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L’adoption de la loi sur l’assurance-médicaments : une victoire historique pour la population canadienne

Les syndicats du Canada célèbrent une victoire historique pour des millions de Canadiennes et de Canadiens aujourd'hui : l'adoption par le Sénat du projet de loi C-64, Loi sur l'assurance médicaments. Cette loi historique marque un important progrès en vue d'assurer à tous l'accès à des médicaments vitaux sans obstacle financier, permettant ainsi au pays de se rapprocher de la création d'un régime d'assurance-médicaments public universel à payeur unique. Pour le moment, la loi C-64 assurera à toute personne qui en a besoin un accès gratuit à des moyens de contraception et de contrôle du diabète.
L'adoption de la Loi sur l'assurance médicaments découle directement de décennies de revendication du mouvement syndical et de groupes de la société civile et des efforts inlassables de certains dirigeants politiques. Le Congrès du travail du Canada a rassemblé des dizaines de milliers de travailleurs et travailleuses et d'activistes, tenu des assemblées publiques dans différentes villes du pays et fait du lobbying auprès des parlementaires. Au cours seulement des quelques dernières semaines, des centaines d'appels téléphoniques ont été faits à des sénateurs et sénatrices. Le CTC reconnaît en outre que le Nouveau Parti démocratique (NPD) se voue à la lutte depuis des décennies et il remercie le gouvernement fédéral d'avoir tenu sa promesse de donner la priorité à l'assurance-médicaments dans l'entente de soutien et de confiance.
« C'est une victoire monumentale pour les travailleurs et travailleuses et leurs familles », déclare Bea Bruske, présidente du Congrès du travail du Canada. « Les gens de ce pays sont obligés depuis trop longtemps de choisir entre nourrir leur famille et acheter les médicaments dont ils ont besoin. La loi C-64 nous rapproche d'un pas de l'élimination de ce choix fâcheux, mais il nous reste du travail à accomplir. »
Les syndicats du Canada incitent les gouvernements de tous les ordres à agir rapidement et décisivement pour voir à ce que ce ne soit qu'un premier pas. La loi C-64 pose le cadre, mais il est indispensable que les gouvernements provinciaux et territoriaux concluent des ententes bilatérales pour que le régime soit mis en œuvre de façon intégrale et équitable dans l'ensemble du pays.
« Nous célébrons aujourd'hui, mais nous savons que ce n'est qu'un premier pas vers un régime public d'assurance-médicaments vraiment global à payeur unique », ajoute madame Bruske. « Nous incitons toutes les provinces et les territoires à participer à la démarche afin qu'aucun Canadien ou Canadienne ne soit laissé pour compte. Nous avons l'occasion de bâtir un système de santé plus fort et plus équitable pour tous. »
Le Congrès du travail du Canada demeure engagé à assurer la mise en œuvre d'un régime national d'assurance-médicaments et il a hâte de travailler avec le gouvernement fédéral, les provinces, les territoires et les collectivités autochtones à la réalisation de ce projet.
« Nous devons continuer à collaborer pour finir ce que nous avons commencé », dit madame Bruske.
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Colloque sur les droits de la personne du SCFP-Québec : Allez de l’avant !

Le SCFP-Québec est fier de vous inviter à son Colloque biennal sur les droits de la personne, lequel aura lieu du 3 au 5 décembre 2024 au Centre des congrès de l'hôtel Delta de Trois-Rivières. Cette 4e édition du colloque débutera par un évènement coquetel pour souligner le 6 décembre, journée de commémoration nationale de la tuerie de Polytechnique durant laquelle 14 femmes étudiantes ont été tuées.
Depuis deux ans, nous faisons face à une crise économique, à l'inflation, à la montée des groupes de droite et d'extrême droite, à des reculs de nos acquis et à la précarisation des personnes salariées au Québec. Ces phénomènes inquiétants affectent tous nos membres, mais surtout ceux et celles issu.e.s des groupes historiquement exclus, marginalisés et violentés au travail et dans la société.
Cette année, les comités droits de la personne, femmes, triangle rose et autochtone du SCFP-Québec, responsables de l'organisation de ce colloque, ont décidé de brasser la cage ! Parler ne suffit plus. Il est plus que temps de passer à l'action !
Les comités organisateurs vous invitent à passer à l'action contre la discrimination en milieu de travail et à lutter pour les plus vulnérables. Ainsi, durant cette 4e édition du colloque nous aborderons sous forme de présentations, de discussions et de partages les thèmes suivants :
Mon utérus de te concerne pas !
Il sera question de droits reproductifs et de l'impact du travail reproductif sur le milieu de travail. Nous discuterons d'accès aux produits menstruels au travail comme c'est le cas des milieux de travail sous juridiction fédérale. De plus, on se posera la question : L'intelligence artificielle fait-elle progresser l'égalité des sexes ? Malheureusement, non. On verra pourquoi.
Qui est vraiment sauvage ?
Il sera question de violence faites aux femmes et enfants autochtones, des effets sur les milieux de travail, sur les génocides cultures et comment lutter pour y remédier.
Ce qu'il a dans mes culottes ne te regarde pas !
Il sera question d'intimation, de harcèlement et de cyberviolence contre les membres issues des diversités sexuelles et de genres ainsi que de violence sexuelle au travail.
Sers-tu juste à ramasser des fraises ?
Il sera question des enjeux liés aux personnes travailleuses immigrantes et du rôle de nos syndicats pour les protéger.
Allez de l'avant ! sera donc l'occasion d'identifier et de discuter des moyens d'action pour agir rapidement.
Inscrivez-vous dès maintenant !
Ce colloque est ouvert à tous ! Nous vous attendons en grand nombre les 3, 4 et 5 décembre prochains à Trois-Rivières.
Hébergement
Un bloc de chambres a été réservé au Delta de Trois-Rivières pour les participants du SCFP et de ses sections locales. Le lien afin d'effectuer votre réservation vous sera envoyé suite à votre inscription.
Inscription
Coût d'inscription par personne : 240 $
Les inscriptions et votre paiement doivent être reçus pour confirmer votre place.
Premier arrivé, premier servi.
Pour vous inscrire, veuillez remplir le formulaire d'inscription en ligneHÉBERGEMENT
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– Les Comités droits de la personne, femmes, triangle rose et autochtone du SCFP-Québec
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Sanction royale pour le projet de loi C-64 sur l’implantation d’un régime canadien d’assurance médicaments : Une grande victoire pour les travailleuses et travailleurs et la population

La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) salue l'adoption du projet de loi C-64 qui jette les bases d'un éventuel régime public et universel d'assurance médicaments. Le Parti libéral du Canada et le NPD ont démontré qu'avec de la volonté politique, il est possible de bonifier le filet social dans l'intérêt de la population.
« Cette nouvelle loi permet de jeter les bases d'un futur régime public et universel complet en rendant disponibles les contraceptifs oraux d'ordonnance et les médicaments contre le diabète. Il faut maintenant, toujours dans le cadre de la loi, couvrir l'ensemble des médicaments d'ordonnance à toute la population canadienne qui ne doit plus avoir à choisir, pour des raisons financières, entre prendre ses médicaments, payer son loyer ou nourrir sa famille », déclare la présidente de la FTQ, Magali Picard.
« Au Québec, le régime hybride public-privé est inefficace et dépassé, et les chicanes de compétence ne doivent pas servir à priver la population des médicaments dont elle a grand besoin. Avec un régime public et universel, le Québec pourrait économiser entre 1 à 3 milliards de dollars par année. Au lieu de retourner à l'austérité après un déficit record de 11 milliards de dollars, la FTQ estime que Québec aurait tout intérêt à s'asseoir avec le fédéral pour obtenir les sommes lui permettant de mettre sur pied un régime public et universel d'assurance médicaments. Cette mesure est bonne pour la justice sociale et les finances publiques. Qu'attend donc le gouvernement de la CAQ pour agir ? », de poursuivre la présidente.
« Avec ce constat, il serait immoral pour la CAQ de priver les Québécoises et Québécois d'un accès universel aux médicaments d'ordonnance, d'où l'urgence de conclure un accord avec Ottawa », conclut Magali Picard.
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Les forces israéliennes prennent à nouveau pour cible les forces de maintien de la paix de l’ONU dans le sud du Liban

L'attaque contre le quartier général de la FINUL à Naqoura intervient un jour après que deux casques bleus indonésiens ont été blessés.
Tiré de Al Jazeera SOlidarité France Palestine
https://www.france-palestine.org/Les-forces-israeliennes-prennent-a-nouveau-pour-cible-les-forces-de-maintien-de
Photo : Des soldats de la paix de la FINUL patrouillent dans les environs de Tyr, au sud du Liban © UN Photo/Pasqual Gorriz
La force de maintien de la paix des Nations unies au Sud-Liban confirme que son quartier général à Naqoura a été touché par des explosions pour la deuxième fois en 48 heures, un jour après que les forces israéliennes ont frappé la même position.Deux casques bleus de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) ont été blessés après que deux explosions se soient produites à proximité d'une tour d'observation, a déclaré la mission des Nations unies dans un communiqué vendredi.« Il s'agit d'un événement grave et la FINUL rappelle que la sécurité du personnel et des biens de l'ONU doit être garantie et que l'inviolabilité des locaux de l'ONU doit être respectée à tout moment », a ajouté le communiqué.« Toute attaque délibérée contre des soldats de la paix constitue une grave violation du droit humanitaire international. »L'un des soldats de la paix blessés a été transporté dans un hôpital de la ville voisine de Tyr, tandis que l'autre a été soigné sur place.L'organisation a également déclaré que « plusieurs murs en T de notre position de l'ONU 1-31, près de la ligne bleue à Labbouneh, sont tombés lorsqu'une chenille [militaire israélienne] a frappé le périmètre et que des chars [israéliens] se sont déplacés à proximité de la position de l'ONU », en référence à la ligne de démarcation entre Israël et le Liban.« Nos forces de maintien de la paix sont restées sur place », a indiqué le communiqué, ajoutant que des forces de maintien de la paix supplémentaires avaient été envoyées pour renforcer la position.L'armée israélienne a déclaré dans un communiqué qu'elle procédait à un examen approfondi de l'incident au cours duquel deux soldats de la paix ont été blessés « par inadvertance » dans le sud du Liban.
Elle a ensuite déclaré que deux membres de la mission de maintien de la paix des Nations unies avaient été blessés lorsque les forces israéliennes avaient répondu à une menace.Elle a indiqué qu'elle avait demandé au personnel de la FINUL de se rendre dans des zones protégées et d'y rester quelques heures avant l'incident.Le ministère libanais des affaires étrangères avait précédemment déclaré que les attaques visaient des tours de guet et la base principale de la FINUL à Naqoura, ainsi que la base du bataillon sri-lankais.L'agence de presse officielle libanaise National News Agency a rapporté que les tirs d'artillerie d'un char israélien Merkava avaient blessé des membres du bataillon sri-lankais, sans préciser où ils se trouvaient exactement.
S'exprimant lors d'une conférence de presse à Beyrouth, le premier ministre intérimaire libanais, Najib Mikati, a déclaré que les actions d'Israël constituaient un « crime dénoncé ». Il a ajouté qu'il avait discuté avec le secrétaire d'État américain Antony Blinken des efforts déployés pour parvenir à un cessez-le-feu au Liban.Le Hezbollah a également condamné les attaques israéliennes. Le chef des médias du groupe, Mohammad Afif, a déclaré que les attaques visaient les soldats de la paix de l'ONU, les civils, les zones résidentielles, les hôpitaux et le personnel médical, et a dénoncé les « excuses » et les justifications utilisées par l'armée israélienne pour continuer à les frapper, notamment en affirmant qu'elles contenaient des armes et des explosifs.Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a déclaré vendredi qu'il était « très clair que cet incident est intolérable et ne peut se répéter ».Le ministère russe des affaires étrangères s'est déclaré vendredi « scandalisé » par le fait que les soldats de la paix de la FINUL aient été pris pour cible et a exigé qu'Israël s'abstienne de toute « action hostile » à leur encontre.
Human Rights Watch a demandé une enquête de l'ONU sur ces attaques et a déclaré que le fait de prendre délibérément pour cible les missions de l'ONU constituait un « crime de guerre ».« Les forces de maintien de la paix de l'ONU au Sud-Liban jouent depuis longtemps un rôle humanitaire et de protection des civils essentiel », a déclaré Lama Fakih, directeur pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord de l'organisation de défense des droits de l'homme basée à New York. « Tout ciblage des soldats de la paix de l'ONU par les forces israéliennes viole les lois de la guerre et interfère dangereusement avec la protection des civils et le travail d'aide de la FINUL.La Chine s'est déclarée « gravement préoccupée et a fermement condamné » les attaques d'Israël contre les opérations de paix de l'ONU, tout comme l'Inde, qui a déploré la « détérioration de la situation sécuritaire le long de la Ligne bleue ».
Le ministère indien des affaires extérieures a déclaré « L'inviolabilité des locaux de l'ONU doit être respectée par tous et des mesures appropriées doivent être prises pour garantir la sécurité des soldats de la paix de l'ONU et le caractère sacré de leur mandat. »
La France a convoqué l'ambassadeur d'Israël pour lui demander des explications, a indiqué le ministère des affaires étrangères dans un communiqué.« Ces attaques constituent des violations graves du droit international et doivent cesser immédiatement », a déclaré le ministère.La France compte environ 700 soldats dans le cadre de la mission de la FINUL. Aucun de ses soldats n'a été blessé jusqu'à présent. Le ministère a déclaré que toutes les parties au conflit avaient l'obligation de protéger les soldats de la paix.Assaut contre les Casques bleusL'incident de vendredi survient un jour après que les casques bleus de l'ONU ont déclaré que l'armée israélienne avait tiré « à plusieurs reprises » sur le quartier général et les positions de la FINUL dans le sud du Liban.Deux casques bleus indonésiens ont été blessés jeudi et sont toujours hospitalisés, a indiqué la mission.Le personnel de la FINUL porte des casques bleus pour être clairement identifiable et sa position est connue de l'armée israélienne.Israël a reconnu que ses forces avaient ouvert le feu dans la zone, affirmant que les combattants du Hezbollah contre lesquels il fait la guerre opèrent à proximité des postes de l'ONU.L'attaque de jeudi a suscité une condamnation mondiale.Le ministre italien de la défense, Guido Crosetto, a dénoncé l'incident comme un possible crime de guerre, rompant ainsi avec le soutien apporté par son pays à Israël tout au long de la guerre qui l'a opposé à Gaza et au Liban.
« Il ne s'agit pas d'une erreur ni d'un accident », a déclaré M. Crosetto lors d'une conférence de presse. « Cela pourrait constituer un crime de guerre et représente une violation très grave du droit humanitaire international. »Le porte-parole de la FINUL, Andrea Tenenti, a déclaré à Al Jazeera qu'il s'agissait d'un événement « très grave ».Il a expliqué qu'Israël avait déjà demandé aux soldats de la paix de quitter « certaines positions » près de la frontière, mais « nous avons décidé de rester parce qu'il est important que le drapeau de l'ONU flotte dans le sud du Liban ».« Pour l'instant, nous restons, nous essayons de faire tout ce que nous pouvons pour surveiller [et] fournir de l'aide », a ajouté M. Tenenti.La ministre indonésienne des affaires étrangères, Retno Marsudi, a confirmé que les soldats de la paix de son pays se trouvaient à l'hôpital pour une observation plus approfondie.« L'Indonésie condamne fermement l'attaque », a-t-elle déclaré. « Attaquer le personnel et les biens de l'ONU est une violation majeure du droit humanitaire international. »Traduction : AFPS
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Frederic Jameson, le 3° âge de la modernité

Sa mort est toutefois passée inaperçue dans le milieu universitaire et médiatique algérien. Pourtant, il reste un chercheur et universitaire de renommée mondiale. Cette contribution a comme objectif de lui rendre hommage et de faire connaitre sa pensée dans l'univers universitaire algérien en tentant une lecture de l'espace et du paysage culturel algérien en partant de son approche et de ses catégories d'analyse.
Tiré d'Europe solidaire sans frontière.
Qui est donc F. Jameson ?
F. Jameson est un universitaire américain parmi les grands théoriciens contemporains des questions culturelles et du langage, mais aussi des problèmes politiques et sociaux. Né en 1934, il enseigne la littérature à l'université de Duke. Il est considéré comme l'un des plus grands « critique culturel » de son temps. Le terme « critique culturel » est un substitut pour désigner un type de travail intellectuel qui englobe l'esthétique, la philosophie, la sociologie, l'anthropologie, la psychanalyse, la théorie politique et d'autres domaines similaires pour lesquels il n'existe pas encore de nom adéquat. Tout dans le domaine des sciences humaines et de la culture retenait son attention, du cinéma à l'architecture en passant par la peinture et la science-fiction, et on dit de lui qu'il a lu plus de livres que quiconque sur la planète.
Sa particularité est d'appréhender le monde moderne à travers les langages culturels que véhicule le capitalisme, car, pour lui, la modernité est exclusivement de la sphère du capitalisme. Ce n'est qu'en analysant l'histoire, le développement et les contradictions de ce mode de production qu'on peut situer les enjeux liés à la « modernité », au « modernisme » ou à la « modernisation » en cours. Ce sont là des notions qu'il utilise pour déceler le monde contemporain.
Ce que révèle le postmodernisme
Dans son ouvrage « le postmodernisme ou la logique culturelle du capitalisme tardif », il décrit et analyse l'ensemble des phénomènes qui succède au « modernisme ». Il met en avant une périodisation, à savoir, dans le cas précis des langages, que le postmodernisme correspond à une étape du capitalisme tardif, qu'il est même la conséquence logique sur le plan culturel. Il reprend dans cette périodisation la même démarche de l'économiste belge Ernest Mandel du « troisième âge du capitalisme ». Il y a donc un deuxième, un premier âge et un âge primitif dans cette modernité.
C'est particulièrement au début des années 1980, après la biennale de Venise et surtout suite au livre de Charles Jencks, « Le langage postmoderne de l'architecture », que le débat sur le postmodernisme fut généralisé en Europe. Auparavant, au début des années 1970, le terme fut introduit dans le débat dans le sillage des théories déconstructivistes et des poststructuralistes de Derrida, foucault et Lacan ou encore de Lyotard. C'est une critique et un substitut au « modernisme ». Les grands traits de ce modernisme en architecture sont résumés dans le livre de l'italien Bruno Zevi « le langage moderne de l'architecture ». Et pour bien situer l'origine du débat, il faut revenir au premier ouvrage sur les langages culturels et esthétiques intitulé « Le langage classique de l'architecture » de John Summerson.
Ces trois moments du langage culturel et esthétique correspondent, selon Jameson, aux trois âges du capitalisme, qui ont par ailleurs des fonctions idéologiques, comme le souligne l'historien de l'architecture italien M. Tafuri, « A cause de sa fonction médiatrice, la culture a tellement identifié ses connotations idéologiques, qu'elle parvient à même à imposer les formes de refus et de contestation des ses propres produits, avec une roublardise qui dépasse la bonne fois des individus »[1].
Les 3 âges de la modernité
Globalement, le langage classique correspond au 18-19° siècle sous domination des empires coloniaux Français et Britannique. C'est le Paris d'Hausmann. Il constitue, selon M. Tafuri, une opération de couverture idéologique masquant les contradictions de « l'ancien régime », dans un moment où la société bourgeoise affronte le choc induit par la grande métropole urbaine et où le « capitalisme urbain en formation se heurte déjà aux anciennes structures économiques, basées sur l'exploitation précapitalistes du sol » [2].
En Algérie, une fois la grande expropriation foncière achevée par le colonialisme, le langage classique exprime toute sa plénitude avec l'exemple, dans la ville d'Alger, du boulevard Khmisti(ex-la ferrière), la rue Didouche (Ex-Michelet) ou Ben Mhidi (ex- Rue d'Isly) ou le monumental Front de mer. La culture savante proprement algérienne et autochtone était à ce moment-là totalement exclue de cette nouvelle ère capitaliste. Elle s'est retrouvée tout le long du 19° siècle dans une situation de repli identitaire et territorial, de survie et de désespoir suite aux défaites qu'elle a subi en 1848, (Emir Abdelkader) puis en 1871 (El Mokrani-Cheikh Aheddad).
Le « langage moderne » a comme épicentre l'Allemagne des Années 1920 entre les deux guerres, avec la révolution démocratique qui a mis en place la république de Weimar en 1918. Ce langage est porté particulièrement et politiquement par la social-démocratie allemande au pouvoir misant sur les vertus de la démocratie parlementaire, dite bourgeoise, comme dynamique de l'émancipation humaine et du dépassement du capitalisme. C'est ce que portera l'école du Bauhaus avec ses figures de proue, Walter Cropius, Mies Van Der roh et Hans Meyer.
C'est aussi ce qu'on retrouve dans le programme de logements de la municipalité de Francfort, avec des intellectuels et théoriciens de la sociale- démocratie, sociologues, géographes, économistes, autour de l'architecte en chef Ernest May. De même pour les architectes de la mairie de « Vienne la rouge », une autre variante du même programme et de la même philosophie, connu sous le nom d'austro-marxistes. C'est aussi les mêmes idéaux que vont porter les CIAM[3], autour de Le Corbusier et de la Charte d'Athènes. Mais si, à Francfort et à Vienne, le modernisme s'est construit autour de la question logement, posée par F. Engels et les utopiste, Fourrier, Owen…dès le 19° siècle, en introduisant un nouveau statut du sol par sa municipalisation, chez Le Corbusier et les CIAM il prend la forme « d'une offre de service à l'entreprise capitaliste », désormais engagée dans « la réorganisation du cycle production du cadre bâti »[4]. Mais, « la prudence des investissements, l'individualisme de l'esprit d'entreprise, la permanence de systèmes économiques archaïques comme la rente foncière » freinent dangereusement le développement et le rendement humain de ce modernisme, souligne Tafuri[5].
A Alger, c'est le bâtiment « l'Aero-habitat » qui exprime l'hypothèse la plus achevée de ce modernisme, sur le modèle de « la cité radieuse » de Marseille de Le Corbusier. C'est aussi un moment historique où la culture algérienne autochtone moderne commence à émerger. En littérature, c'est l'écriture de Kateb Yacine. En peinture, on peut citer Issiakhem. En musique, ce sont les premières tentatives de Cherif Kheddam. Dans l'Algérie indépendante, dans sa première phase sous Boumedienne, c'est Oscar Niemeyer à Constantine et à Bab Ezzouar qui exprimera le grand projet de modernisation du pays, avec ses limites et ses contradictions propres.
La culture « postmoderne » est surtout américaine. Pour Jameson, « elle est l'expression interne et super structurelle d'une nouvelle vague de domination américaine, économique et militaire, à travers le monde (…) le dessous de la culture est le sang, la torture, la mort et la terreur »[6]. C'est une esthétisation de la réalité selon la caractérisation de W. Benjamin. Mais si cette esthétisation est utilisée par Benjamin pour caractériser en son temps le fascisme, Jameson l'utilise pour désigner la « prodigieuse exultation face à ce nouvel ordre des choses, une fièvre de la marchandise, la tendance pour nos « représentations » des choses à exciter un enthousiasme et un changement d'humeur que les choses elles-mêmes n'inspirent pas nécessairement »[7].
On peut reconnaitre ici la littérature de K. Daoud ou de B. Sansal.
Crise du modernisme ou crise de la modernité ?
Le terme postmodernisme s'est facilement substitué au modernisme. Il a un côté contemporain, très à la mode voire populaire, plutôt « populiste » selon Jameson, développant une rhétorique contre « l'austérité élitiste (et utopique) des grands modernismes »[8]. Le modernisme a en effet une dimension utopique et universaliste. Il réfléchissait sur le nouveau et cherchait à en observer l'apparition. « Les modernes s'intéressaient à ce qui pouvait résulter de ces changements et à leurs tendances générales, ils réfléchissaient à la chose elle-même, substantivement, de manière utopique »[9].
Le modernisme reste associé à l'idée de progrès et de confiance. Le postmodernisme (en architecture, cinéma, TV, art plastique) aspire, pour sa part, aux ruptures, aux événements plus qu'aux nouveaux mondes. « Il est plus formel en ce sens, il ne fait que mesurer les variations et ne sait que trop bien que les contenus ne sont que des images de plus »[10]. Il célèbre l'image et le local avec la frénésie culturaliste voire essentialiste, caressant dans le sens du poil les replis identitaires ambiants.
Mais, si on assiste aujourd'hui au triomphe du postmodernisme, c'est plus l'expression de l'échec du modernisme que l'émergence d'une nouvelle alternative. Ceci s'explique, pour F. Jameson, par la « longue période d'ossification et de stase au milieu de monument mort »[11] dans laquelle s'est engouffré toute idée de modernisation. Parlant de l'architecture, il souligne « l'appropriation par l'Etat des formes et des méthodes du haut modernisme, la réadaptation des formes utopiques maintenant dégradées en des formes anonymes de construction à grande échelle de logements et de bureaux par une bureaucratie étatique dilatée (parfois identifiée à celle de l'Etat providence ou de la sociale démocratie). Les styles modernistes se voient chargés de connotations bureaucratiques si bien que rompre avec eux engendre un sentiment radical de soulagement, même si ce qui les remplace n'est ni l'utopie ni la démocratie, mais simplement les constructions commerciales privée de postmoderne post-providence »[12].
« Mais l'alternative, ne serait décidable qu'en passant par la question historique associée de savoir si le modernisme est, en fait, allé au bout de sa mission et de son projet, ou s'il a été interrompu et est resté fondamentalement inachevé et inabouti »[13].
Ce sont là les quelques lignes [14] et quelques citations de son excellent ouvrage sur le postmodernisme. Il a surtout le mérite d'offrir une démarche inédite pour lire et déconstruire notre monde contemporain à travers les langages culturels et avec sa périodisation suivant les 3 âges du capitalisme, il offre une sortie de l'ornière intellectuelle, culturelle et politique culturaliste et essentialiste dominante dans nos universités.
Nadir Djermoune
Enseignant chercheur/ institut d''architecture et d'urbanisme
Université de Blida.
Notes
[1] M. Tafuri, Projet et utopie, Dunod, 1979, P. 6.
[2] Ibid, P. 9.
[3] CIAM : Congrès international de l'architecture moderne.
[4] M. Tafuri, P. 105.
[5] Ibid, P. 106.
[6] F. Jameson, Le postmodernisme et l'expression culturelle du capitalisme tardif, P. 38.
[7] Ibid, P. 16.
[8] Ibid, P. 85.
[9] Ibid P.15
[10] Ibid.
[11] Ibid. P. 434.
[12] Ibid P. 425. De son coté, J. KELLY va dans le même sens en donnant raison à la critique de R/ Venturi, l'un des pionniers du postmodernisme, quand il rejette les types modernistes « usés et intégré, se référant aux à l'architecture dénudé des années vingt, qui avaient abouti aux taudis préfabriqués des années soixante, même si, en fin de compte, le seul changement qu'elle suscité parmi ses adeptes ait été de coller un fronton sur des tours des années soixante ». Jane Kelly, Postmodernisme et féminisme, revue quatrième internationale, n°46, septembre-novembre 1993 ; P. 43-57.
[13] F. Jameson, OP. Cit, P. 243-435.
[14] Cette réflexion centrée essentiellement sur l'architecture, car c'est dans ce domaine « que se voient de la manière la plus éclatent les modifications de la production esthétique et c'est là que les problèmes théoriques se sont vus soulevés et formulés à titre principal » (P. 34). L'architecture est aussi « constitutivement l'art le plus proche de l'économique, avec laquelle elle entretient, via les commandes et le marché foncier, un rapport presque non médié », note Jameson, (P. 38).
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Repenser l’écosocialisme

Face à la grave crise écosociale actuelle, il est clair que nous devons agir à deux niveaux ou contextes différents : les problèmes écologiques fondamentaux sont planétaires, même s'ils ont des manifestations locales différentes.
Tiré de Viento sur
https://vientosur.info/repensar-el-ecosocialismo/à
Manuel Garí
Traduction Ovide Bastien
En même temps, nous pouvons constater que le développement de ces problèmes, au niveau mondial, est inégal et interrelié, prenant la même forme que les questions économiques et sociales. Et ce n'est pas par hasard, puisque les deux niveaux se trouvent liés et en parfaite corrélation. En même temps, nous devons toujours garder à l'esprit que les responsabilités par rapport à la situation globale, tout en étant communes, diffèrent selon qu'il s'agit de pays riches et industrialisés ou pays pauvres et dépendants, et selon qu'il s'agit d'oligarchies ou de classes subalternes. De tout cela découlent de nouveaux problèmes à résoudre.
Premièrement, nous constatons que la solution à des problèmes tels que le changement climatique doit être trouvée au niveau mondial, mais en même temps que sa mise en pratique ne sera pas simultanée, mais s'effectuera à différents moments dans différents espaces, en fonction de la corrélation des forces dans chaque lieu et à chaque moment, ce qui rend la stratégie de changement plus complexe.
Deuxièmement, les solutions à adopter, par exemple la diminution drastique de la consommation d'énergie, n'appliqueront pas mécaniquement la même formule arithmétique dans la métropole impérialiste que dans la savane africaine, où les habitants doivent de toute évidence pouvoir accéder à plus d'intrants électriques pour satisfaire leurs besoins de base. Ce facteur de justice climatique signifie que nous devons proposer des solutions différentes, bien que cohérentes, à des situations inégales et à des problèmes différents. En bref, nous devrons faire face à l'asymétrie programmatique et à l'asynchronisme politique.
Troisièmement, la lutte pour une transition écosociale juste et égalitaire est indissociable de la défense intransigeante des libertés politiques, des droits humains, et des acquis du mouvement ouvrier et du féminisme.
De plus en plus on se rend compte, et ceci depuis plusieurs années et à partir de points de départ différents, que les notions ‘économie' et ‘écologie' se recoupent et se déterminent l'une et l'autre. L'économie politique n'est pas un ensemble d'abstractions de lois anhistoriques et l'écologie n'est pas un simple descripteur d'êtres vivants. Il est donc indispensable que la critique de l'économie politique intègre le cadre biophysique dans lequel se développe le métabolisme social, et que l'écologie place la répartition des biens et des richesses au centre de ses préoccupations.
La pandémie de covid-19 a très probablement trouvé son origine dans la transgression des frontières écobiologiques entre les êtres vivants, mais ce n'est pas ce qui est le plus pertinent dans le cadre de cette réflexion. Ce que j'entends souligner ici, c'est qu'elle a eu, par l'arrêt des échanges, des effets dévastateurs sur l'industrie et le commerce mondial et qu'elle a montré qu'une économie décentralisée, fondée sur une division internationale du travail impliquant la production à distance de biens aussi essentiels à l'époque que les masques de protection ou le monopole des brevets vaccinaux par les pays impérialistes, n'avait pas de sens. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase d'une mondialisation idyllique qui montre déjà des signes d'épuisement.
Par ailleurs, on constate depuis des décennies que le changement climatique issu de l'utilisation de combustibles fossiles s'accélère, affectant négativement les cycles de l'eau, l'agriculture et la vie quotidienne, ce qui constitue un facteur déterminant dans les nouvelles migrations des jeunes des pays du Sud. Le réchauffement climatique affecte déjà la production de céréales, d'olives et de différentes variétés de fruits et de légumes. Le cas espagnol de Freixenet est paradigmatique : lors de la période de Noël 2024, l'entreprise ne sera pas en mesure d'offrir tout le cava (vin mousseux) que la demande estimée exigerait, car les vignes dont elle a besoin ont eu une production très faible cette année. Mais le mal n'est pas qu'une minorité ne puisse pas trinquer avec du cava, mais plutôt qu'il y ait de millions de personnes sans accès à l'eau potable, mal nourries et sans avenir.
Cette distorsion est dramatique dans le cas des famines - au-delà l'anecdote du cava - et contraste avec les possibilités non réalisées que la planète a encore de fournir de la nourriture à l'ensemble de l'humanité. Et contraste aussi avec la capacité qu'a l'économie capitaliste à produire services et marchandises ; une capacité qui conduit à l'existence d'entrepôts remplis de marchandises dans des pays comme la Chine ou le Vietnam ou avec la voracité du capitalisme occidental à trouver de nouvelles niches d'activité et de nouveaux gisements de divers matériaux stratégiques pour l'économie numérique et la fabrication de véhicules électriques.
Il faut donc intégrer à la théorie des vagues longues du capitalisme - à laquelle Ernest Mandel a apporté une contribution décisive dans ses écrits, notamment dans Late Capitalism et The Long Waves of Capitalist Development - un nouvel élément dérivé de la dépendance du processus économique à l'égard de l'état de la biosphère dans laquelle il se développe. Le comportement cyclique du mode de production capitaliste - dans lequel la concurrence joue un rôle central - prend la forme d'une séquence de contractions et d'expansions de la production de marchandises, base de la production de la plus-value dont la réalisation, ainsi que l'accumulation du capital, finissent également par subir des mouvements cycliques d'expansion et de contraction. La conclusion de ce qui précède est que la théorie des vagues longues du capitalisme, qui fonde son explication sur l'existence de facteurs endogènes du fonctionnement du capital et de facteurs exogènes qui ouvrent ou ferment des champs de possibilités pour la production, doit intégrer l'existence de facteurs écogènes qui encadrent les limites de la durabilité biogéophysique de la production généralisée de marchandises.
La politique - qu'en est-il de la politique subversive ?
Il est clair que dans la situation objective, il y a des facteurs subjectifs qui font finalement partie du nœud gordien à trancher pour pouvoir poursuivre notre chemin vers la Phrygie du changement écosocial. Autrement dit, nous agissons dans un cadre où il n'y a pas seulement de composantes représentant de murs matériels à abattre, mais où il faut compter sur les forces, et surtout les faiblesses des forces rebelles qui pourraient les abattre. Et soyons clair : nous sommes face à une pénurie de sujets de changement. Il en existe des embryons, mais ceux-ci n'ont pas encore la structure nécessaire.
Un premier élément est l'inexistence d'un mouvement ouvrier international organisé et internationaliste. Contrairement aux premières années révolutionnaires du siècle précédent et à la montée des luttes anticoloniales et ouvrières au milieu du siècle, il règne actuellement - malgré quelques mobilisations isolées - un certain calme lié à la paix sociale. D'une part, le syndicalisme dans la plupart des pays est devenu un simple médiateur du pacte social et productiviste entre les classes populaires et leurs bourgeoisies nationales respectives, sans projection autonome sur la scène mondiale, où on se contente d'accompagner les mesures palliatives du social-libéralisme ou de servir directement de porte-voix aux mantras des institutions nationales ou internationales. Ainsi, même s'il faut maintenir l'existence des syndicats, ceux-ci peuvent difficilement offrir des alternatives à la crise éco-sociale.
Deuxièmement, on observe un glissement croissant vers la droite au sein de la gauche. La plupart des partis verts et sociaux-démocrates - ces derniers en crise et acquis au social-libéralisme - ne sont que des courroies de transmission du discours et des politiques bourgeoises dominantes, tant dans l'économie que dans les questions énergétiques, ou dans la militarisation de la pensée et de l'économie. Et ils votent pour des budgets de guerre et des plans d'économie verte qui ne sont que des appendices des exigences du capital dans le domaine de l'énergie et des politiques de croissance illimitée. Il est frappant, dans le cas de l'Union européenne, qu'au pied levé, face à la crise d'approvisionnement et à l'évidence de la dépendance à l'égard des importations en provenance de la Russie mise en évidence par la guerre en Ukraine, la majorité des députés européens du Parlement européen, du Conseil et de la Commission aient changé d'avis, oublié leur discours sur la transition vers les énergies renouvelables et la fin de l'utilisation des combustibles fossiles et déclaré, en à peine quelques heures (si je puis me permettre d'ironiser), que le charbon, le gaz et l'énergie nucléaire étaient propres, ou du moins pas si mauvais que cela.
Michael Löwy a été très clair dans sa caractérisation des options électorales des Verts, affirmant que leurs propositions sont vouées à l'échec et sont utilisées par le système parce que l'absence d'une position anticapitaliste cohérente a conduit la plupart des partis verts européens - en France, en Allemagne, en Italie, en Belgique - à devenir de simples partenaires « éco-réformistes » de la gestion sociale-libérale du capitalisme par les gouvernements de centre-gauche. Il n'y a donc pas grand-chose à attendre d'eux.
Cela implique que la plupart des options électorales des gauche existantes et les perspectives qu'elles offrent à la majorité sociale sont : leur assimilation à l'idéologie dominante et le renforcement du modèle économique productiviste, extractiviste et néocolonial (tant dans les nations exploitantes que dans les nations exploitées), en alliance avec un patriarcat (contre lequel lutte le mouvement féministe) qui place les femmes dans un rôle subordonné dans la division du travail et des revenus, tant à la campagne que dans l'industrie et les services, en leur faisant supporter la majeure partie des tâches de reproduction et de soins.
Mais ce qui a fait le plus de tort au marxisme et à l'idée même de communisme, c'est le soi-disant « socialisme réel » qui a détruit les premiers acquis révolutionnaires de la Russie de Lénine et Trotski et transformé un espoir en goulag. La classe ouvrière russe n'a pas pu décider de l'avenir de son pays et ses dirigeants sont entrés en concurrence avec l'économie américaine en utilisant simplement les mêmes outils dans le processus de production, ce qui a donné lieu à des catastrophes environnementales d'une ampleur similaire à celles de l'impérialisme yankee. L'implosion du système poststalinien n'a pas donné lieu à une révolution ouvrière démocratique mais à une nouvelle forme de capitalisme oligarchique productiviste.
Cela nous oblige au XXIe siècle non seulement à redéfinir les termes après le discrédit socialdémocrate, stalinien et vert, mais aussi à nettoyer la pensée marxiste des « scories productivistes » - selon l'expression de Bensaïd - car nous ne devons pas utiliser les mêmes outils de croissance capitaliste pour offrir nos alternatives, ni utiliser - lorsque nous construisons une nouvelle société - les mêmes modèles et formes de production du capitalisme. Un capitalisme qui va nous laisser un lourd héritage de désastres permanents. Une partie importante de l'intelligentsia qui se réclamait du marxisme a également fait preuve d'une vision innocente de la technologie et des technologies, comme si elles étaient neutres, et d'une grande myopie et paresse intellectuelle pour inclure la crise écologique dans ses considérations et l'écosocialisme dans ses horizons.
La critique de la gauche managériale et de la déraison stalinienne doit également s'accompagner d'une autocritique de la gauche marxiste révolutionnaire, qui a négligé pendant des décennies la question environnementale - alors que l'anarchisme l'avait déjà à l'esprit de manière élémentaire - et n'a pas dialogué avec les premières élaborations de l'écologie politique. Bien qu'il y ait eu des exceptions, que j'indique ci-dessous.
Reconstruire, purifier et recréer la pensée marxiste dans une optique écologique à la lumière de la crise de civilisation est une tâche centrale du moment. Pour ce faire, il faut partir de la récupération de la pensée de Marx, sachant que l'on peut y trouver - pour reprendre l'expression de Bensaïd - « un ange vert et un démon productiviste ».
Manuel Garí. Économiste, membre du Conseil d'administration et du Conseil consultatif de viento sur et activiste d'Anticapitalistas. Il est membre du Foro Transiciones y Espacio Público. Il est coauteur de Como si hubiera un mañana (Sylone et viento sur, 2020).
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Mosab Abu Toha, Karim Kattan et ces écrivains palestiniens que la presse arabe recommande

Ces derniers mois, les médias arabes ont consacré nombre d'articles à des auteurs palestiniens dont les écrits sont jugés précieux face à la guerre. Des classiques comme Edward Saïd ou Ghassan Kanafani aux contemporains Mosab Abu Toha ou Karim Kattan, ces voix permettent de mieux comprendre la culture et la lutte des Palestiniens.
Tiré de Courrier international. Légende de la photo : Le poète Gazaoui Mosab Abu Toha (à gauche) et son ami Shafi Salem en train de monter une bibliothèque anglophone à Gaza, en février 2017. Photo Mohamed Abed/AFP.
Il est l'un des porte-voix et des témoins de la souffrance des Gazaouis depuis le 7 octobre. Le poète Mosab Abu Toha, qui a fui en décembre 2023 l'enclave palestinienne bombardée par Israël, est l'auteur d'un recueil en anglais salué par la critique lors de sa sortie, en 2022. Publié en français aux éditions Julliard, ce 3 octobre, Ce que vous trouverez caché dans mon oreille “est inspiré par une profonde humanité” et par le fait de grandir dans un “isolement constant”, souligne Al-Ayyam, le quotidien de Ramallah.
Ce recueil s'inscrit dans une riche tradition littéraire palestinienne, particulièrement orientée vers la poésie, et qui pour beaucoup de médias arabes est aujourd'hui précieuse pour mieux saisir l'identité et l'histoire des Palestiniens, au-delà des guerres.
Petit survol en trois étapes.
1. Mosab Abu Toha : des poèmes pleins de décombres
Al-Ayyam décrit ainsi l'ouvrage de Mosab Abu Toha : “Comme la bande de Gaza elle-même, les poèmes sont pleins de décombres et du danger omniprésent de drones surveillant des gens qui ne sont pas les bienvenus sur leur terre, et ils sont aussi pleins de l'odeur du thé, des rosiers en fleurs, et de la vue sur la mer au coucher du soleil. Des enfants naissent, les familles perpétuent leurs traditions, les étudiants vont à l'université et les bibliothèques sortent des décombres, tandis que les Palestiniens continuent de vivre, créant de la beauté et trouvant de nouvelles façons de survivre.”
Écrit avant le début de la guerre qu'Israël mène contre la bande de Gaza, Ce que vous trouverez caché dans mon oreille avait remporté l'American Book Award et le Palestinian Book Award et fait émerger son auteur comme une voix importante de la littérature palestinienne.
Après avoir été arrêté durant les premiers mois de l'offensive israélienne sur Gaza, Mosab Abu Toha a fui l'enclave. Depuis, il ne cesse de raconter l'exil et la douleur qui l'habite dans des poèmes et articles publiés par la presse américaine ou arabe. Une douleur qui s'inscrit dans une longue histoire de l'occupation israélienne, depuis la Nakba, en 1948, note Felesteen.
Le journal de la bande de Gaza cite un extrait de l'un de ses poèmes, écrit en hommage à son ami Raafat Al-Tanani, tué avec sa famille lors de bombardements qu'Israël a menés sur le territoire en mai 2021 :
- “La maison a été bombardée. Tout le monde est mort. Les enfants, les parents, les jouets, les acteurs à la télévision, les personnages dans les romans et les poèmes, le ‘je', le ‘il', le ‘elle'.”
Les poèmes de Mosab Abu Toha “évoquent la vie à Gaza sous l'occupation, le siège et la guerre qui lui a enlevé son enfance et ses amis, ainsi que sa relation avec le camp de réfugiés, son grand-père et Jaffa, d'où sa famille a été déplacée” durant la Nakba, résume Felesteen. Le poète explique au journal écrire pour retracer son histoire :
- “Je réimagine un passé dans lequel je n'étais pas présent, non seulement le passé de la Palestine, mais aussi des familles et des enfants qui ont été enterrés sous les décombres de leurs maisons lors de bombardements israéliens brutaux.”
2. Karim Kattan : de la guerre à l'amour
Autre auteur palestinien contemporain à avoir été remarqué ces derniers mois, Karim Kattan écrit pour sa part en français. Son deuxième roman, L'Éden à l'aube, publié en septembre par la maison d'édition tunisienne Elyzad, a enthousiasmé L'Orient-Le Jour. Le réel s'y mêle au fantasmagorique pour raconter une histoire d'amour entre deux hommes palestiniens aux accents poétiques.
Ainsi, il dresse “l'architecture politique de l'amour” entre Gabriel et Isaac entravé par l'occupation israélienne, qui régit leurs déplacements en leur imposant des statuts administratifs différents. “Ne se contentant pas d'administrer les corps, elle s'immisce dans les fantasmes et dans les imaginaires. Mais même sous l'occupation demeure la possibilité d'un bonheur foudroyant, que l'on atteint par une dévotion extatique à l'autre, confinant au mysticisme”, écrit le quotidien libanais. Et d'applaudir un auteur qui accomplit, “avec ce magnifique second roman, l'acte le plus puissant dont la littérature soit capable : affirmer l'humanité pleine et entière de ceux à qui le monde ne concède qu'une humanité partielle et conditionnelle”.
“Chez Karim Kattan, on s'aime en se racontant des histoires”, et Isaac charme Gabriel par son art du conte. “Ces histoires ont un aspect folklorique, palestinien, mais elles font aussi partie d'un récit planétaire”, explique l'écrivain originaire de Jérusalem, qui s'inscrit lui aussi dans une tradition poétique.
Une poésie palestinienne que beaucoup de médias arabes voient comme un remède face à l'absurdité des massacres et des violences que subissent les Palestiniens, mais aussi comme une clé de compréhension de la lutte des Palestiniens pour préserver leur héritage, leur identité et leur culture.
3. Darwich, Kanafani et Saïd : les classiques
Depuis le 7 octobre, les grands noms de la littérature palestinienne sont régulièrement convoqués dans la presse, mais aussi sur les réseaux sociaux arabes.
Disparu en 2008, le poète Mahmoud Darwich, qui était membre de l'Organisation de libération de la Palestine, continue ainsi d'irriguer les débats sur la cause palestinienne. Al-Jazeera lui rendait hommage en rappelant qu'il “est honoré en Palestine comme le poète national, célébré pour ses vers qui disent la douleur de ce peuple privé de ses terres”. D'autres voient en lui un aède qui, très tôt, a su retranscrire la portée historique de ce que subissaient les Palestiniens. L'Orient-Le Jour a ainsi republié un poème de 1973 du jeune Darwich pleurant la perte de Gaza, six ans après le début de son occupation par Israël, et qui fait particulièrement écho aux événements actuels.
Son contemporain Ghassan Kanafani (1936-1972) est l'autre figure de proue de cette littérature palestinienne du XXe siècle ancrée dans l'histoire, avec des recueils de nouvelles comme Des hommes dans le soleil (aux éditions Sindbad). Assassiné à 36 ans par le Mossad, à Beyrouth, où il était réfugié, il était aussi connu pour son activisme que pour ses talents d'orateur et d'écrivain. Dithyrambique, le site New Arab célèbre “l'un des génies de la culture palestinienne et arabe”, dont l'œuvre “dangereuse” pour Israël a été interrompue prématurément. “Ce qu'il a apporté à la cause palestinienne est similaire à ce qu'a fait Edward Saïd”, estime toutefois le site.
L'Américano-Palestinien Edward Saïd (1935-2003) a, en effet, marqué durablement les débats sur la Palestine et inspiré des écrivains comme Mosab Abu Toha, qui a ouvert la première bibliothèque anglophone de Gaza en lui donnant le nom d'Edward Saïd. Pionnier des études postcoloniales, l'auteur de L'Orientalisme est régulièrement convoqué, notamment pour penser le rapport à l'Occident dans le contexte actuel. Al-Quds Al-Arabi lui a consacré plusieurs articles ces derniers mois. L'un se demandait “comment lire Edward Saïd à Gaza”, et un autre décrivait son immense influence sur les jeunes générations jusqu'à aujourd'hui.
Oumeïma Nechi
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La dévastation culturelle du Soudan

Les Émirats arabes unis (EAU) ont joué un rôle central dans le financement des Forces de soutien rapide du Soudan (RSF), en fournissant les ressources qui ont permis au groupe de poursuivre ses campagnes militaires, de payer ses combattants et d'acquérir des armes. Ce soutien financier a également permis aux RSF de se livrer à des pillages à grande échelle, notamment le pillage de l'une des plus importantes institutions culturelles du Soudan, le Musée national du Soudan à Khartoum. Les actions des RSF ont contribué à la destruction du patrimoine culturel du Soudan et ont conduit au trafic d'objets irremplaçables sur le marché noir.
Le Musée national du Soudan abrite certaines des plus importantes collections d'objets d'art d'Afrique, couvrant des milliers d'années d'histoire, de l'ère paléolithique à l'ancien royaume de Koush, en passant par les périodes chrétienne et islamique médiévales. Chaque objet exposé dans le musée constitue un lien tangible avec le riche passé du Soudan, représentant des civilisations qui ont joué un rôle essentiel dans la formation de la vallée du Nil. Les trésors du musée ne sont pas seulement des reliques d'art et d'histoire, mais aussi des éléments essentiels de l'identité nationale du Soudan.
L'une des collections les plus précieuses du musée provient du royaume de Koush, une ancienne civilisation qui a prospéré le long du Nil d'environ 2500 avant J.-C. à 350 après J.-C. La première période de Koush, souvent appelée période pré-méroïtique, est connue pour sa puissance militaire et sa richesse culturelle, et ses dirigeants, les célèbres « pharaons noirs » de la 25e dynastie égyptienne, ont laissé un héritage durable. La collection du musée comprenait des statues en granit de ces pharaons, remarquables par leur savoir-faire détaillé et leur présence imposante. Ces statues n'étaient qu'une partie d'une collection plus vaste qui présentait également des objets de travail du métal avancés des Koushites, tels que des bijoux en or, des armes et des outils, mettant en valeur leur expertise en métallurgie.
La collection du musée de la période méroïtique du royaume de Koush, qui s'étendit d'environ 800 avant J.-C. à 350 après J.-C., était tout aussi importante. Méroé, la capitale de cette période ultérieure, était réputée pour son art et son architecture caractéristiques. Le musée abritait de nombreux objets de cette période, notamment des poteries finement décorées, des objets funéraires et les célèbres stèles méroïtiques inscrites d'une écriture qui reste partiellement indéchiffrée à ce jour. Ces objets offrent un aperçu d'une civilisation qui continue d'intriguer les historiens et les archéologues.
Au cours de la transition du Soudan vers l'ère médiévale, les royaumes chrétiens de Nubie, dont la Makurie et l'Alodie, ont prospéré entre le VIe et le XVe siècle. Le Musée national du Soudan possède une remarquable collection de cette période, notamment les fresques de la cathédrale de Faras. Ces fresques, datant du VIIIe au XIVe siècle, comptaient parmi les plus beaux exemples d'art chrétien africain médiéval, représentant des scènes bibliques, des saints et des figures royales de la société nubienne. La perte de ces fresques constitue un coup dévastateur pour notre compréhension de la vie culturelle et religieuse de la Nubie médiévale.
La collection du musée reflète également l'évolution du paysage religieux et culturel du pays avec l'essor de l'islam au XVe siècle. Parmi les objets de cette période figurent des Corans magnifiquement enluminés, dont certains remontaient aux premiers siècles de l'islam au Soudan. Ces manuscrits n'étaient pas seulement des textes religieux, mais aussi des chefs-d'œuvre de calligraphie et de design, démontrant le talent artistique complexe de la culture islamique soudanaise.
Le pillage du Musée national du Soudan par RSF n'est pas seulement une tragédie pour le Soudan, mais une perte pour le monde entier. Les objets volés au musée ont déjà commencé à apparaître sur le marché noir, vendus sur des plateformes comme eBay et Facebook. Ces objets, autrefois conservés dans une institution publique pour que chacun puisse les apprécier et en tirer des enseignements, sont aujourd'hui vendus au plus offrant, souvent sans tenir compte de leur valeur historique ou des histoires qu'ils racontent sur les peuples et les civilisations qui les ont créés. La vente au marché noir de ces trésors représente l'effacement du patrimoine culturel du Soudan.
Chaque statue, manuscrit ou fresque volée est une pièce du puzzle de la longue et complexe histoire du Soudan. La destruction et le vol d'objets tels que les statues des pharaons noirs ou les fresques chrétiennes de Faras laissent des trous dans l'histoire du passé du Soudan qui ne seront peut-être jamais comblés, ce qui signifie que les générations futures n'auront qu'une image incomplète des puissantes civilisations qui régnaient autrefois sur la vallée du Nil. Ces objets ont relié le peuple soudanais à ses ancêtres et, sans eux, une part essentielle de l'identité du Soudan est perdue.
Il est urgent d'agir au niveau international pour endiguer le flux de biens culturels volés. Sans intervention, le patrimoine du Soudan continuera d'être vendu aux enchères à des collectionneurs privés, caché dans des collections personnelles et à jamais soustrait à la vue du public. Le pillage de ces trésors constitue une perte irréversible, non seulement pour le Soudan mais pour le monde entier.
Abou Hureira
Traduction automatique de l' Anglais
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Retailleau s’attaque violemment à l’immigration !

Prompt à donner du relief à sa nomination, Place Beauvau, le 21 septembre 2024, le nouveau Ministre, Bruno Retailleau s'inscrit dans la ligne dure de l'extrême Droite française et européenne, pondant des textes répressifs pour son baptême du feu.
De Paris, Omar HADDADOU
L'Immigration est, et demeurera l'argumentaire du naufrage de la politique française ! En Hexagone, le vrai débat a déserté les plateaux, cédant la place à la brutalité. Après s'être approprié le vital et le récréatif, l'Occident fait mine d'ignorer que le flux migratoire est une hémorragie « injugulable », rythmée par l'interaction entre le pillard et le dépossédé.
Ce n'est plus un tour de vis, mais un coup létal de clé à griffes que Bruneau Retailleau, nouveau ministre de l'Intérieur d'obédience républicaine (LR) - flirtant avec le RN de Marine le Pen et Bardella, vient d'opérer.
Ces derniers sont, depuis 15 jours, traduits devant le Tribunal correctionnel de Paris pour détournement des fonds du Parlement européen.
Lors de son audition, hier, Marine le Pen s'est montrée évasive, déroutée ! quand les faits du népotisme au sein du parti, lui sont reprochés : « J'ai le sentiment de ne pas avoir commis la moindre irrégularité ».
Si aujourd'hui, la V République accuse un déficit budgétaire de 6,1% du PIB fin 2024 et se rencogne piteusement dans l'austérité, c'est la faute à l'Immigré (e). Si son lien et ses intérêts se défassent avec l'Afrique en faveur des Brics, c'est l'Etranger qui en est responsable. Si sa fiscalité, sa Sécurité sociale, touchent le fond, cela reste imputable au migrant. Si sa classe politique s'étripe, se disloque, c'est à l'exilé spolié, déraciné, qu'incombe la faute !
L'ancien Sénateur de Vendée a pour ambition prohibitive de révolutionner abusivement le texte constitutionnel par sa marque de fabrique en s'adjugeant la liberté de détourner la Loi et la rendre caduque, lui permettant de délivrer des Obligations de Quitter le Territoire Français (OQTF) à tour de bras.
Le Ministre de l'Intérieur, proche de de Villier « nobélisé xénophobe par excellence », maniant rhétorique et saupoudrage circonstanciel, prédilectionnant les projecteurs et les micros, vient aux affaires sous le titre illusoire d'homme de la situation.
Niaisement, il croit tenir en sa besace la panacée pour faire respecter les lois régaliennes, juguler le flux migratoire édicté par un processus qui renvoit aux ravages coloniaux. Décrédibiliser et rendre nulles et non avenues les mesures prises par ses prédécesseurs, c'est son cheval de bataille.
Sous les feux de la rampe, depuis qu'il est aux affaires, il part en guerre contre la Gauche et redouble de zèle déclaratif qui indispose le Premier ministre Michel Barnier : « Nous ne devons régulariser qu'au compte-gouttes », décrète le ministre de l'Intérieur qui prévoit de mettre fin à la circulaire Valls, afin de durcir les conditions de régularisation des sans-papiers.
Droit dans ses bottes, dans une France vidée de sa sagesse et de son épanouissement politique, le locataire de la place Beauvau mesure la puissance de « son portefeuille » et fait corps avec l'emporte-pièces : « Je sais ce que veulent les Français. Nous voulons reprendre le contrôle. Il faut répondre à l'urgence et à la demande des Français ». Joignant l'acte à la parole, il s'empresse à retoquer les mesures de la Gauche à travers une éventuelle réduction de l'Aide Médicale de l'Etat (AME) à une Aide d'Urgence pour les Etrangers, limitation des soins gratuits, restrictions sur le regroupement familial, retour du délit de séjour irrégulier, allongement de la durée de détention de 90 à 210jours pour les Etrangers clandestins jugés dangereux sans oublier la mesure discriminatoire sur les aides sociales (Préférence nationale).
Fier de ce coup de pied dans la fourmilière, Retailleau dont la politique s'aligne sur celle des ministres nationalistes italien, autrichien et hongrois, a déclaré, hier à la presse nationale et étrangère : « On ne s'interdit aucun tabou ! ».
Indignation au sein de l'Association J'accueille, l'accusant de « faire du Donald, Trump ».
Au sein de la classe politique française divisée, les tensions sourdent sur fond d'une guerre régionale au Moyen-Orient. Macron pourrait, à tout moment, faire face à des défections surprises dont celle de Michel Barnier.
O.H
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L’escalade de la tragédie : La multiplication des exécutions de femmes en Iran

À l'approche de la Journée mondiale et européenne contre la peine de mort, nous demandons instamment à la communauté internationale de prendre des mesures décisives pour mettre fin aux exécutions en Iran et de soutenir la campagne internationale « Non aux exécutions » dans ce pays.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/10/13/lescalade-de-la-tragedie-la-multiplication-des-executions-de-femmes-en-iran-autres-textes/
Depuis des années, l'Iran détient le record mondial d'exécutions de femmes et se targue d'avoir le taux d'exécution par habitant le plus élevé au monde.
La peine de mort est une bouée de sauvetage pour le régime clérical, un mécanisme de survie. La machine à tuer du régime fonctionne à plein régime, dans le but d'instiller la peur dans une société aigrie et de prévenir le prochain soulèvement, qui se prépare déjà.
Un sinistre bilan : 31 femmes exécutées au cours de l'année écoulée, 22 en 2024
Selon les données enregistréespar la Commission des femmes du CNRI, le nombre de femmes exécutées en Iran a fortement augmenté au cours de l'année écoulée, avec 31 exécutions enregistrées entre octobre 2023 et octobre 2024. Il s'agit d'une hausse inquiétante par rapport aux années précédentes, puisque 19 femmes ont été exécutées en 2022-2023 et 21 en 2021-2022.
Le chiffre de l'année en cours est particulièrement alarmant, dépassant de 10 le taux moyen de 21 exécutions sous Ebrahim Raïssi et doublant la moyenne annuelle de 15 sous l'ancien président Hassan Rouhani.
Compte tenu de la nature clandestine des exécutions et de l'absence d'annonce publique de la part du pouvoir judiciaire, il est évident que le nombre réel est plus élevé que celui indiqué.
Cette augmentation souligne le recours croissant du régime iranien à la peine capitale, y compris à l'encontre des femmes – une escalade des violations des droits de l'homme que l'on observe désormais sous l'administration de Massoud Pezechkian.
Cela prouve également que, quel que soit le président, les droits du peuple iranien, en particulier ceux des femmes, continuent d'être bafoués. Au moins 255 prisonniers ont été exécutés depuis juillet 2024, date à laquelle Pezechkian a pris ses fonctions.
Le nombre de femmes exécutées en Iran depuis le début de l'année 2024 s'élève à 22. 11 de ces exécutions ont eu lieu pendant le mandat de Massoud Pezechkian. Le nombre total d'exécutions en Iran en 2024 s'élève à ce jour à 559.
Campagne « Non aux mardis de l'exécution »
Selon les documents internes révélés par le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), au moins 5 000 prisonniers en Iran risquent la peine de mort. Parmi eux, des dizaines de prisonniers politiques.
Cette année, le régime a condamné à mort deux femmes, Pakhshan Azizi et Sharifeh Mohammadi, toutes deux militantes des droits de l'homme.
Il a également condamné à mort au moins 10 prisonniers politiques, tous partisans de l'Organisation des moudjahidines du peuple iranien (OMPI), en septembre et en octobre.
Malgré l'escalade de la répression, la demande de justice reste forte. Pour protester contre la vague d'exécutions du régime clérical, les prisonniers politiques iraniens ont lancé une campagne intitulée « Non aux mardis de l'exécution », qui a duré 37 semaines depuis février et s'est étendue à 22 prisons à travers le pays.
Ils organisent une grève de la faim tous les mardis, exigeant la fin de l'utilisation des exécutions comme outil de répression de la dissidence. Ils exhortent également la communauté internationale à prendre position contre les atrocités commises par le régime.
L'Iran, premier bourreau des femmes
La Commission des femmes du CNRI, soulignant la violation persistante des droits des femmes en Iran et la lutte permanente pour la liberté et l'égalité, a fait du 10 octobre une journée annuelle pour rappeler au monde la dure réalité : le régime iranien est le premier exécuteur de femmes dans le monde.
Les autorités iraniennes recourent à la peine de mort de manière libérale, ciblant souvent les minorités religieuses et ethniques, les dissidents politiques et les femmes de manière nettement discriminatoire. Cette pratique défie ouvertement les normes internationales, qui préconisent des alternatives à l'incarcération pour les femmes, reconnaissant leur rôle vital en tant que mères et gardiennes d'enfants. Pourtant, en Iran, les femmes ne sont pas seulement emprisonnées, elles sont exécutées.
La Résistance iranienne continue de plaider en faveur de l'abolition de la peine de mort, de la fin de la torture et de l'arrêt de toutes les formes de violation des droits de l'homme en Iran.
En cette Journée mondiale contre la peine de mort, nous insistons sur le sort des femmes qui risquent d'être exécutées par le régime iranien, et nous appelons la communauté internationale à faire pression sur le régime iranien pour qu'il mette fin à ces châtiments, en particulier à l'encontre des femmes.
Nous demandons également que Ali Khamenei, le guide suprême des mollahs, soit poursuivi en tant que principal responsable de ce cycle d'exécutions en Iran.
https://wncri.org/fr/2024/10/09/executions-de-femmes-en-iran/
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L’intelligence artificielle contre la syndicalisation d’Uber ?

Si les travailleurs et travailleuses à la demande (gig workers) d'Uber et consort ne semblent pas s'organiser au Québec, il n'en est pas de même à Toronto. Au Québec, la saga de l'implantation d'Uber a plutôt valu une défaite du moins partielle des chauffeurs de taxi traditionnel qui ont vu fondre la valeur de leurs permis leur servant de fonds de pension. En avril 2024, plus de dix ans après l'implantation d'Uber, ces chauffeurs, en grande partie sinon majoritairement racisés, poursuivaient le gouvernement du Québec pour obtenir la valeur marchande de leurs permis, soit environ 1.2 G$, et non leur valeur d'acquisition d'environ 800 M$. Il ne semble pas non plus que le gouvernement du Québec veuille légiférer, comme en Colombie britannique, pour accorder un salaire minimum aux chauffeurs d'Uber et consort payés bien en-dessous du salaire minimum officiel. Il en est de même à Toronto où cependant la Coalition Ridefair réclame « au moins un revenu de 37 $ par heure active pour qu'un chauffeur puisse espérer gagner le salaire minimum. » Estce la raison pour laquelle Uber recourt à l'intelligence artificielle pour abaisser leur rémunération comme le suggère cet article du Globe and Mail ?
Introduction et traduction, Marc Bonhomme, 10/10324
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…Uber vient d'annoncer un changement majeur dans le mode de rémunération de ses chauffeurs en Ontario. À partir de cette semaine, le salaire des chauffeurs Uber sera entièrement déterminé par un algorithme, dans le cadre d'un changement de rémunération que l'entreprise appelle « upfront pricing ». Mon collègue Vanmala Subramaniam, reporter du Globe sur l'avenir du travail, a expliqué comment les revenus étaient calculés auparavant : « Un chauffeur recevait un salaire assez prévisible en fonction du nombre de kilomètres parcourus, du temps passé dans la voiture et des déductions de taxes et de frais de service », m'a-t-elle expliqué. « Après un trajet, il recevrait un reçu indiquant comment il a été payé. Dans le cadre de ce nouveau modèle, l'application se passe complètement de cette ventilation et indique simplement aux chauffeurs, d'emblée, le salaire qu'ils recevront pour un trajet. » Ils choisissent de l'accepter ou non.
Uber affirme que la fixation d'un prix à l'avance permettra de « mieux équilibrer le marché » et de s'assurer qu'il y a suffisamment de chauffeurs sur la route pour répondre à la demande des utilisateurs. Mais les experts avec lesquels
Subramaniam s'est entretenu insistent sur le fait que cela supprime la prévisibilité de la rémunération des chauffeurs et pourrait réduire le montant de leur salaire. Et comme c'est souvent le cas lorsque c'est l'IA [Intelligence artificielle] qui mène la danse, ces algorithmes opaques offrent de nombreuses possibilités de discrimination.
Un prix mystère
Les passagers d'Uber connaissent déjà la tarification dynamique : c'est la raison pour laquelle les coûts augmentent lorsque la demande de transport est particulièrement élevée, par exemple après une panne de métro ou la fin d'un match de hockey. Mais en général, la rémunération des chauffeurs fonctionne comme un compteur de taxi, c'est-à-dire qu'elle est calculée en fonction du temps, de la distance et du tarif de base, avec des primes pour les trajets fréquents ou les périodes d'affluence. Si un chauffeur emmenait quelqu'un de l'aéroport au quartier financier en pleine heure de pointe, il savait à peu près combien il allait gagner et pouvait organiser sa journée en conséquence.
La tarification initiale introduit de l'opacité et de la variabilité dans ces revenus. « Maintenant, les chauffeurs peuvent faire le même trajet trois fois et être payés trois fois différemment - 6, 10 ou 12 dollars, ils ne le savent tout simplement pas », m'a dit M. Subramaniam. « Ils sont vraiment à la merci de l'entreprise et de l'algorithme en ce qui concerne leur salaire. »
Une entreprise comme Uber - ou Lyft, DoorDash ou Amazon - recueille une multitude de données sur le comportement des travailleurs indépendants qui utilisent sa plateforme. Il s'agit notamment de savoir combien de temps les chauffeurs sont prêts à attendre entre deux courses (temps pour lequel ils ne sont pas payés), quel type de tarif ils sont prêts à accepter et quel est leur objectif de gain journalier. Armé de ces informations, un algorithme peut adapter les salaires à chaque chauffeur. L'application peut abaisser le tarif proposé à une personne qui semble plus encline à l'accepter. Elle peut aussi réduire de quelques dollars les tarifs proposés à un conducteur qui souhaite gagner 250 dollars ce jour-là, afin qu'il soit plus enclin à rester sur la route.
« La gestion algorithmique des salaires permet en fin de compte au travailleur de travailler pour l'entreprise le plus longtemps possible et pour le moins cher possible » a expliqué Veena Dubal, professeur de droit à l'université de Californie, au journal The Globe. Elle a même inventé un terme pour décrire ce système de rémunération variable pour un travail identique : la discrimination salariale algorithmique. « Et l'algorithme travaille toujours sur la base des dernières données disponibles », m'a dit M. Subramaniam. « C'est donc un système en constante évolution qui détermine le salaire final d'un chauffeur. »
Une solution législative ?
C'est ici que je note qu'Uber nie personnaliser les salaires sur la base des données collectées. Mais il est peut-être utile de mentionner que lors d'une conférence téléphonique sur les résultats au début de l'année, le PDG d'Uber, Dara Khosrowshahi, a dit ceci aux investisseurs : « Ce que nous pouvons faire de mieux, c'est cibler différents trajets pour différents chauffeurs en fonction de leurs préférences ou des modèles de comportement qu'ils nous montrent. » Il convient également de mentionner qu'il a été démontré que la tarification initiale fait baisser les salaires des chauffeurs. Selon une analyse de la Columbia Business School, la rémunération moyenne par trajet a diminué d'environ 12 % au premier trimestre 2023, peu après qu'Uber a introduit la tarification initiale aux États-Unis.
Que pouvons-nous faire à ce sujet ? Le 1er juillet 2025, la loi sur les droits des travailleurs des plateformes numériques entrera en vigueur en Ontario, avec une clause stipulant que les plateformes numériques comme Uber doivent être transparentes dans le calcul de leur rémunération. La loi stipule également que les travailleurs itinérants doivent recevoir un salaire minimum par mission. « Mais ce que signifie cette mission, ou comment garantir la transparence, ou qui va appliquer ces réglementations - rien de tout cela n'est encore clair », a déclaré M. Subramaniam. « Je ne suis pas sûr que l'on sache comment la législation fonctionnera avant qu'elle n'entre en vigueur l'été prochain. » D'ici là, si vous prenez un Uber en Ontario, je vous suggère humblement de donner un bon pourboire à votre chauffeur.
Source :Danielle Groen, Morning Update, Globe and Mail , 9/10/24
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Selon le CPJ (Comité pour la protection des journalistes), Israël a tué plus de journalistes à Gaza que dans n’importe quel conflit depuis 30 ans

En 12 mois, plus de journalistes ont été tué.e.s dans des attaques israéliennes à Gaza et au Liban que dans n'importe quelle période similaire enregistrée depuis 1992, selon le CPJ. La guerre israélienne contre Gaza a tué plus de journalistes au cours de l'année écoulée que n'importe quel autre conflit au cours des trois dernières décennies, selon les données du Comité pour la protection des journalistes (CPJ).
Tiré de Agence médias Palestine.
Selon le CPJ, un groupe basé aux États-Unis qui surveille les violations des droits de l'homme dont sont victimes les journalistes du monde entier, au moins 128 travailleurs et travailleuses des médias ont été tué.e.s dans le conflit entre le 7 octobre 2023 et le 4 octobre 2024. L'organisation enquête également sur 130 autres cas présumés de meurtres, de détentions ou de blessures.
Le groupe a déclaré qu'il s'agissait de la période la plus meurtrière pour les journalistes depuis qu'il a commencé ses activités activités de documentation en 1992.
Les données sont sujettes à caution eu égard du nombre de journalistes tué.e.s rapporté par le ministère palestinien de la santé, qui a estimé qu'au moins 175 journalistes ont été tué.e.s entre le 7 octobre 2023 et le 6 octobre 2024.
Le CPJ a fait remarquer que les journalistes ont travaillé au cours des 12 derniers mois dans les mêmes conditions humanitaires désastreuses que tous les civils à Gaza : le bombardement dévastateur de l'enclave densément peuplée qui a détruit la plupart de ses bâtiments, le siège israélien qui a conduit à la famine, et le déplacement constant de la population.
« Depuis le début de la guerre à Gaza, les journalistes paient le prix le plus élevé- leurs vies – pour produire leurs reportages. Sans protection, sans équipement, sans présence internationale, sans moyens de communication, sans eau ni nourriture, ils et elles continuent à faire leur travail indispensable pour dire la vérité au monde », a déclaré Carlos Martinez de la Serna, du CPJ.
« Chaque fois qu'un.e journaliste est tué.e, blessé.e, arrêté.e ou contraint.e à l'exil, nous perdons des fragments de vérité. Les responsables de ces pertes doivent rendre compte devant deux tribunaux : l'un en vertu du droit international, l'autre devant le regard impitoyable de l'histoire ».
La prise pour cible de journalistes pendant les conflits est un crime au regard du droit international.
Israël est actuellement jugé devant la Cour internationale de justice (CIJ), dans le cadre d'une plainte déposée par l'Afrique du Sud en décembre, pour violation présumée de la Convention de 1948 sur le génocide. La requête de l'Afrique du Sud cite parmi les preuves le ciblage de journalistes palestinien.ne.s.
« Les journalistes palestinien.ne.s sont tué.e.s à un rythme nettement plus élevé que celui que l'on trouve dans tout autre conflit au cours des 100 dernières années. Au cours des seuls deux mois qui ont suivi le 7 octobre 2023, le nombre de journalistes tué.e.s a déjà dépassé celui de toute la Seconde Guerre mondiale », indique le document.
Dans un rapport de 2022, l'organisation de défense des droits de l'homme, Euro-Med Monitor, a recensé plus de 700 journalistes et professionnel.le.s des médias tué.e.s dans la guerre syrienne entre 2011 et 2022, soit une moyenne de plus de 63 journalistes tué.e.s par an. Il s'agit du bilan le plus lourd de toutes les guerres de ce siècle.
Reporters sans frontières a recensé au moins 300 journalistes professionnel.le.s et non professionnel.le.s tué.e.s sur une période de dix ans alors qu'ils et elles couvraient le conflit syrien.
Euro-Med a déclaré que la guerre en Irak a vu la mort de 61 journalistes, soit une moyenne de six journalistes par an, tandis que la guerre au Yémen a vu la mort de 42 journalistes depuis 2014, soit une moyenne de plus de cinq journalistes par an.
Avant le 7 octobre 2023, le CPJ avait déjà documenté que 20 journalistes palestiniens et palestiniennes ont été tué.e.s par des tirs de l'armée israélienne en 22 ans, mais personne n'a été tenu responsable de ces décès.
Israël nie cibler délibérément les journalistes.
Source : Middle East Eye
Traduction BM pour Agence média Palestine
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Dossier de presse – Couverture médiatique après un an de génocide

Ce dossier de presse vise à fournir aux salles de presse, aux rédacteur·ices en chef et aux journalistes une compilation de ressources, de faits et de conseils essentiels pour couvrir l'année écoulée depuis le 7 octobre et le génocide en cours à Gaza. Ceci est d'autant plus important qu'Israël continue d'interdire l'accès à Gaza à tout journaliste international et que les journalistes locales·aux de Gaza sont pris·es pour cible sans relâche.
Tiré de France Palestine solidarité.
Il est également important de souligner, alors qu'Israël a commencé à envahir le Liban, que le génocide israélien en cours à Gaza, l'escalade de l'annexion et de la violence en Cisjordanie, et l'agression contre le Liban, la Syrie et la région ne sont pas des événements isolés ou des développements soudains, mais plutôt des symptômes des ambitions d'Israël de consolider sa domination et de remodeler la région en fonction de ses intérêts coloniaux.NB : Le document original étant en anglais, les sources et hyperliens sont en anglais
1. Faits marquants et actes génocidaires israéliens à Gaza
A. Nombre de morts, massacres, charniers et familles rayées des registresEn un an, Israël a tué plus de 41 615 Palestiniens, dont 17 000 enfants. Les massacres sont devenus une norme tragique, avec des familles entières rayées des registres d'état civil, des corps brûlés, démembrés et des enfants décapité·es.
Nombre de morts et de personnes tuées : Selon The Lancet, le nombre de morts directes et indirectes à Gaza pourrait s'élever à 186 000 personnes.
Massacres documentés :
Massacre de la farine en février, ici et ici.
Massacre de l'hôpital Al-Shifa en avril, ici.
Massacre des tentes de Rafah en mai, ici.
Massacre de Nuseirat en juin, ici, ici et ici.
Massacre des camps d'Al-Mawasi et d'Al-Shati le 13 juillet, ici.
Infographie montrant 30 fosses communes, avec 3 000 corps de Palestiniens tués dans le génocide israélien.
Pour des comptes rendus détaillés de tous les événements, jour par jour, avec des données, voir la base de données Airwars database.
Ressource clé pour retrouver des faits chronologiquement : The Palestine Chronology — événements jour par jour
Une poignée d'histoires parmi les centaines de milliers d'histoires de Palestinien·nes dont la vie a été détruite, même s'ils sont en vie.
– Hind Rajab, 6 ans
– Refat Al Areer, poète et intellectuel
– Mohamad Abu Alqumosan, dont la femme et les jumeaux ont été tué-es
– La famille Abu Salem, entièrement exterminée
– Ismail Al- Ghoul, jeune journaliste
Voir aussi : Gaza : des visages, pas que des nombres
B. Israël bat des records historiques mondiaux en matière de crimes et d'atrocités
Les Nations unies ont déclaré que Gaza était l'endroit le plus dangereux au monde pour les enfants.
Plus de 75 % des journalistes tué·es dans le monde en 2023 l'ont été pendant le génocide israélien à Gaza.
Le nombre de travailleur-euses humanitaires tué·es à Gaza au cours de l'année écoulée est le plus élevé jamais enregistré en une seule crise.
Israël a largué 70 000 tonnes de bombes sur Gaza, soit plus que les bombardements pendant la Seconde Guerre mondiale de Dresde, Hambourg et Londres réunis.
C. Blessés
Plus de 96 350 Palestinien·nes ont été blessé·es à Gaza. Selon l'OMS, au moins 25 % d'entre eux risquent d'avoir des blessures qui changeront leur vie, dont plus de 15 000 cas de blessures aux extrémités et environ 3 500 amputations.
Un nouvel acronyme a été inventé : WCNSF – Wounded Child No Surviving Family (enfant blessé sans famille survivante), soulignant la situation tragique de milliers d'enfants orphelin·es et blessé·es.
D. Destruction des infrastructures
Santé : Plate-forme documentant la destruction du secteur de la santé de manière très détaillée.
Maison, eau et routes : 67% des installations et infrastructures d'eau et d'assainissement, ainsi que le réseau routier, ont été détruits ou endommagés.
En mai, l'ONU a estimé que la reconstruction des maisons de Gaza pourrait prendre jusqu'à 2040.
Écoles et universités : Israël a détruit 90 % des écoles de Gaza. La dernière université de Gaza a été détruite en janvier 2024. Les experts de l'ONU ont qualifié la destruction systématique du système éducatif palestinien d' « éducide ». Rapport UNRWA/Université de Cambridge.
Évaluation de la destruction des établissements d'enseignement supérieur par l'Agence française de développement.
Culture et patrimoine : les bombardements incessants d'Israël ont anéanti le patrimoine culturel et historique de Gaza, connue comme l'une des plus anciennes villes du monde, avec 195 sites du patrimoine, 227 mosquées et trois églises endommagés ou détruits, y compris les archives centrales de Gaza, qui contiennent 150 ans d'histoire.
E. Déplacement forcé
Neuf Palestinien·nes sur dix à Gaza sont aujourd'hui déplacé·es à l'intérieur de leur propre pays, souvent à plusieurs reprises (certain·es jusqu'à dix fois). Rapport d'Oxfam sur les cycles de déplacement
86 % de la bande de Gaza est toujours sous le coup d'ordres d'évacuation émis par Israël.
Israël a réoccupé Gaza, prenant le contrôle de 26 % de la bande, voir le site web interactif ici.
F. La famine
En juillet, les expert-es des Nations unies ont déclaré que la famine s'était répandue dans la bande de Gaza. Cette déclaration fait suite à des mois d'évaluation par la classification intégrée de la phase de sécurité alimentaire sur le risque élevé de famine.
Les Nations unies ont signalé 32 décès dus à la malnutrition, dont 28 parmi les enfants de moins de cinq ans. Environ 200 patient·es ont été admis·es pour malnutrition aiguë sévère et on estime que 50 000 enfants ont besoin d'un traitement contre la malnutrition aiguë.
G. Situation sanitaire
En onze mois, 512 attaques ont été lancées contre les personnels, équipements et infrastructures de santé à Gaza, entraînant la mort de 759 Palestinien·nes, la détention et l'arrestation de 128 travailleur·euses de la santé, tout en affectant 110 établissements de santé et 115 ambulances.
90 % de l'approvisionnement en eau de Gaza est impropre à la consommation.
La destruction des infrastructures, le manque d'assainissement, l'effondrement du système de santé et la surpopulation des sites de déplacement créent un terrain propice aux épidémies.
Les attaques israéliennes contre la santé ont créé une « biosphère de guerre », avec le retour du virus de la polio à Gaza, parmi de nombreuses autres conséquences sanitaires catastrophiques du génocide.
H. Obstruction de l'aide humanitaire
Israël a entravé l'aide humanitaire à Gaza en renforçant son blocus, en créant des points de contrôle militaires à travers Gaza, en attaquant les agences humanitaires et les travailleurs humanitaires, ainsi qu'en s'en prenant à l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) et à son personnel. Lire la déclaration d'Al-Haq.
7 façons dont Israël a délibérément bloqué l'aide humanitaire par Oxfam.
Les agences humanitaires américaines ont même confirmé l'existence d'une obstruction délibérée, en envoyant leurs conclusions au département d'État, et il a été révélé que l'administration Biden a menti au Congrès et enterré les conclusions.
15 ONG internationales ont publié collectivement un appel détaillant comment le siège d'Israël bloque 83 % de l'aide alimentaire parvenant à Gaza.
Analyse de la gouvernance de l'aide par l'Institut de recherche sur la politique économique de la Palestine.
I. Intention génocidaire
Le génocide se produit également sur fond d'intention génocidaire manifeste de la part des responsables et des décideurs israéliens. Dès le départ, il était clair qu'il ne s'agissait pas d'une guerre, mais d'une intention délibérée d'éliminer, d'effacer et de détruire l'ensemble de la population et du territoire. En annonçant un siège total et l'intention de couper l'électricité et l'eau, en utilisant des métaphores animales et d'autres étiquettes déshumanisantes, l'intention génocidaire d'Israël a été claire.
→ Law4Palestine a compilé une base de données de plus de 500 incitations au génocide et à la violence de masse par des responsables israélien·nes et des personnalités publiques.
Exemples :« Il n'y aura pas d'électricité, pas de nourriture, pas d'eau, pas de carburant, tout sera fermé. Nous nous battons contre des animaux humains et nous agirons en conséquence ». Y. Gallant (ministre de la Défense)
« Vous devez vous souvenir de ce qu'Amalik vous a fait », Benjamin Netayahu
« Brûlez Gaza maintenant, rien de moins ! » vice-président de la Knesset sur X
2. L'assaut sur la Cisjordanie
Il ne s'agit pas d'une guerre « Israël-Hamas ». Les derniers bombardements sur le Liban l'ont confirmé. Les médias ne doivent pas non plus présenter cette guerre comme « débordant » sur la Cisjordanie. La Cisjordanie a toujours été au cœur du projet de domination mis en place par Israël sur l'ensemble du territoire. Israël a pris l'opération du 7 octobre comme prétexte pour étendre son projet colonial en Cisjordanie, où les Palestinien·nes sont encore plus assiégés et font face à un nettoyage ethnique imminent.
– L'année dernière a été la plus meurtrière pour les Palestinien·nes en Cisjordanie depuis des décennies, avec plus de 693 morts. Mises à jour de l'Ocha : pour des faits et des chiffres sur les meurtres, les blessures, les démolitions et d'autres formes de violence systémique.
– Un enfant tous les deux jours a été tué en Cisjordanie depuis le 7 octobre – rapport de DCI.
– Entre le 7 octobre 2023 et le 23 septembre 2024, les autorités israéliennes ont démoli, détruit ou confisqué 1 725 structures palestiniennes en Cisjordanie, déplaçant plus de 4 450 Palestinien·nes, dont environ 1 875 enfants. Cela représente plus du double du nombre de Palestinien·nes déplacé·es au cours de la même période avant le 7 octobre.
– Le gouvernement israélien a étendu la colonisation et l'accaparement des terres. En mai 2024, les autorités israéliennes ont transféré les pouvoirs relatifs à la terre et aux colonies de l'armée au contrôle civil israélien, poursuivant ainsi l'annexion de la Cisjordanie. Depuis le 7 octobre, les colons ont établi 25 nouveaux avant-postes coloniaux, le gouvernement a rétroactivement « légalisé » trois avant-postes coloniaux et déclaré 24 193 dunams (environ 2 420 hectares, NLDT) en Cisjordanie comme « terre d'État ».
– Entre le 7 octobre 2023 et le 23 septembre 2024, l'OCHA a enregistré 1 390 attaques de colons israéliens contre des Palestiniens, dont environ 135 ont fait des morts et des blessés palestiniens. Entre octobre 2023 et août 2024, 261 ménages comprenant 1 566 Palestiniens ont été déplacés à la suite d'attaques de colons.
– Briefing sur la violence des colons par UAWC.
3. Désinformation et mensonges israéliens depuis le 7 octobre
Vous trouverez ci-dessous les principales fausses affirmations, fake news et récits fallacieux qui ont été diffusés et promus de manière proactive par les autorités israéliennes et/ou des groupes affiliés. L'utilisation généralisée de la propagande par les responsables israélien·nes et la mauvaise foi flagrante de certains médias ont créé une arme de guerre dangereuse qui déshumanise encore plus les hommes palestiniens et le Hamas. Les autorités israéliennes ont dépensé plus de 7 millions de dollars en publicités et en contenus de propagande au niveau international.
Ressources générales : Decolonize Palestine, Base de données des mythes / Pali Answers / October 7 Fact Check
A. Affirmation : « le Hamas a commis un viol de masse le 7 octobre »
Echo médiatique : ces affirmations ont été rapidement reprises, de nombreux médias grand public et organisations internationales s'en faisant l'écho.
Démenti : Au fil du temps, aucune preuve crédible n'est venue étayer les allégations de viols massifs. De nombreuses enquêtes ont démenti ces accusations. De nombreux rapports accusant les Palestiniens de commettre des violences sexuelles systématiques à l'encontre des Israéliennes s'appuient sur des témoignages de volontaires de ZAKA, une organisation de secours israélienne qui ne fait pas de travail médico-légal. Un article de l'Associated Press a réfuté deux accusations de viol et de violence sexuelle formulées par des bénévoles de ZAKA. La bénévole a déclaré à AP : « Ce n'est pas que j'ai inventé une histoire… À la fin, il s'est avéré que c'était différent, alors je me suis corrigée ». En outre, la crédibilité et les méthodes des rapports des Nations unies et des organisations internationales de défense des droits de l'homme, qui ont réitéré les allégations de violence systémique fondée sur le sexe et de viol, ont été remises en question par la société civile palestinienne et les réseaux de solidarité internationale.
Impact sur l'opinion publique : La diffusion de ces allégations joue à ce jour un rôle important dans la diabolisation de la résistance palestinienne et la déshumanisation des Palestinien·nes en général.
Ressources clés :
— Feminist Solidarity Network for Palestine, Here's what Pramila Patten's UN report on Oct 7 sexual violence actually said (« Voici ce que dit réellement le rapport de Pramila Patten sur les violences sexuelles du 7 octobre »)
— AP, How 2 debunked accounts of sexual violence on Oct. 7 fueled a global dispute over Israel-Hamas war (« Comment deux récits de violence sexuelle démentis le 7 octobre ont alimenté un conflit mondial sur la guerre entre Israël et le Hamas »)
— Mondoweiss, ZAKA is not a trustworthy source for allegations of sexual violence on October 7 (« ZAKA n'est pas une source fiable pour les allégations de violence sexuelle du 7 octobre »)
— Al Jazeera, The unravelling of the New York Times “Hamas rape” story (« Le démêlage de l'histoire du viol du Hamas du New York Times »)
B. Affirmation : « le Hamas utilise des civil·es comme boucliers humains et des hôpitaux comme bases militaires »
Écho médiatique : Ces affirmations ont été amplifiées par divers organes de presse internationaux, dont beaucoup se réfèrent à des sources militaires et à des porte-parole israélien·nes. La même tactique de désinformation a été utilisée par Israël pour bombarder le Liban.
Démenti :
Les civils comme boucliers humains : Les organisations de défense des droits de l'homme, telles qu'Amnesty International, et les Nations unies n'ont trouvé aucune preuve concrète de l'utilisation de boucliers humains par le Hamas. Gaza est l'une des régions les plus densément peuplées au monde, ce qui complique naturellement la distinction entre zones civiles et zones militaires. Les agressions militaires successives d'Israël sur Gaza sont documentées, y compris le génocide le plus récent, avec des bombardements généralisés, systématiques et aveugles et par le ciblage de civils et d'infrastructures civiles. D'autre part, des enquêtes ont révélé que les forces israéliennes elles-mêmes ont utilisé des Palestinien·nes comme boucliers humains, renversant ainsi le mythe.
Les hôpitaux comme bases militaires : Des enquêtes indépendantes n'ont trouvé aucune preuve concrète à l'appui de cette affirmation. L'analyse par le Washington Post de documents visuels de source ouverte, d'images satellite et de tous les documents militaires israéliens rendus publics a démenti l'affirmation selon laquelle le Hamas aurait utilisé l'hôpital Al-Shifa comme centre de commandement. Une autre affirmation israélienne selon laquelle un calendrier affiché sur les murs d'un hôpital serait une « liste de gardes du Hamas » a été facilement démentie par les utilisateurs arabophones des médias sociaux. Une autreenquête d'Al Jazeera a réfuté l'affirmation israélienne selon laquelle il y aurait un tunnel du Hamas sous l'hôpital Qatari, en montrant que « la trappe qu'Israël prétendait être un tunnel du Hamas n'est qu'un réservoir d'eau pour l'hôpital ». L'Organisation mondiale de la santé a condamné les attaques israéliennes contre les établissements de santé et Human Rights Watch a déclaré qu'elle ne pouvait pas corroborer les allégations israéliennes selon lesquelles le Hamas utilisait l'hôpital Al-Shifa comme base militaire, et que les attaques contre les établissements de santé « devraient faire l'objet d'une enquête en tant que crimes de guerre ».
Impact sur l'opinion publique : Ces allégations créent une perception qui justifie et normalise les bombardements israéliens sur les hôpitaux, les abris et d'autres zones remplies de Palestinien·nes déplacé·es, de blessé·es et de patient·es. Elles rejettent également la responsabilité sur le Hamas au lieu de reconnaître la responsabilité de l'armée israélienne.
Ressources clés :
— Mondoweiss, Every accusation a confession : Israel and the double lie of ‘human shields (Israël et le double mensonge des ‘boucliers humains') (traduction française ici)
— DecolonizePalestine – Mythe : les Palestiniens utilisent des boucliers humains
— Al Jazeera – La fausseté des allégations d'Israël concernant les boucliers humains à Gaza
— B'Tselem – Boucliers humains
— Enquête du Washington Post sur l'hôpital Al-Shifa
— Enquête d'Al Jazeera sur l'hôpital qatari
— Rapport de The Intercept sur l'hôpital Al-Shifa
— Guardian, Rapport sur l'hôpital Al-Shifa
— Euro-Med Human Rights Monitor, Rapport sur le massacre israélien à Al-ShifaC.
Affirmation : Le Hamas a décapité des enfants le 7 octobre
Echo des médias : Cette affirmation est partie d'une correspondante israélienne qui a rapporté les affirmations de soldat·es israélien·nes selon lesquelles elles et ils avaient trouvé des bébés décapités dans le kibboutz de Kufr Azza. Elle a rapporté : « Des bébés, la tête coupée, c'est ce qu'ils ont dit. C'est ce qu'ils ont dit ». Cette histoire, qui n'a pas été contestée, a été largement diffusée dans les médias internationaux et par des hommes politiques, ce qui a contribué à sa propagation rapide.
Démenti : Dès le début de l'enquête, les responsables israélien·nes se sont rétracté·es. Les enquêtes ont conclu que les allégations manquaient de preuves crédibles.
Impact sur l'opinion publique : Ce récit, bien que démenti, a enflammé le sentiment public à l'égard des Palestinien·nes, les déshumanisant davantage et justifiant les crimes israéliens à leur encontre. Les efforts déployés pour rétracter l'histoire après qu'elle a été démentie ont été minimes, et le mal était déjà fait. Les affirmations et cette histoire sont toujours en circulation à ce jour.
D. Affirmation : le Hamas vole l'aide humanitaire
Echo médiatique : Cette affirmation a été diffusée à plusieurs reprises par des responsables israélien·nes et des médias internationaux, alléguant que le Hamas détournerait l'aide humanitaire destinée aux Palestinien·nes de Gaza à des fins militaires, ou affirmant que l'envoi d'aide à Gaza reviendrait à aider le Hamas.
Démenti : Israël impose un blocus aérien, terrestre et maritime à Gaza depuis 17 ans, qui n'a été renforcé que depuis octobre 2023. Chaque entrée d'aide est soumise à des protocoles stricts et arbitraires par les autorités d'occupation israéliennes. Une fois que l'aide se trouve à l'intérieur de Gaza, elle relève de la responsabilité des Nations unies et des agences humanitaires. Des déclarations consécutives ont nié tout détournement de l'aide humanitaire par le Hamas, y compris par des responsables américains et des agences de l'ONU. Au contraire, Israël est le principal responsable de la famine et de la crise humanitaire en raison de son régime de blocus et de l'obstruction systématique de l'acheminement de l'aide à Gaza.
Impact sur l'opinion publique : l'image du Hamas qui exploite l'aide humanitaire alimente l'image négative du Hamas en tant qu'organe gouvernemental indigne de confiance dans la bande de Gaza, ce qui déshumanise encore plus les Palestinien·nes. Elle remet en question et conditionne la nécessité de l'acheminement de l'aide à Gaza, alors qu'Israël poursuit son blocus illégal, son génocide et sa guerre de famine.
4. Captifs et captives israélien·nes et palestinien·nes — Distinguer les faits des mythes
A. Otages israélien·nes
– Le 7 octobre, Israël a ordonné l'utilisation de la directive Hannibal. Cette doctrine, rédigée en 1986 en réponse à l'enlèvement de soldats israéliens au Liban, autorise les forces israéliennes à tirer sur des « ennemis retenant leurs camarades en otage », au risque de tuer les otages. L'armée israélienne a donné l'ordre de tirer sur les troupes capturées par le Hamas. Résumé ABC. Parmi les personnes tuées ce jour-là, de nombreux Israélien·nes ont été tué·es par leurs propres tirs.
– Les apparitions des captif·ves israélien·nes libéré·es dans les médias ont été étroitement contrôlées et limitées. Jusqu'à présent, peu de témoignages directs.
– Les otages se sont exprimés par l'intermédiaire de leurs familles, qui ont décrit leurs conditions de détention comme des mauvais traitements, avec des choses comme « être obligé de chuchoter », « être recouvert de couvertures » ou « recevoir des mensonges ». D'autres ont dit avoir été bien traités.
– En décembre 2023, l'armée israélienne a abattu trois otages israéliens. Cet incident a révélé que les soldat·es israélien·nes n'avaient pas reçu l'ordre d'être « prudent·es » avec les personnes qu'ils et elles rencontraient en général.
– Le 8 juin 2024, Israël a massacré des Palestinien·es — 270 Palestinien·nes ont été tués et 698 autres blessés — « pour sauver » quatre otages. Suite à l'indignation suscitée par la couverture médiatique extrêmement partiale de cette journée, de nombreux médias ont par la suite couvert ce qui était réellement arrivé aux Palestinien·es qui avaient été complètement déshumanisé·es.
– 3 des 6 otages israélien·nes retrouvé·es mort·es en août 2024 devaient être libéré·es dans le cadre de l'accord conclu entre le Hamas et les États-Unis, que le gouvernement israélien a rejeté. Article CNN
– Interview du négociateur thaïlandais qui a négocié la libération des otages thaïlandais avec le Hamas.
B. Otages palestinien·nes
Israël a massivement kidnappé, détenu et fait disparaître de force des Palestinien·nes, avec des documents et des preuves d'abus, de torture et de viols, qui ont également entraîné la mort de détenu·es par Israël.
– Depuis octobre, au moins 53 captif·ves palestinien·nes sont mort·es dans les prisons israéliennes des suites de tortures et de conditions inhumaines.
– Le camp de Sde Teiman – un camp de torture (dans le Néguev) où des prisonniers de Gaza ont été emmenés et systématiquement maltraités, torturés, battus et, pour l'un d'entre eux, violé — révélations d'un lanceur d'alerte.
– Le principal stade de football de Gaza a été transformé en camp de détention où des Palestinien-nes ont été systématiquement maltraité-es, déshabillé-es et torturé-es.
– Des enfants ont également été enlevé·es et maltraité·es – rapport de la DCI
– Les captif·ves palestinien·es libéré·es présentaient systématiquement une perte de poids massive, des marques d'abus physiques et de torture, de coups, d'attaques de chiens et bien d'autres choses encore.
– Des viols et des abus sexuels ont également été signalés — Un soldat israélien accusé de viol a été invité à plusieurs reprises sur les chaînes israéliennes pour se défendre et a été acclamé. Il a été défendu par des dirigeant·es israélien·nes.
– Al-Mezan, un groupe de défense des droits de l'homme, a recueilli des témoignages directs sur l'utilisation par l'armée israélienne de Palestinien·nes kidnappé·es à Gaza comme boucliers humains.
– B'Tselem a fait état des tortures et des abus systématiques auxquels les Palestinien·nes sont confronté·es dans les prisons israéliennes de Cisjordanie et de Gaza : Bienvenue en enfer
– La population des prisonnier·es politiques palestiniens dans les prisons israéliennes a presque doublé depuis le 7 octobre. 9 900 prisonnier·es palestinien·nes contre 5 200 avant octobre 2023.
Ressources clés :
— Témoignages ici, ici, ici, ici et ici
— Enquêtes et rapports ici, ici, ici, ici, et ici
— Déclaration des experts de l'ONU
5. Obstruction israélienne aux pourparlers et aux accords de cessez-le-feu
Voici la chronologie et les faits concernant les accords de cessez-le-feu et d'échange d'otages. Il apparait clairement qu'à partir d'octobre, la stratégie du Hamas a été d'accepter de libérer tous les otages en échange de captif·ves palestinien·nes et d'un cessez-le-feu permanent. Le gouvernement Netanyahou a toujours rejeté cette demande, refusant un cessez-le-feu permanent et le retrait des troupes israéliennes de Gaza.
Principaux événements survenus :
→ En octobre déjà, les familles des otages demandaient à Netanyahou d'accepter les accords sur la table, elles ont été écartées.
→ 22 novembre : après des pourparlers, un premier cessez-le-feu de quatre jours est instauré. Le Hamas libère 50 prisonnier·es israélien·nes en échange de 150 femmes et enfants palestinien·nes détenu·es dans les prisons israéliennes. Netanyahou refuse un cessez-le-feu permanent, insistant sur le fait que l'objectif d'Israël est de « démanteler complètement le Hamas ». La « trêve » n'a été prolongée que d'une semaine.
→ En novembre, Al Jazeera a analysé des centaines de discours prononcés à l'ONU et a constaté que 55 % des nations qui se sont exprimées sur la question de la situation à Gaza ont appelé à un cessez-le-feu, tandis que 23 % ont appelé à une « pause » et que 22 % n'ont appelé ni à une pause ni à un cessez-le-feu
→ 2 décembre : le Hamas exige la libération de tou·tes les prisonnier·es palestinien·nes en échange de la libération d'otages. Israël refuse.
→ 10 décembre : le Hamas étudie un plan de trêve en trois phasesproposé par les négociateur·ices égyptiens, qataris, israéliens et américains à Paris. Netanyahou le rejette, ses allié·es menaçant de faire éclater la coalition s'il accepte l'accord.
→ 20 février : pour la troisième fois, les États-Unis opposent leur veto à une résolution de l'ONU en faveur d'un cessez-le-feu. Israël se félicite de cette décision.
→ 5 mars : À la suite de l'accord d'échange de prisonnier·es conclu entre Israël et le Hamas en novembre 2023, Israël viole les principes de l'accord et arrête à nouveau onze Palestinien·nes parmi celles et ceux qui ont été libéré·es dans le cadre de l'accord.
→ 7 mai : le Hamas accepte un cessez-le-feu proposé par le Qatar et l'Égypte qui suit le cadre en trois phases. Il stipule que tou·tes les prisonnier·es israélien·nes seront libéré·es en échange d'un nombre non précisé de prisonnier·es palestinien·nes. Il demande à Israël d'augmenter son aide, de se retirer progressivement de Gaza et de permettre la reconstruction, ainsi que de lever le siège qu'il impose à l'enclave depuis 2007. Deux jours plus tard, Israël lance l'offensive et le massacre de Rafah où 1,4 million de Palestinien·nes déplacé·es cherchaient refuge.
→ 31 juillet : Israël assassine Haniyeh, principal négociateur d'un cessez-le-feu.
Depuis octobre, Israël procède à des arrestations massives [voir point 4 ci-dessus], doublant presque le nombre de prisonnier·es palestinien·nes dans les prisons israéliennes, y compris des femmes et des enfants, afin de les compter dans les négociations sur l'échange de prisonnier·es.
Ressources clés :
— Résumé de l'IPS sur les appels au cessez-le-feu et les pourparlers.
— Chronologie des pourparlers de cessez-le-feu sur Al Jazeera.
— L'ancien porte-parole des familles de captif-ves israélien-nes s'exprimant sur le blocage des accords par Netanyahou.
— Al-Shabaka, « The Enduring and Racist Trope of Palestinian Rejectionism »
6. Comment éviter les formulations et les pratiques problématiques dans le travail journalistique
Le langage, les cadres, les angles choisis, les récits, le choix des sources et d'autres pratiques sont très puissants dans les reportages sur le génocide actuel et la situation de crise. Ils ont été utilisés pour obtenir le consentement à l'oppression et à la violence de masse, et pour déshumaniser les victimes. Pour une couverture précise et critique de l'actualité, voici quelques lignes directrices sur les pièges et les écueils.
A. Décontextualisation
Problème : crée un cadrage bilatéral, efface le contexte de décennies de colonialisme et d'occupation illégale, d'apartheid et de blocus, et présente les choses comme ayant commencé le 7 octobre.
Exemple : La « guerre Israël-Hamas » au lieu du « génocide israélien à Gaza ».
B. Le prétendu « droit à l'autodéfense d'Israël »
Problème : Pour reprendre les termes d'un spécialiste du droit international : « aborder l'action militaire actuelle d'Israël à Gaza comme s'il s'agissait d'un incident isolé de recours à la force et se demander si Israël a un droit à l'autodéfense justifiant cette action en droit international, c'est fondamentalement mal caractériser la situation. L'action actuelle d'Israël est en fait une reconfiguration de l'usage de la force qu'il exerçait déjà, sous la forme du blocus (avec des bombardements épisodiques et des incursions terrestres) et avant cela dans sa manifestation originale de bottes-sur-le-terrain et de colonies, en ajoutant de nouveaux moyens et de nouvelles méthodes ».
Exemple : La plupart des déclarations officielles européennes et américaines, ainsi que les encadrements des médias grand public.
C. Utilisation de la voix passive
Problème : l'utilisation de la voix passive exonère l'apartheid israélien de ses responsabilités et dissimule ses crimes.
Exemple : « 40 000 Palestinien·nes sont morts » au lieu de “Les forces d'occupation israéliennes ont tué 40 000 Palestinien·nes”.
D. Délégitimer les sources palestiniennes
Problème : mettre en doute les sources et les témoignages palestiniens et sources palestiniens en les jugeant peu fiables et en ajoutant des qualifications par ouï-dire, ce qui déshumanise les Palestinien·nes et sape leur crédibilité.
Exemples : Attribution des chiffres des martyrs palestiniens au « ministère de la santé dirigé par le Hamas » / « Le Hamas affirme que les frappes israéliennes ont tué 40 personnes dans la zone de sécurité de Gaza » / « Un médecin chevronné de Gaza affirme avoir subi de “graves tortures” après avoir été libéré d'une détention israélienne » / « Israël a tué 40 Palestinien·nes, selon des responsables/témoins ». Depuis l'année dernière, l'un des principaux exemples a été de délégitimer et de remettre en question les chiffres provenant du ministère de la santé de Gaza et de qualifier tout fait provenant de Gaza d'allégations du « Hamas ». C'est absurde si l'on considère que lors de toutes les campagnes de guerre menées à Gaza depuis 2009, le nombre de mort·es n'a jamais été remis en question, que l'ONU utilise toujours les données, que le ministère de la santé est également administré par des employés de l'Autorité palestinienne, que les données proviennent de tous les établissements de Gaza, y compris des hôpitaux chrétiens, que l'ONU utilise toujours ces données et que le nombre de mort·es est très largement sous-estimé et probable.
E. Présomption de culpabilité pour les Palestinien·nes et présomption de légitimité pour la violence israélienne
Problème : utiliser les justifications de l'armée israélienne à leur juste valeur ; adhérer aux arguments israéliens pour obtenir le consentement à la violence ; déshumaniser les Palestiniens en les qualifiant de « non civils » ou d'« innocents » ou présumer que si Israël a bombardé un endroit, c'était pour atteindre une cible légitime spécifique. Les Palestiniens sont contraints de justifier leur humanité.
Exemples :
– appeler cela des « frappes ciblées » alors que des dizaines de civil·es palestinien·nes ont été tué·es et que des bâtiments entiers ont été détruits.
– « Commandement du Hamas détruit » alors qu'une zone entière a été anéantie.
– « L'armée israélienne enquête sur les soldat·es » comme titre alors qu'il existe des preuves vidéo des crimes commis par les soldat·es, et nous savons que le système israélien ne s'oblige jamais à rendre des comptes.
– Insister sur le fait que les habitant·es de Gaza ont été « prévenu·es » (sms/ prospectus) d'évacuer avant les bombardements, alors qu'elles et ils n'ont aucun endroit sûr où aller et perdront de toute façon leurs maisons.
F. La victime idéale
Problème : le reportage sélectif sur certaines victimes est une pratique déshumanisante qui suppose que certaines méritent plus de sympathie et de justice que d'autres.
Exemples : l'accent mis sur les femmes et les enfants et l'ignorance des hommes palestiniens en tant que victimes / l'exclusion des combattant·es de la résistance palestinienne de la couverture ou, lorsqu'ils et elles sont inclu·es, la criminalisation et la diabolisation de ces dernier·es.
G. Utilisation du concept de « terrorisme »
Problème : qualifier la résistance palestinienne de terrorisme et criminaliser le droit des Palestinien·nes à résister au colonialisme et à l'occupation.
Exemple : Qualifier les groupes et les individu·es de la résistance palestinienne de terroristes.
H. Censure
Problème : Interdire l'utilisation de certains termes pour masquer la réalité de l'apartheid israélien.
Exemple : Des médias imposent des politiques visant à interdire l'utilisation de termes qui reflètent la réalité, tels que « génocide », « nettoyage ethnique » ou « territoires occupés »
I. Minimisation et exceptionnalisation de la violence israélienne
Problème : Utiliser un langage aseptisé et réducteur pour minimiser l'oppression israélienne. Décrire la violence israélienne comme étant sans précédent ou inhabituelle, en minimisant le projet colonial centenaire mené par l'État, l'armée et les colons.
Exemples :
– « Israël a tué des dizaines de personnes » au lieu de rendre compte de l'ampleur des massacres israéliens.
– Qualifier les attaques des colons illégaux soutenus par l'État d'attaques « extrémistes », comme s'il ne s'agissait que de quelques pommes pourries.
– Mettre trop l'accent sur le « gouvernement de droite » ou pointer du doigt Netanyahou en suggérant que ses politiques sont exceptionnelles par rapport à des gouvernements plus centristes qui ont néanmoins bombardé Gaza et construit des colonies. Israël « envoie des troupes » au Liban vs. Israël « envahit » le Liban.
J. Légitimation institutionnelle
Problème : renforcement des récits sionistes par le biais d'un langage légitimant.
Exemple : Se référer à l'armée israélienne en tant que « Forces de défenses israéliennes » ou « Tsahal » plutôt que « armée d'occupation israélienne ou « armée israélienne »
7. Conseils pour une couverture journalistique éthique
1) Contextualisez votre reportage : Le colonialisme israélien n'a pas commencé le 7 octobre et la situation n'est pas un conflit entre deux camps symétriques et égaux. Pendant huit décennies, le régime colonial israélien a imposé l'apartheid et l'occupation au peuple autochtone de Palestine. Inscrivez vos reportages dans ce contexte.
2) Rejetez la qualification de terrorisme : rejetez ce concept, qui n'a pas de définition en droit international et a été exploité politiquement par les grandes puissances afin de blanchir leurs agressions illégales, particulièrement au moyen-orient.
3) Contrez la désinformation sur le droit à l'autodéfense d'une puissance occupante : de telles affirmations sont non seulement moralement indéfendables, mais elles n'ont pas non plus de valeur juridique en vertu du droit international. (Voir le point ci-dessus sur l'autodéfense). Au lieu de cela, rappelez que le droit des opprimé·es à résister pour exercer leur droit à l'autodétermination est bien inscrit en droit international.
4) Soulignez la criminalisation : mettre en lumière la suppression systémique et la criminalisation par Israël de toutes les formes de résistance des Palestinien·nes au cours du siècle dernier, y compris les manifestations, les grèves, les boycotts, l'organisation politique et le travail juridique et de plaidoyer.
5) N'utilisez pas la forme passive ou un langage euphémisant : rejetez l'utilisation d'un langage léger ou dépolitisé dans votre travail sur la Palestine. Évitez de filtrer les termes, ou le langage passif qui minimisent ou édulcorent les crimes israéliens.
6) Ne prenez pas les sources des officiels israéliens pour argent comptant : la désinformation fait partie intégrante des tactiques du régime israélien. Il faut toujours évaluer de manière critique et remettre en question la crédibilité des sources officielles israéliennes, rechercher des vérifications indépendantes et vérifier les faits.
7) Cessez de présumer immédiatement de la culpabilité des Palestinien·nes : reconnaître la déshumanisation inhérente au fait d'obliger les Palestinien·nes à prouver leur humanité et mettre fin à toute question ou formulation décontextualisée, de faux-fuyant ou de fausse équivalence qui traite les Palestinien·nes comme s'ils et elles étaient soumis·es à un interrogatoire.
8) Faites entendre les voix palestiniennes et respectez la capacité des palestiniens à parler pour eux-même : donnez le micro aux Palestinien·nes en tant qu'agents actif·ves et veillez à ce qu'ils et elles aient leur mot à dire sur la manière dont leurs propres histoires sont racontées. Faites confiance aux sources palestiniennes et valorisez les, sans scepticisme mal placé. Inclure les Palestinien·nes en tant qu'analystes, expert·es et représentant·es crédibles de leurs propres réalités.
9) Ne cherchez pas la victime parfaite : évitez de créer une hiérarchie de la victimisation en fonction de ce qui correspond le mieux à vos attentes. N'exceptionalisez pas les femmes et ne mettez pas toujours l'accent sur les enfants dans votre couverture en oubliant les autres. Toutes les victimes palestiniennes méritent que leur histoire soit entendue et couverte.
10) Ne vous laissez pas intimider ou (auto)censurer par les lobbys pro-apartheid et la peur des représailles par des groupes de diffamation : ne cédez pas aux intimidations et à la diffamation du régime israélien et des pro-apartheid, car il s'agit d'outils intentionnels pour faire taire et discréditer les reportages véridiques.
Ressources clés :
— PIPD, '10 things to remember when reporting on Palestine' (10 choses à garder à l'esprit lors d'un reportage sur la Palestine)
— IMEU, Guidance for Reporting on Palestine/Israel
— Guide de reportage de l'AMEJA pour les médias
— AJ+, « Pourquoi ce n'est pas la “guerre Israël-Hamas” ».
— AJ +, « Les Palestiniens “meurent-ils” ? Ou sont-ils « tués » ?
— Comment l'AFP utilise le mot terroriste
— Mohammed El-Kurd, « Le droit de parler pour nous-mêmes ».
— Corrections de titres par Assal Rad.
— Détection par NewsCord de la partialité des médias et de leur complicité dans le génocide israélien.
— Commentaire d'Al-Shabaka sur la complicité des médias occidentaux.
— Teach in by Jaddaliya with Sana Saeed on US Media Complicity in Israel's Genocide.
8. Analyses, étayées par des données, de la partialité des médias à l'égard du génocide israélien
Médias américains : par The Intercept
Médias britanniques : par le Centre for Media Monitoring
Médias français : par Acrimed et Arret sur Image (TV)
Sur la partialité du New York Times
9. Contacts clés
Pour toute question, demande de renseignements, interview avec les médias et demande de contacts palestiniens :
Inès Abdel Razek, ines.abdelrazek@thepipd.com
Traduction : Agence Média Palestine

La farce de la « prise en compte du genre » : une grille de lecture féministe des politiques de la Banque mondiale

La Banque mondiale et le FMI ont 80 ans. 80 ans de néocolonialisme financier et d'imposition de politique d'austérité au nom du remboursement de la dette. 80 ans ça suffit ! Les institutions de Bretton Woods doivent être abolies et remplacées par des institutions démocratiques au service d'une bifurcation écologique, féministe et antiraciste.
Tiré de CADTM infolettre , le 2024-09-26
25 septembre par Camille Bruneau
Il n'est pas possible de s'intéresser aux politiques de la Banque mondiale ou à l'émancipation des peuples sans prendre en compte les enjeux de genre, eux-mêmes imbriqués avec d'autres systèmes d'oppression et rapports sociaux inégalitaires.
Si officiellement la Banque mondiale s'approprie « l'égalité de genre » en faisant presque de l'« empowerment » une obligation pour les pays débiteurs, la pratique révèle trop peu de véritable préoccupation pour cet enjeu. Comme avec les questions environnementales, le décalage entre les beaux discours et les changements réels est énorme.
Cette apparente inclusion est problématique à bien des égards : les conséquences concrètes des projets menés et les recommandations macro-économiques sont contraires à toute perspective d'émancipation. En plus, sa conception même de l'(in)égalité de genre s'inscrit dans un agenda néolibéral affiché qu'elle ne prend même pas la peine de dissimuler.
Cette étude poursuit deux objectifs. D'une part, démontrer comment ces « stratégies genrées » continuent d'asseoir la domination occidentale et, souvent, renforcent le patriarcat plutôt que de le combattre. Ceci s'observe de trois manières principales :
– Cette prétendue inclusion s'apparente à du « genderwashing », en d'autres termes, à une opération de communication ;
– Les discours de la Banque mondiale renforcent certains aspects de la domination patriarcale ;
– Les projets et politiques prescrit.es ont des conséquences néfastes.
D'autre part, il s'agit de donner quelques clefs d'analyse pour quiconque voulant s'intéresser aux Institutions financières internationales sans fermer les yeux sur des mécanismes d'oppression centraux.
Pourquoi une analyse féministe des Institutions financières internationales ?
On sait que « les prêts de la Banque mondiale, loin d'être des gestes désintéressés, sont au contraire un moyen de soumettre le pays politiquement et économiquement à l'ordre international des puissants, de le ‘modeler' selon leurs besoins et ceux de la classe dominante locale, pour en tirer un bénéfice maximal » [1]. Autrement dit, la dette est un des mécanismes centraux dans le maintien des rapports de pouvoir, elle est indispensable à la reproduction du capitalisme néolibéral et participe de manière fondamentale aux oppressions patriarcales, néocoloniales, racistes, extractivistes, …
On sait aussi que les politiques liées à ces prêts impactent profondément et durablement les populations les plus vulnérables (alors que la « mission première » de la Banque est officiellement de leur venir en aide), dont une grande partie sont des femmes [2].
Il est dès lors certain que les femmes sont impactées directement (c'est-à-dire en tant que « femmes » dans un système patriarcal) et indirectement (par l'accroissement général des inégalités).
La dette n'est pas « aveugle » et doit être pensée au sein de rapports sociaux
Le patriarcat - qui légitime les violences sexistes et les discriminations quotidiennes - se base sur la séparation entre les activités dites « productives » et celles dites « non-productives » ou « reproductives ». Ces dernières - pourtant essentielles à la reproduction de la vie sur terre et des sociétés - sont socialement dévalorisées et assignées aux femmes. Le système économique dominant repose tout autant sur cette séparation : l'accumulation du capital (bénéficiant principalement à des hommes riches) est entretenue grâce à du travail sous-payé ou gratuit effectué par une écrasante majorité de femmes, « naturellement » vouées aux tâches de soins, de soutien, de services : le travail de « care » [3].
En cas de crise économique (en général liée aux dettes), leur statut marginal sur le marché du travail signifie qu'elles sont les premières concernées par les licenciements ou la précarisation des emplois. Elles sont aussi les premières à pallier le retrait de l'État social, vu leur assignation prioritaire au travail domestique. Ces inégalités socioprofessionnelles ont des conséquences durables : sur leur pension, leur sécurité sociale (si elle existe), etc. Comme elles sont moins bien placées pour faire face aux crises, elles sont d'autant plus sujettes à l'exploitation. Rappelons ici que dans de nombreux pays, les puissances coloniales ont propagé les normes et inégalités de genre européennes.
Depuis les années 1990, on assiste à un processus de réorganisation et de réappropriation du travail (re)productif à l'échelle mondiale, notamment autour de critères de genre, de classe et de « race », dessinant les contours d'un nouveau capitalisme patriarcal et raciste globalisé. Un outil de prédilection de sa mise en place est la dette publique ou celles des ménages des classes populaires, qui accélèrent cette division sexuelle et raciale du travail ainsi que les violences sexistes via la demande de travailleurs et travailleuses sous-payées et la dépendance aux revenus. Les femmes non-blanches et migrantes sont ainsi encore une fois les principales « perdantes » [4].
Évidemment, certaines femmes (souvent issues de classes sociales supérieures) échappent à cette assignation, tout comme certains hommes (surtout non-blancs, migrants et précarisés) rentrent dans la catégorie des personnes effectuant du travail de care dévalorisé et invisibilisé [5]. C'est pour cela qu'il faut privilégier une approche imbricationniste [6] et en termes de rapports sociaux - qui nous concernent toutes et tous - plutôt que de discriminations ou privilèges individuels.
Il apparaît alors comme une évidence que la structure genrée et raciste de l'économie dominante doit être prise en compte dans nos analyses.
Principalement à partir des années 1990, des études de tous bords ont critiqué les impacts genrés des politiques de la Banque mondiale et des plans d'ajustement structurel ce qui a forcé les IFI à « réagir ». L'une des caractéristiques de la Banque mondiale est sa capacité à se réapproprier les critiques afin d'essayer de renouveler son image et ainsi renforcer son emprise sur une multitude d'acteurs politiques, sociaux, économiques et scientifiques [7].
De nombreuses féministes dénoncent pourtant depuis longtemps cette récupération par les IFI et les programmes de « développement » (notion problématique en soi [8]), qui occultent les voix féministes radicales et anti-impérialistes et ré-légitiment certaines formes d'exploitation des femmes.
Après le greenwashing, place au pink ou genderwashing, où une nouvelle conditionnalité des prêts, le « budget sensible au genre », prétend prendre en compte la réduction des inégalités de genre dans les politiques budgétaires et fiscales.
Chronologie de la prise en compte des inégalités et du genre
Les années 1980 et les PAS sont synonymes de destruction de la protection sociale et des moyens de subsistance pour les peuples des Suds. Ces phénomènes contribuent à l'accroissement de diverses inégalités et impactent particulièrement les femmes.
Les inégalités, dont la Banque mondiale ne se souciait guère, étaient vues comme un mal nécessaire à la croissance qui seraient un jour amoindries par « l'effet de ruissellement ». En plus d'être complètement erroné, ce point de vue ne s'intéresse pas à ce qu'il y a derrière les « inégalités », résumées à l'écart de revenus entre les « riches » et les « pauvres ». Il aura fallu longtemps avant qu'apparaisse la question de savoir « qui est pauvre et pourquoi ? ». Parmi les textes fondamentaux de la Banque mondiale sur l'inégalité, citons celui de S. Kuznets paru en 1955 [9], où le mot « femmes » apparaît, sans surprise… zéro fois (voir encadré sur Kuznets rédigé par Éric Toussaint). Ce n'est finalement qu'en 1982 qu'on commence à parler des « femmes », et cela, principalement de deux manières : des paysannes improductives ou des arriérées ayant trop d'enfants. Les « PED » auraient tout à gagner à les inclure dans les efforts d'augmentation de la productivité agricole [10] (notamment en utilisant des engrais chimiques et des semences extérieures). Et cette vision est encore présente dans de nombreuses déclarations.
Simon Kuznetz et la justification de l'augmentation des inégalités (Éric Toussaint)
Simon Kuznets a élaboré dans les années 1950 une théorie selon laquelle un pays dont l'économie décolle et progresse doit nécessairement passer par une phase d'augmentation des inégalités. Selon ce dogme, les inégalités commenceront à baisser dès que le pays aura atteint un seuil supérieur de développement. C'est un peu la promesse du paradis après la mort qui est utilisée par les classes dominantes pour faire accepter une vie faite de souffrances et de reculs. La nécessité de voir monter les inégalités est très ancrée à la Banque mondiale. Pour preuve, les paroles du président de la BM, Eugene Black, en avril 1961 : “Les inégalités de revenus découlent nécessairement de la croissance économique (qui) donne la possibilité aux gens d'échapper à une existence dans la pauvreté » [11]. Pourtant, les études empiriques réalisées par la Banque Mondiale du temps de Hollis Chenery, économiste en chef de cette institution dans les années 1970 ont infirmé les affirmations de Kuznets.
Dans son livre Le capital au XXIe siècle [12], Thomas Piketty a présenté une critique très intéressante de la théorie de Kuznets. Piketty rappelle qu'au départ Kuznets doutait lui-même du bien-fondé de sa courbe, cela ne l'a pas empêché d'en faire une théorie qui a la vie longue. Entre temps les inégalités ont atteint un niveau inédit dans l'histoire de l'humanité. C'est le produit de la dynamique du capitalisme globalisé soutenue par les politiques des institutions internationales en charge du « développement » et des gouvernements qui favorisent le 1 % le plus riche au détriment de l'écrasante majorité de la population tant au Nord qu'au sud de la planète.
En 2021, la Banque mondiale est revenue sur le printemps arabe de 2011 en affirmant, contre toute évidence, que le niveau d'inégalité était faible dans toute la région arabe et cela l'a beaucoup inquiété car selon elle c'est le symptôme que quelque chose ne fonctionne pas suffisamment dans le supposé succès économique de la région. En fidèles adeptes de la théorie de Kuznets, Vladimir Hlasny et Paolo Verme affirment dans un document publié par la Banque mondiale qu' « une faible inégalité n'est pas un indicateur d'une économie saine » [13].
Au cours des années 1990, alors que de nombreux pays subissent de plein fouet les conséquences des PAS et que les femmes en portent spécifiquement certains « dommages collatéraux », la question de la « réduction des inégalités hommes-femmes » fait son apparition. La conférence de Beijing de 1995 met à l'agenda international les « droits des femmes » et la « réduction des inégalités », notamment via la « participation à l'économie » [14]. Mais la question ne devient vraiment prégnante qu'à partir des années 2000.
Si la Banque mondiale adopte en 2001 sa première gender mainstreaming strategy qui servira de base pour ses futurs plans d'actions et évaluations et que la question de la « condition des femmes » est mentionnée dans le rapport annuel de 2003 et quelques autres documents, la notion de genre reste largement absente des textes fondamentaux de la Banque mondiale sur la réduction des inégalités. A titre d'exemple, en 2004, le fameux « Triangle pauvreté-croissance-inégalité » [15] de l'économiste en chef de la Banque mondiale, François Bourguignon, un des socles de la pensée développementaliste de la décennie, ignore complètement les enjeux de genre.
La phrase d'accueil actuelle de la page « égalité des genres » de l'Association internationale de développement en dit long : Faute d'exploiter le potentiel productif des femmes, on passe à côté d'une opportunité de premier plan, avec de lourdes conséquences au niveau des individus, des familles et des économies
Dans le rapport annuel de 2006, par contre, on trouve quelques réflexions sur les inégalités et discriminations de genre et la nécessité de s'y intéresser. La Banque mondiale évoque même qu'il serait possible de les réduire en investissant dans la protection sociale, la santé reproductive, l'éducation des filles, l'accès à l'eau, mais aussi et surtout en encourageant la propriété privée et la productivité.
Année après année, les propositions « progressistes » sont invariablement contrebalancées par d'autres « intérêts antagonistes ». Il serait par exemple nécessaire de trouver un juste milieu entre la protection sociale des travailleuses et la rentabilité des entreprises.
« La combinaison des moyens d'action doit être évaluée de façon à établir un équilibre entre la protection (de tous les salariés) et la possibilité pour les entreprises de se restructurer, ce qui est d'une importance capitale pour dynamiser la croissance et créer des emplois. »
« La sécurité des salariés est souvent assurée par divers textes législatifs excessivement rigoureux sur la protection de l'emploi, qui rendent le recrutement coûteux en général et, dans certains cas, plus coûteux encore lorsqu'il s'agit de recruter des travailleurs non qualifiés, des jeunes et des femmes. » [16]
La sécurité sociale, essentielle pour les plus précaires, dont les femmes font partie, serait donc un obstacle à la rentabilité des entreprises. Quand des propositions positives concernant les femmes ne sont pas contrebalancées de la sorte, elles sont alors justifiées par le fait que cela incite la prise de risque et donc la rentabilité, ou que cela contribue à la compétitivité, la productivité, la croissance, l'esprit d'entreprise, … Quand des discriminations sont attaquées en tant que telles, comme la violence domestique, c'est pour permettre une meilleure intégration des femmes sur le marché du travail ! Ce ne sont donc pas des fins en soi.
2007 est l'année du Gender Action Plan (plan d'action genre), intitulé : « L'égalité des sexes, un atout économique ». Il établit la centralité des questions de genre et reste depuis lors une base régulièrement mise à jour.
Il s'appuie sur une évaluation indépendante et très critique de la stratégie de 2001, pointant du doigt la non-prise en compte de cette dimension dans les programmes dès 2003.
Soupçonnant la faille dans l'absence de mécanismes de contrôle et d'évaluation, la nouvelle stratégie pour 2007 met l'accent sur des secteurs « prioritaires » pour l'émancipation des femmes : « la terre et l'agriculture, le travail, le développement du secteur privé, la finance et l'infrastructure » [17]. Il semblerait qu'en 2007, les femmes n'étaient pas concernées par les questions de reproduction sociale, les services publics, les violences, etc. !
Le rapport sur le développement dans le monde 2012 : L'égalité des sexes et le développement devient à son tour le cadre conceptuel pour les prochaines stratégies.
Malgré une reconnaissance de plus en plus prégnante des normes de genres et de la division sexuelle du travail au fil des années [18], la recette reste l'augmentation des revenus par la participation au travail rémunéré.
Dans la même logique, la Banque mondiale lance en 2015 sa stratégie pour 2016-2023 sous l'étendard de la « croissance inclusive ». Si dans la partie « progrès depuis 2000 », le rapport constate que « l'inégalité entre les sexes dans le monde s'est obstinément maintenue dans de multiples dimensions » même si les femmes se sont engagées dans des activités économiques, la partie « leçons apprises » ne contient aucune remise en question de ses propres politiques [19]. A la fin, elle se félicite même de montrer le chemin en matière de progrès dans l'égalité de genre dans plusieurs domaines.
Enfin, en 2016, toute une série de nouveaux indicateurs sont proposés pour l'évaluation. Ceux-ci sont, dans leur quasi-totalité, en lien avec le travail salarié, j'y reviens plus tard dans cette étude.
En bref :
La question du genre est présente dans les rapports depuis un peu plus de 20 ans, mais sans faire partie des stratégies centrales avant 2006, alors que récemment la BM y a consacré une multitude de rapports et projets.
Cette évolution récente n'exprime pas une prise de conscience féministe ou une volonté d'en finir avec l'exploitation. Elle doit être comprise comme :
– Une action de communication en réponse aux critiques et à d'importants mouvements de contestation ;
– Une tentative « d'incorporer les femmes et le mouvement féministe dans le processus de mondialisation néolibérale » [20].
L'émancipation n'est jamais traitée comme une fin en soi mais bien comme un outil dans l'intérêt de l'économie capitaliste. Les femmes sont des ressources, un investissement, un facteur de production sous-utilisé, et il faut les amener dans la sphère productive.
La phrase d'accueil actuelle de la page « égalité des genres » de l'Association internationale de développement (IDA) en dit long : « Faute d'exploiter le potentiel productif des femmes, on passe à côté d'une opportunité de premier plan, avec de lourdes conséquences au niveau des individus, des familles et des économies. » [21]
Tous ces discours ont par ailleurs alimenté une forme de féminisme institutionnel et impérialiste, une nouvelle carte à jouer pour le néolibéralisme, agissant maintenant fallacieusement par « souci du droit des femmes ».
La Banque mondiale continue de prescrire des politiques qui portent préjudices aux femmes en pleine connaissance de cause, en donnant, avec le FMI, la priorité au remboursement de la dette par rapport aux dépenses sociales. Au centre de ces stratégies figurent les marchés et non des humains ; ce sont là des discours aux allures progressistes qui ne remettent jamais en question la position néolibérale de base. On assiste donc ni plus ni moins à un ambitieux projet de genderwashing.
L'approche « genre » de la Banque mondiale : un discours au service du capital, pas de la majorité des femmes !
Depuis la reconnaissance des impacts négatifs des projets de « réduction de la pauvreté », indifférents aux genres et adressés aux « chefs de familles », on l'a vu, de nombreux programmes de « développement » ont commencé à mettre l'accent sur la réduction des inégalités professionnelles, les « stratégies genrées » et l'empowerment. Les droits des femmes comme partie intégrante du développement sont devenus l'objectif affiché des institutions internationales et des ONG. Et le gender budgeting, devenu obligatoire, est la continuité d'une démarche tournée vers les besoins des investisseurs, en utilisant l'argument de ce miraculeux « effet cascade » censé être favorable aux femmes et aux pauvres.
Pourtant, en plus du genderwashing exposé plus haut, le discours dominant de la Banque mondiale et ses alliés renforce certains biais genrés, réaffirmant ainsi une forme de domination patriarcale, pour deux raisons.
Premièrement, en prétendant « décider à la place des femmes - surtout non-occidentales- ce qui est bon pour elles », la Banque prend le rôle du papa ou professeur de l'économie mondiale qui agit pour le bien d'êtres incapables de savoir ce dont elles ont besoin.
En effet, il est bien plus courant de lire et entendre ce que la Banque mondiale considère être une femme « émancipée », que les voix de ces mêmes femmes. Les discours s'appuient systématiquement sur une norme de genre ou l'autre qu'ils renforcent pour servir des intérêts spécifiques. Cela confisque aux femmes des Suds leur capacité à décider des moyens de leurs émancipation en les plaçant dans des cases préfabriquées et homogènes, -aveugles à l'intersectionnalité [22] ou aux réalités multiples et variées des femmes - et utiles aux théories économiques et conjonctures du moment : l'actrice économique dont l'esprit d'entreprise est entravé par la culture locale ; la pourvoyeuse des besoins du foyer, centrale à l'économie familiale et à la résilience face aux crises ; l'ouvrière aux petites mains, indispensable à la croissance économique ; ou encore la pauvre victime vulnérable…
Ces discours se perpétuent, comme on le voit dans un rapport du FMI qualifiant les femmes « d'un des actifs les plus sous utilisé de l'économie » [23].
Deuxièmement, l'empowerment, processus émancipatoire multidimensionnel qui devrait inclure de nombreux facteurs, est mesuré principalement via la « participation à la vie économique et politique » des femmes, ce qui est tout à fait insuffisant [24]. Ce discours de l'émancipation par le travail est problématique et dangereux pour plusieurs raisons :
En prônant l'augmentation de la participation des femmes à la vie économique, ce discours occulte complètement la réalité du fonctionnement actuel de la plupart des sociétés humaines, comme si les femmes ne participaient pas à la vie économique quand elles n'ont pas un emploi salarié déclaré ! Quid du travail gratuit colossal effectué pour prendre soin des êtres chers, des communautés et des écosystèmes, sans lequel « l'économie productive » s'effondrerait tout simplement ? Non pas que la Banque mondiale ignore leur existence, mais ces réalités n'entrent pas dans ses considérations. Ce sont au mieux des « obstacles » au travail salarié des femmes : une redistribution qui ne reproduirait pas des relations d'exploitation, une prise en charge publique ou collective, ou encore une remise en question des normes de genre, ne sont pas au programme ;
La négation de l'importance du travail de care, alors que le travail salarié est valorisé, peut contribuer à augmenter les inégalités de genre (en augmentant le temps de travail total), mais aussi entre femmes car ce sont les femmes des classes populaires qui prennent en charge le travail de care dans une grande partie des ménages riches (délaissé par les femmes qui accèdent à des emplois à temps plein correctement rémunérés et que ni les hommes ni la collectivité ne prennent en charge) ;
Cette vision simpliste de l'émancipation comme synonyme uniquement d'autonomie économique via le travail salarié ignore le fait que l'augmentation du nombre de femmes sur le marché de l'emploi va en général de pair avec une augmentation du nombre d'emplois ultra-précaires. Dans de nombreux pays, cette entrée sur le marché du travail s'est concrétisée dans les zones franches, faisant du travail dévalorisé des femmes un outil privilégié pour augmenter la rentabilité. Au Cambodge, par exemple, le début des années 2000 est marqué par une forte croissance économique, nourrie par les exportations de l'industrie du textile qui emploie quasi-exclusivement des femmes. Dans le même temps, de 2004 à 2009, l'écart salarial a plus que doublé [25]. À moins de s'attaquer simultanément à toute forme d'exploitation, une expansion du marché du travail ira toujours de pair avec une augmentation de l'exploitation de certain.es.
L'approche est de surcroît insuffisamment fondée. Bien que des arguments semblent indiquer une corrélation entre croissance économique et diminution des inégalités de genre, d'autres démontrent également que l'inégalité économique augmente avec certaines formes de croissance ;
Elle ignore qu'il existe d'autres possibilités pour subvenir à ses besoins : économie informelle, autosuffisance, etc. Les principaux indicateurs étant « taux de participation » et « revenus », l'émancipation est mesurée en termes monétaires et non en termes de qualité de vie. Signalons que l'entrée sur le marché de l'emploi des femmes s'accompagne souvent de la destruction des précédents moyens de subsistance et lieux de vie, provoquant la migration massive vers les villes pour rejoindre le rang des travailleuses précaires (domesticité, travail industriel, prostitution, services, …). Dans de nombreux cas, si la « pauvreté monétaire » diminue, la pauvreté matérielle et la pénibilité quotidienne augmentent !
Ce discours est celui d'une mise au travail des femmes au service des intérêts financiers, tout à fait assumé et à peine maquillé d'un prétendu féminisme institutionnel et occidental aux relents impérialistes et néolibéraux. Il enlève aux femmes des Suds leur autodétermination et réprime les voix radicales qui mettent plutôt l'accent sur la fin de la surexploitation du Sud par le Nord comme condition à l'émancipation des femmes dans leurs diversités.
Bien qu'au fil des années elle ait intégré des critiques dans son discours, la Banque mondiale continue de parler des femmes en termes quasi-exclusivement économiques, fermant la voie d'une réelle émancipation, qui ne peut être réduite à une seule dimension économique.
Cette intégration ne témoigne pas d'une volonté d'en finir avec les logiques de domination, ou d'assurer des droits humains fondamentaux, mais bien d'assurer la rentabilité. Selon la Banque mondiale, il ne faut donc pas trop insister sur les notions de patriarcat et de rapports sociaux inégalitaires car cela risquerait de fragiliser le socle de travail exploité sur lequel repose le système en place.
Les prêts, les projets et les politiques de la Banque mondiale : des impacts spécifiques et néfastes
Bien que plusieurs programmes de la Banque mondiale améliorent sûrement l'accès des femmes au travail et leur condition en général (le recul de l'âge de la maternité, l'accès à l'école, l'égalité formelle, les programmes d'insertion professionnelle et d'économies solidaires, etc.), des critiques s'imposent.
Au nom de la stabilité macro-économique, l'institution impose la rigueur budgétaire et favorise la rentabilité des entreprises. Les mécanismes qui ont creusé les inégalités sont à nouveau prescrits comme solution.
Suite à l'application des recommandations macro-économiques de la Banque mondiale, des ressources tout à fait insuffisantes sont allouées aux services publics et à la protection sociale, qui profitent principalement aux populations vulnérables dont les femmes font globalement partie.
A titre d'exemple, dans les années 1990, alors que les pays africains allouent entre 15 et 50 % de leur budget au service de la dette, systématiquement moins de 20 % le sont pour les services sociaux. En 2013 en Amérique latine, il s'agit souvent de moins de 10 % pour l'éducation, moins de 5 % pour la santé, contre entre 10 et 40 pour la dette [26].
De manière non exhaustive, rappelons certaines des mesures phares prônées par la Banque mondiale et le FMI : dévaluation de la monnaie, suppression de barrières tarifaires et douanières, démantèlement du contrôle des prix et des subventions publiques, assouplissement des lois sur le travail, privatisations, diminution des taxes pour les entreprises et des impôts sur le capital, augmentation de la TVA, encouragement des exportations afin de faire entrer des devises étrangères, diminution des dépenses publiques, gel des salaires et coupes budgétaires dans les services sociaux et publics comme l'éducation, la santé, la protection sociale, l'associatif, les transports, les infrastructures de base, etc.
Ces ajustements de variables macro-économiques, qui visent à garantir le remboursement rapide des créanciers, se traduisent par des conséquences très concrètes sur la vie des populations les plus précaires. Une perspective sensible au genre permet de décliner comment les femmes sont spécifiquement [27] impactées en six axes différents mais pouvant agir simultanément et à des dégrées variés selon les contextes et régions.
– Les femmes sont les principales travailleuses des secteurs concernés ;
– Les femmes sont les principales usagères et bénéficiaires des services et secteurs concernés ;
– Ce sont les mères, épouses, sœurs, etc., c'est-à-dire les femmes, qui compensent les chocs économiques et le retrait de l'état social par une augmentation de leur travail gratuit ;
– Les femmes sont les premières productrices et agricultrices mondiales, notamment dans l'économie informelle, dont les moyens de subsistance et de production sont détruits ;
– Les femmes sont les premières victimes des violences sexistes qui augmentent à cause des méga-projets et de la précarisation de larges franges de la population ;
– Ce sont les cheffes de foyers et petites entrepreneuses qui contractent des microcrédits et crédits à la consommation pour subvenir à leurs besoins et ceux de leurs proches.
Cette grille de lecture peut être appliquée de manière systématique aux analyses de la dette et de l'austérité. Intéressons-nous ici à quatre types de mesures mises en avant par la Banque mondiale.
Politiques agricoles et projets extractivistes : impact sur les femmes
Loin de s'intéresser à la préservation des écosystèmes, de nombreux projets et stratégies de la Banque mondiale suivent une logique extractiviste : le « développement » et la croissance par l'exploitation et la destruction des ressources naturelles [28]. Je citerai les « éléphants blancs », ces mégaprojets nuisibles et souvent imposés : projets de production énergétiques, projets miniers, d'infrastructure ou logistiques, dont le barrage INGA en République démocratique du Congo est emblématique. Je pense également aux réformes qui s'inscrivent dans le sillon de la « révolution verte » [29] et aux politiques d'exportation qui contribuent à détruire le vivant, les communautés et la souveraineté alimentaire : monocultures, OGM, pollution et épuisement des sols, biopiraterie via la propriété intellectuelle et l'accaparement des terres, etc.
Ces projets ont en commun un caractère écocide évident mais aussi le fait qu'ils contribuent très souvent à la destruction des moyens de subsistance, des territoires et des savoirs des communautés, dont la préservation repose principalement sur les femmes. Ces destructions (déforestation, pollutions des sols, inondations) les poussent à la migration forcée, à la recherche d'alternatives dans ces « nouveaux » emplois réputés typiquement féminins : domesticité, production en zones franches, soins aux autres, ou encore la prostitution subie. C'est notamment de cette « entrée » des femmes dans « l'économie productive » que se félicite la Banque mondiale. D'après le consortium international des journalistes d'investigation, 3,4 millions de personnes ont été déplacées en conséquence des projets de la Banque mondiale, et se retrouvent dans des camps de déplacés internes [30]. Ce sont les personnes que la Banque mondiale est censée « aider » qui sont en réalité les plus impactées.
En plus de cela, ce type de projet implique souvent la présence de groupes armés, qu'ils soient chargés de « protéger » les projets en question, ou qu'ils cherchent à contrôler les territoires où se trouvent les matières premières. Cela aggrave les violences, notamment sexuelles, auxquelles les femmes sont confrontées. La violence répressive et meurtrière augmente également, notamment envers celles qui s'opposent à ces projets en défendant l'environnement, leurs terres, leur culture et leurs pratiques.
Les politiques agricoles de la Banque mondiale, quant à elles, aggravent certaines inégalités. L'agriculture est à l'échelle mondiale une des activités principales des femmes. Or, l'implantation de monocultures pour l'exportation (ce qui augmente le PIB et les devises pour rembourser la dette) signifie que l'agriculture vivrière, essentielle pour de nombreuses familles, est déplacée vers des terres toujours plus éloignées et moins fertiles. Cela augmente les temps de trajet, le risque d'agressions sur celui-ci et la pénibilité du travail, alors que les récoltes se réduisent en quantité et en qualité. Cela impacte directement les revenus, mais aussi la santé et la sécurité alimentaire des femmes, dont des filles qui sont les premières victimes de la malnutrition. Enfin cela porte aussi atteinte à la souveraineté alimentaire nationale. Dans certaines régions, les emplois dans les cultures de rente sont offerts aux hommes en priorité, poussant les femmes vers des activités encore plus précaires. Si globalement la proportion de l'emploi des femmes dans le secteur agricole a baissé depuis 20 ans (augmentation dans le secteur des services), il reste leur première source d'emploi dans les pays à faible ou à moyen revenu où elles exercent les activités les plus pénibles, les plus chronophages et mal-rémunérées. Les politiques agraires promues par la Banque mondiale impactent donc particulièrement les femmes [31].
Parmi les mesures imposées figurent la fin des subsides sur les intrants agricoles alors que les produits européens, eux subventionnés par la Politique agricole commune européenne (PAC), inondent les marchés : une concurrence tout à fait déloyale qui affectent directement les moyens de subsistance et de production des femmes.
Destruction des services publics
Comme expliqué par Éric Toussaint : « [les PAS], fruit d'une politique consciemment élaborée et appliquée par les responsables du FMI et de la Banque mondiale, ont eu des conséquences extrêmement négatives sur les droits économiques sociaux et culturels, spécialement en ce qui concerne la santé, l'éducation, l'accès à l'eau potable, la sécurité alimentaire, etc. » (voir « Le FMI et la Banque mondiale au temps du coronavirus : La quête ratée d'une nouvelle image », https://www.cadtm.org/Le-FMI-et-la-Banque-mondiale-au-temps-du-coronavirus-La-quete-ratee-d-une ).
La casse de ces secteurs, que l'on peut qualifier de biens communs, a de très lourdes conséquences sur les femmes. Premièrement, en tant que travailleuses et fonctionnaires qui perdent leur emploi ou voient leur salaire baisser sans compensations. Deuxièmement en tant qu'usagères, pour elles-mêmes ou celles et ceux dont elles ont la charge. La privatisation et les coupes budgétaires dans la santé en réduisent l'accessibilité pour les femmes les plus pauvres, affectant gravement les suivis gynécologiques, les maternités et tout ce qui est lié à la santé sexuelle et reproductive. Ces questions sont trop souvent ignorées par les décideurs, bien souvent des hommes.
Troisièmement en étant celles qui compensent par leur travail gratuit les changements imposés par la Banque mondiale. Cette dernière préconise en effet le retrait de l'État social moyennant la privatisation des services publics ou mise en place de partenariats publics privés (PPP). La gestion privée serait plus « compétitive » et donc efficace selon le dogme libéral. Une demande explicite et régulièrement formulée par la Banque est de privatiser la distribution de l'eau, ce qui a eu de nombreuses conséquences, notamment dans les cas de la Bolivie ou de la Tanzanie, se traduisant, en plus de l'inefficacité, par une hausse des prix, la fermeture de puits publics, avec des conséquences désastreuses sur l'agriculture. Aller chercher l'eau est une tâche qui incombe généralement aux femmes et aux filles. Pour elles, la réduction de l'accès à l'eau signifie une augmentation du temps dévolu à cette tâche, de risques pour leur santé, en particulier des problèmes de dos, et d'exposition à des agressions sur les trajets désormais plus longs [32]. Les PPP, vantés pour leur meilleure gestion, sont en réalités moins efficaces : ils coûtent jusqu'à six fois plus pour le contribuable et offrent des emplois plus précaires [33].
Les réformes fiscales
La Banque mondiale préconise des réformes fiscales en réalité favorables au grand capital : la suppression de barrières douanières, une baisse des impôts sur les sociétés, le patrimoine et les revenus les plus élevés. En contrepartie de ces pertes de revenus, l'augmentation de la TVA est la mesure phare des IFI. C'est ce qu'on appelle une fiscalité régressive car elle impacte proportionnellement plus les personnes aux plus petits revenus. Les « efforts budgétaires » demandés par la Banque mondiale sont en vérité assumés par ces personnes-là ! Les femmes, responsables de nombreuses dépenses pour le ménage, tout en ayant souvent un revenu inférieur, sont particulièrement confrontées à cet enfer quotidien. Le fait que des produits essentiels, comme les protections menstruelles, ne soient pas inclus parmi les « produits de base » avec une TVA réduite [34], entraîne des difficultés supplémentaires. Ainsi, une adolescente sur dix en Afrique rate une semaine d'école par mois en conséquence [35].
Un autre aspect concerne leur activité principale au niveau mondial : l'agriculture informelle et les activités informelles en général. Alors que le prix des intrants augmente, alors qu'elles dépensent de plus en plus pour l'activité dont elles dépendent, elles ne bénéficient pas des mêmes avantages fiscaux que les entrepreneurs de l'économie formelle. Pour le Bretton Woods Project, les femmes qui travaillent dans le secteur informel et se ravitaillent dans le secteur formel sont sans aucun doute les plus affectées par ces mesures. Dans une enquête menée par l'OIT, les femmes mettent explicitement « les taxes » parmi les obstacles à rejoindre l'économie formelle.
Ces mesures fiscales seront toujours inefficaces dans les pays à plus faibles revenus où la majorité de l'économie est informelle. Elles ne peuvent que conduire à l'adoption de nouvelles mesures restrictives, bien souvent des coupes dans la protection sociale… Un cercle vicieux bien rodé ! Ces ajustements imposés sont d'ailleurs une violation directe et répétitive du principe fondamental selon lequel le régime fiscal est la base de la souveraineté et de l'autonomie des États. Les dettes, contractées pour la mise en place de ces mesures, sont donc, de ce point de vue, totalement odieuses et illégitimes.
L'accès au microcrédit
Le microcrédit a été favorisé par les « soft loans » (les prêts doux) de la Banque mondiale et largement félicité par la communauté internationale. Le microcrédit consiste en l'attribution de prêts de faibles montants à des entrepreneurs/euses ou à des artisan·es qui ne peuvent pas accéder aux prêts bancaires « classiques ». Il s'est développé surtout dans les pays du Sud et vise les personnes hors du système bancaire et donc souvent les plus pauvres.
Les femmes représentent, au niveau mondial, environ 70 % de la clientèle des instruments de microfinance [36]. Sous couvert d'autonomisation économique, les femmes sont directement ciblées, entre autres à cause des stéréotypes quant à leur docilité de remboursement [37]. Ces micro-crédits se caractérisent par des taux d'intérêts bien plus élevés que dans les banques « normales », et certainement que le taux zéro qui est la norme dans la plupart des circuits de circulation monétaire traditionnels comme les tontines.
Jules Falquet souligne qu'« il ne s'agit pas d'autre chose que du droit, ou du ‘devoir' des femmes à s'endetter, en même temps que d'une manière de faire entrer dans les circuits bancaires du Nord les immenses ‘gisements d'épargne', souvent organisés par les femmes, qui existent dans le Sud » [38]. Cet appauvrissement des femmes par la dette consolide la logique de transfert de richesses des pauvres vers les riches.
Ce processus de bancarisation des pauvres et de création de nouvelles opportunités d'investissement est une manière de perpétuer les dommages causés par la croissance néolibérale qui continue d'exclure des solutions collectives et macro-économiques pour favoriser des réponses financières et individuelles.
Quelle autocritique au milieu d'une crise multidimensionnelle globale ?
Malgré tout cela, la Banque ne semble toujours pas effectuer de réelle autocritique. Par exemple, l'évaluation sur trois ans du plan d'action de 2007 ne répond pas aux critiques formulées par la société civile. Elizabeth Arend le montre en cinq axes : la non-considération des droits humains (qui incluent aussi les femmes !), l'attention insuffisante à la santé reproductive, le manque de données sérieuses quant au genre, la vision restreinte de l'émancipation comme l'autonomisation économique, et le manque de capacité d'action des bureaux nationaux [39].
En 2012, elle finit par reconnaître que la diminution des inégalités ne peut pas être réduite à « la croissance », et un imposant rapport reconnaît avoir trop misé sur la réduction des inégalités comme facteur contribuant à la croissance plutôt que comme fin en soi. Mais ne saluons pas trop vite un supposé « changement de paradigme » : l'analyse reste centrée sur l'économie et la recherche de « certaines sortes de croissances » avant tout [40].
Encore en 2014, les critiques continuent à pointer du doigt que la Banque mondiale néglige le travail de care. Une étude constate que sur une trentaine de projets, 92 % ne tiennent pas explicitement compte de l'existence du travail de soin non-rémunéré dans leur conception [41].
En 2016, tout en disant vouloir mieux appréhender le droit à la parole et la capacité d'action, elle s'obstine à « se baser sur ce qui a déjà été accompli » et « remédier aux obstacles spécifiques auxquels se heurtent les femmes dans l'accès aux opportunités économiques » [42]. Elle met aussi en place un groupe de travail pour s'attaquer aux violences sexistes, initiative critiquée pour son mandat extrêmement limité et son silence sur les violences engendrées précisément par les projets de la Banque mondiale.
Alors, à quoi bon les Analyses des Impacts sur la Pauvreté et le Social (AIPS) mises en œuvre par les pays débiteurs ? Bien que des guides contenant des pistes pour l'inclusion du genre existent, aucune mesure n'est contraignante [43]. Par exemple, le programme de « meilleure gestion » et « rationalisation » des secteurs publics en Serbie, imposé en contrepartie d'un prêt octroyé en 2016, a signifié une perte de presque 30.000 emplois et un gel des salaires dans les secteurs publics, où les femmes sont la majorité des travailleuses. L'AIPS ne rapporte aucun effet social sur la pauvreté ou la distribution des richesses.
Bien que l'analyse multidimensionnelle semble progresser, les années 2020 et 2021 confirment que les mesures macro-économiques prônées continuent à dégrader la situation des populations défavorisées. Après plusieurs décennies de politiques antisociales, les systèmes de santé se retrouvent particulièrement affaiblis dans un contexte de crise globale imminente fin 2019.
Alors que la part du budget alloué au service de la dette doublait dans les pays à bas et moyens revenus entre 2010 et 2018, des mesures d'austérité, qui se sont avérées inefficaces en plus d'être inégalitaires, continuent à être inlassablement appliquées. Les ressources allouées aux services publics diminuaient de 18 % en Amérique latine et aux Caraïbes, et de 15 % en Afrique sub-saharienne de 2014 à 2018, ce qui pourrait constituer un record d'ici quelques années si cela continue. Dans au moins 21 pays à bas et moyens revenus les budgets d'éducation baissent depuis 2015 alors que le service de la dette augmente. En ce qui concerne la santé, c'est le cas pour 39 pays [44], avec de lourdes conséquences sur la santé publique, le personnel soignant, les soins de proximité, les capacités d'hospitalisation, etc. À cela on peut ajouter la réduction de l'accès à l'eau potable dans de nombreuses régions. Dans ce contexte, comment faire face à la crise sanitaire qui éclate en 2020 ?
Il est immédiatement évident que le poids des choix politiques souvent incohérents retombe principalement sur les femmes. Elles sont particulièrement nombreuses dans les secteurs « essentiels » et donc en première ligne de l'épuisement et du danger de contamination. Elles sont aussi majoritaires dans l'impossibilité de télé-travailler, et dans de nombreuses régions c'est le cas des groupes ethniques défavorisés [45]. A l'inverse, elles sont aussi très nombreuses à exercer des métiers et occupations désormais interdites et sans compensations car informelles (domesticité, travail du sexe, commerce de rue…). Cela aggrave les inégalités économiques. Comme si cela ne suffisait pas, leur rôle de soin au sein des familles les expose plus au virus et augmente leur travail gratuit (enfants déscolarisés, confection de masques, …). Pour couronner le tout, les violences domestiques et les risques dus à la complète mise de côté de la santé reproductive et mentale montent en flèche. Un constat non seulement dramatique, mais prévisible [46].
L'annonce du moratoire de la Banque mondiale, des « aides » du FMI, ou encore des possibles restructurations du G20 sont, dans ce contexte, au mieux, des mauvaises blagues qui ne prêtent même pas à rire jaune pour les laissées pour compte du néolibéralisme. Sans structurellement remettre en question l'organisation du soin dans nos sociétés, cela ne fait que reporter un fardeau de la dette augmenté, qui impactera durement les femmes. La priorité de la Banque reste la stabilité macro-économique et des secteurs financiers, justifiant à nouveau politiques d'austérité et d'exportation.
Cette crise n'est pas seulement le résultat de facteurs économiques ou sanitaires, mais de notre rapport au vivant et aux activités essentielles, au « prendre soin » de ce qui nous entoure. Le rapport dominant, prôné dans les idéologies de la Banque mondiale, est à mille lieux de toute conception d'équilibre écologique et de bien-être collectif qui pourrait permettre de faire face à de telles crises sans sacrifier toujours les mêmes et en faire ainsi des crises sociales sans précédent.
Conclusion
Dans son fameux rapport de 2007, la Banque mondiale résume son « objectif fondamental » dans ces termes : Donner aux femmes les moyens de rivaliser sur :
– Les marchés de produits ;
– Les marchés financiers ;
– Les marchés fonciers ;
– Les marchés du travail [47].
Que signifie donc cette vision de l'égalité ? Comme les féministes anticapitalistes le disent depuis longtemps, le discours de l'égalité n'aide pas à combattre les oppressions mais ne fait que les déplacer. On nous parle ici de l'égalité des chances de rivaliser, de dominer. D'exceller dans les domaines jusqu'ici considérés comme masculins, de s'en approprier les codes, d'exploser le plafond de verre (et rendre le plancher encore plus collant), et devenir actrices des mécanismes de l'accumulation capitaliste.
Cette vision du « féminisme » est dangereuse. Plutôt que de parler de l'accès aux structures de pouvoir, c'est de la remise en question radicale des structures de pouvoir qu'il faudrait se soucier. Plutôt que de réduire les obstacles économiques individuels, c'est de créer des dynamiques collectives, solidaires, une force politique qui est nécessaire. La Banque ne soutient pas les revendications féministes, elle entretient et nourrit la finance patriarcale, extractiviste et raciste.
La question, in fine, n'est donc pas de savoir si oui ou non certains projets locaux ont soutenu des femmes, ni de simplement clamer que la Banque mondiale n'a pas réussi à assez réduire les inégalités. La question est plutôt de savoir si oui ou non sa ligne politique contribue à les aggraver. La réponse est oui. La Banque mondiale s'obstine à prescrire des politiques macro-économiques qui impactent négativement l'égalité de genre et renforcent les oppressions structurelles, comme l'illustre sa stratégie de 2016 à 2023.
En 2016, Elisabeth Prügl qualifiait de Neoliberalism with a feminist face [48] le nouvel agenda de la Banque mondiale. Un nouveau discours où l'analyse des inégalités de genre est de plus en plus poussée, mais également de plus en plus au service des marchés : autrement dit, les revendications féministes sont de plus en plus instrumentalisées ; cooptées et traduites en termes marchands. Pour Prügl, si les nombreuses « avancées » et remises en question sont condamnables par leurs intentions (par exemple pousser les gouvernements à investir dans les crèches pour que les femmes puissent travailler plus), elles ouvrent aussi des brèches dont il serait intéressant de se saisir pour formuler des demandes et alternatives véritablement féministes.
Tous ces constats sont une raison de plus d'annuler la majeure partie des dettes, qui n'ont pas servi les populations, et ce en connaissance de cause. C'est pourquoi, comme le prône le CADTM entre autres, c'est d'un changement radical que nous avons besoin, et pas de reformes au sein de ces institutions, qui, qu'il s'agisse du G20, du FMI, de la Banque mondiale ou encore de l'ONU, entretiennent l'institutionnalisation des féminismes aux dépens des premières concernées.
Une perspective féministe, et même éco-féministe, amène aussi à se poser plus généralement la question de qui doit quoi à qui ? Si on prend en compte tout le travail invisible effectué et les ressources pillées et ravagées sans scrupule, ni compensations ou efforts de conserver un équilibre, alors la donne change [49]. Une bonne partie des populations et en particulier des classes dominantes de la planète sont en vérité redevables d'une immense dette, écologique, mais aussi reproductive, envers les femmes.
Critique féministe du développement
La sociologue Jules Falquet rappelle que les cinq dimensions centrales du développement impactent nécessairement les femmes [50].
Préférer les monocultures intensives à l'agriculture familiale prive les femmes de leurs activités et condamne un grand nombre de personnes à dépendre de produits industriels chers ;
Mettre à profit les matières premières disponibles en sous-sol génère des conflits qui détruisent les communautés autochtones et l'environnement ;
La création de zones de libre-échange encourage l'implantation de multinationales à la recherche de main d'œuvre peu qualifiée, bon marché et essentiellement féminine ;
Faire rentrer des devises via l'exportation de main d'œuvre féminine autorisée à travailler à l'étranger renforce leur exploitation ;
Le tourisme, fortement encouragé, engendre une augmentation des activités dégradantes des femmes dont la « beauté exotique » fait partie des atouts mis en avant par les destinations.
Le « développement » doit être vu pour ce qu'il est : non pas le synonyme d'un « progrès » déclaré comme tel tout à fait arbitrairement, mais un attirail idéologique déployé afin d'aider à la généralisation des modes de production capitalistes, normes culturelles occidentales, et ainsi continuer des dynamiques néocoloniales de pillage organisé, ayant invariablement de nombreux impacts sur la vie des femmes.
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Notes
[1] Éric Toussaint, « Équateur : Les résistances aux politiques voulues par la Banque mondiale, le FMI et les autres créanciers entre 2007 et 2011 », 2021, https://cadtm.org/Equateur-Les-resistances-aux-politiques-voulues-par-la-Banque-mondiale-le-FMI
[2] Camille Bruneau, l'auteure de cette étude, utilise ici le terme « femmes » dans une perspective plurielle et non–essentialiste : toute personne se reconnaissant dans ou étant assignée au genre et/ou sexe « féminin » et subissant ainsi une série d'oppressions sexistes et hétéropatriarcales (femmes cisgenres, personnes transgenres, personnes non-binaires, a-genres, aux genres fluides…). Elle utilise cette « catégorie » dans une perspective politique, c'est-à-dire utile pour analyser des rapports sociaux de domination.
[3] Le concept de « care work » (travail de soin) fait référence à un ensemble de pratiques matérielles et psychologiques destinées à apporter une réponse concrète aux besoins des autres et d'une communauté (dont des écosystèmes). On préfère le concept de care à celui de travail « domestique » ou de « reproduction » car il intègre les dimensions émotionnelles et psychologiques (charge mentale, affection, soutien), et, pour moi et comme utilisé ici, ne se limite pas aux aspects « privés » et gratuits en englobant également les activités rémunérées nécessaires à la reproduction de la vie humaine.
[4] Camille Bruneau : « La dette : une arme patriarcale déployée dans les pays du Sud », AVP Dettes aux Suds, n°77, 2019, https://cadtm.org/La-dette-une-arme-patriarcale-deployee-dans-les-pays-du-Sud
[5] Jules Falquet : « Le capitalisme néolibéral, allié des femmes ? Perspectives féministes matérialistes et imbricationnistes », dans Verschuur, C., Guérin, I., et Guétat-Bernard ? H. (ed.). 2015. Sous le développement, le genre, pp. 365-387. Cynzia Arruzza, Tithi Bhattacharya et Nancy Fraser, Féminisme pour les 99 %, La Découverte, Paris, 2019
[6] Jules Falquet. 2019. Imbrication : Femmes, race et classe dans les mouvements sociaux, Éditions du croquant, 304 p.
[7] Voir également l'analyse de Michael Goldman, notamment autour des questions environnementales. Il s'intéresse aussi à comment la Banque mondiale s'est historiquement imposée comme détentrice de savoirs, ce qui lui permet de consolider son hégémonie. Michael Goldman (2005) : The World Bank and Struggles for Social Justice in the Age of Globalization, Yale University Press.
[8] La notion de développement est problématique à bien des égards, autant le concept en tant que tel - normatif et façonné par une idéologie occidentale et eurocentrique- que ses origines historiques, ses intentions politiques, ainsi que ses conséquences sociales, économiques, environnementales et culturelles. En résumé, il s'agit d'un outil du néocolonialisme et du pillage organisé mis en place après les indépendances pour continuer à contrôler l'organisation mondiale de la production et de la consommation, et donc, de la répartition des richesses. Il est clair que le contrôle des capacités productives et reproductives des femmes (leurs corps, leur fertilité) en est une dimension importante et parfois assumée. En plus des théories dites du « post-développement » ou des nombreuses critiques décoloniales ou anti-impérialistes, voir Éric Toussaint, « Les mensonges théoriques de la Banque mondiale » https://www.cadtm.org/Les-mensonges-theoriques-de-la-Banque-mondiale ainsi que quelques articles amenant une lecture féministe de la notion de développement : Denise Comanne, « Quelle vision du développement pour les féministes », 2005, https://www.cadtm.org/Quelle-vision-du-developpement-pour-les-feministes ; Jules Falquet, « Femmes, féminisme et “développement” : une analyse critique des politiques des institutions internationales », dans Bisilliat, Jeanne (dir.) 2003. Regards de femmes sur la globalisation. Approches critiques, Paris, Karthala, pp 75-112 ; Roger Herla, « Du Sud au Nord, impacts de mondialisation néolibérale sur le travail des femmes », CVFE - Publications, 2018, http://www.cvfe.be/sites/default/files/doc/ep-2018-6-du_sud_au_nord._impacts_de_la_mondialisation.pdf
[9] Simon Kuznets, « Economic Growth and Income Inequality », American Economic Review, n°49, mars 1955, p.1-28.
[10] World Bank, World Development Report, 1982, World Development Indicators Washington, D.C. http://documents.worldbank.org/curated/en/948041468152100530/World-development-report-1982 En français : http://documents1.worldbank.org/curated/en/680161468336317883/pdf/108870WBAR0FRENCH0Box35453B01PUBLIC1.pdf consulté le 18 avril 2021
[11] Cité par DEVESH KAPUR, JOHN P. LEWIS, RICHARD WEBB. 1997. The World Bank, Its First Half Century, Volume 1, p. 171.
[12] Le capital au XXIe siècle, Le Seuil, 2013, 970 p.
[13] « low inequality was not an indicator of a healthy economy » Vladimir Hlasny et Paolo Verme, « On the ‘Arab Inequality Puzzle' : A Comment », publié en janvier 2021 dans la Revue Development and Change de l'Institut des Etudes sociales de La Haye, p. 4.
[14] Pour une analyse historique et critique de « l'inclusion » des femmes dans le « développement » par les grandes institutions internationales notamment l'ONU, voir Jules Falquet (2002), Op.cit. et Denise Comanne (2005), Op. cit.
[15] François Bourguignon, The Poverty-Growth-Inequality Triangle, 2004, https://www.researchgate.net/publication/5127146_The_Poverty-Growth-Inequality_Triangle
[16] Banque Mondiale, Rapport sur le développement dans le monde, Equité et développement, 2006, https://www.genreenaction.net/IMG/pdf/WDR2006overview-fr.pdf
[17] Banque Mondiale, « L'égalité des sexes, un atout économique », 2006, http://documents1.worldbank.org/curated/en/482921468315359005/pdf/370080FRENCH0G10Box032734201PUBLIC1.pdf
[18] Banque Mondiale, 2014, Gender at Work : A Companion to the World Development Report on Jobs, https://www.worldbank.org/content/dam/Worldbank/document/Gender/GenderAtWork_ExecutiveSummary.pdf
[19] World Bank Group Gender Strategy (2015) : Gender Equality, Poverty Reduction and Inclusive Growth., https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986
[20] Christine Vanden Daelen, « Féminismes et Banque mondiale : un mariage ‘contre-nature' », 2020, https://www.cadtm.org/Feminismes-et-Banque-mondiale-un-mariage-contre-nature
[21] http://ida.banquemondiale.org/theme/genre-et-egalite-des-sexes
[22] L'intersectionnalité est un concept issu du black féminism et forgé par la juriste américaine Kimberlé Crenshaw pour rendre raison de l'existence de discriminations multiples jusque-là invisibilisées dans le cadre d'une approche segmentée et hiérarchisée des discriminations au sein du droit. Selon le Mouvement européen de lutte contre le racisme (ENAR), l'approche intersectionnelle permet de prendre en compte que des personnes qui se trouvent à l'intersection de plusieurs sources de discriminations (ex : être une femme, être de religion musulmane, être d'origine étrangère,..) subissent souvent une nouvelle forme de discrimination résultant du cumul de plusieurs caractéristiques. Finalement, « C'est un outil pour lutter contre les discriminations à l'intérieur des discriminations, protéger les minorités au sein des minorités et combattre les inégalités au cœur des inégalités » (Emilia Roig, Centrer for Intersectional Justice : https://www.intersectionaljustice.org/). Des féministes décoloniales comme Françoise Vergès rappellent que cette notion était déjà bien intégrée avant la reconnaissance du concept, par exemple au sein des luttes contre l'esclavage. Voir Françoise Vergès. 2019. Un féminisme décolonial, éditions La Fabrique, 208 p.
[23] Lovisa Moller et Rachel Sharpe pour ActionAid, « Women as ‘underutilized assets'– A critical review of IMF advice on female labour force participation and fiscal consolidation », 2017, https://actionaid.org/publications/2017/women-underutilized-assets
[24] Agnès Adjamagbo et Anne-Emmanuèle Calvès, L'émancipation féminine sous contrainte », Presses Science Po / Autrepart, N° 61, 2012, pp. 3 -21.
[25] Jua

L’Azerbaïdjan, cette dictature qui accueille la COP29 et réprime les écologistes

Un rapport dénonce la répression des activistes écologistes en Azerbaïdjan, pays des hydrocarbures. De quoi inquiéter, à quelques semaines de la COP29 qui se déroulera dans la capitale.
8 octobre 2024 | tiré de reporterre.net
https://reporterre.net/Prison-et-faux-proces-avant-la-COP29-l-Azerbaidjan-fait-taire-ses-ecologistes
Cela n'augure rien de bon. Alors que la COP29 — la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques — doit se tenir en novembre à Bakou, en Azerbaïdjan, deux ONG ont publié le 8 octobre un rapport sur la répression dans le pays. Human Rights Watch et Freedom Now accusent les autorités azerbaïdjanaises d'arrêter des dizaines de militants, notamment écologistes, pour les réduire au silence.
Parmi les personnes emprisonnées, se trouve par exemple Anar Mammadli, un défenseur des droits humains. Il a été arrêté en avril dernier, deux mois après avoir cofondé une association pour défendre les libertés civiques et la justice environnementale en Azerbaïdjan en amont de la COP29. Le motif d'inculpation ? Contrebande. « L'Azerbaïdjan restreint l'accès aux financements proposés par des bailleurs internationaux, détaille Myrto Tilianaki, chargée de plaidoyer chez Human Rights Watch. Financer une association indépendante de l'État devient dès lors quasi impossible. Et si les autorités s'aperçoivent qu'un activiste a malgré tout reçu de l'argent de l'étranger… alors il se voit accuser de contrebande. » Une stratégie bien rodée visant à dissuader quiconque de s'aventurer dans la création de contre-pouvoir.
Aujourd'hui, Anar Mammadli attend encore d'être jugé. Il risque jusqu'à huit ans de prison. Avec cette accusation, que les ONG qualifient de « fausse », « les autorités azerbaïdjanaises ont envoyé un avertissement clair aux militants qui pourraient envisager l'activisme climatique », estiment-elles. Dans un mois environ, des représentants de 197 États et de l'Union européenne assisteront au sommet mondial pour le climat : une occasion pour les militants locaux de porter leur voix.
Sauf que le gouvernement de Bakou ne l'entend pas de cette oreille. Un autre exemple : le professeur Gubad Ibadoglu, arrêté en juillet 2023. Cet économiste travaillait, entre autres, sur la transparence des recettes et sur la corruption dans le secteur pétrogazier de l'Azerbaïdjan. Il avait aussi étudié l'accord de coopération énergétique entre l'Union européenne et Bakou. Il est désormais assigné à résidence, après avoir passé neuf mois en détention provisoire. Il est accusé de produire de la fausse monnaie — une accusation là encore réfutée par les ONG — et risque jusqu'à dix-sept ans de prison.
Or, se défendre des mains des autorités n'est pas chose aisée dans ce pays du Caucase. « Il ne faut pas s'imaginer un pays où il serait facile d'avoir recours à une décision de justice, déplore Myrto Tilianaki. Et encore moins de pouvoir la renverser. Parmi les journalistes arrêtés, certains n'ont même pas eu le droit de parler à un avocat. »
Selon les organisations, ces arrestations ne seraient qu'un « prétexte » pour museler et punir ces activistes. « Human Rights Watch et Freedom Now sont convaincues [...] que toutes les affaires examinées dans ce rapport sont des attaques à motivation politique, contre l'exercice légitime du droit à la liberté d'association et d'expression », affirment-elles.
Une terre d'hydrocarbures
S'il y a un pays où il ne fait pas bon être militant pour le climat, c'est bien l'Azerbaïdjan. L'industrie des hydrocarbures représente 90 % des recettes d'exportation du pays, et 51,5 % des recettes budgétaires de l'État. En critiquant cette filière climaticide, les activistes écologistes mettent en péril les intérêts financiers du gouvernement — et se mettent donc en danger eux-mêmes. « Les enquêtes sur les méfaits de l'industrie fossile en Azerbaïdjan, ou le plaidoyer en faveur d'une élimination progressive des énergies fossiles, sont interdits », rappellent Human Rights Watch et Freedom Now.
Cette répression provoque la crainte. Selon le rapport, toutes ces arrestations et ces condamnations de militants écologistes — mais aussi de défenseurs des droits humains et de journalistes de médias indépendants — auraient incité des activistes à quitter le pays. Ce qui a « encore réduit la diversité des organisations et des activistes à oser défier le gouvernement azerbaïdjanais ».
« Il est difficile d'imaginer comment des associations ou des journalistes azerbaïdjanais pourraient ouvertement critiquer les politiques climatiques du gouvernement et exiger [lors de la COP29] des mesures pour respecter les engagements de l'Azerbaïdjan dans le cadre de l'Accord de Paris de 2015 », prévoit le rapport. Selon ses auteurs, la répression du gouvernement aura forcément un « impact négatif » sur la participation des militants et des scientifiques lors de la COP.
Les ONG demandent donc au gouvernement azerbaïdjanais de « libérer immédiatement et sans condition » les militants et les journalistes emprisonnés à tort, et d'abandonner les accusations portées contre eux. Elles pointent en outre la grande responsabilité des Nations unies, ayant décidé pour la troisième fois consécutive d'organiser une COP dans un pays réprimant fortement les droits humains. Les deux précédents raouts du climat s'étant tenus à Dubaï et en Égypte.
Quant aux États membres de l'Union européenne, ceux-ci doivent « veiller à ce que les liens économiques et politiques avec l'Azerbaïdjan, y compris la coopération énergétique, contiennent des engagements concrets en matière de droits de l'Homme », ponctue le rapport. À plusieurs reprises, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a déjà condamné le pays hôte pour violation du droit à la liberté d'association. « Malheureusement, force est de constater que ça ne dissuade pas les autorités azerbaïdjanaises, conclut Myrto Tilianaki. Celles-ci ont beau promettre une COP29 inclusive sur le papier, les remontées du terrain nous montrent d'ores et déjà qu'il n'en sera rien. »
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Actualité L’écologie, au centre d’un programme de rupture

Le capitalisme exploite et asservit les humains, aggrave la crise écologique qui revêt des formes multiples : réchauffement climatique, détérioration de l'air, de l'eau, des sols, acidification des mers, fonte des glaces, déforestation massive...
9 octobre 2024 à 12h00 | Revue L'Anticapitaliste n°159 (septembre 2024) | Photo : Crédit Photo
Photothèque Rouge / Copyright : JMB
Cette crise écologique surdétermine la situation sociale et politique : elle impose des mesures immédiates de rupture (comme un moratoire sur les grands projets d'infrastructures autoroutières ou sur les mégabassines, présent dans le programme du NFP) et une planification des objectifs à tenir à terme. Cet impératif est à relier nécessairement à une nouvelle organisation de la société qui passe par la démocratie à la base et l'auto-organisation. La ligne de classe est à réaffirmer car il faut supprimer de toute urgence l'emprise des riches sur nos vies et nos corps, sur le monde.
Les mesures à prendre doivent être radicales et rapides
La sortie des énergies fossiles et l'arrêt du nucléaire imposent une réduction drastique de la production matérielle globale, donc de la consommation globale et des transports. Il importe de socialiser les secteurs clés de l'économie (banques, transports, énergie, santé, éducation...), de supprimer la propriété privée qui concerne les « communs », ces biens indispensables et utiles à la population qui doivent échapper à la marchandisation. Aussi, financer la gratuité des besoins vitaux (énergie, transports du quotidiens, école, santé...) doit guider les politiques publiques.
La planification écosocialiste permettra d'organiser par en bas, démocratiquement, les projets globaux, à partir des besoins et demandes exprimés par les consommateur·es producteur·es réuni·es dans des structures locales, guidé·es par une ingénierie publique de personnes-ressources.
Transports
L'urgente et massive diminution de la production matérielle globale s'accompagnera d'une réduction en proportion des marchandises transportées. Priorité au fret ferroviaire et fluvial. La priorité donnée aux transports collectifs gratuits fera perdre à la voiture sa place centrale dans la mobilité des personnes. Le vélo pourra jouer un rôle non négligeable et la marche retrouver sa place. Hors des villes, les services publics et les nouveaux usages de la voiture seront au centre. Le développement du ferroviaire permettra la nécessaire diminution du transport aérien.
Agriculture et alimentation
L'agriculture industrielle, responsable de 20 % des émissions de GES en France, a provoqué une perte immense en biodiversité, porte atteinte à notre santé et fournit une alimentation de qualité médiocre. Le basculement vers une agriculture paysanne, sans chimie et moins mécanisée, vers une production 100 % bio, vers une réduction importante de la consommation de viande, aussi s'impose. Cette mutation nécessitera des financements pérennes et sera créatrice d'emplois. Une « Sécurité sociale de l'alimentation », branche de la Sécu, doit être défendue.
Logement, urbanisme et artificialisation des terres
Un programme de mise à disposition de logements à prix abordables bien isolés, y compris par la réquisition de millions de logements vides est nécessaire. Autres priorités : financer l'isolation des « passoires thermiques », stopper l'étalement urbain, les zones commerciales et les projets routiers destructeurs qui grignotent les terres agricoles.
Énergie
La rupture, c'est obtenir 100 % d'énergies renouvelables en 2050, qui combine l'arrêt du nucléaire, possible en dix ans, l'arrêt de l'EPR de Flamanville, la fermeture de tous les réacteurs de plus de 30 ans, l'abandon des projets d'enfouissement des déchets radioactifs de haute activité et la sortie des énergies fossiles.
Le secteur de l'énergie socialisé sous contrôle des salarié·es et des usager·es favorisera un débat démocratique sur les besoins réels, sur les choix sur les énergies renouvelables et leurs conditions de production, sur la nécessité afin de supprimer la publicité et certaines productions inutiles.
La rupture contre l'adaptation
L'alternative « socialisme ou barbarie », décrite par Rosa Luxemburg n'a jamais été aussi actuelle. Si le capitalisme vert et son cortège de mesures bidons est disqualifié, il est nécessaire de refonder le socialisme autour de ses valeurs historiques : la pratique démocratique réunissant la démocratie directe, la démocratie représentative et la pratique référendaire, l'égalité par la mise en place d'un revenu maximal acceptable ; la justice et la fraternité-sororité.
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Les Teamsters et le fascisme, hier et aujourd’hui

Jusqu'à récemment, le terme « nationaliste chrétien » n'était pas une étiquette que les femmes et les hommes politiques étasuniens s'attribuaient. Il s'agissait plutôt d'un terme appliqué par dérision par les opposant·es à celles et ceux qui voulaient abattre le mur de séparation entre l'Église et l'État. Ce n'est pas pour rien que les femmes et les hommes politiques ne faisaient pas la queue pour s'appeler « nationalistes chrétiens ».
Tiré de Entre les lignes et les mots
Le nationalisme chrétien était une tentative consciente d'envelopper le fascisme dans la croix et le drapeau afin de le rendre plus acceptable pour le public américain. Le premier mouvement de ce pays à s'identifier comme tel était dirigé par le révérend Gerald L.K. Smith, un antisémite, un sympathisant fasciste et un ségrégationniste. La croisade nationaliste chrétienne de Smith a existé des années 40 jusqu'à sa mort en 1976, tout en s'attaquant aux Noir·es, aux Juifs/Juives, aux socialistes et aux syndicats.
Aujourd'hui, certains hommes politiques de droite choisissent l'étiquette de « nationaliste chrétien ». Parmi eux, le sénateur du Missouri Josh Hawley et le sénateur de l'Ohio (et candidat de Donald Trump à la vice-présidence) J.D. Vance. Ces deux hommes politiques ont le bilan anti-ouvrier que l'on peut attendre de ceux qui suivent les traces de Smith. Smith a été payé par des magnats de l'automobile comme Henry Ford et Horace Dodge pour rallier les travailleurs et les travailleuses contre la formation d'un syndicat. Hawley a obtenu à vie un score de 11% auprès de l'AFL-CIO. Vance est au plus bas avec 0%. La principale législation du travail qu'il a parrainée est la proposition du sénateur Marco Rubio de légaliser les syndicats d'entreprises pro-patronales. Pourtant, ces deux hommes politiques ont été vantés par Sean O'Brien, le président de la Fraternité internationale des Teamsters, l'un des plus grands syndicats du pays. M. O'Brien est allé jusqu'à dire que M. Vance « a été à nos côtés sur toutes nos questions », bien que le sénateur ait voté contre les syndicats chaque fois qu'il en a eu l'occasion. Il s'agit d'un changement radical par rapport à la façon dont les Teamsters parlaient des politiciens d'extrême droite pendant la poussée de l'extrême droite dans les années 1930 et 1940.
Lorsque les Chemises d'argent pro-fascistes, un groupe explicitement modelé sur les Chemises brunes nazies, ont menacé d'écraser le syndicat Teamsters 544 dans les années 1930, on n'a pas parlé du fait que les fascistes avaient été à leurs côtés sur toutes les questions qui les concernaient. Au contraire, le syndicat a organisé une garde de défense syndicale, a pratiqué des exercices et a réussi à empêcher les Chemises d'argent d'organiser un rassemblement à Minneapolis, et encore moins de détruire le syndicat lors d'une attaque d'autodéfense. Les Teamsters 544 ont eu l'avantage d'être dirigés par des socialistes militants et révolutionnaires comme Farrell Dobbs, qui savaient exactement ce qu'une victoire fasciste signifierait pour le mouvement ouvrier.
Même le syndicat international, dirigé par le démocrate conservateur Dan Tobin, était conscient des dangers du fascisme et sensibilisait ses membres à ce danger. Un numéro de l'International Teamster recommandait le livre Under Cover de John Roy Carlson, qui dénonçait les fascistes américains. La publication exhortait les Teamsters : « Si vous voulez savoir qui se glisse derrière vous avec un couteau, lisez Under Cover ». Dans son livre, Carlson explique en détail comment le nationalisme chrétien de Smith a été financé par les super riches. L'un des lieutenants de Smith déclare : « J'ai vu beaucoup d'argent arriver. J'ai vu des chèques de 2 000 et 3 000 dollars. Ce ne sont pas les travailleurs ou les travailleuses qui les envoient. Non, monsieur, c'était les fabricants. »
Un autre numéro contenait des citations d'individus et de publications pro-fascistes aux États-Unis, extraites de l'ouvrage de Michael Sayers et Albert Kahn, Sabotage ! The Secret War Against America de Michael Sayers et Albert Kahn. Parmi les personnes citées figuraient Gerald L.K. Smith, le « prêtre de la radio » anti-ouvrier, le père Charles Coughlin, et Parker Sage, chef de l'organisation pro-nazie des « travailleurs », la National Workers League (Ligue nationale des travailleurs). La Ligue ne faisait rien pour les travailleurs ou les travailleuses. Son véritable objectif était d'attiser le racisme et l'antisémitisme dans les usines automobiles de Détroit. Toutes ces personnes étaient fermement opposées à tout syndicat militant et indépendant. Les organisations syndicales qu'elles et ils voulaient étaient calquées sur celles de l'Allemagne nazie et de l'Italie fasciste. Elles seraient douces, complaisantes et totalement dominées par les fascistes et les nazis.
Enfin, les Teamsters étaient fiers de s'opposer au membre du Congrès de l'Illinois Stephen A. Day dans un article intitulé « Labor Fights Friends of Fascism » (Le travail combat les amis du fascisme) de Lester Hunt. Day était un membre particulièrement répréhensible de la Chambre des représentants qui a envoyé un télégramme de félicitations à Adolf Hitler lorsque le Führer a pris le pouvoir en 1933. Day a également collaboré en toute connaissance de cause avec l'agent allemand nazi George Sylvester Viereck pour publier le livre scabreux We Must Save The Republic (Nous devons sauver la République). L'article paru dans l'International Teamster établit un lien direct entre les sympathies de Day pour le fascisme et sa politique antisyndicale. « Il ne fait aucun doute que Day savait qu'Hitler était arrivé au pouvoir sur les cadavres de syndicalistes », écrit M. Hunt. « Il ne fait aucun doute qu'il savait également que la première action d'Hitler avait été de dissoudre les syndicats d'Allemagne et d'emprisonner leurs dirigeant·es ».
Le fait que les Teamsters se soient complètement retirés de cette première opposition au fascisme en dit long. Sean O'Brien s'est prosterné à la Convention nationale républicaine devant Trump, un homme qui a promis d'être « un dictateur dès le premier jour ». Des hommes politiques comme Vance et Hawley considèrent l'autocratie hongroise, de l'autre côté de l'Atlantique, comme un modèle pour le type de société qu'ils veulent construire chez eux. Pour M. O'Brien, tout cela fait d'eux des « durs à cuire » qui « ont été à nos côtés sur toutes nos questions ». Ils seront durs, c'est vrai. Mais ils le seront au nom des grands hommes d'affaires et des grandes entreprises qui leur envoient des chèques de campagne, et non au nom des dirigeants syndicaux comme Sean O'Brien, et certainement pas au nom des membres des syndicats de base.
« Un homme peut-il être à la fois l'ami d'Hitler et l'ami des travailleurs et des travailleuses ? » C'est ce qu'a demandé Lester Hunt en 1944. La réponse était alors négative. On ne peut pas servir deux maîtres, surtout lorsqu'ils sont si irrémédiablement opposés. Il est toujours vrai que personne ne peut être l'ami du fascisme, de la dictature réactionnaire et des syndicats. Les Teamsters connaissaient la bonne réponse à l'époque. Il semble qu'ils l'aient oubliée aujourd'hui.
Hank Kennedy
Hank Kennedy est un éducateur et un socialiste de la région de Détroit
https://newpol.org/teamsters-and-fascism-then-and-now/
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)
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Trahies de tous les côtés

Les talibans ont interdit aux filles et aux femmes d'aller à l'école au-delà de la sixième
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/10/14/trahies-de-tous-les-cotes/
Nous avonsdéjà abordé la répression brutale des femmes par les talibans en Afghanistan dans le Brief du Jour. Nos lecteurs réguliers connaissent donc les grandes lignes de la crise des droits des femmes la plus grave au monde.
Les talibans ont interdit aux filles et aux femmes d'aller à l'école au-delà de la sixième, les ont empêchées d'accéder à de nombreuses formes d'emploi et ont limité leurs déplacements en public. Une femme ne peut quitter sa maison sans être chaperonnée par un membre masculin de sa famille. Les talibans ont également déclaré que les femmes ne devaient pas être entendues en train de parler ou chanter en public.
Mais en plus de ces restrictions générales, certaines catégories de femmes ont été particulièrement ciblées par les talibans. Un nouveau rapport de HRW montre comment les autorités talibanes ont menacé d'anciennes policières, c'est-à-dire des femmes qui avaient servi dans la police sous le gouvernement précédent. Face à ces menaces, nombre d'entre elles ont dû se cacher.
Il convient toutefois de rappeler que de nombreuses policières afghanes ont également souffert sous l'ancien gouvernement. Des centaines d'entre elles ont été victimes de harcèlement sexuel et d'agressions, y compris de viols, de la part de collègues et de supérieurs masculins. Les auteurs de ces actes n'ont jamais eu à répondre de leurs actes, ni par les anciennes autorités, ni par les talibans.
Les femmes qui ont survécu à ces abus continuent de subir des traumatismes psychologiques et n'ont que peu ou pas accès à une aide psychosociale appropriée. Elles vivent également dans la crainte de représailles non seulement de la part des talibans, mais aussi de la part de leurs propres proches, dont certains pensent que leur travail a fait « honte » à la famille.
Pour ne rien arranger, les gouvernements étrangers qui, par le passé, ont soutenu des programmes de formation et d'embauche de femmes dans les forces de police afghanes tentent aujourd'hui, semble-t-il, de s'en laver les mains. Ils ont ignoré les abus lorsqu'ils se sont produits et n'ont généralement pas accordé l'asile à ces femmes qui ont besoin de sécurité et de soutien.
Les gouvernements des États-Unis, du Canada, du Japon et de l'Allemagne, ainsi que d'autres pays de l'Union européenne, devraient soutenir les femmes afghanes qui demandent l'asile et accorder la priorité à la réinstallation de ces femmes.
L'espoir réside dans le fait que ces gouvernements étrangers reconnaissent leur part de responsabilité et prennent les mesures qui s'imposent.
Andrew Stroehlein
Directeur des relations médias en Europe
https://www.hrw.org/fr/news/2024/10/10/trahies-de-tous-les-cotes
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Les autorités talibanes ont menacé des femmes afghanes ayant servi dans la police
Tiré de Entre les lignes et les mots
Les autorités talibanes ont menacé des femmes afghanes ayant servi dans la police sous le gouvernement précédent, les exposant à un risque supplémentaire, celles-ci étant déjà sous la menace de leurs familles opposées à leur travail.
Les policières ont été doublement trahies : une première fois par l'ancien gouvernement, dont certains agents étaient responsables d'abus sexuels généralisés, ensuite par les pays qui ont ignoré ces abus lorsqu'ils étaient commis et refusé l'asile à ces femmes.
Les pays qui ont soutenu les programmes de formation et d'embauche des femmes dans la police afghane, à savoir, les États-Unis, le Canada, l'Allemagne, le Japon et les pays de l'UE, devraient apporter leur soutien aux Afghanes qui demandent l'asile et donner la priorité à leur réinstallation.
(New York) – Les autorités talibanes ont menacé des femmesafghanes qui avaient servi dans la police sous le gouvernement précédent, les exposant à des risques, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui.
Ce rapport de 26 pages, intitulé « Double Betrayal : Abuses against Afghan Policewomen Past and Present » (« Double trahison : Abus présents et passés contre les policières afghanes ») documente les menaces que les autorités talibanes font peser sur d'anciennes policières depuis août 2021, contraignant nombre d'entre elles à se cacher de peur d'être identifiées.
Alors qu'elles étaient employées par l'ancien gouvernement, des centaines de policières afghanes ont précédemment été victimes de harcèlement et d'agressions sexuelles, notamment de viols, commis par leurs collègues et superviseurs masculins, qui n'ont jamais eu à répondre de leurs actes. D'anciennes et d'actuelles policières vivant en Afghanistan, ou dans la clandestinité dans d'autres pays où elles ont demandé l'asile, ont décrit la détresse psychologique et le traumatisme permanents découlant de ces abus commis par le passé, ainsi que leur crainte de représailles de la part des talibans ou même de leurs propres familles.
« Les policières afghanes ont été doublement trahies, une première fois par le gouvernement afghan précédent, qui a permis que de graves abus sexuels se poursuivent sans être réprimés, et ensuite par les pays qui ont ignoré ces abus et ont refusé de réinstaller ou d'accorder l'asile à ces femmes qui demandaient leur protection », a déclaré Fereshta Abbasi, chercheuse sur l'Afghanistan à Human Rights Watch. « Depuis le retour au pouvoir des talibans, d'anciennes policières ont dû fuir, ayant été la cible de menaces de la part des autorités et de violences accrues de la part de leurs familles, qui s'opposaient à leur travail dans la police. »
Le rapport s'appuie principalement sur 24 entretiens avec des femmes qui étaient policières sous le gouvernement précédent : dix entretiens en personne et neuf à distance avec des femmes vivant dans cinq provinces d'Afghanistan, et cinq entretiens à distance avec des femmes vivant aux États-Unis, en Suède, en Italie, en Iran et au Pakistan. Human Rights Watch a également interrogé d'anciens et d'actuels représentants des Nations Unies et des activistes de la société civile au fait de ces questions.
D'anciennes policières ont déclaré avoir reçu des appels téléphoniques intimidants de responsables talibans leur intimant de se présenter pour un interrogatoire et les avertissant qu'elles auraient à subir des conséquences liées à leur ancien emploi, sans autre précision. Plusieurs anciennes policières et femmes fonctionnaires de l'administration pénitentiaire ont été tuées, apparemment par des proches qui estimaient que leur travail « faisait honte » à la famille. Les talibans n'ont pas mené d'enquêtes crédibles sur ces meurtres. Des femmes ont décrit les perquisitions abusives de leur domicile par les forces talibanes qui ont parfois agressé leurs proches et endommagé leurs biens personnels.
Les femmes interrogées ont déclaré que sous le gouvernement précédent, elles avaient été fréquemment victimes de harcèlement et d'agressions sexuelles, notamment des viols et d'autres formes de violence sexuelle, et que leurs supérieurs leur demandaient des relations sexuelles en échange d'une promotion ou de la garantie de ne pas être licenciées. La nature généralisée de ces abus était connue depuis au moins 2013, notamment par les pays qui soutenaient le gouvernement précédent, mais les policiers responsables de ces abus n'ont pas eu à répondre de leurs actes.
Les femmes employées comme fonctionnaires par l'ancien gouvernement, notamment dans la police, ont perdu leur emploi lorsque les talibans ont repris le pouvoir. Alors que ceux-ci ont ordonné à certaines policières de reprendre leur travail pour exécuter certaines tâches, notamment la fouille des femmes aux points de contrôle et la garde des prisonnières, la majorité a eu du mal à trouver une autre source de revenus. L'effondrement économique de l'Afghanistan a frappé particulièrement durement les anciennes policières.
Beaucoup ont fui vers l'Iran ou le Pakistan voisins ou ont essayé de se rendre dans d'autres pays pour obtenir l'asile. La plupart des femmes interrogées ont relaté une détresse psychologique et un traumatisme persistants dus aux abus subis, mais n'ont pas pu trouver de soutien psychosocial adapté ou n'avaient pas les moyens d'y recourir.
Les talibans devraient mettre fin à tout harcèlement et aux menaces contre les anciennes policières et les autres femmes qui ont travaillé pour le gouvernement précédent et mener des enquêtes crédibles sur les incidents de violence. Les pays qui ont soutenu par le passé les programmes de formation et d'embauche des femmes dans la police afghane, notamment les États-Unis, devraient apporter maintenant leur soutien aux Afghanes qui demandent l'asile et donner la priorité à leur réinstallation.
Les États-Unis devraient veiller à ce que les policières restées en Afghanistan ou se trouvant temporairement dans des pays tiers en quête d'une protection américaine puissent bénéficier d'une réinstallation d'un niveau au moins égal à celui des autres catégories vulnérables. Le Royaume-Uni, l'Union européenne et ses États membres, le Canada et le Japon devraient augmenter le nombre de places de réinstallation destinées aux réfugiées afghanes, en accordant la priorité aux femmes en danger.
« L'oppression des femmes et des jeunes filles par les talibans frappe doublement les anciennes policières », a conclu Fereshta Abbasi. « Les gouvernements qui ont financé et assuré la formation des femmes dans les forces de police devraient également faire pression sur les talibans pour qu'ils mettent fin à tous les abus contre ces femmes. »
Quelques citations d'ex-policières afghanes
Sous le gouvernement précédent
« Le chef de police du district est venu chez elle la nuit et l'a violée. Son mari était absent ce jour-là. Elle a pleuré devant moi. Elle a dit qu'elle ne pouvait pas porter plainte, parce qu'elle craignait que son mari ne demande le divorce et qu'elle ne perde la garde de ses enfants. »
– Une ancienne policière décrivant un incident survenu sous le gouvernement précédent
« Tout semblait correct, vu de l'extérieur. Mais pour celles qui ont travaillé à l'intérieur, c'était différent. J'ai vu des gardes du corps harceler des femmes, les arrêter et même les toucher… Le chef des renseignements de ma station m'a vraiment harcelée. Il m'a dit qu'il pouvait me faire ce qu'il voulait. »
– Une ancienne policière de Khost décrivant une situation sous l'ancien gouvernement
Depuis la prise de pouvoir par les talibans
« J'ai reçu un appel des talibans me disant de revenir travailler. Je leur ai donné un faux nom, mais ils m'ont accusée de mentir et m'ont dit que je devais me présenter à tout prix à mon travail. J'ai eu peur et j'ai raccroché. J'ai de nouveau reçu un appel et cette fois, ils m'ont dit : “Vas-tu venir par toi-même, ou faut-il que nous venions te tirer par les cheveux pour t'emmener ?” »
– Une ancienne policière alors en fuite
« Au téléphone, on m'a menacée et chaque seconde est une menace… Quand je vais au bazar, je porte un masque et des lunettes pour que personne ne puisse me reconnaître. Si les gens l'apprennent, ils risquent de me dénoncer aux talibans en disant que j'ai travaillé pour la police ».
– Une ancienne policière alors en fuite
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France - L’éducation à l’égalité des sexes et des sexualités : le cœur de la contre-offensive réactionnaire

Tandis que de nouveaux programmes relatifs à l'Éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) sont élaborés, l'offensive réactionnaire s'est reconfigurée depuis La manif pour tous (LMPT) qui avait obtenu le retrait des ABCD de l'égalité en 2013-2014. Fanny Gallot et Cécile Ropiteaux font le point sur les éléments de langage, modalités d'action et la portée de ces groupes pour mieux les combattre [1].
Tiré de la revue Contretemps
10 octobre 2024
Par Fanny Gallot et Cécile Ropiteaux
***
Introduction
Au printemps 2024, l'Éducation nationale a fait connaître son projet de nouveaux programmes pour l'Éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) et le 10 septembre, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a publié un rapportpour alerter sur le manque de cours d'éducation à la sexualité dans les établissements scolaires [2].
Dans le même temps, une myriade de groupes conservateurs voire d'extrême droite s'insurge par voie de tracts distribués devant des écoles, de lettres de mise en demeure, de mails envoyés aux directeur·trices des écoles ou aux chef·fes d'établissements : SOS éducation a lancé une pétition intitulée « A l'école, enseignez-moi les divisions, pas l'éjaculation » qui a recueilli plus de 70 000 signatures. Selon les informations de la FSU-SNUipp, dans un tract distribué dans plusieurs départements (16, 33, 39, 44, 64, 72, 90), l'arrêt immédiat du projet d'élaboration d'un programme est demandé [3] :
« Plusieurs collectifs et associations se regroupent pour vous informer du programme EVARS (Éducation à la vie Affective, Relationnelle et Sexuelle dès la maternelle) ; de très nombreux signalements d'enfants et adolescents gravement choqués, traumatisés par les informations à caractère sexuel et pornographique nous sont parvenus. […] Ce programme imposé par l'Éducation Nationale ne protège pas les enfants, au contraire il les expose et les fragilise. […] Nous demandons l'arrêt immédiat de ce programme ! »
Depuis la rentrée 2023, la pression de ses groupes s'intensifie du moins via les réseaux sociaux. Plus tout à fait les mêmes qu'en 2013-2014, ils s'inscrivent néanmoins dans leur continuité. L'ambition de cette contribution est de revenir sur la séquence 2013-2014 avant de préciser les éléments de langage actuels de ces groupes ainsi que leurs modes opératoires pour mieux les combattre et empêcher le retrait du programme EVARS, ou sa réécriture qui viserait à fermer le champ des possibles dans une approche naturalisante hétérocentrée.
2013-2014 : contre la dite « Théorie du genre » : « Touche pas à mes stéréotypes »
Fin 2013, après la défaite de sa mobilisation contre la loi ouvrant le mariage à tous les couples, la (mal nommée) Manif pour tous a pris pour cible l'école publique, et plus précisément les ABCD de l'égalité. Ce dispositif, destiné à lutter contre les stéréotypes de genre à l'école primaire, avait été mis en place dans 600 classes à titre expérimental, à l'initiative du Ministère des Droits des Femmes et du Ministère de l'Éducation nationale. Dès la rentrée de septembre, dans plusieurs départements, des tracts ont commencé à circuler, dénonçant les méfaits de la prétendue « théorie du genre ». Ces tracts étaient distribués par des collectifs de parents auto-proclamés, des associations catholiques traditionalistes, ou des groupuscules de type « veilleurs » ou « vigi-gender », issus de La Manif Pour Tous (LMPT).
La rhétorique de ces tracts est un mélange de mensonges, d'exagérations, de glissements de sens, de détournements, de phrases extraites de leur contexte… Les groupes à l'œuvre se posent en défenseurs de « la complémentarité des sexes », dans une posture essentialiste. Ceci va être symbolisé par les couleurs rose et bleu, déclinées jusqu'à la nausée ! Ils évoquent « l'être » et la « nature » (implicitement divine) des femmes et des hommes, comme si l'individu·e n'était pas une construction sociale.
Ils amalgament volontairement les ABCD, dispositif institutionnel, avec un travail syndical mené par la FSU-SNUipp « Éduquer contre l'homophobie dès l'école primaire », qui va plus loin dans la déconstruction des stéréotypes et souhaite mettre en œuvre une nécessaire banalisation de l'homosexualité : ils tentent ainsi de jeter le discrédit sur toutes les actions d'éducation à l'égalité et de lutte contre les discriminations que l'école peut mener, et remettent en cause l'éducation à la sexualité. Ils dénoncent les méthodes qualifiées de « totalitaires » de l'Éducation nationale, le fait que les parents seraient tenus à l'écart, et revendiquent que l'école ne s'occupe que d'instruction. Il est même clairement précisé qu'elle n'est pas là pour lutter contre les inégalités !
Certains discours, plus subtils, semblent faire des concessions au constructivisme « On ne naît pas femme, on le devient », et prétendent s'opposer aux discriminations. C'est en fait pour exprimer alors une homophobie plus feutrée, moins outrancière, qui considère les personnes LGBT comme inférieures [4]. L'hétérosexualité est présentée comme la seule sexualité « naturelle » et épanouissante, car féconde. Dans l'ensemble de ces tracts, les revendications d'égalité sont associées, négativement, à de l'individualisme. Il est par ailleurs question de « contrôle totalitaire des cerveaux », d'« enseignant·es gauchistes aux mœurs dépravées voulant corrompre la jeunesse ».
Les convergences de vocabulaire et d'arguments fallacieux montrent que, derrière la multiplicité des appellations, même si les relais sont divers et variés, on est dans la plus pure tradition des discours de l'extrême-droite contre l'école publique et laïque ! On a bien affaire à un réseau, alliant droite traditionaliste et extrêmes droites. LMPT a été l'occasion d'établir des passerelles, des rapprochements, comme entre l'UNI [5] et les Identitaires, allant de fanatiques religieux de tous bords, jusqu'à la droite plus traditionnelle, depuis les convaincu·es de l'essentialisme, pour qui « LA » femme doit rester à « sa » place, jusqu'aux élu·es embrayant par opportunisme électoraliste.
À cela viennent s'ajouter les ennemi·es de l'école publique et les tenant·es de l'anti-pédagogisme. L'emploi du mot « gender » dans les argumentaires réactionnaires relève du sexisme et des LGBTphobies, mais aussi de l'anti-américanisme et l'anti-intellectualisme. On retrouve très souvent aussi une dimension complotiste : des « lobbies » œuvreraient à la promotion d'une supposée « théorie du genre ». Derrière la défense de la mythique complémentarité des sexes se cache le refus de l'égalité. En effet, dans la vision binaire du monde de ces groupes, le masculin est assimilé au principe actif et à la sphère publique ; aux femmes la passivité et la sphère domestique. Répartition ô combien hiérarchique, qui est à la source même des inégalités, et nourrit la domination patriarcale.
Ce sont les mêmes qui s'opposent à l'avortement, au partage du congé parental, etc. Leur crainte de « l'indifférenciation » masque leur refus de la diversité, ils prônent en fait l'uniformité à l'intérieur de chaque catégorie de sexe, exprimant homophobie et transphobie, et nient la réalité et la diversité des familles. Quant aux attaques contre l'éducation à la sexualité, elles relèvent bien évidemment de l'ordre moral, qui s'oppose à l'émancipation des femmes et des filles.
Dans le même temps, en janvier 2014 les Journées de Retrait de l'École (JRE) sont lancées par Farida Belghoul et relayées par Égalité et réconciliation et les réseaux liés à la mouvance Dieudonné-Soral. Le sociologue Simon Massei souligne les « inégalités de ressources et de capitaux détenus par les militantes VigiGender et les JRE ». Les premières sont issues de la « grande bourgeoisie économique catholique, fortement diplômées et résidant dans les arrondissements centraux de Paris » quand les secondes sont « d'origine populaire, plus faiblement diplômées, déclassées pour certaines, et résidant dans des communes moyennes ou populaires de la banlieue parisienne. » [6]
Clairement, si les aspirations de l'un et l'autre groupe se rejoignent ici ponctuellement, les enjeux sont différents. Comme l'écrit Joëlle Magar-Brauner à partir d'une étude de cas, « si l'objet au cœur du rapport de force concerne l'éducation à la sexualité, avec en filigrane une possible déstabilisation de l'hétéronormativité, il s'y superpose la tension entre les rôles éducatifs respectifs de l'école et de la famille, greffée sur la question de la citoyenneté dans un contexte de racialisation [notamment du sexisme] . » [7]
Finalement, les ABCD sont enterrés en juillet 2014 et le Plan d'éducation à l'égalité, présenté par le ministère de l'Éducation nationale comme une généralisation des actions en faveur de l'égalité des sexes, ne tiendra pas ses promesses faute de moyens et de choix cohérents. Les attaques réactionnaires se poursuivent néanmoins, avec par exemple, en 2016, la brochure Le genre en images (50 pages sur papier glacé !), envoyée à des centaines d'écoles, et dans laquelle l'éducation à l'égalité et la lutte contre les discriminations sont discréditées [8].
Quelles reconfigurations des discours et des pratiques depuis 2023 ?
Sur le modèle des Moms for Liberty (M4L), une organisation conservatrice étatsunienne menant une véritable « guerre culturelle » autour des écoles à partir de « campagnes agressives » pour dénoncer le « wokisme à l'école » [9], Eric Zemmour a lancé les « Parents vigilants » à la rentrée 2023 : il s'agit de se présenter aux élections de parents d'élèves pour lutter contre ce qui est qualifié de « wokisme » et de « prosélytisme trans ». Le contexte est différent : il est marqué par une forte contestation féministe qui s'exprime également médiatiquement. Les violences sexistes et sexuelles sont dénoncées, de même que la culture du viol, tandis que, malgré les obstacles, les appels à la grève féministe du 8 mars sont davantage relayés. Les savoirs et les idées féministes et LGBTQIA+ semblent en outre davantage appropriées par les plus jeunes [10].
Devant la lame de fond ouvrant le champ des possibles, la panique morale s'accroit. Il n'est plus question de « gender », mais de « wokisme ». LMPT s'est muée en Syndicat de la famille tandis que des groupes d'abord constitués dans les mouvances antivax réactionnaires se reconvertissent, à l'image des Mamans Louves qui a fait son apparition au moment du Covid. Les discours diffusés sont mensongers : « Non à l'apprentissage de la masturbation à 4 ans, du changement de sexe à 6 ans, de la fellation et de la sodomie à 9 ans, de l'excitation sexuelle à 12 » ; « Non à l'incitation au consentement sexuel précoce et au transgenrisme, non à la transgression » ; « stop sexualité ». Des deepfake circulent de façon virale semant le doute chez de nombreux parents.
Certains groupes proposent mêmeen ligne des courriers de refus pour justifier l'absence des enfants aux séances EVARS arguant que la sexualité relève de la vie privée et familiale. Ces courriers multiplient les références juridiques afin d'effrayer les chef·fes d'établissements et les directeur·ices d'école, les menaçant d'actions en justice au prétexte que l'éducation à la vie affective et sexuelle ne respecterait ni la Convention Européenne des Droits de l'Homme, ni la Convention Internationale des Droits de l'Enfant, ni le Code pénal, ni même le Code de l'éducation. On imagine mal un ministère établir un programme qui contreviendrait aux lois nationales et supranationales ! Et si on regarde d'un peu plus près les articles cités, la baudruche se dégonfle aisément.
Outre le fait que certaines références sont plus qu'approximatives, voire douteuses, tout l'argumentaire est basé sur l'idée que l'EVARS serait une incitation à avoir des pratiques sexuelles, que les enfants seraient exposé·es à des contenus pornographiques et à une « exaltation » de la sexualité, bref qu'il s'agirait de corruption de mineur·es et même de harcèlement sexuel. L'EVARS est également qualifiée d'idéologie et relèverait alors d'un « endoctrinement des enfants ». Cette présentation déformée de l'EVARS ne correspond ni au contenu des programmes, ni à la réalité de ce qui se passe dans les classes.
Ces discours se fondent sur la tension existante entre ce qui relève de l'École et ce qui relève des familles : l'éducation à la sexualité relèverait de la sphère privée et non de choix politiques et donc éducatifs. Tout d'abord, l'historien Yves Verneuil montre bien que cette tension n'est pas propre au XXIe siècle. A partir d'un corpus varié d'archives, il souligne que l'éducation sexuelle constitue « une question chaude », dès le début du XXe siècle : les polémiques se rapportent généralement à la « perversion » à laquelle ces cours d'éducation sexuelle pourraient conduire les enfants et les adolescent·es [11].
Ensuite, le positionnement adéquat de l'institution ne consiste pas à porter des jugements sur ce qui se fait dans les familles, ni même à aller à l'encontre des choix des parents. Mais l'école, comme les espaces où les enfants sont accueillis en dehors de l'école ou sur les temps méridiens dans le cadre d'une délégation de service public, doit porter une parole propre en restant sur son terrain.
Nommer les choses, éduquer à la vie sexuelle, relationnelle et affective de manière égalitaire, ouvrir le champ des possibles, donner confiance aux élèves fait partie des missions de l'école et de l'ensemble des éducateurs et éducatrices dans le cadre de l'apprentissage à la citoyenneté. Revoir nos pratiques enseignantes ou d'animation participe de la fabrication d'une société plus égalitaire. L'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle est donc bien une des missions de l'école : elle participe à la construction de l'estime de soi et à la prévention des agressions et violences sexuelles, pour une sexualité épanouie et égalitaire pour toutes et tous.
Si le nouveau programme présenté n'est pas parfait, il donne des outils aux enseignant·es pour s'emparer de la question car les trois séances par ans d'éducation à la sexualité instaurées depuis 2001 ne sont toujours pas mises en œuvre. Jusqu'à récemment, selon les chiffres de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, moins de 15% des jeunes accèdent finalement à cette information et à cette éducation.
Les collègues se sentent en effet désarmé·es, insuffisamment formé·es pour répondre à l'ensemble des questions alors même que les enjeux sont importants : le sexisme reste prégnant notamment chez les jeunes, comme le révèle le rapport du Haut conseil à l'égalité(HCE) de janvier 2024 ; les jeunes LGBT sont sujets à des dépressions et un risque de sur-suicidalité(harcèlement, homophobie et/ou transphobie intériorisées, haine de soi) ; [Entre 2017 et 2022], plus de la moitié des infractions à caractère sexuel ont été commises sur des mineur·es (53%). Par ailleurs, 36% des viols sur mineur·es et 30% des agressions sexuelles sur mineur·es sont commis par des personnes mineures [12].
Conclusion
L'ampleur de cette offensive réactionnaire est méconnue. Cependant, si ces groupes sont probablement numériquement peu importants, ils ont un pouvoir de nuisance qui pourrait s'étendre dans les semaines à venir. Ils peuvent rencontrer un écho chez des parents, déstabiliser les personnels engagés autour de l'éducation à la sexualité et refroidir celles qui voudraient s'y engager. Des remontées éparses – notamment via la FSU-SNUipp qui rassemble l'ensemble des informations et réalise une intervention sur le sujet depuis la rentrée 2023 – révèlent une structuration en cours et des actions plus coordonnées que le contexte politique favorise, mais il est nécessaire :
1) d'échanger et de rassurer les parents que ces discours réactionnaires font douter ;
2) de ne pas être dupes des chiffres annoncés par des personnalités comme Eric Zemmour : ils ne reposent sur rien de tangible mais participent au contraire à construire un mouvement réactionnaire. Aucune enquête quantitative ne peut à notre connaissance accréditer les chiffres annoncés ;
3) de vérifier les sources : les arguments donnés déforment la réalité. Le mode opératoire s'appuie sur des rumeurs relayées par les réseaux sociaux sans qu'aucune preuve ne soit apportée à aucun moment.
*
Illustration : Wikimedia Commons.
Notes
[1] Nous remercions Sophie Abraham, Julien Cristofoli, Gaël Pasquier et Céline Sierra pour leur relectures et/ou informations diverses.
[2] Déjà en 2021, l'IGESR avait publié un rapport, enterré par Jean-Michel Blanquer, pour alerter sur ce point. Un autre rapport pointait déjà ces questions en rapport avec la formation des enseignant·es en 2019.
[3] Voir l'ensemble des associations et collectifs concernés : https://linktr.ee/stopevars
[4] Voir l'Association des Familles Catholiques.
[5] Union Nationale Inter-universitaire : https://www.uni.asso.fr/
[6] Simon Massei, « S'engager contre l'enseignement de la « théorie du genre ». Trajectoires sociales et carrières militantes dans les mouvements anti-« ABCD de l'égalité » », Genre, sexualité & société [En ligne], 18 | Automne 2017, mis en ligne le 01 décembre 2017
[7] Joëlle Magar-Braeuner, « La mésentente à l'école des Tilleuls : Des effets et de quelques enjeux de l'appel à la Journée de retrait de l'école dans une école primaire », Cahiers du Genre, 2018/2 n°65, 2018. p.59-79.
[8] Suite à des interventions syndicales, le ministère avait envoyé aux académies la consigne de bloquer ces envois.
[9] Piotr Smolar, « Aux États-Unis, la voix influente des Moms for Liberty », Le Monde, 30 novembre 2023 ; Hélène Vissière, « États-Unis : quand les mamans trumpistes réécrivent les programmes scolaires », L'Express, 27 août 2023.
[10] Oscar Taupas, « Les réseaux sociaux rendent-ils woke ? Les conditions de l'appropriation ordinaire par des lycéen·nes des idées et savoirs féministes et LGBTQIA+ », mémoire de master 2, EHESS, 2024.
[11] Yves Verneuil, Une question « chaude », Histoire de l'éducation sexuelle à l'école (France, XXe-XXIe siècle), Peter Lang, 2023.
[12] https://www.justice.gouv.fr › sites › default › files › 2023-11 › Infos_Rapides_Justice_n9_Violences sexuelles.pdf
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Non au projet de rapport de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, comité sur l’égalité et la non-discrimination relatif au « travailleur.euses du sexe »

14 coalitions, représentant plus de 2000 ONG féministes, organisations de terrain et/ou fondées par des survivante, dont l'Amicale du Nid, défendent collectivement le modèle abolitionniste en matière de prostitution, modèle qui décriminalise toutes les personnes en situation de prostitution, garantit des parcours de sortie de la prostitution et en pénalise les auteurs.
Tiré de Entre les lignes et les mots
Ce modèle abolitionniste a récemment été salué par la Cour Européenne des Droits de l'Homme.
Nos ONG expriment leurs plus vives inquiétudes sur ce rapport qui reposent sur une procédure opaque et biaisée n'ayant consulté que des organisations connues pour leur plaidoyer en faveur de la légalisation de tous les aspects du système de la prostitution, y compris le proxénétisme et l'achat d'actes sexuels. Cette procédure a notamment exclut les voix des survivantes de la prostitution, des organisations de terrain et féministes.
Ce rapport qui sera voté probablement cette semaine est dangereux pour les personnes en situation de prostitution et les droits des femmes pour plusieurs raisons :
La promotion du « modèle belge » qui est récemment allé encore plus loin dans la dépénalisation des clients.
Le rapport ne reconnaît pas que la demande masculine pour l'achat d'actes sexuels est la racine de la prostitution et de la traite à des fins d'exploitation sexuelle.
L'utilisation de l'expression « travail du sexe » va à l'encontre du langage agréé par les Nations unies et l'Union européenne, qui utilisent le terme neutre de « prostitution ».
Le rapport ne respecte pas les normes les plus élevées de protection des droits humains internationaux et européens en matière de prostitution et de traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle ;
La convention des Nations unies de 1949, considère que la prostitution est incompatible avec la dignité humaine. Elle oblige les États membres à sanctionner le proxénétisme sous toutes ses formes, y compris la tenue d'une maison close, et le fait de tirer profit de la prostitution d'autrui, même avec le consentement de cette personne.
Le protocole de Palerme des Nations unies appelle les États à décourager la demande qui favorise toutes les formes d'exploitation.
La convention pour l'élimination de toutes les discriminations à l'égard des femmes (CEDAW) appelle les États à supprimer l'exploitation prostitutionnelle des femmes.
Le Parlement européen reconnaît que la prostitution est une « atteinte à la dignité humaine » et « un obstacle à l'égalité entre les femmes et les hommes, contraire à la Charte des droits fondamentaux de l'UE ». En 2023, il réaffirme que la prostitution est une violence et demande aux États membres de dépénaliser les personnes en situation de prostitution, de leur offrir des parcours de sortie, de pénaliser l'achat d'actes sexuels et les proxénètes conformément au modèle abolitionniste.
La Rapporteuse Spéciale des Nations unies sur la Violence à l'égard des Femmes souligne que « la légalisation de la prostitution accroît la demande, favorise la violence à l'égard des femmes et des filles et affaiblit les outils nécessaires aux forces de l'ordre pour surveiller, cibler et poursuivre les auteurs, y compris les trafiquants et les autres tiers exploiteurs ». La rapporteuse invite les États membres à adopter les cinq piliers du modèle abolitionniste.
Le rapport relate des informations non-étayées et fausses sur les soi-disant effets négatifs du modèle abolitionniste, effets que la Cour Européenne des Droits de l'Homme réfute elle-même dans l'arrêt de juillet 2024.
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Pornographie, prostitution et violence à l’égard des femmes et des filles

Lors d'une interview accordée cette semaine, la ministre de l'intérieur, Yvette Cooper, a déclaré aux journalistes que la pornographie violente « modifiait fondamentalement » l'opinion des garçons sur la sexualité.
Tiré de Entre les lignes et les mots
Dans près d'un tiers des viols signalés à la police au cours de l'année se terminant en mars 2024, les victimes étaient des filles âgées de 18 ans ou moins, et les forces de police ont reçu plus de signalements de viols de la part de filles de 14 ans que de tout autre groupe d'âge.
S'il est excellent que le ministre de l'intérieur reconnaisse publiquement la nature catastrophique de la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, nous ne devrions pas être surpris. Comme l'a expliqué notre conseillère politique, Esther, lors de notre webinaire « Repenser le consentement » en février, la détérioration des attitudes des jeunes à l'égard du sexe et de la violence sexuelle est évidente depuis des années et a été confirmée par des enquêtes sur les attitudes à l'égard du viol et de l'agression sexuelle en 2018 et six ans plus tard, en 2024.
Dans l'enquête de 2018, les jeunes répondants avaient des opinions plus proches de la loi que les répondants plus âgés qui avaient grandi à une époque où la violence et les abus domestiques n'étaient pas pris au sérieux et où le viol conjugal n'était pas considéré comme un crime. Six ans plus tard, la situation s'est inversée.
L'enquête 2024 a révélé que les opinions des 18-24 ans s'étaient considérablement détériorées et correspondaient désormais moins à la loi que celles des personnes plus âgées. Cela suggère que le porno et les idées fausses diffusées dans les espaces numériques ont plus d'influence que ce que les jeunes apprennent à l'école, et que cela est probablement aussi vrai pour les moins de 18 ans.
Mais ce n'est pas tout. Des données policières récentes montrent que les enfants sont aujourd'hui les principaux auteurs d'abus sexuels (signalés) à l'encontre d'enfants et la police affirme que l'implication de délinquants mineurs est exacerbée par l'accessibilité de la pornographie violente. Les médias s'entendent pour déformer la loi en disant, par exemple, « un homme a été condamné pour avoir eu des relations sexuelles avec un enfant de 12 ans », alors qu'il s'agit, aux yeux de la loi en Angleterre et au Pays de Galles, du viol d'un enfant.
D'autres idées fausses proviennent de l'environnement social et culturel qui autorise et même valorise l'industrie de la prostitution et ses dérivés et portails en ligne en constante expansion (tels que OnlyFans, et les sites de webcamming et de publicité pour la prostitution) qui présentent aux hommes et aux garçons un catalogue sans fin de jeunes femmes apparemment sexuellement disponibles et désireuses, voire désespérées, de satisfaire leurs moindres caprices, tout en définissant simultanément cela comme un excellent travail pour les femmes, grâce à l'utilisation et à l'acceptation de la terminologie « travail du sexe ».
C'est très trompeur, tout comme lorsque les grands sites pornographiques font la promotion de pratiques dangereuses et violentes pour obtenir plus de clics, suggérant ainsi aux enfants et aux jeunes que la violence sexuelle est ce qu'est le sexe. Ce que les hommes achètent dans la prostitution – et dans le webcamming et les contenus « intimes » sur OnlyFans, etc – n'est pas une intimité sexuelle saine et mutuellement satisfaisante, mais plutôt le contrôle de l'activité sexuelle. Il s'agit d'une sexualité aux conditions de l'homme, avec peu ou pas de considération pour les souhaits, les sentiments ou le plaisir de la femme – alors qu'elle est obligée de prétendre que c'est agréable et que c'est un étalon – sous peine de ne pas être payée ou de subir des représailles de la part du bordel, du site web, de l'agence ou de son petit ami/proxénète, si ce n'est du client lui-même.
On ne saurait trop insister sur la confusion qui en résulte pour tout le monde, et en particulier pour les garçons et les jeunes hommes. Les commentaires que les acheteurs de sexe publient sur les forums de parieurs et ailleurs à propos de leurs rencontres avec des femmes prostituées illustrent cette confusion et montrent clairement que les hommes poursuivent régulièrement l'activité sexuelle même s'il est évident pour le lecteur que les femmes qu'ils ont payées n'étaient pas consentantes, faisaient l'objet de menaces ou de coercition, étaient en état d'ébriété ou manquaient d'autonomie pour d'autres raisons. En d'autres termes, de nombreux hommes n'ont aucune honte à savoir que ce à quoi ils se livrent et qu'ils décrivent publiquement est en fait une agression sexuelle au regard de la loi britannique.
Au NMN, nous sommes convaincus que l'épidémie de violence masculine à l'encontre des femmes et des jeunes filles ne changera guère tant que notre société ne sera pas plus honnête sur ce qui se passe réellement et ne tolérera pas plus longtemps cet abus commercialisé et sanctionné par l'État à l'encontre des femmes et des jeunes filles.
Le droit misogyne n'apparaît pas soudainement dans le vide. Il est entretenu et cultivé par une culture profondément misogyne. Ce phénomène persistera tant que les jeunes verront les hommes plus âgés qui paient pour des rapports sexuels (et les tiers qui en profitent) échapper à toute sanction. Les hommes qui paient pour avoir des relations sexuelles sont plus susceptibles d'être violents envers d'autres femmes et le cycle de la violence à l'égard des femmes se poursuivra.
Si le ministre de l'intérieur veut vraiment prévenir et réduire la violence à l'égard des femmes et des jeunes filles, il doit d'urgence prendre des mesures pour réduire la demande de prostitution en sanctionnant les acheteurs et les proxénètes, en apportant un soutien aux femmes qui veulent sortir de la prostitution et en introduisant des programmes pour éduquer les jeunes. Elle doit introduire le modèle nordique, ainsi qu'une vérification rigoureuse de l'âge pour tout le porno en ligne et la fermeture des grands sites de publicité pour la prostitution.
En savoir plus sur l'influence du porno sur les attitudes et les comportements.
En mars 2024, nous avons répondu à l'appel à contribution du ministère de la science, de l'innovation et de la technologie concernant la réglementation, la législation et l'application de la loi en matière de pornographie, dans le cadre de l'examen indépendant de la pornographie mis en place par le gouvernement conservateur.
Pour une version abrégée de nos réponses et pour télécharger une copie PDF de nos réponses complètes, voir Preuves de l'impact néfaste de la pornographie en ligne sur les spectateurs et la société.
https://nordicmodelnow.org/2024/09/22/pornography-prostitution-and-violence-against-women-and-girls/
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)
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Féminicides : refuser le prisme xénophobe

Tous les deux jours en France, une femme est tuée. Toutes les 2 min 30 une femme est violée ou subit une tentative de viol. La plupart du temps, ces crimes sont accueillis par un silence assourdissant de la classe politique.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/10/12/feminicides-refuser-le-prisme-xenophobe/
La mort d'une jeune femme dont le meurtrier présumé était sous le coup d'une OQTF a suscité, elle, de nombreuses réactions.
Les un·es ont pensé pouvoir tirer profit de ce drame pour appeler à un énième renforcement de l'arsenal législatif contre les personnes étrangères. Les autres, le considérant suffisant, ont appelé à identifier le dysfonctionnement de la chaîne administrative ou pénale qui a permis la remise en liberté de cet étranger avant son expulsion vers le Maroc.
Qui pour faire remarquer que la polémique autour de cette expulsion ne sert qu'à détourner l'attention de la question cruciale, qui se pose universellement, des violences faites aux femmes ?
Qui pour affirmer que la nationalité de l'auteur ou de la victime de tels actes n'ajoute ni ne retranche rien à l'horreur qu'ils suscitent légitimement ?
À vouloir imposer une grille de lecture xénophobe des causes de cet assassinat, où la nationalité de son auteur écrase toute autre considération et obère toute capacité à penser l'enchaînement des facteurs qui y a conduit, certain·es alimentent délibérément les racismes, la peur et la haine sur lesquelles ils et elles construisent leur projet politique.
À vouloir rechercher des failles dans un dispositif d'expulsion érigé en rempart contre toutes les menaces, alors qu'il fonctionne déjà en surrégime, d'autres finissent par oublier que la liberté recouvrée par l'auteur d'un viol à l'issue de sa peine n'est pas la cause de sa récidive. Brouiller ainsi la frontière entre les causes et les circonstances d'un crime, et oublier le caractère structurel des violences contre les femmes, ne font qu'alimenter ces mêmes analyses xénophobes.
La lutte contre les féminicides ne saurait relever de la rhétorique sécuritaire absurde qui prétend éradiquer le crime en stigmatisant quelques criminels. Elle n'a que faire des frontières, qui n'en protègent pas plus les victimes qu'elles n'en dissimulent les auteurs.
Un féminicide est un crime où qu'il soit commis et quel qu'en soit l'auteur. Le Gisti refusera toujours de se prêter aux raccourcis et aux amalgames sur lesquels prospère la logique délétère de l'étranger bouc émissaire.
Paris, le 9 octobre 2024
https://www.gisti.org/spip.php?article7359
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Turquie. Les femmes dans la rue contre les féminicides toujours plus nombreux

TURQUIE / KURDISTAN – En Turquie, y compris dans les régions kurdes du pays, six femmes ont été assassinées par des hommes en 4 jours (entre le 4 octobre et le 8 octobre).
Tiré de Entre les lignes et les mots
Par ailleurs, la petite Sila de 2 ans qui a été violée et frappée par plusieurs individus est décédée hier, après 30 jours passés aux soins intensifs. Les femmes sont de nouveau descendues dans les rues à travers le pays, exhortant le gouvernement à protéger la vie des femmes, en appliquant notamment la Convention d'Istanbul.
« Les féminicides sont politiques »
Les femmes tiennent le gouvernement responsable de ce qu'elles appellent la politique d'impunité et exigent une mise en œuvre effective de la loi sur les violence faites aux femmes.
Le meurtre de deux jeunes femmes de 19 ans par un homme du même âge le 4 octobre a déclenché des manifestations dans toute la Turquie. L'agresseur, identifié comme Semih Çelik, a tué İkbal Uzuner, qu'il traquait depuis des années, et Ayşenur Çelik, ses camarades de classe.
Selon les informations, Çelik aurait assassiné Ayşenur chez lui en lui tranchant la gorge, puis aurait tué İkbal près des remparts historiques de la ville, dans le quartier d'Edirnekapı, dans le district de Fatih, où il l'aurait décapitée. Il s'est suicidé après les meurtres. Les funérailles des deux femmes ont eu lieu le 5 octobre.
Les manifestations ont également mis en lumière un autre incident qui a provoqué l'indignation, où deux hommes ont ouvertement harcelé une femme dans le quartier de Beyoğlu, un quartier touristique connu pour sa vie nocturne animée, selon des images qui ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux le 4 octobre.
Bien que les hommes aient été initialement libérés après avoir été arrêtés par la police, à la suite de réactions sur les réseaux sociaux, ils ont été de nouveau détenus puis arrêtés par un tribunal.
Ce week-end, des groupes de défense des droits des femmes ont organisé des manifestations dans tout le pays, dénonçant la « politique d'impunité » du gouvernement comme étant à l'origine des violences masculines. Les manifestants demandent à la Turquie de rejoindre la Convention d'Istanbul, un traité du Conseil de l'Europe visant à prévenir les violences faites aux femmes, dont le pays s'est retiré en 2021.
En outre, ils exigent l'application effective de la loi 6284, qui s'appuie sur la convention mais qui a fait l'objet de critiques pour sa mauvaise mise en œuvre, notamment après le retrait.
« L'impunité encourage les auteurs de crimes »
À Istanbul, des centaines de femmes se sont rassemblées sur la place Tünel, sur l'avenue Istiklal, un lieu central de Beyoğlu. La foule comprenait les députées du Parti pour l'égalité des peuples et la démocratie (DEM), Özgül Saki et Kezban Konukçu.
Les femmes ont scandé des slogans tels que « Arrêtez les meurtriers, pas les femmes », « Les féminicides sont politiques (Kadın cinayetleri politiktir) », « L'État protège, les hommes tuent », « La justice, c'est nous, nous ne nous tairons pas » et « Où est l'État, les femmes sont là ».
La police a d'abord empêché le groupe de défiler sur l'avenue. Cependant, après des tentatives répétées, elle les a autorisés à avancer jusqu'à la place Şişhane, où les femmes ont lu une déclaration publique.
Dans leur déclaration, les femmes ont condamné l'incapacité de l'État à protéger les femmes et critiqué la clémence dont il fait preuve à l'égard des harceleurs et des meurtriers. Les militants ont souligné que les femmes en Turquie se tournent souvent vers les réseaux sociaux pour obtenir justice, car les autorités sont perçues comme encourageant la violence avec leurs politiques d'impunité.
« Les hommes qui ont agressé et harcelé une femme à Beyoğlu ont été libérés malgré leur casier judiciaire, mais ont été à nouveau arrêtés après l'indignation du public. L'État, par le biais de son système judiciaire et de ses forces de l'ordre, ne prend pas en compte les témoignages des femmes mais plutôt les réactions sur les réseaux sociaux. Les femmes victimes de violences sont obligées de chercher refuge sur les réseaux sociaux, et non dans les commissariats de police », peut-on lire dans le communiqué.
Dans leur déclaration, les manifestants ont condamné l'incapacité de l'État à protéger les femmes et critiqué la clémence dont il fait preuve à l'égard des harceleurs et des meurtriers. Les militants ont souligné que les femmes en Turquie se tournent souvent vers les réseaux sociaux pour obtenir justice, car les autorités sont perçues comme encourageant la violence avec leurs politiques d'impunité.
« Nous savons que vous essayez de rendre les rues dangereuses pour les femmes. Avec des remarques telles que « Que faisait-elle dehors à cette heure-là ? » et des politiques promouvant une « cellule familiale forte », vous essayez de nous confiner chez nous. Votre langage sexiste, qui dicte combien d'enfants les femmes devraient avoir ou à quelle heure elles devraient être dans la rue, encourage la violence masculine. Vous voulez transformer les femmes en membres dociles d'un système familial oppressif et exploiteur. Nous rejetons cela », poursuit le communiqué.
Les manifestantes ont également dénoncé les tentatives visant à minimiser la violence masculine en invoquant l'alcoolisme ou la toxicomanie, soulignant que la cause profonde est le patriarcat et que les auteurs sont des hommes. Elles ont averti que tenter de détourner l'attention en se concentrant sur la race ou le statut de réfugié des agresseurs ne résoudrait pas le problème de la violence contre les femmes, car des hommes de tous horizons commettent de tels actes.
« Nous sommes confrontés à un gouvernement qui encourage les auteurs de violences en se retirant de la Convention d'Istanbul, en affaiblissant les acquis durement acquis en matière de droits des femmes et en libérant les hommes violents des commissariats de police et des palais de justice », conclut le communiqué.
« Partout des scènes de crime »
Des manifestations ont eu lieu dans plusieurs provinces au cours du week-end. Dans la ville kurde de Diyarbakır, des groupes de femmes et des politiciens se sont rassemblés, notamment l'éminente femme politique kurde Gültan Kışanak et la co-maire de Van Neslihan Şedal.
« Nous continuerons à nous battre pour chaque femme arrachée à la vie par la violence », a déclaré Şedal.
Suzan İşbilen, présidente de l'Association des femmes Rosa, a souligné que les féminicides ont augmenté sous le régime du Parti de la justice et du développement (AKP) et du Parti du mouvement nationaliste (MHP). Elle a qualifié les meurtres récents non seulement d'actes individuels mais de crimes politiques enracinés dans des normes patriarcales qui cherchent à contrôler les femmes.
À Şırnak, une autre ville peuplée de Kurdes, un groupe de femmes, dont la députée du parti DEM, Newroz Uysal-Asla, s'est rassemblé, brandissant une banderole sur laquelle on pouvait lire « Partout des scènes de crime ».
« Nous savons que nous pouvons créer une vie égale, libre, non violente et sans exploitation, où nous ne serons pas assassinés dans la rue, maltraités dans les dortoirs, exploités sur les lieux de travail et dans les familles. Nous allons intensifier notre lutte jusqu'à ce que nous construisions une vie libre pour chacun d'entre nous », a déclaré le groupe dans un communiqué.
« Nous mettrons fin à l'impunité »
À Eskişehir, des femmes se sont rassemblées devant le monument d'Ulus, scandant des slogans contre l'impunité et portant des banderoles sur lesquelles on pouvait lire : « Nous mettrons fin à l'impunité. Nous mettrons fin au harcèlement et aux meurtres. »
Dans un communiqué, les manifestants ont condamné l'inaction des autorités malgré le fait que la victime, İkbal Uzuner, ait déposé à plusieurs reprises des plaintes contre le tueur, Semih Çelik, avant d'être assassinée.
« Les femmes ne veulent plus voir vos condoléances. Elles veulent voir des actes tant qu'elles sont encore en vie », ont déclaré les manifestants, appelant à l'application effective de la loi 6284 et au retour de la Turquie à la Convention d'Istanbul.
« Nous voulons une vraie justice, pas une justice masculine »
À Izmir, des femmes se sont rassemblées sur la place de la démocratie Aliağa, scandant : « Les féminicides sont politiques », « Nous voulons une vraie justice, pas une justice masculine » et« Nous ne nous tairons pas, nous n'obéirons pas ». Deniz Gültekin, lisant une déclaration au nom du groupe, a exprimé son indignation face à la violence croissante contre les femmes et au manque d'application de la loi. « Nous ne sommes pas en deuil, nous sommes en révolte », a-t-elle déclaré, critiquant le gouvernement qui a libéré des meurtriers et des pédophiles dans la société grâce à des lois d'amnistie.
À Bolu, la Plateforme des femmes a organisé une manifestation sur la place Kardelen, avec Pınar Altun Akkuş du Syndicat des travailleurs de l'éducation et des sciences (Eğitim-Sen) soulignant le chagrin et la colère collectifs que ressentent les femmes, alors qu'elles vivent dans la peur constante de devenir la prochaine victime.
Elle a critiqué le gouvernement pour avoir rejeté des propositions au parlement qui auraient pu contribuer à prévenir de nouvelles violences, promettant que les femmes continueraient à se battre pour leur droit de vivre librement et en sécurité. (Bianet)
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Comment le système mondial de la dette étouffe les pays africains

Selon le FMI, le ratio d'endettement moyen en Afrique subsaharienne a presque doublé en dix ans : il est passé de 30 % du PIB à la fin de 2013 à un peu moins de 60 % du PIB à la fin de 2022. À partir du cas de l'or sénégalais, “The Continent” décrit des mécanismes d'endettement qui poussent les pays africains à emprunter aux sociétés internationales qui s'enrichissent en exploitant les matières premières du continent.
Tiré de Courrier international. Publié en anglais dans The Continent. Légende de la phot : Mine d'or traditionnelle à Ngari, dans la région de Kédgougou (Sénégal) en octobre 2023. Photo Frédéric Koller/Le temps.
La vie est paradoxale à Kédougou, au Sénégal, car la pauvreté côtoie la richesse aurifère. Des 17 tonnes d'or exportées par le Sénégal en 2023, plus de la moitié (9,13 tonnes) venait de la mine de Sabodala, à Kédougou. Pourtant, c'est tout juste si la population accède aux services de base.
“L'exploitation de l'or laisse aux populations de la pollution, mais quasiment aucun avantage”, affirme Ahmad Dame Seck, directeur du lycée de Dindéfélo, à Kédougou. Il explique que lorsque ses élèves terminent leur scolarité (ou y renoncent), ils se retrouvent au chômage, restent dans la précarité du secteur informel ou émigrent en Europe, alors même qu'ils sont voisins d'une machine à fabriquer de l'argent.
Emprunter à son exploiteur

L'entreprise britannique qui a racheté la mine de Sabodala en 2021, Endeavour Mining, en a tiré au moins 598 millions de dollars [543 millions d'euros] depuis. Dans ses derniers rapports financiers, Endeavour Mining valorise la mine sénégalaise à plus de 2,5 milliards de dollars [2,27 milliards d'euros]. L'entreprise possède aussi des mines en Côte d'Ivoire, au Burkina Faso et au Mali, valorisées à près de 3 milliards de dollars [2,73 milliards d'euros]. Endeavour Mining conserve 90 % des bénéfices de ses activités sénégalaises, qui sont bien sûr partagés avec ses actionnaires. L'État sénégalais conserve les 10 % restants.
C'est notamment à cause de contrats inéquitables dans l'industrie extractive que le Sénégal peine à engranger suffisamment de recettes pour administrer le pays. Quand ses coffres sont vides, le gouvernement doit emprunter sur les marchés internationaux de capitaux. Il se tourne souvent, et c'est un cruel paradoxe, vers des sociétés qui précisément soutirent l'essentiel des revenus de l'extraction des gisements aurifères sénégalais.
Dans une nouvelle analyse exclusive, The Continent montre que 40 % des parts d'Endeavour Mining appartiennent à 17 sociétés d'investissement qui détiennent aussi des obligations souveraines sénégalaises. L'État sénégalais leur doit plus de 271 millions de dollars [246 millions d'euros].
Lorsque le Sénégal verse les intérêts annuels de ces obligations – jusqu'à 7,75 % selon les titres –, ces sociétés qui engrangent déjà la majorité de l'argent issu de l'or sénégalais profitent aussi du fait que le pays manque d'argent.
Une mécanique de la dette qui étouffe l'Afrique
Cette dynamique – se remplir les poches pour ensuite consentir des emprunts – existe dans de nombreux pays. Les États d'Afrique ont émis des dizaines d'obligations internationales, soit l'emprunt d'au moins 84 milliards de dollars [76 milliards d'euros] auprès de sociétés étrangères d'investissement telles que BlackRock, Fidelity, HSBC, Schwab, etc. Elles possèdent souvent des parts valant des millions dans les multinationales qui exploitent les ressources locales.
Les prêts de créanciers privés, dont les obligations ne sont qu'un exemple, sont généralement la forme la plus intraitable de dette souveraine – les taux d'intérêt sont élevés, il n'y a pas de report possible et les prêteurs n'écoutent que les marchés. Quand les États ne s'acquittent pas des intérêts, le chaos économique s'ensuit.
La Zambie, le Ghana et l'Éthiopie n'ont pas remboursé leurs intérêts obligataires après que la pandémie de Covid et d'autres chocs économiques ont sapé la croissance qui devait découler de leurs emprunts. Ces défauts de paiement ont poussé leurs dirigeants à se tourner vers des renflouements du Fonds monétaire international, qui requièrent notamment de grandes réformes des politiques économiques, comme une monnaie nationale flottante et des augmentations d'impôts.
Les difficultés que créent ces réformes poussent les citoyens à descendre dans la rue, lors de manifestations parfois meurtrières et toujours coûteuses pour les économies locales. Pourtant, des gouvernements africains continuent de s'enferrer dans cette forme de dette.
Selon les données de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, les gouvernements africains étaient endettés de plus de 777 milliards de dollars [706 milliards d'euros] auprès de créanciers privés à la fin de 2023. Ces derniers détiennent aujourd'hui environ 44 % de la dette extérieure des pays d'Afrique, contre 30 % en 2010. Ça ne permet pas de répartir uniformément le risque.
Les pays à revenu intermédiaire ne peuvent souvent pas prétendre aux prêts à taux faible d'institutions comme la Banque mondiale et se tournent plus fréquemment vers des créanciers privés. Mais cette voie risquée ne suscite pas partout le même enthousiasme. En Afrique du Sud et en Angola, les emprunts privés représentent 88 % et 78 % de la dette souveraine. En Algérie et au Botswana, ce pourcentage est négligeable, même si la santé économique de ces pays est comparable.
Du capitalisme mondial à l'exploitation locale
Issaga Diallo ne connaît pas les rouages du capitalisme mondial et son extraction circulaire, mais il sait qu'il ne fera pas fortune grâce à la mine moderne de Sabodala où les capitaux internationaux coulent à flots.
Il travaille dans une mine informelle à Bantakokouta, près de Kédougou, où un gramme d'or peut aller chercher 50 dollars [45 euros], soit 20 de moins que le cours international. Le village de Bantakokouta n'est qu'à deux kilomètres environ du terril voisin des mines d'or. C'est là que travaillent les ouvriers de la mine informelle.
Issaga Diallo vit ici depuis près de huit ans, depuis qu'il a arrêté l'école en 2016. Chaque jour, il achète du carburant pour le générateur qui fait tourner son équipement, mais il travaille parfois des mois sans trouver d'or. Dans ces cas-là, il accumule les prêts et promet de rembourser ses créanciers le jour où il trouvera le précieux minerai – tout comme les chefs d'État lorsqu'ils émettent des obligations sur les marchés internationaux de capitaux.
Si, sur la durée, Issaga Diallo se révèle plus souvent chanceux que l'inverse, il espère gagner assez d'argent pour créer une entreprise à Kédougou, dans un cadre plus urbain. Il aime regarder sur son téléphone des vidéos de mineurs qui ont trouvé plus de 100 grammes, ce qui entretient son espoir.
À long terme, si l'État sénégalais a plus de chance que la Zambie, le Ghana et l'Éthiopie, il gagnera assez pour rembourser en temps et en heure ses intérêts obligataires jusqu'à ce que son secteur des ressources naturelles puisse remplir les coffres nationaux. À court terme, en revanche, ce ne sont pas les citoyens sénégalais ordinaires qui tirent profit de ce secteur et du remboursement des intérêts.
Jaume Portell Caño et Lydia Namubiru
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Au Soudan, la révolution populaire contre la contre-révolution des élites

Inspirés par le besoin d'analyses plus fondées et non élitistes de la situation actuelle au Soudan, nous avons interviewé quatre personnes dont l'organisation contre les politiques oppressives de l'État soudanais s'étend sur des années, voire des décennies dans certains cas. Chacun d'entre eux établit un lien entre la révolution et la guerre actuelle et met en avant les processus d'organisation et de vision collective qui ont fait et pourraient encore nous faire avancer vers un avenir démocratique populaire dans un Soudan d'après-guerre. Nous leur sommes extrêmement reconnaissants de nous avoir parlé malgré les circonstances auxquelles ils sont confrontés, notamment les coupures de télécommunications et d'électricité dans une grande partie du pays. Dans ce premier volet, vous lirez notre introduction et une interview avec Abdelraouf Omer, un agriculteur de Gezira et organisateur syndical.
Tiré d'Afrique en lutte.
Cela fait maintenant 15 mois que la guerre au Soudan oppose les Forces armées soudanaises (FAS) et les Forces de soutien rapide (FSR). Pourtant, l'attention médiatique dont bénéficie le Soudan ne reflète pas la crise monumentale à laquelle il est confronté et qui menace l'ensemble de la région. Lorsque les médias grand public couvrent le Soudan, ils ont tendance à se concentrer exclusivement sur la catastrophe humanitaire qu'a produite le conflit, qui a débuté le 15 avril 2023, après le coup d'État conjoint des FSR et des FAS en octobre 2021. En revanche, les militants de base au Soudan ont tendance à mettre en évidence les processus de marginalisation, d'extraction et de militarisation qui rendent une telle crise productive pour ceux qui sont au pouvoir.
La réalité humanitaire est si dévastatrice que les Nations Unies ont qualifié les souffrances d'« épiques », déclarant que le Soudan était « un cauchemar pour les civils ». La diplomatie internationale et l'extraction de ressources par les entreprises ont rendu ce cauchemar possible en légitimant et en maintenant au pouvoir les dirigeants du coup d'État soudanais, ouvrant ainsi la voie à cette guerre. La réticence de l'ONU et de l'Union africaine, ainsi que d'entités puissantes comme les gouvernements des États-Unis et de l'Union européenne, à utiliser efficacement leur pouvoir pour arrêter le flux d'armes et obtenir un cessez-le-feu est le dernier exemple en date de la raison pour laquelle nous ne pouvons pas nous attendre à une quelconque intervention positive de la part du système étatique et des institutions multinationales. Sans cessez-le-feu, il s'est avéré difficile d'établir des passages sûrs et des couloirs humanitaires, tout comme il a été impossible de mettre fin aux attaques contre les civils, les premiers intervenants, les journalistes, les habitations et les infrastructures sanitaires et autres infrastructures essentielles dans un cercle toujours plus large de bombardements, d'incendies, de violences sexuelles et de pillages. Les souffrances sont épiques parce que l'échec éthique et matériel du monde à fournir une aide aux personnes se trouvant au Soudan et fuyant au-delà de ses frontières a également été épique.
Chaque mois, la catastrophe atteint de nouvelles profondeurs. La nécessité d'une attention urgente et d'une réponse immédiate demeure. Pourtant, penser uniquement à l'humanitaire occulte les causes profondes de la violence, qui sont façonnées par le colonialisme et le capitalisme racial. Le désir d'affronter enfin ces forces historiques a donné naissance à la révolution de décembre 2018 au Soudan, propulsant le pays dans l'un des mouvements d'émancipation les plus puissants du XXIe siècle. L'exclusion de la révolution de décembre et de ses revendications, résumées dans son slogan « Liberté, paix et justice », des discussions politiques n'est pas seulement un échec théorique : elle a eu un effet sur le terrain, sapant la capacité des gens à exercer leur pouvoir d'action pour s'aider eux-mêmes.
De la catastrophe humanitaire à la guerre par procuration
La catastrophe humanitaire au Soudan a produit des chiffres catastrophiques. Plus de 10 millions de personnes ont été déplacées au cours de l'année écoulée (y compris la plupart de nos familles), et trois millions de personnes ont traversé la frontière dans des tentatives de plus en plus désespérées de trouver refuge. Malgré les avertissements persistants selon lesquels la famine est déjà en cours, menaçant plus de 25 millions de personnes , moins de 20 pour cent de l'aide demandée par l'ONU a été reçue. Les pillages, les coupures d'électricité et les attaques ciblées des RSF contre les agriculteurs ont perturbé la saison des semis. Les RSF ont poursuivi leurs campagnes de nettoyage ethnique visant les Massalit et d'autres groupes non arabes au Darfour. Au Darfour, à Khartoum et dans d'autres zones de combats actifs, les violences sexuelles contre les femmes et les filles sont généralisées et non traitées. Dans tout le pays, 19 millions d'enfants ont perdu l'accès à l'éducation, les institutions de l'État s'effondrant et les écoles désaffectées se transformant en abris. Au moment où nous écrivons ces lignes, El Fasher, capitale du Darfour-Nord et l'une des plus grandes villes du pays, est assiégée par les bombardements et la famine, un peu comme à Gaza. La réponse lamentable de la soi-disant communauté internationale est honteuse et est façonnée par le racisme anti-Noir.
Pour être clair, la guerre n'est pas une lutte de pouvoir interne ni une simple guerre par procuration entre puissances régionales ou « super » mais une guerre contre-révolutionnaire à plusieurs échelles soutenue par des acteurs internes et externes liés par le capital et le désir de préserver l'État soudanais postcolonial, ethno-nationaliste, violent et extractif. Les puissances occidentales invitent des acteurs civils d'élite, comme Taqaddum , à des réunions à huis clos où ils sont invités à représenter les civils soudanais, et où l'accent est mis sur la manière de parvenir à un autre accord avec l'armée et les milices et de restaurer la gouvernance. Les révolutionnaires avec lesquels nous sommes en contact voient l'objectif principal de cette guerre comme éclipsant les visions et les processus menés par le peuple qui ont été développés pendant la révolution.
La révolution de décembre
Pour comprendre la guerre sous l'angle de la contre-révolution, il est important de la replacer dans l'histoire politique récente du Soudan, à partir de 1989. Cette année-là, le Front national islamique, une organisation politique aux racines lointaines dans les Frères musulmans, a pris le pouvoir par un coup d'État militaire, établissant le régime dirigé par Omar el-Béchir et connu au Soudan sous le nom d'Inqaz, ou régime du salut. Ce régime a perduré pendant près de trois décennies, une période qui a vu une intensification de la violence d'État contre les communautés non arabes au Soudan du Sud, dans les monts Nouba, dans la région du Nil Bleu et, à partir de 2003, au Darfour, la région la plus occidentale du Soudan. Au moment même où un accord de paix était en cours de négociation pour mettre fin à la guerre dans le sud, ouvrant la voie à l'indépendance du Soudan du Sud, une guerre génocidaire a commencé au Darfour. Sous prétexte de réprimer la rébellion, le régime a lancé les milices Janjaweed, issues des groupes d'éleveurs arabes de la région, dans une campagne génocidaire contre les communautés non arabes. Le résultat fut l'incendie de milliers de villages, le déplacement de millions de personnes et la mort de centaines de milliers de personnes.
Trois décennies de règne du Salut ont fait passer l'économie de sa base coloniale de cultures commerciales comme le coton cultivé dans de grands systèmes d'irrigation gérés de manière centralisée à la production et à l'exportation de pétrole brut. Abdelraouf Omer montre ci-dessous l'effet dévastateur des politiques de l'État sur les moyens de subsistance des populations rurales, notamment dans son État, la Gezira, une région du soi-disant cœur arabe du Soudan, à deux pas de Khartoum. Les rentes pétrolières et autres sources se sont de plus en plus concentrées entre les mains du régime et de ses clients extérieurs, principalement mais pas exclusivement les États arabes du Golfe. Les institutions de l'État ont été purgées de toute opposition et peuplées de fidèles du régime dans le cadre d'une politique que le régime a appelée « Empowerment » (« Tamkeen »).
Après l'indépendance, deux grands soulèvements populaires ont eu lieu avant 2018, en 1964 et 1985. Chacun d'entre eux a renversé un régime militaire, avant que l'armée ne lance un coup d'État qui l'a ramené au pouvoir quelques années plus tard. La guerre, les campagnes génocidaires, le racisme structurel, la répression des femmes et des dissidents ont alimenté les griefs à grande échelle, tout comme le chômage de masse facilité par les politiques néolibérales de privatisation, la dépossession des terres et l'effondrement économique. La résistance au régime du salut a pris de nombreuses formes, armées ou non, après 1989. De petits soulèvements populaires en 2013 et 2016, déclenchés par des mesures d'austérité et des hausses de prix après que le Soudan a perdu l'accès au pétrole du Soudan du Sud après son indépendance, ont été réprimés efficacement et brutalement. Mais un outil d'organisation clé, les comités de résistance , a émergé de ces soulèvements dits ratés.
En décembre 2018, les manifestations contre le prix exorbitant du pain se sont étendues à toute une série de revendications sociales et ont attiré de larges pans de la population. Ce qui est devenu la révolution de décembre s'est transformé en une revendication unifiée pour la chute non seulement d'el-Béchir et de son parti au pouvoir, mais de l'État militaire dans son ensemble. La revendication principale du mouvement révolutionnaire est devenue la madaniya : un régime civil complet, l'armée étant écartée de la politique et de l'économie.
En avril 2019, la pression populaire a forcé la chute d'el-Béchir et de son parti au pouvoir, le Congrès national. Dans le but de stabiliser et de maintenir l'État militaire, de hauts responsables militaires ont formé un conseil militaire de transition qui comprenait également les RSF, une milice qu'el-Béchir avait formée à partir des restes des milices Janjawid. Les négociations avec les groupes politiques civils ont abouti à un accord de partage du pouvoir entre les technocrates et les politiciens de l'opposition et l'armée. L'idée était que l'armée se retirerait finalement du pouvoir et que des élections seraient organisées pour un gouvernement entièrement civil.
Cette « transition » a commencé en août 2019 et s'est achevée avec le coup d'État d'octobre 2021 des FAS et des RSF, qui étaient toujours alliées. Les membres civils de l'élite du gouvernement de transition avaient adopté des réformes néolibérales plutôt que de répondre aux revendications de la rue. Un exemple en est la normalisation des relations avec Israël appelée « accords d'Abraham », que le gouvernement de transition a signé en janvier 2021 en échange de son retrait de la liste américaine des États soutenant le terrorisme et de la promesse d'un prêt d'un milliard de dollars pour effacer sa dette envers la Banque mondiale, malgré l'opposition des comités de résistance et de l'opinion publique. Les mois qui ont suivi le coup d'État ont été marqués par des tentatives frénétiques des FAS pour consolider le pouvoir, contrées par une résistance continue à l'armée. Dans le même temps, le projet révolutionnaire s'est accéléré, ce qui a donné lieu à un travail intense au niveau local et national pour construire des structures capables de développer une vision populaire du pouvoir. En 2022, les comités de résistance ont signé la Charte révolutionnaire pour l'établissement du pouvoir populaire, un document politique élaboré à travers un processus de vision collective qui trace un avenir démocratique populaire de la base vers le haut.
Après le coup d'État, les tensions entre les FAS et les RSF se sont intensifiées, notamment au sujet du contrôle de l'or soudanais. Après la perte des revenus pétroliers suite à l'indépendance du Soudan du Sud en 2011, l'or a remplacé le pétrole comme principale source de revenus du régime. Le Soudan est rapidement devenu l'un des plus gros exportateurs d'or d'Afrique ; jusqu'à 90 % de cet or est exporté en contrebande hors du pays. La plupart des mines d'or et des réseaux de distribution appartiennent aux RSF ou à l'armée et à d'autres vestiges du régime du Salut. La principale destination de l'or pillé est les Émirats arabes unis ; de là, il entre sur les marchés mondiaux. La Russie et d'autres pays ont accumulé des stocks d'or soudanais. En échange de cet or, les Émirats arabes unis ont fourni aux RSF des armes qui sont introduites en contrebande au Soudan via le Tchad et la Libye.
Dans une guerre qui est avant tout le produit de la contre-révolution, la question n'est pas de savoir quand la paix viendra, mais de quelle sorte de paix il s'agira. S'agira-t-il d'une paix fondée sur le partage du pouvoir entre les élites militaires et civiles, qui ne mettra que temporairement un terme à la violence, ou d'une véritable paix fondée sur la justice et un nouveau modèle de gouvernance partant de la base, qui rompt avec le passé et démantèle les systèmes existants de pouvoir des élites et d'appropriation systématique ? Malgré cette guerre brutale, des millions de Soudanais persistent à dire, selon un slogan populaire, que « la révolution est la révolution du peuple. L'autorité est l'autorité du peuple. L'armée appartient aux casernes et les Janjawids doivent être dissous ».
La justice foncière et la révolution de décembre
Abdelraouf Omer est un agriculteur et un syndicaliste basé dans la ville de Hassaheissa, dans la région agricole de Gezira, au centre du Soudan. Il est représentant pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord de La Via Campesina , un mouvement paysan international qui se consacre à la défense de la souveraineté alimentaire et des droits des agriculteurs. Il est également un chercheur qui se concentre sur l'impact des politiques de privatisation du régime du Salut sur les moyens de subsistance ruraux et sur l'histoire de l'organisation des paysans et des ouvriers agricoles. Ses dernières recherches portent sur le gaspillage de l'eau dans le secteur agricole du Soudan et sur le Grand barrage de la Renaissance éthiopienne. Il s'est organisé, au sein de la Coalition des agriculteurs de Gezira et de Managil, contre la privatisation du système de Gezira par le régime d'el-Béchir. Jusqu'au début des années 2000, le système était l'un des plus grands projets d'irrigation gérés par l'État au monde, s'appuyant sur le travail des petits exploitants agricoles et des ouvriers agricoles. Il y discute de la révolution de décembre et de la guerre actuelle, mettant en avant l'expropriation des terres parrainée par l'État comme élément clé pour comprendre la violence contre-révolutionnaire qui engloutit le pays.
Je suis né dans le village de Faris Al Kitab, dans une famille de cultivateurs de blé et de coton, au cœur du système d'irrigation de la Gezira. J'ai acquis mes compétences agricoles très jeune. Faris Al Kitab est connu pour son histoire d'organisation socialiste contre les régimes coloniaux et postcoloniaux depuis les années 1940. La maison de mon père était un lieu de rassemblement pour les agriculteurs qui discutaient de leurs préoccupations vis-à-vis des administrateurs étatiques du système, car il y occupait un rôle, représentant leurs préoccupations. J'ai donc grandi entouré d'activistes et de personnes qui exprimaient leurs griefs contre leurs employeurs et l'État. J'ai quitté Faris Al Kitab dans les années 1980 pour devenir enseignant, d'abord à Wadi Shaeer, puis à Hassaheissa, où j'ai rejoint le Parti communiste et contribué à créer un syndicat d'enseignants qui a travaillé avec d'autres formations syndicales pour reprendre le pouvoir à l'Union socialiste soudanaise dirigée par l'État, qui servait les intérêts du régime de Nimeiri [1969-1985].
La révolution de décembre a été lancée en réponse aux effets cumulés de trente années de politiques du régime du Salut et sans doute des décennies de politiques extractives capitalistes qui l'ont précédée. Certaines de ces politiques, impulsées et recommandées par le FMI, la Banque mondiale et l'OMC, visaient à libéraliser l'économie et à privatiser le secteur public. En conséquence, le chômage des travailleurs, des professionnels et des jeunes diplômés s'est généralisé. La population a souffert d'une pauvreté et d'une faim endémiques. Une grande partie des richesses du Soudan était concentrée entre les mains d'une petite partie de la population, dont une grande partie appartenait au parti islamiste au pouvoir. Grâce à une corruption massive, ces élites ont réussi à mettre la main sur tous les projets économiques et sites de production du Soudan, dont elles ont vidé le personnel qualifié. Les postes dans le secteur public en déclin et dans le secteur privé en expansion ont été occupés par des employés non qualifiés appartenant au parti au pouvoir. C'est ainsi qu'ils ont pris le contrôle de la majeure partie de l'économie : entreprises, banques, usines, associations, etc. Dans la Gezira et d'autres régions agricoles, l'ancien régime a ciblé les projets agricoles et de subsistance par le biais de politiques de privatisation et a restructuré la main-d'œuvre – comme il l'a fait dans les secteurs industriel et des services – de telle manière qu'il a perdu d'importants centres d'organisation.
Pour gérer et réprimer le mécontentement suscité par ces politiques, le régime a renforcé et étendu l'appareil sécuritaire de l'État, en créant des forces de sécurité spéciales et en ouvrant des maisons de torture et des prisons, autant de moyens utilisés pour criminaliser et réprimer la dissidence sous couvert idéologique d'islam politique. À mesure que l'État sécuritaire s'est étendu au centre du Soudan, la violence étatique s'est intensifiée dans les régions marginalisées du Darfour, de la région du Nil Bleu et des monts Nouba. L'État a armé des milices pour réprimer différentes formes de résistance populaire et armée. Au Darfour, cela a conduit à ce que l'on appelle aujourd'hui un génocide contre les communautés non arabes. L'État a déplacé des millions de fermiers darfouriens non arabes afin d'exploiter l'or et l'uranium de la région. La communauté internationale est intervenue principalement pour fournir un abri et une aide aux Darfouriens déplacés, ce qui a finalement coûté moins cher que les richesses minières extraites par les entreprises travaillant avec les dirigeants du régime. La guerre actuelle reproduit un processus similaire d'extraction violente et l'étend à d'autres parties du pays.
C'est dans ce contexte qu'a émergé la révolution de décembre. Une crise économique de plus en plus grave s'est accompagnée d'une intensification de la violence étatique dans les régions marginalisées du Soudan. Cette convergence a donné naissance à de nouvelles formes de résistance organisée et de désobéissance civile qui ont attiré les masses. S'appuyant sur leur héritage historique de résistance aux élites étatiques, de la révolution mahdiste de 1885 à la révolution d'octobre de 1964 et à l'Intifada de 1985, les Soudanais ont commencé à s'engager dans diverses formes de protestation dans les années 2010, qui ont finalement atteint la capitale en 2013. De nouvelles stratégies et de nouveaux outils de résistance ont émergé, ouvrant la voie à la révolution. Il s'agissait non seulement de manifestations et de marches, mais aussi de la création d'organisations démocratiques publiques visant à reconquérir le pouvoir que les élites avaient pris au peuple. C'est à cette époque que les comités de résistance ont été formés, accélérant un mouvement qui avait commencé dans les zones rurales et s'était étendu aux villes du Soudan, culminant avec un sit-in massif dans la capitale, Khartoum. Le 11 avril 2019, le 113e jour de la révolution, ce mouvement a renversé Omar el-Béchir après 30 ans au pouvoir. Au-delà de ce moment, la révolution a représenté le réveil du peuple soudanais, des camps de déplacés internes du Darfour à l'ouest à Al-Damazin et Khashm El Girba à l'est et les villes de Gezira et Khartoum au centre, qui n'avaient jamais vu de manifestations par millions ni d'élargissement des tactiques politiques pour inclure des sit-in, des cortèges, des barricades, des grèves publiques et des boycotts.
L'objectif de la révolution était de démanteler l'ancien régime politiquement, économiquement et juridiquement. La guerre du 15 avril vise à y mettre un terme. Elle sert les intérêts d'une élite capitaliste parasitaire liée et soutenue par les processus régionaux et internationaux de l'impérialisme qui ont détruit tous les moyens de production. Depuis le début de cette guerre, le pays a perdu une myriade d'usines d'industrie légère et d'ateliers de forge et de menuiserie dans l'État de Khartoum et au-delà. Des dizaines d'autobus, de stations-service, ainsi que 14 marchés centraux et 22 000 magasins ont été pillés ou détruits. Cela a eu des répercussions sur plus d'un million de travailleurs, en plus des centaines de milliers employés dans le secteur informel de l'économie.
La guerre actuelle est une lutte politique et de classe contre-révolutionnaire pour l'autorité et les ressources, motivée par les intérêts du capital mondial. Ces forces n'hésitent pas à remplacer un système totalitaire, déjà rejeté par le peuple, par un faux gouvernement civil et démocratique adoptant un système néolibéral contrôlé par les élites, qui continueront à piller et à exploiter les ressources humaines et naturelles du Soudan. La terre est au centre de cette lutte. Par terre, j'entends le sol, mais aussi l'eau, le bétail, les forêts, les minéraux, le pétrole et d'autres ressources que les élites locales, régionales et internationales cherchent à contrôler et à exploiter depuis l'Antiquité. Bien sûr, pendant la période coloniale turco-égyptienne, les ressources soudanaises servaient la classe dirigeante égyptienne. Lors de l'indépendance du régime anglo-égyptien en 1956, nous avons essentiellement échangé un système colonial extractif contre un système capitaliste mondial extractif.
La loi de 2005 sur le projet d'irrigation de la Gezira a marqué un tournant important pour nous, membres de la Coalition des agriculteurs de la Gezira et de Managil. Après son arrivée au pouvoir en 1989, le régime d'Inqaz avait libéralisé l'économie par la privatisation. Il avait dissous les syndicats et les coopératives agricoles, attaqué les organisations de la société civile et créé des lois restreignant les libertés des citoyens. La loi de 2005 a accéléré ce processus, en particulier la prise de contrôle du projet d'irrigation de la Gezira. Elle a facilité la privatisation et la vente de tous les intrants productifs du projet : ses bureaux, ses usines d'égrenage, ses entreprises telles que la Société soudanaise du coton, ses machines agricoles, ses installations de stockage, ses entrepôts, ses logements pour les ouvriers, etc., ont été vendus principalement à des investisseurs privés nationaux. Cela a permis aux élites de l'État de commencer à acheter les terres des petits agriculteurs, qui s'étaient endettés en raison du retrait des services de vulgarisation de l'État et de la privatisation du projet.
En tant que coalition, nous nous sommes organisés contre cette loi sous le slogan « Non à la privatisation et non à la vente des terres du projet de Gezira ». Nous avons présenté une alternative à la loi de 2005 qui comprenait la création et le renforcement des coopératives de petits agriculteurs. Nous avons présenté des candidats aux élections locales de 2005 qui ont gagné malgré des fraudes mais dont la victoire, bien que protégée par une décision de justice, a été ultérieurement rejetée par le Registre des organisations syndicales. Nous avons intenté une action en justice contre la vente de nos terres et contre la distribution de semences périmées par la société soudanaise de coton, qui avait été reprise par le parti au pouvoir. Grâce à un processus collectif développé au cours de sept réunions, nous avons élaboré une Charte pour la justice foncière. La charte propose des alternatives non seulement à la loi de 2005 mais aussi aux lois foncières du projet de Gezira de 1927 et 1984 qui l'ont précédée. Elle s'oppose également à une loi de 2011 qui a remplacé les syndicats existants par des associations qui ont été reprises par de riches agriculteurs et capitalistes. Cette prise de contrôle a entraîné la destruction des ateliers chargés de l'entretien et de la gestion du périmètre, notamment de ses réseaux d'irrigation, et le transfert de ces responsabilités à des entreprises privées, qui ont commencé à vendre des tracteurs, des camions et du matériel d'excavation. Beaucoup sont aujourd'hui utilisés dans l'exploitation aurifère dans d'autres régions du pays.
Au fur et à mesure que la coalition grandissait, nous avons également développé une branche d'éducation politique. Nous avons produit des brochures sur (1) l'histoire du mouvement des agriculteurs depuis la grève de 1946 jusqu'à nos jours ; (2) les dommages environnementaux causés par les pesticides et les engrais, qui ont conduit à des taux de cancer et de maladies rénales parmi les plus élevés du pays ; et (3) les dangers des lois et des politiques agricoles mises en œuvre sous le régime d'Inqaz. Pendant la révolution, nous avons continué à nous organiser autour de ces questions et avons participé aux tentatives de récupération des terres et des intrants productifs volés par l'ancien régime. Nous avons rencontré des représentants du gouvernement de transition, notamment le Premier ministre Hamdok et le gouverneur de l'État de Gezira, pour partager nos préoccupations et présenter les alternatives que nous avons proposées dans notre charte. Ils ne nous ont pas pris au sérieux et les tentatives des responsables locaux de mettre en œuvre nos idées ont été accueillies avec des tactiques dilatoires. En conséquence, la dépossession des terres a continué pendant la période de transition et les terres cultivées par les petits agriculteurs ont diminué.
Récemment, les petits agriculteurs de la Gezira se sont réunis pour préparer la saison des semis, tout en affirmant qu'il ne peut y avoir de semis sans sécurité. Nous ne pouvons pas cultiver si cela signifie que nous risquons d'être tués, pillés et violés par les RSF. La coalition estime qu'environ 70 % des agriculteurs ont été déplacés par cette guerre, et leur nombre augmente chaque jour. La Gezira, et le secteur agricole plus largement, sont à nos yeux la clé du développement au Soudan. Nous ne pouvons pas nous permettre de les céder aux capitalistes qui mènent cette guerre et en tirent profit.
Source : https://hammerandhope.org/
Traduction automatique de l'anglais
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De Serval à Barkhane : le bilan confisqué de dix ans d’interventions militaires au Sahel

La France a annoncé en juin 2024 l'allègement du dispositif de pré-positionnement de ses armées en Afrique subsaharienne : les effectifs seront réduits à environ 300 hommes au Tchad et une centaine dans chacune des bases existant au Gabon, au Sénégal et en Côte d'Ivoire. À sa manière, cette décision entérine l'échec de dix ans d'interventions militaires au Sahel.
Tiré d'Afrique en lutte.
Le bilan complet et officiel des opérations Serval et Barkhane reste néanmoins à dresser. Cette question a nourri les débats d'un colloque qui a été organisé en avril par l'Institut Pour la Paix à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Le déni de l'échec
L'échec de l'opération Barkhane est incontestable si l'on en juge par l'activité des groupes djihadistes au Sahel et l'arrivée au pouvoir de putschistes au Niger, au Mali et au Burkina Faso.
En France, les autorités gouvernementales, militaires et parlementaires refusent cependant de le reconnaître. Dans une interview accordée au Point le 23 août 2023, Emmanuel Macron proclamait ainsi le « succès » des interventions militaires françaises au Sahel :
- « Si l'on prend de la hauteur, la France a eu raison de s'engager au côté d'États africains pour lutter contre le terrorisme… Si nous ne nous étions pas engagés, avec les opérations Serval puis Barkhane, il n'y aurait, sans doute, plus de Mali, plus de Burkina Faso, je ne suis même pas sûr qu'il y aurait encore le Niger ».
Quelques jours plus tôt, le 7 août 2023, le ministre des Armées Sébastien Lecornu réfutait également l'idée d'un échec de Barkhane, estimant que « c'est une faute de dire cela ».
Du fait de leur devoir de réserve, les militaires français ont été moins prolixes à ce sujet. La plupart de ceux qui se sont exprimés en public n'en ont pas moins conclu à un « bilan globalement positif ».
« Les opérations Serval puis Barkhane, soutenait par exemple l'un d'entre eux, ont rempli la mission qui leur était fixée ». Au Mali, en 2013, les soldats français auraient évité que les djihadistes du nord s'emparent de la capitale Bamako, et ils auraient ensuite permis aux casques bleus des Nations unies de se déployer à l'intérieur du pays, même si les troupes de Serval n'étaient en fait pas présentes dans les régions du centre qui allaient devenir un haut lieu de l'activité des groupes insurrectionnels.
Même ceux qui s'essayent à l'auto-critique ne dépassent pas les enseignements déjà soulignés à propos de l'usage de la force en Afghanistan (excès d'optimisme et défaut d'anticipation de l'après-crise, méconnaissance des réalités locales et défaut de coordination avec les secteurs diplomatiques et humanitaires, etc.)
L'absence de critiques du Parlement
Depuis Paris, les parlementaires, quant à eux, ont été fort peu critiques.
Bien qu'il s'agisse de la plus grosse intervention outre-mer de l'armée française depuis la guerre d'Algérie, les opérations Serval puis Barkhane n'ont fait l'objet que de deux rapports lénifiants, publiés en 2013 et en 2021, qui visaient surtout à accorder un quitus à l'Élysée.
[Déjà plus de 120 000 abonnements aux newsletters The Conversation. Et vous ? Abonnez-vous aujourd'hui pour mieux comprendre les grands enjeux du monde.]
Le principe d'un engagement militaire dans la lutte contre le terrorisme au Sahel n'a jamais été remis en cause, contrairement aux conclusions de la commission présidée par l'historien Vincent Duclert, qui a pointé la « faillite de l'analyse » et « l'aveuglement » des décideurs à l'origine de l'opération Turquoise pendant le génocide rwandais de 1994.
Il a finalement fallu attendre jusqu'en 2023 pour qu'un rapport admette timidement « l'échec de la lutte contre le terrorisme au Sahel ». Encore ce constat était-il aussitôt tempéré par l'affirmation que les responsabilités étaient aussi celles « des dirigeants africains eux-mêmes ». Le contraste n'en est que plus saisissant avec les parlementaires britanniques qui ne se sont pas privés d'épingler les gouvernements de Tony Blair puis David Cameron pour avoir entraîné leur pays dans des guerres inutiles et dispendieuses en Irak en 2003 puis en Libye en 2011 sur la base de « postulats erronés » et d'une « compréhension incomplète de la situation ».
Ainsi, malgré la réforme de 2008, qui leur permet de se prononcer sur une intervention militaire lorsqu'elle se prolonge au-delà de quatre mois, les députés n'ont jamais mis fin à une opération.
Le 22 avril 2013, lorsqu'ils ont dû se prononcer sur l'autorisation de prolongation de l'intervention française au Mali, sur les 342 suffrages exprimés, aucun vote « contre » n'a été enregistré. Aucun groupe parlementaire n'a exprimé d'opposition de fond. Les arguments sécuritaires (il faut, ou plutôt il fallait, intervenir pour soutenir un « État failli », et faire face à une situation d'instabilité politique engendrant un risque de propagation) font autant consensus que les arguments idéologiques (responsabilité, morale ou historique, de la France ; crédibilité sur la scène internationale ; maintien du rang). Les réticences, sur la forme, du Groupe de la gauche démocratique et républicaine (GDR), se sont traduites par l'abstention lors du scrutin.
Faut-il encore une fois le rappeler ? Aucun des groupes que l'armée française a combattus au Sahel n'a jamais commis d'attentats outre-mer. Du point de vue de l'intérêt national et de la lutte contre le terrorisme, les opérations Serval et Barkhane relevaient donc d'une guerre préventive, quitte à exacerber le ressentiment des insurgés et leur envie de se venger par des attaques sur le sol métropolitain. En 2013, le caractère global de la menace djihadiste avait été très manifestement exagéré. Plus de dix ans après, il convient en conséquence de remettre en perspective les déclarations triomphales de l'Élysée selon lesquelles les troupes de Serval puis de Barkhane auraient « empêché la création de califats à quelques milliers de kilomètres de nos frontières », fait « reculer les groupes terroristes au Sahel », sauvé « des milliers de vies sur place » et protégé les Français « des menaces d'attentats sur [leur] sol ».
Les raisons d'un déni de réalité
Peu de chefs d'État reconnaissent publiquement leurs erreurs stratégiques. La France ne fait pas exception. D'autres raisons expliquent cependant le déni de réalité de l'exécutif et de son entourage.
En effet, le continent africain demeure la dernière terre d'élection et d'exaltation de ce qu'il reste d'une puissance moyenne. La grandeur et les obligations historiques de la France vis-à-vis de ses anciennes colonies sont donc invoquées pour contrer les analyses par trop défaitistes d'intellectuels parfois soupçonnés de sympathies « islamo-gauchistes », voire d'indulgence pour les terroristes. L'argument fatal est qu'après tout, les autres ont fait pire. Ainsi, ces opérations ont été beaucoup moins onéreuses et mortifères pour les civils que les interventions militaires des États-Unis en Afghanistan. Le retrait des troupes françaises du Sahel a beau avoir été humiliant, il n'a en rien été comparable à la débâcle de l'armée américaine à Kaboul lorsque les talibans ont repris le pouvoir en 2021.
Moins frontaux dans leur déni, les officiers supérieurs continuent quant à eux d'insister sur le bilan positif des premiers mois de l'opération Serval, véritable vitrine d'un art français de faire la guerre. Elle a notamment témoigné des mérites d'une chaîne décisionnelle courte, des avantages d'un pré-positionnement des troupes en Afrique et d'une grande agilité logistique pour surprendre et devancer l'ennemi dans des temps très courts grâce à la mise en place d'un pont aérien articulé à des moyens aéroterrestres. Selon la formule consacrée par les chefs de Serval et Barkhane, l'armée française aurait ainsi remporté de francs « succès tactiques » et elle ne serait pas responsable de l'absence de vision politico-stratégique à long terme.
Traduction brutale : à défaut de vaincre les organisations djihadistes au Sahel, les armées auraient au moins réussi à exécuter leurs principaux dirigeants. Les contradictions du recours aux assassinats ciblés sont pourtant pointées par la doctrine française de la contre-insurrection édictée en 2013, qui souligne que les stratégies d'attrition sont contreproductives car « la base populaire dont disposent les insurgés leur fournit un réservoir de ressources humaines quasi inépuisable ».
De plus, on peut se demander pourquoi l'état-major a décidé d'engager tant de forces terrestres alors que 80 % des pertes infligées aux djihadistes ont été le résultat d'attaques menées par avion, par hélicoptère ou par drone. En réalité, il s'agissait d'un combat sans fin et d'une guerre ingagnable face à un ennemi insaisissable et invisible. Pour reprendre une expression souvent utilisée par les Américains en Afghanistan, les militaires français n'ont fait que « tondre la pelouse » en attendant que la « chienlit » repousse, toujours plus fournie.
Sur le plan stratégique, l'armée tricolore aurait pourtant pu se retirer dignement de la zone au moment de l'élection du président malien Ibrahim Boubacar Keïta en 2013, ou bien encore après l'élimination des chefs djihadistes Abdelmalek Droukdel en 2020 puis Adnan Abou Walid al-Saharaoui en 2021. Au lieu de cela, l'Élysée s'est entêté jusqu'au bout et a dû se résoudre à des départs précipités, sous la contrainte et à la demande expresse de putschistes de plus en plus hostiles aux interférences de l'ancienne puissance coloniale.
La faute des autres
Il est plus facile de mettre la perte d'influence de la France au Sahel sur le compte de la propagande russe ou salafiste. Les autorités ne manquent pas non plus de souligner les défaillances des partenaires européens, qui n'ont pas voulu accompagner les opérations Serval puis Barkhane à la hauteur des moyens demandés. Enfin et surtout, elles insistent à présent sur l'incurie des gouvernements de la zone, un argument qui, rétrospectivement, semble d'autant plus curieux que la faiblesse des États sahéliens avait justement été invoquée pour justifier le déclenchement de l'opération Serval.
Reste à savoir dans quelle mesure l'échec de Barkhane va constituer une rupture, quoi qu'il en soit par ailleurs des récits de l'Élysée sur le « succès » de ses engagements dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Le gouvernement dit maintenant vouloir alléger son dispositif militaire au sud du Sahara. Mais la réduction des effectifs de l'armée française sur le continent est une tendance lourde. Au moment des indépendances, déjà, ils étaient passés de 60 000 hommes en 1960 à moins de 7 000 en 1965, certes en grande partie du fait que les personnels africains avaient été intégrés dans les jeunes armées nationales. Plus de soixante après, les militaires français sont toujours présents en Afrique et ne semblent pas prêts à renoncer au principe de bases permanentes qui doivent leur permettre de continuer à s'entraîner et de rester aguerris après leur départ de l'Afghanistan puis du Mali, du Burkina Faso et du Niger.
Ajoutons à cela que le fiasco de l'opération Turquoise au moment du génocide rwandais de 1994 n'a nullement empêché le montage de l'opération Barkhane vingt ans plus tard. Aujourd'hui, rien ne démontre que l'Élysée ait réellement tiré les leçons de ses échecs si l'on en juge par la poursuite des coopérations militaires avec le Gabon, le Bénin, la Côte d'Ivoire et le Sénégal, tous d'anciennes colonies. Le mot de la fin, à cet égard, revient certainement à ce général qui, récemment encore, vantait les mérites des formations proposées par l'armée française, « comme nous l'avons fait à Barkhane ».
Grégory Daho, Maître de Conférences en science politique, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Marc-Antoine Pérouse de Montclos, directeur de recherches, Institut de recherche pour le développement (IRD)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.
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Contre la normalisation avec Israël et une multitude de problèmes sociaux : Au Maroc, ça gronde fort !

Des personnalités publiques, dont la star de l'équipe nationale marocaine de football Hakim Ziyech, ont soutenu ces mouvements de protestation et ont exprimé leur désapprobation envers la politique du gouvernement.
Tiré d'El Watan.
La rue marocaine est, depuis plusieurs mois, en ébullition. Des manifestations quasi hebdomadaires drainant des milliers de personnes font vibrer les principales villes et les régions du royaume. Coordonnés, ces actions expriment le rejet massif des politiques, internes et étrangères, du gouvernement du pays qui ne répond toujours pas.
Et les autorités marocaines, à leur tête le roi Mohammed VI, semblent faire le dos rond face à cette grogne sociale qui va crescendo, selon des médias locaux et occidentaux. En effet, les mouvements de protestation se sont accentués depuis le début de l'agression israélienne à Ghaza. La dernière en date est celle organisée, dimanche et lundi derniers, à Rabat et dans différentes villes du pays contre le maintien de la normalisation avec Tel-Aviv.
La première action, appelée « Marche unitaire » regroupant différentes organisations marocaines, a eu lieu avec la participation d'une foule nombreuse, selon les médias locaux et internationaux. Exprimant leur solidarité avec le peuple palestinien meurtri, des milliers de manifestants ont exigé la fin de la normalisation actée en 2020 avec Israël. Brandissant des drapeaux palestiniens, des pancartes et des banderoles, les protestataires ont lancé également des slogans soutenant la résistance des Palestiniens : « La résistance ne meurt pas » et « Le peuple veut la fin de la normalisation ».
Sur des pancartes, comme on pouvait voir sur les nombreuses vidéos partagées sur les réseaux sociaux, les manifestants ont aussi insisté sur le rejet des relations contre-nature avec l'occupant israélien : « Nous ne reconnaissons pas Israël » et « La Palestine est une cause nationale ». Les étudiants marocains ont pris, lundi, le train de la contestation.
Par une action coordonnée, le milieu estudiantin se mobilise. Représentant une quarantaine d'universités et d'écoles supérieures, dont celle où étudie le prince héritier Moulay El Hassan, à Rabat, des milliers d'étudiants appellent, eux aussi, à la fin de la normalisation. Les protestations ont également ciblé le gouvernement marocain, accusé de soutenir tacitement l'Etat hébreu malgré les violations du droit international. Des personnalités publiques, dont la star de l'équipe nationale marocaine de football, Hakim Ziyech, ont soutenu ces mouvements de protestation et ont exprimé leur désapprobation envers la politique du gouvernement.
Ces manifestations démontrent l'évolution de l'opinion publique marocaine qui ne veut plus de relations avec Israël. Selon un sondage réalisé entre décembre 2023 et janvier 2024 par le réseau de recherche Arab Barometer, « seuls 13% des Marocains interrogés se disaient encore favorables à ce réchauffement des relations, contre 31% en 2022 et 41 % en 2021 ».
Près de 12 000 manifestations en 2023
Outre le soutien au peuple palestinien, la population marocaine et différentes catégories professionnelles du pays protestent aussi contre la cherté de la vie, la pauvreté et le chômage endémique. Selon le Conseil national des droits humains marocain, le pays avait connu plus de 12 000 manifestations, dont notamment celles en faveur de la Palestine, des protestations d'enseignants et d'autres contre la hausse des prix.
« Le Conseil a surveillé 600 manifestations publiques sur un total de 11 086 manifestations et rassemblements dans la rue principale pour protester contre la hausse des prix et la guerre en Palestine entre autres », a fait savoir Amina Bou Ayach, présidente du Conseil, lors de sa présentation du rapport annuel du Conseil pour l'année 2023. Elle avait recommandé la nécessité d'établir, de manière effective, « un système national de protection des droits économiques et sociaux, surtout ceux liés aux normes minimales de Sécurité sociale telles que les allocations de chômage et d'invalidité et les indemnités d'accident du travail ».
Trafic de drogue aux Pays-Bas : Une organisation marocaine criminelle démantelée à Paris
Un membre jugé important d'une organisation criminelle d'origine marocaine, très active dans la distribution de cocaïne aux Pays-Bas, a été arrêté mardi à Paris à la sortie d'un restaurant, a annoncé la gendarmerie française. L'homme, de nationalité marocaine, âgé d'une trentaine d'années, selon une source proche du dossier, était sous le coup d'un mandat d'arrêt européen délivré par les Pays-Bas. Il a été interpellé par le GIGN, l'unité d'élite des gendarmes, qui était en appui des enquêteurs de la section de recherches de Paris, a ajouté la gendarmerie.
Il était 15h00 quand il a été arrêté à la sortie d'un restaurant dans le nord de la capitale française, sans incident, a-t-on précisé de même source. Considéré par les enquêteurs comme un membre important de la Mocro Maffia, organisation criminelle marocaine très active dans la distribution de cocaïne aux Pays-Bas, il est recherché notamment pour trafic de stupéfiants et production de drogues de synthèse, selon la même source. Il va être présenté à un magistrat qui devrait lui notifier, selon une source proche du dossier, son extradition vers les Pays-Bas.
En février, le baron de la drogue le plus redouté des Pays-Bas, Ridouan Taghi, né au Maroc et ayant grandi aux Pays-Bas, considéré comme le cerveau de la Mocro Maffia, a été condamné à la prison à perpétuité pour une série de meurtres commis par son gang qui ont choqué le pays. Mocro Maffia est l'appellation donnée aux organisations mafieuses marocaines « spécialisées dans le trafic de cocaïne de drogue de synthèse basées aux Pays-Bas et en Belgique ».
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« Féministe, radicale, pour « une révolution pacifique »... : Qui est Clara Brugada, la nouvelle maire de Mexico ?*

Claire Brugada est la nouvelle maire de Mexico. Féministe et « radicale ». Dans son premier discours en tant que cheffe du gouvernement de la capitale, elle a appelé à poursuivre la « révolution pacifique » visant à transformer la société pour « libérer les femmes » et les extraire de « l'esclavage moderne » qui les opprime encore trop souvent.
Par Luis Reygada,
Tiré de L'Humanité, France, 7 octobre 2024
Elle est encore plus « radicale » et féministe que la nouvelle présidente de son pays - Claudia Sheinbaum <https://www.humanite.fr/monde/claud...> – et elle dirige, depuis samedi 5 octobre, une des plus grandes villes au monde. Clara Brugada, issue de l'aile gauche du parti au pouvoir (Mouvement de la régénération nationale), est la nouvelle maire de la vibrante, dynamique, cosmopolite et chaotique Mexico, et de ses 9 millions d'administrés (au cœur d'une mégalopole qui en compte plus du double).
Dans son premier discours en tant que cheffe du gouvernement de la capitale, elle a appelé à poursuivre la « révolution pacifique » visant à transformer la société pour « libérer les femmes » et les extraire de « l'esclavage moderne » qui les opprime encore trop souvent.
Que ce soit en matière de mobilité urbaine, de lutte contre la gentrification, de rénovation des écoles publiques, de système de soin ou encore d'accès à l'eau, les projets sont nombreux pour celle qui a annoncé qu'elle gouvernera « pour toutes et tous, et tout particulièrement pour celles et ceux qui ont le moins ».
*Programmes sociaux, lutte contre les inégalités et pour les services publics*
Clara Brugada a aussi souligné son engagement en faveur de la continuité des programmes sociaux mis en place par l'administration précédente ( sous la direction de Sheinbaum, 2018-2023 <https://www.humanite.fr/monde/elect...> ), notamment en matière de combat contre les inégalités, ainsi que de renforcement des services publics et de lutte contre insécurité ( l'un des résultats les plus notables de sa prédécesseure ).
Pour cela, l'ex-maire d'Iztapalapa, le district le plus peuplé de la capitale mexicaine ( 1,8 million d'habitants, pour une superficie équivalente à celle de la ville de Toulouse ), compte bien reproduire à l'échelle de Mexico le modèle des Utopies, ces centres communautaires de développement social et culturel qui avaient fait le succès de son mandat ( 2018-2023 ) dans cette banlieue autrefois connue pour son taux élevé de criminalité. Brugada en avait érigé 16 à Iztapalapa, elle compte désormais en créer 100 à Mexico.
https://www.humanite.fr/monde/claudia-sheinbaum/mexique-le-maire-de-la-capitale-du-guerrero-decapite
Clara Brugada a annoncé qu'elle gouvernera « pour toutes et tous, et tout particulièrement pour celles et ceux qui ont le moins , le 5 octobre 2025, lors de son premier discours à Mexico
*Une suggestion de lecture de André Cloutier, Montréal, arr. Ville-Marie, district Sainte-Marie, 08 octobre 2024.
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Trumpisme, fascisme et réalités politiques aux Etats-Unis

Donald Trump représente le type de politique qui a profondément transformé les réalités politiques aux États-Unis, le type de politique étiqueté par certains comme « trumpisme ». C'est une étiquette utile qui nous aide à le comprendre, quel que soit ce qui va arriver à Donald Trump, qu'il aille finalement en prison ou bien qu'il reprenne à nouveau les commandes de la Présidence des États-Unis, qu'il vive une nouvelle décennie ou qu'il meure demain, le trumpisme va nous accompagner dans la durée. Avant d'examiner le « trumpisme », arrêtons-nous un moment pour examiner la personnalité avec le nom de laquelle on identifie cet « isme ».
Tiré de Inprecor 725 - octobre 2024
7 octobre 2024
Par Paul Leblanc
Une approche possible de cette tâche implique de se frayer un chemin à travers l'alphabet. En commençant par la lettre « a » – et en écartant les jurons grossiers et insultants – on arrive vite au mot « arrogant » qui convient très certainement à Trump, même si malheureusement il n'est pas le seul dans ce cas.
Les qualités de Donald Trump incluent des dynamiques qui reflètent la bigoterie, l'intimidation et la vantardise (bigot, bully, and braggart). Sa bigoterie est en résonance avec des courants profonds de la culture, des attitudes et de la construction psychologique de millions de gens aux États-Unis. Il a déjà montré que, lorsque cela l'arrange, il peut adopter une position et un ton d'intimidation forçant beaucoup à se soumettre, en intimidant certains et en ravissant d'autres. La vantardise prend diverses formes : l'aspect « fonceur » qui souligne compulsivement ce qu'il a réalisé, mais qui prétend aussi avoir été plus loin et obtenu plus que ce n'est le cas ; le fait pour un homme ignorant de se vanter de son ignorance (« je ne lis pas de livres ») tout en proclamant en savoir beaucoup plus qu'il n'en sait réellement ; le fait d'exagérer l'estime que les gens ont pour lui et de s'attribuer le mérite de réalisations qui ne sont pas les siennes.
On peut aussi ajouter un quatrième mot – milliardaire (billionaire) – ajoutant ainsi du lustre, des ressources et de l'autorité à tout ce qui est déjà inclus dans l'auto-construction narcissique de la personne qu'est Donald Trump.
Concernant la lettre suivante de l'alphabet, on peut noter que par quintessence et avec fierté Trump est un capitaliste… et il y a trente-quatre condamnations criminelles qui conduisent beaucoup à le considérer comme un escroc (crook) !
Trump et le trumpisme
Si l'on saute à une autre lettre de l'alphabet, il y a beaucoup de gens qui insistent sur le fait que Trump est un fasciste. D'autres se demandent s'il est suffisamment consistant et cohérent pour jouer le rôle d'un Mussolini ou d'un Hitler et insistent sur le fait que ce terme n'est pas utile pour définir Trump. Certains ajoutent que le terme « fasciste » est largement devenu un épithète sans signification – une insulte librement utilisée et appliquée aux idées, aux pratiques et aux gens que nous trouvons oppressifs. Trump lui-même utilise ce terme (en le mélangeant à des mots tels « Marxistes », « communistes », « terroristes » et « très mauvaises personnes ») pour désigner ses ennemis tapis dans les cours de justice, au sein des grands médias d'information, du gouvernement ou du Parti démocrate.
Quelle discipline et quelle détermination sont celles de Donal Trump en tant que dirigeant politique ? On peut difficilement le comparer favorablement à un Churchill ou à un Reagan, encore moins à un Mussolini ou à un Hitler. Selon Maggie Haberman, la chroniqueuse du New York Times, « au printemps 2020, il est devenu clair pour ses principaux conseillers que l'impulsion de Trump pour saper les systèmes existants et pour plier les institutions afin de les adapter à ses propres objectifs allaient de pair avec une conduite erratique et des niveaux de colère qui obligeaient les autres à essayer de le maintenir sur la bonne voie quasiment à chaque heure de la journée. » (1)
C'est intéressant de prendre en compte l'expérience de Steve Bannon, l'un des idéologues les plus focalisés à l'extrême droite qui a servi de conseiller principal lors de la première phase de l'administration Trump, telle qu'elle est rapportée par Michael Wolff :
« Une partie de l'autorité de Bannon au sein de la nouvelle Maison Blanche reposait sur le fait qu'il était le gardien des promesses, méticuleusement rappelées sur le tableau dans son bureau. Trump s'est rappelé avec enthousiasme de la réalisation de certaines de ces promesses ; il avait peu de souvenirs de certaines autres, mais était heureux de convenir qu'il avait bien dit cela. Bannon a agi en disciple et a promu Trump en tant que gourou ou en tant que Dieu impénétrable. » (2)
Au fil du temps, Bannon a été gagné par l'exaspération et la désillusion en se rendant compte que les détails de l'agenda « populiste » qu'il avait envisagé étaient entièrement dépendants de l'inattention de Trump et de ses violentes sautes d'humeur ». Ainsi que Bannon l'avait appris depuis longtemps, Trump « se fout complètement de l'agenda ; il ne sait pas ce que c'est que l'agenda ». (3)
On est frappé par les compte-rendu de la soi-disant conférence de presse de Trump, le 31 mai 2024, après ses condamnations pour crimes. Loin d'un appel au clairon provocateur d'extrême droite ou fasciste, « la chose était une sorte de pensum » selon A.O. Scott du New York Times. Scott ajoutait : « Trump n'a jamais été un orateur ordonné ou quelqu'un qui bâtit méthodiquement ses arguments ; il passe d'une idée à l'autre et improvise, se livre à des associations d'idées et se répète, s'éloignant du scenario qu'il a sous la main ». Scott rapporte que « ces manières étaient sobres et curieusement plates : un ressassement du procès, avec peu d'aperçus vers des enjeux politiques plus larges ». Rex Huppke de USA Today était beaucoup moins charitable, le décrivant comme « désordonné, décousu et incohérent », Trump proclamant que les témoins du procès avaient été « littéralement crucifiés », que le Président Joe Biden voulait « vous empêcher d'avoir des voitures » et que le juge qui allait rendre son verdict à son encontre le 11 juin était « réellement un démon ». Hafiz Rashid de la New Republic a eu ce commentaire : « A certains moments, ses paroles étaient difficiles à suivre comme si le premier Président condamné pour crime prenait la tangente avec des phrases sans aucune fin claire. » (4)
Mais ce que l'on peut appeler « trumpisme » transcende les limites personnelles et les disfonctionnements de cet individu vieillissant. Trois éléments essentiels cimentent cette vaste entité à laquelle nous donnons l'étiquette de « trumpisme ».
L'un de ces élément est armé et dangereux : les forces qui se sont rassemblées le 6 janvier 2021 pour envahir le Capitole, parmi lesquelles les Proud Boys, les Gardiens du Serment, certains venus des composantes les plus militantes du Tea Party, les partisans des derniers jours de la vieille Confédération des Etats du Sud, ainsi que différents groupes Nazis ou suprématistes blancs. Le Général des Etats-Unis Mark Milley, qui était alors Président des chefs d'état-major interarmées, a fait la liste de ces groupes dans une note de janvier 2021, avec ce commentaire : « Grande menace : le terrorisme intérieur ». Selon Bob Woodward et Robert Costa du Washington Post « Milley concluait que certains de ces groupes étaient les nouvelles Chemises brunes, une version étatsunienne de l'aile paramilitaire du Parti nazi qui a soutenu Hitler. C'était une révolution planifiée. La vision de Steve Bannon prenait vie. Faîtes tout tomber, faîtes tout exploser, faîtes tout bruler et émergez avec puissance ! ». Ces éléments autrefois marginalisés sont revenus au sein du courant politique dominant, et se sont développés substantiellement avec les encouragements actifs de Donald Trump et de ceux qui sont autour de lui. Et cet individu rusé, avare et profondément limité ainsi que ces acolytes ont été à peine capables de contrôler ces groupes. (5)
On peut trouver un second élément essentiel à la fabrication du trumpisme dans un groupe assez différent d'entités conservatrices et d'individus rassemblés dans le Projet 2025 de la Fondation du Patrimoine. Fondée dans les années 70, la Fondation du Patrimoine a servi de centre de regroupement à des universitaires, des intellectuels et des décideurs politiques conservateurs depuis la Présidence de Ronald Reagan. Sa contribution la plus récente est un ouvrage de 900 pages titré « Mandat pour les dirigeants : la promesse conservatrice » qui est conçue comme un guide d'élaboration des politiques pour une deuxième administration Trump. « Cet ouvrage est le produit de plus de 400 universitaires et experts politiques venus de l'ensemble du mouvement conservateur et de tout le pays. Parmi les contributeurs, on trouve d'anciens élus, des économistes de renommée mondiale, issus de quatre administrations présidentielles. C'est un agenda préparé par et pour des conservateurs afin d'être prêts dès le premier jour de la nouvelle administration à sauver notre pays au bord du désastre ». Cela vaut le coup de noter que Donald Trump n'est en aucune manière la pièce maîtresse de ce document qui fait plutôt référence au « prochain Président conservateur ». Trump est mentionné de façon fréquente et respectueuse, mais la Fondation du Patrimoine, ses collaborateurs et son programme sont conçus comme transcendant ce personnage. (6)
(Il est également intéressant de noter qu'il y a quelques rides étranges dans cette « Promesse conservatrice » dont une apparente surestimation de « la Gauche » combinée avec un emprunt apparent à des idées de gauche, ce qui sera discuté dans la dernière partie de cette analyse).
Dans le trumpisme, le troisième élément essentiel est aujourd'hui le Parti Républicain. Des figures dirigeantes et des responsables – comme c'était le cas pour le courant conservateur dominant dans son ensemble – n'ont pas commencé en tant que supporter de Trump. Un agent républicain compétent, Tim Miller, décrit ainsi ce qui s'est passé : « quand les troubles de Trump ont commencé, il n'y en avait pas un dans nos rangs qui aurait dit qu'ils étaient de son côté. En tant que personne, nous l'avons trouvé gauche, répulsif et en deçà de la dignité que requièrent les responsabilités publiques et nous lui avons adressé un regard arrogant. Nous ne l'avons pas pris au sérieux. Et vous ne nous auriez pas vus avec ces casquettes de baseball d'un rouge criard ».
Mais d'abord progressivement et ensuite brusquement, nous avons pratiquement tous décidé d'y aller. Les mêmes gens qui, en privé, incendiaient Donald Trump comme une menace d'incompétence, soutenaient ses conneries rances en public lorsqu'il le fallait. Et ils ont continué à le faire même après que la foule qu'il a convoquée ait souillé le parti, nos idéaux et les salles du Capitole avec leur merde7 .
Miller nous offre une vue de l'intérieur du terrible cynisme qui a imprégné la direction du Parti républicain et qui a contribué au triomphe de Trump en son sein. Considérant l'arène politique comme un « grand jeu » à travers lequel – en gagnant – elle « s'octroyait elle-même le statut de service public, la classe dirigeante républicaine a abandonné à leur sort ceux qu'elle manipulait et elle s'est sentie de plus en plus à l'aise avec l'utilisation de tactiques qui les enflammaient et les retournaient contre leurs semblables ».
Miller et d'autres agents « avançaient des arguments auxquels personne parmi nous ne croyait » et « faisaient que des gens se sentaient lésés à propos de questions que nous n'avions ni l'intention ni la capacité de résoudre ». Il reconnaît qu'un racisme tranquille et non reconnu a été souvent utilisé. Et « ces tactiques ne sont pas seulement devenues incontrôlées : elles ont été suralimentées par l'écosystème médiatique de droite avec lequel nous couchions et qui avait ses propres pulsions néfastes, avalant des clicks et des images avec rage, bousculant tout sans aucune intention de fournir quelque chose qui pourrait apporter de la valeur dans la vie des gens ordinaires ».
Miller conclut : « en quoi est-ce une surprise qu'un charlatan qui a passé plusieurs décennies à duper les masses afin qu'elles rejoignent ses systèmes pyramidaux et qu'elles achètent ses produits merdiques puisse exceller dans un environnement pareil ? Quelqu'un qui possède en propre une plateforme de médias et un instinct reptilien pour la manipulation ? Quelqu'un qui n'hésite pas à dire tout fort ce qui devrait rester discret ? ». (8)
« Donald Trump ne peut pas réussir seul » analyse Liz Cheney « il dépend de ses facilitateurs et de ses collaborateurs ». Cheney qui a été toute sa vie une Républicaine conservatrice et une ancienne représentante du Wyoming au Congrès qui a résisté – avec plus d'obstination que la plupart – aux efforts de Trump pour intimider le Parti Républicain et le forcer à le soutenir, finit par déplorer que « la plupart des Républicains du Congrès feront globalement ce que Donald Trump leur demandera, quel que soit ce qu'il leur demandera… Je suis très triste de constater que l'Amérique ne peut plus compter sur un corps d'élus républicains pour protéger notre République ». (9)
Tim Miller en identifie les raisons psychologiques en discutant avec un de ses amis . Il conclut : « Caroline a été aspirée par la secte. Elle est aspirée par la secte. Elle est obsédée par Trump, elle l'adore, aussi étrange que cela paraisse. » Il y voit une dimension très sombre : « c'est une adepte masochiste qui ressent le besoin d'être testé, abusé et forcé de prouver encore, encore et toujours qu'elle mérite l'amour du leader ». (10)
Adam Kinzinger, un ancien représentant de l'Illinois au Congrès, reflète la psychologie de certains de ces collègues dans ce commentaire : « bien plus que la mort, ils craignent d'être expulsés de la tribu et ils craignent de perdre leur identité ». La tribu, c'est le Parti républicain et c'est pareil pour l'identité « vous allez perde votre identité comme membre du Congrès ». (11) Selon Liz Cheney, « l'amour du pouvoir est tellement fort que des hommes et des femmes qui paraissaient autrefois raisonnables et responsables sont soudainement devenus désireux de violer leur serment sur la Constitution par opportunisme politique et loyauté envers Donald Trump ». (12)
Bien sûr, le Parti Républicain possède une histoire longue et complexe. Comme dans le cas d'autres éléments du trumpisme, elle n'a pas commencé avec Trump et ne finira pas avec lui. On le créditera d'avoir joué un rôle important en aidant à rassembler tous ces éléments mais, indépendamment de ce qui va arriver à Trump, le phénomène plus large qu'est le « trumpisme » sera avec nous encore pour quelque temps à venir.
Fascisme du passé… et fascisme en devenir
Une chose de plus. Nous traitons d'un phénomène global noté par de nombreux observateurs différents – incluant des mouvements puissants et, parfois, des gouvernements dans un large éventail de pays (Argentine, Brésil, France, Grèce, Hongrie, Inde, Italie, Russie, Turquie, Etats-Unis et d'autres encore). Une combinaison de termes décrit ce qui se passe - populisme de droite, ultranationalisme autoritaire et xénophobe, etc. – en indiquant son contenu complexe. Le mot « fascisme » est parfois utilisé, mais le terme quasi-fascisme semble plus approprié. Le préfixe « quasi » signifie que « cela y ressemble » ou que « cela en a certains traits, mais pas tous ». Dans les circonstances actuelles, le terme quasi-fascisme peut être compris comme « fascisme en devenir ».
Le fascisme a beaucoup été analysé et débattu – parmi les universitaires aussi bien que parmi les théoriciens et les militants de gauche. Nous allons ici nous restreindre à aborder les premières explorations faîtes en 1923 par Clara Zetkin (une camarade proche de Rosa Luxemburg et une pionnière du communisme allemand), suivies des commentaires écrits en 1940 par Léon Trotski.
On peut juger de la qualité globale de ses développements par la phrase d'introduction de l'analyse de Clara Zetkin en 1923 : « le fascisme est l'expression concentrée de l'offensive qu'a entreprise la bourgeoisie mondiale contre le prolétariat ». (13) On devrait rappeler que « expression concentrée » particulière n'a pas été adoptée par l'entièreté de la classe capitaliste – de larges secteurs de la bourgeoisie britannique ont, par exemple, préféré soutenir Neville Chamberlin ou Winston Churchill plutôt que Oswald Mosley et aux Etats-Unis certains éléments de la classe capitaliste ont aidé à fabriquer le programme du New Deal présenté par Franklin D. Roosevelt. Mais on ne peut pas comprendre les réalités de cette époque ou de la nôtre sans prendre en compte la dimension globale mise en lumière par Zetkin.
Cette dimension globale est indispensable d'un autre aspect de la réalité que Zetkin identifie comme la racine primaire du développement du fascisme : « la désintégration et la pourriture de l'économie capitaliste et le symptôme de la dissolution de l'État bourgeois ». Elle ajoute que « l'on pouvait observer les symptômes de cette pourriture du capitalisme avant même la Première Guerre Mondiale ». Mais cette guerre catastrophique « a ébranlé les fondations de l'économie capitaliste ». Ce qui en a résulté n'est « pas seulement l'appauvrissement colossal du prolétariat mais aussi… la misère profonde de la petite bourgeoisie, des petits paysans et des intellectuels ». Comme le note Zetkin « on leur avait promis à tous que la guerre apporterait une amélioration de leurs conditions matérielles. Mais c'est exactement le contraire qui s'est produit » avec non seulement les dévastations de la guerre, mais aussi une prolétarisation soudaine et massive combinée au chômage de masse au sein des « anciennes couches moyennes ». Elle souligne : « c'est parmi ces éléments que le fascisme a recruté un contingent considérable ». (14)
Selon Zetkin, « la seconde racine du fascisme est le retard de la révolution mondiale à cause de la trahison des dirigeants réformistes ». Elle fait ici référence aux partis de masse sociaux-démocrates et aux syndicats. Cela vaut la peine de regarder en profondeur ce qu'elle décrit : « des larges secteurs de la petite bourgeoisie et même des couches moyennes ont abandonné leur psychologie de guerre pour une certaine sympathie envers le socialisme réformiste, espérant que ce dernier apporterait une réforme de la société selon des principes démocratiques. Leurs espoirs ont été déçus. Ils ont pu alors voir que les dirigeants réformistes avaient un accord bienveillant avec la bourgeoisie, et le pire est que les masses en ont perdu la foi non seulement envers les dirigeants réformistes mais aussi envers le socialisme dans son ensemble. Ces masses de sympathisants socialistes déçus sont rejointes par de larges couches du prolétariat, de travailleurs qui n'ont pas seulement perdu la foi dans le socialisme mais aussi dans leur propre classe. Le fascisme est devenu une sorte de refuge pour sans abri politiques. » (15)
Ceci fournit le cadre analytique de la compréhension du fascisme qui est celle de Clara Zetkin. Elle met un point d'honneur à distinguer le fascisme de la violence autoritaire de droite telle que celle qui est employée par les forces autour du dirigeant militaire réactionnaire Miklós Horthy qui ont sauvagement réprimé les travailleurs socialistes et communistes hongrois en 1919 et remplacé un gouvernement ouvrier avorté par une dictature de droite.
Zetkin insistait sur le fait que ce n'était pas le fascisme : « bien que les deux aient des méthodes similaires, ils sont différents dans leur essence ». Elle expliquait : « La terreur de Horthy a été mise en place après que la victoire du prolétariat, certes de courte durée, ait été annihilée. C'était l'expression de la vengeance de la bourgeoisie. Les meneurs de la Terreur Blanche était une clique relativement peu nombreuse d'anciens officiers ». Par contraste, « le fascisme n'est pas la revanche de la bourgeoise en représailles à une agression du prolétariat contre la bourgeoisie, mais c'est une punition infligée au prolétariat pour avoir échoué à poursuivre la révolution (socialiste) commencée en Russie. Les dirigeants fascistes ne constituent pas une caste limitée et exclusive, ils incluent de larges éléments de la population. » (16)
Zetkin offre une compréhension complexe et étendue de la signification du fascisme : « la bourgeoisie veut reconstruire l'économie capitaliste. Sous les circonstances présentes, la reconstruction de la domination de classe de la bourgeoisie ne peut être menée à bien qu'au prix d'une exploitation accrue du prolétariat par la bourgeoisie. La bourgeoisie est tout à fait consciente que les socialistes réformistes qui parlent doucement sont en train de perdre rapidement leur emprise sur le prolétariat et qu'il n'y aura pas d'autre issue pour la bourgeoisie que de recourir à la violence contre le prolétariat. Mais, pour les Etats bourgeois, les moyens de la violence commencent à manquer. Ils ont donc besoin d'une nouvelle organisation de la violence et cela leur est offert par le conglomérat du fatras fascistes. Pour cette raison, la bourgeoisie met toutes les forces à sa disposition au service du fascisme. Le fascisme a des caractéristiques différentes dans les différents pays. Néanmoins il a deux caractéristiques distinctives dans tous les pays, à savoir le prétexte d'un programme révolutionnaire intelligemment adaptés aux intérêts et aux revendications des larges masses, et d'autre part l'application de la violence la plus brutale. » (17)
L'analyse de Clara Zetkin est devenue influente au sein de l'Internationale Communiste, même si cette dernière a été progressivement frelatée, dogmatisée et diluée au cours des années qui s'étendent de 1923 jusqu'à la dissolution du Komintern en 1943. Mais c'est clairement évident dans les efforts de Léon Trotski à la fin de sa vie pour résumer l'essentiel de sa discussion de 1940 sur les perspectives politiques aux Etats-Unis. L'essentiel pour les révolutionnaires – c'est le titre de l'un des chapitres du document – tient en huit mots : « le fascisme n'adviendra que si nous échouons ». Mais, bien sûr, Trotski avait d'autres choses à dire. Deux citations suffiront donc. Voici la première : « dans tous les pays où le fascisme a été victorieux, avant la montée du fascisme et sa victoire, nous avons eu une vague de radicalisation des masses ; des travailleurs, des paysans pauvres et des fermiers, et de la classe petite-bourgeoise. En Italie après la guerre et avant 1922, nous avions une vague révolutionnaire aux dimensions formidables ; l'État était paralysé, la police n'existait pas, les syndicats pouvaient faire ce qu'ils voulaient. Mais il n'y avait pas de parti capable de prendre le pouvoir : le fascisme est venu en réaction ». (18)
Et voici la seconde citation : « nous ne devons pas identifié la dictature militaire – la dictature de la machine militaire, de l'état-major, du capital financier – avec la dictature fasciste. Pour cette dernière, il est nécessaire qu'il y ait un sentiment de désespérance de larges masses du peuple. Quand les partis révolutionnaires les trahissent, quand l'avant-garde des travailleurs montre son incapacité à mener le peuple à la victoire, alors les fermiers, les petits entrepreneurs, les chômeurs, les soldats deviennent capables d'apporter leur soutien à un mouvement fasciste, mais seulement dans ces circonstances ». (19)
Aux États-Unis, le fascisme décrit par Zetkin et Trotski ne s'est pas cristallisé, mais l'on peut argumenter de façon plausible que les éléments convergents du trumpisme représentent un fascisme en devenir.
Le Pouvoir, l'échec et l'avenir de la Gauche aux Etats-Unis
Il y a des énigmes à résoudre. L'une concerne précisément de savoir comment les perspectives indiquées par Zetkin et Trotski s'appliquent aux réalités des Etats-Unis. L'autre concerne les « quelques rides étranges » du document « Promesse conservatrice » pour 2025 de la Fondation du Patrimoine. En résolvant ses énigmes, avec un peu de chance, nous aurons une meilleure idée des réalités politiques des États-Unis, ainsi que de la puissance, des échecs et de l'avenir possible de la gauche américaine.
Nous avons déjà noté les dimensions globales de la question que nous traitons, ce qui n'est pas moins le cas aujourd'hui que ce n'était vrai à l'époque de Zetkin et Trotski. Plus que cela, nous voyons également, pour notre époque comme pour la leur, une crise du capitalisme qui dure depuis plusieurs décennies et a engendré des politiques capitalistes préjudiciables au niveau de vie et à la qualité de vie de millions de travailleurs dans de nombreux pays, dont le nôtre, en fait une restructuration de longue durée de l'économie associée à la mondialisation. Sont également mis en évidence les impacts catastrophiques de la dégradation globale de l'environnement aussi bien que la violence impérialiste sur de nombreux fronts.
D'un autre côté, au moins superficiellement, la gauche organisée (qu'elle soit dirigée par des partis socialistes ou communistes, des syndicats militants, ou d'autres) est très loin de présenter une menace révolutionnaire ou même d'assure une présence crédible, au moins dans la patrie de Donald Trump, les États-Unis d'Amérique. Cela fait que le document « la Promesse conservatrice » de la Fondation du Patrimoine semble être un exercice absurde, alarmiste et calomnieux lorsque (dans le même souffle que ses reproches au Parti Démocrate) il fait tout un raffut sur « la Gauche » et « les Marxistes ».
La promesse apparente de Trotski était que nous aurions une chance de faire une révolution avant que la menace du fascisme ne devienne sérieuse. C'est ainsi que beaucoup d'entre nous avaient compris l'assertion brute : « le fascisme n'adviendra que si nous échouons ». La possibilité que le trumpisme se métamorphose en fascisme serait ainsi exclue. Mais cela implique un grave malentendu à propos de notre histoire qui correspond d'une manière univoque aux développements décrits par Zetkin et Trotski. Dans un sens tout à fait important, les conservateurs alarmistes de la Fondation du Patrimoine ont raison.
Au cours du siècle passé, la gauche organisée a eu un puissant impact et a influencé les politiques, les législations, la conscience et la culture au sein des États-Unis. Le mouvement ouvrier, les vagues féministes, le mouvement antiraciste et pour les droits civiques, les combats contre la guerre du Vietnam, les différents mouvements étudiants et d'autres encore – déterminant pour apporter des changements profonds sur la scène américaine pendant plusieurs décennies – n'auraient pas été aussi efficaces (et n'auraient peut-être pas vus le jour) sans les efforts essentiels d'organisation des militants de gauche.
Cependant, cela s'est accompagné d'un autre développement. Bien qu'un élément significatif pour les militants de gauche soit l'insistance mise sur l'indépendance vis-à-vis des partis politiques pro-capitalistes, cela a été largement soumis à l'emprise d'une tendance profonde à l'adaptation. Lors de la Décennie Rouge des années 30, la convergence entre des forces d'état d'esprit socialiste et un libéralisme social quelque peu expansif s'est accélérée, lorsque le Parti Démocrate sous la direction de Franklin D. Roosevelt (FDR) a « volé » de nombreux éléments de réformes du programme socialiste. Cela s'est fait, comme FDR le soulignait avec insistance, pour sauver le capitalisme durant les années de colère de la Dépression mais aussi afin d'assurer la popularité constante de FDR et son élection. Au-delà de cela, le cœur de la gauche organisée a été absorbée au sein de la coalition du New Deal. (20)
En un demi-siècle, six épisodes-charnière ont rendu l'absorption de la Gauche organisée dans le Parti démocrate presque complète.
Épisode n° 1 : le mouvement syndical des années 30 – en particulier le nouveau Congress of Industrial Organizations (CIO) dont la dynamique penchait à gauche – a constitué une alliance solide avec les Démocrates du New Deal de FDR.
Épisode n° 2 : la décision de 1935 de l'Internationale Communiste dirigée par Joseph Staline de constituer des alliances de « Front populaire » avec des libéraux capitalistes comme FDR a conduit les dynamiques communistes des Etats-Unis à rejoindre la coalition du Parti Démocrate.
Épisode n° 3 : au début de la Guerre Froide, le cœur du mouvement ouvrier organisé (de concert avec la plupart des socialistes modérés) a adhéré à l'agenda anti-communiste et capitaliste libéral du Parti Démocrate, ce qui a conduit à un large « pacte social » et à un consensus libéral capitaliste, depuis la fin des années 40 et au cours des années 50.
Épisode n° 4 : la coalition pour les droits civiques du début des années 60 a été profondément imbriquée avec le parti de John F. Kennedy et Lyndon B. Johnson.
Épisode n° 5 : au cours des années 70 et 80, la plupart des partisans de la « nouvelle gauche » des années 60 se sont engagés dans l'aile réformiste du Parti Démocrate.
Épisode n° 6 : à l'orée du vingt-et-unième siècle, de nouvelles vagues de jeunes militants ont rejoint des couches plus âgées - dans le cadre de promesses radicales et d'espoirs grandissants – pour porter Barak Obama à la Maison Blanche.
Depuis le début du vingtième siècle, la gauche organisée avait été une force dynamique d'une importance considérable aux États-Unis. Au sein des travailleurs et des opprimés, elle a mobilisé dans de réels combats et remporté d'authentiques victoires. Elle a inspiré l'espoir pour de nouveaux combats qui feraient avancer les droits humains, améliorerait la vie de la majorité de la classe ouvrière et donnerait naissance à un monde meilleur. Et bien sûr elle a inspiré la peur et la rage des riches et des puissants.
À la fin du siècle, à travers le processus que nous avons retracé, la Gauche organisée s'est largement évaporée. On peut retrouver dans le Parti démocrate quelques-uns des discours de la Gauche, beaucoup de ses valeurs et une grande partie de son programme de réformes (souvent sous une forme édulcorée). Mais un engagement sincère et pratique à remplacer la dictature économique du capitalisme par la démocratie économique du socialisme n'était plus à l'ordre du jour. Néanmoins, parmi les riches et les puissants, il y en avait toujours qui ressentaient de la peur et de la rage ainsi qu'une détermination profonde à rattraper le terrain perdu. (21)
Les analyses de Zetkin et Trotski doivent être adaptées à un contexte assez différent. « Les socialistes réformistes qui parlent doucement vont perdre rapidement leur emprise sur le prolétariat » selon Zetkin dans les années 20, en particulier parce que « les dirigeants réformistes ont un accord bienveillant avec la bourgeoisie ». Un siècle plus tard, aux États-Unis, une « avant-garde de la classe ouvrière » hautement compromise au sein des syndicats (AFL-CIO) et l'aile « progressiste » du Parti Démocrate a sans doute montré « son incapacité à mener le peuple à la victoire ». Les partenaires capitalistes des réformistes – si généreux au début – se sont sentis obligés de restructurer l'économie au détriment de la classe ouvrière et les réformistes se sont sentis capables de faire un peu plus que de s'adapter. Lorsque les entreprises « trop grandes pour faire faillite » ont provoqué l'effondrement de l'économie en 2008-2009, le réformiste radical nouvellement élu, Barak Obama, s'est dépêché de renflouer l'élite des entreprises au détriment de la majorité de la classe ouvrière. Dans une telle situation – alors que la sécurité, la stabilité et la qualité de vie laissaient la place à la catastrophe économique et sociale – des masses de gens qui avaient été désillusionnés par cette variante de la soi-disant Gauche étaient inévitablement enclines à chercher des solutions parmi les démagogues de droite.
Les démagogues peuvent être grossiers comme Trump, mais ils peuvent être policés comme la Fondation du Patrimoine. Cela nous conduit à une autre ride bizarre du document « La Promesse conservatrice ». Nous avons vu la logique de sa « surestimation » de la Gauche. Mais plus d'une fois, ce document ressemble à une note apparemment de gauche, comme dans cette description radicalement lumineuse de la Révolution américaine :
« La République américaine a été fondée sur des principes qui donnaient la priorité et maximisaient les droits des individus à vivre leur meilleure vie possible et à profiter de ce que les Pères fondateurs appelaient « les Bénédictions de la Liberté ». C'est cette égalité radicale – la liberté pour tous – pas seulement l'égalité des droits mais l'égalité de l'autorité – que les riches et les puissants haïssent dans la démocratie en Amérique depuis 1776. Ils n'aiment pas l'audace des Américains dans leur insistance à dire que nous n'avons pas besoin d'eux pour nous dire comment vivre. C'est ce droit inaliénable à l'autonomie – l'opportunité pour chaque personne de se comporter lui-même ou elle-même, pour sa communauté, pour le bien – que dédaigne la classe dominante ». (22)
Cette note apparemment de gauche résonne encore et encore : « les élites dirigeantes ont sabré et déchiré les contraintes et la responsabilité qui leur sont imposées » nous dit-on « ils concentrent le pouvoir en haut et loin du peuple américain ». La Promesse conservatrice adopte le ton qui est celui de nombreux agitateurs de gauche : « les élites de l'Amérique de la politique et des affaires ne croient pas aux idéaux sur lesquels notre nation a été fondée, l'autogouvernement, le règne de la loi, la liberté dans l'ordre. À coup sûr, ils ne font pas confiance au peuple américain et dédaigne les restrictions mises par la Constitution à leurs ambitions. » Profitant du fait que beaucoup parmi la soi-disant Gauche s'étaient regroupés avec le libéralisme pro-capitaliste de l'élite du Parti Démocrate, le document proclame que « les socialistes… sont presque toujours des gens aisés » en insistant sur le fait que « le Gauche ne croit pas que tous les hommes ont été créés égaux – ils pensent qu'eux sont spéciaux » et en ajoutant « à chaque moment où la Gauche dirige des politiques fédérales et des institutions d'élite, notre souveraineté, notre Constitution, nos familles et notre liberté sont sur le point de disparaître. 23)
En dépit de la floraison radicale-démocratique de La Promesse Conservatrice, le résultat net est cependant la défense d'un capitalisme effrénée. Le premier objectif du Président des Etats-Unis, on nous le dit, devrait être de libérer « le génie dynamique de la libre entreprise » parce que dans les pays où existe « un haut degré de liberté économique, les élites ne sont pas aux responsabilités parce que tout le monde est aux responsabilités ». Selon La Promesse Conservatrice, l'élitisme, la corruption, l'avidité et le mépris envers les gens ordinaires qui prévalent dans la sphère politique seraient miraculeusement absents de la sphère économique. La « libre entreprise » capitaliste est naturellement merveilleuse : « les gens travaillent, construisent, investissent, épargnent et créent en fonction de leurs intérêts et au service du bien commun de leurs concitoyens ». (24)
A partir de certaines choses que La Promesse Conservatrice dit et à partir de ce qu'elle ne dit pas, on peut supposer que les auteurs de ce document accueilleraient avec bienveillance tout soutien à la réalisation de cette vision lumineuse qui pourrait lui être apporté par les forces qui le 6 janvier 2021 se sont mobilisées pour maintenir Donald Trump au pouvoir : les Proud Boys, les Gardiens du Serment, les milices de droite, les contingents du nationalisme blanc, etc.
Il est définitivement certain que la situation actuelle recèle un potentiel, dont certains éléments se cristallisent sous nos yeux. Que cette cristallisation soit ou non achevée, il semble clair que la Gauche a besoin d'emprunter un chemin différent que celui qui consiste à être piégée dans l'accommodation avec le capitalisme, particulièrement dans une époque de longue durée de crise capitaliste et de catastrophe. Les révolutionnaires feront ce qu'ils peuvent pour reconstruire et refonder une orientation, un ensemble de combats, un mouvement et une organisation cohérents avec les apports de Clara Zetkin et de Rosa Luxemburg, de Léon Trotski et de Vladimir Lénine, et de beaucoup d'autres qui ont reconnu que nous sommes confrontés au choix fatidique entre le socialisme authentique et l'horrible barbarie.
Des crises sous-jacentes, des oppressions profondes et des explosions de rage réprimées ont périodiquement conduit à d'étonnantes explosions militantes, comme le mouvement Occupy Wall Street ou le soulèvement Black Lives Matters faisant basculer qualitativement les réalités politiques vers la gauche. Cela a donné de l'énergie et accru le nombre de ceux qui se situent dans la Gauche militante. Bien entendu, ces développements ont également et inévitablement approfondi la peur et accru la détermination de ceux qui se situent à droite ; rien ne peut arrêter cela. Les partisans du trumpisme utiliseront toujours de tels évènements pour leurs propres objectifs.
Le problème est que les énergies et la rage de masse orientées à gauche – qui ne peuvent pas être maintenues indéfiniment – n'ont nulle part où aller une fois que la poussière retombe sinon dans deux directions : ou bien la quiétude apathique ou bien les voies réformistes. Ces voies sont compromises par le libéralisme des grandes entreprises et ont prouvé leur incapacité à transcender le système économique qui engendre les crises, les oppressions et la rage. Ce qui est à l'ordre du jour est la création de quelque chose de meilleur et de plus efficace que cela. (25)
Publié par ESSF le Samedi 8 juin 2024
Traduit par François Coustal.
Notes
1. Penguin Books, 2022), p. 429.
2. Michael Wolff, Fire and Fury ; Inside the Trump White House (New York ; Henry Holt and Co., 2018), pp. 115-116.
3. Michael Wolff, Siege ; Trump Under Fire (New York ; Henry Holt and Co., 2019), p. 29.
4.
5. Bob Woodward and Robert Costa, Peril (New York ; Simon and Schuster, 2021), pp. 273-274 ; Matt Prince, “What is President Trump's Relationship with Far-Right and White Supremacist Groups ?,” Los Angeles Times, Sept. 30, 2020. Aram Roston, “The Proud Boys Are Back ; How the Far-Right is Rebuilding to Rally Behind Trump,” Reuters, June 3, 2024.
6. Spencer Chretien, “Project 2025,” The Heritage Foundation, Jan. 31, 2023. Project 2025 - The Presidential Transition Project ; Policy Agenda, qui comprend un texte Paul Dans and Steven Groves, ed., Mandate for Leadership ; The Conservative Promise. Pour des évaluations critiques, lire E. Fletcher McClellan, “A Primer on the Chilling Far-Right Project 2025 Plan for 2nd Trump Presidency,” Lancasteronline, June 3, 2024. Global Project Against Hate and Extremism, “Project 2025 ; The Far-Right Playbook for American Extremism”. La citation décrivant qui a composé le document du Projet 2025 se trouve dans Mandate for Leadership ; The Conservative Promise, pp. 2-3.
7. Tim Miller, Why We Did It ; A Travelogue from the Republican Road to Hell (New York ; Harper, 2022), p. xii.
8. Miller, p. xx.
9. Liz Cheney, Oath and Honor ; A Memoir and a Warning (New York ; Little Brown and Co., 2023), pp. 2, 366.
10. Miller, p. 245.
11. “Former Rep. Kinzinger Reflects on GOP and Future of Democracy in ‘Renegade,'” (interview avec Geoff Bennett), PBS News Hour, Nov. 1, 2023.
12. Cheney, p. 2.
13. Clara Zetkin, “Fascism (August 1923),” Marxist Internet Archive.
14. Zetkin, “Fascism”.
15. Zetkin, “Fascism”.
16. Zetkin, “Fascism”.
17. Zetkin, “Fascism”.
18. Léon Trotski, “American Problems” (August 7, 1940), Writings of Leon Trotsky, 1939-1940 (New York ; Pathfinder Press, 1973), p. 337.
19. Trotski, “American Problems”, p. 338.
20. On peut trouver des détails et des références sur la Décennie Rouge dans Paul Le Blanc, Marx, Lenin, and the Revolutionary Experience ; Studies of Communism and Radicalism in the Age of Globalization (New York ; Routledge, 2006), pp. 153-198, avec des aspects sur les années suivantes qui sont abordés pages 221 à 258.
21. Ceci est retracé dans Kim Phillips-Fein, Invisible Hands ; The Making of the Conservative Movement from the New Deal to Reagan (New York ; W.W. Norton 2009), résumé dans Paul Le Blanc, “The Triumphant Arc of US Conservatism”, Left Americana ; The Radical Heart of US History (Chicago ; Haymarket Books, 2017), pp. 179-186.
22. Mandate for Leadership ; The Conservative Promise, p. 14.
23. Mandate for Leadership ; The Conservative Promise, pp. 8, 10, 15, 16.
24. Mandate for Leadership ; The Conservative Promise, pp. 14, 15.
25. International Journal of Socialist Renewal, August 13, 2019 ; Paul Le Blanc, “The Rise, Fall, and Aftermath of the Sander Challenge,” Irish Marxist Review, Volume 9, Number 27, 2020 ; Paul Le Blanc, Lenin ; Responding to Catastrophe, Forging Revolution (London ; Pluto Press, 2023), pp. 177-186.
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USA : l’élection de tous les dangers

Le peuple américain se rendra aux urnes le 5 novembre pour élire le président des États-Unis – certains dans quelques États auront déjà pu voter plus tôt – et choisir entre l'ancien président Donald Trump, le leader autoritaire de ce qui est devenu un parti républicain d'extrême droite et la vice-présidente Kamala Harris, une démocrate quelque peu progressiste, qui s'est maintenant déplacée vers la droite, est devenue une modérée, et qui continue de soutenir Israël inconditionnellement, malgré sa guerre génocidaire contre la Palestine. L'élection présente plusieurs dangers connexes, d'une victoire de Trump qui pourrait mettre fin à la démocratie américaine à une élection serrée qui pourrait entraîner des manifestations violentes et peut-être une autre tentative de coup d'État et puis aussi le danger que si Harris gagne elle soit incapable de maintenir les États-Unis en dehors d'une guerre au Moyen-Orient qui s'élargit. Nous y reviendrons plus loin.
Tiré de Entreleslignesentre les mots
8 octobre 2024
Par Dan La Botz
Les deux candidats sont statistiquement à égalité dans les sondages en ce qui concerne le nombre total de voix, mais pour gagner l'élection, un candidat doit remporter non pas la majorité du vote populaire, mais la majorité du vote du collège électoral. Dans cette compétition, l'essentiel est de gagner les « swing states », c'est-à-dire les États qui ne sont pas déterminés par un parti ou un autre et qui pourraient voter soit pour les républicains, soit pour les démocrates. Il y a trois millions d'électeurs indécis dans ces États, mais l'élection sera décidée par quelques centaines de milliers ou même seulement quelques dizaines de milliers d'électeurs ambivalents ou jusqu'à présent indécis dans ces États. Toute l'attention, l'argent et les plans de voyage des candidats sont concentrés sur l'obtention de ces votes.
La campagne électorale se déroule dans un climat de violence. Il y a eu deux tentatives d'assassinat de Trump et des coups de feu ont été tirés dans un bureau de campagne de Harris à Tempe, en Arizona. Quarante pour cent des fonctionnaires électoraux, ceux qui gèrent les bureaux de vote ou comptent les voix, ont été menacés ou harcelés.
Trump fait campagne en grande partie sur l'économie, qui comprend le coût élevé de la vie, les impôts et le commerce extérieur et il promet d'arrêter l'inflation croissante, de réduire les impôts et d'améliorer le commerce extérieur grâce à d'énormes droits de douane – 10, 20, 50% – sur les produits importés. Mais lors de ses rassemblements et de ses interviews, il n'explique guère comment sa politique économique fonctionnera et les économistes de tous bords affirment que les droits de douane pourraient détruire l'économie américaine et peut-être même l'économie mondiale.
Plus récemment, Trump, lors d'un rassemblement, a promis une « renaissance manufacturière », en attirant les investissements étrangers, en créant des zones manufacturières, en réduisant les impôts et en éliminant les réglementations environnementales. Et donc en « volant » des millions d'emplois dans d'autres pays.
La plupart du temps, cependant, Trump, dans ses rassemblements de milliers de personnes, s'insurge contre ce qu'il appelle une invasion d'immigrants qui, selon lui, sont des « animaux », de la « vermine » et « empoisonnent le sang de notre pays ». Il prétend que les immigrants sont des criminels issus des prisons et des asiles d'aliénés du monde entier, qu'ils ont envahi et pris le contrôle de certaines villes et qu'ils « détruisent le tissu de notre pays ». C'est pourquoi il dit que la criminalité est en baisse dans d'autres pays mais en hausse dans le nôtre bien qu'en fait la criminalité soit en baisse aux États-Unis. Ses affirmations selon lesquelles les immigrants sont des criminels et des malades mentaux et selon lesquelles les taux de criminalité sont en hausse aux États-Unis sont toutes les deux fausses. Plus récemment, il a affirmé que les Haïtiens avaient pris le contrôle de la ville de Springfield, dans l'Ohio, et qu'ils mangeaient les chats, les chiens, les animaux domestiques et les oies de cette ville, affirmations pour lesquelles des responsables, du maire au gouverneur de l'État, ont déclaré qu'elles n'étaient absolument pas fondées. Le fils de Trump, Donald Jr, a déclaré que les Haïtiens avaient un QI inférieur à celui des autres personnes. Trump a promis que les services de l'immigration et la Garde nationale seraient utilisés – en violation de la loi actuelle – pour rassembler des millions d'immigrés, les placer dans des camps de concentration et les expulser vers leur pays d'origine. Et, dit-il, il commencera par Springfield.
Une nation divisée de fond en comble
Qui soutient ce démagogue réactionnaire et raciste ? La base de Trump, Make America Great Again (MAGA), est composée en grande majorité de Blancs employés par des petites et moyennes entreprises – avocats, agents immobiliers, propriétaires de magasins, vendeurs, cadres moyens d'entreprise, etc. – et vivant dans les banlieues ou les zones rurales (Chris Dite, Jacobin, 16 avril 2024). Un pourcentage élevé de travailleurs blancs généralement définis par les sondages comme ceux qui n'ont pas fait d'études supérieures soutiennent également Trump, bien qu'il ait perdu le soutien de certains d'entre eux récemment. Il a également gagné le soutien de certains hommes noirs et latinos. De nombreux trumpistes sont des chrétiens évangéliques qui, quel que soit son comportement personnel, voient en Trump un défenseur de leur foi, un fervent opposant à l'avortement, un antigay et un anti-trans. Dieu se sert de lui, disent-ils. Plus de la moitié des pasteurs protestants disent qu'ils voteront pour Trump, un quart est pour Harris, et près d'un quart est indécis (Aaron Earls, Christianity Today, 17 septembre 2024). Certains partisans de Trump sont des adeptes de Q-Ânon et croient qu'une cabale de pédophiles dirige le pays et se livre au trafic sexuel d'enfants. Les fabricants d'armes soutiennent Trump, tout comme la National Rifle Association qui l'a soutenu en raison de ses promesses de lutter contre le contrôle des armes à feu.
Qu'en est-il des grandes entreprises ? Soutiennent-elles Trump ?
La classe capitaliste américaine, historiquement divisée entre les deux partis, les soutient souvent tous les deux à des degrés différents, et les capitalistes passent fréquemment d'un camp à l'autre, ce qui modifie l'équilibre. Après la « révolution » conservatrice du président Ronald Reagan, le Parti républicain s'est mis à la disposition des entreprises. Trump, malgré ses discours populistes contre les élites, a également servi les grandes entreprises et les riches, en réduisant leurs impôts, en supprimant les réglementations et en entravant les syndicats. Et il promet d'accentuer cette ligne lors de son prochain mandat. Lors d'une réunion avec des cadres pétroliers en mai de cette année, par exemple, il leur a dit que s'ils lui donnaient un milliard de dollars pour revenir à la Maison Blanche, il se débarrasserait des réglementations environnementales de Biden.
Les grandes entreprises et les très riches sont comme toujours divisés, certaines soutenant Trump et d'autres Harris, bien qu'elle ait fait mieux que lui. Selon leurs déclarations officielles faites au gouvernement, au 21 septembre, la campagne de Harris et le Comité national démocrate abordent les deux derniers mois de l'élection de 2024 avec 286 millions de dollars en banque, contre 214 millions pour la campagne de Trump et le comité national républicain. Les analystes politiques ont toujours regardé de près quels secteurs – la finance, l'industrie, le commerce, etc. – forment le soutien bourgeois aux différents candidats politiques américains à la présidence. Par exemple, ils ont constaté que Franklin D. Roosevelt, le président qui a créé l'État-providence américain moderne, était soutenu par les industries de consommation (automobiles, pétrole, électricité, grands magasins), tandis que ses adversaires républicains étaient soutenus par la haute finance et l'industrie lourde, comme la banque Morgan et US Steel.
On ne sait pas exactement quel secteur constitue la base du soutien financier de Trump. Ses plus grands soutiens sont l'industriel high-tech Elon Musk, susceptible de devenir bientôt le premier trillionaire au monde, Timothy Mellon, héritier d'une fortune pétrolière, Miriam et feu Sheldon Adelson, exploitants de casinos Linda et Vince McMahon de World Wrestling Entertainment [1], Diane Hendricks d'ABC, fournisseur de matériaux de construction, Kelsey Warren, constructeur de pipelines ; Timothy Dunn, pétrolier texan, Richard et Liz Uhlein, propriétaires d'une société de matériaux d'emballage, Jeff Sprecher et sa femme Kelly Loeffler d'International Exchange qui possède la Bourse de New York, et une variété d'autres grandes entreprises et de riches particuliers issus de différents secteurs financiers et industriels. Le colistier de Trump, J. D. Vance, est soutenu par le milliardaire de la technologie Peter Theil.
En tant qu'ancienne sénatrice de Californie et démocrate, il n'est pas surprenant que les plus grands donateurs de Harris soient les sociétés high-tech de la Silicon Valley et de Hollywood, qui sont de toute façon des donateurs financiers démocrates traditionnels. Parmi eux, Reid Hoffman, cofondateur de LinkedIn, le site web social, Dustin Moskovitz, cofondateur de Facebook, Melinda French Gates de Microsoft, Laurene Powell Jobs, l'ancienne épouse de Steve Jobs d'Apple, Jeffrey Katzenberg, ancien président de Walt Disney Studios, James Murdoch, ancien PDG de 21st Century Fox, Jeff Bewkes de Time Warner, Barry Diller, ancien PDG de Paramount. En outre, George Soros, l'homme d'affaires et investisseur milliardaire, et son fils Alex Soros soutiennent Harris. Les stars de Hollywood qui soutiennent Harris sont plus nombreuses que celles qui soutiennent Trump, la plus célèbre d'entre elles étant Taylor Swift. Bien sûr, certains magnats de Hollywood et géants de la technologie soutiennent également Trump, mais Harris semble plus forte dans ces secteurs les plus avancés de l'économie américaine.
Que fera le gouvernement américain en cas d'élection serrée ?
Il n'y aurait pas de réponse unifiée. Les États-Unis ont aujourd'hui un gouvernement divisé. Joe Biden est le président, et Harris, la vice-présidente, tous deux démocrates. Au Sénat, les démocrates disposent d'une faible majorité de 51 voix (provenant de 47 démocrates et de quatre indépendants) tandis que les républicains en ont 49. Les Républicains ont également une très faible majorité à la Chambre des représentants, 220 contre 211 pour les démocrates. La Cour suprême est effectivement devenue républicaine. Trump a nommé trois juges ce qui donne aux conservateurs une majorité de six contre trois. Elle est bien plus conservatrice que la plupart des autres cours modernes. Cela lui a permis d'abolir l'arrêt Roe v. Wade retirant aux femmes le droit à l'avortement protégé par le gouvernement fédéral et conduisant à l'interdiction de l'avortement dans quatorze États et à des limitations strictes dans treize autres. La Cour a également adopté un certain nombre d'autres mesures conservatrices et a notamment voté par six voix contre trois l'immunité présumée d'un président pour la plupart de ses actes officiels. Comme l'a écrit l'ACLU :
Au fond, la majorité de six contre trois de la Cour permet aux présidents d'utiliser leurs pouvoirs officiels pour commettre des actes criminels sans avoir à rendre compte de leurs actes.
Le programme de Kamala Harris
Le point fort de Harris qui lui a valu un très large avantage parmi les électrices est sa promesse de rétablir la protection fédérale de l'avortement et des autres droits reproductifs. Harris bénéficie de la coalition habituelle des candidats du Parti démocrate : syndicats, organisations noires, groupes latinos et asiatiques, mais surtout du soutien des organisations féminines.
En ce qui concerne plus généralement la politique intérieure, Kamala Harris, remplaçant Joe Biden en tant que candidate et entrant dans l'élection assez tardivement, n'avait pas élaboré de programme à part entière. Ayant été la vice-présidente de Biden, elle se présente en grande partie sur la base de ses réalisations législatives. Depuis les années 1980, sous l'égide de républicains comme Ronald Reagan et de démocrates comme Bill Clinton ou Barack Obama, les États-Unis et leurs alliés ont créé une économie mondiale néolibérale basée sur la déréglementation, la privatisation, la réduction des dépenses sociales et la diminution du pouvoir des syndicats. La Grande Récession 2008 a été la crise de cet ordre néolibéral mondial et a conduit à la fois au mouvement conservateur du Tea Party et à Occupy Wall Street. Les campagnes de francs-tireurs du démocrate Bernie Sanders et du républicain Donald Trump en 2016 étaient des réactions à cette crise et des réponses de ces mouvements.
La crise du néolibéralisme qui a débuté lors de la Grande Récession de 2008, puis qui s'est compliquée avec la pandémie de COVID et la récession économique consécutive, a conduit Joe Biden à adopter les programmes économiques et sociaux les plus progressistes depuis l'ère du démocrate Lyndon B. Johnson (1963-1969). Les programmes économiques et sociaux les plus importants de Joe Biden ont été la loi sur le plan de sauvetage américain (1 900 milliards de dollars) pour soutenir les entreprises et les travailleurs pendant le COVID, la loi sur l'investissement dans les infrastructures et l'emploi (1 200 milliards de dollars) et la loi sur la réduction de l'inflation (369 milliards de dollars) pour faire face aux problèmes climatiques. Ces mesures ont restauré l'économie américaine qui a connu une croissance de 5,7% au cours de sa première année de mandat générant le taux de croissance le plus élevé depuis 40 ans et ont fait baisser le taux de chômage à 3,9 %, le pays ayant enregistré le nombre de nouvelles demandes d'allocations-chômage le plus bas depuis cinquante ans. Biden a ensuite été confronté au problème de l'inflation élevée, qui est passée de 1,4% en janvier 2021 à un pic de 9,1% en juin 2022, un problème très grave, bien que l'inflation soit aujourd'hui négligeable. Harris qui en tant que vice-présidente n'avait pas de programme économique propre peut revendiquer les succès et accepter les échecs de l'administration Biden. Le problème, c'est que de nombreux Américains jugent l'économie non pas en termes de rapports d'activité, mais tout à fait personnellement. Le coût de l'essence, le prix des denrées alimentaires et le coût du logement ont augmenté. Pourtant, bien que le prix de l'essence soit inférieur à 3 dollars le gallon dans la majeure partie du pays, que les taux d'intérêt aient baissé de plus d'un point de pourcentage et que les prix des produits alimentaires aient chuté, la moitié des Américains pensent que l'économie va mal et pour la plupart d'entre eux, c'est la question la plus importante de l'élection. Aujourd'hui, Mme Harris qualifie son programme économique d'« économie d'opportunité » qui réduira les coûts pour les familles.
En bref, c'est un plan pour stimuler le capitalisme américain et elle ne prend aucune mesure qui changerait fondamentalement les structures économiques actuelles. Elle demande une réduction d'impôts pour les familles de la classe moyenne et de la classe ouvrière ; elle s'engage à construire trois millions de maisons et d'immeubles ; elle promet de soutenir davantage les petites entreprises en leur offrant des déductions fiscales ; elle affirme qu'elle renforcera et étendra la loi sur les soins abordables et qu'elle protégera Medicare et la Sécurité sociale ; elle veut apporter aux familles des services de garde d'enfants abordables et améliorer également les soins aux personnes âgées ; enfin, elle veut « réduire les coûts de l'énergie et s'attaquer à la crise du climat ». Autrefois très progressiste sur les questions d'énergie et du climat, elle a modéré ses positions et, par exemple, accepte désormais la fracturation [2]. Contrairement à Trump, elle comprend que les combustibles fossiles contribuent à la crise climatique mais son point de vue reste modérément progressiste.
Joe Biden a bénéficié d'un soutien important des syndicats, surtout en raison de son soutien à la grève des travailleurs de l'automobile l'année dernière en devenant le premier président venir sur un piquet de grève aux côtés des travailleurs. Ce soutien s'est reporté sur Kamala Harris. Aujourd'hui, ce sont les dockers de l'International Longshoremen's Association qui sont en grève. Leur syndicat représente 45 000 dockers dans 36 ports de la côte Est et du golfe du Mexique, du Maine au Texas. Ils traitent environ la moitié du fret maritime du pays. La grève porte sur l'automatisation et les salaires. Joe Biden s'est rangé du côté du syndicat. Ces entreprises, a déclaré Joe Biden, « ont réalisé des bénéfices incroyables, plus de 800% depuis la pandémie, et les propriétaires gagnent des dizaines de millions de dollars grâce à cela ». « Il est temps, a-t-il ajouté, qu'elles s'assoient à la table des négociations et de faire cesser la grève. » Le gouvernement fédéral a le pouvoir d'intervenir et, si la grève se poursuit, des pressions s'exerceront sur Biden pour qu'il impose un accord. Et s'ils ne sont pas contents de l'accord, les syndicats pourraient se retourner contre lui ce qui ne serait pas une bonne chose pour la candidate démocrate.
Harris a complètement soutenu la politique étrangère de Biden, appuyant Israël et sa guerre contre Gaza, soutenant la guerre de l'Ukraine contre l'invasion russe et s'opposant aux ambitions impériales rivales de la Chine. Le gros problème de Harris, en particulier avec les libéraux, les progressistes et la gauche ainsi qu'avec les Arabes et les musulmans américains, est son soutien total à Israël. La réputation de Harris d'être plus progressiste que Biden sur la question de la guerre d'Israël contre Gaza est basée sur des déclarations comme celle qu'elle a faite après sa rencontre avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou : « Ce qui s'est passé à Gaza au cours des neuf derniers mois est dévastateur. […] Les images d'enfants morts et de personnes désespérées et affamées fuyant pour se mettre à l'abri, parfois déplacées pour la deuxième, troisième ou quatrième fois – nous ne pouvons pas détourner le regard face à ces tragédies », a-t-elle déclaré, ajoutant : « Je ne resterai pas silencieuse. » Les propos qu'elle a tenus dans son discours de remerciement étaient plus faibles :
L'ampleur de la souffrance est déchirante. Le président Biden et moi-même travaillons à mettre fin à cette guerre de telle sorte qu'Israël soit en sécurité, que les otages soient libérés, que la souffrance à Gaza prenne fin et que le peuple palestinien puisse réaliser son droit à la dignité, à la sécurité, à la liberté et à l'autodétermination.
Contrairement à Trump et à Netanyahou, elle soutient une solution à deux États.
Aujourd'hui, la situation est bien entendu encore plus compliquée par la guerre entre Israël et le Hezbollah, l'invasion israélienne du Liban, de l'attaque de l'Iran contre Israël et de la guerre larvée entre les deux pays.
Les belles paroles de Harris n'ont toutefois été accompagnées d'aucune proposition ou action de sa part. Et cela pourrait lui coûter les élections. Le Michigan compte entre 200 000 et 300 000 électeurs arabo-américains, et lors des primaires, plus de 100 000 d'entre eux ont refusé de voter pour Harris et ont préféré voter sans s'engager. Un sondage du Council on American-Islamic Relations (Conseil des relations américano-islamiques) publié en septembre a montré que dans le Michigan, 40% des électeurs musulmans soutenaient la candidate du Parti vert, Jill Stein ; 38 % soutenaient Trump ; et seulement 18 % voteraient pour Harris.
La campagne de Trump et le Projet 2025
Lors des rassemblements de campagne de Trump – et il en a organisé des dizaines au cours des quatre dernières années – il affirme que les États-Unis sont une nation défaillante parce qu'elle n'a pas été capable de défendre ses frontières contre ce qu'il appelle l'invasion des immigrés. Il affirme qu'à la fin de sa première présidence, il a laissé le pays en pleine forme sur le plan économique mais que les immigrants ont apporté la criminalité et ont pris les emplois des travailleurs américains, en particulier des Latinos et des Noirs. Trump promet qu'en tant que président, il lancera un effort national pour rassembler des millions d'immigrés illégaux et les expulser, ce qui améliorerait l'économie. Son plan économique central consiste à réduire les impôts des riches et à augmenter les droits de douane sur les biens importés. Il nie le changement climatique et l'un de ses mantras est « Drill, baby, drill [3] », exprimant sa volonté de reconstruire l'économie sur le charbon, le pétrole et le moteur à combustion interne – bien que depuis qu'il est devenu ami avec Musk il ne soit plus aussi critique à l'égard des véhicules électriques. S'il touche à la politique étrangère, c'est pour dire qu'il réduirait le soutien à l'Ukraine, mais d'un autre côté, il promet : « J'apporterai à Israël le soutien dont il a besoin pour gagner, mais je veux qu'il gagne vite. »
Bien que Trump n'ait pas de plan précis pour son administration – il n'est pas très doué pour la planification –, un certain nombre de ses conseillers, travaillant pour la fondation conservatrice Heritage Foundation, ont produit un plan de 900 pages pour sa prochaine administration, appelé Projet 2025. Trump prétend ne rien savoir à ce sujet, mais neuf de ses anciens secrétaires de cabinet ont aidé à le rédiger et 140 autres anciens fonctionnaires et bureaucrates de l'administration Trump y ont participé. L'Union américaine pour les libertés civiles, qui défend depuis longtemps nos droits, l'a qualifié de « feuille de route sur la façon de remplacer l'État de droit par des idéaux de droite ».
La démocratie américaine n'est pas parfaite, loin de là, mais, même s'il y a des abus, nous avons toujours des droits démocratiques fondamentaux et des libertés civiles. Comme l'explique l'American Civil Liberties Union (ACLU) [4], le projet 2025 propose de réorganiser le pouvoir exécutif et de l'utiliser pour limiter davantage l'avortement, de cibler « les communautés d'immigrants par des déportations massives et des raids en mettant fin à la citoyenneté de naissance, en séparant les familles et en démantelant le système d'asile de notre nation », d'accroître le pouvoir de la police et de réprimer les protestations sociales, de limiter l'accès au vote, de censurer les discussions sur la race, le genre et l'oppression systématique dans les écoles et les universités et de faire reculer les droits des transgenres, entre autres choses. Le projet 2025 éliminerait également des dizaines de milliers de travailleurs de la fonction publique fédérale et les remplacerait par des personnes nommées pour des raisons politiques et fidèles au président. Il représente la première étape du démantèlement de la démocratie américaine et de la création d'un gouvernement autoritaire. Cela commencera par l'élection de Trump ou sa prise de pouvoir par un coup d'État.
Les deux dangers
Il existe deux dangers imminents. Le premier est que si Trump remporte une victoire décisive, il établira un régime autoritaire et pourrait abolir les institutions démocratiques et les droits civiques et instaurer un ordre véritablement fasciste. Le sénateur démocrate Richard Blumenthal du Connecticut a récemment déclaré :
Il existe un éventail d'horreurs qui pourraient résulter de l'utilisation sans restriction de la loi sur l'insurrection par Donald Trump. Un président aux motivations malignes pourrait l'utiliser dans une vaste gamme de moyens dictatoriaux, à moins qu'à un moment donné, les militaires eux-mêmes ne résistent à ce qu'ils considèrent comme un ordre illégal. Mais cela fait peser un très lourd fardeau sur les militaires (NBC News, 14 janvier 2024).
Souvenons-nous que lorsque Trump était président, il a menacé de déployer l'armée pour réprimer les énormes manifestations nationales Black Lives Matter de 2020, mais les responsables civils et militaires lui ont résisté et l'ont mis en échec. Ils risquent de ne pas pouvoir le faire la prochaine fois. William Cohen, ancien sénateur républicain du Maine et ancien secrétaire à la défense, a récemment averti, en parlant de Trump :
Nous sommes à environ 30 secondes de l'horloge de l'Armageddon en ce qui concerne la démocratie (NBC News, 14 janvier 2024).
L'autre danger est que si l'élection est serrée, Trump et le Parti républicain utilisent toute une série de tactiques, légales et illégales, pour réaliser un coup d'État et s'emparer du pouvoir. Ils sont déjà prêts à contester juridiquement chaque aspect du processus de vote, qu'il s'agisse de contester des électeurs individuels, de contester le décompte des voix dans chaque État ou de soulever des objections à la certification du Congrès américain. Ces contestations juridiques seront probablement accompagnées de protestations militantes et de violences dans les bureaux de vote, dans les bureaux autorisés à compter les votes et dans les assemblées législatives des États. Trump mobilisera les grands États républicains dotés de gouverneurs réactionnaires, tels que le Texas et la Floride, pour soutenir ses contestations et ralentir ou arrêter le processus post-électoral. Ces États pourraient mobiliser les forces de leur garde nationale pour soutenir Trump. Il existe également des organisations militantes armées d'extrême droite – quelque 1 400 ont été identifiées – dont on peut s'attendre à ce qu'elles mènent des actions violentes dans les capitales des États et au Capitole national à Washington. Déjà pendant la pandémie de COVID, des groupes armés opposés au port du masque ont pris le contrôle de certaines capitales d'État, par exemple dans le Michigan. D'autres milices se sont rendues à la frontière au Texas et ont arrêté illégalement des immigrants sans papiers. L'objectif de tout cela sera d'empêcher Harris d'entrer en fonction et d'installer Trump à la présidence à sa place. Une telle action entraînerait une crise politique du gouvernement fédéral et pourrait effectivement conduire à des violences de masse dans certaines régions.
Donald Trump, les républicains de droite et les milices ont tenté un coup d'État le 6 janvier 2021 après que Trump ait ameuté un rassemblement de milliers de personnes qui ont ensuite marché jusqu'au Capitole où des centaines ont envahi le bâtiment, cherchant la chef du Parti démocrate Nancy Pelosi et menaçant de pendre le vice-président républicain Mike Pence pour son incapacité à soutenir l'affirmation de Trump selon laquelle il avait gagné l'élection. Cette violente insurrection a réussi à retarder le décompte des votes du collège électoral et la certification du nouveau Président, a coûté la vie à six personnes, a blessé plusieurs policiers et a fait des millions de dollars de dégâts matériels. Par la suite, 11 424 personnes ont été inculpées et des centaines ont été condamnées et emprisonnées. Cette tentative de coup d'État a échoué, mais un autre coup d'État est-il possible ?
De nombreux élus, officiers supérieurs et commentateurs des médias pensent que oui. En décembre 2021, dans une tribune parue dans le Washington Post, trois généraux – Paul D. Eaton, Antonio M. Taguba et Steven M. Anderson – ont écrit qu'en cas de résultats contestés des élections, où l'on ne sait pas exactement qui est devenu président, « le risque d'une rupture totale de la chaîne de commandement selon des lignes partisanes – du sommet de la chaîne au niveau de l'escouade – est important si une autre insurrection se produisait. L'idée que des unités rebelles s'organisent entre elles pour soutenir le commandant en chef « légitime » ne peut être écartée. […] Dans un tel scénario, il n'est pas exagéré de dire qu'un effondrement militaire pourrait conduire à une guerre civile ».
L'acceptation par le public d'un coup d'État a également progressé. Un sondage publié dans le Washington Post le 6 janvier 2022 a révélé que « la part des Américains prêts à tolérer un coup d'État est passée de 28% en 2017 à 40% en 2021. C'est une augmentation de 43%, et le taux le plus élevé que nous ayons observé aux États-Unis depuis que nous avons commencé à poser la question il y a plus de dix ans. »
Si Trump perd lors d'une élection serrée, il est possible que nous assistions à une nouvelle tentative de coup d'État, celle-ci impliquant l'armée et pouvant avoir une portée nationale, avec la possibilité d'inciter à une guerre civile. Certains officiers pourraient tenter de prendre la tête d'un soulèvement en faveur de Trump. Mais les obstacles à un coup d'État militaire seraient le secrétaire à la défense de Biden-Harris, Lloyd Austn, et leurs chefs d'état-major interarmées, les commandants de l'armée. Il est difficile de concevoir qu'ils soutiennent une tentative de Trump de s'emparer du pouvoir. Malgré tout, nous serions téméraires d'ignorer les dangers d'un nouveau coup d'État.
Qu'en est-il de la gauche ?
La gauche américaine (social-démocrate, socialiste, anarchiste) est assez petite, peut-être 1% de la population, et elle est divisée en une myriade de groupes et de nombreux militants individuels sans affiliation. Le Democratic Socialist of America (DSA), le Parti communiste et certains anciens maoïstes soutiendront la candidate du Parti démocrate Kamala Harris, même si, comme le DSA, ils ne l'ont pas approuvée. L'extrême gauche – les anarchistes, les trotskistes, les néostaliniens et les campistes – ne participera pas à l'élection. Certaines petites sectes font semblant de participer à la politique électorale, comme Socialist Action, qui, en 2020, a présenté son leader Jeff Mackler à la présidence. Il n'est pas apparu sur le bulletin de vote d'un seul État. Cette année, le Parti du socialisme et de la libération présente Claudia De La Cruz et Karina Garcia à la présidence et à la vice-présidence. Elles ne figurent que sur le bulletin de vote de la Floride. Il ne s'agit pas vraiment de campagnes politiques mais de campagnes de propagande destinées uniquement à promouvoir le parti et à recruter.
Les deux candidats de gauche les plus importants de cette élection sont Jill Stein du Parti vert et Cornel West. Le Green Party, fondé en 1984, est un parti très réel et sérieux avec un programme quasi-socialiste assez progressiste et un engagement sérieux pour prévenir le réchauffement climatique. Il se définit lui-même comme « écosocialiste ». Sa seule grave faiblesse politique est son manque de soutien à la guerre défensive de l'Ukraine contre la Russie de Poutine et, en fait, Stein semble souvent suivre les arguments de Poutine. Il semble que le parti Vert ait recueilli suffisamment de signatures pour pouvoir figurer sur les bulletins de vote de 34 des 50 États et il espère apparaître dans dix autres États. Les démocrates ont partout œuvré pour bloquer les Verts et les républicains ont essayé de les aider à figurer sur les bulletins de vote. Comme a dit Trump, « Jill Stein, je l'aime beaucoup. Tu sais pourquoi ? Elle prend 100% des voix [démocrates]. » Par le passé, Stein a remporté environ 1% des voix à la présidentielle et zéro voix au collège électoral, pourtant. Mais, comme nous l'avons déjà mentionné, cette année, Jill Stein pourrait gagner les votes des Arabes et des musulmans, prenant peut-être suffisamment de voix à Harris pour lui faire perdre l'État du Michigan et garantir l'élection à Donald Trump.
L'autre candidat de gauche est le théologien noir Cornel West. À l'origine, il avait prévu de se présenter sur un ticket du People's Party en crise, puis il est passé au Green Party, a ensuite décidé de se présenter de façon indépendante et a finalement créé son propre Justice for all Party, jusqu'à présent sans convention fondatrice avec peut-être une demi-douzaine d'affiliés dans les États et un très maigre nombre d'adhérents. Il fait peu campagne et reçoit peu de publicité. À l'heure actuelle, il semble qu'il figurera sur le bulletin de vote dans quatorze États. Sa campagne est un geste futile et plutôt pathétique. Malgré tout, la campagne de West comme celle de Stein pourrait prendre des voix à Harris et offrir l'élection à Trump.
De nombreux Américains, en particulier les jeunes, les Arabes et les musulmans, mais aussi les militants juifs et bien d'autres, ont été consternés par le soutien de l'administration Biden-Harris à la guerre génocidaire d'Israël contre la population de Gaza et les autres Palestiniens. La guerre d'Israël contre le Hezbollah ne fera qu'exacerber le sentiment d'aliénation de ces électeurs. Mais cela ne sera peut-être pas décisif pour Harris, car la jeunesse politisée ne représente qu'une petite partie de la population, beaucoup de jeunes ne votent pas de toute façon, et ceux qui votent peuvent encore très bien voter pour Harris pour vaincre Trump.
D'autre part, de nombreux libéraux, progressistes et militants de gauche non sectaires estiment qu'il faut un front uni dans cette élection contre Trump et le fascisme. Même s'ils critiquent vivement le soutien de Biden et de Harris à la guerre génocidaire d'Israël, ils considèrent Trump comme une menace existentielle pour la démocratie américaine. Comme eux, je voterai pour Harris, tout en soutenant l'appel à un cessez-le-feu à Gaza et à la fin de la guerre d'Israël contre le Hezbollah.
[1] Entreprise de spectacle de catch.
[2] Fracturation hydraulique des sols pour l'extraction du gaz de schiste.
[3] « Drill, baby, drill » : « Perce, baby, perce », encouragement à l'extractivisme.
[4] Union américaine pour les libertés civiles,www.aclu.org
Dan La Boz a été syndicaliste, cofondateur de Teamsters for a Democratic Union et journaliste. Membre du comité de rédaction de la revue new-yorkaise New Politics, il est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont Le nouveau populisme américain : résistances et alternatives à Trump (Syllepse, 2018).
Texte paru dans Adresses n°5 :Adresses n°5
The Dangerous American Election
https://newpol.org/the-dangerous-american-election/
Usa, i pericoli delle presidenziali
https://andream94.wordpress.com/2024/10/08/usa-i-pericoli-delle-presidenziali/
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