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Victoire historique à l’UQAM en solidarité avec la Palestine !

Un groupe étudiant pour la solidarité avec les droits humains des Palestiniens a été le moteur de l'adoption de mandats de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) à (…)

Un groupe étudiant pour la solidarité avec les droits humains des Palestiniens a été le moteur de l'adoption de mandats de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) à l'égard d'Israël au sein de toutes les associations étudiantes facultaires de l'Université du Québec à Montréal (UQAM).

21 mars 2024

La communauté étudiante de l'UQAM devient ainsi la première au Canada à
avoir adopté le mandat BDS
<https://drive.google.com/file/d/1yH...>
.

« *Je suis fière de voir notre communauté se lever contre les crimes contre l'humanité perpétrés par Israël depuis plus de 75 ans, affirme Sarah, une étudiante au baccalauréat en administration qui réagit émue par cette
victoire. Je considère que c'est une avancée importante pour l'ensemble de la communauté étudiante.*
»

Depuis 2017, le groupe étudiant Solidarité des droits humains des Palestiniennes et Palestiniens (SDHPP) a joué un rôle important dans l'éducation et la sensibilisation aux réalités palestiniennes au sein de l'université, coordonnant ainsi l'effort de la campagne BDS. Grâce à ces efforts, sept associations étudiantes de l'UQAM ont progressivement adopté
des mandats BDS ; l'Association facultaire étudiante de science politique et droit (AFESPED) et l'Association facultaire étudiante des sciences humaines (AFESH) en février 2017, suivies par l'Association des étudiantes et
étudiants en sciences de l'éducation (ADEESE) en septembre 2017, l'Association facultaire étudiante des arts (AFÉA) en février 2019, l'Association facultaire étudiante des langues et communication (AFELC) en
avril 2019, et l'Association étudiante du secteur des sciences (AESS) en janvier 2022.

Hier, le 20 mars 2024, l'Association étudiante de l'École des sciences de la gestion (AÉESG), s'est jointe aussi au nombre croissant d'associations étudiantes et d'entités académiques ayant adopté un mandat BDS.

Dans le cadre de la campagne institutionnelle déjà entamée depuis octobre 2023, les associations étudiantes visent à présenter des résolutions au sein de leurs instances académiques respectives. Le but de cette campagne
est d'amener l'UQAM a adopté aussi en tant qu'institution un mandat de boycott académique à l'égard les universités israéliennes complices. Déjà, plusieurs comités de programme ont adopté de tels mandats, tandis que
d'autres examinent encore la question.


*Qu'est-ce qu'un boycott académique ?*

<https://drive.google.com/file/d/1yH...>

Selon la Campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d'Israël (PACBI), qui s'inscrit dans une campagne plus large du BDS, "*Les universités israéliennes sont des complices majeurs, volontaires et
constants du régime israélien d'occupation, de colonialisme et d'apartheid.*"

Cette complicité se manifeste par la production de connaissances qui alimente la propagande israélienne et justifie l'oppression coloniale ainsi que le nettoyage ethnique en Palestine. De plus, les unive rsités
israéliennes contribuent au développement des technologies pour l'armement, les doctrines militaires et juridiques, employées lors des guerres coloniales.

Dans cette optique, le SDHPP œuvre pour que l'UQAM mette fin à tout programme d'échange, projets communs ou autre lien avec les universités israéliennes ou le gouvernement israélien.

Solidarité pour les droits Humains des Palestiniennes et Palestiniens (SDHPP) basé à l'UQAM

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Les dérapages liés au lobbyisme inquiètent un grand nombre d’organismes et d’individus

26 mars 2024, par Collectif — , ,
Montréal, le 24 mars 2024. La déclaration “Lobby : halte aux dérapages” franchit aujourd'hui une nouvelle étape en dévoilant l'ampleur des premiers appuis recueillis [1] et en (…)

Montréal, le 24 mars 2024. La déclaration “Lobby : halte aux dérapages” franchit aujourd'hui une nouvelle étape en dévoilant l'ampleur des premiers appuis recueillis [1] et en réunissant des sommités dans le cadre d'une table ronde.

Depuis son lancement en novembre dernier, plus de 200 organisations et près de 1 100 personnes ont déjà appuyé cette déclaration pour contrôler la recherche de profits et garantir le droit d'association. Et la collecte de signatures se poursuit. Des groupes communautaires locaux, régionaux et nationaux, actifs dans différents domaines, notamment en matière d'éducation et de santé, pour la protection de l'environnement et la défense des droits, y côtoient des organisations syndicales importantes.

Cette déclaration souligne à quel point la _Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme [2] requiert un recentrage pour servir la démocratie. D'une part, les lobbyistes des grandes entreprises ne sont pas suffisamment contrôlés, alors que leurs interventions systématiques auprès des gouvernements placent leurs intérêts économiques au-delà du bien commun. D'autre part, les OSBL subissent des pressions constantes visant à les assujettir à la Loi, alors que cela menacerait leur droit d'association.

Mieux encadrer le lobbyisme est donc une nécessité pour toutes les personnes et les organisations qui ont signé la déclaration. La table ronde réunissant l'ex-politicienne Louise Harel, la professeure de droit de l'UQÀM, Lucie Lamarche et le journaliste André Noël permettra d'entendre différentes visions de la déclaration, en regard des enjeux
politiques, du respect des droits et du rôle des médias.

Claude Vaillancourt d'Attac Québec [3] souhaite que cette déclaration provoque une importante réflexion sur le rôle des lobbys et celui des organisations : « Il existe actuellement un trop grand déséquilibre entre le pouvoir d'intervenir publiquement des grandes entreprises et celui des associations qui défendent des intérêts citoyens. Il faut établir un rapport de force plus sain pour vaincre les inégalités et mieux protéger l'environnement. »

Les lobbyistes ont montré leur capacité d'influence dans le domaine de l'agriculture, plus spécifiquement, comme le dénonce Thibault Rehn de Vigilance OGM [4] : « Il est urgent d'encadrer l'influence des lobbys de l'agrochimie sur notre système alimentaire afin de permettre aux agricultrices et agriculteurs de nous nourrir, tout en diminuant les impacts sur notre santé et celle de notre environnement. C'est primordial dans le contexte actuel ».

La _Loi_ ayant été créée pour assurer la transparence des pratiques des lobbyistes ayant des visées lucratives, c'est la surveillance de ces derniers qui doit être renforcée. Selon Mercédez Roberge de Mon OSBL n'est pas un lobby [5] « Le Commissaire au lobbyisme et le gouvernement du Québec ont tenté à [6]6 reprises [6] d'assujettir tous les OSBL à la Loi. Pourtant, leurs actions de représentation collective n'ont
rien de commun avec les pratiques des lobbyistes devant s'inscrire au Registre. Ce dérapage doit cesser pour garantir l'exercice du droit d'association des OSBL, en tant qu'associations citoyennes. Il en va du respect de la démocratie. »

Prélude à l'accroissement du rayonnement de cette campagne, les appuis des premiers mois à cette déclaration constituent une base solide et diversifiée, notamment en vue d'émettre des propositions de modifications à la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme et à mettre davantage ce sujet sur la place publique.

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Tout le monde le sait : au Québec, l’école est injuste.

26 mars 2024, par École ensemble — , ,
Les écoles privées subventionnées et les écoles publiques sélectives font leur marché parmi les élèves qui ont de la facilité. Les écoles publiques ordinaires, elles, doivent (…)

Les écoles privées subventionnées et les écoles publiques sélectives font leur marché parmi les élèves qui ont de la facilité. Les écoles publiques ordinaires, elles, doivent accueillir les exclus.Les conséquences de cet écrémage sur la réussite scolaire et notre cohésion sociale sont catastrophiques. Mais cette école à 3 vitesses, Bernard Drainville vit très bien avec. Il a même décidé qu'il voulait ajouter l'injure à l'injustice en créant un Palmarès gouvernemental des écoles. Humilier officiellement les « mauvaises écoles » : notre marché scolaire n'était jamais allé jusqu'à ce niveau d'indécence.

tiré du site École ensemble

Même François Legault reconnaît que ça n'a pas de bon sens !

Défendons l'école commune !

Le cercle vicieux du tri des enfants est renforcé par des organisations libertariennes comme le Fraser Institute qui fait déjà publier son Palmarès des écoles par les médias de Québecor.

L'objectif de l'exercice est de faire peur aux parents et de nourrir la concurrence entre eux. Le Fraser Institute fait l'apologie de la « liberté de choisir ». Cette posture hypocrite trompe de moins en moins de citoyens : on sait que le choix, ce sont les écoles sélectives qui l'ont, pas les parents.

Mobilisons notre entourage, faisons circuler la pétition !

Si comme vous, des membres de votre entourage sont concernés par l'état de notre système d'éducation, envoyez-leur cette page et invitez-les à se mobiliser avec nous !

Pour signer la pétition, allez sur cette page du site École ensemble
https://www.ecoleensemble.com/palmares

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L’ARLPHL s’engage dans le Projet circonflexe – Prêt-pour-bouger

26 mars 2024, par Association régionale de loisirs pour personnes handicapées des Laurentides (ARLPHL) — , ,
Saint-Jérôme, 15 mars 2024 - L'Association régionale de loisirs pour personnes handicapées des Laurentides (ARLPHL) est fière d'annoncer sa participation au Projet circonflexe (…)

Saint-Jérôme, 15 mars 2024 - L'Association régionale de loisirs pour personnes handicapées des Laurentides (ARLPHL) est fière d'annoncer sa participation au Projet circonflexe – Prêt-pour-bouger, une initiative novatrice visant à renforcer l'accessibilité à la pratique de sports et d'activités de plein air pour les personnes handicapées et en situation de vulnérabilité sur le territoire des Laurentides.

Le Projet circonflexe, mené par Loisirs Laurentides, deux parcs régionaux et dix nouvelles municipalités et villes des Laurentides récemment annoncées et auxquels s'ajouteront d'autres milieux au cours des trois prochaines années, vise à établir des centrales d'équipement accessibles et adaptées aux besoins spécifiques de la population québécoise. Ces centrales seront des ressources essentielles pour fournir des équipements spécialisés, offrir des conseils personnalisés et promouvoir l'inclusion dans les activités de loisirs pour tous.

En tant qu'organisme reconnu pour son engagement en faveur de l'inclusion et de l'accessibilité, l'ARLPHL jouera un rôle crucial en tant que ressource conseil pour les différentes centrales d'équipement qui seront établies dans la région des Laurentides. Son expertise et son dévouement à soutenir les personnes handicapées seront essentiels pour garantir que les équipements fournis répondent précisément aux besoins individuels de chaque utilisateur. De plus, l'ARLPHL agira en tant que point de service pour le prêt d'équipements adaptés, offrant ainsi un accès direct et pratique à la population.

« Nous sommes ravis de collaborer avec le Projet circonflexe – Prêt-pour-bouger pour renforcer l'accessibilité et l'inclusion dans notre région », a déclaré Raphaëlle Morin, responsable des programmes à l'ARLPHL. « En travaillant ensemble, nous pouvons créer un environnement où chaque personne, peu importe ses capacités, a l'opportunité de participer pleinement aux activités de loisirs et de bénéficier d'une qualité de vie améliorée. »

« Loisirs Laurentides est fier de compter sur le partenariat et l'expertise de l'ARLPHL en matière d'équipements adaptés. Cet organisme saura guider les futures centrales d'équipement qui choisiront de rendre accessible ce type d'équipement dans l'un des points de services qu'elles développeront au cours des prochaines années et que nous avons récemment annoncés lors d'une conférence de presse », de mentionner Élaine Lauzon, directrice générale de Loisirs Laurentides.

Le Projet circonflexe – Prêt-pour-bouger représente une étape significative vers la création d'une société plus inclusive et équitable pour tous. En collaborant avec des partenaires locaux et régionaux, l'ARLPHL, aux côtés de Loisirs Laurentides, s'engage résolument à promouvoir l'accessibilité et à renforcer l'autonomie des personnes handicapées dans les Laurentides et au-delà.

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Crise agricole en Allemagne. À quand pour le Québec ?

26 mars 2024, par Maxime Laplante — , ,
Les colonnes de tracteurs sur les routes allemandes ont fait les manchettes, mais la situation s'avère similaire dans d'autres pays européens. Même si l'élément déclencheur fut (…)

Les colonnes de tracteurs sur les routes allemandes ont fait les manchettes, mais la situation s'avère similaire dans d'autres pays européens. Même si l'élément déclencheur fut le retrait du rabais sur le diesel agricole, on comprend qu'il s'agit de la pointe de l'iceberg des problèmes que vivent les agriculteurs et agricultrices d'Europe. Outre la taxe sur le diesel, la concurrence étrangère et la pression à la baisse sur les prix obtenus, l'augmentation des charges concernant l'assurance-accident ainsi que la protection des écosystèmes ont motivé les agriculteurs à l'occupation des routes.

18 mars 2024 | tiré de la lettre de l'Iris | Photo : conceptphoto.info (Flickr)

Les problèmes semblent donc multiples. Selon Renate Künast, ex-ministre de l'Agriculture en Allemagne, 94% des citoyen·ne·s réclament une amélioration du bien-être animal, 87% sont en faveur d'une agriculture plus écologique, 86% des consommateurs et des consommatrices désirent un meilleur étiquetage des produits animaux et 84% plaident pour une augmentation du revenu des agriculteurs et agricultrices. Donc plus d'exigences envers les fermiers.

Pour l'instant, le parlement allemand s'est prononcé contre l'allègement de la taxe sur le diesel, mais se dit à la recherche de solutions pour assurer le futur des producteurs et productrices agricoles. Le ministre actuel de l'Agriculture, M. Özdemir, souhaite une taxe sur les aliments d'origine animale pour financer la conversion des étables et ainsi les adapter aux nouvelles normes de bien-être animal. Dans l'opposition, le SPD aimerait fixer les prix payés à la ferme pour le lait et contrer la montée de la valeur des terres agricoles qui entrave la relève.

En somme, des problèmes très semblables à ce que vivent les fermes du Québec : dépenses en augmentation, normes environnementales plus exigeantes et coûteuses, augmentation de la valeur des terres, de l'endettement, plus de paperasse due à la bureaucratisation du secteur. Pendant ce temps, entre 2014 et 2019, le prix de l'alimentation, incluant les ventes au détail et en restaurant au Québec, a augmenté de 11% pour les consommateurs et les consommatrices, tandis que le prix moyen payé aux producteurs est demeuré sensiblement le même avec 1,1% d'augmentation, révèle Statistique Canada.

Le président actuel de l'Union des producteurs agricoles (UPA), M. Martin Caron, a d'ailleurs annoncé son intention de mobiliser les troupes pour une démarche de protestation. En argument, il présentait à la presse une prévision de l'effondrement du revenu net agricole au Québec pour l'année 2024. Dans la même foulée, l'UPA réclame plus de soutien de la part de l'État québécois.

Mais autant du côté allemand que québécois, beaucoup sont d'avis que la solution ne réside pas nécessairement dans le soutien gouvernemental, mais plutôt dans une amélioration des prix payés pour les denrées agricoles. Être entrepreneur plutôt que dépendant de subventions. Du côté allemand, l'organisation syndicale de la paysannerie, l'AbL (Arbeitsgemeinschaft bäuerlicher Landwirtschaft) plaide pour un programme en six volets, incluant des prix plus justes pour le lait, une taxe foncière pour les détenteurs de grandes superficies de terres à l'achat de nouvelles surfaces, une compensation pour la modernisation des étables, une meilleure répartition du soutien de la politique agricole commune (PAC) pour aider les petites entreprises et un plus grand contrôle des OGM.

On remarque également une certaine nostalgie face à la disparition des quotas laitiers, en vigueur en Europe il y a quelques décennies. Or, le Québec conserve toujours ses quotas et sa gestion de l'offre, dont l'objectif est de stabiliser les prix en fonction des coûts de production et d'ainsi sécuriser le revenu agricole. Cependant, depuis un demi-siècle, le discours de l'UPA est le même : réclamer encore plus de subventions, sans adapter un système peu approprié à la situation actuelle.

Pourtant, l'UPA possède tous les outils pour changer la donne et améliorer la situation des fermes. En effet, en contrôlant les plans conjoints en situation de monopole, elle pourrait améliorer les prix payés pour les denrées agricoles auprès des agriculteurs. L'UPA dispose également d'une influence démesurée sur les organismes publics, comme la Régie des marchés agricoles et la Financière agricole.

En principe, la fameuse gestion de l'offre devait servir à ça : sécuriser le revenu agricole. Au lieu de ça, c'est devenu une situation de privilèges, gérée en conflit d'intérêts, accentuant la concentration des fermes, l'augmentation de leur valeur, poussant à l'endettement.

Mais sortons de la théorie et imaginons un scénario possible dans le cadre de la gestion de l'offre. Prenons l'exemple du lait. Pourquoi ne pas donner de nouveaux quotas de production à de petites entreprises en région, lorsque la demande pour les produits laitiers augmente, au lieu de distribuer ce quota au plus fort la poche à ceux qui en ont déjà ? Pourquoi ne pas donner des quotas pour la mise en marché et la transformation à la ferme au lieu de s'en tenir au fort volume au prix de gros ?

Pourquoi ne pas établir des prix du lait différenciés, en concordance avec des coûts de production variables, selon le type de production ou la localisation de la ferme ?

Pourquoi pas pour les grains ? Pourquoi pas des prix planchers garantissant une rentabilité à la ferme ? Un plan conjoint, en concordance avec la gestion de l'offre, permettrait, en toute légalité, de fixer les prix et même de bloquer les frontières pour éviter la concurrence face à des importations à bas prix, comme c'est déjà le cas pour une foule de produits.

En somme, si beaucoup d'enjeux sont similaires des deux côtés de l'océan, le Québec agricole a en main des outils en mesure d'y remédier, sans même avoir besoin de changer une seule loi. Il serait dommage de ne pas s'en servir et d'attendre que la crise européenne nous rattrape tout en exigeant simplement encore plus de subventions.

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Objet de réforme dans un système capitaliste, le régime d’assurance-médicaments du gouvernement Trudeau manque d’élan et de direction claire (à ce jour)

26 mars 2024, par Ken Collier — , ,
Ken Collier est d'avis que le régime fédéral d'assurance-médicaments– quelle que soit la forme qu'il prenne – est appelé à être jugé selon les critères suivants : est-il (…)

Ken Collier est d'avis que le régime fédéral d'assurance-médicaments– quelle que soit la forme qu'il prenne – est appelé à être jugé selon les critères suivants : est-il complet, accessible, efficace ?

Tiré de Canadian DImension

Mardi 12 mars 2024 / KEN COLLIER
Traduit par Johan Wallengren

Jusqu'en février 2024, le Canada a été sans régime d'assurance-médicaments. Et même à ce stade, les propositions relatives à un régime universel d'assurance-médicaments étaient remarquablement vagues parmi les partis politiques, sur les tribunes médiatiques et au sein des groupes militants. L'intérêt que le gouvernement avait bien voulu accorder au projet d'un régime universel d'assurance-médicaments semblait refroidi, ostensiblement pour des raisons de coûts.

À la dernière minute, le gouvernement Trudeau a annoncé une proposition d'assurance-médicaments plutôt faible et diluée, quelques jours avant la date butoir du 1er mars 2024, avec pour objectif de sauver l'entente de confiance et de soutien entre les libéraux et les néo-démocrates, en vue d'éviter une éventuelle élection que les deux partis voulaient éviter.

Le nouveau régime minimal d'assurance-médicaments sera administré par les provinces et les territoires. Il ne s'appliquera qu'aux médicaments pour le diabète et la contraception. Un plan à long terme pour élargir le système afin de couvrir d'autres médicaments suscite un faible espoir de développement des prestations dans un avenir rapproché. En attendant que la nouvelle proposition porte effectivement fruit, les régimes provinciaux d'assurance-médicaments, lorsqu'ils existent, prennent partiellement en charge les médicaments vendus dans les pharmacies locales ou en ligne ; le client « co-paie » une partie des coûts.

Ces programmes fragmentaires tels qu'ils existent s'articulent principalement autour de l'assurance comme méthode de paiement des médicaments de prescription. L'assurance est basée sur le risque calculé par une société privée telle qu'une banque ou une société d'assurance officielle. L'assureur fait le pari que les clients n'auront pas besoin de médicaments, tandis que les clients craignent d'en avoir besoin. Les assureurs ont une connaissance (plus ou moins exacte) des statistiques de risque. Un régime universel d'assurance-médicaments de qualité, comme il en existe dans de nombreux pays à économie avancée dans le monde, notamment au Royaume-Uni, en Allemagne, en Nouvelle-Zélande et en France, se fonde sur les besoins plutôt que sur les risques. Mais l'évaluation de ces besoins est aléatoire. Il s'agit souvent d'un exercice de réflexion du type « laissons le marché décider ».

La valeur d'un régime d'assurance-médicaments – quelle que soit la forme qu'il prenne – repose sur des critères/indicateurs déterminés.

Au Canada, les bénéfices que réalisent les compagnies sur les médicaments s'échelonnent entre 16 et 22 %, et peuvent même dépasser de beaucoup ces pourcentages dans certains cas. Un programme fédéral d'assurance-médicaments peut remplir toutes les fonctions, pour ce qui est de fournir des médicaments, et gérer le tout avec beaucoup moins de frais généraux. Il est possible de ménager une marge de manœuvre confortable pour couvrir les coûts administratifs et autres en empêchant d'énormes profits de refluer vers des compagnies dont bon nombre ne sont même pas basées au Canada.

Il est décevant de constater que la proposition de régime d'assurance-médicaments du début de l'année 2024 ne prévoit pas la mise en place de listes de médicaments couverts. De telles listes peuvent se résumer à un inventaire de médicaments acceptés, avec les prix correspondants, mais peuvent aussi prévoir des lieux d'entreposage des produits et des moyens de les distribuer. Les administrateurs de programme négocient des achats en gros auprès des fabricants de médicaments à des conditions beaucoup plus favorables que si les pharmacies locales ou même les grandes et très rentables sociétés franchisées dont elles dépendent faisaient cavalier seul.

Lorsque le gouvernement légifère sur des programmes, les règlements définissent le financement et précisent qui est censé faire le travail, en plus de mettre en place un moyen de mesurer le succès et de jauger les responsabilités des différents niveaux de gouvernement.

La recherche et le développement visant à améliorer l'assurance-médicaments reposent actuellement presque entièrement sur les laboratoires et les bureaux des compagnies pharmaceutiques. Des centres de recherche et de développement de taille modeste et généralement sous-financés au sein d'universités et d'hôpitaux financés par l'État jouent également un rôle. Pour s'y retrouver dans toutes les données, statistiques et autres informations recueillies, la recherche et l'analyse centralisées sont un moyen d'éviter la duplication des données et les recherches répétées dans les mêmes dossiers. Faute de telles mesures, un financement décousu et périodique engendrera plus de révisions à la baisse et de retards de financement, problèmes accompagnés d'une moindre disponibilité au niveau du marché et des possibilités de transport contribuant à des épisodes chaotiques de progressions subites, de dévoiements et même de reculs par rapport aux objectifs.

De nos jours, les tests de qualité et d'efficacité des médicaments sont effectués par des compagnies privées qui cherchent à obtenir des brevets afin de les vendre à des fins lucratives, ce qui permet de financer la prochaine génération de médicaments. Ces tests sont plutôt aléatoires et conditionnés par le marché. Même les « médicaments miracles » risquent de ne jamais voir le jour s'ils ne se vendent pas bien. Et le potentiel de vente dépend en grande partie des prix que la population est en mesure de payer, plutôt que de la qualité et de l'effectivité. Les efforts de promotion coûteux constituent un autre facteur de renchérissement du marché des prescriptions privées. Il suffit de regarder brièvement la télévision ou de parcourir les médias pour se voir servir des messages publicitaires sur des médicaments, et nous contribuons tous à les financer.

Un régime d'assurance-médicaments, pour être viable, doit être régi par des tests gérés et consolidés par des instances gouvernementales. Un tel régime doit reposer sur un accès aux médicaments fondé sur leur qualité plutôt que sur les efforts promotionnels des compagnies pharmaceutiques.

La gestion d'un programme d'assurance-médicaments efficace doit nécessairement être supervisé par un ministère, le ministre responsable et, dans certains cas, un organe législatif. Des organismes administratifs indépendants peuvent paraître opérer équitablement – ils sont censés être impartiaux et ne pas subir d'influence extérieure indue. Or, l'expérience nous montre qu'il n'en est rien. Un fonctionnement optimal, dans le respect de la mission et des principes à appliquer, suppose que les autorités soient réceptives et que remonte vers elles les informations sur les desiderata et besoins par le biais de débats publics, d'élections et, malheureusement, de lobbying. Il est à noter que la législation canadienne actuelle tente d'imposer la transparence en révélant les sujets des personnes qui s'y livrent et l'identité de celles-ci, l'étendue et la durée des activités de lobbying et les sommes dépensées dans le cadre de celles-ci. Les lecteurs motivés ont de quoi passer des week-ends entiers à dévorer les documents afférents.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui relève des Nations unies, de même que certains autres organismes, fournissent, dans toute la mesure du possible, des informations pertinentes au niveau mondial. L'OMS incite les décideurs à utiliser les données scientifiques et autres, les chiffres comparatifs, ainsi que toutes ressources disponibles. Un programme canadien d'assurance-médicaments reposant sur des bases saines ne saurait opérer efficacement qu'en coopérant pleinement avec l'OMS et en consacrant le temps et les fonds nécessaires à cette démarche.

Les médicaments pour la santé mentale et le traitement des maladies mentales devraient constituer un élément important du dispositif. Les militaires, la Gendarmerie royale du Canada, les Premières nations canadiennes et les programmes spéciaux de lutte contre le cancer seront gagnants s'ils peuvent bénéficier d'un programme d'assurance public couvrant les médicaments d'ordonnance. Les besoins en médicaments particuliers destinés à soigner les « maladies rares et orphelines » devraient probablement aussi en faire partie.

Le régime fédéral d'assurance-médicaments, quelle que soit la forme qu'il prenne, est appelé à être jugé selon les critères suivants : est-il complet, accessible, efficace ? Les solutions envisagées pourraient être aussi simples que le système actuel d'assurance-médicaments de la Colombie-Britannique, qui n'offre qu'une certaine couverture pour les prescriptions, ou inclure toutes les caractéristiques mentionnées ci-dessus.

Gestion d'un régime d'assurance-médicaments

Le fait est que l'assurance-médicaments est un objet de réforme dans un système capitaliste. Un autre fait est que l'économie est dominée par le capital financier, ce qui fait que le potentiel de profit oriente une grande partie des décisions. Et pas seulement le profit. De nos jours, le potentiel doit impliquer des perspectives de profit plus considérables qu'auparavant et supérieures à ce que les concurrents peuvent réaliser dans le système. L'assurance-médicaments vise en partie à empêcher que l'argent ne soit retiré du système de médicaments sur ordonnance sous la forme de profits, en particulier de profits excessifs, quoi que cela puisse signifier dans l'esprit des planificateurs et de la classe politique.

Lorsque les libéraux minoritaires ont négocié l'entente de soutien et de confiance avec le NPD et ont commencé à discuter de l'assurance-médicaments, ils ont demandé une consultation par l'intermédiaire d'une commission d'experts, de parties prenantes et de certains autres intervenants, ce qui a abouti au rapport Hoskins. Alors que les médias nationaux étaient focalisés sur une question centrale « Pouvons-nous nous le permettre ? » – une concession à leurs téléspectateurs et lecteurs, les contribuables assiégés – celle-ci pouvait être considérée comme acceptable si formulée de la bonne façon.

D'où pourrait bien venir l'argent ? On peut relever dans le rapport Hoskins des éléments critiques de ce point de vue :

• Le gouvernement devrait s'efforcer de capter et de réorienter tout ou partie de ce flux de financement.

• Des taxes spécifiques, telles que la TPS, devraient être augmentées.

• Une nouvelle taxe ou prime à payer par tout le monde devrait être imposée.

• La fiscalité générale devrait être utilisée pour financer l'assurance-médicaments de la même manière que l'assurance-maladie.

Abstraction faite des détails et points présentés, il n'est pas surprenant que le choix de la taxation générale ait été fait. Docteur Eric Hoskins présidait le conseil. Il avait été ministre dans un précédent gouvernement libéral de l'Ontario et la majorité trouvait que c'était une bonne idée que les des députés décident comment dépenser l'argent des contribuables, parce qu'ils ont beaucoup moins d'influence sur la façon dont les revenus de la fabrication et de la distribution des médicaments sont répartis si on laisse la prérogative au marché privé.

L'un des résultats très publics de cette démarche a été de présenter l'assurance-médicaments comme un coût pour les contribuables, plutôt que comme une ligne du grand livre comptable au titre des frais généraux administratifs et opérationnels. Un poste budgétaire aussi important que la vente au public de médicaments sur ordonnance est beaucoup moins sujet à des réductions et à des augmentations que ne le serait la décision du parlement en matière de politique fiscale et de dépenses.

Nous avons donc une proposition de programme, non encore présentée comme un projet de loi, avec essentiellement deux éléments à mettre en œuvre sous une forme que ceux d'entre nous qui se penchent sur la politique sociale appellent « gradualisme décentralisé ». En tant qu'objet de réforme dans un système capitaliste, le projet manque d'élan et de direction claire.

Ken Collier est un professeur retraité de travail social, de politique sociale et d'économie qui s'est récemment installé à North Bay, en Ontario. Il est actif au sein du Conseil des Canadiens, de la Coalition ontarienne de la santé et d'autres organisations. Il effectue des recherches et rédige des articles pour des publications progressistes militantes et axées sur la recherche.

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La propagande 101 comme arme de guerre.

26 mars 2024, par André Jacob — , ,
Dans une leçon de propagande 101 offerte par l'éditorialiste du Devoir du 11 mars dernier1, la journaliste Marie Vastel fait état de la condition des forces armées canadiennes (…)

Dans une leçon de propagande 101 offerte par l'éditorialiste du Devoir du 11 mars dernier1, la journaliste Marie Vastel fait état de la condition des forces armées canadiennes en utilisant une approche alarmiste au titre accrocheur : « L'armée canadienne, une armée en lambeaux ». En fait, son texte répercute tout simplement les demandes répétées des dirigeants des forces armées canadiennes, mais surtout des bonzes de l'OTAN qui chantent sur tous les tons que chaque pays membre de cette organisation guerrière accorde au moins 2 % de son produit intérieur brut (PIB) à son budget d'armements.

Madame Vastel renforce son propos pro-OTAN en répétant l'assertion d'un de ses dirigeants : « Nous allons avoir besoin de plus », a laissé tomber sans grande surprise Angus Lapsley, un sous-secrétaire général de l'OTAN, lors d'une conférence annuelle du milieu militaire à Ottawa la semaine dernière. » Ne discutons pas ! Aux armes !
À cet appel à un développement accéléré de l'arsenal militaire canadien, on pourrait ajouter les pressions des lobbyistes des fabricants d'armes toujours à la recherche de politiciens ou de politiciennes favorables à leur recherche des juteux contrats de l'État.

Pour justifier de telles demandes, la propagande guerrière utilise toujours le même procédé : l'ennemi serait à nos portes et nous menacerait, d'où l'urgence de préparer le pays à résister aux menaces par les armes. Refrain usé. En mettant de l'avant la menace d'un agresseur éventuel, on vise à obtenir l'assentiment de l'opinion publique à la nécessité de l'augmentation de la puissance militaire et, dans la même foulée, à la guerre. Évidemment, on ne propose pas un débat de société sur la politique militariste. Madame Vastel reprend la mélopée de la menace, argument typique de la propagande : « L'imprévisibilité du président russe, Vladimir Poutine, exacerbée par sa connivence avec Donald Trump, qui brigue de nouveau la présidence américaine, ne permet plus la même complaisance. Le Canada n'a plus à s'inquiéter seulement de rassurer ses alliés. Au-delà de l'atteinte d'une cible diplomatique et symbolique d'investissements, il y va de la souveraineté territoriale bien réelle du Canada. »

L'invasion de l'Ukraine par la Russie offre le prétexte tout désigné pour cultiver la peur par l'évocation d'une menace extrême, émotion qui permet de contourner facilement une analyse rigoureuse de la situation ; en outre, en utilisant le discours seriné par l'OTAN, présenté en sourdine comme le grand ami crédible sur tous les plans, on cherche à donner encore plus de poids à un argument fondé sur la menace : si la Russie a envahi l'Ukraine, elle pourrait aussi envahir n'importe quel autre pays. Sous quels motifs ? Quel serait son intérêt à le faire ? On n'explicite jamais cette assertion puisqu'on ne peut pas justifier ce scénario catastrophique. Il suffit de dire que la Russie constitue une menace. À l'inverse, on omet toujours, par exemple, de mentionner que l'OTAN a été un acteur politique et militaire important en Ukraine bien avant cette invasion ; à titre d'exemples, des contingents de militaires canadiens étaient déployés en Ukraine pour former des militaires ukrainiens ; le soutien des États-Unis à l'Ukraine depuis les années 90 a contribué à faire monter la pression contre la Russie, etc. En fait, l'OTAN vise le maintien d'une « guerre froide » contre la Russie depuis fort longtemps et exige toujours plus d'armes pour montrer sa puissance.

L'augmentation des budgets militaires devrait faire l'objet de débats en profondeur. Il ne s'agit pas seulement de pourcentage du budget consacré à l'armement, mais bien des motifs de la stratégie de toujours plus d'armes pour protéger les intérêts européens et américains. Une question se pose : est-ce que l'incommensurable force de frappe des États-Unis et de leur gigantesque réseau de centaines de bases militaires sur toutes les régions de la planète garantit plus de sécurité et de paix ? Est-ce qu'un Canada plus militarisé sera plus sécurisé ? Poser la question, c'est y répondre. Depuis la dernière guerre mondiale (1939-1945), dans différentes régions du monde, les conflits armés impliquant les États-Unis à l'avant-garde, les conflits armés extrêmement destructeurs et déstabilisants n'ont jamais abouti à solidifier les fondements de la démocratie et de la liberté. Les exemples ne manquent pas : Vietnam, Syrie, Afghanistan, etc. En d'autres termes, les arguments de la propagande guerrière de l'OTAN reprise constamment dans les médias ne visent pas le maintien de la paix, mais bien à développer plus de forces militaires en mesure de détruire de plus en plus un peu partout sur la planète. Peut-on entendre les dirigeants et ceux des pays occidentaux promouvoir des stratégies de médiation et de négociation et encore moins demander un ralentissement de la course aux armements. Jamais. Au contraire, on cherche à renforcer de plus en plus les arsenaux au nom de la sécurité et de la paix. Sophisme magistral que tout cela.

La duplicité du Canada dans sa propagande pro-Israël.

Depuis l'assaut de djihadistes contre des citoyens en Israël le 7 octobre 2023, le gouvernement canadien a répété sans cesse le mantra : Israël a le droit de se défendre. C'est le principe utilisé pour justifier son appui indéfectible à la politique belliciste du gouvernement israélien. Le motif principal, se défendre contre le Hamas, organisation jugée terroriste ; l'utilisation ad nauseam de ce mot suffit pour amplifier la dangerosité de l'ennemi et servir de socle à la propagande guerrière. Rien de nouveau.

Bien avant le 7 octobre, le gouvernement canadien facilitait la vente d'armes à Israël. Pourtant, dernièrement, venu de nulle part, le gouvernement canadien a fait couler l'information à l'effet qu'il retarde maintenant l'envoi de véhicules blindés à Israël. Tous les médias de communication ont transmis le message sans trop chercher à en expliciter la signification. Le prétexte serait qu'on ne veut pas que ces véhicules soient utilisés à des fins létales. Quelle hypocrisie ! On sait que les entreprises canadiennes vendent des armes à Israël depuis longtemps et elles ne servent pas de décorations, mais bien d'armes offensives et défensives. En d'autres termes, par ses armes, depuis les premières attaques israéliennes à Gaza, le Canada participe à cette guerre. Aujourd'hui, devant la révolte populaire internationale contre l'ignominie de la guerre américano-israélienne (les États-Unis appliquent toujours leur droit de veto pour demander que cesse cette boucherie) disproportionnée à Gaza, le gouvernement canadien tente de montrer patte blanche, mais il continue d'évoquer la menace terroriste du Hamas pour appuyer Israël.

Pourquoi s'agit-il d'une stratégie de propagande ? Premièrement, cette manœuvre de communication de masse en est une de diversion ; illustration parfaite d'une stratégie de propagande parce que l'on vise à mettre le voile sur le fait que le gouvernement canadien maintient toujours son soutien à Israël en raison de la dangerosité de l'ennemi, le Hamas ; en ce sens, ainsi on justifie l'utilisation d'une violence destructrice démesurée et funeste contre les Palestiniens et Palestiniennes prisonniers d'un minuscule territoire. Dans les discours officiels et des démarches à l'air diplomatique, on dit demander un cessez-le-feu, mais sans grand moyen de pression. Ainsi, alors que l'on applique de nouvelles sanctions économiques contre la Russie, on n'en fait absolument rien en Israël. Deux poids, deux mesures.

Deuxièmement, on évite ainsi de parler de la barbarie de cette guerre menée avec des armes sophistiquées en grand nombre contre des combattants du Hamas somme toute pas équipé pour affronter une puissance militaire armée par les pays occidentaux, les États-Unis en tête, suivis du Canada et des pays européens. Depuis octobre 2023, Israël poursuit la destruction de Gaza avec une telle impunité que ce drame contemporain est devenu le symbole d'une violation constante de la dignité humaine et des droits fondamentaux des Gazaouis. Bien sûr, du bout des lèvres, le gouvernement canadien dit s'associer à la demande mondiale d'un cessez-le-feu, mais sans grande combativité. On baisse aussi le rideau sur les violentes pratiques de colonisation d'Israël : violence et assassinat de paysans palestiniens, appropriation du territoire, arrestations arbitraires, etc.

Les opérations de propagande sont constantes et efficaces, mais les gens ne sont pas dupes. Il est possible de décortiquer la duplicité des vraies manœuvres du gouvernement canadien, commerçant d'armes comme les autres pays occidentaux qui endossent les perspectives colonialistes en fonction de leurs intérêts stratégiques sur le plan politique, économique et commercial.

Alors que les médias dominants reprennent sans cesse les arguments de la propagande proguerre, les organisations pacifistes et citoyennes trouvent rarement une écoute attentive dans les mêmes canaux. Autre débat.

André Jacob

18 mars 2024

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La semaine difficile d’un Premier ministre

26 mars 2024, par Pierre Jasmin — , ,
À sa présence humble et souriante à la 500e émission - enregistrée des semaines auparavant - de Tout le monde en parle, Justin Trudeau félicita sincèrement et de très bonne (…)

À sa présence humble et souriante à la 500e émission - enregistrée des semaines auparavant - de Tout le monde en parle, Justin Trudeau félicita sincèrement et de très bonne grâce l'ex-Première ministre Pauline Marois d'avoir eu la vision féministe dès 1997 d'instituer au Québec un système de garderies pour faciliter l'accès au travail des femmes, ce que lui-même cherche avec difficulté à implanter dans le ROC conservateur.

Par Pierre Jasmin, secrétaire général des Artistes pour la Paix 16 mars 2024

Trudeau - Dr Jekyll

Après une scène revue de TLMEP 2012 quand il reprochait à son père de n'avoir pas su garder son couple uni avec ses trois enfants, il répondit avec tristesse et beaucoup de sincérité avoir mis lui-même la politique au premier plan, avant le bonheur de sa propre famille éprouvée par un divorce qui selon les photos d'ELLE-Québec semble moins affecter Sophie Grégoire. Enfin, on a revu avec plaisir son baiser au fou du roi Turcotte avec une explication (avant-gardiste, il y a douze ans) sur son désir de marquer sa différence d'avec le rétrograde Harper sur le respect des droits LGBTQIA+.

En même temps que TLMEP, se tenait la 96e cérémonie des Oscars où la gagnante de la
meilleure chanson Billie Eilish et son frère compositeur portaient fièrement le badge rouge symbolisant le soutien au peuple palestinien et appelant à un cessez-le-feu. Le réalisateur récompensé du meilleur film étranger Zone d'intérêt a proclamé que Les choix de ce film ont été faits pour nous faire réfléchir et réagir dans le présent, pas pour qu'on se dise dans quelques années 'regardez ce qu'ils ont fait', mais pour qu'on se dise maintenant 'regardez ce qu'on fait'. Notre film montre là où a pu mener la déshumanisation la plus terrible. Et cela a forgé notre passé et notre présent. Aujourd'hui, nous nous tenons devant vous en refusant que notre judéité et l'Holocauste soient instrumentalisés par une occupation qui a mené à une guerre impliquant tant d'innocents.

Qu'il s'agisse des victimes du 7 octobre en Israël ou de celles des attaques incessantes qui se déroulent à Gaza, elles sont toutes des victimes de cette déshumanisation. »

Ses difficiles décisions de la semaine

Justement, par rapport à son allié Israël, s'il avait en un premier temps approuvé à l'automne une quarantaine de permis d'exportation d'armes (28.5 millions de $), applaudie par les conservateurs et les députés juifs de son propre parti, M. Trudeau a su prendre depuis le début d'année les décisions difficiles qui s'imposaient, sans doute éclairées par des reportages de grande qualité objective par la courageuse Marie-Ève Bédard sur place.

Notons l'entrevue de madame Dussault avec l'infirmière française Imane Maarifi, tout premier signe que Radio-Canada se préoccupe enfin de paix en regardant la vérité guerrière, loin de ses téléjournaux squattés par la météo, les nouvelles sportives et les insignifiances facebook telle la photo retouchée de Kate Middleton.

Notons aussi que :
en priorité vitale, répondant à nos appels, Trudeau a rétabli les fonds à l'UNRWA luttant contre la terrible famine des Palestiniens que même les Américains reconnaissent, avec leur tardif acheminement de vivres depuis l'île de Chypre vers un port bancal et il a rigoureusement et à juste titre refusé d'exporter des blindés commandés par Nétanyahou à une usine d'Ontario où pourtant, les votes d'employés grassement rémunérés seront cruciaux dans sa prochaine campagne électorale contre Pierre Poilièvre. Le Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA) a condamné le beau geste : « la suspension des exportations de matériel militaire non létal témoigne de l'échec moral du gouvernement libéral », s'est indigné son PDG, Shimon Koffler Fogel, par voie de communiqué complaisamment publié par nos médias, contrairement à nos appels à une paix négociée, tous censurés par nos médias aux mêmes proprios d'industries militaires ;

Ottawa a annoncé une aide d'un million pour les Palestiniennes survivantes de violences sexuelles en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, immédiatement critiquée par l'envoyée spéciale d'Israël pour la lutte contre l'antisémitisme, Michal Cotler-Wunsh, dénonçant dans nos médias soumis « une trahison de l'engagement du Canada à protéger les principes fondamentaux de la vie et de la liberté par un honteux financement appuyant l'inversion des faits en matière de diffamation sanglante ». La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, n'a pas craint de répondre : « Nous croyons les femmes palestiniennes. Les allégations de violences sexuelles basées sur le genre à leur encontre doivent faire l'objet d'une enquête et les femmes palestiniennes doivent être soutenues. »

Les experts de l'ONU souhaitent d'ailleurs une enquête impartiale sur ces allégations et les Artistes pour la Paix appuient la manifestation pro-palestinienne du 23 mars, comme le font plus de 150 organismes et 110 personnalités publiques : Le Devoir 16 mars, page A5

Mr Hyde et les changements climatiques

Depuis 2017, Les Artistes pour la Paix critiquent la politique internationale canadiennei de ne pas appuyer le Traité sur l'interdiction des Armes Nucléaires, sous la pression de l'OTAN qui en écarte ses 32 pays membres. L'OTAN, que Trudeau appuie préférablement à l'Institut des Nations unies pour la recherche sur le désarmement, UNIDIR, lui réclameabusivement une dizaine de milliards de $ de plus annuellement pour un budget de la Défense avec des armes offensives coûteuses, tels des bombardiers F-35 : on connaît pourtant les milliers de morts annuelles, conséquences des bombardements de l'OTAN en Libye en 2011 du général canadien Charles Bouchard (nommé pdg de Lockheed Martin,producteur de F-35 et de frégates offensives Irving coûtant plus de cent milliards de $).

À dénoncer aussi son aberrante politique d'énergie pronucléaireii consistant à rendre plus laxiste la Commission canadienne de sûreté nucléaire(CCSN)iii , à laisser SNC-Lavalin devenir Atkinsréalis aux mains de deux compagnies du Texas, à amoindrir les opérations de surveillance des divers sites vieillissants (Pickering, Bruce, Point-Lepreau …), à encourager la production onéreuse et risquée de pollution incontrôlable de mini-réacteurs modulaires nucléaires (encore non-opérationnels !) avec des subventions d'un milliard de $ et, cerise sur le sundae, à donner le feu vert à la construction d'un dépotoir de déchets nucléaires à Chalk Riveriv ; on sait qu'il est à haut risque pour la potabilité de l'eau de l'Outaouais, donc des villes de Gatineau, Ottawa et Montréal, et qu'il est dénoncé par les Premières Nations y voyant un empiètement de leurs droits reconnus par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones de 2007, l'UNDRIP, signée parl'Australie en 2009 et par le Canada seulement en 2021 !

Ses décisions néfastes de doubler le pipeline Transmountain et de construire un gazoduc envahissant le territoire Wet'suwet'en risquent de lui coûter ses prochaines élections, vu que l'albertaine Danielle Smith et autres émules du « drill, baby drill » tel Pierre Poilièvre ne lui en ayant gardé aucune reconnaissance, continuent leurs attaques virulentes contre sa « taxe » sur le carbone. Nonobstant son énorme gaffe voulant aider les Maritimes appauvries, Trudeau s'est depuis lancé dans de sincères explications du système de taxes-remboursements, alors que toutes les provinces, même la libérale Terre-Neuve-Labrador, font pression pour empêcher la hausse prévue du 1er avril (sauf en Colombie-Britannique et au Québec ayant leur propre système avant-gardiste contre les changements climatiques). Espérons qu'il saura cette fois-ci résister à ses nombreuses tentations de plier.

Mr Hyde et l'immigration francophone Sa semaine se terminait avec une rencontre tendue avec le Premier ministre du Québec, François Legault, portant sur l'immigration. Le bilan de M. Trudeau est encore une fois médiocre à ce chapitre, vu son manque d'empressement à répondre aux problèmes du Québec aux prises avec un afflux de réfugiés demandeurs d'asile, incomparables nombre avec ceux dans les autres provinces. On sait que laisser pourrir une telle situation est à risque d'encourager les xénophobes racistes de la Meute et autres crypto-fascistes.

Et son bilan face à l'immigration risque de s'aggraver si M. Trudeau décidait de contester en Cour suprême, malgré les diverses décisions de justice et malgré les nombreux articles favorables dont celui de notre ami des APLP 2021 le professeur Daniel Turpv , la décision pourtant unanime de trois juges affirmant la constitutionnalité de la Loi 21 sur la laïcité.

En conclusion, nous sommes désolés de vous astreindre à tant de lectures, mais notre position de paix consiste à rectifier les mensonges des médias dominants, par exemple sur la guerre en Ukrainevi et cela nécessite de denses explications.

Notes

i http://www.artistespourlapaix.org/aplp-contre-la-bombe-nucleaire-avec-setsuko/

ii http://www.artistespourlapaix.org/declaration-une-energie-sure-abordable-et-respectueuse-du-climat-pour-toutes-et-tous/

iii L'inspection des centrales nucléaires canadiennes a montré que dans 75% des cas le cahier des charges sur la surveillance des réacteurs n'était pas suivi, un élément « vraiment inacceptable », a révélé en octobre 2016 un rapport parlementaire au vitriol. La situation « est assez grave », s'est indignée en conférence de presse Julie Gelfand, Commissaire à l'environnement et au développement durable, qui relève du Parlement.Au terme de l'audit des quatre centrales nucléaires (19 réacteurs) que compte le Canada, la responsable regrette que la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) « n'a pas pu démontrer que ses plans prévoyaient un nombre suffisant d'inspections. Un tel manque de précision, dans une industrie de précision, est vraiment inacceptable », a-t-elle dénoncé. « Ce genre d'erreurs n'a pas sa place quand on parle d'une industrie nucléaire ».

iv http://www.artistespourlapaix.org/canada-etat-de-droit-assujetti-au-nucleaire-2/

v https://www.lautjournal.info/20240315/cour-dappel-precieux-enseignements-sur-les-droits-linguistiques-la-culture-et-la-religion

vi http://www.artistespourlapaix.org/dix-ans-de-guerre-en-ukraine/

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Urgence d’un examen ARTEMIS du projet de Chalk River !

26 mars 2024, par Collectif — , ,
Comme contribuables, nous sommes inquiets de voir exploser les coûts et les risques pour les Canadiens depuis que le gouvernement Harper a confié à un consortium du secteur (…)

Comme contribuables, nous sommes inquiets de voir exploser les coûts et les risques pour les Canadiens depuis que le gouvernement Harper a confié à un consortium du secteur privé, en 2015, la gestion de tous les sites nucléaires et déchets radioactifs du gouvernement fédéral.

Source

Monsieur le Premier ministre,

Comme contribuables, nous sommes inquiets de voir exploser les coûts et les risques pour les Canadiens depuis que le gouvernement Harper a confié à un consortium du secteur privé, en 2015, la gestion de tous les sites nucléaires et déchets radioactifs du gouvernement fédéral. Le consortium s'appelle Canadian National Energy Alliance (CNEA) même si deux de ses membres sont basés aux États-Unis. Depuis que le consortium a pris le relais, les coûts d'exploitation et de nettoyage des déchets radioactifs aux Laboratoires nucléaires canadiens ont explosé, passant de 336 millions de dollars par an à plus de 1,5 milliard de dollars par an. Le consortium propose des projets de piètre qualité qui ne sont pas conformes aux normes de sécurité internationales pour les déchets radioactifs.

La Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) vient tout juste d'autoriser la construction d'une Installation de gestion des déchets radioactifs près de la surface (IGDPS) sur les terres de la Couronne, à Chalk River. Qu'un projet aussi précaire ait été pris au sérieux, comme solution permanente, témoigne de la mauvaise gouvernance de l'industrie nucléaire canadienne ; ceci démontre l'incapacité ou le manque de volonté de la CCSN de contrôler l'industrie nucléaire qu'elle est censée réglementer.

Le 14 février, vous avez déclaré que « la CCSN est indépendante, qu'elle n'approuve les projets qu'après des évaluations rigoureuses, et que le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles n'intervient aucunement dans les décisions de la Commission ».

Voici pourquoi nous réfutons cette affirmation :

On reproche souvent à la CCSN son manque d'indépendance vis-à-vis l'industrie nucléaire.

Le ministère des Ressources naturelles, qui favorise l'essor nucléaire, a été impliqué
puisque trois représentants de ce ministère (J. Adams, P.W. Yuen et W. Smith) sont mentionnés dans le compte rendu de décision approuvant l'IGDPS.

Cette décision de la CCSN se bute déjà à deux recours juridiques déposés devant la Cour fédérale. Il y en aura d'autres si le ministre Guilbeault accorde le permis de déboiser le site de l'IGDPS malgré la preuve d'espèces en péril.

Voilà pourquoi nous vous proposons de faire immédiatement appel aux experts internationaux de l'Agence internationale de l'Énergie atomique (AIEA) pour qu'ils soumettent les projets d'élimination des déchets radioactifs du gouvernement fédéral àun examen ARTEMIS.

Ce mécanisme est disponible à tous les États membres de l'AIEA. Il fournirait au gouvernement canadien de précieux conseils d'experts pour la gestion de son héritage volumineux des déchets radioactifs. Un examen ARTEMIS serait une manière efficace d'éclairer le gouvernement canadien pour optimiser ses ressources et gérer ses déchets radioactifs ; ceci permettrait de suivre les meilleures pratiques internationales pour assurer la sécurité du public et de notre environnement pendant de nombreuses générations.

L'IGDPS sera une gigantesque décharge radioactive en surface près de la rivière des Outaouais. Elle ne pourra pas isoler assez longtemps de la biosphère le million de tonnes de déchets prévu, dont certains seront radioactifs pour des millénaires.

« L'IGDPS n'est pas conforme aux normes internationales de sécurité », soutiennentles experts chevronnés qui ont déjà eu la responsabilité des déchets radioactifs de Chalk River (avant le consortium). Cesvétérans ont caractérisé les déchets accumulés au cours des 80 années de pollution des laboratoires de Chalk River. Ils ont souligné le danger que la durée de vie millénaire de plusieurs déchets radioactifs dépasse énormément la vie utile de l'IGDPS, qui est seulement de 550 ans.

L'installationconnaîtra des fuites pendant son exploitation. Elle sedésagrègera peu à peu et son contenu se répandra dans l'environnement. Le plutonium et d'autres polluants radioactifs de longue durée de vie s'écouleront dans la rivière des Outaouais jusqu'au fleuve Saint-Laurent, contaminant l'eau potable de millions de Canadiens. Tous les contaminants radioactifs augmentent les risques de cancer, de malformations congénitales et de mutations génétiques dans les populations exposées.

Dix des onze Premières nations algonquines, qui vivent depuis des millénaires dans le bassin de la rivière des Outaouais, affirmentqu'elles refusent l'IGDPS sur leur territoire non cédé. L'Assemblée des Premières Nations et plus de 140 municipalités (dont Ottawa, Gatineau et Montréal), ont adopté des résolutions de préoccupation et/ou d'opposition à l'IGDPS.

Qui d'autre tirerait des avantages de l'IGDPS à part les actionnaires des trois multinationales impliquées ?

Lapétition électronique 4676 de la Chambre des communes demande aussi un examen ARTEMIS. Elle a recueilli 3 000 signatures en 30 jours, pendant la période des fêtes de fin d'année. La pétition demande également au gouvernement canadien de respecter le principe de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, selon laquelle il faut obtenir le « consentement préalable, libre et éclairé » d'un peuple autochtone avant de stocker des déchets dangereux sur son territoire.

Le Cabinet fédéral, au nom du gouvernement canadien, devrait demander immédiatement à l'AIEA un examen ARTEMIS des grands projets au Canada visant à éliminer de façon permanente l'héritage de déchets radioactifs du gouvernement. Il convient donc de le faire car le gouvernement du Canada est le propriétaire des déchets et du terrain et c'est lui qui paie les factures pour les travaux effectués par le consortium CNEA. Le Cabinet peut demander un examen ARTEMIS à l'AIEA par courriel à ARTEMIS@iaea.org.

Nous comptons sur votre leadership au sein du cabinet et nous espérons apprendre bientôt que votre gouvernement demandera une révision ARTEMIS dans l'intérêt de tous les Canadiens et des générations futures.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Premier ministre, l'expression de nos salutations distinguées,

Ginette Charbonneau, Ralliement contre la pollution radioactive

Gordon Edwards, PhD, Regroupement pour la surveillance du nucléaire

Ole Hendrickson, PhD, Citoyens inquiets du comté de Renfrew et de sa région

Jean-Pierre Finet, Regroupement des organismes environnementaux en énergie

Rebecca Pétrin, Eau secours

André Bélanger, Fondation Rivières

Lucie Sauvé, Collectif scientifique sur les enjeux énergétiques au Québec

Eric Notebaert, MD, Association canadienne des médecins pour l'environnement.

Deb Powell, Pontiac Environment Protection

Joann McCann, Old Fort William (Quebec) Cottagers' Association

Eva Schacherl, Conseil des Canadiens (section d'Ottawa)

Paul Johannis, Alliance pour les espaces verts dans la capitale du Canada

John McDonnell, Société pour la nature et les parcs du Canada (section de la vallée de l'Outaouais)

Lien facebook

https://www.facebook.com/ralliementcontrelapollutionradioactive

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Pour la CAQ, la sécurité des femmes n’en vaut pas le coût !

26 mars 2024, par Stéphanie Vallée — , ,
50 féminicides depuis 2020. Les statistiques sont là, les besoins aussi. Les Maisons d'hébergement de première et deuxième étape sont remplies. Il manque de places. Dans (…)

50 féminicides depuis 2020. Les statistiques sont là, les besoins aussi. Les Maisons d'hébergement de première et deuxième étape sont remplies. Il manque de places. Dans certaines régions, ces maisons sont même inexistantes.

L'R des centres de femmes et ses membres sont furieux face au désengagement de la CAQ et de la ministre de l'Habitation, France-Élaine Duranceau, dans les projets d'implantation de nouvelles maisons d'hébergement.

Les projets bloqués ne sont pas que des maisons, c'est aussi l'implantation de nouveaux services essentiels dans les communautés qui resteront absents. Par exemple, la prévention et la sensibilisation à la violence conjugale et aux relations amoureuses toxiques faites pour enrayer toute violence, les services post-séparation parce que ce sont des moments cruciaux lors d'un vécu de violence conjugale.

L'impuissance au quotidien
Partout au Québec les centres de femmes sont présents pour de nombreuses femmes victimes de violence conjugale. Leur travail autant avant, pendant et après les vécus de violence leur permet de constater l'ampleur de la problématique.

Le manque de places et l'absence de maisons d'hébergement de première et de deuxième étape dans certaines régions, les amènent constamment à faire face aux sentiments d'impuissance et d'inquiétude de voir une femme victime de violence conjugale retourner dans son milieu violent faute d'espace sécuritaire à proximité pour pouvoir se réfugier. Cette réalité douloureuse, les intervenantes des centres de femmes y font régulièrement face.

Il est donc impensable que ces femmes doivent attendre que des places se libèrent en maison d'hébergement pour fuir une situation de violence, et ce de façon urgente. Sachant que la décision de partir n'est pas facile à prendre et que, lorsqu'elle est prise, ce n'est pas dans quelques jours ou quelques semaines... c'est maintenant.

Investissement

La CAQ, lors du dépôt de son budget, n'a-t-elle pas dit que sa priorité était la santé ? L'investissement est primordial. C'est une question de vie ou de mort pour ces femmes. L'R des centres de femmes du Québec et ses membres demandent à la CAQ de respecter ses engagements, et ce rapidement.

Les belles promesses faites avec Rebâtir la confiance sont-elles oubliées, mises de côté ? Le gouvernement met des femmes en danger s'il persiste à retarder les démarches pour ouvrir ces 630 nouvelles places. On se rend maintenant compte que la priorité de la CAQ n'est plus la sécurité des femmes.

Est-ce que la ministre Duranceau et son gouvernement sont prêts à prendre la responsabilité des futurs féminicides ?

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Dépôt de la pétition pour la modernisation de la notion de vie maritale pour les prestataires de l’aide sociale

26 mars 2024, par Rose du Nord — , ,
Québec, le 19 mars 2024 – Des militantes et militants des groupes de défense des droits des personnes assistées sociales des régions de la Capitale-Nationale et de (…)

Québec, le 19 mars 2024 – Des militantes et militants des groupes de défense des droits des personnes assistées sociales des régions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches étaient présent·e·s à l'Assemblée nationale pour le dépôt d'une pétition pour la modernisation de la notion de vie maritale pour les prestataires de l'aide
sociale.

Cette pétition, qui est une initiative du comité femmes du Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ), est le fruit d'un travail de plusieurs groupes de défense des droits des personnes assistées sociales qui se sont mobilisés partout à travers le Québec afin de récolter plusieurs milliers de signatures. La notion de
vie maritale cause de grands préjudices aux prestataires de l'aide sociale notamment en
leur coupant leur prestation.

« Le chèque d'aide sociale d'un couple est plus petit que la somme de deux chèques attribués à une personne seule, dans le cas de personnes sans contraintes à l'emploi reconnues par le Ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, on parle de presque 400 $ de différence entre ces deux situations, c'est une énorme différence dans le budget des
gens !
», s'exclame Esther Baillargeon, militante salariée à l'Association pour la défense des droits sociaux de la Rive-Sud.

Les groupes de défense des droits des personnes assistées sociales réclament l'individualisation des prestations d'aide sociale depuis plusieurs années. « Une personne = chèque », c'est ce que l'on pouvait lire sur une bannière déployée par les militantes et militants des groupes ce matin face à l'Assemblée nationale.

La situation est aussi terrible pour les personnes ayant un conjoint qui travaille, à part pour les prestataires au programme Revenu de base (contraintes sévères à l'emploi de longue durée), l'état s'attend à ce que ce soit le conjoint qui travaille qui fasse vivre son partenaire. Cette situation est inadmissible, autant pour les conjoints assistés sociales ou
les conjoints travailleurs. Cela impose un choix impossible : l'amour ou leur revenu.

« Le fait qu'une seule prestation d'aide sociale soit distribuée pour deux personnes met à mal l'autonomie des personnes et peut causer des situations de contrôle ou de violence au sein du couple, ces règles sont vétustes et n'ont plus leur place en 2024 » déplore Katherine Lortie, militante salariée à ROSE du Nord.

Les groupes dénoncent aussi la surveillance accrue qui est imposée aux personnes assistées sociales dans le cadre de la vie maritale. Dans certains cas, des agents de l'aide sociale enquêtent sur les prestataires pour déterminer s'ils ou elles sont en couple. Ces enquêtes peuvent aller jusqu'à se renseigner chez les voisins ou dans des commerces
causant un grand stress pour les personnes prestataires d'aide sociale. Des pénalités importantes sous forme de dettes remboursées à même les prestations déjà minces sont prévues lorsqu'une personne se voit imposer la vie maritale après une « fausse déclaration ». Ce régime punitif doit se terminer dès maintenant, permettons aux
personnes assistées sociales d'être en amour !

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Contre le comité de "sages" : appel à l’action

26 mars 2024, par Collectif — , ,
La CAQ a cédé honteusement aux mobilisations transphobes et a décidé de nommer un “comité de sages”, qui décidera du futur des communautés trans et non-binaires. Nous exigeons (…)

La CAQ a cédé honteusement aux mobilisations transphobes et a décidé de nommer un “comité de sages”, qui décidera du futur des communautés trans et non-binaires. Nous exigeons la dissolution immédiate de ce comité car :

Ce comité est composé exclusivement de personnes cis (non-trans), qui n'ont même aucune expertise académique ou d'intervention auprès des personnes trans. La majorité d'entre eux entretiennent par contre des affinités connues avec des groupes transphobes. Tout cela est fondé sur la présupposition selon laquelle les personnes trans et non binaires seraient incapables d'être “sages”, raisonnables et impartiales. Nous revendiquons la reconnaissance des savoirs expérientiels, universitaires et communautaires LGBTQ+ ; nous revendiquons notre auto-détermination !

L'existence de ce comité a pour but de légitimer les demandes de la droite et de l'extrême droite transphobe. Se pliant à leur agitation, le gouvernement a choisi de mettre sur pause toutes les avancées sociales pour les communautés trans. Il le fait au mépris de ses propres institutions, ignorant l'existence du Bureau de lutte contre l'homophobie et la transphobie et de son plan d'action. Ce n'est pas la première fois que la CAQ s'attaque aux communautés trans : on se rappelle le Projet de Loi 2. Nous continuerons de nous défendre face à ce gouvernement transphobe !

Ce comité vise à questionner la légitimité des personnes trans et en faire des objets de débat dans l'espace public. Ce type de mise en scène médiatique a toujours eu comme conséquence d'augmenter les violences et les crimes haineux contre les personnes trans et non conformes dans le genre. Le “problème trans” n'existe pas : nos existences ne sont pas à débattre. Nous continuerons de lutter pour la sécurité et la dignité des personnes trans et non-binaires !

La création de ce comité fait partie du backlash international contre les communautés LGBTQ+. Les agitateurs conservateurs mobilisent leurs bases en présentant les personnes trans comme un danger pour les enfants. Ni les homosexuel.les, ni les drag-queens, ni les personnes trans ne constituent un danger pour la jeunesse. Ce sont plutôt les adultes autoritaires et intolérants qui mettent en danger le bien-être des enfants. Nous continuerons de lutter pour un monde dans lequel tous les enfants se sentent libres de s'exprimer et de s'épanouir sans crainte ni jugement !

Ce comité est influencé par un mouvement réactionnaire qui se dit féministe, prétendant que les femmes trans représenteraient un danger pour les femmes cis. Au contraire, la libération des femmes trans contribue à la libération de toutes les femmes. Combattre pour l'autonomie des individus sur leurs corps, c'est se battre autant pour l'accès aux hormones que pour l'accès à l'avortement. Nous continuerons de lutter pour un monde libéré du patriarcat !

Le gouvernement derrière ce comité est le même qui détruit les milieux de la santé et de l'éducation. C'est le même gouvernement qui s'attaque aux droits des locataires. C'est le même gouvernement qui s'attaque à la liberté religieuse des minorités et qui s'oppose à tout effort de paix en Palestine. Nous souhaitons inscrire cette lutte dans une perspective de solidarité et créer un front commun face aux dérives autoritaires et réactionnaires du pouvoir !

Nous revendiquons la libération trans. En ce sens, nous voulons bâtir un monde qui accueille les individus dans leur diversité et défend leur droit de disposer de leurs corps. Nous voulons aussi créer une société qui accompagne les gens dans leur exploration et affirmation de genre. Nous considérons que se libérer de l'imposition d'une stricte binarité de genre est bénéfique pour l'ensemble de la population. Nous continuerons de lutter pour un monde qui ne sème pas le mal-être, l'inconfort et la haine, mais qui nourrit la joie et l'euphorie.

Nous appelons à un soulèvement contre la CAQ et son comité de soi-disant “sages”. Nous appelons à l'auto-organisation de toustes celleux qui veulent lutter contre la transphobie. Nous vous invitons à former des groupes affinitaires, à mobiliser vos organisations et à créer des comités. Par la diversité des tactiques, nous comptons faire reculer ce gouvernement et construire un futur pour toustes !

Face au comité de “sages”, NOUS NE SERONS PAS SAGES.

Signez l'appel. Pour endosser l'appel, personnellement ou au nom d'une organisation, ou pour nous signifier votre intérêt à vous impliquer et rester en contact avec nous, remplissez le formulaire.

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Tableau de bord et palmarès : faisons le point !

26 mars 2024, par Nathalie Chabot — , , ,
En début de semaine, le ministre de l'Éducation, Bernard Drainville, a lancé avec fierté son « Tableau de bord en éducation ». Bonne ou mauvaise initiative ? La réponse courte (…)

En début de semaine, le ministre de l'Éducation, Bernard Drainville, a lancé avec fierté son « Tableau de bord en éducation ». Bonne ou mauvaise initiative ? La réponse courte pourrait être : ça dépend de l'objectif poursuivi et de l'usage qui en sera fait. Attention de ne pas s'égarer en chemin !

Tiré de Ma CSQ cette semaine.

En début de semaine, le ministre de l'Éducation, Bernard Drainville, a lancé avec fierté son « Tableau de bord en éducation ». Bonne ou mauvaise initiative ? La réponse courte pourrait être : ça dépend de l'objectif poursuivi et de l'usage qui en sera fait. Attention de ne pas s'égarer en chemin !

Pour le moment, les données présentées dans le tableau de bord étaient pour la plupart déjà disponibles, mais éparpillées et difficiles à trouver. Le tableau de bord a donc au moins le mérite de les rassembler en un seul endroit. Ce n'est pas sans rappeler la belle époque où l'on pouvait recevoir chaque année le cahier des indicateurs de l'éducation de la part du ministère. Selon les dires du ministre Drainville, l'information disponible serait enrichie au fil du temps, ce qui pourrait s'avérer utile pour affiner nos perspectives sur le réseau.

Se baser sur les faits et non sur les perceptions

Le besoin d'informations pour mieux connaitre les défis auxquels fait face le système d'éducation est reconnu depuis longtemps. C'est essentiel pour orienter les décisions du ministre de l'Éducation, tout comme celles des centres de services scolaires (CSS) et des établissements d'enseignement.

L'accès aux données pour la recherche est tout aussi fondamental pour raffiner la compréhension des enjeux de l'éducation. Cet accès a été amélioré il y a quelques années grâce aux services d'accès aux données de recherche de l'Institut de la statistique du Québec, qui comprennent les données de l'éducation[1]. Ce meilleur accès pour les chercheurs, combiné au tableau de bord en éducation, contribue assurément à une plus grande transparence.

Cela étant dit, l'accès à des données est pertinent dans la mesure où il permet une plus grande connaissance et une meilleure compréhension des phénomènes.

Les dangers de comparer

D'aucuns diront que comparaison rime avec amélioration, mais cela rime aussi avec compétition et pression, avec tous les revers que cela peut avoir pour l'éducation, pour les gens qui y travaillent, pour les élèves et leurs parents. Si l'on ne fait pas attention, le nouveau tableau de bord du ministre de l'Éducation pourrait causer plus de tort que de bien.

Cette crainte est à mettre en relief avec l'adoption récente de nouvelles dispositions législatives qui font en sorte que les directions générales des centres de services scolaires seront dorénavant nommées sur recommandation du ministre, qui obligent les CSS à conclure des ententes annuelles de gestion et d'imputabilité et permettent au ministre de renverser une décision d'un CSS, s'il est d'avis que cette décision n'est pas conforme aux cibles, aux objectifs et aux orientations qu'il établit.

Le retour de la « gestion axée sur les résultats »

Tout est en place pour inciter fortement les gestionnaires du réseau de l'éducation à démontrer qu'ils « ont de bons résultats » dans le tableau de bord. Plus la pression pour atteindre des cibles de réussite est forte, plus on pousse à de mauvaises pratiques. Il n'y a alors qu'un pas à franchir pour orienter le travail des enseignantes et enseignants vers l'évaluation, plus que vers l'apprentissage, ou encore pour faire pression afin qu'ils modifient leurs notes de manière à avoir de « bons chiffres » pour le tableau de bord, entre autres exemples.

Finalement, pour reprendre les mots d'un chercheur qui a abondamment étudié ce type de gestion en éducation, Christian Maroy, « l'école n'est plus définie comme une institution qui est un milieu de vie, mais comme une organisation mobilisée sur des résultats[2] ».

Les « bonnes écoles » ou les « mauvaises écoles »

La crainte de voir primer la compétition et la pression par la lorgnette du tableau de bord est aussi soutenue par l'idée lancée par le ministre d'instaurer éventuellement un palmarès des écoles. Les limites de ce genre d'exercice ont maintes fois été démontrées. Cela ne permet pas de prendre en compte les défis fort différents auxquels font face les écoles et ne rend pas justice aux efforts et au travail effectué pour soutenir la réussite de toutes et tous, peu importe sa condition personnelle et sociale. Pour certaines équipes-écoles, cela peut avoir un effet profondément démobilisant.

Un palmarès ne ferait qu'encourager une compétition malsaine entre les écoles. Offrir quelques données quantitatives disparates aux parents, est-ce la meilleure façon de leur fournir l'information sur l'éducation de leurs enfants ? En quoi cela permet de vraiment connaitre le milieu scolaire ?

Inviter les parents à consulter le projet éducatif de l'école et à s'impliquer davantage au sein de celle-ci peut leur permettre d'obtenir une information beaucoup plus riche. Cela permet de s'approprier les valeurs mises de l'avant, de comprendre le contexte dans lequel l'école évolue, les grandes orientations en matière d'instruction, de socialisation et de qualification, ainsi que les objectifs qui guident le travail de l'équipe-école.

En résumé, des écoles plus transparentes et des décisions mieux éclairées par les faits, c'est oui. Une pression accrue sur les milieux et un détournement des données en vue de placer les écoles en compétition les unes avec les autres, c'est non. Espérons que le ministre n'ira pas de l'avant avec ce projet de palmarès. À ce dernier, qui s'étonne que cette idée soit dénoncée par les partenaires du réseau de l'éducation ce serait peut-être une bonne idée d'entamer un dialogue avec eux pour mieux comprendre leurs réticences.

Notes

[1] Les données de l'éducation maintenant disponibles pour les chercheurs (statistique.quebec.ca)

[2] JARRAUD, François (2021). « Christian Maroy : l'école à l'épreuve du pilotage par les résultats », Le Café pédagogique [En ligne] (1er mars). [cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2021/03/01032021Article637501796627464444.aspx].

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La CSQ célèbre cinq décennies de luttes féministes

26 mars 2024, par Centrale des syndicats du Québec (CSQ) — , ,
Près de 300 personnes sont réunies, aujourd'hui, au Château Frontenac, à Québec, afin de souligner un moment historique : le 50e anniversaire du comité d'action féministe de la (…)

Près de 300 personnes sont réunies, aujourd'hui, au Château Frontenac, à Québec, afin de souligner un moment historique : le 50e anniversaire du comité d'action féministe de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ). En présence des membres actuelles du comité d'action féministe (CAF), d'anciennes responsables du comité, des quatre anciennes présidentes de la Centrale, Lorraine Pagé, Monique Richard, Louise Chabot et Sonia Ethier, et de centaines d'autres militantes et militants, la CSQ souligne cinquante ans d'engagement, de luttes et de progrès pour l'égalité entre les femmes et les hommes, et entre les femmes elles-mêmes.

Tiré de Ma CSQ cette semaine.

« Depuis sa création, le comité d'action féministe a été le fer de lance de luttes pour le droit des femmes au sein même de notre centrale, dans les milieux de travail, mais également au sein de la société. Il a été le phare guidant nos actions, illuminant le chemin vers un avenir plus juste et plus égalitaire. Aujourd'hui, nous nous réunissons pour rendre hommage à toutes ces femmes et ces hommes, aussi nos alliés, qui ont contribué à faire avancer cette noble cause », a dit la première vice-présidente de la CSQ, Line Camerlain, dès l'ouverture de l'évènement.

« En cinquante ans, notre comité d'action féministe a contribué à des avancées significatives dans de nombreux domaines. Grâce à nos efforts collectifs, nous avons obtenu des gains en matière d'équité salariale, de congés parentaux, de protection contre la discrimination, et bien plus encore », a-t-elle rappelé.

Une journée ancrée dans le présent et tournée vers l'avenir

Si le CAF et ses militantes « ont inspiré des générations entières de femmes et d'hommes à se lever et à se battre pour leurs droits », comme l'a dit Line Camerlain, la Centrale et son comité continuent d'être « une force motrice pour le changement, un catalyseur de progrès et un symbole d'espoir pour un avenir meilleur ».

Si cette journée de célébration est le moment de se rappeler les luttes féministes menées par des militantes engagées, c'est aussi l'occasion de se tourner vers l'avenir. Les personnes participantes à l'évènement ont d'ailleurs eu l'opportunité d'assister à des conférences et à des échanges sur différents enjeux, dont la valorisation des emplois à prédominance féminine, le mythe du mérite et de l'action positive et l'antiféminisme et son courant masculiniste.

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Comité de santé et de sécurité du travail dans les entreprises non syndiquées : réelle participation ou utopie ?

26 mars 2024, par PTAG — , , ,
Le jeudi 21 mars, le Front de défense des non-syndiqué-e-s (FDNS) a animé un webinaire intitulé Comité de santé et de sécurité du travail dans les entreprises non syndiquées : (…)

Le jeudi 21 mars, le Front de défense des non-syndiqué-e-s (FDNS) a animé un webinaire intitulé Comité de santé et de sécurité du travail dans les entreprises non syndiquées : réelle participation ou utopie ?

Nous reproduisons ci-dessous les audios des interventions des panélistes (Félix Lapan, Pierre Lefebvre, David Mandel et Geneviève Baril-Gingras). Nous annexons les différents diaporamas que nous avons reçus. Nous publions en introduction un texte que David Mandel a bien voulu nous faire parvenir qui présente les problématiques soulevées lors de cette rencontre.

En automne 2021 l'Assemblée nationale a adopté une « Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail » qui, entre autres, devait étendre à tous les travailleurs, toute les travailleuses le droit de participer à la prévention. L'ancienne loi accordait déjà des droits – en fait, beaucoup plus importants - mais ils n'ont jamais été mis en vigueur pour la grande majorité des travailleurs et travailleuses. Pas surprenant - on vit dans une démocratie, mais elle est capitaliste, et la participation des travailleurs et travailleuses à la prévention coûte au patrons de l'argent et du pouvoir.

La nouvelle loi « de modernisation » marque un net et sérieux recul en prévention (et en réparation aussi) par rapport à la législation précédente, et elle a été à très juste titre condamnée universellement par les syndicats et par les autres organisations qui défendent les travailleuses et les travailleurs.

Au début de février un comité paritaire (moitié patronale, moitié syndicale) de la CNÉEST a publié un projet de règlements pour concrétiser les droits des travailleurs et travailleuses en prévention. En ce qui concerne les non-syndiqué.e.s, le projet ne fait que répéter ce qui était déjà inscrit dans les règlements temporaires d'avril 2022, à savoir : « Lorsque les travailleurs d'un établissement ne sont pas représentés par aucune association accrédités (lire : syndicat), les représentants des travailleurs au sein du comité de santé et de sécurité sont désignés par scrutin, lors d'une assemblée convoquées à cette fin par un travailleurs de l'établissement. » Le caractère illusoire d'un tel règlement ne devrait pas demander d'explication. Le texte qui suit critique la stratégie, ou si l'on veut – l'idéologie – qui a contribué à l'adoption d'un projet de règlement si déficient du point de vue des travailleurs et des travailleuses.

Audio de la présentation des panélistes et interventions de Félix Lapan et Pierre Lefebvre de l'UTTAM (Union des travailleuses et travailleurs accidentés ou malades

Audio de l'intervention de David Mandel

Audio de la présentation de Geneviève Baril-Gingras

Documents des présentations

Présentation de Félix Lafan et Pierre Lefebvre -






Présentation de Geneviève Baril Gingras -






Message du FDNS

: Pour toute question concernant la relance du FDNS, n'hésitez pas à nous écrire à ce courriel-ci. fdns.qc@outlook.com. Vous pouvez aussi rester informé.e.s de nos activités à venir en suivant la page Facebook du FDNS.

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Le Canada doit s’attaquer au racisme et à la discrimination systémiques sur le marché du travail

26 mars 2024, par Congrès du travail du Canada (CTC) — , ,
À l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale, le 21 mars, les syndicats canadiens demandent au gouvernement fédéral de prendre des (…)

À l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale, le 21 mars, les syndicats canadiens demandent au gouvernement fédéral de prendre des mesures immédiates et concrètes pour lutter contre le racisme au sein de la population active. La première mesure à prendre consiste à actualiser la Loi sur l'équité en matière d'emploi en mettant en œuvre les réformes recommandées par le Groupe de travail sur l'examen de la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

La Loi sur l'équité en matière d'emploi est un outil essentiel dans nos efforts pour lutter contre le racisme en milieu de travail et remédier aux inégalités dont sont victimes les travailleuses et travailleurs noirs, autochtones et racialisés. Adoptée pour promouvoir l'égalité et éliminer les obstacles discriminatoires à l'emploi dans les lieux de travail régis par le gouvernement fédéral, la Loi fournit un cadre permettant aux employeurs de s'attaquer de manière proactive aux inégalités systémiques et d'assurer une représentation équitable de tous les groupes, y compris les peuples autochtones, les personnes ayant une incapacité, les femmes et les personnes racialisées – des groupes désignés en vertu de la Loi actuelle.

Si la Loi sur l'équité en matière d'emploi jette les bases du progrès, il reste encore beaucoup à faire pour réaliser pleinement son potentiel, qui peut être atteint par son actualisation. Le rapport du Groupe de travail sur l'examen de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, publié récemment à l'issue de consultations avec de nombreuses parties prenantes, dont les syndicats canadiens, contient un certain nombre de recommandations visant à renforcer et à améliorer l'efficacité de la Loi, y compris des mesures destinées à lutter contre le racisme et la discrimination systémiques dans les pratiques d'embauche, de promotion et de maintien dans l'emploi.

« Nous sommes fermement déterminés à lutter contre le racisme et la discrimination systémiques sur le marché du travail, afin d'assurer un avenir où chaque personne sera traitée avec dignité, respect et égalité, a déclaré Larry Rousseau, vice-président exécutif du Congrès du travail du Canada. Les recommandations formulées par le Groupe de travail offrent une occasion importante d'éradiquer les iniquités profondément ancrées et de prévenir les iniquités futures, ce qui est absolument essentiel pour s'attaquer au racisme systémique et s'assurer que les travailleuses et travailleurs noirs, autochtones et racialisés ne sont plus laissés pour compte. C'est ainsi que nous construirons une société exempte de discrimination, de racisme et de préjugés. »

Les recommandations du Groupe de travail comprennent l'investissement dans des initiatives ciblées pour soutenir le recrutement, la formation et l'avancement des groupes sous-représentés dans la main-d'œuvre, ainsi que la mise en place de mécanismes d'application robustes pour tenir les employeurs responsables du respect de la Loi.

La lutte contre le racisme et la discrimination sur le marché du travail est essentielle pour garantir l'équité pour tous les travailleurs et travailleuses. Les écarts de revenus en fonction de la race persistent, car les travailleuses et travailleurs autochtones, noirs et racialisés continuent d'être confrontés à des obstacles aux possibilités d'emploi, à des pratiques d'embauche discriminatoires, à des salaires inégaux et à des possibilités d'avancement limitées. Si l'on ne s'attaque pas à ces inégalités, on ne fera qu'exacerber les problèmes rencontrés par ces travailleuses et travailleurs et on perpétuera leur exclusion d'une participation pleine et équitable au marché du travail.

Les syndicats canadiens ont également un rôle à jouer en prenant des mesures proactives pour faire progresser l'équité en matière d'emploi au sein de leurs propres organisations. Il s'agit notamment de supprimer les obstacles à l'égalité des chances et à un traitement équitable, d'inscrire l'équité en matière d'emploi à l'ordre du jour des négociations et de veiller à ce que les personnes les plus concernées fassent partie des comités de négociation. D'autres mesures consistent à sensibiliser les membres à l'importance de l'équité en matière d'emploi, à former le personnel et les dirigeantes et dirigeants à cette question et à mettre en place des mécanismes de responsabilisation pour suivre les progrès de l'équité en matière d'emploi au sein de leur organisation. Enfin, il est essentiel que les syndicats défendent les politiques et les initiatives en faveur de l'équité en matière d'emploi, notamment en renforçant la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

Le rapport complet du Groupe de travail sur l'examen de la Loi sur l'équité en matière d'emploi est disponible ici (en anglais seulement).

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Northvolt : exigeons un BAPE et de la transparence

26 mars 2024, par Patrick Bonin — , ,
La giga-usine de batteries de la compagnie Northvolt est en voie de s'implanter en Montérégie sans qu'il n'y ait d'évaluation environnementale par le Bureau d'audience publique (…)

La giga-usine de batteries de la compagnie Northvolt est en voie de s'implanter en Montérégie sans qu'il n'y ait d'évaluation environnementale par le Bureau d'audience publique sur l'environnement (BAPE). Comment se peut-il que le plus grand projet industriel privé de l'histoire du Québec ne soit pas évalué de manière indépendante ? Parce que, attention : scandale… le gouvernement Legault, qui est juge et parti car il injecte des milliards de dollars dans le projet, a délibérément aidé Northvolt à éviter un examen du BAPE ! C'est un grave déni de démocratie environnementale, un manque flagrant de respect pour l'environnement et la population et une manière de fonctionner digne des années 60.

Tiré du site de Greenpeace Canada.

On ne peut accepter ce grave précédent sans réagir. Si le plus grand projet industriel privé de l'histoire du Québec n'est pas assez “gros” pour qu'il y ait un BAPE, quel projet le sera ?

Exigeons de la transparence et une évaluation environnementale indépendante

👉 Envoyez un courriel à Benoit Charette

Le gouvernement Legault a déjà permis que Northvolt coupe près de 9000 arbres et remblaie 61 des 92 milieux humides présents sur son site, soit environ 60 000 mètres carrés de milieux humides détruits. Au total, ce sont plus de 950 000 m2 de milieux naturels qui seront détruits. Mais tout n'est pas joué, la compagnie a aussi demandé une autorisation pour la construction de l'usine et devra en demander une pour l'exploitation de l'usine.

Plusieurs groupes environnementaux et groupes citoyens ont demandé la tenue d'une évaluation environnementale indépendante depuis l'annonce de l'implantation de l'usine de Northvolt en octobre 2023. Au total, plus de 180 groupes environnementaux, de syndicats, de médecins, de groupes citoyens et d'universitaires ont demandé un BAPE au gouvernement. Une évaluation environnementale indépendante et des audiences publiques sont essentielles pour protéger les citoyens et l'environnement. Le ministre a le pouvoir discrétionnaire de déclencher une telle évaluation.

L'implantation de cette usine aura de nombreux impacts sur la biodiversité du secteur qui abrite plusieurs espèces menacées. Elle aura aussi des impacts sur la qualité de l'air et de l'eau et potentiellement sur la santé de la population. Et elle aura des impacts sur tout le filet social – augmentation de trafic, défi pour le logement et les infrastructures de santé et scolaire pour faire face à l'augmentation du nombre de travailleur.euses, etc.

Demandez au ministre Charrette de déclencher une évaluation environnementale par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) sur l'ensemble de ce grand projet pour bien en saisir tous les enjeux. La transition écologique ne peut sans évaluation indépendante et sans audience publique !

Voici aussi ci-dessous quelques autres moyens d'agir :

👉 Envoyez un courriel à Benoit Charrette

✉️ Pour envoyer un courriel à Benoit Charette, ministre de l'Environnement, et mettre PierreFitzgibbon, ministre de l'Économie, utilisez le texte ci-dessous que vous pouvez copiez-collez.⬇️

Destinataires : ministre@environnement.gouv.qc.ca ; ministre@economie.gouv.qc.ca ;

Exemple de titre de courriel : Un BAPE pour Northvolt

Exemple de texte de courriel pour vous inspirer (vous pouvez copier-coller) :

Monsieur Charrette,

Plusieurs personnes sont préoccupées par la façon dont le projet Northvolt se développe, soit sans audience du Bureau d'audience publique sur l'environnement (BAPE) sur l'ensemble du projet. Je vous demande qu'un processus d'évaluation environnementale indépendante et des audiences publiques soient mis sur pied pour bien tenir compte des enjeux sanitaires, environnementaux et sociaux de grands projets. Je demande un BAPE pour Northvolt.

Cette giga-usine de batterie est « le plus gros projet industriel privé de toute l'histoire du Québec ». Comment se fait-il qu'un tel projet puisse se faire sans BAPE ? Nous savons que l'implantation d'une marina de 100 places, nécessite la tenue d'un BAPE et Northvolt, le plus grand projet industriel au Québec, y échappe ! C'est inacceptable !

Comme vous savez, ce projet évolue rapidement par l'obtention de permis par étape. Vous pouvez utiliser votre pouvoir discrétionnaire pour déclencher un BAPE à chacune des étapes. En aurez-vous le courage ?

Plusieurs aspects de ce projet sont préoccupants :

les dommages causés présentement à la biodiversité sur le site

la destruction des milieux humides – parmi les derniers de la Montérégie

l'impact du déplacement de terres contaminées sur le site et le risque que les contaminants se retrouvent dans le Richelieu

l'impact des contaminants qui seront rejetés dans l'air et dans l'eau pour la santé humaine

l'impact de l'afflux de 3000 travailleurs sur les services de santé et dans les écoles

l'augmentation de circulation aux environs du site

la grande consommation d'hydroélectricité de cette usine et les lacunes créées pour d'autres projets

le dézonage des terres agricoles pour soutenir la croissance démographique

l'impact sur le territoire québécois en lien avec l'extraction des matières premières

l'inconnu sur les impacts concrets que l'usine aura sur notre carboneutralité

etc.

Par-dessus tout, le manque de transparence de votre gouvernement me préoccupe grandement. À chaque jour de nouvelles informations sont divulguées. Et à chaque jour des doutes se créent à cause de ce manque de transparence.

Vous avez le pouvoir discrétionnaire et mandater le BAPE. C'est ce que je vous demande, tout comme les plus de 180 groupes environnementaux, de syndicats, de médecins, de groupes citoyens et d'universitaires qui l'ont déjà fait.

Je vous demande, M.Charette, de déclencher un BAPE sur l'ensemble de ce grand projet pour bien en saisir les enjeux et bonifier ce projet s'il va de l'avant. La transition écologique ne peut plus se faire sur le dos de la Nature !

Insérer votre signature

***

👉 Autres moyens d'agir :

✏️ Signez la pétition du Comité d'action citoyenne sur le projet Northvolt qui demande au ministre de la tenue d'une enquête du BAPE.

✏️ Signez la pétition demandant au le ministre de l'Environnement fédéral d'initier des audiences publiques et entreprendre une évaluation environnementale approfondie pour le projet Northvolt.

***

👉 Quelques liens pour en savoir davantage sur Northvolt :

Dossier de presse (très complet) du COMITÉ ACTION CITOYENNE PROJET NORTHVOLT, mise à jour le 19 mars 2024

Dès l'annonce du projet nous avons revendiqué un BAPE

180 groupes environnementaux, de syndicats, de médecins, de groupes citoyens et d'universitaires exigent un BAPE : lettre et article

Un récent sondage nous a appris que 68% des gens sont d'accord à ce que le projet de Northvolt soit soumis à un BAPE (seulement 24% sont en désaccord) alors que la majorité des Québécois(es) rejettent l'approche du gouvernement qui a modifié la réglementation, ce qui a eu pour effet de soustraire le projet de Northvolt à la tenue d'un BAPE obligatoire.

Des groupes environnementaux et des groupes citoyens locaux dénoncent les méthodes nuisibles du gouvernement du Québec en matière de développement industriel

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Manif-Action Bloquons Assomption - Mobilisation 6600 Parc-nature MHM

26 mars 2024, par Mobilisation 6600 Parc-Nature MHM — , ,
Montréal, 23 mars 2024** – Plus de 350 personnes ont bravé le froid pour manifester avecle mouvement citoyen Mobilisation 6600 Parc-nature MHM aujourd'hui en opposition (…)

Montréal, 23 mars 2024** – Plus de 350 personnes ont bravé le froid pour manifester avecle mouvement citoyen Mobilisation 6600 Parc-nature MHM aujourd'hui en opposition auprojet de prolongement du boulevard de l'Assomption et de l'autoroute Souligny dansMercier-Hochelaga-Maisonneuve.

**Après une marche dans le quartier, les manifestant.e.s ont bloqué symboliquement le boulevard de l'Assomption afin d'affirmer leur détermination à empêcher la réalisation du projet de prolongement mené par la Ville de Montréal et le Ministère des transports et de la mobilité durable du Québec.

« Le prolongement de ces routes vise à faciliter le transport de marchandises par camionet à servir ainsi les intérêts privés du Port de Montréal et de Ray-Mont Logistiques », a affirmé Anaïs Houde, co-porte-parole de Mobilisation 6600. « La Ville nous dit que cesroutes permettront d'apaiser la circulation. Il est pourtant prouvé scientifiquement que lacréation de nouvelles routes provoque le phénomène de « trafic induit ». La populationest très inquiète des impacts sur la santé et la qualité de vie du passage prévu de 22 000véhicules de plus par jour à proximité des résidences. Que ce soit clair : il n'y a aucune acceptabilité sociale au projet de prolongement Assomption-Souligny, et nous sommes déterminé.e.s à le bloquer », a-t-elle poursuivi.

Bien qu'un tiers du Boisé Steinberg ait été protégé par la Ville de Montréal à l'automne2022, le prolongement Assomption-Souligny menace directement la section la plus à l'estdu Boisé. « C'est inacceptable, même absurde, dans le contexte du réchauffementclimatique, que nos gouvernements dépensent pour construire une route de plus en pleine ville » a commenté Cassandre Charbonneau-Jobin, co-porte-parole de la mobilisation.

De plus, le prolongement de l'autoroute Souligny impliquerait la construction d'unéchangeur à 3 niveaux passant par-dessus les rails de chemin de fer du CN et de RayMont Logistiques. « Le projet de plateforme intermodale de Ray-Mont Logistiques nous pollue la vie : en plus du bruit, de la pollution atmosphérique et visuelle et de la vermine qu'il attire, il implique de réhabiliter une gare de triage à moins de 50 mètres d'habitations,de détruire des milieux naturels fréquentés par les habitant.e.s et de construire ces routes anachroniques. L'aménagement de notre quartier doit-il être décidé par une entreprise privée ? » demande Anaïs Houde.

La ville présentera son projet d'aménagement pour le secteur le 26 mars prochain, à 19h,au Cégep de Maisonneuve. « Nous serons là pour exprimer notre vision axée sur le droità un environnement sain, l'accès à la nature et l'innovation en matière de décontamination naturelle des sols et d'autonomie alimentaire. Une vision à mettre en contraste avec la bétonnisation qu'implique une route et l'expansion des activités industrielles lourdes qui en résultent. Aux projets de béton, nous opposons la protection du vivant » a affirméCassandre Charbonneau-Jobin.

La manifestation, festive et familiale, était organisée en collaboration avec le Conseil Central du Montréal Métropolitain – CSN, avec la participation de Rage climatique, lecirque Hors piste, le musicien SOV, la chorégraphe Karine Cloutier, Mères au front et l'Organisation Révolutionnaire Anarchiste (ORA).

À propos de Mobilisation 6600 Parc-Nature MHMMobilisation 6600 Parc-Nature MHM est un mouvement citoyen qui lutte depuis 2016 pour la préservation des espaces verts, de la santé et de la qualité de vie de la population de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve. Il revendique la création d'un Parc nature dans le quadrilatère Viau-Dickson-Hochelaga-Notre-Dame et s'oppose à l'installation de RayMont Logistiques.

Source : Mobilisation 6600 Parc-Nature MHM

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Aéroport de Saint-Hubert (YHU) : Un de perdu, dix de retrouvés !

26 mars 2024, par Coalition Halte-Air Saint-Hubert — , ,
Longueuil, 22 mars 2024. - La décision de Transport Canada d'interdire à partir d'avril 24 les vols de nuit du Boeing 737-200 de Chrono Aviation à l'aéroport de Saint-Hubert (…)

Longueuil, 22 mars 2024. - La décision de Transport Canada d'interdire à partir d'avril 24 les vols de nuit du Boeing 737-200 de Chrono Aviation à l'aéroport de Saint-Hubert constitue, selon la Coalition Halte-Air Saint-Hubert, la preuve indiscutable que le pouvoir politique a bien une emprise réelle sur le développement de cet aéroport, contrairement à ce
qu'ont laissé entendre plusieurs élu.e.s municipaux, provinciaux et fédéraux depuis plus d'un an.

En réaction à la mairesse Catherine Fournier qui, hier sur les ondes de Radio-Canada,saluait le courage dont le ministre [Pablo Rodriguez]avait fait preuve, la Coalition s'interroge : à quel courage fait référence la mairesse ? Est-ce celui d'interdire d'un trait de plume au Boeing 737-200 de réveiller des milliers de résidentes et résidents à 2h30 du matin ? Il a fallu des années pour obtenir cette décision pourtant pleine de bon sens, demandée par de
nombreuses associations de riverains et les mairies du secteur. Une décision d'interdiction bien tardive qui se justifie amplement par les conséquences sanitaires que provoque une telle pollution sonore.

La Coalition rappelle que Boeing 737-200 de Chrono est un avion totalement obsolète, ultra-polluant et ultra-bruyant, dont le décollage s'entend à plus de 10 kms à la ronde, et qu'il est interdit depuis des années dans de nombreux aéroports américains et européens pour cause de pollution sonore excessive. Arrivant en fin de vie, ces coucous volants sont condamnés à brève échéance aux dires mêmes de leur propriétaire Chrono Aviation.

Selon la Coalition, en mettant l'accent sur l'interdiction de vol d'un seul avion, la mairesse C. Fournier tente de camoufler la réalité du développement du Terminal Porter qu'elle défend depuis maintenant plus d'un an. 4 millions de passagers à terme, 11 000 par jour par rapport à 11 000 par année actuellement, ce qui représentera une centaine de vols chaque jour, 6 à 8 chaque heure, effectués par 5 compagnies aériennes, comme l'a assuré Michael Deluce, qui dirige Porter Airlines.

La Coalition fait également remarquer que si les élu.e.s municipaux de l'Agglomération voulaient vraiment avoir du courage, ils et elles demanderaient que les travaux de construction à l'aéroport de Saint-Hubert soient stoppés immédiatement, et que le projet de développement de l'aéroport soit déposé entièrement avec toutes les études d'impacts économiques, sanitaires, environnementaux et climatiques, afin d'être évalué publiquement sur tous ces aspects, comme on pouvait le lire dans les conclusions du rapport Trudel en
octobre 2022, ainsi que dans le rapport de l'Office de Participation publique de Longueuil
(OPPL) du 1er novembre suivant.

Pour la Coalition, en ne respectant pas les conclusions de ces deux rapports de consultation, la mairesse et tout son conseil trahissent la confiance de la population. La mairesse et tout son conseil ne peuvent en aucune façon clamer qu'il y a acceptabilité sociale du projet.

Pour information : coalition.halteair@gmail.com
https://www.facebook.com/coalitionhalteairSH
https://www.instagram.com/coalitionhalteairsh/
https://twitter.com/Coalition_YH

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« Zone d’intérêt » entre la Palestine, la Syrie et la condition humaine

« Zone d'intérêt » est un film glaçant par son réalisme, et par son extraordinaire capacité à incarner le sens de la « déshumanisation » et ce qu'elle peut engendrer en termes (…)

« Zone d'intérêt » est un film glaçant par son réalisme, et par son extraordinaire capacité à incarner le sens de la « déshumanisation » et ce qu'elle peut engendrer en termes d'atrocités. Glazer a déclaré que la compréhension de son film ne se réduit pas seulement au traitement du passé ou des atrocités historiques, mais s'inscrit aussi dans le contexte de ce qui se passe à Gaza aujourd'hui.

Tiré du blogue de l'auteur.

Le film Zone d'intérêt du réalisateur britannique Jonathan Glazer, lauréat de l'Oscar de cette année, a suscité une vive controverse parmi les écrivains et les professionnels de la culture et du cinéma en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Non en raison de son contenu, de sa cinématographie ou de la construction de ses personnages, mais à cause des propos tenus par son réalisateur dans son discours à la cérémonie des Oscars.

Glazer a déclaré que la compréhension de son film ne se réduit pas seulement au traitement du passé ou des atrocités historiques, mais s'inscrit aussi dans le contexte de ce qui se passe à Gaza aujourd'hui. Il a exprimé son rejet de l'instrumentalisation de l' « Holocauste » pour justifier les guerres en cours, la déshumanisation et la perpétration de crimes.

En réponse à son discours, plus d'un millier de personnalités du cinéma s'identifiant comme juives ont rejeté l'analogie qu'il aurait – selon elles - faite entre l'Holocauste et la guerre en Palestine depuis le 7 octobre 2023.

Par ailleurs, des intellectuels et des organisations juives progressistes ont défendu Glazer, estimant que le refus de confronter le passé au présent et la confiscation de la mémoire de l'« Holocauste » ne sont rien d'autre que des tentatives de dissimulation des crimes et de la « guerre génocidaire » menée par Israël contre les Palestiniens.

Naomi Klein, journaliste et universitaire féministe canadienne, a écrit un article percutant dans The Guardian dans lequel elle évoque l'habituation des gens à vivre près du génocide dont ils savent qu'il est en train de se produire. Comme le montre le film, seul un mur les sépare de son horreur. Elle interpelle sur le fait qu'aujourd'hui, nous soyons à quelques murs de Gaza, où des actes de génocide se produisent depuis près de six mois, sans que personne n'intervienne pour les faire cesser.

Entre la banalité du mal et l'amour des roses

L'histoire de Zone d'intérêt décrit les détails quotidiens de la vie de la famille d'un officier nazi allemand qui dirigeait le camp d'Auschwitz, où, sur ses ordres, les nazis ont brûlé des milliers de prisonniers juifs, après les avoir réduits à l'esclavage, torturés et pillé leurs biens.

Elle renvoie d'emblée à l'idée de « la banalité du mal », ou sa normalité telle qu'évoquée par Hanna Arendt dans son livre sur Eichmann.

La famille vit dans une maison située à quelques mètres des usines de la mort, d'où s'élève parfois une fumée indiquant que l'incinération des cadavres est en cours. Ils dorment, se réveillent, font des fêtes aux buffets garnis, s'offrent des vêtements et cadeaux (ainsi que des biens volés), tandis que leurs enfants jouent dans une piscine au milieu des bruits, des cris, des coups et des tirs d'exécution provenant du camp voisin.

Le père - l'officier - semble doux et affectueux avec sa femme et ses enfants, en particulier ses filles, auxquelles il lit des histoires pour les border après une longue journée de travail routinier. Des journées à recevoir des instructions, à les exécuter avec diligence, à discuter avec ses supérieurs et ses subordonnés de l'« efficacité » des performances et de l'importance d'augmenter les chiffres (c'est-à-dire le nombre de personnes tuées), et de la meilleure stratégie d'organisation de la « solution finale » par l'usage des fours et leur refroidissement afin de les vider des cendres et les remplir de nouveau de cadavres dans un temps optimal.

Nous le voyons ensuite furieux, donner des ordres pour sanctionner les soldats allemands et les membres de la SS qui cueillent sans ménagement des fleurs dans les jardins, alors qu'ils sont sensés les entretenir pour embellir le camp [de la mort] et ses alentours.

Dans le même temps, nous apercevons l'épouse cultiver avec sérénité son jardin au pied du mur qui sépare leur maison d'Auschwitz, s'émerveiller de ses belles couleurs et initier son bébé à toucher et à sentir le parfum des fleurs.

Ainsi va la vie d'une famille allemande installée dans la Pologne occupée, vivant à côté du lieu de « travail » du père.

Son œuvre n'est rien d'autre que le « mal absolu », à savoir l'extermination de « l'autre », transformé en numéro ou en objet ou en matière dépourvue de tout attribut ou relation humaine. Les choses atteignent le paroxysme de la « banalité du mal » au moment où l'officier-père est sur le point de vomir, pour des raisons que le réalisateur nous laisse deviner, puis la caméra bascule soudainement dans l'instant présent.

On voit ce qu'est devenu Auschwitz aujourd'hui, l'on aperçoit des employées balayer des salles qui ont été témoins de massacres quotidiens il y a des décennies, et d'autres lustrer ce qui reste des fours crématoires, ou essuyer la vitre transparente qui sépare les visiteurs des milliers de chaussures appartenant à ceux qui sont morts dans l'une des tragédies les plus atroces de l'histoire contemporaine.

Les murs de Palmyre et le champ de bataille de Gaza

Mais la « banalité du mal », ou la complicité avec le mal pour ensuite en faire un sanctuaire ou un musée qui risque d'être coupé du monde contemporain et des crimes en cours, est ce contre quoi le brillant réalisateur Glazer s'élève.

Il a surtout insisté sur l'effet miroir entre l'horreur décrite dans son film et la guerre de Gaza d'aujourd'hui. Une guerre avec laquelle non seulement nous coexistons, mais qui conduit certains à évoquer le passé pour rendre acceptable l'extermination de l'humanité d'autrui.

Ce film, dans lequel le réalisateur a réussi à restituer l'intensité de la violence sans la moindre scène « sanglante », nous rappelle ce qu'écrivait Franz Fanon à propos d'un officier français chargé de torturer les prisonniers algériens pendant la guerre de libération, et de son quotidien bureaucratique dans les prisons, avant de rentrer chez lui pour retrouver normalement sa famille. Il sera plus tard hanté par des cauchemars.

On peut aussi imaginer comment les années ont passé et continuent de s'écouler dans la « Syrie d'Assad », où la vie se poursuit non loin des murs des prisons de Palmyre depuis les années 1980 ou de Saidnaya aujourd'hui-même. Ces usines de la mort où des dizaines de milliers de Syriens sont tués ou continuent d'y mourir sous la torture, transforment des êtres en chiffres ou en images insoutenables que l'on regarde parfois avec effroi sur Facebook, avant de poursuivre notre vie quotidienne et vaquer à nos occupations malgré l'horreur et la conscience des événements récurrents.

Bien sûr, nous pouvons comparer la roseraie du film, méticuleusement entretenue à côté du lieu de torture et d'extermination des prisonniers, avec tous nos jardins, ou les jardins des villes et villages où nous vivons, géographiquement proches du champ de bataille de Gaza, ou visuellement en contact avec ses événements, que nous suivons depuis des mois directement à travers les médias et les réseaux sociaux. Nous les suivons avec stupéfaction, colère, avec un excès de haine pour les auteurs et pour le monde qui leur permet de continuer. Nous les suivons avec tristesse et chagrin, tandis que notre impuissance nous demande d'essayer de d'oublier le matin ou le soir l'horreur, afin de pouvoir respirer et continuer à accomplir nos tâches quotidiennes.

En ce sens, on peut dire que Zone d'intérêt est un film qui échappe au cadrage, à la classification exclusive, à la géographie et au temps. Il s'agit sans aucun doute de l'Holocauste et d'Auschwitz, mais aussi, et dans la même mesure, des relations humaines quotidiennes et routinières qui se déroulent parallèlement au meurtre de masse et dans son ombre, de la trahison, du trouble, de l'ambition, de l'exploitation, de l'accoutumance au « mal » et de l'adaptation à ses scènes, comme s'il s'agissait d'un décor ou d'un bruit de fond toujours présent, dérangeant jusqu'à l'insomnie et pour autant domestiqué.

Zone d'intérêt est un film glaçant par son réalisme, par la froideur de ses personnages (à l'exception de la belle-mère de l'officier) et par son extraordinaire capacité à incarner le sens de la « déshumanisation » et ce qu'elle peut engendrer en termes d'atrocités et de cadavres brûlés.

Puis, une « jeune polonaise inconnue » s'invite et s'infiltre de nuit dans les événements du film. Le réalisateur la présente en « négatif », circulant secrètement et courageusement à bicyclette entre les champs autour d'Auschwitz, où les prisonniers sont contraints de travailler durement pendant la journée avant d'être tués. Elle y disperse des fruits et un brin de vie parmi les roses et les arbres, pour leur signifier que des gens ne consentent pas à les abandonner à leurs bourreaux sans rien faire et aux spectateurs silencieux qui assistent à la combustion de leurs os. Elle essaie de leur dire qu'à sa façon, elle refuse de les exclure de l'humanité commune.

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États-Unis : Les Oscars et la politique

26 mars 2024, par Dan La Botz — , ,
Environ 19,5 millions de téléspectateurs ont regardé la 96e cérémonie des Oscars, dimanche 10 mars, pour connaître les lauréats des meilleurs films, des meilleurs acteurs, etc. (…)

Environ 19,5 millions de téléspectateurs ont regardé la 96e cérémonie des Oscars, dimanche 10 mars, pour connaître les lauréats des meilleurs films, des meilleurs acteurs, etc. Ce fut un véritable spectacle et un événement très politique.

Hebdo L'Anticapitaliste - 700 (21/03/2024)

Par Dan La Botz

Crédit Photo
Wikimedia commons / MichaelEArth

Les nominés pour les meilleurs films étaient eux-mêmes, dans de nombreux cas, particulièrement politiques. De manière très différente, Barbie et Poor Things étaient tous deux des films féministes, le premier ridiculisant et renforçant de manière contradictoire les stéréotypes féminins et le second – une combinaison merveilleusement étrange de Frankenstein et de Pygmalion (My Fair Lady) – dépeignant la lutte pour le droit des femmes à l'indépendance par rapport au contrôle des hommes et défendant leur droit à cette indépendance.

Oppenheimer nous a amenés une fois de plus à nous concentrer sur la menace de la bombe atomique avec laquelle nous vivons depuis plus de trois quarts de siècle. Maestro, le film sur Leonard Bernstein, traite de la difficulté – même pour les riches et les célèbres – d'être homosexuel au milieu du 20e siècle (tout comme Rustin, le film sur Bayard Rustin, le militant des droits civiques, qui n'a pas été nominé pour le meilleur film). Et American Fiction, qui explore le racisme dans la littérature et la vie d'un point de vue noir. Enfin, Killers of the Flower Moon dépeint les meurtres commis par des colons blancs pour acquérir frauduleusement des terres indiennes riches en pétrole en Oklahoma dans les années 1920.

Des luttes des acteurs et scénaristes d'Hollywood à l'Ukraine

Venons-en à la cérémonie des Oscars elle-même. Lors de l'ouverture de la cérémonie, Jimmy Kimmel, l'animateur de l'émission Jimmy Kimmel Live, qui présentait les Oscars pour la quatrième fois, a utilisé les dernières minutes de son monologue comique d'introduction pour parler de la grève des acteurs et des scénaristes, qui a duré 148 jours, et des problèmes qu'elle soulève. Il a déclaré : « Au fond, Hollywood est une ville de syndicats ».

Dans la section « in memoriam » des Oscars, l'Académie a rendu hommage au leader de l'opposition russe Alexeï Navalny, dont le portrait a été dressé dans le film Navalny (2022), qui a remporté l'Oscar du meilleur documentaire en 2023. Le meilleur documentaire de cette année a été Vingt jours à Marioupol, le récit de l'attaque russe sur cette ville ukrainienne. En acceptant son Oscar, Mstyslav Tchernov, le réalisateur, a déclaré : « Je serai probablement le premier réalisateur sur cette scène à dire : “J'aurais aimé ne jamais faire ce film” ». Il a poursuivi en disant qu'il souhaitait que la Russie n'ait jamais attaqué l'Ukraine et occupé ses villes, et il a appelé le gouvernement russe à libérer ses prisonniers militaires et civils.

Déshumanisation d'hier et d'aujourd'hui

Le réalisateur britannique Jonathan Glazer, dont le film en langue allemande La Zone d'intérêt a remporté le prix du meilleur long métrage international, un film sur un commandant nazi et sa femme vivant dans une « zone d'intérêt » confortable du camp de concentration d'Auschwitz où plus d'un million de Juifs sont morts, a profité de son temps de parole pour parler de la Palestine : « Notre film montre le pire de la déshumanisation. Nous sommes ici comme des hommes qui refusent que leur judéité et le souvenir de l'Holocauste soient détournés par une occupation qui a conduit tant de gens à s'affronter. Que ce soient les victimes du 7 octobre en Israël ou l'attaque en cours sur Gaza, tous sont des victimes de cette déshumanisation - comment résister ? » Il a dédié son film à la jeune fille qui figure dans son film et qui a résisté.

Un grand nombre de participants à la cérémonie portaient des pin's avec la phrase « Artists for Ceasefire » (artistes pour un cessez-le-feu).

Hollywood, connu pour ses personnalités progressistes, produit de nombreux films politiques de qualité et certainEs Américains ont apparemment un appétit pour de telles vues critiques de notre pays. Même s'il est également vrai qu'Hollywood produit et que les Américains consomment beaucoup de cinéma de merde. Voilà, c'est tout. Je vais au cinéma.

Dan La Botz, traduction Henri Wilno

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Je marche sur les cadavres avec aisance

26 mars 2024, par Omar Haddadou — ,
– Appelez-moi Puissance ! – Moi qui marche sur les cadavres avec aisance. – Boursouflez mon P ! – Le galbe bien prononcé. – Soyez généreux ! – Au nom des malheureux. – Je (…)

Appelez-moi Puissance !
Moi qui marche sur les cadavres avec aisance.
Boursouflez mon P !
Le galbe bien prononcé.
Soyez généreux !
Au nom des malheureux.
Je marche sur les cadavres avec aisance.
Des femmes et des enfants réduits en semence.
Je m'abreuve du sang.
Du peuple innocent.
Je déroule l'horreur.
La famine et les maelstroms funestes sur la Patrie en pleurs.
Esgourdez la crépitation.
De ma résolue progression !
Oui ! Je marche sur les cadavres avec aisance.
L'Injustice comme cocarde en évidence.
Je suis la force étayée.
Par l'ami dominant respecté.
L'Institution obstrue ses oreilles.
Quand l'atrocité se veut réelle.
Elle a pour consolation.
La condamnation.
Je marche sur les cadavres avec aisance.
Quand l'âme prie avec déférence.
Rien ne sera comme avant !
Le néant vous attend !
( Essoufflée, les mains entachées à torrents de sang, la Puissance s'écrie avec démence )
Montrez-vous ! Où êtes-vous ? J'ai envie de marcher sur des cadavres avec aisance !
Livrez-moi obus, chars et drones de haute surveillance !
J'en ferai des cadeaux aux vieillards et la petite enfance.
Montrez-vous, j'vous dis ! Je suis la Suprématie auréolée de Démocratie.
( … )
Ne cherchez-pas Puissance ! Je suis nulle part et partout.
Qui êtes- vous ?
Je suis la Résistance, la Justice du Peuple, adoubée de la Volonté céleste qui aura raison de vous !

Texte et dessin : Omar HADDADOU Mars 2024

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Il faut sauver guignol du Champs de Mars

26 mars 2024, par Mustapha Saha — , ,
Après les bouquinistes des quais de Seine, préservés in extremis du désastre par une résistance opiniâtre et des indignations internationales, c'est au tour des activités (…)

Après les bouquinistes des quais de Seine, préservés in extremis du désastre par une résistance opiniâtre et des indignations internationales, c'est au tour des activités culturelles, ludiques, séculaires, d'être sommés de disparaître corps et biens par le lobbying olympique. Toute la vie parisienne est priée de céder la place à la surveillance algorithmique.

Julien Sommer, trente-huit, ans anime le guignol du Champ-de-Mars. Il exerce cette activité depuis l'adolescence aux côtés de Luigi Tirelli, marionnettiste pendant soixante ans, disparu en 2018 à l'âge de quatre-vingt-dix ans. Il doit impérativement fermer son castelet. Son contrat est autoritairement rompu. Sans aucune indemnisation. En tant que gérant de théâtre, il ne peut même pas prétendre au chômage. La tyrannie municipale sévit tous azimuts. Les balançoires, les voitures à pédales, les manèges sont soumis au nettoyage par le vide. Place aux boutiques commercialisant des gadgets olympiques.

Le théâtre du Champ-de-Mars, dédié aux marionnettes gaine, est construit en 1902 dans le style Second Empire. Guignol, créé au début du dix-neuvième siècle par Laurent Mourguet (1769-1844), ouvrier dans une fabrique de soie, un canut, parle lyonnais. Sa truculence retient l'attention. Il porte une jaquette couleur marron et un chapeau de cuir plat. Ses cheveux son coupés en catogan. La natte est réunie sur la nuque par un nœud. Il défend les petites gens. Il dénonce les injustices. Il est accompagné de son épouse Madelon, vêtue tantôt en robe camisole de lainage fleuri, tantôt en tablier avec un fichu blanc sur les épaules. Elle est surnommée Mère-la-grogne. Gnafron, joyeux buveur de Beaujolais est le contradicteur complice. Une vingtaine des pièces de Laurent Mourguet sont recueillies et publiées en 1865 sous le titre de Théâtre lyonnais de Guignol par un magistrat, Jean-Baptiste Onofrio (1814-1892). Ces compositions d'origine s'intitulent Les Couverts volés, le pot de confiture, Les Frères Coq, Le Portrait de l'Oncle, Le Duel, Le Marchand de veaux, Le Dentiste, Le Marchand de picarlats, Les Valets à la porte, Le Déménagement, Le Testament, Le Marchands d'aiguilles, Les Voleurs volés, Tu chanteras, tu ne chanteras pas, L'Enrôlement, La Racine merveilleuse, Le Château mystérieux, Les Conscrits de 1809, Ma Porte d'allée, Les Souterrains du vieux château. Théâtre lyonnais de Guignol, recueil Onofrio, réédition récente Jeanne Laffitte, 1999.

Chaque spectacle de Guignol auquel j'assiste depuis l'enfance est une cure de désintoxication, une purification des pollutions mentales. Le castelet est une boîte magique. Les personnages surgissent et disparaissent par enchantement. Ils sortent du vide. Ils rentrent dans le vide. Ils s'engloutissent dans les entrailles de la terre, insaisissables, insondables, irrécupérables. Ils ne laissent que leur empreinte indocile, transgressive, subversive. Toutes les espiègleries, les bouffonneries, les pitreries, les diableries, les démoneries sont permises au nez et à la barbe des ploutocrates. Guignol a beau être persécuté, censuré, prohibé sous différents régimes, il est immortel. Le Second Empire tente en vain de l'ensevelir. Des plumes alertes, Victor Vuillerme-Dunand (1810-1876), Joanny Durafour (1853-1938), Gaston Baty (1885-1952), Albert Chanay (1874-1942), Pierre Neichthauser (1873-1953), Ernest Neichthauser (1876-1969) le ressuscitent, l'éternisent.

Paris. Vendredi, 8 mars 2024. Un titre saute à mes yeux chez un bouquiniste, Guignol philosophe de F. Vérax, publié à Lons-le-Saunier par l'imprimerie Julien Payet & Co en 1877. Un opus conservateur de trente pages. Je le lis d'une traite. Dialogue entre Guignol et son ami Gnafron. Le procédé contestataire est récupère par la bourgeoisie. Les manipulations de la presse sont toujours d'actualité. Plus un journal est argutieux, licencieux, scandaleux, plus il fait de bonnes affaires. « A peine arrive un fait tant soit peu scabreux, aussitôt le journal de la localité donne un coup de tam-tam. A ce signal, tous les journaux proclament cet acte avec de grosses caisses. Et le fait brodé, commenté, exagéré fait le tour du pays. Il est difficile de ne pas se laisser attraper par les artifices d'une certaine presse. Elle sait si bien jeter de la poudre aux yeux. Elle sait si bien flatter les mauvais instincts qui germent dans les esprits. Le plus grand nombre des lecteurs ne retirent que le bénéfice du corbeau. Impossible de réformer l'opinion publique, égarée, obscurcie par tant de nuages, de mensonges, de sophismes qui s'élèvent de cet abîme qu'on appelle la presse ». Que dire des réseaux sociaux où les fake news façonnent effrontément les jugements ?

Beaucoup de bouquinistes proposent, avant tout, des reproductions de la Tour Eiffel, en affiches, en magnettes, en casquettes, en porte-clefs, en tasses de café. Les amoureux des livres se font rares ; Les boutiques de souvenirs made in China supplantent les enseignes historiques. La Tour Eiffel, ultime survivance de la mythologie parisienne, s'enferme dans une clôture de verre. Militaires de l'opération Sentinelle et vigiles armés aux portiques. Files d'attente interminables. Fouilles des sacs et des corps. Dans La Vie Errante, 1890, Guy Maupassant ouvre déjà son premier chapitre sur ce constat amer : « Je quitte Paris, et même la France, parce que la Tour Eiffel m'ennuie trop. Non seulement on la voit de partout, mais on la trouve partout, faite de toutes les matières, exposée dans toutes les vitrines, cauchemar inévitable. Peu importe la Tour Eiffel. Elle n'est que le phare d'une kermesse internationale. La puissante émotion de l'art est éteinte. S'éveillent des esprits d'un tout autre ordre, inventeurs de machines de toute sorte, des appareils surprenants, des combinaisons stupéfiantes de substances. Les conceptions idéales, les sciences pures, désintéressées, sont désormais interdites. L'imagination paraît de plus en plus excitable par l'envie de spéculation. Le génie d'un Isaac Newton capable d'un bond de la pensée d'aller de la chute d'une pomme à la grande loi régissant le monde, semble né d'un germe plus divin que l'inspiration pragmatique du fabricant américain de sonnettes, de porte-voix, de projecteurs ».

A Tour Eiffel claquemurée, encagée, cadenassée. La crise se banalise, se commercialise, se rentabilise. Les innombrables entreprises de sécurité laminent le service public. La pensée n'est plus un recours pour sortir de l'impasse.

La technocratie verrouille les issues. Les références se dévalorisent. Les repères se volatilisent. La municipalité gère les risques, l'improbable possible, l'invraisemblable admissible, l'absurde. Les décisions s'oxymorisent. La crise covidaire enracine définitivement la peur dans les cerveaux La peur de disparaître sans préavis. Peur de l'inconnaissable, de l'indéterminable, de l'indéchiffrable. Le viralisme ne laisse aucune alternative, aucune perspective. Les survivants se perçoivent comme des miraculés. La peur se met cyniquement, sournoisement en scène, s'orchestre politiquement. Les crédulités désespèrent. Les charlatanismes prospèrent. Les citadins fantomatiques, masqués, étourdis, hallucinés tâtonnent dans le brouillard. La mort, occultée de mille manières, met chacun devant son miroir. Le Champ-de-Mars, phagocyté par le Grand Palais Éphémère, n'est plus une promenade. Les artistes, les poètes, les philosophes, les lecteurs, les rêveurs le désertent. Les monuments inamovibles s'investissent pêle-mêle de commémoratisme, de festivisme, de donquichottisme. Tout et son contraire.

Le Champ-de-Mars n'est plus ce qu'il était. Jusqu'au dix-huitième siècle, le terrain est consacré aux cultures maraichères, avant de devenir un champ de manœuvre dépendant de l'Ecole militaire. Pendant la Révolution française, le parc rebaptisé Champ-de-la-Fédération puis Champ-de-la-Réunion, attire les fêtes populaires. Le massacre du 17 juillet 1991, ordonné par le Maire de Paris Jean Sylvain Bailly, lui-même guillotiné deux ans plus tard, assombrit l'histoire de la plaine paisible. Le 8 juin 1794, 20 prairial an II, Jacques-Louis David célèbre la fête de l'Être suprême. Il plante l'arbre de la liberté, symbole du consensus révolutionnaire. Maximilien de Robespierre préside la cérémonie. La première fête de l'Olympiade de la Révolution s'organise le 22 septembre 1796, avec des courses à pied, des luttes, des compétitions de chevaux, de chars. Le site accueille plusieurs expositions universelles en 1867, 1878, 1889, 1900, 1937. Le jeudi 8 avril 1971, l'artiste peintre marocain meurt, à l'âge de quarante-et-un-ans, dans l'anonymat total, sur un banc du Champ-de-Mars. Il laisse plusieurs dessins prémonitoires représentant une Tour Eiffel renversée. Peut-on encore parler de vie parisienne ?. La cancel culture s'officialise. L'ostracisation se généralise. La mémoire se lessive à coup de marketing ravageur.

Mustapha Saha
Sociologue

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Marx, le communisme et la décroissance

26 mars 2024, par Daniel Tanuro — ,
Kohei Saito remet le couvert Dans « Marx's ecosocialism. An unfinished critique of the political economy », le marxologue japonais montrait comment le Marx de la maturité, (…)

Kohei Saito remet le couvert

Dans « Marx's ecosocialism. An unfinished critique of the political economy », le marxologue japonais montrait comment le Marx de la maturité, conscientisé à l'impasse écologique capitaliste par les travaux de Liebig et de Frass, avait rompu avec le productivisme [1]. Son nouvel ouvrage, « Marx in the Anthropocene. Towards the Idea of Degrowth communism », prolonge la réflexion. [2] Ce livre est remarquable et utile en particulier sur quatre points : la nature de classe, foncièrement destructive, des forces productives capitalistes ; la supériorité sociale et écologique des sociétés (dites) « primitives », sans classes ; le débat sur nature et culture avec Bruno Latour et Jason Moore, notamment ; la grosse erreur, enfin, des « accélérationnistes » qui se réclament de Marx pour nier l'impérieuse nécessité d'une décroissance. Ces quatre points sont d'une importance politique majeure aujourd'hui, non seulement pour les marxistes soucieux d'être à la hauteur du défi écosocial lancé par la crise systémique du capitalisme, mais aussi pour les activistes écologiques. Le livre a les mêmes qualités que le précédent : il est érudit, bien construit, subtil et éclairant dans la présentation de l'évolution intellectuelle de Marx après 1868. Il a malheureusement aussi le même défaut : il présente pour acquis ce qui n'est qu'hypothèse. Une fois encore, Saito force le trait à vouloir trouver chez Marx la parfaite anticipation théorique des combats d'aujourd'hui. [3]

Au commencement était la « faille métabolique"

La première partie de « Marx in the Anthropocene » approfondit l'exploration du concept marxien de « faille métabolique » (« hiatus métabolique » dans la version française du Capital). [4] Saito se place ici dans le sillage de John B. Foster et de Paul Burkett, qui ont montré l'immense importance de cette notion. [5] Saito enrichit le propos en mettant en évidence trois manifestations du phénomène - perturbation des processus naturels, faille spatiale, hiatus entre les temporalités de la nature et du capital - auxquelles correspondent trois stratégies capitalistes d'évitement - les pseudo-solutions technologiques, la délocalisation des catastrophes dans les pays dominés, et le report de leurs conséquences sur les générations futures (p.29 et sq.).

Le chapitre 1 se penche plus particulièrement sur la contribution au débat du marxiste hongrois István Mészáros, que Saito estime décisive dans la réappropriation du concept de métabolisme à la fin du 20e siècle. Le chapitre 2 est focalisé sur la responsabilité d'Engels qui, en éditant les Livres II et III du Capital, aurait diffusé une définition du « hiatus métabolique » tronquée, sensiblement différente de celle de Marx. Pour Saito, ce glissement, loin d'être fortuit, traduirait une divergence entre la vision écologique d'Engels - limitée à la crainte des « revanches de la nature » - et celle de Marx - centrée sur la nécessaire « gestion rationnelle du métabolisme » par la réduction du temps de travail. Le chapitre 3, tout en rappelant les ambiguïtés de György Lukács, rend hommage à sa vision du développement historique du métabolisme humain-nature à la fois comme continuité et comme rupture. Pour Saito, cette dialectique, inspirée de Hegel (« identité entre l'identité et la non-identité ») est indispensable pour se différencier à la fois du dualisme cartésien - qui exagère la discontinuité entre nature et société - et du constructivisme social - qui exagère la continuité (l'identité) entre ces deux pôles et ne peut, du coup, « révéler le caractère unique de la manière capitaliste d'organiser le métabolisme humain avec l'environnement » (p. 91).

Dualisme, constructivisme et dialectique

La deuxième partie de l'ouvrage jette un regard très (trop ?) critique sur d'autres écologies d'inspiration marxiste. Saito se démarque de David Harvey dont il épingle la « réaction négative surprenante face au tournant écologique dans le marxisme ». De fait, « Marx in the Anthropocene » rapporte quelques citations « surprenantes » du géographe étasunien : Harvey semble convaincu de « la capacité du capital à transformer toute limite naturelle en barrière surmontable » ; il confesse que « l'invocation des limites et de la rareté écologique (…) (le) rend aussi nerveux politiquement que soupçonneux théoriquement » ; « les politiques socialistes basées sur l'idée qu'une catastrophe environnementale est imminente » seraient pour lui « un signe de faiblesse ». Géographe comme Harvey, Neil Smith « montrerait la même hésitation face à l'environnementalisme », qu'il qualifie de « apocalypsisme ». Smith est connu pour sa théorie de « la production sociale de nature ». Saito la récuse en estimant qu'elle incite à nier l'existence de la nature comme entité autonome, indépendante des humains : c'est ce qu'il déduit de l'affirmation de Smith que « la nature n'est rien si elle n'est pas sociale » (p. 111). D'une manière générale, Saito traque les conceptions constructivistes en posant que « la nature est une présupposition objective de la production ». Il ne fait aucun doute que cette vision était aussi celle de Marx. Le fait incontestable que l'humanité fait partie de la nature ne signifie ni que tout ce qu'elle fait serait dicté par sa « nature », ni que tout ce que la nature fait serait construit par « la société ».

Destruction écologique : les « actants » ou le profit ?

Dans le cadre de cette polémique, l'auteur consacre quelques pages très fortes à Jason Moore. Il admet que la notion de Capitalocène « marque une avancée par rapport au concept de ‘production sociale de nature' », car elle met l'accent sur les interactions humanité/environnement. Il reproche cependant à Moore d'épouser que les humains et les non-humains seraient des « actants » travaillant en réseau à produire un ensemble intriqué - « hybride » comme dit Bruno Latour. C'est un point important. En effet, Moore estime que distinguer une « faille métabolique » au sein de l'ensemble-réseau est un contresens, le produit d'une vision dualiste. Or, la notion de « métabolisme » désigne la manière dont les organes différents d'un même organisme contribuent spécifiquement au fonctionnement du tout. Elle est donc aux antipodes du dualisme (comme du monisme d'ailleurs) et on en revient à la formule de Hegel : il y a « identité de l'identité et de la non-identité ». « Marx in the Anthropocene » s'attaque aussi aux thèses de Moore par un autre biais - celui du travail. Pour Moore, en effet, le capitalisme est mû par l'obsession de la « Cheap Nature » (nature bon marché) qui englobe selon lui la force de travail, l'énergie, les biens alimentaires et les matières premières. Moore se réclame de Marx, mais il est clair que sa « Cheap nature » escamote le rôle exclusif du travail abstrait dans la création de (sur)valeur, ainsi que le rôle clé de la course à la survaleur dans la destruction écologique. Or, la valeur n'est pas un « actant hybride » parmi d'autres. Comme dit Saito, elle est « purement sociale » et c'est par son truchement que le capitalisme « domine les processus métaboliques de la nature » (pp. 121-122).

Il est clair en effet que c'est bien la course au profit qui creuse la faille métabolique, notamment en exigeant toujours plus d'énergie, de force de travail, de produits agricoles et de matières premières « bon marché ». De toutes les ressources naturelles que le capital transforme en marchandises, la force de travail « anthropique » est évidemment la seule capable de créer un indice aussi purement « anthropique » que la valeur abstraite. Comme le dit Saito : c'est « précisément parce que la nature existe indépendamment de et préalablement à toutes les catégories sociales, et continue à maintenir sa non-identité avec la logique de la valeur, (que) la maximisation du profit produit une série de disharmonies au sein du métabolisme naturel ». Par conséquent, la « faille n'est pas une métaphore, comme Moore le prétend. La faille existe bel et bien entre le métabolisme social des marchandises ainsi que de la monnaie, et le métabolisme universel de la nature » (ibid). « Ce n'est pas par dualisme cartésien que Marx a décrit d'une manière dualiste la faille entre le métabolisme social et le métabolisme naturel - de même que la faille entre le travail productif et le travail improductif. Il l'a fait consciemment, parce que les relations uniquement sociales du capitalisme exercent un pouvoir extranaturel (alien power) dans la réalité ; une analyse critique de cette puissance sociale requiert inévitablement de séparer le social et le naturel en tant que domaines d'investigation indépendants et d'analyser ensuite leur emboîtement. » (p. 123) Imparable. Il ne fait aucun doute, encore une fois, que cette vision de « l'emboîtement » du social dans l'environnemental était celle de Marx.

Accélérationnisme vs. anti-productivisme

Le chapitre 5 polémique avec une autre variété de marxistes : les « accélérationnistes de gauche ». Selon ces auteurs, les défis écologiques ne peuvent être relevés qu'en démultipliant le développement technologique, l'automation, etc. Cette stratégie, pour eux, est conforme au projet marxien : il faut abattre les entraves capitalistes à la croissance des forces productives pour possibiliser une société de l'abondance. Cette partie de l'ouvrage est particulièrement intéressante car elle éclaire la rupture avec le productivisme et le prométhéisme des années de jeunesse. La rupture n'est probablement pas aussi nette que Saito le prétend [6] , mais il y a incontestablement un tournant. Dans Le Manifeste communiste, Marx et Engels expliquent que le prolétariat doit « prendre le pouvoir pour arracher petit à petit tout le capital à la bourgeoisie, centraliser tous les moyens de production aux mains de l'Etat et augmenter au plus vite la quantité des forces productives ». [7] Il est frappant que la perspective de ce texte est résolument étatiste et que les forces productives y sont considérées comme neutres socialement ; elles forment un ensemble de choses qui doit changer de mains (être « arraché petit à petit à la bourgeoisie ») pour grandir quantitativement.

Les accélérationistes sont-ils pour autant fondés à se réclamer de Marx ? Non, car Marx a abandonné la conception exposée dans le Manifeste. Kohei Saito attire l'attention sur le fait que son oeuvre majeure, Le Capital, ne traite plus des « forces productives » en général (anhistoriques), mais de forces productives historiquement déterminées - les forces productives capitalistes. Le long chapitre XV du Livre 1 (« Machinisme et grande industrie ») décortique les effets destructeurs de ces forces, à la fois sur le plan social et sur le plan environnemental. On pourrait ajouter ceci : il n'est pas fortuit que ce soit précisément ce chapitre qui s'achève sur la phrase suivante, digne d'un manifeste écosocialiste moderne : « La production capitaliste ne développe la technique et la combinaison du procès de production sociale qu'en épuisant en même temps les deux sources d'où jaillit toute richesse : la terre et le travailleur ». [8] Il n'est plus question ici de neutralité des technologies. Le capital n'est plus saisi comme une chose mais comme un rapport social d'exploitation et de destruction, qui doit être détruit (« négation de la négation »). Notons que Marx, après la Commune de Paris, précisera que rompre avec le productivisme nécessite aussi de rompre avec l'étatisme.

Il est étonnant que Kohei Saito ne rappelle pas la phrase du Manifeste citée ci-dessus, où le prolétariat est exhorté à prendre le pouvoir pour « augmenter au plus vite la quantité des forces productives ». Cela aurait donné plus de relief encore à sa mise en évidence du changement ultérieur. Mais peu importe : le fait est que le tournant est réel et débouche au Livre III du Capital sur une magnifique perspective de révolution en permanence, résolument anti-productiviste et anti-technocratique : « La seule liberté possible est que l'homme social, les producteurs associés règlent rationnellement leur métabolisme avec la nature et qu'ils accomplissent ces échanges en dépensant le minimum de force, dans les conditions les plus dignes de la nature humaine. La condition essentielle de cet épanouissement est la réduction de la journée de travail. » [9] L'évolution est nette. Le paradigme de l'émancipation humaine a changé : il ne consiste plus en la croissance des forces productives mais en la gestion rationnelle des échanges avec la nature et entre les humains.

Subsomption formelle et subsomption réelle du travail

Les pages les plus riches de « Marx in the Anhropocene », à mon avis, sont celles où Saito montre que le nouveau paradigme marxien de l'émancipation résulte d'un ample effort de critique des formes successives que le capital a imposées au travail. Bien qu'elle fasse partie des travaux préparatoires au Capital, cette critique ne sera publiée que plus tard (« Manuscrits économiques de 1861-1863 »). Sa clé de voûte est l'importante notion de subsomption du travail au capital. Insistons-y en passant : la subsomption est plus que de la soumission : subsumer implique intégrer ce qui est soumis à ce qui soumet. Le capital subsume le salariat puisqu'il intègre la force de travail comme capital variable. Mais, pour Marx, il y a subsomption et subsomption : le passage de la manufacture au machinisme et à la grande industrie implique le passage de la « subsomption formelle » à la « subsomption réelle ». La première signifie simplement que le capital prend le contrôle du procès de travail qui existait auparavant, sans apporter de changement ni à son organisation ni à son caractère technologique. La seconde s'installe à partir du moment où le capital révolutionne complètement et sans arrêt le procès de production - non seulement sur le plan technologique mais aussi sur le plan de la coopération - c'est-à-dire des relations productives entre travailleurs.euses et entre travailleurs.euses et capitalistes. Se crée ainsi un mode de production spécifique, sans précédent, entièrement adapté aux impératifs de l'accumulation du capital. Un mode dans lequel, contrairement au précédent, « le commandement par le capitaliste devient indispensable à la réalisation du procès de travail lui-même » (p. 148).

Saito n'est pas le premier à pointer le caractère de classe des technologies. Daniel Bensaïd soulignait la nécessité que « les forces productives elles-mêmes soient soumises à un examen critique ». [10] Michaël Löwy défend qu'il ne suffit pas de détruire l'appareil d'Etat bourgeois - l'appareil productif capitaliste aussi doit être démantelé. [11] Cependant, on saura gré à Saito de coller au plus près du texte de Marx pour résumer les implications en cascade de la subsomption réelle du travail : celle-ci « augmente considérablement la dépendance des travailleurs vis-à-vis du capital » ; « les conditions objectives pour que les travailleurs réalisent leurs capacités leur apparaissent de plus en plus comme une puissance étrangère, indépendante » ; « du fait que le capital en tant que travail objectivé - moyens de production - emploie du travail vivant, la relation du sujet et de l'objet est inversée dans le processus de travail » ; « le travail étant incarné dans le capital, le rôle du travailleur est réduit à celui de simple porteur de la chose réifiée -les moyens de préserver et de valoriser le capital à côté des machines - tandis que la chose réifiée acquiert l'apparence de la subjectivité, puissance étrangère qui contrôle le comportement et la volonté de la personne » ; « l'augmentation des forces productives étant possible seulement à l'initiative du capital et sous sa responsabilité, les nouvelles forces productives du travail social n'apparaissent pas comme les forces productives des travailleurs eux-mêmes mais comme les forces productives du capital » ; « le travail vivant devient (ainsi) un pouvoir du capital, tout développement des forces productives du travail est un développement des forces productives du capital ». Deux conclusions non productivistes et non technocratiques s'imposent alors avec force : 1°) « le développement des forces productives sous le capitalisme ne fait qu'augmenter le pouvoir extérieur du capital en dépouillant les travailleurs de leurs compétences subjectives, de leur savoir et de leur vision, il n'ouvre donc pas automatiquement la possibilité d'un avenir radieux » ; 2°) le concept marxien de forces productives est plus large que celui de forces productives capitalistes - il inclut des capacités humaines telles que les compétences, l'autonomie, la liberté et l'indépendance et est donc à la fois quantitatif et qualitatif » (p. 149-150).

Quel matérialisme historique ? Quelle abondance ?

Ces développements amènent Kohei Saito à réinterroger le matérialisme historique. On sait que la Préface à la critique de l'économie politique contient le seul résumé que Marx ait fait de sa théorie. On y lit ceci : « A un certain stade de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants ou, ce qui n'en est que l'expression juridique, avec les rapports de propriété au sein desquels elles s'étaient mues jusqu'alors. De formes de développement des forces productives qu'ils étaient, ces rapports en deviennent des entraves. Alors s'ouvre une période de révolution sociale ». [12] Il semble clair que Marx ne pouvait plus adhérer littéralement à cette formulation - et encore moins à celle du Manifeste sur l'augmentation quantitative des forces productives - dès lors que son analyse l'amenait à conclure que le développement des dites forces renforce l'emprise du capital et mutile l'agentivité de celleux qu'il exploite. Comme le dit Saito : « On ne peut plus assumer qu'une révolution socialiste pourrait simplement remplacer les relations de production par d'autres une fois atteint un certain niveau de forces productives. Puisque les forces productives du capital engendrées par la subsomption réelle sont matérialisées et cristallisées dans le mode capitaliste de production, elles disparaissent en même temps que le mode de production ». Transférer la propriété du capital à l'Etat ne changerait pas le problème : les forces productives restant inchangées, 1°) les tâches de conception devraient être assurées par une « classe bureaucratique », 2°) la destruction écologique continuerait. L'auteur en conclut que « la subsumption réelle pose un problème difficile de ‘gestion socialiste libre'. La vision traditionnelle du matérialisme historique, synthétisée dans la Préface, n'indique aucune piste de solution » et « Marx n'a pas été à même d'apporter une réponse définitive à ces questions, même dans Le Capital, de sorte que nous devons aller au-delà » (pp. 157-158).

« Aller au-delà » est ce qui est proposé dans la troisième partie de son ouvrage, et c'est elle qui soulève le plus de polémiques. La question de départ est simple : si l'émancipation ne passe pas par la libre croissance des forces productives, donc par ce que Daniel Bensaid appelait le « joker de l'abondance » [13] par où pourrait-elle passer ? Par « la réduction d'échelle et le ralentissement de la production », répond Saito (p. 166). Pour l'auteur, en substance, l'abondance doit s'entendre non comme pléthore de biens matériels privés - sur le modèle à la fois consumériste et excluant de l'accumulation de marchandises accessibles uniquement à la seule demande solvable - mais comme profusion de richesses sociales et naturelles communes. Sans cela, « l'option restante devient le contrôle bureaucratique de la production sociale, qui a causé l'échec de la voie soviétique » (p. 166).

Décroissance, économie stationnaire et transition

« Marx in the Anthropocene » entend donc plaider pour un « communisme de la décroissance », profondément égalitaire, axé sur la satisfaction des besoins réels. Selon Saito, ce communisme était celui des communautés dites « archaïques », dont certains traits ont subsisté longtemps sous des formes plus ou moins dégradées dans des systèmes agraires basés sur la propriété collective de la terre, en Russie notamment. Pour le Marx de la maturité, il s'agit de beaucoup plus que des survivances d'un passé révolu : ces communautés indiquent qu'après avoir « exproprié les expropriateurs », la société, pour abolir toute domination, devra progresser vers une forme plus élevée de la communauté « archaïque ». J'adhère pleinement à cette perspective, mais avec un bémol : Saito force gravement le trait en prétendant que « 14 années d'étude sérieuse des sciences naturelles et des sociétés précapitalistes » auraient amené Marx en 1881 à avancer « son idée du communisme décroissant » (p. 242) Cette affirmation est excessive. Prise littéralement, elle ne repose sur aucun document connu. Du coup, pour qu'elle ait malgré tout une once de plausibilité (et encore : à condition de la formuler comme une hypothèse, pas comme une certitude !) Saito est obligé de recourir à une succession d'amalgames : faire comme si la critique radicale de l'accumulation capitaliste par Marx était la même chose que l'économie stationnaire, comme si les communautés « archaïques » étaient stationnaires, et comme si l'économie stationnaire était la même chose que la décroissance. Cela fait beaucoup de « si », néglige des différences essentielles… et ne nous fait pas avancer dans le débat sur les enjeux de la décroissance au sens où elle se discute aujourd'hui entre anticapitalistes, c'est-à-dire au sens littéral de la réduction de la production imposée objectivement par la contrainte climatique. Voyons cela de plus près.

Laissons le PIB de côté et considérons uniquement la production matérielle : une société post-capitaliste dans un pays très pauvre romprait avec la croissance capitaliste mais devrait accroître la production pendant une certaine période pour répondre à l'énorme masse de besoins réels insatisfaits ; une économie stationnaire utiliserait chaque année la même quantité de ressources naturelles pour produire la même quantité de valeurs d'usage avec les mêmes forces productives ; quant à une économie décroissante, elle réduirait les prélèvements et la production. En mettant un signe d'égalité entre ces formes, Kohei Saito entretient une confusion regrettable. « Il devrait maintenant être clair, écrit-il, que le socialisme promeut une transition sociale vers une économie de décroissance » (p.242). C'est fort mal formulé, car la décroissance n'est pas un projet de société, juste une contrainte qui pèse sur la transition. Une « économie de décroissance », en tant que telle, cela ne veut rien dire. Certaines productions doivent croître et d'autres décroître au sein d‘une enveloppe globale décroissante. Pour coller au diagnostic scientifique sur le basculement climatique, il faut dire à peu près ceci : planifier démocratiquement une décroissance juste est le seul moyen de transiter rationnellement vers l'écosocialisme. En effet, étant donné qu'un nouveau système énergétique 100% renouvelables doit forcément être construit avec l'énergie du système actuel (qui est fossile à 80%, donc source de CO2), il n'y a en gros que deux stratégies possibles pour supprimer les émissions : soit on réduit radicalement la consommation finale d'énergie (ce qui implique de produire et transporter globalement moins) en prenant des mesures anticapitalistes fortes (contre les 10%, et surtout le 1% le plus riche) ; soit on mise sur la compensation carbone et sur le déploiement massif à l'avenir d'hypothétiques technologies de capture-séquestration du carbone, de capture-utilisation ou de géoingénierie, c'est-à-dire sur des solutions d'apprentis-sorciers entraînant encore plus de dépossessions, d'inégalités sociales et de destructions écologiques. Nous proposons l'expression « décroissance juste » comme axe stratégique des marxistes antiproductivistes d'aujourd'hui. Faire de la décroissance un synonyme de l'économie stationnaire n'est pas une option car cela équivaut à baisser le volume de l'alarme incendie.

La commune rurale russe, la révolution et l'écologie

La perspective d'une décroissance juste doit beaucoup à l'énorme travail pionnier de Marx, mais il n'y a pas de sens à affirmer qu'il en est le concepteur, car Marx n'a jamais plaidé explicitement pour une diminution nette de la production. Pour en faire le père du « communisme décroissant », Saito se base quasi exclusivement sur un texte célèbre et d'une importance exceptionnelle : la lettre à Vera Zasoulitch. [14] En 1881, la populiste russe avait demandé à Marx, par courrier, son avis sur la possibilité, en Russie, de s'appuyer sur la commune paysanne pour construire le socialisme directement - sans passer par le capitalisme. La traduction russe du Capital avait déclenché un débat sur cette question parmi les opposants au tsarisme. Marx rédigea trois brouillons de réponse. Ils attestent sa rupture profonde avec la vision linéaire du développement historique, donc aussi avec l'idée que les pays capitalistes les plus avancés seraient les plus proches du socialisme. A ce sujet, la dernière phrase est claire comme de l'eau de roche : « Si la révolution se fait en temps opportun, si elle concentre toutes ses forces pour assurer l'essor libre de la commune rurale, celle-ci se développera bientôt comme un élément régénérateur de la société russe et comme élément de supériorité sur les pays asservis par le régime capitaliste ».

Pour Saito, ce texte signifie que la dégradation capitaliste de l'environnement avait conduit Marx, après 1868, à « abandonner son schéma de matérialisme historique antérieur. Ce ne fut pas une tâche aisée pour lui, dit-il. Sa vision du monde était en crise. En ce sens, (ses) recherches intensives au cours de ses dernières années (sur les sciences naturelles et les sociétés précapitalistes, D.T.) étaient une tentative désespérée de reconsidérer et de reformuler sa conception matérialiste de l'histoire à partir d'une perspective entièrement nouvelle, découlant d'une conception radicalement nouvelle de la société alternative » (p. 173). « Quatorze années de recherches » avaient amené Marx « à conclure que la soutenabilité et l'égalité basées sur une économie stationnaire sont la source de la capacité (power) de résistance au capitalisme ». Il aurait donc saisi « l'opportunité de formuler une nouvelle forme de régulation rationnelle du métabolisme humain avec la nature en Europe occidentale et aux Etats-Unis » : « l'économie stationnaire et circulaire sans croissance économique, qu'il avait rejetée auparavant comme stabilité régressive des sociétés primitives sans histoire » (pp. 206-207).

Que penser de cette reconstruction du cheminement de la pensée marxienne à la sauce écolo ? Le narratif a beaucoup pour plaire dans certains milieux, c'est évident. Mais pourquoi Marx a-t-il attendu 1881 pour s'exprimer sur ce point clé ? Pourquoi l'a-t-il fait seulement à la faveur d'une lettre ? Pourquoi cette lettre a-t-elle demandé trois brouillons successifs ? Si vraiment Marx avait commencé à « réviser son schéma théorique en 1860 par suite de la dégradation écologique » (p.204), et si vraiment le concept de faille métabolique avait servi de « médiation » dans ses efforts de rupture avec l'eurocentrisme et le productivisme (p. 200), comment expliquer que la supériorité écologique de la commune rurale ne soit pas évoquée une seule fois dans la réponse à Zasoulitch ? Last but not least : si on peut ne pas exclure que la dernière phrase de cette réponse projette la vision d'une économie post-capitaliste stationnaire pour l'Europe occidentale et les Etats-Unis, ce n'est pas le cas pour la Russie ; Marx insiste fortement sur le fait que c'est seulement en bénéficiant du niveau de développement des pays capitalistes développés que le socialisme en Russie pourra « assurer le libre essor de la commune rurale ». Au final, l'intervention de Marx dans le débat russe semble découler bien plus de son admiration pour la supériorité des rapports sociaux dans les sociétés « archaïques » [15] et de son engagement militant pour l'internationalisation de la révolution que de la centralité de la crise écologique et de l'idée du « communisme décroissant ».

« Offrir quelque chose de positif »

L'affirmation catégorique que Marx aurait inventé ce « communisme décroissant » pour réparer la « faille métabolique » est à ce point excessive qu'on se demande pourquoi Kohei Saito la formule en conclusion d'un ouvrage qui comporte tant d'excellentes choses. La réponse est donnée dans les premières pages du chapitre 6. Face à l'urgence écologique, l'auteur pose la nécessité d'une réponse anticapitaliste, juge que les interprétations productivistes du marxisme sont « intenables », constate que le matérialisme historique est « impopulaire aujourd'hui » parmi les environnementalistes, et estime que c'est dommage (a pity) car ceux-ci ont « un intérêt commun à critiquer l'insatiable désir d'accumulation du capital, même si c'est à partir de points de vue différents » (p. 172). Pour Saito, les travaux qui montrent que Marx s'est détourné des conceptions linéaires du progrès historique, ou s'est intéressé à l'écologie, « ne suffisent pas à démontrer pourquoi des non-marxistes, aujourd'hui, doivent encore prêter attention à l'intérêt de Marx pour l'écologie. Il faut « prendre en compte à la fois les problèmes de l'eurocentrisme et du productivisme pour qu'une interprétation complètement nouvelle du Marx de la maturité devienne convaincante » (p. 199). « Les chercheurs doivent offrir ici quelque chose de positif », « élaborer sur sa vision positive de la société post-capitaliste » (p. 173). Est-ce donc pour donner de façon convaincante cette interprétation « complètement nouvelle » que Saito décrit un Marx fondant successivement et à quelques années de distance « l'écosocialisme » puis le « communisme de la décroissance » ? Il me semble plus proche de la vérité, et par conséquent plus convaincant, de considérer que Marx n'était ni écosocialiste ni décroissant au sens contemporain de ces termes. , Cela n'enlève rien au fait que sa critique pénétrante du productivisme capitaliste et son concept de « hiatus métabolique » sont décisifs pour saisir l'urgente nécessité actuelle d'une « décroissance juste ».

Vouloir à toute force faire entrer la décroissance dans la pensée de Marx est anachronique. Ce n'est d'ailleurs pas nécessaire. Certes, on ne peut pas défendre la décroissance juste et maintenir en parallèle la version productiviste quantitativiste du matérialisme historique. Par contre, la décroissance juste s'intègre sans difficulté à un matérialisme historique qui considère les forces productives dans leurs dimensions quantitatives et qualitatives. Quoiqu'il en soit, nous n'avons pas besoin de la caution de Marx, ni pour admettre la nécessité d'une décroissance juste, ni plus généralement pour élargir et approfondir sa « critique inachevée de l'économie politique ».

Le problème de l'apologie

On peut se demander l'utilité d'une critique des exagérations de Saito. On peut dire : l'essentiel est que « (ce) livre fournit une alimentation utile aux socialistes et aux activistes environnementaux, indépendamment des avis (ou de l'intérêt même d'avoir un avis) sur la question de savoir si Marx était vraiment un communiste décroissant ou pas » [16]. C'est l'essentiel, en effet, et il faut le répéter : « Marx in the Anthropocene » est un ouvrage excellent, notamment parce que ses développement sur les quatre points mentionnés en introduction de cet article sont d'une actualité et d'une importance majeure. Pour autant, le débat sur ce que Marx a dit ou pas n'est pas à sous-estimer car il porte sur la méthodologie à pratiquer dans l'élaboration des outils intellectuels nécessaires à la lutte écosocialiste. Or, cette question-là concerne aussi les activistes non-marxistes.

La méthode de Kohei Saito présente un défaut : elle est apologétique. Ce trait était déjà perceptible dans « Marx's ecosocialism » : alors que le sous-titre de l'ouvrage pointait la « critique inachevée de l'économie politique », l'auteur consacrait paradoxalement tout un chapitre à faire comme si Marx, après Le Capital, avait développé un projet écosocialiste complet. « Marx in the Anthropocene » suit le même chemin, mais de façon encore plus nette. Pris ensemble, les deux ouvrages donnent l'impression que Marx, dans les années 70, aurait fini par considérer la perturbation du métabolisme humanité-nature comme la contradiction centrale du capitalisme, qu'il en aurait d'abord déduit un projet de croissance écosocialiste des forces productives, puis qu'il aurait abandonné celui-ci vers 1880-81 pour tracer une nouvelle voie : le « communisme décroissant ». J'ai tenté de montré que ce narratif est fort contestable.

Un des problèmes de l'apologie est de surestimer fortement l'importance des textes. Par exemple, Saito donne une importance disproportionnée à la modification par Engels du passage du Capital, Livre III, où Marx parle de la « faille métabolique ». La domination des interprétations productivistes du matérialisme historique au cours du 20e siècle ne s'explique pas avant tout par cette modification : elle découle principalement du réformisme des grandes organisations et de la subsomption du prolétariat au capital. Lutter contre cette situation, articuler les résistances sociales pour mettre l'idéologie du progrès en crise au sein même du monde du travail est aujourd'hui la tâche stratégique majeure des écosocialistes. Les réponses sont à chercher dans les luttes et dans l'analyse des luttes beaucoup plus que dans les Notebooks de Marx.

Plus fondamentalement, l'apologie tend à flirter avec le dogmatisme. « Marx l'a dit » devient trop facilement le mantra qui empêche de voir et de penser en marxistes au sujet de ce que Marx n'a pas dit. Car il n'a évidemment pas tout dit. S'il est une leçon méthodologique à tirer de son oeuvre monumentale, c'est que la critique est fertile et que le dogme est stérile. La capacité de l'écosocialisme de relever les défis formidables de la catastrophe écologiques capitaliste dépendra non seulement de sa fidélité mais aussi de sa créativité et de sa capacité à rompre, y compris avec ses propres idées antérieures comme Marx le fit quand c'était nécessaire. Il ne s'agit pas seulement de polir soigneusement l'écologie de Marx mais aussi et surtout de la développer et de la radicaliser.`

Daniel Tanuro
Le 10 mars 2024
(à paraître dans « Actuel Marx »)

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[1] Marx's ecosocialism. An unfinished critique of the political economy. Trad. Française « La nature contre le capital. L'écologie de Marx dans sa critique inachevée du capital », Syllepse, 2021

[2] Marx in the Anthropocene. Towards the Idea of Degrowth Communism. Cambridge University Press, 2022.

[3] Voir mon article « Marx était-il écosocialiste ? Une réponse à Kohei Saito »,gaucheanticapitaliste.org

[4] Karl Marx, Le Capital, Livre III, Moscou, éditions du Progrès, 1984, Chapitre 47, p. 848

[5] Lire en particulier Paul Burkett, Marx and Nature. A Red and Green Perspective. Palgrave Macmillan, 1999. John Bellamy Foster, Marx's Ecology. Materialism and Nature, Monthly Review Press, 2000

[6] On lit déjà dans L'Idéologie allemande (1845-46) : « il arrive un stade dans le développement où naissent des forces productives et des moyens de circulation [...] qui ne sont plus des forces productives mais des forces destructrices (le machinisme et l'argent) ». Karl Marx et Friedrich Engels, L'Idéologie allemande, Éditions sociales, 1971, p. 68.

[7] Karl Marx et Friedrich Engels, Manifeste du Parti communiste, in Oeuvres choisies, ed. De Moscou, tome 1, p.130.

[8] Le Capital, Livre I, Garnier-Flammarion, 1969, p. 363.

[9] Le Capital, Livre III, ed. De Moscou, chapitre 48, p. 855.

[10] Daniel Bensaïd, Introduction critique à ‘l'Introduction au marxisme' d'Ernest Mandel, 2e édition, ed. Formation Lesoil, en ligne sur contretemps.eu

[11] Michael Löwy, Ecosocialisme. L'alternative radicale à la catastrophe écologique capitaliste, Mille et une nuits, 2011, p. 39

[12] Marx-Engels, Oeuvres choisies, Tome 1, p.525.

[13] D. Bensaïd, op. cit

[14] Marx et Engels, Oeuvres choisies, op. cit. tome 3, p. 156.

[15] Une opinion partagée par Engels : cf. notamment son admiration pour les Zoulous face aux Anglais, dans L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat.

[16] Diana O'Dwyer, « Was Marx a Degrowth Communist », https://rupture.ie

Au cœur de l’envoûtement capitaliste : comprendre les crypto-monnaies

26 mars 2024, par Paul Haupterl — , ,
Les crypto-monnaies ont eu quinze ans. Depuis ce 31 octobre 2008 où le mystérieux Satoshi Nakamoto publie le white paper fondateur du Bitcoin (Nakamoto 2008), elles se sont (…)

Les crypto-monnaies ont eu quinze ans. Depuis ce 31 octobre 2008 où le mystérieux Satoshi Nakamoto publie le white paper fondateur du Bitcoin (Nakamoto 2008), elles se sont démultipliées. Elles reposent sur une technologie appelée la blockchain, qui est essentiellement un « vaste registre numérique permettant d'enregistrer l'intégralité des transactions[1] pour en conserver l'historique et la traçabilité » (p.9).

Tiré du site de la revue Contretemps.

La nouveauté tient aux modalités de tenue de ce livre de compte : plutôt que de recourir aux « serveurs privés d'une banque commerciale » (p.9), centralisant les informations et garantissant l'intégrité du registre, « ce livre de compte […] est public, c'est-à-dire téléchargeable par tous et accessible en permanence » (p.9). Par ailleurs — et surtout — l'inscription de nouvelles transactions au registre se fait également de façon décentralisée, par le biais d'un mécanisme de consensus dont la version la plus connue est la « preuve de travail » du Bitcoin, renommée par les crypto-critiques « preuve de gaspillage » en raison de son coût écologique (p.92).

Leurs défenseurs présentent la blockchain, comme une promesse de liberté par la décentralisation. Il s'agirait de protéger les individus du Big Government et de la Big Finance, dont la collusion a éclaté aux yeux de tous lorsque le premier a renfloué sans condition ou presque la seconde lors de la crise de 2008, tout en en présentant la facture aux peuples. Leurs détracteurs, à l'inverse, soulignent combien il y a loin entre les idéaux des crypto-enthousiastes et la réalité d'une industrie — a minima — extrêmement concentrée, parasitique et dangereuse pour l'environnement.

Son titre ne laisse pas de place à l'équivoque : No crypto de Nastasia Hadjadji se range dans ce second groupe. En tout au plus cent quatre-vingt pages, il offre un tour d'horizon sans concession de ces formes monétaires plus si nouvelles que cela, qui fascinent (ou ont fasciné) également à gauche (Alizart 2019).

Pour rappeler quelques ordres de grandeurs, on comptabilise – selon les différentes estimations – entre 7000[2] et un peu plus de 20 000 crypto-monnaies[3]. La plupart sont des poussières à côté du Bitcoin, dont la capitalisation, c'est-à-dire le prix actuel multiplié par la quantité de bitcoins créés est de 500 milliards de dollars, soit la moitié de la capitalisation de l'ensemble des 7 000 crypto-monnaies dénombrées par la plateforme Coinmarketcap. Ainsi, les crypto-monnaies véritablement pertinentes sont tout au plus une quarantaine à se partager un marché de 1 000 milliards de dollars, qui, lui-même, est microscopique comparé aux produits dérivés, représentant actuellement 618 000 milliards de dollars[4], soit plus de six fois le PIB mondial[5].

Le point de départ du livre, cette fascination — positive ou négative — qu'elles inspirent, est donc sans commune mesure avec leur poids quantitatif au sein de la finance contemporaine. Il est tentant d'expliquer cet écart par la nature de l'objet : la monnaie est en effet une institution fondatrice de l'ordre marchand, qui engage le pouvoir et la souveraineté et dont la configuration précise est un enjeu de luttes sociales[6]. Les marxistes veulent dépasser la configuration actuelle du système monétaire, les réactionnaires souvent revenir à une « vraie » monnaie, idéalisant un passé mythique où la prévalence de l'étalon-or protégeait l'institution monétaire de toute manipulation[7].

C'est que changer la société, c'est (notamment) changer la monnaie et, de ce point de vue, il n'est pas fortuit que les monnaies sociales, autre type d'alternatives monétaires populaires parmi les partisans de l'économie sociale et solidaire, ont connu la même forte croissance au même moment que les crypto-monnaies. La crise de 2008 a en effet secoué le capitalisme jusque dans ses fondations et ouvert une période propice à toute sorte de remise en cause de l'état des choses (monétaire) existant[8].

Mais toutes les contestations ne se valent pas. Pour l'autrice, la « démocratisation des crypto-monnaies pose des questions éthiques, économiques, écologiques et politiques cruciales » (p.12). C'est à exposer méthodiquement « le péril de nature à la fois économique, écologique et politique » (p.13) qu'elle consacre les six chapitres de son livre, dont elle tire les matériaux d'une vaste enquête journalistique, alimentée par les analyses de la communauté crypto-critique, constituée notamment d'universitaires (Oliver Jutel, Tonantzin Carmona), de journalistes (Ben McKenzie, Jacob Silverman, Amy Castor), d'ingénieurs informatiques (David Gerard, Stephen Diehl, Molly White). On peut noter une relative absence de la recherche en sciences sociales utilisant des méthodes ethnographiques, dont la mobilisation aurait peut-être permis de rééquilibrer la discussion et de nuancer les conclusions. Après avoir passé en revue ces chapitres, trois pistes de discussion sont suggérées.

Du culte à sa politique

Le premier chapitre revient sur la plus fameuse des crypto-monnaies, le Bitcoin. Au sujet de son créateur, Satoshi Nakamoto[9], elle note comment son effacement volontaire en 2010 sanctionne la création de ce qui s'apparente à un véritable culte. Les maximalistes du Bitcoin sont fondamentalement « critiques de l'action des banques centrales » (p.16), présentées comme la source de tous les maux contemporains, de l'inflation à l'accroissement des inégalités. Si l'on peut retrouver également une « critique de l'action des marchés financiers » (p.16), elle se détache sur cet arrière-plan idéologique essentiellement libertarien. Ainsi, la décentralisation et la transparence, étendards des crypto-enthousiastes, sont connotées. Plutôt qu'à l'autogestion de la société, elles « s'articule[nt] à la croyance dans la fonction autorégulatrice du marché » (p.19). Le culte s'organise notamment dans les dédales d'internet, des réseaux sociaux, des forums, où reviennent les mêmes expressions : HODL, pour manifester sa ferme décision de ne pas vendre, de conserver les bitcoins le plus longtemps possible ; DYOR (« Do Your Own Research »), façon élitiste de renvoyer les sceptiques à leur manque de connaissance ; ou encore le rassembleur WAGMI (« We Are Going to Make It »), à travers lequel les maximalistes du bitcoin communient leur commun désir de richesse.

Après la description du culte, les membres de l'Église : les « opportunistes », ces poids lourds de la finance, qui s'avouent eux-mêmes plus « mercenaires » qu'idéologues, attirés par les promesses fabuleuses de gain ; les « défricheurs », souvent des hommes de catégories supérieures qui étaient là au début, ces crypto bros, qu'on retrouve aussi activement en train de faire la promotion de leur passion (et leur richesse) dans LREM ; les « idéologues », qui se considèrent les héritiers de l'école autrichienne, continuateurs de Friedrich von Hayek et d'Ayn Rand ; les « idéalistes », représentant la contrepartie (pour ne pas dire caution) de gauche des précédents, pour lesquels un Bitcoin du peuple est possible, qui permettrait d'éviter que le sauvetage sans condition des banques en 2008 puis le chantage odieux de la Troïka au peuple grec quelques années plus tard ne se reproduisent ; les « révoltés », ces « néoinvestisseurs en crypto » qu'anime le FOMO (« Fear Of Missing Out »), soit la crainte de laisser à d'autres ces fortunes gagnées en une nuit, qui leur permettraient de s'affranchir de leur condition ; les « mystiques », enfin, artisans d'un curieux syncrétisme à l'image de Maren Altman qui a « créée de toutes pièces une activité consistant à délivrer des prédictions astrales relatives au cours des cryptos sur la plateforme TikTok où elle est suivie par 14 millions d'abonnés » (p.35).

Le chapitre 2 est consacré aux origines idéologiques des cryptos. L'autrice retrace une généalogie précise, qui voit les Cypherpunks, héritiers de la contre-culture étatsunienne, se rapprocher progressivement, à partir de la fin des années 1980, des milieux politiques libertariens. Sur la liste mail pirate des Cypherpunk, créée en 1992, se côtoient Julien Assange, plus tard rendu célèbre par les Wikileaks, et Marc Andreessen, fondateur du fonds Andreessen Horowitz (a16z)[10], « grand argentier de la crypto-industrie » (p.48). Leur point commun initial : leur opposition à Big Brother et la nécessité de la protection de la vie privée (cypher signifie coder, chiffrer). Mais ce qu'il pouvait y avoir d'émancipateur dans la contre-culture étatsunienne disparait au contact des croisés libertariens contre la tyrannie des États et de leurs acolytes, les banques centrales : le cyberlibertarianisme naît de cette rencontre asymétrique.

Quelques grands tournants se dessinent. Le discours du cypherpunk Hammil en 1987, au cours d'un grand raout libertarien, la Future Freedom Conference. Le Reform Act de 1996, projet de loi sur les télécommunications porté par Bill Clinton, qui les électrise : « l'internet doit rester ingouvernable » (p.47). Les attentats du 11 septembre et le Patriot Act, qui inquiète le milieu cypherpunk, dont les innovations technologique sont désormais dans la ligne de mire des autorités, qui voient d'un mauvais œil ces premières tentatives de créer des systèmes de paiement autonomes et anonymes, depuis l'« e-cash » de David Lee Chaum en 1990 au « Bit Gold » de Nick Szabo entre 1998 et 2005 en passant par la « b-money » de Wei Dai. L'échec des « monnaies numériques convertibles en or », l'« e-gold », l'« e-bullion » ou « 1mdc » (p.54) à la fin des années 2000, moment où l'on peut dire que l'« utopie cyberlibertarienne a fait long feu », notamment en raison du caractère contradictoire du projet de créer une institution monétaire sans institution et des conceptions a- voire anti-démocratiques qui ont cours dans ce milieu, le condamnant à demeurer marginal (Narayanan 2013a ; 2013b).

Mais surtout, l'acte fondateur : la crise financière de 2008, le bail-out généralisé des responsables de la crise par les États, la crise subséquente des États férocement attaqués par ceux qu'ils avaient sauvés, et les réactions des populations qui refusent de payer la facture. 2013 est l'ouverture d'une nouvelle ère. Le bitcoin, véritable locomotive des cryptos, prend de la valeur, passant de 1 000 en 2013 à 20 000 dollars en 2017. Les cryptos se multiplient et, avec elles, les hacks et les fraudes aussi. Déjà présents au cours de la préhistoire des cryptos, de même que la méfiance suspicieuse des autorités vis-à-vis de systèmes de paiement qui leur échappent et qu'ils sont prompts à accuser de favoriser le blanchiment d'argent ou le financement du terrorisme international, comme le montre bien l'autrice, hacks et fraudes prennent une toute autre ampleur. Les principaux acteurs des cryptos se rapprochent de l'élite financière pour négocier leur soutien à ce qui, sur les marchés financiers, se qualifie de manipulation des cours. « D'un projet alternatif et anti système, les cryptos sont devenus une industrie à part entière qui brasse des milliards de dollars […] L'équation de la décennie à venir s'écrit désormais en ces termes : Big Finance + Big Crypto = <3 » (p.62). Les représentants de la nouvelle crypto-oligarchie vantent leurs bonnes relations avec leurs ennemis théoriquement jurés, politiciens et fonctionnaires des banques centrales, dont ils espèrent une reconnaissance symbolique aux effets économiques conséquents. Le crony capitalism, ce « capitalisme de connivence » honni par les libertariens, est reconduit par ses propres critiques, que leur nouvelle fortune a rendu soudainement pragmatiques.

Le chapitre 3 retrace les turpitudes de ces nouveaux « barons voleurs » que sont ces crypto-oligarques. Mark Karpelès, patron de Mt. Gox, qui détourne les fonds de ses clients ; Ruja Ignatova, la « missing crypto queen » qui arnaque des milliers de petits porteurs en leur faisant miroiter la rentabilité fabuleuse de son OneCoin ; le français Vincent Roppiot, à la tête de RR Crypto, dans le collimateur des autorités. Ces dérives individuelles qui échappent aux régulations trop faibles trouvent leur pendant dans l'absence d'assurance collective permettant de limiter le risque systémique. Ainsi, 2022 est l'année des faillites en cascade, du stablecoin algorithmique UST/LUNA à la Silicon Valley Bank en passant par l'exchange FTX, dont la chute laisse son concurrent, Binance, en situation de quasi-monopole. C'est un vice de fabrication : parce que les cryptos se veulent systèmes monétaires sans institution, « la solidité de la structure ne repose que sur le bon vouloir des acteurs du marchés, certains acceptant de soutenir les entreprises en difficultés de manière à éviter ls conséquences d'une contagion délétère » (p.75). Signe de la fusion entre la Big Finance et la Big Crypto, la chute de ces dominos crypto entraine le rachat en urgence du Crédit Suisse par UBS. Apparues en prétendant protéger les individus du risque systémique qui avait contraint les États à venir au secours des responsables de la crise de 2008, les cryptos finissent par alimenter ce même risque.

Le modèle économique des crypto est d'ailleurs proche des Ponzinomics de la spéculation financière, qui seraient également « le programme par défaut de l'industrie des cryptos » (p.87), où, pour s'enrichir, « il faut trouer le ‘prochain idiot' qui vous achètera vos tokens à un prix plus élevé que celui que vous avez payé » (p.87). L'autrice fait ici référence à la Greater Fool Theory de l'informaticien et crypto-critique David Gerard. Si l'enrichissement en crypto est sans doute de nature essentiellement spéculative, il n'est pas possible de suivre Gerard et l'autrice dans leur opposition entre crypto, d'une part, et actions et obligations d'une entreprise et monnaies de cours légal, de l'autre. Les crypto seraient en effet de la pure « valeur d'échange associée à la croyance des investisseurs », tandis qu'actions, obligations et monnaies officielles auraient une « valeur économique intrinsèque », liées respectivement « aux richesses produites par une entreprise, à son patrimoine et à son capital » et à la « richesse produite par un pays, une zone économique ainsi que sa capacité d'influence » (p.87).

Cette opposition entre une vraie et une fausse valeur n'a pas de sens du point de vue de la théorie marxiste du capital fictif : les titres financiers qui s'échangent sur les marchés secondaires ne sont pas moins fictif et spéculatif que les cryptos. S'il faut faire une différence entre crypto-finance et finance traditionnelle, ce n'est pas celle que fait l'autrice, qui conclut en soulignant simplement à la « nécessité du durcissement de l'encadrement de l'industrie des cryptoactifs » (p. 90) : les cryptos ont aussi permis un accès simplifié aux plus-values financières, là où celles-ci, dans la finance traditionnelle, même avec la diminution du poids des banques et le renforcement corrélatif des investisseurs institutionnels, reste largement réservées à une élite financière. Bien sûr, ce mouvement est contradictoire, puisqu'il renforce la financiarisation de la vie quotidienne. Mais, à l'image des travaux de Sanchez et Luzzi (2023) sur la diffusion des crypto-monnaies dans le corps social argentin, les usages populaires des crypto-monnaies sont aussi synonymes de renforcement de l'autonomie de l'individu face aux régulations étatiques qui n'impliquent pas mécaniquement plus d'égalité, de liberté ou de justice.

Le chapitre 4 passe en revue les conséquences écologiques des cryptos, montrant comment les besoins de l'industrie rentrent déjà fortement en contradiction avec les besoins sociaux des populations. L'argument est à la fois social, économique et écologique. Dans l'État du Texas, les habitants paient le coût quatre fois des entreprises cryptos qui s'y installent : une première fois par les exonérations d'impôts dont ces dernières bénéficient ; une seconde fois par la hausse du prix de l'électricité que nécessitent les ASICS, ces super-ordinateurs devenus indispensables pour « miner » des cryptos ; une troisième fois par les dédommagements que verse l'État aux entreprises en échange de l'interruption de leur activité en cas de fortes chaleurs, par exemple, qui entraîne une tension importante sur le réseau électrique ; une quatrième fois, enfin, sous forme de coupures actuelles ou potentielles de courant parce que ces entreprises n'interrompent pas nécessairement leurs activités dans ce cas.

Le Bitcoin et la plupart des crypto-monnaies utilisent en effet un mécanisme de consensus appelé « preuve de travail » qui sécurise les transactions en imposant, pour leur validation de façon décentralisée, la résolution d'un problème cryptographique dont la difficulté augmente avec la quantité de bitcoins déjà en circulation : plus l'on se rapproche de la limite des 21 millions maximum de bitcoins minables, plus l'écosystème Bitcoin tend logiquement à se concentrer pour faire face à des investissements en équipements informatiques toujours plus lourds. 5 entreprises contrôlent ainsi 85 % de la puissance de calcul du réseau, loin des promesses de décentralisation égalitaire des débuts. L'absurdité des fermes de minage est patente, leur coût écologique et social flagrant et les quelques tentatives de donner une utilité propre à l'activité de minage n'ont pas prospéré[11]. Il existe bien d'autres mécanismes de consensus, guère en odeur de sainteté auprès des maximalistes du Bitcoin, comme la « preuve d'enjeu » (avec ou sans smart contract, à rebours de ce qu'écrit l'autrice) : un participant aux échanges a d'autant plus de chance d'être sélectionné pour « valider » le bloc des dernières transactions à date qu'il a d'enjeu, c'est-à-dire qu'il possède des token de la crypto-monnaie à preuve d'enjeu en question. La seconde crypto après le Bitcoin, l'Ethereum, a réduit sa consommation d'énergie de près de 100 % (De Vries 2023) après être passé à cet autre mécanisme de consensus.

Cette réduction impressionnante aurait pu amener l'autrice à admettre une zone de pertinence des cryptos à condition qu'elles opèrent cette transition, dénommée The Merge. Mais elle reste sans conséquence pour son son propos, qui conclut en soulignant que « cette industrie non productive et prédatrice ajoute une couche supplémentaire de consommation énergétique à la charge déjà trop importante de notre consommation mondiale » (p.103) et en rappelant cet effet-rebond identifié par les économistes : tout verdissement des équipements ne permet pas de réduire mécaniquement la consommation d'énergie, mais amène surtout à installer plus d'équipements, conformément à la logique du capital.

C'est que la facture des cryptos ne se mesure pas qu'en tonnes équivalent. Elle a des effets politiques inquiétants. D'abord sous la forme d'un crypto-colonialisme favorisant le développement de formes d'inclusion prédatrice (Carmona 2022), objet du chapitre 5. Le Salvador est devenu, sous la houlette de son président entrepreneur de 38 ans Nayib Bukele, le premier pays à faire du bitcoin une de ses monnaies officielles. Le bilan est salé : un système virtuellement inutilisé, de toute façon inefficace et propice à la fraude ; 425 millions de dollar réglés par un Etat déjà exsangue au bénéfice d'un assemblage hétéroclite de conseillers et prestataires en crypto ; et un dispositif idéal pour convertir en toute légalité des sommes en cryptos en dollars étatsuniens tout en vidant au passage les réserves de change limitées de la banque centrale du pays. La RDC, les Îles Fidji ou Porto Rico sont quelques autres de ces « cryptopies ». Les populations y protestent contre ces crypto-colons, pas dupes des promesses de « décolonisation de la monnaie » visant à libérer les pauvres de l'hégémonie du dollar (p.130).

Même lorsque les projets en crypto présentent le visage plus aimable d'innocents projets humanitaires, comme dans les îles du Vanuatu, ils restent « inefficaces bien que coûteux [et] sont en réalité des produits d'appel destinés à nourrir le marketing de la crypto-industrie en la présentant comme un outil d'émancipation pour les populations vulnérables » (p.130)[12]. Une forme de technosolutionnisme (Morozov 2013) est inhérente aux cryptos, dont les partisans vantent les vertus décentralisatrices comme s'il s'agissait d'une vertu en soi. Or, les sciences sociales ont bien montré que la technologie n'est pas neutre et que ses effets dépendent largement des caractéristiques de ses acteurs. A l'image du micro-crédit (Guérin 2015), avec lequel elles peuvent du reste d'articuler sous la forme de micro-crédit en crypto, les cryptos ont un caractère prédateur marqué qui provient des dynamiques à la Ponzi sur lesquelles reposent leur valeur. Ainsi, on vend le « bitcoin comme un outil d'égalisation permettant d'aplanir les inégalités en vertu de sa nature ‘décentralisée' et ‘ouverte' [tout en omettant] sciemment que la régulation des cryptoactifs est trop faible pour protéger efficacement les particuliers et que ce marché dérégulé possède une généalogie réactionnaire qui le situe aux antipodes de la préservation des intérêts des minorités » (p.134).

C'est aux effets présents de cette généalogique que l'autrice consacre son dernier chapitre. L'intérêt de représentants — hommes politiques ou entrepreneurs — d'extrême-droite comme Zemmour, Bannon ou Thiel pour les cryptos s'explique par le caractère fondamentalement réactionnaire de la matrice intellectuelle des cryptos. Comme le remarque à juste titre l'autrice, l'hypothèse implicite d'une des défenses courantes de la blockchain, à savoir qu'elle permet de faire société sans nécessité de confiance, est précisément une vision pessimiste des sociétés humaines, dans lesquelles la défiance serait généralisée et indépassable. Diabolisation des banques centrales et postulat d'une origine intégralement monétaire de l'inflation sont deux autres piliers intellectuelles des cryptos qui les positionnent à droite, voire à l'extrême-droite de l'échiquier politique. Dans ce contexte, la liberté et la décentralisation présentées comme des vertus indiscutables des cryptos ont un contenu tout à fait coloré : la liberté « fait ainsi écho à la capacité à se dérober de à toute forme de supervision de la part d'instances gouvernementales ou supraétatiques » tandis que la « ‘décentralisation'' promue par les promoteurs des cryptoactifs est une expression codée pour un monde où les marchés dérégulés orchestrent la vie collective » (p.152).

Rien à voir avec l'autonomie qui s'expérimente par exemple dans les Zones à Défendre (p.153) : les cryptos radicalisent cette « idéologie californienne » (Barbrook et Cameron 1995), « mariage entre la loi du marché et la pensée hippie » dont les épigones sont nombreux dans la Silicon Valley, et la radicalisent clairement sur la droite. L'autrice conclut sur une tonalité pessimiste en soulignant que l'hiver crypto qui fait suite à la vague de faillites en 2022 est susceptible d'alimenter une « colère qui ne manquera pas de naître des scandales et des pertes financières qui en découlent », colère peu susceptible de susciter « un agir politique ‘de gauche' tourné vers la remise en question des hiérarchies sociales et politiques » (p.144).

Ce livre conclut sur une interrogation. Peut-on penser une « appropriation non capitaliste et non libertarienne de technologies forgées en dehors du berceau de la gauche radicale » (p.161) ? Il n'y répond pas, esquissant seulement une réponse en soulignant que la question de la résistance à la surveillance et la censure est un enjeu crucial pour la politique de l'émancipation. C'est, selon l'autrice, qu'il n'y a pas, en l'état, de véritable réflexion de gauche sur ce qu'il faudrait repenser dans les blockchain pour en supprimer la trace des origines. Sans rapport direct avec cette question pourtant essentielle, le livre conclut sur les enjeux écologiques, dont l'urgence – indéniable – exclut par principe la blockchain des futurs possibles, puisqu'il s'agit de « ralentir, désinvestir et réaffecter » plutôt que d'« innover, accélérer ou spéculer » (p.166). Ce dernier mouvement interroge, dans la mesure où l'autrice avait souligné l'existence de blockchains à très faible consommation d'énergie, dès lors que les mécanismes de consensus ne sont pas des preuves de travail.

Au total, cet ouvrage offre un panorama intéressant des crypto-monnaies. Mais sa conclusion, générale, pose plus de questions qu'elle n'offre de réponses. On a parfois le sentiment d'une fatalité de l'origine qui surdétermine la nature des crypto-monnaies. Or, les usages sont autrement plus divers que ne le suggère le livre. Une façon de commencer à apporter des éléments de réponses à l'interrogation, cruciale, sur des usages « non capitalistes et non libertarienne » pourrait être de repartir non pas des travaux de la seule communauté crypto-critique, très présente dans ce livre, mais de ceux des chercheurs et chercheuses en sciences sociales qui s'attachent à décrire la diversité et la complexité d'un objet qu'on ne saurait réduire à une matrice indépassable. Ainsi, comment penser la possibilité, aux côtés des crypto-monnaies « libertariennes », de crypto-monnaies sociales (Tichit, Lafourcade, et Mazenod. 2017), à l'image de la MonedaPAR étudiée par Raphaël Porcherot (2023) ? Comment comprendre la coexistence de maximalistes du Bitcoin et d'individus désireux de préserver la valeur de leurs avoirs monétaires dans un pays où l'inflation est structurelle comme l'Argentine ? L'autrice a sans doute raison de souligner le manque de réflexion sur de potentiels usages non capitalistes des crypto-monnaies ; néanmoins et a minima, des usages non libertariens existent bel et bien déjà et sont absents du livre, qui s'attache plutôt à montrer les errances des maximalistes des cryptos.

Ainsi, la fin de non-recevoir opposée aux crypto peut être à notre sens triplement nuancés. D'abord, parce que, comme nous l'avons rappelé, la valeur des cryptos n'est pas d'une autre nature que le reste des « valeurs » d'une économie capitaliste, au sens où toutes sont tout autant fictives et fétichistes. Ensuite, parce qu'il existe bien des usages monétaires des cryptos, de sorte que les réduire à un simple actif financier hautement risqué revient à reprendre sans distance critique le discours des autorités monétaires, qui n'ont aucun intérêt à voir reconnaître la qualité de monnaie à des instruments sur lesquels elles n'ont pas de contrôle. Enfin, parce qu'au-delà de ces usages monétaires potentiellement non libertariens, des usages non monétaires de la blockchain, sont possibles. Notre thèse, que nous n'avons pas la place de développer mais que nous développons dans un autre article en cours d'écriture, est que c'est notamment de ces usages non monétaires de la blockchain qu'il faut repartir pour avancer en direction d'une « appropriation non capitaliste et non libertarienne » de cette technologie. Les technologies ne sont pas neutres, mais elles ne sont pas non plus figées.

*

Illustration : Wikimedia Commons.

Références

Alary, Pierre, Jérôme Blanc, Ludovic Desmedt, and Bruno Théret (eds.) 2016, Théories françaises de la monnaie : une anthologie, Presses Universitaires de France.

Alizart, Mark 2019, Cryptocommunisme, Presses Universitaires de France.

Barbrook, Richard and Andy Cameron 1995, The Californian Ideology, Mute.

Blanc, Jérôme 2018, Les monnaies alternatives, Paris : La Découverte.

Carmona, Tonantzin 2022, ‘Debunking the narratives about cryptocurrency and financial inclusion', Brookings Metro.

Commandré, Ysé, Catherine Macombe, and Sophie Mignon 2021, ‘Implications for Agricultural Producers of Using Blockchain for Food Transparency, Study of 4 Food Chains by Cumulative Approach', Sustainability 13, 17 : 1–22.

De Vries, Alex 2023, ‘Cryptocurrencies on the road to sustainability : Ethereum paving the way for Bitcoin', Patterns 4, 1 : 1–5.

Dumas, Jean-Guillaume, Pascal Lafourcade, Ariane Tichit, and Sébastien Varrette 2022, Les blockchains en 50 questions : Comprendre le fonctionnement de cette technologie, Dunod.

Guérin, Isabelle 2015, La microfinance et ses dérives : émanciper, discipliner ou exploiter, Paris : Demopolis.

Nakamoto, Satoshi 2008, ‘Bitcoin : A peer-to-peer electronic cash system', Decentralized business review.

Narayanan, Arvind 2013, ‘What happened to the crypto dream ?, part 2', IEEE Security & Privacy 11, 3 : 68–71.


2013, ‘What happened to the crypto dream ?, part 1', IEEE security & privacy 11, 2 : 75–76.

Orzi, Ricardo, Raphaël Porcherot, and Sebastián Valdecantos 2021, ‘Cryptocurrencies for Social Change : The Experience of MonedaPAR in Argentina', International Journal of Community Currency Research 25, 1 : 16–33.

Porcherot, Raphaël 2023, ‘Une monnaie alternative peut-elle être une alternative à la monnaie ?', Saclay : Université Paris-Saclay.

Sánchez, María Soledad and Mariana Luzzi 2023, ‘The expansion of cryptocurrencies among young Argentines. Finding a way through finance in contemporary Argentina'.

Tichit, Ariane, Pascal Lafourcade, and Vincent Mazenod 2017, ‘Les monnaies virtuelles décentralisées sont-elles des dispositifs d'avenir ?', Interventions économiques 59.

Notes

[1] En fait, non seulement les transactions mais l'ensemble des opérations qui ont lieu dans le système, y compris les opérations « structurelles » telle que les modifications du nombre d'opérations nécessaires pour constituer un bloc. Des usages non monétaires des blockchains sont aussi possibles, par exemple dans certaines filières alimentaires où cette technologie est censée permettre une meilleure traçabilité dans l'intérêt supposé des consommateurs mais tend surtout à concentrer et renforcer le pouvoir entre les mains de certains agents déjà puissants : la transparence « ne permet pas systématiquement de prévenir ou de réduire le pouvoir mais peut l'exacerber » (Commandré, Macombe, et Mignon 2021).

[2] https://coinmarketcap.com

[3] https://www.schwab.com/learn/story/cryptocurrencies-what-are-they

[4] https://www.bis.org/statistics/about_derivatives_stats.htm

[5] https://data.worldbank.org/indicator/NY.GDP.MKTP.CD

[6] On peut se rapporter à Alary et al. (2016), recueil de texte autour des institutionnalismes monétaires, ou à un livre collectif des Economistes Atterrés et al. (2018).

[7] Ainsi, les Gold Bugs, frange de l'extrême-droite étatsunienne, et l'Etat islamique ont ceci en commun qu'ils prônent tous le retour à une « vraie » monnaie au sens d'une monnaie métallique : ici un retour à la convertibilité du dollar en or ; là la frappe de dinars en or faisant explicitement référence au temps des califes du passé.

[8] On en compte aujourd'hui environ 2 000 dans le monde (Blanc, 2021). Des hybridations entre ces deux formes de contestations monétaires sont possibles. Par exemple : https://theconversation.com/les-cryptomonnaies-sociales-ou-la-convergence-des-contestations-monetaires-109278.

[9] De 2008 à 2010, nous dit l'autrice, « il a ‘miné' 22 000 blocs, ce qui représente à l'époque un peu plus de 50 milliards d'euros » (p.15). La formulation laisse la place à l'équivoque puisqu'on ne sait pas si l'autrice fait référence à la valeur des transactions enregistrées dans ces 22 000 blocs ou à la valeur des bitcoins que Nakamoto a reçu en rémunération de son activité de « minage », qui désigne en fait le travail algorithmique de vérification des nouvelles transactions et de leur rajout à la chaîne de bloc.

[10] a16z est nommé ainsi car il y a seize lettres entre le A et le Z de Andreessen Horowitz.

[11] Ainsi des cryptos qui confèrent une utilité supplémentaire au « minage », au-delà de la seule vérification des transactions : par exemple Primecoin « qui remplace la preuve de travail de Bitcoin par le calcul des chaînes de Cunningham sur les nombres premiers [permettant de faire] avancer la recherche en mathématiques » ; « Gridcoin, Curecoin ou encore Foldingcoin [proposant] de mettre les calculs de validation des transactions au service de la science ou de la médecine, en participant à l'analyse du fonctionnement des protéines par exemple dans le cas de Curecoin » (Tichit, Lafourcade, et Mazenod 2017). Primecoin, Gridcoin et Curecoin s'échangent pour quelques centimes sur Coinmarketcap, le marché pour Foldingcoin a quant à lui cessé d'exister tout à fait.

[12] Ce type de dynamique se retrouve également dans un cas d'hybridation entre crypto-monnaie et monnaie sociale, la MonedaPAR. Si les usagers de la MonedaPAR sont à l'abri des fraudes et arnaques par construction, puisque la blockchain n'y est utilisée que comme « système d'exploitation » sans qu'il n'existe de marché spéculatif pour la MonedaPAR, reste que les techniciens en charge de la conception et du maintien de l'infrastructure crypto de cette alternative monétaire la présentent explicitement comme un produit d'appel. Leurs intérêts sont temporairement alignés sur ceux des usagers de la MonedaPAR : si le projet fonctionne, ce dernier leur garantira une publicité efficace pour leurs solutions de système monétaire configurable et destiné à tout type d'acteurs. Par ailleurs, à plus court terme, cela leur permet d'améliorer leur positionnement au sein de la blockchain Bitshares : la MonedaPAR augmente leurs chances d'être choisis par l'algorithme pour valider des blocs de transactions et de bénéficier ainsi de crypto-revenus additionnels (Porcherot 2023 ; Orzi, Porcherot, et Valdecantos 2021).

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Jean François Lisée navigue en eaux troubles

26 mars 2024, par Jean-François Delisle — , ,
Dans sa chronique hebdomadaire parue dans l'édition du Devoir des 23 et 24 mars, Jean-François Lisée commet un article polémique. En effet, il s'en prend à la caricature de (…)

Dans sa chronique hebdomadaire parue dans l'édition du Devoir des 23 et 24 mars, Jean-François Lisée commet un article polémique. En effet, il s'en prend à la caricature de Serge Chapleau parue dans l'édition de mercredi le 20 mars, laquelle vise assez cruellement l'actuel premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. Lisée pointe l'utilisation par le caricaturiste d'un vampire inspiré d'une illustration du film "Nosferatu" (1922) en soulignant que "les nazis avaient utilisé la même imagerie dans leurs campagnes antisémites." Il continue en affirmant qu'"il existe un champ lexical et iconographique entourant la Shoah, qui est radioactif." Il termine sa chronique en admettant que "même si le peuple juif n'a pas le monopole de la souffrance, comme le disait Yves Michaud, la Shoah occupe une place à part dans l'échelle historique de la barbarie."

Il se déclare contre la censure et en faveur de la liberté d'expression qui "ne doit pas se heurter à un inexistant droit de ne pas être offensé." Il continue en affirmant que : "Parmi les gens sensés-et dans les grands quotidiens-, l'antisémitisme, comme toute expression de racisme, dépasse les bornes."

La position assez alambiquée de Lisée me semble résumer celle des bien-pensants occidentaux au sujet d'Israël. Il se déclare contre la censure mais avec des réserves, surtout en ce qui concerne les Juifs. Ils ont tellement souffert dans le passé, n'est-ce pas, que ce serait de la diffamation à leur endroit de la part d'un caricaturiste, par exemple, d'utiliser, pour stigmatiser la politique brutale et sanguinaire de Netanyahou et consorts à Gaza, l'illustration d'un film plus tard instrumentalisée par les nazis. Admettons que le choix de Chapleau n'était pas de très bon goût. Et pourtant... Même s'ils on atteint des sommets inégalés dans l'horreur, les nazis ne sont pas les premiers ni les derniers salauds à avoir existé. Ils ont disparu depuis 1945, à quelques nazillons près, peut-être. D'autres saligauds sont encore dangereusement vivants.

Réglons dès le départ une question centrale : les Juifs ne forment pas une "race", mais les adhérents et adhérentes à une religion. On compte même des juifs éthiopiens. On peut donc légitimement poser la question suivante : si les nazis, au lieu d'exterminer six millions de Juifs européens, avaient éliminé autant de Juifs noirs en Afrique, la réaction des Occidentaux aurait-elle été la même ? Gît là une dimension du problème toujours ignorée. Il vaudrait mieux parler d'antijudaïsme que d'antisémitisme.

Mais continuons tout de même sur la lancé e du racisme. Les Palestiniens et leurs combattants (ceux-ci toujours qualifiés de "terroristes") ont longtemps été dénigrés par les classes politiques occidentales. Lisée, à la suite des responsables israéliens, accuse les maquisards du Hamas de se servir des civils comme boucliers humains pour se mettre à l'abri des bombardements aériens israéliens. C'est la guérilla, l'arme du faible contre le fort. Durant la Seconde guerre mondiale, durant l'Occupation, est-ce que les maquisards français affrontaient la Wehrmacht en rase campagne ? Donner priorité à l'anéantissement du Hamas au détriment de la vie des civils Gazaouis constitue en soi un crime de guerre. Si les guérilleros du Hamas avaient massacré trente mille citoyens israéliens, on hurlerait à une nouvelle Shoah.
Au lieu de quoi, les classes politiques occidentales dans leur ensemble, et en particulier l'américaine, se contentent de réactions assez faibles, exhortant Netanyahou à la modération et d'exhortations à ne pas lancer un assaut final contre Gaza City ; elles essaient tout, sauf les seules mesures susceptibles de faire entendre raison au cabinet israélien : la menace de mesures de rétorsion économiques et militaires, ce qui serait considéré comme un sacrilège par les gouvernements alliés d'Israël. Et tant pis pour les multiples victimes gazaouies.

Pour résumer beaucoup, depuis le début formel du conflit israélo-palestinien, des dizaines de milliers de Palestiniens et de Palestiniennes ont été tués par l'armée de Tel-Aviv, sans que cela n'incite les responsables occidentaux à faire efficacement pression sur leur protégé afin qu'il négocie de bonne foi avec les représentants du peuple opprimé. Il y a une bonne raison à cela : le racisme anti-arabe en général et anti-palestinien en particulier de la part des "élites" politiques occidentales dans l'ensemble.

Il existe une forme de censure plus insidieuse et plus efficace que le dénigrement ouvert : celle du silence. Je fais référence ici au cinéma hollywoodien. Jamais un film sorti de "l'usine à rêves d'Hollywood" n'a dénoncé la tragédie subie par le peuple palestinien. Bien au contraire, quelques films ("Victoire à Entebbe", "Raid sur Entebbe", "Munich") présentaient les résistants palestiniens comme des "terroristes", autrement dit les criminalisaient. Aucun film hollywoodien n'a jamais été produit sur les massacres de Sabra et Chatila. Qu'en sera-t-il de l'actuel conflit israélo-gazaoui ? Si le passé est garant de l'avenir...

Qu'est-ce qui est le plus odieux ? Une caricature sortie dans un journal ou l'utilisation sans vergogne par les sionistes de la mémoire des innombrables victimes de l'Holocauste pour légitimer l'État hébreu et ses tueries de Palestiniens et de Palestiniennes au nom du droit à l'autodéfense ? Le vrai scandale est là, d'autant plus que le peuple palestinien n'a rien eu à voir avec l'antijudaïsme occidental, qui a connu l'aboutissement que l'on sait. Jean-François Lisée ne paraît non plus pas très choqué que des ministres israéliens souhaitent ouvertement la disparition des Palestiniens.
On ne peut être en même temps pour et contre la censure : en faveur (du moins dans une certaine mesure) au nom du respect du à la mémoire des victimes de l'Holocauste et contre au nom du libéralisme Lisée aurait-il dénoncé une caricature du défunt Yasser Arafat le dépeignant comme un odieux terroriste ?

Jean-François Delisle

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Paroles de délégué.e.s de la FGTB, combattantes et combattants du quotidien

26 mars 2024, par Regards-émissions — , ,
2024 est une année d'élections politiques dont les médias vont parler beaucoup, et longtemps : élections législatives, européennes, régionales, provinciales, communales. Mais (…)

2024 est une année d'élections politiques dont les médias vont parler beaucoup, et longtemps : élections législatives, européennes, régionales, provinciales, communales. Mais ils parleront sans doute beaucoup moins d'un autre scrutin, lui aussi prévu cette année, au mois de mai : les élections sociales.

18 mars 2024 | https://www.youtube.com/watch?v=vgQaxxWyBRg

Pourtant, ces élections sont aussi un rendez-vous démocratique très important, qui va concerner plus de 7.000 entreprises, plus de 2 millions de travailleuses et travailleurs, et des dizaines de milliers de déléguées syndicales et délégués syndicaux qui seront élu·e·s pour les représenter et les défendre. Ces délégué·e·s, élu·e·s pour un mandat de 4 ans renouvelable, s'engagent pour améliorer les conditions de travail, les salaires, le bien-être et la santé de leurs collègues, et aussi pour veiller sur la bonne santé économique et la viabilité de l'entreprise dans laquelle ils travaillent.

Cette nouvelle émission « REGARDS » vous emmène à la rencontre de Christelle, Bibiane, Mathilde et Karim, quatre syndicalistes FGTB qui luttent, au quotidien, pour la solidarité, l'égalité, la justice sociale, et pour que la démocratie ne s'arrête pas aux portes des entreprises.

Réalisation : Yannick Bovy – Mars 2024 – 26'

REGARDS // Une émission d'opinion produite par le CEPAG et proposée par la FGTB wallonne // En collaboration avec la Form'action André Renard (FAR) et le GSARA

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Karl Kautsky, L’origine du christianisme, Paris, Syllepse, 2024.

26 mars 2024, par Karl Kautsky — ,
Traduit de l'allemand et préfacé par Richard Poulin À l'occasion de la fête de Pâques, la fête la plus importante et la plus ancienne du christianisme, qui commémore la (…)

Traduit de l'allemand et préfacé par Richard Poulin

À l'occasion de la fête de Pâques, la fête la plus importante et la plus ancienne du christianisme, qui commémore la Résurrection de Jésus, il est approprié de publier un extrait du livre de Kautsky qui questionne la mythologie chrétienne (p. 390-396).

D. La résurrection du crucifié

Il ne manquait pas de Messies à l'époque de Jésus, surtout pas en Galilée, où surgissaient à tout instant des prophètes et des chefs de bandes qui se présentaient comme des rédempteurs et des oints du Seigneur. Or, à partir du moment où un tel homme avait succombé devant la puissance romaine, où il avait été arrêté, crucifié ou tué, alors son rôle de Messie était terminé, il était considéré comme un faux prophète et un faux Messie. Il fallait encore attendre la venue du vrai Messie.

Quant à elle, la communauté chrétienne s'est accrochée à son champion. Pour elle aussi, la venue du Messie dans toute sa gloire était encore à venir. Mais celui qui devait venir n'était personne d'autre que celui qui avait déjà été là, le crucifié, ressuscité trois jours après sa mort et remonté au ciel après s'être montré à ses partisans.
Cette conception n'était propre qu'à la communauté chrétienne. D'où provenait-elle ?

Selon la vision des premiers chrétiens, c'était le miracle de la résurrection de Jésus le troisième jour après la crucifixion qui prouvait sa divinité et fondait l'attente de son retour depuis les cieux. Les théologiens contemporains ne sont pas allés plus loin. Bien sûr, les « libres d'esprit » parmi eux ne prennent plus au pied de la lettre la résurrection. Jésus n'est pas vraiment ressuscité, ce sont ses disciples qui, dans des moments d'enthousiasme extatique, ont cru le voir après sa mort et en ont déduit sa nature céleste :

Exactement comme Paul sur le chemin de Damas dans une vision extatique momentanée de l'apparition céleste de la lumière après avoir vu le Christ. Nous devons également nous représenter l'apparition du Christ à Pierre, une vision d'extase momentanée, où la figure céleste du Christ apparaît en lumière – une expérience transcendantale qui n'est nullement un miracle incompréhensible, mais qu'on peut tout à fait saisir psychologiquement par analogie avec de nombreux exemples tirés de toute l'histoire. [...] Et d'autres analogies nous permettent de comprendre que cette vision enthousiaste n'ait pas été le fait du seul Pierre, mais se soit peu après reproduite chez d'autres disciples et même dans des assemblées entières de croyants. [...] La base historique de la croyance des disciples dans la résurrection se trouve donc dans des aorasies extatiques-visionnaires qui ont commencé avec des individus et bientôt tous ont été convaincus d'avoir vu vivant leur maître crucifié et élevé à la gloire céleste. L'imagination familière du merveilleux a tissé sa toile de ce qui remplissait et faisait vibrer l'âme. La force motrice de cette croyance dans la résurrection de Jésus n'était au fond rien d'autre que l'impression indélébile que leur avait laissée sa personne : l'amour et la confiance qu'ils mettaient en lui étaient plus forts que la mort. Ce miracle de l'amour – pas un miracle de l'omnipotence – était la raison de la croyance de la communauté primitive dans la résurrection. C'est la raison pour laquelle cela ne s'est pas arrêté à des émotions éphémères, mais la foi enthousiaste nouvellement ravivée a aussi poussé à l'action, les disciples ont alors reconnu que leur devoir était d'annoncer à leur peuple que ce Jésus de Nazareth, qu'ils avaient livré aux ennemis, était bien le Messie. Maintenant plus que jamais, par sa résurrection et sa montée au ciel, il avait été créé par Dieu. Il redescendrait sous peu pour inaugurer son règne messianique sur la terre1.

Si on suit l'auteur, nous devrions donc attribuer la propagation de la foi messianique de la communauté chrétienne primitive et, avec elle, tout le phénomène colossal du christianisme dans l'histoire mondiale, à l'hallucination fortuite d'un seul petit être humain.

Que l'un des apôtres ait eu une vision du crucifié n'est en aucun cas impossible. Il est également possible que cette vision ait trouvé des croyants, toute cette époque étant exceptionnellement crédule et le judaïsme profondément imprégné de la croyance en la résurrection. Ressusciter des morts ne passait absolument pas pour quelque chose d'impossible. Quelques exemples peuvent être ajoutés à ceux que nous avons déjà cités.

Chez Matthieu (10, v/8), Jésus prescrit aux apôtres leur ligne de conduite : « Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, expulsez les démons. » La résurrection des morts était présentée placidement comme une activité quotidienne des apôtres au même titre que guérir les malades. Un avertissement a été ajouté : ils ne devraient pas être payés pour cela. Alors Jésus, ou plutôt l'auteur de l'Évangile a estimé possible de ressusciter les morts contre rémunération, comme une transaction commerciale.

La façon dont la résurrection est décrite dans l'Évangile de Matthieu était également emblématique. Le tombeau de Jésus était gardé par des soldats pour empêcher les disciples de voler le cadavre et ensuite de répandre la nouvelle de sa résurrection. Mais éclairs et tremblements de terre ont fait rouler la roche qui s'est éloignée du tombeau, et Jésus s'est levé.

Tandis qu'ils étaient en chemin, quelques-uns des gardes allèrent en ville annoncer aux grands prêtres tout ce qui s'était passé. Ceux-ci, après s'être réunis avec les anciens et avoir tenu conseil, donnèrent aux soldats une forte somme en disant : « Voici ce que vous direz : “Ses disciples sont venus voler le corps, la nuit pendant que nous dormions.” Et si tout cela vient aux oreilles du gouverneur, nous lui expliquerons la chose, et nous vous éviterons tout ennui. » Les soldats prirent l'argent et suivirent les instructions. Et cette explication s'est propagée chez les juifs jusqu'à aujourd'hui. (28, v/11-15).

Alors, pour ces chrétiens, la résurrection d'un mort enseveli depuis trois jours faisait si peu impression sur les témoins oculaires qu'un pourboire généreux suffisait pour non seulement les obliger à se taire pour toujours, mais aussi les encourager de propager le contraire de la vérité.

Les auteurs de telles conceptions mises en avant ici par l'évangéliste pouvaient, bien sûr, être crédités pour avoir accepté sans hésitation le conte de fées de la résurrection. Mais cela n'épuise pas la question. Cette crédulité et cette conviction qu'il est possible de ressusciter n'étaient pas une particularité propre à la communauté chrétienne. Elle les partageait avec tout le judaïsme de leur temps puisqu'il attendait un Messie. Mais pourquoi les chrétiens sont-ils les seuls à avoir eu la vision de la résurrection de leur Messie ? Pourquoi cela n'a-t-il été le cas d'aucun des disciples des autres Messies martyrisés à cette époque ?

Nos théologiens répondront que la raison en est l'impression extraordinaire faite par le personnage de Jésus, une impression qu'aucun des autres Messies n'aurait produite. Par ailleurs, le fait que l'activité de Jésus qui, selon les témoignages, n'a duré que peu de temps, n'a laissé aucune trace dans les masses, si bien qu'aucun contemporain ne l'a mentionnée. D'autres Messies, en revanche, se sont battus longtemps contre les Romains en remportant parfois de grandes victoires contre eux dont le souvenir s'est perpétué dans l'histoire. Est-ce que ces derniers auraient fait une moins grande impression ? Mais admettons que Jésus, tout en n'ayant certes pas su captiver les masses, ait du moins laissé à ses quelques partisans, du fait de son ascendant personnel, des souvenirs indélébiles. Cela expliquerait tout au plus pourquoi la foi en Jésus s'est perpétuée chez ses amis proches, mais pas pourquoi elle aurait développé une capacité propagandiste parmi des gens qui ne l'avaient pas connu et sur lesquels sa personne ne pouvait exercer son influence. Si c'était seulement l'aura personnelle de Jésus qui produisait la croyance à sa résurrection et à sa mission divine, celle-ci aurait dû s'affaiblir au fur et à mesure que le souvenir personnel s'estompait et que diminuait le nombre de ceux qui l'avaient fréquenté personnellement.

Comme on le sait, la postérité ne tresse pas de couronnes au mime ; en cela également, le comédien et le pasteur ont beaucoup de points communs. Ce qui est vrai pour l'acteur, vaut aussi pour le prédicateur quand celui-ci se borne à prêcher, n'opère que par le rayonnement de sa personnalité et ne laisse après lui aucune œuvre qui survive à sa personne. Si profonde que soit l'émotion, si intense que soit l'exaltation provoquée par ses prêches, ils ne peuvent faire la même impression sur des gens qui n'y assistent pas, des gens auxquels ils ne parviennent que par ouï-dire. Et la personne du prédicateur laissera ces gens indifférents. Elle n'a aucune chance de frapper leur imagination.
Nul ne laisse un souvenir de sa personne au-delà du cercle de ceux qui l'ont connu personnellement, s'il n'a pas laissé une œuvre qui impressionne indépendamment de sa personne, que ce soit une création artistique, un édifice, un portrait, un morceau de musique, une œuvre poétique ; que ce soit un apport scientifique, une collection ordonnée de matériaux scientifiquement, une théorie, une invention ou une décou- verte ; ou, enfin, que ce soit une institution politique ou sociale ou une quelconque organisation qu'il a fondée ou à la création et au renforcement de laquelle il a eu une contribution particulière.

Tant que dure l'œuvre et qu'elle fonctionne, on continue à s'intéresser à la personne du créateur. En effet, si une telle création avait été ignorée de son vivant, mais prenait de l'importance après sa mort, comme c'est souvent le cas pour nombre de découvertes, d'inventions et d'organisations, il est possible que l'intérêt pour le créateur ne s'éveille qu'après sa mort et ne cesse ensuite d'augmenter. Moins on a fait attention à lui de son vivant, moins on en sait sur sa personne, plus l'imagination sera stimulée ; si son œuvre est puissante, plus elle sera auréolée d'une guirlande d'anecdotes et de légendes. Le besoin universel de trouver une cause à tout phénomène, ce besoin qui pousse à chercher originellement chaque processus social – et aussi aux débuts, originellement chaque processus naturel – de trouver à l'origine d'un phénomène un auteur, un initiateur est si fort que, lorsqu'il s'agit d'un phénomène d'une immense importance, on en vient à lui inventer un fondateur ou à lui accoler un nom transmis par la tradition quand le véritable fondateur a été oublié ou que – et c'est souvent le cas – l'œuvre est le produit du concours de tant de forces dont aucune ne dominait l'autre, qu'il aurait été impossible dès le départ de nommer un auteur précis.

Ce n'est pas dans sa personne, mais dans l'œuvre qui est attachée à son nom qu'il convient de chercher la raison pour laquelle le messianisme de Jésus ne s'est pas terminé comme celui des Judas, des Theudas et d'autres Messies de l'époque. Confiance enthousiaste dans la personne du prophète, soif de merveilleux, extase et croyance dans la résurrection, nous retrouvons tout cela chez les partisans des autres Messies autant que chez ceux de Jésus. Ce n'est pas ce qu'ils ont en commun qui peut expliquer leur destinée différente. Quand les théologiens, même les plus libres d'esprit, inclinent à penser que, même s'il faut ne plus compter sur tous les miracles qu'on rapporte de Jésus, Jésus lui-même reste un miracle, un surhomme qui n'a pas son pareil dans le monde entier, nous ne pouvons pas non plus le reconnaître. Alors, la seule chose qui fasse la différence entre Jésus et les autres Messies, c'est seulement que ceux-ci n'ont rien légué qui permette à leur personne de se perpétuer, alors que Jésus a laissé après lui une organisation dotée de règles se prêtant admirablement à maintenir la cohésion de ses disciples et à en attirer constamment de nouveaux.
Les autres Messies avaient seulement réuni des troupes pour un soulèvement, et elles s'étaient dispersées après leur déroute. Si Jésus n'avait rien fait de plus, son nom aurait disparu sans laisser de traces après avoir été crucifié. Or, Jésus n'était pas seulement un rebelle, il était aussi le représentant et l'icône, peut-être le fondateur d'une organisation qui lui a survécu, qui s'est de plus en plus renforcée et est devenue de plus en plus puissante.

À vrai dire, selon l'hypothèse traditionnelle, l'Église a été organisée par les apôtres seulement après sa mort, mais rien ne prouve cette hypothèse, laquelle est fort improbable. En fait, elle ne supposait rien de moins qu'immédiatement après la mort de Jésus, ses disciples aient introduit dans sa doctrine quelque chose de complètement nouveau qu'il n'avait pas considéré ou pas du tout voulu, et que ceux qui jusqu'alors n'avaient pas été organisés commençaient à penser à l'organisation juste au moment où ils avaient subi une défaite qui aurait pu détruire même une organisation solide. Par analogie avec des organisations similaires dont on connaît mieux les débuts, on serait plus porté à supposer que des groupes de soutien aux prolétaires de Jérusalem, gonflés d'attentes messianiques, existaient avant Jésus et qu'un agitateur rebelle et audacieux, originaire de Galilée et portant ce nom, n'était seulement que le porte-parole et l'insigne martyr de ces groupes.

Selon Jean, au temps de Jésus, les douze apôtres avaient déjà une caisse commune. Mais Jésus exigeait aussi de tous les autres disciples qu'ils abandonnent tout ce qu'ils possédaient.

Nulle part dans le livre des Actes des Apôtres, il n'a été dit que les apôtres ont organisé l'Église après la mort de Jésus. On la trouvait déjà organisée à ce moment-là, tenant ses réunions d'adhérents et remplissant ses fonctions. La première mention du communisme dans les Actes des Apôtres est ainsi rédigée : « Ils sont pourtant restés fidèles (ἦσαν δε προσκαρτεροῦντες) à l'enseignement des apôtres et à la propriété com- mune, au pain rompu et aux commandements. » Autrement dit, ils ont continué à prendre leurs repas en commun et à suivre d'autres principes communistes. Si ces derniers avaient été introduits seulement après la mort de Jésus, la formulation aurait dû être tout à fait différente.
L'organisation communautaire était le lien qui a maintenu ensemble les disciples de Jésus aussi après sa mort et gardé vivant le souvenir de leur champion crucifié qui, selon la tradition, s'était dit lui-même être le Messie. Plus l'organisation grandissait, plus elle se renforçait et plus leur martyr devait occuper l'imagination des membres, moins ils pouvaient admettre que leur Messie crucifié était un faux Messie, plus ils se sentaient poussés à voir en lui, malgré sa mort, le vrai Messie qui reviendrait dans toute sa gloire ; plus ils avaient de raisons de croire à sa résurrection, plus la croyance que le crucifié était le Messie et qu'il était ressuscité, devenait la marque de fabrique de l'organisation, ce qui les distinguait des autres croyants au Messie. Si la croyance à la résurrection n'avait été engendrée que par des impressions personnelles, elle se serait affaiblie avec le temps, elle aurait été de plus en plus brouillée par d'autres impressions et aurait fini par disparaître avec ceux qui avaient connu Jésus personnellement. Si la croyance en la résurrection du Christ résultait de l'effet qu'exerçait son organisation, alors elle devait immanquablement s'affermir et s'enfiévrer au fur et à mesure que l'organisation grandissait, et moins elle savait quelque chose de positif sur la personne de Jésus, moins l'imagination de ses adorateurs était captivée par certaines informations.

Ce n'est pas la croyance en la résurrection du crucifié qui a créé la communauté chrétienne et lui a donné sa force ; au contraire, la force vitale de la communauté a créé la croyance dans la survie de son Messie.

La doctrine du Messie crucifié et ressuscité ne contenait rien en soi d'incompatible avec le mode de pensée juif. Nous avons vu à quel point il adhérait à cette époque de la croyance à la résurrection ; l'idée que la gloire à venir devait être achetée par la souffrance et la mort du juste, parcourait également les textes messianiques juifs et était une conséquence naturelle de la situation affligeante du judaïsme.

La croyance au Messie crucifié aurait très bien pu ne constituer qu'une variante particulière des multiples attentes messianiques du judaïsme de cette époque, si la fondation sur laquelle elle s'était édifiée n'avait pas en même temps développé le contre-pied du judaïsme. Cette fondation, la vitalité de l'organisation communiste du prolétariat, était étroitement liée à la nature particulière des attentes messianiques des prolétaires communistes de Jérusalem.

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Sororité avec les femmes d’Iran – « Femme, Vie, Liberté »

26 mars 2024, par laboursolidarity — , ,
Les femmes sont les premières victimes du régime patriarcal iranien. La discrimination contre les femmes est institutionnalisée et organisée, comme le soulignent les lois (…)

Les femmes sont les premières victimes du régime patriarcal iranien. La discrimination contre les femmes est institutionnalisée et organisée, comme le soulignent les lois misogynes en majeure partie fondée sur la charia, qui les placent au rang de citoyennes de seconde zone.

Tiré de Entre les ignes et es mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/03/08/sororite-avec-les-femmes-diran-femme-vie-liberte/

Outre le fait que le voile est obligatoire dans les lieux publics, les inégalités entre les femmes et les hommes sont criantes notamment en matière de droit pénal et de droit de la famille. Par exemple, le témoignage d'une femme au tribunal vaut la moitié de celui d'un homme, elles ne peuvent pas voyager sans la permission de leur mari, et en cas de divorce, les hommes conservent la garde des enfants. La loi autorise la conclusion d'un « contrat de mariage temporaire », qui sert souvent de couverture légale à la prostitution et au tourisme sexuel. La législation permet par ailleurs le mariage des filles à partir de 13 ans.

Cet arsenal législatif entrave la place des femmes dans la société. Alors qu'elles représentent plus de la moitié des diplômé-es des universités, le taux de chômage des femmes est le double de celui des hommes.

Un rapport d'Amnesty International publié en décembre dernier souligne l'horreur que les femmes ont subi dans les prisons et les lieux publics, suite à leurs arrestations arbitraires lors du soulèvement « Femme Vie Liberté ».

L'ampleur des violences sexuelles et des viols perpétrés par les membres de l'appareil répressif témoigne que l'oppression de genre est un marqueur identitaire de ce système dictatorial.

Outre ces actes de torture, qui permettent au régime de recueillir des aveux forcés et de les condamner à mort, les femmes sont également victimes de conditions de détention inhumaines dans les prisons iraniennes. Très souvent, les forces de sécurité refusent que les victimes reçoivent les soins médicaux nécessaires.

Face à ces violences les réponses judiciaires apportées aux victimes sont biaisées. Et cela d'autant plus que les femmes sont sous-représentées au sein de l'appareil judiciaire : le métier de juge leur est par exemple interdit.

Les victimes subissent donc en silence une impunité institutionalisée.

Les violences exercées sur les femmes dans les prisons ont toujours été brutales. Outre la volonté de domination masculine, le viol des prisonnières est un outil stratégique utilisé pour faire taire la contestation contre des décennies d'oppression.

Malgré cette répression brutale, le mouvement de contestation perdure, amplifié par les réseaux, car les femmes sont à l'avant-garde des mouvement sociaux. Elles restent déterminées à se réapproprier leurs corps, à acquérir leurs droits fondamentaux et se débarrasser de l'ensemble des lois et règlements misogynes faisant partie de l'ADN de ce régime.

Nous soutenons notamment :
– Le droit essentiel des femmes à disposer de leurs corps ;
– l'abrogation de la loi rendant obligatoire le port du hijab dans les lieux publics, ainsi que toutes les lois phallocratiques en vigueur.

https://laboursolidarity.org/fr/n/3070/sororite-avec-les-femmes-d039iran—femme-vie-liberte

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Irak : Les mariages non enregistrés font du tort aux femmes et aux enfants

26 mars 2024, par Human Rights Watch — , ,
Des chefs religieux irakiens célèbrent chaque année des milliers de mariages, y compris des mariages d'enfants, qui bafouent les lois irakiennes et ne sont pas officiellement (…)

Des chefs religieux irakiens célèbrent chaque année des milliers de mariages, y compris des mariages d'enfants, qui bafouent les lois irakiennes et ne sont pas officiellement enregistrés.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/03/18/irak-les-mariages-non-enregistres-font-du-tort-aux-femmes-et-aux-enfants/

photo A wedding dress store in Duhok, Iraq, October 12, 2015. © 2015 Felix Kleymann/laif/Redux

Ces mariages contournent les restrictions juridiques sur les mariage d'enfants et ont des effets désastreux sur la capacité des femmes et des filles à accéder aux services gouvernementaux, à enregistrer la naissance de leurs enfants et à revendiquer leurs droits.

L'Irak devrait poursuivre les chefs religieux qui célèbrent des mariages en violation de la loi irakienne, faciliter la légalisation des mariages non enregistrés et garantir que tou-te-s les Irakien-ne-s puissent bénéficier de l'ensemble de leurs droits.

(Beyrouth, 3 mars 2024) –En Irak, des chefs religieux célèbrent chaque année des milliers de mariages, y compris des mariages d'enfants, qui bafouent les lois irakiennes et ne sont pas officiellement enregistrés, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui. Ces mariages violent les droits des femmes et des filles, qui risquent de se retrouver dans des situations précaires, sans soutien social ni financier.

Le rapport de 40 pages, intitulé « “My Marriage was Mistake after Mistake” : The Impact of Unregistered Marriages on Women's and Children's Rights in Iraq » (« Mon mariage était erreur après erreur : L'impact des mariages non enregistrés sur les droits des femmes et des enfants en Irak »), documente l'impact des mariages non enregistrés sur les femmes et les filles concernées, ainsi que sur leurs enfants. Ces mariages, qui éludent les restrictions légales sur le mariage des enfants en Irak, ont des effets désastreux sur la capacité de ces femmes et filles à bénéficier des services gouvernementaux et des services sociaux en fonction de leur état civil, à obtenir des actes de naissance pour leurs enfants, ou à revendiquer leurs droits à une dot, une pension alimentaire ou à un héritage.

« Les autorités irakiennes devraient reconnaître que les mariages non enregistrés ouvrent la voie aux mariages d'enfants à grande échelle », a déclaré Sarah Sanbar, chercheuse sur l'Irak à Human Rights Watch. « Elles devraient prendre des mesures pour mettre fin à cette pratique, et ne pas bloquer l'accès des femmes et des enfants à des services essentiels comme l'obtention de documents d'identité ou de soins de santé, pour un motif lié à leur état civil. »

Human Rights Watch a mené des entretiens avec huit femmes et deux hommes, tous mariés en dehors des tribunaux, un enfant dont les parents s'étaient mariés de cette manière, quatre organisations non gouvernementales locales et deux organisations internationales. Human Rights Watch a également mené un entretien avec un juge du tribunal d'Al Bayaa à Bagdad, ainsi qu'avec un juge du Conseil judiciaire suprême.

Au cours des 20 dernières années, le taux de mariage d'enfants n'a cessé d'augmenter en Irak. Selon le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), 28 pour cent des filles en Irak se marient avant l'âge de 18 ans. Selon la Mission d'assistance des Nations Unies en Irak, 22 pour cent des mariages non enregistrés concernent des filles âgées de moins de 14 ans. Les mariages précoces exposent les filles à un risque accru de violences sexuelles et physiques, de conséquences néfastes sur leur santé physique et mentale, et d'obstacles à l'accès à l'éducation ou à un emploi.

Bien que de nombreuses communautés irakiennes considèrent les mariages religieux comme légitimes selon leur culture, ils sont illégaux en vertu de la loi irakienne sur le statut personnel ; les mariages ne sont officiellement reconnus qu'en cas d'enregistrement auprès du Tribunal du statut personnel, ce qui permit la délivrance d'un certificat de mariage civil.

Sans acte de mariage civil, les femmes et les filles irakiennes enceintes et mariées de manière non officielle ne peuvent pas accoucher dans un hôpital public, et sont contraintes d'opter pour un accouchement à domicile avec un accès limité aux services obstétricaux d'urgence. Cela augmente le risque de complications médicales pouvant menacer la vie de la mère et de son bébé, en particulier lorsque la mère est elle-même une enfant.

Aucune disposition de la loi irakienne ne punit explicitement les chefs religieux qui célèbrent des mariages non enregistrés, y compris des mariages d'enfants. Cette lacune permet aux chefs religieux de contourner la loi irakienne en toute impunité, a observé Human Rights Watch.

Texte complet en anglais :en ligne ici.

https://www.hrw.org/fr/news/2024/03/03/irak-les-mariages-non-enregistres-font-du-tort-aux-femmes-et-aux-enfants

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