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Comptes rendus de lecture 8 octobre 24


Juanito la vermine, Roi du Venezuela
Maurice Lemoine
Peu de pays ont subi une couverture médiatique aussi biaisée que le Venezuela depuis vingt-cinq ans de la part des médias occidentaux dominants. C'est ce que nous rappelle dans ce magnifique roman, si près de la réalité, le journaliste, écrivain et ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique Maurice Lemoine. Le roman nous relate de façon fouillée les événements entourant la tentative de renversement du gouvernement élu de Nicolas Moro en « République bolivarienne du Venezuela » à l'initiative des États-Unis, à travers l'imposition d'un président autoproclamé issue de l'opposition d'extrême droite, Juanito, dit Juanito la vermine. On reconnaît bien sûr en Nicolás Moro l'actuel président vénézuelien Nicolás Maduro et en Juanito la vermine le protégé de l'époque des États-Unis, le pantin devrait-on dire, Juan Guaido. Le nom de bien des personnages est ainsi modifié, parfois de façons cocasses. On y retrouve entre autres le Grand Fuck You (Donald Trump), et ses comparses Mike Benz (Mike Pence), John Colton (John Bolton), Mike Napolitano (Mike Pompeo ) et Elliott (Elliott Abrams), ainsi que Sleepy Joe (Joe Biden), et bien sûr Manu Micron (Emmanuel Macron). Une histoire en fait qui se répète à la lumière des événements survenus dans ce pays encore cette année. J'ai beaucoup aimé ce roman, l'un des meilleurs romans d'actualité qu'il m'ait été donné de lire ces dernières années. Je vous en recommande vivement la lecture.
Extrait :
Les États-Unis ne sont pas derrière le coup d'État. Ils sont à son avant-garde. Ils dictent les ordres, pas seulement à l'opposition vénézuélienne mais aussi à leurs satellites dans la région et en Europe.
Menaces contemporaines à l'égalité des sexes au Québec
Marie-Claude Girard
Je vous recommande la lecture de ce court essai qui nous décrit clairement les menaces contemporaines à l'égalité des sexes au Québec. À plusieurs égards ces menaces sont attribuables, selon l'auteure, à la bienveillance de nos gouvernements à l'endroit des religions (particulièrement au niveau fédéral) ; mais elles le sont aussi aux stéréotypes encore présents dans la population et, plus récemment, à l'identité de genre qui finit par recouvrir l'identité liée au sexe. De là un vibrant plaidoyer, entre autres, en faveur de l'indépendance économique des femmes et de la laïcité.
Extrait :
Dans le premier cas, la demande d'interdiction du blasphème présume que la liberté de religion vise la protection des croyances et des sentiments religieux des expressions jugées offensantes. Il incomberait ainsi à l'État d'intervenir pour contrer les critiques de dogmes religieux, ce qui semble contradictoire avec le principe de séparation de la religion et de l'État, de la liberté d'expression et de la liberté de conscience des citoyens.

Que notre joie demeure
Kevin Lambert
C'est le dernier prix Médicis et un roman d'ici qui a beaucoup fait parler de lui. Il nous dévoile un monde de nantis qui tourne autour d'une architecte québécoise de renommée internationale. À quelques exceptions près, la parole appartient tout au long du livre à ce peuple de riches personnes un peu trop imbues d'elles-mêmes. Si l'auteur a voulu y voir une ferme critique du capitalisme, sa polémique avec le premier ministre François Legault, qui n'y a rien décelé de tel (même s'il n'est certes pas le plus perspicace qui soit), tend plutôt à démontrer le contraire. Il s'agit tout de même d'un portrait grandeur nature, détaillé, du monde dans lequel nous vivons, dans l'actuel contexte de la crise du logement et des écarts grandissants de revenus.
Extrait :
Marielle observe les œuvres d'art magnifiques, les tapis parfaitement entretenus, les sofas chics, les moulures anciennes et elle ne peut s'empêcher de croire que le secret des grandes fortunes est un crime oublié parce qu'il a été proprement fait. Le meuble du salon est conçu par un designer norvégien célèbre. Il doit valoir à lui seul des dizaines de milliers de dollars...

Au Québec, c'est comme ça qu'on vit
Francine Pelletier
Je connaissais surtout Francine Pelletier pour ses chroniques dans Le Devoir. Cet essai sur la montée du nationalisme identitaire au Québec m'a beaucoup plu. Francine Pelletier nous y décrit la transformation du Québec de la période conservatrice de l'appel de la race de Lionel Groulx à la Révolution tranquille et aux projets progressistes d'ouverture sur le monde et de confiance en soi collective qui ont suivi ; puis, après le second référendum sur la souveraineté, le redéploiement d'un conservatisme centré sur la défense des valeurs de la « majorité historique », conservatisme aux relents trop souvent xénophobes et qui a la triste conséquence d'être débranché des réalités des jeunes générations. En somme, nous dit-elle, si je me permets de résumer sa pensée, nous devons retrouver cet esprit progressiste, ouvert sur le monde, généreux, si nous voulons toujours, tous ensemble – tous les Québécois et Québécoises de tous les horizons – nous assumer… et enfin nous libérer. Un bouquin dont je vous recommande la lecture !
Extrait :
J'ai besoin de croire que ce fastidieux exercice tire à sa fin. Une espoir heureusement partagé par beaucoup de gens de gauche, mais également par les plus jeunes qui cherchent, à leur manière, une société plus ouverte, plus généreuse, plus diversifiée. Soyons patients. Ce n'est plus qu'une question de temps avant que le Québec de demain, le Québec du 3.0 et de la « réalité augmentée », hisse son drapeau sur le pont du vieux navire et reprenne le large.
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La déshumanisation de « l’Orient » par « l’Occident »

Pour la vaste majorité des populations du vieil impérialisme « occidental », le concept d'orientalisme élaboré par l'intellectuel américano-palestinien Edward Saïd, dans la mesure où il était connu, n'avait pas de résonnance politique immédiate. Il n'en est plus ainsi depuis que le massacre génocidaire de la population gazaoui est quasi reconnu officiellement par l'institutionnel système judiciaire international.
Ce massacre s'étend à la Cisjordanie et peut-être au-delà comme l'incite tous ses bombardements et incursions de l'État sioniste jusqu'au seuil d'une invasion du Liban. À contrario, les peuples rejettent ce va-t'en-guerre, même de plus en plus le peuple israélien lui-même malgré la déformation médiatique ultra-nationaliste de la guerre renforçant l'idéologie sioniste qui l'empoisonne. Loin d'être condamné par les plus importants gouvernements occidentaux à commencer par leur chef de file étatsunien, ce génocide est cautionné et soutenu sans état d'âme par leurs classes dirigeantes, ce qui décrédibilise d'a à z le bien-fondé idéologique de leur soutien intéressé et réservé à la lutte de libération nationale du peuple et du gouvernement ukrainiens contre l'envahisseur impérialisme russe. On se dit que les armes envoyées à Israël devraient être destinées à l'Ukraine sans qu'il ne soit nécessaire de hausser les dépenses militaires.
Les grands médias braquent de plus en plus ailleurs que sur Gaza les projecteurs de l'actualité tout en corroborant ou suggérant les mensonges de l'État israélien traitant chaque habitant de Gaza (et de plus en plus shiite-libanais) en terroriste ou son protecteur. Pendant que chaque otage israélien assassiné — un crime de guerre certes tout comme les meurtres civils du 7 octobre — est nommé et personnalisé, les plus de 40 000 palestiniens gazaouis massacrés, majoritairement femmes et enfants, demeurent une froide statistique tout comme les centaines de palestiniens cisjordanien assassinés sans compter les dizaines de milliers de morts pourrissant sous les décombres, les centaines de milliers d'éclopées et les milliers de prisonniers souvent torturés dans les prisons israéliennes. Qui s'intéresse aux cris d'alarme devenus rituels du Secrétaire général des Nations unies et de ses hauts fonctionnaires ? Pourtant les récents propos de Philippe Lazzarini, commissaire général de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) mériteraient d'être médités et discutés :
Les onze derniers mois de guerre ont été atroces pour la population de Gaza. Onze mois à revivre les traumatismes anciens du déplacement forcé et de la séparation des familles. Onze mois à endurer de nouveaux traumatismes comme la faim extrême et le retour de maladies dévastatrices comme la polio. Aujourd'hui, Gaza est un endroit qui horrifie même les humanitaires les plus chevronnés. C'est un terrain vague, impropre à la vie humaine. Et pourtant, deux millions de personnes y restent piégées. La quasi-totalité de la population est désormais concentrée sur environ 10 % de cette étroite bande de terre. Des masses de gens désespérés vivent au milieu de rivières d'eaux usées et de montagnes d'ordures, avec des rats, des cafards, des serpents et des scorpions. Chaque personne est épuisée, malade et a dépassé depuis longtemps les limites de son endurance. Cette situation est totalement inhumaine. […]
Je crains que si cette obscurité persiste, nous ne soyons désensibilisés à la souffrance des civils de Gaza et que nous ne commencions à tourner le dos à leur sort - le manque d'empathie et de compassion dont nous avons déjà entendu parler. Et s'il devient fatigant d'entendre parler de Gaza, comment pouvons-nous comprendre à quel point il est épuisant d'y vivre ? Cette crise ne touche pas seulement les Palestiniens de Gaza. Elle a des implications pour chacun d'entre nous. […] Plus de 600 000 filles et garçons ne sont pas scolarisés et vivent dans les décombres. La région ne peut pas se permettre de perdre une génération entière, qui sèmerait les graines de la haine et de l'extrémisme. Ramener les enfants à l'école est une question d'urgence qui devrait tous nous mobiliser. […]
L'Office, l'UNRWA, est la cible d'attaques incessantes. À Gaza, 214 membres du personnel de l'UNRWA ont été tués. Plus des deux tiers de nos bâtiments ont été endommagés ou détruits. En Cisjordanie occupée, en proie à une escalade de la violence, l'espace opérationnel de l'UNRWA se rétrécit. Un projet de loi déposé à la Knesset israélienne vise à expulser l'Office des locaux qu'il occupe depuis plus de 70 ans, à révoquer ses privilèges et immunités et à le désigner comme une organisation terroriste. Il est sans précédent et inadmissible qu'un État membre des Nations unies tente de désigner une entité des Nations unies, mandatée par l'Assemblée générale, comme une organisation terroriste. Mais l'UNRWA n'est pas le seul à être attaqué. Dans l'ensemble du territoire palestinien occupé, le personnel des Nations unies et des ONG internationales est progressivement éliminé par le non-renouvellement des visas. La campagne de démantèlement de l'UNRWA et de mise à l'écart de l'ensemble de la communauté humanitaire vise à priver les Palestiniens de leur statut de réfugié et à modifier unilatéralement les paramètres établis de longue date en vue d'une solution politique. […]
Un cessez-le-feu à Gaza est impératif. L'Agence a un rôle essentiel à jouer au cours de la transition, inévitablement longue et douloureuse, qui s'ensuivra. L'avantage le plus frappant de l'Office réside dans l'éducation et les soins de santé primaires. En l'absence d'un État à part entière, seul l'UNRWA peut répondre aux besoins des réfugiés palestiniens en matière d'éducation et de soins de santé. Enfin, les tentatives de fermeture et de marginalisation de l'UNRWA doivent être rejetées dans les termes politiques les plus forts. J'en appelle à votre soutien pour contrer les efforts visant à démanteler l'Office, à ternir sa réputation et à mettre fin à ses opérations dans le territoire palestinien occupé. Ces efforts constituent une menace non seulement pour les réfugiés palestiniens, mais aussi pour le système des Nations unies, l'ordre multilatéral et les perspectives d'une solution politique. [1]
Défaites militaires (et coloniales) et apprentissage de la désensibilisation
Les gouvernements « occidentaux » à commencer par celui étatsunien qui donne le ton, depuis le début de la guerre froide ont appris à se désensibiliser par rapport aux guerres qu'ils mènent, commanditent ou soutiennent hors de leurs frontières et encore plus vis-à-vis les peuples « orientaux ». La défaite étasunienne de la guerre contre le Vietnam il y a un demi-siècle qui suivait la demi-défaite de la guerre de Corée au début des années 1950 avait engendré le « syndrome vietnamien » :
Lorsqu'il y a plus d'un demi-siècle, le pays a passé une dizaine d'années embourbé dans un conflit en Asie du Sud-Est, envoyant des millions de soldats dans ce qui semblait être une guerre sans fin et de plus en plus ingagnable, cela a profondément façonné la politique et la culture américaines, non seulement dans le présent, mais aussi pour la génération suivante. À partir de 2001, le pays a passé deux décennies à s'enliser dans de nouveaux conflits apparemment chimériques, envoyant des millions de soldats en Asie centrale et au Moyen-Orient. […]
Au niveau mondial, les coûts ont été immenses. Au total, les guerres lancées et menées par les États-Unis depuis le 11 septembre 2001 ont entraîné directement ou indirectement la mort de 4,5 à 4,7 millions de personnes, selon une remarquable base de données gérée par le Watson Institute for International and Public Affairs de l'université Brown. […] Trente-huit millions d'autres ont été déplacés ou sont devenus des réfugiés. Le New Yorker a récemment estimé qu'en Irak et en Afghanistan seulement, les troupes américaines pourraient avoir été responsables de 800 cas de crimes de guerre présumés.
Mais le militarisme renouvelé qui a démarré en 2001 s'est généralement poursuivi - peut-être en prévision d'une nouvelle confrontation, cette fois avec la Chine, qui 1 Statement of Philippe Lazzarini, Commissioner-General of the United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees (UNRWA) at the 162nd Session of the League of Arab States Council at the Ministerial Level, ESSF, 10/09/24 succéderait à celle que nous avons maintenant dépassée qui se concentrait sur l'islam radical et le fondamentalisme islamique. […] Depuis 2015, les États-Unis ont ajouté plus de 300 milliards de dollars à leur budget annuel de défense. Selon les calculs de l'Institut Watson, cela représente environ suffisamment d'argent supplémentaire chaque année, en 2023, pour payer l'intégralité du coût de l'enseignement préscolaire universel, deux années d'université pour tous les étudiants et l'assurance maladie pour tous les Américains qui ne sont pas assurés. Comme le soulignent souvent les politiques scrupuleux, la part des dépenses militaires dans le PIB a en fait diminué au cours des dernières décennies et, selon certaines mesures, le pays est devenu de moins en moins martial. Mais en termes absolus, les dépenses restent énormes et plus de la moitié de toutes les dépenses discrétionnaires fédérales sont encore consacrées à la défense sous une forme ou une autre, selon les calculs du rapport Watson.
Tout comme le démantèlement des empires coloniaux des puissances européennes et du Japon, malgré le legs néocolonial, cette série de défaites ou demi-défaites infligées par les peuples de couleur à la super-puissance étatsunienne, sur fond d'un historique racisme anti-autochtone et antinoir qui a façonné l'histoire des ÉU et dont ni sa guerre d'indépendance ni sa guerre de sécession ni sa lutte pour les droits civils ne sont venues à bout, ont préparé la venue du trumpisme, champion du suprémacisme blanc :
Mais beaucoup de choses ont changé […] de manière à la fois ostentatoire et souterraine. Les attentats [de 2001] ont introduit un nouvel esprit de vulnérabilité et de honte dans ce qui était, quelques jours auparavant, une nation beaucoup plus allègrement impérieuse, et les guerres qui ont suivi ont souvent été humiliantes elles aussi. Au niveau de la rhétorique publique et de la politique étrangère, la performance conventionnelle d'un homme d'État désintéressé a cédé la place à un militarisme plus intéressé et parfois impulsif. […] … les guerres qui ont suivi […] ont déclenché de nouvelles vagues de xénophobie qui ont rendu la santé et la sécurité du pays beaucoup plus précaires. Nous avons vu des agents fédéraux infiltrer les mosquées américaines et les services de police locaux se militariser davantage, en partie grâce à du matériel renvoyé des lignes de front de la guerre. Nous avons constaté une suspicion et un scepticisme croissants à l'égard du leadership américain à l'étranger, ainsi qu'une nouvelle impunité des élites et un relâchement sans équivoque de l'État de droit à l'intérieur du pays. Aujourd'hui encore, il est frappant de constater que de nombreux partisans de l'invasion de l'Irak, en particulier, occupent toujours des positions d'autorité et de prestige, non seulement dans le monde politique, mais aussi dans les médias et le milieu des commentateurs. […]
… c'est la guerre contre le terrorisme, et la méfiance qu'elle a engendrée, qui a produit l'ascension de Donald Trump, sa prise de contrôle du parti républicain et, finalement, de la Maison Blanche. […] l'horreur lointaine d'ISIS en Irak et en Syrie a été utilisée, à l'approche des élections de 2016, pour justifier des mesures de répression à notre frontière méridionale, où le nombre de passages n'avait jamais été aussi bas depuis des dizaines d'années.
Un repli sur soi mis à nu par le rappel de la réalité par les gouvernements du Sud
Paradoxalement, « la guerre mondiale contre le terrorisme [consistant en] davantage d'engagements militaires facultatifs et parfois désastreux à l'étranger [s'est] accompagnée d'années plutôt calmes pour le terrorisme sur le sol américain. » En a résulté qu'« aujourd'hui, il est courant que les Américains s'inquiètent davantage du soi-disant théâtre de la sécurité des contrôles dans les aéroports que des actes de terrorisme qui l'ont inspiré, tandis que la guerre éternelle qui semblait autrefois s'étendre de manière si inquiétante dans l'avenir et s'immiscer si ostensiblement dans nos vies privées s'est déjà évanouie de la mémoire culturelle, comme un rêve fiévreux. » Ce qui fait que « Dick Cheney [qui soutient] publiquement la candidature de Kamala Harris à la présidence […] peut être la figure la plus partisane de l'ère de la guerre contre le terrorisme [ce qui suggère] que la plus grande menace pour la République était désormais interne plutôt qu'externe et à droite plutôt qu'à gauche. » Cette déconnexion par rapport aux guerres perdues de l'empire entraîne le divorce entre politique intérieure et politique extérieure :
Aujourd'hui, lorsque les Américains parlent de l'histoire politique récente du pays, ils ont tendance à se concentrer sur une autre série de sujets narratifs, eux-mêmes désormais assez familiers : la crise financière et la lente reprise qui a suivi ; l'élection choc de Trump, la réaction de droite qu'elle a révélée et la réaction de gauche qu'elle a produite ; et le test de Covid comme une sorte d'écran sur lequel les partisans de diverses tendances peuvent projeter leurs histoires préférées sur la rupture du pays. Lorsque les conversations s'approfondissent, elles atteignent parfois d'autres sujets de discussion - peut-être la mondialisation, la désindustrialisation et le choc chinois ; peut-être l'inégalité des revenus ; peut-être la division des diplômes, les médias sociaux et la justice sociale.
Mais elles remontent rarement aussi loin que le 11 septembre, lorsque le pays s'est lancé dans une aventure militaire mondiale non déclarée et à durée indéterminée, ciblant un ennemi largement indéfini et changeant de forme, qui a traité les frontières nationales comme de simples suggestions et a produit un effet de contagion mondial à l'échelle d'une génération. Cela nous renseigne sur la manière dont la guerre elle-même a été présentée et vendue - au début comme une nécessité existentielle, oui, mais relativement peu de temps après comme quelque chose se déroulant plus loin des yeux et de l'esprit, supervisé simplement par le Pentagone et presque autant en marge de la vie américaine que les actions policières et les coups d'État extralégaux des décennies précédentes.
Ce qui fait que « [l]es engagements militaires des États-Unis en Ukraine et à Gaza apparaissent parfois aux Américains comme des ruptures soudaines avec un passé récent et pacifique » [2] d'autant plus que l'armé étatsunienne n'y participe pas directement. Ce repli sur soi manufacturé, aurait dit Chomsky, d'une partie substantielle du peuple étatsunien aveuglé par le racisme déshumanisant les peuples de couleur pour ne pas reconnaître la série de défaites de leur armée, clash avec la dénonciation de la guerre génocidaire par la grande majorité des peuples du monde, plus intenses dans les pays du Sud, sur laquelle leurs gouvernements doivent surfer indépendamment de leurs politiques réelles :
Un autre front s'est ouvert sur le plan juridique. Deux décisions récentes de la Cour internationale de justice (CIJ), l'organe judiciaire des Nations unies, ont donné un coup de fouet à la campagne contre Israël. En janvier, une décision provisoire a semblé donner quelque crédit à la thèse de l'Afrique du Sud selon laquelle Israël commettait des actes de génocide (l'affaire est distincte des accusations de crimes de guerre portées par les procureurs de la Cour pénale internationale contre les dirigeants d'Israël et du Hamas). En juillet, la CIJ a rendu un avis consultatif selon lequel l'occupation par Israël de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de la bande de Gaza - territoires dont il s'est emparé en 1967 - était illégale.
Profitant de leurs nouveaux privilèges [sic], les Palestiniens ont déposé une résolution à l'Assemblée générale, destinée à donner force à la décision. Cette résolution demande à Israël de se retirer de toutes les terres, de l'espace maritime et de l'espace aérien palestiniens, de démanteler les colonies juives, de restituer les biens saisis et de payer des réparations. Elle invite également les pays à créer un registre international des dommages, semblable à celui mis en place par le Conseil de l'Europe, un groupe régional, pour préparer les plaintes ukrainiennes contre la Russie. En outre, les pays sont invités à imposer des embargos sur les armes à destination d'Israël, à restreindre le commerce des produits provenant des colonies juives et à imposer des interdictions de voyager et des gels d'avoirs à l'encontre des « personnes physiques et morale »" qui maintiennent l'occupation israélienne.
La résolution a été adoptée avec le soutien de la Russie et de la Chine, mais aussi de certains alliés américains, dont la France et le Japon. Israël et son petit groupe d'amis fidèles - parmi lesquels l'Amérique et certains États insulaires du Pacifique - s'y sont opposés. La Grande-Bretagne, le Canada et l'Australie se sont abstenus. La résolution ne mettra pas fin à l'effusion de sang à Gaza. Elle ne créera pas non plus d'État palestinien. Les textes de l'Assemblée générale ne sont pas contraignants pour les membres et l'Amérique y opposerait son veto s'ils étaient présentés au Conseil de sécurité. Néanmoins, ils pourraient encourager davantage de pays à reconnaître la Palestine comme un État, comme l'ont fait l'Irlande, la Norvège et l'Espagne en mai. Elle pourrait également favoriser l'imposition d'embargos sur les armes à l'encontre d'Israël, comme celui, partiel, imposé par la Grande-Bretagne ce mois-ci [et le Canada, NDLR].
Des bouleversements plus extrêmes sont possibles. Les Palestiniens pourraient présenter une nouvelle demande d'adhésion à part entière, à laquelle l'Amérique opposerait à nouveau son veto. L'Assemblée générale pourrait alors recourir à l'option nucléaire : priver Israël de ses droits de vote au sein de l'organe, comme elle l'a fait avec l'Afrique du Sud du temps de l'apartheid en 1974. Une telle mesure provoquerait la fureur du Congrès américain, qui pourrait décider d'interrompre son financement des Nations unies. Une loi existante engage déjà le Congrès à cesser les paiements à tout organe de l'ONU qui traite la Palestine comme un membre à part entière. L'Amérique reste le principal contributeur de l'ONU, puisqu'elle paie environ un tiers de ses dépenses, en comptant à la fois les contributions obligatoires et les contributions volontaires. […]
Un monde plus anarchique a plongé l'ONU dans une crise profonde. L'organisation est occupée, par exemple, à fournir une aide humanitaire aux peuples affligés, mais elle est de plus en plus marginalisée. Alors même que les conflits font rage du Mali au Myanmar, le Conseil de sécurité est paralysé. « Les défis auxquels nous sommes confrontés évoluent beaucoup plus vite que notre capacité à les résoudre », a averti António Guterres, le secrétaire général de l'ONU, le 12 septembre dernier. […] L'inimitié entre les grandes puissances s'aggrave et le nombre de vetos [au Conseil de sécurité] augmente. Depuis le début de l'année 2020, la Russie a mis son veto 13 fois, l'Amérique six fois et la Chine cinq fois. [3]
Austérité et transferts clientélistes asphyxient les services publics
Cette contradiction flagrante entre d'une part la morale et la loi internationale et d'autre part la realpolitik n'est que le reflet de la grandissante contradiction socio économique entre les pays du Nord et ceux du Sud :
La quasi-totalité des progrès réalisés dans la lutte contre la pauvreté l'ont été au cours des 15 premières années des années 2000. En effet, en 2022, à peine un tiers des personnes se sont sorties de l'extrême pauvreté par rapport à l'année 2013. Les progrès en matière de lutte contre les maladies infectieuses, qui se développent dans les pays les plus pauvres, ont fortement ralenti. Si la proportion de personnes contractant le paludisme dans les pays touchés par la maladie avait continué à baisser au même rythme qu'entre 2000 et 2012, il y aurait eu deux fois moins de cas qu'en 2022. La mortalité infantile dans les pays en développement a chuté de 79 à 42 décès pour 1 000 naissances entre 2000 et 2016. Pourtant, en 2022, ce chiffre n'avait que peu diminué, passant à 37. La proportion d'enfants en âge de fréquenter l'école primaire dans les pays à faible revenu s'est figée à 81 % en 2015, alors qu'elle était de 56 % en 2000. La pauvreté appartient au passé dans une grande partie de l'Europe et de l'Asie du Sud-Est ; dans une grande partie de l'Afrique, elle semble plus enracinée qu'elle ne l'a été depuis des décennies. […]
En 2005, les 72 pays les plus pauvres du monde ont reçu des fonds équivalant à 40 % des dépenses de l'État, grâce à une combinaison de prêts bon marché, d'allègements de la dette et de subventions. […] Aujourd'hui, cependant, l'argent se tarit à mesure que l'enthousiasme occidental faiblit et que de nouvelles causes émergent. Aujourd'hui, l'aide ne représente que 12 % des dépenses publiques des pays les plus pauvres. La concurrence pour les financements ne fera que s'intensifier à mesure que le changement climatique et les problèmes des réfugiés du monde riche deviendront plus pressants. L'année dernière, par exemple, les flux d'aide mondiaux ont augmenté de 2 % sur le papier. Pourtant, 18 % de l'aide bilatérale totale a été dépensée par les pays riches pour s'occuper des réfugiés sur leur propre sol - une échappatoire dont peu de pays ont profité jusqu'en 2014. En outre, 16 % de l'aide a été consacrée aux dépenses climatiques, contre 2 % il y a dix ans. Au total, les 72 pays les plus pauvres du monde n'ont reçu que 17 % de l'aide bilatérale, contre 40 % il y a dix ans. Dans le même temps, le financement chinois du développement s'est évaporé. En 2012, les banques d'État du pays ont accordé 30 milliards de dollars de prêts à l'infrastructure. En 2021, elles n'ont accordé que 4 milliards de dollars. [4]
Si l'austérité du Sud a des conséquences plus cruelles que celles du Nord, elle n'y en progresse pas moins. L'âge de la retraite en est sans doute le canari dans la mine. Depuis 1990 dans plusieurs pays de l'OCDE, « [l]'âge d'éligibilité à la retraite a été repoussé de 2 à 5 ans selon le pays ». [5] En Chine, fer de lance des pays BRICS, à cheval entre les pays du Nord et du Sud, « [l]'âge de la retraite passera de 50 à 55 ans pour les ouvrières, de 55 à 58 ans pour les employées et de 60 à 63 ans pour les hommes ». [6] Paradoxalement, la hausse de la part des dépenses gouvernementales totales dans le PIB au sein des pays riches correspond à une baisse de la part des dépenses dans les services publics (et des investissements publics) en faveur des dépenses de transferts (entitlements). De son côté, la pression fiscale est atténuée par une combinaison d'austérité et de renforcement de l'endettement public pendant que l'expertise passe du public au privé :
Alors qu'en 1960, les dépenses de l'État dans les pays riches représentaient 30 % du PIB, elles dépassent aujourd'hui 40 %. Au début des années 1950, nous estimons que les dépenses de l'État [étatsunien] en matière de services publics, allant du paiement des salaires des enseignants à la construction d'hôpitaux, représentaient 25 % du PIB du pays. À la même époque, les dépenses liées aux transferts, au sens large, ne représentaient qu'un petit poste, les dépenses liées aux pensions et à d'autres types d'aide sociale équivalant à environ 3 % du PIB. Aujourd'hui, la situation est très différente. Les dépenses de l'État américain en matière de prestations ont augmenté et les dépenses en matière de services publics se sont effondrées. Les deux représentent aujourd'hui chacun environ 15 % du PIB.
D'autres pays ont suivi une voie similaire. […] En moyenne, dans l'OCDE, les dépenses sociales des pays pour lesquels des données sont disponibles sont passées de 14 % du PIB en 1980 à 21 % en 2022. […] Une partie de l'augmentation des dépenses liées aux transferts est inévitable. En 2022, les pays riches comptaient 33 millions de personnes âgées de plus de 85 ans, soit 2,4 % de la population totale, ce qui représente une augmentation considérable par rapport aux 5 millions de personnes (0,5 % de la population totale) recensées en 1970.
Les transferts à la population en âge de travailler ont augmenté encore plus rapidement, rendant le système encore plus redistributif. En 1980, le cinquième des Américains les moins bien rémunérés recevait des transferts conditionnels à leurs revenus équivalant à un tiers de leurs revenus bruts. À la fin des années 2010, ce chiffre avait doublé […]. Le Canada et la Finlande, deux autres pays disposant de données fiables, présentent un schéma similaire. Les dépenses suivent souvent un effet de cliquet. Par exemple, depuis les années 1970, la proportion d'Américains bénéficiant de bons d'alimentation a doublé, pour atteindre une personne sur huit. Ces dernières années, les politiciens ont préféré agir comme si des dépenses supplémentaires pouvaient être réalisées avec peu d'augmentation de la fiscalité, quelle qu'elle soit. Des années 1960 aux années 1990, le prélèvement fiscal, en pourcentage du PIB des pays riches, n'a cessé d'augmenter. Depuis les années 2000, il n'a pratiquement pas augmenté. […] Jusqu'en 2022, quelque 85 % des réformes de l'assiette de l'impôt sur le revenu des personnes physiques dans les pays riches ont entraîné un rétrécissement de cette assiette, tandis que 15 % seulement l'ont élargie. La plus grande réforme de la dernière décennie a été l'énorme réduction d'impôts du président Donald Trump en 2017. Ni M. Trump ni Kamala Harris, la candidate démocrate, ne promettent une gestion fiscale sobre dans les années à venir.
Les politiciens qui ne parviennent pas à augmenter les recettes sont confrontés à deux choix. Le premier consiste à creuser les déficits budgétaires : cette année, les gouvernements des pays riches enregistreront un déficit global de 4,4 % du PIB, alors même que l'économie mondiale se porte plutôt bien. L'autre consiste à financer des transferts plus généreux en procédant à des coupes dans d'autres domaines. La demande de services publics a considérablement augmenté. Pourtant, en 2022, le pays riche médian y consacrera 24 % de son PIB, soit le même pourcentage qu'en 1992. L'emploi dans le secteur public, en proportion du total, a diminué depuis la fin des années 1990. Tous les secteurs, des soins de santé fournis par l'État à l'éducation et à la sécurité publique, ont souffert.
Un autre rôle historique de l'État - aujourd'hui en perte de vitesse - a été de mettre en place une bureaucratie efficace. Il est difficile de mesurer cet aspect quantitativement, mais les chercheurs s'y sont essayés. Les données produites par l'Institut Berggruen, un groupe de réflexion, et l'Université de Californie, Los Angeles, combinent des mesures objectives, telles que les recettes fiscales, et des mesures subjectives, telles que la perception de la corruption, pour concevoir une mesure transnationale de la "capacité de l'État". Dans le groupe des économies avancées du G7, cette mesure est en baisse. Il en va de même pour l'"indice de rigueur et d'impartialité de l'administration publique", produit par v-Dem, un autre groupe de réflexion, qui illustre la mesure dans laquelle les fonctionnaires respectent la loi.
Aujourd'hui, […] [l]es dépenses pour des solutions à court terme prennent le pas sur les projets difficiles et à long terme. M. Biden parle de sa politique industrielle, censée relancer l'emploi dans le secteur manufacturier et réduire la dépendance des États-Unis à l'égard de la Chine. Dans la pratique, les dépenses fiscales associées à cette politique sont insignifiantes. Ailleurs dans le monde riche, l'investissement public est en net recul, tandis que les gouvernements ont sabré dans les services de recherche et développement. Dans l'ensemble de l'OCDE, l'État représente aujourd'hui moins de 10 % des dépenses totales de R&D, ce qui constitue un changement radical par rapport à la norme de l'après-guerre. Les gouvernements ne sont plus des foyers d'innovation. La quasi-totalité des développements récents en matière d'intelligence artificielle sont issus du secteur privé. [7]
On devine le remède prôné par The Economist : moins de transferts universels, plus de services publics en partenariat avec le privé — un service public ciblé et hiérarchisé, mais non nécessairement universel, est nécessaire à la reproduction sociale — et idem pour les investissements publics dans les infrastructures et la R D fondamentale, plus de taxes indirectes à la mode scandinave. Il ne vient pas à l'esprit de la revue de la City d'attribuer la hausse relative au PIB des transferts, universels et conditionnels, à l'effritement de la dite classe moyenne causée par le néolibéralisme, ce qui polarise la distribution des revenus tout en approfondissant la pauvreté par la précarité généralisée et dorénavant par la hausse des prix de l'habitation, des aliments et de l'énergie, d'où la présente hausse des grèves. Il leur vient encore moins à l'esprit de critiquer la grève fiscale des riches et des grandes entreprises, par le subterfuge des paradis fiscaux en plus de la baisse des taux, car à leurs yeux le retour à la progressivité fiscale d'antan découragerait les investissements alors que ces derniers étaient proportionnellement plus importants.
Dépenses d'armement comme soutien à l'énergie fossile connaissent un boom
L'austérité systémique qui se dégage de cet effritement des services publics n'affecte cependant en rien ni les dépenses d'armement ni le soutien étatique au stratégique secteur des énergies fossiles et consort. « Le total des dépenses militaires mondiales s'élève à 2 443 milliards de dollars US en 2023, soit une augmentation de 6,8 % en termes réels par rapport à 2022. Il s'agit de la plus forte augmentation d'une année sur l'autre depuis 2009 » [8] soit un taux de croissance plus de deux fois plus élevé que celui du PIB mondial réel alors que le ratio dépenses militaires versus PIB avait été relativement constant depuis l'an 2000 après avoir baissé drastiquement dans la dernière moitié du XXe siècle. [9]
Côté énergie fossile, « [l]es données les plus récentes de l'OCDE et de l'AIE montrent que le coût budgétaire mondial des mesures de soutien aux combustibles fossiles dans 82 économies a presque doublé pour atteindre 1 481.3 milliards USD en 2022, contre 769.5 milliards USD en 2021, les gouvernements ayant mis en place des mesures pour compenser exceptionnellement les prix élevés de l'énergie, en partie en raison de la guerre d'agression menée par la Russie contre l'Ukraine. ». [10] Plus généralement mais pour les pays dit en développement seulement, « [de nouvelles données montrent que plus de 650 milliards de dollars US […] de subventions publiques sont alloués chaque année aux entreprises de combustibles fossiles, à l'agriculture intensive et à d'autres industries nocives dans les pays en développement ». [11]
Cynique message aux naïfs : « La sortie des énergies fossiles est un ‘‘fantasme'' pour l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), qui prévoit que la demande en or noir continuera de progresser au moins jusqu'en 2050, un cap symbolique de la lutte contre le changement climatique, dans un rapport publié mardi ». [12] Pour ceux et celles qui persistent à prendre au sérieux les officielles statistiques émanant des sources d'émissions [13], soit celles utilisées par les COPs, et non celles des concentrations de GES dans la haute atmosphère [14] bien que ces dernières, par définition, ne peuvent que fournir la densité des GES et, surtout, leurs taux de croissance qui montrent que ces gaz croissent à un taux croissant, « [s]elon un rapport, les incendies de forêt qui se sont déclarés au Canada en 2023 ont rejeté l'équivalant de près de dix ans du dioxyde de carbone, au cours de l'une des pires saisons des incendies au monde ». [15] Comment ne pas voir que ces statistiques nationales de GES ne sont que pure désinformation. Pourtant :
Les pays riches pourraient récolter cinq fois plus d'argent que les pays pauvres n'en demandent pour le financement de la lutte contre le changement climatique, grâce à des taxes exceptionnelles sur les combustibles fossiles, à la suppression des subventions néfastes et à un impôt sur la fortune des milliardaires, selon une étude. Les pays en développement demandent au moins 1000 milliard de dollars US par an de fonds publics pour les aider à réduire les gaz à effet de serre et à faire face aux impacts des conditions météorologiques extrêmes. Les pays riches évoquent des sommes potentielles bien inférieures, dans le cadre du financement conventionnel de la lutte contre le changement climatique, sous la forme de prêts à faible taux d'intérêt accordés par la Banque mondiale et d'autres institutions similaires. […]
Les recherches menées par le groupe de pression Oil Change International, publiées mardi, montrent que les pays riches pourraient générer 5000 milliards de dollars par an en combinant l'impôt sur la fortune et l'impôt sur les sociétés, ainsi qu'en luttant contre les combustibles fossiles. Un impôt sur la fortune des milliardaires pourrait générer 483 milliards de dollars au niveau mondial, tandis qu'une taxe sur les transactions financières pourrait rapporter 327 milliards de dollars. Les taxes sur les ventes de grandes technologies, d'armes et de vêtements de luxe rapporteraient 112 milliards de dollars supplémentaires, et la redistribution de 20 % des dépenses militaires publiques rapporterait 454 milliards de dollars si elle était mise en œuvre dans le monde entier. L'arrêt des subventions aux combustibles fossiles libérerait 270 milliards de dollars d'argent public dans les pays riches, et environ 846 milliards de dollars au niveau mondial. Les taxes sur l'extraction des combustibles fossiles rapporteraient 160 milliards de dollars dans les pays riches et 618 milliards de dollars dans le monde. [16]
L'orientalisation déshumanisante permet d'aller jusqu'au bout de la compétitivité
L'« orientalisation » du monde par les puissances occidentales qui a fortement pénétré leur population, qui stigmatise spécialement les femmes doublement opprimées par la culture des uns et des autres souvent en utilisant hypocritement l'une contre l'autre, tend à déshumaniser l'ensemble des rapports sociaux. Les guerres génocidaires de Gaza et d'Ukraine au su et à la vue de toustes, mais aussi les meurtrières guerres soudanaise et des Grands lacs africains ignorées de toustes en sont la démonstration la plus évidente.
Cette déshumanisation pénètre tant les services publics que le cœur capitaliste de l'économie qui en redemande. On se dit que la constatation du Protecteur du citoyen québécois a valeur universelle :
…cas par cas, le Protecteur du citoyen dresse le portrait d'un État qui « déshumanise » sa population dans l'accomplissement de ses missions. La pénurie de main-d'œuvre afflige les services publics et compromet « le souci d'humaniser les services » attendus de l'État québécois, déplore le Protecteur du citoyen dans son rapport annuel. La lenteur des ministères à mettre en place les recommandations formulées il y a parfois plusieurs années aggrave encore des problématiques qui empirent par manque de personnel. [17]
Aux ÉU, en plus des meurtres de masse qui se multiplient [18], les tueries policières ne cessent d'augmenter [19] et les mises à mort judiciaires s'accélérer :
Cinq exécutions, cinq États, six jours. Une vague d'exécutions judiciaires sans précédent depuis 20 ans a eu lieu la semaine dernière - et il n'y a rien eu de fortuit. "Au cours des six dernières années, la culture juridique relative à la peine de mort a connu un changement radical", a déclaré Bryan Stevenson, fondateur de l'Equal Justice Initiative. "Les arbitres ont disparu, il n'y a plus de surveillance. [20]
Ce n'est guère mieux au Canada vis-à-vis les tueries policières contre les Autochtones. [21] Le développement de l'intelligence artificielle, la nouvelle frontière technologique, est une ogresse de ressources naturelles alors que la lutte climatique exige la décroissance radicale de leur consommation :
OpenAI a présenté à l'administration Biden la nécessité de mettre en place des centres de données massifs qui pourraient chacun utiliser autant d'énergie que des villes entières, en présentant cette expansion sans précédent comme nécessaire pour développer des modèles d'intelligence artificielle plus avancés et pour concurrencer la Chine. [22]
L'intensité de la compétitivité de la mondialisation des marchés pousse la course compétitive de la productivité jusqu'à l'intolérable :
Dans La société malade de la gestion (Seuil, 2005), j'ai essayé de déconstruire les grands principes qui définissent cette idéologie managériale. J'en mentionne trois qui illustrent le potentiel de violence et de déshumanisation qu'ils sous-tendent. Il y a d'abord l'objectivisme. Toutes les activités humaines et économiques sont objectivées de telle manière qu'elles se traduisent en variables, en indicateurs de mesure, en capitaux. En décidant de ce qui est rentable et de ce qui ne l'est pas et, par conséquent, de ce qui doit être gardé ou abandonné, ce principe permet d'alimenter la financiarisation de la société. Il y a aussi l'utilitarisme à travers lequel l'activité humaine est considérée recevable socialement seulement si elle est « utile ». Autrement, elle est jugée nuisible, comme l'immense cohorte des exclus, des sans-emplois et des sans domicile fixe, sans oublier les artistes, les marginaux et tous ceux qui ne veulent pas perdre leur vie à la gagner. Enfin, il y a le positivisme selon lequel il n'y a de valeur que dans ce qui est analysable techniquement. N'est un problème que ce qui a une solution technique, sinon il n'existe pas. [23]
Une enquête interne de Boeing a révélé que de nombreux ouvriers subissaient encore des pressions pour privilégier la rapidité au détriment de la qualité, quelques mois après qu'une explosion en plein vol de l'un des avions à réaction de la société a déclenché une crise de confiance chez le constructeur aéronautique. [24]
À l'autre bout de la lorgnette de la productivité jusqu'au bout on trouve la brutale politique de l'indigence majoritaire qu'applique l'avant-garde du néolibéralisme « austoritaire » [25] :
Le taux de pauvreté pour les six premiers mois de cette année était de 52,9 %, contre 41,7 % au second semestre de 2023, a déclaré l'agence nationale de statistiques Indec. Depuis son entrée en fonction en décembre, M. Milei a réduit les subventions accordées aux transports, aux carburants et à l'énergie et a licencié des milliers de fonctionnaires, dans le but de faire baisser l'inflation et de réduire les dépenses de l'État. En août, le taux d'inflation annuel de l'Argentine est resté l'un des plus élevés au monde, avec plus de 230 %. [26]
C'est là l'ultime conséquence de la croissance des inégalités et de la pauvreté :
La concentration du pouvoir des entreprises et des monopoles au niveau mondial contribue à creuser les inégalités, ce qui enrichit les plus riches et appauvrit les plus pauvres. Les cinq personnes les plus riches du monde ont plus que doublé leur fortune depuis 2020, tandis que les 60 % les plus pauvres ont perdu de l'argent, selon un rapport d'Oxfam. [27]
Et pourquoi ne pas aller jusqu'à la robotisation de l'être humain ?
Mark Zuckerberg dévoilera la dernière collection de casques intégrant l'intelligence artificielle générative lors de la conférence Connect de Meta, mercredi. […] Avec une caméra, un microphone et des haut-parleurs dans les montures, elles permettent à Meta AI de voir et d'entendre ce que fait le porteur. [28]
Comme les multimilliardaires ne peuvent faire autrement que d'aller jusqu'au bout de leur folie accumulatrice dont ils perçoivent l'aboutissement catastrophique, ils prévoient de fuir vers la planète Mars loin du déferlement vers la terre-étuve dont ils sont la cause première. [29]
Hyper concentration-centralisation du capital nécessistant la grande diversion
Ces moins de trois mille milliardaires mondiaux [30] possèdent à coup sûr les sous pour contrôler la dizaine de sociétés de capital-investissement mondiales clefs [31], la quarantaine de banques billionnaires en actifs dans la monde [32] et la centaine d'entreprises non-financières ayant un chiffre d'affaires de plus de 100 milliards $US [33]. On se dit, cependant, que les milliards de personnes du 99% mondial si ce n'est du 99.9%, du moins du 90% si on tient pour acquis que la classe moyenne supérieure a intérêt à aveuglément maintenir le statuquo, devrait avoir la lucidité et l'intérêt à arrêter ce train en marche vers l'abîme.
La stratégie de la « grande diversion » du 1% aura été de lâcher la bride à l'extrême droite pour propager l'immense « fake news » complotiste du « grand remplacement ». Sans abandonner l'antisémitisme d'antan, l'extrême-droite a compris qu'il lui fallait donner la priorité à la stigmatisation de l'immigration de couleur. Si le racisme traditionnel antinoir (et anti-autochtone) reste de mise comme fond de scène, depuis la déclaration de la lutte permanente anti-terroriste en 2001 l'islamophobie orientaliste est devenue le fer de lance de cette stigmatisation. Le monde en chamaille mêlant catastrophes climatiques en croissance géométrique, guerres génocidaires renouvelant les génocides du XXe siècle contre les Hereros, les Arméniens, les Juifs d'Europe, les Tsiganes et les Tutsis et misère populaire legs du néolibéralisme intensifié par un capitalisme en crise profonde depuis la Grande Récession de 2008-09 faisant suite aux grandes crises de la fin du XIXe siècle et des années 1930 [34] a fait rapidement croître la migration internationale se dirigeant de plus en plus vers les riches pays du Nord tant socio-économiquement que géographiquement parlant :
Aujourd'hui, plus de personnes que jamais vivent dans un pays autre que celui où elles sont nées. Selon la Division de la population du Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies (DESA), au 1er juillet 2020, le nombre mondial de migrants internationaux était estimé à 281 millions. Les migrants internationaux représentent environ 3,5 % de la population mondiale, contre 2,8 % en 2000 et 2,3 % en 1980. [35] Rapportée à la taille de la population dans chaque région, c'est en Océanie, en Amérique du Nord et en Europe que la part des migrants internationaux était la plus élevée, représentant respectivement 22 %, 16 % et 12 % de la population totale. En comparaison, la part de migrants internationaux est relativement faible en Asie et en Afrique (1,8 % et 1,9 % respectivement) et en Amérique latine et dans les Caraïbes (2,3 %). [36]
Au Nord, la politique migratoire occupe le centre de l'échiquier politique
Au sein des pays du vieil impérialisme, sur fond de hausse des dépenses sécuritaires et militaires, la politique migratoire devient l'épine dorsale des débats politiques de l'heure comme c'est le cas au Québec, où le Premier ministre va jusqu'à « évoque[r] un transfert ‘‘obligatoire'' de migrants vers d'autres provinces » [37] et de plus en plus au Canada où le discours public dénonce les « impacts qu'une telle politique allait avoir sur le logement et l'accès aux services publics. Des institutions financières ont publié des études établissant un lien entre la hausse soutenue de la population et la crise du logement, la Banque Nationale évoquant même un piège démographique. D'autres publications ont mis en relief le fait que la croissance du produit intérieur brut ne suivait pas celle de la population, diminuant d'autant la richesse par habitant » [38] alors qu'au contraire la politique d'ouverture du Canada lui servait de moyen de rattraper la croissance du PIB des ÉU. [39]
Le mode japonais de la politique migratoire soit la combinaison contradictoire d'une forte répression [40] pour combler une pénurie de travailleuses et travailleurs essentiel-le-s aux conditions du patronat [41] devient la norme occidentale. En Europe,
En cette année 2024, les politiques migratoires en Europe offrent un tableau bien sombre. La Méditerranée demeure un chemin mortifère pour les milliers de personnes qui empruntent la voie maritime pour atteindre les côtes européennes, tandis que la Manche représente toujours un passage mortel pour rejoindre le Royaume-Uni. De même, l'Atlantique est quotidiennement traversé par des candidat·es à la migration et à l'asile, qui empruntent la voie maritime séparant l'Afrique des Canaries (Espagne).
Dans une série de condamnations retentissantes, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a multiplié les sévères réprimandes envers les États membres pour leurs pratiques inhumaines à l'encontre des nouveaux et nouvelles arrivant·es en quête de protection internationale : traitements dégradants, enfermements en centres de rétention , échecs patents à garantir une protection adéquate aux demandeur·euses d'asile. [42]
Alors que les arrivées irrégulières ont baissé de 39 % depuis le début de l'année 2024, les dirigeants européens, de droite comme de gauche, reprennent les idées que l'extrême droite défend depuis quarante ans. Depuis l'annonce par l'Allemagne, début septembre, du rétablissement des contrôles à ses frontières intérieures, l'Europe a remis au premier plan le débat sur l'immigration. Le premier ministre britannique travailliste, Keir Starmer, s'est rendu en Italie pour s'informer sur la politique migratoire restrictive de la présidente du conseil, Giorgia Meloni. Les Pays Bas et la Hongrie ont officiellement demandé à la Commission européenne, mi septembre, une dérogation pour ne plus participer à la politique migratoire commune en cas de révision des traités, tandis qu'en Autriche le sujet a dominé la campagne législative. [43]
Aux États-Unis, la politique migratoire est non seulement au centre de la campagne électorale mais si la candidate Démocrate n'emploie pas le langage ordurier du candidat Républicain, la différence entre leurs politiques ne cesse de s'amincir :
[L'immigration] est au cœur de la campagne électorale, même si les Américains sont divisés quant à son urgence : Selon le Pew Research Centre, 82 % des partisans de Donald Trump affirment que l'immigration est essentielle à leur vote, tandis que 39 % des partisans de Kamala Harris sont du même avis.
L'antipathie de Donald Trump pour l'immigration est très claire depuis qu'il a descendu un escalier roulant doré et lancé sa candidature à l'élection présidentielle de 2016 en parlant des « violeurs » mexicains. Au cours de son premier mandat, il a imposé une interdiction de voyager aux personnes originaires de pays musulmans, a séparé les familles qui traversaient la frontière sud et a construit des parties du mur. S'il est réélu, M. Trump promet maintenant « le plus grand effort de déportation de l'histoire américaine », en commençant par les migrants haïtiens à Springfield, dans l'Ohio.
La position de Mme Harris a été un peu plus fluctuante. Lors de sa campagne présidentielle de 2020, elle a soutenu la décriminalisation du franchissement illégal des frontières ; aujourd'hui, elle s'est engagée à poursuivre les mesures de répression prises par Joe Biden à l'encontre des demandeurs d'asile, publiées en juin. Elle s'est également ralliée à un projet de loi bipartisan, actuellement bloqué au Congrès, qui étendrait les pouvoirs du président en matière de restriction des passages, avec une voie d'accès à la citoyenneté pour certains immigrés sans papiers.
Avant le mois de juin, toute personne entrant sur le territoire américain avait le droit de chercher un refuge. Les migrants pouvaient simplement se rendre sur le sol américain et rester dans le pays, souvent pendant des années, jusqu'à ce qu'ils entrent dans la procédure d'asile. Mais après que M. Biden a assoupli bon nombre des règles strictes de Trump en matière d'immigration lors de son entrée en fonction, le nombre de franchissements illégaux de la frontière a grimpé en flèche, atteignant un record de 250 000 arrestations mensuelles en décembre dernier. Le décret de M. Biden interdit aux demandeurs d'asile de franchir la frontière dès qu'un seuil quotidien de 2 500 passages est atteint. L'administration a annoncé hier qu'elle ne lèverait ces restrictions que si le nombre de passages quotidiens était inférieur à 1 500 pendant près d'un mois.
Mais ceux qui tentent d'entrer aux États-Unis se heurtent à une frontière qui est visiblement devenue plus difficile à franchir, avec des murs d'acier de neuf mètres et des rangées de fils de barbelés tendus entre des poteaux métalliques. La chaleur torride du désert de Chihuahua, où les températures dépassent régulièrement les 50 degrés en été, a rendu la dernière étape du voyage des migrants de plus en plus périlleuse. Au cours de l'année écoulée, le nombre de migrants ayant trouvé la mort en tentant de franchir la frontière n'a jamais été aussi élevé. Au début de l'été, une équipe de pompiers de Sunland Park, dans le Nouveau-Mexique, a récupéré quatre corps dans le désert en l'espace de quelques heures.
Le décret de M. Biden ne s'est pas contenté de réduire le nombre de franchissements illégaux de la frontière, il a aussi considérablement réduit le nombre de personnes pouvant déposer une demande d'asile. Les migrants qui entrent aux États-Unis sans autorisation ne sont désormais entendus que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple s'il s'agit d'un enfant non accompagné ou s'ils sont victimes d'une forme grave de trafic d'êtres humains. […] De nombreuses personnes qui traversent illégalement sont expulsées.
À El Paso, M. VanderKlippe [le journaliste du Globe and Mail] s'est entretenu avec une Salvadorienne du nom de Norberta, qui venait de poser le pied aux États-Unis avec ses filles de six et sept ans après avoir fui des violences domestiques. Elles ont été menacées à plusieurs reprises au cours de leur voyage d'un mois ; à un moment donné, Norberta a payé 15 000 dollars au cartel pour faciliter le passage. Mais les victimes de violences sexistes ne sont pas exemptées de l'ordonnance générale de M. Biden, et l'ancien agent des frontières a qualifié sa situation de "cas difficile". Il est probable qu'elle et ses filles seront renvoyées. [44]
La crise migratoire est en fait une crise d'accueil en mal d'internationalisme
Cette politique migratoire qui prétend régler la « crise migratoire » provoque dans les faits une « crise de l'accueil » (Emmanuelle Carton). L'extrême-droite, que reprend de plus en plus l'extrême-centre et envers lequel capitule souvent le centre-gauche, tente par une inversion logique de responsabiliser les damé-e-s de la terre pour tous les maux infligés au 90% par l'oligarchie milliardaire au contrôle de l'État et des grands médias grâce au talon de fer de la financiarisation de la société. Ainsi, celles et ceux qui fuient les misères tous azimuts du monde en perdition vers le Nord soi disant salvateur deviennent les boucs émissaires de « l'austoritaire » néolibéralisme en crise structurelle.
Pas plus que la crise climatique ne se résout par le grand remplacement de l'extractivisme des hydrocarbures par celui de la filière batterie et de ses autos et bungalows électrifiés, la crise de l'accueil dite crise migratoire ne se résout par la hausse des seuils d'immigration car l'incommensurable solidarité finirait par se fracasser sur des frontières répressives. Autant la crise climatique se résout par la décroissance matérielle au profit de la croissance des services publics y compris leur nécessaire base matérielle, la crise de l'accueil se résout par une politique de frontières ouvertes au sein d'une société de plein emploi écologique par le partage d'heures de travail réduites.
Faut-il rappeler cette vérité élémentaire que les personnes immigrantes en autant qu'elles soient accueillies au sein d'une société prévoyante en termes de politiques d'emploi, d'habitation et sociale — et sans discrimination ce qui suppose une ferme et intelligente politique anti-raciste — contribueront avec entrain et motivation à l'enrichissement matériel et culturel de la société d'accueil. Idem pour les peuples autochtones si les gouvernements colonisateurs reconnaissent leurs droits territoriaux et d'autogouvernement avec pleine compensation des torts historiques.
C'est cette direction libératrice et émancipatrice qu'ont pris les peuples du monde depuis les grands soulèvements commencés en 2011 dans le monde arabo musulman en réaction à la Grande Récession de 2008-2009 condamnant sa jeunesse instruite à un structurel chômage massif et persistant. Si ces énormes rébellions ont jusqu'ici été vaincues parfois jusqu'à l'implosion d'États faillis dans des guerres civiles sans fin, une des causes en revient assurément à une féroce et barbare répression de leurs classes dirigeantes — on pense à la Syrie, au Soudan, à la Birmanie — soutenues par les grandes et moyennes puissances aux poches profondes et en rivalités de plus en plus aiguisées.
Par la durée de sa résistance sur 75 ans, le peuple palestinien fait certainement parti par défaut à ces peuples en marche. Mais une autre cause, trop oubliée, réside en un prolétariat aux abonnés absents comme prolétariat organisé doté d'une

Génocide à Gaza. La fabrication du consentement occidental

Dans son dernier ouvrage, Une étrange défaite, Didier Fassin, professeur au Collège de France, démonte pièce par pièce la responsabilité des dirigeants politiques, des intellectuels et des médias qui façonnent les opinions publiques au point de faire accepter l'inacceptable depuis le 7 octobre 2023.
Tiré d'Afrique XXI.
La question revient, lancinante, à chaque crise au Proche-Orient, à chaque « escalade » contre les Palestiniens, à chaque tuerie à Gaza. Oui, bien sûr, mais… le Soudan ? Le Congo ? L'Afghanistan ? Au-delà de la constante minoration du nombre de morts palestiniens (grâce à cette précision magique : « selon le ministère de la santé du Hamas »), l'interrogation — faussement naïve — efface une distinction fondamentale entre la guerre contre Gaza et les autres conflits évoqués… Une distinction soulignée par Didier Fassin dans son dernier livre :
- Aucune de ces guerres et aucun de ces massacres n'a fait l'objet d'un soutien aussi indéfectible des gouvernements occidentaux et d'une condamnation aussi systématique de celles et ceux qui les dénoncent, alors même que l'ampleur de la dévastation et la volonté d'effacement y sont sans commune mesure.

Dans un essai percutant, Une étrange défaite, référence au célèbre témoignage de Marc Bloch, écrit au lendemain de l'effondrement de la France en 1940 et qui tente d'en comprendre les raisons politiques, le professeur au Collège de France revient sur la « défaite morale » des responsables occidentaux face à l'écrasement de Gaza, qui a toutes les caractéristiques d'un génocide. Même s'il faudra quelques années pour que la Cour internationale de justice (CIJ) l'estampille juridiquement comme tel. Faut-il, en attendant, se laver les mains du sang qui coule en Palestine ?
Il suffit pourtant de prendre les dirigeants israéliens au mot. L'avocate irlandaise Blinne Ní Ghrálaigh, qui défendait en janvier 2024 la requête de l'Afrique du Sud devant la CIJ, a su trouver les mots justes. Gaza représente « le premier génocide de l'histoire durant lequel les victimes diffusent leur propre destruction en temps réel dans l'espoir désespéré — et pour l'instant vain — que le monde puisse faire quelque chose ». Comme le relève l'arrêt de la CIJ et l'historien israélien Raz Segal, qui parle de « cas d'école en matière de génocide » :
- Les discours, jusqu'aux plus hautes sphères du pouvoir, ont montré que l'intervention militaire israélienne à Gaza visait bien plus que la disparition du Hamas […] : c'étaient indistinctement l'ensemble du territoire et de ses résidents qui étaient la cible. La liste des citations documentées par l'Afrique du Sud est impressionnante : le premier ministre demandant aux soldats de “se souvenir de ce qu'Amalek vous a fait”, en référence à l'ennemi biblique dont Israël devait, selon le texte sacré, indistinctement “tuer les hommes et les femmes, les nourrissons et les nouveau–nés” ; le président affirmant à propos des Palestiniens que “la nation entière est responsable” et doit être “combattue jusqu'à lui briser l'échine” ; le ministre de la Défense indiquant qu'il n'y aurait plus “ni électricité, ni nourriture, ni eau, ni essence”, car il s'agit d'une guerre “contre des animaux humains” et il faut “agir en conséquence”.
Les sophismes du récit médiatique et intellectuel
Un à un, Fassin déconstruit les sophismes du narratif israélien et occidental, dont le plus pernicieux serait que l'histoire commence le 7 octobre 2023 : enterré le blocus de Gaza ; effacée l'expansion de la colonisation et des assassinats en Cisjordanie ; oubliée la judaïsation de Jérusalem et les provocations contre la mosquée Al-Aqsa ; ignorés les milliers prisonniers dans les geôles israéliennes. Quant à « l'armée la plus morale du monde », elle ne ferait que « riposter » à ce qui était, selon les mots du président Emmanuel Macron, « le plus grand massacre antisémite de notre siècle » (1). Ce qui a amené à minimiser ou à cacher les images qui parvenaient de Gaza comme de Cisjordanie — dernier exemple, celle de soldats israéliens balançant trois Palestiniens des toits à Qabatiy (Cisjordanie) en septembre 2024, rappelant ainsi les pratiques des membres de l'organisation de l'État islamique (OEI).
C'est ainsi que, avec l'aide active des médias mainstream, les dirigeants occidentaux ont forgé « un consentement » au génocide, consentement qui, écrit Fassin :
- comporte deux dimensions distinctes. La première est passive. C'est le fait de ne pas s'opposer à un projet. On permet donc qu'il s'accomplisse. La seconde est active. C'est le fait d'approuver ce projet. On apporte alors son concours à sa réalisation. Dans le cas de la guerre à Gaza, les deux dimensions se conjuguent.
Certes, les responsabilités sont différentes, selon les pays et à l'intérieur de chacun d'eux. Dans le monde occidental, ce sont les États-Unis qui portent la culpabilité première, mais les pays européens, en fournissant des armes, comme l'Allemagne et la France, ou en proclamant « le droit d'Israël à se défendre », ont couvert politiquement et diplomatiquement Israël.
Discréditer toute voix critique
Ce qui frappe aussi, note l'auteur, c'est la volonté de discréditer toute voix critique, y compris par la force de la police ou des tribunaux, sous l'accusation d'« apologie du terrorisme ». En y ajoutant l'accusation d'antisémitisme pour achever la démonstration. Depuis le début de la seconde Intifada en 2000, quelques intellectuels avaient été accusés, voire poursuivis pour antisémitisme, que ce soit Edgar Morin ou le résistant Stéphane Hessel. Mais la chasse aux sorcières atteint après le 7 octobre 2023 un niveau inégalé, avec la dénonciation nominative de journalistes — sans que la profession s'en émeuve —, d'universitaires et de simples quidams. Si nombre de ces attaques viennent d'officines plus ou moins financées par Israël, elles sont orchestrées par l'État et relayées par les « bons citoyens » soucieux de dénoncer ceux qui ne pensent pas droit.
Didier Fassin lui-même a été ainsi accusé, dans une tribune de quelques collègues universitaires (2) d'adopter une « grille de lecture qui ne cesse de nous signifier qu'une vie juive vaut bien moins que toute autre » — s'il fallait ouvrir des comptes, on pourrait rappeler que depuis le 7 octobre, environ 2 000 Israéliens et plus de 41 000 Palestiniens ont été tués, une proportion de 1 à 20, nettement en défaveur de « la vie palestinienne ». Fassin « relativiserait » aussi la Shoah, s'inscrirait dans la lignée de Roger Garaudy (3) qui a sombré dans le négationnisme à la fin de sa vie. L'auteur serait un antisémite, anathème qui permet de clore le débat avant même de l'ouvrir.
Pour ses détracteurs, il serait inadmissible de proclamer le caractère colonial du mouvement sioniste, pourtant mis en lumière il y a près de soixante ans par Maxime Rodinson, et qui mériterait, même si on le conteste, au moins une discussion approfondie. Il est vrai que le débat à l'université devient périlleux depuis qu'une centaine de professeurs ont appelé le pouvoir politique, en octobre 2020, à surveiller ceux soupçonnés d'« islamogauchisme » ou de « wokisme » — une attaque contre les libertés académiques que personne n'avait osé réclamer depuis la fin de la guerre d'Algérie (4).
Récemment ont été publiés les noms de 11 000 enfants palestiniens tués à Gaza, dont 700 nourrissons de moins d'un an. Marc Bloch réfléchissait déjà sur les très jeunes victimes des guerres :
- Il est un de ces tableaux auquel je sens bien que je ne m'habituerai jamais : celui de la terreur sur des visages d'enfants fuyant la chute des bombes, dans un village survolé. Cette vision-là, je prie le ciel de ne jamais me la remettre sous les yeux, dans la réalité, et le moins souvent possible dans mes rêves. Il est atroce que les guerres puissent ne pas épargner l'enfance, non seulement parce qu'elle est l'avenir mais surtout parce que sa tendre faiblesse et son irresponsabilité adressent à notre protection un si confiant appel. À Hérode, la légende chrétienne (5) n'aurait sans doute pas été si sévère, si elle n'avait eu à lui reprocher que la mort du Précurseur. L'inexpiable crime fut le Massacre des Innocents. (6)
Quatre-vingts ans plus tard, ce « massacre des Innocents » se poursuit. Et beaucoup de ceux qui, dans l'université française ou ailleurs, se réclament de l'héritage de Marc Bloch l'acceptent sans états d'âme.
Notes
1- Extrait du discours du président Emmanuel Macron prononcé lors de la cérémonie en hommage aux 42 victimes françaises du 7 octobre.
2- Bruno Karsenti, Jacques Ehrenfreund, Julia Christ, Jean-Philippe Heurtin, Luc Boltanski et Danny Trom, « Un génocide à Gaza ? Une réponse à Didier Fassin », AOC, 13 novembre 2023.
3- Né en 1913, ancien membre du bureau politique du Parti communiste, il en est exclu en 1970. Dans les années 1980, il se convertit à l'islam, s'engage sur le soutien aux Palestiniens avant de se rallier aux thèses négationnistes.
4- « Sur l'islamisme, ce qui nous menace, c'est la persistance du déni », Le Monde, 31 octobre 2020.
5- Le Massacre des Innocents est présent dans l'Évangile selon saint Matthieu. Le roi Hérode fit tuer tous les garçons de moins de deux ans nés aux alentours de Bethléem car des Mages lui avaient annoncé la naissance dans cette ville d'un enfant appelé à devenir le roi des Juifs.
6- Marc Bloch, L'étrange défaite ; témoignage écrit en 1940, Folio, collection Folio histoire, 1990, 326 pages, 13,10 euros.
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Trump ou Harris ? Ce choix nous concerne aussi

Qui sera le prochain président des États-Unis d'Amérique ? Le 5 novembre, Donald Trump sera le candidat du parti républicain pour la troisième fois. Dans le camp démocrate, l'actuel président, Joe Biden, a été remplacé comme candidat à la présidence par sa vice-présidente, Kamala Harris. Dans le monde entier, la bataille électorale est suivie de près. Mais quels sont les enjeux de ces élections pour l'Europe et pour la Belgique ? Quelle différence le choix entre Trump et Harris apportera-t-il dans notre vie ?
2 octobre 2024 | tiré du site du Parti du travail de Belgique | Photo de deux magazines : l'un avec Donald Trump sur la couverture, l'autre avec Kamala Harris sur la couverture
https://www.ptb.be/actualites/trump-ou-harris-ce-choix-nous-concerne-aussi
Comment fonctionnent les élections aux États-Unis ?
Tout d'abord, revenons un instant sur le choix qui s'offre aux électeurs étasuniens. Ce que l'on remarque immédiatement, c'est que le vainqueur des élections présidentielles est toujours issu du parti démocrate ou du parti républicain. Depuis plus de 150 ans !
Pourquoi ? Parce que dans la pratique, le système électoral étasunien favorise une sorte de « bipartisme ». Toutes les élections aux États-Unis fonctionnent selon le principe du « winner takes all » (le vainqueur rafle la mise) : un seul député peut être élu par circonscription, par exemple. C'est pourquoi les candidats se regroupent en deux partis au maximum, afin d'avoir une chance de remporter le siège.
L'élection présidentielle est une élection par paliers : le peuple élit des « grands électeurs » qui, à leur tour, désignent le président. Chaque État présente un nombre fixe de grands électeurs, et toutes leurs voix vont au candidat qui obtient le plus de voix dans cet État.
Les petits États possédant proportionnellement plus de grands électeurs que les États plus vastes, il arrive régulièrement qu'un candidat devienne président grâce à une majorité en termes de grands électeurs, même si le candidat adverse a obtenu plus de voix dans l'ensemble du pays.
Le parti démocrate et le parti républicain ne sont pas non plus des partis tels que nous les connaissons, avec une idéologie et un processus décisionnel interne clairs. Il s'agit plutôt de plates-formes ouvertes dédiées aux élections.
Chaque parti comporte différents courants qui constitueraient des partis distincts en Europe. Alexandria Ocasio-Cortez, par exemple, est une sociale-démocrate progressiste, mais elle évolue dans le même parti que la libérale Kamala Harris. Au sein du parti républicain, il existe également des divisions importantes entre les modérés et les pro-Trump. Mais étant donné que le système électoral favorise un choix entre deux candidats, tous les politiciens traditionnels se rallient aujourd'hui soit à Harris, soit à Trump.
En effet : un troisième candidat de droite (extrême) ne ferait que diviser le vote de droite et favoriserait donc la victoire d'Harris, alors qu'un troisième candidat de centre (gauche) assurerait celle de Trump.
Deuxième particularité de l'élection présidentielle étasunienne : dans au moins 40 des 50 États, le résultat est connu d'avance.
Prenons l'exemple de la Californie, l'État le plus peuplé. Là, les démocrates gagnent toujours. Les républicains ne gaspillent plus d'argent et d'efforts pour y faire campagne.
À l'inverse, les républicains l'emportent toujours dans certains États peu peuplés et ruraux, comme l'Idaho ou l'Alabama. C'est pourquoi les démocrates n'y font pas campagne.
Par conséquent, la bataille électorale se déroule dans ce que l'on appelle les « swing states », des États où la bataille est serrée et dont les grands électeurs peuvent se révéler déterminants pour la victoire finale. Cette fois-ci, il y a à peine sept États où se joue l'ensemble de la campagne : le Michigan et le Wisconsin au nord, la Pennsylvanie à l'est, l'Arizona et le Nevada au sud-ouest et la Géorgie et la Caroline du Nord au sud-est. Le vote de plus de 80 % des électeurs étasuniens n'a donc aucune importance.
Dernière caractéristique importante : ces élections sont dominées par l'argent. Des milliardaires et des grandes entreprises déboursent des sommes considérables pour soutenir l'un ou l'autre candidat, en échange d'un droit de regard sur la politique. En d'autres termes, il s'agit d'une forme légale de corruption.
Le fait que les intérêts de l'élite priment se voit également au niveau des candidats. Ces élections présidentielles sont en réalité un face-à-face au sein de l'establishment, avec d'un côté l'ex-président Trump, lui-même milliardaire, et de l'autre la vice-présidente Harris, qui vit entourée de conseillers de haut niveau, d'avocats d'élite et de cadres supérieurs de multinationales.
La classe travailleuse a beaucoup moins d'influence sur le processus électoral. Le fait que les élections se déroulent traditionnellement un mardi et non un dimanche ou un jour férié compliqué également le vote des travailleurs.
Les projets du milliardaire Trump pour plumer la classe travailleuse
De nombreux médias européens dépeignent Donald Trump comme un fou ou un clown qu'il ne faut pas prendre au sérieux. En réalité, c'est un politicien avisé qui a une réelle chance de redevenir président. Non pas en recueillant plus de voix qu'Harris, mais en obtenant plus de voix de grands électeurs des petits États et des « swing states », comme en 2016. Voyons ce que Trump prévoit de faire dans son pays.
Trump affirme à ses électeurs qu'il souhaite soutenir les travailleurs étasuniens ordinaires. Mais est-ce vraiment le cas ?
En tant que président, Trump a modifié les règles relatives aux heures supplémentaires. Conséquence : 8 millions de travailleurs étasuniens n'ont plus droit au paiement de leurs heures supplémentaires.
Il a également permis aux employeurs de licencier plus facilement leurs employés lorsque ceux-ci demandent une augmentation de salaire ou de meilleures conditions de travail.
Au cours de la dernière législature, la majorité républicaine au Congrès (le Parlement des États-Unis) a bloqué les propositions de loi visant à augmenter le salaire minimum fédéral, qui stagne depuis 2009. Aujourd'hui, Trump promet que, s'il gagne mais que les démocrates obtiennent la majorité au Congrès (un scénario probable), il utilisera son veto présidentiel pour empêcher le Congrès d'augmenter le salaire minimum.
Trump a également mis en place une réduction d'impôt pour les hauts revenus et les grandes entreprises. Un cadeau à lui-même et à ses alliés capitalistes. Mais cela n'a apparemment pas suffi, puisque Trump veut encore réduire ces impôts. Il désire même totalement supprimer les droits de succession pour les plus riches.
Les républicains veulent compenser l'impact de ces mesures sur le budget en réduisant les dépenses sociales. Pour que les choses soient claires : les étasuniens ordinaires ne bénéficient pas de ces réductions d'impôts, mais ils en subissent les effets.
Trump s'en prend aux syndicats et aux droits démocratiques
Lors d'un entretien en direct avec le richissime Elon Musk, Trump a déclaré que les travailleurs qui font grève devraient être licenciés. Il promet d'opposer son veto aux propositions de loi visant à faciliter la création d'un syndicat.
Les juges nommés par Trump prévoient même d'abroger la loi de 1935 autorisant les négociations collectives. Chaque employé devrait alors négocier lui-même son salaire et ses conditions de travail. Lorsqu'il était président,Trump a également placé à la tête du National Board for Labor Relations (un organisme qui régule les conflits sociaux) une personne qui a rendu l'organisation des syndicats aussi difficile que possible.
Cette position anti-syndicale est un exemple de la façon dont Trump s'en prend aux droits démocratiques du peuple étasunien. En affaires comme en politique, Trump souhaite prévenir toute résistance venant d'en bas.
Sa préférence pour un système politique autoritaire s'est clairement manifestée en janvier 2021, lorsqu'il a refusé d'accepter sa défaite électorale. L'appel qu'il a lancé à ses partisans pour qu'ils s'opposent à la passation de pouvoir a débouché sur la violente prise d'assaut du Capitole, le bâtiment du Parlement à Washington.
Si Trump peut redevenir président, il s'est préparé à ne pas céder le pouvoir à nouveau. Pour ce faire, il reçoit l'aide d'un groupe de réflexion conservateur qui a créé le « Project 2025 » qui, entre autres choses, se prépare à remplacer des dizaines de milliers de fonctionnaires fédéraux et de magistrats par des fidèles de Trump prêts à faire des entorses au protocole ou, dans certains cas, à enfreindre les lois, pour lui permettre d'atteindre ses objectifs.
Comment un milliardaire qui veut ouvertement plumer la classe travailleuse, museler les syndicats et démolir les droits démocratiques peut-il s'emparer du pouvoir ? En montant les gens les uns contre les autres.
Nous connaissons tous la tactique de Trump qui consiste à diviser pour mieux régner : répandre la haine contre les migrants, les musulmans, les femmes, les personnes LGBT+, etc. Il souhaite ainsi diviser et affaiblir la classe travailleuse étasunienne, afin qu'elle ne puisse pas se révolter collectivement contre la classe des milliardaires qui l'exploite et l'opprime.
Pour de nombreuses personnes, les conséquences de cette sinistre stratégie sont dramatiques. Songez aux millions de femmes qui ont perdu leur droit à l'IVG à cause d'une décision de la Cour suprême qui a été nommée par Trump. Trump s'oppose aujourd'hui à une loi nationale visant à légaliser à nouveau l'IVG dans tous les États.
Ou pensez aux nombreux réfugiés morts et blessés à la frontière avec le Mexique, où Trump a fait construire son mur ignoble et où les forces de l'ordre répriment violemment les migrants depuis lors. Aucun Étasunien ordinaire ne s'en porte mieux. Pourtant, la rhétorique raciste s'amplifie. Au lieu de « build the wall » (construisez le mur), comme il y a huit ans, Trump fait désormais scander à ses partisans : « mass deportation now ! » (déportez-les en masse maintenant !). Il souhaite expulser des millions de familles, des familles de travailleurs migrants qui souvent habitent, travaillent et vont à l'école aux États-Unis depuis des années. Trump gagne du soutien pour ce point en blâmant les migrants pour tout ce qui va mal, en allant jusqu'aux fake news sur les réfugiés qui mangeraient les animaux de compagnie des Étasuniens.
Républicains et démocrates s'alignent sur Chine
Sur le plan international, Donald Trump a déclaré que la Chine était l'ennemi numéro un. Pour contrer le développement de la Chine, il a initié un véritable changement de paradigme il y a huit ans. Depuis la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont toujours prôné le libre-échange1. À cette fin, les États-Unis ont créé des institutions internationales telles que l'Organisation mondiale du commerce et leur politique de mondialisation2. Les États-Unis en ont été le moteur après la chute de l'Union soviétique dans les années 1990 et 2000.
La mondialisation a été imposée au reste du monde, que ce soit par la manière douce ou par la force. Pendant longtemps, elle a surtout profité aux multinationales étasuniennes, mais face à l'avancée économique de la Chine, Trump a été le premier président à changer de cap et à réinstaller des droits de douane à l'importation de certains biens et services chinois. Certaines entreprises chinoises, comme Huawei, ont même été interdites aux États-Unis. Si Trump est réélu, il promet d'introduire des droits de douane de 60 % sur tous les produits chinois.
Dans son livre Mutinerie, Peter Mertens décrit comment la montée en puissance de la Chine contribue à un monde en mutation dans lequel la position des États-Unis en tant que première superpuissance est remise en question.
Ainsi, même les démocrates, qui ont été les plus fervents défenseurs du libre-échange pendant des décennies, ont suivi l'orientation protectionniste de Trump. Les droits de douane que Trump a introduits contre la Chine ont été maintenus sous la présidence de Joe Biden et même complétés par de nouvelles restrictions à l'importation et à l'exportation de technologies stratégiques. Les droits d'importation sur les voitures électriques chinoises ont même été portés de 25 à 100 %.
Joe Biden a également brisé le tabou de la politique industrielle avec son « Inflation Reduction Act », le plus grand programme de subventions industrielles depuis la Seconde Guerre mondiale. Avec 800 milliards de dollars de subventions, Washington tente d'attirer aux États-Unis les investissements dans les technologies stratégiques.
Bien qu'il y ait certaines différences dans leur approche, Trump et Biden avancent dans la même direction. Et cette direction est celle d'une nouvelle guerre froide. En effet, les États-Unis tentent également de convaincre leurs alliés de réduire leurs échanges avec la Chine.
La pensée en bloc de la guerre froide est de retour : au siècle dernier, il y avait le bloc des États-Unis contre le bloc de l'Union soviétique. Aujourd'hui, Washington voudrait à nouveau former un tel bloc contre la Chine. Cette stratégie n'est pas innocente, car la guerre commerciale des États-Unis et leur constitution d'un bloc contre la Chine comportent un risque d'escalade militaire. Dans ce cas, une troisième guerre mondiale ne serait pas loin.
Les États-Unis rendent le génocide à Gaza possible
Dans un contexte où les États-Unis se battent pour préserver leur empire, les différents courants politiques se rapprochent également sur d'autres questions internationales. On dit souvent de Trump qu'il est « pro-russe », mais en réalité, démocrates et républicains souhaitent à peu près la même chose : que l'Europe n'achète pas de gaz naturel russe mais étasunien, et que les pays européens de l'OTAN augmentent leurs dépenses militaires pour contenir la Russie, laissant les États-Unis libres de se concentrer sur la Chine.
Un autre exemple de cette focalisation stratégique sur la Chine est le retrait d'Afghanistan, négocié par Trump et mis en œuvre par Biden.
Même au Moyen-Orient, les différences ne l'emportent pas sur les similitudes. Donald Trump se présente comme le « meilleur ami d'Israël » et est proche depuis des années du Premier ministre israélien d'extrême droite Benjamin Netanyahu, qui est actuellement responsable de la guerre à Gaza et au Liban. En tant que président, Trump a clairement indiqué qu'il rejetait le droit des Palestiniens à un État lorsqu'il a déplacé l'ambassade des États-Unis en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem. En vertu du droit international, cette ville est la capitale des territoires palestiniens et est illégalement occupée par Israël.
En outre, Trump a donné le coup d'envoi des « accords d'Abraham », une série de réconciliations diplomatiques entre Israël et les pays arabes et nord-africains. Leur objectif stratégique est de mettre en place une coalition régionale contre l'Iran, dirigée par Israël. Sous Biden, de nouveaux accords d'Abraham ont été conclus, bien que son administration ne parle pas bruyamment de guerre contre l'Iran comme le fait Trump.
Les démocrates continuent de soutenir le droit des Palestiniens à disposer d'un État dans leurs paroles, mais leurs actions disent le contraire. L'administration Biden n'a rien fait au cours de l'année écoulée pour mettre un terme à la guerre d'Israël et au potentiel génocide à Gaza, alors que Washington dispose de nombreux moyens pour maintenir Tel-Aviv dans le droit chemin s'il le souhaite. Pire encore, la guerre serait même impossible sans le soutien actif des États-Unis.
Depuis le 7 octobre 2023, les États-Unis envoient chaque mois des armes et des munitions à Israël, pour un total de plus de 50 milliards de dollars. Le dernier programme d'aide comprenant des avions de combat et des bombes a été approuvé par le gouvernement étasunien le 14 août. Aucun président n'a jamais apporté autant de soutien militaire à Israël que Joe Biden. Au cours de la convention nationale des démocrates3, Kamala Harris a rappelé qu'elle soutiendra toujours Israël.
Une situation complexe pour la gauche étasunienne
Pour de nombreux jeunes Étasuniens actifs dans le mouvement de protestation contre la guerre à Gaza, cela a été le facteur décisif pour se détourner de l'ensemble du système bipartisan. Les tentatives visant à faire pression sur les démocrates pour qu'ils imposent un embargo sur les armes à Israël et se prononcent en faveur d'un cessez-le-feu se sont heurtées à un mur. Kamala Harris s'est moquée des militants qui ont interrompu son discours et a refusé qu'un Palestinien prenne la parole lors de la convention nationale du parti démocrate, alors qu'un Israélien a pu s'exprimer.
Le mouvement pro-palestinien appelle donc à ne voter ni pour Trump ni pour Harris. Tout comme le mouvement contre la guerre au Vietnam des années 1960 avait également boycotté les élections parce que les deux partis étaient favorables à la poursuite de la guerre.
De nombreux syndicats, dont l'United Auto Workers (UAW), critiquent également les politiques de Biden et Harris et soutiennent l'appel à un cessez-le-feu à Gaza.
Pourtant, Shawn Fain, dirigeant de l'UAW, a exprimé son soutien à Harris lors de la convention nationale du parti démocrate. Pour lui, l'attitude à l'égard des syndicats est déterminante. Dans son discours, Fain a souligné que Joe Biden avait été le premier président à se rendre sur un piquet de grève, et a qualifié Trump de « briseur de grève » pour avoir refusé de soutenir une grève importante chez General Motors dans l'Ohio en 2019.
Shawn Fain n'est certainement pas d'accord avec tout ce que font les démocrates, mais en ce qui concerne les droits syndicaux, les mandats de Trump et de Biden ont été comme le jour et la nuit.
Par exemple, le chef du Conseil national du travail nommé par Donald Trump a interdit aux syndicats de s'organiser dans les universités privées. La personne que Joe Biden a nommée à sa place a annulé cette interdiction. Cela a permis à l'UAW de créer un syndicat pour les doctorants de la prestigieuse université CalTech en Californie.
Ce n'est que lorsque la classe ouvrière a la liberté de s'organiser qu'elle peut riposter. C'est pourquoi la plupart des syndicalistes de gauche appellent à voter contre Donald Trump afin qu'il soit encore possible de poursuivre la lutte sous Kamala Harris.
Une partie de la gauche, quant à elle, tente de sortir de l'impasse du système bipartisan. Par exemple, Jill Stein, candidate du parti écologiste, tente d'attirer les électeurs démocrates qui veulent protester contre le soutien à Israël ou contre le fait que Biden a permis de pomper plus de combustibles fossiles que n'importe quel autre président.
Le philosophe socialiste et antiraciste Cornel West se profile également comme candidat indépendant.
Claudia de la Cruz est candidate pour le Party for Socialism and Liberation (PSL), un parti de gauche anticapitaliste qui souhaite profiter de l'élection présidentielle pour diffuser son message auprès d'un public plus large.
De son côté, un autre parti de gauche, le Democratic Socialists of America (DSA), a décidé de ne pas participer lui-même, mais aussi de ne pas soutenir Kamala Harris. Ils se concentrent principalement sur les élections parlementaires, où ils tentent de faire élire des candidats de gauche par le biais des listes électorales des démocrates.
L'Europe a besoin d'une trajectoire indépendante
Pour la classe travailleuse étasunienne, Trump représente une menace plus grande que Harris. Pour les Palestiniens de Gaza, il n'y a guère de différence. Mais quels sont les enjeux pour nous en Europe ? Une victoire de Trump accélérerait la guerre froide avec la Chine et ferait le jeu des forces d'extrême droite en Europe, de Viktor Orbán en Hongrie à Giorgia Meloni en Italie, en passant par Tom Van Grieken en Belgique. Mais une victoire de Harris ne serait pas non plus favorable à la paix et à l'économie européenne, avec des politiques à l'égard de la Chine similaires à celles des républicains.
Trump ou Harris au pouvoir, si l'Europe laisse les États-Unis l'entraîner dans une guerre froide contre la Chine, les conséquences seront dramatiques.
En 2023, la valeur totale des échanges de marchandises entre la Chine et l'Union européenne s'élevait à près de 740 milliards d'euros. Participer à une guerre commerciale contre la Chine équivaut donc à un suicide économique pour l'UE.
En particulier pour l'Allemagne, moteur de l'économie européenne dont dépend également une grande partie de l'économie belge. Pendant des années, la croissance économique allemande a reposé sur deux piliers : l'importation d'énergie bon marché en provenance de Russie et l'exportation de produits industriels vers la Chine. Sous la pression des États-Unis, l'Union européenne a déjà imposé un embargo sur l'énergie russe en guise de « sanction » pour l'invasion de l'Ukraine (une sanction qui affecte davantage l'UE que la Russie). Le président Biden a ensuite conclu un accord avec l'UE pour remplacer le gaz naturel russe bon marché par du gaz de schiste étasunien beaucoup plus cher et polluant.
L'augmentation des coûts de l'énergie dans l'industrie menace de faire entrer l'Allemagne et la Belgique en récession. Si les usines européennes ne peuvent plus exporter autant de produits vers la Chine, l'économie allemande, et donc européenne, s'effondrera complètement.
En outre, les États-Unis ciblent l'industrie européenne. Le « Inflation Reduction Act » de Joe Biden rend encore plus attrayantes les activités des multinationales européennes de l'autre côté de l'Atlantique. Des entreprises comme Volkswagen, Tesla et ArcelorMittal menacent d'annuler des investissements prévus en Europe parce que les États-Unis accordent des dizaines de milliards de dollars de subventions. Si nous en arrivons là, des milliers d'emplois bien rémunérés nous échapperont.
Trump veut encore en rajouter : il veut introduire une taxe à l'importation de 10 % sur les produits provenant du monde entier, y compris de l'Europe. Après la Chine, les États-Unis sont le principal pays importateur des biens produits en Allemagne et dans d'autres pays de l'UE. Une telle taxe à l'importation inciterait donc encore plus d'entreprises à délocaliser leur production de l'autre côté de l'océan.
Dans ce contexte économique, les États-Unis exigent également que les pays européens membres de l'OTAN augmentent fortement leurs dépenses militaires. D'abord à au moins 2 % du PIB, puis certainement plus.
Là encore, Trump et Harris sont d'accord. Ils veulent que l'Europe soit en mesure de reprendre les livraisons d'armes à l'Ukraine et, de manière générale, de « dissuader » la Russie elle-même afin que l'armée étasunienne puisse se préparer à une éventuelle guerre avec la Chine.
Pour la Belgique, la norme de 2 % représente une augmentation annuelle d'au moins 5 milliards d'euros.
Dans le même temps, l'Union européenne a encore ressorti ses règles budgétaires strictes. Pour la Commission européenne, la Belgique doit économiser 27 milliards, et en même temps, notre pays devrait injecter 5 milliards supplémentaires dans la défense. L'establishment européen tentera de répercuter le coût sur la classe travailleuse sous la forme d'austérité, d'une augmentation des impôts et d'une baisse des salaires. Ainsi, la lutte pour notre pouvoir d'achat et nos droits sociaux est liée à la lutte pour une politique européenne autonome dans tous les domaines (commerce, énergie, défense...), indépendante des États-Unis d'Amérique.
Notes
1 Le libre-échange est un commerce réciproque avec le moins de tarifs douaniers ou d'autres restrictions possible. L'inverse du libre-échange est le protectionnisme. Les subventions publiques nationales à l'industrie sont également considérées comme une distorsion du libre-échange et donc des politiques protectionnistes. Dans la pratique, la plupart des superpuissances combinent libre-échange et protectionnisme, en fonction de la situation.
2 La mondialisation est le processus d'ouverture de tous les marchés nationaux au commerce international, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus qu'un seul marché mondial.
3 Les démocrates et les républicains organisent tous deux une convention nationale au cours de l'été précédant chaque élection présidentielle afin de désigner officiellement un candidat à la présidence. Dans la pratique, le candidat est alors généralement déjà établi et présente son programme lors de la convention. Les conventions sont avant tout de grands spectacles électoraux, avec des dizaines de discours destinés à enflammer l'électorat.
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Le Canada, son histoire coloniale et le Moyen-Orient

En ces temps difficiles, ma mémoire me replace inévitablement à Madrid un 11 mars 2004. À cette époque, j'ai été témoin de l'attentat le plus sanglant que mon pays natal ait connu en démocratie. Cent quatre-vingt-treize personnes ont perdu la vie et deux mille cinquante ont été blessées à des degrés divers.
L'Espagne, alors gouvernée par José María Aznar, leader du Parti populaire, avait décidé de participer à la guerre et à l'occupation de l'Irak aux côtés de George Bush et de Tony Blair. Des millions de personnes manifestaient dans le monde entier contre la guerre et contre l'occupation d'un pays qui, situé à des milliers de kilomètres de notre réalité quotidienne, était devenu du jour au lendemain aux yeux des médias de communication une base de production d'armes de destruction massive qui mettrait en danger toute la population mondiale.
Cette guerre a mené à des attaques à Madrid, Londres, Paris et dans d'autres villes européennes. Et ceux et celles d'entre nous qui ont compris que cette guerre n'était pas notre guerre mais celle de ceux qui voulaient voler le pétrole irakien, ont subi la colère de ceux qui cherchaient à se venger. Dans ces moments-là, nous étions contre la guerre. Nous étions solidaires avec le peuple irakien et avec nos victimes.
Les jours suivants, des élections générales ont eu lieu et le gouvernement du parti populaire perdait ses élections en faveur du gouvernement socialiste qui, dès son arrivée au pouvoir, retira les troupes espagnoles d'Irak.
Nous venons de célébrer au Canada la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Cette journée est l'occasion de rendre hommage aux enfants qui n'ont jamais pu retourner chez eux et aux survivant.es des pensionnats ainsi qu'à leurs familles et leurs communautés. Une journée qui reconnait in fine une période de conquête, de pillage, de domination culturelle et de génocide.
Face à cette reconnaissance des crimes passés, une autre s'impose à nous, du moins son absence. Nous vivons actuellement un autre génocide en Palestine qui est retransmis en direct sur nos écrans. Le parti pris, l'incompréhensible justification et soutien aux actions d'Israël, la désinformation servie aux citoyen.nes sur la légalité internationale et les différentes conventions que l'État d'Israël a violées dans son offensive contre les Palestiniens de Gaza et maintenant au Liban, ont laissé orphelin.es celles et ceux qui auraient espéré se voir refléter dans les actualités. Des canadien.nes d'origines diverses souffrent pour leurs familles et ami.es dans cette partie du monde.
Il est difficile de vivre dans ce pays contradictoire qui, d'une part, reconnaît ses mauvaises actions passées et qui, de l'autre, permet et tolère, quand il n'encourage pas avec ce fallacieux prétexte qu'Israël a le droit de se défendre, des crimes similaires à ceux que les Français et Les Anglo-Saxons ont perpétré contre les premières nations de ce pays.
Il est douloureux de voir comment des amis continuent de vivre depuis des décennies dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban, dans l'espoir de retourner un jour dans leur terre d'origine. De bonnes personnes, dévouées aux autres et qui accomplissent un énorme travail humanitaire avec des ressources minimes pour assurer une couverture à celles et ceux qui n'ont rien. Il est intolérable d'un point de vue humain de constater la passivité nourrie par les médias et la classe politique, qui vit de la délégation citoyenne, face à ce qui se passe au Moyen-Orient.
La déshumanisation des sociétés arabes est inconcevable si l'on recherche véritablement un monde de paix fondé sur des normes mondiales et des relations justes. Gober les récits de ceux qui justifient le droit d'Israël à se défendre, revient à légitimer la destruction de Gaza et la mort de milliers de civils palestiniens et maintenant libanais. L'accepter signifie que n'importe lequel d'entre nous, simples mortels d'une époque turbulente, peut être sacrifié, à tout moment et pour des intérêts géopolitiques, comme l'étaient les premières nations du Canada à leur époque quand les colons ont décidé de leur avenir sur des terres qu'elles n'ont jamais cédées.
Si nous, au Canada, savons que ce qui a été fait aux Premières Nations est un chapitre très sombre de notre histoire, pourquoi le gouvernement canadien et le gouvernement du Québec appuient-ils inconditionnellement la colonisation de la Palestine et l'extermination de ses Premières Nations ?
L'éthique et l'humanité politique, lorsqu'elles se perdent, engendrent des monstres. Ceux de notre temps, mus par différents motifs, ont des noms et des prénoms, mais ils n'existent pas seuls. Ils ne pourraient pas sévir sans la complaisance de ceux qui leur offrent une couverture politique, économique et médiatique.
Aujourd'hui, la guerre au Moyen-Orient est plus que jamais imminente. Chaque personne devra à présent faire son examen de conscience : qu'avons-nous fait, de quel côté étions-nous, qu'est-ce qui a été fait en notre nom à des familles inconnues et qui, à l'instar des nôtres, sont composées de pères, de mères, de filles et de frères.
Donner un coup de pied dans la fourmilière sous prétexte de rendre le monde plus sûr est une illusion à laquelle personne ne peut croire. Les gouvernements disposent d'outils pour garantir la paix. Ne pas les utiliser, c'est laisser passer l'impunité et ouvrir ainsi un espace pour que celles et ceux qui vivent dans le désespoir et à qui on a tout enlevé, y compris leur droit de se voir reflétés de manière juste et humaine dans les médias, trouvent d'autres manières de nous faire comprendre qu'eux aussi ont droit à la vie et à la reconnaissance.
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La voix et le nom de la Palestine : une cause des femmes cubaines

La Palestine est une femme, elle est une mère et elle est encore terre. Trois raisons pour lesquelles les Cubaines résistent de manière soutenue. Honneur, sacrifice et nation sont trois piliers que nous soutenons ensemble chaque jour, tout en défendant nos patries contre toute tentative d'oppression et de domination.
Tiré de Boletin las Americas
https://mmmboletinlasamericas.weebly.com/fr-cuba-oct-2024.html
Por Aime Sosa Pompa
Palestine des yeux et des tatouages ;
Palestine de nom ;
Palestine de rêves et de peines ;
Palestine des pieds ; du corps et du mouchoir ;
Palestine en paroles et en silence ;
Palestine de voix ;
Palestine de mort et de naissance.
Amoureuse de la Palestine" Mahmoud Darwish.
La Palestine est une femme, elle est une mère et elle est encore terre. Trois raisons pour lesquelles les Cubaines résistent de manière soutenue. Honneur, sacrifice et nation sont trois piliers que nous soutenons ensemble chaque jour, tout en défendant nos patries contre toute tentative d'oppression et de domination.
Le 30 mars, Journée de la terre palestinienne, la Fédération des femmes cubaines (FMC) a fait entendre sa voix encore plus fort, multipliée dans notre fédération : Femmes, jeunes, adolescents et filles de cet archipel pour continuer à dénoncer le génocide que le gouvernement sioniste d'Israël exécute impunément.
Depuis des décennies, notre organisation a levé les bras en soutien et solidarité avec la cause palestinienne, pour les femmes qui ont subi pendant 76 ans incessantes attaques, bombardements, perquisitions et persécutions.
La destruction de logements et le manque d'eau ou d'électricité sont en train de se produire, ainsi que des abus sexuels et des délits qui sont partagés sur les réseaux sociaux. Ces actions constituent de graves violations du droit international humanitaire. C'est pourquoi nous ne sommes pas indifférents et ne le serons pas.
Les assemblées précédant le XIe Congrès ont été des journées pour les messages pour l'espoir d'une Palestine libre. Le conclave de l'organisation qui regroupe environ quatre millions de femmes fédérées dans la plus grande des Antilles a été une autre occasion où une déclaration de solidarité avec la cause a été publiée.
Au cours de la clôture, le message vidéo de la dirigeante historique Leila Khaled, l'une des premières à s'être jointe à la lutte armée contre l'occupation, a été émouvant. Récemment, lors de la VIIème Rencontre de Psychodrame Féministe, Cuba 2024, du Réseau Sud Amérique Latine et les Caraïbes, ont échangé sur le sujet Teresa Amarelle Boué, secrétaire générale de la FMC, Dr. Akram Mohamed Samhan, ambassadeur de l'État de Palestine, Úrsula Hauser et Maja Hess, Des psychodramaturges qui ont travaillé en Palestine pendant 20 ans, aux côtés d'étudiants de ce pays et de représentants d'autres institutions nationales et étrangères.
La FMC a signé l'appel "Appui aux femmes palestiniennes et contre le génocide" qui a été remis au Coordonnateur résident des Nations Unies à Cuba, M. Francisco Pichón.
La fédération cubaine fait partie des 340 organisations de plus de 40 pays du monde entier qui demandent par ce message au Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, qu'on arrête l'extermination qui porte dans sa grande majorité des visages et des vêtements ensanglantés de femmes à côté des rêves brisés d'enfants innocents.
Depuis 1947, la lettre et l'esprit de la Charte des Nations Unies sont violés, de plus en plus d'êtres humains meurent dans les décombres. En ce moment même, des femmes et des enfants sont tués, blessés et déplacés de leurs foyers en Palestine. Il s'agit d'une répression brutale qui n'a aucune justification. Les images sont déchirantes, comme beaucoup de gens ont pu les percevoir avec des spasmes incontrôlables et des pleurs devant l'horreur de la réalité virtuelle sur le stand de la chaîne panarabe Al Mayadeen pendant le III Colloque International de communication politique Patria.
C'est ainsi que la journaliste américaine d'origine palestinienne Susan Abulhawa décrit ses derniers jours dans la région :
« Je pensais avoir compris la situation sur le terrain. Mais je me trompais. Rien ne peut vraiment vous préparer à cette dystopie. Ce qui parvient au reste du monde n'est qu'une fraction de ce que j'ai vu jusqu'à présent, qui n'est qu'une fraction de la totalité de cette horreur. Gaza est un enfer, un enfer rempli d'innocents qui luttent pour respirer. Mais même l'air est brûlant. Chaque respiration râpe et colle à la gorge et aux poumons. Ce qui était autrefois vivant, coloré, plein de beauté, de potentiel et d'espoir, contre toute attente, est aujourd'hui recouvert de misère et de boue grise. Les journalistes et les politiciens parlent de guerre. Les personnes informées et honnêtes parlent de génocide. Ce que je vois, c'est un holocauste ».
Face à ces cruelles attaques contre les civils et à la culpabilité des puissances impérialistes et de leurs complices, un groupe de femmes cubaines a créé le mouvement Juntas Por Palestina (Ensemble pour la Palestine).
En guise d'action de solidarité, elles ont décidé de se débarrasser de leurs cheveux, de les raser et de publier des vidéos pour condamner le pillage de toutes ces vies avec une affirmation forte et réelle : « les cheveux poussent, un garçon ou une fille assassinée(e) ne pousse pas ».
Ainsi, 76 femmes au total, une pour chaque année d'occupation, ont rendu hommage à tous ceux qui résistent ou qui ont souffert dans leur corps et leur territoire.
D'autres militants du Mexique, du Brésil, de l'Argentine, du Paraguay, de Porto Rico, du Venezuela, de Belgique, du Royaume-Uni et d'autres pays se sont joints à l'appel.
« Vous vous sentez petites parce que vous êtes incapables de faire quoi que ce soit de concret pour soulager les besoins et les pertes catastrophiques, et parce que vous réalisez qu'ils sont meilleurs que vous, parce qu'ils restent généreux et hospitaliers dans un monde qui a été si peu généreux et inhospitalier pour eux pendant si longtemps.
Lors des marches organisées dans tout le pays, en particulier celle du 2 mars, les fédérations ont réclamé, avec le peuple cubain, la liberté pour la Palestine au moyen de foulards, de banderoles et d'autres initiatives.
Cuba a été inondée de tous les actes de solidarité avec le peuple palestinien frère. Parce qu'il ne peut y avoir ne serait-ce qu'une minute de silence face à tant de vies anéanties en toute impunité. C'est pourquoi les femmes cubaines continueront à se rassembler dans une marche unie, comme le font des milliers de personnes dans le monde, pour condamner les bombardements, les massacres, la persécution et la privation de services vitaux pour la vie.
« Le génocide ... est l'anéantissement intentionnel. D'histoires, de souvenirs, de livres et de culture. L'anéantissement du potentiel d'une terre. L'anéantissement de l'espoir.
Nous savons que ce n'est pas une guerre. L'extermination a le visage d'une femme et de l'enfance. Des témoignages de ce type ont été partagés lors d'un échange émouvant entre Teresa Amarelle Boué et la ministre palestinienne des affaires féminines, Amal Hamad.
La secrétaire générale de la FMC a réitéré son soutien indéfectible à la cause et a condamné l'atroce génocide. Un exemplaire du livre « Vilma : une vie extraordinaire » a été remis à la ministre, qui a souligné la solidarité permanente du gouvernement et du peuple cubains.
En guise de remerciement, elle a remis au plus haut représentant de la FMC un mouchoir brodé par des mains gazaouies. Nous devons continuer à dénoncer, car aujourd'hui, depuis quelques minutes, des hélicoptères, des chars et des drones tirent des coups de feu mortels sur des civils, pour la plupart des enfants et des femmes.
« Personne ne peut penser à ce qui se passera après un cessez-le-feu, personne ne peut avoir d'espoir. Tout ce qu'ils peuvent espérer pour l'instant, c'est que les bombes cessent de tomber. C'est une exigence minimale. La reconnaissance minimale de l'humanité palestinienne ».
Au moment où ces lignes sont écrites, le Washington Post confirme le transfert de bombes et de 25 avions de chasse et de leurs moteurs à « Israël » pour une valeur de plusieurs milliards de dollars, plus de 1 800 bombes MK 84 pesant 2 000 livres et 500 bombes MK 82 pesant 500 livres, rapporte le réseau Al Mayadeen sur sa chaîne Telegram.
Si les hommes d'État veulent des chiffres : plus de 40 000 morts, plus de 95 000 blessés, et 70 % des tués sont des femmes et des enfants. Mais ce ne sont pas des chiffres, ce sont des horreurs et de l'indignation. Si vous voulez une preuve supplémentaire de l'immobilisme d'un monde soi-disant civilisé, souvenons-nous de la photo montrant deux corps : celui d'une mère palestinienne qui est morte en embrassant sa petite fille lorsque les missiles des avions de guerre sionistes sont tombés sur sa maison dans la ville de Gaza.
C'est ainsi que meurent les familles, enlaçant leurs enfants pour tenter de les sauver d'une barbarie que seuls les courageux révèlent et que les lâches taisent.
« Mais l'histoire ne mentira pas. L'histoire retiendra qu'Israël a perpétré un holocauste au XXIe siècle ».
Extraits de l'article « L'histoire retiendra qu'Israël a commis un génocide » écrit par l'écrivaine et activiste Susan Abulhawa lors de sa visite à Gaza en février et début mars, traduit pour Rebelión par Paco Muñoz de Bustillo,
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Non à la marchandisation des opérations chirurgicales !

Nous avons appris avec stupeur la volonté du ministre Dubé d'offrir une vingtaine d'opérations additionnelles aux centres médicaux spécialisés privés. Elles viendraient s'ajouter à celles de la cataracte, du genou et de la hanche.
Incapable de résorber les listes d'attente, le gouvernement tente de faire bonne figure en présentant le recours aux cliniques privées comme un complément aux services de notre réseau public. Or, c'est plutôt une infection qui s'insinue et ronge peu à peu les organes d'un réseau public qui faisait jadis notre fierté.
À la Coalition solidarité santé, nous sommes très inquiets de la trajectoire empruntée par le gouvernement ces dernières années. Le bassin de main-d'œuvre en santé et services sociaux est limité, et le secteur privé fonctionne comme un vase communicant avec le secteur public : on déshabille Paul pour habiller Jacques. Cette dynamique accentue la pénurie de personnel qui affecte directement la qualité et l'accessibilité des soins pour la population.
La privatisation contribue également à la déstructuration du réseau. En effet, le ministre permet aux centres médicaux spécialisés de sélectionner uniquement les cas les plus rentables, opérés durant les plages horaires de jour, laissant les interventions plus complexes ou à risque de complications au secteur public. Ce cercle vicieux entraîne une aggravation de la situation : plus le privé se développe, plus le personnel doit couvrir des quarts moins attractifs dans le public ; et plus l'expertise et les effectifs désertent le réseau. Le ministre se plaint alors que plusieurs opérations ne puissent être réalisées dans le réseau public faute de personnel.
Des opérations ‘'gratuites'' qui coûtent cher
Le ministre ne cesse de répéter sur toutes les tribunes que les soins offerts dans les centres privés seront ‘'gratuits''. C'est faux ! S'il reconnaît déjà que le recours aux agences de personnel privé est plus coûteux, pourquoi entretient-il soigneusement l'opacité sur le coût des chirurgies pratiquées dans ces cliniques spécialisées ? La facture sera beaucoup plus salée et elle devra être assumée par les impôts des contribuables.
L'exemple de la Colombie-Britannique devrait pourtant nous servir de mise en garde. Après avoir constaté à quel point les procédures au privé étaient plus chères, cette province a dû commencer à racheter certaines installations privées pour limiter les dégâts financiers. Pourquoi ne pas tirer dès maintenant les leçons de ce qui a été fait ailleurs, au lieu de plonger tête baissée dans la même impasse ?
Si le gouvernement a les moyens de verser ces sommes au privé, pourquoi ne pas plutôt les investir dans la modernisation et l'optimisation de notre réseau public ? Pourquoi choisir de favoriser la marchandisation des soins et services offerts à la population ? Pourquoi n'adopte-t-il pas plutôt une approche préventive, notamment en agissant sur les déterminants sociaux de la santé, au lieu de se concentrer sur une approche purement curative et donc plus onéreuse ?
Pourquoi persiste-t-il à centraliser et à éloigner toujours plus le citoyen de la prise de décision en transférant leur pouvoir à une poignée de gestionnaires, souvent issus du secteur privé ? Et pourquoi démanteler notre modèle universel, qui garantissait à tous un accès égal aux soins, pour le remplacer subrepticement par un système calqué sur le modèle américain ? Ce dernier, controversé et inéquitable, fait dépendre le droit à la santé de la capacité de payer — une dérive coûteuse qui trahit les valeurs mêmes d'équité et de justice sociale qui devaient animer notre système.
Ce sont des questions fondamentales que nous devons nous poser collectivement si nous souhaitons restaurer l'accès à un réseau réellement public, universel et équitable.
Sophie Verdon et Geneviève Lamarche
Co-coordonnatrices de la Coalition solidarité santé
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Nous voulons que le Québec se dote d’un système d’éducation équitable

Il est temps de mettre fin à la ségrégation scolaire causée par les réseaux privé subventionné et public sélectif. Retrouvez ici nos principaux constats sur le « modèle » québécois et ses conséquences, de même que les principes qui nous permettront collectivement de faire enfin école ensemble.
tiré du site L'école ensemble | https://www.ecoleensemble.com/notre_cause
L'école québécoise est injuste
Soumises à un marché scolaire, les écoles se battent entre elles pour obtenir les élèves les plus payants. Payants au sens où leurs parents doivent pouvoir payer des frais élevés. Mais payants aussi en ce qui concerne les résultats : trier ses élèves pour ne garder que les plus forts permet aux écoles de bien paraître dans les palmarès…
Il faut comprendre que ce sont les écoles sélectives qui choisissent leurs clients et non l'inverse !
Ces écoles sont toutes financées par les contribuables ! Les mettre en concurrence est absurde. L'intérêt des enfants et leur éducation sont secondaires dans le modèle québécois actuel.
La sélection est cruelle pour les élèves et stressante pour les parents.
Les conséquences de cette situation indigne d'une société démocratique devraient tous nous interpeller.
Un modèle ?
Il faut rappeler sans complaisance les principales caractéristiques du « modèle » québécois en éducation :
Les écoles « privées » sont subventionnées par l'État. Un élève du privé reçoit en fonds publics 75 % du montant que reçoit un élève équivalent du réseau public.
La part de marché du réseau privé subventionné augmente. De 5 % en 1970, elle est aujourd'hui de 21 % au secondaire. Elle atteint même 39 % à Montréal et 42 % à Québec.
Les autorités ont répondu à l'écrémage des écoles publiques par le privé en créant un réseau public sélectif doté lui aussi du droit de sélectionner sa clientèle : le nombre d'élèves admis au public sélectif est estimé au secondaire à au moins 20 %.
En parallèle, l'école publique ordinaire voit sa tâche alourdie : elle compose avec une surreprésentation d'élèves défavorisés et en difficulté.
Cette nouvelle composition de la classe ordinaire, de plus en plus écrémée, renforce l'attrait du privé subventionné et du public sélectif, et agit à la baisse sur les résultats scolaires, la persévérance scolaire et la cohésion sociale.
Des conséquences néfastes pour les élèves et la société
Il en résulte un système d'éducation inefficace et inéquitable, le plus inégalitaire au pays. Décrochage scolaire (plus haut taux au pays), décrochage enseignant (un quart des enseignants quittent la profession durant leurs cinq premières années sur le marché du travail), alphabétisation insuffisante (53 % des 16-65 ans ont des compétences faibles ou insuffisantes en littératie) et perpétuation des inégalités résultent du système d'éducation que les Québécois se sont donné.
Ce n'est pas pour rien que l'ONU a demandé formellement en 2020 au gouvernement du Québec de lui préciser quelles étaient « les mesures prises pour assurer l'égalité d'accès à l'éducation dans le cadre du système scolaire à trois niveaux au Québec, indépendamment de la situation économique des parents ». L'UNESCO a aussi pointé le Québec du doigt dans son rapport sur l'école privée de décembre 2021.
Depuis la publication en 2016 du rapport phare Remettre le cap sur l'équité du Conseil supérieur de l'éducation, il n'est plus possible d'ignorer que le système d'éducation du Québec foule aux pieds le principe d'égalité des chances.
Solutions
Rendre équitable un système déséquilibré par plus d'un demi-siècle de concurrence scolaire est un défi de taille.
À ce défi, nous répondons avec le Plan pour un réseau scolaire commun.
C'est un plan pragmatique, ambitieux et innovant. Prenez-en connaissance ici.
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Les étincelles de rébellion et d’espérance de Droit de Parole

Ce n'est pas rien... 50 ans de vie pour un journal qui se dédie aux luttes urbaines et populaires des quartiers centraux de la ville de Québec !
Avec l'aimable autorisation de l'auteur.
Surtout si on relie ces 5 décennies passées au contexte social et politique d'aujourd'hui où la rumeur des grands médias officiels, alliée à celle bavarde et fragmentée des médias sociaux, ont peu ou prou transformé le traditionnel 4-ième pouvoir des médias1 en un pouvoir largement sous influence.
Comment dans ce contexte médiatiquement si asphyxiant, ne pas trouver quelque chose de prometteur et d'encourageant, à cette présence obstinée du journal Droit de parole sur la scène médiatique de la Capitale nationale ?
Après tout, il ne s'agit que d'un journal militant d'information locale tiré sur papier à quelque milliers d'exemplaires, rappelant avec le peu de moyens dont il dispose les préoccupations de « la société civile d'en bas » ainsi que ses aspirations à « un autre monde possible ». Car ce que Droit de parole a toujours cherché à faire, c'est de rendre compte des exaspérations et préoccupations de ceux et celles qu'on oublie trop souvent, tout comme des raisons de fond –économiques, environnementales et culturelles— qui les mobilisent et les font vouloir se faire entendre coûte que coûte.
C'est là une bataille toujours à recommencer entre le petit David armé de sa seule fronde de journaliste artisan, et le géant Goliath bombant le torse et paradant sous l'armure de ses algorithmes tout puissants ?
L'élan subversif des années 1970 ?
Il faut dire que Droit de parole est né dans une époque faste pour les luttes sociales et politiques, celle des années 1970, dont il a sans doute gardé une partie de l'élan subversif.
C'était une époque dont nous sommes loin aujourd'hui et qui emportait avec elle d'intenses volontés de changement collectives, elles-mêmes marquées par une audace et un optimisme tels que tout paraissait possible, jusqu'à l'idée de faire naître un pays, le pays du Québec.
C'était une époque où les groupes de citoyens étaient particulièrement actifs et entreprenants et où surtout il existait au Québec un projet collectif à travers lequel les luttes les plus locales prenaient un sens et pouvaient s'inscrire dans la durée.
Droit de parole était d'abord l'instrument médiatique, l'organe de presse des groupes communautaires ou comités de citoyens en lutte. Il était donc très directement leur porte-voix, l'expression même de leurs combats : une sorte de mini quatrième pouvoir plus militant, dénonciateur et critique que celui de ses porte-parole officiels ; susceptible donc de contrebalancer les énormes pressions qu'il subissait déjà.
C'est là que s'est forgé le projet de fond de Droit de parole : faire contrepoids au pouvoir des puissants ; faire entendre la voix des sans voix ; et surtout ne pas craindre de le faire, à l'encontre des diktats des différentes administrations municipales, si souvent soumises aux intérêts des grands lobbies économiques et financiers de la ville.
Droit de parole a donc développé un ton militant et souvent iconoclaste, une liberté éditoriale critique et alternative qu'il n'a jamais perdue et qui fait son originalité. Et cela, malgré toutes les obstacles qu'il a pu rencontrer en chemin : la peine récurrente à trouver et former une relève en termes de rédacteurs ou de journalistes, ou encore la difficulté à assurer des revenus financiers suffisants, à permettre des parutions régulières, à rester au coeur de l'actualité militante tout en faisant connaître plus largement son message.
Un authentique et puissant cinquième pouvoir ?
Contre vents et marées, Droit de parole a tenu le coup, ne cessant de raviver dans le ciel de Québec ses étincelles de rébellion et d'espérance. Voilà ce qui reste prometteur et nous pousse à imaginer quelques-uns des objectifs qu'il pourrait se donner pour les 50 prochaines années.
Car à l'heure des GAFAM, de la montée du populisme de droite et des périls écologiques, il n'est pas interdit de rêver à ce dont on aurait besoin aujourd'hui en termes d'information locale ou régionale à Québec ?
Oui, pourquoi ne pas imaginer –en cherchant à disposer de plus de moyens et à cibler mieux son message— que Droit de parole puisse élargir son bassin de lecteurs et de lectrices, bien au-delà du cercle d'initiés et de militants convaincus ? Et pourquoi ne pas rêver qu'il puisse devenir —dans le contexte de la ville de Québec— un authentique et puissant cinquième pouvoir médiatique critique et alternatif, capable de tenir tête au discours médiatique dominant devenu si dépendant des intérêts sonnant et trébuchant de grands groupes économiques et financiers de la région ?
Et au passage, en allant à rebrousse-poils de toutes les tendances à l'oeuvre, pourquoi ne pas s'acharner à préserver un journal qui paraisse aussi en format « papier », accessible donc à ceux et celles qui, si nombreux encore, ne peuvent faire usage du web et auraient pourtant droit à disposer de moyens adaptés pour rester informé de ce qui se passe dans leur ville ?
Il en va de cette convivialité culturelle, urbaine, communautaire et citoyenne à laquelle Droit de parole s'est toujours dédié. Une autre de ses originalités !
Donner vie et force à ces idées en germe, travailler pas à pas à mettre sur pied, avec tant d'autres, ce cinquième pouvoir critique et alternatif, n'est-ce pas ce à quoi les 50 ans d'étincelles de rébellion et d'espérance de Droit de Parole ne cessent de nous convier aujourd'hui ?
Pierre Mouterde
Sociologue et essayiste
Membre du comité de rédaction de Droit de parole (2012-2017)
Note
1.On comptait en général, dans les démocraties dites libérales, 3 pouvoirs formellement indépendants les uns des autres (le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire) auxquels on a rajouté par la suite le 4ième pouvoir de la presse ; un quatrième pouvoir devenu, notamment avec l'implantation du néolibéralisme, si inféodé aux 3 autres, qu'il faudrait imaginer aujourd'hui la constitution d'un cinquième pouvoir médiatique, susceptible d'être à la hauteur des défis contemporains et critique et alternatif en termes d'information démocratique et populaire.
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Le retour tout à fait inattendu du premier roman psychologique canadien-français

EN LIBRAIRIE LE 8 OCTOBRE 2024
Entourez la date sur votre calendrier du Cercle des fermières : le 8 octobre 1882 prochain paraîtra au Remue-ménage Angélique de Montbrun, une version tordue et corrompue du célèbre roman de Laure Conan par Félicité Angers. En plein dans le centième anniversaire de la mort de Conan qui, nous en sommes convaincues, aurait été enchantée d'un tel hommage.
Le récit d'Angélique de Montbrun reste fidèle au roman de Conan dans ses grandes lignes – si on plisse suffisamment les yeux.
Sur une ferme en Gaspésie, Angélique coule des jours heureux en compagnie de son père, de son fiancé Maurice et de son amante Mina. Hélas, ce bonheur champêtre ne peut durer. Après la mort tragique de son père, Angélique rompt ses fiançailles, brûle la bibliothèque paternelle et donne sa vie au Christ. Elle ne se mariera pas, n'aura pas d'enfants... mais n'aura pas perdu son temps.
La démarche d'Angers est celle du sabotage : le texte original disparaît au profit de passages érotiques – tout en respectant les non-dits et le sous-texte trouble de l'œuvre originale. À la fin, le roman de Conan cède la place à une aventure rocambolesque faite de délires mystiques, de consommation de champignons magiques, de séances de BDSM dans une commune anarcho-catholique-rurale autogérée. Le tout dans la joie, la bonne humeur et de multiples plagiats éhontés que les lecteurices s'amuseront à identifier.
Et comme si ça n'était pas assez, Angélique de Montbrun est illustré par Oras Sivie qui a produit d'impressionnantes illustrations érotico-surréalistes qui accompagnent délicieusement le texte de Félicité Angers.
Inutile de dire que nous espérons que les étudiant·es qui doivent lire le roman de Conan dans le cadre de leurs cours vont tomber dans le panneau ; ça fera de chouettes travaux de session, à n'en point douter.
Oh, et vendons la mèche : derrière Félicité Angers se cache Anne Archet. Et derrière Anne Archet se cache... quelqu'un – probablement un logiciel d'intelligence artificielle générative, ou alors une centaine de chimpanzés à qui on a donné des machines à écrire.
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Moyen-Orient : un dialogue public à Montréal pour mieux comprendre les tensions

Depuis un an, Montréal observe une hausse importante des tensions liées aux agressions israéliennes à Gaza et maintenant en Cisjordanie et au Liban. Pour tenter de prévenir la haine et d'ouvrir le dialogue au sein des communautés, le Réseau Outils de paix organise une série de rencontres ouvertes à toutes et tous pour échanger sur le sujet dans un lieu empathique et sécuritaire.
Tiré d'Alter Québec.
Il est 18 h lorsque la population et les panélistes se rassemblent dans une salle du Centre de loisirs de Villeray, où se tient une première « rencontre de dialogue » autour du contexte israélo-palestinien. Durant cette soirée, les participant-es pourront échanger sur leurs expertises et leurs vécus, sous la supervision d'une modératrice. Un moyen d'entamer un dialogue difficile entre les différentes personnes préoccupées par le conflit.
Ce projet novateur est à l'initiative du Réseau Outils de paix. Œuvrant pour la non-violence et l'harmonie sociale, l'organisme cherchait depuis plusieurs mois un moyen d'apaiser les tensions locales alimentées par la guerre à Gaza. La multiplication des incidents violents et la polarisation du débat depuis un an l'ont convaincu de la nécessité d'un dialogue à Montréal.
« On va s'asseoir, puis on va discuter », nous explique Élise Dagenais, coordonnatrice à Outils de paix. « L'idée c'est de créer un espace sécuritaire pour que tout le monde puisse s'exprimer ». Simple à dire, mais plus difficile à faire. Rassembler des personnes de tous horizons autour de la question israélo-palestinienne est un « terrain glissant », admet Mme Dagenais. Les invité-es et la programmation ont dû être pensés à plusieurs reprises pour éviter des débats trop tendus et pas assez constructifs.
Finalement, les trois rencontres s'articulent respectivement autour de l'antisémitisme, de l'islamophobie, et de l'engagement pour la paix. Parmi les panélistes, on retrouve des membres d'organismes communautaires, d'institutions ou de médias concernés par la question israélo-palestinienne. Une diversité qui s'exprime également dans les perspectives, les positions, et les confessions représentées, amenant inévitablement des points de discorde.
Néanmoins, ces rencontres ne sont pas destinées à être des débats géopolitiques, mais bien des discussions sur les conséquences locales de la guerre. Une dépolitisation volontaire, à la fois pour éviter les discussions enflammées et pour se concentrer sur Montréal. Par ce biais, Outils de paix souhaite « ramener un peu d'humanité » dans le débat et limiter les conséquences des différends politiques qui peuvent accroître les tensions, au lieu de favoriser les échanges.
« L'idée n'est pas non plus d'être d'accord », nuance Mme Dagenais. Le conflit et la colère font partie du dialogue, et peuvent être constructifs s'ils sont bien encadrés, selon la coordonnatrice. Durant la première rencontre, les panélistes ont régulièrement été en désaccord sur des points tels que la définition de l'antisémitisme ou les intentions des manifestations propalestiniens. Malgré tout, Mme Dagenais estime que les participant-es souhaitent « la même chose », à savoir la paix à Montréal. « Ça montre qu'il y a de l'espoir parce que même les personnes les plus campées sur leurs positions se donnent la peine de se prêter à l'exercice ».
Même si l'échelle d'intervention demeure pour le moment assez réduite, le Réseau Outils de paix entend « semer des graines » pour impacter positivement les communautés locales dans la durée.
La prochaine et dernière rencontre de dialogue aura lieu le mardi 29 octobre. https://www.facebook.com/OutilsDePaix/?locale=fr_CA#
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Aujourd’hui, ça fait un an que Gaza s’est enflammée.

Je voulais prendre le temps de vous écrire avec mon collègue Guillaume Cliche-Rivard pour souligner ce tragique anniversaire.
7 octobre 2024
Un an d'attentats, de déplacements et de guerre qui s'étend maintenant à toute la région. Un an de témoignages, de reportages et de rappels, qu'en fait, ça fait 76 ans que ce conflit s'enfonce. Un an qui a vu se propager la reconnaissance du génocide des populations palestiniennes.
Le 7 octobre est aussi une date douloureuse en Israël. Il est impératif de condamner sans équivoque les attaques terroristes perpétrées par le Hamas, qui ont causé une douleur et une souffrance injustifiables qui persistent encore à ce jour pour de nombreuses familles sans nouvelles des otages capturés ce jour-là. Ces actes de violence contre des civils sont inacceptables. Chaque victime est une tragédie.
On aurait pu croire que l'horreur de la dernière année mobilise la communauté internationale, mais nous avons plutôt vu l'incapacité de nos gouvernements à travailler pour la paix. Car ce qui marque l'esprit, c'est la souffrance qui perdure. Celle de gens comme vous et moi, tant Palestiniens que Israéliens.
Je suis Québécoise d'origine palestinienne. On me demande souvent si j'ai encore de la famille en Palestine. Non. Je n'ai plus de famille en Palestine. Tous les membres de ma famille ont été expulsés de leurs maisons et de leurs terres en 1948. Mon père n'avait que 2 ans quand il s'est retrouvé réfugié au Liban, là où je suis née des années plus tard. La guerre qui embrase la région aujourd'hui, le génocide à Gaza, toute cette violence atroce qui dure depuis 76 ans, me rentre dedans comme un coup de poignard au ventre.
Gaza, avec sa population assiégée, continue de subir les bombardements incessants et les blocus du gouvernement Netanyahu. Chaque jour, les Palestiniens et Palestiniennes font face à la violence et à la destruction, tout en aspirant à une vie de paix et de dignité. Le constat est accablant : depuis le 7 octobre, plus de 41 000 Palestiniens et Palestiniennes à Gaza et en Cisjordanie ont perdu la vie. Sans compter la famine et les 1,4 millions de déplacés. Une véritable catastrophe humanitaire qui fera des ravages pendant des générations.
Il est essentiel de reconnaître que le conflit actuel est le résultat et la continuation brutale des politiques d'apartheid de l'État d'Israël envers les populations palestiniennes. Depuis des décennies, des politiques d'occupation, de colonisation et de ségrégation ont systématiquement nié les droits fondamentaux des Palestiniens et Palestiniennes, les privant de leurs terres, de leur dignité et de leur droit à l'autodétermination. Cette réalité historique doit être prise en compte et guider le courage, jusque-là manquant, de nos dirigeants pour mettre un terme à ce massacre.
Pierre Elliott Trudeau était du mauvais côté de l'histoire quand il refusait d'imposer des sanctions à l'Afrique du Sud lors de l'apartheid. Justin Trudeau ne doit pas s'enfoncer dans les mêmes erreurs et le Québec, comme nation pacifiste, doit mener la voie.
Comme Québécois et Québécoises, comme membres d'une nation qui valorise la paix et la dignité humaine, nous devons prendre position. La réponse à la violence ne peut être que la promotion de la paix. Le courage réside dans la volonté de travailler pour la paix, même lorsque cela est difficile. Nous devons faire entendre notre voix pour la Palestine et pour son peuple qui aspire à vivre dans la sécurité et la dignité. Dans un État indépendant.
Dans la dernière année, même lorsque j'ai été assaillie d'un douloureux sentiment d'impuissance, j'ai vu se lever le vent de la solidarité.
Joignez-vous à nous pour le faire souffler partout. Le rôle de Québec solidaire est crucial pour que la voix de la paix soit entendue au Québec et à l'Assemblée nationale. Ça commence par faire comprendre à la CAQ qu'ouvrir un bureau économique à Tel-Aviv, et ainsi faire des affaires avec un gouvernement accusé de crimes de guerre, n'aide en rien la réconciliation. Ça jette plutôt de l'huile sur le feu. Continuons à exiger des comptes aux gouvernements Trudeau et Legault qui s'entêtent à laisser aller le régime génocidaire de Netanyahu.
Ensemble, faisons entendre notre appel à la paix.
Vive la Palestine libre et indépendante !
Ruba Ghazal
Députée solidaire de Mercier
Guillaume Cliche Rivard
Député solidaire de Saint-Henri-Sainte-Anne et porte-parole en matière de solidarité internationale
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Québec Solidaire à la croisée des chemins ?
On peut se poser la question non sans inquiétude. D'un sondage à l'autre, le parti piétine entre 14% et 17% des intentions de vote depuis 2022. Il est enfermé dans un ghetto électoral de gauche, ce qui limite son audience auprès d'une majorité de l'électorat. Après avoir connu une montée prometteuse, il plafonne.
Qu'on en juge par sa trajectoire électorale. En 2007, il recueille 3.6% des voix et ne fait bien entendu élire aucun député. L'année suivante, il piétine avec 3.7% des votes mais, surprise !, il réussit à faire élire un député, Amir Khadir. En 2012, il grimpe (modestement) à 6.3% des voix mais cela permet à Françoise David de faire son entrée à l'Assemblée nationale, qui se joint donc à son collègue Khadir. En 2014, Québec solidaire demeure plus ou moins au même point avec 7.6% des voix mais augmente sa députation à trois élus.
C'est en 2018 que se produit le "grand bond en avant" : Québec solidaire rafle alors 16% des votes et gradue à dix élus. En 2022, son appui électoral baisse un peu (15.4%), mais grâce à la répartition de son vote, il hisse à la dignité parlementaire douze députés.
Mais depuis, les sondages indiquent qu'il ne parvient pas à dépasser les 20% des 'intentions de vote, la "zone payante" en termes de nombre d'élus.
Le Parti québécois, lui, suit une trajectoire inverse : en 2012, il fait élire Pauline Marois à la tête d'un gouvernement minoritaire avec 31.9% des voix et cinquante-quatre sièges. En 2014, il baisse à 25% mais conserve tout de même trente élus. En 2018, c'est l'effondrement avec 17,6% d'appuis et dix députés. Finalement en 2022, il baisse encore à 14,6% des votes et seulement trois députés.
Un sondage réalisé peu avant le déclenchement du dernier scrutin ne lui accordait que 9% d'intentions de vote. Mais le dynamisme du nouveau chef Paul Saint-Pierre Plamondon (PSPP) lui a permis de remonter quelque peu la pente et de talonner au final Québec solidaire (14,6% pour le PQ contre 15,4% pour QS).
Depuis, les sondages ne cessent d'illustrer la remontée du parti de PSPP au détriment de son "rival" Québec solidaire, au point que le principal adversaire du Parti québécois n'est plus Québec solidaire mais la Coalition avenir Québec (QS) au pouvoir. En effet, il semble que beaucoup de caquistes, d'anciens péquistes pour la plupart (à commencer par François Legault) ont quitté la CAQ pour rejoindre les rangs du Parti québécois au leadership renouvelé et pour eux, inspirant.
Selon le sondage Léger de juin dernier, le Parti québécois recueillait 32% d'intentions de vote, la CAQ 25% et Québec solidaire seulement 14%, un résultat en dessous de celui de 2018 (16%). Si un scrutin se tenait cette semaine, la formation de PSPP le remporterait et formerait un gouvernement, majoritaire ou minoritaire, mais il se retrouverait au pouvoir. Il est vrai toutefois que le prochain rendez-vous électoral ne se produira qu'en 2026. Il peut arriver bien des choses d'ici là, dont un renversement de la relative popularité actuelle du PQ...
Que conclure de tout cela ? En fait, Québec solidaire se trouve confronté au dilemme classique de tout parti de gauche : camper sur ses principes fondateurs, radicaux, ou alors consentir à faire des compromis plus ou moins importants : diluer quelque peu son "radicalisme" afin d'élargir son audience électorale et se rapprocher du pouvoir. Il s'agit là d'un débat inévitable et souvent à recommencer au sein de ces formations qui veulent réformer en profondeur la société dans un sens progressiste. Ce sont des discussions difficiles et qui laissent fréquemment l'impression aux militants et militantes les plus motivés l'impression que la direction du parti veut trahir la cause au profit de "l'électoralisme". Qui a raison et qui a tort ?
Je hasarderais que les partisans des deux orientations ont raison chacun à leur manière. En politique, les compromis s'imposent mais la ligne de démarcation entre compromis et compromission est parfois difficile à tracer. La vigilance s'impose donc à l'endroit des membres de l'aile dite pragmatique. Par ailleurs, il ne sert à rien de se claquemurer dans une ligne radicale et intransigeante et de se couper par conséquent d'importantes franges plus modérées de l'électorat sous peine de se condamner à une perpétuelle opposition et de risquer, à terme, la disparition. Travailleurs et travailleuses en bénéficieraient-ils ?
Il faut garder nos principes mais savoir les adapter aux circonstances. Les attentes populaires ne se situent pas toujours très à gauche ; tout ceci sans même compter avec les réalités régionales, si contrastées d'une zone à l'autre.
Selon l'expression consacrée (et devenue une platitude), la politique est l'art du possible.
Jean-François Delisle
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Manifestation à l’Assemblée nationale du Québec contre la guerre génocidaire d’Israël à Gaza

Des centaines de personnes se sont rassemblées devant l'Assemblée nationale à Québec pour exiger l'arrêt immédiat des hostilités contre Gaza et contre l'intervention israélienne au Liban.
Près d'un an après le début des violents combats au Proche-Orient, l'organisme Palestine Québec invite les citoyens et les citoyennes à exiger la fin de la guerre génocidaire menée par l'État d'Israël. « Nous, on est là pour défendre les civils de Gaza, pour dire “arrêtez de tuer les enfants”. Il faut que ça s'arrête », implore Leila Hamidouche, porte-parole de Palestine Québec.
La manifestation devant l'Assemblée nationale ce 5 octobre visait des objectifs précis : réclamer aux différents paliers de gouvernements l'arrêt immédiat des hostilités à Gaza, la cessation de l'occupation israélienne, le respect du droit à l'autodétermination du peuple palestinien, un embargo sur les exportations d'armes canadiennes et la fermeture du Bureau du Québec à Tel-Aviv.
Dans son appel à la manifestation, Palestine Québec dénonçait Israël comme un État terroriste et soulignait que l'occident continue de fournir une couverture diplomatique, tandis que l'entité sioniste commet massacre après massacre, crime de guerre après crime de guerre, aussi bien en Palestine au Liban.
PTAG ! reproduit des extraits de la prise de parole et des slogans qui ont ouvert la manifestation. Il publie également le discours d'un représentant de Voix Juives Indépendantes du Canada livré au cours de cette manifestation.
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Discours d'un membre de Voix Juives indépendantes
du Canada (VJIC)
Conflit Israël-Palestine : je dois vous avouer que, pendant mes moments les plus sombres, j'ai honte
Je voudrais commencer par remercier les organisateurs pour leurs efforts inlassables pour maintenir ce mouvement. Être ici avec vous aujourd'hui fait du bien. Mais ces moments sont plutôt rares. Dans cette lumière, je pensais aujourd'hui partager quelques sentiments personnels. Et pour être honnête, je dois vous avouer que, pendant mes moments les plus sombres, j'ai honte.
Jesse Greener est membre de Voix juives indépendantes Canada. Il est le fondateur de la branche IJV-Québec et ancien membre du comité directeur d'IJV.
Mais ce n'est pas pour la raison que vous pourriez soupçonner.
Oui, je suis un homme juif.
Oui, mon identité et mon existence ont été détournées pour justifier le sionisme et le génocide contre les Palestiniens.
Mais non, ce n'est pas pour cela que j'ai honte. En fait, de nombreux Juifs progressistes ont toujours refusé d'être liés à l'État d'Israël, à son apartheid et, maintenant, surtout à son génocide. Nous le faisons via nos organisations qui portent à juste titre le nom de « Not in Our Name » et « Voix Juives Indépendantes ».
Non, sur ce point, je ne pense pas qu'un Juif progressiste doive avoir honte. En fait, nous sommes clairs dans notre affirmation de notre capacité à agir. Bien sûr, nous sommes ignorés par les médias sionistes occidentaux. Par conséquent, beaucoup de gens ne savent pas qu'il existe des Juifs comme nous, même si nous sommes nombreux et en croissance.
Ainsi, les gens sont parfois choqués d'apprendre qu'il y a des Juifs comme moi qui croient qu'en tant que pays, Israël sioniste est un échec total. Et qu'un tel État raciste et ethno-religieux n'a pas sa place dans le monde moderne. À cette fin, je souhaite vous informer que Voix Juives Indépendantes–Canada a récemment confirmé, par un vote de ses plusieurs milliers de membres, que nous sommes une organisation juive antisioniste.
Non, ma honte est à un niveau plus profond et humain.
Parfois, je me demande comment il est possible qu'un holocauste moderne se déroule à mon époque ? Mais c'est pire que cela. En même temps que la souffrance s'accroît au Moyen-Orient, y compris maintenant au Liban, je sens une complaisance grandir en moi. Je me sens parfois battu. C'est peut-être le même sentiment qui existait pendant la Seconde Guerre mondiale et qui a permis aux politiciens canadiens de mettre en œuvre une politique qui a interdit l'admission de réfugiés juifs au Canada. En fait, on a déclaré à l'époque que « not one Jew is too many ».
Mais la complaisance d'aujourd'hui est encore plus honteuse, car au lieu d'être distraits par une implication directe dans la guerre contre les nazis, comme les Canadiens et les Québécois l'étaient, nos distractions aujourd'hui sont désormais nos propres intérêts personnels : le travail, la famille, la vie. Au lieu de recevoir des rapports indirects sur l'holocauste dans les journaux pendant la Seconde Guerre mondiale, nous le voyons directement sur nos téléphones. Et nous savons très concrètement que les gouvernements occidentaux fournissent un soutien politique et matériel.
Et puis je réalise qu'avant même que le projet colonial d'Israël ne soit lancé, ces mêmes terres ici ont été le théâtre d'un génocide contre les peuples autochtones, d'une ampleur qui est rarement évoquée. De plus, dans les temps modernes, des atrocités ont également été ignorées dans d'autres endroits.
Et parfois, je m'interroge sur ma propre humanité. L'ai-je perdue ? Y a-t-il quelque chose de précieux dans l'esprit humain si nous vivons une atrocité après l'autre ?
Je suppose que je ne suis pas le seul à me poser ces questions, en privé. Ou peut-être entre amis. Mais je pense qu'il est utile d'affronter ces sentiments, même s'ils sont trop pessimistes et peu fréquent. En réfléchissant à ces sentiments, je me suis rendu compte qu'ils naissent naturellement d'un sentiment d'impuissance.
Mais, pensez, mes amis, à la motivation que nous aurions si nous pouvions combiner nos efforts et nos émotions avec de vastes mouvements sociaux. Cela m'a amené à réaliser que le désespoir et la complaisance sont la fin naturelle d'un individu qui lutte seul contre la machine. Au contraire, notre capacité d'agir et notre humanité ne peuvent se réaliser que par notre action et nos mouvements collectifs.
À cette fin, je remercie encore une fois les organisateurs pour leurs efforts. Je remercie chacun d'entre vous pour votre action collective. Je nous exhorte tous aujourd'hui à joindre nos efforts et nos voix contre la guerre, la colonisation et le génocide. Si vous n'êtes pas encore membre de la Coalition pour la paix Québec ou des organisateurs ici aujourd'hui, trouvez l'un d'eux et joignez-vous à eux. Je vois aussi Québec solidaire ici. Envisagez également de rejoindre des organisations nationales comme Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient ou Voix Juives Indépendantes, que ce soit en tant que membre ou sympathisant.
Donc, par n'importe quel moyen, organisons-nous ensemble pour balayer le pire de ce que l'humanité a à offrir et inaugurer une nouvelle ère de dignité humaine fondée sur notre pouvoir collectif. Et ce faisant, retrouvons et affirmons notre propre humanité.
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Aujourd’hui j’aimerais vous parler d’écoféminisme

Laissez-moi vous raconter une histoire qui se passe en 1974 dans un village de l'Himalaya. Les femmes de cette région très pauvre, travaillaient toutes dans l'agriculture et dans cette société très patriarcale, elles n'avaient aucun pouvoir de décisions.
Les hommes du village avaient décidé de vendre une partie de la forêt à des compagnies privées pour la création d'une ferme industrielle, ce qui obligeait les femmes à marcher plusieurs heures par jour pour trouver du bois de chauffage. Elles ont décidé de défendre les arbres et d'empêcher des compagnies privées de les abattre en… s'attachant aux arbres !! Elles ont finalement gagné leur lutte. Cette lutte qui leur a permis de protéger leur environnement mais aussi de réclamer un rôle plus actif dans l'espace public.
Peut-être que prochainement, nos alliées Les mères aux fronts, qui se battent pour sauvegarder les boisées de Chauveau et de Neufchâtel, auront besoin de tous nos bras pour aller enlacer ces arbres.
Des luttes écoféministes, il y en a partout sur la planète.
Car oui, la crise climatique a un impact disproportionné sur les femmes et les personnes qui sont vulnérabilisées par la société à cause de leur âge, de leur faible revenu, de leur handicap, du fait qu'elles sont racisées, autochtones, etc. Actuellement, dans le monde, les femmes représentent 80 % des réfugiés climatiques, et parce qu'elles n'ont pas accès aux mêmes ressources que les hommes, l'ONU a déclaré qu'en cas de catastrophe climatique, les femmes avaient 14 fois plus de risque de mourir que les hommes.
Au Québec, durant la COVID, on a vu les personnes des quartiers défavorisés et les femmes racisées être plus affectées par la maladie elle-même, mais aussi par les confinements, par les soins à donner aux proches et par leurs emplois dans un système de santé débordé.
Comme la crise sanitaire, la crise climatique affecte plus lourdement la charge de travail et la santé mentale des femmes et de certains groupes marginalisés.
• Parce qu'elles assument la plus grande partie des activités domestiques et de soin.
• Parce qu'elles portent la responsabilité de faire un virage vert ; faire des achats plus écologiques, de tendre vers le zéro déchet ou de composter.
Le risque d'épuisement est réel.
Mais, des solutions il en existe :
A Québec, l'organisme Accès transports viables a démontré qu'un transport structurant permettrait aux femmes de se déplacer plus efficacement et rapidement alors que ce sont elles en majorité qui font de multiple petits déplacements pour aller à la garderie, à l'école, à l'épicerie, chez le médecin, avec une poussette ou des enfants en bas âges.
Ça prend des pistes cyclables sécuritaires, protégées des voitures, bien éclairées et efficaces pour répondre à aux besoins de transport de la vie quotidienne plus largement assumés par les femmes.
Le maire Bruno Marchand vient d'augmenter la taxe d'immatriculation de 60$. On peut souligner son courage politique, c'est une victoire pour le transport collectif et donc pour l'environnement. Mais ce n'est pas une victoire pour la justice climatique et sociale tant que le gars qui conduit un pick-up, paiera le même montant de taxe que la mère monoparentale qui a dû s'excentrer pour trouver un logement abordable loin des transports collectifs.
C'est pourquoi, nous demandons aux décideurs et aux décideuses :
• D'analyser leur politique pour répondre aux problèmes de certains groupes de population
• Et de s'assurer que le poids des mesures ne soit pas porté de façon disproportionné par certains groupes, particulièrement les femmes.
Pour la justice climatique et sociale, les groupes écologistes et les groupes féministes doivent lutter ensemble pour la fin de l'exploitation des femmes et des personnes marginalisées et de l'environnement.
Dans l'intérêt de toustes, menons une lutte écoféministe.
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Les centres de femmes : Là pour toutes les femmes !

Le 1er mardi de chaque mois d'octobre depuis maintenant 22 ans, L'R des centres de femmes du Québec et ses membres soulignent leur journée nationale. Cette année, c'est sous le thème : Les centres de femmes, Là pour toutes les femmes ! que les centres célébreront cette journée.
Des centres de femmes partout au Québec.
Ce sont près de 80 centres de femmes, répartis sur l'ensemble du territoire québécois, qui ouvriront leur porte pour accueillir les femmes de leur communauté lors de cette journée, soit par une activité porte-ouverte, pour l'inscription à leurs activités d'automne-hiver
ou pour un évènement spécial pour souligner cette journée importante.
Une approche féministe intersectionnelle unique
Le thème « Là pour toutes les femmes ! » souligne la volonté des membres de L'R d'adapter l'approche féministe déjà utilisée en intégrant une lunette intersectionnelle. Cette approche permet aux centres de femmes d'être des espaces inclusifs où chaque femme peut se sentir accueillie et respectée. Les centres sont bien plus que des lieux
physiques. Ils sont le reflet d'une communauté unie et résiliente, prête à soutenir toutes les femmes, sans exception.
L'R des centres de femmes regroupe près de 80 centres de femmes répartis dans les 17 régions du Québec. Ceux-ci travaillent à l'amélioration des conditions de vie des femmes par leurs services, les activités éducatives offertes et les différentes actions collectives auxquelles ils prennent part.
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Première Grande Marche lavalloise contre les violences sexuelles

La Table de concertation en violence conjugale et agressions à caractère sexuel de Laval (TCVCASL) et le projet Laval alliée contre les violences sexuelles (LACVS), une initiative possible grâce à la Politique régionale de développement social de Laval (PRDS), sont fiers de vous convier à la Première Grande Marche lavalloise contre les violences sexuelles, qui se tiendra le 5 octobre prochain au Parc de Cluny, 425, rue de Chartres, dès 12h30.
INFORMATIONS PRATIQUES
Rassemblement avant départ – Parc de Cluny, 425, rue de Chartres, 12h30
Mot d'ouverture des dignitaires : 13h00
Départ de la marche : 13h30
Point d'arrivée – Parc Bernard Landry, 5 Av. du Crochet, Laval
Mot de la porte-parole et de notre invitée d'honneur : 15h00
Activités et animation : Dès l'arrivée des marcheuses et marcheurs
Clôture : 16h00
La marche est ouverte à toutes et tous, elle se veut rassembleuse et accessible : Bienvenue aux familles lavalloises et de partout ailleurs !
Une initiative qui mobilise
Élu.e.s, haut.e.s fonctionnaires, personnalités publiques, groupes et associations diverses ont déjà confirmé leur présence. Ce sera la plus grande marche contre les violences sexuelles que Laval n'ait jamais connue ! Les marcheuses et marcheurs sont attendus par milliers, ils et elles se joindront à une centaine de bénévoles déjà mobilisés.
Ce sera la plus grande marche contre les violences sexuelles que Laval n'ait jamais connue !
TABLE DE CONCERTATION EN VIOLENCE CONJUGALE ET LAVAL ALLIÉE CONTRE LES VIOLENCES SEXUELLES AGRESSION À CARACTÈRE SEXUEL DE LAVAL
Une journée marquante : de grandes figures Nous avons l'honneur d'accueillir Manon Massé, ancienne travailleuse du Centre des Femmes de Laval, comme invitée d'honneur, et Léa Clermont-Dion, autrice et militante reconnue, en tant que porte-parole officielle. Toutes deux, ainsi que le maître de cérémonie Jordan Dupuis et les élu.e.s Sandra El-Helou (Conseillère municipale du district de Souvenir-Labelle), Christopher Skeete (Ministre provincial responsable de la région de Laval) et Annie Koutrakis (Députée fédérale de Vimy) prendront la parole pour marquer cet événement.
Place à la communauté : un événement inclusif
La Grande Marche lavalloise a été pensée pour rassembler tous les membres de notre communauté. Le trajet est court et convivial, adapté aux enfants, aux familles avec poussettes, ainsi qu'aux personnes à mobilité réduite ou en situation d'handicap. Des interprètes de la langue des signes du Québec (LSQ) du Service D'Interprétation Visuel et Tactile (SIVET) seront présents. De plus, une aire de jeux, de maquillage et de bricolage sera aménagée au Parc Bernard-Landry pour divertir les petit.e.s allié.e.s. Une quinzaine d'organismes lavallois et nationaux auront également des kiosques de sensibilisation. Des aménagements supplémentaires, tels que des toilettes, des points d'eau et des zones d'ombre, seront mis en place pour le confort de tous.
« Les violences sexuelles sont l'affaire de tous. Il est essentiel de rester sensibles aux enjeux universels de cette lutte. Chacun, peu importe son âge, son statut ou sa condition physique, a sa place dans cette marche. »
– Genevieve Dionne, TS, Directrice générale TCVCASL
Participez à cette mobilisation
Nous serions très heureuses de vous accueillir et de marcher à vos côtés. Si vous ne pouvez pas vous joindre à nous, voici deux manières de vous impliquer : 1) Visitez, Aimez, Suivez et Partagez les publications de la page Instagram de @laval.alliée ; 2) Partagez le matériel promotionnel de notre trousse media (juste ici) à tous vos réseaux !
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MMF Déclaration de soutien à la Palestine après un an de génocide

La Marche mondiale des femmes est indéfectiblement solidaire du peuple palestinien, en particulier des femmes et des enfants, qui subissent un assaut génocidaire permanent sous l'occupation israélienne.
octobre 7, 2024
Les opérations militaires brutales, les bombardements incessants et les déplacements forcés au cours de l'année écoulée font partie d'une campagne d'extermination calculée, visant la population civile à Gaza, à Jénine, en Cisjordanie et au Liban.
À Gaza, les forces d'occupation israéliennes ont mené un bombardement sans précédent depuis le 7 octobre 2023, tuant plus de 40 000 personnes, dont 60 % de femmes et d'enfants. Cette dévastation n'est pas un dommage collatéral, elle est intentionnelle et vise les maisons, les écoles, les hôpitaux et les lieux de refuge. La crise humanitaire à Gaza, exacerbée par un blocus qui dure depuis 17 ans, a privé les Palestiniens des produits de première nécessité comme la nourriture, l'eau, les médicaments et l'électricité. Il s'agit là de crimes de guerre qui se produisent avec l'approbation tacite de la communauté internationale.
Les femmes palestiniennes, en particulier dans des régions comme Jénine, sont confrontées aux souffrances aggravées des déplacements forcés, de la perte de leur maison et du refus systémique d'accès aux services essentiels tels que les soins de santé, l'éducation et la protection. Le siège de l'armée israélienne a détruit 80 % des infrastructures de Jénine, laissant des centaines de familles sans abri et créant des conditions de punition collective.
La situation au Liban est tout aussi désastreuse, les frappes aériennes israéliennes ayant entraîné la destruction de villages entiers, la mort de 414 personnes et le déplacement de 160 000 autres. Depuis plus de 60 ans, le Liban subit le traumatisme de l'occupation et des agressions violentes, les femmes et les enfants étant toujours en première ligne de la souffrance.
La Marche mondiale des femmes condamne ces crimes qui s'inscrivent dans le cadre du projet plus vaste d'occupation coloniale et de nettoyage ethnique mené par Israël depuis des décennies. L'incapacité de la communauté internationale à tenir Israël pour responsable a enhardi ce régime génocidaire, lui permettant d'agir en toute impunité.
Nous déclarons que la cause palestinienne n'est pas seulement une lutte de libération nationale, mais aussi une cause féministe. La violence actuelle touche de manière disproportionnée les femmes et les jeunes filles, les privant de leurs droits à la vie, à la dignité et à la liberté. Les conditions imposées par l'occupation israélienne – déplacements forcés, violences sexuelles, privation des services de base, et détention arbitraire des femmes dans les geôles israéliennes représentent une attaque directe contre leur corps et leur vie.
Nous sommes également aux côtés du peuple palestinien de Cisjordanie et de Syrie, où les colons israéliens, soutenus par leur gouvernement, continuent de mener des attaques violentes en toute impunité, déracinant des agriculteurs et tuant des civils. Cette agression s'étend au Liban et à la Syrie, perpétuant une crise régionale enracinée dans l'impérialisme, le colonialisme et le racisme.
Nous dénonçons les crimes historiques et continus de l'occupation israélienne qui, depuis 1948, ont violemment perturbé la coexistence pacifique des différents peuples de la région. L'utilisation délibérée de nourriture, d'eau et de fournitures médicales comme armes de guerre, associée à la destruction de l'environnement et à la guerre chimique, sont des indicateurs clairs d'une politique génocidaire visant à la destruction totale de la vie palestinienne.
Face à de telles atrocités, nous réaffirmons le droit du peuple palestinien à résister, à lutter pour sa libération et à réclamer sa terre. Nous appelons les mouvements féministes et anticolonialistes mondiaux, ainsi que les organisations de défense des droits de l'homme, à soutenir activement et visiblement la Palestine, en élevant la voix contre ces crimes et en demandant à leurs gouvernements de rendre compte de leur complicité.
Nous demandons aux Nations unies et à tous les organismes internationaux de mettre en œuvre les protections des droits de l'homme pour le peuple palestinien et de veiller à ce qu'Israël soit tenu pour responsable de ses crimes de guerre et de ses crimes contre l'humanité. Le chemin vers la paix et la justice commence par la fin de l'occupation et la libération de la Palestine.
Nous continuons à marcher pour les droits de nos corps, de nos terres et de nos territoires !
La Marche mondiale des femmes
octobre 2024
*****
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Loi LGBTIphobe en Géorgie : joue-la comme Poutine ?

Le 17 septembre, le parlement géorgien a voté une loi LGBTphobe, “sur les valeurs familiales”, très inspirée de la nouvelle version de la loi russe contre “la propagande homosexuelle”, révisée en 2022.
Tiré de Gauche anticapitaliste
30 septembre 2024
Par Goto Van Kern
Cette loi a été votée à 84 voix pour et 0 contre après que l'opposition ait appelé au boycott du vote. Ce texte interdit “la propagande des relations homosexuelles et de l'inceste” à la télévision et dans les écoles ainsi que les rassemblements et manifestations qui feraient “la promotion des relations homosexuelles.”(1)
Bizarrement, la presse francophone est muette sur le fait que la loi bannit également les transitions de genre, l'adoption pour les couples de même genre et les personnes transgenres et met fin à la reconnaissance vis-à-vis des mariages des couples de même genre formés à l'étranger. (2) (3)
Ceci est dans la droite continuité de la complicité passive des autorités avec les LGBTIphobes, la police ayant assisté sans intervenir face aux attaques violentes contre la Pride de Tbilissi de 2023 par des milices homophobes orthodoxes. (4)
En 2021, une autre attaque avait eu lieu contre des locaux d'organisations LGBTI lors de la Pride. L'Église orthodoxe géorgienne (qui est la religion d'État dans le pays) avait appelé ce jour-là à organiser des prières publiques contre “ce grave péché.” Une cinquantaine de journalistes avaient alors été brutalisés et un cameraman était décédé quelques jours plus tard. (5)
La classe dominante géorgienne est traversée d'aspirations contradictoires qui s'expriment au niveau politique : d'un côté, la présidente Salomé Zourabichvili (qui a alors tenté d'utiliser son droit de veto sans succès face à cette loi) représente une frange cherchant à se rapprocher de l'Union Européenne à l'instar d'autres pays comme l'Ukraine ou la Moldavie, une ambition qui est même inscrite dans la Constitution géorgienne. De l'autre, le parti majoritaire au parlement, “Rêve géorgien” qui, depuis 2021 (peu de temps après sa victoire aux élections législatives), semble avoir retourné sa veste, en passant d'une doctrine sociale-libérale, pro-UE et OTAN, pour se tourner vers le bloc russe. La Russie a par ailleurs plusieurs bases militaires sur le territoire géorgien pour soutenir les séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud.
“Rêve géorgien” a été fondé par l'oligarque Bidzina Ivanichvili , 624e fortune mondiale selon le classement de Forbes, ayant fait fortune dans la métallurgie et la finance suite à l'effondrement de l'URSS. Son parcours politique est plus que mouvementé mais il est probablement l'un des hommes les plus puissants et influents du pays. Il est récemment revenu sur le devant de la scène en tant que président de son parti après avoir intrigué dans les coulisses pendant de longues années. (6) (7)
Ce revirement politique à 180° du parti peut faire penser à une influence peu subtile du Kremlin à travers la figure d'Ivanichvili. La stratégie homophobe de “Rêve géorgien” semble en effet avoir un double intérêt : à la fois pour cultiver un électorat réactionnaire orthodoxe très opposé aux droits LGBTI (91% de la population considère l'homosexualité comme un comportement “injustifiable”) mais aussi comme une stratégie de pourrissement pour éloigner la Géorgie de l'Union Européenne. (8)
Le parti s'est également illustré pour avoir récemment fait passer une loi encore une fois très similaire à l'arsenal législatif russe sur “l'influence étrangère”, soulevant un tollé et des mobilisations fortes à travers le pays. La loi impose aux ONG ou médias recevant plus de 20% de leur financement de l'étranger de s'enregistrer en tant qu' »organisation poursuivant les intérêts d'une puissance étrangère » et de se soumettre à un strict contrôle administratif. (9)
“Rêve géorgien”, en faisant franchir au pays un certain nombre de lignes rouges, est bien parti pour empêcher le pays d'intégrer le bloc de l'UE/OTAN, ou à tout le moins, de ralentir son adhésion à un moment critique pour un régime poutinien qui se vit comme une forteresse assiégée.
L'avancée des droits LGBTI en Géorgie avait été timide mais néanmoins initiée en 2014, notamment à travers la promulgation d'une série de lois anti-discrimination, sans doute dans l'objectif d'intégrer l'Union européenne.
Le retour de bâton s'est fait en 2019, avec la création de milices homophobes sponsorisées par un homme d'affaires du nom de Levan Vassadze, le bien nommé « Conseil des vrais hommes » qui avait pour ambition de perturber la semaine des fiertés dans la capitale ou, dans leur vocable fleuri, « éradiquer le péché et l'hérésie ». Leur mode opératoire consistait à se constituer en groupes de 10 ou de 100 personnes, avec un chef à la tête de chaque entité, et de se doter de signes distinctifs : un brassard blanc et une matraque. Il s'agit donc bien de milices fascistes qui, malgré que le ministère de l'Intérieur ait lancé une procédure pénale pour « création de groupes illégaux et participation à ces groupes ». Levan Vassadze ne semble pas avoir eu de problèmes avec la justice puisqu'il a annoncé se lancer en politique 2 ans plus tard avec son parti fasciste Eri. Son projet électoral a heureusement fait long feu, après avoir recueilli 651 votes à une élection locale. Cependant, les perturbations aux Prides de 2021 et 2023 portent indéniablement le sceau de Vassadze. (10)
Le lendemain de l'adoption de cette loi sur “les valeurs familiales”, un transféminicide a eu lieu sur la personne de Kesaria Abramidzé, actrice et influenceuse transgenre. Le suspect principal, l'ex-petit ami également accusé de harcèlement par la victime peu de temps avant les faits, a été appréhendé par les autorités. Cet assassinat est la suite logique d'une loi qui déshumanise les personnes LGBTI en les mettant sur le même pied que les personnes coupables d'inceste.
Dans son état des lieux sur le pays, Amnesty International souligne l'inaction complice qu'a déjà eu la justice géorgienne avec les violences sexistes. Dans l'affaire Gaidukevich c. Géorgie, la Cour européenne des droits de l'homme a statué que le gouvernement avait violé le droit à la vie et l'interdiction de la discrimination en négligeant de protéger une victime de violence domestique et en ne menant pas d'enquête sur son suicide présumé.
Cis ou trans, les féminicides menacent toutes les femmes et il est certain que les féministes géorgiennes devront faire preuve de vigilance et serrer les rangs face au traitement juridique de cette affaire. (11) (12)
La réaction de l'Union européenne à l'adoption de la loi sur “les valeurs familiales” a été rapide mais pas très intelligente. Outre les grands discours toujours un peu creux des diplomates condamnant avec plus ou moins de fermeté l'adoption de la loi LGBTIphobe, des mises en garde contre le pays ont été proférées, l'UE menaçant la Géorgie de suspendre les accords de libre circulation qui avaient été conclus. Ces sanctions diplomatiques vont justement mettre en danger les personnes LGBTI qui vont devoir fuir le pays, les discriminations risquant bien de ne pas s'arrêter là et le droit à l'asile en UE étant de plus en plus mis à mal.
Malgré le tournant pro-russe après les élections de 2020 qui aurait pu être vécu comme une trahison, les sondages indiquent qu'une large majorité de Géorgien.ne.s soutient le parti pour les prochaines élections fin octobre. Il semble donc que l'homophobie et l'autoritarisme soient en Géorgie une stratégie électorale gagnante pour “Rêve géorgien.” Et la situation va s'aggraver, le parti ayant annoncé vouloir “punir” ses adversaires en bannissant les partis d'opposition. (13) (14)
Pour accueillir les réfugié.e.s de Géorgie, ouvrons les frontières plutôt que de les verrouiller davantage !
Photo : France, Paris, 2021-06-26. Marche des fiertés. Photographie de Martin Noda / Hans Lucas. Source : Photothèque rouge du NPA-l'Anticapitaliste
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Notes
1. https://www.rtbf.be/article/georgie-la-loi-sur-les-valeurs-familiales-restreignant-les-droits-des-lgbt-adoptee-par-le-parlement-11435833
2. https://www.aljazeera.com/news/2024/9/17/georgias-parliament-approves-law-curbing-lgbtq-rights
3. https://www.lemonde.fr/en/lgbtq/article/2024/09/17/georgia-passes-controversial-bill-restricting-lgbtq-rights_6726387_211.html
4. https://www.amnesty.org/fr/location/europe-and-central-asia/eastern-europe-and-central-asia/georgia/report-georgia
5. https://www.thepinknews.com/2023/07/09/anti-lgbtq-mob-storm-tbilisi-pride-georgia
6. https://www.forbes.com/profile/bidzina-ivanishvili
7. https://fr.wikipedia.org/wiki/Bidzina_Ivanichvili
8. https://www.equaldex.com/surveys/justifiability-of-homosexuality
9. https://www.rtbf.be/article/georgie-pres-de-200-ong-veulent-refuser-d-obeir-a-la-loi-polemique-sur-l-influence-etrangere-11380876
10. https://www.courrierinternational.com/article/societe-des-milices-armees-se-constituent-en-georgie-contre-les-lgbt
11. https://www.rtbf.be/article/en-georgie-au-lendemain-du-vote-d-une-loi-anti-lgbt-kesaria-abramidze-une-celebre-influenceuse-transgenre-est-poignardee-11437638
12. https://www.thepinknews.com/2024/09/19/georgia-kesaria-abdramidze-found-dead/?utm_content=1726759202&utm_medium=social&utm_source=facebook
13. https://www.politico.eu/article/georgia-prime-minister-irakli-kobakhidze-eu-visa-free-travel-agreement-election-democratic-backsliding-rule-of-law
14. https://www.politico.eu/article/georgia-opposition-ban-georgian-dream-elections-peter-stano-eu-accession-foreign-agent-law
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Grande manifestation et performances artistiques à Rouyn-Noranda le 13 octobre dès 13h !

Montréal, le mercredi 2 octobre 2024 – Le 13 octobre prochain, les rues de Rouyn-Noranda seront le théâtre d'une grande marche sur la qualité de l'air et le droit à un environnement sain et sécuritaire.
Au-delà de la marche elle-même et du message qui est porté, l'action du 13 est un exemple rare d'implication engagée des artistes, et de la solidarité entre le reste du Québec et Rouyn-Noranda. La manifestation sera ponctuée d'actions puissantes, dérangeantes et symboliques. Répondant à l'appel de Mères au front de Rouyn-Noranda et leurs allié·es, plusieurs artistes et personnalités publiques seront présent·es, notamment Ève Landry, Alexandre Castonguay, Anaïs Barbeau-Lavalette, Steve Gagnon, Véronique Côté et Laure Waridel. Elles présenteront une performance artistique marquante en fin de parcours, accompagnée par la musique de Chloé Lacasse, avec des prises de paroles et des témoignages touchants des habitant·es de ce que le gouvernement appelle la zone tampon. I
l y aura également une prestation de la troupe de danse Copper Crib. Les citoyen·nes de Rouyn-Noranda, de l'Abitibi-Témiscamingue et d'ailleurs au Québec sont invité·es à participer à l'événement en solidarité.
Un événement de solidarité en soutien à une zone sacrifiée du Québec
Pour plusieurs, le dossier de Rouyn-Noranda a été réglé suite à l'autorisation ministérielle de 2023, mais la norme nationale sur l'émission d'arsenic de 3 ng/m3 n'est toujours pas respectée dans la ville. Il n'est pas prévu non plus pour l'instant qu'elle soit respectée, la Fonderie Horne étant tenue seulement de graduellement diminuer les émissions à 15 ng/m3 (soit 5 fois la norme) avant de présenter un éventuel plan. Pour permettre l'obtention de métaux critiques, le gouvernement québécois accepte d'exposer la population à des taux d'arsenic qu'il sait lui-même être dangereux.
L'an dernier, la marche avait permis de mobiliser près de 1000 personnes venues de partout. L'objectif cette année est encore une fois de répondre à l'invitation de citoyen·nes de Rouyn-Noranda qui en appellent à la solidarité de l'ensemble de la province. Cette activité a pour objectif de sensibiliser le gouvernement du Québec et leurs habitant·es au fait que, tant qu'il aura une zone sacrifiée au Québec, toute la population québécoise est concernée.
Crédit : Maude Desbois
Un combat qui est loin d'être terminé
Depuis des années, la population de Rouyn-Noranda est exposée à de l'arsenic, du plomb, du cadmium, du nickel, du cuivre et du dioxyde de soufre à des taux beaucoup plus élevés que partout ailleurs au Québec. Au moins 25 contaminants sont mesurés dans l'air, l'eau, la neige ou les sols des environs. Plusieurs de ces contaminants sont des cancérigènes et des neurotoxiques sans seuil, ce qui signifie qu'ils entraînent des risques quelle que soit la dose. Les normes sont déjà un compromis.
Au-delà d'une question environnementale, la question de Rouyn est une question de santé publique et même de vision globale de notre développement économique. Le gouvernement accepte de sacrifier des populations à proximité d'usines, de mines, d'industries, etc. pour le bien de l'économie québécoise, à Rouyn-Noranda mais aussi ailleurs. Il les abandonne.
Les permis de polluer accordés par le gouvernement à la Fonderie Horne exposent la population à des risques accrus de maladie du système nerveux, de cancers du poumon et des voies urinaires et un plus grand nombre de naissances de bébé de faible poids et des issues de grossesse défavorables.
Déjà, on observe que :
● L'espérance de vie est inférieure de 5 à 7 ans dans certains quartiers comparativement à la moyenne québécoise ;
● La prévalence de maladies pulmonaires obstructives chroniques (MPOC) est environ 42% plus élevée qu'ailleurs au Québec ;
● La prévalence de l'asthme est de 17% plus élevée qu'ailleurs au Québec ;
En 2018, une étude a montré que les enfants du quartier Notre-Dame étaient en moyenne quatre fois plus imprégnés à l'arsenic que ceux d'Amos. À cause de leur long passé d'exposition aux métaux lourds, les résident·es de Rouyn-Noranda sont donc plus vulnérables. Il y a urgence qu'ils et elles cessent d'être empoisonné·es par les émissions toxiques de la Fonderie Horne.
« Quelle est la stratégie du gouvernement et de la santé publique dans tout ça ? Plusieurs de ces contaminants sont des substances cancérigènes et neurotoxiques sans seuil. Malgré cela, on autorise Glencore à en émettre plus qu'ailleurs en province, et ce depuis des décennies. C'est ridicule et complètement irresponsable. Nous devons poursuivre le combat, notre santé et celle de nos enfants en dépendent. Assez c'est assez ! »
– Isabelle Fortin-Rondeau, mère au front à Rouyn-Noranda
Pour Laure Waridel, écosociologue, il s'agit d'un enjeu national.
« Se mobiliser pour faire cesser le dépassement des normes environnementales à Rouyn-Noranda est nécessaire, non seulement pour protéger la santé des enfants de Rouyn-Noranda, mais aussi pour éviter qu'on fasse pareil ailleurs. Je me réjouis qu'autant de personnalités publiques aient répondu à l'appel. C'est avec fierté que nous marcherons à vos côtés le 13 octobre prochain. Nos gouvernements doivent prendre leurs responsabilités face aux défis environnementaux qui s'accumulent, c'est ce que nous allons leur rappeler. »
– Laure Waridel, écosociologue, professeure associée à l'Institut des sciences de l'environnement de l'UQAM et co-instigatrice de Mères au front
« J'ai honte de notre gouvernement, à genoux devant une entreprise mafieuse qui empoisonne nos enfants sans remords. Il est de notre ressort de ne pas plier : si on accepte qu'une entreprise achète son droit de polluer, si on accepte que les citoyen.nes de Rouyn soient sacrifié.es, ça sera aussi, un jour, notre tour. Il est de notre ressort de s'insurger. Alors non, « IL NE SERA PAS QUESTION DE SE FERMER LA GUEULE. »
– Anaïs Barbeau-Lavalette, autrice, cinéaste et co-instigatrice de Mères au front
Grande marche à la place de la citoyenneté à Rouyn-Noranda
Dimanche 13 octobre dès 13 h
Pour l'Action de grâce, les Mères au front de Rouyn-Noranda et leurs allié·es invitent la population du Québec à les rejoindre pour exiger un environnement sain et sécuritaire et manifester leur refus que leurs corps et celui de leurs enfants soient des zones sacrifiées. Performance artistique et musicale de Mères au front par Eve Landry, Alexandre Castonguay, Anaïs Barbeau-Lavalette, Steve Gagnon, Véronique Côté, Chloé Lacasse, Laure Waridel et plusieurs autres.
Pour connaître tous les détails sur la marche et les performances artistiques et musicales, suivez la page Facebook de Mères au front de Rouyn-Noranda et leurs allié-e-s (https://www.facebook.com/MeresAuFrontRouynNoranda) .
À propos de mères au front (http://Événements organisés cet automne)
Avec plus de 30 groupes locaux dans les différentes villes et villages du Québec et au-delà, Mères au front est un mouvement décentralisé qui regroupe des milliers de mères, grand-mères et allié.es de tous les horizons politiques, économiques, professionnels et culturels. À travers leurs actions, elles demandent aux élu.es de mettre en place les mesures qui s'imposent pour protéger l'environnement dont dépend la santé et la sécurité de tous les enfants.
SALLE DE PRESSE VIRTUELLE (https://www.dropbox.com/scl/fo/gf29nq5vxxdv62f0j9175/ALbPO1zUsVlErzLjJNaSCBU?rlkey=m8ji2iiicsvlzh1iod5p7gaog&st=uqwxgmfg&dl=0)
https://www.facebook.com/MeresAuFront/?locale=fr_FR
https://www.instagram.com/meresaufront/
https://meresaufront.org/
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Un Plan Nature cohérent, mais qui doit être mis en oeuvre rapidement

À l'aube de la COP16 sur la biodiversité qui débutera à Cali dans quelques jours, Nature Québec accueille positivement le Plan Nature du gouvernement du Québec. L'organisation environnementale est d'avis que ce plan est cohérent et qu'il traduit en actions concrètes des engagements que le Québec a pris en 2022 en se disant lié au Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal. Nature Québec invite donc le gouvernement Legault à rapidement mettre en œuvre ce plan pour faire sa part dans l'effort mondial visant à arrêter et inverser le déclin de la biodiversité.
Avec son Plan Nature, le gouvernement du Québec réaffirme notamment son intention de conserver 30 % du territoire d'ici 2030 et de bonifier l'accès de la population à la nature. Nature Québec souligne que le Plan Nature amorce une réflexion sur les causes indirectes du déclin de la biodiversité, dont nos modes de consommation, bien que l'organisation soit d'avis que cette réflexion devrait aller plus loin encore. Nature Québec salue également la volonté d'impliquer l'ensemble de la société dans la mise en œuvre du Plan Nature, dont la population, mais aussi les entreprises, les investisseurs et les différents ordres de gouvernement, tout comme la reconnaissance de l'importante contribution des Premiers peuples à la conservation de la biodiversité.
Nature Québec estime cependant que l'aménagement forestier est l'angle mort du Plan Nature. L'organisation rappelle que 92 % de la forêt québécoise est en terres publiques, et que le déclin alarmant des populations de caribous forestiers et montagnards est le signe que la gestion de la forêt n'est actuellement pas durable, contrairement à ce qui est affirmé dans le Plan Nature.
Si l'organisme demande au gouvernement du Québec de mettre en œuvre son Plan Nature dans les plus brefs délais, cela ne devrait pas le dispenser de trouver des solutions viables pour le secteur forestier.
« Le Plan Nature présenté aujourd'hui est globalement cohérent, mais évite sciemment l'enjeu de la gestion des forêts. Une réforme du régime forestier est essentielle si Québec souhaite véritablement protéger la biodiversité, et doit s'accompagner d'un plan de transition juste, co-créé avec les différentes parties prenantes, afin de soutenir les travailleurs et les travailleuses qui pourraient s'en trouver impactés » affirme Marie-Audrey Nadeau Fortin, analyste biodiversité chez Nature Québec.
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75 grèves à la CSN depuis la fin 2023

Aucun gouvernement n'a eu une épiphanie et ne s'est réveillé un matin en déclarant : à l'ordre du jour aujourd'hui, l'amélioration des conditions de travail ! Ce sont les travailleuses et les travailleurs qui ont toujours forcé les gouvernements et les employeurs à bouger afin de bénéficier de conditions décentes.
À quelques jours de la Journée mondiale pour le travail décent qui se tient le 7 octobre, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) rappelle que depuis toujours, c'est en se mobilisant que les travailleuses et les travailleurs ont réussi à améliorer leurs conditions salariales et de travail, telles que la santé et la sécurité au travail et la conciliation travail-famille, pour ne nommer que ces enjeux.
« Aucun gouvernement n'a eu une épiphanie et ne s'est réveillé un matin en déclarant : à l'ordre du jour aujourd'hui, l'amélioration des conditions de travail ! Encore moins quand le gouvernement est aussi un employeur, comme au Québec et au Canada. Ottawa et Québec ne sont pas des employeurs exemplaires. Ce sont les travailleuses et les travailleurs qui ont toujours forcé les gouvernements et les employeurs à bouger afin de bénéficier de conditions décentes », constate Caroline Senneville, présidente de la CSN.
La présidente souligne le nombre important de grèves observé à la CSN dans la dernière année. Près de 75 ont été tenues depuis décembre dernier, touchant plus de 15 000 salarié-es. Et ceci, sans compter la grève des centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs du secteur public, de novembre et décembre 2023. Certains de ces conflits ont duré quelques jours et d'autres plusieurs mois. « Que veut dire ce nombre considérable ? Que les salarié-és sont déterminés et prêts à prendre les moyens nécessaires pour améliorer leur sort, surtout dans le contexte inflationniste que l'on connaît, où de plus en plus de salarié-es peinent à joindre les deux bouts », continue Mme Senneville.
La syndicaliste rappelle à quel point le rapport de force des travailleuses et des travailleurs dérange. « Le 7 octobre, nous allons voir des employeurs et des gouvernements sortir des communiqués de presse symboliques pour la Journée mondiale du travail décent. Mais c'est bien rare que tout ce beau monde fait des cadeaux à ses salarié-es ! D'ailleurs, les employeurs recourent davantage au lock-out depuis quelques mois pour essayer de casser l'élan de leurs employé-es qui se dotent de mandats de grève ou qui l'exercent. Pourtant, chaque condition qui améliore notre vie au travail, c'est le fruit de batailles. Encore plus dans le contexte où récemment, les employeurs annonçaient des prévisions salariales à la baisse pour 2025. À la CSN, la lutte pour le salaire décent va continuer », conclut Mme Senneville.
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Déclaration sur l’anniversaire des attentats du 7 octobre

Il y a un an aujourd'hui qu'ont eu lieu les attentats terroristes du Hamas sur Israël. Le Congrès du travail du Canada (CTC) condamne ces attentats et déplore les horribles pertes de vie qui ont eu lieu ce jour-là et depuis un an dans la bande de Gaza et dernièrement au Liban.
Nous nous inquiétons vivement de la continuation de l'escalade des hostilités et de l'expansion de cette terrible guerre à l'ensemble de la région.
Au nom des syndicats du Canada, nous renouvelons notre appel à un cessez-le-feu immédiat, à la libération de tous les otages et à la prestation d'une aide humanitaire à la population de la bande de Gaza. Le CTC continue d'appuyer ses alliés syndicaux palestiniens et israéliens dans la poursuite de ces buts pressants, et nous croyons qu'il est encore possible d'instaurer la paix grâce au dialogue et à la solidarité.
Depuis une année, nous avons en outre assisté à une inquiétante montée de l'antisémitisme, du racisme anti-palestinien et de l'islamophobie dans l'ensemble de notre société, y compris dans nos lieux de travail. Les syndicats du Canada rejettent catégoriquement toute expression de haine et de discrimination. Nous nous sommes engagés à favoriser la création de milieux propices à l'inclusion, au respect et à la dignité pour tous.
Le coût humanitaire catastrophique de ce conflit exige que nous ne baissions jamais les bras tant qu'il n'aura pas été réglé. Quels que soient les obstacles et l'immense chagrin, notre humanité nécessite que nous nous nous efforcions diligemment et sans relâche de bâtir un mouvement pour la paix plus vaste et plus fort.
Nous avons pour devoir envers toutes les personnes pacifiques de la région de continuer à travailler inlassablement et stratégiquement à l'atteinte de l'objectif de faire régner la paix et la justice.
C'est ce que nos confrères travailleurs et travailleuses de Palestine et d'Israël nous ont demandé et c'est ce que nous continuerons à faire.
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Semaine nationale de la santé et de la sécurité du travail 20 au 26 octobre | Pas de risques à prendre !

À l'occasion de la Semaine nationale 2024 de la santé et de la sécurité du travail, l'APTS vous interpelle sur le rôle central que vous pouvez jouer dans l'identification, l'élimination ou le contrôle des risques dans votre environnement de travail.
Saviez-vous que le secteur de la santé et des services sociaux compte pour 45% des lésions acceptées par la CNESST pour l'ensemble de la province, alors qu'il regroupe un peu moins de 10% des lieux de travail au Québec[1] ? Un constat qui porte à réfléchir.
C'est dire à quel point votre environnement professionnel comporte de très nombreux risques et qu'il ne faut pas les sous-estimer : surcharge de travail, violence physique ou verbale, mouvements répétitifs entraînant une douleur, environnement de travail non ergonomique, etc. La liste est longue.
Placés en première ligne face à ces risques, votre rôle est essentiel. Celui de votre employeur aussi. Identifier les risques constitue en effet le point de départ de toute amélioration en matière de santé et sécurité au travail. Et la meilleure façon de travailler dans un milieu sain et sécuritaire est de conjuguer l'engagement de l'employeur et la participation des travailleur·euse·s.
Votre participation à la prévention de la SST est importante, car vous êtes les « spécialistes » de votre milieu de travail et, de ce fait, les mieux placés pour déceler les situations à risques. C'est une bonne raison, mais c'est aussi un droit : faites-vous entendre ! D'autant plus qu'avec le nouveau cadre légal, votre déclaration ne risque pas de tomber entre les craques du plancher, faute de suivi.
Toutes les situations dangereuses ou à risques déclarées doivent faire l'objet d'un suivi rigoureux de l'employeur. En cas d'inaction de sa part, des recours existent. Informez-vous auprès de votre équipe locale, au besoin.
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Raconter l’histoire de la laïcité, pour pouvoir se projeter dans l’avenir

Nous sommes en danger de « présentisme ». Pour ne pas s'enfermer dans une tour d'ivoire, l'historien doit pouvoir restituer, au-delà d'un étroit public de spécialistes, ce que des années de recherche ont permis d'apercevoir. Cette note de blog effectue deux présentations concernant l'histoire de la laïcité. L'ouvrage de P. Cabanel, « Le Droit de croire. La France et ses minorités religieuses », et la nouvelle édition retravaillée de mes deux « Que sais-je ? » aux PUF.
Tiré du blogue de l'auteur.

De toutes part, l'actualité nous accable. Mais, en ce jour anniversaire du 7 octobre, pour éviter de redire ce que d'autres expriment déjà fort bien, je m'en tiens à la règle que je me suis fixé pour ce Blog : parler de choses où je peux, immodestement, espérer tenir des propos un peu originaux.
Donc, pour ce qui concerne l'actuel, j'indiquerai seulement, qu'une nouvelle fois, j'ai été favorablement impressionné par l'entretien de Clémentine Autain sur France-Inter, samedi 5 octobre. Sur le fond, je suis, pour l'essentiel, en accord avec ce qu'elle a déclaré à propos du Proche-Orient (selon moi, elle est claire et sur le Hamas et sur Israël1), comme de la situation politique et sociétale française. Sur la forme, j'ai énormément apprécié que, allant contre la violence médiatique présente, elle émette des réponses dubitatives sur certaines questions ; affirmant que, sur tel et tel sujet, elle n'a pas encore de position assurée, qu'elle réfléchit, tout en donnant des éléments intéressants de réponse. Ainsi, elle a abordé le risque d'être contreproductif, en focalisant sur les victimes lors des procès de viol, si on incorpore le « consentement » dans sa définition juridique (ce qui serait, par ailleurs, un progrès).
Il doit être encore possible d'écouter cet entretien, pour celles et ceux qui l'auraient loupé. Une société laïque devrait être une société réflexive. Mais, prêtez l'oreille aux médias dominants, vous entendrez constamment parler d'« émotion », jamais de « rationalité ».
Autain présentait le mouvement qu'elle a co-fondé : « Après ». Ce titre est sobre, et nous sommes loin de la formule des « lendemains qui chantent » mais, en un seul mot, il pose la question fondamentale de notre aujourd'hui : comment la « génération désenchantée », que chantait déjà Mylène Farmer (en 1989 !), peut-elle arriver à se projeter dans un avenir vivable pour toutes et tous, et comment s'atteler à le construire ? Je suis persuadé qu'en effectuant le plus rigoureusement possible son travail, l'historien peut, à sa manière, contribuer à cette tâche collective. Il doit le faire en affrontant ce que Weber appelait les « faits dérangeants », en montrant les angles morts de la mémoire collective, en insérant les évidences présentes dans une dynamique historique : ces dernières perdent ainsi beaucoup de leur superbe !
L'historien rend service au militant en décryptant le « présentisme »
Nous sommes en danger de « présentisme ». J'attribue un double sens à ce terme. Celui défini par François Hartog : l'effacement contemporain du passé et du futur au profit d'un présent omniprésent et perpétuel ; mais également, second sens en interconnexion avec le premier, la tendance, à chaque époque, à faire du présent la norme intemporelle qui juge le passé et l'avenir selon les critères propres de l'aujourd'hui. Ce qui me passionne le plus, dans mon travail d'historien, c'est que je suis toujours écartelé entre le refus de l'anachronisme, la prise de distance nécessaire avec mes propres catégories culturelles et éthiques, nécessité absolue pour comprendre ce qui est advenu et faire œuvre de savoir, et le refus du relativisme, car les grands principes que nous considérons comme universels -comme l'égalité entre les femmes et les hommes- questionnent forcément, non seulement le présent mais également les temps passés.
J'ai choisi ce dernier principe car j'ai en tête un exemple très ravageur pour toute la gauche d'aujourd'hui, mais je ne l'indique pas tout de suite, afin de ménager un petit suspens !
Plus le travail de l'historien s'avère scientifiquement sérieux, plus il donne aux militant.e.s un apport précieux. S'il s'agit de conforter un catéchisme, même républicain ou de gauche, cela peut être accompli, vite fait, mal fait (et beaucoup le font déjà !). Nul besoin de passer des centaines d'heures à affronter des documents qui permettent de reconstruire le passé, sans le tordre comme un nez de cire. Ce travail de recherche, où l'on ne sait pas, au départ, ce que l'on va découvrir, est fondamental (encore une fois : il permet de sortir des stéréotypes). Et il interroge aussi le présent car, si les conjonctures sont structurellement différentes et les problèmes affrontés autres, il existe des permanences anthropologiques : ainsi, à chaque fois, il faut arriver à démolir un « mur de peur » (métaphore analogue au plafond de verre) car, comme l'indique la sagesse populaire (sociologiquement souvent très pertinente), « la peur est mauvaise conseillère ».
Mais, pour ne pas s'enfermer dans une tour d'ivoire, l'historien doit, ensuite, s'adonner à un travail de vulgarisation (très frustrant pour lui : cela l'oblige à des raccourcis), indispensable pour pouvoir restituer, au-delà d'un étroit public de spécialistes, ce que des années de recherche ont permis d'apercevoir.
Cette Note effectue deux présentations concernant l'histoire de la laïcité. D'abord, l'ouvrage de Patrick Cabanel, Le Droit de croire. La France et ses minorités religieuses, XVIe-XXIe siècle (Passés composés). Ce livre tient plutôt du premier aspect (la recherche) ; quoi qu'en opérant une synthèse sur la longue durée, il manifeste aussi une ouverture vers le second (la vulgarisation) et, de plus, montre que des obsessions comme celle du « grand remplacement » sont récurrentes dans l'histoire de France. Ensuite, je signalerai la nouvelle édition retravaillée, parue ces derniers mois, de mes deux « Que sais-je ? » aux PUF (je vous avais prévenu que je serai immodeste !), Histoire de la laïcité en France et les Laïcités dans le monde. Ces ouvrages appartiennent, sans conteste, à de la vulgarisation. Mais je n'aurai jamais pu écrire ces petits livres (vous connaissez la formule : 128 pages maxi) si je n'avais pas, par ailleurs, effectué, pendant des décennies, des recherches de « première main » (comme on dit, dans notre jargon professionnel).
La France et ses minorités religieuses. Pluralisme et laïcité
Historien du protestantisme, spécialiste des rapports historiques qui ont existé entre protestants et juifs, auteur de livres qui ont trait à la laïcité, Cabanel est on ne peut plus qualifié pour analyser les relations que l'Etat et la société française ont noué avec les minorités religieuses, à partir du moment où celles-ci n'ont pas pu être éradiquées ou expulsées et où s'est, en conséquence, posée la question de la « tolérance » de ceux que l'on n'arrivait pas à supprimer. Son ouvrage est, en fait, une histoire des difficultés culturelles du pluralisme en France, malgré sa nécessité politique pour éviter (ou pouvoir terminer, comme au XVIe siècle) la guerre civile. L'instauration du pluralisme (même limité) est hautement réversible, comme le montre la Révocation de l'Edit de Nantes, en 1685, qui s'effectue dans la nostalgie de l'unité perdue. Souvent, cela va de pair avec la haine de la diversité, comprise comme une division menaçante. L'historien relève, à plusieurs reprises, des fictions complotistes, produisant un florilège d'accusations où foisonne cette haine.
Cabanel met en lumière la panique, la hantise d'une majorité qui craint de devenir minoritaire dans « son » propre pays : nous la retrouvons, écrit-il, « au long des siècles, face aux juifs, puis aux musulmans ». Mais, bien sûr, ce ressenti est fallacieux : le véritable problème est d'« être la majorité -et ne plus être que cela- quand on a été le tout », quand on se pense toujours comme étant le tout. « Et le pire est peut-être, ajoute-t-il, ce moment où la minorité, d'abord visible, et dérangeante pour cela, devient invisible à force d'intégration réussie (ce que la majorité a exigé ou qu'elle a cru impossible) : c'est alors que la peur d'un ‘remplacement' peut surgir ». Les édits de tolérance (du XVIe siècle et celui de 1787) deviennent alors une « honteuse capitulation », une « puanteur » qui produit un « vomissement » et putrifie « le sang » de la France « autrefois (dit-on) si beau, si pur, si bouillant de dévotion ». Et notre auteur de se poser la question « le complotisme ne surgit-il pas » quand les majoritaires se voient contraints de « renoncer à [leur] exclusivité et d'assister à l'ouverture des droits aux minorités ? Les haines religieuses deviennent alors sociales et politiques ». Un autre ouvrage, qui vient de paraître, Survivre. Une histoire des guerres de religions de Jérémie Foa (Seuil) le montre de façon érudite, pour ce qui concerne les conflits traumatiques du XVIe siècle.
Ces peurs vont à l'encontre d'une gestion politique que l'on peut qualifier de pré-laïque où, si les principes actuels de la laïcité ne sont pas encore observés, son fondement est établi : l'excommunié ne cesse pas d'être citoyen, il possède toujours des droits (Michel de l'Hospital). C'est la logique de l'Edit de Nantes de 1598, après les quarante années de « guerres de religions ». Mais cet Edit ne propose pas, pour autant, un idéal pluraliste. Il se veut un agencement temporaire, dans l'attente d'une unité religieuse retrouvée. Mentalité dont les traces ont, ensuite, été récurrentes.
A lire Cabanel, on perçoit lumineusement l'importance (oubliée) de l'état-civil dans la fabrication de la laïcité et à quel point les spécificités laïques françaises ont historiquement à voir avec sa répulsion envers le pluralisme. Le fait était déjà connu pour l'Edit de tolérance de 1787, sous Louis XVI : devant le problème social que pose le fait de considérer juridiquement comme « batard » les enfants de protestants, pour ne pas reconnaitre la validité des mariages célébrés (clandestinement) par les pasteurs (et donc donner de la légitimité politique à la pluralité des convictions), on instaure la possibilité d'un état civil laïque pour les « non-catholiques » (quitte à faire surgir la crainte d'une « possible fluidité des mariages »).
On trouve là un embryon de laïcité qui précède la généralisation de l'état civil laïque opéré, en 1792, par la Révolution française. Il s'enracine dans le refus du pluralisme et, d'ailleurs, cette généralisation de l'état civil, cinq ans plus tard, garde un état d'esprit analogue : elle permet, en effet, d'éviter de reconnaitre la légitimité des actes opérés par les prêtre réfractaires (ceux qui ont refusé de prêter serment à la Constitution civile du clergé de 1790).
Or, sur cette question, Cabanel va beaucoup plus loin en nous rendant attentif à un paradoxe : la Révocation de l'Edit de Nantes a produit de la laïcisation ! En effet, l'interdiction du protestantisme, en 1685, conduit une Déclaration royale à édicter que les plus proches parents d'une personne « morte sans les secours de la religion catholique devraient déclarer le décès aux juges royaux et apposer leur signature sur un registre prévu à cet effet : c'était l'ébauche d'un premier enregistrement non religieux, d'une ‘laïcité' à destination des protestants ». Après la Révocation et à cause d'elle, la France compte « deux registres des morts : celui de l'Eglise [catholique], celui de l'Etat (pourtant catholique mais prenant en charge les seuls protestants) … C'est une forme de séparation, ou plutôt de complémentation ».
Notre historien nous livre là une découverte scientifique de la plus haute importance : elle est, en effet, décisive contre toute sacralisation de la « laïcité à la française », celle-ci s'enracine, entre autres (bien sûr), dans une incapacité historique à vivre le pluralisme, incapacité dont les conséquences pèsent encore aujourd'hui. D'ailleurs, il faut cesser de se raconter des contes de fées : on répète à satiété la phrase de Clermont-Tonnerre : « Tout accorder aux juifs comme individus, tout leur refuser comme nation », en ignorant que, peu après, alors que les autres citoyens prêtaient serment individuellement, on a fait prêter serment aux rabbins au nom de leur communauté ; double jeu souvent caractéristique de l'attitude dominante française face aux minorités. Et, avec l'exemple, du protestantisme et du jansénisme, notre auteur montre aussi que des minorités, combattues à partir de peurs analogues, peuvent très bien s'entredéchirer, au lieu de présenter un front commun face aux discriminations qu'elles subissent. L'actualité n'en donne-t-elle pas un nouvel exemple ?
Je vais m'arrêter là, faute de pouvoir indiquer tous les aspects importants de ce livre. Je signale seulement, au fil de la plume, quelques points parmi d'autres, qui ont alimenté ma réflexion. Par exemple, la manière dont la mémoire collective tronque le passé. Deux cas : le rôle oublié de Pierre Bayle dans l'histoire de la laïcité ; la façon dont Voltaire met en avant l'exemple anglais, alors que ses admirateurs contemporains passent leur temps à décrier un « modèle anglo-saxon ». Me semble également éclairante, la notion (un oxymore !) d'« universalité dominante » et la proximité rappelée, par l'auteur, entre « Marianne » et « Marie », ce qui pose le problème de la « catho-laïcité ». Je terminerai, cependant, par une critique : Cabanel apparait moins à l'aise quand il s'agit d'analyser « l'histoire du temps présent ». Néanmoins, son ouvrage donne des matériaux très précieux pour le décrypter et cela est l'essentiel.
Laïcité en France et dans le monde
Je l'ai indiqué, mes deux « Que sais-je ? » se situent, eux, du côté de la vulgarisation et ils atteignent leur but puisque l'Histoire de la laïcité en France, paru pour la première fois en 2000, en est à sa 9ème édition, et que Les laïcités dans le monde, paru en 2007, en est à sa sixième. Chacune de ces rééditions conduit, non seulement, à actualiser un sujet toujours en mouvement, mais me pousse à retravailler l'ensemble de l'ouvrage, d'abord, pour tenir compte de nouvelles parutions (ainsi la majorité des études auxquelles je me réfère maintenant ont été publiées après la 1ère édition de chaque ouvrage) ; ensuite, pour reformuler plus clairement certains passages, les améliorer, tenir compte des préoccupations actuelles ; enfin, pour intégrer les résultats des recherches que j'ai effectuées depuis l'édition précédente. Et cela doit être réalisé sans augmenter le nombre de pages : rude tâche !
J'ai donc procédé ainsi en vue des nouvelles éditions. Pour l'Histoire de la laïcité en France les principaux changements concernent le XXe et le début du XXIe siècle. D'une part, des transformations (déjà commencés dans l'édition de 2021, mais poursuivies) concernent la préparation, la fabrication et l'application de la loi de 1905 (chapitre V, dont le nombre pages a augmenté), séparant les Eglises de l'Etat : intégrer, en quelques paragraphes, les 1470 pages des 3 tomes de mon Histoire politique des séparations des Eglises et de l'Etat (1902-1908), cela donne des sueurs froides…. D'autre part, j'ai réagencé, et partiellement réécrit, les chapitres VI et VII.
Quand j'avais rédigé le livre, à la fin du XXe siècle, il était assez logique que le chapitre VI se termine avec la loi Debré de 1958 et que le dernier chapitre concerne ce qui était arrivé depuis. Un quart de siècle plus tard, semblable périodisation était devenue obsolète. Ayant gagné quelques pages sur l'avant séparation, j'ai pu réécrire un chapitre VI, couvrant, cette fois, la période 1909-1989 (« La laïcité établie et adoucie ») et un autre, plus étoffé, allant de 1989 à aujourd'hui (« Troisième seuil de laïcité et nouveaux défis »). Cela me permet de clarifier davantage les enjeux de ce que j'appelle le « troisième seuil de laïcisation », et qui (il faut bien croire à ce que l'on fait, sinon on ne se mettrait pas, chaque matin devant son ordinateur quand on est, soi-disant, à la « retraite » !) me semble être une clé essentielle pour pouvoir comprendre et analyser la situation présente. A noter que celles et ceux qui disent : « M'enfin, on n'en est plus à 1905 » (après avoir largement sacralisé leur version de la loi de séparation !) et me reprochent de trop me focaliser sur cette période ignorent (ou font mine d'ignorer) que, précisément, grâce à la perspective des trois seuils, je prends en compte les changements structurels de situation.
C'est également la manière dont la notion de seuils de laïcisation peut apporter un éclairage sur les processus internationaux de laïcité (et de crise actuelle de la laïcité) qui a guidé la manière dont j'ai retravaillé le livre Les laïcités dans le monde (et la distinction de la laïcisation et de la sécularisation : la laïcité devrait être la règle politique qui permet la vie pacifiée d'individus et de groupes entretenant des rapports différenciés à la sécularisation). Ce sont les derniers chapitres (« Géopolitique de la laïcité » et « Laos, laïcités et défis du XXIe siècle ») où les changements ont été les plus importants. Mais j'ai intégré également, pour les autres périodes, des ouvrages anglophones importants parus depuis la dernière édition (et même, pour quelques-uns, auparavant … mais je ne les avais pas pris en compte !). Ce livre tente de prendre de plus en plus de distance avec le provincialisme de la vision française dominante de la laïcité. Et, paradoxe, alors que le « Que sais-je » sur la France, qui contient le mot « histoire » dans son titre, commence (mis à part l'Introduction) avec la Révolution, cet ouvrage sur Les laïcités dans le monde « remonte » plus en avant dans le temps et, après un chapitre intitulé « Préhistoire de la laïcité », insiste sur ses fondements de philosophie politique au XVIIIe siècle.
Donc, je m'améliore d'éditions en éditions : vous verrez, dans 20 ans, quand j'aurai 103 ans, mes deux « Que sais-je ? » approcheront la perfection !
Pour finir, un exemple de domination masculine
Et maintenant, pour terminer, j'honore ma promesse de vous livrer un exemple, très ravageur pour le référentiel de toute la gauche d'aujourd'hui, et très significatif de la façon dont les rapports femmes-hommes pouvaient être pensés au début du XXe siècle.
Je raconte : Le processus qui a conduit à la loi de séparation a été accompagné par la société civile de l'époque, notamment une association, l'Union pour l'Action Morale, où de brillants intellectuels, et quelques personnalités politiques, ont réfléchi au problème. Ils se voulaient novateurs, hommes de progrès, et ont organisé de « libres débats ». A la fin de la quatrième réunion, le responsable de l'UAM, Paul Desjardins, approuvé par Ferdinand Buisson (auquel beaucoup de militants laïques reprochaient d'être favorable au droit de vote des femmes), déclare : « après avoir écouté les idées », nous devons « prêter attention aux sentiments ». La raison : jusqu'à présent, tous ceux qui ont parlé sont des hommes (les idées !), maintenant, il serait bon d'écouter une femme (les sentiments !). C'est (notion oxymore) du féminisme sexiste ! Cela dit, pas de féminisme échevelé et, les réunions suivantes, seuls des hommes continuent de pérorer.
Mais Desjardins a de la suite dans les « idées » (c'est un homme !) et, à la neuvième et dernière séance, il lance une discussion sur la « désharmonie religieuse […] entre hommes et femmes ». Une dame (Mme Moll-Weiss) peut alors s'exprimer. Elle explique que le meilleur moyen de remédier à cette « désharmonie » consisterait à instaurer une « parité d'éducation ». On éviterait ainsi tout « tiraillement entre époux ». Mais ces propos tombent complètement à plat, car un homme qui prend la parole ensuite et n'en tient nul compte : il en revient au sujet précédent (les associations cultuelles doivent-elle être « larges » ou « étroites » ?) qui, dès lors, conduit la discussion. Sauriez-vous dire quel est cet homme qui a, ainsi, méprisé la parole d'une femme ? Bien sûr, ce n'est pas évident et je vous donne un indice : cet homme se prénomme Jean.
Vous ne trouvez pas : je vais vous fournir un autre indice, son nom commence par J. Eh oui, l'homme pour qui cette unique intervention féminine a compté pour du beurre n'est autre que Jean Jaurès. Double moralité de ce qui s'est alors passé : d'une part, c'est un exemple supplémentaire de l'aspect quasi-consensuel de la domination masculine séculaire ; d'autre part cela nous rappelle qu'être laïque c'est aussi avoir assez de lucidité pour ne pas auréoler quiconque et savoir que les systèmes de valeurs, les réflexes culturels changent. Bref, loin d'accuser le passé, cet exemple doit nous conduire à nos poser une vertigineuse question : que vaudront, dans cent ans, nos généreuses idées d'aujourd'hui ?
Note
(1) Ce qui se passe à Gaza, et maintenant au Liban, est horrible. En plus de la cruauté de leur riposte et des malheurs qu'elle engendre, les dirigeants israéliens mènent une politique complètement suicidaire. Il est dramatique de constater qu'ils s'avèrent très opérationnels pour massacrer, mais ont été incapables de tenir compte des signaux que leur indiquait un Rapport remis un an auparavant et, juste avant le massacre, des informations des soldat.e.s sur les préparatifs de l'attentat terroriste du Hamas (ce qui ne relativise en rien sa tuerie) et, ainsi, de protéger leur peuple. C'est le 11 septembre, puissance 10 où, également, on avait assisté à l'incapacité notoire des services de renseignement américains à tenir compte des données dont ils disposaient ; et, après l'attentat, l'illusion a dominé qu'en envahissant l'Irak, l'Amérique allait régler le problème et instaurer la démocratie. Aussi bien cette incapacité intellectuelle que ces réponses, où on croit naïvement trouver la solution dans un surcroit de violence, témoigne du même enfermement dans des certitudes à deux balles et d'un manque d'intelligence, d'une absence énorme de réflexivité.
Ceci dit, la situation est d'autant plus désespérante qu'on ne voit pas, dans la classe politique libanaise, des personnes à la hauteur de la situation. Quant au Hamas, qu'Israël a contribué à faire grandir, comme beaucoup d'autres, je ne souhaite pas qu'il prenne la direction d'un (hélas, très éventuel) Etat palestinien et en fasse un nouvel Iran.
Pour ce qui nous concerne, il faut tenter d'agir de façon juste (dans les 2 sens du terme : justice et justesse). J'y reviendrai sans doute dans une prochaine Note. J'indiquerai seulement, ici, qu'il importe de combattre tous les amalgames : depuis des années, je me bats pour éviter que les Français musulmans ne soient, si peu que ce soit, confondus avec le terrorisme islamique, ce n'est pas pour accepter qu'on le mette, si peu que ce soit, sur le dos des Français juifs, le terrorisme d'Etat du gouvernement israélien.
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Pour une grande réflexion en culture : Il est temps pour les artistes d’obtenir des réponses

Depuis plusieurs années, les gouvernements qui se sont succédé ont injecté avec raison des sommes importantes dans le domaine de la culture afin d'en assurer le développement et la pérennité. Or, en consultant plusieurs données statistiques frappantes, il devient évident que quelque chose ne va pas dans la façon dont percole l'argent, de la main de l'État jusqu'aux créateurs.
Note : plus de 300 personnes du milieu ont signé cette lettre. Voir la liste en fin d'article.
La réalité, c'est que malgré une augmentation de 25 % des budgets en culture dans les dernières années, la moyenne salariale des artistes n'a pas bougé de façon significative depuis 30 ans. Elle est aujourd'hui de 20 787 $, soit 4500 $ de moins qu'un travailleur au salaire minimum. Si nous écartons le 1 % des artistes qui gagnent 200 000 $ et plus, nous dégringolons à un revenu moyen de 16 911 $… 15 000 $ sous le seuil de la pauvreté… Les créateurs de chez nous ne cessent de s'appauvrir et galèrent de plus en plus pour pouvoir exercer leur métier avec dignité.
Une question devient alors pressante et inévitable :
Quel est donc le parcours que suit le financement public, si précieux et vital pour notre culture, de la main de l'État, en passant par les producteurs et les diffuseurs, jusqu'aux créateurs à qui le public doit les œuvres qu'il regarde, lit ou entend ?
La réponse à cette interrogation fort simple est d'une ambiguïté et d'une complexité qui, croyons-nous, n'a pas lieu d'être. Il est impératif de comprendre les rouages de l'attribution des subventions et de la gestion des budgets. Qui dit trésor public dit comptes à rendre.
Nous ne doutons pas de la bonne foi de la plupart des intervenants du milieu culturel.
Mais force est de constater que pour certains d'entre eux, le financement de nos gouvernements en culture semble devenir une manne lucrative au détriment du bien-être de trop nombreux artistes sans lesquels ils ne sauraient exister.
Questions sans réponses
Voici en rafale quelques questions cruciales, parmi bien d'autres, qui braquent les projecteurs sur ce qui ressemble à des contradictions, voire des apparences de conflits d'intérêts :
– Comment des compagnies de production, qui vivent presque uniquement grâce à de l'argent public, peuvent-elles devenir si lucratives que des consortiums dûment cotés en bourse les achètent ?
– Comment sont gouvernées nos principales institutions subventionnaires (SODEC, CALQ, Téléfilm, Musicaction, etc.) dont les administrateurs, souvent producteurs, peuvent occuper plusieurs sièges simultanés au sein des différents conseils d'administration ?
– Comment des boîtes de production qui demandent des subventions peuvent-elles se retrouver à siéger à des CA d'institutions qui leur accordent ces mêmes subventions ?
– Pourquoi certaines compagnies se voient-elles accorder systématiquement, année après année, des enveloppes discrétionnaires récurrentes, amaigrissant ainsi la part attribuée aux petites compagnies qui peinent à obtenir du financement ? Bref, comment se fait-il que l'argent public soit accaparé par une poignée d'entreprises culturelles, alors qu'une plus grande diversité d'entreprises pourrait s'épanouir et proposer des projets innovants avec le même argent ?
– Pourquoi est-il si difficile de tracer le parcours que suit l'argent public en culture ?
Au regard de ces questions qui demeurent sans réponses, il n'est pas étonnant que les créateurs se sentent de plus en plus floués et impuissants. À un point tel qu'une grave crise de confiance face aux institutions est en train de se dessiner dans la communauté artistique. Tout le monde gagnerait à obtenir plus de transparence.
C'est sans compter les autres problèmes importants que le milieu culturel doit affronter sans délai.
Pensons aux GAFAM qui sont venus en quelques années seulement vampiriser les revenus des artistes en utilisant de façon éhontée leurs œuvres ou leurs performances sans payer (ou si peu) de redevances.
L'exemple de la musique est criant. Une entreprise comme Spotify ne verse pratiquement rien à des artistes dont les œuvres peuvent jouer des centaines de milliers, voire des millions de fois sur sa plateforme. Pourtant, la même entreprise exige un abonnement fort lucratif pour nous permettre d'écouter ces mêmes œuvres.
Ajoutons à tout ça l'émergence fulgurante de l'intelligence artificielle qui « apprend » en observant, en écoutant et en copiant des œuvres, des voix, des mouvements d'artistes en chair et en os dans le but de se substituer à eux… et nous avons le dernier ingrédient pour nous concocter une fantastique catastrophe qui ne pourra qu'affaiblir gravement notre culture à long terme.
Est-il besoin de plus d'arguments pour convaincre nos gouvernements d'inviter tous les intervenants du milieu de la culture à des états généraux ? Que ce soit en littérature, théâtre, danse, arts visuels, musique, audiovisuel, un grand questionnement collectif s'impose afin de réfléchir à l'avenir de notre riche écosystème culturel, de trouver des solutions aux écueils qui le guettent, de libérer la parole et redonner un tant soit peu de dignité aux artistes qui en constituent le fondement brut.
C'est une question d'identité, de sauvegarde et de pérennité.
La culture est un bien essentiel.
Consultez la liste des signataires
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Fredric Jameson (1934-2024), penseur de notre détresse politique

Fredric Jameson est mort le 22 septembre. Peu traduit en français, il est l'un des penseurs les plus influents de ces 50 dernières années. Critique littéraire, théoricien de la postmodernité, Jameson offre de précieux outils pour penser le monde contemporain et les causes de notre impuissance politique. (Manouk Borzakian)
Tiré du blogue de l'auteur.
C'est l'histoire d'une citation victime de son succès : « il est plus facile d'imaginer la fin du monde que d'imaginer la fin du capitalisme ». Il est du dernier chic de l'asséner comme la vérité ultime de l'époque : le capitalisme – qu'on se garde bien de définir au passage[1] – est un système si mauvais et destructeur, mais aussi tellement profondément ancré dans le fonctionnement de nos sociétés et dans nos imaginaires, qu'on n'en sortira pas autrement que les pieds devant.
Voilà un terrible paradoxe. Jameson, auteur en 1961 d'une thèse sur Sartre et devenu un analyste incontournable des manifestations culturelles du capitalisme tardif, a consacré sa carrière intellectuelle à rappeler l'absolue nécessité d'« historiciser » : comprendre une œuvre passe par l'exploration du contexte, avec lequel elle interagit. Et le voici justement réduit à une phrase choc, sans histoire ni contexte, pour penseurs et penseuses critiques de pacotille.
Paralysie intellectuelle
Le paradoxe n'est qu'apparent et donne raison à Jameson lui-même : l'ignorance du contexte et de l'histoire est devenue le trait principal de notre appréhension collective du monde.
Faire l'impasse sur le (con)texte de la trop célèbre citation n'en est pas moins regrettable. D'autant que l'article dont elle provient, un compte rendu de lecture publié en 2003 dans la New Left Review, fournit des clés pour saisir la pensée de Jameson. Ce dernier part de deux livres issus de séminaires organisés à Harvard par l'architecte star et théoricien de l'urbanisme Rem Koolhaas. On y trouve une réflexion collective sur l'évolution récente du phénomène urbain, entre marchandisation des villes et frénésie de la construction et reconstruction permanente. Jameson, après un rapide survol du contenu des deux volumes, tente de le passer au tamis de sa grille théorique. Intervient alors la fameuse citation (complète) :
« Quelqu'un a dit un jour qu'il était plus facile d'imaginer la fin du monde que d'imaginer la fin du capitalisme. On peut maintenant corriger cela et assister à la tentative d'imaginer la fin du monde comme moyen d'imaginer le capitalisme[2]. »
Au risque de l'autoplagiat, Jameson reprend une idée déjà formulée en 1994, dans The Seeds of Time : « Il semble plus facile pour nous aujourd'hui d'imaginer la dégradation permanente de la Terre et de la nature que l'effondrement du capitalisme tardif[3]. » Au début du 21e siècle, son constat demeure : nous sommes devenus incapables de penser l'avenir autrement que comme la répétition d'un présent insoutenable. Et 20 ans plus tard, le succès éditorial de la collapsologie fait figure de symptôme parmi d'autres de la persistance de cette difficulté contemporaine à penser l'histoire humaine autrement que comme une fin.
Incertitude spatiale
Contre une telle paralysie intellectuelle et politique, l'article de 2003 avance une solution en forme de synthèse de l'œuvre de Jameson : il faut redonner un sens à l'histoire, une histoire dont l'humanité serait actrice, fruit d'une projet collectif. L'injonction rappelle la proximité de son auteur avec une tradition marxienne hétérodoxe inaugurée par le premier Lukács et poursuivie par l'École de Francfort et les situationnistes.
On peut trouver le remède un peu vague. Mais le diagnostic compte autant que le remède. Mieux : reconnaître le problème constitue déjà un geste intellectuel et politique, un pas de côté amorçant un changement. Acquis à cette idée, Jameson s'est appliqué durant plusieurs décennies à identifier les traits de la postmodernité, époque coïncidant avec le développement du capitalisme post-fordiste.
Géographes et urbanistes retiendront, dans son ouvrage majeur Le Postmodernisme ou la logique culturelle du capitalisme tardif, la description du Westin Bonaventure. L'hôtel de 33 étages, construit à Los Angeles dans les années 1970, garantit à qui le visite une expérience déroutante. Ses entrées latérales ne mènent pas toutes au même étage, ascenseurs de verre et escalators offrent le spectacle d'un mouvement perpétuel, on ne trouve pas la réception sans aide et, depuis l'extérieur, l'immense structure en verre renvoie un reflet déformé des bâtiments alentour.
Bref, impossible de saisir la logique de l'ensemble. L'hôtel conçu par l'architecte John Portman résume le monde contemporain, dans lequel nous peinons à nous situer au sein d'un gigantesque réseau de communication qui semble infini et sans hiérarchie. Plus possible de se former une image mentale du monde comme totalité, d'en produire ce que Jameson nomme une « cartographie cognitive ». En constant changement et privé de grand récit explicatif, le monde contemporain est insaisissable et génère une incertitude permanente.
Le cinéma paranoïaque des années 1970, analysé dans La Totalité comme complot, témoignait déjà de la manière dont l'imaginaire du complot vient combler le manque de repères sociopolitiques de l'époque. Plus récemment, les films de zombies ont dépeint le déficit de sens dont souffrent les sociétés occidentales contemporaines et les remèdes qu'elles tentent d'y apporter.
Littérature, cinéma, urbanisme, la pensée foisonnante de Jameson déroute parfois, stimule toujours. Proche par bien des aspects de la notion de « modernité liquide » de Zygmunt Bauman, sa critique de la postmodernité est incontournable pour espérer sortir de l'ornière intellectuelle, culturelle et politique de ce début de siècle.
Notes
[1] Essayons, pour la peine. Le capitalisme est un système économique et politique dans lequel l'humanité se soumet aux exigences de la marchandise. Non seulement les individus consacrent l'essentiel de leur temps à produire (via le travail salarié) et à consommer des marchandises. Mais la logique marchande – échange monétisé, efficacité, quantité, performance – colonise leur vie, des vacances à l'activité physique en passant par la nourriture et les relations amoureuses.
[2] Traduction approximative de : « Someone once said that it is easier to imagine the end of the world than to imagine the end of capitalism. We can now revise that and witness the attempt to imagine capitalism by way of imagining th end of the world. »
[3] « It seems to be easier for us today to imagine the thoroughgoing deterioration of the earth and of nature than the breakdown of late capitalism. »
À lire
Fredric Jameson, « Future City », New Left Review n°21, 2003.
Fredric Jameson, Le Postmodernisme ou la logique culturelle du capitalisme, ENSDBA, 2007 (trad. Florence Nevoltry, édition originale : 1991).
Fredric Jameson, La Totalité comme complot. Conspiration et paranoïa dans l'imaginaire contemporain, Les Prairies ordinaires (trad. Nicolas Vieillescazes, édition originale : 1992).
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Le surréalisme comme mouvement révolutionnaire

Le surréalisme n'est pas, et n'a jamais été, une école littéraire ou un courant artistique « d'avant-garde » (comme le cubisme ou le fauvisme), mais une vision du monde, un mode de vie, et une tentative éminemment subversive de réenchanter le monde. Il est aussi une aspiration utopique et révolutionnaire à « transformer le monde » (Marx) et « changer la vie » (Rimbaud) : deux mots d'ordre identiques, selon André Breton. C'est une aventure en même temps poétique et politique, magique et ludique. Elle a commencé à Paris il y a cent ans, en 1924. Elle continue aujourd'hui.
Tiré de Inprecor 724 - septembre 2024
29 septembre 2024
Par Michael Löwy
Au rendez-vous des amis. Max Ernst 1922. Aragon, Breton, Desnos ... Eluard,
Le surréalisme est, dès son origine, un mouvement international. Cependant, dans les pages suivantes nous allons nous occuper surtout du groupe surréaliste de Paris, d'abord autour d'André Breton, mais qui a continué son activité après le décès de l'auteur des Manifestes du surréalisme.
L'aspiration révolutionnaire est à l'origine même du surréalisme et prend d'abord une forme libertaire, dans le Premier Manifeste du Surréalisme (1924) d'André Breton : « Le seul mot de liberté est tout ce qui m'exalte encore ». En 1925, le désir de rompre avec la civilisation bourgeoise occidentale conduit Breton à se rapprocher des idées de la révolution d'Octobre, comme en témoigne son compte rendu du Lénine de Léon Trotsky. S'il adhère en 1927 au Parti communiste français, il ne garde pas moins, comme il s'en explique dans la brochure Au grand jour, son « droit de critique ».
C'est le Second Manifeste du Surréalisme (1930) qui tire toutes les conséquences de cet acte, en affirmant « totalement, sans réserve, notre adhésion au principe du matérialisme historique ». Tout en faisant valoir la distinction, l'opposition même, entre le « matérialisme primaire » et le « matérialisme moderne » dont se réclame Friedrich Engels, André Breton insiste sur le fait que « le surréalisme se considère comme lié indissolublement, par suite des affinités que j'ai signalées, à la démarche de la pensée marxiste et à cette démarche seule ».
Un marxisme émerveillé
Il va de soi que son marxisme ne coïncide pas avec la vulgate officielle du Komintern. On pourrait peut-être le définir comme un « marxisme gothique », c'est-à-dire un matérialisme historique sensible au merveilleux, au moment noir de la révolte, à l'illumination qui déchire, comme un éclair, le ciel de l'action révolutionnaire.
Il appartient en tout cas, comme celui de José Carlos Mariategui, de Walter Benjamin, d'Ernst Bloch et de Herbert Marcuse, à un courant souterrain qui traverse le 20e siècle : le marxisme romantique. C'est-à-dire une forme de pensée qui est fascinée par certaines formes culturelles précapitalistes et qui rejette la rationalité froide et abstraite de la civilisation industrielle moderne – mais qui transforme cette nostalgie du passé en force dans le combat pour la transformation révolutionnaire du présent. Si tous les marxistes romantiques s'insurgent contre le désenchantement capitaliste du monde – résultat logique et nécessaire de la quantification, mercantilisation et réification des rapports sociaux – c'est chez André Breton et le surréalisme que la tentative romantique/révolutionnaire de réenchantement du monde par l'imagination atteint son expression la plus éclatante.
Le marxisme de Breton se distingue aussi de la tendance rationaliste/scientiste, cartésienne/positiviste, fortement marquée par le matérialisme français du 18e siècle – qui dominait la doctrine officielle du communisme français – par son insistance sur l'héritage dialectique hégélien du marxisme. Dans sa conférence à Prague (mars 1935) sur « la situation surréaliste de l'objet » il insistait sur la signification capitale du philosophe allemand pour le surréalisme : « Hegel, dans son Esthétique, s'est attaqué à tous les problèmes qui peuvent être tenus actuellement, sur le plan de la poésie et de l'art, pour les plus difficiles et qu'avec une lucidité sans égale il les a pour la plupart résolus […]. Je dis qu'aujourd'hui encore c'est Hegel qu'il faut aller interroger sur le bien ou le mal-fondé de l'activité surréaliste dans les arts ». Quelques mois plus tard, dans son célèbre discours au Congrès des écrivains pour la défense de la culture (juin 1935), il revient à la charge et ne craint pas de proclamer, à contre-courant d'un certain chauvinisme antigermanique : « C'est avant tout dans la philosophie de langue allemande que nous avons découvert le seul antidote efficace contre le rationalisme positiviste qui continue ici à exercer ses ravages. Cet antidote n'est autre que le matérialisme dialectique comme théorie générale de la connaissance. »
Breton et Trotsky
La suite de l'histoire est connue : de plus en plus proches des positions de Trotsky et de l'opposition de gauche, la plupart des surréalistes (sans Louis Aragon !) vont rompre définitivement avec le stalinisme en 1935. Ce n'est en rien une rupture avec le marxisme, qui continue à inspirer leurs analyses, mais avec l'opportunisme de Staline et ses acolytes qui « tend malheureusement à annihiler ces deux composantes essentielles de l'esprit révolutionnaire » qui sont : le refus spontané des conditions de vie proposées aux êtres humains et le besoin impérieux de les changer.
En 1938 Breton rend visite à Trotsky au Mexique. Ils vont rédiger ensemble un des documents les plus importants de la culture révolutionnaire au 20e siècle : l'appel « Pour un art révolutionnaire indépendant », qui contient le passage célèbre suivant : « pour la création culturelle [la révolution] doit dès le début même établir et assurer un régime anarchiste de liberté individuelle. Aucune autorité, aucune contrainte, pas la moindre trace de commandement ! […] Les marxistes peuvent marcher ici la main dans la main avec les anarchistes ». Comme l'on sait, ce passage est de la plume de Trotsky lui-même, mais l'on peut supposer aussi qu'il est le produit de leurs longues conversations au bord du lac Patzcuaro.
C'est dans l'après-guerre que la sympathie de Breton pour l'anarchie va se manifester plus clairement. Dans Arcane 17 (1947) il rappelle l'émotion qu'il ressentit lorsque, enfant encore, il découvrit dans un cimetière une tombe avec cette simple inscription : « ni Dieu ni Maître ». Il énonce, à ce propos, une réflexion générale : « au-dessus de l'art, de la poésie, qu'on le veuille ou non, bat aussi un drapeau tour à tour rouge et noir » – deux couleurs entre lesquelles il refuse de choisir.
D'octobre 1951 à janvier 1953, les surréalistes vont collaborer régulièrement, avec des articles et des billets, avec le journal le Libertaire, organe de la Fédération anarchiste française. Leur principal correspondant dans la Fédération était à ce moment le communiste libertaire Georges Fontenis. C'est à cette occasion qu'André Breton écrira le texte flamboyant intitulé « La claire tour » (1952), qui rappelle les origines libertaires du surréalisme : « Où le surréalisme s'est pour la première fois reconnu, bien avant de se définir à lui-même, et quand il n'était encore qu'association libre entre individus rejetant spontanément et en bloc les contraintes sociales et morales de leur temps, c'est dans le miroir noir de l'anarchisme ». Malgré la rupture intervenue en 1953, Breton n'a pas coupé les ponts avec les libertaires, continuant à collaborer à certaines de leurs initiatives.
Révolutionnaires impénitents
Cet intérêt et cette sympathie active pour le socialisme libertaire ne conduisent pas pour autant les surréalistes à renier leur adhésion à la révolution d'Octobre et aux idées de Léon Trotsky. Dans une intervention le 19 novembre 1957, André Breton persiste et signe : « Contre vents et marées, je suis de ceux qui retrouvent encore, au souvenir de la révolution d'Octobre, une bonne part de cet élan inconditionnel qui me porta vers elle quand j'étais jeune et qui impliquait le don total de soi-même ». Saluant le regard de Trotsky, tel qu'il apparaît, en uniforme de l'armée rouge, dans une vieille photographie de 1917, il proclame : « Un tel regard et la lumière qui s'y lève, rien ne parviendra à l'éteindre, pas plus que Thermidor n'a pu altérer les traits de Saint-Just ». Enfin, en 1962, dans un hommage à Natalia Sedova qui venait de mourir, il appelle de ses vœux le jour où enfin « non seulement toute justice serait rendue à Trotsky mais encore seraient appelées à prendre toute vigueur et toute ampleur les idées pour lesquelles il a donné sa vie ».
Le surréalisme est peut-être ce point de fuite idéal, ce lieu suprême de l'esprit où se rejoignent la trajectoire libertaire et celle du marxisme révolutionnaire. Mais il ne faut pas oublier que le surréalisme contient ce qu'Ernst Bloch appelait « un excédent utopique », un excédent de lumière noire qui échappe aux limites de tout mouvement social ou politique, pour révolutionnaire qu'il soit. Cette lumière émane du noyau infracassable de nuit de l'esprit surréaliste, de sa quête obstinée de l'or du temps, de sa plongée éperdue dans les abîmes du rêve et du merveilleux.
Après Breton
En 1969, quelques figures de proue du surréalisme parisien, comme Jean Schuster, Gérard Legrand et José Pierre, décident que, compte tenu de la mort d'André Breton en 1966, il est préférable de dissoudre le Groupe surréaliste.
Cette conclusion est cependant rejetée par de nombreux autres surréalistes, qui décident de poursuivre l'aventure. Malheureusement, la plupart des comptes-rendus académiques ou grand public sur le surréalisme tiennent pour acquis que le groupe s'est « dissous » en 1969. Pour la plupart des historiens de l'art, le surréalisme n'était rien d'autre qu'une des nombreuses « avant-gardes artistiques », comme le cubisme ou le futurisme, qui ont eu une durée de vie très courte.
Vincent Bounoure (1928-1996) est celui qui a donné l'impulsion à la nouvelle période d'activité surréaliste, et il est resté une figure inspirante jusqu'à son dernier jour. Poète doué et essayiste brillant, il était, comme sa compagne Micheline, fasciné par l'art océanien de Nouvelle-Guinée, sur lequel il a écrit plusieurs essais.
L'autre figure marquante du groupe après 1969 fut Michel Zimbacca (1924-2021), poète, peintre, cinéaste et personnage attachant. Son documentaire sur les « arts sauvages », L'invention du monde (1952), est considéré comme l'un des rares tableaux véritablement surréalistes ; Benjamin Péret a écrit le texte mytho-poétique qui commente les images. Le groupe surréaliste se réunissait aussi souvent dans l'appartement qu'il partageait avec sa compagne Anny Bonnin, dont les murs étaient décorés de merveilleuses peintures de lui-même et d'autres surréalistes, ainsi que d'une remarquable parure de plumes indigènes d'Amazonie. Bounoure et Zimbacca étaient le lien vivant entre le mouvement surréaliste de l'après-1969 et le groupe fondé par André Breton en 1924.
Le Bulletin de liaison surréaliste
Dans les années 1970-1976, les surréalistes parisiens qui refusaient de baisser les bras se sont regroupés – en étroite relation avec leurs amis de Prague – autour d'une modeste revue, le Bulletin de liaison surréaliste (BLS). Le Bulletin comprend un débat sur « le surréalisme et la révolution » avec Herbert Marcuse. Parmi de nombreux autres joyaux, un article de l'anthropologue Renaud en soutien aux Indiens des États-Unis réunis à Standing Rock en juillet 1974.
Dans le dernier numéro du BLS d'avril 1976, une déclaration collective est publiée en faveur d'un jeune cinéaste surréaliste brésilien, Paulo Paranagua, et de sa compagne, Maria Regina Pilla, arrêtés en Argentine et accusés de « propagande subversive ». Initié par les surréalistes, l'appel a été publié par Maurice Nadeau dans la Quinzaine littéraire, et signé également par des intellectuels français de renom, tels que Deleuze, Mandiargues, Foucault et Leiris.
Les surréalistes parisiens entretenaient des relations étroites avec le groupe de Prague, qui vivait dans une semi-clandestinité sous le régime stalinien imposé à la Tchécoslovaquie après l'invasion soviétique de 1968. Ils pouvaient se rencontrer de manière informelle dans des maisons privées, mais leur Journal Analogon était interdit et ils ne pouvaient pas exposer leurs œuvres ou leurs films. En 1976, à l'initiative de Vincent Bounoure, les surréalistes de Paris et de Prague publient ensemble, en France aux Éditions Payot, un recueil d'essais, la Civilisation surréaliste.
Continuer malgré le reflux
Le groupe surréaliste a toujours été très politique, depuis 1924. Après 1969, cela reste vrai, mais ne signifie pas qu'il s'agit d'adhérer à des organisations politiques existantes. Quelques membres ont participé à des organisations trotskistes (Ligue communiste révolutionnaire, section française de la Quatrième Internationale), d'autres à la Fédération anarchiste ou à la CNT anarcho-syndicaliste. Mais la plupart des surréalistes parisiens n'appartenaient à aucune organisation ; l'esprit commun était anti-autoritaire et révolutionnaire, avec une tendance libertaire dominante. C'est cet esprit qui a inspiré leurs activités et les déclarations communes publiées au cours de ces années.
En 1987 une déclaration commune a été publiée, en soutien aux communautés indigènes Mohawk qui luttent pour leurs terres contre l'État canadien. Plusieurs autres déclarations favorables aux mouvements indigènes seront publiées au cours des prochaines années. Ceci est bien sûr lié à la tradition anti-autoritaire et anticolonialiste du mouvement, et à son rejet de la civilisation occidentale moderne. Mais cette empathie et le vif intérêt pour les « arts sauvages » sont aussi l'expression d'un état d'esprit romantique/révolutionnaire anticapitaliste : les surréalistes croyaient – comme le premier romantique, Jean-Jacques Rousseau, qui louait la liberté des Caribéens – que l'on pouvait trouver, dans ces cultures « sauvages » – les surréalistes n'aimaient pas le mot « primitif » –, des valeurs humaines et des modes de vie qui étaient, à bien des égards, supérieurs à la civilisation impérialiste occidentale.
En 1991 fut publié un Bulletin surréaliste international n° 1, à Stockholm, avec la réponse des groupes de Paris, Prague, Stockholm, Chicago, Madrid et Buenos Aires à une enquête sur la tâche actuelle du surréalisme. Le groupe de Paris insiste dans son texte sur le fait que « le surréalisme n'est pas un ensemble de recettes esthétiques ou ludiques, mais un principe permanent de refus et de négativité, nourri aux sources magiques du désir, de la révolte, de la poésie […]. Ni Dieu ni maître : plus que jamais cette vieille devise révolutionnaire nous semble pertinente. Elle est inscrite en lettres de feu sur les portes qui mènent, au-delà de la civilisation industrielle, à l'action surréaliste, dont le but est le réenchantement (et la réérotisation) du monde ».
Leurs célébrations et les nôtres
Pour protester contre les célébrations pompeuses du cinquième centenaire de la soi-disant « découverte des Amériques » (1992), les surréalistes ont publié en 1992 le Bulletin Surréaliste International n° 2, avec une déclaration commune signée par les groupes surréalistes d'Australie, de Buenos Aires, du Danemark, de Grande-Bretagne, de Madrid, de Paris, des Pays-Bas, de Prague, de Sao Paulo, de Stockholm et des États-Unis. Inspiré d'un essai écrit par la poétesse surréaliste argentine Silvia Grenier, ce document célèbre l'affinité élective du surréalisme avec les peuples indigènes, contre la civilisation occidentale qui a opprimé les peuples indigènes et tenté de détruire leurs cultures : « dans la lutte contre ce totalitarisme étouffant, le surréalisme est – a toujours été – le compagnon et le complice des indigènes ». Le Bulletin est publié en trois langues – anglais, français, espagnol – par les surréalistes de Chicago, qui fournissent en couverture un collage de Franklin et Penelope Rosemont représentant Colomb en Père Ubu d'Alfred Jarry.
Le Musée d'art moderne de Paris (Centre Georges-Pompidou) a ouvert une grande exposition d'art surréaliste au printemps 2002, sous le titre « Révolution surréaliste ». L'exposition n'avait en fait aucune signification révolutionnaire et tentait de présenter le surréalisme comme une expérience purement artistique, utilisant de « nouvelles techniques ». À l'entrée du musée, les visiteurs pouvaient prendre gratuitement un dépliant de quatre pages, qui expliquait que « le mouvement surréaliste voulait prendre une part active à l'organisation de la société » (?),qu'il avait eu une grande influence sur la société, et notamment sur « la publicité et les vidéoclips »… Agacé par ce fatras conformiste, Guy Girard proposa au groupe surréaliste de préparer un dépliant alternatif, sur un même 4 pages, avec des lettres similaires, mais un contenu totalement différent : le surréalisme y est décrit comme un mouvement révolutionnaire dont l'aspiration à la liberté et l'imagination subversive visaient à « abattre la domination capitaliste » ; le dépliant était illustré d'images de femmes artistes comme Toyen ou Leonora Carrington, quasiment absentes de l'exposition, ainsi que d'une photo historique de 1927 : « Notre collaborateur Benjamin Péret insultant un prêtre »… Les membres du groupe ont ensuite soigneusement déposé une pile du dépliant surréaliste sur le dépliant « officiel », afin que les visiteurs le ramassent. Le plus drôle, c'est que les commissaires de l'exposition, interpellés par le tract surréaliste, ont retiré leur propre pièce futile, et l'ont remplacée par une nouvelle, qui essayait de prendre en compte le fait que le surréalisme était un mouvement subversif anti-autoritaire qui dénonçait « la Famille, l'Église, la Patrie, l'Armée et le colonialisme »…
Les différents tracts et déclarations du groupe ont finalement été publiés dans le livre susmentionné, Insoumission Poétique. Tracts, Affiches et déclarations du groupe de Paris du mouvement surréaliste 1970-2010 (Paris, Le Temps des Cerises, 2010). Guy Girard a édité le livre, rassemblé le matériel et les illustrations, et rédigé une brève présentation pour chaque document.
Le temps des rêves
Entre 2019 et 2024, cinq numéros d'une nouvelle revue parisienne ont vu le jour : Alcheringa. Le surréalisme aujourd'hui. Alcheringa est un mot issu d'une langue aborigène d'Australie, signifiant « le temps des rêves », évoqué par André Breton dans son essai Main Première. Enfin, en été 2024 a eu lieu, à la Maison André Breton de Saint-Cirq-la-Popie, l'Exposition surréaliste internationale « Merveilleuse Utopie » organisée par Joël Gayraud, Guy Girard et Sylwia Chrostowska.
Quelles que soient ses limites et ses difficultés, le mouvement surréaliste à Paris a maintenu vivantes, au cours des 50 dernières années, la flamme rouge et noire de la rébellion, le rêve anti-autoritaire d'une liberté radicale, l'insoumission poétique aux pouvoirs en place et le désir obstiné de réenchanter le monde.
Le 18 juin 2024
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Le dernier repas, chef d’œuvre de Maryse Legagneur

Dimanche soir 29 septembre, en direct à la Maison du cinéma de Sherbrooke, le sourire de Maryse Legagneur, musicothérapeute et réalisatrice de cinéma, s'illumina par la nouvelle de son portable que Le dernier repas venait de remporter Le Grand Prix du Jury du Festival montréalais des Films Black, comme il avait remporté deux semaines plus tôt la compétition du Festival de cinéma de la ville de Québec (Quebecor) : à prévoir, donc, de nombreuses autres récompenses, puisque ce chef d'œuvre québécois entreprend tout juste sa carrière.
Il raconte la fin de vie de Célestin, héros déchu joué et par Fabrice Yvanoff Sénat dans les nombreux flashbacks de sa jeunesse haïtienne, et par Gilbert Laumord à l'intense présence agonisante dans un hôpital de Montréal ; il se meurt sous nos yeux, non sans avoir goûté plusieurs plats haïtiens préparés par sa fille Vanessa qui s'était pourtant séparée de lui très jeune, victime en ricochet d'une partie de la violence subie en Haïti. Rassurez-vous : ces plats ne contenaient ni chien ni chat, tel que colporté honteusement et frauduleusement par le sinistre duo Trump-Vance, afin de gagner des votes américains anti-immigrants.
Préparés sous nos yeux par la tante qui en veut au vieil homme d'avoir détruit sa sœur (la mère de Vanessa), les plats alléchants - pour lesquels on distribue au cinéma des recettes en fiches colorées -, forment un lien filial miraculeusement restitué au père, sommé d'enfin délier sa langue sur son passé ; or on sait, depuis la madeleine de Proust, combien les saveurs déterrent des souvenirs enfouis.
Musicien mis en prison et condamné à mort parce qu'il avait omis de faire jouer à la radio l'hymne au père Duvalier de la nation, le jeune dessine à la craie sur un mur de sa prison des touches de piano sur lesquelles il s'exerce, vulnérable. La musicienne Maryse Legagneur sait utiliser l'imaginative bande sonore de Jenny Salgado, qui amalgame les images fabuleuses de Mathieu Laverdière en un tout qui reste cohérent et tendu, malgré les nombreux allers-retours dans le passé.
Le calvaire des prisonniers est suggéré par le Libera du Requiem de Gabriel Fauré dans un arrangement feutré qui convient parfaitement à l'atmosphère voulue, par le pianiste Émile Naumoff. Heureusement, ce musicien est bulgare et non pas russe, puisqu'on a vu dans le film italien L'Enlèvement de Marco Bellochio, sur le rapt d'un enfant juif ignoblement enlevé à sa famille par le pape Pie IX, la symphonie expressionniste principale carrément censurée dans les critiques, entrevues et même crédits du film, parce qu'elle est du russe Dimitri Shostakovitch et sans doute interprétée par Valery Gergiev, du Mariinsky de St-Pétersbourg.
Violent par l'authenticité qui dicte à la réalisatrice de respecter des témoignages recueillis pendant des années, le dernier repas s'adoucit grâce à la présence de deux femmes, dont l'héroïne principale, interprétée avec beaucoup de nuances par Marie-Évelyne Lessard et sa tati personnifiée par la non moins excellente Mireille Métellus. Tous les visages éprouvés des acteurs, cadrés de très près, certains recrutés dans la diaspora haïtienne persécutée en République dominicaine, nécessitent une interprétation de rare qualité par ces comédiens plongés dans des huis-clos angoissants de chambre d'hôpital, de cuisine intime ou de geôle surpeuplée au sinistre Fort-Dimanche reconstitué.
On reste néanmoins frappés par l'aspect documentaire de l'œuvre, aidé par plusieurs dialogues en créole, sans paysage de mer ni végétations tropicales, à part un immense quennetier inquiétant dans sa solennité, car on enterre des prisonniers parmi ses racines. Mon fils et moi fûmes aussi impressionnés que la salle, réservant un silence respectueux au générique puis éclatant en ovation debout.
L'extraordinaire pauvreté haïtienne, une punition raciste mondiale
Il y a des parallèles à faire avec les fiables informations de l'exemplaire journaliste Marie-Ève Bédard, déformées en direct par Radio-Canada résumant ses récits d'horreur en « conflits d'Israël contre Hamas et le Hezbollah », niant la volonté de génocide palestinien (i) par Nétanyahou qui bombarde Gaza, la Cisjordanie et les réfugiés palestiniens au Liban. Non, je ne pleurerai pas la mort de l'islamiste Hassan Nasrallah (ii), chef du Parti de Dieu (quelle prétention : est-il allé le rejoindre avec les cent vierges promises ?). De même, le chef d'œuvre cinématographique décrit rappelle le sort des Haïtiens, avec l'indifférence occidentale envers les communautés bombardées ou affamées (Libye, Soudan, Yémen, Kurdistan etc.) et celle condamnée à la misère dictatoriale pour s'être affranchie du racisme et du colonialisme français dès le début du 19e siècle, avec le grand Toussaint Louverture.
Certains observateurs préfèrent voir en Haïti un drame auto-infligé, puisque ses près de 4000 morts depuis le début de l'année 2024 sont le résultat de bandes armées incontrôlées, tout comme l'étaient aussi aux mains des tontons-macoutes les milliers de martyres dont ce film restitue la stature humaine héroïque. Mais la communauté internationale n'est-elle pas la plus grande responsable, celle d'aujourd'hui ignorant les admonestations d'Antonio Guterres, secrétaire général des Nations-Unies, qu'on soupçonne de vouloir reproduire l'intervention malheureuse des Casques Bleus appelés en renfort après le tremblement de terre de 2010 ? Sans préparation, ces troupes importées du Népal auraient répandu le choléra ? Parce que le Premier ministre Harper avait refusé d'envoyer des Casques bleus canadiens bien préparés qu'il était occupé à démanteler, comme M. Trudeau poursuivrait cette démolition par opposition à l'ONU : doit-on comprendre que nos politiciens approuvent les vitupérations anti-ONU de leur allié génocidaire Nétanyahou ?
Haïti est aidée par les UNESCO, UNICEF et UNHCR que le Canada devrait financer, plutôt que de dépenser plus de trente milliards de $ annuels pour l'OTAN guerrière. On lira de Jonathan Katz The Big Truck That Went By : How the World Came to Save Haiti and Left Behind a Disaster, qui calcule que des $657 millions déboursés par le Canada en aide post tremblement de terre jusqu'en septembre 2012, environ 2% parvinrent au gouvernement haïtien. De même, de l'aide de $500 millions de la Croix-Rouge américaine, six maisons permanentes seulement seraient encore debout. Préjugeant le gouvernement Préval trop peu fiable parce que démocratique et opposé à l'extrême-droite haïtienne, le Canada (via le ministre Lawrence Cannon), la France et les États-Unis manœuvrèrent (infos de Wikileaks rapportées par Yves Engler) pour installer au pouvoir Michel Martelly, adolescent d'abord impliqué dans les Tontons Macoutes de Bébé Jean-Claude Duvalier, qui aurait ensuite gagné ses galons dans les coups d'état anti-Aristide 1991 et 2004. Le film « Haïti trahie » d'Elaine Brière le raconte en détails, comme le dénonce aussi un appel récent APLP co-signé par plus d'une centaine de personnes contactées en grande partie par Bianca Mugyenyi et son conjoint Yves (iii).
Enfin, les merveilleux discours solidaires de Haïti, prononcés à l'ONU (encore avant-hier) par la Première ministre des Barbades (iv) qui a libéré son pays de la Reine d'Angleterre, sont à lire, de même que la référence dans cet article à ma collègue uqamienne Martine Delveaux.
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Des personnalités du monde de l’art condamnent la censure anti-trans et anti-palestinienne au Royal Exchange Theatre de Manchester

Kingsley Ben-Adir, Khalid Abdalla, Pooja Ghai et April De Angelis font partie des plus de 200 personnalités du monde des arts et du théâtre qui ont signé une lettre ouverte au Royal Exchange Theatre de Manchester condamnant le théâtre pour avoir censuré des références à la libération du peuple palestinien et aux personnes trans dans une œuvre récemment commandée.
Tiré d'Agence médias Palestine.
La lettre critique l'annulation de la nouvelle production du Songe d'une nuit d'été de William Shakespeare, mise en scène par Stef O'Driscoll, qui selon les signataires interprète la pièce à travers « le prisme de la culture « rave » contemporaine (…) et (reflète) la diversité et la richesse culturelle qui font la renommée de Manchester ».
Les signataires, qui comprennent des dramaturges, des metteurs et metteuses en scène, des interprètes et des artistes dont près de la moitié vivent ou travaillent à Manchester, y expriment aussi leur consternation devant le constat que cette institution financée par des fonds publics « a censuré un appel à la libération de la Palestine près d'un an après le début du génocide israélien contre la population palestinienne de Gaza »
Les artistes affirment que les efforts visant à supprimer les références aux droits des transgenres sont « injustifiables à une époque où la violence anti-trans ne cesse de s'accroître et où les provocations politiques de la part des politicien·nes britanniques et de certains médias sont nombreuses ».
Le théâtre Royal Exchange a censuré les expressions « Palestine libre », et a aussi tenté de censurer l'expression « droits des trans », selon une déclaration de la metteuse en scène Stef O'Driscoll.
Les artistes demandent au théâtre de s'excuser et de « prendre des mesures significatives et visibles pour remédier à ses graves manquements ».
La lettre ouverte dans son intégralité
Nous, artistes, travailleurs et travailleuses dans le domaine de la culture, condamnons la censure exercée par le Royal Exchange Theatre sur les expressions de solidarité avec le peuple palestinien et avec la communauté trans, une censure qui a conduit à l'annulation de la production du Songe d'une nuit d'été mise en scène par Stef O'Driscoll.
Metteuse en scène de théâtre très respectée, O'Driscoll est connue pour son engagement en faveur de la politique décoloniale et de la libération collective. O'Driscoll a expliqué que cette production du Songe d'une nuit d'été explorait la pièce à travers le prisme de la culture « rave » contemporaine, la mise en scène devant refléter la tradition d'activisme politique de cette sous-culture, ainsi que la diversité et la richesse culturelle qui font la renommée de la ville de Manchester.
La récente déclaration du Royal Exchange contient des affirmations trompeuses sur le manque de « récit cohérent » de la production pour justifier ses actions, ce que la metteuse en scène Stef O'Driscoll a clairement réfuté dans une précédente déclaration. The Exchange n'inclut à aucun moment dans sa déclaration les expressions « Palestine libre » ou « droits des trans » et fait plutôt de vagues références à des « questions complexes ». Les expressions « Palestine libre » et « droits des trans » sont de simples déclarations de droits humains fondamentaux. Leur caractérisation par Royal Exchange de « questions complexes » est une tentative d'obstruction visant à échapper à toute responsabilité.
Nous condamnons cet acte de censure raciste et transphobe commis par le Royal Exchange Theatre.
Qu'une institution publique censure un appel à la liberté palestinienne près d'un an après le début du génocide perpétré contre la population palestinienne de Gaza par Israël – armé et soutenu par le Royaume-Uni et d'autres États occidentaux, réduisant au silence les artistes palestinien·nes en les tuant et en détruisant leurs infrastructures culturelles – montre un niveau choquant de complicité dans l'impunité accordée à Israël. La tentative de censure des références aux droits des trans est également injustifiable à une époque où la violence anti-trans s'accroît et où les provocations politiques de la part des politicien·s britanniques et de certains médias sont nombreuses.
Le Royal Exchange Theatre est un bâtiment historiquement lié à la traite négrière situé dans une ville qui s'est enrichie grâce à l'industrie du coton, construite grâce au travail des Africains et Africaines réduit.es en esclavage. Le Royal Exchange ne peut donc point prétendre être un espace apolitique à l'écart des violences coloniales passées et actuelles. La seule façon pour les institutions artistiques britanniques de s'opposer à l'exploitation systémique, à la déshumanisation politique des communautés marginalisées et à la complicité du Royaume-Uni dans la violence coloniale et le génocide en cours, est de soutenir activement l'égalité, la dignité et la libération de toutes les personnes opprimées.
Nous savons qu'un nombre considérable d'employé.es du Royal Exchange partagent notre dégoût face aux actions de sa direction. Cette lettre a pour but de demander à la direction du théâtre d'offrir des excuses sincères pour avoir silencié ces appels à l'égalité des droits et à la libération, et de s'engager à prendre des mesures significatives, quantifiables et transparentes pour remédier à ses graves manquements.
En tant qu'artistes, travailleurs et travailleuses dans le domaine de la culture, nous soutenons l'égalité fondamentale et le droit à la dignité du peuple palestinien et de la communauté trans. Nous soutenons la lutte pour la libération collective et pour une fin de l'occupation, de l'apartheid et de l'oppression violente. Nous soutenons le droit des artistes britanniques à exprimer leur solidarité avec les communautés marginalisées, et le droit des artistes issu.e.s de communautés marginalisées à participer à la création artistique et à l'offre public de celle-ci, ainsi qu'à faire valoir leurs droits intrinsèques.
Si les institutions culturelles ne permettent pas aux artistes d'exprimer librement leur désir de liberté, d'égalité et de libération collective, ces institutions n'ont jamais été véritablement les nôtres. Un théâtre qui refuse d'accueillir les Palestiniens et Palestiniennes, les personnes transgenres et celles et ceux qui les soutiennent, n'est pas digne de représenter nos communautés.
Nous exigeons que :
- le Royal Exchange s'excuse d'avoir tenté de faire taire les expressions de libération palestinienne et trans.
Dans sa propre déclaration de vision et de mission, le Royal Exchange affirme : « Nous présenterons des excuses lorsque nous aurons fait quelque chose de mal. » Dans la section Politiques de son site Web, le Royal Exchange déclare : « La transparence avec tous nos publics, clients, visiteurs, collaborateurs, artistes, pigistes et bénévoles, est une valeur que nous tenons à cœur. »
- le Royal Exchange reconnaisse que ses tentatives visant à faire taire les expressions de libération collective étaient racistes et transphobes.
Au moins 41 000 Palestinien.ne.s ont été tué.e.s par le génocide israélien à Gaza, et une lettre parue dans le journal scientifique, Lancet, estime que le bilan pourrait atteindre 186 000. Les personnes transgenres au Royaume-Uni sont victimes d'un nombre record de crimes haineux alimentés par les politiques et discours de déshumanisation proférés par les politicien·nes , le système de santé et par certains médias.
- le Royal Exchange clarifie sa propre position sur le racisme, la transphobie et la libération collective.
Comment le Royal Exchange peut-il prétendre soutenir les artistes transgenres et tous·tes les artistes alors qu'il ne défend pas leur droit à vivre librement et à en exprimer l'exigence ? Comment le Royal Exchange peut-il valoriser « l'égalité, la diversité et l'inclusion » tout en réduisant au silence tout soutien à celles et ceux qui sont confronté.es à l'exclusion violente, à l'oppression et au meurtre en raison de leur nationalité, de leur race, de leur origine ethnique et/ou de leur identité de genre.
- le Royal Exchange prenne des mesures significatives, visibles, et quantifiables pour remédier à ses graves manquements.
Le Royal Exchange doit s'engager publiquement à ce que les expressions de libération des Palestinien.ne.s et des transgenres (ainsi que celles de toutes les autres luttes pour l'égalité des droits et la libération collective) ne soient plus jamais étouffées dans ses productions. Cet engagement public doit être pris en consultation avec les Palestiniens et les Palestiniennes, les personnes transgenres, les autres communautés marginalisées et les membres de la communauté artistique, afin de fixer des objectifs, des délais et des résultats susceptibles d'être évalués. La direction du Royal Exchange doit organiser des réunions régulières tout au long de ce processus avec les dits groupes afin de garantir que les appels à la libération et à la liberté contre l'oppression ne soient plus jamais étouffés dans ses murs.
Ce texte est signé en solidarité avec le peuple palestinien, les personnes transgenres et toutes celles et tous ceux qui luttent pour leurs droits et leur libération.
Les travailleur-euses de l'art sont invité-es à le signer ici
Signataires
Khalid Abdalla Actor
Kingsley Ben-Adir Actor
April De Angelis Playwright
Bill Bankes-Jones Director
Naomi Evans Author : Everyday Racism
Pooja Ghai Artistic Director : Tamasha
Enyi Okoronkwo Actor
Valerie Synmoie Theatre Executive Director : Tamasha
Adele Thomas Opera Director
Daniel York Loh Writer / Actor
Sînziana Cojocărescu Artistic Director : BÉZNĂ Theatre
Ruth Daniel CEO : In Place Of War
Yara Rodrigues Fowler Novelist
Emma Reynolds Illustrator and Author
Lucy Sheen Actor / Writer / Director and Filmmaker : BEATS.org
Dani Abulhawa Director / Performer / Academic
Faiza Abdulkadir Fundraiser : HighRise Theatre
Elina Akhmetova Dance / Theatre / Film / Performance & Choreography
Alia Alzougbi Artists & Cultural Producer
Ravina Al-Zarifa Supporting Artist
Alan Jones Photographer
Audrey Albert Visual Artist
Heather Alderson Visual artist
Aisha Allinson Writer
Cindya Angel Dancer
Divya Avula Visual artist – Manchester
Stella Barnes Theatre and Participatory Arts Practitioner
Morgan Bassichis Performer
Sarah Bedi Director / Writer
Marcus Berdaut Creative Producer
Dylan Best Visual Artist
Giovanni Bienne Actor : Equity LGBT+ Councilor
Irene Bindi Artist and Editor
Adelheid Bjornlie Writer
Luz Blanco Santos DJ / Creative Producer / Facilitator
Roo Bramley Musician and stage performer
Jamie Brown Musician
John-Paul Brown Visual Artist
Tam Dean Burn Actor / Theatremaker
Nafeesah Butt Theatremaker : TEAM
Yasmin Butt Theatre Booking Coordinator
Jen Calleja Writer
Elena Cantu Front of House Staff
Anthony Capildeo Writer and Editor
Cathy Chapman Writer, Lit Fest Volunteer
Julie Cheung-Inhin Actor
Taghrid Choucair-Vizoso Cultural Worker / Curator /Artist
Dominic Cisalowicz Visitor Fundraiser
Dæmon Clelland Artist / Performer / Curator
Anna Cole Associate
Paule Constable Lighting designer
Joseph Conway Producer / Writer : Manchester Theatre for Palestine
Algernon Cornelius Musician
Alastair Curtis Director : The AIDS Plays Project
Mohamed-Zain Dada Playwright
Helen Davies Visual artist
Marion Dawson Theatre Captioner
Guido Di Bari Dancer
Emma Dibb Designer and academic
Meray Diner Filmmaker
Campbell Edinborough Associate Professor in Creative Practice
Jessica El Mal Artist and curator
Heidi El-Kholy Designer
Lizzie Eldridge Writer
Leonor Estrada Francke Theatre Director/ Performer
Sorcha Fhionntain Playwright
Jude FireSong Performance Poet / Speculative Fiction Writer / Artist
Elaine Fisher Visual Artist
Joey Frances Poet
Jasmine Gardner Visual artist
Tommy Garside Actor
Ruth Geye Playwright
Becks Gio Joe Artist-Curator
Nathan Godfrey Engagement Coordinator
Lisa Goldman Writer / Dramaturg / Director
Pauline Goldsmith Actor / Writer
Jacob Gower Writer
Gráinne Gráinne O'Mahony Theatremaker / Arts Comms Worker
Leila Greci Programme and partnerships manager
Jade Grogan Editor
Alexander Guedeney Visual Artist
Noor Hadid Actress / Front of House Staff
Daisy Hale Producer
Kit Hall Dancer / Choreographer / Producer
Rida Hamidou Playwright
Annie Hanauer Choreographer
Bonnie Hancell Poet
James Harker Playwright
Tessa Harris Writer
Jan-Sarah Harrison-Shakarchy Visual artist
Zainab Hasan Actress
Sabrin Hasbun Writer
Jo Hauge Live Artist
Alex Haydn-Williams Editor
Leila Herandi Actor
Azhar Herezata-Ala Poet
Jay Hermann Director
Hazel Holder Voice Coach
Lewys Holt Artist
Kirsty Housley Director / Dramaturg / Writer
Laura Howard Lighting Designer
Tuheen Huda Performance Artist / Writer / Poet.
Sonia Hughes Artist
Sameena Hussain Director
Sarah Impey Artist : Equity REC
Irvine Iqbal Actor
Deeqa Ismail Fine artist
Leveret Jaques Sound designer
Jayce Jayce Salloum Visual Artist
Tom Jeffreys Writer
Joe Clark Actor
Jessie Jones Communications Manager
Nick Jones Producer / Story Teller
Adele Jordan Artist
Jamil Keating Artist / Theatremaker : Co-Director of Northern Light Film CIC, Associate Artist of CNOA, Member of Divergency
Susan Kempster Choreographer
Rahela Khan Visual Artist
Michael Kitchin Producer
Karol Kochanowski Visual artist
Lora Krasteva Performance artist
Jo Lane Writer / Director
Jo Lansley Artist
Ruth Lass Actress
Em Laxton Sound designer
Ciara Leeming Photographer / Writer
Jazmine Linklater Editor / Writer : Corridor8
Alexandra Lort Phillips Producer
Caroline Magee Actor / Playwright
Tanushka Muna Director
Emily Marsden Cultural Worker
Sara Masry Actor
Chloe Massey Actor
axmed maxamed Writer
MJ McCarthy Composer / Sound Designer
Elizabeth McLoughlin Artist (Painter)
Prema Mehta Lighting Designer
Leila Mimmack Actor
Hussein Mitha Artist
Nicola Moore Visual Artist / Art Therapist
Ishana Moores Events staff
Sam Murray Painter
Chris Myers Actor : Theatre Workers for a Ceasefire
Sînziana Myers Writer
Martha Nabila Writer
Emma Nafz Stage Manager
Rehab Nazzal Visual Artist / Filmmaker / Educator
Kate Neilan Marketer of Books : Unbound
Sinéad Nunes Marketing Manager : Heart of Glass
Fionn Ó Loingsigh Actor
Ioana-Melania Pahome Artist-Curator
Polly Palmerini Visual arts
J.C. Pankratz Playwright
Emma Jayne Park Dancer / Theatre Maker
Kim Pearce Theatre Director
Miranda Pennell Filmmaker
Joshua Pharo Lighting Designer
Ergo Phizmiz Composer / Writer / Director : Avanthardcollective
Aniela Piasecka Dance Artist and Choreographer
Jamie Potter Theatremaker
Cara Powell Producer
Em Pren Deaf Theatremaker
Candice Purwin Illustrator and Graphic Novelist
Sara Ramirez Actor / Producer
Jake Rayner Blair Actor / Theatremaker
Khadija Raza Set and Costume Designer
Devan Reid Artist
Mais Robinson Facilitator
ML Roberts Writer / Performer
Danusia Samal Actor / Playwright
Kareem Samara Musician / Composer
Lenni Sanders Writer
Michal Sapir Musician / Writer
Aran Savory Artist
Iona Schwalowsky-Monks Visual Artist
Davina Shah Agent : TEAM
Rajha Shakiry Designer
Sabine Sharp Scholar
Evie Siddal Visual and Performance Artist
Eleanor Sikorski Choreographer / Filmmaker / lecturer
Greg Simmons Screenwriter
Christine Singer Writer
Beth Sitek Producer
Eyal Sivan Filmmaker
James Skull Writer, assistant director, actor
Ceallach Spellman Actor
Abena Louisa D B St Bartholomew-Brown Morgan Actor
Amanda Stoodley Designer
Sam Swann Actor
Laura Swift Editor
Humera Syed Actor
Karl Taylor Producer : BUZZCUT
Giles Thomas Composer / Sound Designer
Abir Tobji Producer
Jo Tyabji Director
Jamie Tyson Musician
Josie Underwood Theatremaker : Silent Faces
Paula Varjack Theatremaker
Borja Velez Playwright
Jai Vethamony Actor
Clara Vulliamy Author and Illustrator
Darcy Wallace Choreographer
Sylvia Waltering Visual artist
Stephanie Webber Visual artist
Hilary White Writer
Don Wilkie Record Label Owner : Constellation Jack Young Writer
Traduction : BM pour l'Agence Média Palestine
Source : Artists for Palestine
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