introduite devant la CIJ s'agissant de Gaza, le Nicaragua reproche à l'Allemagne, au titre de la complicité de génocide, la fourniture de matériels militaires à Israël, mais également la suspension de son financement de l'UNRWA. Les audiences se tiendront, dans cette autre affaire, en ce mois d'avril 2024.

« Des preuves exceptionnellement présentes »

L'offensive actuelle sur Gaza est considérée par Francesca Albanese comme pouvant caractériser trois des actes de génocide listés par la Convention de 1948 (article II, a), b), et c)) : le meurtre de membres du groupe, l'atteinte grave à leur intégrité physique ou mentale et la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle.

Les éléments de fait sont précisément et utilement rappelés, avec notamment les chiffres considérables de plus de 30 000 morts, 12 000 disparus (sous les décombres) et 71 000 blessés graves (§§ 21-45). L'offensive israélienne s'illustre aussi par la souffrance infligée aux enfants, qui peut être interprétée comme un moyen de détruire le groupe ciblé (§ 33). Quant à l'intention de détruire le groupe, propre au crime de génocide, elle peut être directement prouvée au regard des déclarations de hauts responsables israéliens, parfaitement comprises sur le terrain (§§ 50-53). Ainsi, « des preuves directes de l'intention génocidaire sont exceptionnellement présentes ». Ceci est un élément essentiel à la qualification de génocide, qui dispense de recourir à des preuves circonstancielles. En effet, en l'absence de preuves directes, la jurisprudence internationale refuse généralement de qualifier un génocide lorsque les faits de violence peuvent être « raisonnablement expliqués » autrement que par une intention de détruire le groupe.

C'est dans ce contexte que le rapport de Francesca Albanese examine le « jargon » humanitaire (§ 60) employé par Israël afin de justifier ses opérations. On se trouve en présence d'un discours israélien flou, où la justification des attaques par les catégories du droit des conflits armés est désormais susceptible de brouiller l'identification de l'« intention de détruire » qui a été officiellement énoncée dans les premiers mois de l'offensive. Se référant explicitement à l'instance introduite devant la CIJ par l'Afrique du Sud, Francesca Albanese note : « Pour sa défense, Israël a affirmé que sa conduite est conforme au droit international humanitaire ». Mais en réalité, « Israël a invoqué ce droit comme un "camouflage humanitaire" afin de légitimer la violence génocidaire qu'il déploie à Gaza » (§ 7). C'est l'intérêt du travail de Francesca Albanese que de l'exposer et d'œuvrer à la déconstruction des prétentions légales d'Israël au titre du droit de la guerre.

Le « camouflage humanitaire »

La dernière partie du rapport est donc intitulée de manière significative « Camouflage humanitaire : déformer le droit de la guerre pour masquer l'intention génocidaire ». La rapporteuse y estime que

sur le terrain, cette déformation du droit de la guerre […] a changé un groupe national entier et son espace habité en une cible militaire pouvant être détruite, révélant une conduite des hostilités « éliminationniste ». Ceci a eu des effets dévastateurs, coûtant la vie à des milliers de civils palestiniens, détruisant la vie à Gaza et causant des dommages irréparables. S'illustre une ligne de conduite claire dont on ne peut déduire qu'une intention génocidaire (6).

Plusieurs notions du droit relatif à la conduite des hostilités tels qu'instrumentalisées par Israël sont précisément analysées : l'accusation d'utilisation de boucliers humains ou d'utilisation militaire d'installations médicales par l'adversaire (A et E), l'extension de la notion d'objectif militaire (B), l'exploitation de la notion de « dommages collatéraux » (C), les ordres d'évacuations et les désignations de zones sûres (D). L'exemple des évacuations paraît, avec le siège et le ciblage systématique des hôpitaux, assez spécifique de l'offensive en cours. S'agissant des ordres d'évacuation, on assiste à la transformation d'une exigence du droit de la guerre (les précautions avant l'attaque) en instrument de persécution et d'affaiblissement de la population. Ceci a d'ailleurs été rapidement compris par les organes de l'ONU, puisque la résolution de l'Assemblée générale du 26 octobre 2023 demandait l'annulation du premier ordre d'évacuation du nord de Gaza. Le thème de la perfidie (la conduite perfide étant une violation grave du droit de la guerre) apparaît ainsi dans les développements du rapport de Francesca Albanese, dès lors que les zones désignées comme sûres à l'intention des civils déplacés et les couloirs humanitaires permettant leurs déplacements ont fait l'objet de bombardement et d'attaques (§§ 79 et 81).

Le rapport vient donc utilement contrer une approche qui se manifeste déjà dans le travail du procureur de la Cour pénale internationale (CPI). Cette approche consiste à représenter l'offensive comme une opération militaire où l'armée israélienne s'efforcerait de respecter les exigences du droit de la guerre dans une situation complexe — mais finalement classique — de conflit urbain. Or, s'il était question de respecter ce droit relatif à la conduite des hostilités, la règle de précaution dans l'attaque devrait s'appliquer au regard de la configuration de l'espace dans lequel est conduite l'offensive, c'est-à-dire une zone restreinte, close, très densément peuplée, où les objectifs militaires sont essentiellement souterrains en raison même du blocus imposé depuis 2007. Selon cette règle :

ceux qui décident une attaque doivent […] s'abstenir de lancer une attaque dont on peut attendre qu'elle cause incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux biens de caractère civil, ou une combinaison de ces pertes et dommages, qui seraient excessifs par rapport à l'avantage militaire concret et direct attendu (7).

Ajoutons qu'au regard des objectifs énoncés par les dirigeants israéliens, il serait aussi possible de convoquer la règle qui criminalise le simple fait de déclarer un refus de quartier (8).

Il convient en outre de ne pas oublier que le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes dont relève le peuple palestinien impose à l'État colonial ou occupant de favoriser l'émancipation, ce qui questionne le principe même de l'offensive israélienne. À cet égard, le rapport de Francesca Albanese s'inspire de travaux historiques récents pour rapprocher la situation des territoires occupés d'un colonialisme de peuplement (§ 12). La qualification du génocide doit certainement être appréhendée dans ce contexte, souligne Francesca Albanese, c'est-à-dire en situant l'offensive contemporaine dans une histoire de déplacement et d'effacement du peuple palestinien (rapport, §§ 10-14).

Notes

1. Voir le rapport de la Mission d'établissement des faits de l'ONU sur le conflit à Gaza, 25 septembre 2009, doc ONU A/HRC/12/48, §§ 1332-1335

2. The Times of Israël, 12 février 2024. S'agissant du dernier rapport, le porte-parole du département d'État des États-Unis, Matthew Miller, prétendait relever le 27 mars 2024 « l'historique de commentaires antisémites qu'elle a faits », Middle East Eye, 28 mars 2024

3. « UN food rights expert blasts rights council for turning blind eye as Israel ‘intentionally starves' Gaza », Michelle Langrand, Geneva Solution, 9 mars 2024.

4. Voir le rapport du 25 septembre 2009, doc. ONU A/64/328

5. CIJ, Ordonnance du 28 mars 2024, 2) a).

6. § 57

7. Protocole additionnel I aux Conventions de Genève, article 57 § 2 a) iii)

8. Statut de la CPI, articles 8 § 2 b) xxii et e) x)). Les éléments de ce crime, tels que précisés par l'Assemblée des États parties à la CPI, sont les suivants : « 1. L'auteur a déclaré qu'il n'y aurait pas de survivants ou ordonné qu'il n'y en ait pas 2. Cette déclaration ou cet ordre a été émis pour menacer un adversaire ou pour conduire les hostilités sur la base qu'il n'y aurait pas de survivants. 3. L'auteur était dans une position de commandement ou de contrôle effectif des forces qui lui étaient subordonnées auxquelles la déclaration ou l'ordre s'adressait […] ».

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Gaza : « Anatomie d’un génocide » 7 avril 2024

16 avril 2024, par Artistes pour la paix — , ,
La semaine dernière, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese, a publié un rapport intitulé « Anatomie d'un (…)

La semaine dernière, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese, a publié un rapport intitulé « Anatomie d'un génocide », car il existe des « motifs raisonnables de croire » que le seuil de perpétration d'un crime de génocide a été atteint.

Par les Artistes pour la Paix – P.J.
http://www.artistespourlapaix.org/gaza-anatomie-dun-genocide-7-avril-2024/

Wikipédia décrit ainsi madame Albanese : née en 1977, elle est nommée le 1er mai 2022 rapporteur spécial des Nations unies sur les territoires palestiniens, pour un mandat de trois ans. Dans son premier rapport, elle recommande que les États membres de l'ONU élaborent « un plan pour mettre fin à l'occupation coloniale israélienne et au régime d'apartheid ». Elle critique l'inaction sur cette question, décrivant les États-Unis comme « subjugués par le lobby juif » et l'Europe par un « sentiment de culpabilité à l'égard de l'Holocauste », arguant que tous deux « condamnent les opprimés » dans le conflit. Pendant la guerre Hamas-Tsahal, Francesca Albanese appelle à un cessez-le-feu immédiat, avertissant que « les Palestiniens courent le grave danger d'un nettoyage ethnique de masse, que la communauté internationale doit « prévenir et protéger les populations des crimes d'atrocité », et que « la responsabilité des crimes internationaux commis par les forces d'occupation israéliennes et le Hamas doit également être immédiatement recherchée ».

Titulaire d'une licence en droit avec mention de l'Université de Pise et d'un master en droits de l'homme de l'université SOAS de Londres, elle termine son doctorat en droit international des réfugiés à la faculté de droit de l'université d'Amsterdam. Chercheuse affiliée à l'Institut pour l'étude des migrations internationales de l'université de Georgetown, conseillère principale sur les migrations et les déplacements forcés auprès de l'organisation à but non lucratif Arab Renaissance for Democracy and Development (ARDD) et chercheuse à l'Institut international d'études sociales de l'université Érasme de Rotterdam, elle rédige en 2020, avec Lex Takkenberg, l'ouvrage Palestinian Refugees in International Law. Francesca Albanese a travaillé pendant une décennie en tant qu'experte en droits de l'homme pour l'Organisation des Nations unies (ONU).

Journaliste, musicien, chef d'orchestre et écrivain juif, Jonathan Ofir a guidé notre lecture du rapport que les médias occidentaux camouflent, comme tout ce qui provient de l'ONU, ce que nous dénonçons sans relâche. Il est à noter que la rapporteuse condamne les crimes commis par le Hamas le 7 octobre en Israël, mais ils ont été commis en dehors de la zone géographique couverte par son mandat, comme le sont aussi la Cisjordanie et Jérusalem Est.

« Après cinq mois d'opérations militaires, Israël a détruit Gaza. Plus de 30 000 Palestiniens ont été tués, dont plus de 13 000 enfants. Plus de 12 000 personnes sont présumées mortes et 71 000 blessées, dont beaucoup ont subi des mutilations qui ont changé leur vie. Soixante-dix pour cent des zones résidentielles ont été détruites. Quatre-vingts pour cent de l'ensemble de la population a été déplacée de force. Des milliers de familles ont perdu des êtres chers ou ont été anéanties. Nombre d'entre eux n'ont pas pu enterrer et faire le deuil de leurs proches, contraints de laisser leurs corps en décomposition dans les maisons, dans la rue ou sous les décombres. Des milliers de personnes ont été arrêtées et systématiquement soumises à des traitements inhumains et dégradants. Le traumatisme collectif incalculable sera vécu pour les générations à venir. »

Albanese décrit les trois aspects essentiels du crime de génocide commis par Israël : le meurtre de membres d'un groupe spécifique de personnes, l'atteinte à leur intégrité physique ou mentale et la destruction volontaire de leurs conditions de vie. Le rapport comporte également une section consacrée à l'intention, qui recense une partie des innombrables déclarations génocidaires des dirigeants israéliens. Constituant presque la moitié du rapport (points 55-92, sur 97 points), se trouve une section consacrée au « camouflage humanitaire : déformer les lois de la guerre pour dissimuler l'intention génocidaire ». Cette section est subdivisée en cinq thèmes centraux :

1-Les boucliers humains et la logique du génocide.
2-Transformer l'ensemble de la bande de Gaza en « objectif militaire ».
3-Les tueries aveugles qualifiées de « dommages collatéraux ».
4-Les évacuations et les zones de sécurité.
5-La protection médicale.

Albanese démontre comment les trois principes centraux du droit international humanitaire – distinction, proportionnalité et précaution – ont été détournés par Israël dans le but de fournir un voile juridique à des actes illégaux et arbitraires. « Les attaques indiscriminées, qui ne distinguent pas les cibles militaires des personnes et des objets protégés, ne peuvent jamais être proportionnées et sont toujours illégales. Depuis le 7 octobre, les Palestiniens ont été « décivilisés » en utilisant des concepts du droit humanitaire international tels que les boucliers humains, les dommages collatéraux, les zones de sécurité, les évacuations et la protection médicale d'une manière si arbitraire et permissive qu'elle a vidé ces concepts de leur contenu normatif, subverti leur objectif de protection et érodé finalement la distinction entre les civils et les combattants dans les actions israéliennes à Gaza. (...) Les hauts responsables politiques et militaires d'Israël ont présenté systématiquement les civils comme des agents du Hamas, des « complices » ou des boucliers humains qui protègent le Hamas. Le droit international ne permet pas d'affirmer de manière générale qu'une force adverse utilise l'ensemble de la population comme boucliers humains en bloc. Cette accusation est donc un simple prétexte pour justifier le meurtre de civils sous le couvert d'une prétendue légalité, des meurtres perpétrés à une telle échelle que l'intention génocidaire ne peut faire de doute. »

Nettoyage ethnique des civils, déclarés « dommages collatéraux ».

Le droit international stipule que les attaques doivent être « strictement limitées » à des cibles qui « doivent offrir un avantage militaire certain ». Mais, note Albanese, « Israël a détourné cette règle pour ‘militariser' les objets civils et ce qui les entoure, justifiant ainsi leur destruction aveugle ». Ainsi, « la population civile de Gaza et les infrastructures sont considérées comme des obstacles situés au milieu, devant ou au-dessus des cibles [...et] Israël considère tout objet qui aurait été ou pourrait être utilisé militairement comme une cible légitime, de sorte que des quartiers entiers peuvent être rasés ou démolis sous une apparence de légalité ».

Israël cherche à dissimuler le ciblage à grande échelle des civils en les qualifiant de « dommages collatéraux ». « L'ordre d'évacuation massive du 13 octobre – lorsque 1,1 million de Palestiniens ont reçu l'ordre d'évacuer le nord de Gaza en 24 heures vers des ‘zones de sécurité' désignées par Israël dans le sud - [...], au lieu d'accroître la sécurité des civils, l'ampleur même des évacuations au milieu d'une campagne de bombardements intense et le système de zones de sécurité communiqué de manière désordonnée, ainsi que les coupures de communication prolongées, ont accru les niveaux de panique, les déplacements forcés et les tueries de masse. Lorsque les habitants du nord ont été évacués vers le sud, Israël a illégalement classé les habitants du nord de la bande de Gaza qui étaient restés (y compris les malades et les blessés) comme « boucliers humains » et « complices du terrorisme », transformant ainsi des centaines de milliers de civils en cibles militaires.

Et les zones de sécurité n'étaient pas sûres non plus : « L'effacement des protections civiles dans la zone évacuée a été combiné à un ciblage aveugle des personnes évacuées et des habitants des zones désignées comme sûres… Sur les quelque 500 bombes de 2 000 livres larguées par Israël au cours des six premières semaines d'hostilités, 42 % ont été déployées dans les zones désignées comme sûres dans les régions méridionales ». « En d'autres termes », résume Albanese, les « zones de sécurité » ont été « délibérément transformées en zones de massacres ».

Il s'agit d'un outil de nettoyage ethnique : « Le schéma des meurtres de civils qui ont été évacués vers le sud, associé aux déclarations de certains Israéliens de haut rang affirmant leur intention de déplacer de force les Palestiniens hors de Gaza et de les remplacer par des colons israéliens, permet de déduire raisonnablement que les ordres d'évacuation et les zones de sécurité ont été utilisés comme des outils génocidaires pour parvenir à un nettoyage ethnique.
»
« Les médias ont contesté les allégations d'Israël selon lesquelles le Hamas utilisait les hôpitaux comme boucliers, affirmant qu'il n'y avait aucune preuve que les pièces reliées à l'hôpital avaient été utilisées par le Hamas ; les bâtiments de l'hôpital (contrairement aux images 3D de l'armée israélienne) n'étaient pas reliés au réseau de tunnels. Que les accusations d'Israël concernant la protection de l'hôpital d'Al-Shifa soient vraies ou non – ce qui reste à prouver -, les civils dans les hôpitaux auraient dû être protégés et ne pas être soumis à un siège et à une attaque militaire ».

L'Organisation mondiale de la santé avait signalé à la mi-novembre qu'une « catastrophe de santé publique » se développait à Gaza, 26 des 35 hôpitaux n'étant plus opérationnels en raison des bombardements et du siège d'Israël. Deuxièmement, Israël savait que son opération militaire faisait un nombre important de blessés. Les traumatismes physiques constituent la principale cause de surmortalité à Gaza. Il était prévisible que la suspension forcée des services du plus grand hôpital de Gaza porterait gravement atteinte aux chances de survie des blessés, des malades chroniques et des nouveau-nés en couveuse. Par conséquent, en prenant pour cible l'hôpital Al-Shifa, Israël a sciemment condamné des milliers de malades et de personnes déplacées à des souffrances et à une mort qui auraient pu être évitées ».

Conclusions et recommandations du rapport

1- Constats : « La nature et l'ampleur écrasantes de l'assaut israélien sur Gaza et les
conditions de vie destructrices qu'il a infligées révèlent une intention de détruire physiquement les Palestiniens en tant que groupe. Israël a cherché à dissimuler sa conduite génocidaire des hostilités, en utilisant le droit humanitaire international pour couvrir ses crimes. En détournant les règles coutumières du droit international humanitaire, notamment la distinction, la proportionnalité et les précautions, Israël a de facto traité tout un groupe comme ‘terroriste' ou ‘soutenant le terrorisme', transformant ainsi tout et tout le monde en cible ou en dommage collatéral, donc éliminable ou destructible »
.
2- Historique : « Le génocide perpétré par Israël contre les Palestiniens de Gaza est une
escalade d'un processus d'effacement colonial d'un peuple autochtone qui remonte à loin. Depuis plus de sept décennies, Israël étouffe le peuple palestinien en tant que groupe – démographiquement, culturellement, économiquement et politiquement – en le déplaçant, en l'expropriant et en contrôlant ses terres et ses ressources. La Nakba en cours doit être arrêtée et réparée une fois pour toutes. C'est un impératif que l'on doit aux victimes de cette tragédie qui aurait pu être évitée, ainsi qu'aux générations futures de ce pays
».
3- Les deux derniers points (96-97) du rapport portent sur ce que la communauté
internationale peut et même doit faire, pour éviter ce génocide. « La rapporteuse exhorte les États membres à faire respecter l'interdiction du génocide conformément à leurs obligations auxquelles ils ne peuvent se soustraire. Israël et les États qui se sont rendus complices de ce que l'on peut raisonnablement considérer comme un génocide doivent rendre des comptes et indemniser le peuple palestinien à la hauteur de la destruction, de la mort et du préjudice infligés ».
Les moyens à disposition : les Artistes pour la Paix en ont appliqué les principaux en alertant la ministre des Affaires étrangères du Canada, Mélanie Joly :
Mettre en œuvre immédiatement un embargo sur les armes à destination d'Israël, ainsi que d'autres mesures économiques et politiques nécessaires pour garantir un cessez-le-feu immédiat et durable, y compris des sanctions.
Soutenir la plainte de l'Afrique du Sud auprès de la CIJ qui accuse Israël de génocide.
Garantir une « enquête approfondie, indépendante et transparente » sur les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, y compris des missions d'enquête internationales, en saisissant la Cour pénale internationale et en appliquant la compétence universelle.
Qu'Israël et les autres États complices du génocide s'engagent à ne pas récidiver et à payer l'intégralité du coût de la reconstruction de Gaza.
S'attaquer aux causes profondes par l'intermédiaire des Nations unies, notamment en reconstituant le Comité spécial des Nations Unies contre l'apartheid.
À court terme, déployer « une présence internationale protectrice pour limiter la violence régulièrement utilisée contre les Palestiniens dans le territoire palestinien occupé ».
Garantir l'UNRWA, l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens qui a fait l'objet d'une campagne de propagande israélienne visant à empêcher son financement.

Enfin, Albanese appelle le Haut-Commissariat aux droits de l'homme à « intensifier ses efforts pour mettre fin aux atrocités actuelles à Gaza, notamment en promouvant et en appliquant avec précision le droit international, en particulier la Convention sur le génocide, dans le contexte de l'ensemble du territoire palestinien occupé ».

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Nouveau rapport : L’assassinat de Palestiniens affamés et le ciblage de camions d’aide constituent une politique israélienne délibérée visant à renforcer la famine dans la bande de Gaza

16 avril 2024, par Euro-Med Human Rights Monitor — , , , ,
Territoire palestinien - Un nouveau rapport de l'Observatoire Euro-Med des droits de l'homme intitulé "Tuer les Palestiniens affamés et cibler les convois humanitaires : Une (…)

Territoire palestinien - Un nouveau rapport de l'Observatoire Euro-Med des droits de l'homme intitulé "Tuer les Palestiniens affamés et cibler les convois humanitaires : Une politique israélienne délibérée pour renforcer la famine dans la bande de Gaza" révèle que 563 Palestiniens ont été tués et 1 523 autres blessés parce qu'Israël a pris pour cible des personnes qui attendaient de l'aide, des centres de distribution et des travailleurs chargés d'organiser, de protéger et de distribuer l'aide.

Tiré de France Palestine Solidarité. Photo : La famine est imminente à Gaza © UNRWA.

Selon le rapport, entre le 11 janvier et le 23 mars 2024, 256 personnes ont été tuées dans la zone du rond-point du Koweït, dans le sud-est de la ville de Gaza, 230 personnes dans la rue Al-Rashid, dans le sud-ouest de la ville, et 21 personnes en raison du ciblage des centres de distribution d'aide. La documentation montre également que 41 officiers de police et membres du Comité de protection du peuple, chargés de superviser la distribution de l'aide, ont été tués, ainsi que 12 travailleurs de la distribution de l'aide, dont deux de l'UNRWA.

Le rapport conclut que les politiques d'Israël et les punitions collectives qu'il impose à la bande de Gaza visent directement et explicitement à affamer l'ensemble de la population palestinienne de la bande. La politique israélienne de privation délibérée de nourriture n'est pas seulement une tentative de nettoyage ethnique de l'enclave et une arme de guerre apparente - un crime de guerre en soi - mais elle vise à exposer les civils palestiniens au risque d'une mort réelle. Ces actions sont une composante essentielle du génocide qu'Israël commet contre la population de la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023.

L'utilisation de la famine comme arme a été une décision politique officielle dès le premier jour de la guerre, comme l'a déclaré le ministre israélien de la défense, et a été mise en œuvre par étapes intégrées, notamment en renforçant le siège et en fermant les points de passage frontaliers, en empêchant l'entrée des marchandises commerciales, en détruisant tous les éléments de la production locale et les sources de nourriture, en augmentant la dépendance de la population de la bande de Gaza à l'égard de l'aide humanitaire et en faisant de celle-ci sa principale source de nourriture.

Israël a été un obstacle majeur à l'entrée de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza, ciblant l'aide dans les installations de stockage et de distribution ainsi que dans les camions. Il a également pris pour cible les personnes qui attendent l'aide et celles qui sont chargées de la distribuer. Toutes ces actions ont été menées de manière régulière et sévère.

Elles ont empêché les Palestiniens de la bande de Gaza de recevoir de l'aide, ne serait-ce que dans la mesure nécessaire pour apaiser leur faim ou réduire le risque qu'ils en meurent.

En outre, le fait qu'Israël prenne pour cible le personnel chargé de superviser et de sécuriser la distribution de l'aide, ainsi que son refus de coopérer avec les organisations internationales, ont conduit à un état persistant de chaos et de conflit interne. Ces actions, associées aux tentatives d'Israël de dissoudre l'UNRWA, la principale organisation internationale responsable de l'introduction et de la distribution de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza, ont exacerbé la situation, aggravant encore la famine dans la bande.

Le rapport indique que si Israël a autorisé une partie de l'aide à entrer dans la bande de Gaza, il a imposé des restrictions sur la quantité d'aide, le type d'aide et les lieux d'entrée, et a pris pour cible les civils affamés qui attendent l'aide humanitaire et ceux qui travaillent à la distribuer, à la sécuriser et à la protéger.

Selon le rapport, Israël a également recours à la famine, aux restrictions de l'aide et à l'assassinat de personnes affamées dans le cadre de ses déplacements forcés de Palestiniens dans la bande de Gaza, en particulier dans le nord de la bande de Gaza. En conséquence, la famine s'est répandue dans le nord de la bande de Gaza, où presque toutes les réserves de nourriture ont été épuisées sur les marchés, ce qui a entraîné une augmentation du nombre de décès dus à la famine, à la malnutrition, à la déshydratation et aux maladies connexes, en particulier chez les enfants et les nourrissons.

Au milieu d'attaques, de raids et de bombardements aériens, terrestres et maritimes intenses - au cours desquels l'armée israélienne a utilisé des milliers de tonnes d'explosifs - l'armée israélienne a méthodiquement commencé à cibler tous les aspects de la vie dans la bande de Gaza et n'a pas cessé de le faire. Elle a notamment bombardé des moulins, des boulangeries, des épiceries, des magasins et des marchés, détruit des cultures et des terres agricoles, tué du bétail et pris pour cible des bateaux et du matériel de pêche, des réservoirs d'eau et leurs extensions. En d'autres termes, les 2,3 millions d'habitants de la bande de Gaza, dont la moitié sont des enfants, sont totalement privés d'accès aux ressources alimentaires et à l'eau potable, ce qui les prive de leur capacité, déjà limitée, à produire de la nourriture localement. Cette décision intervient dans un contexte de fermeture complète des points de passage, qui ont été fermés pendant des semaines avant d'être partiellement rouverts dans des conditions israéliennes difficiles le 21 octobre, à la suite d'une pression internationale.

Le rapport comprend sept parties : La première traite du nombre de victimes des convois d'aide humanitaire, tandis que la deuxième passe en revue les crimes les plus marquants impliquant le ciblage de civils affamés en attente d'aide humanitaire. La troisième examine le ciblage israélien des centres de distribution d'aide humanitaire, tandis que la quatrième fait la lumière sur les crimes liés au ciblage des convois d'aide humanitaire. Le cinquième traite du ciblage des travailleurs distribuant l'aide humanitaire, le sixième met en lumière le ciblage des personnes chargées de sécuriser et de protéger l'aide humanitaire, et le septième traite des tentatives d'Israël de se soustraire à sa responsabilité dans les massacres. Le rapport présente également une série de conclusions et de recommandations.

Le rapport d'Euro-Med Monitor conclut en soulignant l'importance de faciliter l'entrée de l'aide humanitaire nécessaire dans la bande de Gaza sans délai afin d'empêcher la famine de s'y propager. Il souligne qu'Israël, en tant que puissance occupante, a la responsabilité première de fournir de la nourriture, des fournitures médicales et d'autres produits de première nécessité aux habitants de la bande de Gaza, conformément au droit international.

Le rapport exhorte également la communauté internationale à remplir ses obligations juridiques et morales envers les habitants de la bande de Gaza, en veillant à ce que le droit international et les arrêts de la Cour internationale de justice soient respectés et appliqués, et à mettre un terme au génocide que la Cour a déclaré probable à Gaza en janvier et qui dure depuis près de six mois. Il appelle à une pression internationale immédiate sur Israël pour qu'il arrête sa campagne de famine contre la population de la bande de Gaza, à la levée complète du siège de la bande de Gaza et à la mise en place de mécanismes appropriés pour garantir l'arrivée sûre, efficace et rapide de l'aide humanitaire.

Le rapport demande également l'ouverture d'une enquête indépendante sur l'assassinat de personnes affamées, en particulier sur les massacres horribles dont Israël a tenté de se soustraire à la responsabilité.

Traduction : AFPS

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Les colons israéliens se déchaînent dans les villages de Cisjordanie, tuent deux personnes et en blessent des dizaines d’autres

Les colons israéliens se sont déchaînés pendant deux jours dans la région située au nord-est de Ramallah, lorsqu'un adolescent a été porté disparu vendredi. Ils ont brûlé des (…)

Les colons israéliens se sont déchaînés pendant deux jours dans la région située au nord-est de Ramallah, lorsqu'un adolescent a été porté disparu vendredi. Ils ont brûlé des dizaines de maisons et tué deux Palestiniens, tout en bloquant une dizaine de villages.

Tiré de France Palestine Solidarité. Photo : L'armée israélienne scelle l'entrée du village d'Al-Mughayir, nord-est de Ramallah, empêchant les Palestiniens d'entrer ou sortir, 14 avril 2024 © Quds News Network. Article publié à l'origine dans Mondoweiss.

Les colons israéliens ont tué deux Palestiniens depuis vendredi, lors d'une série d'attaques contre des villages palestiniens dans la région à l'est de Ramallah. Les deux martyrs ont été identifiés comme étant Jihad Abu Alia, 25 ans, du village d'al-Mughayyir, et Omar Hamed, 17 ans, du village de Beitin.

Ces attaques font suite à la disparition d'un jeune colon israélien de 14 ans, vendredi midi, près d'al-Mughayyir, au nord-est de Ramallah.

Les forces israéliennes ont lancé une campagne de recherche dans la région qui s'est poursuivie toute la nuit, bloquant les entrées des villages et tirant des fusées éclairantes tout en faisant voler des drones et des hélicoptères. L'adolescent disparu a été retrouvé mort samedi dans une zone vallonnée entre les villages de Douma et d'al-Mughayyir.

Les attaques des colons, qui ont commencé peu après l'annonce de la disparition de l'adolescent, ont principalement visé al-Mughayyir et se sont ensuite étendues aux villages de Beitin, Sinjel et Douma, le long de la ligne orientale du centre de la Cisjordanie, entre le nord-est de Ramallah et le sud-est de Naplouse.

"Les colons ont commencé à attaquer le village par centaines vers 11 heures du matin, complètement sortis de nulle part ", a déclaré à Mondoweiss Muslim Dawabsheh, résident et responsable des médias à la municipalité de Douma.

"J'ai estimé, à première vue, qu'au moins 600 colons étaient entrés par l'entrée du village, beaucoup portant des armes à feu, et ils ont commencé à tirer, tandis que certains attaquaient les maisons et tentaient d'y mettre le feu ", a décrit Dawabsheh.

"Un homme s'est précipité hors de sa maison pour tenter d'arrêter les colons, mais ceux-ci l'ont poignardé à l'épaule à plusieurs reprises, tandis que d'autres colons ont empêché les camions de pompiers d'entrer dans le village pendant trois heures", a expliqué M. Dawabsheh.

"Un autre groupe de résidents s'est précipité vers une maison où des femmes et des enfants étaient pris au piège et où des colons se trouvaient dans la cour pour briser les fenêtres, mais les colons ont ouvert le feu sur eux et les ont empêchés de s'approcher", a-t-il poursuivi.

"L'attaque a duré huit heures et les colons se sont retirés vers 19 heures. Pendant tout ce temps, l'armée d'occupation était postée sur la route principale et ne faisait que regarder", a-t-il noté.

"J'ai personnellement dénombré 21 maisons et au moins 30 voitures brûlées. Quatre personnes ont été blessées par balle et six par arme blanche, toutes des blessures moyennes", a-t-il ajouté.

En 2015, des colons israéliens ont envahi le village de Douma au cours d'une nuit d'incendie criminel, incendiant deux maisons et tuant Ali Dawabsheh, un enfant de 18 mois. Les parents d'Ali, Riham et Saad Dawabsheh, sont morts de leurs brûlures quelques semaines plus tard, laissant leur fils Ahmad, âgé de 5 ans, seul survivant de la famille.

À Mughayyir, les colons ont attaqué la ville à deux reprises, tuant un habitant du village. Bashir Abu Mousa, habitant de Mughayyir et témoin oculaire, a déclaré à Mondoweiss que "des colons sont arrivés vendredi midi par dizaines de la colonie de Shilo, en haut de la colline. Ils ont d'abord attaqué les fermiers dans la plaine à l'extérieur du village".

"Ils ont ensuite commencé à voler le bétail d'une baraque et lorsque la propriétaire, une femme, a tenté de défendre ses moutons, un colon lui a tiré une balle dans la jambe. Ils se sont ensuite dirigés vers le village", a déclaré M. Abu Mousa.

"Pendant six heures, les colons ont attaqué les gens dans leurs maisons. Un jeune homme, Jihad Abu Alia, qui tentait de défendre sa maison en jetant des pierres depuis son toit, a été tué par un colon", a-t-il ajouté.

"Samedi, les colons sont revenus et ont fait la même chose pendant trois heures, et ils ont même arrêté un camion de pompiers qui tentait d'atteindre des maisons en feu et les ont également incendiées", a-t-il détaillé. "Au total, les colons ont tué un jeune homme à Douma et blessé une cinquantaine de personnes, la plupart aux membres inférieurs, et ont brûlé huit maisons et cinq baraques à bestiaux", a-t-il ajouté.

Pendant ce temps, les colons israéliens ont bloqué plusieurs routes dans l'est de la région de Ramallah, isolant une dizaine de villages de la ville de Ramallah. Des colons auraient attaqué des voitures palestiniennes à coups de pierres, obligeant les transports publics à s'arrêter pendant la majeure partie de la journée de samedi.

Les attaques des colons israéliens contre les zones rurales palestiniennes se sont multipliées depuis le 7 octobre. Selon la campagne palestinienne Stop The Wall, quelque 25 communautés rurales palestiniennes ont été complètement dépeuplées par les colons israéliens.

Avec l'assassinat de Jihad Abu Alia et d'Omar Hamed, le nombre de Palestiniens tués par les forces israéliennes ou les colons en Cisjordanie occupée depuis le 7 octobre s'élève à 465.

Traduction : AFPS

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Etats-Unis. Elon Musk et Jeff Bezos veulent vider de sa substance la loi sur les relations de travail datant de 1935

16 avril 2024, par John Nichols — , ,
Elon Musk déteste les syndicats, avec une ardeur intense qui l'a rendu délirant. Fin novembre, lors d'un sommet du New York Times DealBook, où les aspirants-riches se (…)

Elon Musk déteste les syndicats, avec une ardeur intense qui l'a rendu délirant. Fin novembre, lors d'un sommet du New York Times DealBook, où les aspirants-riches se réunissent pour recevoir les conseils des vrais riches, le PDG de Tesla a expliqué : « Je ne suis pas d'accord avec le principe des syndicats… Je n'aime tout simplement pas ce qui crée une sorte de situation de système féodal de seigneurs et de paysans [impliquant des obligations mutuelles]. » Dans la même échange, Musk – un méga-milliardaire qui, en 2018, a menacé de supprimer les options d'achat d'actions des travailleurs de Tesla s'ils s'organisaient pour exercer leurs droits de négociation collective – a déclaré : « Je pense que les syndicats essaient naturellement de créer de la négativité au sein d'une entreprise. »

11 avril 2024 | tiré du site alencontre.org
https://alencontre.org/ameriques/americnord/usa/etats-unis-elon-musk-et-jeff-bezos-veulent-vider-de-sa-substance-la-loi-sur-les-relations-de-travail-datant-de-1935.html

Lorsque le deuxième homme le plus riche du monde se plaint que le fait de donner aux salariés la possibilité de s'exprimer sur leur lieu de travail engendre de la négativité et « une sorte de relations de type féodal », nous sommes vraiment de l'autre côté du miroir. (Voir le nouveau reportage de Bryce Covert sur le racisme, le sexisme et d'autres abus sur le lieu de travail qui sévissent dans les usines de Tesla, dans The Nation du 9 avril 2024).

Mais Musk est loin d'être le premier industriel milliardaire à péter les plombs à l'idée de devoir traiter les travailleurs et travailleuses avec le respect qu'exige la loi. Malheureusement, ce milliardaire ne se contente pas de fulminer. Il est désormais devant la justice pour contester la législation du New Deal qui a créé le National Labor Relations Board-NLRB (Conseil national des relations de travail), avec une action en justice opportunément engagée avant que le NLRB n'adresse à sa société SpaceX, fin mars, une plainte pour pratiques déloyales de travail. Si Musk parvient à ses fins, ce projet visant à vider de sa substance le National Labor Relations Act de 1935 pourrait déstabiliser un large éventail d'agences fédérales chargées de l'application des lois régissant un ensemble allant de la sécurité sur le lieu de travail aux conditions environnementales.

« C'est une menace sérieuse, très sérieuse », a déclaré Sara Nelson, présidente internationale de l'Association of Flight Attendants-CWA [syndicat représentant les agents de bord, membres des Communications Workers of America, affiliés à l'AFL-CIO] à The Nation. Ce qui la rend si sérieuse, c'est la stratégie juridique de Musk, qui s'appuie sur la même logique de pensée que celle qui anime les mémos de la Federalist Society [organisation de droite conservatrice qui préconise une interprétation rigoriste et originaliste de la Constitution] et les plans de campagne de Donald Trump et de Steve Bannon pour la « déconstruction de l'Etat administratif ». La stratégie de Musk a bénéficié du soutien juridique d'autres entreprises milliardaires briseuses de syndicats, dont Amazon de Jeff Bezos, Starbucks et Trader Joe's [chaîne de supermarchés].

Dans plusieurs affaires judiciaires, les avocats d'Elon Musk ont fait valoir que le NLRB – l'agence fédérale indépendante qui (pour citer l'agence elle-même) « protège les droits de la plupart des employés du secteur privé à s'associer, avec ou sans syndicat, pour améliorer leurs salaires et leurs conditions de travail » – n'a pas le pouvoir de contrôler ses manœuvres antisyndicales. La plus sérieuse de ces contestations, une plainte déposée au Texas au début de l'année par les avocats de SpaceX, affirme que les procédures d'application du NLRB violent le droit constitutionnel de l'entreprise à un procès avec jury [procédure judiciaire dans laquelle le jury prend une décision ou établit des conclusions de fait]. L'action en justice affirme également que les restrictions relatives à la révocation des membres du conseil d'administration et des juges administratifs du NLRB – qui les préservent de toute interférence politique en cas de changement d'administration – violent la disposition de la Constitution relative à la séparation des pouvoirs.

La constitutionnalité du National Labor Relations Act a déjà été contestée par le passé et les tribunaux ont généralement ignoré les arguments spécieux des employeurs antisyndicaux. Comme le rappelle l'ancien secrétaire au travail Robert Reich, dans la plus célèbre de ces décisions – l'arrêt rendu en 1937 par la Cour suprême des Etats-Unis dans l'affaire NLRB vs Jones & Laughlin Steel Corp. – le président de la Cour suprême, Charles Evans Hughes, candidat républicain à l'élection présidentielle contre Woodrow Wilson, a estimé que le Congrès avait le pouvoir constitutionnel d'approuver la loi et d'établir le NRLB pour en faire respecter les dispositions. Aujourd'hui, ajoute Robert Reich, « les barons du négoce des temps modernes, Jeff Bezos et Elon Musk, veulent que la Cour suprême revienne sur sa décision de 1937 et ramène l'Amérique à une époque où les travailleurs n'avaient pas encore le droit de se syndiquer ».

Musk et Bezos pourraient être considérés comme des morts en sursis qui reprennent des batailles perdues depuis longtemps contre Franklin D. Roosevelt (FDR) et le New Deal, si ce n'est que Charles Evans Hughes a été remplacé par un juge comme Samuel Alito, un zélateur antisyndical qui ne cache pas sa détermination à renverser les protections des travailleurs et de leurs syndicats. La Cour suprême moderne a déjà sapé les syndicats qui représentent les travailleurs du secteur public, notamment avec l'arrêt Janus vs American Federation of State, County, and Municipal Employees de 2018 [jurisprudence du droit du travail concernant le droit des syndicats à percevoir des cotisations auprès de non-membres afin de pouvoir conduire matériellement des négociations collectives]. Quelqu'un doute-t-il sérieusement que la majorité de la Cour suprême actuelle souhaite rendre plus difficile pour les travailleurs du secteur privé de s'organiser, de négocier et de s'engager politiquement ? Sara Nelson n'a pas de doute à ce sujet. Elle indique que Samuel Alito [nommé par George W. Bush en 2006] « construit le dossier pour cela depuis des années ». Depuis 2012, lorsqu'il a rédigé l'opinion majoritaire dans l'affaire Knox vs Service Employees International Union, Samue Alito a établi un modèle de plaidoyer qui suggère que lui – et probablement ses collègues conservateurs – sont à la recherche d'affaires susceptibles d'affaiblir un mouvement syndical qui se réaffirme.

Musk et Bezos sont animé d'une animosité anti-syndicale et disposent des ressources des milliardaires pour mener cette bataille juridique pendant des années, et potentiellement pour l'amener devant la Cour suprême. Ils pourraient se heurter à un tribunal de première instance ou à une division parmi les conservateurs de la Cour suprême. Mais le démocrate Mark Pocan, coprésident du Congressional Labor Caucus et l'un des rares membres de syndicats cotisants à la Chambre des représentants, déclare : « Il s'agit d'une menace énorme, car Musk et Bezos […] tentent de passer par les tribunaux plutôt que par le processus législatif. S'ils y parviennent, ils pourraient causer des dommages incroyables aux droits des travailleurs. »

Si la Cour suprême devait invalider la loi nationale sur les relations de travail, affirme Mark Pocan, un Congrès motivé pourrait promulguer de nouvelles protections pour les travailleurs et travailleuses et pour les syndicats, et le Sénat pourrait combler les sièges devenus vacants des juges par des juges favorables aux travailleurs. Mais pour cela, il faudrait que les démocrates favorables aux travailleurs contrôlent la Chambre des représentants, le Sénat et la présidence. « C'est une raison supplémentaire pour laquelle les élections de 2024 sont importantes », explique Mark Pocan. « Si nous n'avons pas de membres du Congrès prêts à rédiger des règles qui protègent les travailleurs et des membres du Sénat prêts à confirmer les juges qui respectent les droits des travailleurs, ces milliardaires pourraient arriver à leurs fins. » (Article publié dans The Nation le 9 avril 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)

John Nichols est correspondant pour The Nation. Son dernier ouvrage, coécrit avec le sénateur Bernie Sanders, est le best-seller du New York Times intitulé It's OK to Be Angry About Capitalism (C'est normal d'être en colère contre le capitalisme).

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Etats-Unis-Palestine. Le plus grand organisme médical des Etats-Unis restera-t-il silencieux après la destruction d’Al-Shifa ?

Le 25 mars, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté une résolution pour un cessez-le-feu immédiat à Gaza pour le mois de Ramadan. Maintenant que le président Joe (…)

Le 25 mars, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté une résolution pour un cessez-le-feu immédiat à Gaza pour le mois de Ramadan. Maintenant que le président Joe Biden aurait dit au Premier ministre Benyamin Netanyahou qu'il souhaitait un « cessez-le-feu immédiat », l'Association médicale américaine (AMA-American Medical Association) va-t-elle enfin soutenir un appel à un cessez-le-feu permanent et à la fourniture immédiate d'une aide humanitaire et médicale aux milliers de blessés, y compris aux travailleurs de la santé à Gaza ?

9 avril 2024 | tiré du site alencontre.org | Photo : L'hôpital Al-Shifa, 2 avril 2024.
https://alencontre.org/ameriques/americnord/usa/etats-unis-palestine-le-plus-grand-organisme-medical-des-etats-unis-restera-t-il-silencieux-apres-la-destruction-dal-shifa.html

L'AMA est l'organisme médical le plus important et le plus puissant des Etats-Unis. Elle est « engagée dans des domaines précis d'activité internationale », sous la direction du Bureau des relations internationales. Par exemple, l'AMA travaille avec d'autres pays pour comprendre comment ils structurent leurs systèmes de soins de santé et s'attaquent à des problèmes tels que la pénurie de médecins et les disparités en matière de santé. Cependant, depuis le 7 octobre, l'AMA est restée silencieuse face aux demandes des médecins qui réclament un cessez-le-feu permanent et une condamnation des attaques contre les structures de santé et de l'assassinat de centaines de travailleurs de la santé à Gaza.

Dans une déclaration de novembre prônant la neutralité médicale, l'AMA a ignoré un certain nombre de ses politiques existantes qui lui permettent de défendre les travailleurs et travailleuses de la santé. L'une de ces positions politiques condamne par exemple « le ciblage militaire des établissements et du personnel de santé et l'utilisation du non-respect des services médicaux comme arme de guerre, par quelque partie que ce soit, où et quand cela se produit ».

Selon la mise à jour de la situation d'urgence de l'Organisation mondiale de la santé du 2 avril, Israël a mené 435 attaques contre des structures sanitaires à Gaza, ciblant les hôpitaux et les travailleurs et travailleuses de la santé (médecins, infirmières et personnel paramédical) et laissant 28% des hôpitaux partiellement fonctionnels et seulement 30% des centres de soins primaires fonctionnels. En outre, 722 travailleurs de la santé ont été tués, 902 blessés lors d'attaques et 118 travailleurs de la santé ont été détenus ou arrêtés.

Israël continue de bloquer l'aide des Nations unies à Gaza et d'empêcher l'acheminement de fournitures essentielles, notamment de nourriture et de matériel médical. En l'absence d'installations de soins de santé pleinement opérationnelles, on estime à 8000 le nombre de patients qui doivent être évacués de Gaza pour des raisons médicales, dont 6000 patients souffrant de traumatismes. La classification intégrée des phases de la sécurité alimentaire (Integrated Food Security Phase Classification), une norme scientifique internationalement reconnue et une initiative multipartenaires qui détermine la gravité et l'ampleur de l'insécurité alimentaire aiguë et chronique et de la malnutrition dans un pays, a récemment mis en garde contre l'imminence d'une famine à Gaza, avec des conséquences immédiates et à long terme sur la santé [voir sur ce site l'article publié le 26 mars 2024]. L'Organisation mondiale de la santé a déjà signalé que 28 enfants étaient morts de malnutrition. Alex De Waal, directeur exécutif de la World Peace Foundation, a déclaré : « Nous sommes sur le point d'assister à Gaza à la famine la plus intense depuis la Seconde Guerre mondiale. »

***

Après deux semaines d'opérations intensives sur Al-Shifa, le plus grand hôpital du nord de Gaza, Israël a laissé lundi l'établissement dans un état de ruine effroyable, avec des centaines de corps, y compris ceux du personnel médical, éparpillés dans l'hôpital. « Il n'est plus en mesure de fonctionner comme un hôpital, sous quelque forme que ce soit… Détruire Al Shifa, c'est arracher le cœur du système de santé », a déclaré Margaret Harris, la représentante de l'OMS.

« Si l'on veut supprimer le système de santé, on en supprime le cœur battant [l'hôpital Al Shifa] », a déclaré Tanya Haj-Hassan, pédiatre spécialisée dans les soins intensifs à Gaza. Le 1er avril, des frappes aériennes israéliennes ont tué sept travailleurs humanitaires de la World Central Kitchen, lors d'une attaque ciblée, en plein milieu de la famine provoquée par l'homme (voir sur ce site l'article d'Amira Hass).

Israël s'en prend au cœur battant de Gaza.

L'AMA a toujours soutenu la neutralité médicale ; cependant, en avril 2022, la déclaration de l'AMA était très différente en réponse aux attaques russes sur les travailleurs et travailleuses de la santé en Ukraine : « L'AMA est indignée par l'assaut brutal de l'armée russe en Ukraine, et nous nous joignons à l'Association médicale mondiale et à nos autres partenaires internationaux pour demander un cessez-le-feu immédiat et la fin de toutes les attaques contre les travailleurs et les installations de santé. » En outre, l'AMA a publié un document d'orientation politique sur l'aide humanitaire et médicale à l'Ukraine afin d'améliorer les résultats pour les personnes touchées par la guerre.

La fondation de l'AMA a fourni une aide de 100 000 dollars à l'Ukraine en 2022, « pour fournir des fournitures médicales indispensables, telles que des médicaments, des kits d'hygiène et des EPI de base, ainsi que du personnel de santé dans certaines des régions les plus durement touchées ».

Pourquoi l'AMA ne s'indigne-t-elle pas de la même manière des attaques menées depuis des décennies par Israël contre le système de santé de Gaza ou des restrictions systématiques imposées par Israël à l'entrée et à la distribution de l'aide humanitaire, de l'eau potable et de l'électricité ? L'AMA accorde-t-elle plus d'importance aux vies ukrainiennes qu'aux vies palestiniennes ? Pourquoi l'AMA utilise-t-elle une approche à deux vitesses pour « ne pas faire de tort » (Do No Harm) [1] ? L'hypocrisie de l'AMA dans son application de la « neutralité médicale » est honteuse et ne représente pas la communauté médicale qu'elle prétend représenter.

Healthcare Workers for Palestine, un groupe de professionnels de la santé solidaires du peuple palestinien et dénonçant la violence israélienne, manifeste depuis octobre dans tout le pays et à Chicago devant le bâtiment de l'AMA pour exiger que l'AMA se joigne à d'autres organisations sanitaires et humanitaires, dont Médecins sans frontières et l'Organisation mondiale de la santé, pour réclamer un cessez-le-feu permanent à Gaza et fournir une aide humanitaire immédiate. Ils ont appelé et transmis des données aux personnels de la santé pour qu'ils demandent un cessez-le-feu à l'AMA ; ils ont organisé des séances d'information sur le thème « Do No Harm : l'apartheid médical en Palestine » ; et ils ont rédigé des déclarations de solidarité. L'AMA a répondu par le silence, et le silence est synonyme de complicité.

Bien que la neutralité médicale soit cruciale pour les professions de santé, nous avons un impératif moral, en tant que professionnels de santé, de nous engager dans l'activisme politique face à une longue histoire de violation des droits de l'homme, de récits déshumanisants, de génocide et de crimes de guerre commis par Israël. Un récent article d'opinion publié dans le British Medical Journal (BMJ, 2 avril 2024) par des membres de Health Justice Initiative et du People's Health Movement a exhorté la communauté mondiale de la santé à demander un cessez-le-feu immédiat et une aide humanitaire sans restriction à Gaza. « Si nous restons silencieux, les inégalités que nous sommes censés combattre dans notre travail seront exacerbées – et cela ne fera que rendre la communauté mondiale de la santé complice de la souffrance de la population de Gaza », affirment Fatima Hassan et ses collègues.

J'exhorte l'AMA et les autres professions de santé, telles que l'American Nurses Association et l'American Psychological Association, à rompre leur silence complice et à appliquer leurs principes moraux et éthiques pour défendre l'humanité et lutter pour la sécurité, la dignité et les droits du peuple palestinien. J'invite tous les professionnels de la santé à faire de même. (Article publié sur le site Truthout le 9 avril 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)

Sarah Abboud est professeure adjointe à la University of Illinois Chicago College of Nursing.


[1] La formule « Do no harm » – ne pas faire de tort, ne pas nuire – renvoie de la part de l'aide humanitaire à un essai de monitorage de leurs activités ayant pour but d'éviter d'aggraver le climat d'instabilité et de violence. (Réd.)

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Un « wake-up call » ou un appel à la répression ?

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L’autoroute A20 et son pont

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Penser politiquement les mutations du capitalisme à l’ère de l’intelligence artificielle

14 avril 2024, par Rédaction

La plupart des écrits qui abordent la question de l’intelligence artificielle à l’heure actuelle, qu’ils soient critiques ou apologétiques, ont la fâcheuse tendance à réifier le caractère inédit d’une nouvelle forme de capitalisme, tantôt qualifié d’informationnel, de numérique, de surveillance ou d’algorithmique, qui serait induite par l’exploitation massive des données numériques. En n’expliquant pas comment ces transformations s’inscrivent dans la continuité avec les dynamiques structurelles plus larges du capitalisme de l’après-guerre, que j’ai qualifiées ailleurs de « révolution culturelle du capital[1] », ces analyses participent bien souvent à leur insu à la dépolitisation de la technique et de l’économie, ce qui empêche de penser les conditions de la possibilité d’un dépassement de la logique de domination dépersonnalisée inscrite dans la configuration même de l’intelligence artificielle. Dans cet article, je soutiens que si la critique de l’économie politique s’avère essentielle pour comprendre les développements de l’intelligence artificielle, il est nécessaire de dépasser son cadre d’analyse strictement économiciste afin de saisir les transformations qualitatives opérées dans le mode de reproduction des sociétés capitalistes avancées qui sont générées par la logique cybernétique de régulation sociale au fondement de l’intelligence artificielle.

L’intelligence artificielle, une forme de technologie spécifiquement capitaliste

Afin de réfléchir politiquement à l’intelligence artificielle, il convient d’emblée d’adopter une posture critique à l’endroit de la technique en elle-même. L’idéologie libérale dominante postule que la technique est neutre, c’est-à-dire qu’elle ne serait pas modelée par les rapports sociaux et qu’elle participerait au progrès des sociétés de manière évolutive et linéaire suivant l’adage selon lequel « comme on ne peut pas arrêter le progrès, il faut s’y adapter, en faisant un usage éthique et responsable d’une intelligence artificielle inclusive et respectueuse de la diversité ». Ce prêt-à-penser qui agit comme un discours de légitimation des transformations contemporaines du capitalisme fait l’impasse sur la nature de la technique. Celle-ci n’est pas neutre, elle exprime plutôt des rapports sociohistoriques de domination, bref, c’est de l’idéologie matérialisée.

Suivant cette posture critique, il convient donc d’historiciser l’émergence de l’intelligence artificielle dans la continuité des premiers travaux du domaine de la cybernétique qui apparaissent dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale. Derrière l’apparente neutralité de cette nouvelle science du contrôle et de la communication, on retrouve le financement du complexe militaro-industriel américain qui cherchait à développer une conception technocratique et dépolitisée de régulation sociale face à la montée de l’attrait pour le socialisme dans les pays périphériques[2]. En plus de la révolution cybernétique, les développements contemporains de ce que certains nomment le capitalisme de surveillance ou de plateforme tirent également leur origine de la révolution managériale[3] qui est concomitante à l’avènement de la corporation, ou société anonyme par actions, comprise comme la forme institutionnelle prédominante du capitalisme avancé[4]. Cette mutation institutionnelle est fondamentale puisque la médiation des rapports sociaux au moyen du marché est remplacée par le contrôle communicationnel exercé par la corporation sur son environnement interne (les employé·es) et externe (les consommateurs·trices, les États, les autres firmes). En effet, le management se base sur le postulat cybernétique selon lequel l’organisation est un système de circulation et de contrôle de l’information qui permet sa reproduction élargie[5]. Les critiques du capitalisme de surveillance comme Zuboff[6] oublient généralement de situer historiquement cette « nouvelle » forme de capitalisme. En effet, l’émergence de la corporation au début du XXe siècle va modifier substantiellement la régulation de la pratique sociale en ce qu’il s’agira désormais de modifier les attitudes des individus afin d’arrimer la dynamique de surproduction du système industriel à celle de la surconsommation[7]. C’est en effet à cette époque que le marketing développera les techniques de surveillance des individus et de captation de l’attention qui sont à l’origine des outils de profilage des comportements des consommateurs utilisés par les géants du numérique (GAFAM). À côté de la publicité et du secteur financier, les premiers développements dans le domaine de l’intelligence artificielle tout comme l’ancêtre de l’Internet, ARPANET, s’expliquent par la nécessité d’absorber le surplus de valeur généré par la suraccumulation capitalistique des grandes corporations au moyen des dépenses publiques dans le domaine militaire afin de maintenir la croissance économique[8]. Le complexe militaro-industriel devrait en ce sens être rebaptisé « national-security, techno-financial, entertainment-surveillance complex[9] » (sécurité nationale, techno-financière, divertissement-surveillance) puisqu’il exprime la spécificité de l’impérialisme américain de l’après-guerre qui, en prenant appui sur la cybernétique, ne vise pas uniquement à exporter ses capitaux, mais également à étendre le modèle de la société machinique américaine à l’ensemble de la planète.

Intelligence artificielle et transformations institutionnelles du capitalisme avancé

Il faut donc éviter de tomber dans le piège dans lequel sont tombés plusieurs commentateurs depuis les mirages de la nouvelle économie à la fin des années 1990 selon lequel l’économie numérique serait propulsée par une nouvelle logique d’accumulation axée sur le savoir, les données numériques ou encore les algorithmes. En réalité, cette « nouvelle » logique d’accumulation remonte au début du XXe siècle avec l’avènement de la corporation. C’est l’économiste institutionnaliste Thorstein Veblen qui fut le premier à analyser les conséquences du passage d’un capitalisme libéral vers le capitalisme dit avancé[10]. Dans ce contexte, l’accumulation du capital ne s’effectue plus au moyen de la concurrence par les prix, mais plutôt au moyen de pratiques rentières de prédation de la valeur qui s’appuient sur l’exploitation d’actifs dits intangibles, c’est-à-dire par des droits de propriété intellectuelle, des brevets, des marques de commerce, des fusions et acquisitions, des alliances stratégiques avec d’autres entreprises, ou encore par des ententes formelles et informelles avec les gouvernements[11]. Au sein des sociétés capitalistes avancées, les principes de concurrence dans le cadre d’un marché autorégulé sont remplacés par la capacité de contrôle sur l’économie et l’ensemble de la société opérée par les grandes organisations corporatives. En clair, le marché est remplacé par la planification au sein des corporations dont le pouvoir repose sur leur capacité de capitaliser des flux de revenus futurs dans les marchés financiers.

Relativement marginaux au début du XXe siècle, les actifs intangibles représentent à l’heure actuelle 95 % de la valeur des cinq plus grandes corporations cotées en bourses, c’est-à-dire les GAFAM[12]. En ce sens, la spécificité du capitalisme contemporain ne repose pas tant sur l’émergence d’une nouvelle forme de « travail digital », immatériel ou cognitif, ou encore sur une nouvelle forme de marchandise prédictive produite par des algorithmes, mais plutôt sur la valorisation financière d’une nouvelle classe d’actifs intangibles que sont les données numériques. Le pouvoir de capitalisation des géants du numérique s’appuie sur l’appropriation de la valeur qui provient de l’économie productive, c’est-à-dire le travail abstrait en langage marxien, lequel est produit à l’extérieur des frontières légales de ces corporations. En termes marxiens, la valeur d’une marchandise correspond à la représentation du temps de reproduction de la force de travail[13]. Selon cette acception, il ne fait aucun sens de parler de valeur d’un produit de la connaissance, tel que l’information, les données numériques ou les algorithmes, puisque le temps de reproduction d’une connaissance tend vers zéro. Ainsi, la logique d’accumulation rentière du capitalisme numérique consiste à restreindre l’accès à la connaissance commune qui est produite socialement en vue d’en faire un actif intangible, ce qui signifie qu’elle consiste à s’approprier la valeur qui est produite à l’extérieur de l’entreprise[14].

La montée en puissance des plateformes numériques s’inscrit dans le contexte de la financiarisation de l’économie, où les normes de la valeur actionnariale ont imposé des rendements excessifs et court-termistes aux corporations; ces dernières ont été contraintes de sous-traiter une partie de leurs activités les plus risquées, notamment celles de recherche et développement. C’est dans ce contexte également qu’une série de politiques de dérèglementations complémentaires au sein des secteurs de la finance, des communications et de la recherche a permis de transformer la connaissance en actifs financiers pouvant être capitalisés dans la sphère financière. La loi Bay-Dohle aux États-Unis est considérée comme l’acte fondateur de cette « nouvelle économie du savoir » en ce qu’elle a permis de commercialiser sous forme de brevets la recherche financée publiquement, une pratique qui était interdite auparavant en vertu des principes de la science ouverte[15]. De manière concomitante, les politiques de dérèglementation des fonds de pension américains ont permis à ces derniers d’investir dans des firmes qui ne déclaraient aucun revenu, mais qui possédaient de nombreux actifs intangibles[16], ce qui a nourri la gigantesque bulle spéculative qui a éclaté lors du krach de la nouvelle économie en 2000. Dans le secteur des communications, les politiques de dérèglementation ont permis la convergence des médias avec les firmes technologiques, pavant la voie à la création de l’oligopole du numérique dominé par les GAFAM[17].

Si la propriété intellectuelle était au cœur de la première phase de déploiement de l’économie numérique (1990-2000), c’est plutôt la question des données numériques qui surgira comme nouvelle source de valorisation à la suite de la crise financière de 2008[18]. En effet, les grandes plateformes ont développé un modèle d’affaires consistant à transformer les données personnelles en un actif intangible qui est valorisé dans la sphère financière[19]. Cette dynamique économique rentière permet aux plateformes de s’approprier la valeur générée par l’économie productive, participant ainsi à la consolidation des monopoles de la connaissance transnationaux[20]. Comme la rente consiste essentiellement en une construction institutionnelle, la production d’un discours qui prend la forme d’une convention d’interprétation est nécessaire afin de fonder la confiance des investisseurs financiers. L’emballement médiatique entourant la révolution instaurée par l’intelligence artificielle générative rendue possible au moyen des algorithmes d’apprentissage automatique (machine learning) et d’apprentissage profond (deep learning)[21] doit être compris comme un discours produit par la communauté financière visant à nourrir l’espoir que les revenus futurs de ce secteur seront suffisamment élevés pour justifier l’investissement[22].

La puissance des GAFAM repose donc sur leur capacité à quantifier l’inquantifiable – les sentiments humains, l’amour, le jugement, la créativité, etc. – pour ainsi transformer l’ensemble de la vie sociale en flux de revenus futurs qu’ils sont en mesure de s’approprier. Les GAFAM usent de diverses stratégies extraéconomiques afin de transférer de la survaleur provenant d’autres secteurs de l’activité productive dans une dynamique rentière et à restreindre l’accès aux flux de revenus à d’autres capitalistes subordonnés. En effet, la production physique des biens n’est plus la principale source de profits pour ces entreprises; celles-ci ont recours à la sous-traitance vers des firmes subordonnées dont les travailleuses et les travailleurs sont surexploités. Elles misent plutôt sur le contrôle de l’accès à l’information et à la connaissance, que ce soit par les services infonuagiques, l’accès aux profils des utilisatrices et utilisateurs pour la vente de publicité ou encore l’accès à leurs logiciels de traitement automatisé des données numériques.

Les stratégies politiques de capitalisation des GAFAM sont nombreuses, allant de 1) l’accumulation sur les actifs immatériels (brevets, données transformées en actifs); 2) des stratégies politiques visant à influencer les lois en leur faveur (lobbying, évitement fiscal, etc.); 3) une logique de subordination des entreprises sous-traitantes; 4) et le contrôle d’un écosystème de la recherche et développement financé à même les fonds publics. En résumé, les géants du numérique ont mis en place une chaine globale d’appropriation de la valeur qui prend la forme d’un écosystème corporatif d’innovation qui leur permet de socialiser les risques et de privatiser les profits.

La dissolution de la société dans la régulation algorithmique du social

Comme je l’ai souligné précédemment, pour penser politiquement l’intelligence artificielle, il est nécessaire d’interroger l’idéologie qui est sous-jacente au développement des entreprises numériques afin de dépasser l’analyse strictement économique qui ne permet pas de saisir les transformations qualitatives qui se sont opérées dans le mode de régulation des sociétés capitalistes avancées dans leur ensemble. L’histoire des sciences et des technologies montre que derrière le développement des algorithmes autoapprenants qui permettent aux plateformes de collecter les données numériques, de les traiter et de les modéliser à des fins d’anticipation des comportements, on retrouve une conception de l’individu et de la société qui s’inspire des thèses de l’économiste néolibéral Friedrich Hayek. En effet, les algorithmes utilisés par les plateformes numériques s’appuient sur le modèle des réseaux de neurones développé par le psychologue Frank Rosenblat dans les années 1950 dont l’une des principales sources d’inspiration est la pensée d’Hayek[23]. L’apport fondamental d’Hayek à la pensée économique fut de redéfinir le marché à partir des postulats de la cybernétique. Il comparera le marché à un système de transmission de l’information semblable à un algorithme auquel les individus, eux-mêmes redéfinis comme des processeurs informationnels, doivent rétroagir[24]. Sur le plan politique, l’argumentaire d’Hayek visait explicitement à démontrer l’impossibilité théorique de la planification de type socialiste. Reconnaitre l’existence d’une entité nommée « société » qui transcenderait les individus conduirait selon lui à reconnaitre la possibilité du socialisme. Selon Hayek, toute tentative de saisir l’ensemble de la réalité sociale et économique en vue d’effectuer une quelconque forme de planification allait mener inévitablement au totalitarisme puisqu’il serait impossible de connaitre les savoirs tacites qui sont détenus par les acteurs individuels. On retrouve également l’influence hayékienne chez l’un des pionniers de l’intelligence artificielle dite symbolique, Herbert Simon, pour qui le principal objectif de l’intelligence artificielle est d’incorporer la rationalité idéalisée de l’entrepreneur capitaliste telle qu’on la retrouve dans les théories économiques néoclassiques[25]. En bon disciple du père du management, Frederick Winslow Taylor, pour qui il fallait fragmenter l’activité des travailleurs manuels afin de mieux les contrôler, Simon conceptualisera l’intelligence artificielle comme la décomposition du processus de prise de décision dans une organisation en vue de le rendre plus efficient dans le contexte où il est impossible d’avoir accès à l’ensemble des informations dans un environnement complexe. Dans sa théorisation de l’intelligence artificielle, Simon reprend donc la conception de la rationalité limitée des acteurs économiques qui avait été développée par Hayek dans le cadre de son débat sur le calcul socialiste où il voulait montrer la supériorité du marché face à la planification. Selon Simon, au contraire d’Hayek, une certaine forme de centralisation du pouvoir et de planification est nécessaire dans le cadre d’une économie dominée par les grandes organisations corporatives et il est possible d’effectuer celle-ci grâce à l’intelligence artificielle.

La nouvelle forme de contrôle social théorisée par les technocrates néolibéraux qui ont développé l’intelligence artificielle s’inscrit dans le passage du paradigme politique du gouvernement vers la conception technocratique de la gouvernance algorithmique. Le terme cybernétique provient du mot grec kubernêtes, qui signifie « pilote » ou « gouvernail »; il possède la même racine étymologique que celui de gouvernance. La gouvernance algorithmique correspond à une transformation sociétale fondamentale, que j’ai qualifiée de « révolution culturelle du capital », puisqu’elle repose sur le postulat néolibéral selon lequel « la société n’existe pas ». Si la société n’existe pas, les grandes organisations corporatives n’existeraient également pas, on ne pourrait donc pas les critiquer. Il n’existerait qu’un système composé d’un ensemble d’individus atomisés conçus comme des processeurs informationnels que l’on peut programmer. La gouvernance algorithmique décrit ainsi une nouvelle manière de gouverner propre aux sociétés capitalistes avancées qui consiste à mettre en place des mécanismes de pilotage et de décisions automatisés grâce à une mise en données du réel. La spécificité de la gouvernance algorithmique repose sur le postulat voulant qu’au moyen de l’accumulation, de l’analyse et du traitement d’une gigantesque quantité de données (les big data), il soit possible d’anticiper les évènements avant qu’ils surviennent. Grâce à l’accumulation et au traitement de ces données, il ne serait plus nécessaire de connaitre les causes des problèmes sociaux, comme le prétendait le paradigme politique du gouvernement; il s’agirait plutôt d’agir de manière préemptive sur le réel afin d’empêcher toute transformation structurelle de la société. La gouvernance algorithmique vient ainsi court-circuiter l’ensemble des médiations politiques qui avaient pour ambition d’instituer politiquement des finalités normatives communes en vue de l’émancipation collective. S’appuyant sur une logique d’hyperpersonnalisation, la gouvernance algorithmique a ainsi la prétention de produire une norme qui colle immédiatement à chacun des individus[26]. Il s’agit de la réalisation en acte du fantasme postmoderne d’un monde sans représentation commune de la réalité. C’est la possibilité de débattre de l’écart entre la norme et le fait, donc le fondement même du politique qui est anéanti dans le cadre d’une nouvelle dictature de l’état de fait qui vise à assurer le maintien du statu quo.

L’idéal d’autogestion qu’on retrouvait au cœur de l’idéologie californienne[27], laquelle a légitimé la montée en puissance des géants du numérique s’est ainsi mutée en egogestion, c’est-à-dire en gestion techno-bureaucratique d’individus particularisés qui, bien qu’émancipés des institutions sociales, se trouvent toujours plus dépendants de la capitalisation de leur existence[28]. En ce sens, en plus de constituer un lieu d’accumulation du capitalisme financiarisé, les plateformes numériques peuvent être considérées comme des dispositifs néolibéraux de subjectivation. Leur configuration réticulaire permet aux usagères et aux usagers de quantifier leurs activités et celles des autres, notamment en comparant leur popularité en fonction du nombre de contacts accumulés, participant ainsi à l’intégration de la rationalité cybernétique et néolibérale dans leur vie quotidienne. Les plateformes de type GAFAM ‒ en offrant des services personnalisés aux individus egogrégaires qui refusent d’adhérer à une quelconque forme de culture commune ‒ viennent court-circuiter le pouvoir des institutions politiques sous prétexte que la prise en charge des problèmes sociaux (en santé, environnement, culture, éducation, etc.) par les algorithmes est plus efficace que les services publics.

Penser un monde postcapitaliste et postnumérique

En résumé, la stratégie de prédation des plateformes numériques consiste en ce que David Harvey nomme une accumulation par dépossession[29]. En effet, les GAFAM investissent massivement à l’heure actuelle dans les domaines qui sont considérés comme relevant des services publics ou du bien commun, notamment, la culture, la santé et l’éducation[30]. L’introduction des technologies numériques et de l’intelligence artificielle dans ces secteurs vise à transformer l’ensemble de l’activité sociale en données qui deviendront des actifs sur lesquels les géants technologiques pourront ponctionner une rente. C’est pourquoi le combat pour la défense des services publics doit impérativement être lié à une opposition farouche face à la numérisation généralisée du monde.

Pour penser politiquement une sortie du capitalisme à l’ère numérique, il faut se défaire de la conception fallacieuse selon laquelle il suffirait de mettre en place des règles éthiques afin d’encadrer l’usage de l’intelligence artificielle afin que l’innovation technologique soit plus équitable, plus représentative de la diversité et plus inclusive. L’intelligence artificielle est une technologie spécifiquement capitaliste en ce qu’elle est le produit du « national-security, techno-financial, entertainment-surveillance complex ». L’intelligence artificielle correspond à l’aboutissement de la logique d’abstraction et de quantification de l’activité humaine qu’on retrouve au fondement de la domination dépersonnalisée du capitalisme. Comme la marchandise, la technique moderne agit comme un fétiche, c’est-à-dire qu’elle fait écran. L’intelligence artificielle masque les immenses flux d’énergie humaine et naturelle nécessaires à son fonctionnement, elle fait donc écran sur le fait que son « usage » est prédéterminé par des impératifs productivistes et destructeur de l’environnement[31]. Comme le signalait l’historien de l’économie Harold Innis, toute technologie possède un biais qui s’exprime en termes spatiotemporels permettant à la classe dominante de contrôler l’espace et le temps et ainsi de monopoliser la connaissance[32]. Selon Innis, au sein des technologies de communication à l’ère industrielle, on retrouve une conception abstraite et mécanique du temps qui conduit à une forme de présentisme qui a pour effet de nous rendre amnésiques face à la réalité du développement aveugle des sociétés capitalistes. Depuis trois siècles, cette dernière vise la mise en place de moyens toujours plus perfectionnés pour automatiser les procédures de production, de décision et de contrôle, et expulser la subjectivité humaine au profit de mécanismes pseudo-objectifs, et ce, afin d’assurer la « soumission durable » de l’humanité à la mégamachine capitaliste et à son monopole de la connaissance automatisée. En ce sens, il est illusoire de croire qu’une révolution pourrait être orchestrée à partir des plateformes numériques comme Facebook ou TikTok puisque leur configuration encourage des comportements tyranniques de la part d’individus narcissiques qui, équipés d’outils leur donnant un sentiment d’omnipotence abstraite, mais politiquement impotents, cherchent à prendre leur revanche sur ce qui subsiste encore de monde commun en exprimant leur colère et leur ressentiment en ligne. Cette pratique, bien qu’elle n’ait aucune incidence sur la logique du système, même qu’elle le nourrit, fait uniquement office de catharsis[33]. Bref, pour paraphraser Rosa Luxembourg, ou bien la société postcapitaliste sera postnumérique, ou bien on s’enfonce dans la barbarie technologique[34].

Par Maxime Ouellet, Professeur à l’École des médias de l’UQAM.


NOTES

  1. Maxime Ouellet, La révolution culturelle du capital. Le capitalisme cybernétique dans la société globale de l’information, Montréal, Écosociété, 2016.
  2. Steve Joshua Heims, The Cybernetics Group, Cambridge (MA), The MIT Press, 1991.
  3. James Burnham, The Managerial Revolution. What is Happening in the World, New York, John Day Co., 1941.
  4. John Bellamy Foster et Robert McChesney, « Surveillance capitalism : monopoly-finance capital, the military-industrial complex, and the digital age », Monthly Review, vol. 66, n° 3, 2014 ; Nick Srnicek, Capitalisme de plateforme. L’hégémonie de l’économie numérique, Montréal, Lux, 2018.
  5. Baptiste Rappin, Au fondement du management. Théologie de l’organisation. Volume 1, Nice, Les éditions Ovadia, 2014.
  6. Soshana Zuboff, The Age of Surveillance Capitalism. The Fight for a Human Future at the New Frontier of Power, New York, Public Affairs, 2019. En français: L’âge du capitalisme de surveillance, Paris, Zulma, 2020.
  7. Stuart Ewen, Conscience sous influence, Paris, Aubier Montaigne, 1983.
  8. Foster et McChesney, op. cit., 2014.
  9. Thimoty Erik Ström, « Capital and cybernetics », New Left Review, n° 135, mai-juin 2022, p. 23-41.
  10. Éric Pineault, « Quelle théorie critique des structures sociales du capitalisme avancé », Cahiers de recherche sociologique, n° 45, 2008, p. 113-132.
  11. Thorstein Veblen, The Theory of the Business Enterprise, New Brunswick, Transaction Books, 1904.
  12. Dick Bryan, Michael Rafferty et Ducan Wigan, « Intangible capital », dans Leonard Seabrooke et Duncan Wigan (dir.), Global Wealth Chains. Asset Strategies in the World Economy, Oxford University Press, 2022, p. 89-113.NDLR. GAFAM : acronyme désignant les géants du Web que sont Google, Apple, Facebook (Meta), Amazon et Microsoft.
  13. Sur cette question, voir Maxime Ouellet, « Le travail en mutation », Nouveaux Cahiers du socialisme, n° 7, 2012, p. 20-31.
  14. À ce sujet, voir Cecilia Rikap, Capitalism, Power and Innovation. Intellectual Monopoly Capitalism Uncovered, New York, Routledge, 2020.
  15. Philip Mirowski, Science-Mart. Privatising American Science, Cambridge (MA), Harvard University Press, 2011.
  16. Fabienne Orsi et Benjamin Coriat, « The new role and status of intellectual property rights in contemporary capitalism », Competition & Change, vol. 10, n° 2, 2006, p. 162-179.
  17. Nikos Smyrnaios, Les GAFAM contre l’internet. Une économie politique du numérique, Paris, Institut national de l’audiovisuel (INA), 2017.
  18. Sébastien Broca, « Communs et capitalisme numérique : histoire d’un antagonisme et de quelques affinités électives », Terminal, no 130, 2021.
  19. Kean Birch et D. T. Cochrane, « Big Tech : four emerging forms of digital rentiership », Science as Culture, vol. 31, n° 1, 2022, p. 44-58.
  20. Ugo Pagano, « The crisis of intellectual monopoly capitalism », Cambridge Journal of Economics, vol. 38, n° 6, 2014, p. 1409-1429.
  21. NDLR. Pour plus d’informations concernant ce vocabulaire, on pourra consulter l’article d’André Vincent dans ce numéro : « Intelligence artificielle 101 ».
  22. André Orléan, L’empire de la valeur. Refonder l’économie, Paris, Seuil, 2011.
  23. Pablo Jensen, Deep earnings. Le néolibéralisme au cœur des réseaux de neurones, Caen, C&F éditions, 2021.
  24. Philip Mirowski, Machine Dreams. Economics Becomes a Cyborg Science, Cambridge, Cambridge University Press, 2000.
  25. Bruce Berman, « Artificial intelligence and the ideology of capitalist reconstruction », AI & Society, n° 6, 1992, p. 103-114.
  26. Antoinette Rouvroy, « Mise en (n)ombres de la vie même : face à la gouvernementalité algorithmique, repenser le sujet comme puissance », Le Club de Mediapart, 27 août 2012.
  27. Richard Barbrook et Amdy Cameron « The californian ideology », Science as Culture, vol. 6, n° 1, 1996, p. 44-72.
  28. Jacques Guigou, La cité des ego, Paris, L’Harmattan, 2008.
  29. David Harvey, « Le nouvel impérialisme : accumulation par expropriation », Actuel Marx, vol. 35, n° 1, 2004, p. 71-90.
  30. José Van Dijck, Thomas Poell et Martijn de Waal, The Platform Society. Public Values in a Connected World, New York, Oxford University Press, 2018.
  31. Alf Hornborg, La magie planétaire. Technologies d’appropriation de la Rome antique à Wall Street, Paris, Éditions divergences, 2021.
  32. Harold Innis, The Bias of Communication, Toronto, University of Toronto Press, 2008.
  33. Éric Sadin, L’ère de l’individu tyran. La fin d’un monde commun, Paris, Grasset, 2020.
  34. À ce sujet, voir Jonathan Crary, Scorched Earth. Beyond the Digital Age to a Post-Capitalist World, New York, Verso, 2022.

 

Boeing commente le « suicide » d’un lanceur d’alertes

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/04/boeignfr-Copy-1.jpg14 avril 2024, par L'Étoile du Nord
L’article Boeing commente le « suicide » d’un lanceur d’alertes est apparu en premier sur L'Étoile du Nord.

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Les pays de l’UE devront restaurer les zones maritimes et terrestres détériorées

14 avril 2024, par Alexis Legault
L’actualité internationale, marquée par les conflits en sols ukrainien et palestinien, a remis en lumière le rôle crucial des organisations internationales dans l’aide aux (…)

L’actualité internationale, marquée par les conflits en sols ukrainien et palestinien, a remis en lumière le rôle crucial des organisations internationales dans l’aide aux personnes réfugiées, dans le soutien des populations vulnérables et dans la résolution des conflits. Les projecteurs étant (…)

L’ombre de McKinsey plane sur le « suicide » d’un lanceur d’alerte chez Boeing

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/04/GKaAx6TXkAAQNN4-topaz-Copy-1024x576.jpeg13 avril 2024, par L'Étoile du Nord
La mort tragique le mois dernier de John Barnett, un ex-employé de Boeing qui avait dénoncé l'entreprise pour ses pratiques de sécurité douteuse, reste enveloppée d'un voile de (…)

La mort tragique le mois dernier de John Barnett, un ex-employé de Boeing qui avait dénoncé l'entreprise pour ses pratiques de sécurité douteuse, reste enveloppée d'un voile de mystère. Même si la police et le géant de l'aviation qualifie son décès de « suicide », des amis et des membres de la (…)

L’affaire Ilaria Salis bouleverse l’Italie

Ilaria Salis, une professeure dans une école primaire à Monza, en Italie, se rend en Hongrie avec un petit groupe de militant.es antifascistes. Ces personnes veulent se (…)

Ilaria Salis, une professeure dans une école primaire à Monza, en Italie, se rend en Hongrie avec un petit groupe de militant.es antifascistes. Ces personnes veulent se confronter à des néonazis qui célèbrent la Fête de l'honneur, commémorant le soi-disant héroïsme d'un bataillon nazi contre l'Armée rouge pendant la Seconde Guerre mondiale. Bien qu'illégale, cette fête est tolérée sans peine par le gouvernement d'extrême droite de Victor Orbán.

La suite des événements est confuse. Ilaria Salis est arrêtée dans un taxi et accusée d'avoir violenté deux néonazis. Rien ne permet de le confirmer, sinon des vidéos confuses avec des gens masqués. Ses deux « victimes » ont subi des blessures légères, elles ont été rapidement rétablies et n'ont pas porté plainte. Pourtant, la jeune enseignante subit un sort terrible. Elle passe plusieurs mois en prison sans pouvoir contacter sa famille ou un avocat. Son enfermement est particulièrement pénible : elle vit dans des conditions hygiéniques déplorables, avec des rats et des punaises de lit, dans le froid, mal nourrie.

Lorsqu'elle est enfin convoquée au tribunal, plusieurs mois plus tard, elle apparaît les pieds et les mains enchainées. Ces images, diffusées par les médias italiens, sont un choc. Jamais plus, en Europe, on traite les accusé.es de cette façon, à moins de personnes considérées comme extrêmement dangereuses, des cas rarissimes. Un vent d'indignation se répand en Italie : comment peut-on traiter ainsi une citoyenne, d'autant plus que l'accusation semble particulièrement floue ?

Le peu d'empressement du gouvernement italien

Des pressions très fortes se font sentir pour une intervention ferme du gouvernement italien. L'affaire relève de la diplomatie et il devient important d'aller au-devant d'une femme traitée indignement. Le père d'Ilaria Salis, invité à de nombreuses tribunes médiatiques, défend avec ardeur sa fille et obtient un soutien significatif.

Mais la situation se complique par le fait que Georgia Meloni, première ministre à la tête du parti d'extrême droite Fratelli d'Italia, est une alliée et une amie de Victor Orbán dont elle a loué les qualités à plusieurs occasions. Celle-ci se trouve prise entre deux feux : d'une part, il faut porter secours à une citoyenne en difficulté ; d'autre part, il lui est malaisé de réprimander une personne de sa famille politique. Son gouvernement choisit d'en faire le moins possible, soulevant la colère des personnes révoltées par l'ensemble de la situation.

Devant les pressions qu'il doit malgré tout subir, le gouvernement hongrois affirme qu'il faut laisser la justice suivre son cours. Un point de vue mal reçu en Italie. D'abord parce que cette justice est très dure, en particulier dans le cas de Salis. Aussi parce que la Hongrie a été pointée du doigt à plusieurs reprises par l'Union européenne justement pour son manque d'indépendance judiciaire. Selon plusieurs, dont l'auteur Roberto Saviano, l'affaire est bel et bien politique.

La solution à la crise paraissait envisageable : les avocats de Salis visaient une assignation à résidence, ce qui lui aurait permis d'être transférée en Italie. Mais pendant sa dernière présence au tribunal, fin mars, la justice hongroise en a plutôt rajouté : voilà encore la prisonnière enchainée et subissant une dure rebuffade. C'est en Hongrie qu'elle devra poursuivre sa peine, bien qu'elle continue à clamer son innocence.

L'extrême droite décomplexée

Les leçons à retenir de l'acharnement contre Ilaria Salis sont claires : les antifascistes ne sont pas les bienvenus en Hongrie et ils seront durement réprimandés s'il le faut. La Hongrie de Victor Orbán n'a pas de leçon à recevoir de personne, elle continuera à appliquer ses politiques d'extrême droite décomplexée ; et gare à celles et ceux qui se mettront sur son chemin.

Certains y voient aussi une stratégie pour la Hongrie de combattre l'isolement dont elle est victime dans l'Union européenne à cause de ses politiques antidémocratiques (comme le prétend aussi Saviano). En échange d'un meilleur traitement pour Salis, Orbán négocierait un appui de l'Italie pour obtenir des fonds européens qui lui sont coupés actuellement.

En attendant, le gouvernement hongrois résiste à toutes les pressions et Ilaria Salis croupit en prison, victime d'enjeux qui la dépassent largement. Son procès principal aura lieu le 24 mais ; elle risque onze ans de prison.

Les opposants à Salis — il y en a de très vocaux, dont des trolls particulièrement actifs — prétendent qu'elle n'est pas la seule à subir les prisons hongroises et qu'il est normal qu'elle paye pour les risques qu'elle a pris. Mais l'acharnement contre elle, en dépit de la très grande médiatisation de son cas, donne une fois de plus la mesure de ce qu'une extrême droite bien en selle peut mettre de l'avant : un mépris profond des droits, un acharnement cruel contre ses adversaires, un refus ferme du dialogue.

La version plus présentable de cette extrême droite européenne, celle du gouvernement de Georgia Meloni, montre cependant, par son peu d'empressement à intervenir, qu'elle cautionne indirectement les agissements des plus radicaux de ce mouvement.

Image : Pixabay

Conserver son leadership à tout prix

12 avril 2024, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Plusieurs séances publiques du conseil municipal de Rimouski ont trouvé une présence citoyenne plus manifeste. En (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Plusieurs séances publiques du conseil municipal de Rimouski ont trouvé une présence citoyenne plus manifeste. En effet, la citoyenneté s’est fait entendre pour marquer son opposition face à certains projets qui comportent la destruction (…)

Une réforme de la construction pour « les amis du parti »

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/04/construction-1024x579.png11 avril 2024, par Comité de Montreal
​Au mois de mars se tenait une commission parlementaire sur le projet de réforme de l'industrie de la construction du Québec. D'un côté, les syndicats représentant les (…)

​Au mois de mars se tenait une commission parlementaire sur le projet de réforme de l'industrie de la construction du Québec. D'un côté, les syndicats représentant les travailleurs de la construction (CSN, FTQ, CSD, SQC) ont dénoncé le contenu du projet de loi. De l'autre, les associations de (…)

Intelligence artificielle 101

11 avril 2024, par Rédaction

Qu’est-ce que l’intelligence artificielle ?

« L’intelligence artificielle (IA, ou AI pour Artificial Intelligence) consiste à mettre en œuvre un certain nombre de techniques visant à permettre aux machines d’imiter une forme d’intelligence réelle. L’IA se retrouve implémentée dans un nombre grandissant de domaines d’application[1]. »

L’intelligence artificielle est donc un ensemble de théories et de techniques visant à réaliser des machines capables de simuler l’intelligence humaine[2].

L’IA s’appuie notamment sur les théories des mathématiques et des sciences cognitives. Elle fait aussi appel à la neurobiologie computationnelle (particulièrement aux réseaux neuronaux) et à la logique (partie des mathématiques et de la philosophie). Elle utilise des méthodes de résolution de problèmes à forte complexité logique ou algorithmique en s’appuyant entre autres sur la théorie des décisions. Par extension, l’IA comprend, dans le langage courant, les dispositifs qui imitent ou remplacent l’humain dans certaines mises en œuvre de ses fonctions cognitives[3].

Évolution de l’IA

L’évolution de l’intelligence artificielle peut être résumée en sept étapes principales[4] :

  • Le temps des prophètes : dans les années 1950, les pionniers de l’IA font des prédictions audacieuses sur les capacités futures des machines, mais ils surestiment largement les progrès à venir.
  • Les années sombres : dans les années 1960 et 1970, l’IA connait un ralentissement et une perte de financement, notamment à cause des limites des méthodes symboliques et des critiques de James Lighthill.
  • Le retour en grâce : dans les années 1980, l’IA bénéficie d’un regain d’intérêt et de soutien, grâce aux succès des systèmes experts, des réseaux de neurones et de la robotique.
  • Le second hiver : dans les années 1990, l’IA subit à nouveau une désillusion et une concurrence accrue d’autres disciplines informatiques, comme les bases de données ou le Web.
  • L’ère du big data : dans les années 2000, l’IA profite de l’explosion des données disponibles et de l’amélioration des capacités de calcul, ce qui lui permet de développer des applications dans de nombreux domaines, comme la reconnaissance vocale, la traduction automatique ou la recherche d’information.
  • L’avènement de l’apprentissage profond : dans les années 2010, l’IA connait une révolution avec l’émergence de l’apprentissage profond, une technique qui utilise des couches successives de neurones artificiels pour apprendre à partir de données complexes et non structurées, comme les images, les sons ou les textes.
  • L’horizon de l’intelligence artificielle générale : dans les années 2020, l’IA se confronte au défi de l’intelligence artificielle générale (IAG), c’est-à-dire à la capacité d’une machine à accomplir n’importe quelle tâche intellectuelle qu’un humain peut faire, voire à dépasser l’intelligence humaine. Ce défi soulève des questions éthiques, sociales et philosophiques, ainsi que des incertitudes sur les impacts de l’IA sur l’humanité.

Définitions

John McCarthy, le principal pionnier de l’intelligence artificielle avec Marvin Lee Minsky, définit l’IA ainsi : « C’est la science et l’ingénierie de la fabrication de machines intelligentes, en particulier de programmes informatiques intelligents. Elle est liée à la tâche similaire qui consiste à utiliser des ordinateurs pour comprendre l’intelligence humaine, mais l’IA ne doit pas se limiter aux méthodes qui sont biologiquement observables[5] ».

L’IA est également définie par Marvin Lee Minsky, comme « la construction de programmes informatiques qui s’adonnent à des tâches qui sont, pour l’instant, accomplies de façon plus satisfaisante par des êtres humains car elles demandent des processus mentaux de haut niveau tels que : l’apprentissage perceptuel, l’organisation de la mémoire et le raisonnement critique ». On y trouve donc le caractère « artificiel » dû à l’usage des ordinateurs ou de processus électroniques élaborés et le caractère « intelligence » associé à son but d’imiter le comportement humain. Cette imitation peut se faire dans le raisonnement, par exemple dans les jeux ou la pratique des mathématiques, dans la compréhension des langues naturelles, dans la perception : visuelle (interprétation des images et des scènes), auditive (compréhension du langage parlé) ou par d’autres capteurs, dans la commande d’un robot dans un milieu inconnu ou hostile.

Les types d’IA

L’intelligence artificielle se décline en trois catégories principales[6] :

  • IA faible (ou IA étroite, restreinte) : ce type d’IA est conçu pour effectuer des tâches spécifiques sans posséder de conscience ou d’intelligence générale. Par exemple, l’IA faible peut être utilisée pour la reconnaissance vocale, la recherche sur Internet ou encore le jeu d’échecs. Cependant, sa capacité d’apprentissage et d’adaptation est limitée à sa programmation initiale. Elle ne peut pas comprendre ni s’adapter en dehors de son domaine de spécialisation défini.
  • IA forte (ou IA générale) : contrairement à l’IA faible, l’IA forte possède une intelligence et une conscience similaires à celles des humains. Elle est capable de résoudre des problèmes dans divers domaines sans être limitée à une seule tâche. En somme, elle reproduit l’intelligence humaine de manière beaucoup plus authentique.
  • IA superintelligente : ce type hypothétique d’IA surpasserait l’intelligence humaine, excédant les capacités humaines dans tous les domaines, de la créativité à la prise de décision. Cependant, à ce jour, ce niveau d’intelligence artificielle n’a pas encore été atteint. De nombreux experts considèrent que l’avènement de ce type d’IA est fortement improbable.

Techniquement, comment ça marche ?

En général, on peut dire que l’IA se compose de quatre éléments clés : la puissance de calcul, les mégadonnées, la prise de décision par les algorithmes et l’argent.

Aujourd’hui, les géants de l’informatique tels que Google, Microsoft, Apple, IBM et Facebook sont tous engagés dans la recherche et le développement de l’IA. Ils ont mis en place des réseaux de neurones artificiels, composés de serveurs capables de traiter des calculs complexes sur de gigantesques quantités de données à des vitesses en croissance exponentielle. Ces réseaux sont conçus pour imiter le fonctionnement du cerveau humain, et permettent à ces systèmes d’apprendre et de s’adapter avec le temps.

Les systèmes d’IA sont formés à partir de grandes quantités de données. Ils utilisent des capacités informatiques pour analyser ces données et, sur cette base, prennent des décisions. C’est cette capacité de prise de décision qui distingue l’IA de nombreuses autres technologies comme les systèmes experts, par exemple.

Ainsi, tous les bots informatiques, les vidéos falsifiées et les images manipulées ne sont pas nécessairement le produit de l’IA. Ce qui compte, c’est si la technologie est capable de prendre des décisions. Un chatbot basé sur des règles, par exemple, renvoie des réponses prédéterminées en fonction de certaines conditions, comme l’utilisation d’un mot-clé. Il n’est pas nécessaire d’utiliser l’IA pour cela.

En revanche, un agent conversationnel utilise le traitement automatique du langage naturel (TLN), un sous-domaine de l’IA, pour extraire des informations du langage humain. Il évalue le contenu et le contexte, puis choisit une ligne de conduite, par exemple les mots à utiliser, la structure de la phrase et le ton à adopter en réponse. Contrairement à un simple chatbot basé sur des règles, un agent conversationnel doté d’IA ne renvoie pas toujours la même réponse à la même question.

Les outils basés sur l’IA comportent donc un certain degré d’incertitude ou de probabilité. Ils utilisent l’apprentissage automatique et la prise de décision algorithmique pour se rapprocher de plus en plus de la réalisation des tâches pour lesquelles ils ont été conçus. Cependant, ils le font d’une manière qui n’a pas été spécifiquement programmée. Les systèmes d’IA ont un certain degré d’autonomie, ce qui les rend beaucoup plus puissants. Cette autonomie est ce qui distingue véritablement l’IA et lui confère sa puissance.

Il existe toutefois une confusion dans le débat public entre intelligence artificielle, apprentissage automatique (machine learning) et apprentissage profond (deep learning). Pourtant, ces notions ne sont pas équivalentes, mais imbriquées. L’intelligence artificielle englobe l’apprentissage automatique, qui lui-même englobe l’apprentissage profond.

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Diagramme de Venn montrant comment s’imbriquent les notions d’intelligence artificielle, d’apprentissage automatique et d’apprentissage profond[7].

Apprentissage automatique

L’apprentissage automatique consiste à permettre au modèle d’IA d’apprendre à effectuer une tâche au lieu de spécifier exactement comment il doit l’accomplir. Le modèle contient des paramètres dont les valeurs sont ajustées tout au long de l’apprentissage. La méthode de la rétropropagation du gradient est capable de détecter, pour chaque paramètre, dans quelle mesure il a contribué à une bonne réponse ou à une erreur du modèle, et peut l’ajuster en conséquence. L’apprentissage automatique nécessite un moyen d’évaluer la qualité des réponses fournies par le modèle.

Réseaux de neurones

Les réseaux de neurones artificiels sont inspirés du fonctionnement du cerveau humain : les neurones sont en général connectés à d’autres neurones en entrée et en sortie. Les neurones d’entrée, lorsqu’ils sont activés, agissent comme s’ils participaient à un vote pondéré pour déterminer si un neurone intermédiaire doit être activé et ainsi transmettre un signal vers les neurones de sortie. En pratique, pour l’équivalent artificiel, les « neurones d’entrée » ne sont que des nombres et les poids de ce « vote pondéré » sont des paramètres ajustés lors de l’apprentissage.

À part la fonction d’activation, les réseaux de neurones artificiels n’effectuent en pratique que des additions et des multiplications matricielles, ce qui fait qu’ils peuvent être accélérés par l’utilisation de processeurs graphiques. En théorie, un réseau de neurones peut apprendre n’importe quelle fonction.

Apprentissage profond

L’apprentissage profond (deep learning en anglais) utilise de multiples couches de neurones entre les entrées et les sorties, d’où le terme « profond ». L’utilisation de processeurs graphiques pour accélérer les calculs et l’augmentation des données disponibles a contribué à la montée en popularité de l’apprentissage profond. Il est utilisé notamment en vision par ordinateur, en reconnaissance automatique de la parole et en traitement du langage naturel (ce qui inclut les grands modèles de langage).

Grands modèles de langages

Les grands modèles de langage sont des modèles de langage ayant un grand nombre de paramètres, typiquement des milliards. Ils reposent très souvent sur l’architecture « transformeur ».

Les transformeurs génératifs pré-entrainés (Generative Pretrained Transformers ou GPT en anglais) sont un type particulièrement populaire de grand modèle de langage. Leur « pré-entrainement » consiste à prédire, étant donné une partie d’un texte, le token suivant (un token étant une séquence de caractères, typiquement un mot, une partie d’un mot ou de la ponctuation). Cet entrainement à prédire ce qui va suivre, répété pour un grand nombre de textes, permet à ces modèles d’accumuler des connaissances sur le monde. Ils peuvent ensuite générer du texte semblable à celui ayant servi au pré-entrainement, en prédisant un à un les tokens suivants. En général, une autre phase d’entrainement est ensuite effectuée pour rendre le modèle plus véridique, utile et inoffensif. Cette phase d’entrainement (utilisant souvent une technique appelée RLHF) permet notamment de réduire un phénomène appelé « hallucination », où le modèle génère des informations d’apparence plausible mais fausses.

Avant d’être fourni au modèle, le texte est découpé en tokens. Ceux-ci sont convertis en vecteurs qui en encodent le sens ainsi que la position dans le texte. À l’intérieur de ces modèles se trouve une alternance de réseaux de neurones et de couches d’attention. Les couches d’attention combinent les concepts entre eux, permettant de tenir compte du contexte et de saisir des relations complexes.

Ces modèles sont souvent intégrés dans des agents conversationnels, où le texte généré est formaté pour répondre à l’utilisateur ou l’utilisatrice. Par exemple, l’agent conversationnel ChatGPT exploite les modèles GPT-3.5 et GPT-4. En 2023 font leur apparition des modèles grand public pouvant traiter simultanément différents types de données comme le texte, le son, les images et les vidéos, tel Google Gemini.

Domaines d’application[8]

L’intelligence artificielle trouve des applications variées dans différents domaines. Voici un aperçu de son utilisation en médecine, dans le domaine militaire, le renseignement policier et le droit. On aurait aussi pu donner des exemples dans les domaines de la logistique et du transport, de l’industrie, de la robotique, des arts, de la politique, etc.

  • Médecine
    • Diagnostic et détection précoce : l’IA peut analyser rapidement et précisément de grandes quantités de données médicales, facilitant ainsi le diagnostic précoce de maladies et d’affections. Elle peut détecter des modèles et des signes subtils qui échappent parfois à l’œil humain.
    • Structuration des données des patients : l’IA collecte, analyse et organise méthodiquement les données massives issues des patients et patientes, ce qui facilite leur traitement ultérieur par les professionnels de la santé.
    • Prise en charge thérapeutique : l’IA peut guider les médecins dans la prise en charge thérapeutique des patients en se basant sur des cas passés et en croisant diverses données.
  • Domaine militaire
    • Surveillance et reconnaissance : l’IA est utilisée pour surveiller et reconnaitre des cibles, des mouvements de troupes et des activités ennemies.
    • Prévention des attaques : elle peut aider à anticiper et à prévenir les attaques en analysant des données et des schémas.
    • Assistance au commandement : l’IA peut fournir des informations et des recommandations aux commandants militaires.
    • Gestion de l’approvisionnement et de la logistique : elle optimise la gestion des ressources et des approvisionnements.
    • Contrôle de drones et de robots : l’IA permet de piloter ces dispositifs de manière autonome.
  • Renseignement policier
    • Analyse de données criminelles : l’IA peut aider à analyser des données complexes pour détecter des schémas criminels, des tendances et des menaces potentielles.
    • Identification de suspects : elle peut faciliter l’identification de suspects à partir d’images de vidéosurveillance ou d’autres sources.
    • Prédiction de crimes : l’IA peut anticiper les zones à risque et les moments propices à la criminalité.
  • Droit
    • Recherche juridique : l’IA peut analyser des textes juridiques, des précédents et des décisions de justice pour aider les avocats et les juges dans leurs recherches.
    • Automatisation des tâches juridiques : elle peut automatiser des tâches telles que la rédaction de contrats, la gestion des documents et la facturation.
    • Prédiction des résultats de procès : l’IA peut évaluer les chances de succès d’un procès en fonction des éléments disponibles.

Le matériel de l’artificielle intelligence

Avec les algorithmes et les mégadonnées (big data), le matériel qui sous-tend l’intelligence artificielle est la troisième composante essentielle pour permettre des capacités et des performances exceptionnelles. Il joue un rôle central dans l’innovation moderne et façonne le paysage de l’IA.

Les principales composantes matérielles clés de l’IA sont : les unités de traitement graphique (GPU), les unités de traitement tensoriel (TPU), les unités de traitement neuronal (NPU), les processeurs centraux (CPU), la mémoire et le stockage, les réseaux (réseaux locaux, LAN, et les réseaux étendus, WAN, qui permettent la communication entre les systèmes d’IA), la connectivité (la 5G offre une connectivité rapide pour les appareils mobiles et l’Internet des objets) et le matériel spécialisé.

En somme, ces composantes matérielles travaillent ensemble pour traiter et analyser de grandes quantités de données, permettant aux systèmes d’IA d’apprendre, de s’adapter et de faire des prédictions. L’IA ne serait pas possible sans cette puissance matérielle sous-jacente.

L’exemple de Nvidia[9]

Parmi les fabricants de composantes matérielles destinées à l’IA, l’entreprise Nvidia, bien que moins connu du grand public que les géants du Web, compte parmi les principaux joueurs dans ce domaine. Elle est actuellement la deuxième entreprise en termes de capitalisation boursière de la planète dans le domaine de l’IA, devancée uniquement par Microsoft. Elle présente plusieurs avantages, dont une puissance de calcul exceptionnelle. Les unités de traitement graphique (GPU) de Nvidia sont devenues un pilier fondamental de l’IA, permettant des avancées significatives dans le domaine de l’apprentissage automatique et des réseaux de neurones.

L’argent, bien matériel de l’intelligence artificielle

Avec les algorithmes, les mégadonnées et le matériel informatique, l’argent constitue la quatrième composante de l’intelligence artificielle, essentielle à son développement et à son déploiement, capitalisme oblige.

Coûts financiers de l’IA

L’intelligence artificielle est un domaine qui engendre des coûts astronomiques[10] pour les développeurs. Une grande partie des pertes associées aux IA génératrices provient des coûts d’inférence. Pour maintenir des IA capables de fournir des réponses optimales en un temps très court, une puissance informatique considérable est requise dès les phases de test. Cela implique l’utilisation de supercalculateurs actifs en permanence. Des cartes graphiques hautement performantes, coûtant environ 30 000 dollars chacune,, sont essentielles pour ces calculs.

Les coûts augmentent aussi avec la popularité de l’outil IA. Plus une IA est connue, plus elle reçoit de requêtes, ce qui entraine des prix plus élevés pour la génération de réponses. La longueur de la requête impacte également les coûts. Des requêtes plus longues reviennent plus cher aux entreprises derrière ces IA génératrices.

Le modèle économique de l’IA est limité : Par exemple,  ChatGPT, dont l’application est gratuite pour les utilisateurs et utilisatrices, a engendré des pertes estimées à  540 millions de dollars  l’an passé. Pour compenser ces pertes,  OpenAI  propose des abonnements à  20 dollars par mois  pour accéder à des versions plus performantes de ChatGPT. Chaque requête (prompt) d’IA générative coûterait entre 0,01 $ et 0,36 $, selon les estimations. À titre d’exemple, un service qui coûte 10 $ par utilisateur et par mois, entrainerait une perte de 20­ $ par mois; certains utilisateurs coûteraient au fournisseur plus de 80 $[11].

Coûts environnementaux de l’IA

L’intelligence artificielle a un impact considérable en termes de consommation d’énergie et en ressources naturelles.

L’entrainement des modèles d’IA, notamment les réseaux neuronaux, nécessite une grande quantité de calculs effectués dans des centres de données qui consomment énormément d’électricité[12]. Par rapport à l’apprentissage chez les humains, les tâches d’entrainement sont inefficaces car les modèles d’IA doivent lire une grande quantité de données pour apprendre à les comprendre. Par exemple, le modèle linguistique BERT (Bidirectional Encoder Representations from Transformers) a utilisé 3,3 milliards de mots tirés de livres anglais et de pages Wikipédia pour comprendre la langue.

L’empreinte carbone de l’élaboration de l’IA constitue un risque majeur. Selon certaines estimations, l’entrainement d’un modèle d’IA génère autant d’émissions de carbone que cinq voitures pendant toute leur durée de vie, fabrication comprise. Les chercheurs et développeurs en IA doivent être conscients de ces coûts énergétiques croissants et chercher des moyens d’optimiser l’efficacité énergétique de leurs modèles. L’utilisation de l’IA générative peut également contribuer à la sobriété écologique en surveillant les schémas de consommation d’énergie des bâtiments et en identifiant des opportunités d’économies.

Vers un monopole des géants du Web

Les IA généralistes sont en difficulté en raison des coûts élevés. Actuellement, les IA généralistes, comme ChatGPT, sont capables de réaliser de nombreuses tâches. Une possibilité serait de développer des IA spécialisées pour des tâches spécifiques, fonctionnant localement, afin de réduire les coûts liés à l’utilisation du « cloud ».

À long terme, seules les grandes entreprises américaines telles que Google, Microsoft, Meta, Apple et Amazon pourraient gérer des IA généralistes car elles ont la capacité d’absorber les pertes financières associées à leur utilisation. Cependant, même ces géants ne pourraient pas se tourner vers une utilisation à 100 % d’IA. La recherche via l’intelligence artificielle coûte six fois plus cher qu’une recherche Google standard.

Les GAFAM explorent des solutions pour réduire ces coûts. Par exemple, des puces dédiées à l’intelligence artificielle sont en projet, ce qui pourrait réduire les dépenses tout en maintenant une certaine qualité de service. De même, des centres de calcul et de données alimentées en énergie renouvelable sont en construction, pas tant pour l’environnement que pour réduire les coûts.

Investissements en IA par pays et par entreprise

Le graphique ci-joint, basé sur les données du rapport 2023 AI Index Report[13] de l’Université de Stanford, montre les pays où les sommes les plus importantes ont été investies dans des entreprises d’IA entre 2013 et 2022. Les États-Unis arrivent largement en tête avec un montant de 248,9 milliards de dollars, suivis par la Chine (95,1 milliards de dollars) et le Royaume-Uni (18,2 milliards de dollars). À remarquer, le Canada au cinquième rang avec des investissements de 8,8 milliards de dollars sur cette période, bien que n’ayant aucune entreprise dans le top 20 des entreprises du domaine de l’IA. C’est que les investissements au Canada sont souvent le fait d’entreprises multinationales étrangères en partenariat avec des laboratoires et centres de recherche universitaires ou sans but lucratif, mais largement financés par des fonds publics.

En 2022, les investissements les plus importants dans l’IA ont été réalisés dans le domaine de la médecine et de la santé (6,1 milliards de dollars), selon le rapport.

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Parmi les 20 plus grandes entreprises mondiales dans le domaine de l’intelligence artificielle, classées par capitalisation boursière[14] , on compte 19 entreprises américaines ou chinoises et une seule d’un autre pays, Israël. Ces entreprises représentent un mélange de matériel, de logiciels et de services basés sur l’IA.

Capitalisation boursière (en milliards de dollars US)[15]
Rang Entreprise Pays $ (US)
1 Microsoft États-Unis 3 040,00 $
2 NVIDIA États-Unis 1 980,00 $
3 Alphabet (Google) États-Unis 1 712,00 $
4 Meta (Facebook) États-Unis 1 246,00 $
5 Tesla États-Unis 639,00 $
6 Alibaba Group Chine 181,00 $
7 IBM États-Unis 169,00 $
8 Palantir États-Unis 54,00 $
9 Baidu Chine 40,00 $
10 Tencent Chine 39,00 $
11 Meituan Chine 37,00 $
12 JD.com Chine 34,00 $
13 Pinduoduo Chine 30,00 $
14 Xiaomi Chine 25,00 $
15 NetEase Chine 24,00 $
16 Hikvision Chine 23,00 $
17 Mobileye Israël 20,00 $
18 Dynatrace États-Unis 14,00 $
19 UiPath États-Unis 13,00 $
20 Sogou Chine 4,00 $

À remarquer : Apple ne fait pas partie du tableau bien que plusieurs experts estiment qu’Apple investit présentement d’énormes ressources en IA. Il y aurait deux explications à ce constat. L’entreprise n’est pas considérée comme un fournisseur de services d’IA par les statisticiens et Apple a une réputation d’opacité légendaire quant à ses projets de développement.

Prévisions du chiffre d’affaires du marché de l’IA dans le monde de 2021 à 2030 en millions de dollars US

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Source: Statista Research Department, 13 février 2024.

L’encadrement de l’IA ?

Aucune loi, mesure ou réglementation n’encadre présentement le développement, le déploiement et l’utilisation de l’IA, et cela, à aucun niveau gouvernemental d’aucun pays et pas plus aux différents niveaux supranationaux. Tout est laissé aux bons soins des secteurs privé ou public de s’autoréguler. C’est réellement le Far West numérique. Quelques initiatives du secteur privé ou d’organisations de la société civile ont commencé à intenter des poursuites, à formuler des revendications et même à entreprendre des luttes pour limiter les effets néfastes des applications de l’IA dans certains domaines particuliers.

Divers projets de loi sont néanmoins à l’étude présentement un peu partout sur la planète, souvent le résultat de pressions de collectifs de chercheurs et d’experts dans divers domaines dont celui de l’IA ou d’organisations de la société civile. Tous ces projets ont en commun la même belle intention : favoriser le déploiement d’une IA responsable, verte, équitable, non discriminatoire et tutti quanti. Ils ont aussi en commun de faire des exceptions notables pour tout ce qui touche au secteur militaire, aux forces de l’ordre et aux services de renseignement.

Nous examinerons ici deux projets de loi, parmi les plus avancés en ce moment, soit ceux de l’Union européenne et de la Chine. Ils posent un minimum d’encadrement juridique au développement de l’IA, à son déploiement et à son utilisation. Au Canada et aux États-Unis, les projets de loi annoncés sont encore à l’état larvaire. Par exemple, le projet de loi de la Maison-Blanche a reçu l’appui des dirigeants des GAFAM (sauf Elon Musk). Cela dit tout sur la portée protectrice qu’aura cette loi sur les abus des géants de ce monde.

L’Union européenne

L’Union européenne (UE) a envisagé plusieurs projets de loi et règles pour encadrer l’intelligence artificielle. Ces projets visent à équilibrer la nécessité de prévenir les dangers liés à cette technologie et la volonté de ne pas prendre de retard.

Le 9 décembre 2023, le Parlement européen est parvenu à un accord provisoire avec le Conseil européen sur la loi sur l’IA. Le texte convenu devra être formellement adopté par le Parlement européen et son Conseil pour entrer en vigueur[16].

Voici un résumé des points clés[17] :

Le projet de loi sur l’IA de l’UE établit des obligations pour les fournisseurs et pour les utilisateurs en fonction du niveau de risque lié à l’IA. Les dispositions définissent quatre niveaux de risque :

  1. Risque inacceptable : les systèmes d’IA à risque inacceptable sont considérés comme une menace pour les personnes et seront interdits (par exemple, des technologies qui prétendent « prédire » des infractions »). Ces systèmes comprennent :
  1. Risque élevé : ces systèmes d’IA doivent se conformer à des exigences strictes. Par exemple, les systèmes d’identification biométrique et de catégorisation des personnes ou les systèmes utilisés pour la gestion et l’exploitation d’infrastructures critiques. Le projet de loi définit aussi des obligations spécifiques pour les utilisateurs d’IA et pour les fournisseurs.
  2. Risque limité : ces systèmes d’IA doivent être évalués. Par exemple, les systèmes utilisés dans les jeux vidéo ou les filtres anti-pourriel.
  3. Risque minimal : la plupart des systèmes d’IA actuellement utilisés dans l’UE relèvent de cette catégorie et ne nécessitent pas d’encadrement spécifique. Par exemple, les systèmes de recommandation.

Ces règles visent à garantir que les systèmes d’IA utilisés dans l’UE soient sûrs, transparents, traçables, non discriminatoires et respectueux de l’environnement.

La Chine

La Chine a récemment mis en place une nouvelle réglementation concernant les contenus générés par l’intelligence artificielle. Cette réglementation vise à maintenir la compétitivité du pays dans le domaine de l’IA tout en exerçant un contrôle strict. Voici les principales règles de cette réglementation[18].

Éthique

  • Les systèmes d’IA générative doivent adhérer aux valeurs fondamentales du socialisme.
  • Ils ne doivent pas menacer la sécurité nationale ni promouvoir le terrorisme, la violence ou la haine raciale.
  • Les fournisseurs de services doivent présenter les contenus générés par l’IA comme tels et prévenir toute discrimination basée sur le sexe, l’âge et le groupe ethnique lors de la conception des algorithmes.
  • Les logiciels d’IA ne doivent pas créer de contenu contenant des informations fausses et nuisibles.
  • Les données utilisées pour l’entrainement des logiciels d’IA doivent être obtenues légalement et ne pas porter atteinte aux droits de propriété intellectuelle d’autrui.

Sécurité

En somme, la Chine cherche à équilibrer l’innovation en IA avec des mesures de contrôle pour encourager le développement tout en évitant les abus.

Angela Zhang, professeure de droit à l’Université de Hong Kong, a indiqué à l’Agence France-Presse que « la législation chinoise est à mi-chemin entre celle de l’Union européenne (UE) et celle des États-Unis, l’UE ayant l’approche la plus stricte et les États-Unis la plus souple[19] ».

GLOSSAIRE

Agent conversationnel

Logiciel capable de communiquer de façon bidirectionnelle avec un utilisateur en langage naturel, par messagerie instantanée ou au moyen d’une interface vocale. Ces « agencements technologiques sont capables de produire des paroles ou bien des écrits pendant des interactions avec des humains et de simuler des compétences humaines, des rôles sociaux ou encore des formes de relations sociales artificielles aux utilisateurs ».

Algorithme d’apprentissage automatique

L’apprentissage machine « permet de construire un modèle mathématique à partir de données, en incluant un grand nombre de variables qui ne sont pas connues à l’avance. Les paramètres sont configurés au fur et à mesure lors d’une phase d’apprentissage, qui utilise des jeux de données d’entraînement pour trouver des liens et les classifie ». Cela peut être utilisé pour « développer des calculs dans le but de concevoir, de former et de déployer des modèles d’algorithmes, principalement dans une optique de classification et/ou de prédiction de l’usage et du comportement des utilisateurs ».

Analytique augmentée

« Processus de collecte, d’organisation et d’analyse de grands ensembles de données pour découvrir des renseignements utiles et prévoir les événements pertinents ».

Boîte noire

Dans le contexte de l’IA, les boîtes noires font référence au fait que le fonctionnement interne de nombreux systèmes d’IA est invisible pour l’utilisateur, qui ne peut pas examiner la conception ou le codage du système pour comprendre comment certaines décisions ont été prises.

Bot informatique (bot)

« Logiciel automatisé qui imite le comportement humain sur les médias sociaux en publiant des informations, en affichant son approbation (like) et en s’adressant à des personnes réelles ».

Chatbot, robot conversationnel

Agents conversationnels « conçus pour interagir avec les humains en langage naturel, robot conversationnel vocal ou écrit… qui sont capables de dialoguer avec un utilisateur par téléphone via l’appui sur des touches ou la reconnaissance vocale ».

Hypertrucage

L’IA et l’apprentissage automatique permettent de créer des contenus vidéo qui imitent des personnes spécifiques. Ces techniques comprennent « le changement de visage, la reconfiguration faciale visant à modifier l’expression faciale d’un personnage ou personnalité dans une vidéo en lui faisant virtuellement répliquer la mimique réalisée en studio par un acteur ou une tierce personne, la reconfiguration labiale consistant à modifier la bouche d’une personne pour faire croire qu’elle a dit quelque chose (qu’elle n’a jamais dite), l’apprentissage de la voix pour faire dire virtuellement à une personne n’importe quel message ».

Intelligence artificielle (OQLF)

Domaine d’étude ayant pour objet la reproduction artificielle des facultés cognitives de l’intelligence humaine dans le but de créer des systèmes ou des machines capables d’exécuter des fonctions relevant normalement de celle-ci.

L’intelligence artificielle touche à de nombreux domaines, comme les sciences cognitives et les mathématiques, et à diverses applications, notamment en reconnaissance des formes, en résolution de problèmes, en robotique, dans les jeux vidéo ainsi que dans les systèmes experts.

Intelligence artificielle faible (OQLF)

Système d’intelligence artificielle conçu pour imiter une portion spécifique du fonctionnement de l’intelligence humaine, lui permettant de reproduire certains comportements humains afin d’accomplir une ou des tâches particulières.

L’intelligence artificielle faible se distingue de l’intelligence artificielle forte, cette dernière imitant l’ensemble du fonctionnement de l’intelligence humaine.

Intelligence artificielle forte (OQLF)

Système d’intelligence artificielle conçu pour imiter le fonctionnement de l’intelligence humaine dans son ensemble, et ayant la capacité de se questionner, d’analyser et de comprendre ses raisonnements.

L’intelligence artificielle forte se distingue de l’intelligence artificielle faible, cette dernière n’imitant qu’une portion spécifique du fonctionnement de l’intelligence humaine.

Intelligence artificielle générale (IAG)

Technologies d’IA « capables de traiter de l’information par un processus s’apparentant à un comportement intelligent, et comportant généralement des fonctions de raisonnement, d’apprentissage, de perception, d’anticipation, de planification ou de contrôle ».

Intelligence artificielle générative

« Méthode qui permet à un système informatique d’apprendre à partir de données existantes et de générer de nouvelles données qui peuvent être utilisées pour des applications variées telles que la création d’images, de musique, de vidéos et de contenu textuel ».

Mégadonnées (big data en anglais) (OQLF)

Ensemble d’une très grande quantité de données, structurées ou non, se présentant sous différents formats et en provenance de sources multiples, qui sont collectées, stockées, traitées et analysées dans de courts délais, et qui sont impossibles à gérer avec des outils classiques de gestion de bases de données ou de gestion de l’information.

Lorsqu’il est question de mégadonnées, il y a souvent une référence au principe des « trois V » : volume (généralement massif), variété (sources et formats divers) et vitesse (rapidité de traitement). Certains spécialistes ajoutent également la véracité (données crédibles et réelles). Les mégadonnées proviennent notamment des publications dans les médias sociaux, des données publiques mises en ligne, des données transmises par les téléphones intelligents, des relevés de transactions électroniques, des signaux des systèmes de localisation GPS, etc. Elles peuvent être de nature autant personnelle que professionnelle ou institutionnelle.

Neurone artificiel (OQLF)

Unité de base d’un réseau de neurones artificiels dont le rôle est de convertir les signaux porteurs d’information qu’elle reçoit en un signal unique qu’elle transmet à d’autres unités du réseau ou qu’elle dirige vers la sortie.

À l’origine, les inventeurs du neurone artificiel se sont inspirés du neurone biologique en tentant de lui donner un modèle mathématique.

Réseau de neurones artificiels (OQLF)

Ensemble organisé de neurones artificiels interconnectés, créé dans le but de pouvoir effectuer des opérations complexes ou de résoudre des problèmes difficiles grâce à un mécanisme d’apprentissage lui permettant d’acquérir une forme d’intelligence.

À l’origine, les créateurs de réseaux de neurones artificiels se sont inspirés du fonctionnement du système nerveux, lequel est organisé en fonction des liaisons qui s’établissent entre des neurones biologiques.

Réseau de neurones profond (OQLF)

Réseau de neurones artificiels comportant de nombreuses couches cachées qui lui permettent, en multipliant les possibilités de traitement, d’augmenter ses capacités d’apprendre, d’améliorer son efficacité à effectuer certaines opérations complexes et d’accroître ses moyens de résoudre certains problèmes difficiles.

Robot (OQLF)

Machine programmable, généralement contrôlée par ordinateur, qui est conçue pour effectuer de manière autonome une ou plusieurs tâches dans des environnements spécifiques.

Les robots sont généralement des automates évolués qui possèdent l’équipement nécessaire pour s’adapter à leur environnement et interagir avec les objets qui les entourent. Ils effectuent souvent des tâches variées qui exigent des facultés propres à l’être humain à la fois sur les plans moteur et cérébral. Les progrès de l’intelligence artificielle vont accroître l’autonomie des robots en leur permettant de disposer de mécanismes perfectionnés d’apprentissage et de prise de décisions.

Système d’intelligence artificielle (OQLF)

Système conçu pour simuler le fonctionnement de l’intelligence humaine afin d’exécuter des fonctions relevant normalement de celle-ci.

Test de Turing (OQLF)

Test qui consiste à mettre en communication, à l’aveugle, un être humain et un ordinateur afin de vérifier s’ils sont capables d’atteindre les mêmes niveaux de performance. Si l’opérateur humain ne parvient pas à distinguer lequel de ses interlocuteurs est l’ordinateur, on considère que la machine a passé le test de Turing et est ainsi dotée d’intelligence artificielle. Le test de Turing a été imaginé par le mathématicien britannique Alan Turing.

Traitement automatique du langage humain (TALN). Traitement du langage naturel (TAL)

« Technique d’apprentissage automatique qui permet à l’ordinateur de comprendre le langage humain ». Les fonctions et applications relevant du TAL incluent la traduction automatique, les agents conversationnels, et le traitement de la parole.

Traitement automatique des langues (OQLF)

Technique d’apprentissage automatique qui permet à l’ordinateur de comprendre le langage humain. Les applications du traitement automatique des langues incluent, entre autres, la traduction automatique, la synthèse de la parole, la reconnaissance de la parole, la reconnaissance de l’écriture manuscrite et l’assistant virtuel.

Références

Par André Vincent, Professeur en infographie retraité du Collège Ahuntsic, édimestre des Nouveaux Cahiers du socialisme


NOTES

  1. Chaire UNESCO pour la culture de la paix, Qu’est ce que l’intelligence artificielle ?.
  2. Dictionnaire Larousse Encyclopédie, Intelligence artificielle.
  3. Une partie de ce texte est tirée directement ou adaptée de l’article intitulé Intelligence artificielle de l’encyclopédie libre Wkipédia.
  4. Pour en savoir plus sur l’évolution de l’IA, on peut consulter les sources suivantes :
  5. Wikipédia, Intelligence artificielle.
  6. Actualité informatique, Quels sont les 3 types d’IA ?.
  7. Bouliech, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons.
  8. Wikipédia, Intelligence artificielle. Domaines d’application.
  9. Agence France Presse, « Au cœur de la course à l’IA, les puces de Nvidia suscitent la convoitise des start-up », La Croix, 29 septembre 2023.
  10. Thibault Mairesse, « L’intelligence artificielle : un gouffre financier », Études Tech, 18 octobre 2023.
  11. Tom Dotan et Deepa Seetharaman, « Big tech struggles to turn AI hype into profits », Wall Street Journal, 9 octobre 2023.
  12. Kate Saenko, « La recherche en IA est très énergivore, voici pourquoi », The conversation, 25 janvier 2021.
  13. Jack Clark et Ray Perrault, Artificial Intelligence Index Report 2023, Stanford University.
  14. Largest AI companies by market capitalization.
  15. Données regroupées de diverses sources consultées le 29 février 2024, dont : Largest AI companies by market capitalization ; Largest Chinese companies by market capitalization – CompaniesMarketCap.com; Top 10 Chinese AI Companies, AI Magazine.
  16. Parlement européen, Loi sur l’IA de l’UE : première règlementation de l’intelligence artificielle, 9 juin 2023, mise à jour le 19 décembre 2023.
  17. Ibid.
  18. Agence France-Presse, « L’intelligence artificielle encadrée par une nouvelle réglementation en Chine », Journal de Montréal, 18 août 2023.
  19. LEXPRESS.fr avec AFP, « Contenus générés par l’IA : cette nouvelle réglementation instaurée en Chine », L’Express, 19 août 2023.

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