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Souveraineté et autonomie alimentaires menacées

Les phénomènes d'accaparement, de spéculation et de surenchère des terres et ils s'intensifient significativement depuis une quinzaine d'années. De grands investisseurs (parfois étrangers) s'approprient nos terres.
La production agricole en région nordique représente tout un défi, puisque les coûts de production y sont plus élevés et que le rendement des cultures ne peut rivaliser avec celui des régions du sud. À première vue, le terreau semble peu fertile pour la capitalisation foncière chez nous. Sachez qu'il n'en est rien. Le Québec n'y échappe pas et ces phénomènes s'accentueront dans l'avenir, notamment au Bas-Saint-Laurent. L'achat de terres par de gros exploitants locaux, des non-résident·es ou des non-agriculteur·trices peut-il fragiliser notre souveraineté et notre capacité à gagner en autonomie d'un point de vue alimentaire ?
Oui. D'après François L'Italien [1], chercheur à l'Institut de recherche en économie contemporaine, les régions visées encourent une déstructuration de leurs communautés, une augmentation des pressions financières et commerciales sur le foncier et une fragilisation générale du secteur agricole. Qu'en est-il réellement ? Comme société (et région !) qui cherche à gagner en autonomie, sommes-nous réellement sensibles à ce qui se joue devant nos yeux ?
Phénomène mondial
L'intérêt des investisseur·es pour le secteur agricole s'accroit significativement à partir de 2005, où le mouvement de fond s'accélère dans le contexte de la crise financière de 2008. Les crises socioéconomiques qui s'entrechoquent alors restructurent l'économie mondiale. Selon L'Italien, « la crise financière de 2008 a généré les conditions pour une véritable “ruée” vers les terres considérées avec raison comme une valeur refuge par les gestionnaires de fonds en temps de crise. » L'Italien nous apprend qu'en seulement cinq ans, soit de 2005 à 2010, le nombre d'hectares transigés annuellement passe de 2,8 millions à 8,3 millions… une augmentation vertigineuse de 296 % ! Même si ces transactions touchaient principalement les pays du Sud global comme des pays d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique du Sud, elles n'épargnent pas des territoires du Québec comme le Bas-Saint-Laurent, surtout en raison des changements climatiques. L'attrait des régions tempérées riches en eau ne fera qu'augmenter.
Des agriculteur·rices actif·ves sur les marchés
Dans une étude réalisée en collaboration avec le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations [2], on fait le constat que ce sont majoritairement les agriculteurs et agricultrices qui transigent sur les marchés fonciers agricoles québécois. Plus récemment, dans un ouvrage écrit par Debailleul et Mundler (2018) [3], le constat demeure le même. Au Bas-Saint-Laurent, les fermes bien établies (principalement laitières) cherchent à consolider leurs activités en prenant de l'expansion. Cette demande soutenue des exploitations agricoles pousse inévitablement les prix à la hausse, induisant une forte surenchère.
Dans un article de La Presse paru en février dernier, on fait mention des terres qui s'envolent à prix d'or. Selon le plus récent bilan de Financement agricole Canada, la hausse sur les 20 dernières années a atteint le taux stratosphérique de 474 % ! À titre d'exemple, le prix des terres situées en Montérégie, terres parmi les plus fertiles du Québec, est passé de 11 431 $ à plus de 44 460 $ l'hectare en 2023. À ce prix, les revenus tirés de ces dernières ne peuvent plus couvrir la valeur marchande ou l'emprunt nécessaire pour en faire l'acquisition : le « potentiel agronomique » est désormais dépassé ! Peu importe, les actifs de grande valeur déjà détenus par les agriculteurs agissent comme garanties… au plus fort la poche ! La situation peut sembler moins criante au Bas-Saint-Laurent en raison du coût inférieur des terres. Néanmoins, alors que le prix moyen des terres du Québec en 2022 bondissait de 10 %, celui du Bas-Saint-Laurent augmentait de 9,3 %, pour une valeur moyenne de 9 250 $ l'hectare. À ce rythme, la situation bas-laurentienne ne sera bientôt plus étrangère à celle de la Montérégie. N'oublions pas que le « potentiel agronomique » de notre région est bien inférieur à celui de plusieurs autres régions du Québec.
De nouveaux acteurs financiers non-agriculteurs
Les actifs agricoles font maintenant partie de la liste des marchés à fort potentiel de rendement. Les premières transactions documentées au Bas-Saint-Laurent datent de l'automne 2015. On y fait mention d'acquisitions dans la région du Kamouraska par le fonds d'investissement PANGEA et de possibles acquisitions dans le secteur de la Mitis. Ailleurs au Québec, en Abitibi-Témiscamingue notamment, Radio-Canada rapportait en 2019 que le taux de propriété des non-agriculteurs représentait, seulement pour cette région, plus de 14 % des terres, soit une superficie de plus de 12 000 hectares.
Qu'ils s'agissent de fonds d'investissement ou de sociétés d'acquisition, c'est l'épargne capitalisée des ménages des pays industrialisés qui est mobilisée. Que le modèle retenu par ces investisseurs soit la location (ex. PANGEA, Gestion AgriTerra inc., le FIRA), l'exploitation directe (ex. Fonds de pension des employés de la Banque Nationale) ou l'intégration (ex. Partenaires agricoles S.E.C.), l'épargne des travailleur·euses est mobilisée pour une seule raison : faire des gains en capitaux sur le long terme. Et les investisseurs étrangers dans tout ça ? On semble n'avoir que les rumeurs d'acquisitions par des groupes d'intérêts chinois à se mettre sous la dent. Croyez-le ou non, on ne collecte pas les données sur la nature des propriétaires de terres agricoles. Le registre foncier du Québec les concernant ne le prévoit pas. On semble d'avis que l'accaparement des terres agricoles par des groupes d'intérêts, locaux ou étrangers, demeure marginal pour le moment. Pour plusieurs spécialistes, nous devons plancher sur la création d'une base de données sur la propriété agricole et sur les transactions foncières agricoles avant toute autre évaluation. C'est d'ailleurs la principale recommandation issue des audiences publiques de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles (CAPERN) tenue en 2015. Est-ce utile de rappeler que nous sommes en 2023 et que cette base de données n'existe toujours pas ?
Relève menacée
Hors de contrôle, la financiarisation des actifs agricoles pourrait sérieusement compromettre notre souveraineté et notre autonomie alimentaire. On peut très bien imaginer le pire et particulièrement en l'absence de relève. Qu'elle soit apparentée (enfants ou membres plus éloigné·es de la famille) ou non, l'intérêt des plus jeunes à reprendre la gestion des exploitations agricoles n'a jamais été si bas… Allons-y avec un exemple fictif simple. Supposons que Maurice et Gisèle désirent vendre leurs terres et que ces dernières constituent leur unique fonds de pension. En l'absence de relève, ils se tournent vers le marché pour trouver un acquéreur. Parmi ces potentiels acquéreurs, il y a la ferme voisine, un fonds d'investissement privé et un couple qui désire démarrer une ferme familiale.
Vous comprendrez que le contexte agricole et économique actuel ne favorise en rien le démarrage d'une nouvelle ferme familiale de proximité. La partie se jouera entre la ferme voisine et l'investisseur privé. Cette situation entraînera sûrement une surenchère qui, au mieux, maintiendra les prix actuellement élevés ou, au pire, propulsera de nouveau les prix à la hausse. Si la ferme remporte la bataille, elle verra sa taille augmenter, éloignant toujours davantage les potentielles relèves, puisque sa valeur croissante la rendra toujours plus difficilement transférable.
Si, en revanche, les terres sont avalées par le fonds d'investissement, l'objectif premier sera de capitaliser. Dans cette optique, produire localement pour nourrir et dynamiser la communauté au risque de concéder du rendement n'est pas une option. Comme le décrit L'Italien, « la financiarisation de l'économie a généralisé le développement des pratiques spéculatives portant sur les biens dits “de base” dont font partie les produits et actifs agricoles ». Depuis 2005, les investisseurs sont à la recherche de placements dans des catégories d'actifs sûrs leur permettant d'échapper à la volatilité des marchés.
Mobilisé·es pour l'Avenir !
Notre nordicité et nos lois en matière agricole ne constituent pas des remparts absolus contre la financiarisation. C'est à ce moment, quand tout nous parait joué, que des solutions porteuses d'avenir doivent s'imposer. C'est notamment le cas de l'ambitieux projet bas-laurentien FabRégion. Mené par le Living Lab en innovation ouverte (LLio) du Cégep de Rivière-du-Loup depuis 2020, il vise à atteindre 50 % d'autonomie locale dans les secteurs de la consommation alimentaire, énergétique et de biens manufacturés d'ici 2054. Parions que les regards seront tournés vers notre région pour suivre de près cette initiative unique au Canada. Ce que nous pourrions espérer, à tout le moins, c'est le maintien d'un certain équilibre entre investisseurs privés, fermes de grande taille et fermes familiales de proximité. Le pire des scénarios serait sans conteste des terres en friches se multipliant dans tout le Québec.
Au Bas-Saint-Laurent, les terres en friche ne manquent pas. Conserver les terres en production demeure une priorité. En ce sens, une alternative prometteuse inspirée des Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER), implantées en France dans les années 1960, mérite notre attention. Les SAFER ont été créées dans le but d'acquérir des terres agricoles et de les subdiviser au bénéfice de l'agriculture familiale et ainsi faciliter l'accès à la propriété. Notez que cette politique n'interdit pas explicitement l'achat de terres par des investisseurs, mais voit à favoriser un groupe précis d'acheteur·euses, soit la relève. L'Italien et Laplante [4] proposaient en 2012 la mise en place d'une Société d'aménagement et de développement agricole du Québec (SADAC). Selon eux, la création d'une telle société constituerait une réponse institutionnelle forte pour freiner les phénomènes d'accaparement, de spéculation et de surenchère des terres tout en favorisant l'installation d'une relève.
Peu importe le modèle, rentabiliser les activités d'une ferme est un défi de taille. La fragilité financière constante et les heures de travail incalculables ont raison de plusieurs d'entre nous chaque année. Qu'il soit physique ou psychologique, l'épuisement finit souvent par éroder la passion. Le contexte socioéconomique actuel exacerbe plus que jamais cet état de fait. Alors que le rapport au travail est en pleine mutation et que l'endettement n'épargne aucun projet d'établissement, comment transmettre notre savoir-faire sans sombrer dans le pessimisme ? Et d'ailleurs, à qui le transmettre ? Le manque criant de relève n'est certainement pas étranger aux conditions du métier. Et que dire du manque généralisé de main-d'œuvre ? Alors que les changements climatiques bouleversent déjà notre capacité à s'approvisionner en denrées, l'avenir m'apparait incertain. J'ose imaginer que la mobilisation des acteur·rices du Bas-Saint-Laurent jouera un rôle déterminant. J'ose imaginer qu'ils nous sensibiliseront à l'importance de ces enjeux avant qu'il ne soit trop tard.
[1] François L'Italien, « L'accaparement des terres et les dispositifs d'intervention sur le foncier agricole. Les enjeux pour l'agriculture québécoise », Institut de recherche en économie contemporaine, 2012.
[2] Jean-Philippe Meloche et Guy Debailleul, « Acquisition des terres agricoles par des non-agriculteurs au Québec. Ampleur, causes et portée du phénomène. » CIRANO, 2013.
[3] Guy Debailleul et Patrick Mundler, 2018. « Terres agricoles : entre propriétés privées et enjeux communs. Une réflexion sur les logiques d'accaparement et de concentration des terres agricoles ». Dans Lyne Letourneau et Louis-Étienne Pigeon, L'éthique du Hamburger. Penser l'agriculture et l'alimentation au XXIe siècle. Québec, Presses de l'Université Laval, pp. 235-272.
[4] François L'Italien, Robert Laplante, La Société d'aménagement et de développement agricole du Québec : une mesure d'initiative pour renforcer la vocation et le contrôle du domaine agricole, Rapport de recherche de L'IRÉC, Institut de recherche en économie contemporaine, 2012, 59 p.
Donald Dubé est producteur et copropriétaire de la ferme maraîchère Le Vert Mouton de Saint-Valérien-de-Rimouski.
Photo : Au coin du chemin du Canada et de la route du Chômage, à Saint-Juste-du-Lac, dans le Témiscouata (Michel Dompierre).

L’économie circulaire : une transition en cours vers un modèle plus soutenable ?

L'économie circulaire permet de redéfinir notre mode de production et de consommation pour limiter l'utilisation de ressource et protéger les écosystèmes. Elle diffère de l'économie linéaire qui se caractérise par la chaîne de valeur suivante : extraire, fabriquer et éliminer. Pour une économie alternative, il s'agit de récupérer ce qui se perd comme énergie dans la production ou qui se retrouve à la fin du cycle pour le réinvestir. Au Bas-Saint-Laurent, ce modèle économique s'implante à travers de nombreuses initiatives citoyennes.
Chaque année au Québec, près de 271 millions de tonnes de ressources entrent dans les systèmes de production et de consommation, soit un niveau supérieur à la moyenne canadienne. Or, seulement 3,5 % de ces ressources sont dites « circularisées » en 2022. Pour remédier à cette situation, nous devons réduire cette consommation insoutenable des ressources. C'est pourquoi il est pertinent de s'interroger sur le sujet suivant : peut-on miser sur l'économie circulaire pour réduire notre consommation de manière viable à long terme ?
Économie circulaire et décroissance
À première vue, il serait erroné de voir l'économie circulaire comme une voie d'accès vers la décroissance. L'économie circulaire vise plutôt un découplage de la croissance économique et de la consommation grandissante de ressources naturelles. Valoriser ses matières résiduelles ou implanter des mesures d'efficacité énergétique n'empêche pas une entreprise de faire des profits ou d'être en croissance, bien au contraire.
En revanche, l'économie circulaire peut être vue comme une solution transitoire de transformation économique et sociale qui guide les acteurs économiques vers l'atteinte d'objectifs de la décroissance. L'économie circulaire introduit des concepts fondamentaux partagés par l'approche axée sur la décroissance, comme la mutualisation ou la coopération. En cela, l'économie circulaire permet aux entreprises de déroger du cadre économique dominant reposant sur l'extraction d'une ressource, la transformation et la vente de celle-ci, résultant en bout de piste par la production d'un déchet et/ou de gaz à effet de serre. Elle permet une sensibilisation des acteur·rices, les invitant à remettre en question les façons de faire dans l'ensemble du cycle économique (extraction, production, transformation, consommation, fin de vie).
Pour être réellement compatible avec la décroissance, il faut cependant que les gains d'efficacité engendrés par l'économie circulaire soient réinvestis en actifs immatériels, par exemple en temps de repos, et non en production supplémentaire. Plus concrète et socialement acceptée que la décroissance, l'économie circulaire peut donc être comprise comme une étape essentielle qui peut conduire nos sociétés vers une transformation beaucoup plus large de nos façons de vivre.
Quelques exemples au Bas-Saint-Laurent
Il existe au Bas-Saint-Laurent une forte culture axée sur la concertation, les circuits courts, la valorisation des matières et le partage de ressources. Aujourd'hui, cette mentalité s'incarne de plusieurs façons à travers des projets menés tant par la communauté bas-laurentienne que par des entreprises et OBNL de notre région.
Par exemple, le Bas-Saint-Laurent est le premier territoire canadien membre du regroupement mondial Fabcity, un large réseau de villes et de territoires autosuffisants. Nommé FabRégion Bas-Saint-Laurent, cette démarche mobilise un grand nombre d'acteur·rices, (élu·es, citoyen·nes, expert·es et institutions de recherche) dans le but d'atteindre d'ici 2054 un seuil d'autosuffisance de 50 % de nos consommations. Après un diagnostic de la situation réalisé en 2021-2023, la seconde phase 2023-2026 visera à passer à l'action en mettant en œuvre des projets d'autosuffisance territoriale dans les différents axes de travail suivants : se vêtir, se nourrir, se transporter et se loger.
On retrouve aussi une grande concertation régionale sur les plastiques agricoles (notamment les plastiques employés pour l'ensilage), puisque le Bas-Saint-Laurent se classe au troisième rang des régions utilisatrices au Québec, avec près de 1000 tonnes de plastique agricole produit annuellement. Un projet débuté en 2021, piloté par Élyme Conseils, a permis de mettre en relation l'ensemble des acteur·rices de la chaîne de valeur afin de déterminer comment réduire à la source leur utilisation par de meilleures pratiques et comment améliorer le taux de recyclage de ces matières. La situation est d'autant plus urgente à traiter que ce taux de récupération est actuellement de seulement 10 % (le reste se retrouvant à l'enfouissement ou à la valorisation énergétique) et qu'une règlementation provinciale va encadrer prochainement leur gestion et obliger l'atteinte de cibles plus ambitieuses d'ici juin 2023.
À une échelle plus locale, un projet de Synergie Matanie est en cours d'implantation à Matane pour réaliser un incubateur d'entreprises en économie circulaire dans une usine laissée à l'abandon depuis 2012, l'usine RockTenn. Ce projet implique la réhabilitation complète du site (décontamination, réhabilitation des installations et partage de l'espace) pour permettre de démarrer des entreprises et des projets innovateurs dans un environnement conçu pour générer des symbioses industrielles. Ce projet est novateur dans son concept puisqu'il envisage d'autres perspectives que la construction de nouveaux bâtiments, celle de la valorisation des « verrues urbaines » comme solutions à la crise du logement que la plupart des régions du Québec connaissent actuellement.
Enfin, on retrouve aussi des entreprises qui innovent en économie circulaire en trouvant des débouchés pour des sous-produits. C'est le cas par exemple de l'entreprise Ellipse conservation, qui revalorise des résidus d'épicerie pour les transformer en collation à partir d'un processus de lyophilisation.
Freins et perspectives d'avenir
Les initiatives foisonnent au Bas-Saint-Laurent pour mettre en place des produits et services faits par et pour la communauté dans le but de tendre vers une carboneutralité et une forte autonomie régionale. De plus en plus d'entrepreneur·euses, d'élu·es municipaux et de citoyen·nes sont conscient·es des gains économiques et sociaux que l'économie circulaire peut apporter à leur entreprise.
La croissance économique a apporté au Québec une prospérité qui profite beaucoup à de nombreuses industries. Toutefois, pour faire face aux enjeux socioéconomiques et environnementaux propres à notre époque, un changement de paradigme doit s'opérer. Il nous faut, pour reprendre la définition du développement durable de Gro Harlem Brundtland, présidente de la commission mondiale sur l'environnement et le développement, « répondre à nos besoins actuels sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Maximiser le potentiel de circularité de l'économie québécoise nous semble une avenue porteuse pour respecter un tel engagement au regard du défi important qu'il reste encore à surmonter.
Pour y arriver, il importe de faire lever les nombreux freins qui empêchent de prendre le virage vers l'économie circulaire. Ceux-ci sont souvent de nature financière ou règlementaire. Par exemple, concernant les plastiques agricoles au Bas-Saint-Laurent, la plupart des municipalités régionales de comté (MRC) et producteur·rices de la région souhaiteraient s'aligner vers des collectes porte à porte par conteneur qui permettent d'atteindre les cibles gouvernementales de manière pérenne. Or, que faire lorsque la nouvelle réglementation implantée ne tient pas compte des meilleures pratiques du secteur, de la volonté de plusieurs organisations du milieu, et rend le financement de telles initiatives plus difficiles qu'auparavant ? Il faut mobiliser les acteur·rices après coup pour faire adopter des ajustements aux règlements. D'ailleurs, un tel front commun s'est mis en place au cours des dernières semaines et des discussions en ce sens sont en cours pour obtenir gain de cause au niveau provincial. Cette situation est contre-productive et constitue une déplorable perte de temps. Et elle n'est malheureusement pas isolée ! Pour la valorisation des résidus de viande, par exemple, des initiatives technologiques existent et permettraient de réduire le volume de ces résidus de 80 %, mais ce sont des normes sanitaires qui bloquent la réalisation de projets pilotes en ce sens.
En tant qu'organisme d'accompagnement, on se demande comment soutenir les entreprises de manière pérenne alors que le financement du gouvernement est alloué au projet, et non à la mission. La transition vers une économie plus propre et durable exigera de nos gouvernements et des institutions publiques une grande proactivité et un soutien continu envers les acteurs locaux qui sont beaucoup plus disposés qu'on le pense à changer les façons de faire. Cela passera donc par une reconnaissance du travail des organismes d'accompagnement en développement durable.
Jean-Michel Coderre-Proulx, Abigaelle Dussol et Évariste Feurtey, Élyme conseils, Organisme spécialisé en développement durable basé à Rimouski
Photo : La pêcheuse de crabe Louise Lemay durant une sortie sur le crabier, un matin de printemps. Années 1990, au large de Rimouski. Au loin, on voit l'île Saint-Barnabé (Michel Dompierre).

Saint-Valérien. De la saine réintégration du politique dans le social

Contrairement à plusieurs villages ruraux, la municipalité de Saint-Valérien résiste à la dévitalisation. Chaque année, de nouveaux ménages s'y installent et les initiatives citoyennes foisonnent, appuyées par les élu·es municipaux. Si bien que des gens d'un peu partout font la route pour venir comprendre le secret des irréductibles Valérienois·es.
Mentionnons d'abord la culture d'entraide et le savoir-faire transmis de génération en génération entre les familles y travaillant la terre depuis plus de 135 ans et les nouveaux ménages venus y élire domicile plus récemment. Puis, les organismes locaux et les propriétaires d'entreprises ont toujours pris part à la vie communautaire, ce qui donne lieu à des échanges intra et intergénérationnels. Par exemple, le groupe de la Tire de tracteurs antiques supporte financièrement les activités parascolaires, parmi lesquelles des ateliers d'artisanat donnés par les dames du Cercle de Fermières. Ces dernières se réjouissent de la compagnie des jeunes, parmi lesquel·les certain·es rendront éventuellement la pareille par de menus travaux ou lors de corvées dans les champs.
Ensuite, comme en témoignent plusieurs initiatives au fil des ans, un souci de prendre soin du territoire est présent depuis longtemps. Le Cercle des jeunes naturalistes dans les années 30, la Fête des Arbres instiguée dans les années 40, l'école Saint-Rosaire inscrite comme Établissement Vert Brundtland dans les années 2000, la Fête des semences et le renouvellement de politiques de développement durable sont quelques exemples parmi d'autres de ces initiatives citoyennes qui traversent les époques.
Pouvoir envisager une vie bonne
La combinaison de la culture d'entraide à échelle humaine, de l'accès au patrimoine naturel et des engagements municipaux pour en prendre soin, ainsi que la proximité d'une ville de services comme Rimouski attirent les nouveaux ménages en quête d'une vie bonne. Une fois installés, ils trouvent rapidement des groupes et activités d'intérêt par lesquels s'ancrer. Jadis, cet ancrage se faisait en grande partie par le biais de l'église. Aujourd'hui, cela passe beaucoup par le Centre communautaire.
La conversion de l'église en centre communautaire a été un processus éprouvant, parfois tendu, qui a permis de maintenir un lieu central essentiel à la rencontre. Sa gestion étant assumée par les citoyen·nes impliqué·es dans les organismes communautaires locaux, ce lieu est devenu un commun où convergent et émergent un éventail d'activités culturelles, culinaires, nourricières, sportives, festives, éducatives, intérieures, extérieures, pour les enfants, les parents, les grands-parents et, parfois, tout cela en même temps. La liberté et la responsabilité de s'organiser permettent la création de projets qui alimentent l'appareil municipal, lequel voit une motivation à appuyer les initiatives citoyennes.
Cette dynamique entre le communautaire et le municipal, enrichie par la rencontre entre la tradition et le renouveau, permet au politique de regagner lentement mais sainement le social. Évidemment, nous ne sommes pas à l'abri des flammèches, mais le choc des idées garde la communauté bien vivante.
Photo : Les cabanes de pêche apparaissent en hiver sur la banquise du Saint-Laurent, à l'embouchure de la rivière Rimouski. Selon la température, la pêche à l'éperlan s'étend sur trois semaines ou un mois chaque année (Michel Dompierre).
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Notes de lecture (Hiver 2024)
Robert Leroux, Les deux universités, Paris, Éd. du Cerf, 2022,
Des essais de professeurs d’université annonçant gravement la mort de l’université sont publiés depuis au moins 70 ans et ce n’est pas près de s’arrêter, malgré le fait inconvenant que l’université soit toujours vivante. La crise du wokisme des dernières années a ravivé cette littérature du maquis départemental. Le sociologue de l’Université d’Ottawa Robert Leroux ajoute sa pierre à ce curieux édifice avec l’ouvrage Les deux universités. Le sous-titre nous renseigne sur le critère de démarcation : Postmodernisme, néo-féminisme, wokisme et autres doctrines contre la science. Dès l’introduction, on comprend que la lutte en est à ses derniers soubresauts, car le postmodernisme contrôle déjà l’essentiel de l’université. Ses résistants sont « de plus en plus minoritaires » (p. 12), la situation est « grave et désespérée », il n’est « pas exagéré » d’affirmer que l’université « est en ruines » (p. 14).
Le premier chapitre tente de préciser l’état des lieux. On y rencontre le « postmodernisme », jamais défini, mais appréhendé comme l’opposé de la science et de la raison. L’auteur cite des tenants de l’approche scientifique des sciences sociales comme Aron, Weber, et surtout Raymond Boudon avec qui il a déjà travaillé. Leroux invoque les intellectuels des décennies précédentes qui nous prévenaient de la mort de l’université pour appuyer ses critiques actuelles, sans considérer que leurs prédictions se sont toutes avérées fausses. Il affirme par exemple qu’on ne lit plus les « classiques », citant des références des années 1960 qui disaient la même chose, ou encore le fait que presque personne n’ose critiquer le postmodernisme, s’appuyant sur des critiques du postmodernisme de Leo Strauss et de Michael Oakeshott des années 1950.
L’élan se poursuit au second chapitre, où l’auteur s’attarde sur des sujets plus précis. La position « diversitaire », qui « se veut un rejet de la nature humaine et de la démocratie, de même qu’elle est anti-scientifique » est maintenant tellement dominante sur les campus que la majorité en est réduite au silence (p. 79). À cause de l’adoption de critères EDI (équité, diversité, inclusion), « les universités nord-américaines […] sont devenues des fourre-tout, des foutoirs, des repaires d’idéologues » (p. 90). Leroux se plaint de revues anti-scientifiques comme le Journal of Transgender Studies ou le Journal of African Studies qui ont comme point commun de ne pas exister (il y a eu brièvement un JAS dans les années 1980) (p. 90). Mais sa fougue se dirige surtout vers le personnel administratif et professoral. Les recteurs sont des profs ratés, la haute administration est constituée d’« idéologues soucieux de promouvoir l’étude de sujets à la mode afin de multiplier le nombre d’étudiants » (p. 87), le corps professoral en sciences sociales est homogène à gauche et ces profs sont incapables d’enseignement car ils n’ont pas de culture générale; bref, ce sont de futurs recteurs.
Le troisième chapitre porte sur « l’art du sophisme ». Exemple de sophisme démonté : « [L]es inégalités sont naturelles. L’idée selon laquelle le capitalisme, qui est ici considéré comme un phénomène naturel, est la source de toutes les inégalités, est donc fausse » (p. 105). Le sophisme domine le champ de la formation. Les étudiants gradués doivent « se réclamer » de Foucault et de Derrida « pour espérer obtenir un poste à l’université » (p. 109); on glisse ainsi rapidement du sophisme vers le postmodernisme, qui sera l’objet du reste du chapitre. Un professeur est ciblé : David Jaclin, chercheur sur les questions de l’« animalité » qui fait effectivement partie de la mouvance des critical studies. Leroux démolit les thèses et l’homme sur sept pages (p. 120-126), sans toutefois préciser qu’il s’agit d’un de ses collègues de département.
Au quatrième chapitre, on passe au « néo-féminisme », qui inclut les débats contemporains sur le genre. D’abord, c’est « la règle du nihilisme » (p. 138). Les idées de Judith Butler et consorts « triomphent sans partage dans nos universités » (p. 152). Leroux en a long à dire au sujet d’un numéro spécial sur le féminisme de la revue Sociologie et Sociétés en 1981, qui aurait selon lui « entaché » la réputation de la revue (p. 149). Il s’attarde également sur La domination masculine (Seuil, 1998) de Pierre Bourdieu, qu’il juge incompréhensible. À la fin, il cite le professeur américain Mike Adams, un critique du féminisme dont il apprécie l’« humour grinçant », mais qu’on aurait « forcé à prendre sa retraite » pour ses propos (p. 164-165). En fait, Adams est un personnage hautement controversé depuis longtemps. C’est un provocateur de droite populiste qui humiliait fréquemment ses propres étudiants et étudiantes sur les réseaux sociaux, et qui avait notamment comparé les mesures sanitaires pandémiques à l’esclavagisme.
Le dernier chapitre est une attaque en règle contre le wokisme, au cas où les quatre précédents n’avaient pas été assez clairs. Le mouvement woke « déteste notre monde, il souhaite non seulement le réformer, mais le détruire » (p. 193). C’est une « machine de guerre idéologique dont le but, plus ou moins explicite, est d’anéantir la raison, la logique et la vérité » (p. 195). L’auteur donne l’exemple de l’Université Princeton, où « on vient d’abolir les programmes d’études grecques et latines » (p. 194), sauf que les cours de grec et de latin sont toujours au programme, mais ils sont passés d’obligatoires à cours à option. Leroux s’en prend à l’« autochtonisation » des universités, exemplifiée entre autres par des jardins autochtones sur plusieurs campus, « preuve supplémentaire que les mauvaises idées, gangrenées par le politiquement correct, se répandent aussi rapidement qu’un microbe » (p. 202). Pour Leroux toutefois, le phénomène woke n’est pas nouveau; il perçoit une continuité des premières manifestations du postmodernisme jusqu’à aujourd’hui. Ce point le distingue de la plupart des anti-wokes, mais c’est bien le seul.
En effet, l’ouvrage est tout à fait conforme au genre anti-woke défilant constamment dans nos librairies. Il cite de nombreux ouvrages, mais quasiment jamais de sources primaires « wokes ». L’aspect le plus surprenant de l’ouvrage est peut-être ses 49 références à une obscure revue américaine, Academic Questions. Après recherche, il s’agit de la revue maison de la National Association of Scholars, un pastiche de droite populiste de la très officielle National Academy of Sciences. Contrairement à la seconde, la première a pour objectif de fournir aux médias des « experts » dans les débats courants qui vont présenter des positions climatosceptiques, antiavortement, anti-vaccin, etc.
Le mouvement anti-woke est un univers parallèle qui a atteint l’autonomie parfaite : un système de think tanks, de publications et d’experts qui peuvent désormais entièrement se citer les uns les autres pour prouver l’existence de cet univers. L’hégémonie woke à l’université n’existe pas, point. Voilà une vérité empirique plate, mais comment est-il possible qu’autant de professeurs se trompent ? Comment peut-on critiquer la vision farfelue du monde académique véhiculée dans Les deux universités, alors que ses thèses sont appuyées littéralement par des centaines de références qui disent la même chose ? Mais ces références sont rarement académiques. Les maisons d’édition universitaires et les revues savantes sérieuses ne s’intéressent pas à ce genre de truc. L’institution du savoir a malgré tout ses mécanismes de défense…
Par Learry Gagné, philosophe et chercheur indépendant
Catherine Dorion, Les têtes brûlées. Carnets d’espoir punk, Montréal, Lux, 2023
Plusieurs avaient hâte de lire le nouveau livre de cette « égérie sulfureuse de la gauche déjantée et féministe[1] ». Pour le souffre, on repassera. Mais pour le reste, l’égérie, la gauche, le féminisme et le caractère déjanté (devenu punk entretemps), tous les ingrédients sont là.
Les carnets sont structurés de façon chronologique, nous invitant à revivre le parcours politique de cette députée de Québec solidaire (QS), Catherine Dorion, depuis le Sommet des Amériques en 2001 jusqu’à ses adieux définitifs à la vie parlementaire en 2022. L’essai se subdivise en quatre sections principales, chacune insistant davantage sur une thématique précise, mais sans s’interdire la possibilité de réfléchir au-delà du thème prédominant. Le traitement des différents enjeux abordés adopte tantôt le mode du témoignage, tantôt un ton plus intellectuel, mobilisant alors des autrices et des auteurs reconnus dans leur discipline respective : sociologie, anthropologie, philosophie, etc.
La première section, la plus volumineuse, porte surtout sur la relation complexe et contradictoire que la députée artiste entretient avec l’univers médiatique. Elle nous offre ici l’une des démonstrations les plus fécondes de l’ouvrage, celle qui analyse la rationalité propre à la bulle médiatique dans laquelle est enfermée la colline Parlementaire. Cette bulle impose ses règles aux élu·e·s et au personnel politique, si bien qu’elle crée un univers désincarné, indépendant et autosuffisant. Même la députation solidaire doit se soumettre aux règles impitoyables de cette bulle, au risque d’y sacrifier sa créativité et son action politique émancipatrice.
On ne pourra pas dire qu’avant octobre 2018, Mme Dorion n’avait prévenu personne de ce qu’elle s’apprêtait à faire et du style qui serait le sien, advenant une victoire électorale de Québec solidaire dans la circonscription de Taschereau. Les carnets illustrent bien dans quelle mesure la citoyenne et militante a su miser sur son originalité et son talent artistique pour communiquer son message politique et soutenir les mobilisations autour de différentes causes, dont sa propre élection. Qu’à cela ne tienne, l’industrie médiatique montera en épingle la moindre fantaisie vestimentaire ou déclaration décapante de la jeune députée. Au point où celle-ci se met vite à dos la haute direction du parti, qui ne tolère pas d’être médiatiquement reléguée au second plan et qui estime que les écarts de Dorion lui volent la vedette.
La critique des médias est très détaillée et comprend une grande variété de dimensions. Les quelques pages dédiées à l’animateur André Arthur sont édifiantes. Elles montrent à quel point la vie de l’autrice, dès l’enfance, est marquée au fer rouge par certains dérapages radiophoniques, comme ceux dont le roi Arthur avait fait sa spécialité. L’hypertrophie du « commentariat », aux dépens de la recherche fouillée et rigoureuse de l’information, est également attaquée, ainsi que l’hégémonie des multinationales du numérique, qui non seulement aggravent la crise des médias, mais concentrent le capital, standardisent l’information et abrutissent les individus.
Peu à peu, on plonge dans la seconde thématique centrale de ce livre, l’aliénation par le travail et, plus globalement, par le désir de performance dans une société définie comme productiviste. La députée Dorion décrit avec brio le processus par lequel elle perd progressivement la souveraineté sur sa propre existence. Le caractère chronophage de la fonction de député est ciblé bien sûr, mais aussi le rythme effréné découlant de son désir d’être à la hauteur des attentes de tout le monde : ses concitoyens et concitoyennes, son caucus, le personnel parlementaire, ses ami·e·s et sa famille.
Elle déplore non seulement cette accélération frénétique typique de notre ère, mais aussi la perte de sens qui accompagne trop souvent une grande part des tâches professionnelles qu’elle doit accomplir. La joute partisane à l’Assemblée nationale l’inspire peu, y compris le travail en commission parlementaire, qui devrait pourtant être l’occasion de montrer publiquement la plus-value qu’un parti comme QS peut apporter au débat public et au processus législatif. À sa décharge, reconnaissons que notre parlement provincial (comme le fédéral d’ailleurs) est resté une institution conservatrice, engluée dans un régime britannique conçu d’abord pour préserver les intérêts des classes dominantes. Certaines des caractéristiques vieillottes du Salon bleu sont d’ailleurs mises en évidence dans ce livre, comme la dichotomie entre code vestimentaire strict pour les hommes et absence totale d’un tel code pour les femmes − l’arrivée de celles-ci à l’Assemblée nationale n’ayant pas été prévue, semble-t-il.
En définitive, l’addition de toutes ces aliénations, celles découlant du traitement médiatique, du travail parlementaire et de la discipline de parti, aura raison de la santé de Mme Dorion : santé physique d’abord, mais plus durablement, santé mentale. Ce dernier sujet s’avère être un fil conducteur du livre, permettant d’apprécier la gravité des défis que l’autrice a dû affronter. On pourrait même parler d’épreuves, notamment lorsqu’on découvre certains épisodes clés de sa vie familiale.
Inversement, et heureusement, le travail de circonscription a été stimulant et profitable. L’association locale de la circonscription de Taschereau est dépeinte comme très dynamique et semble avoir connu une existence riche et trépidante. La députée décrit entre autres comment elle et son équipe ont fait du « local de circo » une ruche pouvant accomplir une variété de mandats, allant du soutien aux luttes à l’animation sociopolitique et intellectuelle.
L’avant-dernière dernière section propose une critique du fonctionnement de l’appareil parlementaire de QS, ayant lui aussi sa propre rationalité − plus ou moins partagée par Dorion − et dont l’immense pouvoir peut compromettre le caractère démocratique du parti lui-même. La personnalité de Gabriel Nadeau-Dubois est au cœur de l’insatisfaction exprimée par la députée solidaire; sa manière d’assumer la fonction de co-porte-parole jouerait un rôle de premier plan dans la critique exprimée. On a envie de demander à l’autrice si le jour où il n’occupera plus ce poste, QS redeviendra à ses yeux un parti sain et attrayant.
Elle répond indirectement à cette question en invoquant la loi d’airain de l’oligarchie formulée par le politologue Robert Michels (p. 279), qui s’applique à QS comme aux autres formations. Dorion dénonce l’émergence d’une puissante bureaucratie qui présiderait aux destinées du courant solidaire. Au bout du compte, on s’interroge : cette loi implique-t-elle de jeter le bébé avec l’eau du bain ? Quelle action politique de gauche faut-il mettre de l’avant ? La forme parti demeure-t-elle pertinente ou doit-on au contraire miser sur autre chose que l’action partisane ? Quel bilan faire de l’évolution des forces de gauche au Québec ces 20 dernières années ? Quelles sont les perspectives pour les mouvements sociaux à la recherche d’une action politique émancipatrice ? Devraient-ils intégrer l’équation électorale à leur travail et si oui, comment ? Ces questions sont grosso modo esquivées.
Un autre angle mort de ce livre est la perspective de l’indépendance du Québec, pourtant le centre de gravité de l’engagement politique de Catherine Dorion. Celle-ci revient brièvement sur la création d’Option nationale (ON), début officiel de sa trajectoire de politicienne, avec sa candidature pour ON en 2012 dans Taschereau. La fusion d’ON et de QS est présentée comme une étape positive, mais est à peine effleurée. Quel bilan en faire aujourd’hui ? Et plus largement, le projet d’indépendance est-il encore fécond ? Quelle place devrait-il occuper dans l’action politique de gauche ?
La dernière section présente des hommages que la députée a reçus en fin de mandat et communique le bonheur qu’elle éprouve à l’approche de son retour à la vie civile. La grande qualité d’écriture de ce livre indique que la flamme qui anime Catherine Dorion est loin d’être éteinte et qu’une brillante nouvelle vie l’attend.
Par Philippe Boudreau, professeur de science politique au Collège Ahuntsic
Samir Saul, L’impérialisme, passé et présent. Un essai, Paris, Les Indes savantes, 2023
Il ne faut pas se faire d’illusion : s’il est vrai, comme le disait Lénine, que « l’impérialisme est le stade suprême du capitalisme », le phénomène ne date pas de la modernité. Il puise sa source aussi loin qu’à l’aube des premières civilisations, au moment où les premiers regroupements humains se sédentarisent et délaissent progressivement la chasse et la cueillette pour pratiquer l’élevage et l’agriculture.
C’est le point de départ de l’analyse que fait Samir Saul du phénomène de l’impérialisme qui, selon l’acception qu’il privilégie, s’incarne de différentes manières selon les époques, les contextes sociopolitiques et économiques, les ressources naturelles disponibles, les aléas du climat et, aussi, quoique de façon plus ponctuelle, selon les croyances religieuses et les idéologies.
L’ouvrage est divisé en quatre parties, chacune correspondant à des époques précises de l’évolution de l’impérialisme. Pour mieux en comprendre les tenants et aboutissants, on pourrait cependant regrouper les différentes phases de ce phénomène de nature à la fois politique et économique en deux moments essentiels : 1) plus près de nous, l’impérialisme « post-colonial » (depuis 1945) avec la mainmise des États-Unis sur les affaires internationales et 2) l’impérialisme proprement « colonial », que l’auteur qualifie de « moderne » (Renaissance – XVIIIe siècle) ou de « contemporain » (XIXe – milieu XXe). Quant à la « préhistoire » de l’impérialisme (Antiquité gréco-romaine et ses prédécesseurs, Sumer, Babylone, Assyrie), on peut l’inscrire dans la période strictement « coloniale », non pas, évidemment, pour des raisons « historiques », mais pour des raisons « théoriques », dans la mesure où elle se rattache, en quelque sorte, au type d’impérialisme qui a précédé celui du capitalisme financier de notre époque alors que celui-ci se rattache à l’impérialisme de la modernité au moment de l’avènement du capitalisme, sa phase actuelle étant tout à fait inédite.
Ainsi, « l’impérialisme étant l’extraction à l’étranger d’avantages économiques par des moyens extraéconomiques[2] », il va sans dire qu’il est corrélatif à des rapports inégalitaires entre peuples et nations. Il prend appui sur une inégalité de fait (ou « naturelle ») et l’accentue par des pratiques de spoliation, d’extorsion, de colonisation qui vont se raffiner au fil du temps, devenant plus efficaces, systématiques, structurées, jusqu’à ce que les relations internationales deviennent des relations parfaitement intégrées dans des rapports de domination économique et, ultimement, financière. Déjà à Athènes, la nécessité d’élargir le champ d’action de la Cité au-delà des frontières délimitées par la première implantation va finir par se faire sentir : accroissement de la population, pauvreté des terres arables, dépendance des importations d’aliments de première nécessité, la ville va augmenter ses exportations en se spécialisant, ce qui va affecter les petits producteurs incapables de s’adapter à l’agriculture à grande échelle, les réduisant à la mendicité, au travail servile et à l’« exil », d’où les premières colonies de peuplement pour soulager la métropole de cette masse d’indigents et pour éviter les conflits sociaux.
Rome pousse un peu plus loin cette logique, mais dans un sens différent qui préfigure les impérialismes à l’ère moderne. La dynamique coloniale ne répond plus à un besoin vital de survie ou de première nécessité, mais bien à une politique « impériale » assumée, à une volonté de domination et d’expansion de la civilisation « romaine » aux limites des contrées « barbares ». Cette mégalomanie va causer la perte de l’Empire qui ne pourra plus répondre aux besoins toujours plus grands en esclaves, en ressources naturelles, en butins de guerre, en impôts : « Rome consomme beaucoup et produit peu » (p. 25). À partir de la fin de la guerre froide, les États-Unis vont se retrouver dans une situation semblable : leur productivisme à grande échelle qui les a hissés au sommet de la hiérarchie des pays développés va se muer en économie rentière avec des déficits commerciaux et de paiements faramineux, ainsi qu’une dette pharaonique qui, paradoxalement, sera financée par leur principal concurrent au statut de première économie mondiale : la Chine.
En fidélité à une approche « matérialiste » de l’histoire, Samir Saul place au centre de son analyse de l’impérialisme la question cruciale du développement des moyens de production, qui s’inscrit lui-même dans des rapports de production spécifiques à un moment déterminé de l’évolution des sociétés humaines, donc des relations entre forces productives et propriétaires de ces moyens de production à l’échelle internationale. Ceci est d’autant plus vrai que l’impérialisme, en tant que théorie et pratique délibérée, effectue un saut « qualitatif » au moment de l’émergence du capitalisme au tournant du XVIe siècle, à l’époque de ce que fut la Renaissance, non seulement celle de la culture des élites et de l’« humanisme » philosophique, mais aussi celle des techniques de navigation, des connaissances pratiques pour la maitrise des éléments, du savoir scientifique à ses balbutiements, en corrélation avec une nouvelle vision du monde qui se met en place.
De méditerranéens jusqu’à la fin du Moyen-Âge, les empires vont désormais se constituer à partir de la côte Atlantique en direction de l’Amérique et de l’Afrique, avec un prolongement en Asie du Sud-Est. Le XIXe siècle sera l’occasion d’un autre changement majeur dans les dynamiques impériales avec les deux industrialisations qui vont placer la Grande-Bretagne au rang incontesté de première puissance mondiale. Adviennent les deux grandes guerres du XXe siècle, qui ne sont rien d’autre que l’expression d’une volonté impérialiste « germanique » de détrôner l’Empire « britannique », échec monumental qui va entrainer avec lui toute l’Europe dans une totale dévastation, ouvrant grandes les portes aux États-Unis, puissance montante qui attendait son heure.
Encore une fois, l’impérialisme, comme phénomène à la fois politique, économique et même « culturel », échappe à une grille d’analyse qui serait par trop « naturaliste », ayant la prétention de pouvoir prédire ses développements ultérieurs à partir de ses comportements passés. L’avènement de l’impérialisme américain au sortir de la Deuxième Guerre mondiale est un bel exemple des bifurcations possibles de l’histoire des civilisations. Désormais, nul besoin de colonies de peuplement, de possessions territoriales d’outre-mer, de guerres coûteuses en argent et en hommes pour garder le contrôle sur le commerce international. La conjoncture est tellement favorable à l’Amérique que les pratiques coloniales usuelles en la matière deviennent « archaïques »; superpuissance capitaliste qui dépasse en influence toutes les autres réunies, et ce, malgré un ennemi d’importance, l’URSS, quoique d’un nouveau genre parce qu’« idéologique », les États-Unis vont envahir et contrôler le monde par la force de leur économie, le dollar se substituant à l’étalon-or comme monnaie de réserve internationale, ses multinationales dictant les politiques économiques de pays « souverains », sa puissance militaire, surtout depuis le démantèlement du Pacte de Varsovie, surpassant de loin celle des éventuels « compétiteurs ».
À la suite de cette longue et profonde investigation (très érudite et remarquablement articulée de la part de l’auteur) du phénomène de l’impérialisme à travers l’histoire, il serait tentant d’en déduire que cette propension à imposer sa loi, à accaparer terres, ressources, force de travail pour son seul profit et à développer des technologies, des moyens de coercition de plus en plus efficaces est consubstantielle à l’avènement de la civilisation, dans la mesure où l’économie de type agricole qui la caractérise s’accompagne nécessairement d’une complexification des structures socioéconomiques, d’une augmentation des besoins en nourriture, en infrastructures, en outillage, d’un élargissement de l’espace habité, cultivé, réservé à l’élevage et d’un accroissement de la population comme conséquence « logique » du passage d’un mode de vie nomade à un mode de vie sédentaire.
L’impérialisme, comme pratique et comme idéologie, s’est ancré de façon indélébile dans les relations internationales depuis la Mésopotamie, plusieurs millénaires av. J.-C. jusqu’à l’Empire américain au XXIe siècle; constitue-t-il pour autant un horizon indépassable de la vie en société ? Il faudrait un autre ouvrage, plus philosophique celui-là, pour apporter des éléments de réponse à cette terrible question. En attendant, voilà comment l’auteur pose le problème dans sa conclusion :
L’impérialisme est-il une nécessité ou un choix ? […] On ne connaît pas de période historique où elle [la voie de l’enrichissement relativement rapide et facile] n’a pas été empruntée. […] Pour une puissance qui perd ses ramifications impérialistes, une autre la remplace au pied levé. C’est dire que s’il n’y a pas nécessité d’impérialisme conformément à une logique inexorable, la permanence de l’impérialisme se vérifie empiriquement (p. 275-276).
Par Mario Charland, détenteur d’une maîtrise en philosophie de l’Université du Québec à Trois-Rivières
- Denise Bombardier, « La députée aux longues jambes », Journal de Montréal, 5 novembre 2019. ↑
- L’impérialisme, p. 125 : « … l’usage de la force pour réussir et venir à bout des rivaux [en étant] une donnée constante ». ↑

Repenser les droits humains en Haïti
Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2024 / hiver 2025
Repenser les droits humains en Haïti
Frantz Voltaire, Président-fondateur du Centre international de documentation et d’information haïtienne, caribéenne et afro-canadienne
Parler des droits humains en Haïti en 2024 est une gageure1. Avant même d’analyser cette question, on est confronté à la nécessité de faire la preuve qu’il est possible d’en parler dans les conditions d’une violence aveugle des gangs armés, mais aussi de l’impuissance de l’État à assurer l’ordre. Comment en effet, aborder la question des droits dans un contexte où l’insécurité et l’impunité restent en tête de liste des préoccupations citoyennes ? Comment répondre à la violence meurtrière des gangs sans à la fois poser le problème de la sécurité, mais aussi celui de la réparation aux victimes ? Résoudre le problème de la sécurité est aussi une gageure pour des raisons complexes. La question sécuritaire est certes présente durant toute notre histoire de peuple. Une histoire née de la violence de l’esclavage où l’esclave n’était qu’un bien meuble. Une histoire de résistance et d’une révolution qui aura duré de 1791 à 1804, d’une révolution qui aura combattu des forces d’invasion anglaise, espagnole et française. De l’Indépendance d’Haïti en 1804 à l’occupation militaire américaine de 1915 à 1934, jusqu’à la dictature des Duvalier, la violence a été le fait d’un État qui niait les droits de la majorité de ses citoyen-ne-s. Depuis le tremblement de terre de 2010, ce sont surtout les gangs armés qui imposent une terreur aveugle et qui, aujourd’hui, contrôlent plus de 80 % du territoire de la capitale de Port-au-Prince. Cela survient dans le contexte particulier d’un pays où l’État n’a plus le monopole de la violence, et où les promesses de la communauté internationale d’aider la police nationale à rétablir même un semblant d’ordre se sont révélées vaines. La communauté internationale a joué un rôle absolument néfaste en Haïti, avec le choléra et un appui aux gouvernements illégitimes et le contrôle du système politique. Mais que dire du Canada ? Le Canada a joué un rôle particulièrement important dans la formation de la police nationale, la réforme de la justice et du système pénitentiaire. En ce sens, le Canada est aussi responsable de cet échec de l’appui international. Comment aujourd’hui répondre à la situation de terreur en Haïti, sans répondre au problème des gangs terroristes dans la capitale ? Il faut se rappeler que Hélène LaLime, la représentante du secrétaire général des Nations unies en Haïti, avait favorisé la coalition des gangs à Port-au-Prince. Voilà un autre exemple de la responsabilité de la communauté internationale dans la crise actuelle. Il faut souligner tout autant la responsabilité des pays du Core Group lors de la mise en place du gouvernement d’Ariel Henry après l’assassinat du président Jovenel Moïse. La violence reste alimentée par des armes et munitions venues de la Floride, de la Colombie et aussi de la République dominicaine. Sortir de la violence demandera d’importants moyens matériels, et la communauté internationale devra, en ce sens jouer, un rôle déterminant, en fournissant une importante aide à la reconstruction du pays. Mais, sortir de la violence et établir un État de droit demandera surtout la prise en compte des revendications citoyennes de justice et des réparations aux victimes. Il faudra mettre en place une assistance humanitaire, médicale et psychologique importante aux victimes ainsi que des réparations pécuniaires surtout pour les femmes victimes d’abus. Il faudra aussi mettre en place des programmes spéciaux de réinsertion pour les enfants victimes des gangs. Le défi sera non seulement de rétablir la sécurité, mais aussi de construire un système judiciaire qui mettra fin à l’impunité, avec l’appui des diasporas haïtiennes répondant aux aspirations de la population. Le Canada, en s’appuyant sur les positions de la diaspora haïtienne, pourrait jouer un rôle clé dans le renforcement d’un système judiciaire et électoral non corrompu et transparent. Un des défis majeurs sera de s’adresser aux problèmes des jeunes mobilisés par les gangs dans un pays où la plupart des centres carcéraux et de réadaptation ont été détruits. Pour sortir de la situation d’insécurité généralisée, la police nationale haïtienne devra être renforcée en excluant les corrompus au sein de l’institution. Comment parler de droits dans une situation où les institutions étatiques sont réduites à une peau de chagrin ? Comment combler les départs pour les États-Unis de plusieurs milliers de cadres dont plus d’un millier de policières et de policiers, de centaines d’ingénieur-e-s, de médecins et d’enseignant-e-s, tous incités par la politique migratoire mise en place par le gouvernement américain de Joe Biden en 2023 ? Comment reconstruire le pays sans l’apport de sa diaspora ? Durant cette période de transition, il faudra créer avec l’assistance de la diaspora haïtienne une commission de vérité, réparation, sécurité et justice pour établir les faits résultant de la terreur des gangs terroristes, de la corruption et des responsabilités de certains membres des élites politiques, policières, judiciaires et économiques dans cette violence. Cette commission devra apporter des pistes de réflexion sur les conséquences de la violence ; synthétiser les informations disponibles sur les conséquences médicales et psychologiques de la violence ; rassembler des témoignages et mettre en place un programme de réparations pour les victimes. De plus, cet organisme devra réaliser plusieurs actions : formuler des recommandations pour informer et protéger les droits humains ; proposer la création d’un tribunal spécial chargé de juger les crimes contre les droits humains ; assurer une assistance médicale aux victimes surtout les femmes et les enfants ; assurer la formation des professionnel-le-s de la santé : psychologues, psychiatres, infirmiers et infirmières, travailleuses et travailleurs — sociaux ; renforcer à l’échelle nationale les réseaux de défense des droits humains ; sensibiliser la population aux droits humains. L’une des exigences de la construction d’une société haïtienne respectueuse des droits humains sera de tenir compte des réparations des dommages infligés aux victimes, et aussi traduire devant un tribunal spécial les responsables des crimes commis. Les responsabilités sont multiples ; les réparations devront impliquer toutes les parties prenantes nationales comme internationales.1 Les sources de cet article sont : Benjamin Fernandez, L’échec des Nations Unies, Le Monde diplomatique, Paris, janvier 2011. Haïti, Droit de l’homme et réhabilitation des victimes. Mission civile internationale en Haïti OEA/ONU. Imprimerie Deschamps, Claude Moïse, La question sécuritaire, CIDIHCA, Montréal, 2022. Ricardo Seintenfus, L’échec de l’aide internationale à Haïti : dilemmes et égarements, CIDIHCA, Montréal, 2015.
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Lutter contre l’ingérence sans bafouer les droits
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Lutter contre l’ingérence sans bafouer les droits
Tim McSorley, Coordonnateur national, Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles
Une traduction par Barbara Ulrich, traductrice Des inquiétudes entourant l’ingérence étrangère continuent à faire les manchettes au Québec et à travers le Canada, suscitant l’examen approfondi, la controverse et les appels à agir aussi rapidement que possible afin de remédier à ce que les agences nationales de sécurité ont nommé de façon hyperbolique une menace existentielle pour le Canada. Il y a de toute évidence des incidences d’ingérence étrangère qui soulèvent des préoccupations urgentes. À titre d’exemple, les révélations que les membres de la communauté Sikh au Canada ont été des cibles d’harcèlement, de violence et même de meurtre par des agent-e-s du gouvernement indien et d’autres menaces transnationales de répression envers des activistes de droits de la personne et leurs familles au Canada. Cependant, ce débat a été trop caractérisé par la xénophobie, le racisme, la partisanerie politique, la surenchère ainsi que la précipitation à promulguer de nouvelles lois sévères étendues. Certaines de ces lois auront non seulement des retombées significatives sur les droits humains au Canada, y compris la liberté d’expression et d’association, mais également sur la contestation et la dissidence, la coopération et la solidarité internationale, la liberté académique et la liberté de presse. Ceci est dû en grande partie à des renseignements secrets divulgués par des sources anonymes dont l’exactitude et la source soulèvent des questions de crédibilité. Une partie de ceux-ci a été examinée par l’Enquête publique sur l’ingérence étrangère, mais, puisque le rapport final tarde à se faire connaître, la crédibilité de ces fuites reste entière. [caption id="attachment_20767" align="alignnone" width="719"]
Des droits bafoués, encore une fois
Malgré ces questions restées en suspens, la réponse du gouvernement a été presque exclusivement axée sur l’octroi de nouveaux pouvoirs aux agences de sécurité nationales et dans la création de nouvelles infractions importantes, lesquelles entraîneront une réaction excessive et une hypersécurisation. Notre travail, depuis 2022, sur les incidences des lois sur la sécurité nationale et les luttes contre le terrorisme adoptées, témoigne de l’importance des définitions précises, des décisions basées sur des données probantes et des réponses qui sont nécessaires et proportionnelles. Faire défaut d’adhérer à ces principes mine inévitablement les droits humains aussi bien que l’engagement et la participation démocratique. Ceci aura pour conséquence la marginalisation d’une diversité de communautés et d’organismes, notamment ceux des populations racisées, autochtones ou immigrantes et celles et ceux qui sont engagés dans la contestation, la dissidence et la remise en question du statu quo.Loi adoptée à toute vitesse
L’exemple le plus flagrant est l’adoption précipitée de la Loi C-70 — la Loi sur la lutte contre l’ingérence étrangère — au mois de juin 2024, qui a entériné des changements aux systèmes canadiens de justice criminelle et de sécurité nationale. Une loi d’une telle envergure aurait requis un examen approfondi. Cependant, dans la précipitation de légiférer sur les questions de l’ingérence étrangère aussi rapidement que possible, le projet de loi a été adopté par l’ensemble du processus législatif en moins de deux mois, presque du jamais vu. À cause de la brièveté surprenante consacrée à la période d’étude, plusieurs aspects de cette législation n’ont pas été soumis à un examen et, par conséquent, des champs de préoccupation n’ont pas été pris en considération. Moins de temps voulait dire que les expert-e-s et les organismes ayant des ressources limitées ont dû précipiter leur analyse du projet de loi, rendant la soumission de mémoires et d’amendements appropriés presque impossible. Même lorsque les parlementaires et les sénateurs et sénatrices ont reconnu certaines préoccupations, le refrain était que l’étude du projet de loi ne pouvait pas être retardée afin d’adopter les nouvelles règles avant une prochaine élection potentielle, ce qui pourrait arriver à tout moment sous un gouvernement minoritaire.Pouvoirs sans lien avec l’ingérence
À titre d’exemple, la Loi C-70 a changé la Loi sur le Service canadien du rensei gnement de sécurité (Loi sur le SCRS) en créant de nouveaux mandats plus facilement accessibles pour des perquisitions ponctuelles et la collecte secrète de renseignements à l’extérieur du Canada. Ces nouveaux pouvoirs doivent être approuvés par les tribunaux, mais ceci se passe à huis clos. Cela constitue une victoire pour le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) qui, depuis des années, contrevient aux lois existantes régissant les mandats, notamment en dupant les tribunaux. Des seuils élevés pour l’obtention des mandats secrets sont l’une des principales façons dont nos droits garantis par la Charte des droits et libertés sont protégés ; le projet de loi C-70 les a affaiblis. Ceci n’est qu’un des multiples changements inscrits dans la Loi sur le SCRS, lesquels ne sont reliés qu’en partie à la lutte contre l’ingérence étrangère et pourront, en réalité, s’appliquer désormais à toute démarche de collecte de renseignements ou d’enquête qu’entreprend le SCRS. Des défenseur-e-s des droits humains, des organismes de développement international et de solidarité, des politicien-ne-s, des académiques, des syndicalistes, des activistes environnementaux, des défenseur-e-s des terres autochtones, des journalistes et beaucoup d’autres parties prenantes au Canada travaillent directement avec des contreparties internationales au jour le jour. Un grand nombre de ces collègues internationaux peuvent travailler pour ou représenter des gouvernements, des entreprises d’État ou des entreprises affiliées, des fondations, des institutions académiques ou des médias, ou travaillent pour des organismes multilatéraux composés de gouvernements étrangers. Ces partenariats internationaux sont incontournables, aidant à proposer de nouvelles perspectives, faisant des avancés en recherche et en politiques, partageant le travail de Canadien-ne-s à l’international et en aidant à bâtir la coopération et la solidarité internationale.Moins de temps voulait dire que les experts et les organismes ayant des ressources limitées ont dû expédier leur analyse du projet de loi, rendant la soumission de mémoires et d’amendements appropriés presque impossible.
Des impacts négatifs sur les droits
Cependant, dans sa réponse aux allégations d’ingérence étrangère, le gouvernement fédéral a introduit des règles qui auront presque certainement un effet négatif sur la liberté d’association avec des collègues internationaux, la liberté d’expression et la capacité des Canadien-ne-s de manifester et de contester. La Loi C-70 a introduit des changements significatifs à la Loi sur la sécurité de l’information, qu’on appelle maintenant la Loi sur les ingérences étrangères et la sécurité de l’information1 (FISI). Il est alarmant de constater que la FISI prévoit des peines beaucoup plus sévères — jusqu’à l’emprisonnement à perpétuité — pour les infractions déjà prévues dans le Code criminel, notamment le harcèlement et l’intimidation, si elles sont commises sur l’ordre d’une entité étrangère, ou en collaboration ou pour son profit, ou, dans certains cas, avec un groupe terroriste2. Un autre article troublant de la FISI se lit comme suit :20.4 (1) Commet un acte criminel quiconque, sur l’ordre d’une entité étrangère ou en collaboration avec elle, a une conduite subreptice ou trompeuse en vue d’influencer un processus politique ou gouvernemental, la gouvernance scolaire, l’exercice d’un devoir en lien avec un tel processus ou une telle gouvernance ou l’exercice d’un droit démocratique au Canada.
Pour des définitions claires
Le problème, ici, n’est pas qu’elle vise à protéger les processus démocratiques, mais plutôt la façon dont elle tente de le faire. L’exemple le plus flagrant est le terme, « en collaboration avec », un terme vague qui n’est pas défini dans la législation. Il peut facilement vouloir dire, par exemple, qu’une personne qui collabore avec un individu ou un organisme qui travaille pour ou étroitement avec une entité étrangère (y compris non seulement des gouvernements, mais aussi des organismes indépendants financés par le gouvernement, ou même des organismes multilatéraux) sur des questions d’intérêt mutuel et, par la suite, lesquels s’impliquent pour changer une politique pourrait être vue en violation de la loi même si aucune influence véritable n’a été exercée par une entité étrangère. Le gouvernement dit également que de telles activités d’influence seraient illégales uniquement si clandestines. Mais, si vous n’agissez pas sous l’influence d’une entité étrangère, vous pourriez facilement croire que ce n’est pas nécessaire de divulguer votre association publiquement — donnant lieu à une violation possible de cette loi. La définition de ce qui constitue un processus politique, la gouvernance scolaire et l’exercice d’un droit démocratique est également très vague. Même si le but de cette nouvelle loi est louable, sa formulation peut être une menace de graves répercussions à la liberté d’expression, protestation et manifestation. Par exemple, prenons les campements universitaires en solidarité avec les Palestinien-ne-s et contre le génocide israélien à Gaza. Une de leurs revendications principales demandait aux administrations universitaires, lesquelles sont des institutions de gouvernance scolaire — de désinvestir des manufacturiers d’armements qui fournissent l’armée israélienne. Il s’agit de toute évidence d’une demande légitime visant à influencer une politique universitaire ; plus spécifiquement, il pourrait y avoir des appels au retrait de certains membres de conseil d’administration ou pour des étudiant-e-s à faire campagne auprès des associations étudiantes sur cette question. Cependant, il y avait des allégations non-fondées et fallacieuses que ces campements et ces campagnes étaient soit financés, soit coordonnés avec des gouvernements étrangers. Sous la Loi C-70, les forces de police et les agences de renseignement canadiennes seraient alors justifiées d’enquêter sur ces activistes, et, s’ils découvrent qu’une association dans laquelle n’importe quel individu ou organisme serait affilié avec un gouvernement étranger, ils peuvent encourir des pénalités sérieuses. La même chose pourrait s’appliquer à celles et ceux qui luttent pour de meilleures conditions de travail, pour la justice environnementale, pour les droits autochtones et autres.Surveillance accrue à prévoir
Il est important de ne pas attiser la peur, et ce n’est pas prévu que ces accusations soient imminentes d’aucune façon – mais elles sont absolument plausibles sous ces nouvelles lois. Malgré les assurances du gouvernement, nous ne savons tout simplement pas comment elles seront appliquées. Cependant, aussi longtemps que cette possibilité existe, elles peuvent mener à une surveillance accrue, aux menaces de représailles et, enfin, à un effet paralysant sur la liberté d’expression et autres droits humains. Les préoccupations entourant « en collaboration avec » s’étendent également à la nouvelle Loi sur l’influence étrangère et la transparence3 (LTR), créant un Commissaire à l’influence étrangère et à la transparence et le très attendu Registre de l’influence étrangère et de la transparence. Le nouveau registre exigera que les individus et les organismes s’inscrivent au registre si sous la direction de ou en association avec un commettant étranger : communique avec un-e titulaire de charge publique ; communique ou diffuse de l’information reliée au processus politique ou gouvernemental ; ou distribue de l’argent, des objets de valeur ou offre un service ou l’utilisation d’un lieu. L’obligation de s’enregistrer est plus étendue que le processus décrit ci-dessus, car un commettant étranger est défini plus vaguement qu’une « entité étrangère » et comprend l’engagement d’une manière beaucoup plus élargie que pour des changements de politiques. Les pénalités sont beaucoup moins sévères et incluent des options de fournir aux individus des avis avant de formuler de telles accusations. Cependant, l’obligation de s’inscrire dans un registre « d’influence étrangère » lorsque l’on agit simplement en association avec un commettant étranger soulève des préoccupations similaires. Tout groupement au Canada qui peut travailler avec un État étranger ou organisme affilié — même s’il n’agit pas au nom de cet organisme étranger — devrait inscrire publiquement qu’il agit sous « l’influence étrangère. » Ceci a soulevé des préoccupations sérieuses dans d’autres pays. Aux États-Unis, par exemple, une loi similaire d’enregistrement a mené a des enquêtes non-fondées4 d’organismes environnementaux et à l’obligation d’au moins un organisme national d’environnement réputé de s’inscrire à titre « d’agent étranger. » Nous pouvons nous attendre à des résultats semblables au Canada, paralysant la libre expression, la libre association et la capacité de travailler avec des partenaires internationaux sur des causes sociales importantes.La même chose [enquêter] pourrait s’appliquer à ceux et celles qui luttent pour de meilleures conditions de travail, pour la justice environnementale, pour les droits autochtones et autres.
La liberté d’expression sous pression
Finalement, la Loi C-70 a élargi les délits existants de sabotage sous le Code criminel pour inclure le délit d’ingérence dans une nouvelle catégorie étendue « d’infrastructure essentielle », qui comprend le transport, l’approvisionnement alimentaire, les activités gouvernementales, l’infrastructure financière, ou toute autre infrastructure prescrite par règlement. N’importe lequel de ceux-ci peut, à un moment donné, faire l’objet d’une manifestation ou subir les répercussions d’une manifestation qui pourrait perturber leurs activités. Bien que la nouvelle loi prévoie une exclusion pour les revendications, les manifestations d’un désaccord ou les protestations, cela s’applique uniquement si les individus n’ont pas l’intention de causer du tort. Cela laisse une grande marge de manœuvre d’interpréter « l’intention » de la protestation. Par exemple, les défenseur-e-s des territoires autochtones ont créé des blocus des chemins de fer et des routes dans le cadre d’actes de désobéissance civile avec le but avoué de perturber l’activité économique afin de mettre de la pression sur des responsables gouvernementaux. Sachant que cette action pourrait, théoriquement, créer du tort, il ne serait pas farfelu d’imaginer que le gouvernement pourrait utiliser une telle loi pour criminaliser ces protestations avec une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans. Il n’y a pas de doute que le public canadien pourrait mettre en question leur participation dans des activités de protestation puisque celles-ci pourraient être vues comme un crime plus sérieux de sabotage. Au cours des prochains mois, le gouvernement établira les règlements et nommera le Commissaire à la transparence en matière d’influence étrangère, ayant une incidence sur la manière dont ces lois seront interprétées et mises en œuvre. Il est essentiel que le public et les groupements de société civile demeurent vigilants et poursuivent leur pression sur le gouvernement afin de ne pas sacrifier les droits humains au nom de combattre l’ingérence étrangère.1 En ligne : https://laws-lois.justice.gc.ca/PDF/O-5.pdf 2 Ibid. 3 En ligne : https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/F-29.2/ 4 Nick Robinson, The regulation of foreign funding of nonprofits in a democracy, International Center for Not-for-Profit Law, février 2024. En ligne : https://www.icnl.org/wp-content/uploads/Regulation-of-Foreign-Funding-of-Nonprofits-Feb-2024-author-version.pdf
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Imaginer une ville des droits humains
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Imaginer une ville des droits humains
Diane Lamoureux, Professeure émérite, Université Laval, membre du comité de rédaction et membre du CA de la Ligue des droits et libertés
Il y aura des élections municipales un peu partout au Québec en 2025. Pour évaluer les propositions des candidat-e-s à cette occasion, quoi de mieux que d’imaginer ce que pourrait être une ville où les droits humains sont pris au sérieux et qui est organisée autour des principes de liberté, d’égalité et de solidarité. Dans le contexte de la crise écologique, un premier élément est la reconnaissance effective du droit à un environnement sain. Car la dégradation de l’environnement menace la possibilité même d’existence de la vie humaine sur l’ensemble de la planète et dans les villes en particulier. Plusieurs éléments peuvent contribuer à un environnement sain : la réduction de la pollution due aux transports, pas simplement en remplaçant les voitures individuelles à essence par des voitures électriques, mais en développant de meilleurs transports collectifs et en changeant l’échelle à laquelle nous vivons dans les milieux urbains ; une meilleure répartition des services et des infrastructures collectives, ce qui permet des modes de transport actif ; le développement d’un réseau de transport en commun efficace, financièrement et physiquement accessible, à l’échelle des municipalités, mais aussi entre celles-ci ; la réduction des îlots de chaleur par une meilleure répartition des espaces verts et de la canopée, par la réduction des surfaces minéralisées comme les stationnements, et par une transformation des normes de construction. Un autre aspect du droit à l’environnement sain, c’est l’accès physique et monétaire à une alimentation saine et en quantité suffisante. À cet égard, les villes doivent prévenir les déserts alimentaires. Elles peuvent cependant faire plus, en permettant la récupération alimentaire auprès des grandes surfaces, en favorisant les initiatives de partage alimentaire (par exemple, en fournissant des locaux à des cuisines collectives), en augmentant le nombre de jardins collectifs. Un deuxième élément tout aussi central, c’est la reconnaissance que le logement est un droit et non une marchandise. On est loin de cet idéal aujourd’hui si on tient compte du nombre croissant de personnes itinérantes ou sans abri, de la situation des personnes qui doivent vivre dans des logements insalubres ou mal adaptés à leurs besoins, ou encore celle des femmes qui doivent vivre dans un climat de violence conjugale faute de ressources adéquates pour se loger. Ceci implique un parc immobilier diversifié qui corresponde aux besoins réels de la population, et des quartiers qui favorisent une véritable mixité sociale. En effet, avoir une place à soi est fondamental pour pouvoir développer le sens de sa propre dignité et nouer des relations épanouissantes avec les autres. C’est aussi un élément crucial pour la participation politique et sociale. Une caractéristique fondamentale des villes par rapport à d’autres milieux de vie, c’est leur formidable pluralité. On y retrouve une diversité de classes, d’origines ethniques, de genres, de sexualités, de religions, de capacités physiques, de cultures. Plutôt que de considérer cette diversité comme une source de problèmes ou encore comme des occasions d’inégalité et de discrimination, il faut plutôt y voir un enrichissement collectif. Pour cela, il faut développer une saine curiosité pour ces différences plutôt qu’enfermer les citoyen-ne-s dans des ghettos de personnes qui se ressemblent (les algorithmes des réseaux sociaux s’en chargent un peu trop). Le rôle des parcs et des places publiques est à cet égard déterminant. Encore faut-il qu’ils soient accessibles et non privatisés par la festivalite consumériste. Ils doivent également être aménagés pour permettre aux personnes vivant avec un handicap d’en profiter. Il est aussi nécessaire de maximiser la liberté individuelle et collective. Promouvoir une différence épanouissante, c’est laisser l’espace essentiel au développement d’une identité individuelle qui n’est pas entravée par des restrictions communautaires, ou par les divers mouvements …phobes. La diversité urbaine permet d’observer des choix de vie qui ne sont pas toujours valorisés dans nos milieux d’origine. Les administrations municipales ont donc une responsabilité particulière en ce qui concerne la lutte aux divers types de discrimination et elles doivent jouer un rôle actif dans la promotion de la tolérance et de la cohabitation. Si les villes ont peu de leviers pour réduire les inégalités socioéconomiques ou ethnoraciales, elles peuvent, par leur politique d’habitation, faire en sorte qu’il n’y ait pas de ghettos. Elles peuvent également veiller à répartir les équipements collectifs comme les parcs, les lieux de pratique sportive, les équipements culturels et à les rendre accessibles physiquement et financièrement. Elles peuvent également utiliser leur statut d’employeur pour promouvoir l’accès à l’égalité en emploi. Les villes doivent également promouvoir le développement de liens concrets entre personnes différentes qui peuvent être unies par des intérêts communs comme la danse, le chant, la pratique d’un sport ou d’un hobby. Cela permet de surmonter la méfiance envers des gens différents de nous. Les villes doivent également devenir des lieux de vie démocratique où l’avenir collectif doit être façonné par celles et ceux qui y vivent. Cela va bien au-delà de l’élection périodique de représentant-e-s à un conseil municipal ou encore d’une période de questions ouverte au public lors de leurs réunions. Cela implique, au minimum, une possibilité de participation directe et effective concernant l’aménagement du territoire, les équipements collectifs et les transports publics. Cela implique également une valorisation du travail des organismes communautaires, qui ne doivent pas être perçus uniquement comme des dispensateurs de services, mais comme des acteurs d’amélioration de la participation citoyenne, et qui doivent être soutenus dans ce rôle. La sécurité ne doit pas dépendre principalement des corps policiers mais du sentiment de partage d’un espace collectif que l’on veut protéger parce que l’on s’y reconnaît et qu’il contribue à notre bien-être. Une attention particulière doit être portée à la sécurité des personnes les plus vulnérables, comme celles vivant avec un handicap physique ou mental, les personnes âgées et les enfants. Il va de soi qu’une ville qui prend au sérieux les droits humains interdit à son corps policier toute pratique de profilage social, racial ou en fonction de l’identité de genre ou de l’orientation sexuelle. Une ville des droits humains ne doit pas traquer les migrant-e-s qui n’ont pas les bons papiers. Elle doit au contraire leur permettre de vivre en toute sécurité et leur permettre d’échapper au travail esclavagisé ou aux marchands de sommeil et ainsi de contribuer pleinement au développement de la ville dans laquelle elles et ils vivent. Bref, promouvoir et développer une culture des droits humains doit dépasser le niveau de l’énonciation des principes dans une charte ( ce qui a quand même quelques avantages ). Cela implique d’être à l’affût des discriminations que pourraient induire les diverses politiques publiques dans tous les domaines. Cela entraîne également l’obligation de développer une culture antidiscriminatoire dans les diverses administrations municipales et de faire en sorte que les citoyen-ne-s dans leur diversité puissent se côtoyer et interagir dans les villes et les quartiers qui sont leur milieu de vie partagé. Cela nécessite aussi de prévoir des recours effectifs et accessibles en cas de discrimination. Certains de ces éléments sont traités de façon plus approfondie dans ce dossier. Lucie Lamarche aborde la question de l’arrimage au droit international pour aller au-delà des vœux pieux, alors que Benoît Fratte et David Robitaille analysent les pouvoirs dévolus aux villes et leur impact potentiel sur les droits humains. Diverses facettes des enjeux liés à l’itinérance sont abordées par Michel Parazelli et le Regroupement des organismes en hébergement pour les personnes migrantes. Les obstacles à la mobilité des femmes en situation de handicap sont analysés par la Table de concertation des groupes de femmes et un bref portrait de la situation sur l’accès à l’égalité à l’emploi dans les municipalités des personnes en situation de handicap est dressé par Elisabeth Dupuis. La participation citoyenne fait l’objet des réflexions d’Elsa Mondésir Villefort. Caroline Toupin traite de l’apport de l’action communautaire autonome, tandis que les Collectivités ZéN nous parlent de la nécessaire transition écologique. Bonne lecture!L’article Imaginer une ville des droits humains est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

Du naturalisme antique à l’écologie contemporaine
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Du naturalisme antique à l’écologie contemporaine
Catherine Guindon, enseignante au Cégep de Saint-Laurent
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1 Ici, l’autrice reprend les propos de Philippe Descola dans Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard,
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30 ans de lutte pour les droits et libertés à Québec
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30 ans de lutte pour les droits et libertés à Québec
Sophie Marois, membre du CA, Ligue des droits et libertés — section Québec Josyanne Proteau, coordonnatrice, Ligue des droits et libertés — section Québec

Fondation de la section de Québec
C’est en décembre 19941 qu’un groupe de citoyen-ne-s engagé-e-s dans la défense des droits de la personne fonde la section de Québec de la Ligue des droits et libertés (LDL-Qc). La section est créée sous la forme d’un organisme à part entière, mais qui demeure affilié à la LDL et qui poursuit la même mission que l’organisme national. Convaincu que les droits et libertés doivent être défendus sur tous les fronts, y compris à l’échelle locale, le groupe fondateur œuvre à la création d’une section active, spécifiquement enracinée dans la société civile de Québec. Dès ses débuts, la LDL-Qc compte sur des liens forts avec plusieurs acteurs et se mobilise autour des enjeux de justice sociale à Québec. Ce sont notamment ces liens avec les milieux syndicaux, dont ceux de l’enseignement, qui ouvriront la voie à une spécialisation de la section de Québec dans l’éducation aux droits et libertés auprès des jeunes.Démocratie municipale
L’un des premiers axes d’action de la LDL-Qc est celui de la démocratie municipale. Grâce à ses premières subventions, elle organise des événements pour encourager la participation citoyenne et la démocratie locale. En 1997-1998, des forums bimensuels à la bibliothèque Gabrielle-Roy rassemblent des résident-e-s, des journalistes et des professeur-e-s pour discuter de la démocratisation des institutions politiques. Réunissant régulièrement une centaine de personnes, ces débats publics augmentent la visibilité de l’organisme. Dans les années qui suivent, la LDL-Qc promeut activement une vision démocratique de la politique municipale, plaçant les citoyen-ne-s au cœur du pouvoir décisionnel. [caption id="attachment_20749" align="alignnone" width="542"]
Éducation aux droits
La section de Québec se distingue dès la fin des années 1990 par un fort engagement envers l’éducation aux droits, particulièrement auprès des jeunes. De grandes tournées d’éducation aux droits et libertés permettent de rencontrer des milliers d’élèves du primaire et du secondaire. Le premier sujet abordé par ces ateliers éducatifs concerne les droits des jeunes face à la police, dans un contexte où l’application d’une politique tolérance zéro par la Ville de Québec entraîne plusieurs interventions policières ciblant les jeunes. Au cours des décennies suivantes, les ateliers d’éducation aux droits se renouvellent et explorent des thématiques telles que la discrimination, le sexisme et le racisme, l’accueil des immigrant-e-s, les droits économiques et sociaux, la justice pénale et le droit à la vie privée. Certains de ces ateliers ont été retravaillés au fil du temps et sont offerts encore aujourd’hui par l’équipe d’animation de la section de Québec, dont ceux portant sur la justice pénale, le droit à la vie privée et le racisme systémique. Au début des années 2000, la LDL-Qc lance une émission de radio nommée Droits devant, sur les ondes de la radio communautaire CKRL 89,1. L’émission s’intéresse aux enjeux liés à l’état des droits tant à l’échelle locale, avec des épisodes sur le droit au logement2 et l’itinérance dans la ville de Québec, qu’à l’échelle internationale, en présentant des thématiques comme la démocratie au Congo, le développement international et les violations de droits au Tibet.Altermondialisme
Les années 2000 marquent une ouverture de la LDL-Qc aux enjeux internationaux, notamment à la suite du Sommet des Amériques et du 11 septembre 2001. En avril 2001, plusieurs membres participent à l’important mouvement d’opposition à la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) en vue de la tenue du Sommet des Amériques à Québec3. Au cours du Sommet, le comité de surveillance des libertés civiles de la LDL mène une mission d’observation indépendante et constate une imposante répression policière4, laquelle inclut des arrestations de masse et l’utilisation d’armes dangereuses contre les manifestant-e-s, causant des centaines de blessé-e-s. Cette période représente un moment important de renforcement des liens entre les organismes communautaires et les milieux militants de Québec, qui se réunissent autour de luttes altermondialistes et antimilitaristes. Dans ce contexte, la LDL-Qc prend part à de nombreuses mobilisations portant sur la solidarité internationale et les alternatives au néolibéralisme, la surveillance et la protection du droit à la vie privée, ainsi que la démilitarisation des conflits géopolitiques. En 2003, des militant-e-s de Québec participent notamment aux mobilisations historiques contre la guerre en Irak, rejoignant des manifestations à Montréal, mais aussi dans la capitale nationale5. [caption id="attachment_20754" align="alignright" width="216"]
Vivre-ensemble et antiracisme
Au cours des années 2000, la LDL-Qc intensifie ses efforts contre le racisme et pour la défense des droits des personnes migrantes. Elle prend part activement aux débats publics lors de la Commission Bouchard-Taylor (2007-2008) et milite contre les discriminations raciales dans l’accès à l’emploi. La LDL-Qc s’engage également dans les campagnes contre les propos haineux diffusés sur les ondes de certaines radios privées de Québec, surnommées radios-poubelles. Au cours des années 2010, des projets développés avec des stagiaires permettent à l’organisme d’approfondir ses connaissances sur les crimes haineux, l’extrême droite et le profilage racial à Québec. La lutte contre le racisme devient progressivement un axe transversal à la LDL-Qc. La section de Québec participe notamment aux mobilisations contre le projet de loi 21 sur la laïcité, au mouvement Black Lives Matter, à la Coordination des actions contre le racisme à Québec, aux marches de solidarité avec les personnes migrantes et aux commémorations de l’attentat au Centre culturel islamique de Québec, en plus de soutenir la création du Collectif de lutte et d’action contre le racisme (CLAR) à l’automne 2021. À compter de 2020, c’est principalement la question du profilage racial par le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) qui occupe l’organisme. La LDL-Qc s’engage dans un projet de recherche pour documenter la situation et réalise plusieurs interventions dans les médias pour dénoncer les pratiques du SPVQ.Judiciarisation et profilage
[caption id="attachment_20753" align="alignright" width="228"]
Défense du droit de manifester
La défense du droit de manifester à Québec devient un sujet d’importance pour la LDL-Qc dans le contexte des mobilisations étudiantes de 2012 et de l’adoption d’un règlement municipal obligeant les manifestant-e-s à fournir l’itinéraire de leur manifestation (article 19.2 du règlement 1091). Plusieurs groupes communautaires de Québec, dont la LDL-Qc, co-fondent alors la Coalition pour le droit de manifester, encore active à ce jour. La coalition mène une longue campagne médiatique et juridique contre l’article 19.2, qui aboutit à son abrogation en 2023, puis à son remplacement par un nouveau règlement qui continue de restreindre le droit de manifester. La coalition n’a donc pas terminé de mobiliser autour de cet enjeu ! Parallèlement, la LDL et la section de Québec entreprennent plusieurs initiatives pour promouvoir et défendre le droit de manifester, dont un forum6, des outils de vulgarisation, une campagne de valorisation des manifestations intitulée Manifester m’a permis7, et le dépôt d’une plainte collective auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) à la suite des arrestations massives lors d’une manifestation en 20128. De manière continue, une veille du droit de manifester dans la ville de Québec est assurée par la LDL-Qc, que ce soit à l’occasion du G7 en 20189 ou plus récemment, de manifestations en solidarité avec la Palestine10.Femmes d’ici et d’ailleurs égales en droits

Diversité sexuelle et de genre
En 2021, la LDL-Qc se mobilise sur la question des discriminations basées sur l’expression de genre et l’orientation sexuelle. Un projet est développé en partenariat avec le Groupe régional d’intervention sociale de Québec (GRIS-Québec) et mène à la création de capsules informatives, d’un épisode de balado et d’un lexique sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres. Ces ressources abordent les droits des personnes LQBTQIA+ ainsi que les différentes formes de discrimination auxquelles elles peuvent être confrontées, notamment dans le champ de la santé et des services sociaux. L’épisode de balado Entre droits et discriminations : diversité sexuelle et pluralité des genres, réalisé avec la radio communautaire CKIA-FM et le GRIS-Québec, est disponible sur la plateforme Spotify13. La deuxième édition du Lexique sur la diversité sexuelle et la pluralité des gen res, mise à jour avec la collaboration de Marie-Philippe Drouin, a été distribuée en plus de 1 000 exemplaires14.
Droit à la scolarisation
En 2021, des militant-e-s de Québec se rassemblent à la LDL-Qc pour agir face à l’exclusion scolaire que vivent plusieurs élèves en situation de handicap ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (HDAA). Depuis, le comité pour le droit à la scolarisation est l’un des comités les plus actifs de l’organisme. Il documente les moments de perte d’accès à l’école que vivent des élèves HDAA, mobilise les acteurs sociaux, parents et militant-e-s et travaille à la construction d’un discours et d’outils de vulgarisation sur ce sujet. Ses membres sont très actif-ve-s dans l’espace public et multiplient les conférences, articles et lettres ouvertes afin de visibiliser cet enjeu et de revendiquer le respect des droits des élèves HDAA. Récemment, le comité a co-organisé un colloque à l’UQAM portant sur cette thématique, qui a permis de jeter les bases d’un réseau d’organismes, de chercheurs, de chercheuses et de militant-e-s préoccupé-e-s par cette question15.Une voix essentielle pour les droits humains à Québec
Depuis trois décennies, la section de Québec de la Ligue des droits et libertés œuvre sans relâche pour défendre et promouvoir les droits de la personne. En célébrant ce 30e anniversaire, rendons hommage à toutes celles et tous ceux qui ont contribué à cette mission essentielle. Que l’avenir soit marqué par une continuité de cette lutte collective pour une société plus juste et équitable !1 Cet article a été rédigé à partir des archives de la LDL-Qc et du rapport La Ligue des droits et libertés — Section Québec : 20 ans d’implication sociale et de protection des droits et libertés, rédigé en 2014 à l’occasion du 20e anniversaire de l’organisme par Pier-Luc Castonguay et Charles-Alex 2 Émissions Droits devant, CKRL 1, Québec, 2004 à 2007. 3 Archives photos et une analyse du Sommet : Pierre Bourdieu, Le Sommet des peuples de Québec, Inter, 80, 14–15, 2001. En ligne : https://www.erudit.org/fr/revues/inter/2001-n80-inter1113746/46060ac.pdf 4 Rapport du comité de surveillance des libertés En ligne : https://liguedesdroitsqc.org/wp-content/uploads/2016/04/rap-2001-06-14-sommet_des_ameriques-1.pdf 5 Vingt ans après l’invasion de l’Irak, que reste-t-il du mouvement antiguerre ?, Radio-Canada, 16 mars 2023. En ligne : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1963674/manifestation-guerre-quebec-irak 6 Extraits du En ligne : https://liguedesdroitsqc.org/forum-droit-de-manifester/ 7 Capsules de la campagne Manifester m’a En ligne : http://liguedesdroitsqc.org/manifester-ma-permis/?fbclid=IwY2xjawF3keJleHRuA2FlbQIxMAABHay-UhDeRaTeL3aNQXuq oysi0t0Gl9DekfBhE-emgWorhgPYchLjhHu6Gw_aem_zMBla055SdKo7tsvmr_fUQ 8 Arrêtés pour un carré rouge, Le Devoir, 4 juillet En ligne : https://www.ledevoir.com/societe/444238/profilage-politique-contre-les-carres-rouges? 9 Ligue des droits et libertés, Manifester sous intimidation – Rapport de mission d’observation du G7, 2018. En ligne : https://liguedesdroits.ca/manifester-intimidation-rapport-de-mission-dobservation-g7/ 10 Ligue des droits et libertés - section Québec, Communiqué – Démantèlement d’un campement étudiant à l’UL : La LDL-Qc dénonce la répression du droit de manifester, 2024. En ligne : https://liguedesdroitsqc.org/communique-demantelement-dun-campement-etudiant-a-lul-la-ldl-qc-denonce-la-repression-du-droit-de-manifester/ 11 Projet balado La part de nous qui est restée à la frontière. En ligne : https://open.spotify.com/show/5rUuXUYkaMY6ROOij7qu1f 12 Empêcher les demandeurs d’asile de bénéficier des services de garde est indigne du Québec, Le Soleil, 4 mars En ligne : https://www.lesoleil.com/opinions/point-de-vue/2024/03/04/empecher-les-demandeurs-dasile-de-beneficier-des-services-de-garde-est-indigne-du-quebec- UZETT2Q3A5HVZAA4JRZYRJVABM/ 13 Ligue des droits et libertés - section Québec, Entre droits et discriminations: diversité sexuelle et pluralité des genres, En ligne : https://open.spotify.com/episode/38ZXLYCmMbj7ILCIwOZU93?si=V_qA4ch0Qh-AdUX_B9Je-w 14 Ligue des droits et libertés - section Québec, Lexique sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres, 2e édition, Québec, En ligne : http://liguedesdroitsqc.org/wp-content/uploads/2022/10/Lexique-2e-Ed.pdf 15 Le colloque À l’école de l’abandon : droits et bris de droits des élèves HDAA en situation de déscolarisation » a lieu lors de l’édition 2024 du Congrès des sciences humaines, tenu à l’Université du Québec à Montréal.
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Indignation à Oaxaca devant l’appropriation culturelle et la gentrification
Fentanyl : Trump cible les banques canadiennes
La problématique des prisons pour femmes
Débat sur la monnaie québécoise
Interdire les prières de rue : pas au nom de la laïcité
Lettre—« Assez c’est assez, SAAQ, entendez mon cri »

Presse-toi à gauche prend une pause

À toutes nos lectrices et tous nos lecteurs, voici le temps de prendre une pause salutaire et réparatrice en cette fin d'année. Nous serons de retour le 21 janvier prochain. D'ici là, l'équipe de PTAG vous souhaite du repos, des rencontres intéressantes et des découvertes enrichissantes. Nous nous souhaitons aussi de faire le plein d'énergie pour relever les défis que la droite et la classe dominante nous fera à la rentrée. Nous ferons les mises à jour quotidiennes de la section "Communiqués" comme à l'habitude, question de rester en contact avec le monde.
Vous pouvez dans cet intervalle réfléchir à une éventuelle implication dans le travail de publier un média comme PTAG. Faire un don, rédiger une chronique ou une nouvelle, faire un reportage vidéo ou une entrevue avec quelqu'un qui marque les luttes dans votre milieu sont autant de façons de participer à cette entreprise. Pour rester en contact, vous pouvez aussi vous inscrire à la lettre hebdomadaire si ce n'est pas déjà fait.
Encore une fois, nous vous souhaitons une excellente fin d'année et nous nous retrouverons en 2025 pour renforcer la solidarité avec la Palestine, l'Ukraine et le Soudan, entre autres, et pour soutenir les luttes contre la droite et ses extrêmes, ainsi que contre les offensives patronales qui se profilent à l'horizon. Nous nous engageons à faire connaître les analyses des défis qui nous attendent et les réponses à y apporter.
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