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Imposer à Israël le respect du droit international

17 décembre 2024, par Association France Palestine Solidarité — , , ,
En décembre 1948 l'Assemblée Générale de l'ONU a produit deux textes déterminants, qui auraient dû changer le cours de l'histoire du peuple palestinien. Mais l'État d'Israël, (…)

En décembre 1948 l'Assemblée Générale de l'ONU a produit deux textes déterminants, qui auraient dû changer le cours de l'histoire du peuple palestinien. Mais l'État d'Israël, admis à l'ONU en 1949, n'a jamais considéré qu'il devait se conformer aux principes et aux résolutions le concernant, bien au contraire.

Tiré de France Palestine solidarité.

L'Assemblée générale des Nations unies a proclamé le 10 décembre 1948 la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) comme « l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations », affirmant que « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ».

Cette évidence ne s'applique pourtant pas aux Palestiniens et Palestiniennes. Occupation, colonisation, entraves à la circulation, extrême violence des colons et de l'armée israélienne, démolitions de maisons, confiscation des ressources, arrestations et emprisonnements massifs sont leur quotidien. Depuis octobre 2023 la population de Gaza, sous blocus israélien depuis plus de 17 ans, est victime de déplacements de masse forcés et répétés et d'un véritable génocide, reconnu comme tel par les instances internationales (risque avéré par la Cour Internationale de Justice) tandis que la Cour Pénale Internationale délivre des mandats d'arrêt contre deux dirigeants israéliens pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Le gouvernement d'extrême droite au pouvoir à Tel-Aviv pratique un apartheid toujours plus dur à l'encontre des Palestiniens et Palestiniennes où qu'ils se trouvent et privilégie une politique théocratique répressive au mépris du droit séculier promu par les Nations unies.

Les articles de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme bafoués par Israël sont nombreux, mais il faut sans relâche rappeler ceux qui touchent les réfugiés de Palestine. Rappeler que dès avant la création de l'État d'Israël (mai 1948) une politique délibérée d'expulsion a fait de quelques 800 000 Palestiniens et Palestiniennes des réfugiés, dépossédés de leur terre et interdits d'y revenir et de retrouver leurs biens : c'était la Nakba (la catastrophe de 1947-49).

Les réfugiés palestiniens sont privés de leurs droits individuels en violation de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme qui garantit « le droit de quitter tout pays, y compris le sien et d'y revenir. » (Article 13). Le droit à la propriété, également garanti par l'article 17 : « nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété » leur est toujours refusé. Par ailleurs, les Palestiniens où qu'ils vivent, sont privés de leurs droits nationaux en violation de l'article 15 qui déclare : « Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité ».

La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme a un caractère universel, elle ne prévoit aucune exemption, aucune exception !

Le 11 décembre 1948, cette même Assemblée votait la Résolution 194 (III) sur la Palestine. Par son article 11 elle : « Décide qu'il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé par les Gouvernements ou autorités responsables. ». Cette résolution, jamais appliquée par Israël, qui refuse de reconnaître ses responsabilités historiques, constituera la base juridique du droit individuel au retour et du droit à réparation, aussi longtemps qu'Israël ne se soumettra pas à ses obligations au regard du droit international.

Les plus vieux réfugiés de 1948 disparaissent mais la quatrième génération est là et n'oublie rien, d'autant que l'actualité terrible imposée par Israël la frappe de plein fouet. Avec les réfugiés de 1967, ils sont aujourd'hui environ 8 millions de réfugiées. Toutes et tous ont le droit de retourner dans leurs foyers.

La Résolution 194 (III) ne comporte aucune date de péremption !

Israël applique obstinément la politique du fait accompli, mais il doit comprendre que tous les citoyens attachés au respect du droit, partout dans le monde, ne renonceront jamais à exiger ce qui est dû depuis près de 77 ans au peuple palestinien, ce qui est dû aux réfugiés de Palestine : la justice et le respect du droit.

Le temps qu'il faudra, l'AFPS accompagnera leurs justes revendications et sera leur porte-voix.

Le Bureau National de l'AFPS, le 10 décembre 2024

Photo : Réfugiés palestiniens en 1948 © Fred Csasznik

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Derrière la crise politique, une convulsion capitaliste

17 décembre 2024, par Jean-Marie Harribey — ,
Les commentaires principaux émis pour caractériser la situation politique de la France depuis la dissolution de l'Assemblée nationale il y a bientôt six mois, et tout (…)

Les commentaires principaux émis pour caractériser la situation politique de la France depuis la dissolution de l'Assemblée nationale il y a bientôt six mois, et tout particulièrement depuis trois mois et la nomination de Michel Barnier à la tête du gouvernement facilitent-ils la compréhension des choses ou en obscurcissent-ils le sens ? Le nombre de raccourcis et de contre-vérités est trop important pour qu'on les énumère tous. Quelques-uns d'entre eux sont cependant exemplaires de leur caractère en trompe-l'œil. Comment aller un peu au-delà des apparences ?

9 décembre 2024 | Billet de blog de JM Harrivey
https://blogs.mediapart.fr/jmharribey/blog/091224/derriere-la-crise-politique-une-convulsion-capitaliste

Une crise politique

Le premier exemple en trompe-l'œil est le refus de confier, ne serait-ce qu'un temps court, le gouvernement au Nouveau Front populaire, vainqueur relatif des élections législatives, au motif que son programme serait d'extrême gauche. Qu'est-ce donc que l'extrême gauche ? Le programme du NFP est sans doute moins à gauche que celui appliqué en 1981 lors de la première année du mandat de François Mitterrand. Pas un commentateur n'a fait remarquer que le NFP ne prévoit aucune nationalisation, pas même de quelque secteur stratégique comme celui des médicaments ayant fait tant défaut pendant la crise sanitaire. Au contraire, des larmes hypocrites sont quotidiennement versées pour regretter la disparition de la social-démocratie prétendument représentée par un parti socialiste ayant conduit celle-ci au social-libéralisme puis carrément au néolibéralisme hollandais, ce qui est assez désobligeant, voire insultant, à l'égard de la social-démocratie historique. Mal nommer un objet ajoute au malheur de ce monde, disait Camus. Le seul programme politique sur la table qui pourrait rappeler aujourd'hui ce que furent des politiques social-démocrates, au temps où la protection sociale, les services publics et la régulation macroéconomique étaient la règle, est précisément celui du NFP, qui, même s'il est audacieux sur le plan de la réforme fiscale, ne dit pas grand-chose de la remise des clés de l'économie entre les mains des travailleurs, clé de voûte d'une transformation profonde des rapports sociaux de production.

Une catastrophe économique est annoncée si un programme différent de l'austérité et de la régression des services publics et de la protection sociale était appliqué. Dans cette optique, la dette publique est un épouvantail ressorti chaque fois qu'un Michel Barnier, promu pourtant Grand Négociateur, refuse de discuter de tout impôt conséquent sur les classes riches, bénéficiaires des diminutions d'impôts qui creusent les déficits publics. Ou bien lorsqu'un Arnaud Rousseau, président de la FNSEA et premier actionnaire du groupe industriel des huiles et protéines végétales Avril, lance les agriculteurs contre l'INRAE ou l'OFB pour fustiger l'accord de libre-échange avec le Mercosur qui représente si bien l'aberration du modèle agricole défendu bec et ongles par lui au mépris de la crise écologique et climatique. Et encore quand un Patrick Martin, président du Medef, préfère voir se réduire la protection sociale plutôt que d'envisager une très légère baisse des allègements de cotisations sociales atteignant entre 70 et 80 milliards d'euros par an, et s'attriste de la désindustrialisation entraînant des milliers d'emplois menacés par des « plans sociaux » en cascade pendant que dividendes et rachats d'actions avoisinent les sommets.

L'aveuglement, la surdité et le déni de la réalité suffisent-ils pour expliquer la situation à laquelle nous sommes confrontés ? En d'autres termes, de quoi ladite crise politique est-elle le nom ou le signe ? La partie visible d'un iceberg ? L'arbre qui cache la forêt ?

Une crise peut en cacher une autre

La productivité du travail ne progresse plus dans le monde, ou si peu qu'elle est insuffisante pour satisfaire les appétits de rentabilité du capital. D'où le renforcement toujours plus poussé de la financiarisation de l'économie mondiale, c'est-à-dire d'un régime d'accumulation croyant pouvoir se dispenser de passer par la case productive réelle. L'accélération de la concentration et de la centralisation des capitaux montre que ce qui compte ce sont la captation des rentes, l'optimisation fiscale et la pure spéculation. Mais cette stratégie n'est pas extensible à l'infini parce qu'elle se heurte des barrières de plus en plus hautes : la crise climatique, la raréfaction des ressources, la dégradation de la biodiversité, et par dessus le marché (si l'on peut dire) des résistances sociales. Tout ce qui compte, disais-je, finit pas compter beaucoup en termes de coûts de production.

Le fléchissement de l'investissement productif, la multiplication des licenciements et des fermetures d'usines, la désindustrialisation sont la conséquence de ce mouvement général. Le capitalisme est installé dans une tendance de croissance économique faible dont l'extrême ralentissement de la progression de la productivité est à la fois cause et conséquence par un effet cumulatif auto-entretenu. Ralentissement de la productivité plus hausse des coûts de production, ça commence à sentir le roussi pour la rentabilité réelle du capital.

La crise déclenchée en 2007 provient très précisément du fait que ce régime d'accumulation développé à partir des années 1980 postulait la valorisation permanente et quasi infinie des actifs financiers qui avaient ainsi de moins en moins d'ancrage réel. Comme le disait Marx, l'anticipation des plus-values financières se heurtait à la limite de la production-extorsion de la plus-value produite par la force de travail. Plus le capital financier grossissait, plus son caractère fictif devenait alors visible. L'éclatement de la crise financière anéantit le rêve dément de l'auto-engendrement du capital que le cauchemar de la marchandisation du monde ne peut compenser indéfiniment.

Or la crise financière de 2007 n'a eu aucun effet pour infléchir la trajectoire des politiques néolibérales. Le monde d'après-crise fi-nancière est le frère jumeau du monde d'avant. Mais ce n'est pas sans conséquences sur l'aggravation des contradictions auxquelles se heurtent les classes bourgeoises dans le monde, en Europe et bien sûr en France.

Une convulsion du capital et des classes qui le possèdent

Deux cas de figure sont emblématiques des contradictions dans lesquelles s'enferrent les classes bourgeoises tout en enfermant les classes populaires dans une cage d'acier.

Aux États-Unis, Trump s'est fait réélire avec le soutien financier des puissances d'argent états-uniennes, mais celles-ci n'ont aucun intérêt à ce que la politique de fermeture des frontières annoncée par lui soit appliquée. Une bonne partie des profits réalisés par les firmes multinationales américaines est liée aux échanges avec les pays dont les produits seraient frappés de droits de douane élevés ou érigeant eux aussi de tels obstacles. Autrement dit, la mondialisation capitaliste, voulue et organisée par l'élite bourgeoise états-unienne et qui a facilité l'émergence et l'épanouissement d'un concurrent capitaliste majeur comme la Chine, se retourne contre sa classe génitrice[1].

Comment réagit Trump en bon représentant d'une fraction de cette dernière ? D'abord en trouvant un bon bouc émissaire à travers les immigrés. Ensuite, en poussant à son paroxysme le projet libertarien de dérégulation totale de la société. La présence tonitruante d'un Elon Musk et ses gesticulations tout aussi grotesques que celles de Trump ne doivent pas dissimuler la stratégie sous-jacente : transformer les inquiétudes et les difficultés des classes populaires jusqu'au point où les représentations du monde forgent une « culture » aculturelle faite de fake news de plus en plus énormes, laquelle doit avoir pour effet d'anesthésier toute compréhension du monde réel, tout en faisant miroiter une super-conquête de l'espace comme eldorado interstellaire. Le climato-scepticisme n'est pas simplement le déni de la montée inexorable de la température, des tornades, des tsunamis et des inondations, c'est aussi le déni de toute science et le déchaînement de l'hubris, de la démesure.

En France, l'écartèlement entre des intérêts largement contradictoires au sein de la bourgeoisie est également flagrant. Devant le quasi-arrêt de la croissance économique, toutes les branches du patronat qui ont une activité productive sont demandeuses de subventions publiques, d'allègements d'impôts et d'exonérations de cotisations sociales, qui s'élèvent à environ 190 milliards d'euros par an[2]. Mais les branches du capital dont l'activité est soit directement financière (banques, assurances, fonds spéculatifs), soit engagée dans des activités productives internationales (les deux étant aujourd'hui très imbriquées) ne voient pas les choses du même œil. D'une part, elles auraient objectivement moins besoin du soutien public, et, d'autre part, elles exigent maintenant un respect de l'orthodoxie budgétaire en réduisant les dépenses publiques. Le « quoi qu'il en coûte » de la Banque centrale européenne et de l'État est désormais terminé, place à la discipline du marché. Quand on voit à quoi ont mené l'orthodoxie budgétaire la plus rigoureuse de l'Allemagne et la soi-disant excellence de son modèle, on peut craindre le pire.

La crise politique française s'éclaire ainsi d'un nouveau jour. Elle traduit les contradictions d'une classe dominante confrontée à une convulsion de son propre système. Elle refuse tout compromis avec un projet authentiquement réformiste. Elle laisse filer la dégradation des services publics de santé et d'éducation qui craquent de toutes parts. Elle s'apprête à achever la partition de la SNCF pour l'ouvrir totalement à la concurrence. Elle entérine le rétrécissement des ambitions écologiques (en matière de Zéro artificialisation nette, d'agriculture soumise aux pesticides et insecticides, etc.). Et elle affuble du qualificatif de social-démocrates les velléités d'ajustements à la marge des défaillances sociales du système les plus graves, tandis qu'elle laisse prospérer, voire avalise, les idées de préférence nationale de l'extrême droite, la répression et la criminalisation des mouvements sociaux. Le compromis social étant devenu inenvisageable pour la classe bourgeoise, celle-ci n'a plus qu'un moyen à sa disposition pour atténuer ses propres contradictions : unifier ses fractions autour du seul projet réconciliant temporairement leurs intérêts respectifs en faisant payer aux travailleurs la crise capitaliste par un surcroît d'austérité, d'inégalités, de services publics appauvris, de renoncements à la protection sociale et à la protection écologique.

Il n'y a bien sûr pas de cause unique à la montée des pouvoirs dits illibéraux dans le monde et en Europe, ni de déterminisme économique inéluctable. Mais on doit constater la simultanéité de la crise du capitalisme et de la remise en cause des procédures démocratiques, à laquelle s'ajoutent guerres et menaces de guerres. Car il ne s'agit pas d'une crise de la démocratie en elle-même comme on l'entend, c'est une crise du respect de la démocratie, une crise des formes dans lesquelles la démocratie a été organisée et dévoyée. Le non-respect du résultat des élections législatives de juillet 2024 par le président Macron est le pendant light de la tentative de prise d'assaut du Capitole par les troupes de Trump le 6 janvier 2021. Cela n'empêchera pas l'un et l'autre de « communier » aujourd'hui à la belle entente bourgeoise pendant l'inauguration de la cathédrale de Paris restaurée. Avec les plus riches de France, comme de bien entendu… De quoi sceller l'alliance du sabre, du goupillon et du pognon.

Il n'y a pas de complot mondial. Mais il y a une cohérence dans l'invraisemblable accumulation de crises et de dérèglements de tous ordres. Le déni du réel (climat, biodiversité, dégradation du travail…), le déni des droits humains à Gaza et dans toutes les guerres et le déni de la science par les partis et mouvements réactionnaires sont les symptômes d'une convulsion capitaliste qui atteint un caractère anthropologique : tous les équilibres sociaux sont menacés et la manière d'être au monde des humains est chamboulée.

Notes

[1] Voir Benjamin Bürbaumer, Chine/États-Unis, le capitalisme contre la mondialisation, Paris, La Découverte, 2024.

[2] Dans son rapport de 2022, le Clersé de l'Université de Lille chiffrait à 8,39 % du PIB et 40,65 % du budget de l'État le montant total des aides publiques aux entreprises en 2019. Et on ne parle pas ici des 80 milliards de fraude fiscale en plus.

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Comprendre la rébellion en Syrie. Entretien avec Joseph Daher

17 décembre 2024, par Joseph Daher — ,
Dans une longue interview au média Tempest, Joseph Daher, militant anticapitaliste suisse-syrien et universitaire basé en Suisse, revient sur la situation complexe dans le pays (…)

Dans une longue interview au média Tempest, Joseph Daher, militant anticapitaliste suisse-syrien et universitaire basé en Suisse, revient sur la situation complexe dans le pays et développe une approche marxiste de ses développements récents.

Tiré de Révolution permanente. Interview publiée originalement sur Tempest le 9 décembre. Nous reproduisons ici l'introduction rédigée par le média :

La rébellion en Syrie a pris le monde par surprise et a conduit à la chute de la dictature de la famille Assad, qui dirigeait la Syrie depuis que le père de Bachar al-Assad, Hafez, avait pris le pouvoir par un coup d'État, il y a 54 ans. Ni les forces militaires du régime, ni son parrain impérial, la Russie, ni son soutien régional, l'Iran, n'ont été en mesure de le défendre. Les villes contrôlées par le régime ont été libérées, des milliers de prisonniers politiques ont été sortis de ses célèbres geôles et, pour la première fois depuis des décennies, un espace s'est ouvert pour un nouveau combat en faveur d'une Syrie libre, inclusive et démocratique.

Dans le même temps, la plupart des Syriens savent qu'une telle lutte se heurte à d'énormes difficultés, à commencer par les deux principales forces rebelles, Hayat Tahrir Al-Sham (HTS) et l'Armée nationale syrienne (ANS), soutenues par la Turquie. Bien qu'elles aient été le fer de lance de la victoire militaire, elles sont autoritaires et ont un passé de sectarisme religieux et ethnique. Certains militants de gauche ont affirmé sans fondement que leur rébellion avait été orchestrée par les États-Unis et Israël. D'autres ont, sans aucun esprit critique, idéalisé ces forces rebelles, estimant qu'elles ravivaient la révolution populaire, à ses premières heures, qui avait failli renverser le régime d'Assad en 2011. Ni l'un ni l'autre ne rendent compte de la dynamique complexe qui se déroule aujourd'hui en Syrie.

Dans cet entretien, réalisé dans un contexte d'évolution rapide de la situation en Syrie, Tempest interroge le socialiste syrien Joseph Daher sur le processus qui a conduit à la chute du régime d'Assad, sur les perspectives des forces progressistes et sur les défis auxquels elles sont confrontées dans leur lutte pour un pays véritablement libéré qui serve les intérêts de toutes ses communautés religieuses et de toutes les couches populaires.

Tempest : Comment les Syriens se sentent-ils après la chute du régime ?

Joseph Daher : La joie est incroyable. C'est un jour historique. La tyrannie de la famille Assad, qui dure depuis 54 ans, vient de se terminer. Nous avons vu des vidéos de manifestations populaires dans tout le pays, à Damas, Tartous, Homs, Hama, Alep, Qamichli, Suwaida, etc, mobilisant toutes les confessions religieuses et toutes les ethnies, détruisant les statues et les symboles de la famille Assad.

Bien sûr, la joie est également grande face à la libération des prisonniers politiques des prisons du régime, en particulier la prison de Sednaya, connue sous le nom d'« abattoir humain », qui enfermait 10 000 à 20 000 prisonniers. Certains d'entre eux étaient détenus depuis les années 1980. De même, les personnes qui avaient été déplacées en 2016 ou plus tôt, d'Alep et d'autres villes, ont pu retourner dans leurs maisons et leurs quartiers, et revoir leurs familles pour la première fois depuis des années.

Parallèlement, dans les premiers jours qui ont suivi l'offensive militaire, les réactions de la population ont été mitigées et confuses, reflétant la diversité des opinions politiques de la société syrienne, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Certains secteurs étaient très heureux de la conquête de ces territoires et de l'affaiblissement du régime, et maintenant de sa chute potentielle. Mais d'autres secteurs de la population craignaient, et craignent toujours, HTS et l'ANS. Ils s'inquiètent de la nature autoritaire et réactionnaire de ces forces et de leur projet politique.

Et certains s'inquiètent de ce qui se passera dans la nouvelle situation. En particulier, de larges secteurs des communautés kurdes, parmi d'autres, qui tout en se réjouissant de la chute de la dictature d'Assad, ont condamné les déplacements forcés et les assassinats de personnes perpétrés par l'ANS.

Tempest : Pouvez-vous retracer le déroulement des événements, en particulier l'avancée des rebelles, qui ont vaincu les forces militaires d'Assad et conduit à sa chute ? Que s'est-il passé ?

JD : Hayat Tahrir Al-Sham (HTS) et l'Armée nationale syrienne (ANS), soutenues par la Turquie, ont lancé une campagne militaire le 27 novembre 2024 contre les forces du régime syrien, remportant des victoires éclatantes. En moins d'une semaine, le HTS et l'ANS ont pris le contrôle de la plupart des gouvernorats d'Alep et d'Idlib. Ensuite, la ville de Hama, située à 210 kilomètres au nord de Damas, est tombée aux mains du HTS et de l'ANS à la suite d'intenses affrontements militaires avec les forces du régime, appuyées par l'armée de l'air russe. Après Hama, le HTS a pris le contrôle de Homs.

Dans un premier temps, le régime syrien a envoyé des renforts à Hama et à Homs puis, avec le soutien de l'aviation russe, a bombardé les villes d'Idlib et d'Alep et leurs environs. Les 1er et 2 décembre, plus de 50 frappes aériennes ont touché Idlib, au moins quatre centres de santé, quatre écoles, deux camps de déplacés et une station d'eau. Les frappes aériennes ont déplacé plus de 48 000 personnes et ont gravement perturbé les services et l'acheminement de l'aide. Le dictateur Bachar al-Assad avait promis la défaite à ses ennemis et déclaré que « le terrorisme ne comprend que le discours de la force ». Mais son régime s'effondrait déjà de toute part.

Alors que le régime perdait ville après ville, les gouvernorats méridionaux de Suweida et de Daraa se sont libérés ; leurs forces d'opposition populaires et armées locales, distinctes du HTS et de l'ANS, ont pris le contrôle. Les forces du régime se sont ensuite retirées des villages situés à une dizaine de kilomètres de Damas et ont abandonné leurs positions dans la province de Quneitra, qui borde le plateau du Golan, occupé par Israël.

Alors que différentes forces armées de l'opposition, qui ne sont liées ni à HTS ni à l'ANS, s'approchaient de la capitale Damas, les forces du régime se sont effondrées et retirées, tandis que les manifestations et les attaques contre tous les symboles de Bachar el-Assad se multipliaient dans les différentes banlieues de Damas. Dans la nuit du 7 au 8 décembre, la libération de la ville a été annoncée. Le sort exact et la localisation de Bachar el-Assad n'ont pas été connus immédiatement, mais certaines informations indiquent qu'il se trouve en Russie sous la protection de Moscou.

La chute du régime a prouvé sa faiblesse structurelle, tant sur le plan militaire qu'économique et politique. Il s'est effondré comme un château de cartes. Cela n'est guère surprenant, car il semblait évident que les soldats n'allaient pas se battre pour le régime d'Assad, compte tenu de leurs salaires et de leurs conditions de travail médiocres. Ils ont préféré fuir ou ne pas se battre plutôt que de défendre un régime pour lequel ils n'ont que très peu de sympathie, d'autant plus que beaucoup d'entre eux ont été enrôlés de force.

En parallèle de cette situation dans le sud du pays, d'autres éléments ont également émergé dans d'autres parties du pays depuis le début de l'offensive des rebelles. Tout d'abord, l'ANS a mené des attaques contre les territoires contrôlés par les Forces démocratiques syriennes (FDS) dirigées par les Kurdes dans le nord d'Alep, puis a annoncé le début d'une nouvelle offensive contre la ville de Manbij, dans le nord du pays, dominée par les FDS. Dimanche 8 décembre, avec le soutien de l'armée turque, de l'aviation et de l'artillerie, l'ANS est entrée dans la ville.

Deuxièmement, les FDS se sont emparées de la majeure partie du gouvernorat de Deir-ez-Zor, auparavant contrôlé par les forces du régime syrien et les milices pro-iraniennes, qui s'étaient retirées pour se redéployer dans d'autres régions afin de lutter contre HTS et les FDS. Les FDS ont ensuite étendu leur contrôle à de vastes zones du nord-est qui étaient auparavant sous la domination du régime.

Tempest : Qui sont les forces rebelles et en particulier les principales formations rebelles, HTS et l'ANS ? Quelles sont leur politique, leur programme et leur projet ? Que pensent d'elles les classes populaires ?

JD : La prise réussie d'Alep, de Hama, de Homs et d'autres territoires dans le cadre d'une campagne militaire menée par le HTS reflète à bien des égards l'évolution de ce mouvement sur plusieurs années, qui est devenu une organisation plus disciplinée et plus structurée, tant sur le plan politique que militaire. Il est désormais capable de produire des drones et dirige une académie militaire. HTS a pu imposer son hégémonie sur un certain nombre de groupes militaires, tant par la répression que par la cooptation au cours des dernières années. Fort de son développement, il s'est positionné pour lancer cette attaque.

HTS est devenu un acteur quasi-étatique dans les zones qu'il contrôle. Il a mis en place un gouvernement, le gouvernement syrien du salut (SSG), qui fait office d'administration civile du HTS et fournit des services à la population. Ces dernières années, le HTS et le SSG ont fait preuve d'une volonté manifeste de se présenter aux puissances régionales et internationales comme une force rationnelle afin de normaliser son autorité. Cela a notamment permis à certaines ONG de disposer de plus d'espace pour opérer dans des secteurs clés tels que l'éducation et la santé, pour lesquels le SSG manque de ressources financières et d'expertise.

Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de corruption dans les zones sous son autorité. Il a imposé son autorité par des mesures autoritaires et des actions de maintien de l'ordre. Le HTS a notamment réprimé ou limité les activités qu'il considère comme contraires à son idéologie. Par exemple, il a mis fin à plusieurs projets de soutien aux femmes, en particulier aux résidentes des camps, sous prétexte que ces projets cultivaient des idées sur l'égalité des sexes qui étaient hostiles à son idéologie. HTS a également pris pour cible et détenu des opposants politiques, des journalistes, des militants et des personnes qu'il considérait comme des détracteurs ou des ennemis.

HTS, qui est toujours considéré comme une organisation terroriste par de nombreuses puissances, y compris les États-Unis, a également essayé de donner une image plus modérée de lui-même, en essayant de les convaincre qu'il est désormais devenu un acteur rationnel et responsable. Cette évolution remonte à la rupture de ses liens avec Al-Qaïda en 2016 et au recadrage de ses objectifs politiques dans le cadre national syrien. Il a également réprimé les individus et les groupes liés à al-Qaïda et au soi-disant État islamique.

En février 2021, pour sa première interview avec un journaliste américain, son chef Abu Mohammad al-Jolani, ou Ahmed al-Sharaa (son vrai nom), a déclaré que la région qu'il contrôlait « ne représentait pas une menace pour la sécurité de l'Europe et de l'Amérique », affirmant que les zones sous son autorité ne deviendraient pas une base pour des opérations à l'étranger.

Dans cette tentative d'apparaître comme un interlocuteur légitime sur la scène internationale, il a mis l'accent sur le rôle du groupe dans la lutte contre le terrorisme. Dans le cadre de cette transformation, il a permis le retour des chrétiens et des druzes dans certaines régions et a établi des contacts avec certains dirigeants de ces communautés.

Après la prise d'Alep, HTS a continué à se présenter comme un acteur responsable. Les combattants du HTS ont par exemple immédiatement posté des vidéos devant les banques, assurant qu'ils voulaient protéger les propriétés et les biens privés. Ils ont également promis de protéger les civils et les communautés religieuses minoritaires, en particulier les chrétiens, car ils savent que le sort de cette communauté est étroitement surveillé à l'étranger.

De même, le HTS a fait de nombreuses déclarations promettant une protection similaire aux Kurdes et aux minorités islamiques telles que les Ismaéliens et les Druzes. Il a également publié une déclaration concernant les alaouites, les appelant à rompre avec le régime, sans toutefois suggérer que le HTS les protégerait ou dire quoi que ce soit de clair sur leur avenir. Dans cette déclaration, le HTS décrit la communauté alaouite comme un instrument du régime contre le peuple syrien.

Enfin, le chef du HTS, Abu Mohammed al-Jolani, a déclaré que la ville d'Alep serait gérée par une autorité locale et que toutes les forces militaires, y compris celles du HTS, se retireraient complètement de la ville dans les semaines à venir. Il est clair qu'al-Jolani souhaite s'engager activement auprès des puissances locales, régionales et internationales.

Toutefois, la question de savoir si HTS donnera suite à ces déclarations reste ouverte. L'organisation s'est montrée autoritaire et réactionnaire, avec une idéologie fondamentaliste islamique, et compte toujours des combattants étrangers dans ses rangs. Ces dernières années, de nombreuses manifestations populaires ont eu lieu à Idlib pour dénoncer son régime et les violations des libertés politiques et des droits de l'homme, notamment les assassinats et la torture des opposants.

Il ne suffit pas de tolérer les minorités religieuses ou ethniques ou de les autoriser à prier. L'essentiel est de reconnaître leurs droits en tant que citoyens égaux participant à la prise de décision sur l'avenir du pays. Plus généralement, les déclarations du chef du HTS, al-Jolani, ne sont absolument pas rassurantes, bien au contraire. Comme celle-ci : « Les personnes qui craignent la gouvernance islamique en ont vu des applications incorrectes ou ne la comprennent pas correctement »,

En ce qui concerne l'ANS, soutenue par la Turquie, il s'agit d'une coalition de groupes armés dont la plupart défendent des politiques islamiques conservatrices. Elle a une très mauvaise réputation et est coupable de nombreuses violations des droits de l'homme, en particulier à l'encontre des populations kurdes dans les zones qu'elle contrôle. L'ANS a notamment participé à la campagne militaire menée par la Turquie pour occuper Afrin en 2018, entraînant le déplacement forcé d'environ 150 000 civils, en grande majorité des Kurdes.

Dans la campagne militaire actuelle, une fois de plus, l'ANS sert principalement les objectifs turcs en ciblant les zones contrôlées par les Forces de défense syriennes (FDS) dirigées par les Kurdes et où vivent beaucoup de communautés kurdes. L'ANS a, par exemple, capturé la ville de Tal Rifaat et la zone de Shahba dans le nord d'Alep, auparavant sous la gouvernance des FDS, entraînant le déplacement forcé de plus de 150 000 civils et violant à de nombreuses reprises les droits de l'homme contre les individus kurdes, en pratiquant même des assassinats et des enlèvements. L'ANS a ensuite annoncé qu'elle lançait une offensive militaire, soutenue par l'armée turque, sur la ville de Manbij, où vivent 100 000 civils et qui est contrôlée par les FDS.

Il existe donc des différences entre le HTS et l'ANS. Le HTS jouit d'une autonomie relative vis-à-vis de la Turquie, contrairement à l'ANS, qui est contrôlé par la Turquie et sert ses intérêts. Les deux forces sont différentes, poursuivent des objectifs distincts et ont des conflits entre elles, bien que ceux-ci soient pour l'instant tenus secrets. Par exemple, les HTS ne cherchent actuellement pas à affronter les FDS. En outre, l'ANS a publié une déclaration critique à l'encontre du HTS pour son « comportement agressif » à l'égard des membres de l'ANS, tandis que le HTS aurait accusé les combattants de l'ANS d'avoir commis des pillages.

Tempest : Pour beaucoup de ceux qui n'ont pas suivi l'évolution de la Syrie, cette affaire est tombée du ciel. Quelles sont les racines de cette situation dans la révolution, la contre-révolution et la guerre civile en Syrie ? Que s'est-il passé à l'intérieur du pays au cours de la période récente qui a déclenché l'offensive militaire ? Quelles sont les dynamiques régionales et internationales qui ont ouvert la voie aux avancées des rebelles ?

JD : Initialement, HTS a lancé sa campagne militaire en réaction à l'escalade des attaques et des bombardements du régime d'Assad et de la Russie sur son territoire du nord-ouest. Elle visait également à reprendre des zones conquises par le régime, en violation des zones de désescalade convenues dans l'accord de mars 2020, négocié par Moscou et Téhéran. Toutefois, forts de leur succès surprenant, leurs ambitions ont grandi et ils ont appelé ouvertement au renversement du régime, ce qu'ils ont désormais accompli avec l'aide d'autres groupes.

Le succès du HTS et de l'ANS s'explique par l'affaiblissement des principaux alliés du régime. La Russie, principal sponsor international d'Assad, a détourné ses forces et ses ressources vers sa guerre impérialiste contre l'Ukraine. En conséquence, son implication en Syrie a été nettement plus limitée que lors des opérations militaires similaires qu'elle a menées au cours des années précédentes.

Ses deux autres alliés clés, le Hezbollah libanais et l'Iran, ont été considérablement affaiblis par Israël depuis le 7 octobre 2023. Tel-Aviv a assassiné les dirigeants du Hezbollah, dont Hassan Nasrallah, a décimé ses cadres lors de l'explosion des bipeurs et a bombardé ses forces au Liban. Le Hezbollah est sans aucun doute confronté à son plus grand défi depuis sa création. Israël a également lancé des vagues de frappes contre l'Iran, exposant ses faiblesses. Il a également intensifié les bombardements des positions iraniennes et du Hezbollah en Syrie au cours des derniers mois.

Avec ses principaux soutiens occupés ailleurs et affaiblis, la dictature d'Assad se trouvait dans une position vulnérable. En raison de toutes ses faiblesses structurelles, du manque de soutien de la population sous son joug, du manque de fiabilité de ses propres troupes et de l'absence de soutien international et régional, [le régime Assad] s'est avéré incapable de résister à l'avancée des forces rebelles, ville après ville, et son autorité s'est effondrée comme un château de cartes.

Tempest : Comment les alliés du régime ont-ils réagi dans un premier temps ? Quels sont leurs intérêts en Syrie ?

JD : La Russie et l'Iran se sont d'abord engagés à soutenir le régime et à faire pression sur lui pour qu'il combatte le HTS et l'ANS. Dans les premiers jours de l'offensive, la Russie a appelé le régime syrien à se ressaisir et à « remettre de l'ordre à Alep », ce qui semble indiquer qu'elle comptait sur une contre-attaque de Damas.

L'Iran a appelé à une « coordination » avec Moscou face à cette offensive. L'Iran a affirmé que les États-Unis et Israël étaient derrière l'offensive des rebelles contre le régime syrien qu'il considère comme une tentative de le déstabiliser et de détourner l'attention de la guerre d'Israël en Palestine et au Liban. Les responsables iraniens ont déclaré leur soutien total au régime syrien et ont confirmé leur intention de maintenir et même d'accroître la présence de leurs « conseillers militaires » en Syrie pour soutenir l'armée syrienne. Téhéran a également promis de fournir des missiles et des drones au régime syrien et même de déployer ses propres troupes.

Mais cela n'a manifestement pas fonctionné. Malgré les bombardements russes sur les zones échappant au contrôle du régime, l'avancée des rebelles n'a pas été stoppée.

Les deux puissances ont beaucoup à perdre en Syrie. Pour l'Iran, la Syrie est cruciale pour le transfert d'armes et la coordination logistique avec le Hezbollah. Avant la chute du régime, le bruit courait que le parti libanais avait envoyé un petit nombre de « forces de supervision » à Homs afin d'aider les forces militaires du régime et 2000 soldats dans la ville de Qusayr, l'un de ses bastions en Syrie près de la frontière avec le Liban, pour la défendre en cas d'attaque des rebelles. Dans sa chute, le régime a retiré ses forces.

Du côté de la Russie, la base aérienne russe de Hmeimim, dans la province syrienne de Lattaquié, et son installation navale de Tartous, sur la côte, ont été des sites importants lui permettant d'affirmer son poids géopolitique au Moyen-Orient, en Méditerranée et en Afrique. La perte de ces bases compromettrait le statut de la Russie, car son intervention en Syrie a été utilisée comme un exemple de la manière dont elle peut utiliser la force militaire pour influencer les événements à l'extérieur de ses frontières et rivaliser avec les États occidentaux.

Tempest : Quel rôle les autres puissances régionales et impériales, en particulier la Turquie, Israël et les États-Unis, ont-elles joué dans ce scénario ? Quelles sont leurs ambitions dans cette situation ?

JD : Malgré la normalisation de la Turquie avec la Syrie, Ankara s'est sentie frustrée par Damas. Elle a donc encouragé l'offensive militaire, ou du moins lui a donné le feu vert, et l'a aidée d'une manière ou d'une autre. L'objectif d'Ankara était initialement d'améliorer sa position dans les futures négociations avec le régime syrien, mais aussi avec l'Iran et la Russie.

Aujourd'hui, avec la chute du régime, l'influence de la Turquie est encore plus importante en Syrie et en fait probablement l'acteur régional clé dans le pays. Ankara cherche également à utiliser l'ANS pour affaiblir les FDS, qui sont dominées par la branche armée du parti kurde PYD, une organisation sœur du parti kurde turc PKK, désigné comme terroriste par Ankara, les États-Unis et l'Union européenne.

La Turquie a deux autres objectifs principaux. Tout d'abord, elle souhaite procéder au retour forcé en Syrie des réfugiés syriens se trouvant en Turquie. Deuxièmement, elle veut nier les aspirations kurdes à l'autonomie et plus particulièrement saper l'administration dirigée par les Kurdes dans le nord-est de la Syrie, l'Administration autonome du nord et de l'est de la Syrie (AANES, également appelée Rojava), ce qui créerait un précédent pour l'autodétermination kurde en Turquie, une menace pour le régime tel qu'il est actuellement constitué.

Ni les États-Unis ni Israël n'ont joué un rôle dans ces événements. En fait, c'est le contraire qui s'est produit. Les États-Unis craignaient que le renversement du régime ne crée davantage d'instabilité dans la région. Les responsables américains ont d'abord déclaré que « le refus persistant du régime Assad de s'engager dans le processus politique décrit dans la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations-Unies et sa dépendance à l'égard de la Russie et de l'Iran sont à l'origine de la situation actuelle, y compris de l'effondrement des lignes du régime Assad dans le nord-ouest de la Syrie ».

La Maison Blanche a également déclaré qu'elle n'avait « rien à voir avec cette offensive, qui est dirigée par Hayat Tahrir al-Sham (HTS), une organisation caractérisée comme terroriste ». Après une visite en Turquie, le secrétaire d'État Antony Blinken a appellé à la désescalade en Syrie. Après la chute du régime, les responsables américains ont déclaré qu'ils maintiendraient leur présence dans l'est de la Syrie, soit environ 900 soldats, et qu'ils prendraient les mesures nécessaires pour empêcher une résurgence de l'État islamique.

De leur côté, les responsables israéliens ont déclaréque « l'effondrement du régime d'Assad créerait probablement une situation chaotique qui pourrait permettre à des menaces militaires contre Israël de se développer. » De plus, Israël n'a jamais vraiment soutenu le renversement du régime syrien depuis la révolution avortée de 2011. En juillet 2018, M. Netanyahou ne s'est pas opposé à ce qu'Assad reprenne le contrôle du pays et stabilise son pouvoir.

Netanyahou a déclaré qu'Israëln'agirait que contre les menaces ouvertes, telles que les forces et l'influence de l'Iran et du Hezbollah, expliquant : « Nous n'avons pas eu de problème avec le régime d'Assad, pendant 40 ans, pas une seule balle n'a été tirée sur le plateau du Golan ». Quelques heures après l'annonce de la chute du régime, l'armée d'occupation israélienne a pris le contrôle de la partie syrienne du mont Hermon, sur le plateau du Golan, afin d'empêcher les rebelles de s'emparer de la zone, ce dimanche. Auparavant, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou avait ordonné à l'armée d'occupation israélienne de « prendre le contrôle » de la zone tampon du Golan et des « positions stratégiques adjacentes ».

Tempest : De nombreux militants ont pris une nouvelle fois la défense d'Assad, affirmant cette fois qu'une défaite d'Assad serait un revers pour la lutte de libération palestinienne. Que pensez-vous de cet argument ? Qu'est-ce que cela signifie pour la Palestine ?

JD : Oui, les militants ont affirmé que cette offensive militaire était menée par « Al-Qaïda et d'autres terroristes » et qu'il s'agissait d'un complot impérialiste occidental contre le régime syrien visant à affaiblir le soi-disant « axe de la résistance » dirigé par l'Iran et le Hezbollah. Étant donné que cet axe prétend soutenir les Palestiniens, les militants affirment que la chute d'Assad l'affaiblit et, par conséquent, sape la lutte pour la libération de la Palestine.

En plus d'ignorer tout du rôle des acteurs locaux syriens, le principal problème de l'argument avancé par les partisans de ce qu'on appelle « l'axe de la résistance » est qu'ils supposent que la libération de la Palestine viendra d'en haut, de ces États ou d'autres forces, indépendamment de leur nature réactionnaire et autoritaire, et de leurs politiques économiques néolibérales. Cette stratégie a échoué par le passé et continuera à échouer aujourd'hui. En fait, au lieu de faire progresser la lutte pour la libération de la Palestine, les États autoritaires et despotiques du Moyen-Orient, qu'ils soient alignés sur l'Occident ou opposés à lui, ont à maintes reprises trahi les Palestiniens et les ont même réprimés.

De plus, les campistes ignorent que les principaux objectifs de l'Iran et de la Syrie ne sont pas la libération de la Palestine, mais la préservation de leurs États et de leurs intérêts économiques et géopolitiques. Ils les feront passer avant la Palestine à chaque fois. La Syrie, en particulier, comme Netanyahu l'a clairement indiqué dans la citation que je viens de citer, n'a pas levé le petit doigt contre Israël depuis des décennies.

Pour sa part, l'Iran a soutenu la cause palestinienne de manière rhétorique et a financé le Hamas. Mais depuis le 7 octobre 2023, son principal objectif est d'améliorer sa position dans la région afin d'être dans la meilleure position pour de futures négociations politiques et économiques avec les Etats-Unis. L'Iran souhaite garantir ses intérêts politiques et sécuritaires et a donc tenu à éviter toute guerre directe avec Israël.

Son principal objectif géopolitique vis-à-vis des Palestiniens n'est pas de les libérer, mais de les utiliser comme levier, notamment dans ses relations avec les Etats-Unis. De même, la réponse passive de l'Iran à l'assassinat de Nasrallah par Israël, à la décimation des cadres du Hezbollah et à sa guerre brutale contre le Liban, démontre que sa première priorité est de se protéger et de protéger ses intérêts. Il n'était pas disposé à les sacrifier et à prendre la défense de son principal allié non étatique.

L'Iran s'est révélé être, au mieux, un allié inconstant du Hamas. Il a réduit son financement au Hamas lorsque leurs intérêts ne coïncidaient pas. Il a réduit son aide financière au Hamas après la révolution syrienne de 2011, lorsque le mouvement palestinien a refusé de soutenir la répression meurtrière du régime syrien à l'encontre des manifestants syriens.

Dans le cas du régime syrien, l'argument contre son prétendu soutien à la Palestine est imparable. Il n'a pas pris la défense de la Palestine au cours de la dernière année de guerre génocidaire d'Israël. Malgré les bombardements israéliens sur la Syrie, avant et après le 7 octobre, le régime n'a pas réagi. Cette attitude est conforme à la politique menée par le régime depuis 1974, qui consiste à éviter toute confrontation significative et directe avec Israël.

En outre, le régime a réprimé à plusieurs reprises les Palestiniens en Syrie, notamment en tuant plusieurs milliers d'entre eux depuis 2011 et en détruisant le camp de réfugiés de Yarmouk à Damas. Il s'est également attaqué au mouvement national palestinien lui-même. Par exemple, en 1976, Hafez al-Assad, père de son héritier et dictateur déchu Bachar al-Assad, est intervenu au Liban et a soutenu les partis libanais d'extrême droite contre les organisations palestiniennes et libanaises de gauche.

Il a également mené des opérations militaires contre des camps palestiniens à Beyrouth en 1985 et 1986. En 1990, environ 2 500 prisonniers politiques palestiniens étaient détenus dans des prisons syriennes.

Compte tenu de cette histoire, le mouvement de solidarité avec la Palestine commet une erreur en défendant et en s'alignant sur des États impérialistes ou sous-impérialistes qui font passer leurs intérêts avant la solidarité avec la Palestine, rivalisent pour obtenir des gains géopolitiques et exploitent les travailleurs et les ressources de leurs pays. Bien sûr, l'impérialisme américain reste le principal ennemi de la région avec sa longue histoire de guerres, de pillages et de domination politique.

Mais il est absurde de considérer les puissances régionales réactionnaires et d'autres États impérialistes comme la Russie ou la Chine comme des alliés de la Palestine ou de son mouvement de solidarité. Il n'y a tout simplement aucune preuve pour étayer cette position. Choisir un impérialisme plutôt qu'un autre, c'est garantir la stabilité du système capitaliste et l'exploitation des classes populaires. De même, soutenir des régimes autoritaires et despotiques dans la poursuite de l'objectif de libération de la Palestine est non seulement moralement erroné, mais s'est également avéré être une stratégie vouée à l'échec.

Au contraire, le mouvement de solidarité palestinien doit considérer que la libération de la Palestine est liée non pas aux États de la région, mais à la libération de ses classes populaires. Celles-ci s'identifient à la Palestine et considèrent que leurs propres combats pour la démocratie et l'égalité sont intimement liés à la lutte de libération des Palestiniens. Lorsque les Palestiniens se battent, cela tend à déclencher le mouvement régional de libération, et le mouvement régional se répercute sur celui de la Palestine occupée.

Ces luttes sont dialectiquement liées ; ce sont des luttes mutuelles pour la libération collective. Le ministre israélien d'extrême droite Avigdor Lieberman a reconnu le danger que les soulèvements populaires régionaux représentaient pour Israël en 2011 lorsqu'il a déclaré que la révolution égyptienne qui a renversé Hosni Moubarak et ouvert la voie à une période d'ouverture démocratique dans le pays constituait une plus grande menace pour Israël que l'Iran.

Il ne s'agit pas de nier le droit de résistance des Palestiniens et des Libanais aux guerres brutales d'Israël, mais de comprendre que la révolte unie des classes populaires palestiniennes et régionales a le pouvoir de transformer l'ensemble du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, en renversant les régimes autoritaires et en expulsant les États-Unis et les autres puissances impérialistes. La solidarité internationale anti-impérialiste avec la Palestine et les classes populaires de la région est essentielle, car elles sont confrontées non seulement à Israël et aux régimes réactionnaires du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, mais aussi à leurs soutiens impérialistes.

La tâche principale du mouvement de solidarité avec la Palestine, en particulier en Occident, est de dénoncer le rôle complice de nos classes dirigeantes qui soutiennent non seulement l'État d'apartheid, raciste et colonial, d'Israël et sa guerre génocidaire contre les Palestiniens, mais aussi les attaques d'Israël contre d'autres pays de la région, tels que le Liban. Le mouvement doit faire pression sur ces classes dirigeantes pour qu'elles rompent toute relation politique, économique et militaire avec Tel-Aviv.

De cette manière, le mouvement de solidarité peut remettre en question et affaiblir le soutien international et régional à Israël, ouvrant l'espace pour que les Palestiniens se libèrent avec les classes populaires de la région.

Tempest : L'avancée des rebelles en Syrie va-t-elle permettre aux forces progressistes de relancer la lutte révolutionnaire et d'offrir une alternative au régime et au fondamentalisme islamique ?

JD : Il n'y a pas de réponse évidente, surtout des interrogations. La lutte par en bas et l'auto-organisation seront-elles possibles dans les zones où le régime a été chassé ? Les organisations de la société civile (non pas au sens étroit d'ONG, mais au sens gramscien de formations de masse populaires en dehors de l'État) et les structures politiques qui pourraient mener des politiques démocratiques et progressistes, seront-elles en mesure de s'établir, de s'organiser et de constituer une alternative politique et sociale au HTS et au SNA ? L'étirement des forces du HTS et de l'ANS permettra-t-il de s'organiser au niveau local ?

Telles sont les questions clés qui, à mon avis, n'ont pas de réponses claires. Si l'on examine les politiques du HTS et de l'ANS dans le passé, on constate qu'elles n'ont pas encouragé le développement d'un espace démocratique, bien au contraire. Elles ont été autoritaires. Aucune confiance ne devrait être accordée à de telles forces. Seule l'auto-organisation des classes populaires luttant pour des revendications démocratiques et progressistes créera cet espace et ouvrira la voie à une véritable libération. Pour cela, il faudra surmonter de nombreux obstacles, de la fatigue de la guerre à la répression, en passant par la pauvreté et la dislocation sociale.

Le principal obstacle a été, est et sera les acteurs autoritaires, auparavant le régime, mais maintenant une grande partie des forces d'opposition, en particulier le HTS et l'ANS ; leur domination et les affrontements militaires entre eux ont étouffé l'espace qui aurait pu permettre aux forces démocratiques et progressistes de déterminer démocratiquement leur avenir. Même dans les zones libérées du contrôle du régime, nous n'avons pas encore assisté à des campagnes populaires de résistance démocratique et progressiste. Et là où l'ANS a conquis des zones kurdes, il a violé les droits des Kurdes, les a réprimés par la violence et a déplacé de force un grand nombre d'entre eux.

Nous devons nous rendre à l'évidence : l'absence d'un bloc démocratique et progressiste indépendant capable de s'organiser et de s'opposer clairement au régime syrien et aux forces fondamentalistes islamiques est criante. La construction de ce bloc prendra du temps. Il devra combiner les luttes contre l'autocratie, l'exploitation et toutes les formes d'oppression. Il devra porter les revendications de démocratie, d'égalité, d'autodétermination kurde et de libération des femmes afin de créer une solidarité entre les exploités et les opprimés du pays.

Pour faire avancer ces revendications, ce bloc progressiste devra construire et reconstruire des organisations populaires, des syndicats aux organisations féministes, en passant par les organisations communautaires, et des structures nationales pour les rassembler. Cela nécessitera une collaboration entre les acteurs démocratiques et progressistes de l'ensemble de la société.

Ceci dit, il y a de l'espoir, alors que la dynamique clé était initialement militaire et menée par le HTS et l'ANS, ces derniers jours, nous avons vu des manifestations populaires grandissantes et des gens qui sortent dans les rues à travers le pays. Ils ne suivent pas les ordres du HTS, de l'ANS ou d'autres groupes d'opposition armés. Il y a maintenant un espace, avec ses contradictions et ses défis comme mentionné ci-dessus, pour que les Syriens essaient de reconstruire une résistance populaire civile à partir de la base et des structures alternatives de pouvoir.

En outre, l'une des tâches essentielles consistera à s'attaquer à la principale division ethnique du pays, celle entre les Arabes et les Kurdes. Les forces progressistes doivent mener une lutte claire contre le chauvinisme arabe afin de surmonter cette division et de forger une solidarité entre ces populations. Il s'agit d'un défi qui se pose depuis le début de la révolution syrienne en 2011 et qui devra être affronté et résolu de manière progressiste pour que le peuple syrien soit réellement libéré.

Il est absolument nécessaire de revenir aux aspirations initiales de la révolution syrienne en matière de démocratie, de justice sociale et d'égalité, tout en respectant l'autodétermination kurde. Si le PYD kurde peut être critiqué pour ses erreurs et son mode de gouvernement, il n'est pas le principal obstacle à une telle solidarité entre Kurdes et Arabes. Il s'agit des positions et des politiques belliqueuses et chauvines des forces d'opposition arabes en Syrie - à commencer par la Coalition nationale syrienne, dominée par les Arabes, suivie par la Coalition nationale des forces révolutionnaires et d'opposition syriennes, les principaux organes d'opposition en exil soutenus par l'Occident et les pays de la région, qui ont tenté de diriger la révolution syrienne dans ses premières années - et aujourd'hui celles des deux principales forces militaires, le HTS et l'ANS.
Dans ce contexte, les forces progressistes doivent poursuivre la collaboration entre les Arabes syriens et les Kurdes, y compris l'AANES. Le projet AANES et ses institutions politiques représentent de larges pans de la population kurde et l'ont protégée contre diverses menaces locales et extérieures.

Cela dit, il a lui aussi des défauts et ne doit pas être soutenu sans critique. Le PYD et AANES ont eu recours à la force et à la répression contre les militants politiques et les groupes qui contestaient leur pouvoir. Ils ont également violé les droits de l'homme des civils. Néanmoins, ils ont obtenu des résultats importants, notamment en augmentant la participation des femmes à tous les niveaux de la société, en codifiant des lois laïques et en incluant davantage les minorités religieuses et ethniques. Toutefois, sur les questions socio-économiques, ils n'ont pas rompu avec le capitalisme et n'ont pas répondu de manière adéquate aux demandes des classes populaires.

Quelles que soient les critiques que les progressistes peuvent adresser au PYD et à l'AANES, nous devons rejeter et nous opposer aux descriptions chauvines arabes qui les qualifient de « diable » et de projet ethno-nationaliste « séparatiste ». Mais en rejetant ce sectarisme, nous ne devons pas idéaliser l'AANES sans esprit critique, comme l'ont fait certains anarchistes et gauchistes occidentaux, en la présentant à tort comme une nouvelle forme de pouvoir démocratique par en bas.

Il y a déjà eu une certaine collaboration entre les démocrates et les progressistes arabes syriens et l'AANES et les institutions qui y sont liées, et il faut la développer et l'étendre. Mais, comme dans tout type de collaboration, celle-ci ne doit pas se faire sans esprit critique.

S'il est important de rappeler à tous que le régime de Bachar al-Assad et ses alliés sont les premiers responsables du massacre de centaines de milliers de civils, des destructions massives, de l'appauvrissement croissant et de la situation actuelle en Syrie, l'objectif de la révolution syrienne va au-delà de ce que le chef de HTS, al-Jolani, affirme dans son interview avec CNN. Il ne s'agit pas seulement de renverser ce régime, mais de construire une société démocratique et égalitaire où les groupes opprimés jouissent de droits complets. Sinon, nous ne ferons que remplacer un mal par un autre.

Tempest : Quel sera l'impact de la chute du régime sur la région et les puissances impériales ? Quelle position la gauche internationale devrait-elle adopter dans cette situation ?

JD : Après la chute du régime, le chef du HTS, M. al-Jolani, a déclaré que les institutions de l'État syrien seraient supervisées par le premier ministre de l'ancien régime, M. Mohammed Jalali, jusqu'à ce qu'elles soient remises à un nouveau gouvernement doté des pleins pouvoirs exécutifs, à la suite d'élections, ce qui témoigne des efforts déployés pour assurer une transition ordonnée. Le ministre syrien des télécommunications, Eyad al-Khatib, a accepté de collaborer avec les représentants du HTS pour garantir la continuité des télécommunications et d'internet.

Ces éléments indiquent clairement que le HTS souhaite procéder à une transition contrôlée du pouvoir afin d'apaiser les craintes des pays étrangers, d'établir des contacts avec les puissances régionales et internationales et d'être reconnu comme une force légitime avec laquelle il est possible de négocier. Un obstacle à cette normalisation est le fait que le HTS est toujours considéré comme une organisation terroriste, alors que la Syrie fait l'objet de sanctions.

Il faut donc s'attendre à une période d'instabilité dans le pays. À Damas, le lendemain de la chute du régime, on a pu observer un certain chaos dans les rues, la banque centrale ayant par exemple été pillée.

Il est encore difficile de dire quel sera l'impact de la chute du régime sur les puissances régionales et impériales. Pour les États-Unis et les pays occidentaux, l'objectif principal est désormais de limiter les dégâts afin d'éviter que le chaos ne s'étende à la région. Les États de la région ne sont manifestement pas satisfaits de la situation actuelle, alors qu'ils avaient entamé un processus de normalisation avec le régime au cours des dernières années. Quant à la Turquie, son principal objectif sera de consolider son pouvoir et son influence en Syrie et de se débarrasser de l'AANES dirigée par les Kurdes dans le nord-est. Le chef de la diplomatie turque a d'ailleurs déclaré dimanche que l'État turc était en contact avec les rebelles en Syrie pour s'assurer que l'État islamique et surtout le « PKK » ne profitent pas de la chute du régime de Damas pour étendre leur influence.

Les différentes puissances ont cependant un objectif commun : imposer une forme de stabilité autoritaire en Syrie et dans la région. Cela ne signifie évidemment qu'il existe une unité de vues entre les puissances régionales et impériales. Elles ont chacune leurs propres intérêts, souvent antagonistes, mais elles ne veulent pas de la déstabilisation du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, surtout pas d'une instabilité qui perturberait l'acheminement du pétrole pour le capitalisme mondial.

La gauche internationale ne doit pas se ranger du côté des restes du régime ou des forces locales, régionales et internationales de la contre-révolution. Au contraire, la boussole politique des révolutionnaires devrait être le principe de solidarité avec les luttes populaires et progressistes par en bas. Cela signifie qu'il faut soutenir les groupes et les individus qui s'organisent et luttent pour une Syrie progressiste et inclusive et construire une solidarité entre eux et les classes populaires de la région.

Dans un contexte instable en Syrie, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, nous devons éviter le double piège du romantisme et du défaitisme. Au contraire, nous devons poursuivre une stratégie de solidarité critique, progressiste et internationale entre les forces populaires de la région et du monde entier. Il s'agit là d'une tâche et d'une responsabilité cruciales de la gauche, en particulier en ces temps très complexes.

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Contre la bouc−émissarisation des immigrant·es

17 décembre 2024, par À Bâbord ! — , ,
Annonce d'un moratoire sur l'immigration au Québec, virage du Parti libéral du Canada et du gouvernement fédéral sur les seuils d'accueil, débats sur l'adhésion (ou (…)

Annonce d'un moratoire sur l'immigration au Québec, virage du Parti libéral du Canada et du gouvernement fédéral sur les seuils d'accueil, débats sur l'adhésion (ou non-adhésion) aux « valeurs de la société québécoise ». C'est acté : l'immigration s'enligne pour être l'un des grands sujets des campagnes électorales canadiennes et québécoises.

Éditorial du numéro 102 par le Collectif de la revue A babord !

Accueilli·es à bras ouverts pendant la pandémie, les immigrant·es sont désormais les boucs émissaires systématiques de la droite et de leurs soutiens. De la crise du logement au déclin du français, en passant par la laïcité, les accusations ne cessent de s'accumuler au Québec. L'hostilité d'une partie du champ politique à l'égard des personnes immigrées suscite les propositions les plus électoralistes, les plus absurdes et déshumanisantes, comme le démontre l'intention du Parti Québécois de miser sur la robotisation pour les remplacer.

Alors que l'inflation détériore le niveau de vie des Québécois·es, on tente aussi d'opposer les classes populaires aux immigrant·es en agitant la menace qu'iels représenteraient sur l'État-providence. Le filet social ou l'immigration : un dilemme fallacieux et dangereux qui est largement utilisé dans les pays scandinaves par l'extrême droite.

Évidemment, il ne s'agit pas de parler de tous les immigrant·es. Il ne s'agit pas de remettre en cause l'exploitation des travailleur·euses temporaires et précaires, comme dans le secteur agricole, qui sont pieds et poings liés à leurs employeurs. Il semble aussi évident que la droite porte un regard différent sur l'immigration en fonction du pays, de la couleur de peau ou de la religion.

Notons ici l'ironie de vouloir restreindre ainsi l'immigration lorsque la construction de l'État canadien et québécois repose sur l'accaparement et la colonisation des territoires autochtones non cédés. Pour reprendre le fameux slogan altermondialiste : « Personne n'est illégal sur les territoires volés ». Sans surprise, de telles réflexions sont absentes dans les grands médias.

Ce climat xénophobe et raciste joue une double fonction. D'une part, il permet d'intimider et de menacer les personnes concernées en les dissuadant de s'organiser et de répliquer. Et d'autre part, il permet à de plus en plus de personnes de se sentir à l'aise d'exprimer des idées discriminatoires et nauséabondes.

Face à cette situation, la réponse des partis et organisations de gauche demeure insatisfaisante. Certes, on continue à souligner le rôle positif que l'immigration joue dans le fonctionnement des services publics et de l'économie québécoise en général. On la promeut comme un moyen de dynamiser les régions et on rappelle qu'elle comble les emplois que les Québécois·es ne souhaitent pas occuper. Mais là encore, les immigrant·es restent considéré·es en tant que variables d'ajustement économique et non comme des personnes qui ont des désirs, des rêves et des projets de vie.

Côté syndicats, une certaine vision réductionniste, consistant à voir le syndicalisme comme une sorte de compagnie d'assurance des travailleur·euses et non comme une force politique plus ambitieuse, empêchent plusieurs organisations de prendre des positions plus fortes sur ces enjeux. Comme si défendre d'autres causes, et leur attribuer des ressources et du temps, était incompatible avec la défense des intérêts de leurs membres.

À l'heure des bouleversements climatiques, de la montée des idées d'extrême droite et des ravages accrus du capitalisme, il est plus urgent que jamais de raviver les idéaux internationalistes et humanistes consistant à ne pas traiter autrui comme un simple objet mais comme un véritable sujet.

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Lettre ouverte du RCCQ : Ensemble pour la reconnaissance du droit à l’alimentation au Québec

17 décembre 2024, par Regroupement des cuisines collectives du Québec (RCCQ) — , ,
En cette Journée internationale des droits humains, Ensemble pour la reconnaissance du droit à l'alimentation au Québec. De Regroupement des cuisines , le 2024-12-09 09:15 (…)

En cette Journée internationale des droits humains, Ensemble pour la reconnaissance du droit à l'alimentation au Québec.

De Regroupement des cuisines , le 2024-12-09 09:15

En ce 10 décembre, la Journée internationale des droits humains nous invite à réfléchir sur l'importance de garantir à toutes et tous des conditions de vie dignes et justes. Alors que notre monde est confronté à des crises profondes — économiques, sociales et environnementales —, il devient impératif de considérer les droits humains comme un ensemble indissociable et interdépendant.

L'enjeu actuel de l'insécurité alimentaire croissante nous amène à nous pencher sur un droit plus spécifique, le droit à l'alimentation.

Ce droit, bien qu'essentiel, ne peut être pleinement garanti sans la reconnaissance et la protection d'autres droits fondamentaux. L'accès à une nourriture suffisante et saine repose sur un logement stable pour préparer et conserver les aliments, sur un revenu décent pour en assurer l'achat, sur un environnement sain pour maintenir la production agricole, et sur des soins de santé accessibles pour en préserver les bienfaits. Ces droits se soutiennent mutuellement : lorsque l'un vacille, tous sont fragilisés.

En cette journée de réflexion et de mobilisation, nous devons regarder notre société en face et admettre que ces droits, pourtant reconnus universellement, ne sont pas une réalité pour une grande partie de la population. Les inégalités économiques et les injustices
environnementales creusent des fossés qui menacent le bien-être individuel et collectif. Trop de personnes vivent dans l'insécurité alimentaire, non par manque de ressources, mais en raison de systèmes sociaux et économiques qui les laissent pour compte.

Garantir le droit à l'alimentation ne se limite pas à offrir de la nourriture ; cela implique de transformer nos politiques publiques pour répondre aux besoins fondamentaux de toutes et tous. Cela signifie investir dans des logements abordables et adaptés, assurer l'accès à une éducation gratuite et de qualité, rehausser les revenus, protéger les écosystèmes et soutenir des systèmes alimentaires durables au bénéfice de nos territoires et des personnes qui y habitent.

Les droits humains ne sont pas des concepts abstraits : ils sont la base sur laquelle nous pouvons bâtir un avenir plus juste. Les respecter et les promouvoir, c'est poser les fondations d'une société où toute personne peut vivre dans la dignité, sans avoir à choisir entre se nourrir, se loger, s'instruire ou se soigner.

En cette Journée internationale des droits humains, rappelons-nous que chaque droit compte, mais que c'est leur interdépendance qui les rend si puissants. Ensemble, agissons pour faire de ces droits une réalité pour toutes et tous, ici et ailleurs.

Signataires (par catégories) :

Milieu académique

* Laurence Guillaumie, Professeure, Université Laval, Membre de l'INAF
et du Regroupement des chercheur.es SAT

* Malek Batal, PhD, FRSC, FCAHS. Professeur et titulaire de la Chaire de
recherche du Canada sur les inégalités en nutrition et santé (CIENS,
Université de Montréal. Chercheur, Centre de recherche en santé publique
(CReSP) et au Centre de recherche interdisciplinaire sur la justice
intersectionnelle, la décolonisation et l'équité (CRI-JADE)

* Rosanne Blanchet, Professeure, École de santé publique de
l'Université de Montréal (ESPUM). Chercheuse Centre de recherche en
santé publique (CReSP). Chercheuse au Centre de recherche
interdisciplinaire sur la justice intersectionnelle, la décolonisation et
l'équité (CRI-JADE)

* Alexandra Otis, Dt.P., M. Sc., Candidate au doctorat à l'École de
santé publique de l'Université de Montréal (ESPUM). Centre de recherche
en santé publique (CReSP)

* Théa Demmers, ESPUM, CReSP

* Valérie Levacher, Dt.P., M. Sc., Étudiante au doctorat à l'École de
santé publique de l'Université de Montréal (ESPUM). Membre étudiante au
Centre de recherche en santé publique (CReSP) et au Centre de recherche
interdisciplinaire sur la justice intersectionnelle, la décolonisation et
l'équité (CRI-JADE)

* Mylène Ratelle, Professeure, École de santé publique de
l'Université de Montréal (ESPUM). Professeure associée, School of Public
Health, University of Waterloo. Chercheuse au Centre de recherche en santé
publique (CReSP). Chercheuse au Centre de recherche interdisciplinaire sur
la justice intersectionnelle, la décolonisation et l'équité (CRI-JADE).

* Lara Gautier, Professeure, École de santé publique de l'Université
de Montréal (ESPUM). Chercheuse au Centre de recherche en santé publique
(CReSP). Chercheuse à l'Institut Universitaire SHERPA. Chercheuse au
Centre de recherche interdisciplinaire sur la justice intersectionnelle, la
décolonisation et l'équité (CRI-JADE). Chercheuse associée, Ceped
(IRD-Université de Paris).

* Sophie Dupéré, professeure titulaire, faculté des sciences
infirmières, Université Laval. Chercheuse au Centre de recherche de
Montréal sur les inégalités sociales, les discriminations et les
pratiques alternatives de citoyenneté (CREMIS).

* Lucie Lamarche, professeure, Faculté de science politique et de droit,
UQAM

* Nathalie Vallée, directrice générale du Collège Ahuntsic, Montréal

* Marie-Anne Viau, enseignante et coordonnatrice du département
d'agriculture urbaine du Collège Ahuntsic, Montréal

* Christine Gingras, directrice par intérim et coordonnatrice de
projets, Centre d'innovations sociales en agriculture du Cégep de
Victoriaville

* Olivier Riffon, Professeur responsable, LAGORA - Laboratoire de
gouvernances alternatives - UQAC

* Laurence Simard-Gagnon, professeure, département de psychosociologie
et travail social, Université du Québec à Rimouski - campus de Lévis

* Julie Richard, professeure, département de psychosociologie et travail
social, Université du Québec à Rimouski - campus de Lévis

* Martine D'Amours, professeure associée (retraitée), département des
relations industrielles, Université Laval

* Youri Blanchet, président de la FEC-CSQ (Fédération de
l'enseignement collégial)

* Camille Labadie LL.M., LL.D., Chargée de cours Université du Québec
à Montréal

* Mylène Lafrenière-Abel, avocate

Milieu institutionnel et de la santé

* Thomas Bastien, directeur général de l'Association pour la santé
publique du Québec

* Kathleen Pelletier, médecin-conseil en promotion de la santé,
Direction de santé publique, CIUSSS SLSJ

* Lyne Sénéchal, O.C CIUSSS Saguenay-Lac-St-Jean

Milieu alimentaire, agricole et environnemental

* Marcel Groleau, président, Coalition Nourrir l'Humanité durablement

* Colleen Thorpe, directrice générale, Équiterre

* Bernard Lavallée, Dt.P., M. Sc., Le nutritionniste urbain

* Hélène Laurendeau, nutritionniste, auteure et conférencière

* Nathalie Laplante, consultante en projets collectifs nourriciers,
L'Assiette Turquoise

* Sophie Lapointe, écoconseillère, coordonnatrice de Borée,
Saguenay-Lac-Saint-Jean

* Audrey Pelchat, directrice générale, Société de gestion
environnementale de Dolbeau-Mistassini

* Florence Roy-Allard, co-coordonnatrice, Forum SAT

* Laurence Deschamps-Léger, co-coordonnatrice, Forum SAT

* Gabrielle Payette-Bédard, chargée à la mobilisation régionale,
Forum SAT

* Maxime Sharkey, directice générale, Marchés Ahuntsic-Cartierville

Milieu communautaire, philanthropique et social

* Martin Munger, directeur général, Banques alimentaires du Québec

* Christian Savard, directeur général, Vivre en Ville

* Karine Robinette, directrice générale, Regroupement des popotes
roulantes du Québec

* Yves Bellavance, directeur général, Coalition montréalaise des
Tables de quartier

* Wade Thorhaug, Réseau pour une alimentation durable

* Corinne Voyer, directrice du Collectif Vital

* Judith Barry, Co-fondatrice du Club des petits déjeuners et directrice
des relations gouvernementales

* Chantal Vézina, Directrice générale, Moisson Montréal

* Véronique Laflamme, porte-parole du Front d'action populaire en
réaménagement urbain (FRAPRU)

* Laurence Guénette, coordonnatrice Ligue des droits et libertés

* Nick Saul, Centres communautaire d'alimentation du Canada

* Mireille Jetté, Direction générale adjointe pour La Cantine pour
tous

* Caroline Toupin, coordonnatrice, Réseau québécois de l'action
communautaire autonome (RQ-ACA)

* Stéphanie Vallée, présidente, Table des regroupements provinciaux
d'organismes communautaires et bénévoles

* Équipe du Collectif pour un Québec sans pauvreté, Québec

* Nancy Neamtan, co-fondatrice et ancienne directrice du Chantier de
l'économie sociale

* Mouvement ATD Quart Monde -Agir Tous pour la Dignité-

* Stéphanie Taillon, Partageons l'espoir

* Tasha Lackman, Le Dépôt, Centre communautaire d'alimentation

* Marie-Ève Lefrançois, directrice, Centre d'action bénévole
Entre-Êtres de Jonquière

* Magdouda Oudjit, Directrice, LA MAISON DE QUARTIER VILLERAY

* Yanick Soumis, directeur général, Moisson Saguenay-Lac-St-Jean

* Cloé Loiselle, Dt.P., coordonnatrice des Espaces Collaboratifs de
Transformation alimentaire au Saguenay-Lac-Saint-Jean

* Gabrielle Girard, Directrice Générale Adjointe, Moisson
Saguenay-Lac-St-Jean

* Lise Savard, directrice ajointe centre Mamik

* Nadia Simard, adjointe administrative, Moisson Saguenay-Lac-Saint-Jean

* France Simard, Mouvement Action Chômage Lac-Saint-Jean

* Nadia Bolduc, intervenante en défense collective des droits, Mouvement
Action Chômage Lac-Saint-Jean

* Valérie Fontaine, présidente de la Fédération du personnel de
soutien de l'Enseignement supérieur (FPSES-CSQ)

* Marie-Claire Rufagari, coordonnatrice de la formation TCRI

* Michel Dubé, coordonnateur, Action Populaire Rimouski-Neigette

* Carolyne Belso, directrice générale, La Maison des Parents de
Bordeaux-Cartierville

* Line Sirois, Action-Chômage Côte-Nord

* Jimmy Tremblay, Président régional SFPQ pour Saguenay Lac-St-Jean,
Chibougamau, Charlevoix, Haute côte Nord

* L'équipe de Cuisine collective, le vent dans les tabliers,
Îles-de-la-Madeleine

* Vicky Tremblay, Mouvement Action-Chômage de Montréal

* Joël Poliquin, Regroupement des Sans-Emploi de Victoriaville

* Sylvie Hébert, Droits Devant Érable

* Francis Roy, intervenant responsable des cuisines collectives, la
maison de la famille du Nord de Mont-Tremblant

* Gracia Adam, coordonnatrice, Table en sécurité alimentaire de
Limoilou

* Annie Tanguay, co-coordonnatrice et intervenante La Collective des
femmes de Nicolet et région

* Félix Meilleur, cuisinier-animateur à La Bouffe Du Carrefour

* Eugénie Fortin, simple citoyenne en appui au droit à l'alimentation

* Jean Ayotte, coordonnateur Comité chômage de l'est de Montréal

* Marie-Ève Lemaire St-Gelais, coordonnatrice en sécurité alimentaire,
Table de Quartier Sud de l'ouest-de-l'île

* Franceska Samson, Coordonnatrice en défense des droits sociaux,
regroupement de défense des droits sociaux district Drummond

* Jean-Philippe Laperrière, directeur général de la Table de
concertation sur la faim et le développement social du Montréal
métropolitain.

* Victoria F. Legault, directrice générale, Aide aux Trans du Québec
(ATQ)

* François Bergeron, directeur général, corporation de développement
communautaire du Centre-Sud de Montréal

* Nadia Mongeon, coordonnatrice Mouvement Action Chômage Pabok GÎM

* Julie Proulx, coordonnatrice Action Chômage Kamouraska

* Lysa Villeneuve, directrice générale de la Bouffe du Carrefour à
Saint-Hubert

* Josée Lemay, directrice générale Centre d'action Bénévole DDR

* Mireille Guy-Tremblay, conseillère budgétaire au service budgétaire
de Saint-Félicien

* Yany Charbonneau, coordonnatrice clinique Service de travail de rue de
Chicoutimi

* Nathalie Lanctôt, membre de Touski, Québec

* Lucie Gélineau, professeure, Université du Québec à Rimouski,
Antenne de Baie-Comeau

* Diane Barrette, Coordonnatrice Les cuisines collectives de Francheville
(Trois-Rivières)

* Elisabeth Dupuis, Présidente, Association X Fragile Québec

* Annie-Claude Tremblay, Coordonnatrice, Moisson d'Alma

* Jean Girard, Intervenant Maison Oxygène Alma

* Alice Châtel, coordonnatrice Ressources familiales la vieille caserne
de Montmorency

* Tania Angulo, Conseillère principale Impact et Engagement collectif,
Club des petits déjeuners

* Donald Boisvert, La Corbeille-Bordeaux-Cartierville

* Vanessa Gamboa González, Association des groupes d'éducation
populaire autonome (AGÉPA) Centre-du-Québec

* Thibault Rehn, coordonnateur de Vigilance OGM

* Sylvie Chamberland, Codirectrice générale du Carrefour solidaire
centre communautaire d'alimentation

* Dominique Lalonde, agr., codirectrices ainsi que l'ensemble de
l'équipe du Collectif Récolte

* Judith Colombo, agr., codirectrices ainsi que l'ensemble de l'équipe
du Collectif Récolte

* Danièle Savoie, coordonnatrice REGAL+, Regroupement alimentaire des
Laurentides +

* Marie-Andrée Painchaud-Mathieu, coordonnatrice, Regroupement
intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM)

* Marie-Christine Latte, Coordonnatrice de l'Organisation populaire des
droits sociaux (OPDS)

* Daniel Leroux, Intervenant communautaire, Centre d'Entraide La
Samaritaine de Mont-Tremblant

* Sylvie Taillefer, consultante auprès d'organismes en sécurité
alimentaire

* Sophie Desmarais, Amie du Quartier

* Geneviève Deneault, Intervenante socioprofessionnelle, Carrefour
Jeunesse-Emploi D'Argenteuil

* Alyssa Légaré, Directrice générale, La Maison de la Famille de
Bois-des-Filion

* Josée Lefebvre, intervenante, Centre d'entraide Racine-Lavoie

* Maryse St-Jacques, agente de projets, Carrefour jeunesse-emploi
Deux-Montagnes

* Evelyne Landry, coordonnatrice, Maison d'Entraide de Prévost

* Marie-Ève Fortin, intervenante, Centre d'entraide Racine Lavoie,
Saint-Eustache

* Louise Desrochers, Directrice générale, Centre d'Entraide
d'Argenteuil

* Stéphany Bombardier, organisatrice communautaire, Centre d'Entraide
d'Argenteuil

* Odette Gagnon, secrétaire trésorière Carrefour d'entraide de Saint
Placide

* Marilyne Barbe, Coordination, Table de concertation Pauvreté
Sainte-Thérèse-de-Blainville

* Julie Jeanson, Directrice générale, Cuisines Collectives du
Haut-Saint-François

* Camille Perry, coordonnatrice, Table de concertation en sécurité
alimentaire Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine

* Mario Frey, Direction générale, Maison de la Famille de Laval-Ouest

* Maryse-Hélène Soucy, coordonnatrice- Cuisines Collectives de Cabano

* Catherine Robert, coordonnatrice des ateliers culinaires, Alliance
alimentaire Papineau,
Saint-André-Avellin

* Brigitte Rosa, directrice du Carrefour communautaire de Chibougamau

* Claudia Thivierge, Responsable des services d'aide aux familles et des
cuisines collectives, Centre de Bénévolat d'Acton Vale

* Judy Bérubé, agente de développement responsable des cuisines
collectives de Brownsburg-Chatham

* Hélène Gadoury, Coordonnatrice adjointe, Carrefour d'éducation
populaire de Pointe-Saint-Charles

* Vicky Blanchard, codirectrice responsable des finances et de la
sécurité alimentaire Maison de la Famille de St-François

* Kadiétou Savadogo, directrice générale, Centre communautaire Bon
Courage

* Marie Renaud, vice-présidente et secrétaire du Conseil
d'administration, Maison de la Famille de Laval-Ouest

* Équipe du Regroupement des comités logement et associations de
locataires du Québec (RCLALQ)
* Catherine Drouin, directrice générale de la Maison de la famille du
Nord

* Élise Gauthier, Comité Un toit pour tous

* Jaymie Besson, intervenante ORHA

* Alexis Melançon-Renaud, coordonnateur de la Table de concertation en
sécurité alimentaire de la MRC d'Antoine-Labelle

* Mélanie Desormeaux, directrice générale adjointe, Carrefour
jeunesse-emploi des Pays-d'en-Haut

* Bruno-Willy Matthys, coordonnateur et administrateur des Cuisines
Collectives de Matha.

* Francine Piché, Action Famille Lanoraie

* Rachel Lauzier, coordonnatrice du Marché Ambulant

* Jacques Roy, Directeur Maison de la Famille Contre Vents et Marées

* Caroline Guay, Intervenante en sécurité alimentaire mobile Carrefour
d'Entraide Lachine

* Julie Humbert-Brun, Coordonnatrice des services alimentaires, Centre de
ressources et d'action communautaire de La Petite-Patrie

* Guy Julien, Responsable des cuisines collectives, Source alimentaire
Bonavignon à Maria, Gaspésie

* Martin Petrarca, Directeur général de CAP Emploi, Laurentides

* Véronique Gagnon, Directrice générale Café communautaire
L'Entre-Gens

* Annie Savage, directrice du Réseau d'aide aux personnes seules et
itinérantes de Montréal (RAPSIM)

* Blanche Laforge-Cotte, agente aux communications et au développement
à La Bouffe du Carrefour

* Dominique Bastenier, directrice du Centre d'entraide Racine-Lavoie

* Catherine Lachance, directrice du Réseau d'Entraide des Appalaches

* Équipe Collectif Aliment-Terre, Paspébiac, Gaspésie

* Maryse Laroche, directrice des Cuisines collectives des Bois-Francs

* Corporation de développement communautaire de Mirabel, Laurentides

* Miriam Morin, directrice générale de La Maison de Quartier de
Fabreville inc.

* Annie Pelletier, directrice générale de La Maison d'Aurore, Montréal

* Club populaire des consommateurs de Pointe-Saint-Charles, Montréal

* Adeline Deheunynck, responsable des cuisines collectives du Club
populaire des consommateurs de Pointe-Saint-Charles

* Ginette Boucher, Directrice générale de Cuisines de l'Amitié,
Brossard

* Nathalie Charbonneau, directrice générale de Sourire sans fin,
St-Rémi

* Nancy Champagne, Directrice générale de la Maison de Quartier Vimont

* Audrey Borris, Responsable des cuisines collectives de Parenfants de
Mascouche

* Josiane Gagnon, Agente de Planification, Programmation, Recherche,
Système alimentation durable, Saine alimentation et Sécurité
alimentaire, Secteur Saguenay et du Fjord.

* Aline Ménard, Présidente du Conseil d'administration, Carrefour
Alimenter L'Espoir de Blainville (CALEB). Blainville.

* Jeanne d'Arc Ostiguy, CA la Bouffe du Carrefour St-Hubert

* Pénélope Stuart, Responsable - vie associative et communications,
Cuisines collectives du Grand Plateau

* Esther Prince, directrice générale, Centre de femmes du
Haut-Richelieu

* Laurence Arbogast, Directrice générale, Bouffe-Action de Rosemont

* Zoé Lefort-Taillon, Directrice logistique et des services, Centre
Communautaire On Rock

* Rachelle Cournoyer, adminstratrice, Citoyens pour un Dorval Meilleur

* Ginette Lewis, retraitée

* Luisa Cruz, Directrice RH, Corbeille de Pain Lac-St Louis

Source : Jessica Dufresne, Ph.D,
chargée de projet droit à l'alimentation
projetda@rccq.org
Regroupement des cuisines collectives du Québec

www.droitalimentation.org [1]

www.rccq.org

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Couper dans les services aux personnes handicapées jusqu’à l’indécence

17 décembre 2024, par Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées (AQRIPH) — , ,
Québec, lundi 9 décembre 2024 – L'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées (AQRIPH) déplore que le gouvernement s'en prenne (…)

Québec, lundi 9 décembre 2024 – L'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées (AQRIPH) déplore que le gouvernement s'en prenne aux personnes handicapées et leurs proches en coupant ou en sous-investissant dans les programmes qui leur sont destinés.

Au cours des dernières semaines, nous avons appris que la mesure Contrat d'intégration au travail (CIT) qui permet l'intégration et le maintien en emploi de personnes handicapées a été amputée de 5 % pour plusieurs travailleurs handicapés ; que le Programme d'adaptation de domicile a été suspendu pour le reste de l'année financière ; que plusieurs bénéficiaires du chèque-emploi-service (CES) pour les services de soutien à domicile (SAD) ont subi une diminution du nombre d'heures accordées ; que les familles qui bénéficiaient d'allocations pour le soutien aux familles (SAF) dépassant les barèmes de 1991 pour l'achat de services de répit verront leurs allocations réduites à partir d'avril prochain pour revenir aux barèmes d'il y a 33 ans.

De plus, en ce qui concerne la consultation qui vient d'être lancée sur la nouvelle Politique nationale sur les soins et les services de soutien à domicile, le gouvernement remet en question la décision gouvernementale de 19881 d'accepter le principe de « la compensation des limitations fonctionnelles des personnes handicapées sans égard à leur revenu et celui de leur famille ». Même s'il s'agit d'un document de consultation, il est indécent que le gouvernement y envisage cette possibilité de remettre en cause un principe d'équité et de justice dont s'est doté le Québec pour les personnes handicapées.

Citation :

« On assiste ici à un recul de 35 ans au regard d'une plus grande équité nécessaire à une société plus inclusive des personnes handicapées. L'AQRIPH revendique que le gouvernement cesse de s'en prendre aux personnes handicapées dans son exercice de retour à l'austérité et recule concernant son attaque au principe de compensation. »

Isabelle Tremblay, directrice générale de l'AQRIPH

À propos de l'AQRIPH

L'AQRIPH est un organisme national de défense collective des droits des personnes handicapées et des proches, formé de 17 regroupements régionaux présents sur le territoire québécois, qui eux rassemblent plus de 400 organismes de personnes handicapées et de proches.

Note
1. Délibération du Conseil exécutif, 88-151

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Le soutien massif des banques et investisseurs canadiens à l’expansion du GNL alimente une future bombe climatique

17 décembre 2024, par Laura Bergamo — , ,
Les banques canadiennes investissent des milliards de dollars US dans l'expansion mondiale des terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL), une expansion qui pourrait contribuer à (…)

Les banques canadiennes investissent des milliards de dollars US dans l'expansion mondiale des terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL), une expansion qui pourrait contribuer à émettre plus de 10 gigatonnes d'émissions de gaz à effet de serre selon une nouvelle étude (1). L'expansion du GNL dépend du soutien des banques et investisseurs, et entre 2021 et 2023, neuf banques canadiennes ont soutenu l'expansion du GNL à hauteur de 16,7 milliards de dollars US (2). Reclaim Finance et Greenpeace Canada dénoncent le fait que les émissions provenant de ces projets de GNL, qui peuvent être plus nocifs que le charbon, mettent en péril l'objectif de carboneutralité. Greenpeace Canada et Reclaim Finance demandent aux banques de cesser immédiatement de soutenir les développeurs de tous nouveaux projets de GNL et de cesser en premier lieu de financer les terminaux d'exportation.

Tiré du site de Greenpeace Canada.

156 nouveaux terminaux de GNL, dont 63 terminaux d'exportation dans le monde d'ici 2030 : c'est ce que prévoient de développer des entreprises pétrolières et gazières telles que Shell, TotalEnergies, ainsi que des entreprises spécialisées dans le secteur du GNL comme Venture Global LNG. Des plans d'expansion à grande échelle, alors que l'Agence internationale de l'énergie (AIE) indique dans ses projections que les capacités actuelles des terminaux d'exportation sont suffisantes pour répondre à la demande (3).

Les 63 terminaux d'exportation de GNL qui doivent voir le jour d'ici 2030 pourraient émettre, notamment à cause des fuites de méthane, plus de 10 gigatonnes de gaz à effet de serre (GES) d'ici la fin de la décennie (4), soit près de l'équivalent des émissions annuelles des centrales à charbon en activité au niveau mondial (5). Ces nouvelles infrastructures entraineront par ailleurs des niveaux élevés de pollution et affecteront la santé des communautés locales (6).

Ces projets ne pourraient pas voir le jour sans le soutien massif des banques internationales, qui ont accordé 213 milliards de dollars US entre 2021 et 2023 aux principaux développeurs de GNL pour leurs plans d'expansion. Neuf banques canadiennes sont concernées, et six d'entre elles sont à l'origine de 97% de ce soutien, dont la Banque royale du Canada (RBC) (6,1 milliards de dollars US) et la Banque Scotia (5,5 milliards de dollars US). (7).

Le rapport montre que les investisseurs détenaient globalement 252 milliards de dollars US d'actifs dans l'expansion des principaux promoteurs de GNL en mai 2024, les 21 investisseurs canadiens qui ont le plus investi dans l'expansion du GNL y étant exposés à hauteur de 15,8 milliards de dollars US. (8).

Keith Stewart, stratège principal de Greenpeace Canada en matière d'énergie, a déclaré : « Imaginez le nombre de projets d'énergie propre ou de maisons vertes que nous aurions pu construire avec les milliards que nos banques ont versé dans des projets de GNL à l'échelle mondiale. Alors que les grandes banques délaissent les combustibles fossiles pour investir dans des solutions climatiques, les banques canadiennes redoublent d'efforts pour financer des projets de GNL qui alimentent la crise climatique et violent les droits des peuples autochtones ».

Bien que les six banques canadiennes qui financent le plus l'expansion du GNL se soient toutes engagées à aligner leurs activités sur une trajectoire de 1,5°C et à atteindre la décarbonation d'ici 2050, aucune de ces banques n'a pris de mesures pour mettre fin au financement de l'expansion du GNL. En fait, RBC, la Banque Scotia et la Banque Nationale du Canada ont toutes augmenté de manière significative leur financement de l'expansion du GNL entre 2021 et 2023.

Les banques canadiennes sont à la traîne par rapport à leurs homologues européennes. La banque néerlandaise ING s'est engagée à ne plus financer de nouveaux terminaux d'exportation de GNL à partir de 2026 (9), et Barclays, BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole, HSBC et Société Générale ont toutes introduit des restrictions au financement des terminaux d'exportation de GNL.

Justine Duclos-Gonda, chargée de campagne à Reclaim Finance, a déclaré : « Les entreprises pétro-gazières misent leur avenir sur les projets de GNL alors que chacun de ces projets met en danger l'avenir de l'Accord de Paris. Les banques et les investisseurs prétendent soutenir ces entreprises dans la transition, mais au lieu de cela, ils investissent des milliards de dollars dans de futures bombes climatiques. Il faut être très clair : le GNL est une énergie fossile et les nouveaux projets n'ont aucun rôle à jouer dans la transition énergétique. Les banques et les investisseurs doivent prendre leurs responsabilités et cesser immédiatement de soutenir les développeurs de GNL et leurs plans d'expansion. »

Reclaim Finance et Greenpeace Canada exhortent donc les banques et les investisseurs à adopter des politiques visant à cesser de fournir un soutien financier aux développeurs de tous les nouveaux projets de GNL et à mettre fin en premier lieu au financement des terminaux d'exportation.

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Syndicats et groupes environnementaux s’allient pour dénoncer la réforme du régime forestier

17 décembre 2024, par Centrale des syndicats démocratiques (CSD), Fédération de l'industrie manufacturière (FIM-CSN), Nature Québec, Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement, Société pour la Nature et les Parcs-section Québec, Syndicat des Métallos, Unifor — , ,
Nature Québec, Unifor, la Fédération de l'industrie manufacturière (FIM-CSN), le Syndicat des Métallos, la Centrale des syndicats démocratiques (CSD), le Regroupement national (…)

Nature Québec, Unifor, la Fédération de l'industrie manufacturière (FIM-CSN), le Syndicat des Métallos, la Centrale des syndicats démocratiques (CSD), le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec (RNCREQ) et la Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec) s'allient pour dénoncer la réforme du régime forestier. Les groupes environnementaux et les syndicats estiment que le ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF) fait fausse route avec cette réforme et qu'il doit la réviser en profondeur avant que la ministre ne dépose un projet de loi à l'Assemblée nationale.

Une réforme nécessaire, mais qui ne s'attaque pas aux problèmes

Dans le contexte actuel d'une crise structurelle et conjoncturelle qui frappe toute la filière forestière, les groupes environnementaux et les syndicats, qui représentent les travailleurs de l'ensemble de la chaîne de production de bois du Québec, soutiennent qu'une réforme du régime forestier s'impose, mais que les orientations mises de l'avant ne permettront pas de résoudre la crise forestière. Ils estiment que la réforme proposée contient néanmoins certains éléments intéressants qui peuvent être mis à l'essai, dans la mesure où certaines balises les concernant sont modifiées.

« En forêt, le statu quo est intenable. Il faut une transformation majeure de l'industrie forestière pour régler les problèmes d'appauvrissement des forêts et des travailleurs. Malheureusement, la réforme proposée n'est pas celle dont nous avons besoin. Cette réforme mise avant tout sur l'augmentation de la production de bois, sans résoudre les conflits avec les autres usagers de la forêt, sans s'adapter aux changements climatiques, et sans protéger les emplois et la biodiversité », estime Alice-Anne Simard, directrice générale de Nature Québec.

« La ministre devrait concentrer ses efforts pour apporter des réponses aux craintes légitimes des travailleurs et travailleuses. Après des années marquées par les fermetures et les licenciements, la modernisation du régime forestier nous offre l'occasion de revoir notre approche globale et de planifier une transition à l'avantage de tous. Pour nous, la refonte du régime et l'évolution de notre stratégie industrielle vont de pair. Il est possible de maintenir de bons emplois et de réduire la pression sur les écosystèmes, mais il faut être prêt à appuyer sur les bons leviers et à travailler ensemble », explique Daniel Cloutier, directeur québécois d'Unifor.

Les syndicats et les groupes environnementaux invitent d'autres organisations à se joindre à eux pour dénoncer la réforme du régime forestier et proposer des solutions concrètes pour que l'aménagement forestier au Québec soit réellement durable. « Cette sortie commune vise à sensibiliser la ministre à l'effet que les orientations présentées par le MRNF suscitent des inquiétudes importantes. Le MRNF doit prendre le temps et les moyens d'y répondre adéquatement et proposer des principes qui garantiront une forêt durable et un approvisionnement pérenne en bois, assurant ainsi une stabilité et une sécurité à long terme pour l'ensemble des personnes intéressées par la forêt au Québec, dont les travailleuses et travailleurs. Nous sommes d'avis que d'autres groupes sociaux partagent nos craintes et nos préoccupations », explique Luc Vachon, président de la Centrale des syndicats démocratiques (CSD).

Une bonne écoute pour le lobby et la sourde oreille pour les travailleurs

Les organisations déplorent que les solutions amenées semblent sortir tout droit du mémoire que le Conseil de l'industrie forestière du Québec (CIFQ) a déposé durant la démarche de réflexion sur l'avenir de la forêt. Pendant ce temps, les demandes des travailleurs et des travailleuses restent sans réponse de la part du ministère.

« La ministre semble toujours prête à écouter le lobby forestier, mais elle reste sourde aux préoccupations des travailleurs et des travailleuses. Depuis des mois, nos membres réclament un plan de transition concret pour amorcer une véritable transformation industrielle, en mettant l'accent sur une plus forte transformation de la matière ligneuse ici, au Québec. Cette approche permettrait de moderniser nos pratiques, de protéger les emplois et d'assurer une gestion durable des forêts. Sans un plan clair pour une transition juste et une stratégie ambitieuse visant à développer la deuxième et la troisième transformation, on risque de laisser les travailleurs, les communautés et l'environnement derrière. La réforme actuelle rate l'occasion de poser les bases d'une industrie forestière résiliente et durable pour les générations à venir », estime Dominic Lemieux, directeur québécois des Métallos.

La hache dans les acquis environnementaux de la Commission Coulombe

Les organisations dénoncent l'intention de mettre la hache dans les modalités de l'aménagement écosystémique, sous prétexte de vouloir adapter les forêts à la crise climatique. Elles estiment que cette décision sans fondement constituerait un recul environnemental majeur et pourrait entraîner une dégradation des forêts du Québec, en plus de sabrer dans les acquis hérités de la Commission Coulombe. Les organisations sont d'avis que miser sur les processus naturels des forêts est essentiel pour les rendre plus résilientes face à la crise climatique et maintenir la biodiversité des écosystèmes forestiers. Si les mesures d'intensification nécessaires au maintien de l'approvisionnement en bois ont leur place, elles doivent être clairement balisées et encadrées.

« Cette réforme tente d'évacuer certains des principes les plus importants de l'actuel régime forestier sous de faux prétextes, sans se baser sur une analyse factuelle et rigoureuse. La MRNF essaie de se débarrasser de l'aménagement écosystémique pour augmenter la récolte et répondre aux demandes du CIFQ. Ce recul serait une menace à la réputation du bois québécois sur les marchés internationaux et pourrait nuire à l'exportation de nos produits », explique Kevin Gagnon, président de la Fédération de l'industrie manufacturière (FIM-CSN).

Les restes de table de l'industrie comme zones de conservation

Les syndicats et les groupes estiment que la proposition d'instaurer un zonage par triade peut être intéressante, mais que la séquence selon laquelle la triade sera mise en place est primordiale. Les organisations s'inquiètent de voir le MRNF ou le Forestier en chef sélectionner d'abord les territoires où l'intensification de la production de bois sera réalisée, puis de laisser les restes de table de l'industrie forestière pour la conservation.

Ils sont d'avis que ni le MRNF, ni le Forestier en chef, ni l'aménagiste régional, et encore moins l'industrie forestière, n'ont les compétences pour déterminer l'emplacement des zones de conservation. Pourtant, dans un avis datant de mai 2024, le Forestier en chef recommande de protéger les territoires dont l'industrie ne veut pas pour atteindre le 30% de conservation d'ici 2030, c'est-à-dire les pentes fortes, les bandes riveraines et les milieux humides.

« La modernisation du régime forestier doit être l'occasion de transformer la culture organisationnelle du ministère. Elle doit passer d'opposition aux efforts de conservation du territoire à celle de partenaire constructif ne travaillant plus en silo. Que ce soit pour la mise en œuvre d'un nouveau régime forestier ou d'un réseau d'aires protégées permettant d'atteindre la cible de 30%, nous devons adopter un langage commun qui repose davantage sur la science que sur l'influence, et être guidés davantage par une approche inclusive, pangouvernementale et régionale que par la vision du lobby des multinationales », indique Alain Branchaud, directeur général de la SNAP Québec.

Une planification forestière sans imputabilité démocratique

Les organisations sont conscientes de l'importance de renforcer la cohérence des opérations sur le terrain et estiment que la création de postes d'aménagistes forestiers régionaux pourrait répondre à une faiblesse du processus de planification forestière actuelle, pourvu que son mandat soit de contribuer à la mise en œuvre d'un aménagement durable des forêts et non seulement d'un plan de production ligneuse. Les groupes et les syndicats reconnaissent la nécessité de revoir la gouvernance de la planification de l'aménagement en forêt publique. Si la recherche d'agilité est importante, cette quête ne peut servir de prétexte à un recul démocratique. L'imputabilité et la transparence doivent être au cœur de la planification forestière.

Un appel à un dialogue clair et ouvert

En terminant, les groupes environnementaux et les syndicats dénoncent le processus qui leur a été imposé pour commenter la réforme, en toute urgence, de façon opaque et en restreignant le droit de parole des organisations rencontrées. « Une réforme d'une telle ampleur nécessite un processus de consultation clair et transparent, où les parties prenantes et la population disposent de toutes les informations nécessaires pour nourrir une réflexion collective. Cela est essentiel pour assurer que la réforme soit bien accueillie et qu'elle réponde aux besoins du milieu », conclut Martin Vaillancourt, directeur général du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec (RNCREQ).

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Manifestation contre la modification de rezonage à Dalhousie favorisant l’implantation d’une mine de pouzzolane

17 décembre 2024, par Non Merci, Pozzolan Dalhousie — , ,
Nouvelle (Québec), le 11 décembre 2024. – Le groupe citoyen Non Merci, PozzolanDalhousie ! lance une invitation à la population de la Baie-des-Chaleurs à venir manifester le 16 (…)

Nouvelle (Québec), le 11 décembre 2024. – Le groupe citoyen Non Merci, PozzolanDalhousie ! lance une invitation à la population de la Baie-des-Chaleurs à venir manifester le 16 décembre 2024 contre le projet de mine à ciel ouvert de pouzzolane lors de la réunion publique du conseil municipal de Baie-des-Hérons. Selon les informations connues actuellement, la rencontre aura lieu à 19 h (heure locale du Nouveau-Brunswick), à l'hôtel de ville, au 111, rue Hall, à Baie-des-Hérons.

Cette rencontre du conseil municipal de Baie-des-Hérons est cruciale. La dérogation au règlement de zonage permettant l'implantation de la mine passera en troisième et dernière lecture. En cas d'adoption, ce règlement ouvrira la porte à l'implantation de la mine en plein cœur de la municipalité,avec tous ses effets catastrophiques attendus des deux côtés de la baie des Chaleurs.

Le groupe Non Merci, Pozzolan Dalhousie ! insiste sur la pertinence et la nécessité de la présence du plus grand nombre de personnes pour exprimer leur désaccord envers le projet de mine, le processus en place pour favoriser ce dernier, la sourde oreille apparente de certain(e)s élu(e)s et plusieurs manquements au processus démocratique déjà dénoncés par le groupe (réduction de la capacité de la salle, suppression des périodes de questions, tentative manquée de diffusion en continu, etc.).

Pour faciliter la participation des citoyen(ne)s, le groupe Non Merci, Pouzzolane Dalhousie ! organise un transport gratuit en autobus, qui partira de l'église de Nouvelle et se rendra à l'hôtel de ville de Baie-des-Hérons.

À propos du groupe citoyen

Nous sommes un groupe de citoyen(ne)s gaspésien(ne)s uni(e)s contre le projet EcoRock (anciennement Pozzolan Dalhousie). Notre objectif est de regrouper la population francophone de la baie des Chaleurs, incluant la Gaspésie et le Nouveau-Brunswick. Nous appuyons les efforts de la communauté de Baie-des-Hérons, qui a déjà mis en œuvre plusieurs actions sous le nom No Thx Pozzolan v2.0 - Save Dalhousie Mountain.

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Make it great again Noël féministe

17 décembre 2024, par Élisabeth Germain — , ,
Ce texte a été lu lors du Noël festif et solidaire organisé le 1 décembre par le comité des femmes de Québec Solidaire Capitale nationale. 2024-12-01 Élisabeth Germain (…)

Ce texte a été lu lors du Noël festif et solidaire organisé le 1 décembre par le comité des femmes de Québec Solidaire Capitale nationale.

2024-12-01
Élisabeth Germain

Je ne sais pas très bien ce qui m'arrive. C'est peut-être la vieillesse du corps qui s'est imposée à moi depuis un an et qui me ralentit. Ou une fragilité nouvelle qui me rend plus vulnérable aux fragilités autour de moi. En tout cas me voilà moins combative, moins prompte à monter sur mes grands chevaux, comme on dit.

C'est aussi, je crois, mes recherches écoféministes qui me font devenir tellement plus consciente de nos interdépendances et aspirer à ce que nous prenions soin de la vie, forte et fragile comme elle est.

J'ai envie de me tourner vers la paix plutôt que vers la lutte. Ou, en tout cas, de lutter pour rendre la paix possible. Vous voyez, je suis un peu mêlée. Et puis c'est un lieu commun, je le sais, parler de paix à Noël.

Mais c'est l'hiver, le début de l'hiver, et je ne peux qu'angoisser en pensant à toutes les Ukrainienꞏnes qui vont encore endurer le froid, la noirceur et l'impuissance, pour un troisième hiver d'affilée.

Parce qu'un empire a décidé de les conquérir. Parce qu'un orgueil mâle aspire à régner. Make Russia great again.

C'est le début de l'hiver et les Palestinienꞏnes continuent à être délogées, bousculées, bombardées, affamées. À mourir longuement.

Parce qu'un orgueil mâle, là aussi, poursuit impitoyablement sa vengeance et son appropriation. Make Israël great again.

Et c'est le début d'un hiver de quatre ans chez nos voisins du sud. J'angoisse là aussi, en pensant à toutes les femmes sur lesquelles le contrôle mâle, politique et religieux, va s'étendre de plus en plus.

Your body, my choice. Make America great again.

C'est aussi le début d'un hiver écologique où les puissants détruisent la vie pour construire leurs empires de pétrole, de satellites et d'artifices, Viagra, faux seins et intelligence artificielle.

Autrefois, hier encore, on pouvait ne pas savoir, on pouvait être des analphabètes de l'écologie, malgré les découvertes scientifiques depuis 1856 où Eunice Newton Foote, la première, découvrait l'effet de serre. Malgré les avertissements inquiets et bienveillants de Rachel Carson, les alarmes fracassantes de Françoise D'Eaubonne, les appels de Margaret Mead, les arguments des Australiennes Ariel Salleh et Val Plumwood, de l'Indienne Vandana Shiva, de l'Allemande Maria Mies, malgré les enseignements vécus de nos sœurs autochtones et africaines, de nos Mères au front québécoises et de toutes celles qui n'ont pas publié mais qui ont agi, alerté leurs milieux saccagés par l'expansion industrielle, affirmé la nécessité de l'attention, du soin, des relations, de la bonté.

Aujourd'hui… aujourd'hui c'est la planète elle-même qui nous fait savoir que ça ne va pas. Ces conquêtes, ces destructions d'êtres vivants, ces creusages de mines, ces gaz toxiques, engendrent déserts et déluges, défaites et désespoirs.

Les puissants, tous néo-capitalistes et autoritaires sous leurs étiquettes de gauche ou de droite, ces Make it great again veulent contrôler la planète, la vie, nos vies, notre sexualité.
Ils ne pourront pas empêcher cette vie de jaillir de nos corps, de notre sang, de nos accouchements, de nos désirs, de nos soins pour les vivantꞏes qui nous entourent. Car ensemble nous prenons soin, malgré tout.

Nous résistons. Est-ce que nous prenons une conscience nouvelle de notre force et de nos connexions ? Est-ce qu'un courage nouveau remplit nos veines pour résister aux nouvelles colonisations, aux nouvelles destructions de la vie et de la terre ?

Dites-moi, dites-moi que nous ne laisserons pas le champ libre à ces nouveaux tsars redoutables autant que méprisables :

Vladimir 1er, le faux curé,
Xi 1er, le rouleau compresseur,
Donald 1er, le pelotteur,
Benyamin 1er, le corrompu ,
Elon 1er, le fou des machines,

et tous leurs petits soldats malades de grandeur et de puissance phallique.

Noël, une fête presque aussi ancienne que notre hémisphère nord, célèbre le retour de la lumière, alors que nous sommes au creux de la noirceur : fin décembre, les jours commencent à allonger. Quand on se sent comme à la fin de tout, il y a… un léger basculement, presque imperceptible, mais porteur de tous les possibles.

Alors mon Noël féministe, je vous le partage. C'est le travail incessant, les cris d'amour et les révoltes de nos sœurs autour du monde. C'est la puissance des femmes quand elles s'allient pour la vie. C'est l'espoir que les humains mâles finissent par nous rejoindre dans la tâche essentielle : prendre soin de la vie, de toutes les vies, partout. Mon Noël féministe, c'est le rêve de renverser les puissances obscures et c'est la joie forte de partager ce rêve avec vous, en ce moment.

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Un recours comme dernier recours face à l’inaction de Québec

17 décembre 2024, par Collectif — , ,
Plus de sept ans après son adoption dans la Loi sur la qualité de l'environnement, le registre public d'information environnementale se fait toujours attendre. Forts de plus de (…)

Plus de sept ans après son adoption dans la Loi sur la qualité de l'environnement, le registre public d'information environnementale se fait toujours attendre. Forts de plus de 80 organisations et individus issus des milieux environnemental, syndical, juridique, de défense des droits, universitaire, journalistique et citoyen, nous prenons une fois de plus la parole pour défendre le droit à l'information comme pilier de la démocratie aux côtés du Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE), qui a déposé mardi une action visant à obtenir le registre public d'information environnementale.

Un droit fondamental souvent négligé

Cela fait des années que nous sommes nombreux à dénoncer le manque de transparence et les délais exaspérants, autant d'obstacles à la participation citoyenne et au respect du droit à l'information.

L'absence du registre public d'information environnementale illustre tristement cette « tendance au secret », pour citer l'ancienne juge en chef du Canada Beverley McLachlin. Il est grand temps de renverser cette tendance, au bénéfice de la population.

L'information environnementale, clé de voûte pour le respect des droits

L'environnement est au cœur de nos vies : il influence notre santé, notre sécurité et notre bien-être collectif présent et futur. Sans un accès rapide à des informations précises sur les impacts environnementaux des projets, comment la population peut-elle prendre part au débat public et agir ?

Le registre public d'information environnementale permettrait à chaque citoyen de comprendre les projets qui touchent son milieu de vie, de remettre en question les choix faits et de contribuer de manière éclairée aux affaires d'intérêt public et, lorsque nécessaire, à la prise de décision.

Les dénis du droit à l'information entraînent des conséquences sur l'exercice d'autres droits. Les tribunaux ont rappelé récemment que, « bien souvent, le seul écoulement du temps équivaut à un déni d'accès » . Aujourd'hui, nous, acteurs de tous les milieux, portons haut et fort la demande d'une plus grande transparence en matière d'information, notamment environnementale. C'est notre affaire à toutes et à tous.

Une demande collective pour la transparence

Il est regrettable qu'il faille en arriver à une action en justice pour assurer que le gouvernement respecte une décision législative si essentielle, adoptée démocratiquement par l'Assemblée nationale. L'action du CQDE vise à corriger cette opacité, à mettre fin à une longue attente et à rappeler que l'accès efficace à l'information n'est pas un privilège, mais un droit.

Nous appelons donc le gouvernement du Québec à prioriser la mise en œuvre de ce registre et à honorer son obligation envers la population.

Parce qu'en environnement comme en démocratie, le droit de savoir est la première étape vers l'action.

Signataires

Geneviève Paul, directrice générale du Centre québécois du droit de l'environnement ; Éric-Pierre Champagne, président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec ; Denis Bolduc, secrétaire général, Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) ; Colleen Thorpe, directrice générale, Équiterre ; Nathalie Prud'homme, présidente, Ordre des urbanistes du Québec ; Béatrice Alain, directrice générale, Chantier de l'économie sociale ; Henri Jacob, président, Action boréale ; Christian Daigle, président-général, Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) ; Malorie Flon, directrice générale, Institut du Nouveau Monde (INM) ; Sylvain Gaudreault, député de Jonquière à l'Assemblée nationale de 2007 à 2022 ; Louis-Gilles Francœur, journaliste affecté à la couverture environnementale de 1981 à 2012 au Devoir et vice-président du BAPE de 2012 à 2017 ; Cédric Bourgeois, cofondateur et associé, Transfert Environnement et Société ; Laure Waridel, professeure associée à l'Institut des sciences de l'environnement de l'UQAM, chroniqueuse au Journal de Montréal et co-instigatrice de Mères au front ; Jean Baril, docteur en droit et auteur d'une thèse de doctorat, Droit d'accès à l'information environnementale : pierre d'assise du développement durable, récompensée par l'Assemblée nationale en 2012 ; Michel Bélanger, avocat émérite et cofondateur du CQDE ; Mario Denis, avocat légiste retraité (conseiller juridique et rédacteur de lois au ministère de l'Environnement du Québec de 1993 à 2010) ; Anne-Julie Asselin, avocate, Trudel, Johnston & Lespérance ; Geneviève Brisson, directrice scientifique, Centre de recherche en développement territorial (CRDT), et professeure en développement territorial, UQAR ; Alexandre Petitclerc, président, Ligue des droits et libertés ; Rodrigue Turgeon, avocat, coresponsable du programme national de MiningWatch Canada et co-porte-parole de la Coalition Québec meilleure mine ; Sébastien Brodeur-Girard, professeur, École d'études autochtones, UQAT ; Lise Parent, professeure en sciences de l'environnement, Université TELUQ ; Martin Gallié, professeur, Département des sciences juridiques, UQAM ; Rébecca Pétrin, directrice générale, Eau Secours ; Louis Simard, professeur, École d'études politiques, Université d'Ottawa ; Karel Ménard, directeur général, Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets ; Jean-François Girard, avocat, DHC Avocats et membre honoraire du CQDE ; Bonnie Campbell, professeure émérite, Département de science politique, UQAM ; Stéphanie Roy, avocate et professeure adjointe, Faculté de droit, Université de Sherbrooke ; Paul Casavant, président, TerraVie – fonds foncier communautaire ; Antoine Corriveau-Dussault, chercheur et codirecteur de l'axe Éthique environnementale et animale, Centre de recherche en éthique ; Sébastien Jodoin, vice-doyen à la recherche, professeur agrégé et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les droits humains, la santé et l'environnement, Faculté de droit, Université McGill ; Isabelle Miron, professeure, Département d'études littéraires, UQAM ; Spencer C. Nault, administrateur, Association des juristes progressistes (AJP) ; Lucie Sauvé, professeure émérite, Centre de recherche en éducation et formation relatives à l'environnement (Centr'ERE – UQAM) ; Collectif scientifique sur les enjeux énergétiques au Québec ; Alain Branchaud, directeur général, SNAP Québec ; Joyce Renaud, vice-présidente, Mobilisation climat Trois-Rivières ; André Bélanger, directeur général, Fondation Rivières ; Louis Marchildon, professeur émérite (physique), UQTR ; Alexandre Lillo, professeur, Département des sciences juridiques, UQAM ; David Roy, directeur général, Ateliers pour la biodiversité ; Olivier Barsalou, professeur, Département des sciences juridiques, UQAM ; Paule Halley, avocate, professeure et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit de l'environnement, Faculté de droit, Université Laval ; Hugo Tremblay, avocat, professeur, Faculté de droit, Université de Montréal ; Priscilla Gareau, biologiste, directrice générale, Ambioterra ; Laurence Brière, professeure au Département de didactique, directrice du Centre de recherche en éducation et formation relatives à l'environnement (Centr'ERE), UQAM ; Bruce Broomhall, professeur, Département des sciences juridiques, UQAM ; André Bélisle, président, Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPQ) ; Thibault Rehn, coordinateur, Vigilance OGM ; Touwendé Roland Ouédraogo, chargé de cours, UdeM et UQAM ; Élisabeth Patterson, avocate, Dionne Schulze ; Geneviève Tremblay-Racette, coordonnatrice, Table ronde des organismes volontaires en éducation populaire de l'Outaouais (TROVEPO) ; Myriam Thériault, codirectrice, Mères au front ; Sophie-Laurence H. Lauzon, codirectrice générale, Réseau des femmes en environnement ; Emmanuel Rondia, directeur général, Conseil régional de l'environnement de Montréal ; Sylvain Lafrenière, coordonnateur, Regroupement des organismes en défense collective des droits (RODCD) ; Cédric G.-Ducharme, avocat, ex-président CQDE ; Jean-Philippe Waaub, professeur retraité, Département de géographie de l'UQAM et membre de l'Institut des sciences de l'environnement de l'UQAM ; Pascal Bergeron, porte-parole, Environnement Vert Plus ; Christophe Reutenauer, professeur, Département de mathématiques, UQAM ; Bernard Saulnier, ingénieur, Collectif scientifique sur les enjeux énergétiques au Québec ; Jacinthe Villeneuve, porte-parole du Comité Action citoyenne – projet Northvolt (C.A.C.) ; Sebastian Weissenberger, Département science et technologie, Université TELUQ ; Anne-Josée Laquerre, directrice générale et co-initiatrice, Québec Net Positif ; Elodie Morandini, directrice générale, Conseil régional de l'environnement de Laval ; Gilles Côté, chargé d'enseignement, Université de Sherbrooke ; Sabaa Khan, directrice générale, Fondation David Suzuki (Québec) ; Sylvain Paquin, directeur général, Société Saint-Jean-Baptiste de la Mauricie ; Christopher Campbell-Duruflé, professeur adjoint, Lincoln Alexander School of Law, Toronto Metropolitan University ; Pascale Pinette, présidente, Comité de citoyens et citoyennes pour la protection de l'environnement maskoutain (CCCPEM) ; Jacques Tétreault, président Arbres.eco et ancien coordonnateur général du RVHQ ; Jean-Marc Fontan, professeur titulaire, Département de sociologie, UQAM ; Valérie Vedrines, présidente et fondatrice, Masse critique ; Christiane Bernier, porte-parole de Les enjeux de l'insecticide Bti sur la biodiversité ; Jacques Benoit, GMob (Group Mobilisation) ; Suzann Méthot, ex-présidente du Comité d'examen des répercussions sur l'environnement et le milieu social (COMEX), consultante ; Mitchell Marin, ex-président du Conseil régional de l'environnement de la Mauricie ; Marc Lépine, fondateur du Groupe Citoyen EAUTAGE ; André Beauchamp, président du BAPE de 1983 à 1987 ; Michel Lafleur, biologiste membre du comité des Vieilles Forges, Trois-Rivières ; Sarah Bourdages, présidente du conseil d'administration du Comité de solidarité/Trois-Rivières (CS3R) ; Marianne Bargiel, pour le Collectif Trois-Rivières pour la biodiversité ; Dominique Leydet, professeure, Département de philosophie, UQAM ; Sarah-Katherine Lutz, directrice générale d'ENvironnement JEUnesse ; Alice-Anne Simard, directrice générale, Nature Québec.

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Journée des droits de la personne 2024 : Les syndicats du Canada ripostent à la montée de la haine

17 décembre 2024, par Congrès du travail du Canada (CTC) — , ,
Les syndicats du Canada marquent la Journée internationale des droits de la personne en incitant les Canadiennes et Canadiens à s'unir pour contester la montée de la haine que (…)

Les syndicats du Canada marquent la Journée internationale des droits de la personne en incitant les Canadiennes et Canadiens à s'unir pour contester la montée de la haine que répand une extrême droite enhardie.

Depuis la création de la Déclaration universelle des droits de l'homme en 1948, le Canada a réalisé d'importants progrès en matière de droits de la personne. Le droit à un salaire équitable, le droit à la sécurité au travail et le droit de ne pas faire l'objet de harcèlement et de discrimination sont des droits de toute personne, quels que soient son origine, son identité ou son statut. Bien qu'il y ait encore du pain sur la planche pour ce qui est de garantir à tous ces droits et d'autres droits de la personne, ces droits sont censés permettre à tous de vivre en sécurité, dans le respect et dans la dignité au Canada.

« Cette journée rappelle aux syndicats du Canada leur responsabilité de défendre les valeurs sur lesquelles repose la Déclaration—l'égalité, la liberté et l'équité. Ces valeurs sont au cœur de l'identité de notre mouvement. Mais il ne suffit pas d'appuyer ou même de promouvoir ces valeurs et principes : nous devons combattre activement la normalisation croissante de la haine, du racisme et de la xénophobie et riposter aux atteintes portées aux droits de la personne au Canada », déclare Bea Bruske, présidente du Congrès du travail du Canada.

Dans l'ensemble du pays, nous continuons à assister à une très inquiétante flambée du discours et du harcèlement haineux. Les forces réactionnaires d'extrême droite, enhardies par un climat de polarisation accrue et alimentées par des politiciennes et politiciens qui sèment la peur, tentent de réduire les droits de la personne durement acquis. Leurs tactiques sont clivantes : elles opposent les travailleuses et travailleurs et les voisines et voisins entre eux en désignant des boucs-émissaires, jouant sur les stéréotypes et alimentant les feux du racisme, de la xénophobie et de la discrimination pour miner la solidarité qui est le fondement même de notre force collective. Le mouvement syndical doit continuer à tenir ferme contre ces forces et maintenir son engagement et son action pour faire régner la sécurité et le respect dans nos lieux de travail, nos syndicats et nos collectivités.

« Aujourd'hui, nous incitons tous les travailleurs et travailleuses—qu'ils soient syndiqués ou non—à s'unir pour se prononcer contre la haine, le racisme et la discrimination. Notre mouvement et notre pays ont lutté longtemps et avec acharnement en faveur de ces droits, et nous ne ferons pas marche arrière maintenant. Chaque étape de progrès a été gagnée grâce à la détermination, au militantisme et à la solidarité. Nous avons fait trop de chemin pour laisser d'autres nous faire reculer, et nous ne faisons pas qu'éviter un recul—nous allons de l'avant, ensemble, parce que la lutte pour ls droits de la personne est loin d'être terminée », a dit Larry Rousseau, vice-président exécutif du CTC.

Joignez-vous à nous :

Impliquez-vous dans notre campagne Travaillons ensemble et luttez pour l'accès de tous les travailleurs et travailleuses à l'équité.

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Les hauts et les bas de la session parlementaire

17 décembre 2024, par Marie-Eve Imonti — , ,
Le rythme de la session parlementaire est passé de très actif au ralenti, avec des semaines de travaux intensifs qui ont été plutôt… inactives. Retour sur cet automne qui a (…)

Le rythme de la session parlementaire est passé de très actif au ralenti, avec des semaines de travaux intensifs qui ont été plutôt… inactives. Retour sur cet automne qui a connu ses hauts et ses bas.

Tiré de Ma CSQ.

Petit retour en arrière : rappelons-nous que la rentrée parlementaire de l'automne a d'abord été marquée par les départs du ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie, Pierre Fitzgibbon, et du député de la Coalition Avenir Québec (CAQ), Youri Chassin, qui siège désormais comme indépendant.

Puis, le gouvernement a fait de l'énergie sa priorité, avec le projet de loi no 69 (PL69) et le projet Northvolt, en plus de mettre de l'avant le dossier de l'immigration, surtout en dénonçant publiquement ses divergences avec le gouvernement fédéral de Justin Trudeau. Le cas de l'école Bedford, où des enseignantes et enseignants ont fait régner un climat malsain, a aussi réanimé le dossier de la laïcité.

Des projets de loi surveillés de près

Au cours de l'automne, la CSQ a participé à plusieurs commissions parlementaires. Elle a notamment défendu son point de vue sur l'avenir énergétique en lien avec le PL69. Pour la Centrale, il était clair que ce projet de loi devait être retiré puisqu'il ouvrait la porte à la privatisation d'Hydro-Québec. Après avoir défendu bec et ongles son texte de loi, et à la suite de la victoire de Donald Trump lors des élections américaines, la nouvelle ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie, Christine Fréchette, a mis le pied sur le frein et a suspendu, pour le moment, l'étude détaillée du PL69.

La Centrale s'est également prononcée au sujet du projet de loi no 74 (PL74) sur l'encadrement relatif aux étudiants étrangers. L'approche préconisée, qui confère d'importants pouvoirs à des ministres, risque d'ouvrir la voie à de l'arbitraire et à des dérives partisanes, craint la CSQ. Dans son mémoire, la Centrale rappelle à quel point la contribution des étudiants étrangers est essentielle à notre société et comment leur présence en région est un facteur d'enrichissement pour les milieux culturels et communautaires.

Par l'entremise du Collectif pour un Québec sans pauvreté, la CSQ a également réagi sur la réforme du régime d'assistance sociale. Elle a notamment dénoncé le fait que la réforme ne prévoit aucune augmentation des prestations et ne permet pas aux personnes qui en bénéficient de vivre dans la dignité.

D'un point de vue plus positif, la Centrale a salué le plan pour améliorer l'accès à l'avortement. Elle évalue présentement la possibilité de rendre les moyens de contraception gratuits au Québec. Alors que des discussions ont toujours lieu avec Ottawa à ce sujet, Québec solidaire a mobilisé des milliers de personnes derrière cet enjeu en déposant une pétition.

Parlant de pétition, ce moyen de pression a fait jaser les parlementaires cet automne. Comme le rapportait le journal Le Soleil, même s'il a la possibilité d'étudier certaines pétitions en commission parlementaire, le gouvernement de la CAQ a choisi de n'étudier aucune des 612 pétitions déposées à l'Assemblée nationale.

La CSQ a également vu d'un bon œil l'adoption de la Loi visant à contrer le partage sans consentement d'images intimes et à améliorer la protection et le soutien en matière civile des personnes victimes de violence, présentée par le ministre de la Justice.

Consultations : des enjeux importants abordés

En plus des projets de loi, plusieurs consultations ont eu lieu au cours des derniers mois. Mentionnons d'abord la consultation transpartisane sur l'utilisation des écrans. La CSQ a affirmé, dans son mémoire, qu'il fallait retrouver un cadre plus équilibré puisqu'il s'agit d'une responsabilité collective entre l'école, la maison et la société. De plus, la Centrale a rappelé qu'une grande réflexion en éducation est incontournable, et les écrans doivent en faire partie.

La ministre de la Famille et ministre responsable de la lutte contre l'intimidation et la cyberintimidation, Suzanne Roy, a également mené une consultation en vue du prochain Plan d'action concerté pour prévenir et contrer l'intimidation et la cyberintimidation. La Centrale en a appelé à un plan d'action inclusif et adapté pour les personnes vulnérables, en contexte scolaire, pour les élèves et étudiants en milieu autochtone et dans les milieux de travail. Celui-ci devra évidemment être accompagné de ressources en nombre suffisant pour donner des résultats probants.

Parallèlement, le ministre du Travail, Jean Boulet, a lancé une consultation sur la transformation des milieux de travail par le numérique à laquelle la CSQ participera.

Finalement, la semaine dernière, la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, a annoncé qu'il n'y aurait finalement pas de fusions d'accréditations syndicales dans le cadre des fusions d'établissements et de l'implantation de Santé Québec. Sonia LeBel a également annoncé l'intention du gouvernement de présenter, l'année prochaine, un projet de loi visant à « moderniser » le régime de négociation collective du secteur public, aussi connu sous l'appellation de « la Loi 37 ». Plusieurs questions demeurent sans réponse, mais la Centrale fera les représentations nécessaires pour faire connaître son avis sur cette réforme.

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L’intervention du gouvernement bafoue les droits des travailleuses et travailleurs

17 décembre 2024, par Syndicat des travailleurs et des travailleuses des postes (STTP) — , ,
Comme vous le savez peut-être déjà, le ministre du Travail, Steve MacKinnon, a décidé d'exercer les pouvoirs que lui confère l'article 107 du Code canadien du travail pour (…)

Comme vous le savez peut-être déjà, le ministre du Travail, Steve MacKinnon, a décidé d'exercer les pouvoirs que lui confère l'article 107 du Code canadien du travail pour demander au Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) d'établir si le STTP et Postes Canada sont en mesure de négocier un projet de convention collective dans un très proche avenir. Si le CCRI juge que les parties ne peuvent pas y parvenir, il ordonnera le retour au travail des travailleuses et travailleurs des postes. Nous dénonçons avec la plus grande fermeté cette attaque contre le droit de grève et le droit à la négociation collective libre et équitable, des droits pourtant garantis par la Constitution.

Cette ordonnance du ministre s'inscrit dans une tendance profondément troublante. En effet, des gouvernements fédéraux successifs ont adopté des lois de retour au travail ou, dans le cas présent, exercé leurs pouvoirs arbitraires pour permettre aux employeurs de ne pas avoir à négocier de bonne foi. Quel employeur accepterait de négocier quoi que ce soit s'il sait que le gouvernement interviendra en sa faveur ? Une fois de plus, le gouvernement a choisi le capital au détriment des travailleuses et travailleurs en nous privant de la possibilité de négocier une bonne convention collective.

Ce que nous savons

La situation évolue rapidement, et nous n'avons pas encore reçu l'ordonnance. Ce que nous savons, c'est que les travailleuses et travailleurs des postes pourraient être contraints de reprendre le travail sans nouvelles conventions collectives négociées.

Lorsque nous aurons reçu l'ordonnance, nous la passerons en revue et examinerons toutes les options possibles pour aller de l'avant.

Nous avons appris qu'une audience du Conseil canadien des relations industrielles se tiendra prochainement, possiblement dès la fin de semaine.

Notre position

Nous sommes dans la rue depuis près d'un mois. Postes Canada est demeurée muette pendant cinq jours après avoir reçu notre dernière offre. Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé d'agir maintenant ?

Nous allons continuer de nous battre avec acharnement pour obtenir de bonnes conventions collectives négociées à l'intention de nos 55 000 membres. Nous allons continuer de nous battre pour obtenir des salaires équitables, des conditions de travail sûres et le droit de prendre notre retraite dans la dignité. Depuis des années, nous faisons pression sur Postes Canada pour qu'elle diversifie sa gamme de services afin de générer davantage de revenus.

Nous devons rester forts face à cet abus de pouvoir. Restez à l'affût des renseignements additionnels que nous communiquerons dans les prochains jours.

C'est loin d'être terminé.

Solidarité,

Jan Simpson
Présidente nationale

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Souvenirs du Chili mais d’une actualité brûlante

17 décembre 2024, par Ovide Bastien — ,
Un prêtre délateur me montre le message que les évêques chiliens font parvenir à Noël 1973 aux évêques du monde entier à la suite du coup d'état du 11 septembre L'image (…)

Un prêtre délateur me montre le message que les évêques chiliens font parvenir à Noël 1973 aux évêques du monde entier à la suite du coup d'état du 11 septembre

L'image qu'on se fait dans le monde de la junte militaire est faux... celle-ci n'est ni putschiste ni fasciste... elle est professionnelle et représente la réserve morale de l'âme chilienne... elle a libéré le Chili d'un gouvernement qui occasionnait appauvrissement brutal et permettait l'ingérence étrangère et surtout la marxisation du peuple... l'Église, comme le bon Samaritain, vient au secours des blessés (Note de l'auteur : torturés, familles de disparus, détenus en camps de concentration, etc.) sans partir à la recherche du responsable de leurs blessures...

Ovide Bastien, auteur de Chili : coup divin, Éditions du Jour 1974

Cyril William Smith, prêtre des Missions Scarboro, 24 novembre 1938 - 1 mai 1989
Le 10 décembre dernier je comparais la politique économique néolibérale promue par le président argentin Javier Milei lors du forum de l'extrême droite le 4 décembre à celle mise en pratique par le dictateur chilien Augusto Pinochet, grand pionnier du néolibéralisme. Je soulignais aussi le rôle clé joué par le délateur Bob Thompson à la suite du coup d'état chilien du 11 septembre 1973. Cet employé de l'Agence canadienne de développement international (ACDI, devenu depuis 2013 Affaires mondiales Canada) était tellement indigné de voir le caractère carrément fasciste des télégrammes confidentiels que faisait parvenir à Ottawa l'ambassadeur canadien au Chili Andrew Ross à la suite du coup d'état qui renversait Salvador Allende, qu'il les rendait publics.

Les délateurs Edward Snowden, Chelsea Manning et Julian Assange ont payé un immense prix personnel pour avoir agi selon leur conscience et dénoncé les écœuranteries perpétrées par les États les plus puissants. Thompson a également payé de sa peau pour avoir dénoncé Ross. Non seulement fut il congédié de l'ACDI mais on le barra aussi de tout futur emploi au sein du gouvernement fédéral.

Aujourd'hui, je rends hommage à un autre grand militant de la justice sociale et des droits humains qui, comme Thompson, a eu le courage de dénoncer des personnes complices du coup d'état chilien. Le document qu'il me remettait il y a 50 ans demeure encore fort pertinent aujourd'hui, surtout dans le contexte de la montée internationale de l'extrême droite, une montée qui est souvent, comme nous le savons, étroitement liée à la religion.
***********
Le prêtre Bill Smith me donne le message de Noël strictement confidentiel que les évêques chiliens envoient à tous les évêques du monde entier en décembre 1973

C'est mi-août 1974 et je suis sur le point de remettre à Éditions du Jour mon manuscrit Chili : le coup divin dénonçant la complicité de l'Église catholique dans le coup d'état chilien du 11 septembre 1973. Quelqu'un cogne à ma porte.

« J'ai appris que tu étais sur le point de publier, et j'ai pensé qu'il serait important que tu prennes conscience de ceci, » me dit Bill Smith en me remettant un document. « Svp ne dis à personne qui te l'a donné, car c'est une affaire qui est censée être strictement confidentielle. »

Le document que me remet ce prêtre, que je rencontrais pour la première fois quelques mois plus tôt à Santiago, est une longue analyse sur la situation au Chili qu'envoyait, à Noël 1973, la Conférence épiscopale chilienne à tous les évêques du monde entier.
Bill, comme tout le monde appelle ce curé, œuvre alors à l'Office des missions d'Amérique latine de la Conférence des évêques catholiques du Canada. Il est responsable de tous leurs projets dans les Caraïbes et en Amérique latine.

Au début de 1989, Bill accepte une nouvelle responsabilité, celle d'agent de liaison entre la CSN et le mouvement syndical au Brésil et au Chili. Le jour avant le départ de Bill, Yves Laneville, ex-oblat qui fut prêtre ouvrier au Chili durant le gouvernement Allende et grand ami de Michel Chartrand, m'invite à partager un repas avec Bill dans un restaurant montréalais afin de lui dire au revoir.

Je n'oublierai jamais avec quelle passion mordante Bill, durant notre conversation, dénonce l'inégalité scandaleuse de revenus et de richesse dans le monde, comment on traite les immigrants, et l'indifférence générale qui existe face aux masses de marginalisés qu'on exploite comme main d'œuvre bon marché.

« J'espère qu'en vieillissant, je ne deviendrai jamais indifférent et passif devant tout cela. J'espère mourir une personne révoltée, » nous dit-il, avec grande émotion, durant notre souper.

Le vœu de Bill fut exaucé.

Le lendemain, à peine quelques heures après son arrivée à son nouveau poste à Sao Paulo, Brésil, il décède subitement d'une crise cardiaque.

Extraits du message de Noël 1973 des évêques chiliens à tous les autres évêques du monde
Le Comité permanent de l'Épiscopat a jugé qu'il était nécessaire de poser ce geste, étant donné que la presse internationale — y compris un très grand nombre d'organes catholiques — a tellement déformé les évènements du Chili, menant ainsi le public lecteur à une interprétation des évènements absolument fausse, qu'il fallait en quelque sorte offrir des éléments de jugement pondérés.
Tel est l'objectif de ces pages, affirme dans sa présentation le Secrétaire général de la Conférence épiscopale du Chili, l'évêque Carlos Oviedo Cavada.

Cardinal Raúl Silva Henriquez sort de l'église avec Augusto Pinochet, le 18 septembre 1973, après avoir offert à la junte militaire, lors d'une cérémonie télédiffusée, toute la « désintéressée collaboration de l'Église catholique »
Les Forces armées et les Carabiniers du Chili ne sont en aucune façon ni « putschistes », ni « fascistes », (...) leur constante tradition en est une de professionnalisme (...) ils sont au-delà des contingences politiques du pays. Le geste qu'ils ont posé le 11 septembre fut comme la réponse à une exigence nationale et, en tant qu'institutions armées, une conséquence de l'obligation qu'ils ont de garantir l'ordre au Chili.
Qu'est-ce qui prit fin au Chili le 11 septembre 1973 ? Pour plusieurs, pour les adhérents anonymes de l'Unité populaire, ce fut la fin de grands espoirs fondés sur un lien affectif avec les forces de la gauche, forces dans lesquelles, historiquement, de vastes secteurs du peuple placèrent leurs aspirations. Nous disons un lien affectif, car les réformes, les conquêtes en faveur du peuple ne s'étaient certainement pas réalisées. Les « 40 mesures » du programme électoral de l'Unité populaire, dans lesquelles étaient exprimés ces objectifs les plus immédiats en faveur des classes populaires, n'ont pas dépassé le stade de simple programme. Il n'y en a sûrement pas cinq qui sont devenues des réalisations concrètes. Plus tard, l'opposition rappelait régulièrement ces mesures pour ridiculiser le gouvernement de l'Unité populaire.
Pour la grande majorité des Chiliens, le 11 septembre 1973 représenta la fin d'un cauchemar, d'un état de décomposition du pays, de l'installation de la démagogie, de l'ingérence de politiciens étrangers (qu'on se rappelle la lettre de Fidel Castro, au président Allende, le 22 juillet 1973), de la violence sous toutes ses formes, de l'appauvrissement brutal de la nation et par-dessus tout, de la marxisation dans laquelle le Chili se trouvait entraîné. Tout cela se terminait par un acte des Forces armées et des Carabiniers du Chili lesquels représentent une véritable réserve morale de l'âme nationale. Pour cette majorité, le 11 septembre fut une véritable libération.
La connaissance du « Plan Z » a été le premier facteur de la prolongation de l'état de guerre interne dans le pays. Des secteurs de la gauche et de la presse internationale, adeptes du marxisme, ont tenté de nier l'existence de ce plan, qui était un auto-coup d'État de l'Unité populaire. Mais une documentation abondante a été trouvée et publiée. (…)
Certes, l'Église aimerait faire beaucoup plus en faveur de tous ceux qui souffrent, en imitant le bon samaritain qui s'occupa uniquement d'aimer le blessé sur la route et qui ne partit pas à la recherche de ceux qui l'avaient maltraité. Mais ces actions de l'Église en faveur des anciens militants de l'Unité populaire se sont méritées des critiques et des réserves dans la communauté catholique elle-même. La haine, la violence, le sectarisme qui s'étaient déclenchés durant l'Unité populaire furent si profonds – ‘l'âme du Chili est blessée', affirma un jour le cardinal — que ceux qui sous l'Unité populaire furent renvoyés de leurs emplois ou persécutés, ou qui eurent à souffrir sous ce régime, n'arrivent pas à comprendre que l'Église s'engage dans ces œuvres de miséricorde envers les anciens militants de l'Unité populaire. Cela a occasionné beaucoup d'incompréhensions parmi les catholiques eux-mêmes.
Dans le cas des Universités catholiques, le gouvernement a adopté une attitude distincte, en respectant leur dépendance du Saint Siège et de la Conférence épiscopale du Chili. Pour illustrer la compréhension à laquelle il est possible d'arriver, le cardinal nomma comme recteur de l'Université catholique du Chili, le recteur délégué par le gouvernement. (...)
Au cours des années précédentes, surtout pendant l'Unité Populaire, les jeunes ont joué un rôle de premier plan dans un contexte fondamentalement politique. Aujourd'hui, alors que les activités politiques sont en pause, ces jeunes sont confrontés à un vide d'action et de motivation. C'est une grande opportunité pour l'Église de former les jeunes, de les préparer pour l'avenir. Cette urgence est un défi pressant pour l'Église, c'est comme l'heure de Dieu pour ces jeunes.

Commentaires au sujet de l'analyse des évêques chiliens

Il est frappant de noter que les évêques chiliens non seulement ne qualifient pas de putschistes et fascistes les militaires et policiers chiliens qui ont brutalement renversé le gouvernement de Salvador Allende, mais qu'ils vont même jusqu'à affirmer qu'ils ne représentent rien de moins que « la réserve morale de l'âme chilienne ».

Des militaires qui, comme on le sait, finiront par torturer au moins 27 000 individus et en tuer au moins 3 000, et qui avaient déjà pratiqué beaucoup de torture, exécuté sommairement, mis sur pied des camps de concentration, fait disparaître toute presse libre, et exercé une répression tellement impitoyable que de de milliers de Chiliens et Chiliennes cherchaient par tous les moyens possibles de fuir à l'étranger...
Les évêques estiment que le bilan positif du gouvernement de l'Unité populaire est fort mince, qu'il se résume au lien affectif profond que de vastes secteurs de la population ont avec lui. « Les réformes et les conquêtes en faveur du peuple », disent-ils, « ne se sont pas réalisés ».

Quant au bilan négatif de l'Unité populaire, il est énorme, et se résume en un mot « cauchemar », poursuivent les évêques : « état de décomposition du pays, installation de la démagogie, ingérence de politiciens étrangers (qu'on se rappelle la lettre de Fidel Castro, au président Allende, le 22 juillet 1973), violence sous toutes ses formes, appauvrissement brutal de la nation, et, par-dessus tout, marxisation du pays ».
Il est intéressant de noter que les évêques, tout en soulignant avec justesse l'intervention politique étrangère du dirigeant d'un petit pays - celui de Fidel Castro - ne mentionnent pas une seule fois dans leur document de 59 pages l'intervention politique étrangère pourtant la plus spectaculaire - celle des États-Unis. Une telle omission est d'autant plus étonnante que, grâce à la fuite en 1972 des documents secrets de l'International Telephone and Telegraph (ITT) par le journaliste d'enquête Jack Anderson, cette intervention américaine était connue à travers le monde entier.

Ces documents, qui ont longtemps circulé au Chili, montrent que la CIA collaborait avec l'ITT et certains militaires chiliens pour renverser Salvador Allende, et cela aussi tôt qu'au moment de sa victoire électorale en 1970. Cependant, ils montrent aussi que la CIA, consciente que la grande popularité post-électorale de l'Unité populaire pourrait empêcher la réussite du coup d'État, avait suggéré aux militaires chiliens de reporter ce coup. Mieux vaut, soulignait la CIA, bien préparer le terrain afin de garantir la réussite du coup.

Tout d'abord, suggérait la CIA, il faut s'acharner à dénigrer le plus possible l'image d'Allende, tant au Chili qu'à l'étranger. Comment ? En produisant des reportages le noircissant, d'une part dans les médias chiliens, et, d'autre part, dans les médias à l'étranger. Nous allons vous aider dans cette campagne médiatique, dit la CIA, à travers nos contacts dans les médias internationaux, et de plus, nous allons verser de l'argent au grand journal conservateur du Chili, El Mercurio, ainsi qu'à d'autres médias d'opposition, pour les aider à dénigrer Allende.

Ensuite, poursuit la CIA, nous devons mettre le plus de bâtons possibles dans les roues de l'économie chilienne. La déstabiliser carrément. Comment ? Nous, Etats-Unis, avons beaucoup de pouvoir auprès des institutions financières internationales. Nous allons utiliser ce pouvoir pour imposer un blocus financier du Chili dans toutes ces institutions.
Enfin, conclut la CIA selon ce que révèlent les documents secrets de l'ITT, il faut faire un dernier pas pour assurer le succès d'un coup d'état. L'image d'Allende étant fortement noirci, et l'économie étant déstabilisée par le blocus financier, il faut maintenant s'acharner à créer un climat de chaos, de désordre et d'insécurité. Comment ? Par des actions de sabotage, telles que le dynamitage de ponts, de pylônes électriques. Ou encore, mettre le feu à des stations d'essence, etc.

Une fois le terrain bien préparé, une fois que le peuple aura gouté assez longtemps à dégradation économique, pénurie, appauvrissement, violences et insécurités de toutes sortes, les militaires chiliens pourront intervenir pour renverser l'Unité populaire. Et ils seront alors accueillis comme des sauveurs et des héros libérateurs par de vastes secteurs de la population. Ils seront perçus comme ceux qui rétablissent ordre et sécurité, ceux qui mettent fin au cauchemar !

Pour comprendre la méticulosité scientifique et à long terme de la planification américaine contre l'Unité Populaire sous Salvador Allende, rien de mieux que de visionner l'impressionnant documentaire de 139 minutes,La Spírale, produit par Armand Mattelart en 1976.

La stratégie préconisée par la CIA dans les documents secrets de l'ITT, notamment accorder de l'aide financière américaine aux médias chiliens afin de noircir Allende et l'Unité populaire, n'est pas restée lettre morte. Pour s'en convaincre, il suffit de lire le rapport COVERT ACTION IN CHILE 1963-1973 produit par la Commission sénatoriale américaine. Ce rapport affirme que le « Groupe des 40 » a donné 700 000 dollars américains au journal El Mercurio le 9 septembre 1971 et 965 000 dollars le 11 avril 1972. De plus, explique ce rapport, le Groupe des 40, qui travaillait sous l'autorité de Henry Kissinger, ne se limitait pas à accorder des sous aux médias chiliens. Il produisait parfois lui-même du contenu dans ceux-ci. Il exerçait, affirme le rapport, une influence substantielle sur le contenu même du Mercurio, « allant jusqu'à y placer des éditoriaux inspirés par la CIA, et ceci, à certains moments, presque quotidiennement ».

Ce que les évêques chiliens semblent ignorer encore trois mois après le coup d'état, Salvador Allende en était parfaitement conscient, et ce, depuis fort longtemps. Lors du discours historique qu'il prononçait une fois déclenchée l'intervention militaire le 11 septembre, un discours que j'écoutais en direct à la radio depuis mon appartement à Santiago et qui serait son dernier discours avant de trouver la mort, Allende affirmait :
« Le capital étranger, l'impérialisme, unis à la droite, ont créé le climat nécessaire pour que les forces armées rompent avec leur tradition ».

Dans leur document, les évêques chiliens, pour aider leurs confrères évêques à travers le monde à comprendre que la junte militaire chilienne n'a rien à voir avec le putschisme et le fascisme, se réfèrent à ce qu'ils appellent le « Plan Z ». Selon ce plan, que le journaliste Julio Arroyo Kuhn rendait public le 18 septembre 1973 dans le quotidien El Mercurio, le gouvernement Allende aurait planifié l'assassinat, le 19 septembre 1973 et jour de fête nationale des forces armées, de différents chefs des forces armées qui s'opposaient à l'Unité populaire. Allende, selon le plan Z, aurait invités des chefs militaires à déjeuner avec lui au Palais présidentiel La Moneda, où ils seraient abattus par des serveurs. Vingt-quatre heures seulement après l'assassinat, Allende annoncerait la création de la « République démocratique populaire du Chili ».

Ce fameux « Plan Z » était, de toute évidence, une création, avec l'aide de la CIA, de la junte militaire en vue de justifier auprès de la population le coup d'état qu'elle venait de faire une semaine plus tôt, et toute la répression barbare qui l'accompagnait. Une création qui ressemble, comme deux gouttes d'eau, à cette autre invention de l'administration Bush en 2003 - Saddam Hussein possède une immense quantité d'armes de destruction massive et représente une grande menace pour le monde entier – qui servait de prétexte pour justifier l'invasion de l'Iraq.

D'une part, la Commission sénatoriale américaine, à laquelle nous venons de référer plus haut, affirme que les Etats-Unis non seulement accordaient des sous au quotidien El Mercurio, mais influençaient souvent, ou produisaient directement, le contenu de certains de ses articles. D'autre part, grâce à la déclassification des dossiers de la CIA, on sait, parce que cette dernière le reconnaît tel quel, que le Plan Z n'était rien d'autre qu'une guerre psychologique menée par les forces armées chiliennes pour justifier le coup et la persécution de l'Unité populaire.

Le Plan Z n'a pas seulement servi de prétexte pour justifier le coup d'état. Comme de nombreux militaires et policiers chiliens ont cru cette invention, des prisonniers ont été battus et torturés dans des centaines de casernes et de postes de police, dans le but de leur arracher des aveux au sujet du plan diabolique Z.

L'hypocrisie, ou plutôt la complicité profonde de l'Église catholique chilienne dans le coup d'état est criante. L'Église, affirment les évêques chiliens dans leur document de Noël 1973, imite le bon samaritain qui aime les gens qui souffrent et vient à leur aide, sans cependant « partir à la recherche » de ceux qui occasionnent leurs souffrances. Comment, et pourquoi, partir à la recherche de ceux qui, selon l'Église, représentent la réserve morale du peuple, ceux qui le libère du chaos socialiste ? Contentons-nous d'aider, en bon samaritain, les gens que les libérateurs torturent, les familles des papas assassines ou portés disparus, les gens qu'on enferme comme du bétail dans des camps de concentration !

Pour éliminer tout ce qui est progressiste, la junte brûlait dans la rue des tonnes de livre à tendance socialiste. Elle prenait aussi le contrôle de ce qui s'enseigne, notamment en nommant un militaire à la direction de toutes les universités. Dans le cas des universités catholiques, affirment les évêques dans leur document, la junte est cependant gracieuse et respecte l'autorité et l'indépendance de l'Église. Pour la remercier, et « illustrer la compréhension à laquelle il est possible d'arriver », poursuivent les évêques, le cardinal Henriquez décide de nommer à la direction de l'Université catholique du Chili, pourtant une institution pontificale, le militaire « délégué » par la junte. Autre hypocrisie consommée : l'Église nomme à la direction de l'université le militaire qu'a choisi la junte pour ce poste !
Un dernier point on ne peut plus troublant. Les militaires ont banni tous les partis progressistes, fermé le parlement, mis en pause l'activité des partis politiques de droite, écrasé toute pensée progressiste, voire même toute possibilité de penser. Or les évêques chiliens, au lieu de dénoncer une telle situation, perçoivent cela comme une bonne affaire pour les jeunes. Cela représente ce qu'ils appellent « une grande opportunité pour l'Église », ou « l'heure de Dieu pour les jeunes » ! Comme « les activités politiques sont en pause » et que les jeunes, qui représentaient sous l'Unité populaire le fer de lance de l'action politique, « sont confrontés à un vide d'action et de motivation », profitons-en pour « former les jeunes, les préparer pour l'avenir », affirment les évêques ! Leurs cerveaux étant, grâce à une répression barbare et massive, vides de pensées socialistes nocives, à nous de les remplir du bien, à restaurer chez eux l'identité judéo-chrétienne, cette « âme du Chili ». C'est cette dernière, que les militaires, qui se disent de bons catholiques et représentent « la réserve morale du peuple », ont restauré par leur intervention du 11septembre !

*************
Lettre à ma famille le 15 décembre 1973

Je vivais à Santiago, dans un pays où de vastes secteurs de la population étaient soumis à répression brutale, peur, angoisse, et méfiance, alors que d'autres secteurs, provenant d'une partie de la classe moyenne mais surtout de l'élite économique, célébraient leur victoire.

Comme tant d'autres personnes, ma conjointe Wynanne et moi avions déchiqueté en mille morceaux nos livres et revues progressistes, plaçant tout cela dans des sacs de poubelles, et transportant avec grande discrétion ces sacs dans la rue, de peur que des voisins pro-junte comprennent ce que nous faisions et nous dénoncent.

Certaines des lettres que nous recevions étaient déjà ouvertes, donc nous nous sentions espionnés.

Le gros de notre énergie était consacré à deux choses : faire connaître au monde extérieur les atrocités que nous témoignions dans ce Chili de censure totale ; et aider le plus possible Chiliens et Chiliennes traqués par les militaires à se réfugier dans une ambassade afin d'échapper à emprisonnement, torture, et, possiblement, assassinat.
La lettre que, rempli d'émotion, de révolte et d'ironie, j'écrivais à ma famille le 15 décembre 1973 était donc codée. Il fallait dire des choses, mais le faire en sachant que celles-ci seraient peut-être lues par des militaires.

Les « fraises » représentent les personnes traquées que nous aidions à se réfugier dans une ambassade.

Le « Père Noël qui se promène en traineau » représente la junte militaire, qui est consciente que plusieurs personnes sur leurs listes noires arrivent à échapper à la répression en entrant dans une ambassade et qui prennent des mesures pour mettre fin à cela.

La « pétition contre la pollution » représente une pétition, initiée par nos contacts au Québec, demandant au gouvernement canadien d'ouvrir ses portes aux réfugiés chiliens et de dénoncer le caractère brutal et répressif de la dictature chilienne. En affirmant que la pollution est si grave ici qu'elle cause des décès, je me réfère, bien sûr, aux tueries perpétrées par la junte. En affirmant que « la pollution affecte de plus en plus de pays en Amérique latine ces dernières années », je laisse entendre que les dictatures se multiplient en Amérique latine.

Lorsque je me réfère aux mensonges que répand la presse internationale, je reprends le discours de la droite, un discours qu'on entend dans les secteurs nantis de Santiago, et qu'on voit régulièrement dans la presse censurée du Chili. Selon ce discours, le sang, la torture, les exécutions sommaires, les camps de concentration, etc. ne seraient que de la propagande répandue par les communistes à travers le monde afin de noircir l'image de la junte militaire.

Comme ma famille me connaît, elle sait fort bien que j'ironise, et que je pense exactement le contraire.

Je doute que les évêques chiliens, s'ils avaient pu lire ma lettre, penseraient que j'ironisais. Car l'objectif du document qu'ils faisaient parvenir à leurs confrères évêques dans le monde était précisément de corriger la fausse image négative qu'on se fait de la junte à l'étranger, parfois même dans des milieux catholiques.

« Des milliers de travailleurs font librement don d'une partie de leur salaire, » j'écris dans ma lettre à ma famille. Ici encore une fois, je prends une position fort différente de celle des évêques. Dans leur document, il y a une partie, que je n'ai pas reproduite ci-haut, où les évêques, pour illustrer l'enthousiasme de la population par rapport au coup d'état, affirme que de nombreuses personnes accourent pour donner argent, bagues d'or, etc. à la junte militaire afin de l'aider à rebâtir le pays. En précisément dans ma lettre que le don « que font librement » les travailleurs « est simplement déduit de leur chèque », je souligne l'aspect obligatoire et non libre de ce don supposément libre ! Ce qu'affirment les évêques est vrai, mais ce qu'ils omettent de dire est également vrai. Cette dernière omission, comme le fait de ne pas mentionner dans leur document le bannissement de la plus grosse centrale syndicale du Chili, la CUT, illustrent le parti pris de l'Église pour la junte militaire.

Lorsque j'affirme que « plusieurs milliers de familles sont sans emploi à Santiago », je n'utilise aucun code. C'est exactement la situation qui se vit, et celle-ci est dramatique. En ajoutant que ce problème va bientôt disparaître, car « elles ne perçoivent plus aucun revenu », j'ironise de façon on ne peut plus mordante, en laissant entendre que les familles vont tout simplement mourir de faim.

Tous ces codes étant expliqués, voici ce que j'écrivais à ma famille de Windsor, Ontario le 15 décembre 1973. Le moins qu'on puisse dire, ma lettre présente une image fort différente du Chili que celle peinte par le document que les évêques chiliens, exactement au même moment, faisaient parvenir à leurs confrères évêques du monde entier.
Chère maman, cher papa et chère famille,

Wynanne et moi sommes tous les deux un peu épuisés par notre constante cueillette de fraises. Même s'il fait très froid au Canada, il fait très chaud ici. Croyez-le ou non, le Père Noël est habillé pour l'hiver et se promène sur un traîneau par une température d'environ 90 degrés Fahrenheit ! Et il aime aussi les fraises, alors il n'aime pas l'idée qu'on les lui enlève.

La mère de Wynanne nous envoie des nouvelles au moins deux fois par semaine. Merci beaucoup d'avoir signé la pétition contre la pollution de l'air. C'est certainement un des pires maux dans le monde présentement, et il semble que cette pollution affecte de plus en plus de pays en Amérique latine ces dernières années. Hier encore, quelqu'un m'a dit que la pollution de l'air était si grave ici qu'elle causait des décès.

Si vous avez suivi la presse internationale ces dernières semaines, vous avez pu constater que les journalistes continuent de répandre toutes sortes de mensonges sur le Chili. Ils affirment que plus de 15 000 personnes ont été exécutées au Chili depuis le 11 septembre. Ils affirment que les tueries se poursuivent. Un article a même affirmé qu'il y avait et qu'il y a encore des cas quotidiens de torture.

Quand on voit à quel point les gens semblent prendre plaisir à publier toutes ces rumeurs sensationnelles, on se demande où va ce monde... Ici, tout est calme. Bien sûr, nous sommes toujours en situation de guerre, - une situation qui devrait durer plusieurs mois - et nous avons un couvre-feu toutes les nuits de 23h à 5h30. Un coup de feu occasionnel ici et là, mais c'est tout. Les gens travaillent. Beaucoup font don de leurs bagues en or à la junte militaire en signe de reconnaissance. Les rues sont très propres. Il n'y a plus de grèves folles. Des milliers de travailleurs font librement don d'une partie de leur salaire... ce dernier don est simplement déduit de leur chèque ! La grande majorité de ces travailleurs gagnent aujourd'hui en un mois ce qu'un travailleur moyen au Canada gagne en une demi-journée environ - mais c'est normal ici : le Chili est un pays sous-développé.
Les journaux, les stations de radio et de télévision ne tarissent pas d'éloges sur la junte militaire. Avant le coup d'État, il était incroyable de voir les ordures que l'on pouvait trouver dans les médias ! Aujourd'hui, les nouvelles sont courtes, joyeuses et objectives. On a envie de revivre ! Les médias nous informent que la Russie persécute toujours ses intellectuels. Quand on pense que sans l'armée chilienne et les Etats-Unis, le Chili serait peut-être encore en train de se diriger vers le socialisme !

Il y a encore plusieurs milliers de familles sans emploi à Santiago. Mais ce problème devrait être réglé sous peu : elles ne perçoivent plus aucun revenu...

Demain, Wynanne et moi allons escalader une belle montagne, située en plein cœur de Santiago. Cela devrait nous faire oublier les fraises ! Alors que vous célébrez Noël le 25...
Try to remember.... (Ma lettre fut rédigée en anglais, car les conjoints et conjointes de mes frères et sœurs sont anglophones, et ne me comprendraient pas si j'écrivais en français)

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Mandela, « le Rouge » effacé ?

17 décembre 2024, par Basile Giraud — , ,
La mémoire collective a ses ciseaux affûtés, et dans le cas de Nelson Mandela, le marxisme a été discrètement jeté dans la corbeille. La figure reconnue du « père » de la (…)

La mémoire collective a ses ciseaux affûtés, et dans le cas de Nelson Mandela, le marxisme a été discrètement jeté dans la corbeille. La figure reconnue du « père » de la nation arc-en-ciel, chuchotant la réconciliation et prônant la paix, cache une histoire plus radicale, profondément ancrée dans les luttes anticolonialistes et la pensée révolutionnaire.

7 décembre 2024 | Billet de blog | Photo : Le président sud-africain Nelson Mandela danse lors du congrès annuel du Parti communiste sud-africain, le 7 avril 1995. © Juda Ngwenya
https://blogs.mediapart.fr/basilegiraud/blog/071224/mandela-le-rouge-efface

L'ANC : La lutte oubliée

Le Congrès national africain (ANC), auquel Mandela adhère en 1943, n'a pas toujours été ce temple de la démocratie libérale qu'on imagine aujourd'hui. Dans les années 1950 et 1960, il s'agit d'un mouvement influencé par des idéologies marxistes et des alliances stratégiques avec des partis communistes.

La Charte de la liberté (1955), document fondateur du mouvement, prône une redistribution des terres et la nationalisation des mines, un discours ouvertement socialiste.

Mandela lui-même reconnaît avoir été séduit par les idées marxistes. Dans son autobiographie, Un long chemin vers la liberté, il confesse : "Le communisme promettait un paradis terrestre pour les pauvres et les opprimés." À ses débuts dans l'ANC, Mandela fréquentait les cercles communistes sud-africains, où Blancs et Noirs débattaient d'égal à égal.

Une révolution en soi dans un pays ravagé par l'apartheid.

C'est avec la création de l'aile militaire de l'ANC, Umkhonto we Sizwe (La Lance de la Nation), en 1961, que Mandela passe de la théorie à l'action, inspirée par les tactiques révolutionnaires communistes.

Mais une telle guerre exigeait des alliés puissants. C'est dans le bloc communiste que Mandela trouva un soutien crucial. L'Union soviétique joue alors un rôle clé en fournissant une aide militaire et logistique à l'ANC. Dès 1962, les premiers combattants de MK sont envoyés à Moscou pour suivre une formation militaire et idéologique.

Joe Modise, futur commandant de MK, a décrit ces entraînements comme une initiation à la tactique militaire et à la guerre révolutionnaire, mais aussi à une vision marxiste de la société. Selon des archives soviétiques, le Kremlin a consacré près de 100 millions de dollars entre 1963 et 1988 à soutenir l'ANC et son allié idéologique, le Parti communiste sud-africain (SACP).

La Chine, de son côté, offre également une assistance militaire dès les années 1960. Bien que les tensions sino-soviétiques aient limité une coopération tripartite, Pékin forma des cadres de l'ANC et fournit des armes légères aux premiers combattants de Mandela. Cuba, en revanche, incarne l'engagement le plus visible du bloc communiste en Afrique. Sous Fidel Castro, La Havane devient un point d'appui stratégique pour les mouvements anti-impérialistes africains, y compris l'ANC.

Lors de la célèbre bataille de Cuito Cuanavale en Angola (1987-1988), des troupes cubaines affrontent directement l'armée sud-africaine, affaiblissant ainsi la domination régionale de Pretoria. Mandela, libéré deux ans plus tard, qualifiera cette bataille de "tournant décisif dans la lutte contre l'apartheid".

Nelson Mandela rend visite à Fidel Castro. La Havane, 1991

Mandela et le Parti communiste sud-africain

Pendant des années, Mandela a nié son appartenance officielle au Parti communiste sud-africain (SACP). Pourtant, en 2012, des documents historiques révélèrent que Mandela siégeait bel et bien au comité central du SACP dans les années 1960.

Ces révélations sont venues contredire la version officielle soigneusement polie : Mandela, le libéral dévoué à la démocratie, était également un révolutionnaire qui voyait dans le communisme un outil pour l'émancipation des opprimés.

Mais il n'y avait pas de contradiction dans cette appartenance, explique Ronnie Kasrils, ancien ministre et membre du SACP : "Mandela voyait dans le marxisme une méthode pour analyser les structures d'oppression économique et sociale."

Le discours de Mandela lors de son procès de Rivonia en 1964 témoigne d'ailleurs d'une analyse marxiste de la société sud-africaine : "L'apartheid et le capitalisme sont les deux faces d'une même pièce.". Un constat qui, dans une autre vie, aurait pu lui valoir une statue à Moscou plutôt qu'à Washington.

Une mémoire aseptisée

Pourquoi, alors, cette facette de Mandela a-t-elle été effacée de l'hagiographie du "nouvel ordre mondiale" ? La réponse réside dans les besoins narratifs des puissances occidentales.

À sa libération en 1990, Nelson Mandela devient une icône mondiale, une figure consensuelle nécessaire pour incarner la transition pacifique. Les États-Unis et le Royaume-Uni, qui l'avaient classé comme terroriste jusque dans les années 1980, participent à la réhabilitation d'un Mandela "acceptable".

Dans ce cadre, ses liens avec le communisme deviennent gênants. Le "Mandela rouge" disparaît sous une avalanche de photos où il serre les mains des présidents américains et britanniques.

La réconciliation, mantra de la Rainbow Nation, était un récit plus commercialisable qu'une révolution prolétarienne.

Aujourd'hui, les discussions sur Mandela omettent souvent ses critiques du capitalisme. La Commission Vérité et Réconciliation, certes essentielle, a échoué à redistribuer les richesses économiques aux Noirs sud-africains, laissant un pays où les inégalités restent criantes. Mandela lui-même le regrettait : "Nous avons vaincu l'apartheid politique, mais pas l'apartheid économique."

Si Mandela est désormais une icône mondiale, c'est au prix d'une simplification de son message.

L'Humanité, 1987. © L'Humanité

Loin de la figure lisse qui orne les manuels scolaires, il était un stratège pragmatique, capable de s'allier aux communistes tout en tendant la main à ses ennemis.

Alors que des statues, avenues, places se dressent en son hommage dans les villes du “monde libre”, il reste à savoir si l'histoire rendra justice à l'homme complexe et révolutionnaire qu'il fut.

Car, pour citer Mandela lui-même : "Être libre, ce n'est pas seulement briser ses chaînes, mais vivre d'une manière qui respecte et renforce la liberté des autres." Une maxime qui, sans le marxisme, perd peut-être de sa profondeur.

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« Guérilla des Farc » de Pierre Carles : l’avenir a une histoire

17 décembre 2024, par Michaël Mélinard — , ,
Dix ans durant, le cinéaste s'est rendu régulièrement en Colombie. Il offre un contre-récit de l'histoire de la rébellion et interroge l'avenir du mouvement qui a abandonné la (…)

Dix ans durant, le cinéaste s'est rendu régulièrement en Colombie. Il offre un contre-récit de l'histoire de la rébellion et interroge l'avenir du mouvement qui a abandonné la lutte armée.

Tiré de l'Humanité
https://www.humanite.fr/culture-et-savoir/cinema/guerilla-des-farc-de-pierre-carles-lavenir-a-une-histoire
Publié le 11 décembre 2024
Michaël Mélinard

On a connu Pierre Carles pourfendeur des médias dominants, poil à gratter d'un système, aux méthodes parfois contestées. Avec « Guérilla des Farc, l'avenir a une histoire », il s'essaie à un journal documentaire, intime et engagé. Intime d'abord, car il s'adresse en voix off à son beau-père, Duni Kuzmanich, un cinéaste colombien disparu en 2008. Ce dernier a été le premier à réaliser un film sur la guérilla sans la dénigrer. Engagé aussi, car il recueille la parole de membres de Farc entre 2012 et 2022 tout en rendant hommage à deux cinéastes militants français, Bruno Muel et Jean-Pierre Sergent, venus tourner dans les années 1960 un documentaire surces guérilleros et guérilleras communistes.

Envisager une poursuite pacifique de la lutte

Sa forme hybride alterne des entretiens avec les Farc, dont celui avec la Française Natalie Mistral, et des extraits de « Canaguaro », l'œuvre de Kuzmanich relatant l'assassinat en 1948 de Jorge Eliecer Gaitan, un homme politique de gauche favori à l'élection présidentielle de l'année suivante, ainsi que la rébellion qui a suivi. S'y ajoutent également des images des négociations pour un processus de paix. Car en 2015 et 2016 se profile un accord avec le gouvernement colombien, entérinant le désarmement et le retour à la vie civile des rebelles.

C'est à la fois la possibilité de regarder vers l'avenir et d'envisager une poursuite pacifique de la lutte pour davantage de justice sociale. C'est aussi l'occasion de dresser un bilan sur leur combat. Là, le cinéaste redevient le critique des médias dominants en transposant sa grille d'analyse à la Colombie. La question de la représentation des Farc et de l'accusation de narcoterrorisme reprise en boucle pendant des décennies par les médias a en partie noyé leur message et terni la légitimité de leur lutte. Pierre Carles tente de remettre les pendules à l'heure. À la sienne en tout cas. En proposant un contre-discours qui fait des Farc des combattants contre l'oligarchie et la prédation des richesses.

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« Vingt Dieux » de Louise Courvoisier

17 décembre 2024, par Samra Bonvoisin — , ,
Divine surprise du dernier Festival de Cannes, « Vingt Dieux », au titre malicieux, suscite d'entrée de jeu l'étonnement et l'admiration. Pour son premier long métrage, (…)

Divine surprise du dernier Festival de Cannes, « Vingt Dieux », au titre malicieux, suscite d'entrée de jeu l'étonnement et l'admiration. Pour son premier long métrage, Sélection ‘Une Certain Regard' et Prix de la Jeunesse, Cannes 2024 entre autres récompenses, Louise Courvoisier nous offre un épatant ‘western agricole', tourné en Scope et aux couleurs, lumineuses et estivales, du Jura, sa terre natale.

Par Samra Bonvoisin, Le Café pédagogique, Paris, 11 décembre 2024

Pour visionner la bande-annonce.

Avec son coscénariste Théo Abadie ( et camarade de promotion de la Cinéfabrique de Lyon comme d'autres collaborateurs du film ) la jeune femme, déjà lauréate de la Cinéfondation cannoise en 2018 après son court-métrage, imagine le roman d'apprentissage, à la fois rugueux, fougueux et burlesque, de Totone, 18 ans, glandeur et fanfaron, vivant à la ferme paternelle avec sa petite sœur.

Un drôle de zigue, partageant son temps, avec deux potes branquignoles, entre bals alcoolisés, nuits d'ivresse et réveils ahuris aux côtés d'une fille séduite et mal étreinte.

Jusqu'à la mort de son père dans un accident de voiture. Une fois l'exploitation agricole et les vaches vendues, comment assurer l'avenir de sa petite sœur et gagner sa vie, alors qu'il croit n'avoir rien appris et se sent si démuni ?

Vingt Dieux, pour reprendre le juron favori de sa bande de pieds nickelés, loin de nous plonger dans le désespoir, Louise Courvoisier nous embarque alors dans l'aventure initiatique, mouvementée, bondissante et libertaire, d'un garçon du Jura saisi par une énergie désordonnée et tenace. Une histoire singulière, ancrée dans un territoire rural, rarement célébré ainsi à l'écran, où savoir-faire, savoir-être et désir d'aimer se conjuguent, au rythme changeant de compositions chorales entraînantes. Impossible de résister à l'épopée jurassienne et au charme déroutant de Totone (Clément Favereau, formidable).

*Un cowboy inattendu au pays des vaches laitières et du comté*

Nous voici plongés au cœur d'une fête de village dans le sillage d'un garçon aux cheveux roux, filmé de dos (peau blanche, épaules robustes, cou costaud) ; la caméra le suit à vive allure car le sujet fend la foule pour s'arrêter devant un petit groupe. Pressé par ses supporters improvisés et leurs cris répétés.Debout sur unetable, il se montre tout nu, sans paraître gêné, levant les bras en l'air en signe de triomphe, esquissant même quelques pas cadencés suscités par des incitations bruyantes (‘La danse du Limousin !, ‘La danse du limousin' !). Voici Tony (surnommé Totone), visiblement habitué à faire le malin pour amuser la galerie, ses potes en débrouille et embrouilles Jean-Yves (Mathieu Bernard, très bien) et Francis (Dimitri Baudry, aussi crédible) en particulier.

A la maison, il en mène moins large et semble se la couler douce, tandis que le père conduit l'exploitation agricole et que la petite sœur (Luna Garret, délicieusement vraie) va à l'école. À Totone et ses potes, les bals où l'on boit de la bière jusqu'à plus soif et emballe des filles pour une nuit sans trop savoir quoi faire en tant que mecs en cas de panne du sexe. Une expérience embarrassante pour Totone et minimisée par la partenaire d'un soir prête à excuser ce machisme inconséquent !

La mort du père fait cependant basculer l'existence de notre garçon insouciant. Il lui faut maintenant, et vite, assurer sa subsistance, protéger sa petite sœur et trouver un toit.

Ouvrier agricole, louant sa force de travail auprès des fermiers du coin, il se distingue par sa gaucherie, ses retards et son manque de pratique.

Qu'à cela ne tienne. Pourquoi ne pas se spécialiser dans la fabrication du comté et gagner ainsi, en deux tours de main, les 30.000 € destinés au vainqueur du concours agricole dans ce domaine ?

*Artisanat et transmission, sexe et amour : des chemins rocambolesques*

Pas si simple de remporter un concours dont on ignore les règles et les exigences préalables. Mais Totone s'accroche, se renseigne auprès des autorités, approche surtout une des grandes spécialistes en la matière, laquelle accepte de lui transmettre ingrédients nécessaires, pratiques particulières (notamment pour la fabrication ‘au chaudron'). Et nous saisissons, émus, l'importance de cette formation par une ‘ancienne' auprès d'un jeune renouant ainsi avec une tradition paternelle (que la relation père-fils figurée au début du récit ne laisse pas imaginer).Ce serait faire injure aux spectateurs que de révéler le dénouement de cette ambitieuse entreprise.

En tout cas, Totone n'ayant pas de domaine agricole ni de lait nécessaire à la fabrication du comté à sa disposition, met à contribution ses deux potes pour en ‘trouver' du bon sans débourser un euro…

Fort opportunément (le hasard est parfois grand artiste), il rencontre Marie-Lise (Maïwen Barthelemy, époustouflante interprète), une femmefranche, directe et solide, dirigeant seule une exploitation laitière d'envergure. Ou, entre venue au monde d'un petit veau et naissance de l'amour, comment une jeune femme qui sait ce qu'elle veut et un garçon qui ne le sait pas encore réunissent leurs efforts et leurs désirs pour aider à l'accomplissement des deux événements en même temps, la nuit, dans une étable au milieu du foin.

A ce titre, balayant les clichés et autres niaiseries sur la vie à la campagne, la cinéaste confère aux femmes un rôle majeur dans le parcours initiatique d'un garçon devenu curieux de tout, englué dans l'ignorance par paresse et habitude. A la fromagère âgée, la transmission de savoir-faire artisanaux, à la dirigeante d'exploitation laitière, la transmission des caresses et des gestes de tendresseaptes à susciter le plaisir féminin avec (ou sans) pénétration du sexe masculin. Autant dire que notre Totone n'en finit pas d'être surpris.

*Invention d'un western rural d'un nouveau genre, libre et galvanisant*

Au-delà des trahisons, coups fourrés et autres bastons entre bandes (les branquignoles associés à Totone ont pour ennemis jurés les propres frères de Marie-Lise), des rebondissements qui alimentent joyeusement l'épopée jurassienne, la fiction frappe par le traitement des paysages, leurs couleurs chaudes sous la lumière d'été, en plans larges le plus souvent, en magnifie la beauté particulière. Et, comme si nous retrouvions l'univers singulier des premiers films tels que « L'Enfance nue » ou « Passe ton bac d'abord » de Maurice Pialat (dans l'après-coup des auteurs de la Nouvelle Vague), l'irruption de corps différents, des grains de voix et des accents autres, un phrasé tranché et un langage parfois cru et direct nous touchent profondément. Un surgissement d'une vérité des êtres, de leurs origines géographiques et sociales, loin du formatage citadin commun à de nombreux personnages du cinéma, français d'aujourd'hui, notamment.

Libre dans le choix de son sujet comme dans l'élaboration d'un casting minutieux (des acteurs non-professionnels, tous cultivateurs, tous confondants de justesse), Louise Courvoisier a constitué un collectif de techniciens, amis connus à l'école de cinéma ou membres de sa famille, ses parents Linda et Charlie Courvoisier au premier chef. Anciens musiciens, convertis à l'exploitation céréalière dans le Jura, ce sont eux qui ont conçu les compositions musicales emballantes accompagnées de chants qu'on croirait sorties des chevauchées de cow-boys traversant Monument Valley à la poursuite des Indiens dans les westerns hollywoodiens. Des morceaux de musique version rodéos drôlement en phase avec les virées en mobylette des Pieds Nickelés jurassiens ou les concours de tonneaux entre voitures cabossées lancées à toute berzingue.

Quelles que soient les influences et les figures tutélaires (Jean-François Stévenin et la poésie vagabonde et nomade des héros décalés de « Passe montagne », tournage jurassien dans un registre différent, par exemple), la jeune réalisatrice prend la liberté d'emprunter des chemins de traverse sans s'interdire aucune voie. Avec des exigences manifestes : respecter les êtres et les paysages qu'elle filme en pulvérisant stéréotypes et images convenues.

Le western jurassien et ses longs plans-séquences à la mesure des grands espaces cadrés comme des territoires à conquérir entrent en résonance avec le parcours tragi-comiquedu héros de « Vingt Dieux ».Aussi Louise Courvoisier n'oublie pas de jouer sur la dimension burlesque, de capter les corps en déséquilibre, leurs chutes soudaines.

Elle figure aussi en se rapprochant des visages les élans du cœur et les flux de tendresse, signes d'une mutation profonde chez un êtreen devenir, longtemps dans l'ignorance qu'il était de lui-même.

Devant un spectacle de carambolages automobiles, Totone, de la main, fait signe à sa petite sœur de rejoindre le coin où paradent les vainqueurs. A l'écran, elle accède pour la première fois peut-être, au gros plan et en devenant plus active, grandit en un plan.

Le garçon, pour sa part, suit un temps des yeux l'envol de cette dernière. « Ving Dieux » nous offre encore une promesse et son héros, songeur, nous regarde.

Samra Bonvoisin, Le Café pédagogique, 11 décembre 2024

« Vingt Dieux », film de Louise Courvoisier. Sortie le 11 décembre 2024 ( en France )

Prix de la Jeunesse, sélection « Un Certain Regard », Cannes ; Valois de Diamant & Valois des étudiants, Festival international du film francophone, Angoulême ; Prix Jean Vigo 2024.

*Entrevue* avec la réalisatrice sur TV5 : https://www.youtube.com/watch?v=-lp2P_Eo_S8

*Une suggestion de André Cloutier, Montréal, 11 décembre 2024

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Le prix Nobel de littérature décerné à la Sud-Coréenne Han Kang

17 décembre 2024, par Axel Nodinot — , ,
Le jury de Stockholm a récompensé l'écrivaine Han Kang capable d'entremêler la candeur de ses héroïnes et la cruauté brute de l'histoire. Par Axel Nodinot, L'Humanité, (…)

Le jury de Stockholm a récompensé l'écrivaine Han Kang capable d'entremêler la candeur de ses héroïnes et la cruauté brute de l'histoire.

Par Axel Nodinot, L'Humanité, France, le mercredi 11 décembre 2024

Suggestion de lecture d'André Cloutier

La lauréate du prix Nobel de littérature était mélancolique. Elle revenait sur son parcours devant une assemblée qui acclamait la première <https:/www.humanite.fr/culture-et-...>'>Sud-Coréenne à être ainsi célébrée, la 18e femme seulement en 117 éditions. Pas dépaysée par le froid suédois, la Séoulite a cependant échappé à la neige.

Omniprésents dans ses ouvrages, les flocons recouvrent tout. Le bruit, pour laisser place à la contemplation ou à l'angoisse ; les souvenirs, enfouis au plus profond des personnages ; les cadavres, ceux des dictatures militaires sud-coréennes.

« Inévitablement, le travail de lecture et d'écriture de littérature s'oppose à tout ce qui détruit la vie », a-t-elle déclaré en recevant son prix, ce mercredi 11 décembre à Stockholm. Au fil de son œuvre, Han Kang a pourtant réussi à déterrer, délicatement et avec poésie, des atrocités qu'aucune formule ne saurait égayer. S'entremêlent alors la candeur de ses héroïnes et la cruauté brute de l'histoire : sous la neige, les ruines brûlées, la terre gelée, et les ossements révèlent autant d'histoires dramatiques.

« Pendant ma vingtaine, j'écrivais ces lignes sur la première page de chaque nouveau journal intime : Le présent peut-il aider le passé ? Les vivants peuvent-ils sauver les morts ? », se rappelait-elle à Stockholm. L'écrivaine continue de chercher ses réponses, en se plaçant de front, face à la société et l'histoire sud-coréennes, toutes deux très dures.

Comme dans « La Végétarienne », Booker Prize en 2016, « Celui qui revient », où elle évoque les étudiants assassinés de Gwangju, sa ville natale, et « Impossibles Adieux », qui se déroule sur l'île de Jeju, où 30 000 personnes accusées d'être communistes furent massacrées par l'armée et le commandement américain.

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Cherche sourire désespérément

17 décembre 2024, par Omar Haddadou — , ,
( Coup de sifflet…) – Sourd (e) comme un pot ! - Qui ? moi ? - Oui, vous ! - Mes excuses, M. l'Agent. - Vous connaissez le verbe verbaliser ? - Bien sûr que (…)

( Coup de sifflet…)

Sourd (e) comme un pot !
- Qui ? moi ?
- Oui, vous !
- Mes excuses, M. l'Agent.
- Vous connaissez le verbe verbaliser ?
- Bien sûr que j'connais. Il a comme épouse l'Absolution.

- Non, M. le Gouailleur ! Il a divorcé.
- Ah, bon ?
- Sa moitié s'appelle Fermeté.
- Il doit en baver, le mec ?
- Puisque vous avez le sens de la mise en boite, je vais vous faire un joli cadeau.

C'est vrai ? - Une amende de fin d'année.
- Ca..mé..ra.. ca..chée ?
- Elle a gagné un procès et s'est émancipée.
- Comme quoi… Tout l'monde réclame un air de Liberté.
- Contravention de 3ème classe, ça vous parle ?

- J'en ai entendu parler.
- Eh bien, vous allez vous y familiariser.
- Il parait que ça fait très mal pour ceux qui vérifient deux fois leurs tickets de caisse ?

- Tout va être dématérialiser. Ils (elles) ne verront que dalle.

- C'est bien de noyer le Peuple par petites touches et des majorations « intersticées ».
- 68 euros ! C'est le montant de l'infraction, bien affichée.
- Quelle infraction ? Je viens d'arriver du bled pour une visite familiale. L'huile d'olive (Zit Azemmour) et couscous roulé à la main, peuvent en témoigner.

- Visite ou pas visite…
( La négociation est vouée à l'échec )
- J'peux savoir pour quel motif une telle « prune » ?

On vous a flashé en train de rigoler, Monsieur !
- Et alors ?
- Alors, N.D.P (Nouvelles Dispositions Particulières) :
Article 1 : – Rire en Hexagone est passible d'une amende ! Article 2 : - S'esclaffer, d'un emprisonnement !

- Je rêve ou quoi ?
- Il ne fait pas encore nuit. Vous êtes en France Monsieur. La Législation évolue !

Elle doit s'emm… derrière son bureau ?
- Qu'est-ce que vous dites ?
- J'ai dit, ça sent un peu la me'… à cause de la décharge sauvage juste devant nous.
- On ne rigole plus ! Regardez autour de vous toutes ces tronches tirées comme la membrane d'un Bendir* dont vous connaissez si bien l'usage ! Vous enfreignez la morosité ambiante parisienne.
- Attendez…
- Je n'attends rien. Vous troublez l'ordre du renfrognement et de la maussaderie faciale des Français (es).
- Monsieur l'Agent ! il y aurait les J.O des Gueules massacrantes, la France s'offrirait l'or, les doigts dans le nez.
- Vous connaissez zonzon ?
- Chez nous on l'appelle Bouhadma*. Je vous assure qu'on y rigole. Pour vous dire que nous sommes un peuple qui se boyaute de sa propre déveine, même derrière les barreaux. Et ça, ça vous turlupine !
- Donnez-moi votre pièce d'identité !
- Monsieur l'Agent, je suis Méditerranéen. Rire fait partie de mon ADN. Si l'affliction vous sied à merveille, de grâce ! ne m'ôtez pas mon deuxième Soleil !

- Vous êtes têtu (e) comme une bourrique, vous ! On vous a aligné (e), parce qu'il est formellement interdit de se fendre la pêche. Point barre !
( Le visiteur se tient la tête à deux mains et balbutie)

- Surréaliste.
- Ici c'est l'Autorité ! Pas le mouvement Dada* !

« Adada sur mon poney, quand il trotte, il fait oplé, opla, au galop, au galop… ! Aaah, vous venez de pouffer de rire M. l'Agent ! Contravention de 4ème classe,135 euros ! Ça vous parle ? »

(L'Agent n'en peut plus et s'avoue vaincu)

Reprenez votre Pièce d'Identité et éclipsez-vous ! Vous êtes irrécupérable !

- Avec tout le respect que je vous dois, M. l'Agent, moi je dis le début, et vous la fin : « One two, tree, viva… ? »

Partez, j'vous dis !
( Le jeune Nationaliste s'éloigne et lui crie ) :

L'Algérieeee !

Texte et dessin : Omar HADDADOU 2024

Bendir* : Instrument de percussion. Bouhadmama* : La taule, prison (Substantif dérivé du verbe arabe « yahdem », il enfonce, engouffre ) Mouvement Dada* : Courant intellectuel, littéraire et artistique du XXe siècle.

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Journée mondiale de lutte contre le Sida

Lors de la Journée mondiale de lutte contre le Sida, célébrée le 1er décembre 2024 à l'hôtel Montana, les revendications des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) ont occupé une (…)

Lors de la Journée mondiale de lutte contre le Sida, célébrée le 1er décembre 2024 à l'hôtel Montana, les revendications des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) ont occupé une place centrale. Le Comité national de plaidoyer des populations clés en Haïti (CNPPCH) incluant d'autres concernés ont mis l'accent sur des appels urgents, brandissant des pancartes aux messages percutants tels que « Nou bezwen sekirite », « Batay kont VIH/Sida pap kanpe », « Fok wout yo debloke », et « Nou bezwen èd pou PVVIH ki viktim vyolans ».

Edouard Dieufait, président de la FEDHAP+ (fédération Haïtienne des associations de PVVIH), a rappelé que le VIH ne se réduit pas à une problématique de santé publique, mais est avant tout une question de droits humains. Il a insisté sur la nécessité de politiques publiques inclusives, rappelant aux décideurs politiques l'urgence d'adopter des mesures favorisant l'inclusion sociale et la pleine participation des PVVIH à la vie de la société. Il a remis un document de plaidoyer au MSPP, demandant au gouvernement de prendre en compte ces revendications dans ses priorités.

Pour sa part, Jhonny Lafleur, président du CNPPCH (Comité national de plaidoyer des populations clés en Haïti), a affirmé que les PVVIH, au-delà de leur statut sérologique, sont des citoyens à part entière, avec les mêmes droits et dignité que tous. Il a lancé un appel à l'unité et à l'engagement de tous les secteurs de la société, soulignant que la lutte contre le VIH est une cause commune qui nécessite la mobilisation de tous pour garantir un avenir sans discrimination ni stigmatisation.

Ces revendications ont exprimé la nécessité impérieuse de garantir la sécurité des PVVIH, de poursuivre la lutte contre le VIH, et de répondre aux besoins d'assistance pour les victimes de violences. Les manifestants ont exigé une action immédiate pour lever les obstacles qui entravent l'accès à des soins de santé, à un emploi et à des conditions de vie dignes.

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Ce que nous apprend l’échec de Google à Toronto. Compte-rendu de lecture

17 décembre 2024, par Dominique G Boullier — , ,
En 2016 Google voulait inventer sa Google City à Toronto. Moins de quatre ans plus tard, l'affaire était réglée, Sidewalk sa filiale d'innovations urbaines, abandonnait Toronto (…)

En 2016 Google voulait inventer sa Google City à Toronto. Moins de quatre ans plus tard, l'affaire était réglée, Sidewalk sa filiale d'innovations urbaines, abandonnait Toronto à son sort et disparaissait même deux ans plus tard comme compagnie. Compte-rendu de lecture de Josh O'Kane, Sideways : the city Google couldn't buy. Penguin, Random House of Canada, 2024.

Tiré du blogue de l'auteur.

Une météorite avait traversé le ciel des smart cities. Au début, en 2016, Google voulait inventer Google City à Toronto. Moins de quatre ans plus tard, l'affaire était réglée, Sidewalk sa filiale d'innovations urbaines, abandonnait Toronto à son sort et disparaissait même deux ans plus tard comme compagnie.

Pourtant, tout le monde avait fantasmé sur la nouvelle disruption dont Google était à nouveau capable. Et aujourd'hui, Josh O'Kane nous en raconte l'histoire par le menu, celui du journaliste local qu'il est, particulièrement impliqué et tenace dans la recherche des informations lorsque la transparence s'évanouit dans les brumes du lac Ontario.

A vrai dire, nous ne saurons pas grand-chose des détails techniques des prodigieuses innovations annoncées dans le fameux Yellow Book de Sidewalks Labs et dans la réponse à l'appel d'offres, ce n'est pas le centre d'intérêt de O'Kane.

C'est dommage, mais étant donné que la « Google City » n'a pas été mise en œuvre du tout, on peut comprendre que les questions techniques réduites aux dessins et aux promesses donnent peu de prises aux analyses. On trouvera un plus grand intérêt pour ces « solutions » techniques chez Tierney (2019), dans une lignée critique assez classique inspirée de Foucault, Lefebvre ou encore Bratton (The Stack) mais finalement assez sommaire. De même, dans ce livre Sideways, manque une discussion détaillée du modèle économique de Google fondé sur la donnée et sa monétisation, même si la question des données est traitée tout au long du récit et que les questions budgétaires deviendront de plus en plus critiques dans le projet.

On l'aura compris, ce travail de journaliste n'est pas aligné avec les standards des travaux académiques : on y perd mais on y gagne aussi la finesse des descriptions de situations, des personnages et un sens détaillé des enjeux politiques. Et c'est là sans doute ce qui manque souvent : une véritable étude de cas centrée sur le terrain, ses acteurs et leurs logiques, analogue à ce qu'on peut trouver chez Laugaa, Pinson et Smith (2024) dans le cas de Bristol, qui est un contre-exemple remarquable des smart cities centralisées.

Car l'enjeu politique est précisément ce qui reste délibérément négligé par les prophètes de la smart city et tous les libertariens qui accompagnent toutes les innovations urbaines (de AirBnB à Uber). Toute l'histoire qui nous est racontée est en fait ce choc des cultures entre datascientists disrupteurs de la plus grande plateforme numérique au monde et urbanistes d'une agence de développement locale dépendant de plusieurs strates politiques, la ville, la province et l'Etat fédéral.

À la fin de l'ouvrage, l'auteur cite Siri Agrell, un assistant du maire de Toronto, John Tory : « Les gens pensent (à la suite de cet échec) que le gouvernement n'est pas prêt à traiter avec la technologie. Alors que je pense que c'est exactement l'inverse : le secteur de la tech n'a aucune idée de la façon d'affronter les vrais défis des villes ».

Mais adoptons succinctement la démarche chronologique de l'auteur. Deux histoires et enjeux d'acteurs éloignés vont se rencontrer.

Le choc des cultures : aménageur versus disrupteur

L'agence d'aménagement Waterfront Toronto doit urbaniser le secteur du port de Toronto nommé Quayside, une zone plus directement urbaine de 5 hectares situé le long du lac et proche d'une autre très grande zone à aménager dans le futur : Port Lands et l'ile de Villiers.

La ville de Toronto est très attractive notamment pour les entreprises du numérique et sa population croit rapidement (3M d'habitants en 2016), le prix du m2 se rapproche de ceux de New York City et de San Francisco. Mais à part l'équipement de toute la zone en haut débit, rien n'est vraiment prévu, une vision manque lorsqu'un nouveau CEO, Will Fleissig, est nommé début 2016.

Avec ses adjoints, ils prennent contact directement avec Sidewalk dont ils ont entendu parler, le 27 juin 2016. Ils sont en effet à la recherche d'idées mais aussi de soutiens financiers et commencent à travailler à un appel d'offres (RFP, Request for Proposals) qui sera publié finalement le17 Mars 2017, après des mois de contacts et de réunions avec plusieurs candidats, dont Sidewalk Labs.

Sidewalk Labs de son côté est une spin-off de Google, qui rassemble toutes les idées urbaines que les ingénieurs de Google avaient lancées au sein du projet Javelin (dont des voitures volantes, des villes flottantes, un dôme, des véhicules autonomes). Ce projet initie le mouvement de réorganisation de Google en plusieurs sociétés sous l'ombrelle de Alphabet, créé en 2015, qui permet de propulser des projets indépendamment du métier de base de Google qu'est le moteur de recherche et la publicité.

Larry Page, l'un des deux fondateurs de Google avec Serguei Brin, est très investi dans ces projets qu'ils laissent explorer et prospérer dans un esprit très utopique et sans souci de rentabilité immédiate. Sidewalk Labs va être prise en main par Daniel Doctoroff, personnage central de l'histoire, en raison de sa personnalité (forte et parfois abusivement colérique admet-on) et de sa trajectoire : en tant qu'investisseurs immobilier, il a été au cœur de la candidature de NYC pour les Jeux Olympiques de 2012, il fut l'adjoint au maire Bloomberg avant de travailler dans son entreprise en 2007 (il connait donc très bien les enjeux financiers et les données).

Sa philosophie, résume l'auteur, consiste à maximiser la ville pour les actionnaires, ce qu'il fera par excellence en recyclant le projet perdant d'un stade pour les Jeux en projet immobilier d'envergure connu comme les Hudson Heights à NYC. En tant que directeur de Sidewalk Labs, il lance des groupes de travail avec tous les experts de la ville et du numérique (dont Richard Florida). Sidewalk lance son logiciel de gestion de parkings « Flow » et met en compétition les villes qui veulent le tester (Colombus, Ohio, gagne).

L'entreprise crée aussi à New York City « LinkNYC », des kiosques wifi répartis dans la ville. Tous ces services sont guidés par un principe : récupérer un maximum de données et les revendre, dans la logique du « digital surplus » de Soshan Zuboff, et comme le font toutes les plateformes du secteur.

Cette vision est publiée en Février 2016 sous la forme d'un Yellow Book de 437 pages, où la ville devient en fait une plateforme numérique qui comble le fossé ville/tech. Le dôme est le principe technique suprême qui encapsule toute la ville, un peu à la mode d'EPCOT de Disney avant qu'il ne soit réduit à un parc à thème en 1982. Le dôme est physique et régule tout le climat, ce qu'on retrouve dans quantité d'œuvres de science-fiction et chez Richard Buckminster Fuller.

Mais chez Sidewalk Labs, il devient aussi réglementaire et politique : toutes les règles extérieures sont suspendues et seule l'autorité propriétaire du dôme et du système d'information a le pouvoir de décider les règles qui lui conviennent notamment en matière de données personnelles. Page voulait une ville à partir de zéro et notamment une ville modulaire, toute en éléments recombinables, Doctoroff avait l'expérience des procédures et de la profitabilité.

Leurs visions se combinent dans un Yellow Book qui redéfinit toute la ville comme « fief » dit O'Kane, totalement confié au secteur privé, habillé de soucis de « privacy by Design » avec l'aval de Anne Cavoukian, experte du domaine. Les caméras et les capteurs sont partout pour tracer les comportements qui seront qualifiés alors de « urban data » pour montrer que ce ne sont pas des données personnelles mais seulement des traces publiquement accessibles dans l'espace urbain, ce qui justifie leur exploitation intensive qui permettra les calculs de l'IA pour optimiser les services.

Cette catégorie juridique de « urban data » posera de sérieux problèmes plus tard. Pour le reste, les innovations qui n'en sont pas abondent, comme les vide-ordures ( !!), les écoles maternelles ( !!), la plantation d'arbres comme système technique, etc.. Cette naïveté des promoteurs de smart cities qui pensent réinventer la roue est très fréquente, il suffit de refuser la terminologie branchée qu'ils adoptent pour se rendre compte de la supercherie.

Négociations biaisées et ambitions territoriales cachées

Revenons aux côtés de Waterfront Toronto. L'appel d'offres que l'agence publie le 17 mars 2017 s'avérera trop imprécis sur plusieurs points qui vont entrainer des malentendus, si l'on est clément, ou des opportunités de manœuvre si l'on est plus cynique, pour les répondants. Des pans entiers de questions clés ne sont pas traités en matière de données principalement : la collecte des données dans les limites légales existantes, le partage des données récoltées avec les services urbains ou sous forme de trust en open data, la propriété intellectuelle et les revenus des brevets qui seront déposés à partir de l'expérience.

L'extension de la zone à urbaniser est évoquée mais sans aucune garantie puisque de toutes façons Waterfront n'a pas de mandat pour le faire. Mais l'appel d'offres accueille volontiers les idées sur cette zone étendue. Evidemment, les répondants mais surtout Sidewalk vont utiliser cette possibilité pour montrer que leurs solutions techniques (comme un train monorail suspendu) n'ont de sens que sur une zone qui dépasse de loin Quayside et plus tard qu'elles sont impératives pour la rentabilité de leur projet.

Trois répondants se présentent. La réponse de Sidewalk est en fait totalement inspirée de son Yellow Book avec cependant des adaptations puisque le dôme étant irréalisable, ils proposent des auvents rétractables, les immeubles seront à ossature bois (pour des raisons d'innovation responsable écologiquement), toutes choses qui demanderaient par exemple une modification du code de la construction au niveau de la province de l'Ontario. Ou encore des pavés amovibles chauffants qui permettent d'accéder en permanence aux réseaux, ce qui est totalement infaisable avec le climat de Toronto, et qui donne une impression de posture hors-sol comme c'est souvent le cas avec ces firmes du numérique qui n'ont aucune expérience réelle de la gestion urbaine.

Pour l'anecdote, Sidewalk s'aperçut même que dans toutes ses maquettes de ville conçues en laboratoire, jamais les églises n'apparaissaient, dans des pays où pourtant elles prolifèrent et alors qu'elles sont des lieux de vie sociale incontournables, certes équipées de plus en plus de techniques numériques de diffusion médiatique.

Cependant, Sidewalk est sélectionnée en Septembre 2017…. pour continuer les discussions avant de signer un accord définitif ! Le gouvernement fédéral soutient le projet en Octobre, mais l'auteur, journaliste, parviendra à montrer qu'en fait Justin Trudeau a eu une conversation téléphonique (cachée) au moins avec Eric Schmidt, le CEO de Google avant la décision et que toute l'annonce a été précipitée en fonction des agendas des uns et des autres pour réaliser une cérémonie très médiatique.

On peut penser que ce genre de détails n'aide guère à la compréhension du processus mais en fait, de telles opacités contribuent à miner les prétentions à la transparence et cela montre à quel point l'enjeu de réputation est essentiel dans la compétition financière désormais entre les Etats et les villes autour de ces labels technologiques.

Cela contribuera d'ailleurs à alimenter les soupçons des activistes qui sont évidemment des parties prenantes importantes de tout projet urbain, d'autant plus lorsque Google apparait derrière toute l'opération avec sa puissance et ses méthodes. Un blog de Bianca Wylie « Torontoist » sera très actif ainsi que l'Open Data Institute de Toronto et le Civic Tech de Toronto. Les consultations sont déjà agitées mais leur alarmisme n'est pas partagé par l'agence Waterfront qui considère qu'ils n'ont rien signé et qu'il faut leur donner le temps de tout ajuster.

Quand les temps médiatiques changent à propos des données : Cambridge Analytica, Zuboff, …

Mais l'année 2018 va changer la donne. Une fois encore des facteurs extérieurs majeurs changent les perceptions : le scandale Cambridge Analytica éclate en Mars 2018, le RGPD est mis en œuvre en Europe, les données sur NHS britannique sont collectées par Google, ce qui entraine une attention citoyenne et médiatique considérable sous forme de suspicion généralisée sur la question de la collecte et du traitement des données.

A tel point que le terme « smart cities » va se déprécier très vite, et que plus personne ne veut l'utiliser à Toronto, Waterfront parlant plutôt de « intelligent communities », on appréciera la nuance. Un effort de compréhension interculturelle sera même nécessaire tant la brutalité orientée business de Sidewalk sous influence de Doctoroff, l'ancien de Bloomberg, et leur culture du secret se heurtent à la tradition de relations civilisées de Waterfront : des conférences sur la culture canadienne et sa résistance à l'hégémonie US seront ainsi organisées à l'été 2018 pour le personnel de Sidewalk.

On peut dire que les critiques qui pointent la posture coloniale de ces grandes firmes apparaissent pertinentes au regard de ces efforts considérables pour ajuster les comportements.

L'accord est signé le 31 Juillet 2018 alors que les questions sur les données deviennent de plus en plus discutées dans le public. Sidewalk pense ainsi prendre les devants en créant un « civic data trust » indépendant, récupérant les données anonymisées et permettant à d'autres acteurs citoyens, administratifs ou privés d'exploiter les données récoltées.

Mais la définition des « urban data », comme indiqué déjà, continue à poser des problèmes. Toute utilisation des données doit en fait entrer dans le cadre légal existant au Canada qu'on appelle PIPEDA, agrégeant deux textes, Personal Data Protection et Electronic Document Act, qui datent tous les deux de 20 ans. Ces textes de loi relèvent du ministère de l'innovation alors que l'agence Waterfront relève, elle, en dernier ressort, du département fédéral des infrastructures.

Les pouvoirs publics canadiens à leurs échelles différentes tentent en fait d'éviter de devoir réécrire les lois car la procédure serait très longue, et préfèrent trouver une solution contractuelle ad hoc, ce qui évidemment ouvre la porte à toutes les critiques. Le commissaire à la privacy de l'Ontario prône ainsi ce qu'il appelle la « data minimization ».

A partir de 2019, année de la sortie du livre de Soshana Zuboff (The Age of Surveillance Capitalism), qui eut un écho puissant, les campagnes des activistes se sont multipliées, sous le hashtag #Block-Sidewalk notamment puis avec une plainte du CCLA en Avril 2019, tout cela pendant l'attente du plan masse qui n'était toujours pas fourni, et donc dans une situation d'information très imparfaite. Notons aussi que d'autres acteurs s'invitèrent dans la discussion, comme quoi la liste des parties prenantes n'est jamais vraiment closes dans ces projets : les syndicats du bâtiment notamment intervinrent pour soutenir le projet de Sidewalk alors que les Missisangas, nation indigène, exigèrent de participer à tout le processus car leurs idées et leurs intérêts n'avaient pas été pris en compte.

La prétention à créer un fief hors de tout contrôle, malgré les compromis

En juillet 2019, sort le plan masse (MIDP : Master Innovation Development Plan), document de 1524 pages intitulé « Toronto Tomorrow ». Il apparait qu'il est tout aussi énorme et ambitieux qu'au début sans avoir pris en compte la plupart des remarques faites par les diverses parties prenantes tout au long du processus. Sidewalk se pose comme le nouveau régulateur de toute cette zone, ignorant toutes les règles qu'il faudrait revoir à des échelles beaucoup plus larges, pour l'autoriser à construire des immeubles élevés à ossature bois, pour le système de transport léger sur rail ou encore pour piloter directement des feux de circulation adaptatifs.

Blayne Haggart, professeur associé en Science Politique à Brock University (Ontario) crée un blog pour étudier un à un les articles de l'énorme MIDP : un travail qui peut encore servir de référence pour conduire un examen critique de tout dossier de smart city ou de développement urbain.

Waterfront publie une réponse de 100 pages en Septembre signalant toutes les failles du plan masse et demande une réécriture pour le 31 Octobre 2019. Les deux points clés demeurent la gestion des données et des brevets et l'extension impossible vers Port Land puisqu'il faudrait de toutes façons un nouvel appel d'offres, ce que Sidewalk savait très bien en publiant son plan.

Et chose plutôt inattendue, Sidewalk répond en acceptant à peu près toutes les demandes de l'agence : la firme accepte de concourir pour les extensions éventuelles, elle abandonne sa référence à ce concept juridique fake que sont les « urban data », elle respectera les lois de chaque entité, elle partagera les revenus des brevets, etc. Il semble donc que tout rentre dans l'ordre et que Sidewalk ait appris l'art du compromis alors que toute la culture de ces disrupteurs leur imposent de tout faire pour éliminer le droit existant et faire plier les partenaires/ bureaucrates qui bloquent les innovations.

Waterfront accepte donc les 160 propositions de révision de Sidewalk à l'exception de seize d'entre elles, telles que le chauffage prélevant la chaleur des eaux usées à 4km du site ou encore les « ultrasmall efficient units » d'habitation qui sont en fait certes optimisées du point de vue énergétique mais inhabitables d'un point de vue…. humain !!

Le coup de grâce du Covid

Certes, Brin et Page ont quitté la direction de Alphabet en Décembre 2019, ce qui constitue un tournant historique pour la firme, autorisant moins de projections futuristes hasardeuses comme les aimait Brin, mais cela ne saurait remettre en cause le projet. Et pourtant, tout va s'écrouler en quelques mois, car fin Février 2020, Toronto, comme tout le reste de l'Amérique du Nord, est touché par la pandémie du Covid-19.

La conséquence qui affecte alors le plus directement le projet tient à l'effondrement du marché de l'immobilier de bureau. En effet, les confinements sous diverses modalités encouragent le télétravail et la fuite des zones denses. Waterfront devient plus exigeant sur le paiement par Alphabet du montant annoncé pour l'achat du lot et cela sans abattement. Sidewalk est sous pression de la part d'Alphabet pour revenir dans les règles d'un équilibre budgétaire et donc réduire ses coûts. Or, pour le faire sur un espace aussi restreint, il lui faudrait éliminer plusieurs des innovations qui faisaient pourtant l'intérêt de l'opération.

Sidewalk en tire la conclusion très rapidement que ce projet n'est plus intéressant, non viable économiquement et annonce qu'il stoppe sa participation le 6 mai 2020. Quatre ans de tractations diverses et de controverses sont ainsi annulés en trois mois à l'occasion du Covid, sans pouvoir établir si c'est une cause réelle ou une opportunité saisie pour mettre fin à un projet mal parti.

Les suites sont aussi radicales : Sidewalk Labs quitte Toronto puis quitte même le marché en tant qu'entreprise spécifique même si certaines innovations sont réintégrées dans Google même, reflétant ainsi une nouvelle stratégie d'Alphabet, indépendamment du Covid. Sidewalk dans ses derniers mois s'est d'ailleurs redéfini comme un incubateur de start-ups, de brevets et d'idées (dont les immeubles à ossature bois et le système de gestion de parking) et non plus comme l'aménageur urbain qu'il a tenté d'être à Toronto.

C'est avant tout son incapacité intrinsèque à forger des alliances hors du domaine de la tech qui apparait ainsi, et donc une forme d'inculture politique et urbanistique qui exige du temps long, du débat contradictoire et des partenariats et non des diktats à effet immédiat avec contrôle total.

De leur côté, Waterfront a dû relancer un appel d'offres pour un aménageur et non plus pour un « innovateur-sponsor » comme était perçu Sidewalk Labs. Mais la loi canadienne sur la vie privée a été changée dans les 6 mois qui ont suivi la fin de l'expérience de QuaySide : elle est proche du RGPD et étend ses obligations au secteur privé.

Cependant, il fallut deux ans pour sa mise en œuvre effective, car le temps administratif et politique ne relève pas des coups de force ou des passages à l'acte mais de l'acte d'institution durable et responsable, après examen contradictoire et minutieux. Bref, la culture libertarienne a échoué à abattre ou contourner l'Etat de droit mais cela n'empêche pas des promoteurs de tenter de le faire comme Jeff Bezos avec le nouveau siège d'Amazon (HQ2) à Cristal City (Virginie) près de Washington DC, en abandonnant cependant dès 2019 la localisation à NYC envisagée en raison de la controverse suscitée (effet de gentrification, avantages fiscaux exigés notamment). Elon Musk fait de même au Texas en achetant un village (Boca Chica) près de son site de lancement de Space X près de Brownsville et la gentrification de la ville apparait très vite.

Smart cities sans intelligence collective : un comble !

L'histoire racontée par Josh O'Kane explore encore d'autres biographies d'acteurs, car c'est son angle préféré. Cependant, pour l'analyse des dimensions politiques et des négociations internes entre les parties prenantes, son récit est remarquablement riche car il remet au premier plan ce que les belles histoires des technophiles et des libertariens veulent passer sous silence.

Ces innovations urbaines ne sont pas « techniques », elles sont encastrées dans des rapports sociaux, dans des environnements précis, dans des cadres juridiques, dans des cultures et des visions politiques qui entrent en conflit, elles sont « urbaines » au sens plein du terme. Le déni de ces dimensions ou leur instrumentalisation supposée par les techniques du numérique, du calcul et des modélisations conduit ces projets dans le mur et on ne peut pas s'en plaindre.

On peut cependant regretter que dans ces projets aux financements énormes de « smart cities », l'ingrédient le plus difficile à trouver soit « l'intelligence collective ».

Notes

Laugaa, M., Pinson, G. et Smith, A. (2024) . Les strates de la smart city L'institutionnalisation disjointe des politiques urbaines du numérique à Bristol. Réseaux, N° 243(1), 103-142.

Tierney, T. F. ‘Toronto's Smart City : Everyday Life or Google Life ?' Architecture_MPS, 2019, 15(1) : 1, pp. 1–21.

Un billet d'Irénée Régnault qui date de 2019 et qui soulevait déjà tous les problèmes du projet QuaySide : https://maisouvaleweb.fr/toronto-quayside-cite-etat-numerique-etre-democratique/

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Une extrême droite du désastre ? Entretien avec Richard Seymour

17 décembre 2024, par Richard Seymour — ,
Le monde d'aujourd'hui regorge de catastrophes réelles. Mais de la préparation militaire aux fantasmes de déportation massive, l'extrême droite et la droite extrémisée (…)

Le monde d'aujourd'hui regorge de catastrophes réelles. Mais de la préparation militaire aux fantasmes de déportation massive, l'extrême droite et la droite extrémisée promettent à leurs partisans de meilleures catastrophes : celles où ils seront aux commandes. Entretien avec Richard Seymour, qui vient de publier Disaster Nationalism, aux éditions Verso.

Tiré du site de la revue Contretemps
10 décembre 2024

Par Richard Seymour

Lorsque Carlos Mazón a pris le pouvoir à la tête d'un gouvernement de droite à Valence l'année dernière, il semblait que la crise climatique n'avait rien d'inquiétant. Il avait formé une coalition entre son parti conservateur, le Partido Popular, et le parti d'extrême droite, Vox, et pour sceller l'accord, il avait accepté de supprimer l'Unité d'Intervention d'Urgence de Valence. Le mois dernier, Valence a été dévastée par des inondations qui ont fait plus de 200 morts, les alertes n'ayant pas été diffusées et les patrons ont refusé de laisser les travailleurs rentrer chez eux pour se mettre à l'abri. Alors que la crise battait son plein, Carlos Mazón profitait d'un long déjeuner.

Malgré ces responsabilités politiques, l'extrême droite a tenté de tirer profit de la catastrophe. Elle reproche au Premier ministre Pedro Sánchez et à son gouvernement de gauche d'avoir détruit des barrages datant de l'époque franquiste qui auraient permis d'arrêter les crues soudaines. En réalité, comme le rapporte El Diario, la grande majorité des barrages supprimés étaient de petits déversoirs de moins de deux mètres de haut, et tous étaient des « infrastructures inutiles ». Les barrages franquistes n'auraient pas sauvé les habitants de Valence. Mais pour les partisans de la droite, qui nient l'existence d'une véritable catastrophe et en inventent de fausses, cette hallucination est essentielle pour comprendre la destruction de l'Espagne.

Cette tendance de la pensée de droite est le sujet du nouveau livre de Richard Seymour, Disaster Nationalism. Dans cet ouvrage, Seymour utilise les outils de la psychanalyse et du marxisme pour examiner ce qui se passe avec l'extrême droite mondiale. Olly Haynes l'a interviewé pour Jacobin à propos de son nouvel ouvrage.

*

OLLY HAYNES Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est le nationalisme du désastre et pourquoi – comme vous le dites – ce n'est « pas encore le fascisme ou un pas-encore-fascisme » ?

RICHARD SEYMOUR J'ai remarqué il y a quelques années que la nouvelle extrême droite était obsédée par des scénarios fantastiques de mal imaginaire et extrême. Les camps de la mort de la FEMA, (Federal Emergency Management Agency, l'Agence fédérale de gestion des situations d'urgence étatsunienne) la « théorie du grand remplacement », la « grande réinitialisation », les villes 15 minutes, les antennes 5G qui sont des balises de contrôle de l'esprit, et les micropuces installées dans les gens par les vaccins.

En Inde, il existe une théorie appelée « Romeo jihad », selon laquelle les hommes musulmans séduisent les jeunes filles hindoues et les convertissent à l'islam, menant ainsi une sorte de guerre démographique. Ou encore les fantasmes de QAnon selon lesquels des pédophiles satanistes et communistes dirigent le monde. Ils sont réellement captivés et obsédés par des scénarios hallucinatoires de désastre extrême.

Comment cela se fait-il ? Les catastrophes réelles ne manquent pas : incendies, inondations, guerres, récessions et pandémies. Pourtant, ils entretiennent souvent des relations négationnistes avec ces catastrophes. Beaucoup disent que COVID-19 n'était qu'une excuse pour le IVe Reich, ou que le changement climatique est une excuse pour un régime libéral totalitaire, une nouvelle forme de communisme, etc. Les gens de droite sont vraiment captivés et obsédés par les scénarios hallucinatoires de catastrophes extrêmes.

Je prends souvent l'exemple des incendies de forêt en Oregon. Les incendies ont ravagé les plaines et les forêts et ont brûlé à 800 degrés Celsius. Ils constituaient une véritable menace pour la vie des gens. Mais beaucoup de gens ont refusé de partir parce qu'ils ont entendu dire que c'était en fait les Antifas qui mettaient le feu et que cela faisait partie d'une conspiration séditieuse visant à éliminer les chrétiens conservateurs blancs. Alors, plutôt que de fuir pour sauver leur vie, ils ont mis en place des points de contrôle armés et ont pointé leurs fusils sur les gens, affirmant qu'ils étaient à la recherche d'Antifas.

Pourquoi ce fantasme d'apocalypse de masse ? Parce qu'il transforme le désastre d'une manière qui est en fait assez vivifiante. La plupart du temps, lorsque les gens subissent des catastrophes, ils sont déprimés et se retirent un peu de la vie et de la sphère publique. Mais l'extrême droite offre une autre issue. Elle dit que « ces démons dans votre tête avec lesquels vous vous êtes battus, ils sont réels et vous pouvez les tuer ». Le problème n'est pas difficile, abstrait ou systémique, il s'agit simplement de mauvaises personnes, et nous allons les attraper ». Il s'agit de toutes les émotions difficiles auxquelles les gens sont confrontés face aux chocs économiques et au changement climatique, et de leur donner un exutoire qui leur semble valide et valorisant.

C'est ce que j'appelle le nationalisme du désastre. Il n'est pas encore fasciste car, bien qu'il organise les désirs et les émotions des gens dans une direction très réactionnaire, ils n'essaient pas de renverser la démocratie parlementaire, ils n'essaient pas d'écraser et d'extirper tous les droits de l'homme et les droits civils – pour l'instant. Ils manquent également de maturité organisationnelle et idéologique. Nous sommes dans une phase d'accumulation de la force fasciste.

Si l'on remonte à l'entre-deux-guerres, ce processus d'accumulation avait déjà eu lieu, il y avait déjà eu des pogroms massifs, il y avait déjà eu de grands mouvements d'extrême droite avant le fascisme. Nous nous trouvons donc à un stade précoce du fascisme inchoatif que je vois se développer ici.

OLLY HAYNES À la fin de The Anatomy of Fascism, publié en 2005, Robert Paxton nous avertit que la politique israélienne pourrait sombrer dans le fascisme. Quelle est la place d'Israël dans votre conception d'un fascisme qui n'en est pas encore un ?

RICHARD SEYMOUR Lorsque j'ai commencé à écrire ce livre, je ne m'attendais pas à parler beaucoup d'Israël. Je pensais qu'il s'intégrerait comme un élément mineur dans un patchwork mondial centré sur des États beaucoup plus importants. En fin de compte, j'ai dû écrire un tout nouveau chapitre en raison du génocide à Gaza.

Il est clair depuis un certain temps que le sionisme est toujours un génocide naissant parce que son désir ultime est que les Palestiniens n'existent pas. Et il y a toujours eu des éléments de fascisme hébreu depuis les années 1920. Je dirais que leur dynamique coloniale est tout à fait particulière. On ne voit pas cela aux États-Unis : il est évident que le colonialisme de peuplement est une réalité historique avec des répercussions permanentes, mais ce n'est pas une réalité vivante et actuelle. Le colonialisme de peuplement structure l'organisation de l'État, il structure la vie quotidienne, vous ne pouvez pas exister en Israël sans être conscient des Palestiniens et de leur désir récalcitrant et exaspérant d'exister.

Mais il y a d'autres aspects qui sont tout à fait similaires aux schémas observés aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Inde, au Brésil, etc. Il s'agit du déclin du système d'après-guerre, dans leur cas un accord corporatiste entre la main-d'œuvre juive, le capital juif et l'État, obtenu grâce à la purification ethnique de 1948. Ce système s'est effondré dans les années 1970 et, comme partout ailleurs, il est devenu néolibéral. Les syndicats israéliens ont décliné. Ils ont tenté de s'adapter par le biais de la politique de la troisième voie, et leur dernière chance a probablement été le processus d'Oslo. Aujourd'hui, ils existent à peine.

Il y a eu ces tendances à l'augmentation du pessimisme et de l'inégalité des classes, et la vieille utopie nationaliste du monde de l'après-guerre a disparu. La classe capitaliste est cosmopolite et étroitement intégrée à Washington, ce n'est pas l'utopie nationaliste juive qu'ils essayaient de construire. C'est pourquoi certains membres du mouvement sioniste tentent de reconstituer cette patrie juive, une sauvegarde juive si l'on peut dire. La droite a dit : « Non, nous avons dépassé cela maintenant. Nous sommes dans une situation où nous devons régler la question avec les Palestiniens une fois pour toutes ». Pour eux, cela signifie expulser les Palestiniens et coloniser résolument chaque parcelle de terre qui, selon eux, appartient au Grand Israël.

Cela nous amène-t-il au fascisme ? Pas tant qu'il y a des systèmes constitutionnels, libéraux-démocratiques. C'est une démocratie d'exclusion, et ce n'est pas inhabituel à cet égard ; l'Amérique jusqu'aux années 1970 était une démocratie d'exclusion, et je dirais même qu'elle l'est encore aujourd'hui, mais à un degré différent. Israël a une culture de plus en plus raciste, autoritaire et génocidaire et il est plus proche d'un coup d'État fasciste que n'importe où ailleurs. Je pense que le génocide et le processus de radicalisation de la base vont conduire à un coup d'État kahanisteou d'extrême droite.

Si vous voulez voir où le fascisme est assez avancé, je dirais que c'est là, mais aussi en Inde. Il faut entendre les alarmes : « Nous sommes au bord d'un génocide », car le BJP [Bharatiya Janata Party], un mouvement autoritaire de droite lié au fascisme historique, a colonisé l'État et supprimé les droits civils. Il s'agit d'un phénomène mondial dans lequel Israël joue un rôle unique et distinctif. Israël est très proche d'un régime fasciste millénariste. À moyen terme, c'est une possibilité réelle et dangereuse, étant donné qu'il s'agit d'un État nucléaire.

OLLY HAYNES Vous écrivez qu' « il serait stupide d'ignorer les fantasmes catastrophistes de la droite. Ils sont souvent en phase avec des réalités que l'optimisme libéral préfère ne pas reconnaître ». De quelles réalités s'agit-il ?

RICHARD SEYMOUR Ils mettent parfois le doigt sur des éléments importants de la réalité. Les théories complotistes à propos des villes de 15 minutes, par exemple, sont hallucinantes et délirantes parce qu'on croit qu'elles annoncent une sorte de dictature communiste anti-voiture. Mais au fond, il s'agit d'une véritable menace pour l'automobilité, le mode de vie suburbain et les avantages relatifs de la possession d'une voiture.

Si vous construisez des villes en fonction de la commodité et de la présence de pistes cyclables partout, en vous débarrassant autant que possible de la pollution et en supprimant les places de parking, c'est un problème si vous êtes quelqu'un qui aime se déplacer partout en voiture. C'est particulièrement problématique si l'on commence à mettre en place des barrières de circulation pour vous empêcher d'emprunter certaines routes.

Si vous êtes directement et personnellement concerné, vous pouvez avoir l'impression que la vie va changer radicalement au cours des prochaines décennies. Et ils n'ont pas tout à fait tort : le changement climatique nécessitera de vastes changements structurels. Les libéraux veulent nier la gravité de ce qui se prépare et de ce que les gens vivent déjà. Je pense que la réponse de la gauche devrait être de dire : « Oui, vous avez raison, nous allons tout transformer, mais ce sera bien mieux pour vous. Voici comment ».

L'exemple qui me vient toujours à l'esprit est celui de Barack Obama en 2016. Il s'est moqué de Donald Trump qui faisait du catastrophisme dans sa campagne, et il a dit avec son ironie : « Le lendemain, les gens ont ouvert leurs fenêtres, les oiseaux chantaient, le soleil brillait. » Le pathos qu'il essayait d'invoquer était que les gens étaient en fait plutôt heureux, que tout allait bien. Puis, lors des élections, il a eu sa réponse : Trump a gagné. Pour beaucoup de gens, les choses ne vont pas bien.

Trump a prononcé son discours d'investiture avec le discours écrit par Steve Bannon, parlant du « carnage américain », ce qui, à mon avis, est une sorte de poésie réactionnaire, car le carnage n'est pas une description inexacte de la destruction de l'Amérique industrielle. Ils ont mis le doigt sur un problème réel, mais leur réponse a été de blâmer la Chine, l'Asie de l'Est. La plupart des emplois perdus l'ont été à la suite d'une lutte des classes par le haut – réduction des effectifs, démantèlement des syndicats. Il y a eu un élément d'externalisation, mais ce sont les entreprises, les patrons, qui sont à blâmer, pas les travailleurs et les travailleuses d'Asie de l'Est.

Vous voyez donc qu'ils peuvent identifier certaines formes de désastre. Ce qu'ils ne peuvent pas faire, c'est les intégrer dans une analyse globale cohérente et solide. Tout ce qu'ils proposent, en réalité, ce sont des symptômes conçus pour ne rien résoudre, mais qui vous permettent d'aller massacrer des musulmans en Inde, des Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza, de tuer des partisans du Parti des Travailleurs au Brésil, de tirer, de poignarder ou d'utiliser des voitures pour écraser des manifestants de Black Lives Matter aux USA, ou d'organiser des émeutes racistes en Grande-Bretagne où ils ont essayé de brûler des demandeurs d'asile dans leurs hôtels. C'est ce que la droite propose comme alternative au désastre ; de meilleurs désastres, des désastres dans lesquels vous vous sentez en contrôle.

OLLY HAYNES Vous avez mentionné les meurtres de musulmans en Inde. Pourriez-vous expliquer ce qu'était le pogrom de Gujarat et pourquoi vous le considérez comme le point de départ de la vague actuelle de nationalisme du désastre ?

RICHARD SEYMOUR Je dirais que c'est le canari dans la mine de charbon. De toute évidence, c'est loin d'être le seul pogrom significatif en Inde. Il existe une sorte de machine à pogroms : Paul Brass en parle avec élégance. Pour l'essentiel, un incendie s'est déclaré dans un train, tuant un certain nombre de pèlerins hindous. Il s'agissait de membres du VHP, une organisation d'extrême droite, et le mouvement Hindutva [nationaliste hindou] a supposé que des musulmans avaient provoqué l'incendie à l'aide de bombes à essence.

Il y a peu de preuves de cela : des enquêtes impartiales ont conclu que l'incendie était un accident. Mais ils ont décidé qu'il y avait eu un génocide contre les hindous et, dans les jours qui ont suivi, ils ont incité la population à prendre les armes et à traquer, tuer et torturer les musulmans. C'est ce qu'ils ont fait, directement organiséspar des membres du BJP, incités par des dirigeants du BJP, avec la complicité et la participation de la police et d'hommes d'affaires qui ont payé des individus pour qu'ils participent à l'opération.

Il s'agissait d'une explosion collective de violence publique coordonnée, d'une permissivité assortie d'un certain degré de contrôle de la part des autorités. Le résultat a été que le vote du BJP a augmenté de 5 % alors qu'on s'attendait à ce qu'il perde cet État après avoir terriblement mal géré un vrai désastre : un tremblement de terre qui avait eu lieu l'année précédente.

Vous voyez donc le schéma : il y a une vraie catastrophe qui affecte les gens, le gouvernement la gère terriblement, puis il propose une fausse version de la catastrophe et il incite les gens à tuer quelqu'un et c'est très excitant. Les choses qu'ils fontsont horribles. Ils assassinent des bébés devant leur mère, ils enfoncent des pointes entre les jambes des femmes, ils coupent les gens en deux avec des épées.

Il est évident que cette situation s'est accumulée depuis un certain temps, et alors, dans les mois qui ont suivi, Narendra Modi a organisé des rassemblements de fierté hindoue et a dit aux gens que si nous pouvions restaurer la fierté de notre peuple hindou, tous les « Alis, Malis et Jamalis » ne pourraient pas nous faire de mal – il voulait évidemment parler de la population musulmane qui venait juste de subir un pogrom. Le fait que ces propos n'aient pas jeté le discrédit sur le BJP, mais qu'ils aient au contraire électrisé sa base et fait de Modi un sex-symbol pour la première fois, en dit long sur ce type de politique.

Nous l'avons vu à maintes reprises. Sans toutes les manifestations armées, rassemblements anti-confinement et sans les violences contre les manifestants de BLM, vous n'auriez pas vu l'insurrection bâclée du 6 janvier. Même chose au Brésil : Jair Bolsonaro avait 20 points de retard, il a presque gagné en 2022 et a obtenu plus de voix qu'en 2018. Comment a-t-il fait ? Un été de violence chaotique au cours duquel il a déclaré que les militants de gauche devaient être mitraillés, et ses partisans ont brandi leurs armes face aux partisans du Parti des Travailleurs, les ont agressés ou les ont assassinés. Je ne dis pas que le pogrom du Gujarat a précipité ces autres événements, mais il s'agissait d'un exemple précoce de ce qui se passait, et dès que Modi a été élu en 2014, il a montré que le capitalisme libéral tolérerait cela.

OLLY HAYNES La plupart des violences génocidaires commises depuis les années 1990 l'ont été à l'encontre de musulmans de diverses ethnies, et bien qu'il y ait beaucoup de racisme à l'encontre de différents groupes dans la politique occidentale, les attaques les plus véhémentes semblent être réservées aux musulmans.

Tommy Robinson, par exemple, se vante que les Noirs sont les bienvenus à ses rassemblements. Quel rôle joue la figure abstraite du « musulman » dans le discours nationaliste catastrophique et a-t-elle remplacé le « juif » en tant que figure de la haine d'extrême droite ?

RICHARD SEYMOUR Je ne pense pas que l'on trouve cela au Brésil ou aux Philippines. Mais c'est le cas dans toute une constellation d'États, de l'Inde à Israël, en passant par les États-Unis et la plupart des pays d'Europe occidentale, et même d'Europe de l'Est. En termes sémiotiques, ce n'est pas exactement la même chose que la figure du « Juif », parce qu'à l'heure actuelle, le discours de l'extrême droite ne donne pas l'impression que les musulmans, en plus d'être une sorte de masse misérable de la Terre, contrôlent tout.

Il y a eu des tentatives pour développer une sorte de théorie de la conspiration comme celle de Bat Ye'or sur l‘Eurabia, par exemple. Mais la plupart du temps, il ne s'agit pas de la croyance que les musulmans sont secrètement aux commandes et dirigent le système financier, mais plutôt qu'ils constituent une masse subversive, violente, anormale et inférieure qu'il faut soumettre à la violence et aux frontières pour la garder sous contrôle.

Je dirais que cela trouve son origine dans le tournant des années 1980 vers l'absolutisme ethnique, la coalition entre les partisans du Likoud en Israël et les fondamentalistes chrétiens aux USA, vers une sorte de politique identitaire absolutiste où tout le monde doit entrer dans une case particulière – il y a une sorte d'effondrement de la solidarité antiraciste unificatrice que nous avons vue à l'époque de la guerre froide, en Grande-Bretagne, prenant la forme de la noirceur politique. Tout cela s'est effondré, puis il y a eu l'affaire Rushdie et les musulmans ont été catégorisés comme un problème spécifique.

Il est important que cela soit ancré dans l'expérience quotidienne de la vie capitaliste. En Grande-Bretagne, par exemple, les personnes qui militaient dans le même syndicat dans les villes du Nord ou sur les docks, une fois que ces industries ont été fermées et que les syndicats ont été démantelés, se sont souvent dirigées vers des secteurs marginalisées de l'économie et ont découvert que leur logement était toujours ségrégué, que le système scolaire était effectivement ségrégué, que les mairies pratiquaient des politiques de ségrégation et que le maintien de l'ordre était ségrégationniste dans ce sens, c'est-à-dire très raciste.

Ajoutez à cela l'austérité et vous obtenez une misère publique, personne n'a rien, et vous blâmez toujours les gens en bas de l'échelle : « Ils ont tout, je n'ai rien ». C'est à ce moment-là que l'on commence à voir des émeutes dans les villes du Nord et que la guerre contre le terrorisme catalyse tout cela.

Il s'agit donc d'un phénomène mondial dans lequel la civilisation libérale s'est définie contre les « mauvais musulmans ». Au départ, il y avait l'idée que le problème n'était pas tous les musulmans, mais seulement ce que nous appelons le fascisme islamique : George W. Bush l'a souligné. Mais la manière dont cette idée a été comprise par la population et la manière dont elle a été politisée l'ont étendue à tous les musulmans. Le musulman est donc une figure centrale, mais je pense que nous devons le considérer comme faisant partie d'une chaîne d'équivalence avec le « prédateur transgenre des toilettes », le « marxiste culturel » et le migrant.

Aux Philippines, la principale catégorie est celle des toxicomanes : ce sont les personnes qui ont été assassinées. Cela peut prendre différents accents, mais je suis d'accord pour dire que globalement, et particulièrement pour l'Occident, « le musulman » coordonne tous ces autres problèmes.

OLLY HAYNES L'un des chapitres les plus intéressants porte sur le rôle du sexe dans le discours nationaliste sur les catastrophes. Vous avez également écrit un chapitre sur le génocide à Gaza, bien qu'il mette un peu moins l'accent sur la psychanalyse que vous utilisez dans d'autres chapitres.

Les questions d'exploitation et d'agression sexuelles sont revenues tout au long du génocide à Gaza, entre les soldats israéliens affichant des vidéos sur TikTok avec des sous-vêtements de femmes palestiniennes ou les émeutes pour la défense de soldats accusés d'avoir violé des détenus en prison. Pourriez-vous développer votre analyse du rôle du sexe dans l'imaginaire nationaliste du désastre ?

RICHARD SEYMOUR Je dirais qu'en termes d'économie libidinale de cette nouvelle extrême droite, leur prémisse sous-jacente semble être que quelqu'un est toujours violé et que le problème est que les « communistes » (parmi lesquels ils incluent Kamala Harris, etc.) veulent que les mauvaises personnes soient violées. Le mouvement incel (les « célibataires involontaires »), les défenseurs des droits des hommes, etc. tentent souvent de justifier le viol.

Il y a une sorte de contradiction dans cette économie libidinale entre des interdictions sévères renouvelées – plus de mariage gay, plus de transgenre, retour des femmes dans les cuisines, fétichisme de l'épouse traditionnelle (trad wife) – d'une part, et d'autre part, une liberté prédatrice totale pour les hommes, donc une permissivité sélective. Il n'est pas surprenant de voir cela dans les zones de guerre. Les guerres donnent généralement lieu à de nombreux viols : la victimisation de l'ennemi passe notamment par la brutalisation des femmes.

J'ai récemment effectué des recherches sur les auteurs de crimes, en particulier en ce qui concerne le génocide à Gaza, et l'une des choses qui revient est ce dont parle Klaus Theweleit, c'est-à-dire l'idée de la femme dangereuse. En termes modernes, il s'agit de la combattante de la justice sociale (social justice warrior), hurlante et rousse, etc., mais à l'époque où il écrivait, le mouvement des Corps Francs Allemagne, les Freikorps des années 1920, la femme dangereuse était une communiste qui avait un pistolet sous la jupe. C'est une personne que l'on veut approcher suffisamment pour la tuer. Cette proximité dangereuse est passionnante parce que vous vous approchez du danger, puis vous le surmontez et vous prenez ce que vous voulez, de la pire façon possible.

J'imagine qu'une grande partie de la politique masculine de droite aujourd'hui est une tentative de surmonter un sentiment d'inefficacité, d'impuissance, de paralysie, etc. Et franchement, lorsqu'ils parlent de viol, ils sous-entendent qu'ils sont vraiment excités et qu'ils désirent beaucoup. Mais les faits suggèrent que les jeunes hommes, les jeunes en général, ne sont pas aussi intéressés par le sexe que les générations précédentes. Ils ne sont pas aussi intéressés par le sexe, ils ne sont pas aussi intéressés par le romantisme, il n'y a rien de très sexy dans la vie contemporaine.

L'une des choses ici est qu'ils blâment les femmes pour le fait qu'elles n'ont pas de désir, et ils disent : « Nous sommes involontairement célibataires. » Ils disent que si les femmes les draguaient, ils seraient prêts à faire l'amour tout le temps. J'en doute. Ils sont aussi troublés, contrariés et foutus que tout le monde, voire plus. Mais je pense qu'ils essaient de regonfler leur désir en le transformant en une démonstration de pouvoir, d'efficacité, de puissance. Il y a beaucoup de cela, et je pense qu'il y aura des spécificités à Gaza, parce que toute cette affaire de soldats israéliens se filmant dans la lingerie volée de femmes palestiniennes, c'est évidemment parodique, c'est génocidaire, mais il y a quelque chose à ce sujet qui implique une identification inconsciente avec la victime.

OLLY HAYNES J'ai trouvé qu'il manquait au livre une analyse du rôle des centristes libéraux dans cette situation. Je pense notamment à Kamala Harris qui a fait campagne avec les Cheney, avant de perdre face à Donald Trump. C'est là, en arrière-plan, mais je me demandais si vous pouviez expliquer comment vous voyez les libéraux s'intégrer dans ce tableau ?

RICHARD SEYMOUR Il y a deux angles à cette question. Les centristes libéraux en tant qu'individus et en tant que groupe et leur relation symbiotique avec l'extrême droite. Le second est celui sur lequel je me concentre dans le livre, sur les échecs de la civilisation libérale. La barbarie qui lui est inhérente se manifeste dans l'impérialisme et la guerre, dans son racisme, dans son sadisme frontalier, dans le travail et l'exploitation, mais aussi dans les hiérarchies de classe et les misères qu'elles engendrent. La question est donc de savoir comment nous parvenons à des situations spécifiques dans lesquelles des personnes comme Obama, Hillary Clinton, et maintenant Kamala Harris et Joe Biden contribuent à l'accession au pouvoir de cette nouvelle formation.

Je dirais que le philosophe Tad DeLay pose une question intéressante dans son récent livre, The Future of Denial, sur la politique climatique : « Que veut le libéral ? » C'est une bonne question, car les libéraux ne cessent de proclamer leur affinité avec les valeurs égalitaires et libertariennes. Ils affirment soutenir la lutte contre le changement climatique, mais s'opposent également à tout moyen efficace d'y parvenir.

Je pense de plus en plus qu'en fin de compte, les libéraux ne veulent pas du libéralisme. Il est évident qu'il faut faire certaines distinctions parce qu'il y a des libéraux qui sont véritablement engagés philosophiquement et politiquement dans les valeurs libérales, qui se battront pour elles et qui iront à gauche s'il le faut. Mais il y a aussi les centristes purs et durs dont la politique s'organise principalement autour d'une phobie de la gauche.

Je parle ici d'un anticommunisme hallucinant, principalement connecté avec la droite, mais les libéraux ont une vision tout aussi irréaliste de la gauche et de sa menace supposée. Ce serait bien si la gauche était plus forte et si nous étions sur le point de provoquer une révolution communiste, mais ce n'est pas le cas.

Lorsque Bernie Sanders s'est présenté, je me souviens de la panique des libéraux américains. Un animateur craignait qu'une fois que les socialistes auraient pris le pouvoir, les gens seraient mis au pied du mur et abattus. Pensez aussi à la façon dont le centre dur (centre-gauche et centre-droit) a encouragé les théories du complot comme en Grande-Bretagne, l'opération « Cheval de Troie » : l'idée que les musulmans prenaient le contrôle des écoles de Birmingham. Cette théorie complotiste ne venait pas de l'extrême droite, mais du gouvernement.

Le rapport est le suivant : l'extrême droite reprend les prédicats déjà établis par le centre libéral, les radicalise et les rend plus cohérents en interne. Il y a quelques années, au début de la période où le New Labour était au pouvoir, il a commencé à mettre en place une véritable répression à l'encontre des demandeurs d'asile. Ils mettaient régulièrement en scène des images d'actualité où un ministre se trouvait à Douvres à la recherche de demandeurs d'asile dans les camionnettes des gens et d'autres choses de ce genre. Pendant ce temps, le British National Party (BNP) prenait de l'ampleur et déclarait dans des interviews : « Nous aimons ce qu'ils font, ils nous légitiment ». Ils ont pris des préoccupations qui étaient au bas de l'échelle des préoccupations des gens en 1997 et les ont poussées au sommet, ce qui a donné une légitimité au BNP.

Pour leurs propres raisons, ils ont tendance à amplifier les courants réactionnaires qui circulaient déjà. Puis, lorsque l'extrême droite se développe sur cette base, ils ont tendance à affirmer que « c'est une bonne raison pour nous d'aller plus loin dans cette direction, car cela montre que si nous ne nous attaquons pas à ce problème, l'extrême droite va se développer encore plus ». Il s'agit d'une machine à résonance, qui rebondit en quelque sorte l'une sur l'autre. L'un des problèmes que pose le choix entre un démocrate centriste et un républicain d'extrême droite est que ce choix repose sur l'exclusion de la gauche. Structurellement, les deux se nourrissent de cette exclusion, mais à long terme, c'est l'extrême droite qui en bénéficie.

OLLY HAYNES Vers la fin du livre, vous suggérez que les appels à la rationalité et à l'intérêt personnel des gens ne fonctionnent pas toujours, et que la politique du « pain et du beurre », bien que nécessaire, n'est peut-être pas suffisante : pour mobiliser les gens politiquement, il faut susciter leurs passions. Avez-vous une idée de ce à quoi doivent ressembler ces « roses » qui doivent être offertes à côté du « pain » ?

RICHARD SEYMOUR J'aurais dû utiliser cette métaphore dans le livre : « du pain et des roses » est une bonne façon de le dire. Je pense qu'il existe une aspiration légitime et innée à la transcendance qui est immanente à la vie en tant que telle. En d'autres termes, être en vie, c'est s'efforcer d'atteindre une situation toujours différente. La vie est un processus téléologique dans lequel nous nous efforçons d'atteindre un certain niveau de développement. Mais aussi, l'aspiration à la connaissance, l'aspiration à l'autre – c'est l'instinct social, l'aspiration, dans le langage de Platon, au bien, au vrai et au beau. Je pense que cet instinct est présent chez tout le monde et chez tous les êtres vivants.

Je dirais que l'on peut le voir lorsque nous avons ces ruptures de gauche, comme la campagne de Sanders. C'est très bien de parler de pain et de beurre. Il y a de bonnes choses dont les gens ont besoin, comme les soins de santé et un salaire minimum plus élevé, la lutte contre l'exploitation des employeurs, mais aussi, au-delà, la lutte contre le sadisme frontalier, en disant aux gens qu'ils veulent vivre dans une société décente.

Toute personne dotée d'un instinct décent a été attirée par cette campagne, électrisée par elle, parce qu'en fin de compte, qu'est-ce qu'il a dit ? Il n'a pas dit « votez pour moi et vous aurez plus de biens matériels », il a dit « votez pour moi et vous aurez une révolution politique ». Et ne vous contentez pas de voter pour moi, participez à un mouvement politique avec moi, prenez le pouvoir, renversez tous les éléments décrépits et sadiques de notre société et approfondissez la démocratie. Il a parlé d'un voyage improbable ensemble, pour refaire et transformer le pays.

Les gens ont vraiment envie de travailler ensemble pour atteindre quelque chose de plus élevé. L'une des pathologies de la vie moderne est que les gens se sentent frustrés, paralysés, inefficaces. Son mode d'expression caractéristique était « si nous restons unis » – et quand il disait cela, la foule entrait en éruption. Ce n'est qu'un exemple de rupture de gauche. Jean-Luc Mélenchon a son propre style, Jeremy Corbyn a un style très différent, mais l'idée de base est toujours la même : l'ethos social, l'effort commun.

Karl Marx et Friedrich Engels ont parlé de cette dialectique où l'on adhère à un syndicat au départ pour obtenir des salaires plus élevés, une journée de travail plus courte, des choses dont on a fondamentalement besoin, mais où l'on développe ensuite d'autres besoins, plus riches. Très souvent, les travailleurs se mettent en grève pour défendre leur syndicat, même s'ils perdent des journées de salaire et que leurs conditions matérielles objectives se détériorent quelque peu. Ils ont besoin les uns des autres, ils ont besoin de leur syndicat. Cela peut aller plus loin ; cela peut être politisé de manière beaucoup plus profonde. Le besoin le plus radical est le besoin d'universalité, au sens marxiste du terme.

Lorsque les gens descendent dans la rue pour lutter contre le changement climatique, ils pensent à un monde de plénitude, pas nécessairement un monde où ils ont tous les gadgets et les produits dont ils ont besoin, mais un monde où tout le monde et toutes les espèces ont une chance de prospérer et de s'épanouir. Je dirais que c'est normal. La question est de savoir comment ce communisme instinctif de base, comme le disait David Graeber (1961-2020), est contrecarré, écrasé et détourné. Comment ce besoin impeccablement respectable est-il négligé et pathologisé, de sorte que les gens n'osent même pas y penser, et encore moins l'exprimer ? De sorte que les gens adoptent une sorte de posture cynique.

Je pense que les roses dont nous avons besoin sont celles qui proviennent de notre unité : J'ai mentionné les termes platoniciens « le bon, le vrai et le beau ». Pensez à la culture et à ce travail que nous faisons ensemble, pensez à la recherche de la vérité dans les sciences et à ce travail que nous faisons ensemble. Nos efforts pour élever les normes morales en essayant de mettre fin à la violence, au viol et au racisme sont des capacités intrinsèques que nous possédons tous. Il est évident que nous ne sommes pas à la hauteur, que nous pouvons vivre des existences privatives où nous sommes égoïstes, haineux et rancuniers. Mais ce n'est pas tout. Si c'était le cas, nous pourrions tout aussi bien abandonner.

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Entretien publié dans Jacobin. Traduit de l'anglais pour Contretemps par Christian Dubucq.

Richard Seymour est journaliste, chercheur indépendant et militant révolutionnaire. Il tient le blog anglophone leninology.co.uk, est coéditeur de la revue Salvageet notamment l'auteur de Corbyn : The Strange Rebirth of Radical Politics, The Liberal Defense of Murder, American Insurgents.

Olly Haynes est un journaliste basé au Royaume-Uni, qui couvre la politique, l'environnement et la culture.

Illustration : Wikimedia Commons.

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Avis de tempête

17 décembre 2024, par Didier Epsztajn, Michel Lanson, Patrick Silberstein — , ,
Nul n'osait le prévoir, Trump est élu président des États-Unis. Les Républicains MAGA (Make America Great Again) sont majoritaires au Sénat et à la Chambre des représentants, (…)

Nul n'osait le prévoir, Trump est élu président des États-Unis. Les Républicains MAGA (Make America Great Again) sont majoritaires au Sénat et à la Chambre des représentants, sans oublier la Cour suprême.

Il ne s'agit pas d'un simple événement électoral mais d'un bouleversement qui a déjà des impacts dans le monde entier, comme pour la majorité des populations civiles.

Nous proposons quelques éclairages sur l'élection étasunienne et sur les possibilités de résistance. Les élections américaines ne sont pas, hélas, exceptionnelles dans ce monde en profondes mutations [1].

Télécharger le n° 7 d'Adresses : internationalisme et démocr@tie :
Adresses n°7

Beaucoup encore refusent de voir Vladimir Poutine et l'armée russe bombarder les équipements énergétiques et sociaux vitaux pour la population ukrainienne. Et multiplier les crimes de guerre. Un nouveau pas a été franchi avec l'utilisation de missiles balistiques, possibles vecteurs d'ogives nucléaires. La guerre contre les populations ukrainiennes est aussi une guerre contre les populations de la fédération de Russie [2].

Le temps du néolibéralisme semble passé

Une nouvelle conjoncture apparaît, où des gouvernements, sous des formes plus ou moins autoritaires, vont amplifier les politiques de privatisations, d'expropriations, d'inégalités et de contrôle social.

Comment appréhender et nommer ces nouvelles formes politiques ? Certain·es parlent de fascisme [3], d'autres de postfascisme, comme par exemple, Gaspar Miklos Tamas, à propos du régime de Viktor Orbán [4].

Si nous voulons encore espérer que ce triste conte d'hiver puisse se transformer par nos actions collectives en souriant conte de printemps, il nous faut analyser, au niveau mondial comme au niveau local, les similitudes et les particularités, les effets sociaux et les contradictions de ces régimes.

Nous devons aussi faire connaître les actions propres de groupes humains [5], les dialogues entre Palestiniens et Israéliens, les mobilisations – aussi fragmentaires soient-elles – qui rompent les inerties favorisées par l'individualisme et la guerre de toustes contre toustes.

Certains bouleversements au 20e siècle ont suscité des enthousiasmes. Bien des espérances se sont effondrées dans des dictatures et des crimes de masse, que certain·es ont cependant continué à nommer « socialisme », « communisme [6] », d'autres, souvent les mêmes, ne peuvent pas dépasser l'anti-impérialisme des imbéciles [7].

Il ne s'agit pas de refaire ou d'effacer l'histoire, mais bien de rendre visibles les fils tissés entre refus, résistance et espérance. Nous pouvons nous appuyer sur des déjà-existants, des biens communs, des solidarités locales ou plus larges.

Contre le roi marché, Samuel Farber nous propose de discuter aujourd'hui de Cuba [8] et Meron Rapoport nous propose des conversations inégales entre un Palestinien et un Israélien [9].

Il importe aussi de développer les analyses qui nous permettent de comprendre les évolutions politiques et leurs résonances de régions en régions. Voir l'article de Joy Asasira : « Les femmes africaines victimes de Trump [10] ».

Une preuve évidente de cette profonde transformation au-delà des crimes, des pogroms, des génocides c'est bien le fait que certains gouvernements ne reconnaissent pas la Cour pénale internationale (CPI) et s'affranchissent d'instances qui limitent leurs actions potentiellement criminelles. Cela en dit long sur la victoire actuelle de la logique « souverainiste » sur les droits communs des êtres humains. Aucun gouvernement ne devrait pouvoir se dérober et refuser les actions de la CPI ou de la Cour internationale de justice (CIJ). De plus, il ne sauraient y avoir d'immunité ni d'impunité pour des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité.

Quelles que soient les limites actuelles du droit international et de ses instances. Monique Chemillier-Gendrau souligne que « le monde d'aujourd'hui, devenu un village par la puissance des communications et du commerce, ne dispose pourtant pas d'un droit commun à l'application effective [11] ».

Penser le droit commun, comme émancipateur, est un point d'appui nécessaire pour appréhender le chaos du monde qui voient de nombreux pays sortir de leurs « démocraties » et rompre avec leurs valeurs fondatrices. Ce mouvement de bascule ne fait hélas que s'amorcer.
Bonne lecture.

Au moment du bouclage…

Le régime criminel de Bachar al Assad est tombé

Au souffle de l'élection de Trump se mêlent les effets tragiques du 7 octobre. L'équilibre instable du Moyen Orient est bouleversé par la destruction de Gaza menée par Israël, le ciblage du Hezbollah. L'Iran, sans ses alliés (Hamas, Hezbollah) se retrouve en position de faiblesse. La Russie toujours plus acharnée dans sa guerre contre l'Ukraine voit ses opérations de déstabilisation se retourner contre elle. La Géorgie est proche d'un nouveau Maïdan et la population roumaine n'accepte pas le trucage des élections.

L'instabilité est renforcée dans la région alors que les puissances du processus d'Astana (Russie, Iran, Turquie) tentent d'éviter une perte d'influence pour les deux premiers et surtout l'irruption directe des populations suppliciées.

Les gouvernements de la Russie et de l'Iran ont subi un revers durable, celui de la Turquie semble renforcé. Cela se répercutera inévitablement sur les autres conflits, sur l'équilibre des BRICS et sur les rapports internationaux à l'investiture de Trump. Et celui au pouvoir à Pékin devra sortir de son silence.

Il est maintenant nécessaire et possible de revenir aux aspirations initiales de la révolution syrienne, à savoir la démocratie, la justice sociale et l'égalité, tout en respectant le droit à l'autodétermination des Kurdes et de toutes les minorités.

Notes

1. Bill Fletcher Jr., « Comment se défendre dans la nouvelle période Trump », p.7 ; Frieda Afary, « Donner du sens à la victoire de Trump et à la résistance », p. 11.
2. Ilya Budraitskis, « Poutine mène une guerre culturelle contre le peuple russe », p.28.
3. Taki Manolakos, « La fin du néolibéralisme préfigure la montée du fascisme », p. 15.
4. Gaspar Miklos Tamas, « Naissance du postfascisme dans la Hongrie de Orban », p. 19.
5. Oleksandr Kyselov, « Ukraine : la force vient de l'intérieur », p. 44.
6. Ilya Budraitskis, « L'impérialisme politique russe et la nécessité d'une alternative de gauche mondiale », p. 31.
7. Voir les précédents numéros d'Adresses.
8. Sam Farber, « Cuba : “libre” marché ou planification démocratique ? », p. 47.
9. Meron Rapoport, « Conversations inégales », p. 53.
10. Joy Asasira, « Les femmes africaines victimes de Trump », p. 59.
11. Monique Chemillier-Gendreau, « L'échec du droit international à devenir universel et ses raisons », p. 39.

Didier Epsztajn, Michel Lanson, Patrick Silberstein

Télécharger le n° 7 d'Adresses : internationalisme et démocr@tie :
Adresses n°7

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L’inquiétante étrangeté du monde – sur Le Double : Voyage dans le Monde miroir de Naomi Klein

17 décembre 2024, par Christian Salmon — , ,
Avec un livre en abyme, Naomi Klein entraîne le lecteur dans un voyage vertigineux à la poursuite du Double, le sien, une certaine Naomi Wolf avec laquelle on la confond (…)

Avec un livre en abyme, Naomi Klein entraîne le lecteur dans un voyage vertigineux à la poursuite du Double, le sien, une certaine Naomi Wolf avec laquelle on la confond souvent, égérie du féminisme dans les années 1990 passée au complotisme anti-vax et d'Al Gore à Steve Bannon, mais aussi le Double comme paradigme de notre temps en proie à l'inquiétante étrangeté de notre monde, avec ses miroirs, ses moi artificiels, ses réalités fabriquées.

16 décembre 2024 | tiré d'AOC media
https://aoc.media/critique/2024/12/15/linquietante-etrangete-du-monde-sur-le-double-voyage-dans-le-monde-miroir-de-naomi-klein/

J'ai lu deux fois Le Double de Naomi Klein. Normal me direz-vous avec un titre pareil, mais si je l'ai lu deux fois, ce n'est pas seulement à cause de son titre mais en raison de sa richesse et des multiples étapes de ce voyage dans ce que Klein appelle « le monde miroir ».

Je l'ai lu une première fois au pas de course, enjambant les obstacles, pour tenter de saisir l'unité de ce livre kaléidoscopique qui embrasse des sujets aussi différents que l'univers marchand des logos, la crise climatique, l'épidémie du Covid, la question du double chez Freud ou Philip Roth, l'ère politique des bouffons à la Donald Trump ou Javier Milei, le suprématisme blanc, la généalogie américaine du nazisme, le conflit israélo palestinien, mais aussi des questions plus personnelles comme le rapport à son double, une autre Naomi (Wolf) avec laquelle on la confond souvent, une ex féministe qui a viré complotiste à la faveur du Covid, devenue proche collaboratrice de Steve Bannon le maitre à penser de l'alt right, ou encore la campagne électorale au Canada de son mari candidat à la députation à laquelle elle participe tract en main dans les escaliers d'immeubles, et jusqu'au sujet plus délicat pour elle de l'autisme de son fils qualifié de « neurodivergent » par les médecins, une condition qui est selon elle un symptôme contemporain du rejet de l'Autre, du différent, du Double.

Je l'ai relu une deuxième fois, plus lentement, en étant attentif aux jointures de son texte, aux associations d'idées qui guident son raisonnement, plus narratif que déductif, parcourant une à une les surfaces réfléchissantes de ce « monde miroir », ces plans découpés qui donnent à ce livre sa profondeur de champ et son sujet véritable : la décomposition spectrale de notre folie collective. Entre les anti-vaccins, les influenceurs du bien-être et les démagogues de l'extrême droite, le livre déploie un arc narratif qui évoque davantage la fragmentation cubiste de l'objet que la polyphonie musicale à laquelle on serait tenté de le rapprocher. Sa lecture nécessite cette attention multidimensionnelle dont parlait Paul Klee, une vision mobile et disjonctive qui saisit les ruptures, les déplacements.

La pulvérisation du moi

Car il y a plus de deux livres dans Le Double, c'est un récit hydre à plusieurs têtes chercheuses comme le serpent de la mythologie, une fiction poulpe (sans aucun jeu de mots) qui plonge ses nombreux bras dans les ruines de notre monde néolibéral, fouillant ses décombres et brisant les cloisons qui nous empêchent d'en saisir l'unité.

Son véritable sujet c'est « l'évitement du monde » dont elle enregistre les modalités en trois parties. « La représentation, le cloisonnement et la projection sont les différents pas de danse de l'évitement. » Évitement du moi dont la fuite dans les artefacts numériques serait la forme archétypale. « Mes étudiants ont grandi en ayant conscience d'avoir un double extériorisé – un double numérique, une identité idéalisée, distincte de leur moi “réel” (le cloisonnement), qui leur sert à incarner le personnage qu'on attend d'eux (la représentation) s'ils veulent réussir. Dans le même temps, ils doivent projeter sur d'autres personnes (la projection) chacune des parties indésirables et dangereuses d'eux-mêmes : l'ignorant, le problématique, le déplorable, le “non-moi” qui délimitent les frontières du “moi”. Cette triade – le cloisonnement, la représentation et la projection – est en train de devenir une forme universelle de dédoublement, générant un personnage qui n'est pas exactement ce que nous sommes, mais que les autres perçoivent comme tel. »

De double en double et de miroir en miroir Naomi Klein poursuit l'image fuyante, diffractée, de nos moi en miettes. « Le moi comme marque parfaite, le moi comme avatar numérique, le moi comme mine de données, le moi comme corps idéalisé, le moi comme projection raciste et antisémite, l'enfant comme miroir du moi, le moi comme éternelle victime. Tous ces doubles ont un point commun, ils sont autant de façons de ne pas voir. Ne pas se voir clairement soi-même (parce que nous sommes trop occupés à afficher une version idéalisée de nous-mêmes), ne pas voir clairement les autres (parce que nous sommes trop occupés à projeter sur eux ce que nous ne supportons pas chez nous), et ne pas voir clairement le monde et les liens qui unissent les hommes (parce que nous nous sommes cloisonnés et volontairement aveuglés). Je pense que cela explique, plus que toute autre chose, l'inquiétante étrangeté de notre temps, avec tous ses miroirs, ses moi artificiels, ses réalités fabriquées. »

Naomi Klein ne s'exclut pas de ce processus de dissociation. Son moi fait partie du tableau, elle l'observe et l'interroge, le critique sans complaisance comme lorsqu'elle se moque de sa propre transformation en « logo » après le succès mondial de son best-seller « No Logo ». « Il y avait beaucoup d'hypocrisie dans cette mise en scène. (…) être la fille No Logo – le visage d'un mouvement anti-capitaliste émergent – et nier tout intérêt à me construire une image de marque. Être la seule, en somme, à faire proprement des affaires. N'est-ce pas finalement ce que nous sommes si nombreux à convoiter lorsque nous entrons dans cette arène, tout au moins quand nous tâchons d'y survivre ? Nous créons des personnages en ligne – des doubles de notre “vrai” moi – qui cultivent savamment la juste dose de sincérité et de dégout du monde ; nous manipulons l'ironie et le détachement qui ne sont pas trop promotionnels, mais font néanmoins le job ; nous flirtons avec les médias sociaux pour gonfler nos chiffres… »

Le carnaval est partout. Les méthodes et les concepts de la science politique ne suffisent plus à rendre compte des mutations que subissent les démocraties

Tout au long de son « voyage dans le monde miroir » elle ne se perd jamais de vue, incluant, en bonne einsteinienne, son propre reflet, celui de l'observatrice dans le champ observé. À chaque étape de son enquête dans l'univers ensorcelé des doubles, elle n'oublie jamais de mesurer l'ampleur des transformations en cours à l'aune de ses expériences personnelles, refusant de se positionner en surplomb de la dystopie numérique dans laquelle nous évoluons et qui nous transforme dans notre quête éperdue de la notoriété en nos doubles dévorants.

« La notoriété est la monnaie sans valeur de l'ère de la connexion permanente, à la fois un substitut à l'argent liquide et un moyen de s'en procurer. Elle se calcule sans tenir compte de ce que vous faites, mais en fonction de la masse de “vous” qui pénètre le monde. La notoriété s'obtient en jouant les victimes, mais aussi en victimisant les autres. C'est une chose que la gauche et la droite comprennent parfaitement. Quelle que soit l'influence qu'elle exerce, la notoriété est une donnée stable qui travaille exclusivement pour son propre compte et dans une seule optique : faire du volume. »

L'inquiétante étrangeté du bouffon

Dans ce monde envoûté, la vie politique apparaît non plus comme la scène de la délibération collective, le règne du logos et de la raison mais comme un théâtre hofmannien de l'étrange, soumis à ce que Freud appelait l'inquiétante étrangeté. Schelling le premier en avait donné une définition citée par Freud : « On qualifie de unheimlich (l'inquiétante étrangeté) tout ce qui devrait rester dans le secret, dans le dissimulé et qui est sorti au grand jour ». Les éléments de cette inquiétante étrangeté, Freud les empruntait en partie à Hoffmann le maître de l'étrange : la croyance en l'animisme, la magie et l'enchantement, la figure du double, la toute-puissance des pensées, le retour du refoulé, la relation avec les morts, les spectres, les fantômes.

Tout ceci se trouve dans ce livre dont Noemi Klein relate le surgissement dans les soubresauts de l'hypercrise actuelle, géostratégique, écologique, sanitaire, numérique… La vie politique n'est plus régie par la dissimulation mais par la simulation, non plus par le secret et le calcul raisonné, mais par l'épiphanie du fake et la parodie. Triomphe de la téléréalité sur le théâtre politique. La politique comme magie grotesque. Le mélange des genres devient la règle, confondant les registres du sérieux et du divertissement. Le carnaval est partout. Les méthodes et les concepts de la science politique ne suffisent plus à rendre compte des mutations que subissent les démocraties : simulation, dévoration, cannibalisation, parodie, carnavalisation, envoûtement. Le demos est sorti de son lit ; il déborde dans un champ bien plus large que celui de la sociologie et de la science politique, le domaine du bizarre, de l'inquiétant, celui des phénomènes paranormaux, le royaume de l'étrange.

C'est l'un des passages les plus fascinants du livre, lorsque Naomi Klein met ses pas dans ceux de Philip Roth, celui d' Opération Shylock et exhume le « pipikisme » cher à Roth pour analyser « cette force anti tragique qui dédramatise les choses – qui transforme tout en farce, qui banalise et superficialise tout ». Dans Opération Shylock publié en 1998, Roth rebaptisait son double grotesque et encombrant, Pipik, un sobriquet donné dans sa jeunesse « aux enfants un peu simplets, maladroits et inadaptés qui jouaient les intéressants ».

Depuis 2016, les pipik ont envahi le monde, ils sont sur Twitter ou Tiktok, inspirent les tweets des internautes comme les décrets des gouvernements, ils ont conquis le pouvoir et répandent depuis le Covid le pipikisme comme une « épidémie au carré ». « Quand la figure du bouffon devient centrale dans la vie publique, ce ne sont pas seulement les stupidités proférées par ses représentants qui posent un problème, c'est aussi leur capacité à rendre stupide tout ce qu'ils touchent, y compris – et surtout – les mots dont nous avons besoin pour les décrire et expliquer ce qu'ils font. Malheureusement, ces “doubl'idiots” pipikent si bien nos expressions et nos concepts qu'ils vont bientôt finir par nous laisser sans voix. Une fois pipikée, une idée peut-elle redevenir sérieuse ? »

Le pipikisme, forme actualisée du fascisme

C'est contre cette « pipikisation » des esprits que le livre de Naomi Klein déploie ses arguments les plus convaincants. Car on aurait tort de prendre à la légère le virus du grotesque qui s'est emparé des esprits. En désarmant la critique et la pensée, ce virus n'est pas seulement porteur d'insignifiance, il permet le retour du refoulé contenu dans le projet racialiste et colonialiste européen.

Dans deux chapitres clés qui apparaissent à la fin du livre : « Le nazi dans le miroir » et « L'ébranlable ethnicité », elle va au cœur politique de la thématique du double explorée tout au long du livre. Le pipikisme est la forme actualisée du fascisme. C'est « un archaïsme techniquement équipé » selon les mots de Guy Debord dans La Société du Spectacle, un fascisme augmenté par la puissance des algorithmes des Gafam et de l'intelligence artificielle qui codent et répandent son idéologie mortifère. « Si le fascisme, écrivait Debord, se porte à la défense des principaux points de l'idéologie bourgeoise devenue conservatrice (la famille, la propriété, l'ordre moral, la nation) en réunissant la petite bourgeoisie et les chômeurs affolés par la crise, il se donne pour ce qu'il est : une résurrection violente du mythe, qui exige la participation à une communauté définie par des pseudo-valeurs archaïques : la race, le sang, le chef. »

À ce devenir fasciste de l'Occident Naomi Klein apporte un éclairage historiographique et anthropologique qui permet de comprendre l'unité et la cohérence du projet racialiste et colonisateur qui resurgit sous nos yeux dans ces formes trumpistes. S'appuyant sur différentes sources (Joseph Conrad, James Q. Whitman, l'écrivain suédois Sven Lindqvist, Raoul Peck, Aimé Césaire, Frantz Fanon, W.E.B. Du Bois, ou encore Nehru, Premier ministre de l'Inde (1947-1964)) Klein retrace la généalogie de ces idéologies exclusivistes et des pratiques d'extermination qui ont inspirées le nazisme et qui se prolongent jusqu'à aujourd'hui dans les théories du Grand Remplacement.

« Tous, dans les années 1930, 1940 et 1950, affirme-t-elle dans un entretien récent, écrivaient sur le fascisme européen, qu'ils considéraient comme le double du colonialisme et de l'impérialisme européens… un retour, au cœur de l'Europe, de la science raciale, des technologies, des mécanismes d'enfermement et d'anéantissement, utilises autrefois contre les peuples noirs. C'est l'idée du boomerang conceptualisé par Hannah Arendt : le fascisme serait le retour de la colonisation en Europe… Je ne dirais pas que c'est une réplique directe du nazisme mais plutôt une nouvelle itération du colonialisme de peuplement. » Un nazisme d'inspiration donc plutôt que d'imitation.

Cette histoire sinueuse ne commence pas dans les Amériques, mais en Europe, dans les siècles qui ont précédé l'Inquisition espagnole, les bûchers et les expulsions sanglantes de juifs et des musulmans. Elle se poursuit dans le génocide des Amérindiens avant de revenir en Europe pendant l'Holocauste. Naomi Klein cite Aimé Césaire qui accusait dans son Discours sur le colonialisme les Européens de tolérer « le nazisme avant qu'il ne leur soit infligé » « Ils ont fermé les yeux, l'ont légitimé, car jusqu'alors, il n'avait été appliqué qu'aux personnes non européennes. » Le crime d'Hitler envers les Alliés, pensait Césaire, était d'avoir fait aux Juifs et aux Slaves ce qui « jusqu'alors était réservé exclusivement » aux colonisés non blancs en pays étrangers ».

L'analyse de Césaire qui n'a rien perdu de sa pertinence rejoignait les réflexions de Klein, sur le nazisme comme le Double maléfique de l'esprit européen. Selon Césaire « Hitler n'était pas seulement l'ennemi des États-Unis et du Royaume-Uni – il était leur ombre, leur jumeau, leur sosie tordu : « Oui, cela vaudrait la peine d'étudier cliniquement, en détail, les démarches d'Hitler et de l'hitlérisme et de révéler au bourgeois très distingué, très humaniste, très chrétien du XXe siècle que sans qu'il s'en rende compte, il a un Hitler en lui, qu'Hitler l'habite, qu'Hitler est son démon. »

Le complexe de Gatsby

À l'appui de cette hypothèse, on peut citer un témoignage que ne cite pas Naomi Klein dans son livre, celui de Scott Fitzgerald, célèbre et pourtant invisibilisé par les images fastueuses avec lesquelles le cinéma a emballé son roman Gatsby le magnifique, publié en 1925. Tout fait symptôme dans ce roman qui précédait la crise de 1929. L'argent roi. Les fortunes vite faites. Les amours à « l'éclat de pur argent ». La plainte des saxophones dans la nuit. Un bolide jaune pâle. Le champagne qui coule à flots au cours des fêtes que donne Gatsby où s'étourdissent les riches New-Yorkais.

Au début du roman, le milliardaire Tom Buchanan, un des voisins de Gatsby explose au cours d'un diner où sont réunis tous les personnages du roman. « La civilisation court à sa ruine ! rugit-il avec une angoisse non feinte. Je suis d'un affreux pessimisme par rapport à ce qui se passe. As-tu lu The Rise of Colored Empires, d'un certain Goddard ? C'est un livre excellent. Tout le monde devrait l'avoir lu. L'idée, c'est que la race blanche doit être sur ses gardes, sinon elle finira par être engloutie. Une thèse scientifique, fondée sur des preuves irréfutables. […] Nous sommes la race dominante. Notre devoir est d'interdire aux autres races de prendre le pouvoir […]. Tout ce qui fait la civilisation, c'est nous qui l'avons inventé. Les sciences, disons, les arts, et le reste. Tu comprends ? »

Les arguments de Tom Buchanan , rappelle Sarah Churchwell, dans un article de The New York Review of Books, « American immigration : A century of racism », empruntaient à deux best-sellers de l'après-Première Guerre mondiale : The Passing of the Great Race, de Madison Grant (1916), et The Rising Tide of Color Against White World-Supremacy, de Lothrop Stoddard (1920).

Sarah Churchwell constate à quel point ces idées s'étaient généralisées , en grande partie grâce à la fausse légitimité fournie par les institutions culturelles, notamment les éditeurs, les magazines populaires et les professeurs d'université. Fitzgerald avait découvert ces « idées rassies » alors qu'il était étudiant à Princeton, où il lui arriva d'aller écouter une conférence sur l'eugénisme. Grant et Stoddard ne faisaient que rhabiller d'anciennes idées « eugénistes » avec les habits neufs du biologisme, mais la voix qui les animait a trouvé un écho puissant dans le monde en ruine des années 1920. Elle s'est même dramatiquement concrétisée dans l'Immigration Act de 1924, qui assignait des quotas d'immigration aux divers pays d'Europe (et du monde) et a eu pour conséquence de réduire l'immigration de plus de 90 %.

Le soutien populaire à cette loi a été énorme. Celle-ci est restée en vigueur pendant quarante ans, jusqu'à son annulation par Lyndon B. Johnson en 1965. Le sénateur Jeff Sessions, qui fut le procureur général des États Unis dans l'administration Trump de 2017 à 2018, affirmait en 2015 que la loi de 1924 avait réussi à ralentir « considérablement » l'immigration.

Le livre de Madison Grant fut traduit en allemand, et l'idée d'hygiène raciale allemande s'inspirait de ses théories. Son influence sur l'idéologie nazie ne saurait être niée. Dans The Nazi Connection (1994), Stefan Kühl a bien montré que les nazis tiraient leurs idées eugénistes des théories américaines, tout comme ils utilisaient les lois américaines sur la race pour légitimer les lois de Nuremberg de 1935. Hitler aurait même adressé une lettre à Madison Grant pour le féliciter. Il lui avouait que son livre, The Passing of the Great Race, était devenue sa « bible » ! Une bible que les avocats des Nazis citèrent au procès de Nuremberg pour prouver que les États-Unis s'étaient livrés aux mêmes crimes que ceux pour lesquels ils étaient poursuivis.

Naomi Klein, Le Double : Voyage dans le Monde miroir, Actes Sud, septembre 2024.

Christian Salmon

Écrivain, Ex-chercheur au CRAL (CNRS-EHESS)

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« Il y a une vraie lutte des classes au sein de l’écologie »

17 décembre 2024, par Olivier Besancenot, Ritchy Thivault — , ,
12 décembre 2024 | tiré de l'Hebdo L'Anticapitaliste - 733 https://lanticapitaliste.org/opinions/politique/il-y-une-vraie-lutte-des-classes-au-sein-de-lecologie À l'occasion (…)

12 décembre 2024 | tiré de l'Hebdo L'Anticapitaliste - 733
https://lanticapitaliste.org/opinions/politique/il-y-une-vraie-lutte-des-classes-au-sein-de-lecologie

À l'occasion de la sortie de son livre « Arrachons une vie meilleure » aux éditions Massot, l'Anticapitaliste a rencontré Ritchy Thibault.

Tu es porte-parole d'un collectif politique qui s'appelle PEPS (Pour une écologie populaire et sociale). Tu as 20 ans. Comment expliques-tu ton parcours ­militant ?

Je n'étais pas du tout destiné à l'action politique. J'appartiens à ces populations que l'État, que les dominants assignent à l'apolitisme, parce que ma mère est gitane, mon père est manouche. Je me suis retrouvé sur un rond-point avec les Gilets jaunes à l'âge de 14 ans, à Pineuilh, à côté de Sainte-Foy-la-Grande, la ville d'origine d'Élisée Reclus, que j'ai découvert après m'être engagé, lui qui fut un des précurseurs de l'écologie. Dès que je sortais du collège, je marchais jusqu'au rond-point, et j'ai passé mes soirées à me politiser au bord des feux sur le rond-point de Pineuilh, en Gironde. C'est comme ça que je me suis mis à lire, à comprendre que finalement il fallait acquérir des outils pour combattre l'injustice. Puis, je me suis mis à faire 5 500 km à pied en stop une fois mon bac passé, sans thune, où j'ai été sur les routes. Je suis allé voir des expériences individuelles, collectives, et je me suis dit que finalement, il y a tout un « déjà-là », il y a une perspective révolutionnaire.

Comment tu passes de cette politisation des Gilets jaunes — très axée sur la question sociale souvent opposée aux questions écologiques à l'époque — à une conscience écologique ?

Les Gilets jaunes ne me destinaient pas à l'écologie, parce que comme je l'ai lu depuis, les dominants ont désubstantifié l'écologie chez les classes populaires. Ils ont diabolisé cette notion. La manière dont ils parlent de l'écologie fait que la perception de l'écologie chez les classes populaires, c'est une punition : quelque chose qui nous prend des sous. Le mouvement des Gilets jaunes commence avec le refus de la taxe carbone, qui est une grosse escroquerie. Sous prétexte d'écologie, vous venez nous taper à nous, qui avons une petite bagnole pour aller au boulot, qui faisons 40 km aller-retour par jour et pendant ce temps-là, vous laissez ceux qui ont des jets privés circuler partout dans le monde. C'est ce qu'ont dit les Gilets jaunes. C'est vraiment l'injustice totale.

Arrivé à Paris, je me mets à fréquenter les camarades du collectif politique, dont je suis le porte-parole, parce que j'ai pris conscience que l'écologie, c'est vraiment la notion d'avenir dans notre champ politique. Je suis convaincu que tout va se passer autour de l'écologie au vu de la situation. Il y a une vraie lutte des classes au sein de l'écologie. Il y a l'écologie bourgeoise, mais il y a aussi une écologie radicale, une écologie décoloniale. On le voit notamment avec le discours de Jill Stein, lors de la présidentielle aux États-Unis. Il y a d'un côté les écologistes européens bourgeois qui veulent lui donner des leçons et elle, qui les rappelle à l'ordre, en disant que la vraie écologie, c'est celle qui se positionne du côté des peuples opprimés, notamment du peuple palestinien. Chez PEPS, on défend la notion d'écologie de libération. On dit que l'écologie, elle libère des oppressions.

Je me suis dit que ça me concernait directement en tant que jeune racisé. Les voyageurs en France — ceux qu'on appelle les gens du voyage — ils sont parqués à côté des sites les plus polluants et les plus pollués de ce pays. C'est ce qu'on appelle le racisme environnemental. À Rouen, en 2019, il y a l'incendie de Lubrizol. Le premier lieu de vie à côté de ce site classé Seveso, c'est un terrain dit d'accueil — qui n'a rien d'accueillant — de voyageurs. Les gens, pendant qu'on évacue tout le monde autour, sont parqués là-bas. On leur dit : « Vous pouvez sortir, mais pas avec les caravanes ». Or les caravanes, ce sont le logement des gens, leur habitat. En quelque sorte, on les parque et on les séquestre en train d'inhaler des fumées profondément toxiques. L'écologie, c'est notre affaire à nous, les dominéEs et les exploitéEs de ce monde.

Dans les motifs d'indignation, tu parles beaucoup aussi, ­évidemment, du racisme ? De l'anti­tsiganisme ?

C'est une de mes batailles principales. Ma grand-mère et sa génération ont vécu un internement et un génocide toujours pas reconnu plus de 80 ans après. L'antitsiganisme, c'est le racisme subi par toutes les populations qui sont perçues comme Tsiganes. Alors, Tsigane, c'est un exonyme, un terme de la littérature scientifique que j'évite d'utiliser, mais il s'avère que le terme « antit­siganisme » désigne le racisme subi par tous ceux qui sont désignés comme tels, à savoir les Roms, les Yéniches, les Sintis, les Manouches, les Gitans et les voyageurs. Ce sont les 6 collectifs principaux.

Il y a le racisme environnemental. L'espérance de vie des voyageurs est de plusieurs années inférieure au reste de la population. Il y a la discrimination à l'école. Il y a les crimes policiers. Moi, je l'ai vécu dans ma famille, avec Daniel, qui s'est fait tuer par des gendarmes quand j'avais une dizaine d'années. Il y a eu Angelo Garand, et sa sœur qui mène un combat salutaire pour la justice, et d'autres… Les voyageurs sont les plus victimes de crimes policiers.

Il y a des convergences à faire, avec toutes celles et ceux qui subissent le racisme, en tant que phénomène systémique et structurel. Je me suis rapproché du champ de l'antiracisme politique. Avec Amal Bentounsi, on passe beaucoup de temps dans des combats communs. Il y a une nécessité impérative que les personnes qui subissent le racisme d'État en France s'unissent, ne laissent personne de côté pour déconstruire la pyramide raciale.

Tu me disais que tu travailles avec Ersilia Soudais, qui est députée, que vous préparez ensemble un projet sur cette question ?

Tout à fait. Je tiens à remercier Ersilia Soudais qui est la première parlementaire qui s'engage pleinement sur la lutte contre l'anti­tsiganisme. En janvier, Ersilia va déposer une proposition de résolution pour la reconnaissance du Samudaripen — « la mort de tout » en romanès —, donc du génocide des Roms, des Sintis, des Gitans, des Manouches et des voyageurs. Notre objectif ? Que la France, 80 ans après, reconnaisse sa culpabilité, qui est immense dans ce génocide et les persécutions entre 1939 et 1946. Elle ouvrirait la voie, notamment à des indemnisations et des réparations des spoliations très graves. L'État a volé tous les outils de travail de nos ancêtres, via la Caisse des dépôts et des consignations. Cela a assigné des gens à la misère.

Comment tu vois la situation avec l'autoritarisme qui se développe ?

Il y a des dérives autoritaires graves. Il y a des populations en France, comme les voyageurs, qui n'ont jamais connu l'État de droit. On a laissé faire une expérimentation de la coercition étatique vis-à-vis de certaines populations, vis-à-vis des quartiers populaires, vis-à-vis des populations racisées, des voyageurs, et des musulmanEs aussi. […]

On a atteint un degré de répression pendant les Gilets jaunes, que les gens sous-estiment. On a laissé passer la normalisation de l'état d'urgence après les attaques terroristes de 2015, et les mesures d'exception sont devenues la norme et la banalité. Les dominants font de la répression, car ils veulent silencier la parole de l'opposition, et notamment de la jeunesse. Et donc, il y a une fascisation qui est grave. Ils préparent, ils donnent clé en main à l'extrême droite.

Hannah Arendt disait que choisir le moindre mal, c'est toujours choisir le mal. Macron n'est pas du tout un rempart. Parce que si la formation politique de Bardella, le Rassemblement national, était arrivée en tête aux élections législatives, il aurait pris un plaisir fou à gouverner avec lui.

Qu'est-ce qu'agir dans ce monde qui se durcit, qui se radicalise de plus en plus vers l'écofascisme ?

Il faut cesser d'opposer de manière antagonique nos formes de luttes. Ce qu'il nous faut aujourd'hui, ce n'est ni le parti d'avant-garde révolutionnaire qui va sauver les masses avec un discours pseudo­-éclairant. Ce n'est pas non plus la social-démocratie. Ça ne marche pas. On pense qu'il y a une troisième voie. C'est la révolution rampante. C'est un peu le lierre et les ronces qui poussent à travers les différents socles, le socle de la pyramide sociale, et qui la font effondrer. Qui poussent dans le bitume des bourses du CAC40 et qui font s'effondrer les bâtiments. Je pense qu'il y a trois fronts de lutte : un front interne, les institutions pour faire entendre une voix dissonante ; un front externe, pour être capable de s'opposer frontalement au système avec des grèves, des blocages, des manifs sauvages, des piquets de grève ; et un front parallèle, construire dès maintenant une alternative. C'est la stratégie du pouvoir populaire. Il faut que le système s'effondre de nos alternatives, qu'on construise des pouvoirs populaires encore plus forts que le pouvoir étatique et centralisé.

Propos recueillis par Olivier Besancenot

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Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

Tout le monde apporte son grain de sel (ou de sable !)

17 décembre 2024, par Nicolas St-Germain — , ,
Plonger dans le livre Organiser, mobiliser, gagner : guide de renouveau syndical, c'est revenir à la base de l'implication syndicale. C'est prendre un pas de recul sur son (…)

Plonger dans le livre Organiser, mobiliser, gagner : guide de renouveau syndical, c'est revenir à la base de l'implication syndicale. C'est prendre un pas de recul sur son action pour mieux comprendre son importance, qu'on milite depuis peu ou qu'on soit une personne d'expérience dans son syndicat.

Tiré du Point syndical.

Plonger dans le livre Organiser, mobiliser, gagner : guide de renou­veau syndical, c'est revenir à la base de l'implication syndicale. C'est prendre un pas de recul sur son action pour mieux comprendre son importance, qu'on milite depuis peu ou qu'on soit une personne d'expérience dans son syndicat.

L'ouvrage est une adaptation québécoise du guide Secrets of a Successful Organizer de Labor Notes par le conseiller syndical de la CSN, Alain Savard. Son but est d'offrir une démarche « pour planifier des actions collectives qui fonctionnent ».

Certaines des 8 leçons ou des 47 « secrets » relèvent du gros bon sens. Et c'est vrai. Pour attirer plus de personnes aux assemblées, il faut interpeler les membres sur les enjeux qui les concernent. Logique. Mais pour savoir quels sont ces enjeux, il faut leur poser des questions et surtout, les écouter plus que leur parler.

À cette fin, prendre le temps de tenir des rencontres avec chacune et chacun des membres pour connaître leurs préoccupations est primordial. Il faut aussi chercher à les impliquer le plus possible en leur demandant de poser des actions simples et ciblées, comme porter un chandail d'une couleur précise ou encore signer une pétition. L'objectif n'est pas d'atteindre 100 % de participation le premier jour des moyens de pression, mais d'inclure progressivement les gens selon leur niveau de militantisme.

Le guide est rempli d'exemples de syndicats américains, canadiens et québécois qui ont mobilisé leurs membres sur des enjeux de premier et de deuxième front. Ces illustrations permettent de voir comment il est possible pour un syndicat de se positionner comme acteur de changement, de réaliser des gains en dehors des périodes de négociation et d'augmenter la mobilisation.

Le guide recourt à la cible d'un jeu de fléchettes pour représenter la constellation des membres en cinq paliers : le noyau, les militantes et militants, les sympathisantes et sympathisants, les désengagé-es et les hostiles. Le but est d'amener peu à peu chaque personne vers le centre pour solidifier le noyau et la relève.

Le guide n'a pas la prétention de nous permettre à tout coup de gagner nos luttes. Au contraire, l'auteur le mentionne clairement : « Vous perdrez plus souvent que vous gagnerez », mais chaque échec vient avec un apprentissage pour la suite.

Pour consulter l'ouvrage, c'est ici !

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Atome 33 : Histoire d’une lutte collective contre une pollution industrielle

17 décembre 2024, par Éditions Marchialy — , ,
Rouyn-Noranda est une ville prospère de l'ouest du Québec construite autour de la fonderie de cuivre Horne. Lorsque ses habitants apprennent en 2019 que leurs enfants (…)

Rouyn-Noranda est une ville prospère de l'ouest du Québec construite autour de la fonderie de cuivre Horne. Lorsque ses habitants apprennent en 2019 que leurs enfants présentent un taux d'arsenic bien supérieur à la moyenne, ils se tournent vers la fonderie pour lui demander de réduire sa pollution invisible. Ce qu'ils ne mesurent pas alors, c'est l'immense influence de l'entreprise face à eux, qui n'est autre que le géant mondial des matières premières : Glencore.

Grégoire Osoha a suivi l'action collective de ces citoyens déterminés et retrace l'histoire de la fonderie et de la multinationale. Il tente ainsi de comprendre pourquoi il est si difficile d'obtenir gain de cause quand bien même la santé est impactée et pointe les dérives d'un système qui semble prêt à tout au nom du profit.

Lire un extrait.

Grégoire Osoha a travaillé plusieurs années pour Amnesty International France, il est aujourd'hui journaliste indépendant, réalisateur de documentaires et de podcasts. Atome 33 est son deuxième livre chez Marchialy après Voyage au Liberland.

À paraître le 25 février en Europe et au Canada un peu plus tard aux Éditions Marchialy.

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Macron trahit la gauche et les écolos sur la question sahraouie

17 décembre 2024, par Omar Haddadou — , ,
La reconnaissance par Macron de la marocanité du Sahara occidentale cachait des visées vite débusquées par des spécialistes. Ouvrir le territoire sahraoui aux intérêts des (…)

La reconnaissance par Macron de la marocanité du Sahara occidentale cachait des visées vite débusquées par des spécialistes. Ouvrir le territoire sahraoui aux intérêts des Groupes français afin d'y exploiter ses gisements miniers et maritimes. Une manif ce samedi 14 janvier pour dénoncer le coup du Khanjar du Président !

De Paris, Omar HADDADOU

Indignées, Alger et la Gauche française montent au créneau, contre Macron ! De la dernière colonie en Afrique, s'élèvent les voix de la Révolution pour l'Autodétermination de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD). Epuisées par le voyage jusqu'à Paris, les Militantes sahraouies et leurs enfants, avaient conservé ce sourire rayonnant, malgré le froid, conférant à leur beauté naturelle toute la puissance enchanteresse.
A celles et ceux qui prenaient part à la mobilisation, Place de la République, ce samedi 14 janvier, elles distribuaient des dattes et des bouteilles d'eau sous un florilège de chants patriotiques en arabe, les drapeaux nationaux en agitation continue : « Saluez Révolutionnaires, saluez ! Tous (es) les Révolutionnaires ! Ô peuple révolutionnaire, nous sommes Révolutionnaires et la terre libre, est aux Sahraouis (es) ! ».

Puis la voix d'un représentant de l'Association de la Communauté sahraouie en France de retentir : « Une seule solution, arrêtez l'occupation ! ».
Mais le coup porté par le chef de l'Etat français en s'arrogeant la latitude de fouler du pied les droits du peuple sahraoui et les résolutions de l'ONU, a mis le feu aux poudres à une vraie crise diplomatique entre Paris et Alger, sur fond de levée de boucliers de la Gauche et des Ecologistes français.
Rappelons ce fait marquant de la missive adressée le 30 Juillet au roi du Maroc. Emmanuel Macron affirmait, avec aplomb, que « le présent et l'avenir du Sahara occidental s'inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ».

La déclaration de Fabien Roussel (PCF) en dit long sur les ambitions prédatrices et hégémonique d'Emmanuel Macron : « Il ouvre une crise diplomatique grave pour poursuivre le pillage de l'Afrique, dont les grandes richesses naturelles du Sahara Occidental ».

Une mise à nu étayée par la cheffe des Ecologistes, Marine Tondelier qui parle de « trahison de la position historique de la France ».

RECONNAISSANCE DE LA MAROCANITE DU SAHARA CONTRE INVESTISSEMENTS (ILLEGAUX) DANS LES TERRITOIRES OCCUPES !

Une résurrection néocolonialiste opéré par un Macron qui voit son statut de chef de l'Etat s'effriter lamentablement et ses gouvernements assignés à la queue leu leu pour remettre leur démission. La Gauche a de la matière observable sous les auspices de l'ingénu Bayrou, potentielle victime de la prochaine « secousse tellurique gouvernementale ». L'irréversibilité de la disgrâce du Président, est ponctuée par la supercherie et l'illusion cocasses de « France Afrique ».

Empoignant son bâton de pèlerin, Macron part à la conquête de zones d'influence et la promotion du protectionnisme des intérêts des entreprises françaises sur les territoires occupés du Sahara occidental.

Un espace dont le sous-sol suscite des convoitises par sa richesse considérable en minerais. De quoi éperonner les velléités hégémoniques d'Emmanuel Macron : On y relève d'importants gisements, tels que le fer, nickel, tungstène, titane, manganèse pierres précieuses, uranium, vanadium, et les très prisés : galène et bismuth pour leur importance stratégique dans l'industrie aéronautique et spatiale.

A noter aussi des filaments de grenats, rubis, saphir, topaze, béryl et tourmaline. Les tréfonds abriteraient également du pétrole à Al Ayoun et au sud-ouest. En reconnaissant la marocanité du Sahara occidental, Macron espère décrocher le Jackpot !

La mobilisation de ce samedi appelait avec force au respect des décisions de la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) et du Droit international. Elle exprimait son indignation face à l'attitude du gouvernement français qui encourage les entreprises à violer le Droit européen en investissant dans les territoires occupés du Sahara occidental. Le Président français s'est hasardé avec suffisance dans une ingérence délétère. Il cultive l'utopie que tout se décide à Paris !

Le réveil du Sahel lui a prouvé un changement de la donne.
En témoigne, le rejet catégorique par l'Indépendantistes sahraouis, le 17 octobre 2024, du projet de « partition » du Sahara occidental, soumis au Conseil de sécurité.

Le positionnement de la France témoigne - t-il de l'esprit vindicatif d'Emmanuel Macron envers Alger qui voit ses engagements diplomatiques et sa souveraineté bafoués en vertu d'un phantasme colonial atavique ? La crise diplomatique est plus que jamais consommée !
O.H

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L’Organisation Fief ; pose des pierres importantes...

17 décembre 2024, par Smith Prinvil, Francois Alfred Dieudonné Junior — , ,
L'organisation des femmes indépendantes, éduquées et féministes (FIEF) a organisée le samedi 14 décembre 2024, la première édition du Forum sur l'Inclusion et l'Autonomisation (…)

L'organisation des femmes indépendantes, éduquées et féministes (FIEF) a organisée le samedi 14 décembre 2024, la première édition du Forum sur l'Inclusion et l'Autonomisation des Femmes à l'Hôtel Kinam, Pétion-Ville.

Plusieurs personnalités « toutes de sexes féminins », étaient présentes pour intervenir à cette activité : Sinedie S.Dupuy, Christine Stephenson et sans oublier la présence de Melodie BenJamin.

D'après les propos de la Présidente de FIEF madame Yvenie Chouloute : ” être féministe ne signifie pas être en désaccord avec le genre masculin, ni un mouvement qui vise à dénigrer les hommes ". Les deux autres intervenantes ; Mme Christine et Mme Dupuy, se rangent à cet avis en y ajoutant que « le féminisme est plutôt un combat qui tend à accélérer l'égalité, le leadership et les possibilités pour les femmes et les filles. »

L'objectif de ce forum était ; d'encourager la participation active des femmes dans les secteurs-clés de l'économie, de les inciter à être plus présentes dans les sphères publiques et privées. Tout un programme a été mis en place pour favoriser la réussite de cette journée : (panels de discussion avec des expertes, des leaders d'opinion et des femmes inspirantes, projection, Ateliers interactifs, Séances de photos individuelles, réseautage, etc.)

En termes d'affluence, pour la première réalisation de cet événement qui prône l'inclusion et l'autonomisation des femmes, on peut sans hésiter parler de grande réussite, d'après la présidente, son attente est comblée et déjà, elle commence à penser à la prochaine édition qui devrait se tenir en 2025.

Crédit Photos : Youbens Cupidon et Caleb François
Rédaction : Francois Alfred Dieudonné Junior en collaboration avec Smith PRINVIL

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