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Le porno n’est pas seulement le reflet de nos désirs : il les façonne et met en danger les femmes et les jeunes filles

8 avril, par Clare McGlynn, Fiona Vera-Gray — ,
Pendant trop longtemps, la législation britannique est restée à la traîne par rapport aux plateformes Internet. Après un examen de ce dossier attendu depuis longtemps, nos (…)

Pendant trop longtemps, la législation britannique est restée à la traîne par rapport aux plateformes Internet. Après un examen de ce dossier attendu depuis longtemps, nos ministres doivent y remédier.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/03/06/le-porno-nest-pas-seulement-le-reflet-de-nos-desirs-il-les-faconne-et-met-en-danger-les-femmes-et-les-jeunes-filles/

Si vous avez regardé du porno ces dernières années, vous savez qu'il est devenu plutôt sinistre. Les images d'inceste et d'étranglement y sont maintenant monnaie courante, tout comme celles de coercition, de racisme et de violence sexuelle. Ces pratiques sont mises de l'avant sur des sites pornographiques destinés au grand public et sur de nombreuses plateformes de réseaux sociaux, sous l'influence d'algorithmes de recommandation dans le but de maximiser la participation de l'auditoire et les profits des producteurs. Nous sommes bien loin de l'époque où le porno « hardcore » signifiait un pénis en érection. Mais nous sommes peut-être à l'aube d'un changement.

La semaine dernière a été publiée uneétude indépendante longuement attendue, menée par Mme Gabby Bertin, une paire du party Tory, qui propose la plus importante révision de la réglementation sur la pornographieen plus de 40 ans. Les conclusions de cette étude constituent une mise en accusation claire de ce qu'est devenue le porno aujourd'hui et de l'inaction des gouvernements successifs pour y remédier. C'est un gouvernement travailliste qui a été le premier à adopter une loi sur la pornographie extrême en 2009, reconnaissant la nécessité d'un changement radical dans la manière dont nous réglementons ce média. Il est maintenant temps de franchir la prochaine grande étape, qui fera partie intégrante de la réussite de la mission du gouvernement travailliste, qui se propose de réduire de moitié la violence envers les femmes et les jeunes filles en une décennie.

L'approche du public envers une réglementation a changé. Pendant un certain temps, beaucoup ont cru qu'une approche non interventionniste de la réglementation renforcerait nos libertés sexuelles et protégerait notre droit à la vie privée. En réalité, c'est l'inverse qui s'est produit. Aujourd'hui, la plupart des contenus pornographiques étouffent notre liberté sexuelle. Ce que nous regardons n'est pas déterminé par le choix et les préférences de chaque utilisateur, mais par des algorithmes de recommandation d'IA axés sur le profit. Ceux-ci ont appris que nous sommes principalement attiré-es par des contenus qui provoquent en nous le dégoût, le choc et la rage.

Nos droits à la vie privée ont été bafoués par des conglomérats pornographiques multinationaux qui ont eu toute latitude pour exploiter certaines de nos données les plus intimes afin d'alimenter ces algorithmes. Une étude portant sur plus de 22 000 sites pornographiquesa révélé que 93% d'entre eux envoyaient les données de leurs utilisateurs à au moins une tierce partie, souvent à l'insu des utilisateurs.

Nous avons commencé à prendre conscience de l'impact de cette situation sur une grande partie de nos autres activités en ligne. En 2020,une étude sur les préjugés dans les prises de décisions algorithmiques, commandée par le ministère des Sciences, de l'Innovation et de la Technologie, a révélé que les attitudes racistes et sexistes étaient non seulement reproduites, mais aussi attisées par les algorithmes de recommandation. Et le commissaire à l'information a maintenant lancé une enquête sur la manière dont les plateformes de médias sociaux utilisent les données générées par l'activité en ligne des enfants pour leur proposer des contenus.

C'est en partie ainsi que nous en sommes arrivé-es à un point où tant de pornographie en ligne promeut et perpétue des clichés nuisibles, violents, misogynes et racistes. Les plateformes pornographiques elles-mêmes sont impliquées dans la production de ces préférences, poussant les hommes et de plus en plus les femmes plus loin que nous n'irions autrement.

Bien que le rapport de Mme Bertin n'approfondisse pas suffisamment la prise de décision algorithmique sur les sites pornographiques et son impact sur notre liberté et notre vie privée, il a l'avantage de proposer un plan d'action pour ce qui doit changer. Sa recommandation la plus importante est l'établissement d'une parité entre ce qui est réglementé sur des supports physiques et ce qui n'est pas encore réglementé en ligne. Il suggère également que les plateformes soient tenues d'adopter des mesures spécifiques de sécurité intégrées dès la conception des produits, via l'élaboration d'un code de pornographie sûre dans la Loi sur la sécurité en ligne, ou d'une nouvelle infraction relative aux publications.

Parallèlement, il recommande que la pornographiereprésentant des scènesd'inceste ou d'étranglement soit rendue illégale en vertu de la loi sur la pornographie extrême, et que le ministère de l'Intérieur soit reconnu comme l'habitat naturel de la politique en matière de pornographie. Cela créerait une filière claire de surveillance et de responsabilité et mettrait fin à l'approche de la réglementation qui consiste à « se renvoyer la balle » et qui a dominé le débat jusqu'à présent.

Le rapport mentionne également, au passage, un soutien à la vérification de l'âge intégré aux appareils, si les mesures visant à restreindre l'accès des enfants aux sites pornographiques dans la Loi sur la sécurité en ligne se révèlent inefficaces. Loin d'être une simple différence, ce changement modifierait considérablement la responsabilité de la sécurité des enfants ; celle-ci passerait des plateformes qui tirent profit de leur accès pour la renvoyer aux parents et aux tuteurs appelés à les tenir à l'écart de tout appareil vérifié. Ce n'est pas une meilleure option, et ce n'est certainement pas un système plus sûr ; sans surprise, les plateformes pornographiques préfèrent cette option car elle entraverait beaucoup moins leur trafic d'images.

Lors de la publication du rapport, le gouvernement a annoncé qu'il répondrait à chaque recommandation en temps voulu. Cet examen constitue le genre d'opportunité dont on pourrait dire qu'elle se présente qu'une fois dans une vie. Sauf qu'elle s'est déjà présentée. En tant que Premier ministre en 2013, David Camerona annoncé que, en matière de pornographie, « ce que vous ne pouvez pas obtenir en magasin, vous ne devriez pas pouvoir l'obtenir en ligne ». Douze ans plus tard, la première recommandation de Mme Bertin est la même : les contenus pornographiques dont la distribution est illégale sur des supports physiques devraient également être considérés comme des contenus illégaux sur les plateformes en ligne. Il nous a fallu plus de dix ans pour en arriver au même point. Ce n'est pas que nous ne savons pas ce qu'il faut faire. Nous avons juste besoin que le présent gouvernement se décide enfin à le faire.

Fiona Vera-Gray
Clare McGlynn a également contribué à cet article

Fiona Vera-Gray est professeure de violence sexuelle à l'université métropolitaine de Londres et codirectrice de l'unité d'études sur la maltraitance des enfants et des femmes.

Clare McGlynn est professeure de droit à l'université de Durham et experte en réglementation juridique de la pornographie.

https://www.theguardian.com/commentisfree/2025/mar/03/porn-law-internet-review-ministers

https://tradfem.wordpress.com/2025/03/03/le-porno-nest-pas-seulement-le-reflet-de-nos-desirs-il-les-faconne-et-met-en-danger-les-femmes-et-les-jeunes-filles/

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Les violences sexistes et sexuelles dans les transports en commun en France

Pour la première fois, l'Observatoire national des violences faites aux femmes publie une Lettre thématique dédiée aux violences sexistes et sexuelles dans les transports en (…)

Pour la première fois, l'Observatoire national des violences faites aux femmes publie une Lettre thématique dédiée aux violences sexistes et sexuelles dans les transports en commun en France.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/03/22/les-violences-sexistes-et-sexuelles-dans-les-transports-en-commun-en-france/?jetpack_skip_subscription_popup

Afin de mesurer l'ampleur et la nature de ces violences, la Miprof s'est appuyée sur les données des ministères des Transports, de l'Intérieur et de celles des opérateurs de transports.

Publication des chiffres clés des violences sexistes et sexuelles dans les transports en commun :
* 4 091 faits directement recensés en 2023 par les agent.es des compagnies
* 3 374 victimes enregistrées par les forces de sécurité en 2024 (3% des victimes de violences sexuelles enregistrées tous lieux confondus)
* 7% des victimes seulement déposent plainte => le phénomène reste extrêmement sous-évalué
* 8 femmes sur 10 sont en alerte lorsqu'elles empruntent les transports

A retenir :

* 91% des victimes violences sexistes et sexuelles dans les transports en commun et collectifs en France sont des femmes selon l'enquête « Vécu et ressenti en matière de sécurité » du Ministère de l'Intérieur
* 99% des auteurs de ces violences sont des hommes, toujours selon le Ministère de l'Intérieur
* 7 femmes sur 10 ont déjà été victimes de violences sexistes et sexuelles dans les transports franciliens au cours de leur vie selon l'enquête ENOV conduite pour la RATP. Cette proportion est encore plus élevée chez les jeunes avec 80% des femmes de 15 à 18 ans et 90% des femmes de 19 à 25 ans qui déclarent avoir été victimes au moins une fois dans les transports en Ile-de-France

Si vous êtes victime ou témoin, d'une agression, de faits de harcèlement, y compris sexuels, dans les transports en commun, vous pouvez :
* Téléphoner au numéro 31 17
* Envoyer un SOS avec un simple SMS au 31 177
* Donner l'alerte via l'appli 31 17 Alerte, application mobile disponible pour iOS et Android
* Sur l'appli Transport Public Paris 2024 : appuyez sur le bouton « 31 17 » accessible dès la page d'accueil de l'application mobile
* Utiliser une borne d'appel en gare SNCF ou en station RATP

Téléchargez la Lettre n°23 de l'Observatoire national des violences faites aux femmes

https://amicaledunid.org/actualites/les-violences-sexistes-et-sexuelles-dans-les-transports-en-commun-en-france/

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« Anxiété, paranoïa, peur » : les conséquences de la violence numérique sur les femmes

Les attaques en ligne contre les femmes s'aggravent causant des dommages durables qui peuvent déboucher sur des violences dans le monde réel, selon les Nations Unies. Des (…)

Les attaques en ligne contre les femmes s'aggravent causant des dommages durables qui peuvent déboucher sur des violences dans le monde réel, selon les Nations Unies. Des activistes d'Espagne et d'Amérique latine se sont réunies la semaine dernière au Siège de l'ONU pour rallier les femmes et partager des stratégies de lutte.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Lors de cet événement, organisé dans le cadre de la Commission de la condition de la femme, la plus grande conférence mondiale sur l'égalité des sexes, les déléguées ont décrit les nombreuses formes de violence numérique, mis en garde contre l'effet paralysant que le harcèlement et la discrimination en ligne ont sur la participation des femmes à la vie politique et partagé certains des moyens les plus efficaces pour créer des espaces numériques sûrs pour les femmes.

A l'issue de la réunion, ONU Info s'est entretenu avec certaines des intervenantes, parmi lesquelles des responsables politiques et des défenseures des droits, afin d'obtenir des informations de première main sur les conséquences de la violence numérique dans leur pays et sur la manière d'y faire face.

Nous devons rester unies

Anaís Burgos est une parlementaire mexicaine. Elle a été vivement applaudie près avoir fièrement brandi une poupée représentant Claudia Sheinbaum, la première femme Présidente du Mexique.

« La violence numérique touche toutes les femmes qui se consacrent aux affaires publiques, que ce soit au travail ou dans nos relations personnelles. Elle laisse des traces très importantes, car elle affecte la santé mentale et physique, en créant de l'anxiété, de la discrimination, de la paranoïa et de la peur.
Je ne peux rien publier de personnel sur les médias sociaux, car les gens chercheraient n'importe quoi pour m'attaquer, comme ma famille, mes origines ou la couleur de ma peau. Certaines de mes collègues ont envisagé de quitter la politique pour ne plus être la cible d'attaques et de violences.
Mais je crois qu'il faut continuer. Je dois rendre cette violence visible, je dois la dénoncer. Et en tant que responsable politique, je dois la changer. Si cela m'arrive à moi, quelqu'un qui a une voix publique pour la dénoncer, qu'est-ce que cela fait à une jeune fille qui ne dispose pas d'une telle tribune ? Ou aux femmes afro-mexicaines, aux femmes autochtones et aux femmes vivant avec un handicap ?

Nous avons besoin de plus de législation pour punir ce type de violence sous toutes ses formes. Elle a progressé si rapidement et dans certains pays de notre région l'intelligence artificielle n'est même pas réglementée.
Nous devons rester unies. Les droits que les femmes ont acquis jusqu'à présent n'auraient pas été gagnés sans une voix collective. Et il faut que les hommes comprennent que, pour mettre fin à la violence, nous avons besoin de leur participation et de leur soutien ».


Vacciner contre la désinformation

Roberta Braga est la fondatrice et Directrice exécutive du Digital Democracy Institute of the Americas (DDIA), un centre de recherche et d'initiatives visant à renforcer la confiance entre les communautés et la démocratie.

« La polarisation et la méfiance sont amplifiées par les médias sociaux. Mais il y a un côté positif. Nous sommes désormais en mesure d'identifier ce que nous appelons les « méta-récits », des histoires qui sont recyclées et utilisées dans différents contextes dans différents pays pour attaquer les femmes, ce qui signifie que nous disposons des informations et des outils dont nous avons besoin pour les contrer à l'avance.

C'est ce que nous appelons le « pré-bunking » ou la « vaccination ». Cela consiste essentiellement à expliquer aux gens les tactiques de manipulation et les récits qui sont utilisés contre eux en ligne, afin qu'ils puissent les reconnaître lorsqu'ils les voient et devenir un peu plus résistants.
Il y a très peu d'espace entre nos mondes en ligne et hors ligne aujourd'hui, et la violence numérique peut absolument se transformer en violence dans le monde réel. Elle peut conduire des groupes de personnes à s'asseoir devant votre domicile, à propager la haine contre vous et même à vous attaquer en personne.

J'ai eu la chance de ne pas être la cible d'attaques coordonnées, mais je connais beaucoup de femmes qui ont été victimes d'abus. Par exemple, une de mes amies qui était sur le point de siéger dans un conseil du gouvernement américain chargé de lutter contre la désinformation, a reçu une énorme vague d'attaques en ligne. La situation était si grave que l'initiative a été entièrement annulée. Elle était enceinte à l'époque, et son mari, voire son bébé, ont également été pris pour cible. Cela peut devenir très toxique ».

La technologie est sans cesse utilisée contre les femmes

Marcela Hernández est la cofondatrice du réseau latino-américain des défenseurs numériques, une organisation qui promeut une législation complète pour lutter contre la violence numérique et la punir.

«

À ce jour, nous avons recensé plus de 700 mesures prises par différentes entités gouvernementales au Mexique, y compris la police, les bureaux des procureurs et les tribunaux, pour lutter contre la violence numérique. Le bureau du procureur général de la ville de Mexico dispose même d'une agence spécialisée dans la poursuite des crimes de violence numérique.
Je me souviens de la première fois que j'ai appris qu'une jeune fille s'était suicidée parce qu'une vidéo la montrant en train de subir des abus sexuels avait circulé en ligne. Même si je ne la connaissais pas, cela m'a marqué. J'ai su à ce moment-là que d'autres choses de ce genre allaient se produire.
Lorsqu'une nouvelle technologie atteint le marché de masse, elle est utilisée à maintes reprises pour commettre des violences à l'encontre des femmes, pour nous subordonner et nous réduire à l'état d'objet.

Lorsque l'intelligence artificielle s'est répandue en 2024, il y a eu immédiatement des cas de garçons dans des universités et des écoles de différentes parties du monde qui ont pris des images de leurs camarades de classe pour créer du matériel sexuellement explicite, sans leur consentement.
C'est pourquoi nous devons nous approprier nous-mêmes la technologie ; les femmes créant des outils en ligne au profit d'autres femmes »

.

Ces entretiens ont été traduits de l'espagnol et revus pour des raisons de clarté et de longueur.

Juanita Herrera & Conor Lennon, 17 mars 2025
https://news.un.org/fr/story/2025/03/1154026

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Le Mexique reconnaît la Palestine : Un geste de solidarité historique

Dans un geste diplomatique important, la présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum, a officiellement reconnu la Palestine en tant qu'État, marquant ainsi un moment historique (…)

Dans un geste diplomatique important, la présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum, a officiellement reconnu la Palestine en tant qu'État, marquant ainsi un moment historique dans les relations internationales. Mme Sheinbaum, qui jouit d'un taux d'approbation de 80 %, a réaffirmé son engagement en faveur des droits humains des Palestiniens en accueillant l'ambassadrice de l'Autorité palestinienne au Mexique, Nadya Rasheed.

25 mars 2025 | Billet de blog
https://www.bonnes-nouvelles.be/le-mexique-reconnait-la-palestine-un-geste-de-solidarite-historique/

Au cours d'une cérémonie officielle, l'ambassadrice Rasheed a exprimé sa profonde gratitude au nom de son gouvernement, reconnaissant la reconnaissance du Mexique comme une position courageuse face aux tensions mondiales actuelles. Ce moment a été immortalisé par une photo puissante montrant Sheinbaum aux côtés de Rasheed, symbolisant la nécessité du courage et de la bienveillance dans la résolution des conflits internationaux.

Ce geste revêt une importance particulière compte tenu de l'héritage juif de Mme Sheinbaum, qui remet en question les récits dominants sur les allégeances politiques et religieuses dans la diplomatie mondiale. Son administration a ouvertement critiqué les attaques d'Israël contre les territoires palestiniens, alignant le Mexique sur les autres nations qui défendent l'autodétermination palestinienne.

Suite https://assawra.blogspot.com/2025/03/le-mexique-reconnait-la-palestine-un.html

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Violence des gangs armés à Mirebalais

Aux premières heures de la matinée, vers 6h25, la ville de Mirebalais a été plongée dans l'effroi lorsqu'une attaque coordonnée de gangs lourdement armés a frappé plusieurs (…)

Aux premières heures de la matinée, vers 6h25, la ville de Mirebalais a été plongée dans l'effroi lorsqu'une attaque coordonnée de gangs lourdement armés a frappé plusieurs quartiers, semant la panique parmi les habitants.

Haïti : Mirebalais sous le feu des gangs armés

L'assaut a été particulièrement violent dans la zone de Trianon, où les tirs nourris ont poussé de nombreux résidents à fuir leurs maisons en quête de sécurité.

Une réaction policière sous pression

Dès les premiers signes de l'attaque, les forces de l'ordre ont déployé des unités pour tenter de repousser les assaillants. De violents affrontements s'en sont suivis, les échanges de coups de feu retentissant dans toute la ville. Malgré la mobilisation des policiers, la tension reste extrême et le contrôle total de la situation peine à être rétabli.

Les gangs vident la prison civile

L'attaque a pris une tournure encore plus dramatique avec l'assaut des gangs sur la prison civile de Mirebalais. Plusieurs dizaines de prisonniers ont été libérés suite à cette opération coordonnée par les groupes criminels de Canaan et de « 400 Mawozo ». La majorité des détenus a pu s'évader, mais au moment de la rédaction de cet article, aucun décompte officiel n'a été communiqué pour évaluer l'ampleur réelle de cette fuite massive.

Le commissariat de la ville a également été pris pour cible par les bandits, mais leur tentative d'intrusion a été avortée face à la résistance des forces de l'ordre. Toutefois, cette nouvelle attaque démontre l'audace et l'organisation des groupes criminels qui n'hésitent plus à défier ouvertement les institutions de l'État.

Un climat d'insécurité qui s'intensifie

Cette attaque n'est pas un incident isolé. Elle s'inscrit dans une montée de la violence qui ravage Haïti depuis plusieurs mois. Les groupes criminels, de plus en plus organisés et armés, profitent du vide institutionnel et des faiblesses des dispositifs de sécurité pour étendre leur emprise sur des zones stratégiques du pays. Mirebalais, ville charnière sur la route nationale, est une cible de choix pour ces gangs qui cherchent à contrôler les axes de communication.

Des habitants désemparés et en colère

Les habitants de Mirebalais vivent dans l'angoisse permanente. "Nous ne savons pas si nous allons survivre à la journée", confie un résident ayant fui son domicile avec sa famille. Certains déplorent l'inaction des autorités et demandent une intervention plus musclée pour restaurer l'ordre. "Nous sommes laissés à nous-mêmes", ajoute un commerçant, dont le magasin a été pillé au cours de l'attaque.

Un appel urgent à l'action

Face à cette escalade de la violence, la population et les organisations locales pressent le gouvernement d'agir avec fermeté. Une réponse coordonnée impliquant les forces de sécurité, les partenaires internationaux et la société civile est nécessaire pour neutraliser ces groupes criminels et rétablir un climat de paix.

L'attaque de Mirebalais est un signal alarmant de la détérioration sécuritaire en Haïti. Si des mesures décisives ne sont pas prises rapidement, d'autres villes pourraient bientôt connaître le même sort.

Smith PRINVIL

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Bolivie. L’autodestruction du MAS

L'autodestruction du Mouvement vers le socialisme (MAS) bolivien en raison de la lutte entre ses deux dirigeants, Evo Morales [président de l'Etat plurinational de Bolivie de (…)

L'autodestruction du Mouvement vers le socialisme (MAS) bolivien en raison de la lutte entre ses deux dirigeants, Evo Morales [président de l'Etat plurinational de Bolivie de janvier 2006 à novembre 2019, et président du MAS de 1997 à novembre 2024] et Luis Arce Catacora [président depuis le 8 novembre 2020, ancien ministre de l'Economie sous Evo Morales], un processus qui se déroule péniblement depuis trois ans, aura des effets dévastateurs sur les élections présidentielles d'août 2025. Ces élections seront les premières, depuis 2005, où ce mouvement politique ne sera plus le favori. Les premières où un secteur de l'opposition traditionnelle aura une chance d'accéder au pouvoir. Pour certains, ce seront les premières élections d'un « nouveau cycle historique », comme l'a défini Samuel Doria Medina, l'entrepreneur et candidat du Bloque de Unidad, qui comprend également l'ancien président Jorge « Tuto » Quiroga et Luis Fernando Camacho [gouverneur de Santa Cruz depuis 2021, ancien leader du Comité civique pro-Santa Cruz].

4 avril 2025 | tiré du site alencontre.org
https://alencontre.org/ameriques/amelat/bolivie/bolivie-lautodestruction-du-mas.html

Il est évident que cette trajectoire coïncide avec le « virage à droite (extrême) » que commence à connaître le continent, avec Donald Trump humiliant les Latinos au nord et Javier Milei vociférant des slogans homophobes au sud. Ces deux personnages, surtout le second, servent de modèle à certains candidats boliviens. Mais les causes internes et plus profondes de la nouveauté que ces élections représenteront par rapport au climat politique des deux décennies précédentes sont autres. Tout d'abord, la scission du MAS [en automne 2024] en deux parties et – par un de ces hasards qui n'en sont pas vraiment – l'échec parallèle de la stratégie étatiste de ce parti pour gérer les ressources naturelles du pays.

Commençons par ce dernier point. Cet échec s'est manifesté en février 2023, lorsque les Boliviens ont découvert que les réserves de devises de la Banque centrale s'étaient volatilisées. Il a alors été révélé que n'avait pas été tenue la principale promesse avec laquelle le gouvernement avait justifié la nationalisation du gaz en 2006 et le « modèle économique social communautaire productif » qu'il avait construit à partir de cette date, à savoir que les revenus du sous-sol resteraient dans le pays. L'incroyable excédent de devises de la période de prospérité (2006-2014), qui a atteint 630 000 millions de bolivars (90 000 millions de dollars, dix fois le PIB de la Bolivie lors de l'époque précédente), s'est dissipé en raison de la croissance des importations, de la fuite des capitaux, de l'augmentation des dépenses publiques et du manque de mesures progressistes de pointe – ou « de deuxième génération » – qui auraient permis de combler les failles de l'économie par lesquelles le revenu s'échappait. Il restait un volume important d'infrastructures, bien que pas tout à fait fonctionnelles, mais le train de vie que le pays menait est devenu brusquement insoutenable.

Il fallait « ajuster » l'économie, ce que le président Luis Arce a refusé de faire et qu'il est déjà clair qu'il ne fera pas avant la fin de son mandat en octobre de cette année. Cette décision ne lui a cependant pas été d'une grande utilité, car 88% de la population qualifie la situation économique de « mauvaise », « très mauvaise » ou « moyenne » (le pire résultat régional)[1], dans un contexte où la crise socio-économique est la préoccupation majeure des Boliviens. Dans le même temps, 87% d'entre eux souhaitent « aller dans une direction très différente de celle placée sous la direction du gouvernement d'Arce ».

Cela s'est reflété dans les intentions de vote. Dans la série de sondages les plus sérieux publiés jusqu'à présent, Luis Arce ne recueille que 2% des voix, soit dix fois moins qu'Evo Morales, qui bénéficie de son « vote dur » rural, mais qui, avec environ 20%, est également très loin de ses résultats passés, après avoir perdu le soutien de la classe moyenne urbaine émergente qui le soutenait auparavant. En somme, c'est un désastre pour les deux. Il faut ajouter à ce tableau que pour le MAS, il est déjà pratiquement impossible de gagner un second tour électoral, qui est prévu par la Constitution depuis 2009 mais qui n'a jamais eu lieu jusqu'à présent. Par conséquent, même si la fragmentation de ce qui est en dehors et en opposition au MAS conduisait à ce que l'un des ailes de ce dernier se place entre les deux candidats les plus votés au premier tour, les pronostics pencheraient en faveur du candidat rival, même s'il était le moins bien placé d'entre eux. Face à la faiblesse du MAS, un opposant comme « Tuto » Quiroga [président de la République du 7 août 2001 au 6 août 2002, et vice-président sous la présidence de Hugo Banzer, d'août 1997 à août 2001], Samuel Doria Medina [vice-président de l'Internationale socialiste depuis avril 2023] ou encore le maire de Cochabamba, Manfred Reyes Villa, se passionnent pour incarner « l'anti-masisme », tandis que le millionnaire Marcelo Claure cherche à jouer, à l'échelle locale, un rôle similaire à celui d'Elon Musk lors de l'élection américaine.

C'est la conclusion qu'avait pronostiquée en août 2023 l'ancien vice-président et principal théoricien du « processus de changement », Álvaro García Linera, le seul dirigeant important à s'être tenu à l'écart de la lutte fratricide qui se déroule dans le camp indigène et populaire : « Divisé, le MAS peut perdre au premier tour », avait-il alors déclaré[2]. A quoi Andrónico Rodríguez, le jeune président du Sénat et, pour certains, l'héritier naturel de Morales, a répondu par la suite : « dans un an, nous serons frustrés, déçus, exilés et soudainement emprisonnés »[3]. Andrónico, comme tout le monde l'appelle, a cherché, jusqu'à présent sans succès, à être le candidat présidentiel de l'ensemble du MAS, et pas seulement de la faction « evista ».

Si l'on considère que le MAS a été le parti le plus puissant de l'histoire de la Bolivie et le seul à avoir réussi à réunir presque toute la gauche bolivienne, rassemblant des trotskistes aux postmarxistes derrière un projet national-populaire qui présentait les indigènes comme le sujet de la révolution démocratique, la question qui se pose est la suivante : qu'est-ce qui l'a conduit à cette situation ?

Le système « caudilliste »

Pour comprendre cela, il faut tenir compte du fait que le système politique bolivien est fortement personnalisé ou « caudilliste ». Il s'agit d'un héritage très ancien, d'abord précolombien puis colonial, qui s'est consolidé au fil du temps en raison de la faiblesse des institutions démocratiques et de la « dépendance à l'emploi » ou de la dépendance à l'égard des fonctions publiques pour obtenir une ascension socio-économique dans un pays où il y a peu d'entreprises privées modernes et où 80% de l'économie est informelle.

Cela ne signifie pas que les facteurs sociologiques et idéologiques n'interviennent pas dans la politique bolivienne, mais simplement qu'ils s'expriment à travers les figures de proue. Les véritables groupes politiques efficaces se composent des réseaux d'adhérents d'un leader. Les partis sont composés de ces réseaux et, lorsqu'ils sont de grande taille, de coalitions de ces réseaux qui ont tendance à se diviser à long terme parce que la loyauté des membres n'est pas directement envers l'institution, mais envers leurs chefs respectifs. Dit de manière axiomatique : chaque leader génère un réseau de partisans personnels autour de lui. Mais l'inverse est également vrai : chaque réseau ne peut avoir qu'un seul leader (sinon ce serait un réseau institutionnel, et non personnalisé). Donc, si le chef tombe, le réseau tout entier perd son pouvoir. Il s'agit d'une forme d'organisation populiste, au sens d'Ernesto Laclau : le nom du chef est le symbole qui représente et articule les différentes revendications des acteurs politiques, qui sont des demandes de pouvoir, et, en second lieu, également des revendications de secteurs de l'électorat[4].

Il en découle plusieurs attitudes : 1° la difficulté pour le caudillo de renoncer à son statut, car cette décision aurait des répercussions sur l'ensemble de son courant politique ; 2° la tendance à éliminer le rival par des jeux du « tout ou rien » ou l'absence d'accords institutionnalisés gagnant-gagnant ; 3° la propension de certains, ainsi que la résistance de certains autres, à la réélection présidentielle et 4° la difficulté de toute succession (par exemple, l'histoire de la Bolivie ne compte aucun cas de dauphinage/succession réussi)[5].

Entre 2006 et 2019, Evo Morales a incarné le mouvement indigène et populaire, le modèle économique extractif et redistributif, le « grand Etat ». Il a incarné la gauche, le nationalisme et même la nation. C'est-à-dire que c'est lui qui a donné un caractère personnel à l'hégémonie du projet révolutionnaire[6]. On a même observé des symptômes de culte de la personnalité, comme la pratique de baptiser des bâtiments et des institutions du nom du président ou même de ses parents, la construction d'un musée pour l'honorer dans son village natal, Orinoca, ou l'octroi (parfois l'auto-octroi) à Morales d'un grand nombre et d'une grande variété de titres honorifiques. Le plus récent était celui de « commandant » du MAS, un « titre » qui, paradoxalement, ne lui appartenait pas lorsqu'il était un président puissant.

Après son renversement le 10 novembre 2019, toute cette puissance personnelle qui était énorme et semblait incontestable s'est dissipée comme la brume matinale et plus rien n'a été pareil par la suite. Le MAS a réussi à transcender partiellement Morales, car il est revenu au pouvoir en octobre 2020, après une victoire électorale écrasante, avec 55% des voix, sans l'ex-président à sa tête. Mais celui qui est vraiment revenu au pouvoir à ce moment-là n'était pas l'organisation ou l'appareil MAS, mais un nouveau caudillo appelé Luis Arce et son entourage, qui, ce n'est pas un hasard, était issu de l'antagonisme avec l'entourage d'Evo.

On s'attendait à ce qu'à partir de ce moment, Arce devienne le détenteur de l'hégémonie et mette sa propre marque personnelle sur la nouvelle conjoncture, moins favorable mais toujours prometteuse pour la gauche. Le MAS n'était doté d'aucun mécanisme, règlement ou habitude institutionnelle qui aurait permis que les choses se passent autrement. Dans cette mesure, il n'y avait plus de place pour Morales. La seule façon d'éviter la scission, qui a commencé à se dessiner pendant la campagne électorale, aurait été que Morales se retire de la vie politique active. Mais dans ce cas, son entourage, le réseau caudilliste qui dépendait de lui, aurait disparu, ce qui aurait signifié la fin de la carrière de ses camarades. C'était donc une issue très improbable, et elle l'a toujours été. Malgré les apparences, le caudillisme est un phénomène collectif. De plus, il faut tenir compte des facteurs psychologiques. La lecture des meilleures biographies de Morales permet de découvrir que sa personnalité est de celles qui triomphent dans les systèmes caudillistes, avec des penchants pour le narcissisme et la mégalomanie[7]. Morales n'a jamais voulu démissionner, même s'il a évoqué cette possibilité à quelques reprises[8]. Sa vie n'a eu qu'un seul sens : sa réélection, c'est-à-dire le renouvellement du pouvoir. Il est le caudillo le plus parfait que la Bolivie ait eu depuis Víctor Paz Estenssoro (chef de la Révolution nationale de 1952, puis président de 1952 à 1956 et trois fois ensuite) ou peut-être depuis toujours.

Une fois que deux caudillos ont fait leur apparition sur la scène publique, brandissant les mêmes drapeaux idéologiques – Evo et Lucho –, revendiquant le même espace politique et électoral et pesant de manière égale sur les élections à venir, la seule possibilité qui restait était celle qui s'est finalement produite : la collision. L'un des deux devait vivre ; l'autre, mourir. Au sens figuré, oui, mais aussi, pourquoi pas, au sens propre.

Evo Morales au pied du mur

Le 27 octobre 2024, un commando de la police a tenté d'arrêter l'ancien président Morales alors qu'il se rendait, très tôt le matin, de son domicile dans le village de Villa Tunari à la ville de Lauca Ñ, où se trouve la radio Kausachum Coca, qui diffuse l'émission dominicale de l'ancien président. Les deux localités sont voisines et se trouvent dans le Chapare, une zone subtropicale de cocotiers et bastion historique de Morales.

A ce moment-là, les cultivateurs de coca bloquaient les routes pour exiger l'habilitation électorale de Morales, après l'interdiction de participer décidée en décembre 2023 par une chambre du Tribunal constitutionnel associée au pouvoir. Peu de temps avant leurs barrages, les « évistas » avaient marché du sud du haut plateau bolivien jusqu'à La Paz, dans le but, à demi avoué, de créer les conditions pour renverser le président Arce ou, du moins, le mettre au pied du mur pour qu'il accepte l'habilitation électorale de leur leader.

S'il a été tenté de l'arrêter, c'est parce que, dans le contexte de la marche en question, Morales avait été accusé par le parquet de « viol aggravé avec incitation à la prostitution ». Selon la plainte, il avait eu une fille avec une adolescente de 15 ans dans la ville frontalière de Tupiza, en 2016, alors qu'il était président et avait 57 ans. La descente de police ce matin-là n'a pas été très efficace et les voitures de Morales ont réussi à échapper aux véhicules qui voulaient leur barrer la route. Pendant leur fuite, ils ont été abattus. Une assistante de l'ancien président l'a filmé pendant la fuite, alors qu'il était accroupi sur le siège du passager, aux côtés d'un chauffeur qui continuait à conduire malgré ses blessures. Par la suite, les autorités gouvernementales ont indiqué que Morales et son entourage avaient dépassé un barrage de police et avaient tiré sur la police. Les évadés ont d'abord affirmé qu'il s'agissait d'une arrestation ratée, mais ont ensuite changé de version et ont commencé à dénoncer une prétendue « tentative d'assassinat ».

La vérité se situe probablement entre les deux. La police a tenté d'arrêter Morales par la force, comme elle l'avait fait deux ans auparavant, avec plus d'habileté, avec un autre homme politique défendu par son peuple, le gouverneur de Santa Cruz Luis Fernando Camacho, accusé d'avoir dirigé les manifestations qui ont abouti à la chute de Morales en 2019. Camacho est toujours en prison. Dans le cas de Morales, la tactique n'a pas fonctionné. L'une des balles aurait très bien pu mettre fin à sa vie, auquel cas la lutte fratricide se serait terminée par un dénouement aux résonances macbethiennes et le spectre du leader indigène assassiné continuerait probablement à réclamer vengeance jusqu'à aujourd'hui.

Morales n'a pas disparu physiquement, mais le gouvernement cherche à le faire disparaître symboliquement. Quelques jours après ce que nous venons de raconter, il a été contraint de suspendre plus d'un mois de barrages routiers sans avoir obtenu de résultat. Et l'accusation de viol lui a fait beaucoup de tort sur le plan politique. C'est avant tout pour cette raison qu'elle a été lancée, et non parce que quelqu'un s'intéressait à la présumée victime, qui, au contraire, se trouve aujourd'hui dans une situation pire qu'avant : dans la clandestinité et persécutée par le Ministère public et le gouvernement, qui veulent lui arracher des aveux compromettant l'ancien président.

Pendant ce temps, Morales est de fait confiné dans sa forteresse de Chapare – où il est protégé d'une hypothétique opération commando de la police par une garde personnelle de cultivateurs de coca et de militants de gauche – car il serait arrêté partout ailleurs. Il a essayé de prendre la chose avec humour. Il a déclaré qu'on lui avait rendu service en le confinant, car maintenant il n'a plus à rendre visite aux gens, mais c'est eux qui viennent le voir, ce qui lui a permis de gagner en productivité.

D'autre part, Morales s'est retrouvé sans parti. La faction du président Arce a obtenu le contrôle du MAS en novembre de l'année dernière, grâce à une décision de la même chambre du Tribunal constitutionnel qui a également invalidé la candidature du leader cocalero, et sans tenir compte de l'avis des autorités électorales. Après avoir perdu le parti qu'il a fondé dans sa version actuelle en juillet 1997 et qui lui a permis d'accéder au pouvoir et d'y rester plus longtemps que tout autre homme politique bolivien, Morales a dû conclure un accord avec une autre organisation, le Front pour la Victoire (FPV), qui a accepté de le présenter comme son candidat présidentiel « invité », tandis que les évangéliques se désaffiliaient massivement du MAS. Sa candidature est un acte de volonté avant d'être un fait, car, comme nous l'avons vu, le Tribunal constitutionnel a fixé deux mandats comme limite intangible pour toutes les autorités élues du pays (bien que la Constitution autorise la réélection présidentielle non consécutive sans limite de mandats). Cela rend impossible l'inscription et la participation de Morales aux élections à venir, comme l'a déjà anticipé le président du Tribunal électoral[9].

« Nous serons sur le bulletin de vote ! », a insisté Morales sur le réseau X. Dans cette hypothèse, celle d'être sur le bulletin de vote quoi qu'il arrive, il est parvenu à un accord avec le FPV, dont les caractéristiques précises sont inconnues. Ce parti appartient à une famille de politiciens et a par le passé été remis à des candidats aux idéologies les plus diverses, profitant du fait qu'il dispose de la personnalité juridique électorale, difficile à obtenir en Bolivie. Il a été critiqué comme étant une « affaire de famille », ce que son président, Eliseo Rodríguez, a nié. Le parti, qui va maintenant habiller Evo Morales de ses couleurs, a quelques affaires juridiques en cours avec le Tribunal électoral. Il est possible que le pouvoir en place cherche à obtenir un veto électoral pour le FPV, ce qui obligerait l'ancien président à chercher une autre organisation prête à l'accepter.

Le refus de Morales d'être remplacé par quelqu'un d'autre contribue à la stratégie des officiels pour améliorer les intentions de vote en faveur d'Arce en s'assurant que le président soit la « seule option de gauche » aux élections.

Un jeu perdant-perdant

Evo Morales se bat avec acharnement pour ne pas sombrer, mais la volonté ne lui suffit plus, car il ne s'affronte plus, comme dans les années 1990, aux dirigeants du néolibéralisme qui finissaient toujours par tomber dans ses pièges ou par le victimiser. Aujourd'hui, il doit faire face à ses anciens compagnons, qui ont également des racines et un instinct populaires, qui le connaissent très bien et savent donc sur quoi l'attaquer. Et surtout, il doit affronter pratiquement seul toute la machinerie du pouvoir avec ses trois têtes : la politique étatique, la justice, les médias. Il subit l'attaque combinée du gouvernement d'Arce et de l'élite traditionnelle bolivienne, qui le déteste autant que le premier. Il semble difficile qu'il parvienne à survivre politiquement à une telle attaque.

Arce semble avoir conservé de meilleurs atouts, mais il ne pourra pas nécessairement les jouer. Dans les conditions actuelles, après le faux pas embarrassant et dangereux qu'il a déjà commis, il est très difficile pour lui d'emprisonner Morales. Ce dernier a complètement rejeté la possibilité de s'exiler à nouveau, comme il l'a fait en 2019 au Mexique et en Argentine. Ainsi, la victoire annoncée d'Arce sur l'échiquier s'est transformée, au fil du temps, en une situation de pat, ce qui, comme on le sait, équivaut à une partie déclarée nulle.

Comment se présentera-t-il à sa réélection si son soutien électoral est si faible et que les problèmes économiques s'aggravent avec le temps ?

La crise économique continue de nuire à son image. Les files d'attente pour acheter de l'essence et du diesel sont revenues après le carnaval, ce qui aggrave le malaise des citoyens et citoyennes. L'inflation des deux premiers mois de cette année a été de 3,4%, soit le même taux que celui qui était généralement observé pendant toute une année avant l'essor du modèle économique. Personne ne sait s'il pourra continuer à fournir à l'économie les intrants dont elle a besoin, ni s'il pourra payer les échéances de la dette de cette année. On dit ces jours-ci que « le même aveuglement qui pousse Evo à croire qu'il pourra se présenter aux élections, pousse Arce à croire qu'il peut les gagner ». La dernière chose qui se perd, c'est l'espoir.

Chacun des deux dirigeants a prédit que la carrière de l'autre se terminerait mal. Qui sait. Une chose est sûre, cependant : tous deux, au-delà de leurs réalisations passées, seront responsables – si les choses continuent ainsi – d'une défaite cuisante de la gauche bolivienne, dans le présent et l'avenir immédiat, une gauche hégémonique dans le pays depuis deux décennies. (Article publié dans la revue Nueva Sociedad, avril 2025 ; traduction rédaction A l'Encontre)

Fernando Molina est l'auteur de divers ouvrages sur la Bolivie, notamment Historia contemporánea de Bolivia (Gente de Blanco, Santa Cruz de la Sierra, 2016) y El racismo en Bolivia (Libros Nóadas, La Paz, 2022).


Notes

1. Latinobarómetro : Rapport Latinobarómetro 2024, disponible sur www.latinobarómetro.org. Une étude qualitative de la Fondation Friedrich Ebert montre que 89,6% des personnes interrogées pensent que le pays est sur la « mauvaise voie ». « Le rapport Delphi indique que 89,6% des personnes interrogées pensent que le pays est sur la mauvaise voie » dans La Razón, 18/2/2025.

2. Dans No mentirás, RTP, 21/8/2023.

3. Boris Góngora : « Andrónico : Estamos en ‘grave y alto riesgo' de perder las elecciones si no nos unimos » dans La Razón, 29/1/2025.

4. E. Laclau : La razón populista, FCE, Mexico, 2010.

5. F. Molina : La culture politique bolivienne, Editorial del Estado, La Paz, 2023.

6. Fernando Mayorga : Mandato y contingencia. Estilo de gobierno de Evo Morales, Fondation Friedrich Ebert, La Paz, 2019, disponible sur https://library.fes.de

7. Martín Sivak : Jefazo. Retrato íntimo de Evo Morales, Debate, Buenos Aires, 2009 et Vértigos de lo inesperado. Evo Morales : el poder, la caída y el reino, Plural, La Paz, 2024.

8. Arce a déclaré que Morales était obsédé par la réélection dès son retour au pays après son exil. Susana Bejarano : « Entrevista exclusiva al presidente de Bolivia Luis Arce : ‘No vamos a acudir al FMI ; no entiende cómo funciona cada país' » dans Diario Red, 31/8/2024.

9. « Hassenteufel : El TSE debe acatar el fallo que inhabilita a Evo » dans Correo del Sur, 13/11/2024.

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Droits de douane : Trump invente la « vassalisation heureuse »

8 avril, par Martine Orange — ,
Les droits douaniers états-uniens, annoncés le 2 avril, frappent tous les pays bien plus fortement que prévu. Loin de relancer le protectionnisme, cette politique est (…)

Les droits douaniers états-uniens, annoncés le 2 avril, frappent tous les pays bien plus fortement que prévu. Loin de relancer le protectionnisme, cette politique est l'affirmation d'un impérialisme : chaque pays est sommé de négocier le prix et le poids de ses chaînes à l'égard des États-Unis.

3 avril 2025 | tiré de mediapart.fr |
https://www.mediapart.fr/journal/international/030425/droits-de-douane-trump-invente-la-vassalisation-heureuse

Ce ne pouvait être que grandiose. Pour ce « jour de libération » marquant « le premier jour du retour de l'Amérique », Donald Trump a veillé avec un soin particulier à la mise en scène d'un des grands moments de son début de présidence. Face à un parterre d'industriels, de grandes fortunes et d'ouvriers, il a dégainé, comme il le promettait depuis des semaines, ce qu'il considère comme son arme magique, celle qui peut tout résoudre : les droits de douane.

Tous les pays du monde se voient frappés d'un droit de douane minimum de 10 %. Mais soixante d'entre eux ont un traitement à part. À commencer par la Chine, frappée de 34 % de droits de douane qui viennent s'ajouter aux 20 % déjà existants. Des pays censés être amis des États-unis, comme le Vietnam ou Taïwan, se voient infliger respectivement des droits de douane de 46 et 32 %. Les exportations européennes subiront, elles, des droits supplémentaires de 20 % à partir du 5 avril. Les produits en provenance du Liechtenstein – dont on ignorait la puissance commerciale – sont désormais taxés à hauteur de 37 %. Les exemples de telles bizarreries abondent.

Depuis la présentation de cette liste surréaliste, les analystes et les économistes cherchent à comprendre les règles qui ont servi à élaborer les décisions de l'administration Trump. À ce stade, leur verdict est assez simple : il n'y en a pas.

Tout a été additionné, fusionné, au doigt mouillé : les droits douaniers normaux ont été ajoutés aux droits spécifiques pour protéger certains secteurs et certains produits, les taxes spécifiques comme celle sur les transports, et même la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), que l'administration Trump classe désormais comme une barrière douanière, bien qu'elle s'applique à tous les produits. Ce qui aboutit à des taux moyens des plus fantaisistes pour chaque pays. L'administration états-unienne a choisi en général de prendre la moitié du chiffre pour fixer ses « droits réciproques ».

Car, selon Donald Trump, il n'y a nulle volonté de puissance, désir de rétorsion ou attaque dans ces décisions. Reprenant son discours victimaire, désormais familier, il s'agit seulement d'un juste retour des choses, après des décennies de « vols et de pillages ». « Pendant des années, les Américains qui travaillent dur ont été laissés de côté, tandis que les autres nations sont devenues riches et puissantes, souvent à nos dépens. Maintenant, c'est à notre tour de prospérer », a-t-il lancé.

Même si ces dispositions tarifaires avaient été largement annoncées et, pour certaines, déjà mises en œuvre contre le Canada et le Mexique, les annonces de la présidence états-unienne ont pétrifié les mondes économique et financier : tous espéraient que Donald Trump, sans totalement reculer, adoucirait ses positions. « On est proches du pire scénario que les marchés redoutaient », souligne auprès du Financial Times Ajay Rajadhyaksha, responsable de la recherche à la banque Barclays.

À Wall Street, les indices boursiers (S&P 500, Nasdaq) ont dévissé dans les dernières minutes de la séance du 2 avril, enregistrant des baisses de plus de 2 %. La chute boursière est devenue mondiale le 3 avril, chaque continent accusant, l'un après l'autre, le coup. Les valeurs des groupes qui ont le plus prospéré sur les délocalisations massives ces dernières décennies, à l'instar des fabricants de vêtements de sport comme Nike, Adidas ou Puma, sont le plus touchées. Tous redoutent la contagion.

Un impérialisme plus qu'un protectionnisme

Depuis des semaines, des études mettent en avant des scénarios plus catastrophiques les uns que les autres. Donald Trump lui-même n'a pas exclu « quelques perturbations » pendant un certain temps. Tous parlent d'un rebond de l'inflation, d'un ralentissement économique aux États-Unis puis dans le monde, voire d'une récession.

Beaucoup évoquent les effets néfastes de l'isolationnisme états-unien dans les années 1930 et mettent en garde contre un retour du protectionnisme et une guerre commerciale généralisée qui ne peut que nuire à l'économie mondiale.

À écouter le président états-unien et ses conseillers, toutefois, il n'est pas question de protectionnisme dans leurs mesures, mais plutôt d'un impérialisme sans frein. Convaincu qu'« avoir accès au marché américain est un privilège », Donald Trump et ses proches entendent faire payer cet « immense honneur » à tous les autres pays.

Ils ont d'autant moins envie de fermer les frontières qu'ils sont en train de bâtir toute leur politique budgétaire sur ces droits de douane : ceux-ci, dans leur esprit, doivent les aider à payer les réductions d'impôts qu'ils ont promises aux plus riches et servir à réduire l'immense dette états-unienne. Selon les confidences d'un conseiller de la Maison-Blanche le 2 avril, l'administration présidentielle table sur au moins 6 000 milliards de dollars de recettes douanières au cours de la prochaine décennie.

Ce n'est qu'une première estimation. Car les droits de douane annoncés le 2 avril ne sont qu'une première base de négociations dans l'esprit de l'administration états-unienne. Comme l'a indiqué Donald Trump dans son discours, ils peuvent évoluer « à la hausse ou à la baisse » en fonction des discussions bilatérales que les États-Unis souhaitent ouvrir avec les autres pays.

Tout se calmera sur les marchés, pronostique le républicain Mike Johnson, président de la Chambre des représentants, quand les responsables étrangers « viendront à la table des négociations » et abaisseront leurs droits de douane sur les importations états-uniennes.

Négocier le prix et le poids de ses chaînes

Pour reprendre l'expression du président de la République italienne, Sergio Mattarella, Donald Trump nous entraîne dans le temps de la « vassalisation heureuse ». Il attend que chaque pays définisse sa place dans l'empire états-unien, fasse allégeance, aligne les concessions économiques et politiques qu'il est prêt à consentir. En un mot, qu'il négocie le poids et le prix de ses chaînes à l'égard du suzerain états-unien.

Certains gouvernements ont déjà engagé les discussions et même pris des mesures avant même les annonces. Israël a ainsi annoncé la suppression des droits de douane sur toutes les importations états-uniennes. L'Argentine de Javier Milei a déjà engagé des discussions avec l'administration Trump pour établir des échanges « équilibrés » entre les deux pays. Le gouvernement vietnamien a abaissé certains droits de douane sur les importations états-uniennes. Le Royaume-Uni se dit prêt à discuter « avec loyauté » avec l'administration Trump pour obtenir un traitement privilégié.

Même au sein de l'Europe, les tentations existent. La Slovaquie a déjà commencé à engager des pourparlers avec Washington. L'Italienne Giorgia Meloni réfléchit de son côté au moyen de préserver les liens à part qu'elle a noués avec le président états-unien, Elon Musk et leurs entourages. L'Irlande, qui se sait dans la ligne de mire de Trump, cherche comment se protéger.

Les risques d'escalade sans fin

« Après le jour de libération viendra le jour des rétorsions », prédit Luca Paolino, chef stratégiste à la banque Pictet. Dans la foulée des annonces états-uniennes, le gouvernement chinois a affiché son intention de riposter sévèrement. D'autres risquent d'être tentés de l'imiter.

L'administration Trump a prévenu que toute contre-mesure entraînerait des rétorsions supplémentaires. Même si le président surjoue la force, il n'a peut-être pas une main aussi forte qu'il veut le croire : les États-Unis ne sont plus l'acteur archidominant qu'ils ont pu être dans les années 1980-90. Ils ne représentent plus que 10 % des échanges commerciaux dans un monde devenu multipolaire.

Ces risques d'escalade font craindre à certains économistes une guerre commerciale mondiale. « Les règles du commerce mondial n'existent plus. L'ordre mondial a disparu », déplorent-ils.

Dans les faits, il y a déjà plusieurs années que les règles internationales du commerce ont été délaissées. Les tarifs douaniers ont augmenté de plus de 40 % un peu partout dans le monde au cours des cinq dernières années. Quant à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), elle est en état de mort cérébrale depuis plus de dix ans. Les négociations de Doha qui devaient établir un nouveau round de libéralisation commerciale n'ont jamais abouti.

Un libre-échange enchanteur rêvé

En fait, l'OMC ne s'est jamais remise des conditions désastreuses dans lesquelles elle avait négocié l'entrée de la Chine dans le commerce mondial en 2001. L'ouverture de tous les marchés sans aucune restriction, mettant tous les pays en concurrence les uns avec les autres, sans tenir compte des écarts salariaux, sociaux, environnementaux, au nom des bienfaits du libre-échange, a créé un bouleversement social et politique sans précédent dans les pays occidentaux. Le trumpisme et la montée des populismes en Europe et dans le monde se nourrissent de ces déstructurations.

« Les conséquences de la globalisation ont été sous-estimées. Nous n'avons pas voulu voir la destruction sociale et politique, particulièrement dans les classes moyennes, qu'elle a entraînée dans les pays industrialisés », avouait dernièrement le politologue états-unien Francis Fukuyama. L'auteur de La Fin de l'histoire est un des rares à reconnaître son erreur.

Ces dernières semaines, le propos est plutôt de vanter les mérites d'un libre-échange enchanteur, d'une « mondialisation heureuse » aux incommensurables bénéfices. Celle-ci a pourtant créé une concentration de richesses entre quelques mains, un creusement des inégalités sans aucun point de comparaison historique. Et la concurrence n'a pas empêché la constitution de monopoles et d'oligopoles mondiaux dont le poids et l'influence se font sentir désormais dans toutes les activités humaines.

L'échec probable de Donald Trump

En lançant ses « droits de douane réciproques », Donald Trump sait qu'il répond à une colère populaire états-unienne qui n'a pas trouvé d'autres débouchés. Au-delà de répondre à une aspiration populiste, croit-il que ses mesures aient la moindre chance de succès ?

Même s'il en a le projet, sa volonté de réindustrialiser les États-Unis a peu de chance de réussir. Toutes les politiques industrielles s'inscrivent dans le temps long, demandant vision stratégique, ténacité, calme et patience. Les décisions intempestives et brouillonnes de Donald Trump sont à l'opposé.

Quel industriel peut envisager d'investir dans le chaos que connaissent les États-Unis aujourd'hui ? Rien n'est stable, rien n'est prévisible, même à quelques semaines. Qui peut être tenté de s'aventurer sur un territoire où le gouvernement se mêle de tout, décide arbitrairement, selon des méthodes dignes du maccarthysme, de contrôler les pratiques sociales et environnementales des entreprises, de s'ingérer partout jusqu'à leur imposer de renoncer à toute politique d'égalité et de respect de la diversité ? Qui peut avoir confiance dans le gouvernement de Donald Trump ?

Sans attendre, les ardents défenseurs d'un libre-échange sans frein et sans contrôle annoncent ce que beaucoup anticipent : l'échec probable de la politique commerciale et économique de Donald Trump. Décidés à ce que tout redevienne comme avant, ils reprennent un propos bien rodé : par nature, les barrières douanières sont nocives.

Il est des moments, pourtant, où des protections douanières s'imposent. Jamais la Corée du Sud ne serait parvenue à décoller économiquement si elle était restée ouverte à tous les vents à ses débuts. De même, le développement de certaines technologies, de certaines filières, nécessite de leur assurer des défenses le temps qu'elles prennent leur envol. Pour ne prendre que le seul exemple de l'industrie des panneaux solaires, l'Europe a compris tardivement ce que coûtait une mise en concurrence totalement déséquilibrée avec la Chine.

La protection de l'environnement et la lutte contre les dérèglements climatiques s'inscrivent dans le même processus : la taxe carbone aux frontières n'est rien d'autre qu'une barrière douanière afin d'inciter à la relocalisation des productions. Ce ne sont que quelques exemples. Tous ces sujets sont sur la table, et depuis longtemps.

Au nom de la dangerosité et de l'irrationalité de la politique douanière menée par Donald Trump, le récit sur les bienfaits du libre-échange reprend. Il ne peut cependant esquiver une réalité : il est une des causes de l'impérialisme revendiqué par le président Trump.

Martine Orange

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Le basculement du monde, 2e étape

8 avril, par Antoine Larrache — ,
Les premiers mois de Trump à la Maison Blanche représentent une gigantesque accélération de l'histoire. Les rapports de forces entre les puissances sont percutés, les (…)

Les premiers mois de Trump à la Maison Blanche représentent une gigantesque accélération de l'histoire. Les rapports de forces entre les puissances sont percutés, les politiques antisociales et racistes aux États-Unis sont fortement renforcées. Nous vivons un saut dans la situation : la réaction au « basculement du monde » qu'annonçait François Sabado en 2011 (1)

Tiré de Inprecor 731 - avril 2025
4 avril 2025

Par Antoine Larrache

Vladimir Poutine remettant à Donald Trump le ballon officiel de la Coupe du monde de football 2018 lors du sommet d'Helsinki. © Kremlin.ru

Ce choc était attendu. En effet, la victoire du candidat du Parti républicain était prévisible, en raison des prises de positions de sa concurrente Kamala Harris et du Parti démocrate, qui les ont conduits vers une défaite programmée. La façon dont la départ de Trump s'était déroulé en 2021, avec une répétition générale de coup d'État au Capitole, et le contenu de sa campagne, ont également donné de fortes indications sur sa politique à venir.

Il n'en reste pas moins que le monde entier est percuté par la politique du nouveau président, qui dispose de presque tous les pouvoirs – la présidence, la majorité au Congrès (à la Chambre des représentants comme au Sénat) et à la Cour suprême.

La réaction trumpiste

Les premières mesures de Trump sont terrifiantes, avec notamment ce qu'il appelle «  le plus grand programme d'expulsion de l'histoire américaine  ». Il qualifie les immigré·es d'« envahisseurs » criminels et a annoncé la fin du statut légal de 532 000 Latino-Américain·es, Cubain·es, Haïtien·es, Nicaraguayen·nes et Vénézuélien·nes, sommés de quitter le territoire avant le 25 avril.

Le droit à l'avortement est gravement attaqué par l'annulation de l'arrêt Roe vs Wade, tout comme les droits des LGBTI, notamment par la suppression des mesures DEI (diversité, équité, inclusion) et le fait que le gouvernement ne reconnaisse plus comme genres que l'homme et la femme.

Le travail de destruction entrepris par le Département de l'Efficacité gouvernementale (DOGE, Department of Government Efficiency) dirigé par Elon Musk aboutit à la suppression du ministère fédéral de l'Éducation, aux licenciements de milliers de travailleur·es dans diverses agences, administrations, instituts, universités, dans la santé, etc. 50 000 emplois seraient menacés. Plusieurs milliards de subventions seraient retirés également dans la recherche médicale et scientifiques, notamment dans le domaine des maladies infectieuses. Des « juges fédéraux voyous » sont menacés de destitution et reçoivent des menaces de mort. La liberté de la presse et foulée aux pieds.

Trump contribue à la transformation des États-Unis en un système encore plus autoritaire qu'il ne l'était déjà, et la menace d'un coup d'État ou d'une transformation progressive en dictature est concrète (2).

Sur le plan des relations internationales, le changement est considérable avec la mise en place d'une nouvelle stratégie de défense des intérêts des classes dominantes étatsuniennes, qui consiste à exiger une vassalisation accrue de ses alliés, comme en témoigne la pression sur le Canada et le Mexique, en particulier sur les droits de douane. En Ukraine, la politique de Trump semble osciller entre un « deal » avec Poutine visant à se partager le pays et ses richesses – à l'image du partage de la Pologne par Hitler et Staline en 1939 – et la mise en place d'un protectorat par les États-Unis en échange de positions économiques et de la saisie des richesses ukrainiennes… les deux hypothèses n'étant d'ailleurs pas incompatibles.

L'accélération de l'offensive guerrière en Palestine, par le redoublement des bombardements et l'offensive au sol à Gaza, ainsi que les attaques en Cisjordanie, témoigne d'une volonté du couple Israël-USA de renforcer leur mainmise sur la région, quelles qu'en soient les conséquences humaines.

Face à la Russie à de la Chine

Plus fondamentalement, la politique de Trump est une accélération de la réaction des classes dominantes étatsuniennes au basculement du monde en cours depuis près de vingt ans. François Sabado indiquait que « la crise accentue les changements de rapports de forces mondiaux avec la poussée des pays émergents, le recul des USA et surtout de l'Europe. Le monde occidental, surtout nord-américain, conserve sa puissance politique et militaire, il garde sa force économique mais il recule face à la Chine et dans ses rapports avec d'autres puissances montantes  » (3). Mais la crise s'est encore accentuée, avec des taux de croissance divisés par 2 ou 3. Et la crise écologique rend vitale pour les capitalistes la reconfiguration du monde, des zones d'influence et de pillage des richesses. La concurrence en est exacerbée et les grandes puissances sont entrées dans une phase de confrontation plus forte.

Ainsi, l'offensive impérialiste des États-Unis n'est pas isolée – nous avons traité à de nombreuses reprises le rôle de la Russie dans l'offensive guerrière en Ukraine, qui vise à coloniser l'Ukraine, à y prendre les richesses et le pouvoir politique. On parle moins souvent de ses interventions en Afrique, à travers le groupe Wagner, notamment en Lybie, en République centrafricaine, au Mali, au Burkina Faso et au Niger, et à travers l'installation d'une base militaire au Soudan, en Libye, au Tchad, etc. La Russie n'a pas pu, dans ce contexte, maintenir sa domination sur la Syrie.

La Chine pousse aussi ses pions, en se positionnant dans toute l'Afrique, mais aussi en Amérique latine où elle est devenue le deuxième partenaire commercial (+ 151 % entre 2007 et 2017, un plan de coopération visant à augmenter le montant du commerce à 500 milliards de dollars et à développer des investissements à hauteur de 250 milliards) (4). Elle constitue une alliance de fait avec la Russie, à la fois sur le plan militaire (exercices communs, ventes d'armes à la Russie…) et sur le plan économique et énergétique, dans une dynamique où la Russie, hier plus avancée, devient de plus en plus dépendante et soumise économiquement à la Chine.

Le troisième pôle

Les tentatives d'accord de Trump avec Poutine ont constitué un électrochoc pour l'Union européenne, plus précisément pour la France et l'Allemagne. Les deux principales puissances européennes – sur le plan militaire et économique – en ont déduit une nécessité d'accélérer la construction de la puissance européenne qui n'avançait plus depuis près de vingt ans. Pour le futur chancelier allemand Merz, il est «  minuit moins cinq, et la priorité absolue est que les Européens puissent se défendre eux-mêmes  » sur le plan commercial comme militaire.

En quelques jours début mars, les dirigeants français, allemand, britannique et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, se sont accordé·es sur la mise en place de plans pour multiplier les dépenses militaires. 4,7% du PIB en Pologne, 5 % en Estonie, 5 à 6% en Lituanie, 2,5 % au Royaume-Uni, 3,5 % en France, doubler les dépenses au Danemark… Merz a fait voter un plan d'investissement de 1 000 milliards sur dix ans remettant en cause la règle du déficit « zéro » dans un pays marqué par le pacifisme depuis 1945. Le gouvernement français veut aller chercher des centaines de milliards de financements dans les livrets A et les assurances vie…

Sur le plan économique, le commissaire européen chargé de la Prospérité et de la Stratégie industrielle décrit une volonté d'« européaniser » les entreprises, tant sur le plan des débouchés que des chaines de production, avec une « préférence européenne », tout cela en mettant de côté les objectifs de décarbonation.

Leur politique est donc de constituer une Europe puissance, capable de concurrencer les États-Unis comme la Russie. À ce stade, l'extrême droite et les secteurs de la bourgeoisie qui l'ont rejointe restent éblouis par Trump et Poutine, qu'ils considèrent comme des modèles. Mais déjà en Italie, l'extrême droite s'aligne sur la volonté de construire la puissance européenne. Giorgia Meloni a ainsi déclaré que l'Italie fait «  pleinement partie de l'Europe et du monde occidental  ». Le Rassemblement national français a changé de position sur la sortie de l'OTAN. Le positionnement, sur la moyenne durée, des extrêmes droites européennes, et sa capacité à incarner une réaction bourgeoise européenne autoritaire, est encore indéterminé.

Une marche irrésistible

Les dangers de cette accélération des tensions entre les grandes puissances impérialistes sont immenses, sur le plan militaire comme social. Car ces tensions s'inscrivent dans la crise de profitabilité du capitalisme (5), dans son incapacité à relancer la machine et dans l'accélération de son caractère prédateur (6). Cette dynamique n'est pas nouvelle, les dépenses militaires étatsuniennes ayant par exemple fortement progressé depuis une dizaine d'années, mais elle s'est fortement renforcée, menant le monde devant la possibilité d'affrontements – économiques ou militaires – d'une ampleur sans précédent depuis la fin de l'URSS.

On ne peut distinguer ces deux types d'affrontements, liés aux besoins des classes dominantes de conquérir de nouveaux espaces d'influence économique, par la modification des balances commerciales, des droits de douane, le pillage de ressources, etc. C'est ainsi qu'il faut comprendre la guerre commerciale des États-Unis avec l'Union européenne.

On ne peut pas non plus distinguer les affrontements interimpérialistes des attaques antisociales, racistes et autoritaires, généralisées dans la plupart des pays du monde, car elles visent elles aussi à décupler les capacités à exploiter chaque espace du capitalisme. C'est le sens de l'ubérisation, de la multiplication de la vente ou la location de services, de la surexploitation des sans-papiers et du développement du travail informel, la destruction-privatisation des services publics, etc. Tandis que le racisme contribue à la surexploitation, à créer un état d'esprit nationaliste et guerrier, et à impacter les capacités de résistance des classes populaires. La répression et toutes les mesures antidémocratiques, combinée au contrôle de l'information et des médias, complètent ce tableau menant à toujours plus de guerres et d'autoritarisme.

L'extrême droite fascisante sous ses multiples formes progresse partout dans le monde et est au pouvoir ou à ses portes dans plusieurs pays d'Europe, car elle offre une réponse sur une grande partie de ces terrains.

Les réactions populaires

Les attaques des classes dominantes ne sont cependant pas sans réponse, et les mobilisations de masse se sont multipliées ces dernières semaines, car les politiques des classes dominantes commencent à toucher au cœur de ce qui permet l'acceptation du capitalisme par les classes populaires : un minimum de respect démocratique et social. Comme le dit Robi Morder, la cassure s'opère lorsque la dignité est attaquée (7).

Et, ainsi, on a vu fleurir de grandes manifestations en Serbie et en Grèce contre les mensonges concernant des accidents ferroviaires, et en Turquie contre l'emprisonnement du maire d'Istanbul. Ces mobilisations s'affrontent au pouvoir politique et ne se contentent pas de revendications immédiates, elles sont aussi le réceptacle de colères sociales et démocratiques plus larges. Aux États-Unis, les mobilisations contre les mesures anti-immigré·es sont conséquentes. En France, les mobilisations féministes surtout, mais aussi antiracistes et contre les licenciements, ont montré que la situation reste très instable. C'est également le cas en Amérique latine, en Grande-Bretagne après les réactions aux attaques racistes, en Allemagne avec les mobilisations contre l'extrême droite et les réactions, même limitées, sur l'emploi. Etc.

Pour les révolutionnaires, la situation est loin d'être simple. Une grande partie de la gauche est prête à s'aligner sur les politiques bellicistes, par chauvinisme ou par accord avec les possibilités de relance provisoire de l'économie par les dépenses militaires. Les organisations de la gauche institutionnelle sont en effet reliées à l'ordre bourgeois par de multiples éléments : les appareils syndicaux dépendent en grande partie de l'État, et certains sont prêts à se laisser emporter dans la fuite en avant guerrière et énergétique sous prétexte de sauvegarde de l'emploi ; les élu·es sont attaché·es à leurs postes ; différents liens humains et idéologiques existent au sein des castes dirigeantes. Dans d'autres secteurs, la tentation campiste domine, ou l'indifférence vis-à-vis de la résistance des peuples – en Palestine ou en Ukraine selon les pays et les organisations –, sacrifiés en fonction des intérêts des grandes puissances.

Face à la montée de la concurrence et du militarisme, les jeux sont loin d'être faits ; comme avant les deux guerres mondiales, les alliances ne sont ni complètement prédéterminées ni figées, car elles dépendent de nombreux facteurs : les intérêts croisés des différents secteurs économiques (nouvelles technologies, industrie, finance…) et des couches de la bourgeoisie qui leur correspondent.

Des éléments d'orientation

On ne peut donc, à ce stade, que déterminer des principes généraux et quelques positions tactiques. Le premier principe est de rappeler que la nature politique des régimes ne détermine pas leur place dans les rapports entre puissances : on doit s'opposer aux impérialistes et soutenir les nations opprimées, quel qu'en soit le pouvoir politique. On doit ainsi s'opposer à l'invasion russe et soutenir l'Ukraine, quelle que soit la nature du régime de Zelenski, en espérant que la défaite de la Russie provoque un bouleversement dans le pays.

Nous devons nous opposer au militarisme des grandes puissances, à l'augmentation des budgets militaires, nous devons promouvoir le désarmement nucléaire, et nous positionner pour la défaite des puissances impérialistes (8). Le positionnement par rapport au militarisme est complexe mais il semble que, dans la période actuelle, nous avons intérêt à renforcer le sentiment anti-guerre et à participer à la construction d'un mouvement contre la montée guerrière. Un tel mouvement ne s'oppose pas – au contraire même il doit les soutenir – aux guerres de libération contre l'impérialisme, armées comme non armées, en Ukraine et en Palestine notamment, et quelles que soient les directions politiques des mouvements de libération.

Troisième point, dans tous les conflits, nous soutenons les solutions par en bas. En Ukraine, où nous savons qu'une victoire a besoin d'une participation populaire, qui nécessite un changement, au moins de la politique antisociale de l'État, si ce n'est un changement de régime. Mais aussi au Kurdistan, en Syrie, et partout ailleurs. C'est le cas aussi, bien sûr, pour les luttes sociales : il est urgent dans chaque pays de s'opposer aux attaques libérales, à l'autoritarisme en défendant la démocratie – notamment contre l'extrême droite –, au racisme et à toutes les discriminations, en construisant des mouvements de masse.

Le quatrième point est la nécessité absolue de l'unité dans cette situation : les contradictions de classes s'exacerbant, et même lorsque les organisations du mouvement ouvrier sont très intégrées et passives, les conflits produiront de façon quasiment mécanique des repositionnements concrétisant politiquement les oppositions entre bourgeoisie et prolétariat. Donc, tout en gardant notre indépendance par rapport à des gouvernements de centre-gauche acquis au libéralisme, et en tout en construisant des forces révolutionnaires ouvertes indépendantes, il est capital de se situer à l'intérieur de l'unité d'action. C'est en particulier le cas dans la lutte contre l'extrême droite et contre les offensives réactionnaires.

Le cinquième point est que toutes les certitudes sur l'appréciation des rapports de forces et de la conscience peuvent être remises en cause du jour au lendemain. D'abord parce que, «  au niveau planétaire, si les politiques existantes se poursuivent sans mesures additionnelles, le GIEC (rapport de synthèse 2023) estime que le réchauffement atteindrait +1,5 °C vers 2030, +2 °C vers 2050 et autour de +3 °C en 2100 par rapport à 1900  » (9), avec des conséquences imprévisibles. Et parce que les effets de la fuite en avant capitaliste produiront des secousses dans la jeunesse et le monde du travail qui sont impossibles à prévoir. À nous de répondre présent·es.

Mardi 1er avril 2025

Notes

1. « Notes sur la situation internationale », notes de préparation du Comité international, François Sabado, jeudi 20 janvier 2011, publié par Europe solidaire et Inprecor.

2. « États-Unis : Quelle est la distance qui nous sépare du fascisme ? », Dan La Botz, L'Anticapitaliste, 27 mars 2025.

3. F. Sabado, idem.

4. « Chine : l'autre superpuissance », Alternatives sud, 1er trimestre 2021.

5. « La persistance de la longue dépression du capitalisme mondial », Michael Roberts, 6 avril 2024, Inprecor n° 722-723.

6. « Un capitalisme en crise, prédateur et autoritaire », entretien avec Romaric Godin, 4 février 2025, Inprecor n° 730.

7. « L'unité et le combat pour la dignité sont les ciments des mobilisations de masse de la jeunesse », Robi Morder, revue L'Anticapitaliste, avril 2023.

8. « Le défaitisme révolutionnaire, hier et aujourd'hui », Simon Hannah, Inprecor, 19 mai 2022.

9. « La trajectoire de réchauffement de référence pour s'adapter au changement climatique », Météo France, 16 octobre 2024.

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Capitalisme et pétrole, nouveaux centres d’accumulation du capital et place du Moyen-Orient dans l’impérialisme international

8 avril, par Adam Hanieh, Federico Fuentes — , ,
Adam Hanieh est professeur d'économie politique et de développement international à l'université d'Exeter (Angleterre), où ses recherches portent sur le capitalisme et (…)

Adam Hanieh est professeur d'économie politique et de développement international à l'université d'Exeter (Angleterre), où ses recherches portent sur le capitalisme et l'impérialisme au Moyen-Orient. Son dernier ouvrage a pour titre Crude Capitalism. Oil,Corporate Power, and the Making of the World Market (Verso Books, septembre 2024). Dans ce grand entretien avec Federico Fuentes pour LINKS Adam Hanieh évoque la nécessité de mettre en avant les transferts de valeur pour comprendre l'impérialisme, le rôle d'Israël dans le capitalisme fossile mondial et l'influence croissante des Etats du Golfe.

Tiré d'À l'encontre.

Au cours du siècle dernier, le terme impérialisme a été utilisé pour définir différentes situations. Parfois, il est remplacé par des concepts tels que la mondialisation et l'hégémonie. Le concept d'impérialisme reste-t-il valable ? Si oui, comment le définissez-vous ?

Adam Hanieh : Il reste certainement valable et il y a beaucoup à apprendre à la fois des auteurs classiques sur l'impérialisme, tels que Vladimir Lénine, Nikolaï Boukharine et Rosa Luxemburg, ainsi que des contributions et débats ultérieurs, y compris ceux des marxistes anticolonialistes des années 1960 et 1970.

De manière très générale, je définis l'impérialisme comme une forme de capitalisme mondial reposant sur l'extraction et les transferts continus de valeur des pays pauvres (ou périphériques) vers les pays riches (ou centraux), et des classes des pays pauvres vers les classes des pays riches. Je pense qu'il existe une tendance à réduire l'impérialisme à un simple conflit géopolitique, à la guerre ou à l'intervention militaire. Mais sans cette idée centrale de transferts de valeur, nous ne pouvons pas comprendre l'impérialisme comme une caractéristique permanente du marché mondial qui opère même en période censée être « pacifique ».

Les moyens par lesquels ces transferts de valeur ont lieu sont complexes et nécessitent une réflexion approfondie. L'exportation de capitaux sous forme d'investissements directs étrangers dans les pays dominés est l'un des mécanismes. Le contrôle direct et l'extraction des ressources en sont un autre. Mais nous devons également examiner les divers mécanismes et relations financiers qui se sont généralisés depuis les années 1980, par exemple les paiements du service de la dette effectués par les pays du Sud. Il existe également des différences de valeur de la force de travail entre les pays du centre et ceux de la périphérie, ce que les théoriciens de l'impérialisme des années 1960 et 1970, tels que Samir Amin et Ernest Mandel, ont analysé. L'échange inégal dans le commerce est une autre voie. Et la main-d'œuvre migrante est un autre mécanisme très important par lequel s'effectuent les transferts de valeur. Réfléchir à ces multiples formes nous permet de mieux comprendre le monde d'aujourd'hui, au-delà de la simple question de la guerre ou des conflits interétatiques.

Aborder l'impérialisme à travers ces transferts de valeur permet de révéler qui en profite. Lénine a mis en avant le capital financier, qui était le résultat du contrôle de plus en plus intégré du capital bancaire et du capital industriel ou productif. Cela reste valable. Mais c'est plus compliqué aujourd'hui, dans la mesure où certaines couches de bourgeoisies dominées dans la périphérie se sont partiellement intégrées au capitalisme dans le centre. Non seulement ils ont souvent la nationalité de ces pays, mais ils bénéficient de ces relations impériales. Il y a aussi beaucoup plus de propriété transfrontalière du capital et l'essor des zones financières offshore, ce qui rend beaucoup plus difficile le suivi du contrôle et des flux de capitaux. Pour comprendre l'impérialisme aujourd'hui, il faut mieux cerner qui bénéficie de cette intégration dans les principaux centres d'accumulation du capital, et comment les différents marchés financiers sont connectés.

Une troisième caractéristique qui découle de ces transferts de valeur est le concept d'aristocratie ouvrière. Ce concept était si important pour discuter du colonialisme et de l'impérialisme, remontant à Karl Marx et Friedrich Engels, mais il est souvent mal interprété ou laissé de côté dans la pensée marxiste contemporaine. Si l'on va au-delà de la brochure de Lénine, L‘impérialisme, stade suprême du capitalisme, pour examiner ses autres écrits sur l'impérialisme, on constate qu'il a consacré une attention particulière à l'analyse des implications politiques des relations impériales dans la création de couches sociales dans les pays centraux dont la politique s'est alignée et a été connectée à leur propre bourgeoisie. Cette idée reste valable et doit être remise en avant. En Grande-Bretagne, par exemple, elle permet d'expliquer le caractère clairement pro-impérialiste du Parti travailliste britannique.

L'une des caractéristiques de l'impérialisme contemporain qui n'était pas bien théorisée au début du XXe siècle est la façon dont la domination impériale est nécessairement liée à des idéologies racistes et sexistes particulières, qui contribuent à les justifier et à les légitimer. Nous pouvons le voir aujourd'hui dans le contexte de la Palestine. Il est vraiment important d'intégrer l'antiracisme et le féminisme dans notre façon de penser le capitalisme, l'anti-impérialisme et les luttes anti-impérialistes. Neville Alexander [1936-2012, il fut emprisonné de 1964 à 1974 à Robben Island] l'a fait dans le contexte sud-africain, tout comme Walter Rodney [1942-1980 date de son assassinat], un marxiste anticolonialiste de Guyane, et Angela Davis aux Etats-Unis.

Beaucoup s'accordent à dire qu'après la guerre froide, la politique internationale a été dominée par l'impérialisme étatsunien/occidental. Pourtant, un changement relatif semble se produire avec l'essor économique de la Chine, l'invasion de l'Ukraine par la Russie et la démonstration de puissance militaire au-delà de leurs frontières par des nations encore plus petites, telles que la Turquie et l'Arabie saoudite. De manière générale, comment comprendre la dynamique à l'œuvre au sein du système impérialiste international ?

Depuis le début des années 2000, nous avons assisté à l'émergence de nouveaux centres d'accumulation du capital en dehors des Etats-Unis. La Chine se trouve au premier plan. Au départ, cela était lié aux flux d'investissements directs étrangers en Chine et dans la région plus large de l'Asie de l'Est visant à exploiter une main-d'œuvre bon marché dans le cadre d'une réorganisation des chaînes de valeur mondialisées. Mais depuis lors, l'essor de la Chine a été associé à un affaiblissement relatif du capitalisme étatsunien dans le contexte de crises mondiales profondes et de plus en plus graves.

Cette érosion relative de la puissance des Etats-Unis peut être observée à travers différents indicateurs. Au cours des trois dernières décennies, la domination étasunienne sur les technologies, les industries et les infrastructures clés s'est affaiblie. La baisse de la part des Etats-Unis dans le PIB mondial, qui est passée de 40% à environ 26% entre 1985 et 2024, en est une indication. Il y a également eu un changement relatif dans la propriété et le contrôle des plus grandes entreprises capitalistes du monde. Le nombre d'entreprises chinoises figurant dans le Global Fortune 500, par exemple, a dépassé celui des entreprises américaines en 2018 et est resté ainsi jusqu'à l'année dernière, lorsque les Etats-Unis ont repris la tête (139 entreprises américaines contre 128 chinoises). La présence de la Chine sur cette liste, en 2000, se limitait à 10 firmes. Si l'ascension de la Chine s'est faite en grande partie aux dépens des entreprises japonaises et européennes, on a également observé une baisse du contrôle américain sur les grandes firmes : au cours des 25 dernières années, la part des Etats-Unis dans le classement de Global Fortune 500 est passée de 39% à 28%.

Il est important de noter que ces signes de déclin relatif des Etats-Unis se reflètent au niveau national. Le capitalisme étatsunien est en proie à de graves problèmes sociaux : baisse de l'espérance de vie, incarcération de masse, sans-abrisme, santé mentale et effondrement des infrastructures essentielles. Le néolibéralisme et la polarisation extrême de la richesse ont éviscéré la capacité de l'Etat à répondre aux crises majeures, comme on l'a vu avec la pandémie de Covid et, plus récemment, lors de la saison des ouragans de 2024 et des incendies de Los Angeles en janvier 2025.

Mais nous devons souligner l'affaiblissement relatif de la puissance américaine. Je ne pense pas qu'un effondrement imminent de la domination des Etats-Unis soit à l'ordre du jour. Ils conservent un avantage militaire considérable sur leurs rivaux, et la centralité du dollar américain n'est pas remise en question. Ce dernier est une source majeure de puissance étatsunienne car il permet aux Etats-Unis d'exclure leurs concurrents des marchés financiers et du système bancaire américains (particulièrement évident depuis le 11 septembre). Une grande partie de la puissance géopolitique des Etats-Unis s'articule autour de sa domination financière – une autre raison pour laquelle nous devons considérer l'impérialisme au-delà de ses formes militaires.

Il y a aussi une vision plus ample de ces rivalités mondiales que nous devrions mettre en avant : les crises multiples et interconnectées qui marquent aujourd'hui le capitalisme à l'échelle mondiale. Nous pouvons le constater dans la stagnation des taux de profit et les importants volumes de capitaux excédentaires en quête de valorisation ; l'énorme augmentation de la dette publique et privée ; la surproduction dans de nombreux secteurs économiques ; et la dure réalité de l'urgence climatique. Ainsi, lorsque nous parlons de la dynamique du système impérialiste mondial, il ne s'agit pas simplement de rivalités entre Etats et de mesurer la force des Etats-Unis par rapport à d'autres puissances capitalistes. Nous devons replacer ces conflits dans la crise systémique à plus long terme que tous les Etats tentent de surmonter.

Comment comprenez-vous l'ascension du président américain Donald Trump dans ce contexte ?

Certains commentateurs libéraux dépeignent souvent Trump comme une sorte d'égoïste fou supervisant une administration détournée par des milliardaires d'extrême droite (ou secrètement dirigée par la Russie). Je pense que cette perspective est erronée. Indépendamment du narcissisme personnel de Trump, il représente un projet politique clair qui s'attaque aux problèmes généraux que je viens d'évoquer : comment gérer le déclin relatif des Etats-Unis dans le contexte des crises systémiques plus importantes auxquelles est confronté le capitalisme mondial ?

Si vous suivez les discussions entre ses conseillers économiques, vous en aurez la preuve. Un exemple particulièrement révélateur est une longue analyse [Hudson Bay Capital : « A User's Guide to restructuring the Global Trading system, november 2024 »] écrite en novembre 2024 par Stephen Miran, un économiste qui vient d'être confirmé à la présidence du Conseil des conseillers économiques de Trump. Miran affirme que l'économie des Etats-Unis s'est amenuisée par rapport au PIB mondial au cours des dernières décennies, alors que les Etats-Unis supportent le coût du maintien du « parapluie de défense » mondial face à des rivalités interétatiques croissantes. Il affirme surtout que le dollar est surévalué en raison de son rôle de monnaie de réserve internationale, ce qui a érodé la capacité de production américaine.

Il propose de résoudre ce problème en brandissant la menace de droits de douane pour contraindre les alliés des Etats-Unis à assumer une plus grande part des coûts de l'empire. Selon Miran, cela contribuera à ramener l'industrie manufacturière aux Etats-Unis (un élément important en cas de guerre). Il propose une série de mesures pour limiter les effets inflationnistes de ce plan et maintenir le dollar comme monnaie dominante malgré la dévaluation espérée (il souligne explicitement l'importance du dollar américain pour projeter et garantir la puissance des Etats-Unis). Ce type de perspective est défendu par l'administration Trump, y compris par le secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin [ancien de Goldman Sachs de 1985 à 2002 – dont son père était un haut dirigeant – puis à la tête d'un fonds spéculatif].

L'essentiel n'est pas de savoir si ce plan fonctionne ou s'il est économiquement judicieux, mais de comprendre les motivations qui le sous-tendent. Il est explicitement conçu comme un moyen de faire face aux problèmes auxquels s'affronte le capitalisme américain et international, et de réaffirmer la primauté des Etats-Unis en répercutant ses coûts sur d'autres zones du monde. L'administration Joe Biden a proposé différentes solutions, mais elle s'est heurtée aux mêmes problèmes, parlant ouvertement d'intensifier la « concurrence stratégique » et de la nécessité de trouver des moyens pour les Etats-Unis de « maintenir leurs avantages fondamentaux dans la concurrence géopolitique » (« The Sources of American Power. A Foreign Policy for a Change World », Jake Sullivan, Foreign Affairs, November-December 2023).

Nous devons donc aborder l'administration Trump en tant qu'acteurs dotés d'un projet cohérent. Il est évident que ce projet génère de nombreuses contradictions et tensions internes, ainsi que des désaccords évidents de la part de certaines sections du capital étatsunien et d'alliés historiques. Mais ces tensions reflètent également la nature très instable du capitalisme international mondial à l'heure actuelle.

L'articulation nationale du projet, comme c'est souvent le cas en temps de crise, repose sur la désignation de boucs émissaires, donc : un racisme virulent et des attitudes anti-migrants, un irrationalisme anti-scientifique, le déni du changement climatique et des politiques ultra-conservatrices en matière de genre et de sexualité. Tous ces types de tropes idéologiques servent à promouvoir le nationalisme, le militarisme et le sentiment d'un pays assiégé. Ils permettent encore plus de répression étatique et de coupes dans les dépenses sociales. Bien sûr, cela ne se limite pas aux Etats-Unis. La résurgence mondiale de ces idéologies d'extrême droite est une indication supplémentaire que nous sommes confrontés à une crise systémique plus importante à laquelle tous les Etats capitalistes font face.

Je tiens à souligner à nouveau l'urgence climatique. Nous pouvons voir comment l'administration Trump déchire les réglementations environnementales et cherche à accélérer la production nationale de pétrole et de gaz afin de réaffirmer le pouvoir du capitalisme étatsunien (en réduisant les coûts énergétiques). Mais il est également très clair que nous entrons dans une phase d'effondrement climatique en cascade et imprévisible, qui aura un impact matériel sur des milliards de personnes dans les décennies à venir. La droite peut nier la réalité du changement climatique, mais c'est finalement parce que le capitalisme ne peut laisser quoi que ce soit affecter l'accumulation du capital. Nous devons placer la question climatique au centre de notre politique actuelle, car elle sera de plus en plus présente dans tous les domaines.

Diverses explications contradictoires ont été avancées pour justifier le soutien impérialiste des Etats-Unis et de l'Occident à la guerre d'Israël contre Gaza. Quel est votre point de vue ? Comment le processus de normalisation entre Israël et les nations arabes s'inscrit-il dans ce contexte ? Et quel impact le 7 octobre et le génocide de Gaza ont-ils eu sur ce processus ?

Nous devrions replacer la relation entre les Etats-Unis et Israël dans le contexte de la région au sens large, et non pas simplement à travers le prisme de ce qui se passe à l'intérieur des frontières de la Palestine ou des motivations des dirigeants israéliens. Cela nécessite de mettre en évidence l'impérialisme américain (voir l'article de juin 2024 d'Adam Hanieh sur le site alencontre.org) et le rôle central de la région dans le capitalisme fossile international.

L'ascension des Etats-Unis en tant que puissance capitaliste dominante a été étroitement liée à l'adoption du pétrole comme principale source d'énergie fossile au milieu du XXe siècle. Cela a donné un rôle très important au Moyen-Orient, en tant que centre des exportations mondiales de pétrole et zone cruciale de production d'énergie, dans le projet mondial des Etats-Unis. Au Moyen-Orient, Israël a été un pilier essentiel de l'influence des Etats-Unis, en particulier après la guerre [israélo-arabe] de 1967, où il a démontré sa capacité à vaincre les mouvements nationalistes arabes et les luttes anticoloniales. En ce sens, les Etats-Unis ont toujours été aux commandes de cette relation régionale – et non pas Israël, et certainement pas un lobby pro-israélien.

L'autre pilier de la puissance des Etats-Unis au Moyen-Orient a été les Etats du Golfe, en particulier l'Arabie saoudite. Depuis le milieu du XXe siècle, les Etats-Unis ont établi une relation privilégiée avec les monarchies du Golfe, agissant comme un soutien à leur survie tant qu'elles restaient dans le système plus large d'alliances régionales des Etats-Unis. Cela signifiait garantir l'approvisionnement en pétrole du marché mondial et veiller à ce que le pétrole ne soit jamais utilisé comme « arme ». Cela signifiait également que les milliers de milliards de dollars gagnés par les Etats du Golfe grâce à la vente de pétrole étaient en grande partie réinjectés sur les marchés financiers occidentaux.

Mais, comme pour son statut mondial, la domination des Etats-Unis dans la région s'est érodée au cours des deux dernières décennies. Cela se reflète dans le rôle croissant d'autres Etats extérieurs à la région (comme la Chine et la Russie) et dans la lutte des puissances régionales pour étendre leur influence (par exemple l'Iran, la Turquie, l'Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis). Il est important de noter qu'il y a également eu un déplacement vers l'est des exportations de pétrole et de gaz du Golfe, qui s'orientent désormais principalement vers la Chine et l'Asie de l'Est, plutôt que vers les pays occidentaux.

En réponse, les Etats-Unis ont cherché à rapprocher leurs deux principaux alliés régionaux en normalisant les relations politiques, économiques et diplomatiques entre les Etats du Golfe et Israël. Ce projet remonte à plusieurs décennies, mais s'est intensifié dans le cadre des accords d'Oslo dans les années 1990. Plus récemment, Israël a normalisé ses relations avec les Emirats Arabes Unis et Bahreïn par le biais des accords d'Abraham de 2020. Cette année-là, Israël a également normalisé ses relations avec le Soudan et le Maroc. Ces étapes importantes ont été suivies en 2022 par la signature d'un accord de libre-échange entre les Emirats Arabes Unis et Israël.

Nous devons lire les actions d'Israël et le génocide à Gaza à travers ce prisme. Même maintenant, au lendemain du 7 octobre et du génocide, et alors que l'on parle d'expulser davantage de Palestiniens de leur terre, l'objectif des Etats-Unis reste la normalisation des liens entre Israël et les Etats du Golfe afin de réaffirmer leur primauté dans la région.

Cependant, la proposition de Trump de nettoyer Gaza de sa population palestinienne ne rend-elle pas plus difficile la normalisation des relations entre les gouvernements de la région et Israël ?

Les propositions de Trump en faveur d'un nettoyage ethnique de Gaza trouvent clairement un écho dans une grande partie du spectre politique israélien. Il existe cependant de nombreux obstacles à cela, à commencer par le fait que des Etats tels que la Jordanie et l'Egypte ne veulent pas voir un si grand nombre de réfugiés palestiniens déplacés sur leur territoire.

Mais des pays comme l'Arabie saoudite, la Jordanie et l'Egypte ne sont pas fondamentalement en désaccord avec le projet des Etats-Unis. En principe, la monarchie saoudienne n'a aucun problème à normaliser ses relations avec Israël, et elle a certainement donné le feu vert aux Emirats Arabes Unis pour le faire dans le cadre des Accords d'Abraham. Il existe un alignement extrêmement étroit entre les Etats-Unis et les Etats du Golfe, qui s'accélère sous Trump. Nous pouvons le constater par le fait que l'Arabie saoudite accueille les négociations actuelles entre les Etats-Unis et la Russie, et par la récente annonce faite par les Emirats Arabes Unis de leur intention d'investir 1400 milliards de dollars américains aux Etats-Unis au cours de la prochaine décennie.

Dans le même temps, il est évidemment très difficile pour ce projet d'avancer sans la défaite des Palestiniens à Gaza et ailleurs, et sans une certaine forme d'acquiescement palestinien. La solution potentielle à ce dilemme se trouve en Cisjordanie, sous la forme de l'Autorité palestinienne (AP). L'AP est essentielle car elle a créé une couche de politiciens palestiniens et une classe capitaliste palestinienne dont les intérêts sont liés à un compromis avec Israël et qui sont prêts à faciliter la normalisation régionale (c'était tout l'intérêt des accords d'Oslo). Ainsi, nous ne devrions pas considérer les Etats arabes comme étant génétiquement opposés au nettoyage ethnique et à la normalisation de la manière dont Trump le propose.

Les monopoles pétroliers nationaux gérés par les Etats du Moyen-Orient (et d'autres pays non occidentaux) ont dépassé les entreprises occidentales sur le marché mondial du pétrole. Comment cela influence-t-il la position du Moyen-Orient au sein du capitalisme international ?

Au cours des deux dernières décennies, nous avons assisté à l'émergence de grandes compagnies pétrolières nationales, qui modifient la dynamique de l'industrie pétrolière mondiale. Les Etats du Golfe se distinguent à cet égard, en particulier avec Saudi Aramco, le plus grand producteur et exportateur de pétrole au monde aujourd'hui, qui a dépassé les grandes entreprises occidentales qui ont dominé l'industrie pendant la majeure partie du XXe siècle.

Ces compagnies pétrolières nationales ont suivi l'exemple des supermajors pétrolières occidentales en s'intégrant verticalement. Dans les années 1970, les Etats producteurs de pétrole tels que l'Arabie saoudite se concentraient principalement sur l'extraction du pétrole brut en amont. Mais aujourd'hui, leurs compagnies pétrolières nationales sont actives tout au long de la chaîne de valeur. Elles sont impliquées dans le raffinage et la production de produits pétrochimiques et de plastique. Elles possèdent des compagnies maritimes, des pipelines, des pétroliers et des stations-service où les carburants sont vendus. Elles disposent de réseaux de commercialisation mondiaux.

Dans le même temps, nous avons assisté à l'émergence de ce que j'appelle dans Crude Capitalism « l'axe Est-Est des hydrocarbures ». Avec l'essor de la Chine, les exportations de pétrole du Golfe se sont détournées de l'Europe occidentale et des Etats-Unis, pour se diriger vers l'Est, plus précisément vers la Chine et l'Asie de l'Est. Nous ne parlons pas seulement de l'exportation de pétrole brut, mais aussi de produits raffinés et de produits pétrochimiques. Cela a conduit à des interdépendances croissantes entre ces deux régions qui constituent désormais l'axe central de l'industrie pétrolière mondiale en dehors des Etats-Unis.

Cela ne veut pas dire que les marchés occidentaux et les compagnies pétrolières ne sont pas importants. Les grandes supermajors occidentales dominent toujours aux Etats-Unis et dans le bloc nord-américain au sens large. Mais il faut bien admettre que le marché mondial du pétrole est un marché pétrolier fragmenté, dans lequel ces connexions Est-Est reflètent davantage l'affaiblissement de l'influence étatsunienne – à l'échelle mondiale et au Moyen-Orient.

Qu'est-ce que cela nous apprend sur l'idée que certaines entreprises transnationales ou publiques non occidentales peuvent fonctionner avec succès sans ancrage institutionnel dans une puissance impérialiste ?

Il ne s'agit pas d'entreprises étatsuniennes ou occidentales, mais elles ont tout de même des liens importants avec des compagnies pétrolières occidentales (notamment par le biais de partenariats) et sont actives sur les marchés occidentaux. La plus grande raffinerie de pétrole aux Etats-Unis appartient à l'Arabie saoudite. Nous ne devrions donc pas nécessairement les opposer, comme s'il y avait une différence fondamentale dans la façon dont elles, en tant que « bloc fossile », voient l'avenir de l'industrie. Elles sont absolument du même côté en ce qui concerne l'état d'urgence climatique. Nous pouvons le constater dans le rôle prépondérant des Etats du Golfe qui font obstruction et détournent toute réponse internationale efficace à cette urgence.

Tout en renforçant leurs liens avec la Chine, les Etats du Golfe ont de plus en plus démontré leur volonté d'agir de manière autonome et même de rivaliser pour exercer une influence dans la région. Comment expliquez-vous le rôle de ces Etats du Golfe ?

Associés à cet affaiblissement relatif de la puissance des Etats-Unis, d'autres acteurs, dont les Etats du Golfe, ont cherché à projeter leurs propres intérêts régionaux.

Ils ont utilisé divers mécanismes : le parrainage de différents groupes armés ou mouvements politiques ou l'accueil de différentes forces politiques (le cas du Qatar se distingue ici) ; l'octroi d'une aide financière à des Etats tels que l'Egypte et la Libye ; l'intervention militaire dans des pays tels que le Yémen et le Soudan ; et le contrôle des ports et des voies logistiques. De cette manière, les Etats du Golfe ont cherché à accroître leur présence régionale.

Cela est en partie lié aux conséquences des soulèvements arabes de 2011, qui se sont rapidement propagés dans la région, déstabilisant des dirigeants autoritaires de longue date, comme en Egypte et en Tunisie. Les États du Golfe ont joué un rôle majeur dans la tentative de reconstitution de ces États autoritaires à la suite des soulèvements.

Il existe également des rivalités entre les Etats du Golfe, en particulier entre l'Arabie saoudite et le Qatar, mais aussi entre l'Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis. Ils ne sont pas nécessairement d'accord sur tout et soutiennent parfois des camps opposés, par exemple au Soudan [où l'Arabie saoudite soutient les forces armées soudanaises dans la guerre civile en cours, tandis que les Emirats Arabes Unis aident les Forces de soutien rapide d'Hemeti-Mohamed Hamdan Dogolo].

Cependant, malgré son déclin relatif, les Etats-Unis restent la principale puissance impérialiste de la région. Cela est évident au vu de leur présence militaire directe dans le Golfe, où les Etats-Unis disposent d'installations et de bases militaires dans des pays tels que le Bahreïn, l'Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis. Les Etats-Unis restent la dernière force de recours, militaire et politique, des régimes du Golfe.

Le terme « subimpérialiste » est parfois utilisé pour décrire des pays comme ceux-ci, qui sont à la fois subordonnés à une puissance impérialiste mais qui opèrent avec une certaine autonomie dans leur sphère d'influence. Considérez-vous que ce terme est utile pour comprendre les Etats du Golfe ?

Si le terme de « sous-impérialisme » peut rendre compte en partie de ce que représentent ces Etats, les Etats du Golfe n'ont pas nécessairement la capacité de projeter leur puissance militaire de la même manière que les puissances occidentales. Cela ne veut pas dire qu'ils ne renforcent pas leur capacité militaire, mais ils agissent encore largement par procuration et dépendent fortement de la protection militaire des Etats-Unis. Comme je l'ai mentionné, il y a des bases militaires américaines partout dans le Golfe. Les exportations de matériel militaire des pays occidentaux vers la région renforcent la supervision occidentale des armées du Golfe, car ces exportations nécessitent une formation, une maintenance et un soutien continus.

Cela dit, l'exportation de capitaux du Golfe vers la région au sens large – et de plus en plus aussi vers le continent africain – est très évidente. Ces exportations de capitaux reflètent des transferts transfrontaliers de valeur. Il est également très clair que les conglomérats basés dans le Golfe ont été les principaux bénéficiaires de la vague néolibérale qui a balayé le Moyen-Orient au cours des dernières décennies, au cours de laquelle les économies ont été ouvertes et les terres et d'autres actifs privatisés. Je ne parle pas seulement des conglomérats publics du Golfe, mais aussi des grands conglomérats privés. Si vous regardez dans la région des secteurs tels que la banque, la vente au détail, l'agroalimentaire, vous trouverez à la fois des conglomérats publics et privés basés dans le Golfe.

C'est pourquoi il est si important de penser à la région dans le contexte des intérêts capitalistes et des modèles d'accumulation du capital, et pas seulement dans le contexte des conflits interétatiques.

L'Iran est parfois considéré comme une puissance de faible importance ou sous-impérialiste, étant donné son conflit simultané avec l'impérialisme américain et son rôle accru dans la région. D'autres le voient comme le fer de lance d'un « axe de résistance anti-impérialiste » dans la région. Comment voyez-vous le rôle de l'Iran ?

L'expression « axe de la résistance » est trompeuse car elle implique une trop grande unanimité entre un ensemble d'acteurs assez hétérogène ayant des intérêts, des bases sociales et des relations avec la politique différents, tant au niveau national que régional. Elle cherche essentiellement à placer un signe plus là où [l'ancien président américain George W. Bush] a placé un signe négatif avec son « axe du mal ». C'est une façon réductrice de concevoir la politique.

Nous devons nous opposer clairement et sans équivoque à toute forme d'intervention impérialiste occidentale en Iran ou dans la région au sens large (que ce soit directement ou par l'intermédiaire d'Israël). Cela signifie non seulement une intervention militaire, mais aussi une intervention économique et d'autres formes d'intervention. Les sanctions sont un élément important dans le cas de l'Iran.

En même temps, nous devons reconnaître que l'Iran est un Etat capitaliste, avec sa propre classe capitaliste, qui a ses propres objectifs dans la région et plus largement. Tout comme les Etats du Golfe, l'Iran tente de projeter sa puissance régionale, dans ce contexte de déstabilisation post-2011, d'affaiblissement relatif de la puissance des Etats-Unis et de tout ce dont nous avons discuté.

Il est vrai que l'Iran le fait en dehors du projet étatsunien pour la région, comme il le fait depuis des décennies. Mais reconnaître le caractère capitaliste de l'Etat iranien signifie que nous devons également être solidaires des mouvements sociaux et politiques progressistes réprimés en Iran, qu'il s'agisse des luttes ouvrières et syndicales (qui restent nombreuses), des luttes des femmes, des luttes du peuple kurde, etc. Ce sont des mouvements que nous, socialistes, devons soutenir, dans le cadre d'une politique anti-impérialiste.

Le point de départ est d'être systématiquement anticapitaliste dans notre façon de penser les Etats et les mouvements, ce qui signifie ne donner aucun soutien politique aux gouvernements capitalistes, quels qu'ils soient et où qu'ils puissent être. Nous pouvons être solidaires des personnes en lutte tout en nous opposant à l'intervention impérialiste sous toutes ses formes, et ne pas réduire les complexités du capitalisme au Moyen-Orient à une sorte de géopolitique manichéenne. (Article-entretien publié sur le site LINKS en date du 31 mars 2025 ; traduction par la rédaction de A l'Encontre)

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“Mission South Africa” : Trump au secours des fermiers blancs “persécutés” d’Afrique du Sud

8 avril, par Courrier international — , , ,
L'administration américaine précise les contours de son plan d'accueil des Afrikaners, victimes, selon elle, de “discriminations raciales”. Une initiative qui illustre les (…)

L'administration américaine précise les contours de son plan d'accueil des Afrikaners, victimes, selon elle, de “discriminations raciales”. Une initiative qui illustre les “priorités” de la nouvelle administration, alors que les États-Unis ferment les programmes d'accueil de migrants.

Tiré de Courrier international. Légende de la photo : Des sud-africains blancs soutenant le président américain, Donald Trump, et le milliardaire sud-africain et américain Elon Musk, lors d'un rassemblement devant l'ambassade américaine à Pretoria, le 15 février 2025. Photo : Marco Longar/AFP

“Mission South Africa” : tel est, d'après The New York Times, le nom du programme élaboré par l'administration américaine dans le but d'accélérer l'accueil de “réfugiés” sud-africains issus de la minorité blanche afrikaner et “victimes de discriminations raciales injustes”, selon le département d'État américain.

Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump s'est employé à fermer les programmes d'accueil de migrants, “rendant quasiment impossible pour des personnes de nombreux pays de chercher refuge aux États-Unis”, rappelle le New York Times. “À une exception près”, souligne le quotidien new-yorkais : les Afrikaners, une minorité sud-africaine blanche issue des premiers colons néerlandais, allemands, français.

Accusant le gouvernement sud-africain de vouloir “saisir les propriétés agricoles de la minorité afrikaner sans compensation”, l'administration américaine annonçait, au début de février, la création d'un statut de réfugié pour cette minorité dont la frange nationaliste fut l'architecte de l'apartheid. Un mois plus tard, les autorités sont passées à la “phase 1” de l'opération : déployer “de multiples équipes pour convertir des bureaux commerciaux à Pretoria, la capitale de l'Afrique du Sud, en centre de réfugiés ad hoc”, selon des documents consultés par le New York Times.

Plus de 8 200 candidatures seraient actuellement étudiées par l'administration américaine, et “100 Afrikaners” potentiellement éligibles au programme ont déjà été identifiés, précise le quotidien. Des chiffres “bien loin” de ceux qui avaient été récemment avancés par la chambre de commerce sud-africaine aux États-Unis, laquelle assurait à la mi-mars que 70 000 Sud-Africains se seraient “montrés intéressés” par l'idée de migrer aux États-Unis, relève le site d'investigation sud-africain Daily Maverick.

“Revendications suprémacistes blanches”

Le 3 avril, un élu républicain à la Chambre des représentants, Troy Nehls, a également déposé une proposition de loi intitulée “Afrikaner Act”, rapporte la presse sud-africaine. Il propose de créer un statut de réfugié prioritaire ouvert aux “résidents sud-africains membres de la minorité caucasienne qui souffrent de persécutions ou qui ont des craintes légitimes de persécution fondée sur leur race, leur ethnie ou leurs ascendances”.

Le gouvernement sud-africain a dénoncé à de multiples reprises la campagne de désinformation de la Maison-Blanche, rappelant notamment que, trente ans après la fin de l'apartheid, la minorité blanche reste, de loin, la plus aisée du pays. S'il est vrai qu'une loi récemment promulguée autorise les expropriations sous certaines conditions, “elle ne vise pas spécifiquement les Afrikaners et offre des protections”, rappelle le média sud-africain Business Tech.

“Le cas sud-africain est important parce qu'il joue un rôle central dans les revendications suprémacistes blanches mondiales. Ces mythologies prétendent que les Sud-Africains blancs, en particulier les Afrikaners, sont le canari dans la mine de charbon : que la prétendue oppression à laquelle ils sont confrontés préfigure ce qui arrivera à tous les Blancs s'ils ne ‘ripostent' pas”, analyse Nicky Falkof, professeur à l'université de Witwatersrand, à Johannesburg, dans une analyse publiée par The Conversation.

La population sud-africaine

“Il n'y a aucun sous-texte ni rien de subtil dans la façon dont la politique migratoire et la gestion des réfugiés de cette administration présente des connotations raciales et racistes évidentes”, estime également la directrice de l'organisation America's Voice, Vanessa Cárdenas, interrogée par le New York Times.

Le média sud-africain Business Tech s'étonne également des approximations du représentant Troy Nehls, qui explique que “les Afrikaners sont des agriculteurs d'origine européenne qui représentent 7 % de la population sud-africaine”. Une définition “complètement ignorante de la démographie de l'Afrique du Sud”, observe le média, qui se voit obligé de rappeler que “tous les Sud-Africains blancs ne sont pas des Afrikaners” et que “tous les Afrikaners ne sont pas des agriculteurs”. En réalité, environ 2,7 millions de Sud-Africains sont afrikaners, soit 4,5 % de la population sud-africaine, calcule Business Tech.

“Les États-Unis sont en train de redéfinir l'Afrique du Sud comme un État paria”, résume le magazine panafricain The Continent. Car un autre texte déposé le 3 avril devant la Chambre des représentants menace de refroidir encore les relations entre Washington et Pretoria. Reprochant au pays sa proximité avec “la Chine, la Russie, l'Iran et les organisations terroristes”, le républicain Ronny Jackson demande un passage en revue des liens entre les États-Unis et l'Afrique du Sud. Il souhaite “donner les outils” au président Donald Trump pour “imposer des sanctions sur les officiels gouvernementaux corrompus sud-africains”.

Courrier international

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Au Soudan du Sud, la crainte d’une nouvelle guerre totale

8 avril, par François Sennesael — , ,
Avec l'arrestation sur ordre du président Salva Kiir, le 27 mars, de son vice-président et ancien rival Riek Machar, le spectre de la guerre civile ressurgit au Soudan du Sud. (…)

Avec l'arrestation sur ordre du président Salva Kiir, le 27 mars, de son vice-président et ancien rival Riek Machar, le spectre de la guerre civile ressurgit au Soudan du Sud. L'instabilité régionale et le ralentissement de l'économie accentuent la pression sur un pays qui a du mal à accomplir toutes les réformes promises au lendemain des accords de paix de 2018.

Tiré d'Afrique XXI.

Qu'il semble loin ce jour d'octobre 2018 lorsque, après cinq années d'une guerre civile qui a tué près de 400 000 personnes (selon un rapport de la London School of Hygiene and Tropical Medicine (1)) à travers le Soudan du Sud, un accord de paix était célébré dans la capitale, Djouba. Les chefs des gouvernements de la région s'alignaient, souriants, sur l'estrade faisant face aux milliers de Sud-Soudanais venus célébrer la paix. Les diplomates occidentaux se réjouissaient du calme retrouvé, tout en nourrissant déjà quelques doutes sur la pérennité d'un accord arraché à contrecœur aux belligérants.

Six ans et demi plus tard, l'accord de paix n'existe pour ainsi dire plus puisque Riek Machar a annoncé s'en retirer avant d'être arrêté, le 27 mars, selon un communiqué de son parti. Il est depuis gardé par les troupes de Salva Kiir. Le spectre d'une nouvelle guerre totale n'a jamais été aussi menaçant, dans un pays qui compte plus de 2 millions de déplacés internes, selon l'ONU (2), et où la moitié de la population souffre d'insécurité alimentaire aiguë.

Salva Kiir accuse Riek Machar et ses alliés, de plus en plus marginalisés à Djouba, de déstabiliser le pays en soutenant des milices ethniques contre le pouvoir central. Dans la province du Haut Nil, des combats entre l'armée et des milices Nuer (affiliées au vice-président) ont tué au moins 50 personnes, dont le général David Majur Dak (un proche du président). La tension est montée d'un cran aussi dans la province de l'Équateur-Occidental, à la suite du renvoi par Salva Kiir du gouverneur proche de Riek Machar. Ces évènements doivent être analysés non pas comme de soudaines insurrections mais plutôt comme le symptôme d'une lente mais bien réelle dégradation de la situation sécuritaire.

La décision présidentielle, début mars, d'arrêter plusieurs alliés de Riek Machar, dont le général Gabriel Duop Lam et le ministre du pétrole, Puot Kang Chol, a immédiatement accentué la pression à Djouba, aggravant les tensions politiques et militaires. Plusieurs ambassades ont évacué le pays. Des soldats ougandais se sont déployés dans la capitale en vertu d'un accord militaire entre les deux pays, sur ordre du président Yoweri Museveni, pour protéger le régime en cas d'attaque de Machar contre Kiir, a annoncé le 17 mars en conférence de presse le ministre sud-soudanais de l'Information, Michael Makuei Lueth.

Pire encore, le conflit au Soudan exerce une pression grandissante sur les alliances des élites sud-soudanaises, alimentant les craintes d'un embrasement régional. Mais comment le Soudan du Sud, indépendant depuis 2011 après plus de vingt ans de guerre entre le Mouvement populaire de libération du Soudan (MPLS) et le gouvernement soudanais, en est-il arrivé là ?

Construire un État illibéral

Dès la signature de l'accord de paix, en 2018, le président sud-soudanais, Salva Kiir, un Dinka de la région du Bahr el-Ghazal, n'avait qu'un seul objectif : consolider son pouvoir tout en donnant l'illusion de respecter les engagements pris, afin de contenter la communauté internationale. Séduit par les modèles autoritaires de ses voisins régionaux, il s'est attaché à façonner un État illibéral, bien éloigné des aspirations démocratiques prônées par ses partenaires occidentaux.

D'un point de vue politique, Salva Kiir a intensifié la répression contre la société civile. La pandémie de Covid-19 lui a offert un prétexte pour renforcer son emprise, instaurant un climat de contrôle étouffant. Les manifestations ont été réprimées avec une brutalité croissante (3), plongeant le pays dans la peur.

Parallèlement, il s'est attaché à marginaliser et à affaiblir ses rivaux, en particulier Riek Machar, un Nuer originaire du Haut-Nil. Ce dernier, qui avait initialement manifesté son intention de se présenter contre Salva Kiir lors de l'élection prévue en 2015 – ce qui lui avait valu d'être mis à l'écart –, était à la tête de la rébellion pendant la guerre civile. Après la signature de l'accord de paix, en 2018, Machar a récupéré son poste de vice-président, mais son influence s'est trouvée considérablement amoindrie, minée par son incapacité à maintenir la cohésion au sein de son parti et par la fusion de ses troupes avec l'armée sud-soudanaise.

Enfin, pour empêcher l'émergence d'un mouvement capable de le renverser, Kiir a œuvré à la déstabilisation des périphéries, chaque province étant engluée dans ses propres dynamiques locales – une stratégie déjà éprouvée par Omar Al-Bachir, président du Soudan de 1989 à 2018. Né avec l'ambition de rompre radicalement avec l'héritage des pratiques politiques autoritaires qui avaient marqué la politique soudanaise depuis l'indépendance, le MPLS, dont Salva Kiir et Riek Machar sont tous les deux issus, s'est paradoxalement laissé gagner par les mécanismes mêmes qu'il avait jadis voués aux gémonies : une centralisation excessive du pouvoir et un refus de la représentation démocratique.

Le déclin des ressources de pétrole

Du point de vue économique, le président a cherché à séduire les investisseurs étrangers tout en conservant une mainmise absolue sur les leviers financiers afin de récompenser ses réseaux et de renforcer son pouvoir. Après cinq ans de conflit, l'ambition était d'en finir, enfin, avec l'aide humanitaire et d'attirer des investissements pour développer le pays. Hôtels de luxe, ponts, routes : alors que, presque quinze ans après l'indépendance, moins de 10 % de la population a accès à l'électricité, une nouvelle politique d'infrastructures devait voir le jour, symbole du développement tant promis par le MPLS depuis sa création, en 1983.

Par ailleurs, face au déclin inéluctable des ressources pétrolières, qui représentent 90 % du budget de l'État, Salva Kiir a tenté d'amorcer une transition vers l'agriculture, rêvant de faire du Soudan du Sud, grâce aux eaux du Nil et par la construction de méga-barrages, le grenier de la région : 95 % du territoire du pays est effectivement cultivable. La stratégie nationale de développement, proclamée en 2021 pour une période de trois ans, a donc mis en avant la nécessité d'effectuer une transition vers l'agriculture et d'investir dans l'or bleu – le Nil – afin de diversifier l'économie et de vendre au monde un immense potentiel agricole. Une ambition grandiose – ou un mirage – déjà caressée par le Soudan et l'Éthiopie mais qui, jusqu'à présent, s'est révélée illusoire.

Enfin, Salva Kiir a habilement redéfini sa politique étrangère, prenant ses distances avec les partenaires occidentaux sans s'en couper totalement, tout en renforçant ses liens avec la Turquie, les Émirats arabes unis et la Russie. Avec cette dernière, en septembre 2023, il a ainsi conclu un accord d'un montant de 1,47 milliard de dollars pour la construction de barrages, marquant une nouvelle étape dans sa stratégie d'alliances. Kiir s'est aussi imposé comme un partenaire important pour d'autres pays d'Afrique de l'Est comme le Kenya ou l'Éthiopie, multipliant les accords de coopération économique avec les leaders régionaux et essayant même, parfois, de jouer les médiateurs entre parties belligérantes.

Les effets de la guerre au Soudan

Depuis 2019, l'instabilité dans l'est du Soudan avait déjà sérieusement diminué la capacité du gouvernement à exporter le pétrole puisé dans les provinces du Haut-Nil et de l'Unité. Les exportations dépendent, en effet, d'un oléoduc qui aboutit à la ville soudanaise de Port-Soudan, sur les rives de la mer Rouge. En 2021, des mois d'échauffourées provoquées par les clans Bejas, marginalisés par Khartoum, avaient ainsi provoqué l'arrêt des activités à Port-Soudan.

De plus, la flambée des prix des engrais et des denrées alimentaires provoquée par la guerre en Ukraine, ajoutée à une corruption endémique, a desservi le projet de Salva Kiir. Même si la production de denrées alimentaires a augmenté depuis 2018, le pays reste largement dépendant des importations. La ministre de l'Agriculture a déclaré en octobre 2023 que le Soudan du Sud avait toujours l'ambition de devenir le grenier de l'Afrique de l'Est, mais la réalité se révèle tout autre.

La guerre au Soudan voisin a également pesé sur le ralentissement de l'économie, à travers un afflux massif de réfugiés (1 million, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés) conjugué à des restrictions du commerce transfrontalier. Pire encore, début 2024, les combats entre les Forces armées soudanaises et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont endommagé un oléoduc, ce qui a empêché le gouvernement sud-soudanais d'exporter près de 70 % de son pétrole. Même si les autorités ont cherché à développer de nouvelles routes d'exportation, aucune solution à court terme n'a été trouvée. Le « corridor de Lapsset », un projet d'intégration reliant le port kényan de Lamu au Soudan du Sud et à l'Éthiopie, est jusqu'à présent toujours en suspens, alors qu'il permettrait de désenclaver le Soudan du Sud et de réduire sa dépendance au Soudan.

En conséquence, l'économie du pays s'est effondrée en quelques mois (4). La livre sud-soudanaise a chuté de près de 40 % par rapport au dollar, et l'inflation a grimpé à 107 % en un an. Le gouvernement s'est retrouvé dans l'incapacité de payer fonctionnaires et militaires, ce qui a alimenté le mécontentement aussi bien de la population que des élites. Des rumeurs de coup d'État ont commencé à circuler, et le président a déployé sa milice, les Tigres, dans les rues de Djouba. Dans le même temps, la santé de Salva Kiir déclinait à vue d'œil, ce qui aiguisait les ambitions des candidats à sa succession.

Les proches de Salva Kiir ne sont pas épargnés

Dans cette dynamique, Salva Kiir et ses alliés ont fortement insisté pour organiser des élections en décembre 2024 afin de mettre fin au gouvernement national de transition. Ils espéraient ainsi obtenir une légitimité leur permettant de repousser l'ensemble des signataires de l'accord de paix dans l'opposition. Mais des difficultés logistiques et les réticences de nombreux ministres peu pressés de perdre leur portefeuille ont fait échec au plan et ont prolongé la transition de deux années supplémentaires.

La situation économique oblige cependant Salva Kiir, incapable de construire une économie florissante bénéficiant à une minorité substantielle comme il l'espérait initialement, à circonscrire ses gourmands réseaux de patronage et à recourir plus volontiers à la violence pour maintenir l'ordre. Exit le projet d'État illibéral, place à la survie du régime. Depuis quelques mois, la mise au pas de ces réseaux s'est ainsi accélérée, et les fidèles du président ne sont plus épargnés.

Le chef des services de renseignements, Akol Koor Kuc, a ainsi été démis de ses fonctions en octobre 2024. Tut Gatluak, le conseiller sécurité, a connu le même sort en janvier 2025, alors qu'il était un personnage central pour la survie du régime, notamment en raison de ses liens avec les généraux sud-soudanais et les Émirats arabes unis. Des généraux, le chef de la police, le chef de l'autorité de l'aviation civile, le chef de l'immigration, le président de la Banque centrale ont été renvoyés ou déplacés à des postes moins stratégiques, ce qui les a coupés d'importantes rentes financières… C'est une véritable purge que Kiir effectue pour rester au pouvoir.

Vers une nouvelle guerre totale ?

Salva Kiir pourrait être tenté par l'option de la guerre pour se débarrasser une fois pour toutes de Riek Machar et de ses alliés, dans un contexte où la violence a toujours été au centre des projets politiques. Mais à quel prix ? Alors que le pays connaît de très importants mouvements de populations et que le système humanitaire semble à bout de souffle, une nouvelle guerre au Soudan du Sud serait catastrophique pour des millions de personnes déjà vulnérables.

Les récents affrontements entre des milices soutenues par Riek Machar et les FSR du général Hemetti à la frontière entre le Soudan et le Soudan du Sud font craindre une extension du conflit soudanais au Soudan du Sud, qui pourrait redéfinir durablement les frontières, les identités, et les loyautés. Le conflit au Soudan atteint, en effet, le microcosme politique sud-soudanais : alors que Kiir paraissait allié à l'armée soudanaise et au général Al Burhan au début de la guerre, en 2023, il semble s'être ensuite rapproché de Hemetti. L'armée soudanaise, elle, pourrait avoir réactivé les liens qu'elle avait noués avec des milices Nuer dans les années 1990, quand Khartoum essayait de déstabiliser le MPLS. La nouvelle ère que beaucoup espéraient avec l'indépendance du Soudan du Sud en 2011 se fait décidément attendre.

Notes

1- Si le rapport ne semble plus disponible en ligne, il est mentionné à plusieurs reprises dans la presse, comme sur RFI à la sortie, ou lors d'un séminaire organisé par la London School of Hygiene and Tropical Medicine en 2018, année de publication du document.

2- « South Sudan : Humanitarian Snapshot », Office for the Coordination of Humanitarian Affairs, janvier 2025, document disponible ici.

3- Amnesty International, « South Sudan : End new wave of repression against peaceful protests », septembre 2021, disponible ici.

4- Voir notamment le site du Fonds monétaire international ici.

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Sénégal : Appel à la mobilisation pour l’annulation de la dette illégitime | Ñoo Bañ, Du Ñu Fay Bor Bi !

8 avril, par Serigne Sarr — , ,
Le Fonds monétaire international (FMI) a récemment révélé qu'entre 2019 et 2023, une dette de 7 milliards de dollars (soit plus de 4 000 milliards de FCFA) aurait été (…)

Le Fonds monétaire international (FMI) a récemment révélé qu'entre 2019 et 2023, une dette de 7 milliards de dollars (soit plus de 4 000 milliards de FCFA) aurait été dissimulée sous la présidence de Macky Sall. Cette annonce a provoqué un choc au sein de l'opinion publique sénégalaise, soulevant des interrogations majeures sur la gouvernance économique du pays et sur la responsabilité des institutions internationales. Si cette dette a été tenue secrète, comment expliquer le silence du FMI pendant toutes ces années ? L'institution, censée veiller à la transparence et à la stabilité financière des pays qu'elle surveille, n'a-t-elle pas failli à sa mission en ne révélant cette anomalie que maintenant ?

Tiré du site du CADTM.

Une équipe des services du FMI, dirigée par M. Edward Gemayel, a effectué une mission au Sénégal du 18 au 26 mars 2025 afin d'échanger avec les autorités sur les conclusions du rapport d'audit de la Cour des comptes, publié le 12 février 2025. Cet audit approfondi a examiné l'exécution budgétaire sur la période 2019-2023 et confirmé des déclarations erronées importantes des déficits budgétaires et de la dette publique. La mission visait à évaluer l'ampleur des écarts constatés, comprendre les mécanismes ayant conduit aux incohérences et discuter des mesures correctrices à mettre en place pour éviter qu'elles ne se reproduisent.

Le rapport de la Cour des comptes, intitulé “Rapport sur la situation des Finances publiques : gestion de 2019 au 31 mars 2024”, a été transmis au gouvernement avant sa publication. Ce rapport comprend deux chapitres principaux : le premier examine les opérations du budget général et des comptes spéciaux du Trésor, tandis que le second se concentre sur la gestion de la trésorerie et la situation de l'endettement. L'audit a révélé des anomalies significatives dans la gestion des finances publiques pendant la période concernée, notamment des écarts importants entre les chiffres officiels et la réalité financière du pays.

Ainsi, le rapport indique que l'encours total de la dette de l'administration centrale budgétaire s'élevait à 18 558,91 milliards de francs CFA au 31 décembre 2023, représentant 99,67 % du PIB, un taux bien supérieur à celui annoncé par le précédent régime, qui évoquait un montant de 13 854 milliards. Cet écart de 25,27 % met en lumière une importante divergence entre les chiffres réels et les montants officiellement communiqués. En ce qui concerne le déficit budgétaire en 2023, l'ancien régime avait annoncé un montant de 911 milliards de FCFA, soit 4,9 % du PIB. Toutefois, selon le “déficit recalculé” par la Cour des comptes, ce déficit atteignait en réalité 2 291 milliards de FCFA, soit 12,3 % du PIB.

Ces révélations soulèvent des interrogations quant à la responsabilité du FMI, une institution chargée de veiller à la transparence et à la stabilité financière des pays membres. Si une telle somme a été dissimulée, comment expliquer le silence du FMI pendant toutes ces années ? L'institution n'a-t-elle pas failli à sa mission en ne révélant cette anomalie que maintenant ? Le FMI est souvent accusé d'être un acteur politique influençant les choix budgétaires des pays sous ajustement structurel tout en fermant les yeux sur certaines pratiques des gouvernements en place. Si le FMI a volontairement attendu le départ de Macky Sall pour révéler cette dette cachée, cela signifie qu'il aurait joué un rôle dans la protection de l'ancien régime. Cette révélation tardive pourrait alors être interprétée comme une tentative de pression sur le nouveau gouvernement, lui imposant un passif financier colossal et limitant ainsi sa marge de manœuvre.

Il est essentiel de comprendre les implications concrètes d'une dette cachée de cette ampleur. Si ces 7 milliards de dollars doivent être intégrés dans les comptes publics, cela signifie que le Sénégal verra sa dette officiellement augmentée, ce qui risque d'affecter sa notation financière et d'augmenter les coûts de ses futurs emprunts. De plus, le pays pourrait être contraint d'adopter de nouvelles mesures d'austérité pour respecter ses engagements envers les créanciers, au détriment des investissements sociaux et économiques nécessaires à son développement. Le peuple sénégalais se retrouverait alors à payer pour des choix financiers qu'il n'a jamais validés ni même connus.

Face à cette situation, plusieurs solutions peuvent être envisagées. Tout d'abord, une enquête approfondie doit être menée pour identifier les responsables de cette dissimulation, tant au niveau national qu'international. L'Inspection Générale d'État (IGE) doit jouer un rôle actif en exploitant le rapport de la Cour des comptes et en approfondissant les investigations pour déterminer comment ces fonds ont été engagés et qui en a bénéficié. Ensuite, il est impératif que les nouvelles autorités sénégalaises contestent officiellement cette dette auprès des créanciers et des institutions internationales, en invoquant la doctrine de la dette odieuse.

L'histoire récente montre que certains pays ont réussi à se libérer d'une dette illégitime. En 2003, l'Irak a bénéficié d'une annulation de dette en raison du caractère odieux des emprunts contractés sous Saddam Hussein. L'Équateur, en 2008, a refusé de rembourser certaines dettes après un audit national qui a conclu qu'elles étaient illégitimes. Le Sénégal pourrait s'inspirer de ces exemples pour refuser de payer une dette qui n'a pas profité à son peuple.

Le refus de cette dette ne signifie pas que le Sénégal doit se plier aux exigences du FMI ou dépendre de son expertise pour gérer cette crise. Le FMI a prouvé à maintes reprises qu'il ne défendait pas les intérêts des peuples, mais plutôt ceux des créanciers internationaux et des grandes puissances économiques (cf rapport 2025 du Front pour une révolution anti-impérialiste, populaire et panafricaine (FRAPP) sur les institutions de Bretton Woods). Il est donc impératif que le Sénégal rompe avec cette institution et explore des alternatives souveraines pour atteindre les objectifs de l'Agenda National de Transformation/Vision 2050.

Dans cette perspective, le gouvernement doit rapidement lancer les concertations sur le projet de loi portant doctrine de financement de l'économie nationale, annoncé en Conseil des ministres le 16 octobre 2024. Les autorités doivent convier les parties prenantes à la réflexion et accélérer le processus afin de faire émerger des solutions endogènes. Parmi celles-ci, des instruments comme la Diaspora Bond, l'equity ou les Patriotes Bonds pourraient constituer des alternatives viables pour mobiliser des ressources sans dépendre des institutions financières internationales.

Cette affaire met en lumière les failles d'un système où les décisions financières d'un gouvernement peuvent engager l'avenir de tout un peuple sans son consentement. La révélation tardive du FMI pose de sérieuses questions sur sa crédibilité et son rôle dans la gestion économique du Sénégal. Le peuple sénégalais ne doit pas être tenu responsable d'une dette contractée dans l'ombre et qui ne lui a apporté aucun bénéfice tangible.

Face à cette injustice, la mobilisation populaire est indispensable. Les citoyens doivent s'organiser pour exiger la transparence et refuser le paiement de cette dette illégitime.

Le Front pour une révolution anti-impérialiste, populaire et panafricaine (FRAPP) invite donc les forces de la nation à appuyer ce plaidoyer à travers la mise en place d'un collectif citoyen pour l'annulation de cette dette.

C'est en s'unissant que les Sénégalais pourront imposer un nouveau modèle économique fondé sur la souveraineté et la justice sociale.

Dakar, le 27 Mars 2025

Serigne Sarr

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Ukraine : Ce n’est pas une guerre par procuration

8 avril, par Dan La Botz, Stephen R Shalom — , , ,
Le peuple ukrainien lutte aujourd'hui contre l'invasion brutale de la Russie et l'occupation d'environ 20 % de son territoire. Cette guerre reste, aujourd'hui comme depuis le (…)

Le peuple ukrainien lutte aujourd'hui contre l'invasion brutale de la Russie et l'occupation d'environ 20 % de son territoire. Cette guerre reste, aujourd'hui comme depuis le début, une guerre de légitime défense nationale et d'autodétermination face à l'impérialisme russe, Vladimir Poutine tentant de ramener l'Ukraine à son ancien statut colonial sous les empires tsariste et soviétique.

3 avril 2025 | tiré de znetwork.net |5 — Source : New Politics

Dès le début de la guerre, l'Ukraine — comme toute nation dans une telle situation — a eu le droit de se procurer des armes où qu'elle le puisse, même si l'aide militaire et les renseignements fournis par les États-Unis pouvaient exercer une influence et une pression sur elle. Et ce droit à l'autodéfense demeure, même si le peuple ukrainien conteste en parallèle les politiques néolibérales du gouvernement Zelensky.

Grâce à une analyse d'Adam Entous publiée dans le New York Times le 29 mars sous le titre « The Partnership : The Secret History of the War in Ukraine », nous disposons aujourd'hui de nouvelles informations sur l'ampleur de l'aide militaire américaine. La presse russe et les médias pro-Poutine se sont empressés de s'en réjouir, prétendant que cet article invaliderait d'une manière ou d'une autre la guerre de légitime défense de l'Ukraine.

Or, si l'article nous offre un récit très détaillé de la relation militaire entre les États-Unis et l'Ukraine sous l'administration Biden, il ne fournit en revanche aucune preuve d'un contrôle politique américain sur la guerre — et encore moins de pressions exercées par Washington pour contraindre Kyiv à continuer le combat contre sa volonté. L'article relate au contraire les désaccords et tensions constants entre les généraux américains et ukrainiens, ainsi qu'entre les dirigeants politiques et militaires ukrainiens eux-mêmes. La plupart de ces tensions résultaient du désir légitime et compréhensible de l'Ukraine de chasser l'envahisseur russe de son territoire et, surtout, de libérer les Ukrainiens vivant sous l'occupation et soumis à l'oppression — d'un côté — et, de l'autre, des préoccupations américaines face au risque d'un élargissement du conflit, voire d'une guerre nucléaire.

L'article consacre une longue partie à l'offensive de contre-attaque ukrainienne de 2023, qui s'est soldée par un « échec mort-né ». Entous montre que Zelensky a choisi de suivre l'avis de son commandant des forces terrestres, préférant déployer ses troupes dans la défense — infructueuse — de Bakhmout, plutôt que de concentrer ses forces vers le sud, comme le lui recommandaient à la fois son propre commandant suprême et les Américains. Ce choix a effectivement compromis la contre-offensive.

S'en sont suivis de nouvelles tensions et divisions au sein des Ukrainiens eux-mêmes. Mais jamais, en lisant cet article, on n'a le sentiment que les Américains dictaient leurs ordres aux Ukrainiens. Et c'est bien cela l'enjeu fondamental.

Au début de l'article, Entous écrit : « D'une certaine manière, l'Ukraine était, à une plus grande échelle, une revanche dans la longue histoire des guerres par procuration entre les États-Unis et la Russie — le Vietnam dans les années 1960, l'Afghanistan dans les années 1980, la Syrie trois décennies plus tard. » Mais son article ne vient aucunement étayer cette affirmation.

Qu'est-ce qu'une guerre par procuration ? C'est une guerre où ceux qui se battent ne sont pas ceux qui décident. L'Union soviétique et la Chine ont fourni des armes au Nord-Vietnam — à juste titre — mais la décision de résister à l'agression américaine a été prise à Hanoï et par les Vietnamiens du Sud, non à Moscou ou Pékin. De la même manière, les Ukrainiens se battent non parce qu'une puissance étrangère les y oblige, mais parce qu'ils tiennent à leur propre survie nationale. Sous l'administration Biden, les États-Unis ont soutenu l'Ukraine pour des raisons qui leur sont propres — affaiblir et contenir l'expansion russe, renforcer leurs relations avec leurs alliés de l'OTAN, avec l'Union européenne et son économie. Mais Washington et ses généraux se sont montrés incapables de forcer les Ukrainiens à suivre des stratégies correspondant aux seuls objectifs américains, et n'ont jamais réussi à prendre le contrôle politique de la guerre.

Aujourd'hui, la situation est bien différente. À l'heure actuelle, le président Donald Trump tente précisément de prendre ce contrôle, en imposant une solution qui reviendrait essentiellement à partager les dépouilles de l'Ukraine entre les États-Unis et la Russie : Washington obtiendrait des droits miniers, comme les grandes puissances l'ont souvent exigé de leurs colonies, et la Russie récupérerait de vastes portions du territoire ukrainien, avec ses populations et ses ressources. Poutine priverait également l'Ukraine de son autonomie, lui interdisant d'adhérer à l'OTAN ou à l'Union européenne. C'est ce soutien de Trump à la position de Poutine qui constitue la base d'un partenariat plus large entre les États-Unis et la Russie, partenariat qui menacerait d'autres pays européens. La lutte de l'Ukraine pour sa souveraineté reste donc plus essentielle que jamais.

Mais aussi importante que soit cette lutte pour la sécurité à long terme des autres pays européens, ces derniers ne pourraient pas convaincre Kyiv de continuer à se battre si les Ukrainiens eux-mêmes ne voyaient pas la valeur de résister à l'asservissement russe. Malheureusement, étant donné le déséquilibre militaire entre la Russie et l'Ukraine, cette dernière ne peut poursuivre sa guerre de légitime défense que si d'autres nations continuent de lui fournir des armes. Il nous faudra donc nous organiser pour exiger que ces livraisons d'armes se poursuivent, jusqu'à ce que l'Ukraine puisse obtenir la paix juste que la majorité de son peuple désire si ardemment.

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« Le destin de l’Ukraine soulève la question des droits et de la souveraineté des petits États »

8 avril, par Dimitris Givisis, Ilya Boudraitskis — , , , ,
Ilya Budraitskis, historien et auteur, professeur à l'Université de Californie à Berkeley, et l'une des voix les plus importantes de la pensée intellectuelle de gauche russe, (…)

Ilya Budraitskis, historien et auteur, professeur à l'Université de Californie à Berkeley, et l'une des voix les plus importantes de la pensée intellectuelle de gauche russe, s'entretient avec « Epochi » sur la logique impérialiste qui régit les pourparlers entre les États-Unis et la Russie concernant la fin de la guerre en Ukraine, les objectifs des deux parties, et la position de la gauche russe vis-à-vis d'un éventuel accord de paix.

tiré du site Entre les lignes entre les mots
ttps ://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/04/02/le-destin-de-lukraine-souleve-la-question-des-droits-et-de-la-souverainete-des-petits-etats/#more-92400

Comment pouvons-nous voir aujourd'hui la question de la libération de l'Ukraine, dans cet environnement international défavorable créé par l'agressivité de Trump et de Poutine, et avec une Europe qui se trouve sans boussole ?

Durant les trois années de cette terrible guerre, qui a coûté d'énormes sacrifices à l'Ukraine, le pays a pu défendre son indépendance face à l'armée bien supérieure de l'agresseur impérialiste. Bien sûr, cela n'aurait pas été possible sans la fourniture d'armes par l'Occident, mais le facteur principal a été le courage des Ukrainiens eux-mêmes et leur forte motivation. Aujourd'hui, les ressources de la nation sont à leurs limites, et le gouvernement ukrainien devra accepter la paix au prix de pertes territoriales. Le destin de l'Ukraine concerne désormais le monde entier, car il soulève la question des droits et de la souveraineté des petits États. Si l'« accord » de Trump avec Poutine concernant le partage des territoires ukrainiens et des ressources naturelles se concrétise, cela créera un précédent similaire aux Accords de Munich de 1938 et prouvera que les petits États ne sont que des objets dans le jeu des grandes puissances.

Que montre jusqu'à présent le déroulement des négociations entre les États-Unis et la Russie ?

Contrairement à la Russie de Poutine, qui a un objectif clair dans cette guerre – l'élimination de l'Ukraine en tant qu'État indépendant et l'incorporation de ses territoires sous une forme ou une autre dans sa sphère d'influence – Trump n'a pas de plan de paix spécifique. L'Ukraine se trouve à la périphérie de ses intérêts et représente plutôt un objet de négociation pour atteindre d'autres objectifs géopolitiques, principalement le renforcement de la position des États-Unis dans la confrontation économique et politique avec la Chine. Le cours actuel des négociations ressemble jusqu'à présent à une série unilatérale de concessions au Kremlin (pour l'instant au niveau de la rhétorique), que Trump croit probablement lui permettre de restaurer des relations de confiance entre Moscou et Washington. En même temps, il faut comprendre les différences fondamentales entre les deux pays : la Russie est une dictature oppressive, avec un endoctrinement idéologique massif basé sur le sentiment anti-occidental, et principalement anti-américain. Toutes les doctrines officielles de politique étrangère du Kremlin identifient l'OTAN et les États-Unis comme les principales menaces, et la Russie, surtout après 2022, dépend absolument des exportations chinoises. Il est très difficile d'imaginer que le talent de négociateur de Trump puisse opérer un changement radical dans la politique étrangère russe. Simultanément, la position intérieure de Trump en Amérique pourrait être sérieusement ébranlée dans les années à venir ; déjà maintenant, une série de ses mesures, comme les coupes drastiques dans les programmes sociaux, commencent à provoquer du mécontentement. Au cours du premier mois de son retour au pouvoir, Trump n'a pas encore réussi à transformer le système politique américain en une dictature personnelle, et pour les élites américaines, l'idée de la Russie de Poutine comme allié stratégique reste largement inacceptable. Cependant, il est clair que les deux dirigeants, malgré leurs différences, partagent des vues sur la politique mondiale comme une question de quelques acteurs mondiaux divisant le reste du monde en sphères d'influence. Dans l'ensemble, je ne pense pas que les pourparlers américano-russes aboutiront. Au contraire, leur forme même montre le retour de la logique de l'impérialisme dans sa forme la plus pure, selon les lignes du début du 20e siècle. Cette logique, comme nous le savons, a conduit à deux guerres mondiales.

Quelles sont les caractéristiques de la vision impérialiste du monde de Poutine ? Que pensez-vous qu'il recherche dans la normalisation émergente des relations avec Trump ? S'agit-il seulement du partage de l'Ukraine ?

Un rôle clé dans la vision du monde de Poutine est joué par l'idée d'une « Russie historique » qui s'étend bien au-delà des frontières de la Fédération de Russie actuelle. Les « territoires historiques » comprennent, au minimum, toutes les anciennes républiques soviétiques, y compris les pays baltes, et, au maximum, tous les territoires qui ont jamais été sous influence russe ou soviétique. Par conséquent, la Pologne ou la Finlande, par exemple, ont véritablement de quoi craindre. Poutine est profondément convaincu que les pays d'Europe de l'Est n'ont pas de souveraineté réelle et seront inévitablement des colonies de facto d'une grande puissance ou d'une autre. Je pense qu'en général, Trump partage cette approche néocoloniale, comme en témoignent, par exemple, ses déclarations sur le Canada et le Groenland. C'est une autre chose que du point de vue de Trump, la Russie soit un pays en déclin, tant économiquement que militairement. Par conséquent, il voit Poutine non pas comme un égal, mais comme un partenaire potentiellement subalterne dans la confrontation avec la Chine.

Comment la bourgeoisie russe voit-elle la fin de la guerre ? Y a-t-il des conflits d'intérêts en son sein, ou s'aligne-t-elle pleinement derrière les plans de Poutine ?

La bourgeoisie russe n'existe pas en tant qu'acteur politique ; elle n'a ni partis ni représentants publics pour exprimer ses opinions et intérêts indépendants. Cette situation est liée aux fondements mêmes du capitalisme post-soviétique, lorsque la propriété d'État a été distribuée à des acteurs privés sous le contrôle de l'élite bureaucratique. La propriété en Russie est garantie exclusivement par une loyauté politique totale envers Poutine et son gouvernement. Par conséquent, ses décisions doivent être acceptées par les entreprises russes comme données, non négociables. Par exemple, il est clair que le début de l'invasion de l'Ukraine en 2022 n'a été accueilli favorablement par aucun des soi-disant « oligarques » en Russie, qui ont été frappés par des sanctions et ont perdu de nombreux actifs à l'étranger. Cependant, presque aucun d'entre eux n'a ouvertement critiqué l'invasion, car cela entraînerait la perte de tous les biens et peut-être même de la liberté personnelle. Évidemment, cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de conflits cachés au sein de la bureaucratie russe, des services de sécurité et des grandes entreprises associées. Mais ces groupes d'intérêt ne peuvent pas, selon la conception actuelle du régime, exercer une influence sérieuse sur les décisions de politique étrangère.

Comment la gauche russe aborde-t-elle un éventuel accord de paix et les questions liées à la fin de la guerre ?

À l'intérieur de la Russie aujourd'hui règne une dictature brutale qui réprime toute opinion différente de la position de Poutine. Parmi les centaines de prisonniers politiques figurent de nombreux anarchistes, comme Azat Miftakhov [1], et des socialistes, comme Boris Kagarlitsky [2], qui se sont ouvertement opposés au militarisme et à l'impérialisme. Plusieurs militants de gauche ont été contraints de quitter le pays après 2022. Aucun d'entre eux n'est enthousiaste à l'idée d'un accord potentiel entre Trump et Poutine, car cela ne ferait que renforcer la dictature russe et le développement de ses ambitions impériales.

Ilya Budraitskis interviewé par Dimitris Givisis

Notes

[1]. Initialement condamné à six ans de prison pour une attaque, selon le témoignage d'un agent secret, contre les bureaux de Russie unie, puis à quatre années supplémentaires de prison alors qu'il était incarcéré en raison d'une conversation qu'il aurait eue avec des codétenus.
[2]. L'éminent sociologue marxiste russe purge une peine de prison de cinq ans pour « incitation au terrorisme » en raison d'un article qu'il a publié sur son blog concernant la guerre en Ukraine.

https://epohi.gr/articles/ilia-mpoyntraitskis-i-moira-tis-oykranias-egeirei-to-zitima-ton-dikaiomaton-kai-tis-kyriarchias-ton-mikron-kraton/
Traduit depuis la version anglaise de Jenny Katsaros par Adam Novak
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article74249

« El destino de Ucrania plantea la cuestión de los derechos y la soberanía de los Estados pequeños »
https://vientosur.info/el-destino-de-ucrania-plantea-la-cuestion-de-los-derechos-y-la-soberania-de-los-estados-pequenos/

De l'auteur

« Selon Poutine, la Russie est la gardienne des valeurs européennes », déclare le politologue Ilya Budraitskis
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/12/18/selon-poutine-la-russie-est-la-gardienne-des-valeurs-europeennes-declare-le-politologue-ilya-budraitskis/
La Russie sous Poutine : « Il y a une guerre culturelle contre le peuple lui-même »
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/08/29/la-russie-sous-poutine-il-y-a-une-guerre-culturelle-contre-le-peuple-lui-meme/
Le Mouvement socialiste russe a été reconnu comme « agent étranger »
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/05/11/le-mouvement-socialiste-russe-a-ete-reconnu-comme-agent-etranger/
Perspectives sur l'impérialisme russe
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/01/22/perspectives-sur-limperialisme-russe/
« Si nous voulons comprendre l'extrême droite au 21e siècle, nous devons regarder la Russie »
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/08/24/si-nous-voulons-comprendre-lextreme-droite-au-21e-siecle-nous-devons-regarder-la-russie/
Russie. Coup d'État de Prigojine et après ?
Entretien d'Ashley Smith avec Ilya Boudraitskis
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/08/19/russie-coup-detat-de-prigojine-et-apres/
Naissance et chute du « monde russe » : histoire d'un concept
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/09/03/naissance-et-chute-du-monde-russe-histoire-dun-concept/
Russie : Cynisme idéologique
Entretien de Francisco Claramunt avec Ilya Boudraitskis
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/05/17/36-solidarite-avec-la-resistance-des-ukrainien·nes-retrait-immediat-et-sans-condition-des-troupes-russes-36/
Russie-Ukraine : « Une situation pire que durant la guerre froide ». Entretien avec Ilya Boudraitskis
Ilya Matveev, Ilya Budraitskis : Les Russes ordinaires ne veulent pas de cette guerre
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/02/04/les-dirigeants-des-grandes-puissances-jouent-avec-le-feu/

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L’Ukraine, la guerre et l’Union européenne

8 avril, par Clément Petitjean, Daria Saburova, Denys Gorbach — , , ,
Avec l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, la guerre est réapparue aux frontières d'une Union européenne qui s'enorgueillissait d'avoir assuré la pacification d'une (…)

Avec l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, la guerre est réapparue aux frontières d'une Union européenne qui s'enorgueillissait d'avoir assuré la pacification d'une partie du continent depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Les revirements étatsuniens depuis l'investiture de Donald Trump ont remis le sujet du soutien à l'Ukraine et de l'issue de la guerre au centre des préoccupations diplomatiques de l'Union européenne. Se calant sur l'agenda qu'impose Trump, la couverture médiatique a pour l'instant peiné à prendre du recul sur la situation actuelle afin d'en éclairer les tenants et aboutissants : quels enjeux la guerre soulève-t-elle pour la société ukrainienne et pour l'Union européenne ? Quelles tensions et contradictions vient-elle mettre en lumière ? Prendre le temps de l'analyse et de la réflexion, c'est ce que Mouvements propose de faire dans cet entretien croisé avec Daria Saburova, docteure en philosophie, autrice, et membre du Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine, et Denys Gorbach, chercheur franco-ukrainien travaillant à l'université de Lund et qui participe à l'animation du site militant Spilne/Commons.

tiré du site Entre les lignes entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/03/31/lukraine-la-guerre-et-lunion-europeenne/#more-92215

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Mouvements : Pour comprendre les enjeux européens de la guerre russe en Ukraine, il paraît important de revenir sur ce qui s'est passé depuis l'indépendance de l'Ukraine en août 1991. Est-ce que vous pouvez revenir sur la manière dont se sont déroulées les trente dernières années du point de vue des rapports entre l'Ukraine et l'Union européenne ? Est-ce que vous pouvez notamment revenir sur le moment de la révolution du Maïdan de février 2014 ? D'où vient-elle, quelle est sa géographie, et quelles sont ses conséquences ?

Denys Gorbach : Contrairement aux anciens pays soviétiques qui ont rejoint l'Union européenne, en Ukraine et dans les autres pays ex-soviétiques, l'imbrication de l'économie était plus profonde, ce qui rendait impossible la transition selon les règles de la thérapie de choc. Parce que ça aurait eu des conséquences plus graves qu'en Pologne ou en Hongrie. C'est une des raisons matérielles pour lesquelles la ligne de division qui existait depuis au moins le début du XXe siècle entre, d'une part, l'Ukraine, le Bélarus, la Russie, et de l'autre ses voisins occidentaux, ne s'est pas résorbée. À l'est de cette ligne, l'ancrage profond de l'économie dans le tissu social se manifeste dans la domination paternaliste, assurée par des mécanismes informels plutôt que par l'État de droit et par le marché. Ces derniers deviennent associés au capitalisme « bon et efficace », contrairement au capitalisme local, jugé mauvais et inefficace, marqué par la corruption et l'oligarchie. La crise socioéconomique très profonde des années 1990 change l'imaginaire géopolitique de la population ukrainienne, qui désormais voit un monde non plus divisé en deux camps mais hiérarchisé verticalement, où le capitalisme occidental est associé à la modernité, aux acquis sociaux, mais aussi intellectuels, culturels, civilisationnels, etc.

En Ukraine, cela s'articule à une division qui apparaît à partir de l'annexion de l'Ukraine occidentale par Staline en 1939. Il existait une distance culturelle, économique, sociale, entre ces terres et le reste du pays. Et après l'indépendance de l'Ukraine, l'Ukraine occidentale, ou plutôt les intellectuels qui la représentaient, se sont imposés comme les porteurs d'une mission civilisatrice auprès du reste de la société, qui était perçu comme souillé par l'héritage soviétique, donc un peu inférieur. C'est dans ce contexte qu'on peut comprendre la révolution du Maïdan de 2014, qui a formulé les enjeux du développement national en termes de conflit « civilisationnel » entre la voie européenne de la modernité, qui signifie démocratie et prospérité, d'un côté, et d'autre, la voie « eurasienne » ou « néosoviétique » de l'obsolescence, qui signifie dictature et pauvreté.

Daria Saburova : Effectivement, l'Ukraine a relativement échappé à la thérapie de choc. Dans un premier temps, les classes dominantes ont cherché à atténuer les effets des privatisations en gardant les structures paternalistes aussi bien au niveau des entreprises qu'au niveau de la gestion des rapports entre le pouvoir politique et les grands acteurs économiques. Ce qui fait que, alors que l'Ukraine commence à emprunter au Fonds monétaire international dès la seconde moitié des années 1990, l'Ukraine ne remplit jamais pleinement ses obligations en termes de libéralisation. Les classes dominantes essayent de maintenir un certain équilibre entre la constitution de la nouvelle classe oligarchique et la préservation de ce capitalisme naissant des grandes perturbations qui pourraient venir de la colère sociale. Parce qu'en Ukraine, justement, il y a eu une vague de grèves à la fin des années 1980 – début des années 1990 – notamment la grande grève de 1993 qui a suivi le premier décret sur les privatisations. Et la classe dominante avait conscience de ça. Il faut aussi ajouter qu'en Ukraine, contrairement à la Russie, où Poutine a réussi dès le début des années 2000 à neutraliser le pouvoir des oligarques par la centralisation de l'État, la vie politique a été marquée jusqu'au Maïdan par une concurrence entre plusieurs blocs des classes dominantes.

Aux alentours de l'élection de 2004, cette concurrence s'est cristallisée dans deux orientations. D'un côté, une orientation qu'on avait tendance à qualifier de pro-russe, menée par le candidat à la présidence Viktor Ianoukovytch. Et d'un autre côté, Viktor Iouchtchenko qui représentait le bloc pro-occidental, pro-européen. Dans la vie politique, les forces concurrentes se présentaient désormais dans ces termes d'orientation identitaire et géopolitique. En réalité, il faut analyser ce clivage non pas en termes identitaires mais comme la concurrence entre deux types de capitalisme, comme je le fais dans mon livre, Travailleuses de la résistance : les classes populaires ukrainiennes face à la guerre (Le Croquant, 2024), en m'appuyant sur les travaux de Denys et d'autres : un modèle de capitalisme paternaliste, représenté par le bloc Ianoukovytch, et le capitalisme de type néolibéral, qui serait porté par le camp orange de Iouchtchenko jusqu'à Porochenko. Le capitalisme paternaliste, c'est un capitalisme qui assure la protection des oligarques nationaux via leur influence directe sur la politique, alors que le capitalisme néolibéral est pensé comme étant un capitalisme idéal, transparent, concurrentiel, qui selon ses partisans assurerait l'état de droit, l'égalité des chances, etc. C'est ce capitalisme néolibéral qui était défendu par les premières manifestations sur la place du Maïdan qui ont commencé pour réagir au refus de Ianoukovytch de signer l'accord d'association avec l'Union européenne. Cet accord aurait justement permis d'ouvrir les secteurs clé de l'économie ukrainienne à une concurrence étrangère. Les manifestants ne s'exprimaient certes pas en ces termes-là, ils portaient des slogans abstraits autour de la liberté, la démocratie, l'état de droit, mais économiquement, c'est ça ce qui était présupposé. Les couches intermédiaires professionnelles étaient en colère contre le fait que l'accès aux meilleures positions sociales soit réservé à ceux qui avaient de l'argent et des relations personnelles. Leur participation au Maïdan était motivée par l'adhésion au principe de la méritocratie, par l'aspiration à une organisation sociale leur permettant de valoriser leur capital culturel dans le milieu politique, dans l'économie. La base sociale du Maïdan, c'était plutôt ces couches moyennes éduquées, même si, bien sûr, les classes populaires ont aussi massivement participé. Et c'est là où le concept gramscien de bloc hégémonique, que Denys mobilise dans son livre, The Making and Unmaking of the Ukrainian Working Class : Everyday Politics and Moral Economy in a Post-Soviet City (Berghahn Books, 2024), est très important.

DG : Il est important de ne pas réduire les analyses gramsciennes de l'hégémonie à la seule dimension culturelle et de se rappeler que l'hégémonie consiste en deux éléments également importants : le consentement et la coercition. Outre le rôle des appareils de contrainte, le consentement n'est pas uniquement produit au niveau du récit, il doit être confirmé par des gestes de redistribution auprès de la population. Or les nouveaux patrons de l'industrie ukrainienne, cette bourgeoisie nationale qui a été sciemment forgée et développée par les dirigeants du pays, s'ancrent dans la société en passant un certain contrat social avec les classes ouvrières, les travailleurs des usines, qui avaient déjà été liés par des liens de paternalisme dans les conjonctures précédentes. La dépendance économique est réaffirmée des deux côtés : les ouvriers avaient besoin de leur patron pour leur survie quotidienne, et les patrons avaient besoin des ouvriers en tant que gages de leur poids politique. C'est pour ça d'ailleurs que jusqu'à nos jours les entreprises ne sont pas très promptes à licencier pour optimiser leur économie, même dans les conditions de la guerre, mais préfèrent imposer des congés forcés pour préserver les liens qui les relient à la population locale. Et l'autre composante populaire de ce bloc, c'est le secteur public : des petits fonctionnaires, des enseignants, mais aussi des médecins (qui sont très mal payés). C'est un groupe qui devient facilement mobilisable grâce à ce fameux phénomène post-soviétique où les fonctionnaires et les employés du secteur public sont obligés de participer aux meetings politiques en faveur du dirigeant actuel de la région ou de l'État.

Quels sont les groupes qui sont exclus de ce bloc ? Ce sont surtout, en haut, la bourgeoisie de second rang. Les personnes, surtout des hommes, qui sont riches mais pas vraiment oligarques. Ensuite, ce qu'on peut qualifier de petite bourgeoisie, les classes moyennes dont Daria a parlé. Les résidents de Kiev et d'autres grandes villes, qui mènent des vies parfois assez précaires, mais dont le niveau de vie est quand même en général plus élevé que celui les ouvriers et qui possèdent davantage de capital culturel. Et les petits entrepreneurs, les auto-entrepreneurs, qui eux aussi se sentent exclus du pacte tacite entre l'État et sa clientèle. Et l'Europe dans tout ça ? Elle est vue par ces exclus comme le gage de la normalisation, le gage de leur entrée dans le pacte hégémonique. Parce que pour eux, il s'agit de l'État de droit : il suffira de respecter les lois, de régler la corruption pour qu'ils soient acceptés comme l'élément vraiment valable de la société, pour qu'ils soient récompensés pour la contribution quotidienne qu'apporte leur travail et que l'État ne reconnaît pas actuellement.

La situation à la veille du Maïdan est donc le résultat de la polarisation progressive qui a eu lieu dès le début des années 2000 jusqu'au début des années 2010. C'est la raison pour laquelle, parmi les slogans du Maïdan, il y en a un qui a été largement repris par les journalistes, une jeune femme portait une pancarte disant « Je suis une fille, je ne veux pas l'Union douanière [avec la Russie], je veux l'Union européenne et les culottes en dentelle ». Donc la culture de consommation supérieure est articulée avec les choix géopolitiques pour produire un tableau cohérent de civilisations qui se font concurrence.

M. La révolution de Maïdan est donc le moment où l'opposition discursive entre partie occidentale, pro-européenne, et partie orientale, pro-russe, se polarise, et où la coexistence entre ces deux entités ne fonctionne plus. Quelles sont les conséquences politiques de cette révolution ?

DS : Après le Maïdan, c'est l'opposition qui accède au pouvoir, qui comprend les figures national-libérales comme l'oligarque Petro Porochenko ou le maire de Kiev, Vitaly Klitschko, mais aussi des gens comme Tyahnybok et d'autres représentants du parti d'extrême droite Svoboda. Cela provoque une déception de la part de certains militants du Maïdan, qui considèrent que la révolution a été trahie, puisque les oligarques et la corruption dominent toujours la vie politique. Malgré tout, certains militants du Maïdan, journalistes, représentants d'ONG, se retrouvent députés, comme Mustafa Nayyem, le journaliste qui a appelé aux premières manifestations. Sur le plan économique, le nouveau pouvoir s'avère plus ouvert à la collaboration avec le Fonds monétaire international : un nouveau prêt de 16 milliards de dollars est accordé à l'Ukraine, qui commence à introduire les réformes d'austérité réclamées par les créanciers. En l'espace de quelques années, y a toute une série de réformes dans l'éducation, la santé, le système de retraites, l'énergie. Cette série de réformes actent le fait qu'il y a eu un changement de voie du capitalisme ukrainien. L'élection de Zelensky a été en ce sens assez paradoxale : d'une part, il a récolté le vote populaire en tant que candidat extérieur à la politique, perçu comme un « homme du peuple » ; mais d'autre part, il a poursuivi la voie néolibérale, même pendant la guerre, avec notamment des réformes importantes du code du travail.

DG : Il y a eu aussi dans le domaine du travail plusieurs initiatives très délétères prises au milieu de la guerre en 2022, y compris les contrats à zéro heure. Je voudrais aussi ajouter que Zelensky est quelqu'un qui est sincère avec soi-même. Pour lui et son équipe, ils expriment cette idéologie naïve localement populaire dans les classes moyennes de la bonne vie en Europe, de la bonne vie sous le capitalisme soi-disant normal. Ils sont sincères quand ils s'expriment contre l'oligarchie. Et en effet, avant l'invasion, Zelensky a fait pas mal de pas importants pour limiter le pouvoir des oligarques. Mais de la même façon, ils sont contre les syndicats, qui pour eux sont autant de fardeaux qui restreignent le bon fonctionnement de l'économie. Et les oligarques et les syndicats ou bien les lois protectrices du travail sont à éliminer pour que le vrai capitalisme puisse finalement triompher. C'est vraiment la génération des petits entrepreneurs des années 1990 qui ont pris le pouvoir. Et à ma connaissance, les classes ouvrières n'ont pas vraiment formulé de critique en termes socialistes, venant d'en bas, envers Zelensky. Ce qui ressort, c'est la critique de la corruption. Surtout que la guerre excuse beaucoup de choses.

Qu'est-ce qui se passe avec ce fameux clivage qui a été très prononcé à la veille de la révolution de 2014 ? Après l'annexion de la Crimée, le commencement de la guerre au Donbass, de larges couches des électeurs « pro-russes », ou pro-russophones, sont exclues de l'équation électorale ukrainienne car plusieurs millions d'entre eux se sont trouvés derrière la ligne du front. Ceux qui continuent de vivre sur les territoires contrôlés par l'État ukrainien, sont moins nombreux et ne pèsent pas autant dans les calculs politiques.

DS : L'annexion de la Crimée et la guerre au Donbass enlèvent de l'électorat à la potentielle opposition d'abord à Porochenko puis à Zelensky. Et c'est l'affaiblissement de l'électorat potentiel du Parti des régions (refondé sous le nom du Parti pour la vie, avec une scission dénommée Bloc oppositionnel) qui a permis aussi son élimination progressive.

DG : Porochenko a gagné si facilement au premier tour grâce à cette reconfiguration structurelle, mais aussi à l'ambiance tendue suite au début de la guerre. Même dans les régions qui ne sont pas touchées directement, mais qui sont limitrophes, les niveaux d'abstention sont impressionnants. Cela a conduit la nouvelle couche dirigeante à croire que toute la nation adhérait à son projet. Il faudra attendre l'élection de 2019 pour que cette élite se désenchante, pour qu'elle subisse un choc quand elle voit que sa vision du développement du pays n'est pas du tout hégémonique.

M. Vous avez tous les deux travaillé sur la ville de Kryvyï Rih, en Ukraine centrale, à environ 200 km à l'ouest de Zaporijia. Pourquoi est-ce que vous avez choisi d'enquêter sur cette ville ? Quelles sont ses spécificités ? Qu'est-ce qui a changé à la fois dans le quotidien et dans les discussions politiques que vous avez pu entendre ou qu'on vous a rapportées sur les équilibres politiques en Ukraine et au-delà ?

DG : Pour l'anecdote, Kryvyï Rih est ma ville natale, même si ce n'est pas la raison principale pour laquelle j'ai choisi de travailler dessus. Il y a eu un vrai intérêt à travailler sur cette ville parce que pendant un bon nombre d'années, elle a servi comme l'espoir ultime pour toute la gauche progressiste ukrainienne. Parce que c'était le berceau de presque la totalité des luttes qui avaient lieu à l'époque. J'ai donc voulu enquêter davantage sur les conditions du militantisme ouvrier. Au fil des évolutions de l'économie ukrainienne, l'industrie métallurgique est devenue quasiment le centre de l'économie nationale, le plus grand contributeur au PIB. Et ce au détriment des industries parfois plus avancées technologiquement. À Lviv, par exemple, on produisait des télévisions et d'autres marchandises électroniques, mais ces industries sont mortes, tandis qu'extraire les minerais de fer, extraire du coke au Donbass, produire de l'acier et le vendre à la Chine ou à la Turquie est devenu la spécialité de l'Ukraine, et Kryvyï Rih s'est retrouvé au centre de ses activités. Surtout, après le déclenchement de la guerre au Donbass, quand les usines métallurgiques situées là-bas ont perdu leur importance : cette élimination de la concurrence a transformé Kryvyï Rih en centre de l'activité économique nationale. Et donc le centre des luttes ouvrières.

Mais il y a aussi une dimension linguistico-culturelle très intéressante. Traditionnellement, cette ville appartient au camp soi-disant « pro-russe, pro-soviétique, pro-russophone ». Dans mon enquête, j'ai montré comment ces étiquettes essentialisantes empêchent de voir les identités et attitudes beaucoup plus fluides et complexes. Les idéologies nationalistes concurrentes sont imposées du haut, dans le cadre de la « démocratie oligarchique » des années 2000, et ensuite détournées par les subalternes pour servir leurs propres fins : par exemple, le nationalisme ukrainien peut servir d'outil dans les luttes pour la distinction individuelle, menées dans le milieu russophone. Des bribes des idéologies hostiles l'une à l'autre peuvent cohabiter dans une vision du monde assez cohérente, mais très distante des récits légitimes présents dans les médias nationaux.

Dans les conditions d'aujourd'hui, il est intéressant de voir comment ces dispositions antipolitiques ne sont pas rejetées, ou plutôt de voir dans quelle mesure elles le sont ou sont au contraire préservées pour s'articuler à la défense de la cause nationale.

DS : J'ai d'abord participé au Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine, qui a directement tissé des liens avec les syndicats, notamment en Ukraine. Notamment les syndicats des mines et de la métallurgie et de la sidérurgie de Kryvyï Rih. J'avais d'abord déjà pris des contacts pour des questions pratiques, notamment pour l'envoi d'un certain matériel avec les convois syndicaux. Quand j'ai eu cette possibilité de faire une enquête, j'ai immédiatement décidé de la faire à Kryvyï Rih, parce que je savais que je pouvais m'appuyer sur la thèse de Denys pour avoir le contexte sur l'histoire politique et ouvrière de cette ville. À vrai dire, j'ai commencé mon enquête à Kryvyï Rih parce que Denys y avait déjà fait la sienne avant l'invasion. Mais mon objet, ce n'était pas le procès de travail dans les mines et les usines, c'étaient les activités bénévoles des femmes des classes populaires. Et justement, dans la continuité de ce que Denys vient de dire, ma question c'était de savoir si l'invasion à grande échelle avait modifié quelque chose dans leur identité culturelle et politique.

Et ce que j'ai trouvé intéressant, c'est que depuis 2022, ces femmes ne rentrent dans aucune case : on ne peut plus dire qu'elles sont pro-russes, russophones, nostalgiques de l'Union soviétique, mais on ne peut pas non plus les identifier au camp pro-Maidan, pro-européen, pro-ukrainien. Non seulement elles n'ont pas soutenu le Maïdan à l'époque et ont même participé à l'anti-Maïdan, mais elles continuent souvent à rejeter le Maïdan aujourd'hui. Elles critiquent la manière dont ça c'est déroulé, les violences qui ont eu lieu sur la place du Maïdan, et le renversement du pouvoir par la révolution. Ce qui montre que la classe ouvrière ukrainienne n'est pas prête pour une révolution du type socialiste non plus, puisqu'elle critique la révolution comme une démarche non légitime de changement de pouvoir. Cette perspective critique est aussi liée au fait qu'elles ont vu très concrètement leur niveau de vie baisser. Leurs salaires ont baissé, les conditions de travail se sont progressivement dégradées. Elles continuent à avoir des bons souvenirs de l'époque soviétique, mais elles développent un rapport plus complexe et réflexif à l'histoire.

Aujourd'hui, ces femmes reconnaissent que le régime stalinien représentait une dictature politique et qu'il est responsable de crimes contre l'humanité, telles que la grande famine orchestrée en Ukraine dans les années 1930 afin de forcer les paysans à entrer dans les kolkhozes. Et en même temps, elles restent très attachées à la mémoire de la Seconde Guerre mondiale et à la lutte contre le fascisme. Dans toutes les familles ouvrières qu'on peut rencontrer, il y a quelqu'un qui a combattu dans l'Armée rouge. Mais aujourd'hui c'est une mémoire qui est mise au service de la lutte contre l'invasion russe. Ça revient dans les entretiens avec les gens, et c'est aussi quelque chose qui est promu par le pouvoir local. On continue à commémorer la lutte de l'Armée rouge contre le fascisme, mais on va dire que, de même que les Ukrainiens ont combattu le fascisme dans les années 1940, aujourd'hui ils combattent le « rascisme », le fascisme russe. On se retrouve donc avec plein de contradictions en termes mémoriels, parce qu'en même temps, comme tout le monde le sait, en Ukraine aujourd'hui, il y a aussi la promotion des mouvements nationalistes, notamment de la figure de Bandera, qui, eux, au contraire, ont d'abord collaboré avec l'Allemagne nazie contre l'Union soviétique.

M : Qu'a changé la guerre dans cette opposition symbolique entre Ukraine pro-russe et Ukraine pro-européenne, pro-Occident ?

DG : Aujourd'hui, il est devenu impossible de faire comme si rien n'était et de continuer de promouvoir l'amitié et les liens préférentiels avec la Russie. Cela a d'ailleurs aussi restructuré la gauche : le camp pro-soviétique, soviético-nostalgique est aujourd'hui complètement éliminé.

DS : L'espace public ne permet plus d'expression de position pro-russe. D'une part, peut-être que c'est pour le mieux, au sens où la critique sociale, la critique anticapitaliste ne va sûrement plus prendre en Ukraine la forme d'une espèce de nostalgie pour l'URSS ou d'une position pro-russe. Mais un des dangers, dont on peut déjà constater qu'il est réel, c'est que toute opposition au pouvoir, toute critique des dogmes de la « décolonisation », risque de tomber sous le coup de telles accusations.

M. Cette catégorie de décolonisation, d'où vient-elle et qui l'utilise ? Est-ce que c'est un terme qui est utilisé par Zelensky et le gouvernement ?

DG : Cela fait partie des termes qui apparaissent dans les médias ukrainiens après l'invasion russe. Cette approche s'est répandue d'abord chez les intellectuels publics pour ensuite être reprise par les dirigeants, y compris par Zelensky lui-même. Si on essaie de reconstruire l'histoire de ce terme, je dirais que ça commence par les gens qui étaient déjà au courant des discussions en Occident et qui voient un parallèle avec la situation ukrainienne. Sans doute en partie aussi en réaction au discours campiste émanant de la gauche occidentale, qui est de nos jours très engagée dans l'agenda décolonisateur. Et là, ces intellectuels libéraux ukrainiens lisent ça et se disent : « Mais en fait, nous aussi nous souffrons de l'empire. Il y a de l'incohérence et nous devons rectifier les choses. Nous devons aligner l'Ukraine avec cet agenda. » Le problème, c'est que cette introduction du concept dans l'espace public ukrainien n'a pas du tout été accompagnée d'une lecture des textes d'origine et d'un vrai intérêt pour les débats post- ou décoloniaux. C'est plutôt un concept mou qui est importé et qui est utilisé un peu n'importe comment pour simplement affirmer le droit moral de la défense nationale, mais pas seulement. Dès que tu es en position de pouvoir en Ukraine, tu peux utiliser ce concept pour te justifier dans quasiment n'importe quelle démarche en disant que c'est pour le bien de la nation.

DS : Les nationalistes ukrainiens parlaient déjà de la colonisation de l'Ukraine par la Russie à l'époque soviétique. La république ukrainienne soviétique était déjà une forme d'occupation. Ensuite, dans les années 1990, l'intelligentsia nationaliste a commencé à s'intéresser aux textes des auteurs postcoloniaux, comme Edward Saïd et Frantz Fanon, pour essayer d'appliquer leurs concepts au cas ukrainien. Mais cela restait vraiment cantonné au milieu académique. Ce n'est qu'après 2022 que ce mot est apparu comme omniprésent dans le discours public. En 2015, il y avait déjà eu la loi de décommunisation qui impliquait l'élimination des références à l'époque soviétique dans l'espace public, notamment. Et ensuite, en 2023, vient une nouvelle loi, la loi de décolonisation. Et cette fois-ci, elle consiste à enlever toutes les références à la Russie et l'Empire russe de l'espace public : les rues et les statues de Pouchkine, de Tolstoï, de Dostoïevski, etc. Parfois, on remplace les anciens symboles impériaux et soviétiques par les symboles nationaux, par exemple à Kiev, où l'avenue de Moscou a été renommée l'avenue de Bandera.

Comme l'expliquait Denys, déguiser ce nationalisme en décolonisation est une espèce de stratégie pour toucher les intellectuels en Occident. Pour s'adresser à cette partie du monde académique, pas forcément d'extrême-gauche, mais en tout cas de gauche libérale, où aujourd'hui toutes sortes de décolonisations des discours sont pratiquées dans tous les domaines. Pour dire qu'il faut aussi soutenir la décolonisation en Ukraine. Ça s'inscrit dans la lutte au sein du champ académique pour donner plus de place aux études ukrainiennes. Traditionnellement, dans les études post-soviétiques, c'est les études russes qui avaient le plus de postes et de financements. Les intellectuels ukrainiens disent donc qu'il faut « provincialiser » les études post-soviétiques. La « décolonisation » devient alors une stratégie de légitimation de la lutte pour les ressources dans ce champ-là.

Mais le paradoxe, c'est qu'à l'intérieur du pays, la « décolonisation » finit par frapper les vrais subalternes au lieu de prendre leur défense. Ça prend la défense de l'Ukraine en tant qu'entité nationale face à la Russie, mais à l'intérieur de l'Ukraine, ça devient une espèce de projet de purification de la nation des éléments qui portent encore la marque de l'héritage impérial. De manière générale, la « décolonisation » consiste à éliminer la culture et la langue russes de l'espace public, de l'enseignement, des bibliothèques, alors même que le russe reste la langue de communication principale pour une bonne partie de nos concitoyens, notamment par les habitants des régions de l'Est qui sont aujourd'hui poussés à l'exil à cause des combats.

M : Est-ce que ça vous paraît possible et ou souhaitable que l'Ukraine devienne membre de l'Union européenne ?

DG : Pour moi, ce ne serait pas dommageable pour l'Ukraine de devenir membre de l'UE. Et souhaitable, par exclusion, oui, parce que du point de vue politico-économique, toutes les choses potentiellement destructrices liées à l'intégration à l'UE ont déjà eu lieu depuis 2014, depuis la signature et l'implémentation de l'Accord de libre-échange complet et approfondi (DCFTA), c'est-à-dire l'ouverture des marchés, la libéralisation de l'économie. Il n'y a pas grand-chose qui reste à faire dans ce sens-là. En revanche, des choses potentiellement positives liées à ça, c'est l'espoir de d'un afflux des capitaux occidentaux vers l'Ukraine. Parce que s'il y a une chose plus désagréable que d'être exploité, c'est de ne pas être exploité. On peut passer des heures à décrire les effets néfastes des investissements allemands en Hongrie, en Pologne ou en Roumanie, mais c'est bien pire quand ces investissements ne viennent pas. Ce qui risque de devenir de plus en plus le cas de l'Ukraine. Donc la question, c'est ça : quelle forme prendra cette fameuse reconstruction d'après-guerre, est-ce que le capital viendra ? Et si oui, quelle sera la géographie de ce déploiement des capitaux ?

L'autre dimension, c'est tout ce qui concerne les droits démocratiques, les droits culturels linguistiques, les libertés sexuelles, etc. C'est triste, mais aujourd'hui, dans les pays comme l'Ukraine, ce sont les institutions comme l'Union Européenne qui sont les garants les plus sûrs du respect de ces droits et libertés-là. Donc plus Bruxelles aura d'influence sur l'Ukraine, mieux ce sera de ce point de vue-là du point de vue pragmatique, faute de société civile orientée à gauche et suffisamment puissante pour contrer les tendances réactionnaires dans le pays. Jadis, la gauche ukrainienne comptait sur la protection policière de ses manifestations contre l'extrême droite ; aujourd'hui, elle compte sur la force normative de « nos partenaires occidentaux » pour limiter les outrances éventuelles venant du camp conservateur et nationaliste. C'est aussi pour cela que les élections étasuniennes ont été autant suivies en Ukraine : pas uniquement à cause des livraisons des armes et de l'aide financière mises en question, mais également parce que la victoire de Trump encourage ses admirateurs ukrainiens et marginalise les idées progressistes.

Après, est-ce que l'entrée de l'Ukraine en UE est possible ? Je n'en suis pas convaincu. Certes, au cours de la dernière décennie il s'est passé tant de choses complètement inattendues et rationnellement imprévisibles qu'aujourd'hui je suis moins catégorique et n'exclus rien. Même le régime sans visa, jamais je n'aurais pensé que ça devienne une réalité, et pourtant c'est le cas depuis 2017. Mais pour ce qui est de devenir membre de l'UE, même si je ne suis pas spécialiste de la question, il me semble que les Ukrainiens sont trop sûrs d'eux et trop optimistes là-dessus. C'est un pays énorme par rapport aux autres « nouveaux membres », avec une économie trop importante pour la digérer rapidement, et dont la population vieillit plus vite qu'en France. Ces obstacles structurels, contrairement au problème fantasmé de la corruption, sont plus difficiles à surmonter. En même temps, cette même population ukrainienne vieillissante est déjà devenue la principale source de la main-d'œuvre étrangère pour le reste de l'UE, même avant 2022. On verra à quoi ressembleront l'UE et l'Ukraine au moment où le statut de membre sera discuté plus pratiquement.

M. Depuis l'investiture de Trump en janvier, les États-Unis ont radicalement changé leur politique de soutien diplomatique et militaire à l'Ukraine, à travers notamment l'humiliation publique que Trump et JD Vance ont imposée à Zelensky fin février. Comment analysez-vous ce revirement et comment voyez-vous les perspectives qui s'ouvrent désormais pour les populations en Ukraine ?

DG : Il ne s'agit pas d'une surprise. Trump et son équipe n'ont cessé de se moquer de l'Ukraine et de Zelensky tout au long de leur campagne électorale, et après son investiture Trump s'est mis à réaliser ce qu'il avait promis. Pour Trump, visiblement il s'agit d'en finir avec cette guerre encombrante, peu importe le résultat. S'étant rendu compte que Poutine n'est disposé à faire aucune concession, il s'est entrepris à mettre pression sur l'autre partie belligérante, sur laquelle il a bien des leviers. L'idée est donc d'affaiblir l'Ukraine suffisamment pour qu'elle accepte toute condition que la Russie voudra lui imposer – sans pour autant que les États-Unis lui donnent des garanties de sécurité. De cette manière, Trump se débarrassera de cette guerre, et la prochaine ne le concernera pas. Pour l'Ukraine, la question des garanties est centrale ; elles sont sans doute plus importantes encore que les contours des nouvelles frontières après un cessez-le-feu. La plupart des gens seraient prêts à faire le deuil des territoires actuellement occupés, et même le fameux accord sur les terres rares pourrait être accepté, pourvu que l'Ukraine obtienne des garanties au cas où elle serait de nouveau attaquée.

N'étant aucunement expert militaire, ni spécialiste en relations internationales, je peine à imaginer un accord de cessez-le-feu, encore moins de paix, qui pourrait être conclu dans ces conditions. Pour moi, c'est une répétition de l'histoire d'avril 2022, quand les pourparlers se sont terminés sans avoir jamais commencé, car le dirigeant britannique a expliqué à Zelensky qu'il n'aurait aucune garantie de la part de l'Occident s'il signait le document avec les Russes. Si les États-Unis gardent leur politique actuelle, le gouvernement ukrainien continuera à se battre malgré cela, encouragé par l'UE, et la Russie continuera à avancer sur le terrain. Difficile de dire combien de temps cela peut encore durer et dans quelle mesure le soutien renforcé de la part de l'UE pourra changer la donne.

https://mouvements.info/lukraine-la-guerre-et-lunion-europeenne/

De l'autrice :
Guerre ou paix ? Un faux dilemme dans la polémique autour de la question ukrainienne
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/03/20/guerre-ou-paix-un-faux-dilemme-dans-la-polemique-autour-de-la-question-ukrainienne/
Classe et genre dans l'Ukraine en guerre [Introduction]
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/07/27/classe-et-genre-dans-lukraine-en-guerre-introduction/
Travailleuses de la résistance
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/06/04/travailleuses-de-la-resistance/
Sur le livre de Daria Saburova : Travailleuses de la résistance. Les classes populaires ukrainiennes face à la guerre
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/06/26/sur-le-livre-de-daria-saburova-travailleuses-de-la-resistance-les-classes-populaires-ukrainiennes-face-a-la-guerre/
Géorgie : les communautés locales et le mouvement syndical menacés Entretien avec deux militantes de gauche
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C'était il y a dix ans
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/03/03/maidan-retour-vers-le-futur/
Pourquoi les Ukrainien·es doivent-iels soutenir les Palestinien·es ?
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/10/23/pourquoi-les-ukrainien·es-doivent-iels-soutenir-les-palestinien·es/
Questions sur l'Ukraine
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/10/05/questions-sur-lukraine/

De l'auteur :
Avec Volodymyr Artiukh : Une comparaison de l'auto-activité de la classe ouvrière à travers les soulèvements post-soviétiques (2013-2014)
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/09/20/une-comparaison-de-lauto-activite-de-la-classe-ouvriere-a-travers-les-soulevements-post-sovietiques-2013-2014/
Une cartographie identitaire de l'Ukraine en temps de guerre : thèse-antithèse-synthèse ?
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/08/02/une-cartographie-identitaire-de-lukraine-en-temps-de-guerre-these-antithese-synthese/

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Marine Le Pen est condamnée et ce n’est que Justice

8 avril, par Raquel Garrido — , ,
La condamnation de Marine Le Pen à deux ans de bracelet électronique, à 100 000€ d'amende et à l'inéligibilité est un signe que les temps changent. La culture de l'impunité (…)

La condamnation de Marine Le Pen à deux ans de bracelet électronique, à 100 000€ d'amende et à l'inéligibilité est un signe que les temps changent. La culture de l'impunité politique se craquelle.

Tiré de la page web de L'Après
https://www.l-apres.fr/condamnation_de_marine_lepen
Par Raquel Garrido (1), l'APRÈS, France, contact@l-apres.fr *
L'APRÈS est l'Association Pour une République Écologique et Sociale https://www.l-apres.fr/

D'ailleurs, cette décision de Justice rend le monde politique fébrile, bien au-delà des rangs du RN. Maintenant qu'ils comprennent que les peines prévues par les lois sur la confiance dans la vie politique s'appliquent vraiment, les puissants veulent changer la loi ! Bayrou, Ciotti, mais aussi les élus d'Horizons et même – quel malheur – de LFI dénoncent tous en chœur le fait qu'une peine d'inéligibilité puisse être assortie de l'exécution provisoire, c'est-à-dire qu'elle soit applicable immédiatement. Certains vont même jusqu'à remettre en cause le principe même des peines d'inéligibilité, arguant de la séparation des pouvoirs. Ils ciblent les juges qu'ils taxent d'outre-passer leurs pouvoirs. Le RN accuse nommément – c'est grave et dangereux - la juge Perthuis, et qualifie son tribunal de « juge-tyran ». Les larmes coulent à flots.

Cette victimisation est choquante et révèle l'attachement qu'ont les politiques à leur impunité. « Je fais ce que je veux et je ne rends de comptes à personne » est, au fond, leur doctrine d'action.

C'est donc l'heure de poser des limites à ce sentiment de tout-pouvoir. Remettons les choses à leur bonne place. Le souverain est le peuple. Il délègue l'exercice de sa souveraineté, par des élections, à des individus selon certaines conditions. Soyons précis : l'éligibilité n'est pas un droit absolu, loin s'en faut. Il existe de nombreuses règles qui l'encadrent : règles d'âge, de nationalité, incompatibilités professionnelles, non-cumul.. Le président Macron, par exemple, ne peut pas se représenter pour un troisième mandat. Il n'y a pas de quoi s'en indigner. L'inéligibilité est une toute petite peine pour qui n'a pas l'intention de se présenter. Elle est taillée sur mesure pour ceux qui, à l'occasion de l'exercice d'un mandat, commettent des délits qui sont précisément rendus possibles par ce pouvoir électif. De la même façon qu'on retire son permis à un délinquant de la route, on retire son permis de se présenter à un délinquant de la politique. Ces peines spéciales sont moins une punition qu'une protection de la société.

La culture d'impunité est néanmoins pugnace. Marine Le Pen, comme ses complices, refuse d'assumer les conséquences de son délit. Face aux preuves accablantes, elle est restée dans le déni et n'a manifesté aucun regret ni aucune empathie vis-à-vis des victimes que sont les millions de contribuables et la démocratie elle-même qui repose sur un principe de loyauté en matière de financement des partis politiques. En toute logique, le tribunal en a conclu qu'il y avait un risque de récidive. Plus grave encore, il existe un risque de trouble à l'ordre public caractérisé par l'inexécution totale de la peine. En effet, Marine Le Pen planifie de partir en cavale pour échapper à la loi. Pas une cavale à l'étranger, non. Une cavale à l'Élysée ! Comme la Constitution octroi l'immunité pénale au président de la République, c'est une bonne planque. Les délits ont couru durant de nombreuses années, a démontré l'enquête longue et sérieuse. Malgré cela, Marine Le Pen, qui a pris la tête du système de détournement de fonds crée par son père (et qui a permis, nous dit le tribunal, de maintenir un train de vie confortable au clan Le Pen), a pu se présenter 3 fois. Fallait-il la laisser s'évader par le biais de l'élection présidentielle ? Assurément non. Ou alors c'est l'impunité qui gagne encore. Signalons au passage que même si ce n'est pas la règle de principe, il est parfois absolument nécessaire qu'une décision s'applique de manière immédiate, avant toute décision de justice ou avant l'exercice d'une voie de recours. On songe par exemple aux mesures d'éloignement contre les maris dangereux. Nous n'avons jamais milité pour l'abolition du concept même d'exécution provisoire.

Il est important de souligner que le RN et ses électeurs ne courent aucun risque d'être privés de candidat. A vrai dire, c'est plutôt l'obstination de Marine Le Pen qui risque d'empêcher le nouveau candidat d'utiliser pleinement les deux ans qu'il reste pour faire campagne. C'est leur affaire, mais pas une atteinte à la démocratie.

A nous maintenant d'incarner l'éthique en politique. Militons pour développer et renforcer les règles éthiques applicables en démocratie. Incarnons « l'esprit public » promu par notre camarade Clémentine Autain. C'est un des enjeux principaux de notre campagne pour sortir de la monarchie présidentielle par une Assemblée constituante.

Raquel Garrido

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Raquel_Garrido/

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Jordan Bardella, 100 % anti-écolo... comme Marine Le Pen

8 avril, par Fanny Marlier — , ,
Condamnée à l'inéligibilité pour avoir détourné des fonds publics, Marine Le Pen voit son avenir présidentiel barré. Jordan Bardella devient son remplaçant probable. Il est (…)

Condamnée à l'inéligibilité pour avoir détourné des fonds publics, Marine Le Pen voit son avenir présidentiel barré. Jordan Bardella devient son remplaçant probable. Il est tout aussi hostile qu'elle à l'écologie.

1er avril 2025 | tiré de reporterre.net
https://reporterre.net/Jordan-Bardella-100-anti-ecolo-comme-Marine-Le-Pen

Au Rassemblement national, certains étaient dans le déni, refusant d'imaginer le scénario qui se profile désormais. Lundi 31 mars, Marine Le Pen a été condamnée à quatre ans de prison, dont deux ferme, et à cinq ans d'inéligibilité avec application immédiate — l'empêchant de se lancer une quatrième fois dans la course à l'Élysée en 2027. La cheffe de file du RN a d'ores et déjà indiqué vouloir faire appel du jugement. En attendant, Jordan Bardella, président du parti, apparaît comme son remplaçant naturel.

À 29 ans, Jordan Bardella fait partie de la génération de responsables du Rassemblement national qui a conscience que le déni face au changement climatique n'est plus possible. En avril 2023, face à Hugo Clément, lors d'une soirée organisée par le magazine d'extrême droite Valeurs actuelles, il avait affirmé que « les patriotes » ne pouvaient pas « abandonner ce sujet à la gauche ».

Mais au-delà de son programme xénophobe aux élections européennes de juin 2024 — il qualifiait l'immigration de « menace existentielle » —, les contours de sa vision du climat et de la biodiversité se déclinent selon un mot d'ordre : l'offensive contre « l'écologie punitive ». L'écologie serait selon lui trop moralisatrice et conduirait à une perte de souveraineté.

« Jordan Bardella est un pur produit marketing anti-écologiste »

« La condamnation de Marine Le Pen n'interdit pas au RN de se présenter en 2027 », souligne la sénatrice écologiste Mélanie Vogel. Pour elle, « Jordan Bardella est un pur produit marketing anti-écologiste et qui brandit la question seulement lorsqu'elle lui permet de taper sur ses opposants. »

Mêlant le socle de sa politique identitaire, Jordan Bardella ne cesse d'expliquer que pour lui, « la meilleure écologie, c'est la frontière », et qu'il n'est pas possible d'« être en même temps pour les traités de libre-échange et pour l'écologie », disait-il en 2019 au micro d'Europe 1.

Pour Antoine Dubiau, auteur d'Écofascismes (ed. Grévis) et chercheur en sciences sociales, le probable candidat du RN à l'élection présidentielle manie occasionnellement des éléments du discours écofasciste. Autrement dit, on y retrouve les ingrédients idéologiques des doctrines fascistes considérant que la race, la civilisation ou l'identité seraient le produit d'un environnement particulier, et que la spécificité d'une certaine culture serait liée à cet environnement.

Une base « soi-disant écologiste » pour défendre des politiques antimigratoires

« Ce qui est un peu particulier avec Jordan Bardella, c'est la manière dont il parle d'écologie. Tout en défendant une politique anti-écologique, il fait appel à des théories écofascistes pour justifier des fermetures de frontières et des politiques antimigratoires sur une base soi-disant écologique », analyse Antoine Dubiau.

Pierre angulaire du Rassemblement national, « l'écologie du bon sens » s'inscrit dans cette ligne. « Moi je suis écologiste, mais écologiste raisonnable », martelait le président du parti sur BFMTV en novembre dernier. Estimant que les taux d'émissions de CO2 de la France étant loin derrière ceux de la Chine et des États-Unis réunis, il pense que le pays aurait encore « une petite marge ». En sous-texte, il s'agit de combattre l'écologie telle qu'elle est portée aujourd'hui dans le champ politique, et qui irait d'après lui au-delà de ce qui est nécessaire.

« La notion “d'écologie du bon sens” permet à l'extrême droite d'apporter son soutien à celles et ceux qui sont au plus proche du terrain, comme les agriculteurs par exemple. Cela permet ainsi de conforter un certain électorat qui serait dans son bon droit de rejeter les normes environnementales », explique Antoine Dubiau. La France s'est engagée, avec la loi Énergie et Climat adoptée en 2019, à atteindre la neutralité carbone en 2050 en divisant les émissions par un facteur supérieur à six par rapport à 1990.

« La tyrannie des ONG, le gouvernement des juges et l'Europe »

Les mobilisations des agriculteurs en janvier 2024 furent pour Jordan Bardella l'occasion de mettre en marche cette ligne de crête. Tout en activant ses deux clivages favoris : les élites contre le peuple, et les habitants des villes contre ceux des campagnes.

Le 23 janvier 2024, le président du Rassemblement national avait enfilé ses bottes et était parti à la rencontre des pêcheurs de Lorient-Keroman (Morbihan) mobilisés contre un fileyeur interdit de mer durant un mois. Saisi par des organisations de défense de l'environnement, le Conseil d'État avait ordonné le maintien à quai d'une partie des bateaux afin d'éviter la capture accidentelle de cétacés.

Une indemnisation était prévue par le gouvernement, mais comme le rapporte Le Monde, Jordan Bardella leur avait lancé : « Ici, vous avez toute la panoplie : la tyrannie des ONG, le gouvernement des juges et l'Europe. » Sans que cette dernière n'y soit pour grand-chose, mais qu'importe. « On a le sentiment qu'ils ne veulent plus de pêche et d'agriculture. Tout est fait contre la souveraineté alimentaire. Vous vous battez contre les mêmes ! » avait-il ajouté.

À quelques mois de l'élection européenne — lors de laquelle, en juin 2024, sa liste s'est hissée en tête du scrutin avec 31,37 % des voix — l'opération avait permis à Jordan Bardella de mobiliser sa base. À savoir, les zones rurales dans lesquelles progresse l'extrême droite, la nostalgie d'une France du passé, et une certaine conception du travail.

6 sur 100 ! La deuxième pire note européenne en matière d'écologie

À y regarder de plus près, la défense du climat est le cadet de ses soucis. En avril 2024, le Réseau Action Climat publiait un décryptage des votes des eurodéputés français durant leur mandat précédent, soit le premier mandat européen de Jordan Bardella.

On y apprenait comment les eurodéputés du RN et de Reconquête avaient « systématiquement voté contre toutes les mesures portées par les associations environnementales ». Parmi les neuf partis nationalistes du groupe Identité et Démocratie au parlement européen, le RN remportait la deuxième pire note en matière d'écologie (avec 6/100), derrière la Ligue du Nord italienne.

Au-delà de ses déclarations, le programme de Jordan Bardella aux élections européennes donnait à lire son opposition, voire ses contradictions, en matière d'enjeux environnementaux. Agriculture, énergie, transports, biodiversité… Reporterre avait alors décortiqué les six futurs grands chantiers du Parlement européen à travers les propositions des 81 colistiers du RN. Dans leur viseur on trouvait notamment le détricotage du Pacte Vert, la feuille de route visant à accélérer les ambitions climatiques de l'Union européenne afin de rendre le continent climatiquement neutre en 2050.

Dernier fait d'arme, la droite et l'extrême droite au Parlement européen ont mené lundi 31 mars une offensive contre le programme Life, un fonds de l'Union européenne pour le financement de sa politique environnementale. Ces députés ont déposé deux motions contre l'adoption du programme de travail du fonds pour les années 2025-2027. Elles ont finalement été rejetées, à une voix près…

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Nous pompons ensemble ! » : la rébellion étudiante s’étend à travers les Balkans

8 avril, par Anastazija Govedarica Antanasijević — ,
« Tout le monde au plénum ! » ont lancé les étudiant·es macédonien·nes qui, quelques jours seulement après la tragédie de Kočani, ont commencé à s'organiser. A cette occasion, (…)

« Tout le monde au plénum ! » ont lancé les étudiant·es macédonien·nes qui, quelques jours seulement après la tragédie de Kočani, ont commencé à s'organiser. A cette occasion, nous avons discuté avec deux groupes d'étudiants·e qui ont attiré une grande attention du public en peu de temps : l'Union étudiante indépendante de l'Université de Skopje et le site Internet « Student Plenum ».

1er avril 2025 | tiré du site Entre les lignes entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/04/01/nous-pompons-ensemble-la-rebellion-etudiante-setend-a-travers-les-balkans/#more-92070

Des milliers de personnes ont assisté au dernier rassemblement commémoratif à Skopje le 18 mars. Dans les rues, à côté de la tristesse, il y a de la colère. On parle de plénums, des manifestations sont annoncées et le soutien vient également des étudiant·es en grève en Serbie. Un nouveau mouvement émerge de la tragédie qui a frappé la Macédoine du Nord – et il est mené par les étudiant·es.

Derrière la page « Student Plenum » sur Instagram se trouvent des étudiant·es dont l'objectif est d'encourager leurs collègues de toutes les facultés de Macédoine du Nord à s'auto-organiser en plénums. En quelques jours, cette page a rassemblé plus de 3 000 abonné·es et le soutien aux blocages des étudiant·es en Serbie.

A travers les plénums, les étudiant·es peuvent formuler collectivement des demandes au gouvernement et décider du fonctionnement de la faculté .

« Pour l'instant, notre profil Instagram a une fonction informative : il sert de ressource à tous et toutes les étudiant·es et citoyen·nes qui soutiennent notre mouvement et sont conscients de notre rôle dans cette lutte. Nous souhaitons également que ce profil soit un moyen de communiquer sur les événements organisés dans les facultés et sur les actions à venir », déclarent les étudiant·es à l'origine de la page « Plénum étudiant ».

Elles et ils ajoutent quelles et 'ils n'ont actuellement aucun projet d'union avec une organisation.

« On pompe ensemble ! »

Les manifestations étudiantes en Serbie sont l'un de nos plus grands modèles. Nous les suivons et les soutenons depuis le début, et nous sommes profondément convaincu·es que nous luttons contre les mêmes problèmes structurels, sous des formes différentes certes mais liées.

La solidarité transbalkanique est un élément clé de notre initiative.

La lutte menée par nos collègues serbes nous montre ce que signifie la persévérance, la conscience politique et l'engagement pour le bien commun. Elles et ils ont fait preuve d'harmonie, d'unité et de courage, et pour nous, elles et ils sont un exemple de responsabilité citoyenne concrète.

« Mobilisons-nous ensemble ! », a déclaré le Plénum étudiant.

Lorsqu'on leur demande : « Pourquoi le plénum ? », les étudiant·es répondent qu'elles et ils pensent que le plénum est actuellement le mécanisme le plus efficace de démocratie directe au sein de l'organisation étudiante. Selon elles et eux, il s'agit d'un espace où chaque voix a le même poids et où tous et toutes les étudiantes peuvent participer de manière égale à la prise de décision.

« Nous pensons qu'il est crucial que les étudiant·es comprennent la force de leur voix collective et le pouvoir politique qu'elles et ils détiennent réellement. Nous avons longtemps eu le sentiment que les mécanismes institutionnels, tels que les parlements et les assemblées étudiantes, ne représentaient pas nos intérêts. Ils sont devenus, dans une large mesure, des instruments au service des partis et ont perdu le contact avec les besoins réels des étudiant·es. Par conséquent, nous pensons que le plénum est actuellement le seul espace où les étudian·ets peuvent s'exprimer librement et solidairement, formuler ensemble leurs revendications, réactions politiques, notamment en période de crise sociale, comme celle que nous traversons actuellement », a déclaré le plénum étudiant à Mašina.

Première séance plénière lundi. Union étudiante indépendante de l'Université « Saints Cyrille et Méthode »

Après la tragédie de Kočani et le rassemblement étudiant sur le plateau universitaire de Skopje, l'Union étudiante indépendante de l'Université « Saints Cyrille et Méthode » de Skopje (NSS-UKIM) a été créée – comme un pendant et une réponse au Parlement étudiant universitaire de la même université (USS-UKIM), dont vous avez pu lire l'histoire sur Mašina.

Ce groupe d'étudiant·es a déjà convoqué le premier plénum de tous et toutes les étudiantes de l'UKIM lundi, à 13 heures, sur le plateau de l'Université.

« Ce sont nos facultés donc c'est notre droit de décider », a déclaré le NSS-UKIM.

« Le NSS-UKIM a été créé pour répondre au besoin des étudiant·es d'avoir leur propre organisme indépendant pour pouvoir s'auto-organiser, car l'organisation étudiante actuelle USS s'est avérée être une extension du gouvernement. Ce qui a été pleinement démontré lors du dernier incident où le président de l'USS, Aleksandar Nikolovski, a crié et réduit au silence les étudiant·es qui huaient la ministre de l'Éducation et des Sciences, Vesna Janevska. Elle continua à prononcer un discours tandis que les étudiant·es s'évanouissaient et demandaient de l'aide », a déclaré le NSS-UKIM à Mašina.

Contrairement à ce qu'on appelle le SNS bureaucratisé et partisan, le SNS fonctionnera de manière horizontale et plénière, où la voix de chacun·e aura le même poids et où chacun·e pourra exprimer son opinion.

« Le mécontentement des étudiant·es est parfaitement illustré par le vote de défiance du Parlement étudiant de la Faculté de philosophie UKIM (FSS) à l'égard de la direction de l'USS-UKIM. Nous avons des informations selon lesquelles d'autres parlements étudiants suivront cet exemple et s'organiseront de la même manière – en plénum », ajoute le NSS-UKIM.

Le NSS-UKIM souligne également qu'il est inspiré par le sacrifice et le courage de ses camarades serbes et qu'il n'abandonnera pas tant qu'il n'aura pas obtenu son autonomie.

Anastazija Govedarica Antanasijević, 21 mars 2025
https://www.masina.rs/pumpamo-zajedno-studentska-pobuna-se-siri-balkanom/
Traduction Google revue ML, revue pour le blog

Serbia, Macedonia, Balcani, la ribellione studentesca si diffonde
https://andream94.wordpress.com/2025/04/01/serbia-macedonia-balcani-la-ribellione-studentesca-si-diffonde/

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L’Asie assommée par les droits réciproques de Donald Trump

8 avril, par Hubert Testard — ,
L'addition des droits réciproques américains annoncée pour le 5 avril est particulièrement salée pour l'Asie. Les droits de douane des États-Unis augmenteront en moyenne de 30% (…)

L'addition des droits réciproques américains annoncée pour le 5 avril est particulièrement salée pour l'Asie. Les droits de douane des États-Unis augmenteront en moyenne de 30% pour 16 pays d'Asie contre 20% pour l'Union européenne. Les concessions déjà faites ou annoncées par certains n'auront apparemment servi à rien.

Tiré de Asialyst
3 avril 2025

Par Hubert Testard

Porte-conteneur taïwanais quittant un port. DR.

Le couperet est tombé. Mercredi 2 avril, « jour de la libération » selon le vocabulaire de la Maison Blanche, Donald Trump brandissait une pancarte avec une longue liste de pays touchés par les droits additionnels américains. Seize pays asiatiques figurent dans cette liste. Les marchés financiers asiatiques étaient tous en baisse au matin du 3 avril, avec une chute de plus de 3% du Nikkei japonais.
Source : Maison Blanche

Les différences entre les pays semblent davantage fondées sur le montant de leurs exportations directes et de leurs excédents vers le marché américain que sur les différences de niveaux de droits de douane. On retrouve les trois catégories de pays mentionnées dans un article précédent (« Taxes douanières de Trump qui en Asie est le plus exposé ? »).

Les « bons élèves » avec lesquels les États-Unis avaient déjà des excédents commerciaux comme l'Australie ou Singapour ne sont taxés qu'à hauteur de 10%.
Ceux qui « pourraient mieux faire » n'importent des États-Unis que 40 à 60% de ce qu'ils exportent vers le marché américain. Ces pays sont taxés autour de 25%. On trouve dans cette seconde catégorie le Japon, la Corée, la Malaisie ou les Philippines.

Et puis il y a la catégorie des « mauvais élèves » avec lesquels les exportations américaines représentent moins de 35% des importations. La Chine d'abord, taxée à hauteur de 34% en plus des 20% déjà appliqués. Le Vietnam également, lourdement taxé à 46%, la Thaïlande et Taïwan, ainsi que plusieurs pays pauvres qui achètent peu de produits américains (Cambodge, Sri Lanka, Pakistan).

Les choix faits par les équipes commerciales de Donald Trump semblent résulter d'un arbitrage entre ceux comme Peter Navarro qui privilégiaient une taxation indifférenciée pour maximiser le montant des recettes douanières et financer les baisses d'impôts, et les équipes de Howard Lutnik qui favorisaient une approche par pays pour négocier.

Des concessions pour le moment inutiles

Plusieurs pays comme l'Inde, le Vietnam, Taïwan ou la Corée, avaient multiplié les concessions commerciales et les annonces d'investissement pour éviter d'être trop lourdement taxés. Une stratégie qui n'a pas encore donné de résultats. Mais si l'on se réfère au précédent des droits sur l'acier, l'aluminium et certains biens de consommation appliqués en 2018 lors de la première présidence de Donald Trump, les États-Unis avaient fini par accorder des exemptions à leurs principaux partenaires commerciaux en échange d'un certain nombre de concessions. Manifestement, en Asie comme en Europe, on table sur un processus similaire, ce qui explique des réactions modérées face à la vague protectionniste américaine.

Le ministre du commerce japonais, Yoji Muto, a promis une « réponse rapide » sans préciser si elle inclurait des contre-mesures. La porte-parole de l'exécutif à Taïwan, citée par le journal Le Monde, annonce que Taipei va « engager de sérieuses négociations » avec Washington. Un responsable du ministère du Commerce indien présente les mesures américaines comme un « ensemble mélangé » (mixed bag) qu'il va falloir analyser. Cette position très prudente reflète d'une part le fait que l'administration indienne espère conclure un accord commercial avec les États-Unis avant la fin de l'année, d'autre part l'espoir que la taxation beaucoup plus lourde des produits chinois bénéficiera aux exportations indiennes.

La Chine se distingue par l'annonce immédiate de contre-mesures, dont le contenu n'est pas encore précisé, alors que l'Union européenne temporise avec l'espoir de négocier. L'ampleur des annonces américaines est telle que personne ne semble envisager qu'elles soient appliquées en totalité dans la durée, au risque de provoquer une récession aux États-Unis et un choc majeur pour l'économie mondiale.

Par Hubert Testard

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Turquie : crise politique et mouvement démocratique

8 avril, par Emre Öngün — , ,
Le mouvement démocratique de masse que connaît la Turquie suite à l'arrestation d'Ekrem Imamoğlu, maire d'Istanbul et candidat de CHP (Parti de la République et du Peuple, (…)

Le mouvement démocratique de masse que connaît la Turquie suite à l'arrestation d'Ekrem Imamoğlu, maire d'Istanbul et candidat de CHP (Parti de la République et du Peuple, centre gauche) constitue un événement social et politique majeur aux portes de l'Union Européenne. Des rassemblements et des manifestations ont lieu dans tout le pays une participation très importante notamment sur la place Saraçhane à Istanbul devant la mairie.

Tiré d'Europe solidaire sans frontière.

Le durcissement du régime erdoganiste, qui franchit une ligne rouge inédite avec cette arrestation, télescope les informations de ces derniers mois sur un processus de paix entamé avec le mouvement national kurde de Turquie, en particulier l'organisation politique-militaire central au sein de ce mouvement : le PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan). Il s'agit de comprendre ce contexte avec deux dynamiques en apparence contradictoire afin d'appréhender les potentialités et les écueils qu'encourt ce mouvement en cours, dont il serait bien hasardeux de prédire les suites et les conséquences au moment où cet article est écrit.

D'une élection à l'autre

Il faut rappeler une donnée fondamentale : les élections en Turquie sont jusqu'à présent concurrentielles et font l'objet d'un investissement civique très forte de la part d'une société fortement politisée. J'ai déjà évoqué une « culture démocratique minimale mais solide » parmi la population turque de Turquie. Il est vrai que cela n'a pas empêché la majorité de la population de rester globalement passive au sujet des conditions profondément inégalitaires d'un scrutin, non seulement en termes socio-économiques, comme dans toute démocratie libérale mais, surtout, de répression directe et indirecte à l'encontre des forces d'opposition, a fortiori si elle touche une minorité kurde connaissant une oppression coloniale.

Cette population a ainsi accepté (sans forcément l'approuver mais en laissant faire) que les résultats des deux derniers scrutins locaux dans les localités kurdes aient été, pour l'essentiel annulés et que, dans une logique purement coloniale, les maires élu·es régulièrement soient mis.e.s en prison et remplacé·es par des administrateurs nommés par le gouvernement. Mais cette culture conduit aussi à accorder une importance cruciale aux scrutins concurrentiels comme « juge de paix » pour déterminer la direction de l'Etat et à investir fortement ces enjeux. Une preuve en est que le taux de participation à un scrutin n'est jamais descendue en dessous de 76% (un chiffre qui ne fait pas l'objet de fraude, la mobilisation des électeurs étant systématiquement observable) et se situe régulièrement à plus de 85% depuis 45 ans.

Après l'échec cuisant des élections générales de 2023, qui ont vu la réélection de R. T. Erdoğan et une majorité affaiblie mais reconduite, le CHP décide d'un congrès… avec à sa tête, Kemal Kiliçdaroğlu qui, fidèle à la tradition des dirigeants de son parti de n'assumer aucun échec, se prépare à être réélu président du parti. Toutefois, le choc de l'échec, la gestion calamiteuse de la période entre les élections générales et le congrès[1] lui font perdre une grande partie de sa crédibilité politique. Il en résulte un électrochoc inédit au sein du CHP avec la constitution d'une opposition de « rénovateurs » regroupés autour du maire d'Istanbul élu en 2019, Ekrem Imamoğlu, et de son allié, le président du groupe parlementaire, Özgür Özel.

En novembre 2023, pour la première fois en un siècle d'existence, un président sortant du parti fut battu lors d'un congrès et le CHP est pris par le binôme Özel, en tant que président, etImamoglu, principale figure publique. Quels sont les changements que cette nouvelle direction de « rénovateurs », venant tout de même de l'appareil, a mis en œuvre ? Pour l'essentiel, deux choses. D'une part, un plus grand professionnalisme dans la direction du parti, et la mise en tension d'un appareil lourd comptant 1,5 millions d'adhérents. De l'autre, une ouverture plus explicite envers les Kurdes de Turquie. La nouvelle direction refuse d'ostraciser le DEM (Parti de l'égalité et de la démocratie des peuples, issu du mouvement national kurde et de démocrates), et Imamoglu considére, par exemple, au cours d'un débat publique que ce serait « une folie » de considérer un parti recevant 5 millions de voix comme « terroriste »[2].

C'est avec cette équipe renouvelée que le CHP a abordé les élections locales de 2024, que R. T. Erdoğan avait s'était engagé à remporter le soir même de sa réélection, visant en particulier la reconquête d'Istanbul. Du côté des analystes de l'opposition, ce scrutin n'était pas abordé avec beaucoup d'espoir, l'essentiel étant par les de préserver les gains de 2019. La surprise fut l'inverse de celle de 2023 : un immense camouflet pour le régime et un succès éclatant pour le CHP se hissant symboliquement en tête du scrutin.

De son côté, Ekrem Imamoğlu devançait facilement son adversaire de l'AKP et obtenait une large majorité au conseil municipal (dont il ne disposait pas jusque-là). La dynamique de l'appareil du CHP s'est combinée avec la fin des mesures contracycliques du régime au profit d'une politique d'austérité classique et, dans une certaine mesure, avec la révélation de l'hypocrisie du régime sur la question palestinienne, des milieux affairistes proches du pouvoir commerçant avec Israël (et même son armée).

La situation semble ainsi s'être clarifiée depuis un an : le CHP est la principale force politique du pays et dispose avec Imamoğlu d'un candidat populaire, capable de vaincre Erdogan. Ce qui est un danger immense pour un régime dont les dirigeants tirent de considérables bénéfices personnels de leur mainmise sur le pouvoir politique.

Un processus de paix ?

C'est dans ce contexte qu'intervient le « processus de paix ». Celui-ci a pris une forme inattendue : c'est Devlet Bahçeli, le vieux chef des ultranationalistes du MHP allié à Erdogan, qui a porté la proposition d'un processus aboutissant à un désarmement et une dissolution du PKK en échange d'une amnistie incluant le chef historique, fondateur et figure emblématique, Abdullah Öcalan, détenu dans l'île prison d'Imrali depuis 26 ans.

Un processus d'échanges et de négociations a ainsi débuté, passant notamment par des rencontres entre les responsables gouvernementaux et une délégation de députés du DEM faisant fonction d'intermédiaires avec Imrali et le mont Qandil dans le Kurdistan d'Irak où se trouve la direction du PKK. Cela aboutit à la déclaration « historique » d'Abdullah Öcalan du 27 février 2025 appelant à déposer les armes et à autodissolution du PKK.

Trois semaines plus tard, le régime d'Erdogan a décidé de franchir une ligne qui n'avait jamais été franchie jusqu'alors : empêcher un adversaire de se présenter à l'élection présidentielle. Cela s'est d'abord traduit par l'annulation du diplôme d'Imamoğlu, des décennies après son obtention, alors que, selon la constitution turque, un diplôme du supérieur est une condition indispensable pour se présenter au scrutin présidentiel.

Cette décision a été aussitôt suivie de son arrestation ainsi que de celle d'une grande partie de son état-major pour corruption et soutien au terrorisme (des accusations classiques du régime contre ses adversaires). La date de cette opération n'est pas due au hasard : échaudé par la séquence catastrophique de choix de candidat à la présidentielle lors de l'élection de 2023, le CHP tenait le dimanche 23 mars sa primaire pour désigner son candidat pour le prochain scrutin avec pour seul postulant, Ekrem Imamoğlu.

Comment comprendre la concomitance entre ce « processus de paix » et cette offensive autoritaire visant un parti de centre-gauche turc ? Il est possible de faire une hypothèse et une observation sur la réalité de ce « processus de paix ».

L'hypothèse serait que, confronté au risque plus élevé que jamais de perdre le pouvoir au profit du CHP, le régime ait décidé de criminaliser celui-ci, en comptant sur des divisions qui surviendraient en son sein à cette occasion. Or, l'opération étant d'une grande ampleur (il s'agit du parti dirigeant les plus grandes villes du pays), il pourrait s'agir de régler séparément l'autre grand dossier – la « question kurde » – en escomptant que le mouvement national kurde resterait neutre face à la criminalisation du CHP et prioriserait le « processus de paix ». Toutefois, à supposer qu'il s'agisse bien de la manœuvre de grande ampleur initiée par le régime, elle ne pouvait que se heurter à plusieurs obstacles majeurs,le premier étant la situation même du « processus de paix ».

En effet, la déclaration spectaculaire d'Öcalan a été largement commentée dans la presse internationale mais en omettant un détail qui n'en est pas un : après avoir lu le texte d'Öcalan lors d'une conférence de presse, la délégation des députés du DEM a rajouté oralement ceci : « Abdullah Öcalan nous a ensuite dit ”Sans aucun doute, le désarmement et l'autodissolution du PKK nécessitera en pratique la reconnaissance de la politique civile et d'une dimension légale” ». Cette « note de bas de page », considérée comme faisant partie de la déclaration d'Öcalan par l'ensemble du mouvement national kurde, change évidemment la donne puisqu'il ne s'agit plus d'une auto-dissolution unilatérale mais d'une option conditionnée par des contreparties, à savoir des garanties démocratiques tangibles.

Or, c'est là où le bât blesse : il n'y a eu strictement aucun geste politique positif envers les Kurdes depuis le début de ce « processus ». Pas une seule localité kurde mise sous tutelle n'a retrouvé son maire légitime, aucun maire emprisonné lors des deux derniers mandats et aucun responsable politique du DEM (et de son prédécesseur le HDP) n'ont été libérés… Lorsqu'Ekrem Imamoğlu est arrêté, il y a certes un « processus de paix » en cours, mais sans la moindre avancée concrète du côté du gouvernement turc.

Cela rend d'autant plus stupéfiante la déclaration de Devlet Bahçeli du 21 mars dans laquelle le leader ultranationaliste propose que se tienne un congrès d'autodissolution du PKK, le 5 mai, sur le territoire de l'Etat turc, à Malazgirt avec l'assistance logistique du maire DEM de la localité ! On a du mal à imaginer l'Etat-major du PKK venir depuis le mont Qandil dans un peu plus d'un mois sans la moindre garantie d'aucune sorte (ni politique, ni autre) et déposer les armes pour repartir les mains dans les poches… D'autant plus que l'autre volet de cette déclaration de Bahçeli est une charge très violente contre le CHP (dont le MHP était l'allié il y a 10 ans… avant de s'allier à l'AKP) criminalisant ce parti turc de centre-gauche avec des formulations ne laissant guère transparaître la possibilité d'une évolution démocratique.

Or, les responsables kurdes (que cela soit des politiques civils avec le DEM, de l'appareil politio-militaire du PKK ou du tissu associatif de cette galaxie) n'ignorent pas que cette absence de démocratisation rend plus que précaire tout processus de paix. Ils ne peuvent pas ne pas se souvenir qu'en 2015 le précédent processus de paix avait été jeté à la poubelle d'un coup par Erdogan qui a même nié son existence après coup. Au fond, la méfiance légitime des dirigeants du DEM a été résumée par sa co-présidente Tülay Hatimogullari : « Qui dit que demain nous ne serons pas poursuivis en raison de nos rencontres avec Öcalan dans le cadre de la délégation pour le processus de paix ? »

L'échec d'Erdogan

En conséquence, depuis le début de cette crise, le DEM a tenu une position principielle de défense du processus de paix et de défense des droits démocratiques comme formant un tout, loin des accusations stéréotypées et dépourvues de fondement émises par les milieux d'opposition nationalistes selon lesquelles il est question de laisser les mains libre à Erdogan en échange de la paix. La direction de DEM a soutenu Imamoğlu lors de l'annulation de son diplôme puis de son arrestation, elle est également allée à la rencontre de celle du CHP à la mairie d'Istanbul devenue point de ralliement de l'opposition. La section locale d'Istanbul du parti a appelé à se rendre à la place Saraçhane où se trouve la mairie d'Istanbul et où se déroulent d'immenses rassemblements depuis l'arrestation d'Imamoglu.

Plus symbolique encore ont été les festivités de Newroz, fête traditionnellement célébrée par les Kurdes et rendez-vous annuel du mouvement national kurde pour des meetings de masse. La célébration de Newroz à Amed/Diyarbakir est considérée comme un moment politique très important. Or, contrairement à ce qui était attendu, il n'y eut pas de nouveau message d'Abdullah Öcalan lu à la tribune, la délégation du DEM ayant été empêchée de le rencontrer, ce qui est un accroc certain au processus de paix.

Le discours de Tuncer Bakırhan, co-président de DEM, était très attendu et il a ciblé le régime en déclarant : « ce qui est fait à l'opposition est contraire à l'esprit de la déclaration du 27 février (d'Abdullah Öcalan, Ndla) et est inacceptable » après avoir explicitement dénoncé l'incarcération d'Imamoğlu. Tout cela est dans la continuité de la position du DEM depuis le début mais il est probable que le régime espérait une déclaration plus « neutre ».

Ainsi, la manœuvre du régime de division semble avoir d'ores et déjà échoué en grande partie du fait de la lucidité des dirigeants du DEM. Il convient toutefois de noter que les dirigeants du CHP ont également cherché à se mettre à la hauteur de la situation en ne laissant pas dans le vide la main tendue par les responsables du DEM. Özgür Özel a également envoyé une déclaration pour le Newroz (une première pour un président du CHP) :

« (…) Ces terres sont des terres anciennes où différentes cultures, langues et croyances vivent ensemble dans la fraternité, où la solidarité et l'espoir fleurissent. Aucun tyran, aucun Dehak [tyran diabolique dans la mythologie kurde] ne pourra briser notre fraternité ! » en concluant son texte par la formule traditionnelle en kurde « Newroz piroz be ! ».

Il a par la suite salué un grand nombre de prisonniers politiques, notamment les ex-dirigeants du HDP (Parti Démocratique des Peuples, prédécesseur du DEM). De même, dans une déclaration rédigée en détention et publiée sur les réseaux sociaux, Ekrem Imamoğlu a déclaré : « tant que les Kurdes disent qu'il y a un problème, alors il y'a un problème kurde ».

Jeunesse mobilisée et CHP

De même, depuis le début du mouvement, le CHP a cherché à établir un lien avec la société mobilisée, contrairement à ce qui s'était passé lors du dernier mouvement de masse démocratique que la Turquie a connu en 2013 (« le mouvement dit de Gezi »). Outre, un discours ouvert envers les Kurdes, sa direction a formellement reconnu l'importance des étudiant·es dans cette mobilisation en leur offrant une tribune sur la place Saraçhane.

En effet, la jeunesse étudiante constitue l'avant-garde du mouvement et cela est reconnu par tous les acteurs, que cela soit le CHP ou les personnalités,artistes, sportifs, célébrités médiatiques qui font tou.te.s référence à l'importance de la jeunesse du pays dans leurs déclarations de soutien indirect ou explicite au mouvement. Mais cela est également « reconnu » par le régime puisque la répression s'abat prioritairement sur eux. Par exemple, au moment où ces lignes sont écrites, Selinay Uzuntel, leader étudiante qui pris la parole sur la place Saraçhane au nom des étudiant·es en lutte (et par ailleurs membre de l'EMEP, Parti du Travail, marxiste-léniniste de tendance hoxhaiste) vient d'être arrêtée ainsi que d'autres animateurs étudiant·es.

Il y a 7 millions d'étudiant·es en Turquie soit 8,2% de la population totale (4,4% en France). Ces jeunes n'ont connu que l'AKP au pouvoir, dans sa version corrompue et népotiste. Ils et elles étudient mais ne pouvent espérer trouver un débouché dans la plupart des cas. Confrontée à l'arbitraire du pouvoir, la grande majorité souhaiterait vivre à l'étranger si elle le pouvait. Elle constate quotidiennement l'immense écart entre les vertus prônés par le régime et le cynisme ostentatoire et arrogant de ceux qui en bénéficient.

Certain·es ont la mémoire des grands frères et des grandes sœurs qui ont « fait Gezi », confronté·es à des autorités arbitraires et intrusives… Il y a 12 ans une camarade jeune me disait lors du mouvement de Gezi : « Être jeune en Turquie consiste à se faire engueuler soir et matin par Erdogan à la télévision ». La formule, saisissante, est certainement encore plus vraie aujourd'hui alors même que le régime perd chaque jour de sa légitimité.

Ce rôle d'avant-garde de la mobilisation étudiante va de pair avec une aspiration à l'autonomie. Ainsi, pour la première fois à Istanbul, lundi 24 mars, il y a eu un rassemblement distinct appelé par des étudiant.e.s en lutte à Besiktas, et non à Saraçhane. Plus tôt dans la journée des « boycotts académiques » (l'équivalent de « grèves étudiantes ») ont été lancés dans de nombreuses universités.

Pour en revenir au CHP, celui-ci, a mené à bien sa primaire mais en l'ouvrant à l'ensemble des citoyen·nes qui ont pu participer à des votes « de solidarité ». Le dimanche soir, la direction du CHP a annoncé le chiffre colossal de 15 millions de personnes qui se sont rendues dans aux urnes (le vote n'était pas électronique) pour une primaire devenue un plébiscite. Il est impossible d'avoir une confirmation de ce chiffre puisqu'il s'agissait d'un exercice et qu'aucun média disposant de moyens suffisants n'était autorisé par le régime à couvrir cet événement.

Néanmoins, la couverture de la presse locale indique que la participation a été forte. Alors que la faiblesse du mouvement ouvrier, les difficultés de niveau de vie, les obstacles à l'organisation font qu'un mouvement de grève massif semble hors d'atteinte, le CHP a appelé au boycott de certains groupes économiques et de certains médias. Depuis le début du mouvement, le régime a dépensé 11% de ses réserves en devises (20 milliards de dollars) pour prévenir un effondrement de la livre turque, tandis que la bourse d'Istanbul a repris après un effondrement initial.

Les meetings de Saraçhane sont colossaux mais pourront-ils se maintenir à ce rythme, s'il n'y a pas d'avancées ? Dès à présent, des assemblées de quartiers se sont mises en place à Istanbul, ne serait-ce que parce que Saraçhane est loin pour des millions d'habitants d'une métropole immense. Il est aujourd'hui impossible de prévoir les suites du mouvement en cours mais il est possible d'aborder certaines contradictions en son sein.

Kemalisme contre Kemalisme ?

De cette polyphonie proclamant son aspiration à l'unité du peuple au-delà de ses divisions traditionnelles et de ses rapports d'oppression, s'élève toutefois une dissonance qui ne recouvre pas les autres sons mais ne saurait non plus être ignorée : celui du suprématisme turc. S'il existe d'autres solistes ultranationalistes oppositionnels à Erdogan (les dirigeants du Iyi, le « Bon Parti », ou des néofascistes du ZP, Parti de la Victoire), le son le plus strident est produit par le maire CHP d'Ankara, Mansur Yavaş.

Ex-dirigeant ultranationaliste passé au CHP, il a gagné la mairie d'Ankara en 2019, en même temps qu'Imamoğlu l'emportait à Istanbul, puis a confirmé sa victoire en écrasant son adversaire de l'AKP en 2024. Lors de sa prise de parole à Saraçhane, il a dénoncé un « deux poids, deux mesures » contre les manifestants à Istanbul alors qu'un « parti dans l'Est du pays » organise des rassemblements (le Newroz) dans lesquels est agité un « torchon »(drapeaux kurdes et du PKK) et où on offre des barbes à papa aux jeunes (en référence à une vidéo largement diffusée d'un policier distribuant cette sucrerie à des enfants dans une localité kurde à l'occasion du Newroz) alors qu' « ici » (à Istanbul ou Ankara mais en sous-texte les « Turcs ») « on matraque les jeunes ».

Ce discours grossier met en équivalence un micro-événement avec des décennies d'oppression coloniale et inverse les rôles historiques. Insensible à toute perspective de paix, il souhaite le maintien du statu quo suprématiste, c'est-à-dire une démocratie uniquement pour les Turcs, donc in fine pas de démocratie pour qui que ce soit. Ce discours n'est pas celui à la direction du mouvement, d'autant plus que Yavaş, en tant que transfuge d'un autre parti, n'a jamais eu de relais puissants dans le CHP (qui a pu tenir ce genre de discours dans ses pires périodes droitières), mais il existe.

Derrière Yavas se tient le milieu oppositionnel nationaliste des petits partis cités auparavant mais aussi certains autres maires, tels que Tanju Özcan à Bolu, ou Burcu Köksal à Afyonkarahisar et des cadres du CHP. Ils ne représentent pas seulement un risque de déviation pour le mouvement, ils l'affaiblissent. C'est en raison du discours de Yavaş que la déclaration d'Özgür Özel a été huée lors de sa lecture au Newroz d'Istanbul. En politique rusé, Erdogan n'a pas manqué de dénoncer les propos de Yavaş pour présenter le mouvement en cours comme celui des ennemis de la paix et des tenants du statu quo[3].

Tout observateur du mouvement en cours relèvera les portraits de Mustafa Kemal accompagnés de drapeaux turcs qui foisonnent lors des rassemblements et manifestations. Il en était de même en 2013 pour le mouvement de Gezi. Même au sein de la jeunesse ; la mobilisation est justifiée par certain·es étudiant·es et par un grand nombre de celles et ceux qui les soutiennent en mobilisant la figure de Mustafa Kemal Atatürk avec moult extraits de son « Discours à la jeunesse », ou de sa formule de son « Grand Discours » confiant la République à la jeunesse ou encore par la formule plus générique « la souveraineté appartient sans condition ni restriction à la nation » (par opposition à un seul individu, Erdogan).

L'usage de la figure tutélaire du fondateur de la République de Turquie légitime un discours oppositionnel, le situe dans une continuité patriotique tout en le mobilisant pour autre chose. Ce qui est retenu du propos est ce qui peut être rattaché à une souveraineté collective, d'une part, et, de l'autre, à la mission historique de la jeunesse turque, validant ainsi le discours porté aujourd'hui concrètement par cette jeunesse. Ainsi, tout comme lors du mouvement de Gezi, mais encore plus explicitement puisqu'il s'agit de s'opposer à une opération remettant explicitement en cause un processus électoral (dont on a précédemment rappelé l'importance en Turquie), Mustafa Kemal Atatürk est mobilisé pour une aspiration démocratique[4].

Il s'agit, au fond, d'une forme de discours performatif par rapport au passé : si Mustafa Kemal confie la République à la jeunesse, c'est parce que cette République et la geste de la guerre de libération porte en elles notre aspiration démocratique. Özgür Özel ne procède pas autrement quand il proclame « Ces terres sont des terres anciennes où différentes cultures, langues et croyances vivent ensemble dans la fraternité » alors que ces terres ont connu le génocide arménien, la loi sur l'impôt sur la fortune[5], avant même l'oppression colonial des Kurdes. Mais, puisque l'objectif désormais affiché est une république inclusive, il convient de réinventer un passé qui y correspond et une fidélité au kémalisme qui valide les aspirations politiques du jour .

Face à cela, Mansur Yavaş ment sur les relations sociales d'aujourd'hui en présentant les Kurdes comme des privilégiés face aux Turcs opprimés dans leur propre pays. Mais il est fidèle au contenu pratique du kémalisme réel produit d'une guerre de libération nationale, qui fut héroïque tout en refusant de reconnaître la pluralité nationale de la Turquie, en oubliant les promesses faites en ce sens, en réprimant les révoltes kurdes et mettant rapidement fin à toute forme de pluralisme politique contrôlé…

Il ne fait cependant guère de doute que, pour les organisations de gauche radicale impliquées dans la mobilisation – et certaines y jouent un rôle catalyseur dans la jeunesse comme le TIP (Parti des Travailleurs de Turquie, qui compte 4 députés dont 1 en prison) –, la priorité n'est pas de faire un cours d'histoire mais de pousser en avant concrètement le mouvement puisque « tout pas en avant du mouvement réel vaut plus qu'une douzaine de programmes » (comme a pu le dire Marx), ou une douzaine de cours d'histoire…

La fonction du mensonge de masse démocratique du mouvement est d'ouvrir la voie pour se confronter à la vérité historique afin d'approfondir la démocratie et, dans une stratégie de lutte de classe, enlever des armes de division des mains de la bourgeoisie. Mais nous en sommes encore loin. Aujourd'hui, chaque pas d'un étudiant·e manifestant pour le respect de la démocratie dans le bastion conservateur de Konya est plus précieux que ces considérations. Notre soutien ne doit pas leur faire défaut.

Emre Öngün

Photo : Wikimedia Commons.

Notes

[1] Il déclara par exemple avoir conclu un accord secret avec l'ultranationaliste Ümit Özdag du ZP (Parti de la Victoire) dont le candidat avait fini 3e au 1er tour avec 5%, qui, allant au-delà de leur accord officiel, faisait des concessions immenses à ce parti. Un accord conclu à l'insu deson propre état-major,alors même que le ZP est profondément hostile aux Kurdes qui avaient très majoritairement voté pour Kemal Kiliçdaroğlu. Celui-ci a réussit ainsi l'exploit d'avoir récolté à la fois le déshonneur et la défaite.

[2] Il y avait eu de timides avancées en ce sens par Kemal Kiliçdaroglu avant que celui-ci ne décide de trahir les Kurdes dans l'entre deux tours. Il faut rappeler que le CHP revient de loin dans ce domaine puisque, sous la sinistre direction de Deniz Baykal, entre 1995 et 2010, son discours n'avait guère plus de différence avec celui des ultranationalistes du MHP.

[3] Il a aussi accusé les manifestants d'avoir saccagé une mosquée et d'y avoir bu de l'alcool, reprenant un grand classique de la calomnie propagée par le régime depuis 2013.

[4] D'une certaine manière, il y a là une similitude avec les étudiants des années 1960 qui ont commencé leur parcours politique par le kemalisme en insistant sur l'approfondissement de l'indépendance, puis ont creusé le sillon de l'anti-impérialisme et ont vogué vers les rives du marxisme (ou plutôt de divers obédiences marxistes).

[5] Disposition discriminatoire de 1942 à l'encontre les non_musulmans établissant de facto un impôt sur la fortune à des taux exorbitants pour ces catégories afin de les ruiner et de constituer à leur place une bourgeoisie turque et musulmane.

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Syrie : Il n’y a aucun espoir d’instaurer une justice transitionnelle si la doctrine du nouvel État syrien repose sur le confessionnalisme

8 avril, par Joseph Daher — , ,
Un mois après l'éclatement de violents affrontements confessionnels dans la région côtière, l'État syrien n'a toujours pas reconnu l'importance de la justice transitionnelle, (…)

Un mois après l'éclatement de violents affrontements confessionnels dans la région côtière, l'État syrien n'a toujours pas reconnu l'importance de la justice transitionnelle, affirme Joseph Daher.

Tiré d'Europe solidaire sans frontière.

Les nouvelles autorités au pouvoir suivent les traces de l'ancien régime d'Assad, continuant à utiliser les politiques et pratiques confessionnels comme moyen de gouvernement et de division sociale, écrit Joseph Daher

L'euphorie qui a suivi la chute du régime d'Assad en décembre 2024 s'est largement dissipée après les massacres à grande échelle de civils alaouites dans les zones côtières, perpétrés début mars 2025 par des groupes armés appartenant à l'armée syrienne nouvellement constituée.

Dans le sillage de ces événements tragiques, des groupes armés liés aux nouvelles autorités au pouvoir ont commis de nouveaux assassinats et autres exactions à l'encontre de civils alaouites. À la suite de la publication d'un rapport d'Amnesty International sur les récents événements meurtriers survenus sur le littoral, le secrétaire général de l'organisation a déclaré : « Tuer délibérément des civils ou tuer intentionnellement des combattants blessés, qui se sont rendus ou qui ont été capturés constitue un crime de guerre. »

Si le déclenchement initial des violences a été causé par des individus armés liés à l'ancien régime des Assad, qui ont coordonné des attaques contre des membres des services de sécurité des nouvelles autorités au pouvoir et des civils, la campagne de répression menée par les différentes factions de l'armée syrienne s'est ensuite massivement étendue à des campagnes d'assassinats de civils et de familles alaouites, entraînant la mort de plusieurs centaines de civils.

En outre, près de 13 000 Syrien.ne.s ont fui vers le nord du Liban à cause de ces massacres et des dizaines de milliers d'autres vers l'intérieur du pays.

Sous prétexte de combattre les « vestiges du régime d'Assad », ces massacres avaient pour principal mobile un sentiment de haine à caractère confessionnel, et de « vengeance », assimilant à tort l'ensemble de la communauté alaouite à l'ancien régime. Et ce, malgré le fait que la grande majorité des Alaouites n'a pas soutenu les attaques armées perpétrés par les éléments armés issus de l'ancien régime contre les forces de sécurité. Qui plus est, de nombreux civils assassinés s'étaient au contraire opposés au régime d'Assad et avaient célébré sa chute en décembre 2011.

À la suite de ces événements tragiques, les réseaux sociaux ont été inondés de discours confessionnels et haineux, tandis que d'éminents militants des droits de l'homme, dont Fadel Abdulghany, directeur du Centre syrien pour les droits de l'homme, ont été menacés et insultés pour avoir rendu compte des massacres et les avoir recensés.

La responsabilité des massacres contre la population alaouite du littoral revient aux nouvelles autorités syriennes.

Non seulement ils n'ont pas réussi à empêcher la montée de la violence et de la haine confessionnelle, mais ils y ont également contribué activement, à la fois directement et en instaurant les conditions politiques qui ont conduit à ces massacres.

En effet, les violations des droits humains à l'encontre des individus et des populations alaouites, y compris les enlèvements et les assassinats, ont augmenté au cours des derniers mois, et certaines d'entre elles, comme le massacre de Fahil en décembre 2024 et le massacre d'Arzah en février 2025, ont eu l'allure de répétitions générales préalables aux massacres sur la côte.

Les autorités au pouvoir ont à chaque fois présenté ces actes comme isolés, sans prendre de mesures sérieuses contre leurs auteurs.

De plus, Hayat Tahrir el-Cham (HTC) et les responsables syriens ont régulièrement dépeint la communauté alaouite comme un outil de l'ancien régime utilisé contre le peuple syrien.

Ainsi, lors de son discours à la 9e édition de la conférence des donateurs sur la Syrie à Bruxelles, en Belgique, le ministre syrien des Affaires étrangères Asaad al-Shibani a déclaré : « 54 ans de domination d'une minorité ont abouti au déplacement de 15 millions de Syriens... », suggérant implicitement que la communauté alaouite dans son ensemble avait dirigé le pays pendant des décennies, et non une dictature contrôlée par la famille Assad.

S'il est incontestable que des personnalités alaouites ont occupé des postes clés dans l'ancien régime, en particulier au sein de l'appareil militaire et sécuritaire, réduire la nature de l'État et de ses institutions principales à une « identité alaouite » ou dépeindre le régime comme favorisant les minorités religieuses tout en discriminant systématiquement la majorité arabe sunnite est à la fois une erreur et une analyse très éloignée de la réalité.

L'instrumentalisation du confessionalisme n'a jamais été l'objectif final de l'ancien régime, mais plutôt un moyen de maintenir son pouvoir.

Il faut être clair sur le fait que ces tensions et cette haine confessionnelle ne sont pas dues à d'anciennes divisions religieuses ou à quelque chose de fondamentalement « ancrées » chez les populations de la région. Le confessionnalisme et les tensions confessionnelles sont le produit de la modernité et ont des racines politiques. Dans le cas présent, les dynamiques confessionnelles résultent des politiques et pratiques confessionnelles de l'ancien régime d'Assad, qui ont été utilisées comme un outil pour diviser la population syrienne, ainsi que des actions des nouvelles autorités au pouvoir, y compris le HTC et d'autres groupes armés d'opposition. Ces groupes ont activement instrumentalisé le confessionnalisme et continuent de le faire à travers leurs politiques, leurs actions et leur rhétorique.

À défaut de rendre justice à chaque Syrien.n.e, le chaos ne fera que s'approfondir

Le confessionnalisme est fondamentalement un outil de consolidation du pouvoir et de division de la société. Il sert à détourner l'attention des classes populaires des questions socio-économiques et politiques en désignant un groupe particulier, défini par sa confession ou son appartenance ethnique, comme étant à l'origine des problèmes du pays et comme une menace pour la sécurité, justifiant ainsi les politiques répressives et discriminatoires à son encontre.

De plus, le confessionalisme agit comme un puissant mécanisme de contrôle social, façonnant le cours de la lutte des classes en renforçant la subordination des classes populaires à l'élite dirigeante de leur communauté. De ce fait, les classes populaires sont privées de toute capacité d'action politique indépendante et finissent par être définies par leur identité communautaire, et par s'engager politiquement en fonction de celle-ci.

À cet égard, les nouvelles autorités au pouvoir suivent les traces de l'ancien régime d'Assad, continuant à utiliser les politiques et pratiques confessionnelles comme outil de gouvernance et de division sociale.

Au-delà de la dynamique confessionnelle, les événements récents sont également le résultat de l'échec et du refus des nouvelles autorités au pouvoir de mettre en place un cadre de justice transitionnelle global et à long terme visant à ce que tous les individus et groupes aient à répondre de leurs crimes de guerre.

Il est essentiel de faire face à l'héritage de la brutalité systémique du régime d'Assad pour ouvrir la voie à un avenir durable et pacifique. Cette démarche aurait pu contribuer de manière décisive à limiter les actes de vengeance et à atténuer les tensions intercommunautaires croissantes.

Le président Ahmed al-Charaa a mis en place une commission d'enquête chargée d'enquêter sur les événements survenus sur la côte syrienne et a créé une haute commission pour la paix civile. Cependant, ses conclusions sont toujours attendues, la date limite officielle étant fixée au 9 avril. En attendant, les violations des droits humains à l'encontre des civils alaouites dans ces régions se poursuivent.

En réponse au rapport d'Amnesty International sur les récents événements dans les régions côtières, ainsi qu'aux critiques plus générales sur le rôle du gouvernement, une source du ministère syrien de l'Intérieur a déclaré au journal Al-Araby al-Jadeed, publication sœur de The New Arab, que « ne pas tenir compte des données et des faits sur le terrain et dénigrer le travail de la commission d'enquête relève d'un manque de rigueur qui va à l'encontre des normes les plus élémentaires d'objectivité. Cela dénote un parti-pris en faveur d'un projet politique porté par des acteurs dont l'histoire est bien connue et dont l'alliance avec des pays hostiles à la Syrie, tant à la nation qu'à son peuple, est évidente."

Cela dit, Ahmed al-Charaa et ses alliés au pouvoir n'ont aucun intérêt à mettre en place un mécanisme complet de justice transitionnelle, craignant que cela ne les expose également à devoir rendre compte de leurs propres crimes et exactions contre des civils et diverses populations locales.

En outre, la justice transitionnelle peut également inclure une dimension sociale si elle intègre une action visant à récupérer les actifs de l'État qui ont été octroyés de manière illégale à des hommes d'affaires liés à l'ancien régime et à demander des comptes aux responsables de crimes financiers graves, tels que la privatisation des fonds publics et de l'État ou la cession de terrains domaniaux, au détriment de la classe populaire et de l'intérêt général.

Une fois de plus, l'orientation économique des nouvelles autorités au pouvoir, qui vise à conclure des accords et des arrangements avec des personnalités du monde des affaires liées à l'ancien palais présidentiel, ainsi que leur volonté d'approfondir les politiques néolibérales et de privatiser les biens de l'État, sont en contradiction avec les principes d'un processus de justice transitionnelle global.

Les récents événements soulignent l'importance de continuer à répertorier les violations des droits humains en Syrie afin de recueillir des preuves pour de futures poursuites pénales, tout en préservant la mémoire et l'histoire des victimes.

Seul un processus démocratique et inclusif, avec une large participation des classes populaires par delà tous les clivages confessionnels et ethniques, peut briser le cycle de la violence confessionnel et garantir que les auteurs de violations des droits humains soient tenus de rendre des comptes.

Pour y parvenir, les militant.e.s et les groupes démocratiques et progressistes syriens doivent former une force capable de faire contrepoids aux nouvelles autorités au pouvoir, en faisant pression sur elles pour qu'elles acceptent des concessions sur ces questions, notamment en matière de justice et de lutte contre l'impunité. Comme le dit le vieil adage : sans justice, pas de paix.

Joseph Daher

Source : The New Arab, 03 avril 2025 :
https://www.newarab.com/opinion/no-hope-justice-if-sectarianism-new-syrian-state-doctrin

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La situation économique des femmes en Iran : L’impact de l’inflation et de la hausse des prix sur le pouvoir d’achat à l’approche de Norouz

8 avril, par Wncri.org — , ,
Le Norouz et le Nouvel An iranien ont commencé le 20 mars 2025. En tant que célébration nationale la plus importante en Iran, Norouz est traditionnellement une période où les (…)

Le Norouz et le Nouvel An iranien ont commencé le 20 mars 2025. En tant que célébration nationale la plus importante en Iran, Norouz est traditionnellement une période où les familles dépensent de l'argent pour acheter des produits de première nécessité, de nouveaux vêtements et de la nourriture. Cependant, cette année, les femmes iraniennes ont été confrontées à des défis économiques sans précédent à l'approche de la fête.

TIré de Entre les lignes et lesm ots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/04/02/rapport-de-mars-2025-la-situation-economique-des-femmes-en-iran-texte-pour-la-liberation-de-narges-mohammadi/?jetpack_skip_subscription_popup

Télécharger le rapport au format PdF :ici

L'inflation débridée, la hausse constante des prix et la dévaluation de la monnaie nationale ont considérablement réduit le pouvoir d'achat, en particulier celui des femmes, rendant la vie quotidienne de plus en plus difficile, notamment pour les classes moyennes et inférieures. Les femmes qui gèrent les finances du ménageet sont chargées de répondre aux besoins quotidiens de leur famille sont soumises à une pression croissante. Ce fardeau est encore plus lourd pour les femmes qui sont seules à la tête de leur foyer – dont beaucoup appartiennent aux couches les plus pauvres de la société – et qui assument toutes les responsabilités familiales sans avoir accès à un emploi approprié. La situation est devenue si grave que certains patients atteints de maladies chroniques vendent les médicaments qui leur sont alloués, tandis que d'autres ont recours à la vente de leurs organes pour survivre.

Les femmes jouent traditionnellement un rôle clé dans la préservation des coutumes de Norouz, comme l'achat de nouveaux vêtements et la préparation de la table Haft Sîn. Pourtant, cette année, la flambée des prix a transformé ces rituels en véritables luttes. Parallèlement,la corruption généralisée du gouvernement, qui se traduit notamment par la contrebande quotidienne de 20 millions de litres de pétrole hors du pays, a encore drainé les ressources nationales et aggravé la crise.

Même les médias du régime ont reconnu la gravité de la situation. L'agence de presse gouvernementale IRNA a écrit : « La saison des achats de fin d'année à Téhéran ne s'est pas déroulée comme prévu. Les magasins ne sont pas remplis de foules, de clients portant des sacs, d'enfants impatients portant de nouveaux vêtements et de commerçants épuisés, submergés par les clients. Une femme passe devant les magasins les mains vides. Ses yeux sont fixés sur les vendeurs de rue. Elle dit : « J'aimerais pouvoir aller acheter tout cela – c'est le réveillon du Nouvel An. Mais je suis juste venue pour regarder. J'adore l'effervescence du marché, mais pour faire des achats, il faut de l'argent, beaucoup d'argent. Et en ce moment, je n'ai pas d'argent dans ma poche » ». (IRNA – 16 mars 2025)

La crise économique iranienne et son impact sur les femmes Inflation et hausse des prix

Ces dernières années, l'Iran a été confronté à une inflation sévère – une crise économique si écrasantequ'il est devenu extrêmement difficile pour la population de se procurer les produits de première nécessité, tels que la nourriture, les vêtements, le logement, l'éducation et les soins de santé.

Selon un rapport du Centre statistique d'Iran, le taux d'inflation au cours de l'année iranienne 1403 (du 20 mars 2024 au 20 mars 2025) a dépassé les 40%, les prix des biens essentiels comme la nourriture, les vêtements et le logement ne cessant de grimper. À l'approche de la fête de Norouz, où la demande des consommateurs augmente généralement, ces hausses de prix se sont intensifiées. Par exemple, le prix de la viande d'agneau a dépassé les 600 000 tomans par kilogramme, tandis que le prix du riz iranien est passé de 100 000 tomans par kilogramme l'année dernière à plus de 150 000 tomans en 1403.

L'impact de l'inflation sur le pouvoir d'achat des femmes

Les femmes, en particulier celles qui sont chefs de famille ou responsables de la gestion des dépenses familiales, ont été les plus durement touchées par ces difficultés économiques. La flambée des prix et l'inflation d'avant les fêtes ont écrasé de nombreuses familles, les classes moyennes et inférieures supportant le plus gros du fardeau économique. (Rokna – 11 mars 2025)

Les femmes de ces groupes socio-économiques, qui ont souvent des revenus limités ou fixes, doivent maintenant faire face à des budgets qui ne couvrent plus les coûts de la vie de base.

« L'inflation galopante a plongé les gens dans un état de crise et de profonde dépression. La classe ouvrière, les pauvres et même la classe moyenne ne peuvent plus faire face à leurs dépenses essentielles ». (Etemad Daily – 11 mars 2025)

La corruption du gouvernement et son impact sur l'économie

Détournements de fonds importants et ressources manquantes

Alors que le régime clérical et ses médias contrôlés par l'État continuent d'accuser les sanctions d'être à l'origine de la situation économique désastreuse de l'Iran, la véritable racine de la crise réside dans la corruption généralisée aux plus hauts niveaux du gouvernement.

Dans un article récent, un militant des médias a révélé qu'au cours des 10 premiers mois de l'année 1403 (mars 2024 à janvier 2025), plus de 81 000 kilogrammes d'or ont été importés en Iran, mais que seuls 15 805 kilogrammes ont été mis à disposition sur le marché intérieur. (Eghtesad Online – 6 mars 2025)

Il a également déclaré que, de manière optimiste, la Banque centrale a généré entre 5 et 6 trillions de tomans de revenus en vendant des pièces d'or sur le marché.

Bien que la Banque centrale ait démenti ces affirmations et porté plainte contre le journaliste, de telsscandales de détournement de fonds sont loin d'être rares dans le régime clérical. Dans un système économique étroitement contrôlé par le guide suprême Ali Khamenei et son Corps des gardiens de la révolution (CGR), les détenteurs du pouvoir pillent régulièrement les richesses et les ressources nationales.

Un exemple flagrant est la disparition quotidienne et la contrebande de 20 millions de litres de pétrole du pays. Même le président du régime, Massoud Pezeshkian, a évoqué cette question à plusieurs reprises, souvent pour tenter de détourner la responsabilité des graves pénuries d'eau, d'électricité, de gaz et d'essence que connaît le pays.

Mais tout le monde connaît la vérité : ce vol à grande échelle vient de ceux qui détiennent le pouvoir. Aucun contrebandier ou porteur de carburant ordinaire ne pourrait faire sortir 20 millions de litres de pétrole du pays chaque jour.

L'impact de la corruption sur l'inflation et la hausse des prix

La corruption et la mauvaise gestion des ressources nationales ont alimenté la hausse des liquidités et l'inflation galopante. Lorsque la richesse nationale est pillée, le gouvernement a recours à la planche à billets pour couvrir les déficits budgétaires, ce qui fait encore grimper les prix.

Les femmes, en particulier celles qui occupent des emplois à faible revenu ou qui travaillent à leur compte, comme les vendeurs de rue, sont parmi les plus durement touchées par ce cercle vicieux de l'économie. Mohammad Bahreinian, un chercheur affilié au régime, a indiqué que 42,5% des emplois en Iran sont des emplois indépendants. De nombreuses femmes travaillant dans ces secteurs gagnent de maigres revenus rapidement érodés par l'inflation.

Bahreinian a déclaré : « Les données de l'Organisation internationale du travail révèlent à quel point nous sommes en retard. Comparé aux pays développés et en développement, le taux de travail indépendant en Iran est à la fois choquant et honteux. Sur 31 ans, les estimations de l'OIT pour 2022 montrent que 42,5% de l'emploi en Iran est basé sur le travail indépendant, ce qui est alarmant. Ce chiffre est un indicateur troublant de notre inefficacité économique et de notre incapacité à développer et à créer des emplois stables pour la population active ». (Khabar Online – 19 mars 2025)

L'impact de la baisse du pouvoir d'achat sur la vie des femmes

Les difficultés économiques des femmes à la veille de Norouz

À la veille de Norouz (le Nouvel An persan), les femmes iraniennes sont confrontées à des pressions financières croissantes, aggravées par une inflation galopante, une hausse des prix à la consommation et une baisse du pouvoir d'achat. Ces difficultés ont considérablement entravé leur capacité à observer les coutumes traditionnelles du Nouvel An.

L'une des plus anciennes traditions de Norouz est l'achat de nouveaux vêtements pour les membres de la famille, une responsabilité qui incombe souvent aux femmes. Cependant, en raison de l'augmentation du coût des vêtements, de nombreuses femmes ne peuvent plus maintenir cette pratique. Même l'achat de vêtements indispensables est devenu un défi.

Akbar, vendeur de vêtements pour enfants au bazar de Téhéran, a fait remarquer : « Notre nombre de clients a chuté d'environ 40%. Les gens ont du mal à acheter des vêtements de base ».

Mohammad, qui vend des vêtements pour femmes dans l'est de Téhéran, se fait l'écho de cette préoccupation : « La situation dans le secteur de l'habillement est très inquiétante. Les gens ne peuvent même plus se permettre d'acheter les produits de base. » (Asr-e Iran – 18 mars 2025)

Les sucreries et les noix – des articles traditionnellement essentiels pour l'hospitalité de Norouz – sont également devenues inabordables pour beaucoup. Reza, un vendeur de noix et de fruits secs, a constaté une baisse de 40% de sa clientèle, ajoutant : « Les gens ne cherchent que le strict minimum ».

Abbas, qui tient une confiserie à Téhéran, a déclaré : « Nous avons perdu environ 60% de notre clientèle. Les gens n'ont tout simplement plus les moyens d'acheter des sucreries ». (Asr-e Iran – 18 mars 2025)

Cette situation fait peser un fardeau encore plus lourd sur les femmes, qui sont généralement chargées d'acheter ces articles de fête.

L'impact sur la qualité de vie et le bien-être des femmes

La baisse du pouvoir d'achat a gravement diminué la qualité de vie des femmes iraniennes. Nombre d'entre elles sont désormais incapables d'accéder aux soins de santé de base, à l'éducation ou mêmes des loisirs. Selon un article d'Etemad Online « L'inflation galopante a plongé les femmes iraniennes dans un état de pauvreté extrême ».

Les familles à faible revenu et de la classe moyenne ne peuvent plus se permettre de satisfaire leurs besoins les plus élémentaires ». (Etemad Online – 11 mars 2025)

Cette érosion du pouvoir d'achat va au-delà des difficultés matérielles. Le stress constant lié à l'incapacité de subvenir aux besoins de leur famille pèse sur la santé mentale des femmes. Nombre d'entre elles sacrifient leurs propres besoins pour assurer le strict minimum à leurs enfants. Un rapport de l'IRNA sur les achats effectués avant Norouz révèle ce qui suit : « Les familles donnent la priorité aux achats pour leurs enfants, et ce n'est que lorsqu'il reste de l'argent qu'elles pensent à elles-mêmes. » (IRNA – 16 mars 2025)

Ces sacrifices ont intensifié ce que l'on appelle souvent la « féminisation de la pauvreté » et ont aggravé les inégalités entre les hommes et les femmes. Comme l'a observé Etemad Online : « La situation économique a atteint un point tel que le seuil de pauvreté est désormais le même pour les groupes à revenus faibles et moyens – tous deux vivent pratiquement au même niveau de subsistance. » (Etemad Online – 11 mars 2025)

Cette tendance alarmante reflète l'ampleur et la gravité croissantes de la crise économique.

La hausse des prix des produits de base et son impact sur les femmes

Selon les statistiques officielles, les prix de certains produits alimentaires essentiels ont augmenté de 220% : les pommes de terre de 217%, les aubergines de 122%, les tomates de 116%, les pois cassés de 108% et les haricots pinto de 104%. Cette forte inflation pèse lourdement sur les femmes, qui sont souvent chargées de cuisiner et d'assurer les repas de leur famille.

Mohsen, vendeur de fruits dans le quartier de Monirieh à Téhéran, a déclaré : « Dans quelques jours, les ventes de paniers de fruits pour Norouz commenceront, et les prix seront probablement 10 à 15% plus élevés qu'aujourd'hui. Les chiffres suggèrent que la fréquentation des clients à l'approche du Nouvel An sera inférieure de moitié à celle de l'année dernière. Les années précédentes, nous avons constaté un afflux de clients pendant le Ramadan et le mois d'Esfand, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. » (Asr-e Iran – 18 mars 2025)

L'emploi des femmes et le travail informel

Un grand nombre de femmes iraniennes exercent une activité informelle ou indépendante, allant de la vente dans la rue au travail à domicile. Toutefois, les revenus tirés de ces emplois ne parviennent pas à suivre le rythme de l'inflation, et beaucoup ont du mal à joindre les deux bouts.

Pendant la saison des achats de Norouz, les vendeurs de rue – dont beaucoup sont des femmes et des hommes issus de milieux modestes – remplissent les marchés de marchandises bon marché.

« Le marché appartient aux vendeurs de rue. Chacun a étalé un tissu dans un coin, exposant des articles à bas prix. Les affaires vont bon train… Il semble que les gens préfèrent acheter auprès de ces vendeurs. Même les propriétaires de magasins, qui tentent de compenser la baisse de leurs ventes, ont installé des étals devant leurs boutiques et des panneaux indiquant « Soldes » ». (IRNA – 16 mars 2025)

Pourtant, même ce type de revenu n'est pas suffisant pour de nombreuses femmes, et la plupart d'entre elles restent en dessous du seuil de pauvreté. Des informations de terrain provenant des zones commerciales populaires de Téhéran, telles que les marchés de Tajrish et de Haft-Hoz, révèlent un profond sentiment de frustration chez les femmes qui font leurs courses. Une mère de famille du marché de Salsabil a déclaré : « Les prix sont trop élevés. Pour ce que nous payons, la qualité n'est pas à la hauteur. Les gens se contentent de regarder, de demander des prix et de partir. J'ai rarement vu quelqu'un acheter quoi que ce soit. La plupart quittent le marché les mains vides – on a l'impression qu'ils sont juste là pour regarder, pas pour faire des achats. » (Journal iranien – 16 mars 2025)

Les femmes en première ligne du changement

En cette nouvelle année iranienne, les femmes de tout le pays sont aux prises avec de graves difficultés économiques dues à la corruption et à l'incompétence du régime en place. La flambée des prix, l'inflation débridée et le pillage des richesses et des ressources naturelles du pays par un gouvernement désireux de s'enrichir ont plongé la majorité des Iraniens sous le seuil de pauvreté. Les femmes, dont beaucoup occupent des emplois mal rémunérés ou n'ont pas de revenus stables, sont les premières victimes de ce cercle vicieux.

Le régime clérical, qui persiste dans la répression, le pillage et les effusions de sang jusqu'à son dernier souffle, n'a montré aucune intention d'améliorer la situation. Sa seule préoccupation est de conserver le pouvoir. Mettre fin à cette situation désastreuse et construire un avenir meilleur n'est possible qu'en démantelant ce système corrompu et en le remplaçant par un gouvernement juste et responsable.

Le seul moyen viable de sortir de cette crise est de mener une lutte unie et organisée pour renverser le régime. Les femmes – l'épine dorsale des familles et de la société – jouent un rôle clé et précurseur dans ce mouvement. En rejoignant les unités de résistance et en prenant la tête des manifestations et des soulèvements, elles ouvrent la voie à la libération et à un changement durable.

https://wncri.org/fr/2025/03/31/rapport-de-mars-2025-situation-economique/

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Confondu par une vidéo sur l’exécution des 15 humanitaires à Ghaza : Israël revient sur sa version initiale des faits

Confondue par l'enregistrement vidéo, sur l'exécution des 15 humanitaire à Rafah, l'armée israélienne est revenue sur ses déclarations, en affirmant que la « version initiale » (…)

Confondue par l'enregistrement vidéo, sur l'exécution des 15 humanitaire à Rafah, l'armée israélienne est revenue sur ses déclarations, en affirmant que la « version initiale » qu'elle a avancée, en présentant les victimes comme des combattants du Hamas, « était erronée ». Dans une nouvelle enquête, elle a nié que ses troupes ont tiré de près sur les humanitaires ou tenté de dissimuler leurs corps.

Tiré d'El Watan.

Il a fallu huit longs jours pour qu'Israël, après avoir été confondu par des preuves accablantes, reconnaisse que sa version sur l'exécution des 15 humanitaires à Rafah, au sud de Ghaza, était « erronée ». La diffusion, samedi dernier, d'un enregistrement vidéo récupéré du téléphone d'une des victimes montre des véhicules d'urgence rouges clairement identifiés par des gyrophares allumés et des phares qui clignotent, s'arrêtant à la vue de corps gisant par terre, avant d'être pris pour cible par des tirs nourris.

Les images venaient de détruire la thèse du porte-parole de l'armée israélienne, selon lequel « des véhicules sans phares ni feux d'urgence avançaient, sans coordination, vers une zone de combat suscitant la riposte des soldats ». Mais, samedi dernier, après une large médiatisation de la vidéo, l'armée israélienne a annoncé, dans un communiqué, que « le chef du commandement Sud » a été instruit pour ouvrir une nouvelle enquête, dont les premiers résultats présentés, en fin de journée, ont qualifié « d'erronée » la version initiale « reçue sur le terrain », ajoutant : « Ce que nous comprenons actuellement, c'est que la personne qui donne le récit initial se trompe.

Nous essayons de comprendre pourquoi. » Les médias israéliens, citant des sources militaires, avaient annoncé l'identification, par l'armée, d'au moins 6 des 15 personnes tuées. « Selon nos informations, il y avait des terroristes sur place, mais cette enquête n'est pas terminée », a déclaré le porte-parole de l'armée, lors d'un point de presse dans la soirée de samedi dernier, avant la diffusion de la vidéo.

Celle-ci avait été distribuée par l'ambassadeur de la Palestine auprès de l'Onu, aux membres du Conseil de sécurité, lors de la réunion d'urgence, vendredi après-midi, sur la situation à Ghaza. Sa récupération a été annoncée, lors de cette réunion, par le vice président du Croissant-Rouge palestinien, Marwan Jilani, invité pour apporter son témoignage sur la découverte des corps des humanitaires et des preuves sur leur exécution, qu'il affirmait détenir.

Selon l'armée israélienne, les « premières conclusions de l'enquête montraient que les troupes avaient ouvert le feu sur un véhicule le matin vers 4h, tuant deux membres des forces de sécurité intérieure du Hamas et faisant un autre prisonnier, qui, selon le responsable, avait admis lors d'un interrogatoire être membre du Hamas.

Au fil du temps, plusieurs véhicules sont passés sur la route jusqu'à ce que, vers 6h, les troupes reçoivent un message de surveillance aérienne indiquant qu'un groupe de véhicules suspects approchait. Ils ont pensé qu'il s'agissait d'un autre incident comme celui qui s'est produit à 4h du matin et ils ont ouvert le feu ».

« Il n'y a eu aucun incident »

Selon l'armée, « les images de surveillance aérienne montraient que les troupes étaient à une certaine distance lorsqu'elles ont ouvert le feu. Les soldats pensaient qu'il s'agit d'un autre incident comme celui qui s'est produit à 4h du matin et ils ont ouvert le feu ». Le représentant de l'armée a nié les informations selon lesquelles les troupes ont menotté certaines victimes et auraient tiré sur elles à bout portant. « Ce n'est pas de près.

Ils ont ouvert le feu de loin », a-t-il répondu avant de lancer : « Il n'y a pas de mauvais traitements envers les gens là-bas. » Il a affirmé que les soldats « s'étaient approchés du groupe qu'ils avaient abattu, identifiant au moins certains d'entre eux comme des militants », sans toutefois, expliquer ses affirmations. « Et à leurs yeux (des soldats), ils ont eu une rencontre avec des terroristes, c'est-à-dire une rencontre réussie avec des terroristes. »

Le responsable a affirmé en outre que « les troupes avaient recouvert les corps avec un filet de camouflage jusqu'à ce qu'ils puissent être récupérés » avant de nier avoir tenté de dissimuler les corps, enterrés aux côtés de leurs véhicules détruits ; des ambulances, un camion de la Défense civile et une voiture de l'Onu. « Il n'y a eu aucun incident que l'armée israélienne ait tenté de dissimuler. Au contraire, elle a immédiatement appelé l'Onu, qui n'est pas venue ; donc plus tard, les soldats les ont recouverts de sable pour empêcher les animaux de les atteindre », a déclaré le responsable, qui n'a pas expliqué pourquoi l'accès à la zone a été refusé à la mission de l'Onu durant plusieurs jours.

Pour lui, « les véhicules avaient été poussés hors de la route par un engin du génie afin de dégager le passage » sans pour autant éclairer la lanterne des journalistes sur le pourquoi du fait qu'ils ont été écrasés par l'engin du génie puis enterrés. Pour le responsable de l'armée, la « version initiale » des faits « reçue sur le terrain ne décrivait pas les lumières » mais, a-t-il noté, « ce que nous comprenons actuellement, c'est que la personne qui donne le récit initial se trompe. Nous essayons de comprendre pourquoi ».

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Un journaliste palestinien brûlé vif lors d’une attaque israélienne contre un camp de journalistes à Gaza

La mort du journaliste porte à au moins 210 le nombre total de journalistes tués dans la guerre de Gaza, l'horrible attaque rappelant une frappe aérienne d'octobre. Tiré (…)

La mort du journaliste porte à au moins 210 le nombre total de journalistes tués dans la guerre de Gaza, l'horrible attaque rappelant une frappe aérienne d'octobre.

Tiré d'Agence médias Palestine.

Un journaliste palestinien a été brûlé vif et au moins dix autres personnes ont été blessées lors d'une frappe aérienne israélienne dimanche soir qui visait une tente abritant des journalistes dans le sud de la bande de Gaza.

Des vidéos partagées en ligne montrent le journaliste Hilmi Al-Faqaawi en feu après que la tente dans laquelle il se trouvait à Khan Younis ait été frappée par l'armée israélienne, alors que ses collègues tentaient de le secourir, mais en vain.

Une autre vidéo montre son corps calciné enveloppé dans une couverture et transporté par des personnes.

Neuf autres journalistes et une autre personne ont été blessés et soignés à l'hôpital Nasser, situé à proximité, qui a été la cible d'une frappe aérienne le mois dernier.

L'un des journalistes a été identifié comme étant Ahmed Mansour. Des journalistes et des militants palestiniens ont partagé son image sur les réseaux sociaux et ont déclaré qu'il était toujours dans un état « critique ».

Ces scènes horribles rappellent une frappe aérienne israélienne en octobre dernier, qui a frappé un campement à côté de l'hôpital Al-Aqsa, où des dizaines de civils ont été brûlés vifs.

La mort d'Al-Faqaawi porte à au moins 210 le nombre de journalistes palestiniens tués à Gaza depuis le début de la guerre en octobre 2023.

Le fait de prendre délibérément pour cible des journalistes ou de ne pas faire la distinction entre civils et combattants dans une zone de conflit peut constituer un crime de guerre au regard du droit international humanitaire.

Selon un récent rapport publié par le projet Costs of War de l'Institut Watson pour les affaires internationales et publiques, la guerre à Gaza est le conflit le plus meurtrier jamais connu pour les journalistes. Les conclusions indiquent que plus de journalistes ont été tués dans le territoire palestinien que pendant les deux guerres mondiales, la guerre du Vietnam, les guerres en Yougoslavie et la guerre des États-Unis en Afghanistan réunies.

Israël a repris ses attaques sur Gaza à la mi-mars, après que la guerre se soit largement calmée en janvier grâce à un cessez-le-feu avec le Hamas.

La trêve a vu le Hamas libérer des dizaines de prisonniers israéliens et étrangers en échange de milliers de détenus palestiniens dans les prisons israéliennes.

Plus de 1 330 personnes ont été tuées et près de 3 300 autres blessées depuis la reprise de la guerre. Au total, plus de 50 000 personnes ont été tuées depuis 2023, pour la plupart des civils.

Dimanche soir, le Hamas a déclaré avoir tiré des roquettes sur la ville israélienne d'Ashdod en réponse aux massacres en cours à Gaza. Au moins un projectile aurait atterri, causant des dégâts matériels mais aucune victime.

Traduction : AMP

Source : The New Arab

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Point sur la situation en Cisjordanie occupée le 2 avril 2025

Nos sources : ces informations sont collectées et compilées par une militante anticolonialiste israélienne, et reprises en Israël par des sites contre l'occupation et par des (…)

Nos sources : ces informations sont collectées et compilées par une militante anticolonialiste israélienne, et reprises en Israël par des sites contre l'occupation et par des médias palestiniens. En raison des circonstances actuelles, les sources pour ce rapport sont un petit peu plus limitées qu'auparavant, mais les voici : l'Autorité palestinienne de la santé pour la Cisjordanie ; le Croissant Rouge ; l'Office des Nations Unies pour les affaires humanitaires (OCHA) ; WAFA.

Tiré d'Agence médias Palestine.

Toujours en raison des circonstances actuelles, nous peinons à recevoir en temps réel les actualités village par village en Cisjordanie, nous actualiserons donc cet article au fil des informations que nous recevrons de nos correspondant-e-s sur place.

Tués

1. Hamza Muhammad Saeed Khammash, 33 ans, de Naplouse.

2. Omar Zuyoud, 15 ans, de Silat al-Harithiya.

Silat al-Harithiya

Raids et arrestations

Pendant la nuit, les forces israéliennes ont effectué des raids dans le camp de réfugiés et la ville de Jénine (72e jour consécutif), le camp de réfugiés et la ville de Tulkarem (66e jour consécutif), le camp de réfugiés de Nur Shams (53e jour consécutif), les camps de réfugiés de Sa'ir, Al Shuyukh, Burka, ad-Dhahiriya, Naplouse et Shuafat. Au cours de la journée, ils ont attaqué Anata, Deir Sammit, Kafr Qallil, Issawiya, Bethléem, le camp de réfugiés de Dheisheh, Ramallah, Huwara, Silat al-Harithiya, Azzun, Shuqba et Sanur. Au moins cinq Palestiniens ont été arrêtés.

Camp de réfugiés de Dheisheh

Attaques de l'armée contre les Palestiniens

1. Sa'ir, au nord d'Hébron – raid nocturne. Dommages causés à un véhicule militaire.

2. Al Shuyukh, au nord d'Hébron – raid nocturne. Arrestations.

3. Camp de réfugiés et ville de Tulkarem, camp de réfugiés de Nur Shams – raid nocturne. Pendant la journée, déploiement des forces, affrontements, grenades assourdissantes. Les familles sont empêchées de rentrer chez elles. Un homme de 54 ans est blessé et hospitalisé.

Bilan des victimes dans les camps de réfugiés de Tulkarem et de Nur Shams depuis le début de l'opération il y a 66 jours :

– 13 personnes tuées, dont un enfant et deux femmes, dont une enceinte de huit mois ;

– plus de 4 000 familles déplacées, plus des dizaines de personnes du quartier nord de Tulkarem ;

‣ 396 maisons totalement détruites, 2 573 autres maisons touchées et inhabitables ;

‣ Entrée des camps de réfugiés bloquée par des digues de terre.

4. Camp de réfugiés et ville de Jénine – les bulldozers continuent de détruire les structures et les infrastructures. Affrontements, gaz lacrymogènes. Bilan depuis le début de l'opération

il y a 72 jours :

‣ 36 personnes tuées ;

‣ Plus de 600 maisons totalement détruites, 3 250 autres maisons touchées et inhabitables ;

‣ Des centaines de personnes arrêtées ;

‣ Plus de 21 000 personnes déplacées.

5. Naplouse. Raid qui a commencé la nuit dans la vieille ville. Véhicules endommagés. Tirs à balles réelles, une personne blessée, morte d'une hémorragie en raison du blocage de l'aide médicale. En outre, une autre personne a été blessée par un véhicule militaire qui l'a renversée.

6. Camp de réfugiés de Dheisheh – déploiement des forces autour de l'entrée du camp. Raid à l'intérieur du camp. Forces auxiliaires, affrontements, tirs à balles réelles et gaz lacrymogènes.

Deux garçons blessés après avoir été violemment battus par des soldats. Trois journalistes agressés, le portefeuille de l'un d'entre eux a été volé, le téléphone portable d'un autre a été cassé. Vandalisme et destruction de biens. Détention et interrogatoires au sol. Arrestations.

7. Silat al-Harithiya, à l'ouest de Jénine – affrontements. Tirs à balles réelles, un mort. Charges explosives activées contre les blindés de l'armée. Quatre Palestiniens blessés.

8. Anata, au nord-ouest de Jérusalem – démolitions le matin, raid le soir.

9. Shuqba, à l'ouest de Ramallah – raid. Fermeture des magasins ordonnée.

10. Sanur, au sud de Jénine – raid et affrontements. Tirs de gaz lacrymogènes.

Attaques palestiniennes contre l'armée

1. Silat al-Harithiya, à l'ouest de Jénine – plusieurs charges explosives activées contre des véhicules militaires blindés.

2. Tubas – Les forces de sécurité de l'Autorité palestinienne ont exposé et fait exploser une charge explosive dans des conditions contrôlées.

Démolitions, confiscations et blocages

1. Anata, au nord-est de Jérusalem – Maison et camp agricole détruits. Tirs à balles réelles sur un journaliste qui couvrait l'événement. Le journaliste s'est échappé, sa voiture a été endommagée.

2. Kafr Qallil, au sud-est de Naplouse – Ordonnances de démolition émises pour plusieurs structures.

3. Issawiya, Jérusalem – démolition de cabanes et d'une grotte près de la Colline française.

4. Huwara, au sud de Naplouse – confiscation de voitures.

Attaques de colons contre des Palestiniens

1. Mosquée Al-Aqsa, Jérusalem – Itamar Ben Gvir, ministre israélien de la Sécurité intérieure, arrive au Mont du Temple et fait le tour de l'enceinte d'Al-Aqsa.

2. À Salfit, les colons poursuivent les travaux sur deux routes menant à des avant-postes à l'ouest de la ville. Des drapeaux israéliens sont suspendus au-dessus d'une maison et menacent le propriétaire de ne pas oser les retirer.

3. À Dura, au sud-ouest d'Hébron, les colons travaillent sur une route menant à un avant-poste sur des terres palestiniennes privées.

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Point sur la situation à Gaza le 2 avril 2025

Nos sources : ces informations sont collectées et compilées par une militante anticolonialiste israélienne, et reprises en Israël par des sites contre l'occupation et par des (…)

Nos sources : ces informations sont collectées et compilées par une militante anticolonialiste israélienne, et reprises en Israël par des sites contre l'occupation et par des médias palestiniens. En raison des circonstances actuelles, les sources pour ce rapport sont un petit peu plus limitées qu'auparavant, mais les voici : l'Autorité palestinienne de la santé pour la Cisjordanie ; le Croissant Rouge ; l'Office des Nations Unies pour les affaires humanitaires (OCHA) ; WAFA.

Tiré d'Agence médias Palestine.

Toujours en raison des circonstances actuelles, nous peinons à recevoir en temps réel les actualités à Gaza, nous actualiserons donc cet article au fil des informations que nous recevrons de nos correspondant-e-s sur place.

Général

– Au cours des dernières 24 heures – 100 personnes tuées et 138 blessées ;

– Depuis le 18 mars 2025 – 1 163 personnes tuées et 2 735 blessées ;

– Depuis le 7 octobre 2023 – 50 523 personnes tuées et 11 776 blessées.

‣ Du lever au coucher du soleil, 77 personnes ont été tuées aujourd'hui dans toute la bande de Gaza.

‣ Les boulangeries de la bande de Gaza ont cessé de fonctionner en raison du manque de carburant et du blocage du passage pour l'importation de farine.

Attaques contre Israël

1. Kissufim – sirènes d'alarme craignant l'entrée de drones.

2. 2 roquettes tirées sur Sderot, interceptées.

Bande de Gaza

1. Camp de réfugiés et ville de Jabalia :

– Attaque aérienne de la clinique de l'UNRWA qui abrite environ 700 personnes déplacées. 22 personnes tuées, dont 16 enfants, et blessées. Le ministère palestinien de la Santé signale des corps non identifiables et des parties de corps.

– Une autre attaque contre le camp dans la soirée.

Jabalia Al Balad – tirs d'artillerie.

2. Beit Lahia :

‣ Bombardement de la rue Al Manshiya. 2 personnes tuées, plusieurs blessées.

Atatra – bombardement, une personne tuée.

Ville de Gaza

1. Attaque aérienne à l'est de la ville.

2. Shuja'iya – une personne tuée alors qu'elle ramassait du bois de chauffage.

3. Bâtiments résidentiels détruits dans la partie sud de la ville.

Bande centrale

1. Deir al-Balah :

– Attaque aérienne dans la nuit du camp de personnes déplacées à l'ouest.

– Une autre attaque à midi.

– Maison bombardée dans le quartier d'Al Bshara.

– Personnel de la police palestinienne bombardé près de la mosquée Al Nassar dans l'après-midi. Quatre personnes tuées, dont un enfant, et d'autres blessées.

2. Camp de réfugiés de Nuseirat – Des drones attaquent une maison à l'est du camp. Des personnes sont tuées et blessées.

3. Camp de réfugiés d'Al Bureij :

– Des drones attaquent la partie est du camp. 3 personnes tuées, d'autres blessées.

– Tirs d'artillerie, personnes blessées.

4. Al Mughraqa – coups de feu. 2 personnes tuées.

District de Khan Yunis

1. Attaque aérienne dans la nuit à l'est de la ville.

2. Ma'an, à l'est de Khan Yunis – des avions de chasse ont de nouveau bombardé la mosquée indonésienne, qui avait été détruite lors d'une attaque précédente.

3. Maison bombardée près d'un garage dans le centre-ville, 13 personnes tuées, blessées et disparues.

4. Al Fukhari – tirs d'artillerie sur des terres agricoles.

5. Al Salem – un groupe de Palestiniens a été bombardé. Huit personnes ont été tuées, dont un enfant.

6. Abasan Al Jadida – bombardement près de l'école Abu Nuara. Une personne tuée, une autre blessée.

7. Bani Suheila – bombardement du quartier Abu Nasira. Une personne blessée.

District de Rafah

1. Attaques aériennes répétées pendant la nuit.

2. Raid des forces armées sur des véhicules, appuyé par des tirs d'artillerie et d'hélicoptères massifs dans le centre de la ville.

3. Al Mawasi :

– Attaque d'un camp de personnes déplacées, une personne tuée, d'autres blessées ;

– Autre attaque au crépuscule. Une femme tuée, des personnes blessées.

– Mirage, au nord de la ville – bombardement, 2 personnes tuées.

Khirbet Al Adas, au nord de la ville – attaque aérienne, 2 personnes tuées.

– Al Nassar – tirs d'artillerie. 9 personnes tuées, dont 5 enfants.

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États-Unis - Les attaques contre nous tou·tes

Une attaque sur plusieurs fronts est en cours, non seulement contre les partisans de la libération de la Palestine, mais aussi contre le Premier Amendement et les droits (…)

Une attaque sur plusieurs fronts est en cours, non seulement contre les partisans de la libération de la Palestine, mais aussi contre le Premier Amendement et les droits civiques. L'enlèvement de Mahmoud Khalil, l'expulsion péremptoire du Dr Rasha Alawieh du groupe Brown Medicine, la tentative de détention et d'expulsion de Ranjani Srinivasan, étudiante en doctorat à l'Université de Columbia qui a fui pour demander l'asile au Canada, et la capture de Badar Khan Suri, universitaire à l'Université de Georgetown - aucun de ces cas, et beaucoup d'autres qui n'ont pas attiré l'attention du public, ne se produisent de manière isolée.

Tiré de Inprecor
4 avril 2025

Par Solidarity

Les mêmes décrets de Trump qui ont supprimé 400 millions de dollars de subventions fédérales à l'université de Columbia - dont la réponse de l'administration restera à jamais dans les chroniques de la lâcheté cynique - retirent maintenant également 175 millions de dollars à l'université de Pennsylvanie pour un délit sans rapport qui consiste à permettre à des athlètes transgenres de participer à des compétitions sportives masculines.

Il ne s'agit pas de questions distinctes ou de cas individuels à analyser juridiquement chacun de leur côté. L'intention ouverte du régime Trump et du groupe de milliardaires, d'idéologues d'extrême droite et de nationalistes chrétiens suprémacistes blancs qui le soutiennent, est de détruire, d'intimider et de convertir les universités et les collèges américains en agences totalement obéissantes du pouvoir des entreprises et de la réaction politique.

Le même programme est évident dans la volonté de criminaliser les programmes de diversité, d'égalité et d'inclusion (DEI) dans les secteurs public et privé, de paralyser la sécurité sociale et Medicaid, de pulvériser la main-d'œuvre fédérale et d'anéantir les agences qui aident les vétérans militaires, les enfants des écoles et les droits des travailleurs à organiser des syndicats et à survivre sur le lieu de travail.

L'attaque contre le courageux et puissant mouvement de solidarité avec la Palestine sur les campus et dans les communautés des États-Unis est un moyen de poursuivre cette offensive de la droite. La Palestine en tant que telle, bien sûr, est une question mondiale absolument centrale puisque le génocide à grande échelle mené conjointement par Israël et les États-Unis à Gaza a repris, le ministre israélien de la Défense promettant la « destruction totale » de ce qui reste de ce territoire et de ses 2,2 millions d'habitants.

Rappelons quelques faits essentiels : Mahmoud Khalil, le diplômé de Columbia détenteur d'une carte verte et son épouse Noor Abdalla, enceinte de huit mois, a été appréhendé le 8 mars par des agents en civil du ministère de la sécurité intérieure, alors que le couple rentrait dans la résidence universitaire qu'il occupait. Columbia avait ignoré les demandes de protection de Khalil, qui avait le sentiment d'être suivi.

Activiste de premier plan lors des occupations de l'année dernière et négociateur pour la résolution pacifique de l'occupation, Khalil n'a jamais été accusé d'un quelconque délit ou d'une quelconque mesure disciplinaire de la part de l'université. Après avoir appris que son « visa d'étudiant » (inexistant) puis sa carte verte avaient été « révoqués », Mahmoud a été emmené dans le New Jersey et transféré dans un centre de détention isolé de Louisiane avant que les tribunaux ne puissent intervenir. Un juge fédéral a ordonné que l'affaire soit renvoyée dans le New Jersey. Aujourd'hui, il reste à voir si le régime Trump obtempérera.

Yunseo Chung, 20 ans, étudiant à Columbia, est un résident permanent qui vit aux États-Unis depuis l'âge de 7 ans. Aujourd'hui dans un lieu non divulgué, elle intente un procès pour éviter d'être expulsée après que des agents de l'Immigration and Customs Enforcement ont effectué des descentes et des fouilles dans les résidences de Columbia sous prétexte que l'école ou ses résidences « hébergent et cachent des étrangers en situation irrégulière sur son campus ». Sa participation à des manifestations pro-palestiniennes ferait d'elle un « obstacle aux objectifs de la politique étrangère des États-Unis », selon les termes d'une loi de 1952 datant de l'ère McCarthy et autorisant l'expulsion pour ce motif.

Le Dr Alawieh, spécialiste des reins, chirurgien et professeur adjoint à l'université Brown, de retour d'un voyage au Liban, a été détenue pendant 36 heures, puis mise sur un vol de retour - en violation flagrante d'une décision de justice d'urgence interdisant son expulsion. Les prétendus « motifs d'expulsion » étaient sa participation aux funérailles de Hasan Nasrallah, le chef du Hezbollah assassiné par Israël, auxquelles assistaient des dizaines de milliers de Libanais·es.

Ces cas sont loin d'être les seuls dans lesquels les agents de Trump ont ignoré une décision de justice, comme l'illustre le renvoi massif de « membres de gangs » vénézuéliens présumés - sans aucune preuve ni l'ombre d'une procédure légale - vers une prison tristement célèbre et mortelle au Salvador.

Ranjani Srinivasan, dont le doctorat en urbanisme est presque achevé, a été « désinscrite » par Columbia après que des agents de l'ICE se sont présentés à son appartement et, ne parvenant pas à entrer pour la détenir, ont déclaré que son visa était annulé et l'ont informée qu'elle avait 15 jours pour quitter le pays. Elle a déclaré à CBC News qu'elle n'avait pas participé aux manifestations sur le campus (elle a apparemment été aperçue dans la foule au printemps dernier, à un moment où sa résidence sur le campus avait été bloquée).

Le comportement méprisable de Columbia, qui a supprimé et expulsé des étudiant-es l'année dernière, est maintenant aggravé par sa lâcheté à se plier à une série de demandes draconiennes de la Maison Blanche trumpiste, incluant non seulement l'interdiction des masques - notamment, Mahmoud Khalil a été facilement ciblé parce qu'il ne portait pas de masque - et la mise sous « tutelle externe » de son centre d'études sur le Moyen-Orient, l'Afrique et l'Asie.

Badar Khan Suri est professeur à Georgetown et chercheur postdoctoral sur la religion et les processus de paix au Moyen-Orient et en Asie du Sud. Il séjourne légalement aux États-Unis avec un visa de chercheur et de professeur. De nationalité indienne, il vit avec sa femme, citoyenne américaine, et ses trois enfants à Rosslyn, en Virginie. Lorsqu'il est rentré chez lui le 17 mars après un repas d'iftar du Ramadan, Suri a été placé en garde à vue par des agents fédéraux masqués sans être accusé d'aucun crime.

En un peu plus de 72 heures, il a été transféré dans plusieurs centres de détention pour immigrés, puis dans un centre de transit de l'ICE à Alexandria, en Louisiane. (Ses collègues soupçonnent que la véritable cible du gouvernement est sa femme américaine d'origine palestinienne, Mapheze Saleh, qui, en tant que citoyenne, ne peut être expulsée).

Au moment où vous lirez cette déclaration, les outrages perpétrés par le régime gangréné de Trump auront encore proliféré.

Ce qui est en jeu

En deux mois à peine, le régime de Trump est devenu un cancer métastatique sur le corps déjà affaibli des droits démocratiques aux États-Unis. En fait, au cours des années qui ont précédé le règne actuel de la terreur, Trump, l'aile droite et leur majorité empilée à la Cour suprême ont obtenu des résultats significatifs - notamment en transformant la loi historique sur le droit de vote en lettre morte, en supprimant les lois sur le financement des campagnes électorales afin que des parasites milliardaires comme Elon Musk et les Adelson puissent acheter le gouvernement, et bien sûr en abolissant le droit fédéral à l'avortement.

L'orientation actuelle - sur de nombreux fronts, allant de la gouvernance par décrets exécutifs à la terrorisation des communautés d'immigrés et des militants pro-palestiniens, en passant par l'abolition de la citoyenneté de naissance - mène à la destruction substantielle du gouvernement constitutionnel aux États-Unis. Seul un papier peint décoratif sera laissé en place pour dissimuler la pourriture.

Les organisations de défense des libertés civiles et les avocats des personnes visées par l'expulsion interviennent énergiquement dans les affaires judiciaires et tirent la sonnette d'alarme dans les médias. Mais les dirigeants du Parti démocrate gardent un silence assourdissant sur la destruction de Gaza et le nettoyage ethnique rampant en Cisjordanie occupée. Alors que des dizaines de membres démocrates du Congrès ont publié une lettre contestant la détention de Mahmoud Khalil, le nom du chef de la minorité, Hakeem Jeffries, brille par son absence. Du côté du Sénat, Chuck Schumer semble être en hibernation profonde après son vote en faveur de la « résolution de continuation » budgétaire des Républicains de la Chambre des représentants.

La résistance émerge sur de multiples fronts, de l'appel à l'action du syndicat étudiant de Columbia CSW-UAW 2710 sur le cas de Mahmoud Khalil, aux syndicats de travailleurs postaux qui organisent des manifestations pour protester contre les plans de dévastation puis de privatisation du service postal, en passant par les piquets de grève dans les salles d'exposition Tesla contre l'empire commercial du milliardaire Elon Musk. Nous sommes ravis de voir des drapeaux palestiniens et ukrainiens flotter ensemble lors de manifestations de solidarité - alors que Trump donne son feu vert à la volonté d'Israël de détruire définitivement Gaza et se prépare à découper l'Ukraine en collaboration avec Vladimir Poutine.

Toute illusion consistant à penser que le différentes mesures – terroriser l'activisme palestinien et les communautés d'immigrés, s'attaquer aux droits des transgenres, des queers et des féministes, vider les agences gouvernementales de leur substance et abolir les syndicats de travailleurs fédéraux, la sécurité sociale et Medicaid – sont des questions « distinctes » est fatale. La protection de nos droits nécessite un effort gigantesque et unifié de la part de la résistance populaire, des libertés civiles et des forces du mouvement populaire.

Le cas scandaleux de Mahmoud Khalil, en particulier, a attiré l'attention des masses, et sa lettre de prisonnier politique est un puissant appel à la mobilisation. Des manifestations ont eu lieu dans tout le pays, notamment l'occupation du hall de la Trump Tower par Jewish Voice for Peace - New York.

Il s'agit d'un combat à mener sur plusieurs fronts. Bien entendu, tout partisan des droits fondamentaux du premier amendement devrait exiger la libération immédiate de Mahmoud Khalil, indépendamment de ce qu'il pense de son activisme en faveur de la Palestine - et personne ne devrait être idéologiquement exclu de cette lutte juridique et pour les libertés civiles, quelles que soient ses opinions politiques.

En même temps, l'agitation et l'activisme pour la libération de la Palestine et contre le génocide continueront et doivent continuer, inspirés par l'exemple et le courage de Khalil. Le sort du peuple palestinien, sacrifié sur l'autel du cynisme politique, de l'impérialisme et du colonialisme de peuplement, n'est pas une question isolée. Il est inextricablement lié à notre avenir à tous.

Comité national de Solidarity

Publié le 26 mars 2025

Quelques sources

Lettre de Mahmoud Khalil datée du 18 mars et dictée depuis son centre de détention en Louisiane : https://www.aclu.org/news/free-speech/a-letter-from-palestinian-activist-mahmoud-khalil

Pétition de soutien à Badar Khan Suri : https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSfznp-mVhvKXv0mxUMgwLMAuvjP7Z9wnwz3cIvcGehjy3tfTA/viewform

Requête d'urgence pour empêcher l'expulsion péremptoire du Dr. Suri : https://www.acluva.org/en/press-releases/aclu-virginia-files-emergency-motion-stop-trump-administrations-illegal-deportation

En soutien au professeur Steven Thrasher, ciblé pour son activisme pro-palestinien à l'université de Northwestern : https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSdfXeE0eClMlnBZD8djSblYWVl4Alhq_DknTqFAy16_tJh35g/viewform?fbzx=3017609832160450586

Manifestation de soutien au Dr Alawieh : https://www.youtube.com/watch?v=9PpcsSAVGGk

Parmi les nombreuses réactions de la gauche, nous recommandons tout particulièrement cette excellente déclaration du Tempest Collective : https://tempestmag.org/2025/03/free-free-mahmoud-khalil/

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Des milliers de manifestants s’opposent à Trump

8 avril, par Africa News — , ,
Le samedi 6 avril, des milliers de manifestant-es ont défilé à travers les États-Unis dans le cadre des plus grandes manifestations organisées contre la présidence de Donald (…)

Le samedi 6 avril, des milliers de manifestant-es ont défilé à travers les États-Unis dans le cadre des plus grandes manifestations organisées contre la présidence de Donald Trump depuis son arrivée au pouvoir.

Rédaction d'Africanews | tiré de znetwork.org

Sous le slogan "Bas les pattes !", ces rassemblements ont réuni plus de 1 200 sites de protestation à travers tous les États du pays, rassemblant des groupes aussi variés que des militant-es des droits civiques, des défenseurs des droits des LGBTQ+, des syndicalistes, des vétérans et des militant-es pour la justice sociale. Le but de ces manifestations : dénoncer les politiques de Trump, jugées néfastes pour la démocratie, les droits sociaux et l'inclusion.

Des manifestations se sont tenues dans des villes de toute l'Amérique, allant de Midtown Manhattan à New York jusqu'à Anchorage en Alaska, et se sont même étendues à plusieurs États. Parmi les revendications principales, la défense de la sécurité sociale, l'opposition aux coupes dans les effectifs du gouvernement fédéral et la lutte contre la réduction des protections pour les personnes transgenres.

À Seattle, sous l'ombre du Space Needle, les manifestant-es ont brandi des pancartes scandant des messages comme "Combattez l'oligarchie". À Los Angeles, des centaines de personnes ont défilé de Pershing Square à l'hôtel de ville, criant leur mécontentement contre les politiques économiques et sociales de l'administration Trump. Aucune arrestation n'a été signalée durant les manifestations, et l'ambiance est restée globalement pacifique.

Des revendications diverses mais toutes visant Trump

Les manifestant-es ont exprimé leur colère face contre plusieurs politiques clés du président Trump, notamment la réduction des effectifs du gouvernement fédéral, la fermeture de bureaux locaux de la sécurité sociale et des coupes dans les financements des programmes de santé. Les attaques contre la communauté LGBTQ+, notamment la restriction des droits des personnes transgenres, ont également été largement dénoncées.

L'un des objectifs majeurs des manifestant-es est de maintenir la pression contre une administration perçue comme déconnectée des réalités sociales. Des slogans comme "Bas les pattes de notre démocratie" et "Bas les pattes de notre sécurité sociale" ont résonné dans de nombreuses rues.

Parmi les figures les plus controversées du gouvernement Trump figure Elon Musk, à la tête du département de l'efficacité gouvernementale򂂴(DOGE). L'homme d'affaires, responsable de la réduction des effectifs dans plusieurs agences fédérales, a été pris pour cible par les manifestant-es qui l'accusent de compromettre les services publics essentielsafin d'"économiser de l'argent" au détriment des citoyen-nes les plus vulnérables. Musk, pour sa part, défend ses actions, affirmant qu'elles permettent d'économiser des milliards de dollars pour les contribuables.

Les réactions politiques

Le président Trump, quant à lui, a répondu par le biais d'un communiqué de la Maison Blanche, soulignant que ses priorités étaient de protéger les programmes de sécurité sociale, de Medicare et de Medicaid pour les bénéficiaires légitimes. Le porte-parole de la Maison Blanche a cependant mis en garde contre les propositions des Démocrates, qui selon lui, risqueraient de mener ces programmes à la faillite en élargissant leur accès à des étrangers en situation irrégulière.

À Washington, la présidente de la Human Rights Campaign, Kelley Robinson, a vivement critiqué les politiques de l'administration Trump, estimant que ces mesures étaient des attaques directes contre la dignité des minorités et des personnes LGBTQ+.

Bien que ces manifestations ne représentent pas encore une mobilisation aussi massive que celle de la Marche des femmes de 2017 ou les protestations de Black Lives Matter de 2020, elles témoignent d'un mécontentement croissant. Des militant-es, des citoyen-nes ordinaires et même des républicains déçus par Trump, comme Roger Broom, un retraité de l'Ohio, ont rejoint les rangs de l'opposition.

Britt Castillo, une manifestante de Charlotte, a déclaré : "Peu importe votre parti, peu importe pour qui vous avez voté, ce qui se passe aujourd'hui est inacceptable. C'est dégoûtant."

Alors que Donald Trump continue de défendre ses réformes et ses priorités, la mobilisation contre son administration semble loin d'être terminée. Le mouvement "Bas les pattes !" est un signal fort que l'opposition à ses politiques reste bien vivante à travers le pays. Les manifestations de ce week-end n'ont peut-être pas encore l'ampleur de celles des premières années de son mandat, mais elles témoignent d'une résistance qui pourrait s'intensifier à mesure que le climat politique évolue aux États-Unis.

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Des salles de classe à la prison : trump intensifie les coupes budgétaires, les arrestations et la censure dans sa croisade contre la protestation universitaire.

8 avril, par Isabel Cortés — , ,
L'administration de Donald Trump a intensifié son offensive contre le droit de manifester sur les campus universitaires aux États-Unis. Dans une lettre envoyée à 60 (…)

L'administration de Donald Trump a intensifié son offensive contre le droit de manifester sur les campus universitaires aux États-Unis. Dans une lettre envoyée à 60 établissements d'enseignement supérieur, le gouvernement a averti qu'ils risquaient de perdre des financements fédéraux s'ils ne garantissaient pas la sécurité des étudiants juifs.

Par : Isabel Cortés

Cette mesure s'inscrit dans un modèle d'actions répressives suite aux manifestations pro-palestiniennes de 2024, qui ont mené à l'annulation de subventions multimillionnaires et à l'arrestation d'activistes.

L'ombre de Columbia et la répression de la protestation

Le précédent le plus immédiat de cette escalade a été la sanction contre l'Université de Columbia, qui a perdu 400 millions de dollars en subventions fédérales après avoir été accusée de permettre un environnement hostile pour les étudiants juifs. De plus, l'étudiant palestinien Mahmoud Khalil a été arrêté par des agents de l'immigration sous l'accusation d'avoir dirigé des manifestations pro-palestiniennes sur le campus. Bien qu'il réside légalement aux États-Unis, Khalil fait face à un processus de déportation qui a suscité des protestations de la part des organisations de défense des droits humains.

Selon le Bureau des droits civils du Département de l'éducation, dirigé par Linda McMahon, les universités doivent garantir l'accès ininterrompu à leurs installations et protéger les étudiants juifs contre ce que l'administration décrit comme du "harcèlement et de la discrimination".

Des secteurs progressistes et des organisations de défense des droits civils estiment qu'il s'agit d'une attaque directe contre la dissidence politique et la défense des droits des Palestiniens. "Nous assistons à une criminalisation sans précédent de la protestation", a déclaré un porte-parole de l'American Civil Liberties Union (ACLU).

Harvard et la menace de coupes budgétaires massives

L'offensive du gouvernement a également mis dans sa ligne de mire l'Université de Harvard, dont le financement de 9 milliards de dollars est actuellement sous révision en raison d'accusations d'« antisémitisme ». Le secrétaire d'État, Marco Rubio, a annoncé que plus de 300 étudiants ont vu leur visa révoqué pour avoir participé aux manifestations pro-palestiniennes.

La secrétaire à l'Éducation, Linda McMahon, a justifié la possible suspension des fonds en affirmant qu'Harvard "a échoué à protéger ses étudiants". En réponse, le recteur de l'université, Alan Garner, a mis en garde contre les conséquences graves de ces mesures : "Si ces financements sont suspendus, des recherches vitales seront paralysées et l'innovation scientifique sera mise en danger".

Dans un courriel adressé aux étudiants et aux professeurs, Garber a insisté sur le fait que, "bien qu'Harvard ait travaillé pour combattre l'antisémitisme grâce à des initiatives de sensibilisation et des règles plus strictes, toute réduction budgétaire affecterait des domaines clés de la recherche et de l'innovation". Ses déclarations interviennent à un moment critique, alors que le gouvernement fédéral durcit sa position contre les institutions qui permettent ou encouragent les manifestations pro-palestiniennes sur leurs campus, ce qui a engendré un débat intense sur les limites de la liberté académique et l'autonomie universitaire.

L'annonce de garber coïncide avec une lettre signée par 94 professeurs de la faculté de droit de harvard, qui dénoncent ce qu'ils considèrent une érosion de l'état de droit sous l'administration Trump "Nous sommes unis dans notre condamnation des tactiques d'intimidation, de la discrimination basée sur les opinions et des tentatives de l'administration d'utiliser l'exécutif comme une arme contre l'État de droit. Nous ne fermons pas les yeux sur le fait qu'elle attaque des professions et des groupes dont l'existence et l'indépendance sont vitales pour toute forme de démocratie américaine."

Ce conflit met en lumière une tendance inquiétante : l'utilisation de mesures punitives pour réprimer des expressions légitimes de protestation, un phénomène qui ne touche pas seulement les États-Unis, mais résonne également dans les institutions éducatives à travers le monde.

Voici la lettre qui dénonce et s'oppose à "l'attaque frontale visant à démanteler les normes de l'État de droit" : https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSc7B2GVhBZRjEsZYeJVz6vL3hkXheu9LmuFRx38JQ0RkXPveA/viewform

Un panorama incertain pour l'éducation supérieure aux états-unis

La pression du gouvernement fédéral pour réprimer les protestations pro-palestiniennes a créé un climat de peur parmi les étudiants et les universitaires, en particulier ceux ayant un statut migratoire vulnérable.

L'affaire Mahmoud Khalil a servi d'avertissement à d'autres activistes, dont certains ont choisi de suivre des cours en ligne pour éviter d'éventuelles arrestations. Pendant ce temps, les universités tentent de trouver un équilibre entre la protection de la liberté d'expression et le respect des exigences gouvernementales.

Arrestations et tentatives de déportations

Ces derniers jours, le gouvernement Trump a recours à des mesures violentes contre les étudiants ayant manifesté en soutien à la Palestine dans plusieurs universités aux États-Unis.
Yunseo Chung, une étudiante sud-coréenne de l'Université de Columbia, qui vivait aux États-Unis depuis l'âge de sept ans et était résidente légale, a dénoncé le 24 mars dernier que la police de l'immigration était intervenue à son domicile ainsi qu'à celui de ses parents. Les autorités affirmaient que son statut migratoire avait été révoqué, un argument fréquent dans de tels cas.
Deux jours plus tard, une juge de New York a empêché la déportation de Chung, estimant qu'il n'y avait "aucune preuve qu'elle puisse constituer une menace pour la communauté".

Mahmoud Khalil, un étudiant palestinien qui avait aussi dirigé des manifestations à Columbia, n'a pas eu la même chance et demeure détenu. L'administration Trump l'accuse d'avoir des liens avec le Hamas, ce qui n'a pas encore été prouvé.

Rumeysa Ozturk, une étudiante turque qui faisait son doctorat à l'Université Tufts (Massachusetts), a également été arrêtée pour avoir coécrit un article publié dans le journal de l'université en 2024. Dans cet article, elle appelait l'institution à cesser de financer des entreprises ayant des liens avec Israël. Cette arrestation a provoqué une forte réaction des organisations de défense des droits humains, qui y voient une attaque directe à la liberté d'expression et une tentative de criminaliser la dissidence académique.

La gouverneure du Massachusetts, Maura Healey, a exigé des explications de l'administration Trump, dénonçant que le cas d'Ozturk illustre l'utilisation arbitraire du pouvoir migratoire pour réprimer ceux qui exercent leur droit à l'opinion. "Donald Trump a dit qu'il allait poursuivre les criminels et les sortir des rues ; mais de plus en plus, ce que nous voyons, c'est le contraire", a déclaré Healey. La juge Denise Casper, de la Cour de district des États-Unis du Massachusetts, a émis un ordre pour empêcher sa déportation pendant que son cas est examiné, soulignant qu'"aucune preuve n'a été présentée pour démontrer que Ozturk représente une menace".

Le cas d'Ozturk souligne la préoccupation croissante concernant la criminalisation de la dissidence académique aux États-Unis. Des organisations internationales ont averti que ce type d'arrestation crée un précédent dangereux pour la liberté d'expression et le droit de manifester. La persécution des étudiants internationaux qui critiquent la politique étrangère américaine ou les actions d'Israël à Gaza soulève de sérieuses interrogations sur le respect des principes démocratiques et des droits humains par les États-Unis.

Face à cette offensive grandissante contre la liberté académique et le droit à la protestation, la communauté internationale ne peut rester indifférente. Les universités, les organismes de défense des droits humains et les citoyens du monde entier doivent élever la voix pour rejeter toute tentative de censure sous des prétextes politiques. La défense de l'éducation en tant qu'espace de pensée critique et de débat libre est un pilier fondamental des sociétés démocratiques. L'histoire a prouvé que lorsqu'on attaque le savoir, on mine les valeurs de justice et de liberté ; empêcher cela est une responsabilité mondiale.

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Mahmoud Khalil doit être libéré !

Mahmoud Khalil, qui a le statut légal de résident permanent aux États-Unis, a été arrêté par les services de l'immigration pour avoir exercé son droit à la liberté (…)

Mahmoud Khalil, qui a le statut légal de résident permanent aux États-Unis, a été arrêté par les services de l'immigration pour avoir exercé son droit à la liberté d'expression. Envoyez un message à Kristi Noem, secrétaire à la Sécurité intérieure des États-Unis et demandez sa libération immédiate.
Quel est le problème ?

https://www.amnesty.org/fr/petition/release-mahmoud-khalil/

Le 8 mars 2025, les services de l'immigration des États-Unis ont arrêté illégalement et placé arbitrairement en détention Mahmoud Khalil, militant palestinien et organisateur de manifestations étudiantes qui a récemment obtenu son diplôme à l'université Columbia, aux États-Unis.

Il a le statut légal de résident permanent aux États-Unis. Mahmoud a été pris pour cible en raison de son rôle dans les manifestations étudiantes à l'université Columbia, lors desquelles il exerçait son droit à la liberté d'expression et de réunion pacifique en soutenant les droits du peuple palestinien. Il n'a été inculpé d'aucune infraction.

Mahmoud est enfermé dans un centre de détention et les autorités l'ont informé qu'elles avaient « révoqué » sa résidence permanente et engagé une procédure d'expulsion contre lui.
Ce que vous pouvez faire

Appelez les autorités à libérer Mahmoud immédiatement et à respecter ses droits à la liberté d'expression et de réunion pacifique et à une procédure régulière.

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Envoyez un message aux autorités des États-Unis maintenant

Mahmoud Khalil doit être libéré !

Secrétaire à la Sécurité intérieure des États-Unis : Kristi Noem

Madame la Secrétaire,

Dans la soirée du 8 mars, des agents du département de la Sécurité intérieure (DHS) ont interpellé Mahmoud Khalil, militant étudiant palestinien récemment diplômé de l'université Columbia, alors qu'il venait de rentrer d'un repas de rupture du jeûne du ramadan avec son épouse enceinte de huit mois, avant de l'arrêter illégalement.

Mahmoud Khalil a le statut légal de résident permanent et a été informé par des fonctionnaires fédéraux que ses papiers d'immigration allaient être révoqués. Il n'a été inculpé d'aucune infraction. Il a participé activement aux manifestations et aux campements organisés à l'université Columbia pour soutenir les droits du peuple palestinien et protester contre le génocide en cours dans la bande de Gaza occupée.

Personne ne devrait être séparé de sa famille et envoyé en détention pour avoir simplement exercé son droit de manifester, et personne ne doit être expulsé pour avoir défendu les droits humains.

L'arrestation de Mahmoud Khalil et son maintien en détention arbitraire sont une attaque de plus contre les droits humains de la part du gouvernement de Donald Trump. L'exercice du droit à la liberté d'expression et de réunion pacifique est un droit fondamental, et non pas un motif d'expulsion.

S'en prendre à des manifestant·e·s pacifiques et menacer leur statut migratoire en raison du contenu de leur manifestation, comme la défense des droits humains des Palestinien·ne·s, est une violation des droits humains. Ce ciblage envoie un signal inquiétant à toutes les personnes dans ce pays, sur les campus et ailleurs, en laissant entendre que quiconque exerce ses droits pourra faire l'objet d'une répression, d'une détention et potentiellement d'une expulsion. Il pousse par ailleurs les populations immigrées qui vivent déjà dans la peur aux États-Unis à se cacher encore davantage, de crainte d'être expulsées si elles s'expriment.

Mahmoud Khalil doit être libéré immédiatement. Je vous prie instamment d'annuler la révocation de son statut légal de résident permanent et d'utiliser vos prérogatives pour veiller à ce que le gouvernement de Donald Trump respecte les droits fondamentaux de Mahmoud Khalil, notamment son droit à une procédure régulière, et le libère afin qu'il puisse rentrer chez lui à New York auprès de sa famille.

Veuillez agréer, Madame la Secrétaire, l'expression de ma haute considération.

Prénom :
Nom :
Courriel :
Pays :

ENVOYER LE MESSAGE REVENIR À L'ADRESSE : https://www.amnesty.org/fr/petition/release-mahmoud-khalil/ pour pouvoir remplir le formulaire d'envoi
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