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Lutter contre l’ingérence sans bafouer les droits
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Lutter contre l’ingérence sans bafouer les droits
Tim McSorley, Coordonnateur national, Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles
Une traduction par Barbara Ulrich, traductrice Des inquiétudes entourant l’ingérence étrangère continuent à faire les manchettes au Québec et à travers le Canada, suscitant l’examen approfondi, la controverse et les appels à agir aussi rapidement que possible afin de remédier à ce que les agences nationales de sécurité ont nommé de façon hyperbolique une menace existentielle pour le Canada. Il y a de toute évidence des incidences d’ingérence étrangère qui soulèvent des préoccupations urgentes. À titre d’exemple, les révélations que les membres de la communauté Sikh au Canada ont été des cibles d’harcèlement, de violence et même de meurtre par des agent-e-s du gouvernement indien et d’autres menaces transnationales de répression envers des activistes de droits de la personne et leurs familles au Canada. Cependant, ce débat a été trop caractérisé par la xénophobie, le racisme, la partisanerie politique, la surenchère ainsi que la précipitation à promulguer de nouvelles lois sévères étendues. Certaines de ces lois auront non seulement des retombées significatives sur les droits humains au Canada, y compris la liberté d’expression et d’association, mais également sur la contestation et la dissidence, la coopération et la solidarité internationale, la liberté académique et la liberté de presse. Ceci est dû en grande partie à des renseignements secrets divulgués par des sources anonymes dont l’exactitude et la source soulèvent des questions de crédibilité. Une partie de ceux-ci a été examinée par l’Enquête publique sur l’ingérence étrangère, mais, puisque le rapport final tarde à se faire connaître, la crédibilité de ces fuites reste entière. [caption id="attachment_20767" align="alignnone" width="719"]
Des droits bafoués, encore une fois
Malgré ces questions restées en suspens, la réponse du gouvernement a été presque exclusivement axée sur l’octroi de nouveaux pouvoirs aux agences de sécurité nationales et dans la création de nouvelles infractions importantes, lesquelles entraîneront une réaction excessive et une hypersécurisation. Notre travail, depuis 2022, sur les incidences des lois sur la sécurité nationale et les luttes contre le terrorisme adoptées, témoigne de l’importance des définitions précises, des décisions basées sur des données probantes et des réponses qui sont nécessaires et proportionnelles. Faire défaut d’adhérer à ces principes mine inévitablement les droits humains aussi bien que l’engagement et la participation démocratique. Ceci aura pour conséquence la marginalisation d’une diversité de communautés et d’organismes, notamment ceux des populations racisées, autochtones ou immigrantes et celles et ceux qui sont engagés dans la contestation, la dissidence et la remise en question du statu quo.Loi adoptée à toute vitesse
L’exemple le plus flagrant est l’adoption précipitée de la Loi C-70 — la Loi sur la lutte contre l’ingérence étrangère — au mois de juin 2024, qui a entériné des changements aux systèmes canadiens de justice criminelle et de sécurité nationale. Une loi d’une telle envergure aurait requis un examen approfondi. Cependant, dans la précipitation de légiférer sur les questions de l’ingérence étrangère aussi rapidement que possible, le projet de loi a été adopté par l’ensemble du processus législatif en moins de deux mois, presque du jamais vu. À cause de la brièveté surprenante consacrée à la période d’étude, plusieurs aspects de cette législation n’ont pas été soumis à un examen et, par conséquent, des champs de préoccupation n’ont pas été pris en considération. Moins de temps voulait dire que les expert-e-s et les organismes ayant des ressources limitées ont dû précipiter leur analyse du projet de loi, rendant la soumission de mémoires et d’amendements appropriés presque impossible. Même lorsque les parlementaires et les sénateurs et sénatrices ont reconnu certaines préoccupations, le refrain était que l’étude du projet de loi ne pouvait pas être retardée afin d’adopter les nouvelles règles avant une prochaine élection potentielle, ce qui pourrait arriver à tout moment sous un gouvernement minoritaire.Pouvoirs sans lien avec l’ingérence
À titre d’exemple, la Loi C-70 a changé la Loi sur le Service canadien du rensei gnement de sécurité (Loi sur le SCRS) en créant de nouveaux mandats plus facilement accessibles pour des perquisitions ponctuelles et la collecte secrète de renseignements à l’extérieur du Canada. Ces nouveaux pouvoirs doivent être approuvés par les tribunaux, mais ceci se passe à huis clos. Cela constitue une victoire pour le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) qui, depuis des années, contrevient aux lois existantes régissant les mandats, notamment en dupant les tribunaux. Des seuils élevés pour l’obtention des mandats secrets sont l’une des principales façons dont nos droits garantis par la Charte des droits et libertés sont protégés ; le projet de loi C-70 les a affaiblis. Ceci n’est qu’un des multiples changements inscrits dans la Loi sur le SCRS, lesquels ne sont reliés qu’en partie à la lutte contre l’ingérence étrangère et pourront, en réalité, s’appliquer désormais à toute démarche de collecte de renseignements ou d’enquête qu’entreprend le SCRS. Des défenseur-e-s des droits humains, des organismes de développement international et de solidarité, des politicien-ne-s, des académiques, des syndicalistes, des activistes environnementaux, des défenseur-e-s des terres autochtones, des journalistes et beaucoup d’autres parties prenantes au Canada travaillent directement avec des contreparties internationales au jour le jour. Un grand nombre de ces collègues internationaux peuvent travailler pour ou représenter des gouvernements, des entreprises d’État ou des entreprises affiliées, des fondations, des institutions académiques ou des médias, ou travaillent pour des organismes multilatéraux composés de gouvernements étrangers. Ces partenariats internationaux sont incontournables, aidant à proposer de nouvelles perspectives, faisant des avancés en recherche et en politiques, partageant le travail de Canadien-ne-s à l’international et en aidant à bâtir la coopération et la solidarité internationale.Moins de temps voulait dire que les experts et les organismes ayant des ressources limitées ont dû expédier leur analyse du projet de loi, rendant la soumission de mémoires et d’amendements appropriés presque impossible.
Des impacts négatifs sur les droits
Cependant, dans sa réponse aux allégations d’ingérence étrangère, le gouvernement fédéral a introduit des règles qui auront presque certainement un effet négatif sur la liberté d’association avec des collègues internationaux, la liberté d’expression et la capacité des Canadien-ne-s de manifester et de contester. La Loi C-70 a introduit des changements significatifs à la Loi sur la sécurité de l’information, qu’on appelle maintenant la Loi sur les ingérences étrangères et la sécurité de l’information1 (FISI). Il est alarmant de constater que la FISI prévoit des peines beaucoup plus sévères — jusqu’à l’emprisonnement à perpétuité — pour les infractions déjà prévues dans le Code criminel, notamment le harcèlement et l’intimidation, si elles sont commises sur l’ordre d’une entité étrangère, ou en collaboration ou pour son profit, ou, dans certains cas, avec un groupe terroriste2. Un autre article troublant de la FISI se lit comme suit :20.4 (1) Commet un acte criminel quiconque, sur l’ordre d’une entité étrangère ou en collaboration avec elle, a une conduite subreptice ou trompeuse en vue d’influencer un processus politique ou gouvernemental, la gouvernance scolaire, l’exercice d’un devoir en lien avec un tel processus ou une telle gouvernance ou l’exercice d’un droit démocratique au Canada.
Pour des définitions claires
Le problème, ici, n’est pas qu’elle vise à protéger les processus démocratiques, mais plutôt la façon dont elle tente de le faire. L’exemple le plus flagrant est le terme, « en collaboration avec », un terme vague qui n’est pas défini dans la législation. Il peut facilement vouloir dire, par exemple, qu’une personne qui collabore avec un individu ou un organisme qui travaille pour ou étroitement avec une entité étrangère (y compris non seulement des gouvernements, mais aussi des organismes indépendants financés par le gouvernement, ou même des organismes multilatéraux) sur des questions d’intérêt mutuel et, par la suite, lesquels s’impliquent pour changer une politique pourrait être vue en violation de la loi même si aucune influence véritable n’a été exercée par une entité étrangère. Le gouvernement dit également que de telles activités d’influence seraient illégales uniquement si clandestines. Mais, si vous n’agissez pas sous l’influence d’une entité étrangère, vous pourriez facilement croire que ce n’est pas nécessaire de divulguer votre association publiquement — donnant lieu à une violation possible de cette loi. La définition de ce qui constitue un processus politique, la gouvernance scolaire et l’exercice d’un droit démocratique est également très vague. Même si le but de cette nouvelle loi est louable, sa formulation peut être une menace de graves répercussions à la liberté d’expression, protestation et manifestation. Par exemple, prenons les campements universitaires en solidarité avec les Palestinien-ne-s et contre le génocide israélien à Gaza. Une de leurs revendications principales demandait aux administrations universitaires, lesquelles sont des institutions de gouvernance scolaire — de désinvestir des manufacturiers d’armements qui fournissent l’armée israélienne. Il s’agit de toute évidence d’une demande légitime visant à influencer une politique universitaire ; plus spécifiquement, il pourrait y avoir des appels au retrait de certains membres de conseil d’administration ou pour des étudiant-e-s à faire campagne auprès des associations étudiantes sur cette question. Cependant, il y avait des allégations non-fondées et fallacieuses que ces campements et ces campagnes étaient soit financés, soit coordonnés avec des gouvernements étrangers. Sous la Loi C-70, les forces de police et les agences de renseignement canadiennes seraient alors justifiées d’enquêter sur ces activistes, et, s’ils découvrent qu’une association dans laquelle n’importe quel individu ou organisme serait affilié avec un gouvernement étranger, ils peuvent encourir des pénalités sérieuses. La même chose pourrait s’appliquer à celles et ceux qui luttent pour de meilleures conditions de travail, pour la justice environnementale, pour les droits autochtones et autres.Surveillance accrue à prévoir
Il est important de ne pas attiser la peur, et ce n’est pas prévu que ces accusations soient imminentes d’aucune façon – mais elles sont absolument plausibles sous ces nouvelles lois. Malgré les assurances du gouvernement, nous ne savons tout simplement pas comment elles seront appliquées. Cependant, aussi longtemps que cette possibilité existe, elles peuvent mener à une surveillance accrue, aux menaces de représailles et, enfin, à un effet paralysant sur la liberté d’expression et autres droits humains. Les préoccupations entourant « en collaboration avec » s’étendent également à la nouvelle Loi sur l’influence étrangère et la transparence3 (LTR), créant un Commissaire à l’influence étrangère et à la transparence et le très attendu Registre de l’influence étrangère et de la transparence. Le nouveau registre exigera que les individus et les organismes s’inscrivent au registre si sous la direction de ou en association avec un commettant étranger : communique avec un-e titulaire de charge publique ; communique ou diffuse de l’information reliée au processus politique ou gouvernemental ; ou distribue de l’argent, des objets de valeur ou offre un service ou l’utilisation d’un lieu. L’obligation de s’enregistrer est plus étendue que le processus décrit ci-dessus, car un commettant étranger est défini plus vaguement qu’une « entité étrangère » et comprend l’engagement d’une manière beaucoup plus élargie que pour des changements de politiques. Les pénalités sont beaucoup moins sévères et incluent des options de fournir aux individus des avis avant de formuler de telles accusations. Cependant, l’obligation de s’inscrire dans un registre « d’influence étrangère » lorsque l’on agit simplement en association avec un commettant étranger soulève des préoccupations similaires. Tout groupement au Canada qui peut travailler avec un État étranger ou organisme affilié — même s’il n’agit pas au nom de cet organisme étranger — devrait inscrire publiquement qu’il agit sous « l’influence étrangère. » Ceci a soulevé des préoccupations sérieuses dans d’autres pays. Aux États-Unis, par exemple, une loi similaire d’enregistrement a mené a des enquêtes non-fondées4 d’organismes environnementaux et à l’obligation d’au moins un organisme national d’environnement réputé de s’inscrire à titre « d’agent étranger. » Nous pouvons nous attendre à des résultats semblables au Canada, paralysant la libre expression, la libre association et la capacité de travailler avec des partenaires internationaux sur des causes sociales importantes.La même chose [enquêter] pourrait s’appliquer à ceux et celles qui luttent pour de meilleures conditions de travail, pour la justice environnementale, pour les droits autochtones et autres.
La liberté d’expression sous pression
Finalement, la Loi C-70 a élargi les délits existants de sabotage sous le Code criminel pour inclure le délit d’ingérence dans une nouvelle catégorie étendue « d’infrastructure essentielle », qui comprend le transport, l’approvisionnement alimentaire, les activités gouvernementales, l’infrastructure financière, ou toute autre infrastructure prescrite par règlement. N’importe lequel de ceux-ci peut, à un moment donné, faire l’objet d’une manifestation ou subir les répercussions d’une manifestation qui pourrait perturber leurs activités. Bien que la nouvelle loi prévoie une exclusion pour les revendications, les manifestations d’un désaccord ou les protestations, cela s’applique uniquement si les individus n’ont pas l’intention de causer du tort. Cela laisse une grande marge de manœuvre d’interpréter « l’intention » de la protestation. Par exemple, les défenseur-e-s des territoires autochtones ont créé des blocus des chemins de fer et des routes dans le cadre d’actes de désobéissance civile avec le but avoué de perturber l’activité économique afin de mettre de la pression sur des responsables gouvernementaux. Sachant que cette action pourrait, théoriquement, créer du tort, il ne serait pas farfelu d’imaginer que le gouvernement pourrait utiliser une telle loi pour criminaliser ces protestations avec une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans. Il n’y a pas de doute que le public canadien pourrait mettre en question leur participation dans des activités de protestation puisque celles-ci pourraient être vues comme un crime plus sérieux de sabotage. Au cours des prochains mois, le gouvernement établira les règlements et nommera le Commissaire à la transparence en matière d’influence étrangère, ayant une incidence sur la manière dont ces lois seront interprétées et mises en œuvre. Il est essentiel que le public et les groupements de société civile demeurent vigilants et poursuivent leur pression sur le gouvernement afin de ne pas sacrifier les droits humains au nom de combattre l’ingérence étrangère.1 En ligne : https://laws-lois.justice.gc.ca/PDF/O-5.pdf 2 Ibid. 3 En ligne : https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/F-29.2/ 4 Nick Robinson, The regulation of foreign funding of nonprofits in a democracy, International Center for Not-for-Profit Law, février 2024. En ligne : https://www.icnl.org/wp-content/uploads/Regulation-of-Foreign-Funding-of-Nonprofits-Feb-2024-author-version.pdf
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Imaginer une ville des droits humains
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Imaginer une ville des droits humains
Diane Lamoureux, Professeure émérite, Université Laval, membre du comité de rédaction et membre du CA de la Ligue des droits et libertés
Il y aura des élections municipales un peu partout au Québec en 2025. Pour évaluer les propositions des candidat-e-s à cette occasion, quoi de mieux que d’imaginer ce que pourrait être une ville où les droits humains sont pris au sérieux et qui est organisée autour des principes de liberté, d’égalité et de solidarité. Dans le contexte de la crise écologique, un premier élément est la reconnaissance effective du droit à un environnement sain. Car la dégradation de l’environnement menace la possibilité même d’existence de la vie humaine sur l’ensemble de la planète et dans les villes en particulier. Plusieurs éléments peuvent contribuer à un environnement sain : la réduction de la pollution due aux transports, pas simplement en remplaçant les voitures individuelles à essence par des voitures électriques, mais en développant de meilleurs transports collectifs et en changeant l’échelle à laquelle nous vivons dans les milieux urbains ; une meilleure répartition des services et des infrastructures collectives, ce qui permet des modes de transport actif ; le développement d’un réseau de transport en commun efficace, financièrement et physiquement accessible, à l’échelle des municipalités, mais aussi entre celles-ci ; la réduction des îlots de chaleur par une meilleure répartition des espaces verts et de la canopée, par la réduction des surfaces minéralisées comme les stationnements, et par une transformation des normes de construction. Un autre aspect du droit à l’environnement sain, c’est l’accès physique et monétaire à une alimentation saine et en quantité suffisante. À cet égard, les villes doivent prévenir les déserts alimentaires. Elles peuvent cependant faire plus, en permettant la récupération alimentaire auprès des grandes surfaces, en favorisant les initiatives de partage alimentaire (par exemple, en fournissant des locaux à des cuisines collectives), en augmentant le nombre de jardins collectifs. Un deuxième élément tout aussi central, c’est la reconnaissance que le logement est un droit et non une marchandise. On est loin de cet idéal aujourd’hui si on tient compte du nombre croissant de personnes itinérantes ou sans abri, de la situation des personnes qui doivent vivre dans des logements insalubres ou mal adaptés à leurs besoins, ou encore celle des femmes qui doivent vivre dans un climat de violence conjugale faute de ressources adéquates pour se loger. Ceci implique un parc immobilier diversifié qui corresponde aux besoins réels de la population, et des quartiers qui favorisent une véritable mixité sociale. En effet, avoir une place à soi est fondamental pour pouvoir développer le sens de sa propre dignité et nouer des relations épanouissantes avec les autres. C’est aussi un élément crucial pour la participation politique et sociale. Une caractéristique fondamentale des villes par rapport à d’autres milieux de vie, c’est leur formidable pluralité. On y retrouve une diversité de classes, d’origines ethniques, de genres, de sexualités, de religions, de capacités physiques, de cultures. Plutôt que de considérer cette diversité comme une source de problèmes ou encore comme des occasions d’inégalité et de discrimination, il faut plutôt y voir un enrichissement collectif. Pour cela, il faut développer une saine curiosité pour ces différences plutôt qu’enfermer les citoyen-ne-s dans des ghettos de personnes qui se ressemblent (les algorithmes des réseaux sociaux s’en chargent un peu trop). Le rôle des parcs et des places publiques est à cet égard déterminant. Encore faut-il qu’ils soient accessibles et non privatisés par la festivalite consumériste. Ils doivent également être aménagés pour permettre aux personnes vivant avec un handicap d’en profiter. Il est aussi nécessaire de maximiser la liberté individuelle et collective. Promouvoir une différence épanouissante, c’est laisser l’espace essentiel au développement d’une identité individuelle qui n’est pas entravée par des restrictions communautaires, ou par les divers mouvements …phobes. La diversité urbaine permet d’observer des choix de vie qui ne sont pas toujours valorisés dans nos milieux d’origine. Les administrations municipales ont donc une responsabilité particulière en ce qui concerne la lutte aux divers types de discrimination et elles doivent jouer un rôle actif dans la promotion de la tolérance et de la cohabitation. Si les villes ont peu de leviers pour réduire les inégalités socioéconomiques ou ethnoraciales, elles peuvent, par leur politique d’habitation, faire en sorte qu’il n’y ait pas de ghettos. Elles peuvent également veiller à répartir les équipements collectifs comme les parcs, les lieux de pratique sportive, les équipements culturels et à les rendre accessibles physiquement et financièrement. Elles peuvent également utiliser leur statut d’employeur pour promouvoir l’accès à l’égalité en emploi. Les villes doivent également promouvoir le développement de liens concrets entre personnes différentes qui peuvent être unies par des intérêts communs comme la danse, le chant, la pratique d’un sport ou d’un hobby. Cela permet de surmonter la méfiance envers des gens différents de nous. Les villes doivent également devenir des lieux de vie démocratique où l’avenir collectif doit être façonné par celles et ceux qui y vivent. Cela va bien au-delà de l’élection périodique de représentant-e-s à un conseil municipal ou encore d’une période de questions ouverte au public lors de leurs réunions. Cela implique, au minimum, une possibilité de participation directe et effective concernant l’aménagement du territoire, les équipements collectifs et les transports publics. Cela implique également une valorisation du travail des organismes communautaires, qui ne doivent pas être perçus uniquement comme des dispensateurs de services, mais comme des acteurs d’amélioration de la participation citoyenne, et qui doivent être soutenus dans ce rôle. La sécurité ne doit pas dépendre principalement des corps policiers mais du sentiment de partage d’un espace collectif que l’on veut protéger parce que l’on s’y reconnaît et qu’il contribue à notre bien-être. Une attention particulière doit être portée à la sécurité des personnes les plus vulnérables, comme celles vivant avec un handicap physique ou mental, les personnes âgées et les enfants. Il va de soi qu’une ville qui prend au sérieux les droits humains interdit à son corps policier toute pratique de profilage social, racial ou en fonction de l’identité de genre ou de l’orientation sexuelle. Une ville des droits humains ne doit pas traquer les migrant-e-s qui n’ont pas les bons papiers. Elle doit au contraire leur permettre de vivre en toute sécurité et leur permettre d’échapper au travail esclavagisé ou aux marchands de sommeil et ainsi de contribuer pleinement au développement de la ville dans laquelle elles et ils vivent. Bref, promouvoir et développer une culture des droits humains doit dépasser le niveau de l’énonciation des principes dans une charte ( ce qui a quand même quelques avantages ). Cela implique d’être à l’affût des discriminations que pourraient induire les diverses politiques publiques dans tous les domaines. Cela entraîne également l’obligation de développer une culture antidiscriminatoire dans les diverses administrations municipales et de faire en sorte que les citoyen-ne-s dans leur diversité puissent se côtoyer et interagir dans les villes et les quartiers qui sont leur milieu de vie partagé. Cela nécessite aussi de prévoir des recours effectifs et accessibles en cas de discrimination. Certains de ces éléments sont traités de façon plus approfondie dans ce dossier. Lucie Lamarche aborde la question de l’arrimage au droit international pour aller au-delà des vœux pieux, alors que Benoît Fratte et David Robitaille analysent les pouvoirs dévolus aux villes et leur impact potentiel sur les droits humains. Diverses facettes des enjeux liés à l’itinérance sont abordées par Michel Parazelli et le Regroupement des organismes en hébergement pour les personnes migrantes. Les obstacles à la mobilité des femmes en situation de handicap sont analysés par la Table de concertation des groupes de femmes et un bref portrait de la situation sur l’accès à l’égalité à l’emploi dans les municipalités des personnes en situation de handicap est dressé par Elisabeth Dupuis. La participation citoyenne fait l’objet des réflexions d’Elsa Mondésir Villefort. Caroline Toupin traite de l’apport de l’action communautaire autonome, tandis que les Collectivités ZéN nous parlent de la nécessaire transition écologique. Bonne lecture!L’article Imaginer une ville des droits humains est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

Du naturalisme antique à l’écologie contemporaine
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Du naturalisme antique à l’écologie contemporaine
Catherine Guindon, enseignante au Cégep de Saint-Laurent
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1 Ici, l’autrice reprend les propos de Philippe Descola dans Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard,
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30 ans de lutte pour les droits et libertés à Québec
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30 ans de lutte pour les droits et libertés à Québec
Sophie Marois, membre du CA, Ligue des droits et libertés — section Québec Josyanne Proteau, coordonnatrice, Ligue des droits et libertés — section Québec

Fondation de la section de Québec
C’est en décembre 19941 qu’un groupe de citoyen-ne-s engagé-e-s dans la défense des droits de la personne fonde la section de Québec de la Ligue des droits et libertés (LDL-Qc). La section est créée sous la forme d’un organisme à part entière, mais qui demeure affilié à la LDL et qui poursuit la même mission que l’organisme national. Convaincu que les droits et libertés doivent être défendus sur tous les fronts, y compris à l’échelle locale, le groupe fondateur œuvre à la création d’une section active, spécifiquement enracinée dans la société civile de Québec. Dès ses débuts, la LDL-Qc compte sur des liens forts avec plusieurs acteurs et se mobilise autour des enjeux de justice sociale à Québec. Ce sont notamment ces liens avec les milieux syndicaux, dont ceux de l’enseignement, qui ouvriront la voie à une spécialisation de la section de Québec dans l’éducation aux droits et libertés auprès des jeunes.Démocratie municipale
L’un des premiers axes d’action de la LDL-Qc est celui de la démocratie municipale. Grâce à ses premières subventions, elle organise des événements pour encourager la participation citoyenne et la démocratie locale. En 1997-1998, des forums bimensuels à la bibliothèque Gabrielle-Roy rassemblent des résident-e-s, des journalistes et des professeur-e-s pour discuter de la démocratisation des institutions politiques. Réunissant régulièrement une centaine de personnes, ces débats publics augmentent la visibilité de l’organisme. Dans les années qui suivent, la LDL-Qc promeut activement une vision démocratique de la politique municipale, plaçant les citoyen-ne-s au cœur du pouvoir décisionnel. [caption id="attachment_20749" align="alignnone" width="542"]
Éducation aux droits
La section de Québec se distingue dès la fin des années 1990 par un fort engagement envers l’éducation aux droits, particulièrement auprès des jeunes. De grandes tournées d’éducation aux droits et libertés permettent de rencontrer des milliers d’élèves du primaire et du secondaire. Le premier sujet abordé par ces ateliers éducatifs concerne les droits des jeunes face à la police, dans un contexte où l’application d’une politique tolérance zéro par la Ville de Québec entraîne plusieurs interventions policières ciblant les jeunes. Au cours des décennies suivantes, les ateliers d’éducation aux droits se renouvellent et explorent des thématiques telles que la discrimination, le sexisme et le racisme, l’accueil des immigrant-e-s, les droits économiques et sociaux, la justice pénale et le droit à la vie privée. Certains de ces ateliers ont été retravaillés au fil du temps et sont offerts encore aujourd’hui par l’équipe d’animation de la section de Québec, dont ceux portant sur la justice pénale, le droit à la vie privée et le racisme systémique. Au début des années 2000, la LDL-Qc lance une émission de radio nommée Droits devant, sur les ondes de la radio communautaire CKRL 89,1. L’émission s’intéresse aux enjeux liés à l’état des droits tant à l’échelle locale, avec des épisodes sur le droit au logement2 et l’itinérance dans la ville de Québec, qu’à l’échelle internationale, en présentant des thématiques comme la démocratie au Congo, le développement international et les violations de droits au Tibet.Altermondialisme
Les années 2000 marquent une ouverture de la LDL-Qc aux enjeux internationaux, notamment à la suite du Sommet des Amériques et du 11 septembre 2001. En avril 2001, plusieurs membres participent à l’important mouvement d’opposition à la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) en vue de la tenue du Sommet des Amériques à Québec3. Au cours du Sommet, le comité de surveillance des libertés civiles de la LDL mène une mission d’observation indépendante et constate une imposante répression policière4, laquelle inclut des arrestations de masse et l’utilisation d’armes dangereuses contre les manifestant-e-s, causant des centaines de blessé-e-s. Cette période représente un moment important de renforcement des liens entre les organismes communautaires et les milieux militants de Québec, qui se réunissent autour de luttes altermondialistes et antimilitaristes. Dans ce contexte, la LDL-Qc prend part à de nombreuses mobilisations portant sur la solidarité internationale et les alternatives au néolibéralisme, la surveillance et la protection du droit à la vie privée, ainsi que la démilitarisation des conflits géopolitiques. En 2003, des militant-e-s de Québec participent notamment aux mobilisations historiques contre la guerre en Irak, rejoignant des manifestations à Montréal, mais aussi dans la capitale nationale5. [caption id="attachment_20754" align="alignright" width="216"]
Vivre-ensemble et antiracisme
Au cours des années 2000, la LDL-Qc intensifie ses efforts contre le racisme et pour la défense des droits des personnes migrantes. Elle prend part activement aux débats publics lors de la Commission Bouchard-Taylor (2007-2008) et milite contre les discriminations raciales dans l’accès à l’emploi. La LDL-Qc s’engage également dans les campagnes contre les propos haineux diffusés sur les ondes de certaines radios privées de Québec, surnommées radios-poubelles. Au cours des années 2010, des projets développés avec des stagiaires permettent à l’organisme d’approfondir ses connaissances sur les crimes haineux, l’extrême droite et le profilage racial à Québec. La lutte contre le racisme devient progressivement un axe transversal à la LDL-Qc. La section de Québec participe notamment aux mobilisations contre le projet de loi 21 sur la laïcité, au mouvement Black Lives Matter, à la Coordination des actions contre le racisme à Québec, aux marches de solidarité avec les personnes migrantes et aux commémorations de l’attentat au Centre culturel islamique de Québec, en plus de soutenir la création du Collectif de lutte et d’action contre le racisme (CLAR) à l’automne 2021. À compter de 2020, c’est principalement la question du profilage racial par le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) qui occupe l’organisme. La LDL-Qc s’engage dans un projet de recherche pour documenter la situation et réalise plusieurs interventions dans les médias pour dénoncer les pratiques du SPVQ.Judiciarisation et profilage
[caption id="attachment_20753" align="alignright" width="228"]
Défense du droit de manifester
La défense du droit de manifester à Québec devient un sujet d’importance pour la LDL-Qc dans le contexte des mobilisations étudiantes de 2012 et de l’adoption d’un règlement municipal obligeant les manifestant-e-s à fournir l’itinéraire de leur manifestation (article 19.2 du règlement 1091). Plusieurs groupes communautaires de Québec, dont la LDL-Qc, co-fondent alors la Coalition pour le droit de manifester, encore active à ce jour. La coalition mène une longue campagne médiatique et juridique contre l’article 19.2, qui aboutit à son abrogation en 2023, puis à son remplacement par un nouveau règlement qui continue de restreindre le droit de manifester. La coalition n’a donc pas terminé de mobiliser autour de cet enjeu ! Parallèlement, la LDL et la section de Québec entreprennent plusieurs initiatives pour promouvoir et défendre le droit de manifester, dont un forum6, des outils de vulgarisation, une campagne de valorisation des manifestations intitulée Manifester m’a permis7, et le dépôt d’une plainte collective auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) à la suite des arrestations massives lors d’une manifestation en 20128. De manière continue, une veille du droit de manifester dans la ville de Québec est assurée par la LDL-Qc, que ce soit à l’occasion du G7 en 20189 ou plus récemment, de manifestations en solidarité avec la Palestine10.Femmes d’ici et d’ailleurs égales en droits

Diversité sexuelle et de genre
En 2021, la LDL-Qc se mobilise sur la question des discriminations basées sur l’expression de genre et l’orientation sexuelle. Un projet est développé en partenariat avec le Groupe régional d’intervention sociale de Québec (GRIS-Québec) et mène à la création de capsules informatives, d’un épisode de balado et d’un lexique sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres. Ces ressources abordent les droits des personnes LQBTQIA+ ainsi que les différentes formes de discrimination auxquelles elles peuvent être confrontées, notamment dans le champ de la santé et des services sociaux. L’épisode de balado Entre droits et discriminations : diversité sexuelle et pluralité des genres, réalisé avec la radio communautaire CKIA-FM et le GRIS-Québec, est disponible sur la plateforme Spotify13. La deuxième édition du Lexique sur la diversité sexuelle et la pluralité des gen res, mise à jour avec la collaboration de Marie-Philippe Drouin, a été distribuée en plus de 1 000 exemplaires14.
Droit à la scolarisation
En 2021, des militant-e-s de Québec se rassemblent à la LDL-Qc pour agir face à l’exclusion scolaire que vivent plusieurs élèves en situation de handicap ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (HDAA). Depuis, le comité pour le droit à la scolarisation est l’un des comités les plus actifs de l’organisme. Il documente les moments de perte d’accès à l’école que vivent des élèves HDAA, mobilise les acteurs sociaux, parents et militant-e-s et travaille à la construction d’un discours et d’outils de vulgarisation sur ce sujet. Ses membres sont très actif-ve-s dans l’espace public et multiplient les conférences, articles et lettres ouvertes afin de visibiliser cet enjeu et de revendiquer le respect des droits des élèves HDAA. Récemment, le comité a co-organisé un colloque à l’UQAM portant sur cette thématique, qui a permis de jeter les bases d’un réseau d’organismes, de chercheurs, de chercheuses et de militant-e-s préoccupé-e-s par cette question15.Une voix essentielle pour les droits humains à Québec
Depuis trois décennies, la section de Québec de la Ligue des droits et libertés œuvre sans relâche pour défendre et promouvoir les droits de la personne. En célébrant ce 30e anniversaire, rendons hommage à toutes celles et tous ceux qui ont contribué à cette mission essentielle. Que l’avenir soit marqué par une continuité de cette lutte collective pour une société plus juste et équitable !1 Cet article a été rédigé à partir des archives de la LDL-Qc et du rapport La Ligue des droits et libertés — Section Québec : 20 ans d’implication sociale et de protection des droits et libertés, rédigé en 2014 à l’occasion du 20e anniversaire de l’organisme par Pier-Luc Castonguay et Charles-Alex 2 Émissions Droits devant, CKRL 1, Québec, 2004 à 2007. 3 Archives photos et une analyse du Sommet : Pierre Bourdieu, Le Sommet des peuples de Québec, Inter, 80, 14–15, 2001. En ligne : https://www.erudit.org/fr/revues/inter/2001-n80-inter1113746/46060ac.pdf 4 Rapport du comité de surveillance des libertés En ligne : https://liguedesdroitsqc.org/wp-content/uploads/2016/04/rap-2001-06-14-sommet_des_ameriques-1.pdf 5 Vingt ans après l’invasion de l’Irak, que reste-t-il du mouvement antiguerre ?, Radio-Canada, 16 mars 2023. En ligne : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1963674/manifestation-guerre-quebec-irak 6 Extraits du En ligne : https://liguedesdroitsqc.org/forum-droit-de-manifester/ 7 Capsules de la campagne Manifester m’a En ligne : http://liguedesdroitsqc.org/manifester-ma-permis/?fbclid=IwY2xjawF3keJleHRuA2FlbQIxMAABHay-UhDeRaTeL3aNQXuq oysi0t0Gl9DekfBhE-emgWorhgPYchLjhHu6Gw_aem_zMBla055SdKo7tsvmr_fUQ 8 Arrêtés pour un carré rouge, Le Devoir, 4 juillet En ligne : https://www.ledevoir.com/societe/444238/profilage-politique-contre-les-carres-rouges? 9 Ligue des droits et libertés, Manifester sous intimidation – Rapport de mission d’observation du G7, 2018. En ligne : https://liguedesdroits.ca/manifester-intimidation-rapport-de-mission-dobservation-g7/ 10 Ligue des droits et libertés - section Québec, Communiqué – Démantèlement d’un campement étudiant à l’UL : La LDL-Qc dénonce la répression du droit de manifester, 2024. En ligne : https://liguedesdroitsqc.org/communique-demantelement-dun-campement-etudiant-a-lul-la-ldl-qc-denonce-la-repression-du-droit-de-manifester/ 11 Projet balado La part de nous qui est restée à la frontière. En ligne : https://open.spotify.com/show/5rUuXUYkaMY6ROOij7qu1f 12 Empêcher les demandeurs d’asile de bénéficier des services de garde est indigne du Québec, Le Soleil, 4 mars En ligne : https://www.lesoleil.com/opinions/point-de-vue/2024/03/04/empecher-les-demandeurs-dasile-de-beneficier-des-services-de-garde-est-indigne-du-quebec- UZETT2Q3A5HVZAA4JRZYRJVABM/ 13 Ligue des droits et libertés - section Québec, Entre droits et discriminations: diversité sexuelle et pluralité des genres, En ligne : https://open.spotify.com/episode/38ZXLYCmMbj7ILCIwOZU93?si=V_qA4ch0Qh-AdUX_B9Je-w 14 Ligue des droits et libertés - section Québec, Lexique sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres, 2e édition, Québec, En ligne : http://liguedesdroitsqc.org/wp-content/uploads/2022/10/Lexique-2e-Ed.pdf 15 Le colloque À l’école de l’abandon : droits et bris de droits des élèves HDAA en situation de déscolarisation » a lieu lors de l’édition 2024 du Congrès des sciences humaines, tenu à l’Université du Québec à Montréal.
L’article 30 ans de lutte pour les droits et libertés à Québec est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.
Indignation à Oaxaca devant l’appropriation culturelle et la gentrification
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La problématique des prisons pour femmes
Débat sur la monnaie québécoise
Interdire les prières de rue : pas au nom de la laïcité
Lettre—« Assez c’est assez, SAAQ, entendez mon cri »

Presse-toi à gauche prend une pause

À toutes nos lectrices et tous nos lecteurs, voici le temps de prendre une pause salutaire et réparatrice en cette fin d'année. Nous serons de retour le 21 janvier prochain. D'ici là, l'équipe de PTAG vous souhaite du repos, des rencontres intéressantes et des découvertes enrichissantes. Nous nous souhaitons aussi de faire le plein d'énergie pour relever les défis que la droite et la classe dominante nous fera à la rentrée. Nous ferons les mises à jour quotidiennes de la section "Communiqués" comme à l'habitude, question de rester en contact avec le monde.
Vous pouvez dans cet intervalle réfléchir à une éventuelle implication dans le travail de publier un média comme PTAG. Faire un don, rédiger une chronique ou une nouvelle, faire un reportage vidéo ou une entrevue avec quelqu'un qui marque les luttes dans votre milieu sont autant de façons de participer à cette entreprise. Pour rester en contact, vous pouvez aussi vous inscrire à la lettre hebdomadaire si ce n'est pas déjà fait.
Encore une fois, nous vous souhaitons une excellente fin d'année et nous nous retrouverons en 2025 pour renforcer la solidarité avec la Palestine, l'Ukraine et le Soudan, entre autres, et pour soutenir les luttes contre la droite et ses extrêmes, ainsi que contre les offensives patronales qui se profilent à l'horizon. Nous nous engageons à faire connaître les analyses des défis qui nous attendent et les réponses à y apporter.
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La 4e Fête des semences de La Pocatière : une célébration sous le thème Cultivez le Patrimoine
Michel Seymour : pourquoi la gauche devrait s’intéresser au nationalisme ?
Prendre parole : Extraits d’une réflexion sur Transformer le silence en paroles et en actes d’Audre Lorde
Voix juives indépendantes se tient aux côtés du peuple syrien
tiré du site VJI
https://www.ijvcanada.org/fr/voix-juives-independantes-se-tient-aux-cotes-du-peuple-syrien/
12 Décembre 2024 IJV Canada
Après la chute soudaine et inattendue du régime d'Assad en Syrie, nous nous trouvons à un carrefour pour la justice et la libération dans toute la région. Nous avons assisté à la libération massive de prisonniers politiques, à la réunion de familles avec leurs proches longtemps détenus dans des conditions horribles, et à des rues inondées de syrien.ne.s de retour chez eux après des années d'exil forcé. L'effondrement du régime d'Assad ouvre la voie à de nouvelles possibilités, mais il nous rappelle aussi les dangers qui nous guettent.
Israël a lancé une invasion du plateau du Golan afin d'étendre son occupation illégale à de nouveaux territoires et mène une campagne de bombardements à travers le pays destinée à détruire les moyens de défense de la Syrie. Selon Al-Jazeera, « Israël a attaqué la Syrie plus de 400 fois et, malgré les objections des Nations Unies, a lancé une incursion militaire dans la zone tampon qui sépare les deux pays depuis 1974 ». La colonisation continue et croissante du Golan syrien par Israël et sa campagne génocidaire à Gaza font partie d'un système de domination plus large qui étouffe la région.
Pourtant, les images du peuple syrien se libérant de la prison effroyable et terrorisante de Sednaya nous rappellent que la libération n'est pas seulement un rêve, c'est une nécessité. Ceux qui cherchent à exploiter ce moment, que ce soit pour asseoir l'influence occidentale dans la région, consolider le pouvoir sectaire ou renforcer l'occupation sioniste, ne peuvent pas être laissés dérailler les aspirations des syrien.ne.s ordinaires à un avenir libéré de la tyrannie.
De la Syrie à la Palestine, en passant par le Liban et au-delà, ce moment exige que nous réimaginions un avenir de libération collective, enraciné dans la justice et le démantèlement de toutes les formes d'oppression. En cette période de grand espoir et d'incertitude, nous nous tenons aux côtés du peuple syrien dans l'espoir qu'il puisse se construire un avenir dans la liberté.
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La conquête de la Palestine (extrait) – Rachad Antonius
Archives Révolutionnaires : Nous avons le plaisir de reproduire ici la conclusion de l’ouvrage La conquête de la Palestine du sociologue Rachad Antonius venant de paraître chez Écosociété (2024). Sous-titré De Balfour à Gaza, une guerre de cent ans, le livre remonte à l’origine de la fondation de l’État hébreu – né d’une « triple illégalité » – et revient sur la centralité du rapport colonial dans la compréhension du conflit qui sévit en Palestine. Par ce regard historique sobre et informé, Antonius donne l’heure juste en repartant des racines du génocide en cours. Sa raison profonde est l’appropriation territoriale de la Palestine.
CONCLUSION
Une des dernières guerres coloniales
Extraits de La Conquête de la Palestine. De Balfour à Gaza, une guerre de cent ans. Écosociété, 2024
– Rachad Antonius
Dans la première partie de cet ouvrage, nous avons raconté l’histoire de la conquête de la Palestine, qui a commencé comme un projet de « foyer national » pour les Juifs sur la terre de Palestine. Le sentiment de constituer un peuple reste la prérogative des premiers concernés. C’est le fait de vouloir réaliser les ambitions nationales de ce peuple sur une terre déjà habitée par un autre peuple qui est à la racine du conflit actuel.
Dans une première phase, les conditions concrètes préparant la création du futur État israélien ont été patiemment mises en place avec le parrainage de la Grande-Bretagne, face à une société palestinienne incapable de s’y opposer de façon efficace. Dans une deuxième phase, le projet a été poursuivi par la guerre et l’occupation, entraînant ce qui était inévitable : l’épuration ethnique de la Palestine, pour faire place aux nouveaux venus qui ne voulaient pas s’intégrer à la société existante, mais souhaitaient créer leur propre État et leur propre identité nationale. La troisième phase a été celle de la consolidation d’un système de dépossession des habitants autochtones et de l’intensification de la conquête de la Palestine sous couvert de processus de paix.
Devant la Cour internationale de justice, la juriste de renommée mondiale Me Monique Chemillier-Gendreau a souligné en ces termes la triple illégalité du contrôle israélien sur le territoire palestinien :
Il résulte de ces constats, comme votre Cour ne manquera pas de le confirmer, que l’occupation par Israël du territoire palestinien est frappée d’une triple illégalité. Elle est illégale à sa source pour être en infraction à l’interdiction de l’emploi de la force. Elle est illégale par les moyens déployés, lesquels sont constitutifs de violations systématiques du droit humanitaire et des droits de l’Homme. Elle est illégale par son objectif, celui-ci étant de procéder à l’annexion des territoires palestiniens, privant ainsi le peuple de Palestine de son droit fondamental à disposer de lui-même[1].
La troisième phase de la stratégie israélienne, celle du processus diplomatique d’Oslo, a été absolument cruciale pour la légitimation de cette entreprise de conquête sous couvert de processus de paix. C’est ce qui a permis aux puissances occidentales d’appuyer l’occupation par tous les moyens possibles (économiques, diplomatiques, militaires), tout en prétendant mettre en place un processus dit « de paix » dans lequel il n’a jamais été question d’appliquer intégralement la Résolution 242 adoptée en 1967. Rappelons que celle-ci exigeait d’Israël un retrait complet de ce qui restait de la Palestine, soit 22 % seulement du territoire sous Mandat britannique.
Se déroulant hors du cadre de l’ONU, le processus d’Oslo a autorisé Israël à violer encore plus ouvertement la Résolution 242, tout en la reconnaissant sur papier. Cela a permis à l’État hébreu de consolider sa présence dans les territoires occupés et d’en faire un atout dans les rondes successives de négociations. Le mécanisme pour le faire a été de fragmenter le territoire de la Cisjordanie en trois zones (A, B et C), Israël ayant les mains libres dans la zone C qui comprend 60 % de la Cisjordanie.
Pour les Palestiniens, l’acceptation de la Résolution 242 était déjà le résultat d’un énorme compromis. Car si elle demandait le retrait d’Israël des territoires occupés depuis 1967, elle supposait du même coup la reconnaissance d’Israël par les Palestiniens sur les 78 % du territoire dont ceux-ci avaient été chassés. Les Israéliens et les Américains ont donc fait comme si les 78 % appartenaient d’office à Israël et qu’on commençait une toute nouvelle négociation dont l’objet était les 22 % restants, sur lesquels les Palestiniens se devaient d’être « raisonnables » et de faire de nouveaux compromis – comme si les compromis déjà consentis n’existaient pas. Les pressions sur la partie la plus faible sont plus faciles à exercer dans le cadre de négociations bilatérales que dans le cadre d’une conférence internationale sous l’égide de l’ONU, dans laquelle le droit international reste la référence ultime pour contrer les effets du rapport de force brut.
Sur le terrain, l’interpénétration des zones occupées par les colons juifs et de celles habitées par les Palestiniens était désormais telle qu’il aurait été difficile de séparer géographiquement les deux communautés. À défaut de pouvoir expulser encore plus de Palestiniens, la solution d’Israël a été de permettre aux Palestiniens de vivre dans un territoire sous contrôle israélien et d’y maintenir un système d’apartheid en bonne et due forme, afin de ne pas altérer le caractère juif de l’État par l’inclusion de trop de non-Juifs comme citoyens ayant des droits égaux.
Pour établir un minimum de justice, l’alternative à ce système d’apartheid aurait consisté à envisager la création d’un seul État démocratique, au grand dam des forces israéliennes pro-occupation. Une variante de l’État unique et démocratique aurait pu être une confédération binationale comprenant deux composantes, l’une juive et l’autre arabe non juive. Cette dernière option reçoit cependant encore trop peu d’appuis pour être considérée sérieusement dans les tractations diplomatiques internationales, même si elle est discutée dans plusieurs milieux associatifs[2].
On peut considérer l’occupation des territoires occupés (Gaza et la Cisjordanie, incluant Jérusalem-Est) comme une des dernières guerres coloniales. Israël continue de construire des logements destinés exclusivement aux Juifs en plein cœur de la Cisjordanie occupée et des centaines de colonies juives de peuplement, reliées entre elles par un circuit de routes interdites aux Palestiniens, sont installées illégalement sur les terres qui leur ont été confisquées. Même l’ancien président américain Jimmy Carter avait fini par voir qu’il s’agissait d’une forme d’apartheid, intitulant son dernier livre Palestine : la paix, pas l’apartheid[3]. Il faut croire que les élites politiques en poste dans les pays occidentaux ne sont pas encore arrivées à ce degré de discernement.
Revenir à l’histoire
Ce voyage que nous avons fait dans l’histoire nous a permis d’en faire un autre, cette fois dans le dédale des arguments et contre-arguments autour la question palestinienne. Car c’est l’ensemble des événements survenus depuis le début du XXe siècle qui permet de donner du sens au comportement actuel des acteurs politiques, à la stratégie de la puissance occupante et aux moyens de résistance des victimes. La prise en compte de ce contexte historique, trop souvent oublié ou alors déformé, permet d’interpréter les événements actuels autrement que dans le cadre du discours dominant et d’attribuer une autre signification aux catastrophes politiques et humanitaires qui se déroulent sous nos yeux. Cela entraîne généralement un positionnement différent de celui des gouvernements occidentaux.
Revenir à l’histoire, donc. Mais on pourrait arguer que, tant qu’à revenir à l’histoire, pourquoi ne pas prendre le temps long comme référence ? Qu’en est-il du sentiment des Juifs que cette terre leur appartient, puisqu’ils estiment que c’était celle de leurs ancêtres il y a deux mille ans ? Ce sentiment d’une majorité de Juifs n’est dénué de fondement. Mais quel est son statut dans l’approche historique du conflit et dans le positionnement que des tierces parties peuvent adopter face aux enjeux politiques et éthiques qui en découlent ? Constitue-t-il une justification pour que les habitants contemporains de la Palestine soient expulsés de leurs maisons au profit d’immigrants européens ? Nous croyons que non. L’histoire ancienne peut servir de facteur explicatif. Mais s’y replonger nous permet de voir comment celle-ci a été manipulée pour mobiliser des volontés politiques.
L’historien israélien Shlomo Sand a montré, à l’aide d’un vaste répertoire de méthodes de recherches historiques, qu’il était impossible que la majorité des Juifs contemporains soient les descendants des Juifs qui vivaient en Palestine il y a vingt siècles. Que des conversions au judaïsme de groupes entiers ont eu lieu à divers moments de l’histoire, qui font que l’argument de l’héritage historique de la terre ne tient plus. Et même si c’était vrai, on pourrait néanmoins reconnaître aux humains vivant aujourd’hui des droits qui ne peuvent être supprimés au nom de la distribution géographique des groupes ethnoculturels d’il y a deux mille ans. On peut montrer qu’il n’y a aucune continuité entre les forces politiques qui étaient existantes alors et celles qui existent aujourd’hui.
Par contre, la continuité entre ce qui s’est passé au début du XXe siècle et ce qui se passe maintenant est facilement vérifiable. Ce sont les mêmes regroupements humains, les mêmes institutions, les mêmes stratégies à long terme qui sont opérantes. Les vainqueurs d’aujourd’hui sont les descendants directs de ceux qui se sont alliés à la Grande-Bretagne autour de la Première Guerre mondiale et qui ont graduellement pris le contrôle de la Palestine. Et les victimes d’aujourd’hui sont les descendants directs des groupes exclus par le Mandat britannique, puis expulsés de leurs foyers en 1948.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et pour éviter que le jeu des rapports de pouvoir bruts n’entraîne des violences et des destructions encore plus graves que celles qui avaient résulté des deux grandes guerres mondiales, les grandes puissances ont établi les principes devant servir de garde-fous dans les relations internationales. Le droit international a déterminé ce qu’il est permis de faire et ce qui est interdit dans les conflits politiques. Même si cela n’a pas empêché des guerres sauvages et des génocides de se produire, ces principes de droit international ont eu un effet modérateur sur les violences permises, tant de façon dissuasive que de façon punitive.
Mais pas en ce qui concerne Israël. Nous avons montré que non seulement ses politiques dans les territoires occupés violent les principes du droit international, mais qu’elles ont aussi été directement appuyées par les grandes puissances par divers moyens diplomatiques, politiques et économiques. Depuis les accords d’Oslo de 1993, les politiques de prise de contrôle du territoire de la Palestine se poursuivent sous couvert d’un processus de paix interminable qui tourne à vide. Comme si la poursuite du processus était une fin en soi, sans égard à ses résultats.
Trahir ses propres principes
La relation étroite qui s’est établie et consolidée au fil des ans entre le projet sioniste et la politique occidentale est complexe, mais on peut voir aujourd’hui certaines de ses conséquences. Qui a instrumentalisé l’autre ? Est-ce les puissances coloniales, avec la Grande-Bretagne en première ligne, qui ont poussé les sionistes à occuper la Palestine au début du XXe siècle pour servir leurs intérêts stratégiques et pour tenter, du même coup, de se débarasser des Juifs européens ? Ou bien est-ce les sionistes qui ont poussé la Grande-Bretagne à les appuyer, contre le courant britannique qui préférait maintenir de bons liens avec les Arabes ? Et dans les cinquante dernières années, est-ce les AIPAC (American Israeli Public Affairs Committees) qui ont réussi à influencer les élites américaines, vulnérables à leurs pressions, pour qu’elles appuient les politiques israéliennes ? Ou au contraire, est-ce que ces élites américaines utilisent Israël pour réaliser leur stratégie au Moyen-Orient, en comptant sur un agent local sur qui on pourrait rejeter la responsabilité en cas d’excès ou de dérapages ?
Quoi qu’il en soit, on peut dire que le mouvement sioniste n’a pu préparer la conquête de la Palestine que grâce à la collaboration étroite de la Grande-Bretagne et de la Ligue des Nations ; qu’Israël n’a pu être établi que grâce à l’appui indéfectible des puissances occidentales durant la période 1947-1949 ; que la mainmise d’Israël sur la Cisjordanie n’a pu se renforcer que grâce au jeu cynique auquel se sont prêtées les puissances occidentales, en faisant passer le processus diplomatique des accords d’Oslo pour un processus « de paix ». Et finalement, que le massacre commencé en octobre 2023 à la suite de l’attaque du Hamas n’a pu se poursuivre pendant des mois qu’à cause de deux mensonges répétés ad nauseam par les élites occidentales, à savoir qu’Israël est en situation de légitime défense et que s’il y a tant de civils qui meurent, c’est la faute du Hamas qui les utilise comme boucliers humains, et non pas la faute de ceux qui larguent les bombes.
Pour qu’une telle situation soit possible, il a fallu que ces puissances occidentales, essentiellement le noyau dur de l’OTAN, trahissent leurs propres principes et que leurs médias contribuent activement à construire des représentations falsifiées de ce qui se passe sur le terrain. Ainsi, l’objectif de défendre les actions de l’occupant israélien à tout prix ont entraîné la violation de principes éthiques fondamentaux et l’anéantissement de la capacité des grands médias à jouer un rôle d’information et de critique du discours officiel.
Un monstre à l’image du passé colonial de l’Occident
Ces événements vont à contre-courant d’une tendance historique lourde, celle de la décolonisation. Il ne s’agit pas de nier le passé colonial de nombreuses sociétés occidentales, mais de prendre acte des changements en cours. Alors que la tendance est à la remise en question des rapports coloniaux, à la reconnaissance des torts passés, à la réparation et à la réconciliation, la politique des pays occidentaux envers le Moyen-Orient, et en particulier envers la Palestine, est carrément une politique coloniale.
La violence coloniale que nous observons en ce XXIe siècle est digne des politiques mises en œuvre au XIXe. Les discours des membres les plus puissants du gouvernement israélien expriment une haine décomplexée de l’« Arabe » ou du « Palestinien », accompagnée d’un discours qui réduit ces derniers à des non-humains et qui cherche à justifier leur annihilation. Israël apparaît alors comme un monstre dont la défense nécessite que soient minées les valeurs autour desquelles un nouvel ordre mondial tente, plutôt mal d’ailleurs, de se recentrer. Le massacre opéré par Israël est justifié par des députés et des ministres canadiens qui s’identifient totalement au projet d’appropriation de la Palestine. Le conflit au Proche-Orient n’est plus une affaire étrangère pour les puissances occidentales : c’est devenu une affaire de politique intérieure.
L’Occident a engendré un monstre à son image coloniale… mais avec 150 ans de retard. Les politiques qui avaient au cours au XIXe siècle dans les colonies, et qui ont comporté elles aussi des génocides, ont été mises à l’ordre du jour en Palestine. Au sein des élites, le lobby pro-occupation israélienne a gangréné les systèmes politiques[4]. Ce monstre ronge l’Occident de l’intérieur car il l’oblige, pour l’appuyer, à tricher tant sur la vérité historique que sur les grands principes de droit qui guident supposément ses politiques.
Un double gouffre
Dans ce processus, un double gouffre s’est créé: entre les pays du Nord et ceux du Sud, d’abord, mais aussi entre les élites des pays occidentaux et les secteurs les plus engagés de leurs sociétés civiles.
C’est le diplomate français Dominique de Villepin qui a attiré l’attention sur le premier gouffre, dans ses nombreuses interventions médiatiques dès le début du conflit en octobre 2023[5]. Mais il n’est pas le seul à le voir. De nombreux commentateurs de ce Sud Global ont eux aussi vu ce gouffre s’approfondir entre les pays occidentaux et le reste du monde. La donne politique a changé: tant les gouvernements du Sud que les sociétés civiles constatent la politique du deux poids, deux mesures de l’Occident, et ils ne la tolèrent plus. C’est la crédibilité politique et morale de l’Occident tout entier qui a été remise en cause à mesure que les massacres se poursuivaient avec l’appui direct des États-Unis et de certains pays européens, et l’appui tacite des autres. Les gouvernements des pays occidentaux ne réalisent pas encore le prix qu’il y aura à payer pour leurs positions dans ce conflit.
L’autre gouffre a été rendu visible par les mobilisations sans précédent du mois d’avril 2024 sur les campus universitaires américains d’abord, puis ailleurs dans le monde. Dans des mouvements faisant penser aux protestations contre la guerre du Vietnam dans les années 1960, les sociétés civiles dans les pays occidentaux se mobilisent (timidement, pour le moment, mais cela pourrait changer) contre les politiques de leur gouvernement. La police a beau intervenir de façon musclée, les manifestants occupent ces campus universitaires et demandent la fin des collaborations scientifiques avec des institutions israéliennes, ainsi que la fin des investissements en Israël. Mais contrairement à la guerre du Vietnam, les journalistes n’ont pas encore déterré toutes les falsifications et tous les mensonges sur lesquels l’appui à Israël s’est construit au fil des ans.
Face aux impasses, quelles pistes de sortie ?
À l’heure d’écrire ces lignes, il n’est pas encore clair si le projet de provoquer une nouvelle Nakba, plus cruelle que la première, va réussir. Car l’horreur continue, et l’appui de l’Occident à Israël aussi. Le rapport de force n’est pas favorable à une solution juste. Va-t-il changer ?
Pour les Palestiniens de Gaza, il n’y a aucune solution à court terme en vue. Leur détermination à rester sur la terre, à tenir bon, se heurte à l’urgence de survivre physiquement. Ceux et celles qui peuvent partir partiront. Déjà, le nord de Gaza a été vidé, et les Israéliens et certains de leurs alliés américains font déjà des plans d’aménagement de ce territoire vidé de ses habitants[6]. S’ils obtiennent d’Israël un cessez-le-feu qui permettra aux habitants de Gaza de survivre, les gouvernements occidentaux claironneront qu’ils ont évité une catastrophe humanitaire et demanderont aux Gazaouis qui veulent retrouver leurs foyers de ne pas exagérer et d’accepter leur exil en disant merci. Comme ils l’ont fait en 1949, après le cessez-le-feu et les divers accords d’armistice. Et si les Palestiniens revendiquent le retour dans leurs foyers, on les accusera de ne pas reconnaître Israël et de vouloir le détruire…
En ignorant le droit international, Israël et ses alliés occidentaux envoient un message très fort aux Palestiniens : vous n’obtiendrez pas justice par les moyens pacifiques. Ne comptez pas sur nous pour vous aider. Toute tentative de résister militairement sera punie avec une sévérité maximale. Alors, écrasez-vous totalement si vous ne voulez pas mourir.
Il ne restera aux Palestiniens qu’à accepter leur défaite, à moins qu’ils ne finissent par réussir à changer le rapport de force de façon violente. Dans les deux cas, l’avenir ne serait pas très reluisant, car cela ferait traîner le conflit, avec ses violences et ses drames humanitaires, pour encore des décennies. Sauf si…
Sauf si les sociétés civiles dans le monde occidental arrivent à faire changer les politiques de leurs gouvernements et obtiennent de leur part un réel engagement à trouver une solution décente, c’est-à-dire une solution qui permette aux Palestiniens de vivre en paix dans un État qui a les attributs d’un État national, établi sur l’ensemble des territoires présentement occupés. Sauf si les peuples du Sud mettent tout leur poids dans la balance pour que la donne change de façon radicale. Sauf si les protestations contre Netanyahou en Israël s’étendent aux politiques d’occupation dans leur ensemble, afin d’établir une paix véritable avec les Palestiniens. Sauf si les mouvements juifs antisionistes à travers le monde parviennent à faire valoir l’éthique du judaïsme et à convaincre les communautés juives de la diaspora que la politique israélienne n’est pas dans leur intérêt. Seules ces conditions, peu probables dans l’immédiat, mais possibles à moyen terme, permettront d’en arriver à une solution décente et d’éviter des catastrophes encore plus coûteuses tant pour les Palestiniens que pour les Israéliens.
Notes
[1] La triple illégalité de l’occupation israélienne du territoire palestinien, plaidoirie de Monique Chemillier-Gendreau, Cour internationale de justice, La Haye, le 26 février 2024.
[2] Cette solution est examinée en détail par Ghada Karmi dans « Israël-Palestine, la solution: un État », Paris, La Fabrique, 2022. Elle est aussi activement étudiée par le biais de simulations impliquant des personnalités publiques israliennes et palestiniennes, effectuées par l’organisation Israeli Palestinian Confederation(<ipconfederation.org/>), fondée par Joseph Avesar.
[3] Jimmy Carter, Palestine : la paix, pas l’apartheid, Paris, Éditions de l’Archipel, 2007.
[4] Rappelons ici les analyses de Mearsheimer et Walt mentionnées précédemment.
[5] Voir par exemple son entrevue avec Apolline de Malherbe sur les ondes de BFMTV le 27 octobre 2023. dailymotion.com/video/x8p4tqk
[6] Patrick Wintour, « Jared Kushner says Gaza’s « waterfront property could be very valuable » », The Guardian, 19 mars 2024.
Un piquet de solidarité paralyse un dépôt de Postes Canada en C.-B.
Un piquet de solidarité paralyse un dépôt de Postes Canada en C.-B.

L’avenir du Centre justice et foi : entre tristesse et sentiment de gâchis

À l'approche des fêtes, l'équipe de la revue Relations avait pour habitude d'inviter ses lecteurs et ses lectrices à offrir un abonnement-cadeau. Elle proposait des promotions spéciales pour les inciter à le faire et organisait des tirages de livres ou d'œuvres d'art créés par des auteurs, des autrices ou des artistes proches de la revue. Code promo : Noël.
Élisabeth Garant, ex-directrice du Centre justice et foi (CJF) ;
Jacques Grenier, Deirdre Meintel et Jean-Claude Ravet, chercheur·es-associé·es au CJF ;
Denise Couture et Louis Rousseau, représentant·es du comité de rédaction de Relations ;
Chedly Belkhodja, Mélanie Ederer, André Jacob et Neal Santamaria, représentant·es du comité d'orientation du secteur Vivre ensemble du CJF.
Ce ne sera pas le cas cette année. La revue Relations est suspendue depuis mars 2024, comme on le sait, de même que l'ensemble des activités du Centre justice et foi (CJF) qui la publiait. Depuis des mois, alors que le débat public est saturé de discours et de décisions politiques ciblant les personnes migrantes et fragilisant leurs droits, nous ressentons aussi la mise au silence du secteur Vivre ensemble du CJF comme une perte immense. Nous trouvons difficilement ailleurs la même qualité d'analyse pour soutenir et mobiliser notre engagement. Et nous ne comprenons pas que les quelques membres restants du conseil d'administration (CA) du CJF ne manifestent aucun intérêt pour ce volet de réflexion qui avait pourtant été jugé prioritaire dès la fondation du CJF, il y a 40 ans, grâce à un discernement qui s'est révélé d'une grande justesse.
Ce manque d'intérêt est clairement ressorti lors de deux rencontres qui se sont déroulées dans la semaine du 25 novembre dernier, alors que le CA se décidait finalement à convoquer les employé·es qu'il avait mis·es à pied temporairement, les chercheur·es associé·es du Centre ainsi que les membres du comité de rédaction de Relations et du comité d'orientation du secteur Vivre ensemble, qui demandaient pourtant à être entendu·es depuis des mois.
Un lien d'emploi rompu
Le hic, c'est que ces rencontres se sont tenues seulement après que le lien d'emploi avec le personnel mis à pied soit officiellement rompu ! En effet, une entente confidentielle a été conclue récemment avec chacun·e. Ayant perdu confiance dans le CA et dans les jésuites en autorité pour relancer le centre social pour lequel les membres du personnel avaient donné le meilleur de leurs compétences, chacun·e s'est résolu·e à négocier, avec tristesse, une entente confidentielle ayant pour conséquence de mettre fin au lien d'emploi.
Le CA « consultait » donc ses ex-employé·es ; certain·es sont allé·es leur parler une dernière fois. Il n'y a plus d'équipe. Toute l'expertise au cœur de la renommée de Relations et du CJF des dernières années est perdue. S'il y a une relance un jour, ce sera sans elle. Et avec quelle direction ? La question se pose, puisque tel que mentionné dans une lettre ouverte publiée en septembre[1] <https://soutenonslesemployesducjf.o...> , il a été confirmé que la nouvelle directrice, Isabelle Lemelin, quitte ses fonctions. Le CA a aussi perdu plusieurs de ses membres au fil de cette crise.
Malgré cette situation aberrante, où les personnes employées et collaboratrices, tenues à l'écart depuis huit mois, étaient appelées à donner leur avis sur un plan de relance préparé sans elles, nous avons été nombreux et nombreuses à tenter de profiter de cette invitation pour pouvoir enfin avoir une discussion franche avec le CA.
Disons que tant sur les raisons qui ont conduit à tout ce gâchis que sur les options qui s'offraient pourtant aux responsables du Centre pour éviter pareille crise, nous ne nous entendrons jamais. Et bien sûr, personne d'entre nous n'a participé à ces rencontres pour donner son avis sur l'ébauche de plan de relance présentée – nous avons d'ailleurs exigé qu'il ne soit jamais prétendu que nous avons été consulté·es à ce sujet. Le fait est que personne ne conçoit comment on peut décemment présenter un plan si maigre, en ayant pris de surcroît autant de temps, sans avoir impliqué aucune des personnes détenant l'expertise sur Relations et sur le CJF dans le processus de réflexion. Passons outre sur la consultation-bidon faite par courriel en juin dernier, que plusieurs ont boycotté ou utilisé pour décrier la situation.
Relancer ? Peut-être, mais sous de nouveaux noms
C'est sans ménagement qu'on nous a confirmé que nous ne faisions pas partie de l'avenir et que le comité de rédaction de Relations serait aboli, de même que le secteur Vivre ensemble. Le CA du CJF et les Jésuites du Canada dévoileront leur plan quand bon leur semblera, mais ces informations faisaient déjà partie de la rumeur et il est clair pour nous que ledit plan ne respecte pas la mission de la revue Relations et du CJF. Nous avons donc insisté sur la nécessité qu'ils prennent leur temps et relancent éventuellement ce qu'ils veulent, mais en ayant la décence de ne plus utiliser les noms de Centre justice et foi et de revue Relations pour leur nouveau projet. L'injustice causée au CJF, à Relations et au personnel forme un lit de cendres sur lequel il n'est tout simplement plus possible de rebâtir un projet ayant la justice sociale, le discernement, la pensée critique, l'ouverture à l'Autre et une spiritualité engagée au cœur de sa mission.
[1] <https://soutenonslesemployesducjf.o...> Lire Catherine Caron et 20 cosignataires, « Cap sur 10 mois d'arrêt au Centre justice et foi et à « Relations » ? <https://www.ledevoir.com/opinion/id...> », Le Devoir, 25 septembre 2024.
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La MRC de Rimouski-Neigette et son Plan Climat : entre ambition et opportunité manquée
L’État s’attaque aux travailleurs, disent des postiers lors d’une manifestation
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Battre l’extrême-droite

Résumé :
Nous en sommes là : avec une extrême droite aux portes du pouvoir et qui a failli l'emporter. Qui gagnera si on n'engage pas tous les moyens pour l'empêcher. Or cette extrême droite est féroce : elle n'a rien abandonné de son racisme ni de sa violence, malgré ses tentatives pour se respectabiliser.
Ludivine Bantigny
Editions du Croquant (08/10/2024)
Ce livre examine son programme et ses stratégies, la machine médiatique qui lui sert de marchepied et le pouvoir en place qui ne cesse de la favoriser en imitant son projet. Mais l'analyse ne suffit pas : battre l'extrême droite exige non seulement de comprendre ce qu'elle est, avec ses mensonges, ses faux-semblants et ses mesures de régression sociale, mais aussi de proposer une alternative véritable, qui aide à se fédérer.
D'urgence : remettre la honte au racisme, miser sur la solidarité et considérer nos vies à égale dignité.
Ludivine Bantigny est historienne. Elle a publié de nombreux livres d'histoire sociale et politique parmi lesquels :
• La France à l'heure du monde (Seuil), 1968.
• De grands soirs en petits matins (Seuil),
• Révolution (Anamosa),
• La Commune au présent. Une correspondance par-delà le temps (La Découverte)
• et Une histoire globale des révolutions avec Quentin Deluermoz, Boris Gobille, Laurent Jeanpierre et Eugénia Palieraki (La Découverte).
Ainsi que des essais :
• Face à la menace fasciste avec Ugo Palheta (Textuel),
• L'ensauvagement du capital (Seuil),
• Que faire ? Stratégies d'hier et d'aujourd'hui pour une vraie démocratie (10/18).
POURQUOI NOS MILLIARDAIRES CHOISISSENT LE FASCISME | LUDIVINE BANTIGNY, MARLÈNE BENQUET
6 décembre 2024 | tiré du journal Le media
https://lemediatv.fr
Le 21 avril 2002, l'irruption de Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle après cinq années de gouvernement Jospin jetait une grande partie du pays dans la stupeur et l'indignation. Les scores électoraux de l'extrême-droite n'ont pas cessé de monter depuis, et, 22 ans après, cette dernière est au pouvoir en France dans une large mesure. Depuis la réélection d'Emmanuel Macron en 2022, son influence pèse plus que jamais sur les politiques mises en oeuvre, à tel point qu'on peut désormais parler de « macrolepénisme ». Grâce à la dissolution décidée par le Président en juin 2024, elle tient près d'un quart des sièges à l'Assemblée nationale. Le gouvernement Barnier n'a pu se constituer qu'avec son accord, en intégrant un ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau, connu pour des déclarations racistes, et la chute toute récente de ce gouvernement est due à la défection du RN. Les idées de l'extrême-droite tendent à dominer le débat politique et la perspective de sa victoire à la prochaine présidentielle hante les esprits.
Comment en est-on arrivé là ?
Pour ce nouveau numéro d'« On s'autorise à penser », #JulienThéry reçoit l'historienne #LudivineBantigny et la sociologue #MarlèneBenquet, autrices de publications récentes à ce sujet. Dans Battre l'extrême-droite, L. Bantigny souligne la place de premier plan prise par les média dans la fascisation générale. De son côté, dans une contribution à un volume publié par l'Institut La Boétie, Extrême-droite : la résistible ascension (direction Ugo Palheta), M. Benquet analyse une évolution décisive du capitalisme ces deux dernières décennies : alors que le patronat soutenait traditionnellement la droite libérale, la « seconde financiarisation » a porté les détenteurs du capital à promouvoir désormais des extrémistes fascisants susceptibles de favoriser mieux encore leurs intérêts.
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Déni d’humanité

Claude Calame dénonce le caractère violent, voir criminel des politiques migratoires occidentales.
https://solidarites.ch/journal/430-2/pacte-europeen-migration-asile-loi-darmanin-deni-d-humanite/
L'acception du Pacte européen sur la migration et l'asile et le passage en force de la « Loi Darmanin » en France représentent deux nouveaux exemples du caractère violent, voir criminel des politiques migratoires occidentales.
Depuis 2014 plus de 20 000 personnes contraintes à l'exil et cherchant un refuge dans l'Union européenne ont perdu la vie, en particulier en Méditerranée centrale et au large des Canaries, mais aussi dans la Manche ou sur la « route des Balkans ». Ce véritable crime contre l'humanité a été dénoncé à plusieurs occasions, notamment devant la Cour pénale internationale. La cause de ces milliers de mort·es souvent anonymes ? La fermeture toujours plus répressive des frontières de l'Union européenne aux personnes ne détenant pas de visa d'entrée.
Or, cette politique de rejet discriminatoire de toute personne condamnée à l'exil vient d'être consacrée par l'acceptation, par le Parlement de l'UE, du Pacte européen sur la migration et l'asile. De fait, ce pacte ne fait que confirmer la politique conduite à cet égard par l'UE, inscrite dans les accords de Dublin III : externalisation des frontières (Turquie, Libye, Tunisie, Maroc et même le Niger), dissuasion à l'entrée dans l'UE, sélection entre demandeur·euses d'asile et « migrants » (au masculin !) condamnés à l'exclusion, rétention administrative (mineurs inclus) et politique des retours forcés. S'y ajoutent les limitations à la libre circulation au sein de l'espace Schengen. Le nouveau texte se caractérise en particulier par la multiplication des dispositifs d'enfermement, de tri et de refoulement aux frontières européennes. En contraste, la migration de la main-d'œuvre est favorisée, mais en tenant compte des différents niveaux de compétences requis.
La France se barricade
De ce point de vue, au sein de l'UE, la France est désormais confrontée au passage forcé de la « loi Darmanin », du nom du Ministre de l'intérieur. Annoncée dès le début du second quinquennat d'Emmanuel Macron, elle obéit aux mêmes principes. Avec l'objectif significatif de « contrôler l'immigration et améliorer l'intégration », elle vient de passer en force grâce à l'appui de député·es du Rassemblement National.
Le texte de loi prévoit notamment, à l'égard des étranger·ères au statut précaire, un durcissement de l'accès aux prestations sociales, dont les allocations familiales et les aides aux logements ; des restrictions au regroupement familial et au droit du sol ; des obstacles financiers à l'accueil des étudiantes et étudiants extra-communautaires ; une exécution systématique des OQTF (obligation de quitter le territoire français) assorties d'IRTF (interdiction de retour sur le territoire français) ; la facilitation des expulsions pour les étranger·ères délinquant·es ; des titres de séjour soumis au respect des « principes républicains » et des permis à durée limitée, réservés aux « métiers en tension ». Désormais la répression et le rejet priment largement sur un accueil qui reste sélectif, subordonné qu'il est non seulement aux exigences économiques du pays, mais aussi à l'idéologie dominante de la « préférence nationale ».
L'occident coupable
Mais pourquoi ces migrations sous la contrainte ? Pourquoi ces personnes forcées à l'exil qui, en majorité, émigrent d'ailleurs dans les pays limitrophes à leur région d'origine ? Pourquoi ces choix délibérés de l'exil en raison d'une situation de précarité qui exerce sur les individus et leurs familles des pressions d'ordre matériel, moral, psychique, social, politique, sinon culturel ?
On l'a dit à plusieurs reprises, au titre des causes des migrations forcées il y a tout d'abord les faits de guerre. Mais les actrices et les acteurs des migrations forcées sont avant tout les victimes des énormes inégalités, économiques, sociales et désormais environnementales, entraînées par le grand mouvement de la libéralisation mondialisée des échanges économiques engagée aux États-Unis et en Europe occidentale dans les années 80.
C'est un mouvement globalisant dans lequel désormais Russie et Chine sont incluses. Il exige une croissance économique mesurée en termes de gains financiers par le fait d'une production asservie aux règles de la concurrence et du libre-marché, dans la recherche de la maximisation capitaliste des profits.
Fondé sur des traités de « libre-échange » et réalisé par de puissantes entreprises multinationales soumettant à la logique managériale la plus crue l'exploitation et le commerce des ressources « naturelles » et humaines, le processus de la mondialisation économique et financière a asservi les pays les plus pauvres des Suds aux pays riches du Nord, animés par l'idéologie néolibérale, dans des rapports de domination néocoloniale.
On en connaît les conséquences pratiques : destruction de l'agriculture vivrière et déforestation pour le développement de grandes plantations soumises à l'agrobusiness ; développement urbain anarchique par l'agglomération de bidonvilles ; pollutions diverses dans l'exploitation de l'environnement ; privatisation des services publics ; destructions des cultures locales et finalement conflits et guerres à composantes néocoloniales.
C'est dire qu'en particulier les pays de l'UE, parmi lesquels la Suisse tient la vedette, sont largement responsables des causes de l'exil migratoire dont ils rejettent les victimes, les condamnant à l'exclusion, sinon à la disparition et à la mort. Les pays de l'UE sont coupables, vis-à-vis de celles et ceux qu'ils rejettent dans la catégorie discriminatoire du migrant, d'un véritable déni d'humanité.
Claude Calame
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Trump, ou comment user du droit contre la justice
Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2024 / hiver 2025
Trump, ou comment user du droit contre la justice
Édouard De Guise, Étudiant à Sciences Po Paris et militant à la Ligue des droits et libertés
Par l’agrégation de morceaux constitutionnels qui semblent inoffensifs, voire nécessaires, certains autocrates réussissent à prendre le pouvoir par le biais d’élections en instaurant des régimes illibéraux. Ils forment ce que Kim Scheppele appelle un « Frankenstate », c’est-à-dire un régime autoritaire monstrueux, constitué d’une série de dispositions légales qui semblent normales prises séparément mais qui, en s’additionnant, peuvent menacer la démocratie. À l’aune de l’élection récente de Donald Trump pour son deuxième mandat à la tête du gouvernement étasunien, plusieurs des déclarations récentes du président élu et ses nominations à divers postes gouvernementaux inquiètent sur ses intentions d’utiliser le droit pour aller à l’encontre de la justice, d’affaiblir la démocratie étatsunienne et de commettre des violations de droits par l’usage de moyens légaux.Le premier mandat
Le premier séjour de Donald Trump dans le bureau ovale a été marqué par plusieurs mesures qui ont significativement affaibli l’équilibre démocratique aux États-Unis. Au premier chef, son parti a souvent pratiqué le constitutional hardball, un terme défini par Steven Levitsky et Daniel Ziblatt dans leur ouvrage How Democracies Die. Il s’agit selon eux d’entreprendre des mesures qui respectent la lettre de la loi mais qui sont, par rapport à la culture et à la pratique constitutionnelles en place, abusives. Ainsi, le Sénat majoritairement républicain a refusé de valider la nomination de Merrick Garland à la Cour suprême des États-Unis dans la dernière année du deuxième mandat de Barack Obama. Ils n’ont cependant pas hésité à remplacer Ruth Bader Ginsburg alors que cette dernière est décédée à 45 jours de l’élection présidentielle de 2020. En jouant ainsi avec les doubles standards, les procédures et les institutions, le président Trump a réussi à nommer trois des neuf juges à la Cour suprême, portant la majorité de juges conservateurs à six contre trois. [caption id="attachment_20902" align="alignnone" width="593"]
Plusieurs analystes croient qu’il faut maintenant s’attendre à un Trump revanchard, prêt à tout pour punir celles et ceux qui ont tenté de lui barrer le chemin.
Les politiques de sa première administration ont également conduit à plusieurs bris de droits, notamment à travers des coupes dans plusieurs agences ou départements gouvernementaux. Par exemple, l’administration Trump a adopté une règle particulière, appelée gag rule, qui empêchait de facto Planned Parenthood de toucher des fonds fédéraux. Cette organisation à but non lucratif est une structure importante de l’offre de service de santé reproductive, de contraception et d’avortement aux États-Unis. En coupant ce financement, l’accès à ces services essentiels a été réduit pour une grande partie de la population étatsunienne. Ces coupes seront certainement de retour dans l’agenda politique du deuxième mandat, ce que laisse supposer la nomination du milliardaire Elon Musk à la tête d’un département de l’efficacité gouvernementale, chargé d’émonder l’État étasunien. Au cours de son premier mandat, Trump n’a pas hésité à violer plusieurs autres droits. Sur les droits des personnes incarcérées, l’agence de protection frontalière a détenu des enfants migrants après avoir forcé leur séparation de leurs parents. Sur le droit à un environnement sain, l’homme d’affaires a retiré le pays des Accords de Paris sur le climat dès ses premiers instants dans le bureau ovale. Sur les droits démocratiques, Trump a tenté de renverser le résultat de l’élection présidentielle de 2020 en sommant des officiel-le-s de l’État de Géorgie de lui trouver 11 000 votes. Les exemples sont presque infinis, mais cet article ne l’est pas.La chasse aux adversaires
Les inquiétudes n’étaient peut-être pas aussi vives en 2016 qu’elles le sont en 2024. Et pour cause : l’homme d’affaires n’avait aucune expérience politique; il n’avait pas encore de loyalistes établis dans l’appareil gouvernemental et il n’avait pas une emprise complète sur le parti républicain. Certes, ces éléments illustrent un pouvoir augmenté par rapport à sa précédente victoire électorale, mais ce n’est pas ce qui inquiète le plus. Depuis 2016, Trump a vécu plusieurs épisodes politiques et juridiques qui ont changé son attitude. Alors qu’il se présentait comme un loup solitaire, se disant prêt à drainer le marécage (drain the swamp), il n’avait pas encore expérimenté ni les limites constitutionnelles du pouvoir exécutif aux États-Unis, ni sa défaite électorale de 2020. Plusieurs analystes croient qu’il faut maintenant s’attendre à un Trump revanchard, prêt à tout pour punir celles et ceux qui ont tenté de lui barrer le chemin. À l’inverse, il faut s’attendre à ce qu’il utilise le très puissant pouvoir de pardon présidentiel pour gracier des allié-e-s. Certains juristes croient qu’il pourrait même tenter de se gracier lui-même, puisqu’il fait l’objet de plusieurs enquêtes judiciaires. Cette option demeure toutefois peu probable puisque les accusations portées à son encontre seront probablement retirées ou reportées à plus tard. Or, Trump a déjà utilisé son pouvoir de clémence envers des ami-e-s et allié-e-s lors de son premier mandat. Paul Manafort, reconnu coupable de conspiration contre les États-Unis et d’obstruction à la justice, avait notamment été gracié de cette façon. Ainsi, il faut certes s’attendre à un État de droit considérablement affaibli par l’impunité qu’il accordera à ses proches pendant son deuxième mandat.Des anciens allié-e-s inquiets
Ses anciens allié-e-s ne sont pas toutes et tous restés dans ses bonnes grâces. Certains d’entre elles et eux portent des accusations graves à son encontre, suggérant notamment qu’il pourrait adopter un comportement illibéral à l’avenir. C’est notamment le cas du Major John Kelly qui, quelque temps avant la présidentielle de 2024, affirmait croire que Trump correspondait à sa définition d’un fasciste. Exemple à l’appui : Trump aurait partagé avec lui son souhait que son personnel militaire fasse preuve de la même loyauté envers lui que les généraux d’Hitler. Il s’agit d’un trait typique chez les autocrates, qui valorisent la loyauté davantage que la compétence. L’actualité récente semble nous indiquer que le président élu tente de réaliser son rêve autocratique. Il nomme à des postes-clés de son administration des allié-e-s dont personne ne remet en cause la loyauté, mais dont plusieurs doutent des compétences et même du caractère approprié. À cet égard, Pete Hegseth et Tulsi Gabbard, respectivement présentateur de Fox News présentant un « risque de l’intérieur » aux forces armées, et ancienne représentante ayant partagé certaines opinions avec Vladimir Poutine et Bachar al-Assad, ont été désignés à la tête de la défense nationale et du renseignement. Comme pour empêcher ses subordonné-e-s de devenir des obstacles à son projet, Trump s’assure d’une loyauté totale pour renforcer son emprise sur l’appareil étatique. Au moment d’écrire ces lignes, les procédures sénatoriales de validation des nominations ne sont pas enclenchées. Or, les noms évoqués par Trump pour constituer son administration ne font pas l’unanimité dans la législature républicaine. Pour éviter d’essuyer des revers de la part de la Chambre haute, le président élu a soutenu publiquement l’idée d’une suspension du Sénat. Cela lui permettrait de faire des nominations « en vacance ». Selon Sarah Binder, politologue à l’université George Washington, une telle décision de la part du Sénat présenterait une « abdication absolue de leur pouvoir constitutionnel ».Un président intouchable
Par ces mesures, passées ou anticipées, Trump pratique un décapage démocratique du système politique étasunien. Par des moyens qui respectent le droit mais violent les plus fondamentales normes de tout régime libéral, le président élu instaure un régime de gouvernance dont il tient entièrement les rênes, soutenu par des allié-e-s qui marchent au pied. Le plus inquiétant reste toutefois la question d’immunité présidentielle accrue. Un-e président-e ne peut pas être sanctionné-e pour des actions qui respectent la lettre de la loi. Or, la Cour suprême des États-Unis a récemment jugé qu’elle ou il ne peut pas être traduit en justice non plus pour les actes illégaux qui auraient été commis « dans l’exercice de ses fonctions officielles ». La conjoncture politique étasunienne actuelle inquiète. Des violations des fondements de la démocratie, conjuguées à une culture d’impunité qui prend de la vigueur, mettent en grave danger le caractère libéral de l’État. Dans ce contexte, il faut certainement s’attendre à des violations de droits massives de la part des autorités américaines, par leur inaction, ou même par leur action, que même la géniale Constitution des États-Unis d’Amérique ne pourra prévenir.L’article Trump, ou comment user du droit contre la justice est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

Féminisme anti-impérialiste sur le continent africain

La militante de la Marche mondiale des femmes au Sénégal parle du contexte actuel des luttes des femmes dans la région.
Tiré de Entre les lignes et les mots
L'Afrique est une région qui suscite un intérêt particulier en raison de sa complexité et de son évolution. C'est un continent qui est également riche en diversité culturelle et en ressources naturelles, mais il fait face à de nombreux défis aujourd'hui. Il y a des éléments qui nous permettent de faire une analyse situationnelle. La première analyse va porter sur la croissance économique qui a connu une avancée soutenue ces dernières années, mais elle n'est pas toujours inclusive, ce qui crée aujourd'hui beaucoup d'inégalités importantes au niveau de nombreux pays africains qui font des efforts pour faire face à d'autres défis en matière de développement durable. En dehors de ça, nous avons l'insécurité et les conflits armés qui frappent notre continent.
Dans plusieurs pays, nous avons vu ce qui se passe un peu en termes d'insécurité, en termes de conflits et qui sont confrontés à des problèmes liés à l'extrémisme violent. C'est le cas du Mali, qui fait face aux violences intercommunautaires, aux trafics illicites. Ces troubles ont des conséquences humanitaires dramatiques qui entravent le développement économique de la région. Nous avons également vu l'impact du changement climatique. Surtout en Afrique de l'Ouest, on est particulièrement vulnérable aux effets du changement climatique, avec tout ce qu'il y a, comme l'érosion côtière et les inondations. Nous avons la remontée des eaux du fleuve Sénégal qui affecte beaucoup les populations, et particulièrement les femmes et les enfants.
À côté de ces phénomènes naturels, nous avons d'autres problèmes liés à la sécurité alimentaire et au déplacement des populations, qui entraînent des déficits démographiques. La région Afrique a l'une des populations les plus jeunes du monde, ce qui représente à la fois une opportunité et un défi. Il est essentiel d'investir dans l'éducation, la formation des jeunes, des enfants, afin de leur permettre de s'insérer dans la vie active.
Tous les conflits que nous vivons en Afrique aujourd'hui sont liés particulièrement au problème de démocratie et de bonne gouvernance. Au niveau de l'Afrique de l'Ouest, nous avons beaucoup de pays et des conflits qui se sont manifestés dû à des transitions démocratiques qui ont mal marché. Pour la consolidation de la démocratie et l'amélioration de la gouvernance, qui sont des défis majeurs pour la stabilité du développement, nous pouvons identifier quelques enjeux qui nous devons y travailler.
La question des violences faites aux femmes, au niveau africain, est lié aux violences sexuelles, au mariage d'enfants, au mariage forcé. Aussi l'accès à l'éducation. Il y a un problème de l'encouragement des filles à investir les matières scientifiques. Bien qu'il y ait eu des politiques dans certains États qui ont mis l'accent sur le maintien de l'accès à l'école, à l'éducation des filles, mais également le maintien des filles dans ces écoles. Ça, c'est des politiques que certains États ont amenés pour essayer un peu de corriger le décalage qui existe entre les hommes et les femmes.
L'autre enjeu, c'est l'accès aux soins de santé. Nous savons qu'en Afrique, le problème sanitaire a toujours été un problème poignant. Jusqu'à présent, l'accès à ces soins est très limité, surtout pour les femmes et pour les enfants. Nous pouvons également identifier des facteurs aggravants. Ce sont les normes socioculturelles que nous connaissons et que nous vivons chaque jour au niveau de nos sociétés. La pauvreté qui est toujours présente au niveau du continent africain. Malgré cela, nous avons noté quelques avancées quand même au niveau de certains pays avec le vote de certaines lois pour améliorer les conditions de vie ou bien améliorer les droits des femmes.
Le vote de la loi sur la parité au Sénégal est un exemple. Le vote de la loi interdisant par exemple les mutilations génitales féminines, mais aussi tout ce qui est violence faite pour femmes. Aujourd'hui, il est nécessaire de renforcer les lois que nous avons votées.
On nous dit que le Sénégal est le champion de la signature et de la ratification, mais ce qui pose un problème, c'est l'application de ces lois.
Il nous faut quand même actuellement se battre pour une application effective de ces lois, mais investir davantage à l'éducation des filles et promouvoir l'égalité des genres dans l'éducation. Aussi, promouvoir et sensibiliser l'opinion publique sur les enjeux de l'égalité entre les sexes pour jouer sur les mentalités.
Les féministes contre l'impérialisme
Le féminisme et l'anti-impérialisme sont deux mouvements sociaux qui se sont souvent croisés et renforcés mutuellement, particulièrement en Afrique.
Les femmes africaines ont été toujours à l'avant des luttes internationales et même nationales, comme le cas du Sénégal, mais continuent également de jouer un rôle crucial dans les résistances contemporaines aux formes néocoloniales d'exploitation.
Pour parler de ces aspects historiques, nous allons aborder la lutte anti-coloniale, car nous savons que de nombreuses femmes africaines ont participé activement aux mouvements de libération nationale. Elles ont combattu aux côtés des hommes, organisé des résistances locales, mais aussi dénoncé les violences subies par les populations colonisées. Je vais prendre l'exemple de ces braves dames qui ont été à l'avant-garde de tous ces mouvements que nous avons aujourd'hui au niveau africain et de nos pays. Ces femmes ont rapidement compris qu'elles subissaient une double oppression, celle liée non seulement au genre, mais celle liée à la colonisation.
Ces femmes se sont battues, ont porté le flambeau de la lutte du féminisme en Afrique. Les femmes africaines continuent de lutter contre les conséquences du néocolonialisme et du néolibéralisme qui renforcent les inégalités de genre et les systèmes patriarcaux avec les violences basées sur le genre. C'est sont autant de fléaux qui persistent et qui sont souvent liés à des systèmes de domination hérités de la colonisation. La lutte pour l'accès à la terre des femmes, c'est une question qui touche non seulement les violences faites aux femmes, mais également la souveraineté alimentaire.
Il faudrait qu'on commence aujourd'hui à penser décolonial. C'est un constat vraiment intellectuel, qui vise à déconstruire tout ce qui est héritage de la colonisation et repenser les rapports de pouvoir entre le nord et le sud, entre l'Occident et le reste du monde. Les féminismes africains ont développé certaines analyses féministes qui leur permettent aujourd'hui de déconstruire tout ce qui est représentation occidentale. Il y a beaucoup de réseaux de femmes qui se créent pour renforcer un peu les luttes africaines, mais il y a également une forte mobilisation internationale qui se crée au niveau des mouvements féministes et qui enrichit les débats sur la justice sociale et sur l'intersectionnalité.
Le Sénégal a réellement une histoire très riche en matière d'organisation féminine, mais de plus en matière de lutte féministe. Ces réseaux étaient souvent centrés autour d'activités économiques, culturelles et religieuses. Après l'indépendance, les mouvements féministes sénégalais, avec l'événement des intellectuels africains, ayant fréquenté l'école coloniale, se sont concentrés de manière très volontaire sur l'accès à l'éducation, à la santé, et à l'emploi.
À côté de ce mouvement féministe, nous avons aussi le mouvement féministe islamique, qui a permis aujourd'hui aux femmes non seulement de revoir leur religion, leurs textes religieux, mais également d'interpréter elles-mêmes les textes religieux que les hommes avaient produits, avec une autre interprétation de ces textes. Tout ça nous a permis vraiment de mener à bien le combat pour lutter contre tout ce qui est mariage d'enfants, tout ce qui est inégalité économique, tout ce qui impacte le changement climatique sur les femmes, mais pareillement de lutter contre le néolibéralisme et les ajustements structurels qui ont vraiment impacté la vie et l'avancement des femmes.
Ndeye Fatou Sarr
Ndeye Fatou Sarr est membre de la Marche mondiale des femmes au Sénégal.
https://capiremov.org/fr/analyse/feminisme-anti-imperialiste-sur-le-continent-africain/
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Irénée Régnauld & Arnaud Saint-Martin : Une histoire de la conquête spatiale

Irénée Régnauld nous rejoins en solo pour parler d'une histoire de la conquête spatiale.
Construction d'un désir d'espace, recherche d'un superman ou, au minimum, d'un gendre idéal, spacewashing d'ex-nazis, leur livre est un panorama à 360° de la conquête de l'espace.
Le livre
(https://lafabrique.fr/une-histoire-de...)
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7 oct. 2024 | tiré du blogue des auteurs
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Action symbolique au Royalmount pour dénoncer un symbole d’obscénité et lancer un appel urgent pour une justice fiscale

Montréal, le 14 décembre 2024 – Alors que la frénésie des achats des Fêtes bat son plein, Attac Québec se mobilise aujourd'hui au Royalmount pour dénoncer un symbole indécent d'inégalités sociales et interpeller nos élus sur l'urgence d'établir une justice fiscale.
Galerie de photos libres de droits disponible au lien suivant :
https://flic.kr/s/aHBqjBVaGV <https://flic.kr/s/aHBqjBVaGV>
Sous le slogan trompeur de « luxe inclusif », Royalmount prétend offrir une expérience accessible à tous. Mais peut-on parler d'inclusivité lorsqu'il s'agit d'un espace dédié aux marques de prestige, hors de portée pour la majorité des Québécois-es ? Derrière cette façade publicitaire se cache une réalité criante : celle d'un Québec qui investit dans le faste et l'opulence pour une élite, tout en négligeant les besoins fondamentaux des personnes plus démunies.
Alors que l'on érige un temple au consumérisme et au luxe ostentatoire, les campements de sans-abris – et leur démantèlement – se multiplient, témoignant d'une crise du logement qui s'intensifie et n'épargne que les plus privilégiés. Pendant que le propriétaire de Royalmount voit sa fortune de milliardaire doubler, les fonds nécessaires à la construction de logements sociaux restent désespérément insuffisants. Où est la volonté politique de faire contribuer équitablement les plus riches afin de financer des projets qui répondent aux besoins du bien commun ?
Royalmount n'est pas qu'un centre commercial : il est le reflet d'un système où les priorités sont dictées par une minorité privilégiée, au détriment de la majorité. « Dans un contexte d'urgence climatique et d'inégalités croissantes, ce projet ne répond à aucun des enjeux critiques de notre époque », lance Dahlia Namian, autrice de La société de provocation et appuyant l'action d'Attac Québec. Pire, il symbolise un modèle de développement incompatible avec les besoins réels de la société québécoise et son avenir. »
« Royalmount est un projet de Carbonleo, associé à L Catterton, un fond d'investissement créé par le groupe LVMH, celui de Bernard Arnault, l'un des hommes les plus riches du monde, et dont 27% des filiales se situent dans le paradis fiscaux, affirme Claude Vaillancourt, président d'Attac Québec. L'internationale des riches, c'est aussi l'internationale du je-m'en-foutisme devant la misère du monde. »
Il est temps de briser ce cycle d'indifférence et d'injustice. Attac Québec appelle les gouvernements à prendre leurs responsabilités : instaurer une fiscalité équitable en taxant davantage les plus riches et réinvestir massivement dans les services publics et les projets véritablement écologiques.
Nous refusons de normaliser l'indécence des écarts de richesse. La justice fiscale n'est pas une option ; c'est une urgence. Pour un Québec véritablement inclusif, le luxe d'une minorité ne peut plus se construire sur l'exclusion de la majorité. Choisissons dès aujourd'hui des priorités qui servent le bien commun, et non les profits des plus riches.
Source
https://quebec.attac.org/action-symbolique-au-royalmount-pour-denoncer-un-symbole-dobscenite-et-lancer-un-appel-urgent-pour-une-justice-fiscale/ <https://quebec.attac.org/action-sym...>
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Le cas de l’école Bedford : Quand L’Aut’journal (prétendument progressiste ») verse dans l’islamophobie

On sait que la question de la laïcité de l'État divise la gauche. Il y a ceux qui appuient la Loi 21 et ceux qui la dénoncent.
De façon générale, les premiers s'arriment à une forme ou l'autre de nationalisme (identitaire ou non) qui côtoie une certaine acception du « féminisme » et les seconds se revendiquent d'un Québec plus ouvert à la diversité, plus inclusif, prêt à intégrer les différentes conceptions du vivre-ensemble afin de les orienter dans le sens d'un projet de société qui dépasse les clivages et qui vise une plus grande justice sociale.
L'Aut'journal appartient sans conteste au premier groupe. A été publié, dans son édition de novembre 2024, un article signé par nul autre que le Président du Mouvement Laïque Québécois (MLQ), Daniel Baril, intitulé : « L'école Bedford et les limites de la loi 21 (Interdire toute activité religieuse à l'école) ».
On ne pourrait pas trouver de meilleur exemple d'un texte qui cumule à lui seul tous les travers de ce qu'il convient d'appeler, dans les circonstances : « Les “intégristes” de la laïcité ». À lire les propos de Daniel Baril, la religion n'est ni plus ni moins comparable à la « peste bubonique » dont il faudrait se débarrasser au plus vite tellement elle risque de contaminer tout le corps social, à commencer par nos écoles publiques, véritables pouponnières qui auraient la responsabilité de préserver nos enfants et adolescents, si purs, chastes et innocents qu'ils sont, de l'influence néfaste des convictions religieuses du corps enseignant, surtout lorsque celles-ci sont coiffées d'un foulard, signe sans équivoque d'une aliénation consentie de la part de celles qui l'arborent ostensiblement, à savoir les musulmanes voilées (pour ne pas les nommer…)
Quand on prend connaissance de propos qui affirment sans ambages que : « Le port de signe religieux a un effet conflictuel manifeste entre les enfants d'une même communauté qui ne partagent pas le même mode de vie, les mêmes valeurs ou les mêmes convictions. »1, on se croirait directement parachuter dans l'Hexagone à une Assemblée du RN de Marine Le Pen (ou pire, de Reconquête d'Éric Zemmour) où les orateurs n'ont cesse de nous faire part de l'évidence qu'il y a incompatibilité « naturelle » entre la culture occidentale (au sens où ils l'entendent, bien évidemment) et les « Autres » cultures, entendre celles issues de la tradition arabo-musulmane, pourtant tout aussi séculaires. C'est le « Choc des Civilisations », version québécoise...
Que ce soit l'épisode du mot en « N » à l'Université d'Ottawa, le concept « douteux » d'appropriation culturelle appliqué au théâtre de Robert Lepage ou le cas du prosélytisme religieux à l'École Bedford, tous ces déraillements, ces maladresses, ces exagérations biens « réels » sont du « petit lait » pour nos Don Quichotte de la laïcité. Ces dérapages (conséquences directes de la culture « woke » ou de l'idéologie « islamo-gauchiste » défendue par QS) sont, à leurs yeux, la preuve vivante que la loi 21 doit être renforcée parce qu'en vérité, un signe religieux laisse transparaître un état d'esprit « archaïque », pré-moderne, dont on doit à tous prix éviter le contact avec nos jeunes ouailles de l'école publique, non seulement pendant les heures de cours mais aussi en dehors du temps passé en classe ; autrement dit, presque tout le temps...
Il va sans dire que, pour des raisons qu'elles seules connaissent, plusieurs personnes au Québec ont la religion à travers la gorge. À tel point que, et cela est particulièrement odieux de leur part, elles vont jusqu'à prendre les enfants en otage en leur mettant dans la bouche des mots dont on peut douter qu'ils saisissent véritablement le sens. Et pour ajouter du sérieux à l'entreprise, tout en discréditant un peu plus les enseignantes qui veulent exercer leur liberté de conscience au travail, on fait peser sur le corps enseignant la lourde responsabilité d'être des « Représentants de l'État » (titre « pompeux » s'il en est un), comme si sa tâche n'était pas déjà assez ardue comme elle l'est à l'heure actuelle. Pour avoir moi-même enseigné dans le réseau « public » des Universités du Québec, je ne me souviens pas d'avoir dû prêter serment devant le fleurdelisé, la main sur le cœur, jurant d'être un digne ambassadeur de la République du Québec ! Les profs ne sont pas des diplomates expédiés dans les cours d'école pour promulguer les principes de la laïcité de l'État et prêcher la Bonne Nouvelle de la nécessaire conversion à la sécularisation généralisée de la société ; ils ont d'autres chats à fouetter…
Au fond, la « sacro-sainte » laïcité n'est qu'un prétexte pour imposer un conformisme vestimentaire, comportemental, idéologique et politique. Elle s'inscrit dans l'argumentaire identitaire de la droite populiste, apeurée par les changements « culturels » inévitables qui accompagnent les mouvements de population à l'ère de la globalisation des marchés, des échanges commerciaux à l'échelle internationale, de la mondialisation, qu'elle soit « capitaliste » ou « humaniste ». En durcissant ainsi les critères d'admissibilité et les conditions d'adaptation des nouveaux arrivants au groupe majoritaire, le Québec se prive de précieux apports venus de l'étranger, d'autant plus que le Christianisme, le Judaïsme et l'Islam ont beaucoup de choses en commun, ayant déjà cohabité à partir d'une tolérance mutuelle sans qu'il soit nécessaire à quiconque de renier ses propres convictions.
Le « conflit » est générateur de créativité, d'innovation, de « progrès ». Il est la condition de possibilité à la constitution d'une société qui « tolère » la diversité ethnoculturelle, qui appréhende les différences de culture à l'aune d'une contribution bienfaisante pour le groupe majoritaire et non comme une menace de désintégration, de dislocation, un empêchement pour l'affirmation « identitaire » de ce dernier, ce qui ne signifie pas qu'il faille passer sous silence les difficultés « réelles » et inhérentes à cette cohabitation. Le destin du Québec ne doit pas s'inscrire dans le sens d'un repli sur nos soi-disant « valeurs » mais dans celui d'une ouverture à l'Autre pour des raisons à la fois morales, humanitaires, politiques et économiques…
Mario Charland
Shawinigan
Note
1.L'Aut'journal, novembre 2024, n° 431, p.6.
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Lettre à M.Michael Sabia, président-directeur général d’Hydro-Québec (HQ)

Nous avons au Québec, au cours des 25 dernières années, à l'intérieur d'un processus souffrant d'un lourd déficit démocratique, répondu aux demandes et besoins des promoteurs privés de l'éolien et de leurs actionnaires, à très, très fort coût, en dollars et en douleurs. Au nom de la justice sociale, par équité et par respect des principes fondamentaux de la loi sur le développement durable il est maintenant temps de répondre aux besoins de la population rurale, véritable gardienne du territoire.
Objet : Acceptabilité sociale et éolien industriel en milieu habité et cultivable
Monsieur Sabia,
M.Thierry Vandal, ex-pdg d‘Hydro-Québec, a dénoncé les décrets gouvernementaux qui obligeaient HQ à acheter, au privé et à un coût prohibitif, de l'énergie éolienne dont elle n'avait pas besoin.
M.Eric Martel, ex-pdg d'Hydro-Québec, a dénoncé le projet Apuiat sur la Côte-Nord comme étant inutile et allant générer des pertes de $200 millions sur une période de 20 ans. La CAQ, alors dans l'opposition, abonde dans le même sens mais une fois au pouvoir cède devant le puissant lobby éolien et autorise le projet.
Mme Sophie Brochu, ex-pdg d'Hydro-Québec, a dénoncé le Dollarama de l'énergie et la création d'une pénurie artificielle d'énergie électrique bradée à vil prix à des firmes étrangères énergivores au détriment des entreprises québécoises.
Avec pour résultat que l'aventure éolienne encouragée par nos gouvernements successifs a assujetti notre société-mère aux aléas de politiciens non-experts n'agissant pas dans l'intérêt public. Une aventure chaotique qui, depuis le deuxième appel d'offres de 2000 MW en 2008, aura généré des pertes de plus de $9 milliards (incluant le cadeau de $2.7 milliards aux promoteurs privés pour le câblage, les sous-stations et les pylônes) et une projection de $25 milliards de pertes à terme en 2042. À cela s'ajoutent les projets éoliens de gré à gré, de la Seigneurie de Beaupré et des 5-6 ièmes appels d'offres, tous déficitaires, dont la dernière retenue au printemps 2024 de contrats pour un approvisionnement de 1550 MW d'énergie éolienne qui générera des pertes d'au moins $150 millions/année.
Mais il y a pire. Outre les surcoûts liés à la filière éolienne, la majorité des projets en milieu habité rencontrent une forte opposition créant dans les communautés une division sociale qui impacte sévèrement voisins, familles, amis, commerces, organismes, élus, agriculteurs ; tous s'affrontent dans un climat anxiogène et délétère. D'un milieu rural paisible les riverains qui se sont fait enfoncer dans la gorge un projet dont ils ne voulaient pas se retrouvent soudainement en zone industrielle, meurtris et désabusés ; ils ont perdu leur cadre de vie, leur quiétude, une partie de leur patrimoine familial, des liens sociaux indispensables et leur confiance dans le processus démocratique.
Loin de s'améliorer la situation se détériore alors que le gouvernement actuel renchérit en voulant accélérer la mise en chantier de 10,000 MW d'énergie éolienne supplémentaire qui miteraient le territoire de façon irréversible. De la frontière américaine à la Gaspésie en passant par la Montérégie, le Centre-du-Québec, la Beauce et le Bas-Saint-Laurent, une ligne continue d'éoliennes plus hautes que la place Ville-Marie est en voie de surgir au milieu de milliers de kilomètres de nouvelles lignes de transport prévues pour acheminer cette énergie. Une cicatrice indélébile dans le paysage et dans le cœur des gens. La Belle Province livrée aux gens d'affaires.
Récemment, vous avez annoncé que dorénavant Hydro-Québec serait maître d'œuvre du développement éolien et qu'un projet de 3000 MW verrait le jour dans les territoires non organisés du Moyen-Nord québécois. Vous dites vouloir, en plus de faire des économies d'échelle, rechercher « la nécessaire acceptabilité sociale » qui fait défaut ailleurs au Québec.
En ce sens :
• Étant donné l'effet cumulatif des impacts négatifs générés par les éoliennes industrielles de plus en plus imposantes et puissantes (division sociale, pollution visuelle et sonore, dévaluation marchande, risques sanitaires, etc)
• Étant donné le pacte gouvernement-promoteur-municipalité qui étend sa domination sur le citoyen en multipliant les manœuvres pour l'empêcher d'exercer son droit fondamental d'exprimer son choix sur la pertinence ou non de ces projets
Nous demandons donc à Hydro-Québec :
• De surseoir à tout nouveau projet éolien en territoire habité et cultivable sous toutes ses formes, soit par appel d'offres, de gré à gré, de type privé-public, communautaire, nationalisé ou autre.
• D'exercer son rôle de maître d'oeuvre en excluant tout intermédiaire privé dans le développement de tout nouveau projet éolien en territoire non organisé
• De revendiquer son expertise dans le secteur énergétique et de continuer à se questionner sur l'opportunité ou non de développer de nouveaux méga projets éoliens non seulement d'un point de vue économique, social et environnemental mais également dans une perspective de fiabilité et de sécurité du réseau
• De favoriser et d'encourager un débat national sur les besoins du Québec en énergie dans le cadre d'une transition énergétique qui tient compte des aspirations et des valeurs des citoyens.
Nous avons au Québec, au cours des 25 dernières années, à l'intérieur d'un processus souffrant d'un lourd déficit démocratique, répondu aux demandes et besoins des promoteurs privés de l'éolien et de leurs actionnaires, à très, très fort coût, en dollars et en douleurs. Au nom de la justice sociale, par équité et par respect des principes fondamentaux de la loi sur le développement durable il est maintenant temps de répondre aux besoins de la population rurale, véritable gardienne du territoire.
« Le territoire est habité de façon extensive ce qui ne permet pas d'éloigner suffisamment les éoliennes des routes et des habitations. » BAPE 267, Conclusion, page 110
Claude Charron, comité des riverains des éoliennes de l'Érable (CRÉÉ)
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