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1er octobre, journée des défenseur-es de l’Ukraine
Aujourd'hui, à l'occasion de la Journée des défenseurs et défenseuses de l'Ukraine, nous saluons tous ceux et celles qui défendent notre territoire, en particulier nos camarades de gauche, les travailleurs de tous les secteurs et les syndicalistes qui ont quitté leur vie paisible et leur lieu de travail pour se joindre aux rangs des Forces armées ukrainiennes contre l'armée russe.
1 Octobre 2025 | tiré d'Europe solidaire sans frontières
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article76463
Cette fête célèbre votre courage et votre abnégation, votre capacité à faire passer la liberté et la vie des gens avant votre propre bien-être. C'est grâce à vos efforts que toute la société tient bon.
Le Sotsialnyi Rukh s'efforce d'apporter un soutien complet aux militaires, qu'il s'agisse d'une aide juridique pour obtenir les avantages sociaux auxquels ils ont droit ou d'une aide financière pour répondre à leurs besoins les plus urgents. Nous sommes aidés dans cette tâche par des représentants de réseaux internationaux de solidarité qui sont conscients de la valeur planétaire de la résistance ukrainienne. Il est regrettable que les autorités ukrainiennes, par leurs décisions, compliquent souvent l'accomplissement du devoir militaire en réduisant la protection sociale tant des défenseurs eux-mêmes que des couches populaires dont ils sont majoritairement issus.
Nous espérons que l'expérience acquise dans l'armée sera utile dans la vie civile et renforcera la capacité à lutter collectivement pour un avenir meilleur, tout en introduisant dans la politique une demande de véritable justice.
Défenseurs et défenseuses de l'Ukraine, vous êtes l'espoir de tout le monde libre.
Sotsialnyi Rukh, 1er octobre 2025
P.S.
Source : RESU / PLT
https://aplutsoc.org/2025/10/02/1er-octobre-journee-des-defenseur-es-de-lukraine-sotsialnyi-rukh/
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Les médias français et la condamnation de Sarkozy : les dessous d’une semaine de mensonges en continu
Sur les principales chaînes d'information en continu, la défense de Nicolas Sarkozy a pris toute la place au détriment des faits. Sur BFMTV, des consignes envoyées aux présentateurs ont été ignorées et une journaliste, un peu trop rigoureuse, a même été convoquée.
Tiré d'Europe solidaire sans frontière.
Dans l'affaire Sarkozy-Kadhafi, comme de coutume sur CNews, la réalité des faits est rapidement écrasée par l'instrumentalisation partisane qui en est faite. Que l'ancien président soit déclaré coupable ou non, condamné à une peine de prison ou non, la chaîne info de Vincent Bolloré avait de toute façon l'intention de se saisir de ce jugement historique pour faire le procès des magistrats et de leur acharnement supposé contre Nicolas Sarkozy.
Ainsi a-t-on vu défiler jeudi 25 septembre, sur les plateaux de Pascal Praud, Laurence Ferrari, Christine Kelly et autres, des commentateurs venus fustiger « un procès politique », « une erreur extraordinaire de justice », « un règlement de compte » judiciaire et une condamnation fondée sur « aucune preuve ». Un traitement univoque qui s'est prolongé toute la semaine.
Garante du respect du pluralisme et de la rigueur dans le traitement de l'information, l'Arcom a reçu de nombreux signalements dénonçant ce flot d'intox, a fait savoir l'autorité de régulation des médias. En mars déjà, lors du jugement de Marine Le Pen dans l'affaire des assistants parlementaires, l'autorité indépendante avait rappelé CNews à l'ordre pour son traitement « sans mesure, ni modération » de la condamnation de la cheffe de file du RN. Comme à chaque fois, pendant que l'Arcom ouvre des procédures, prend des sanctions et prononce des amendes, CNews continue sereinement à tordre les faits.
Rien de très inhabituel donc à observer la galaxie Bolloré se mettre en branle pour blanchir médiatiquement Nicolas Sarkozy. Depuis longtemps maintenant CNews, mais aussi Europe 1 et le JDD – qui n'ont pas jugé utile de préciser que Nicolas Sarkozy et Valérie Hortefeux, ex-compagne de Brice Hortefeux, siègent au conseil d'administration de leur maison mère, Lagardère – ont bazardé toute notion d'équilibre et d'honnêteté dans leur traitement de l'information. Il est en revanche plus saisissant de constater à quel point CNews semble avoir contaminé avec ses pratiques l'ensemble de l'espace médiatique.
Sur les autres chaînes, la condamnation de Nicolas Sarkozy à cinq ans de prison a généré un niveau exceptionnel d'approximations, de déformations des faits et d'erreurs factuelles. D'abord, à travers les réactions des proches de l'ancien président ou des commentaires de chercheurs ou d'éditorialistes jamais contredits.
Dans C dans l'air sur France 5, par exemple, Jérôme Jaffré, chercheur associé au Cevipof, s'est dit « bouleversé » par la condamnation de l'ancien président puis s'est aventuré à commenter le jugement en affirmant qu'aucune trace d'argent n'avait été retrouvée dans les comptes de la campagne de 2007.
Sur le plateau du service public, personne pour répliquer qu'il a été solidement établi par l'enquête judiciaire qu'au total 6,5 millions d'euros ont transité de la Libye vers les proches de Sarkozy. « La justice se paye la politique dans cette affaire », a-t-il lâché, avant de railler le lendemain sur France Inter une « justice trop sévère », qui a « mal fait son travail ».
Partout, les journalistes ont invité des défenseurs de Nicolas Sarkozy pour les laisser, sans jamais les corriger, dire, au choix, que le dossier était vide, que l'enquête reposait sur un faux ou que le président a été condamné sur la base d'une simple « intention ».
Dans l'émission Quotidien, le journaliste Jean-Michel Apathie a ainsi pu déclarer qu'il n'existait « aucune preuve » que Nicolas Sarkozy était au courant d'un pacte corruptif et a comparé le raisonnement des juges à une « loterie ». Toujours au sein du groupe TF1, Éric Brunet a estimé sur LCI que l'exécution provisoire de la peine de prison avait « peut-être » pour but d'« humilier » l'ancien président. « Moi, je trouve que les peines lourdes sont plutôt déployées à l'endroit de personnalités de droite », a-t-il conclu pour asseoir l'idée d'un complot.
Une journaliste de BFMTV convoquée
Sur BFMTV, plusieurs présentateurs se sont adonnés au même exercice de réécriture du jugement. Le 25 septembre, en édition spéciale, Olivier Truchot a multiplié les contresens, en répétant à plusieurs reprises que le casier judiciaire de Nicolas Sarkozy était vierge, en assurant que l'exécution provisoire était « censée être une exception » ou en affirmant, à tort, que « l'affaire est partie avec la publication d'une note de Mediapart ».
Une note qui selon lui « est un faux » et qui expliquerait pourquoi le tribunal « afait tomber trois charges sur quatre ». Très sérieusement, le journaliste Christophe Delay a aussi évoqué le témoignage de Ziad Takieddine et sa rétractation « sur BFMTV », sans jamais mentionner les détails de cette manipulation qui incrimine la chaîne.
Des erreurs factuelles qui sont d'autant moins pardonnables que les journalistes « rubricards » police-justice qui ont suivi par intermittence les trois mois d'audience pour BFMTV ont balisé le terrain avant et après la décision de justice, pour éviter tout contresens sur l'affaire.
Dans un mail envoyé le mardi 23 septembre et consulté par Mediapart, ayant pour objet « SARKOZY/KADHAFI : une décision très attendue ce jeudi — tout ce qu'il faut savoir » et transmis en interne à l'ensemble des collaborateurs de la chaîne, le service police-justice du canal 13 a pris soin de rafraîchir les mémoires sur les points clés du dossier.
« Les trois mois d'audience ont été relativement accablants pour Nicolas Sarkozy et ses plus proches, mettant en lumière des coïncidences très difficiles à justifier », avaient notamment pointé les rubricards deux jours avant la condamnation de l'ex-chef d'État. Dans cette notice à destination entre autres des présentateurs, rédacteurs en chef et programmateurs de la chaîne, il est rappelé la « succession de voyages à Tripoli à partir de l'automne 2005 de Claude Guéant et Brice Hortefeux » avec le terroriste Abdallah Senoussi, mais aussi les « explications farfelues de Thierry Gaubert sur l'arrivée d'un demi-million d'argent libyen sur son compte », ainsi que les agendas de l'ex-ministre du pétrole libyen, dans lesquels ont été retrouvés la mention « d'un déjeuner lors duquel avaient été évoqués trois virements d'un total de 6,5 millions d'euros “pour Sarkozy” ».
Pendant les heures de direct consacrées à la condamnation de Nicolas Sarkozy, aucun présentateur ne prendra pourtant la peine de rappeler à l'antenne les éléments listés dans ce document et tous laisseront les invités fustiger « un dossier vide ».
Dans ce même mail, les « autres affaires judiciaires » de l'ancien président sont également évoquées, notamment sa condamnation définitive dans l'affaire Bismuth. Ce qui n'empêchera pas Olivier Truchot d'insister à plusieurs reprises sur le casier judiciaire vierge de Nicolas Sarkozy et sur la supposée sévérité des juges. Pire, de cette note, les journalistes ne retiendront que les paragraphes mentionnant « la défense de Nicolas Sarkozy ».
- La chaîne n'a pas de commentaire à apporter sur le travail journalistiquement indépendant et irréprochable de la rédaction.
- - BFMTV en réponse à Mediapart
En plateau pourtant, la journaliste Alexandra Gonzalez, qui a couvert plusieurs audiences du procès pour BFMTV, tente tant bien que mal de rétablir quelques vérités. Face aux errements d'Olivier Truchot, de Christine Boutin, ancienne ministre sarkozyste, qui compare cinq ans de prison à « la guillotine », et de Jonas Haddad, porte-parole adjoint du parti Les Républicains, qui évoque un complot « politico-médiatique », elle rappelle les faits : le casier judiciaire de l'ex-chef d'État n'est pas vierge, la condamnation est l'aboutissement d'une enquête judiciaire qui a duré dix ans et non d'une instruction menée par des journalistes. Elle martèle aussi le fait que l'exécution provisoire n'a rien d'une exception.
Pour avoir simplement énoncé des faits, Alexandra Gonzalez sera convoquée le lendemain, selon nos informations, dans le bureau de Camille Langlade, directrice de la rédaction de BFMTV. Non pas pour la féliciter mais pour lui reprocher son positionnement lors du direct, jugé trop en défense des magistrats et du jugement prononcé contre Nicolas Sarkozy.
Contactées, ni Alexandra Gonzalez ni Camille Langlade n'ont répondu à nos questions. De son côté, BFMTV nous a fait savoir que « la chaîne n'a pas de commentaire à apporter sur le travail journalistiquement indépendant et irréprochable de la rédaction ».
Ainsi en est-il du fonctionnement des chaînes d'info, où l'on préfère laisser discourir à partir d'approximations ou d'intox des éditorialistes et invités de différentes obédiences, sans jamais trancher les débats par les faits. Le commentaire y est sacré et les faits minoritaires. Et lorsque les journalistes tentent de rétablir quelques vérités, on leur reproche de choisir un camp ou de prendre parti.
Le soir de la condamnation de l'ex-chef d'État, le service police-justice de BFMTV envoie à la rédaction un nouveau document, cette fois intitulé « SARKOZY / KADHAFI - Comprendre le jugement à l'encontre de Nicolas Sarkozy ». La notice cite des extraits de la décision rendue par le tribunal de Paris. Elle rappelle que l'incarcération est motivée par l'exceptionnelle « gravité des faits » et insiste sur la caractérisation de l'association de malfaiteurs dont Nicolas Sarkozy a été jugé coupable et qui « avait pour but de lui procurer un avantage dans la campagne électorale. »
Pour autant, les défenseurs de Nicolas Sarkozy défileront encore un à un pour dérouler leurs commentaires sans contradiction et les bandeaux diffusés par BFMTV auront tous la même tonalité : « La justice va-t-elle trop loin ? », « Une peine disproportionnée ? », « Un verdict politique ? », « Exécution provisoire ou exécution politique ? », « Mediapart, média militant ? »
« La condamnation sans preuve, elle est assumée », accuse le conseiller Henri Guaino devant une journaliste muette. « Je ne vous ai quand même jamais entendu dire des mots aussi forts contre la justice », se contente-t-elle de répondre. Dans une autre émission du 29 septembre, le chroniqueur économique Emmanuel Lechypre se moque du couplet « pro-juge » de l'éditorialiste Laurent Neumann lorsque ce dernier évoque les menaces reçues par les magistrats et Géraldine Woessner, du Point, assène qu'« il n'y a aucune preuve » du pacte de corruption.
L'opinion avant l'information
« Ce qui est stupéfiant pour une bonne part du traitement médiatique audiovisuel, c'est que les informations et les débats portent essentiellement sur les infractions retenues ou écartées, sur le mandat de dépôt, mais pas sur les faits établis par le tribunal », s'étonne Ismaël Halissat, journaliste qui a alternativement couvert le procès pour Libération avec deux de ses collègues.
Alors comment expliquer une telle désinformation ? Nombre de rubricards police-justice que nous avons interrogés soulignent l'inculture générale de la profession sur le fonctionnement de la justice, qui rend impossible la bonne restitution d'un dossier aussi complexe.
« Il n'est pas nécessaire que le tribunal apporte la preuve absolue que l'argent libyen ait irrigué la campagne de Sarkozy pour que le pacte de corruption soit constitué, s'agace Thierry Lévêque, qui a suivi les trois mois d'audience pour le média Les Jours. Le cœur de l'affaire, c'est bien qu'on a été solliciter de l'argent libyen et que cet argent a été en partie versé. Et c'est ça qu'on devrait retenir journalistiquement. »
Des tensions dans la presse écrite
- Selon nos informations, le traitement de la condamnation de Nicolas Sarkozy a suscité quelques tensions au sein du journal Libération. Pendant que la rédaction préparait un dossier avec des explications et analyses des trois journalistes ayant suivi le procès, Jean Quatremer, salarié du même quotidien, courait les plateaux télé. Non pas pour relayer le travail de ses collègues, mais pour reprendre les éléments de langage du clan Sarkozy et dénoncer les magistrats « qui font de la politique ». « On ne condamne pas un ancien président de la République comme on condamne moi ou vous », a-t-il notamment déclaré sur LCI, avant d'ajouter : « On peut se dire que les juges jouent quand même avec la République. »
- Pour le journal Marianne, Laurent Valdiguié, qui a suivi l'intégralité du procès, a publié un hors-série reprenant tous les enjeux de l'affaire de manière factuelle et documentée. Une approche qui tranche radicalement avec l'autre numéro de l'hebdomadaire en kiosque depuis mercredi. Dans son édito, la directrice Ève Szeftel déplore « le soupçon de partialité qui entache ce jugement » et pose cette question en une : « La vengeance politique des juges ? » En réponse, Laurent Valdiguié a partagé sur X un célèbre adage : « À tout titre d'article journalistique se terminant par un point d'interrogation, il peut être répondu par la négative. » Selon nos informations, il a aussi demandé à retirer sa signature d'un des articles publiés dans ce numéro.
De manière générale, il faut dire que les journalistes étaient peu nombreux à assister à ce procès unanimement décrit comme historique. À peine une dizaine de reporters étaient présents quotidiennement au tribunal. Les télés et radios ont couvert une poignée d'audiences, lors des réquisitions du parquet et des plaidoiries de la défense principalement.
« Tous les journalistes sont venus le jour où Sarkozy est arrivé à l'audience avec son bracelet, mais lorsqu'il y avait des audiences cruciales sur le fond de cette affaire, il n'y avait ni télé ni radio, remarque Thierry Lévêque, qui a même chroniqué le procès sur son blog personnel. Le résultat, c'est que le lecteur n'a pas vraiment été mis en mesure de comprendre ce qui se passait et d'un seul coup le jugement a dégringolé, comme si ça sortait de nulle part. » Le narratif du clan Sarkozy était ainsi beaucoup plus facile à imposer.
Yunnes Abzouz et David Perrotin
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« Les manifestations de la génération Z ont le vent en poupe »
Sous ce titre, qui est du New York Times, nous donnons la traduction d'un article paru dans ce quotidien « de référence » nord-américain ce 1° octobre 2025. L'on peut sans doute se risquer à dire que nous avons un mouvement mondial de la jeunesse, comme on disait en 1968, mais cette fois de la jeunesse pauvre et prolétarienne, et un mouvement partie d'Asie orientale, qui est en train de déferler sur Madagascar. En Europe, ce sont la Serbie, le plus important soulèvement de la jeunesse depuis mai 68, et les mouvements pro-démocratie et anti-corruption en Ukraine. Et, depuis le 10 septembre, il y a au moins un français notoire qui s'inquiète de ce qui pourrait germer et grossir et s'attache à provoquer et réprimer : M. Retailleau !
Tiré de Arguments pour la lutte sociale
1er octobre 2025
Par Aplutsoc2
Document
Les manifestations de la génération Z ont le vent en poupe.
Le mois dernier, le Népal, l'Indonésie, les Philippines et Madagascar ont connu d'importantes manifestations menées par des jeunes indignés par la corruption gouvernementale et les inégalités. Un drapeau commun flottait au-dessus de chaque manifestation : une tête de mort souriante coiffée d'un chapeau de paille.
Ce drapeau est tiré d'un manga et d'une série animée japonais de longue date intitulé « One Piece », qui suit une bande de pirates combatifs face à un gouvernement corrompu et répressif. La franchise, récemment relancée en live-action sur Netflix, a été doublée dans plus d'une douzaine de langues et a conquis un public considérable, avec plus de 500 millions d'exemplaires de la version imprimée.
L'une des premières fois que le drapeau a flotté lors de manifestations, c'était en 2023, lors de marches pro-palestiniennes en Indonésie et en Grande-Bretagne. Depuis, il est devenu un symbole des manifestations organisées par la jeunesse à travers le monde.
Il était accroché aux portes du complexe gouvernemental népalais, incendié lors des manifestations qui ont finalement renversé le gouvernement. Il a été peint sur les murs de Jakarta et hissé par la foule à Manille. Cette semaine, il a fait son apparition à Madagascar, où des manifestations ont forcé la dissolution du gouvernement lundi. (1)
« Nous savons que la génération Z manifeste partout dans le monde, et nous voulions utiliser des symboles qui parlent à notre génération », a expliqué Rakshya Bam, 26 ans, l'un des organisateurs népalais de la manifestation de la génération Z, à ma collègue Hannah Beech. « Le drapeau pirate, le Jolly Roger, c'est comme un langage commun maintenant. »
Le drapeau « One Piece » n'est pas seulement un emblème, c'est une allégorie. Le protagoniste, Luffy, est un terroriste ou un combattant de la liberté, selon la personne à qui l'on pose la question. Son chapeau de paille emblématique était un cadeau de son héros d'enfance, qui croyait que Luffy et sa génération finiraient par triompher.
L'intrigue rend ce symbole particulièrement percutant, a confié à ma collègue Hannah Irfan Khan, un autre manifestant népalais. « Le pirate, c'est comme une façon de dire que nous ne tolérerons plus l'injustice et la corruption », a-t-il déclaré.
Ce n'est pas la première fois que les manifestants s'unissent à des références culturelles liées à la jeunesse. Dans les années 2010, les manifestants contre un coup d'État militaire en Thaïlande ont adopté le salut à trois doigts du film dystopique « Hunger Games », un geste qui perdure dans des pays comme la Birmanie.
« Je pense que nous entrons dans une nouvelle ère d'organisation qui s'inspire largement de la culture numérique, pop et des jeux vidéo, créant un vocabulaire commun », a déclaré Raqib Naik, directeur du Center for the Study of Organized Hate, un groupe de surveillance américain qui surveille l'activité en ligne et la désinformation.
Le drapeau « One Piece » est utilisé par des manifestants qui se trouvent à des milliers de kilomètres les uns des autres. Mais ils sont liés par la culture commune de leur génération, fusionnant récits populaires et politiques contestataires pour former une force qui a fait tomber au moins deux gouvernements – et ce n'est pas fini.
Pranav Baskar, le 01/10/2025.
(1) Et au Maroc, et au Pérou …
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L’écocide israélien à Gaza envoie le message suivant : même si nous arrêtions de larguer des bombes, vous ne pourriez pas vivre ici.
Présentation
La brutalité et la totalité de l'écocide sioniste équivaut à ceux du génocide et viceversa. Dommage que l'on ne l'oublie trop souvent. Je retiens en autre chose « que les forces armées mondiales produisent environ 5,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Pourtant, en partie grâce au lobbying du gouvernement étatsunien, elles sont exemptées de l'obligation de déclaration prévue par l'accord de Paris sur le climat. » Je signalais dans un article récent que les émanations de GES provenant des feux de forêt sont aussi généralement exclues de cette obligation sous prétexte qu'ils sont « naturels ». Faut-il se surprendre que les statistiques officielles colligées par l'ONU masquent l'effrayante réalité que les émanations mondiales de GES, telles que directement mesurées dans l'atmosphère, croissent à un taux croissant… qu'il l'est de plus en plus depuis le début de ce siècle.
Marc Bonhomme, 5/10/25
Samedi 27 septembre 2025 |The Guardian | Traduction : Marc Bonhomme
Source : https://www.theguardian.com/commentisfree/2025/sep/27/israelecocide-gaza-bombs-agricultural-land-genocide
Considérez l'anéantissement des terres agricoles parallèlement au génocide - et saisissez la totalité effrayante de cette tentative d'éliminer toute vie
Un peuple sans terre et une terre sans peuple : tels sont, semble-t-il, les objectifs du gouvernement israélien à Gaza. Il y a deux moyens d'y parvenir. Le premier est le massacre et l'expulsion des Palestinien-ne-s. Le second consiste à rendre la terre inhabitable. Parallèlement au crime de génocide, une autre grande horreur se déroule : l'écocide.
Si la destruction des bâtiments et des infrastructures à Gaza est visible dans toutes les vidéos que nous voyons, la destruction parallèle des écosystèmes et des moyens de subsistance est moins visible. Avant l'atrocité du 7 octobre qui a déclenché l'assaut actuel sur Gaza, environ 40 % des terres étaient cultivées.
Malgré son extrême densité de population, Gaza était en grande partie autosuffisante en légumes et en volailles, et répondait à une grande partie de la demande de la population en olives, en fruits et en lait. Mais le mois dernier, les Nations unies ont indiqué qu'à peine 1,5 % des terres agricoles restaient accessibles et intactes. Cela représente environ 200 hectares, soit la seule surface restante directement disponible pour nourrir plus de 2 millions de personnes.
Cette situation s'explique en partie par la destruction systématique des terres agricoles par l'armée israélienne. Les troupes au sol ont démoli les serres, les bulldozers ont renversé les vergers, labouré les cultures et écrasé le sol, et les avions ont pulvérisé des herbicides au-dessus des champs.
Les Forces de défense israéliennes (FDI) justifient ces attaques en affirmant que « le Hamas opère souvent à partir de vergers, de champs et de terres agricoles ». Et apparemment aussi à partir d'hôpitaux, d'écoles, d'universités, de zones industrielles et de toutes les autres ressources dont dépendent les Palestiniens. Pour justifier la destruction, il suffit aux FDI de suggérer que le Hamas a opéré ou pourrait opérer à partir de ce qu'elles veulent détruire. Et s'il n'y a pas de preuves, tant pis, c'est trop tard.
Les FDI étendent progressivement la « zone tampon » le long de la frontière orientale de Gaza, qui contient justement une grande partie des terres agricoles de la bande de Gaza. Comme le souligne Hamza Hamouchene, spécialiste des droits humains, plutôt que de « faire fleurir le désert » – un pilier de la propagande d'État israélienne –, elles transforment des terres fertiles et productives en désert.
Depuis des décennies, le gouvernement israélien abat les oliviers centenaires des Palestiniens afin de les priver de leurs moyens de subsistance, de les démoraliser et de rompre leur lien avec la terre. Les olives sont à la fois cruciales sur le plan matériel, puisqu'elles représentent 14 % de l'économie palestinienne, et symboliquement puissantes : sans oliviers, il ne peut y avoir de branche d'olivier. La politique de la terre brûlée menée par Israël, associée à son blocus des approvisionnements alimentaires, garantit la famine.
L'assaut des forces de défense israéliennes sur Gaza a provoqué un effondrement du traitement des eaux usées. Les eaux usées brutes inondent les terres, s'infiltrent dans les aquifères et empoisonnent les eaux côtières. Il en va de même pour l'élimination des déchets solides : des montagnes d'ordures pourrissent et couvent parmi les ruines ou sont poussées dans des décharges informelles, où elles sont contaminées par lixiviation. Avant l'assaut actuel, les habitants de Gaza avaient accès à environ 85 litres d'eau par personne et par jour, ce qui, bien que peu abondant, correspond au niveau minimum recommandé. En février de cette année, la moyenne était tombée à 5,7 litres. L'aquifère côtier crucial de Gaza est encore plus menacé par l'inondation des tunnels du Hamas par les FDI avec de l'eau de mer : l'intrusion de sel, au-delà d'un certain point, rendra l'aquifère inutilisable.
Le programme des Nations unies pour l'environnement a estimé l'année dernière que chaque mètre carré de Gaza contenait en moyenne 107 kg de débris provenant des bombardements et des destructions. Une grande partie de ces débris est mélangée à de l'amiante, à des munitions non explosées, à des restes humains et aux toxines libérées par l'armement. Les munitions contiennent des métaux tels que le plomb, le cuivre, le manganèse, des composés d'aluminium, du mercure et de l'uranium appauvri. Des rapports crédibles font état de l'utilisation illégale par les FDI de phosphore blanc, une arme chimique et incendiaire hideuse qui entraîne également une contamination généralisée du sol et de l'eau. L'inhalation de poussières toxiques et de fumées a un impact majeur sur la santé des populations.
Outre les effets immédiats dévastateurs sur la vie des habitants de Gaza, les émissions de carbone liées à l'assaut israélien sont astronomiques : une combinaison de vastes émissions directes causées par la guerre et le coût climatique stupéfiant de la reconstruction de Gaza (si jamais elle est autorisée) - la reconstruction à elle seule produirait des gaz à effet de serre équivalents aux émissions annuelles d'un pays de taille moyenne.
Lorsque l'on considère l'écocide en même temps que le génocide, on commence à saisir la totalité de la tentative de l'État israélien d'éliminer à la fois les Palestinienne-s et leur patrie. Comme l'affirme l'écologiste palestinien Mazin Qumsiyeh : « La dégradation de l'environnement n'est pas fortuite - elle est intentionnelle, prolongée et vise à briser l'éco-sumud (fermeté écologique) du peuple palestinien. »
Au fil des ans, j'ai très peu écrit sur l'impact environnemental des forces armées, car je pense que si l'on ne parvient pas à convaincre les décideurs que tuer des êtres humains est mal, on ne parviendra jamais à les convaincre que tuer d'autres formes de vie est également mal. Je pense que beaucoup d'autres partagent ce sentiment, ce qui explique en partie pourquoi l'armée échappe généralement à la surveillance environnementale dont font l'objet d'autres secteurs. Mais son empreinte, même en temps de paix, est énorme. L'Observatoire des conflits et de l'environnement estime que les forces armées mondiales produisent environ 5,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Pourtant, en partie grâce au lobbying du gouvernement étatsunien, elles sont exemptées de l'obligation de déclaration prévue par l'accord de Paris sur le climat. Elles ne sont pas non plus tenues de rendre compte de leurs nombreux autres dommages environnementaux, de la déforestation à la pollution, en passant par la destruction des sols et les décharges non réglementées.
Personne parmi ceux qui se soucient de cette question ne réclame des « balles vertes » ou des « bombes vertes », mais les chercheurs militaires et les ministères de la défense tentent régulièrement de nous persuader qu'ils peuvent désormais faire exploser des personnes de manière durable. Depuis de nombreuses années, les militants écologistes soulignent que la paix et la protection de l'environnement doivent aller de pair. La guerre est aussi dévastatrice pour les écosystèmes que pour les populations, et la dégradation de l'environnement est une cause majeure de guerre.
Pour le gouvernement israélien, la destruction des écosystèmes et des moyens de subsistance des populations semble être un objectif stratégique majeur. Il semble rechercher ce que certains ont appelé un « holocide » : la destruction complète de tous les aspects de la vie à Gaza. Même en l'absence d'une loi spécifique sur l'écocide, que beaucoup d'entre nous réclament, la destruction des écosystèmes palestiniens est en violation flagrante de l'article 8 du Statut de Rome et devrait être considérée comme un crime grave au même titre que le génocide.
Mais si le projet final consiste à créer une « Riviera de Gaza » ou un projet similaire visant à construire une technopole élitiste et inquiétante, dépourvue de lieu et d'histoire, du type de celles que Donald Trump et certains hauts responsables politiques israéliens privilégient, alors qui a besoin d'arbres, de sol ou de cultures pour cela ? Il n'y a aucun coût pour les auteurs de ces crimes. Du moins, pas avant qu'ils ne soient traduits en justice.
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Jane Goodall s’est éteinte, son héritage scientifique et militant perdure
La primatologue britannique Jane Goodall est morte le 1er octobre, à l'âge de 91 ans. Celle qui a bouleversé sa discipline laisse en héritage un institut et une nouvelle génération de chercheurs prêts à marcher dans ses pas.
Tiré de Reporterre.
C'est une pionnière de la primatologie et une activiste infatigable, à la curiosité et à l'émerveillement inépuisables, qui s'est éteinte. La Britannique Jane Goodall est morte mercredi 1er octobre à Los Angeles, à l'âge de 91 ans. Elle laisse derrière elle des apports scientifiques considérables et une approche révolutionnaire de l'étude des grands singes, basée sur l'observation de long terme et l'attention aux sentiments et émotions.
Jane Goodall n'avait que 26 ans et aucun diplôme universitaire quand elle a débarqué sur le site tanzanien de Gombe, aux abords du lac Tanganyika, en juillet 1960. Le paléontologue kényan et britannique Louis Leakey l'avait embauchée comme secrétaire puis, impressionné par son sens de l'observation, l'a missionnée pour étudier les chimpanzés sauvages. « Il croyait alors en son regard naïf, sans carcan universitaire », explique l'éthologue Emmanuelle Grundmann. Il a eu le nez creux : il n'a fallu que quatre mois à la jeune femme pour découvrir que les chimpanzés de Gombe, adeptes de termites, effeuillent des tiges qu'ils introduisent et tournent dans les terriers pour cueillir leurs proies — dit autrement, ils fabriquent et utilisent des outils.
« Il faut désormais redéfinir l'homme ou accepter le chimpanzé comme humain », commente Leakey, un propos rapporté par Le Monde.
Militante écologiste
Avec ses complices l'Étasunienne Dian Fossey, qui étudiait les gorilles au Rwanda, et la Canadienne Biruté Galdikas, qui s'est dévouée aux orangs-outans de Bornéo, elle a fondé la primatologie moderne et bouleversé sa méthodologie. Emmanuelle Grundmann l'a rencontrée au tournant des années 2000, alors qu'elle-même était étudiante au Muséum national d'histoire naturelle.
« Outre la fabrication d'outils, Jane Goodall a découvert de nombreux comportements chez les chimpanzés : des guerres, des comportements d'entraide, d'empathie, l'existence de cultures », admire-t-elle. Des observations consignées et analysées dans de nombreux livres — My Friends the Wild Chimpanzees (1969), In the Shadow of Man (1971), The Chimpanzees of Gombe : Patterns of Behavior (1986) — et qui l'ont entrainée dans une carrière universitaire. Elle a décroché un doctorat en éthologie à l'université de Cambridge en 1965.
« Mais la première chose qu'elle a apportée à la primatologie, c'est la reconnaissance de chaque chimpanzé comme un individu distinct, avec sa personnalité propre », poursuit Emmanuelle Grundmann. Jane Goodall était ainsi connue pour donner des noms aux chimpanzés qu'elle observait, une pratique inédite dans la recherche occidentale qui numérotait les animaux. « Je me souviens d'un de mes professeurs au Muséum qui trouvait ça scandaleux », rit Emmanuelle Grundmann.
Elle avait aussi pour habitude, comme Diane Fossey d'ailleurs, de se fondre dans le groupe qu'elle observait, jusqu'à partager des moments de la vie quotidienne. « Maintenant, on a tendance à garder un peu plus de distance, pour ne pas biaiser les observations, indique Marie Pelé, directrice de recherche en éthologie et en primatologie au laboratoire Ethics de l'Université catholique de Lille. Mais à l'époque, c'est quelque chose que personne n'avait jamais fait, d'approcher autant les individus en les considérant comme tels. »
Ce lien révolutionnaire à l'animal l'a rapprochée des primatologues japonais, précurseurs de la discipline et qui, à l'instar du spécialiste des macaques japonais Kinji Imanishi, refusaient de hiérarchiser le vivant. Elle a d'ailleurs entretenu avec certains d'entre eux, comme Tetsurō Matsuzawa, des liens très forts.
Pour Marie Pelé, tout ceci fait de Jane Goodall une « pionnière dans cette démarche de rapprocher l'être humain des autres espèces animales ». La chercheuse continue d'ailleurs d'explorer cette même voie en s'intéressant « à ces comportements qu'on a longtemps considérés comme spécifiquement humains mais dont on s'aperçoit qu'ils existent aussi chez d'autres espèces animales : comportements économiques à travers les échanges réciproques et calculés, expression des émotions par le dessin ».
- « Elle a montré que les femmes pouvaient partir sur le terrain »
En tant que femme, Jane Goodall a aussi ouvert la voie à de nombreuses chercheuses dans le monde entier. « Elle a été la première et surtout la plus médiatisée, raconte Emmanuelle Grundmann. Elle a montré que les femmes pouvaient faire de la science et partir sur le terrain, ce qui était hors de question auparavant. »
C'est d'ailleurs grâce à elle qu'est née la vocation de Marie Pelé : « Dès petite, je savais que je voulais observer des animaux en Afrique. Mais c'est en voyant un documentaire sur ses travaux de terrain à Gombe, en 1997-1998, que j'ai eu le déclic : je me suis tournée vers mon père et je lui ai dit "c'est ça que je veux faire". Jane Goodall a ensuite eu un rôle pivot dans mon parcours. »
Très vite, l'éthologue britannique se double d'une militante écologiste. En 1977, elle a fondé le Jane Goodall Institute. Aujourd'hui présente dans 25 pays, l'organisation œuvre pour la conservation des chimpanzés sauvages sur toute la ceinture équatoriale africaine, du Sénégal et de la Gambie jusqu'à la Tanzanie.
« Nous nous adaptons systématiquement à chaque situation, précise Galitt Kenan, directrice du Jane Goodall Institute France. Nous pouvons aussi bien gérer un parc national qu'être partenaire d'une réserve naturelle communautaire. Ces actions sont menées par, pour et avec les populations locales. » L'institut possède aussi deux sanctuaires en Afrique, où sont recueillis 290 chimpanzés blessés, orphelins, sauvés du trafic ou de la boucherie. « 5 000 chimpanzés vivent aussi sous notre protection dans leur habitat naturel », précise encore la directrice.
Un cri d'alarme sur notre lien dévastateur à la nature
Outre ce travail de terrain, l'institut de Jane Goodall porte une action de plaidoyer pour des lois nationales et internationales de lutte contre la déforestation et le trafic d'animaux sauvages. Jane Goodall a aussi créé en 1991 le programme Roots & Shoots destiné aux plus jeunes, qui propose des actions telles que nettoyage de forêts et plantation d'arbres.
« Elle sentait que le monde ne tournait pas très rond et qu'il était indispensable de sensibiliser les jeunes, en particulier dans les pays qui abritent les grands singes, avec cette idée qu'on ne protège que ce qu'on connaît, se souvient Emmanuelle Grundmann, qui est également fondatrice de l'antenne française du Jane Goodall Institute. Elle avait conscience que la vie n'était pas simple dans les zones tropicales. Mais elle voulait montrer qu'il existait des alternatives à la déforestation, à la chasse et au trafic, qui pouvaient être mises en place par les populations locales. »
- « Plaider pour une réconciliation entre les humains et les autres animaux était devenu toute sa vie »
À partir du début des années 1990 et jusqu'à sa mort, elle n'a cessé d'arpenter le monde avec son chimpanzé en peluche, enchaînant sans relâche les conférences pour la défense des grands singes et de leur environnement, alertant sur notre responsabilité indirecte dans la déforestation via notre consommation d'huile de palme, de bois tropicaux, de minerais et de pétrole.
« Elle dégageait quelque chose d'incroyable, un mélange de cette humilité propre aux grandes figures, de douceur et de détermination, se souvient Emmanuelle Grundmann. Elle délivrait un message de paix. On sentait que plaider pour les chimpanzés et pour une réconciliation entre les humains et les autres animaux était devenu toute sa vie. »
Ce dont se souvient Galitt Kenan, c'était de son « humour absolument incroyable » : « Comme elle était très observatrice et attentionnée, elle voyait beaucoup de choses et faisait des remarques extrêmement drôles. C'était aussi sa manière de mettre tout le monde à l'aise, de désamorcer les sources de stress. » Mais aussi et surtout de son message d'espoir : « Il était au cœur de son dernier livre, The Book of Hope : A Survival Guide for Trying Times, paru en 2021. Elle ne percevait pas l'espoir comme quelque chose de passif : l'espoir, c'est se relever les manches et agir. »
Elle laisse derrière elle des scientifiques et militantes prêts à poursuivre son combat. « Ce n'est pas un hasard si j'ai étudié les animaux et en particulier les grands singes, et si j'écris des livres autour de la nature et des animaux, dit Emmanuelle Grundmann. C'est pour essayer de transmettre cette fascination mais aussi ce cri d'alarme sur notre lien dévastateur à la nature, comme elle l'a si bien fait pendant toute sa vie. »
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Manifeste Antiextractiviste
L'appropriation et la marchandisation des territoires et de la nature par les entreprises s'étendent partout, en termes de secteurs concernés et sur le plan géographique et politique. Les mégaprojets extractivistes liés à l'exploitation des minerais essentiels, le développement de grands parcs d'énergies renouvelables, les macrofermes agro-industrielles, les agro-industries et les infrastructures gigantesques de toutes sortes occupent une place prépondérante en tant qu'espaces réservés pour l'accumulation du capital. De même, les projets classiques d'extraction minière et d'hydrocarbures conservent leur caractère stratégique de maintien de la dynamique capitaliste.
Tiré de Afriques en Lutte
2 octobre 2025
Par Réseau international
Le capitalisme définit un rapport mercantiliste et d'exploitation de la nature, tout en restant incapable de résoudre les crises énergétiques, sanitaires, écologiques et socio-économiques qui touchent principalement les classes populaires du monde entier. Il s'agit d'une phase néocoloniale, rentière, du capitalisme où la spoliation de la nature par l'extractivisme, le pouvoir des entreprises et la militarisation mènent une véritable offensive autour d'eux, dans les pays dépendants et semi-dépendants. On assiste à une lutte croissante pour l'approvisionnement en énergie et matières premières qui, au final, continue à alimenter une consommation non durable, principalement dans les pays du Nord, fondée sur une exploitation des ressources naturelles qui détruit les habitats et profite exclusivement à une petite élite économique et politique.
Les hydrocarbures et les matières premières essentielles au développement des secteurs de ce néocapitalisme vert, militaire et numérique, sont concentrés dans des endroits spécifiques, généralement en dehors des frontières des principaux États, ce qui, dans la pratique, revient à encourager l'extractivisme et, plus précisément, les grandes multinationales minières à exploiter tout le nécessaire pour changer la principale source de ressources énergétiques. Pendant ce temps, le discours dominant s'emploie à habiller cette fièvre extractiviste par des concepts de neutralité climatique, de transition verte et numérique ou par des accords politiques tels que le Pacte vert européen ou le Green New Deal, qui ne font que repeindre en vert ce capitalisme vorace.
La transition verte et numérique ne fait qu'approfondir les inégalités sociales à l'échelle planétaire, tout en renforçant une matrice énergétique extractiviste et en nous rapprochant toujours plus vite du point de rupture des limites biophysiques de la planète.
De plus, sur le plan géopolitique, elle accroît encore davantage le pouvoir des entreprises transnationales, encourage la marche vers la guerre et approfondit l'offensive néocoloniale.
C'est pourquoi les grandes puissances se disputent l'accès et la domination des filières d'approvisionnement nécessaires à leurs économies, mettant au service de cette stratégie un ensemble de dispositifs économiques, diplomatiques et militaires.
Leurs intérêts se déploient à travers la signature d'accords de libre-échange et d'investissements, qui confirment le mode opératoire habituel de la mondialisation capitaliste : alors que toutes sortes d'avantages sociaux, en termes d'emplois, droit du travail et protection de l'environnement sont promis aux pays signataires, non seulement ceux-ci ne se répercutent pas positivement sur la majorité de la population, mais leurs effets se traduisent au contraire par de graves impacts socio-écologiques. Dans le même temps, on voit proliférer les accords - bilatéraux ou à l'échelle régionale - sur l'énergie et les matières premières, au seul profit des élites et des grandes entreprises, en appauvrissant la classe ouvrière et les peuples. La militarisation et l'instauration d'un état de guerre dans de nombreux territoires stratégiques sont des effets palpables de cette offensive néocoloniale.
L'exploitation minière à petite ou grande échelle a des conséquences irréparables en termes de dommages sur les terres, de pollution de l'air, de pollution des eaux de surface et souterraines, d'impacts sur la flore et la faune et de déplacements de communautés hors de leurs territoires d'origine par une violence qui ne fait que reproduire la logique du colonialisme.
Les activités d'extraction des ressources se trouvent généralement dans des espaces naturels écologiquement très sensibles tels que les hauts plateaux, les savanes, les plaines, les mers, les forêts, les bassins hydrologiques, les sources d'eau, ainsi que dans des territoires reposant sur une économie agro-pastorale où les dommages causés finissent par affecter la production alimentaire, au détriment des populations rurales et urbaines. Le développement des giga-exploitations minières, de l'industrie pétrolière ou de l'agrobusiness signifie la poursuite du saccage des territoires et l'interdiction de produire notre propre nourriture dans le cadre de la souveraineté alimentaire, en favorisant au contraire les grandes chaînes de production alimentaire.
Si une transition écosociale est nécessaire et incontournable, elle doit s'appuyer sur une vision de classe, populaire et démocratique : qui décide quoi, qui et comment y parvenir. L'extractivisme, volet fondamental du mode de production capitaliste basé sur l'exploitation intensive et dévastatrice de la classe ouvrière, des paysans et de la terre nourricière, a de graves répercussions sociales, économiques, culturelles et environnementales sur les communautés et les territoires du monde entier. Dans ce contexte, l'auto-organisation sociale et populaire devient un outil fondamental pour la défense des droits territoriaux, la justice environnementale et la construction d'un projet écosocialiste alternatif qui s'oppose à l'offensive extractiviste et à son engrenage juridique, politique et entrepreneurial. Il est temps d'envisager d'autres avenirs possibles au-delà de ce modèle de prédation et de spoliation.
Face aux avancées de l'idéologie privatisatrice et extractiviste, les classes populaires, paysannes, autochtones, mettent en avant d'autres moyens de produire de la richesse dans nos territoires, où il existe déjà une immense richesse ethnique et culturelle avec ses potentialités propres, respectueuses de la nature. Ouvrir la voie à d'autres formes d'organisation de l'économie et de la vie sociale ne passe pas par une délégation de pouvoir aux États alliés du patronat, ni en faisant confiance à la bonne volonté des possédants de grandes fortunes. Les limites politiques des gouvernements progressistes quand ils sont aux affaires et des accords interclassistes sont évidentes, il est donc nécessaire d'aller plus loin : réarticuler entre eux les espaces mondiaux, nationaux et locaux animés par des organisations populaires qui contribuent à renforcer une dynamique de confrontation explicitement dirigée contre l'hégémonie des élites politico-économiques.
Une solidarité internationaliste qui articule les communautés en lutte et les peuples en résistance pour affronter l'ordre capitaliste, hétéropatriarcal, colonial et écocide reste essentielle.
La seule issue équitable à la crise passera par les peuples et la lutte populaire pour la défense des territoires face au pouvoir des entreprises, en renforçant les projets alternatifs et les réseaux transnationaux anti-hégémoniques qui exigent et fassent respecter les droits des majorités sociales. En ce sens, l'idée de pouvoir articuler les luttes des peuples fait apparaître une lueur d'espoir pour construire une organisation populaire internationaliste et poursuivre les luttes de défense de nos territoires en réunissant nos forces. Nous pourrons ainsi amplifier la lutte contre toutes les formes d'extractivisme et l'identifier en tant que secteur parmi les plus actifs de la lutte sociale, qui met l'accent sur les contradictions du capitalisme.
Il est donc proposé la création d'un réseau international des peuples contre l'extractivisme, qui se revendique anticapitaliste, antipatriarcal, anticolonial et en faveur de la justice climatique, dont l'objectif est le suivant :
01. Stratégie
Proposer des stratégies communes de lutte contre les entreprises extractivistes transnationales ; elles sont l'ennemi commun auquel nous pourrons riposter avec d'autant plus d'impact et de force depuis cet espace internationaliste.
02. Union
Travailler à l'union des organisations populaires qui luttent contre l'exploitation minière et l'extractivisme sous toutes ses formes, qui résultent directement des dynamiques capitalistes à l'échelle mondiale.
Nous partons du principe qu'il n'est pas possible de lutter contre les effets sans lutter contre les causes qui sont à l'origine du modèle économique qui permet et encourage toutes sortes de relations d'oppression, de néocolonisation et de spoliation.
03. Défense
Mettre en avant la défense de la planète, de la vie présente dans la flore et la faune, dans une perspective radicalement de classe, des peuples opprimés et en particulier de ceux qui subissent les pires conséquences environnementales et sociales de ce système prédateur.
Concrètement, nous appelons tous les peuples frères avec lesquels nous luttons pour un monde nouveau à se joindre à ce cri d'espoir et à se coordonner à travers ce grand réseau international. Pour y parvenir, notre feuille de route serait la suivante :
• Identifier dans chacun de nos pays les luttes sur le sujet et nous coordonner en s'impliquant fortement dans la création ou le renforcement d'alliances larges avec des organisations sociales, politiques et syndicales en tant qu'objectif clé du réseau.
• Le pari d'un internationalisme écoterritorial, lié aux réseaux communautaires.
• Le rejet actif des logiques guerrières et néocoloniales d'exploitation et d'invasion.
• Une composition diversifiée, enracinée dans les luttes populaires et qui regarde au-delà des frontières étatiques, en considérant qu'il n'est pas le seul cadre d'action politique possible.
Afin d'approfondir davantage cette question, nous invitons les organisations de base, les peuples en lutte et les différents mouvements de résistance anti-extractivistes à une rencontre internationale au cours de laquelle cette coordination mondiale sera présentée, en marge du Sommet des peuples qui se tiendra en novembre 2025 à Belém (Brésil).
C'est ainsi que nous nous convoquons nous-mêmes, à travers un monde en crise écologique et sociale.
Ils ont déjà signé :
AMÉRIQUE DU SUD
Equateur
Confederación de Nacionalidades Indígenas del Ecuador (CONAIE)
Frente Nacional Antiminero
Brésil
Movimento Pela Soberania Popular na Mineração – MAM
Articulación de los Pueblos Indígenas de Brasil – APIB
Colombie
Congreso de los Pueblos
Argentine
FOL-Frente de Organizaciones en Lucha en la Coordinadora por el Cambio Social
Tierra para Vivir
Cooperativa de producción Agroecológica CoPa
AFRIQUE
Maroc
ATTAC/CADTM Maroc
Amérique centrale
Guatemala
CODECA-MLP
Honduras
Consejo Cívico de Organizaciones Populares e Indígenas de Honduras (COPINH)
La Coordinadora de Organizaciones Populares del Aguan (COPA).
Panama
Alianza Pueblo Unido por la Vida
Mexique
Frente de Pueblos en Defensa de la Tierra y el Agua – Morelos, Puebla y Tlaxcala (FPDTA-MPT)
Consejo de ejidos y comunidades opositoras a la presa La Parota (CECOP)
Sindicato Nacional de Trabajadores de los Pueblos Originarios al Cuidado del Bosque (SNTPOCB)
RÉSEAUX INTERNATIONAUX
ATTAC/CADTM Internacional
EUROPE
Ecosse
Climate Camp Scotland
France
Soulèvements de la Terre
Péninsula Ibérique
Observatorio Ibérico de la Minería
Ecologistas en Acción
Amigas de la tierra
Asociación ambiental e cultural Tralapena
Plataforma Mina Touro O Pino Non
Euskal Herria
Euskal Herriak Kapitalari Planto
Suisse
CADTM Suisse
Groupe Écosocialiste
Belgique
Code Rouge
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Rejoins le réseau mondial des peuples contre l'extractivisme :
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Aux États-Unis, le « shutdown » est un coup de grâce pour l’environnement
Déjà fragilisées par la politique anti-écologique de Trump, les agences environnementales étausniennes pourraient voir leurs effectifs encore drastiquement réduits à la faveur du « shutdown ».
Tiré de Reporterre
2 octobre 2025
Par Émilie Massemin
Faute d'accord sur le budget entre les républicains de Donald Trump et l'opposition démocrate, les États-Unis ont basculé, mercredi 1er octobre en situation de « shutdown ». - Mehmet Eser / Middle East Images via AFP
Pour la première fois depuis 2018, c'est la paralysie quasi-totale outre-Atlantique. Faute d'accord sur le budget entre les républicains de Donald Trump et l'opposition démocrate, les États-Unis ont basculé, mercredi 1er octobre à minuit, en situation de « shutdown ». Quelque 750 000 fonctionnaires fédéraux se retrouvent au chômage technique, le versement de leurs traitements différé.
Les agences en charge des politiques environnementales ne sont pas épargnées. Pire : le gouvernement pourrait saisir l'occasion de ce blocage pour procéder à des licenciements massifs, selon le média spécialisé Inside Climate News. Ainsi, Russell Vought, directeur du Bureau de la gestion et du budget au gouvernement fédéral, a demandé aux agences fédérales de se préparer à des licenciements massifs. Si le gouvernement ferme, « nous allons licencier beaucoup de personnes de manière permanente », annonçait Donald Trump à NBC News le 28 septembre, sans préciser l'ampleur de ces suppressions.
À court terme et pendant le blocage, l'Agence de protection de l'environnement (EPA), une agence fédérale indépendante dont les principales missions sont de faire appliquer les lois environnementales, pourrait voir ses effectifs drastiquement réduits. Seuls 11 % de ses 15 000 employés pourraient continuer à travailler, selon les derniers plans d'urgence réclamés par l'État et élaborés par l'agence dans la perspective du shutdown.
« Personne ne tiendra les pollueurs responsables pendant la fermeture de l'EPA »
Ceci, alors qu'elle avait déjà été grandement fragilisée par la politique anti-écologique du président étasunien : elle avait déjà perdu 4 000 employés à la suite de licenciements et de mesures de départ volontaire, et l'administration Trump avait proposé une réduction de 55 % du financement de l'EPA dans son budget pour 2026.
« L'objectif semble être de supprimer l'expertise et l'expérience nécessaires à la mise en œuvre de nos lois fédérales sur la protection de l'environnement, et tant qu'il y aura des personnes qui ont ces compétences, je pense que l'objectif est de supprimer cela autant que possible », a accusé Jeanne Briskin, ancienne directrice du Bureau de la protection de la santé des enfants de l'EPA, lors d'un point presse.
Les conséquences de cet affaiblissement de l'EPA s'annoncent dramatiques. « Personne ne tiendra les pollueurs responsables de ce qu'ils rejettent dans l'air que nous respirons et dans l'eau que nous buvons pendant la fermeture de l'EPA », a déclaré à l'agence AP Jeremy Symons, ancien responsable politique de l'EPA sous la présidence de Bill Clinton, aujourd'hui conseiller principal du Réseau de protection de l'environnement.
Une étudesur la pollution provenant d'environ 200 centrales électriques au charbon lors du précédent shutdown de 2018-2019 pendant le premier mandat de M. Trump, d'une durée record de trente-cinq jours, a révélé qu'elles « avaient considérablement augmenté leurs émissions de particules en raison de la fermeture de l'EPA ». La pollution par la suie est liée àdes milliers de décès par an aux États-Unis.
Incertitudes sur des données énergétiques clés
Globalement, c'est tous les aspects environnementaux du fonctionnement d'un État qui risquent d'être affectés. L'Agence américaine d'information sur l'énergie (EIA), le ministère américain de l'Énergie (DOE) et le ministère américain de l'Intérieur n'avaient pas encore publié de plans actualisés sur la manière dont elles comptent gérer le shutdown.
Cela pourrait entraîner une incertitude quant à la publication par l'EIA de données énergétiques clés, ainsi que sur la manière dont l'administration Trump gèrera les licences d'exportation de gaz naturel liquéfié et la surveillance du développement pétrolier et gazier sur des millions d'hectares de terres fédérales, selon Argus Media, un site d'information spécialisé dans les marchés des matières premières.
Le shutdown pourrait aussi mettre en congé environ 42 000 employés du Département de l'agriculture des États-Unis, soit environ la moitié des employés de l'agence, selon son plan d'urgence pour 2025. En conséquence, les rapports sur les matières premières sensibles au marché publiés par le ministère américain de l'Agriculture et les programmes nutritionnels qui nourrissent des millions d'Étasuniens pourraient être perturbés, selon Reuters. L'agence utiliserait des fonds d'urgence pour poursuivre certains programmes, à l'instar de ceux de santé animale, mais suspendrait l'octroi de nouveaux prêts agricoles.
Les parcs nationaux, victimes du précédent shutdown
Autres victimes de cette situation de blocage, les parcs nationaux. Lors du précédent shutdown, les parcs nationaux étaient restés ouverts et sans personnel pendant trente-cinq jours, avec pour conséquences du vandalisme, la destruction d'habitats et l'accumulation de déchets. La semaine dernière, plus de 35 anciens directeurs du Service des parcs nationaux ont donc exhorté le gouvernement à fermer les parcs en cas de shutdown pour empêcher que de tels dégâts se reproduisent.
Dans leur lettre adressée au secrétaire à l'Intérieur Doug Burgum, ils rappelaient que ces parcs étaient déjà « au bord du gouffre » en raison des réductions de personnel et de budget opérées en 2025. Cette année-là, quelque 5 000 employés du Service forestier, rattaché au ministère de l'Agriculture, avaient accepté l'offre de départ volontaire ; entre mars et avril, le Service des parcs nationaux avait vu ses effectifs se réduire de 13 % ; quant aux effectifs du parc national de Carlsbad Caverns (Nouveau-Mexique), ils avaient fondu de 20 %.
Pour l'heure, difficile de savoir si ce plaidoyer pour une fermeture des parcs sera suivi d'effets : l'administration Trump prévoyait en effet de maintenir la plupart des parcs nationaux ouverts au public, selon Politico.
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2015-2023 : chronologie de la vague de tueries de masse racistes aux États-Unis
Le 16 septembre dernier, 404 Media a révélé la suppression d'une étude sur les attentats d'extrême droite aux États-Unis par le ministère de la Justice américain. Notre timeline retrace la vague de tueries de masse motivées par des idéologies racistes et revient sur leurs contextes sociaux et politiques, s'appuyant sur l'analyse de Joe Lowndes, spécialiste des droites américaines.
Tiré du blogue de l'auteur.
1- Au lendemain de l'assassinat de Charlie Kirk, le ministère de la Justice américain a retiré de son site internet une étude du National Institute of Justice sur la prépondérance de la violence de l'extrême-droite aux États-Unis ces trente dernières années. Ainsi la Maison blanche a-t-elle rapidement saisi la balle qui a frappé le fondateur de Turning Point USA pour braquer les projecteurs et orienter le débat mondial sur “la violence de la gauche”. Mais invisibiliser les chiffres ne fait pas disparaître les corps : le terrorisme intérieur le plus meurtrier aux États-Unis est bien le fait de fanatiques d'extrême-droite, néonazis, masculinistes, incels et autres suprémacistes blancs.
Diagrammes propose de revenir sur l'explosion du nombre de tueries de masse sur le sol étatsunien inspirées par la rhétorique de haine de Donald Trump et de ses soutiens depuis la campagne présidentielle de 2015. Charleston, Charlottesville, El Paso, Buffalo, Allen… “L'effet Trump” est visible à travers tout le territoire et lisible dans les manifestes des auteurs de ces massacres. “I'm extremely proud to call Trump my President !” (Je suis extrêmement fier de pouvoir dire que Trump est mon Président” !), écrira l'un d'eux sur les réseaux sociaux deux ans avant d'abattre “le plus de Mexicains possible” dans un supermarché texan.
Cette timeline accompagne notre entretien en libre accès avec le politiste Joe Lowndes, spécialiste des droites américaines, qui a intégré les rassemblements de Turning Point USA comme élément clé de ses récentes recherches de terrain, mais aussi les conventions du Parti républicain et les multiples groupuscules néofascistes. Ce qui lui a notamment permis de mettre en lumière un phénomène sociologique à la fois frappant et récent : le suprémacisme blanc n'est plus l'apanage des Blancs. C'est de l'avènement de cette extrême-droite multiraciale, de la haine utilisée comme arme politique et plus largement des États-Unis à l'ère post-démocratique dont nous parle Joe Lowndes dans notre entretien, et qu'illustre cette timeline.
2- 2015-2023
Il aura fallu 19 ans pour voir le nombre de victimes de crimes de haine aux États-Unis baisser de 36 %. En 2014, il connaît son plus bas niveau depuis les années 1990. Il aura fallu 9 ans pour le voir augmenter de 115 %.
Plusieurs chercheurs, dont Griffin Sims Edwards et Stephen Rushkin, ont documenté l'impact de la rhétorique haineuse de Donald Trump, et sa validation par son élection, sur l'envolée de ce terrorisme intérieur depuis 2015. Voici quelques exemples de ce qu'ils ont appelé “l'effet Trump”.
3- 17 juin 2015
Dylann Roof, suprémaciste blanc et néonazi autoproclamé de 21 ans ouvre le feu sur la communauté noire de l'église Mother Emanuel de Charleston, en Caroline du Sud. Il avait assisté, pendant 1 heure, au cours d'étude biblique au sein de l'établissement religieux avant d'abattre 9 de ses participants.
“J'ai failli ne pas le faire parce que tout le monde était tellement gentil avec moi”, dira-t-il à la police, mais l'homme est déterminé à déclencher une guerre raciale. Radicalisé en ligne après avoir passé des heures à lire les diatribes racistes du Council of Conservative Citizens, Roof, natif de Caroline du Sud, regrettait amèrement le bon vieux temps des États confédérés pour qui “l'esclavage et la subordination à la race supérieure sont [la] condition naturelle et normale [du nègre]”.
Le lendemain de la tuerie, tous les drapeaux avaient été mis en berne, seul le drapeau confédéré, avec lequel Roof aimait tant se prendre en photo, continuait de flotter fièrement sur le Capitole de Columbia.
4- 11 et 12 août 2017
À Charlottesville, en Virginie, des centaines de suprémacistes blancs, néoconfédérés, néofascistes, néonazis, membres de l'alt-right, du Ku Klux Klan et de milices d'extrême droite se rassemblent pour protester contre la décision de la ville de retirer d'un parc la statue du général confédéré Robert E. Lee.
Le “Unite the Right rally”, qui a pour ambition d'unifier le mouvement nationaliste blanc américain, rencontre sur place la résistance de nombreux militants antifascistes. Le 12 août, le néonazi James Alex Fields Jr. fonce, au volant de sa voiture, sur un groupe de contre-manifestants blessant 35 personnes et tuant Heather Heyer, 32 ans. Loin de condamner le rassemblement et les motivations haineuses de ses initiateurs, Donald Trump instaure une équivalence entre les néofascistes et les antifascistes qui s'affrontent à Charlottesville déclarant qu'”il y a des gens très bien des deux côtés”.
5- 3 août 2019
À El Paso, ville texane située à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, Patrick Crusius commet l'une des tueries de masse les plus meurtrières commises sur le territoire américain depuis la Seconde guerre mondiale. Déclarant vouloir tuer le plus de Mexicains possible, il ouvre le feu dans un supermarché Walmart assassinant 23 personnes et en blessant tout autant.
Avant de passer à l'acte, Crusius faisait preuve d'une certaine obsession pour le débat sur l'immigration. Louant sur les réseaux sociaux la politique frontalière dure de Donald Trump, tout dans le manifeste qu'il a rédigé pour dénoncer “l'invasion hispanique” fait écho à la rhétorique présidentielle sur l'immigration mexicaine. Trois mois plus tôt, lors d'un rassemblement en Floride, le chef de l'État demandait à ses partisans des idées pour “stopper ces gens”. L'un de ses supporters a crié “Tirez-leur dessus !”. Rire de la foule, sourire du président.
6- 14 mai 2022
Payton Gendron, 18 ans, adepte de la théorie du “grand remplacement”, se décrivant comme ethno-nationaliste et suprémaciste blanc, tue 10 personnes, toutes noires, et en blesse 3 autres, dans une épicerie de Buffalo, dans l'État de New York. Il souhaite, par cet acte “terroriser toutes les personnes non-blanches et non-chrétiennes, et les pousser à quitter le pays”.
Dans le manifeste qu'il a publié en ligne avant l'attaque, Gendron dit s'être d'abord identifié comme étant de gauche, avant d'avoir été convaincu par les positions idéologiques populistes, suprémacistes, antisémites et écofascistes du néonazi Andrew Anglin. Ce dernier a été l'un des premiers soutiens de Donald Trump en 2015, appelant ses lecteurs à le suivre, il écrivait : “votons pour la première fois de notre vie pour le seul homme qui représente vraiment nos intérêts”.14 mai 2022
7- 6 mai 2023
Mauricio Martinez Garcia, néonazi, suprémaciste blanc (non blanc) et incel, tue 8 personnes, dont un petit garçon d'origine asiatique de 3 ans, dans un centre commercial à Allen, au Texas. Lors de l'attaque, il portait un gilet tactique brodé d'un écusson “RWDS” (Right Wing Death Squad / Escadron de la Mort d'Extrême-droite).
Sur son profil du réseau social russe Odnoklassniki, il postait des photos de ses tatouages fascistes, exprimait sa haine envers les Asiatiques, les Arabes, les Juifs et les femmes, et fantasmait sur des guerres raciales et l'effondrement de la société.
8- Chaque entretien Diagram[me]s est chapitré et accompagné d'une chronologie mais aussi d'un dossier documentaire destinés à introduire les discussions, à les étayer et à les relier entre elles : biographie de l'invité, repères historiques, synthèses des événements mentionnés, définitions des concepts clés, portraits des figures citées
Découvrez en libre accès l'entretien complet de Joe Lowndes et l'article de 404 Media mentionné dans le chapô.
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Trump intensifie la répression contre ses ennemis politiques
Le président Donald Trump, rompant avec tous les usages, utilise le ministère de la Justice pour poursuivre ses ennemis politiques, s'en prend aux fondations et ONG libérales et progressistes, et envoie encore de troupes dans une nouvelle ville pour intimider les manifestantEs.
2 octobre 2025 | tiré de l'Hebdo L'Anticapiliste 769
https://lanticapitaliste.org/actualite/international/trump-intensifie-la-repression-contre-ses-ennemis-politiques
Trump a licencié les avocats du ministère de la Justice qui refusaient de faire passer ses ordres avant la loi et les a remplacés par des laquais. Il a promis des « représailles » à ses adversaires politiques de haut niveau et il est en train de les mettre en œuvre. Il s'en prend à la gauche politique, affirmant qu'il désignera Antifa, autrement dit le mouvement antifasciste, comme une organisation terroriste nationale, bien qu'il n'existe pas davantage d'organisation de ce type que de qualification juridique de terrorisme national.
Guerre judiciaire
L'ennemi numéro un de Trump est en ce moment James B. Comey, ancien directeur du FBI nommé par l'ancien président Barack Obama, qui était chargé d'enquêter sur la première campagne du candidat Trump et sur une éventuelle coordination avec l'ingérence russe dans les élections américaines. Trump a licencié Comey en 2017, mais depuis, il cherche à se venger. La Maison Blanche a accusé Comey d'avoir fait une fausse déclaration devant le Congrès et d'avoir entravé une procédure parlementaire, ce qui lui fait encourir une peine de dix ans de prison.
Le ministère de la Justice s'en prend également à George Soros, un milliardaire donateur du Parti démocrate qui finance également l'Open Society Foundations (OSF). Trump réclame depuis un certain temps que Soros soit jeté en prison. Soros n'a pas encore été inculpé mais une note interne indique qu'il pourrait être accusé de crimes allant de l'incendie criminel au soutien matériel au terrorisme. L'OSF, à laquelle Soros a donné des milliards de dollars, a été fondée à l'origine pour aider les pays du bloc de l'Est à devenir des sociétés capitalistes et démocratiques. Mais elle donne également des millions de dollars à des associations de défense des droits civiques et de justice sociale aux États-Unis.
Guerre militaire
Trump s'en prend également aux militantEs de gauche qui protestent contre les raids de l'Immigration and Customs Enforcement (ICE, la police de l'immigration). À Portland, dans l'Oregon, plusieurs dizaines de manifestantEs se rassemblent régulièrement devant un bâtiment de l'ICE pour protester jour et nuit. Après minuit, des agents fédéraux en sortent pour affronter les manifestantEs, ce qui donne lieu à des échauffourées. Aujourd'hui, Trump envoie la Garde nationale, comme il l'a déjà fait à Los Angeles et à Washington, D.C., prétendument pour mettre fin aux actions de l'Antifa.
La gouverneure démocrate Tina Kotek et le maire Keith Wilson affirment qu'« il n'y a pas de rébellion », seule justification légale pour l'envoi de la Garde nationale. Kotek a déclaré : « Il n'y a pas de menace pour la sécurité nationale à Portland. Nos communautés sont sûres et calmes. » Elle a ajouté que « tout déploiement serait un abus de pouvoir ». Portland est connue pour ses manifestations militantes et il y aura certainement d'autres manifestations contre l'ICE et Trump. La lutte pour la défense de la démocratie aux États-Unis est lancée.
Dan La Botz, militant de DSA (Democratic Socialists of America)
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Trump prix Nobel ?
On parle de l'attribution du prix Nobel de la paix au président américain Trump. Est-ce possible ? Après tout, il a tant œuvré pour la paix ! Rappelons-nous. N'a-t-il pas manifesté sa volonté de rattacher le Canada aux États-Unis en tant que nouvel État fédéré ? N'a-t-il pas revendiqué le Groenland au Danemark ? N'a-t-il pas déclaré que le canal de Panama devrait être restitué aux USA ?
Tiré de : La chronique de Recherches internationales
Enis Coskun
Ancien Secrétaire général et fondateur du Mouvement de la Paix de Turquie
N'est-il pas, au prétexte de la sécurité d'Israël, au nom de son appui inconditionnel et de son principal pourvoyeur d'armes, complice du génocide commis à Gaza ? N'a-t-il pas tenu des propos ahurissants sur la transformation de l'enclave en complexe touristique et dans ce dessein n'apporte-t-il pas son soutien à l'expulsion des Palestiniens de Gaza ?
Lors du sommet de l'OTAN de La Haye en juin 2025, n'a-t-il pas imposé aux États membres de l'Union européenne – même s'il n'a pas réussi à faire plier l'Espagne - l'augmentation de leurs dépenses de défense à hauteur de 5 % de leur PIB, contre 2 % par exemple pour la France à l'heure actuelle ?
A-t-il vraiment invité les Présidents d'Azerbaïdjan et d'Arménie à la Maison-Blanche pour parachever l'accord de paix entre les parties ou bien pour ouvrir la voie à une domination politique, militaire et commerciale dans la région, et profiter des richesses de son sous-sol, notamment du pétrole ? N'a-t-il pas ainsi obtenu des droits exclusifs sur le développement du corridor de Zanguezour qui relie l'Azerbaïdjan aux Républiques d'Asie centrale, renforçant ainsi la position des États-Unis face à l'Iran, la Russie et la Chine ?
Sa rencontre avec Poutine en Alaska en vue de négocier un hypothétique échange de territoires et un accord de paix entre l'Ukraine et la Russie n'avait-elle pas pour véritable objectif, au mépris des intérêts mêmes de l'Ukraine, de tenter de battre en brèche les relations croissantes entre la Russie et la Chine concrétisées par le développement de l'Organisation de coopération de Shanghai, et de lui permettre de concentrer son action stratégique sur la Chine, principal rival économique et politique des États-Unis ?
N'a-t-il pas déclenché une guerre économique contre le monde entier, en particulier la Chine et les pays de l'Union européenne en augmentant les droits de douane à des niveaux exorbitants ?
Sous prétexte de lutte contre les narcotrafiquants, n'a-t-il pas envoyé une armada de guerre dans les eaux territoriales vénézuéliennes pour déstabiliser le gouvernement en place ? N'a-t-il pas au même moment rebaptisé le Département américain de la Défense en « Département de la Guerre », affichant ainsi au monde entier son amour de la paix ?
Non content de mobiliser l'armée à la frontière mexicaine pour stopper les migrants, n'a-t-il pas continué à ériger de hauts murs le long de la frontière ?
En pleine crise économique n'a-t-il pas déployé l'armée dans les rues de Washington pour mener la guerre contre ses propres concitoyens pauvres et sans abri ?
N'a-t-il pas envoyé des unités militaires dans les États américains gouvernés par l'opposition démocrate, sous prétexte d'y combattre la criminalité ?
Que pourrait faire de plus ce « faiseur de paix » pour prouver qu'il mérite ce prix ? On pourrait poursuivre l'énumération au risque de susciter la lassitude du lecteur. En vérité Trump poursuit avec détermination une politique de « faucon à l'intérieur, busard à l'extérieur ». Mais l'oiseau symbole de la paix n'est ni un busard ni un faucon, c'est la colombe rendue célèbre par Picasso. Or, Trump veut chasser cette colombe. Parmi les rabatteurs figurent certains chefs d'État qui appellent de leurs vœux l'attribution du Nobel de la paix à Trump. À la suite d'Israël, le Pakistan, le Cambodge, le Gabon, l'Azerbaïdjan et l'Arménie ont rejoint la « caravane ».
On ne peut évoquer les velléités de Trump et de ses soutiens pour l'obtention du Nobel de la paix sans se souvenir d'un précédent historique. Le 29 septembre 1938, le Premier ministre britannique Chamberlain, le Premier ministre français Daladier, le ministre italien des Affaires étrangères Galeazzo Ciano et Hitler signaient les accords de Munich qui entérinèrent l'occupation par l'Allemagne de la région des Sudètes, au sud de la Tchécoslovaquie. Les signataires prétendirent avoir sauvegardé la paix au mépris des nombreuses critiques et mises en garde sur l'expansionnisme hitlérien. Moins d'un an après ces accords, le 1er septembre 1939, Hitler attaquait la Pologne, déclenchant la guerre la plus sanglante de l'Histoire.
Douze parlementaires suédois proposèrent alors la candidature de Chamberlain au prix Nobel de la paix au nom de ce « succès ». En revanche, l'un des membres antifascistes du parlement suédois, le député Erik Brandt, adressait le 27 janvier 1939 une lettre au Comité Nobel de la Paix par laquelle il proposait, par pure dérision, la candidature de Hitler. Dans sa lettre, Brandt écrivit : « Avant tout, après la Bible qui est peut-être la plus grande et la plus répandue œuvre littéraire du monde, c'est grâce à son amour pour la paix et à ses succès décrits dans son célèbre livre Mein Kampf… qu'il mériterait vraiment le Prix de la Paix. »
Les sarcasmes de Brandt eurent un large écho dans le monde entier. Bien entendu les nazis accueillirent avec joie cette proposition, car pour eux Hitler était « digne » du Prix Nobel de la Paix. A contrario, certains milieux, n'ayant pas saisi le caractère satirique de la lettre, l'avaient vivement rejetée. Brandt, par une lettre envoyée au Comité norvégien du Prix Nobel de la Paix la veille de l'annonce officielle des candidats, le 1er février 1939, informa qu'il retirait sa proposition. Il semble que le Comité ait compris le message : en 1939 le Prix Nobel de la Paix n'a pas été décerné. La rancune d'Hitler ne se fit pas attendre longtemps : le 9 avril 1940 il envahissait la Norvège.
Au cours du XXe siècle plusieurs présidents et hommes politiques américains ont obtenu le prix Nobel de la Paix. Deux d'entre eux retiennent une attention particulière : le premier est Wilson. Il est l'auteur des principes qui ont permis aux États-Unis de développer leur suprématie sur la scène internationale et de forger les ressorts de la « Pax americana ». Ils ont servi de base intellectuelle au Traité de Sèvres de 1918 qui permit le partage du territoire de la Turquie entre les pays occidentaux. Le second est le général Marshall, l'un des bâtisseurs du « rideau de fer » de la guerre froide et d'un Plan d'aide économique prétendument désintéressé aux pays européens à l'issue de la Seconde Guerre mondiale.
Si, à première vue, la proposition d'attribuer le Nobel de la paix à Trump pouvait s'apparenter à une plaisanterie, à y regarder de plus près elle apparaît répugnante et effrayante. Cette sidérante proposition est lourde de significations sur les menaces qui pèsent sur la paix dans le monde. Elle exprime le visage barbare et tyrannique de l'impérialisme, de la montée de l'extrême droite et de l'impuissance du droit international.
L'attribution du prix à Trump romprait avec l'esprit même du Prix Nobel de la Paix.
Le Comité Nobel ne doit pas céder aux sirènes de l'impérialisme. Il doit choisir parmi les personnalités qui ont véritablement lutté pour la paix et consacré leur vie à cette cause.
Cette chronique est réalisée en partenariat rédactionnel avec la revue Recherches internationales à laquelle collaborent de nombreux universitaires ou chercheurs et qui a pour champ d'analyse les grandes questions qui bouleversent le monde aujourd'hui, les enjeux de la mondialisation, les luttes de solidarité qui se nouent et apparaissent de plus en plus indissociables de ce qui se passe dans chaque pays.
Site :http://www.recherches-internationales.fr/
https://shs.cairn.info/revue-recherches-internationales?lang=fr
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Trump classe « l’anticapitalisme » comme un crime politique avant l’heure
Le nouveau décret de sécurité de Donald Trump qualifie les convictions anticapitalistes de signe avant-coureur de violence politique. Ironie du sort : l'analyse structurelle de gauche, elle, détourne justement les gens des attaques individuelles pour les orienter vers l'organisation collective du changement.
10 octobre 2025 | tiré du site Jacobin
https://jacobin.com/2025/10/trump-anti-capitalism-political-pre-crime
La désignation par Donald Trump du mouvement « antifa » comme « organisation terroriste intérieure », la semaine dernière, est un parfait condensé à la fois de l'autoritarisme et du ridicule de son administration. Quiconque se souvient de la réponse du gouvernement Bush aux attentats du 11 septembre devrait frémir en entendant des responsables politiques employer à nouveau le mot « terrorisme ». Ce terme a souvent servi de passe-droit pour justifier toutes sortes d'atteintes aux libertés civiles.
De plus, « antifa » n'est même pas le nom d'une organisation. Ce label général (désignant des formes militantes d'auto-organisation se réclamant de l'« antifascisme ») renvoie tout au plus à de petits groupes divers et disparates. En outre, il n'existe en droit américain aucune catégorie légale appelée « organisation terroriste intérieure » : il est donc difficile de savoir quelle portée réelle pourrait avoir cet ordre présidentiel.
Le décret utilisait un terme fourre-tout pour condamner un ensemble vague d'acteurs à un sort incertain. C'était presque comme si, dans une mise en scène tonitruante, le président avait promis d'exécuter extrajudiciairement des vampires en les exposant à la lumière du soleil.
Une initiative bien plus sérieuse et inquiétante, adoptée à peu près au même moment, est passée largement inaperçue. Trump a signé un mémorandum de politique de sécurité nationale intitulé « Lutte contre le terrorisme intérieur et la violence politique organisée » (Countering Domestic Terrorism and Organized Political Violence), connu sous le nom de NSPM-7.
De tels mémorandums sont beaucoup plus rares que les décrets présidentiels. Alors que ces derniers régissent les opérations quotidiennes du gouvernement, les directives de sécurité peuvent redéfinir les grandes orientations dans l'ensemble des appareils militaires, policiers et de renseignement fédéraux. Comme son numéro l'indique, il ne s'agit que de la septième directive de ce type depuis le début du mandat de Trump.
Selon le journaliste Ken Klippenstein, le NSPM-7 « ordonne une nouvelle stratégie nationale visant à “démanteler” tout individu ou groupe “qui fomente la violence politique”, y compris “avant qu'ils ne commettent des actes violents” ».
Stephen Miller, chef adjoint de cabinet à la Maison-Blanche et membre parmi les plus ouvertement autoritaires de l'administration Trump, s'est vanté que ce soit « la première fois dans l'histoire américaine qu'un effort gouvernemental total est lancé pour démanteler le terrorisme de gauche ».
Pour expliquer à quel point cette mesure est inquiétante, Klippenstein fait référence au film de science-fiction dystopique Minority Report, dans lequel des personnes sont arrêtées non pour ce qu'elles ont fait, mais pour des « pré-crimes » prédits par des individus dotés de pouvoirs psychiques.
Dans notre monde bien réel, les « indicateurs » de violence politique future listés dans le rapport sont les suivants :
- l'antiaméricanisme ;
- l'anticapitalisme ;
- l'antichristianisme ;
- le soutien au renversement du gouvernement des États-Unis ;
- l'extrémisme en matière de migration ;
- l'extrémisme en matière de race ;
- l'extrémisme en matière de genre ;
- l'hostilité envers les personnes défendant des vues américaines « traditionnelles » sur la famille ;
- l'hostilité envers les vues « traditionnelles » sur la religion ;
- et l'hostilité envers les vues « traditionnelles » sur la morale.
C'est, au minimum, une directive visant à surveiller et à ficher des formes d'expression clairement protégées par la Constitution. Les cibles tomberaient sous suspicion simplement pour avoir défendu une ou plusieurs convictions de gauche ordinaires, arbitrairement requalifiées en extrémisme et supposément annonciatrices de violence.
Pensez-vous que l'impérialisme américain pose problème ? Organisez-vous des manifestations contre les guerres menées par les États-Unis à l'étranger ? Dénoncez-vous le génocide appuyé par Washington à Gaza ?
Ces positions pourraient être considérées comme de « l'antiaméricanisme ».
Souhaitez-vous abolir l'agence ICE ? Cela pourrait être interprété comme un « extrémisme sur la question migratoire ». Vos opinions deviennent alors des « facteurs de risque » de violence, et leur simple expression constitue un crime avant l'heure.
Même l'athéisme militant — dont les figures les plus connues, comme Richard Dawkins, sont loin d'être des gauchistes radicaux — est désormais classé comme une sorte de pré-crime lié à la violence politique. Cette logique est presque caricaturalement autoritaire.
Et contrairement au décret qui déclarait qu'une organisation inexistante appartenait à une catégorie juridique inexistante, il est ici tout à fait concevable que cette directive serve de base à la surveillance et à la répression d'opinions que l'administration juge indésirables (avec, en prime, la possibilité que des employeurs privés s'en inspirent pour sanctionner des salariés exprimant de telles idées).
Ce qui est moins évident, c'est à quel point la prémisse même de ce texte est absurde.
L'idée selon laquelle les personnes détenant ces opinions — que Trump et Miller qualifieraient d'« extrêmes » sur les questions de race, de genre, de famille, de morale, de religion, d'économie ou de politique étrangère — seraient plus enclines à la violence politique est tout simplement fausse. En réalité, c'est souvent l'inverse.
Les structures du pouvoir
Dans tous ces cas, l'analyse de gauche pousse à penser en termes de structures de pouvoir plutôt qu'à accuser des individus. Si vous pensez qu'un cadre d'assurance-santé refuse un remboursement parce qu'il est un monstre, vous pourriez croire que la meilleure solution est de lui tirer dessus. Mais si vous comprenez que les problèmes du système de santé américain sont systémiques — que quiconque occuperait ce poste agirait de la même manière sous la pression des mêmes incitations —, vous serez plutôt porté à vous organiser politiquement pour transformer ce système.
On ne détruit pas une structure sociale injuste avec une arme à feu. Il faut une action politique de masse pour réorganiser la société. La prévalence de cette approche structurelle à gauche explique pourquoi il existe tant de militant·es pour Medicare for All et de partisan·es de Bernie Sanders, et si peu de « Luigi Mangione ». Ce dernier, auteur d'un acte violent isolé, est devenu célèbre du jour au lendemain justement parce qu'il est l'exception qui confirme la règle : l'analyse structurelle de gauche tend à dissuader de la violence individuelle et à orienter vers des campagnes collectives pour un changement systémique.
Cela est particulièrement évident dans le cas de « l'anticapitalisme ». Si l'on estime que les capitalistes n'exploitent pas les travailleurs parce qu'ils seraient moralement mauvais, mais en raison de leurs intérêts de classe, alors les actes de violence individuels (comme les assassinats) n'ont aucun sens.
Vous pourriez tuer tous les milliardaires et PDG de la planète : si vous ne changez pas la structure économique sous-jacente, leurs successeurs se comporteront exactement de la même façon.
Changer cette réalité suppose d'organiser la classe travailleuse dans son ensemble pour mener une action politique collective.
Pour s'en convaincre, on peut relire Karl Marx dans la préface de 1867 au Capital :
« Pour éviter tout malentendu, disons-le clairement. Je ne dépeins nullement le capitaliste ou le propriétaire foncier sous des couleurs flatteuses. Mais les individus ne sont pris ici qu'en tant qu'ils personnifient des catégories économiques, des rapports et des intérêts de classe particuliers. Mon point de vue, qui considère le développement de la formation économique de la société comme un processus d'histoire naturelle, rend moins que tout autre l'individu responsable de rapports dont il reste, socialement parlant, la créature, si haut qu'il puisse se placer subjectivement au-dessus d'eux. »
Leon Trotsky allait encore plus loin, dans son essai de 1911 « Pourquoi les marxistes s'opposent au terrorisme individuel » :
« L'assassinat d'un patron d'usine ne produit que des effets d'ordre policier, ou tout au plus un changement de propriétaire sans aucune signification sociale. L'État capitaliste ne repose pas sur ses ministres, et on ne peut pas l'abolir en les supprimant. Les classes qu'il sert trouveront toujours de nouveaux hommes ; le mécanisme reste intact et continue de fonctionner... Le terrorisme individuel est inadmissible précisément parce qu'il diminue, dans la conscience des masses, leur propre rôle, les réconcilie avec leur impuissance et tourne leurs yeux vers un grand vengeur et libérateur. Mais une fois la confusion dissipée, la panique retombée, le successeur du ministre assassiné prend sa place, la vie reprend son cours, la roue de l'exploitation capitaliste tourne comme avant — seule la répression policière devient plus brutale. Et au lieu de l'espoir, c'est le désenchantement et l'apathie qui s'installent. »
Quiconque tient à vivre dans une société libre doit rejeter l'idée selon laquelle certaines opinions idéologiques doivent être surveillées et contenues, quelle qu'en soit la nature. Même les idées les plus détestables doivent être combattues sur le terrain des idées.
Mais il est particulièrement absurde de traiter l'« anticapitalisme » et d'autres analyses structurelles des rapports de pouvoir comme des signes avant-coureurs de violence. Trotsky et Marx — sans doute les « extrémistes » suprêmes aux yeux de Trump et Miller — étaient parfaitement clairs : l'analyse anticapitaliste conduit à la conclusion que la terreur politique ou la violence isolée sont pires qu'inutiles et doivent être découragées.Plus les gens découvrent leurs idées aujourd'hui, plus ils sont susceptibles d'en convenir.
À un moment où se multiplient les attaques individuelles motivées politiquement, les conservateurs qui dénoncent l'« endoctrinement marxiste radical » sur les campus devraient, paradoxalement, souhaiter que cette « menace » imaginaire devienne réalité.
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Le maire de Chicago à propos de la menace de Trump d’utiliser les « villes dangereuses » comme « terrains d’entraînement pour notre armée »
Nous nous entretenons avec Brandon Johnson, maire de Chicago, alors que le président Donald Trump a désigné la ville comme terrain d'entraînement pour l'armée et la Garde nationale. Des agents fédéraux militarisés du FBI et de la Patrouille des frontières se sont déjà joints à ceux de l'ICE (Immigration and Customs Enforcement) pour mener une répression à l'échelle de la ville contre les immigrants et les manifestants. Des accusations criminelles ont été portées contre des manifestants au centre de détention de Broadview de l'ICE. « C'est un autre exemple de la manière dont ce président militarise les forces de l'État, dans le but ultime d'occuper les villes », déclare Johnson, qualifiant les menaces de Trump de « coup politique » et « d'affront à la démocratie ».
1er octobre 2025 – Democracy Now !
https://www.democracynow.org/2025/10/1/chicago_brandon_johnson
AMY GOODMAN : Le président Trump s'est adressé mardi à un rassemblement sans précédent de 800 généraux et amiraux américains lors d'une réunion tenue à la base du Corps des Marines de Quantico, organisée par le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, qui avait fait venir les officiers du monde entier. Le président Trump a exhorté l'armée à utiliser les villes comme terrains d'entraînement, affirmant que les États-Unis étaient « envahis de l'intérieur ».
PRÉSIDENT DONALD TRUMP :
« Celles qui sont dirigées par les démocrates d'extrême gauche — regardez ce qu'ils ont fait à San Francisco, Chicago, New York, Los Angeles — sont des endroits très dangereux. Et nous allons remettre de l'ordre, une par une. Cela va être une mission majeure pour certains d'entre vous ici présents. C'est une guerre, aussi. Une guerre de l'intérieur. (…) J'ai dit à Pete que nous devrions utiliser certaines de ces villes dangereuses comme terrains d'entraînement pour notre armée, pour la Garde nationale, mais surtout pour l'armée, parce que nous allons très bientôt entrer à Chicago. C'est une grande ville, avec un gouverneur incompétent, stupide. Stupide. »
AMY GOODMAN : Les remarques de Trump sur Chicago interviennent après plusieurs menaces répétées d'envoyer la Garde nationale dans la ville. Le gouverneur de l'Illinois, JB Pritzker, a averti qu'il poursuivrait le gouvernement fédéral pour bloquer un tel déploiement. Des agents armés de l'ICE, du FBI et de la Patrouille des frontières ont déjà arrêté des centaines de personnes à Chicago dans le cadre de l'« Opération Midway Blitz ». Des dizaines d'agents en tenue militaire ont patrouillé dans le centre-ville ce week-end, et mardi, environ 300 agents sont descendus de camions et ont effectué une descente depuis un hélicoptère Black Hawk dans un complexe résidentiel, arrêtant une trentaine de personnes sans papiers.
Parallèlement, cinq personnes font face à des accusations criminelles fédérales à la suite de manifestations devant le centre de détention de Broadview. Voici Dana Briggs, un vétéran de 70 ans de l'Armée de l'air, qui affirme qu'un agent de l'ICE l'a plaqué au sol samedi alors qu'il essayait de tendre son téléphone à un autre manifestant. Accusé d'avoir frappé un agent fédéral, il a été inculpé d'agression criminelle. Il a témoigné à CBS News Chicago.
DANA BRIGGS :
« Il ne m'a pas laissé le temps de bouger. Tout ce que j'ai vu, c'est une main qui m'attrapait après que j'ai passé mon téléphone. (…) Je suis surtout indigné qu'ils s'en prennent à des gens ordinaires. Avons-nous dit des choses qu'ils n'ont pas aimées ? Oui, sans doute. Mais c'est la liberté d'expression. »
AMY GOODMAN : Pour en parler, nous allons à Chicago, où nous rejoint le maire Brandon Johnson.
Monsieur le maire, bienvenue à Democracy Now ! Pouvez-vous réagir aux propos de Trump selon lesquels votre ville, parmi d'autres, deviendrait un « terrain d'entraînement » pour l'armée américaine ?
MAYOR BRANDON JOHNSON : Oui, il a absolument tort dans sa description de notre ville. C'est à la fois absurde et révoltant que le président des États-Unis décrive Chicago ou d'autres villes américaines comme des ennemis de l'intérieur. C'est impensable. C'est irresponsable. C'est dangereux. C'est pourquoi nous résistons avec force pour défendre notre démocratie et protéger l'humanité de chaque habitant de notre ville.
JUAN GONZÁLEZ : Monsieur le maire, pouvez-vous commenter les dernières actions à Chicago ce week-end — des agents de l'ICE défilant dans le centre-ville, arrêtant des gens dans une démonstration de force, puis cette descente de mardi ?
MAYOR BRANDON JOHNSON : Absolument. La campagne de déportation de Trump n'a rien à voir avec la sécurité. C'est une question de profit. C'est encore un exemple de la militarisation des forces de l'État par ce président, avec pour objectif d'occuper les villes. C'est pourquoi nous avons repoussé cette opération avec vigueur, refusant la militarisation et l'occupation de nos communautés.
Ce que nous avons vu à Chicago ce week-end, alors que des résidents et des visiteurs profitaient d'une journée paisible et ensoleillée, c'est une mise en scène politique menée par un président déséquilibré. Et ce que nous avons vu il y a quelques nuits sur le South Side — des hommes masqués détruisant des biens, pénétrant de force dans des maisons, braquant des fusils sur des résidents noirs —, c'est un affront à la démocratie. C'est la manifestation d'un mal que Martin Luther King dénonçait déjà : la militarisation de notre pays. En tant que travailleuses et travailleurs, nous devons nous opposer à ce mal et construire une véritable réponse collective à cette dérive autoritaire.
JUAN GONZÁLEZ : Monsieur le maire, vous avez récemment signé un décret exécutif inédit sur le droit de manifester, qui prévoit que la police de Chicago collabore avec les organisateurs pour établir des plans alternatifs consensuels. Pouvez-vous nous en parler ?
MAYOR BRANDON JOHNSON : Oui. J'ai signé deux décrets municipaux parmi les plus ambitieux du pays. Celui-ci garantit la protection du Premier amendement. Nous voyons partout aux États-Unis — et même ailleurs — des manifestants pacifiques visés par des tirs et des violences policières. À Broadview, juste à l'extérieur de Chicago, des agents de l'ICE ont tiré des balles au poivre sur des manifestants, y compris sur une journaliste venue couvrir l'événement. Tout cela vise à créer un prétexte pour justifier l'envoi de la Garde nationale. Ce décret garantit que notre police locale travaillera en coordination avec les citoyens pour que leur droit constitutionnel à la protestation soit respecté, et pour empêcher toute ingérence fédérale.
AMY GOODMAN : Les images sont en effet incroyables : des agents descendant d'un hélicoptère Black Hawk, d'autres masqués sortant de camions banalisés, et une journaliste de CBS recevant une balle au poivre en plein visage depuis la fenêtre de sa voiture. En Californie, une loi récemment adoptée, le No Secret Police Act, interdit le port du masque pour les agents. L'administration Trump a déjà annoncé qu'elle ne respecterait pas cette loi. L'Illinois envisage-t-il une mesure semblable ?
MAYOR BRANDON JOHNSON : Qualifier nos villes — pas seulement Chicago — de terrains d'entraînement pour l'armée est absolument répugnant. Les hommes et les femmes courageux qui s'engagent pour défendre notre pays ne le font pas pour terroriser leurs voisins. J'ai d'ailleurs émis un décret exigeant que tous nos policiers soient identifiables, avec uniforme, badge et carte visible. Nous demandons aux agents fédéraux d'en faire autant.
Malheureusement, ce président s'est engagé à saboter ce qui fait la raison d'être de notre démocratie. Vous avez raison : la militarisation secrète du pays s'appuie sur un chèque en blanc de 170 milliards de dollars confié à Tom Homan, un homme qui a touché un pot-de-vin de 50 000 dollars pour attribuer des contrats à des centres de détention privés dont plusieurs ont financé la campagne de Trump. Encore une fois, sa soi-disant campagne de déportation n'a rien à voir avec la sécurité. C'est une machine à profit.
JUAN GONZÁLEZ : Le président Trump affirme que les villes dirigées par les démocrates sont des « enfers de criminalité ». Quelle est la réalité à Chicago ?
MAYOR BRANDON JOHNSON : La réalité, c'est que Chicago est la plus grande ville du monde ! Nous avons 20 % de l'eau douce mondiale à nos portes, entre le lac Michigan et le fleuve Saint-Laurent. Notre économie est l'une des plus diversifiées du globe — aucun secteur ne représente plus de 20 % du PIB. Nos aéroports battent des records chaque jour. Nous avons parmi les meilleures universités et la main-d'œuvre la plus qualifiée.
Les projets de développement en cours génèrent 20 milliards de dollars de nouvelles recettes pour la région. C'est ici qu'un immigrant haïtien noir et une femme Potawatomi se sont rencontrés et ont fondé un comptoir de traite sur les rives du fleuve — une véritable histoire d'amour américaine.
Et contrairement au discours du président, la violence recule : les homicides ont diminué de 30 %, les fusillades de 35 %. Il reste du travail, mais nous construisons la grande ville la plus sûre et la plus abordable d'Amérique. Condé Nast nous a désignés huit années consécutives comme la meilleure grande ville des États-Unis, et treize années d'affilée comme la plus attractive pour les sièges sociaux. Nous avons une économie florissante, des universités de pointe et, surtout, des habitants extraordinaires.
AMY GOODMAN : Merci beaucoup, maire Brandon Johnson, ancien enseignant et organisateur syndical du Chicago Teachers Union, de nous avoir parlé depuis votre ville de Chicago.
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Equateur : Chasse aux sorcières contre les dirigeants et militants des mouvements sociaux
L'Équateur est à la croisée des chemins. Tout en accentuant la répression contre les manifestations, Noboa a lancé une chasse aux sorcières contre les dirigeants et les militants des mouvements sociaux.
Tiré de Viento Sur
1er octobre 2025
D'un côté, une nouvelle période de lutte sociale a commencé. Depuis le 23 septembre, la CONAIE (Confédération des nationalités indigènes de l'Équateur) a lancé une série de manifestations qui, pour l'instant, se sont déroulées avec le plus d'intensité dans les provinces d'Imbabura, Pichincha, Cotopaxi et Chimborazo ; il s'agit d'une réponse à l'augmentation des prix du diesel. Mais quelques jours auparavant, le 16 septembre, une manifestation massive rassemblant 100 000 personnes a défilé dans la ville de Cuenca pour défendre l'eau, dont les sources sont menacées par les licences environnementales accordées par le gouvernement à des entreprises transnationales.
Quelques semaines auparavant, à l'initiative du FUT (Front unitaire des travailleurs), une vingtaine d'organisations ont formé le Front pour la défense de la santé, de l'éducation publique, du travail décent, de la sécurité sociale, des droits humains et de la nature. Le FUT et ce nouveau Front ont organisé plusieurs actions, mobilisations et sit-in pour protester contre les lois antidémocratiques sur l'intégrité, la sécurité et le renseignement (qui instaurent une sorte d'état d'urgence permanent et étendent l'espionnage contre les organisations et les dirigeants sociaux), contre une proposition de réforme de la loi sur la sécurité sociale qui ouvrira la porte aux banques privées pour qu'elles puissent contrôler une partie des portefeuilles de crédits de la BIESS (la banque de l'Institut équatorien de sécurité sociale), contre les milliers de licenciements de fonctionnaires (on estime que le gouvernement licenciera 70 000 travailleurs), contre la crise que l'inaction du gouvernement a provoquée dans le domaine de la santé publique.
Mais, d'autre part, la réponse du gouvernement a été la persécution, l'espionnage et la répression. Ce n'est pas surprenant car, depuis janvier 2024, Noboa s'est consacré à la mise en place et au perfectionnement d'un régime autoritaire, qui subordonne et menace les autres fonctions de l'État afin de les mettre au service de la volonté du président et de son groupe : s'il s'est lancé contre sa vice-présidente au début de son premier mandat, ces derniers mois, il s'en est pris de préférence à la Cour constitutionnelle. Si la Cour a donné son feu vert au référendum populaire de Noboa et à sa proposition d'Assemblée constituante, avec laquelle il espère supprimer tous les droits qui subsistent, elle n'a en revanche pas accepté tous les articles des lois antidémocratiques de Noboa ; le président se venge en accusant la Cour d'être responsable de la violence liée au trafic de drogue.
Le président a pu faire avancer la mise en place d'un régime autoritaire en se retranchant derrière la « guerre interne » qu'il a déclarée contre le « terrorisme » et en utilisant comme prétexte la peur de la population face à la violence perpétrée par le trafic de drogue ; mais il est désormais évident que cette guerre était en réalité préparée contre les manifestations sociales.
Au lieu d'écouter la voix du peuple, Noboa renforce le caractère antidémocratique de son régime. À peine les manifestations indigènes avaient-elles été annoncées que le président a menacé de « les dénoncer pour terrorisme » et de les envoyer « 30 ans en prison ». Lors des premières mobilisations, Noboa a déclaré qu'il ne s'agissait « pas de protestations, mais d'actes de terrorisme », qu'il s'agissait « de la même mafia que d'habitude » et que les manifestations étaient financées par l'exploitation minière illégale et les cartels de la drogue.
Les mobilisations ont été durement réprimées et l'armée a même perquisitionné des maisons dans des communautés indigènes pour arrêter des jeunes. D'autres personnes ont été arrêtées sans avoir participé aux manifestations. Parmi les détenus figurent 12 jeunes indigènes d'Otavalo qui ont été arbitrairement transférés dans des prisons d'Esmeraldas et de Portoviejo où, quelques heures auparavant, un nouveau massacre avait fait une trentaine de morts ; en les transférant dans ces prisons, le gouvernement met en danger la vie de ces jeunes militants.
Il a immédiatement ordonné le blocage des comptes bancaires des dirigeants de la CONAIE et du Cabildo del Agua de Cuenca. Dans le même temps, il a lancé une procédure judiciaire par l'intermédiaire du parquet. Ces derniers jours, le parquet chargé de la criminalité organisée, transnationale et internationale a « demandé des informations » à Edwin Bedoya, président du FUT (Front unitaire des travailleurs) et de la CEDOCUT (Confédération équatorienne des organisations classistes pour l'unité des travailleurs), à Andrés Quishpe, président de l'UNE (Union nationale des éducateurs), à Gary Esparza, président de la FENOCIN (Confédération nationale des organisations paysannes, indigènes et noires), à Nery Padilla, président de la FEUE (Fédération des étudiants universitaires de l'Équateur).
Dans le même temps, le parquet a ouvert une enquête « pour enrichissement privé injustifié » à l'encontre de 58 militants et dirigeants de la Conaie, du Front national antimines et de plusieurs autres organisations sociales et ONG environnementales liées aux mouvements sociaux.
Marlon Vargas, président de la CONAIE, Leonidas Iza, ancien président de la CONAIE, et Guillermo Churuchumbi, coordinateur de Pachakutik, ont également été accusés par le parquet de la ville de Riobamba d'avoir organisé la grève. Dans le même temps, les médias communautaires, tels que la chaîne de télévision du Mouvement indigène et paysan de Cotopaxi (MICC), sont censurés.
Les mobilisations de ces dernières semaines marquent un nouveau tournant dans la lutte sociale en Équateur, car elles montrent qu'une opposition populaire se structure contre le gouvernement antidémocratique et néolibéral de Daniel Noboa. C'est désormais un fait, indépendamment de l'ampleur et de la profondeur que prendront les manifestations actuelles. Dans le même temps, les luttes cherchent des moyens de se rapprocher et de créer des espaces d'unité plus larges.
Ces deux éléments sont considérés comme une menace par le gouvernement et les oligarchies dominantes, qui agissent donc avec une telle violence et une telle mauvaise foi. Face à cela, il devient urgent de manifester notre solidarité avec les organisations, leurs dirigeants et les luttes engagées.
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Argentine : Le pouvoir de Milei est fragilisé
Le gouvernement de Milei connait sa plus grande crise politique depuis son arrivée au pouvoir à la suite des élections de décembre 2023. Sa cuisante défaite aux élections régionales de Buenos Aires le 7 septembre dernier a fracturé le bloc gouvernemental et surtout la majorité (relative) dont il disposait à la chambre des députés et même au Sénat. Ce qui s'est répercuté sur un approfondissement des signaux économiques qui lui sont défavorables. Toutefois ces éléments n'ont pas encore provoqué une mobilisation massive dans la rue susceptible de menacer son pouvoir et il n'est pas écrit que Milei ne puisse pas redresser la situation en sa faveur tant sur le plan économique que sur le plan politique et notamment lors des élections législatives générales (hors Buenos Aires) du 23 octobre prochain.
1 octobre 2025 | tiré d'Inprecor.fr
https://inprecor.fr/argentine-le-pouvoir-de-milei-est-fragilise
La défaite du 7 septembre à Buenos Aires
C'est son ampleur qui a constitué la surprise. La coalition du parti de Milei (Libertad Avanzada) avec celui de Macri (PRO) a perdu par plus de 13% d'écart. Milei perd 2 millions de voix par rapport à leur score de 2023. Le péronisme et le reste de l'opposition ne progressent pas, c'est surtout en s'abstenant que ses électeurs se sont détachés de Milei. Il semble en outre que ce soit la portion populaire et jeune de l'électorat de Milei qui se soit le plus abstenue. Plus qu'une victoire du péronisme, c'est une défaite de Milei, la première depuis son élection et qui a eu immédiatement des conséquences sur le plan législatif. Cela dit, la figure du gouverneur péroniste Kicillof, qui cultive une image de « péroniste progressiste » qui a provoqué ces élections anticipées sort grandie.
La « crise législative »
Milei et son parti sont loin d'avoir la majorité au parlement. Depuis deux ans, il n'a contenu l'opposition parlementaire qu'en alliance avec la droite libérale de Macri et en fédérant au coup par coup les centristes et les gouverneurs d'obédiences diverses à la recherche de faveurs gouvernementales. Même ainsi le gouvernement Milei n'est pas assuré d'une majorité absolue au parlement. Avant les élections à plusieurs reprises il avait dû mettre son veto à des lois d'origine parlementaire, répondant à des mobilisations populaires et qui allaient à l'encontre de son programme ultra libéral. Pour que la chambre des député·es passe outre un veto présidentiel, il faut que les deux tiers de l'assemblée le rejettent. Jusqu'ici Milei avait presque toujours réussi à l'empêcher.
Mais depuis le début de l'année, l'image de Miléi s'est dégradée. Les résultats économiques, surtout concernant la hausse du dollar et la baisse du crédit financier international de l'Argentine, divers scandales touchant notamment sa sœur et principale conseillère y ont largement contribué. Dans la rue cette opposition croissante s'est exprimée à plusieurs reprises, notamment dès le 1er février où en réponse au discours ultra réactionnaire de Milei au forum de Davos, la journée « d'orgueil antifasciste et anti raciste » a rassemblé des centaines de milliers de manifestant·es.
Tout cela s'est traduit par des fractures au sein du bloc majoritaire, de nombreux député·es ou gouverneurs de la droite et du centre commençant à prendre leurs distances vis-à-vis de Milei et de son parti. La cuisante défaite de Milei aux élections de septembre à Buenos Aires les a approfondies. La semaine dernière la chambre des député·es a repoussé deux vetos présidentiels contre deux lois qu'elle avait votées, l'une sur la santé, l'autre sur l'éducation. Des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées devant le parlement pour fêter ce nouvel échec de Milei.
Et maintenant ?
Malgré de nombreuses mobilisations sectorielles ou sociétales, pour l'instant il n'y a pas de mobilisation massive pour le renversement du gouvernement. La crise législative, qui se traduit par des défections ou des prises de distances n'a pas rompu le bloc majoritaire qui reste uni sur les objectifs fondamentaux de Milei : imposer l'austérité et briser les résistances populaires. La défaite électorale de septembre à Buenos Aires n'implique pas nécessairement une défaite aux élections dans tout le reste de l'Argentine en octobre. Le crédit de Milei dans l'opinion reste important. Milei maintient son cap et son discours, il vient d'annoncer qu'il n'appliquerait pas les lois votées par le parlement, malgré le rejet de son véto.
Deux choses seront déterminantes dans les semaines à venir. La situation économique, le redémarrage ou non de l'inflation et la stabilisation du crédit financier de l'Argentine d'une part, l'unification des mobilisations populaires sur une base politique d'autre part.
Le 24 septembre 2025, avec correspondant·es
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Chine, le travail comme champ de bataille
Usines, administrations publiques, chantiers : un système de travail qui consume les corps et les vies, créant ainsi de la précarité. Des ouvrières aux fonctionnaires, le mécontentement grandit. Les actions de protestation augmentent de 73 %.
Tiré d'Europe solidaire sans frontière.
Une série d'analyses et de reportages réalisés au cours du dernier mois permet de dresser, à partir de cas précis, un tableau général de la situation difficile des travailleurs chinois et de la tendance en Chine à protester davantage et de manière nouvelle. Des usines de chaussures du Fujian aux chaînes de montage des iPhone, de l'administration publique aux services de livraison, on voit émerger un système de travail en profonde mutation, marqué par une précarité croissante, une exploitation systématique et des formes inédites de résistance.
L'armée des précaires
L'économie chinoise a généré une armée de travailleurs précaires d'une ampleur sans précédent. Deux cents millions de personnes, soit environ 40 % de la main-d'œuvre urbaine du pays et environ un quart de la main-d'œuvre totale, vivent aujourd'hui dans des conditions d'emploi flexibles, écrit The Economist. Cette masse de travailleurs précaires représente l'épine dorsale invisible de l'économie chinoise, mais elle reste largement exclue des protections et des droits que le système garantit officiellement aux salarié.e.s fixes. Leur situation est désormais devenue un phénomène structurel.
Les histoires individuelles révèlent une profonde modification d'une génération à l'autre : des millions de jeunes Chinois.e.s ont rejeté le modèle de travail des générations précédentes, celui des usines-villes où l'on restait pendant des années en acceptant la monotonie et la discipline en échange de la stabilité. Une partie importante de ces travailleurs a consciemment embrassé la précarité, préférant la liberté de partir quand ils le souhaitent à la sécurité d'un contrat à durée indéterminée. Beaucoup utilisent les plateformes numériques pour passer d'un emploi à l'autre, alternant constamment entre différentes applications afin de maximiser leurs gains à court terme. Cette maîtrise de l'économie des plateformes permet à de nombreux travailleurs flexibles de gagner plus que les employés réguliers, du moins à l'heure actuelle, créant ainsi l'illusion d'un contrôle personnel qui masque la réalité structurelle de leur vulnérabilité.
La composition démographique de cette armée de précaires présente des caractéristiques particulières. Dans les usines, l'âge moyen est de 26 ans. 80 % sont des hommes, 75 à 80 % sont célibataires et sans enfants. Dans des villes comme Kunshan, de plus en plus de jeunes travailleurs dorment dans les parcs et sous les ponts routiers. Jusqu'à récemment, on pouvait en voir des dizaines dormir dans l'un des plus grands parcs de la ville après le travail, souvent avec leurs bagages, avant que la police ne les expulse. De grandes foules se rassemblent sur les marchés dits « du travail », où des agences intermédiaires embauchent des personnes pour des emplois temporaires dans le bâtiment ou dans les usines.
Cette tendance s'inscrit dans le contexte plus large des difficultés économiques du pays. En août, la croissance des ventes au détail a atteint son niveau le plus bas. Les prix et les ventes immobilières continuent de baisser, ce qui déprime encore davantage le climat général, le chômage urbain est en hausse et le déclin démographique a contraint les dirigeants du pays à instaurer un système d'allocations pour encourager les naissances. Dans ce contexte, les travailleurs flexibles représentent à la fois une ressource et un problème : ils offrent aux entreprises la flexibilité nécessaire pour s'adapter aux fluctuations du marché mais leur situation précaire en fait des consommateurs médiocres et des parents incertains. La contradiction apparaît clairement lorsque l'on considère que le gouvernement chinois vise à stabiliser la consommation intérieure et à encourager la formation de familles, mais qu'il alimente en même temps un système de travail qui entrave ces deux objectifs. Sans contrat formel, ces travailleurs ne cotisent pas pour leur retraite, n'ont pas accès aux services urbains en raison du système hukou et n'ont souvent pas les moyens d'acheter une maison. Leur liberté de mouvement, qui peut sembler libératrice au premier abord, s'avère être un piège qui les condamne à rester éternellement en marge de la société urbaine chinoise.
L'usine comme dispositif de contrôle
Cette masse de travailleurs précaires s'inscrit dans un système de production qui a radicalement transformé les méthodes de contrôle et d'exploitation par rapport au passé. Les usines chinoises modernes fonctionnent comme des dispositifs disciplinaires qui façonnent le corps et l'esprit des travailleurs à travers des rythmes de production qui dépassent les limites de la résistance humaine. Le cas de l'usine de chaussures du Fujian étudié par le chercheur Zhu Zhanyuan met à nu ces mécanismes.
La chaîne de montage de l'usine produit jusqu'à 3 000 paires de chaussures par jour, à une vitesse de 300 tours par minute. Chaque personne doit produire plusieurs paires par minute, ce qui est présenté comme « une véritable guerre ». Xie Silan, une ouvrière de 53 ans originaire du Jiangxi, travaille à l'endroit le plus délicat de la chaîne, la pose des semelles. Elle ne se trompe jamais : elle parvient à sentir au toucher si la semelle est correctement positionnée. Ses mains sont abîmées, ses ongles poussent près des doigts et se recourbent vers l'intérieur. Le manque de sommeil chronique fait d'elle la personne qui cède le plus souvent à la fatigue pendant le travail. Le système de surveillance est omniprésent et sophistiqué, et l'usine dispose de caméras de surveillance avec un grand écran accroché dans le bureau. Le propriétaire exerce un contrôle strict : lorsqu'il aperçoit des travailleurs qui rient ou plaisantent, son message d'avertissement est si fort que tout le monde baisse instinctivement la tête, intimidé. Dans les usines Foxconn de Zhengzhou, selon l'enquête de China Labor Watch, les travailleurs doivent se soumettre à des contrôles encore plus intrusifs, y compris des radiographies qui excluent de fait les femmes enceintes ; les minorités ethniques, notamment les Ouïghours, les Tibétains et les Hui, font l'objet d'une discrimination systématique.
Les rythmes de travail sont délibérément planifiés de manière à tester les limites de la résistance humaine. La vitesse de la chaîne de montage dépasse les capacités d'une personne, à tel point que si quelqu'un parvient à suivre le rythme, il est considéré comme un héros. Les travailleurs essaient de s'adapter progressivement à ces rythmes impossibles, s'efforçant de ne pas créer de problèmes à leur niveau par crainte de ralentir l'ensemble de la chaîne. Le contrôle est si strict que lorsqu'un ouvrier a secrètement tenté de ralentir son indicateur réglable, la direction a réagi violemment. La longueur des chaînes ajoute à la difficulté, avec le risque constant que les chaussures se chevauchent au cours du parcours.
Les conditions de travail ont un impact direct sur la santé physique des travailleurs. Outre les problèmes gastriques causés par des repas irréguliers, des années passées penchées sur le tapis roulant ont également déformé le cou et le dos de nombreuses femmes, qui se sont retrouvées avec une bosse. Selon le rapport de China Labor Watch, dans la production de composants pour iPhone, de nombreux travailleurs doivent effectuer 60 heures par semaine, voire jusqu'à 75 heures pour certains. Les salarié.e.s en contrat à durée déterminée reçoivent un salaire de base de 2 100 yuans par mois (environ 300 euros), soit le salaire minimum dans la province du Henan, et doivent accumuler les heures supplémentaires pour survivre.
Le contrôle ne se limite pas à la dimension physique du travail, il envahit également le temps libre. Après plus de dix heures de travail quotidien, 80 % des travailleuses les plus âgées de l'usine continuent à travailler à temps partiel à lacer des chaussures. Elles sont assises sur de petits tabourets, des paquets de lacets entre leurs jambes. Une compétition silencieuse s'installe : certaines cachent le matériel de peur que leurs collègues plus rapides ne parviennent à le récupérer, d'autres viennent se servir directement lorsqu'elles n'en ont plus. Les erreurs dans la distribution des lacets ou dans les commandes alimentent automatiquement cette rivalité. La rémunération pour le laçage des chaussures est similaire d'une usine à l'autre : généralement 0,25 yuan (0,03 euro) par paire, avec une différence maximale d'un ou deux centimes. Pendant les quelques jours de pause mensuelle, Xie Silan continue à faire ce travail à temps partiel, heureuse de pouvoir lacer des chaussures pendant trois quarts de travail et de gagner plus que ce qu'elle aurait touché avec son salaire normal.
Les corps sacrifiés : morts au travail et santé bafouée
Les conditions de travail extrêmes décrites jusqu'à présent trouvent leur épilogue le plus dramatique dans les décès qui constellent régulièrement le paysage du travail chinois. Le 27 juillet 2025, quatorze personnes travaillant à la journée ont perdu la vie lorsque leur minibus a quitté la route en raison de fortes pluies près de la ville de Guqianbao, dans la province du Shanxi. Les dix corps récupérés par l'équipe de secours ont révélé que les victimes étaient des habitants du village local, principalement des femmes d'âge moyen et âgées qui travaillaient à temps partiel, parties sous la pluie pour gagner seulement quelques centaines de yuans afin de compléter le revenu familial. Un an auparavant, dans le comté de Ye, dans la province du Henan, c'était un camion frigorifique, chargé illégalement de passagers, qui avait causé la mort de huit travailleuses qui avaient fait des heures supplémentaires jusque tard dans la nuit.
La plupart des travailleuses âgées d'aujourd'hui sont nées dans les années 60 et 70. Certaines n'ont jamais travaillé en dehors de leur ville natale, tandis que d'autres n'ont travaillé loin de chez elles que pendant leurs premières années d'activité. Après leur accouchement, elles ont dû rester dans les zones rurales pendant de longues périodes afin de s'occuper des personnes âgées et des enfants, ce qui les a empêchées de partir travailler loin. Le système de santé représente un luxe inaccessible pour ces femmes. Une étude menée dans les régions du centre et de l'ouest a révélé que les travailleuses âgées reprennent souvent prématurément le travail agricole après l'accouchement, ce qui entraîne des problèmes de santé chroniques. Le fait qu'elles exercent pendant longtemps des emplois physiquement pénibles augmente encore les risques pour leur santé. Avec l'âge, leurs dépenses médicales dépassent celles des femmes urbaines, tandis que leur accès aux soins reste limité. Elles négligent souvent les troubles mineurs et, lorsqu'elles consultent un médecin, leur état est déjà grave.
Cette vulnérabilité se reflète également de manière dramatique chez les jeunes générations. Une tragédie emblématique, décrite par Sohu, est celle de Xiaoxiang, un étudiant de 20 ans qui a effectué un stage dans une entreprise de logistique dans le cadre d'un partenariat avec son université pendant les vacances d'été de sa deuxième année. Responsable de l'équipe de nuit chargée de la manutention des colis et du déchargement des marchandises, Xiaoxiang a travaillé sans interruption du 25 août au 13 septembre, sans aucun jour de repos. Son planning prévoyait 26 jours de travail en août avec 5 jours de congé, et 26 jours en septembre avec 4 jours de congé. Selon sa famille, Xiaoxiang s'est plaint à son établissement de sa trop grande fatigue, mais il a été menacé de sanctions. Le 13 septembre, il a été transporté à l'hôpital au retour du travail. Malgré les efforts déployés pour le sauver, il est décédé, le certificat de décès indiquant « mort cardiaque subite ». Ce cas illustre comment même des jeunes en pleine forme peuvent être épuisés par un système qui traite les corps humains comme des composants remplaçables d'une machine de production.
Une machine bureaucratique malade
Le marché du désespoir se retrouve dans une situation parallèle inquiétante au sein même de l'appareil étatique chinois, où se dessine un tableau de dégradation psychologique systématique décrit en détail par le journal taïwanais Initium Media. Le « Rapport sur le développement de la santé mentale nationale chinoise (2017-2018) » a révélé que parmi les fonctionnaires, le pourcentage de personnes présentant des niveaux moyens à élevés d'anxiété, de dépression et de stress a atteint respectivement 35 %, 33 % et 52 %. Zou Jia, fonctionnaire dans un organisme gouvernemental à Pékin, a fait l'expérience de cette dégradation à ses dépens. Un mois avant d'obtenir son contrat définitif, lorsqu'une collègue lui a demandé si elle était heureuse, elle a répondu par un « pas du tout » catégorique. Au cours de l'année précédente, elle n'avait jamais eu un week-end complet de congé et, en semaine, elle travaillait souvent jusqu'à minuit. La veille du Nouvel An, elle avait été réprimandée par son supérieur pour un document de 400 mots qui avait été remanié quinze fois. En pensant que c'était pour elle le résultat de plus de dix ans d'études, elle avait eu des haut-le-cœur.
Le processus de domestication des nouveaux fonctionnaires suit des schémas précis. Zou Jia subit ce qu'on appelle un « test d'obéissance », le premier niveau de ce qui est appelé la transformation systémique. Tout comme un prisonnier qui vient d'entrer en prison doit se faire raser les cheveux et apprendre à crier « Je demande l'autorisation » avant chaque action, le nouveau fonctionnaire est soumis à une série d'épreuves destinées à étouffer tout esprit d'autonomie. Il est délibérément affecté à des tâches pour lesquelles il n'a pas les compétences requises, chargé de missions qui créent des conflits avec ses collègues, critiqué et félicité tour à tour afin de brouiller ses critères de jugement, jusqu'à ce qu'il apprenne à tout évaluer selon les normes de son supérieur. Xu Ming, qui travaille dans un bureau financier du district de Pékin depuis deux ans avant Zou Jia, a échoué au deuxième niveau de ce test. Diplômée en sciences, elle raisonnait en fonction de la logique et des informations disponibles, et avait du mal à se soumettre à l'autorité. Ses collègues ont commencé à lui confier tous les documents à rédiger. Au plus fort de son activité, elle devait produire plus de quatre-vingts documents par jour, allant des demandes d'ordinateurs aux rapports d'audit financier municipal. Lorsqu'elle s'est adressée à son supérieur, elle a été accusée de ne pas être solidaire avec ses collègues et de ne penser qu'à son travail sans tenir compte des intérêts de la structure.
La bureaucratie a déclenché des mécanismes d'autodestruction à tous les niveaux. En mars 2018, la loi sur la supervision a transformé la commission disciplinaire du Parti communiste, qui était un organe purement administratif, en une institution dotée également de pouvoirs exécutifs. Pour consolider sa position, cette structure doit continuellement enquêter sur des affaires importantes, ce qui crée un climat de peur qui pousse chaque fonctionnaire à dénoncer ses collègues pour s'attirer des mérites, détourner l'attention de ses propres erreurs ou éliminer ses rivaux. La paranoïa a atteint des niveaux grotesques. Un fonctionnaire local en déplacement, trouvant tous les véhicules de service occupés, accepte de se faire conduire par un subordonné dans sa propre voiture. Son supérieur propose de rembourser l'essence, mais un collègue le dénonce à la commission disciplinaire en l'accusant d'appropriation de biens publics. Heureusement, la commission locale ne l'a pas arrêté, se contentant de lui faire rédiger une autocritique, de lui faire rembourser l'essence et de lui faire reconnaître publiquement son erreur devant tout le monde lors d'une réunion spéciale.
Chen Lu, fonctionnaire de niveau intermédiaire, estime que seulement 10 % de l'énergie est consacrée au travail effectif, principalement à la rédaction de documents, 40 % est gaspillée en réflexions sur la valeur et la signification de ce qui est fait et 50 % est absorbée par les luttes intestines. Il en résulte une bureaucratie paralysée. De nombreux fonctionnaires ne sont désormais plus capables que de scander des slogans et de rédiger des déclarations, leur condition physique et surtout mentale les empêchant de mener des recherches concrètes ou de prendre des décisions. Xu Ming raconte que son organisme copie ouvertement les résultats d'autres unités. Une fois, après avoir révisé plus de vingt fois un document trop abscons, son supérieur hiérarchique a fait copier directement le texte à produire à partir de celui d'un district périphérique de Pékin, alors que les caractéristiques des deux entités administratives étaient complètement différentes. Elle-même a fini par comprendre cette logique : puisque personne ne lira vraiment ces documents, pourquoi prendre le risque de faire le travail soi-même ? Le résultat global est une bureaucratie paralysée, capable uniquement de produire des slogans et des documents, désormais dépourvue des compétences nécessaires pour mener des recherches sérieuses ou prendre des décisions.
Les stratégies de survie, entre résistance et adaptation
La détérioration des conditions générales a donné lieu à des réponses adaptatives complexes de la part des travailleurs, qui développent des formes de résistance souvent paradoxales et contradictoires. Ces stratégies de survie révèlent autant la créativité humaine face à l'oppression que les limites structurelles dans lesquelles celle-ci s'exerce. Les femmes des usines de chaussures du Fujian, par exemple, ont transformé le surmenage volontaire en une source d'identité et d'estime de soi, rationalisant leur condition par des récits d'affirmation de soi et de contrôle personnel.
Xie Silan décrit son besoin compulsif de lacer ses chaussures après son quart de travail comme une véritable dépendance, même si son corps montre des signes de refus. Par une journée pluvieuse et froide, elle s'est surprise à vouloir rester chez elle, préparer quelque chose de bon et passer du temps au chaud avec son téléphone portable. Mais elle est quand même allée travailler. Les travailleuses comme elle se considèrent comme diligentes mais sans exagération, contrairement à celles qui tombent gravement malades ou meurent subitement à cause du surmenage. Xie Silan reconnaît que tout le monde aurait besoin de repos, mais elle cherche continuellement des excuses pour ne pas s'arrêter. Les femmes se soutiennent mutuellement pour légitimer cette surcharge constante, affirmant que celles qui ne lacent pas leurs chaussures le soir sont simplement dans une situation économique plus favorable, ou se répétant avec résignation qu'elles n'ont pas d'autre choix.
À l'opposé, on trouve une forme de résistance générationnelle incarnée par les jeunes qui rejettent l'éthique traditionnelle du travail. Les « Dieux de Sanhe », du nom d'un centre de recrutement à Shenzhen, sont devenus un phénomène culturel. Ils abandonnent leur travail pendant des jours entiers, occupant leur temps avec leurs téléphones portables et pas grand-chose d'autre. Ils sont décrits comme des maîtres de leur propre temps et paresseux, en contraste flagrant avec les travailleurs des générations précédentes qui sacrifiaient tout pour satisfaire les exigences de leurs employeurs.
Les réseaux informels d'entraide correspondent à une stratégie de survie moins visible. Dans les usines, les travailleurs se transmettent des petites astuces pour accélérer les gestes, comme saisir les boîtes de chaussures avec trois doigts sans défaire les sangles qui maintiennent les lots de dix. Pendant les sessions de laçage du soir, l'atmosphère change. Les travailleuses rient, bavardent, certaines se plongent tellement dans les conversations qu'elles en oublient presque de travailler. Elles s'appellent « sœur » dans le dialecte local, se racontent des anecdotes familiales, évoquent le passé et montrent des vidéos trouvées sur TikTok pour conforter leurs opinions. Cette dimension sociale transforme un travail aliénant en un espace de relation.
La solitude apparaît comme l'une des principales raisons qui poussent les travailleuses à participer à ces séances collectives. Beaucoup vivent seules dans des chambres individuelles, des appartements loués ou des dortoirs. Même le chercheur, après avoir partagé leur expérience, a commencé par se désintéresser des séances de laçage du soir, mais chaque fois qu'il retournait dans son logement vide, il ressentait le poids de l'ennui et finissait par revenir aux séances de laçage. Trois hommes fréquentaient occasionnellement le groupe, eux aussi attirés par l'animation du lieu. Ils travaillaient plus calmement que les femmes : après 20 ou 30 paires de chaussures, ils se levaient pour fumer une cigarette ou boire un verre d'eau, puis retournaient s'asseoir. Les femmes, en revanche, restaient immobiles pendant des heures, n'interrompant que rarement leur travail.
Signes de rupture : des protestations individuelles à la mobilisation sociale
Le point culminant de ces stratégies de survie et des tensions systémiques se manifeste dans l'escalade des protestations qui traverse aujourd'hui la Chine. L'organisation China Dissent Monitor a recensé près de 12 000 manifestations depuis juin 2022, dont plus de 2 500 au cours des six premiers mois de 2025, soit une augmentation de 73 % par rapport à la même période l'année précédente. Les manifestations liées au travail ont augmenté de 67 %, tandis que celles liées spécifiquement au secteur de la construction, menées principalement par des ouvriers et des entrepreneurs non payés ou par des acheteurs de logements jamais achevés, ont doublé. Cette flambée n'est pas un phénomène fortuit mais le produit direct des conditions de travail et sociales qui poussent de plus en plus de travailleurs et de citoyens au-delà du seuil de tolérance.
Le désespoir croissant se manifeste par des formes de protestation de plus en plus créatives et extrêmes. Qi Hong, un électricien de 42 ans qui avait commencé à utiliser un VPN pendant la pandémie pour accéder à Internet au-delà du pare-feu chinois, a installé un projecteur dans une chambre d'hôtel à Chongqing afin de projeter des slogans contre le Parti communiste sur un immeuble situé en face, qu'il a actionné à distance après avoir quitté le pays. Son action a été inspirée par Peng Lifa, condamné à neuf ans de prison pour avoir déployé une banderole similaire sur un pont de Pékin en 2022, et par Mei Shilin, qui avait déployé en avril des banderoles sur un pont de Chengdu pour réclamer des réformes politiques. Ces gestes individuels révèlent de nouvelles tendances dans la dissidence chinoise : une augmentation du nombre de manifestations, une créativité croissante et une connexion toujours plus forte entre les individus en Chine et les activistes à l'étranger qui passent par Internet.
85 % des manifestations concernent des questions qui affectent les finances personnelles des individus et visent principalement les entreprises privées et leurs dirigeants. Les protestataires s'adressent souvent d'abord aux autorités locales ou centrales, et il est courant de voir des manifestant.e.s s'incliner devant les fonctionnaires pour implorer leur aide. La plupart des protestataires ne recourent à la dissidence publique qu'après avoir tenté sans succès des méthodes institutionnelles de pétition et d'appel. Les manifestations qui ne sont pas politiques au départ peuvent le devenir si elles sont confrontées à une répression sévère, et près d'un tiers de toutes les manifestations documentées ciblent les gouvernements locaux, même si beaucoup ne commencent pas de cette façon
.Cette intensification des protestations révèle une contradiction profonde dans le modèle de développement chinois. La masse des travailleurs précaires qui constituent désormais l'épine dorsale de l'économie est non seulement exclue des protections sociales, mais vit dans des conditions qui alimentent l'instabilité et le mécontentement. Les marchés du travail informels, les logements précaires et le manque de perspectives créent des poches de marginalisation urbaine que le Parti communiste peine à contrôler avec les outils traditionnels de pacification sociale. La promesse de stabilité et d'ordre sur laquelle repose la légitimité du régime entre en tension croissante avec un système économique qui produit une précarité de masse.
La mobilisation des travailleurs précaires se heurte toutefois à des obstacles propres à leur condition. Les 200 millions de travailleurs « flexibles » de Chine ont du mal à faire valoir leurs droits. Sans relation de travail stable, les plus jeunes ne développeront jamais les compétences professionnelles nécessaires pour progresser. Ayant quitté leurs villages d'origine, ils risquent de ne pas pouvoir s'enraciner dans les villes où ils passent continuellement d'un emploi à l'autre. Sans documents attestant d'un emploi fixe, le système d'enregistrement familial hukou leur refuse l'accès aux services publics urbains.
Pourtant, paradoxalement, c'est précisément cette situation d'extrême précarité qui alimente un mécontentement généralisé et des formes de conflit de plus en plus aiguës. Si, d'une part, la fragmentation et la mobilité continue entravent l'organisation collective traditionnelle, d'autre part, la concentration de masses de jeunes travailleurs sans perspectives et sans liens stabilisés avec le territoire crée un substrat d'instabilité croissante. Sans même la promesse d'une stabilité future qui accompagnait autrefois la discipline au travail, ces jeunes ont de moins en moins de raisons d'accepter passivement les conditions qu'ils subissent.
La montée du mécontentement s'explique par la vulnérabilité particulière de la nouvelle génération de travailleurs et travailleuses. Cette génération est davantage connectée que les précédentes, équipée de smartphones et consacre des heures chaque jour à naviguer sur les réseaux sociaux. Les jeunes travailleurs flexibles semblent moins déférents envers le Parti communiste que leurs prédécesseurs. Il n'est pas difficile d'imaginer une masse croissante de travailleurs sans domicile, mécontents et en proie à un profond sentiment de désenchantement, fissurant de plus en plus la façade d'ordre des villes chinoises. Les manifestations, autrefois considérées comme des gestes extrêmes et isolés, sont désormais considérées par beaucoup comme des moyens légitimes et nécessaires pour résister à la restriction des droits.
Andrea Ferrario
Sources utilisées : WeChat, Initium Media, Economist, China Labor Watch, Financial Times, South China Morning Post, Sohu, Le Monde, Xinhua, NetEase
• Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l'aide de DeepL.
Source - Andrea Ferrario, 29 septembre 2025
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Les Kurdes au cœur des tensions en Syrie
En Syrie, les négociations continuent entre les nouvelles autorités syriennes et des responsables des Forces démocratiques syriennes (FDS) de l'autre. Les sujets sont nombreux : armée, contrôle des frontières, retour des déplacés, institutions, éducation, énergie, rôle des femmes. Mais l'écart entre les deux camps reste profond.
Tiré d'Orient XXI.
Le 10 mars 2025, le président syrien Ahmed Al-Charaa et Mazloum Abdi, dirigeant militaire des Forces démocratiques syriennes, avaient signé un accord prévoyant des avancées concrètes sur le statut et la place des Kurdes. Six mois plus tard, sa mise en œuvre se fait toujours attendre. La Turquie et Israël tentent activement de bloquer ce processus : Ankara pousse pour un État syrien centralisé, Tel-Aviv préfère un morcellement du pays. Les États-Unis, eux, donnent l'impression de changer de cap au gré des événements. Les Kurdes et leurs alliés plaident pour une autonomie dans une Syrie unifiée, un équilibre complexe.
Le 12 juillet 2025, Tom Barrack, ambassadeur des États-Unis en Turquie et envoyé spécial pour la Syrie et le Liban, a reproché aux FDS leur lenteur à s'intégrer à l'armée. Il a rappelé que la Syrie est « un seul pays, une seule nation avec une seule armée ». Les dirigeants kurdes ont immédiatement répondu : « Un retour à la situation antérieure à 2011 n'est pas négociable, c'est exclu. » Pas question d'un retour à la centralisation d'avant-guerre. Les FDS acceptent de rejoindre l'armée, mais comme force autonome en coordination avec Damas.
Volte-face étatsunienne
Changement de ton un mois plus tard : lors d'une réunion à Amman, le 12 août, Barrack plaide pour une Syrie décentralisée et affirme que les Unités de protection du peuple (YPG) ne sont pas liées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), mais alliés des États-Unis. Pour Patrice Franceschi, auteur de Avec les Kurdes (Gallimard, 2020), la raison est limpide : « Les États-Unis ne comprennent pas grand-chose de la situation en Syrie, c'est comme en Afghanistan. Leur politique varie comme une girouette. Le massacre des Druzes les a fait changer d'avis. »
« Quant à la Turquie, poursuit-il, elle veut liquider toute autonomie kurde en Syrie et transformer la nouvelle Syrie en un État centralisé à la turque. Si cela échoue, elle va reprendre son intervention militaire, peut-être à travers l'Armée nationale syrienne qu'elle équipe et entraîne. » Selon lui, les Kurdes le savent très bien et ils se préparent. « Depuis la chute de Bachar Al-Assad, Ankara est à la manœuvre. C'est le projet turc qui se met en place actuellement. Ahmed Al-Charaa ne peut rien faire sans l'accord de la Turquie. Il a tout au plus 20 000 combattants. »
Le journaliste Sylvain Mercadier renchérit :
- Les États-Unis ont changé de ton suite aux violences entre les Druzes d'un côté et les forces tribales soutenues par des milices du gouvernement de Damas de l'autre. Ces dernières sont responsables des massacres à Soueïda. Cela a certainement influencé la politique étatsunienne et démontre que Tom Barrack et Washington naviguent à vue dans leurs efforts de sortie de crise. C'est l'amateurisme et le court-termisme classique de la politique extérieure de Trump.
Les retombées du massacre des Druzes
Un rapport d'Amnesty International Syrie (1) confirme la responsabilité des forces gouvernementales et de leurs alliés dans l'exécution de dizaines de Druzes les 15 et 16 juillet 2025 :
- Le 15 juillet, les forces gouvernementales avaient annoncé être entrées dans la ville de Soueïda. (…) L'escalade de la violence n'a pris fin qu'avec le retrait des forces gouvernementales tard dans la nuit du 16 juillet, laissant derrière elles plusieurs dizaines de corps assassinés. Sur certaines vidéos authentifiées, on peut voir des hommes armés en uniforme, sans insigne, circuler à bord de camions portant clairement le logo du ministère de l'intérieur.
Les Druzes, communauté issue d'une branche du chiisme, sont en première ligne depuis ces massacres. Leur chef spirituel syrien, Hikmat Al-Hijri, a réclamé une séparation administrative d'avec Damas. Mais Walid Joumblatt, leader du Parti socialiste progressiste et de la communauté druze au Liban, nous a déclaré s'y opposer farouchement :
- Je suis contre la séparation des Druzes de l'État syrien, car cela signifierait la dislocation du pays. Le projet initial israélien, sioniste, c'est de disloquer toute la région, en partant de la Syrie. (…) Les Druzes vivent ensemble avec les Bédouins dans la même région depuis des siècles, on ne peut pas les séparer.
En mai 2025, Joumblatt s'était rendu à Damas pour dialoguer avec Al-Charaa et des responsables druzes :
- Il faut œuvrer à une réconciliation entre les Druzes et le gouvernement de Damas, ce qui a été le cas tout au long de l'histoire. (…) Je ne suis pas pour tout centraliser à Damas, mais pour que les habitants de Soueïda, Druzes et Bédouins, restent dans une Syrie unifiée avec une nouvelle formule de gouvernement, non centralisé comme avant, mais avec une gestion conjointe de la police, de l'armée et aussi de l'économie.
Quelle autonomie ?
La participation de milices pro-régime aux massacres des Alaouites en janvier 2025 puis des Druzes en juillet 2025 a creusé la méfiance. Et les propos récents d'Al-Charaa n'ont rien arrangé. Le 12 septembre 2025, il déclarait que « les FDS ne représentent pas tous les Kurdes, que la région qu'elles contrôlent est à majorité arabe ». La réplique d'Aldar Khalil, un dirigeant des FDS, lancée sur une place de Qamishili le 17 septembre, a été cinglante :
- Qui représentes-tu ? Qui t'a amené à Damas ? La côte syrienne, le nord-est de la Syrie et Soueïda ne t'acceptent pas, et les Alaouites, les Druzes, les Yézidis, les Arméniens et les sunnites ne t'acceptent pas non plus. Aucune élection n'a eu lieu, qui représentes-tu ?
Al-Charaa ne semble prêt qu'à concéder une autonomie communautaire limitée dans certaines zones kurdes comme Kobané ou Qamishli, assortie de quelques postes symboliques. Les Kurdes, eux, rejettent une logique ethnique ou confessionnelle à la libanaise et défendent une décentralisation régionale inspirée de l'Espagne, de la Suisse ou de la Belgique.
Shahrazad Al-Hussein Al-Jasem de Deir ez-Zor, membre de Zenobia, une association de femmes arabes basée à Raqqa, explique qu'elle ne fait pas partie des Arabes qui veulent se séparer des Kurdes.
- Nous ne voulons pas le retour de Damas dans notre région, parce que le gouvernement de Damas est un gouvernement d'une seule couleur, ce n'est pas un gouvernement inclusif. Les gens de Deir ez-Zor soutiennent les FDS. Nous voulons rester avec eux. Nous voulons une gouvernance décentralisée.
Georgette Barsoum, représentante de l'Union des femmes syriaques, confirme :
- Après la bataille contre l'Organisation de l'État islamique nous avons créé nos propres organisations et nous avons obtenu des acquis, pas seulement pour les femmes, mais au niveau du fonctionnement démocratique de la société. Nous avons de fortes craintes que ce gouvernement autoproclamé de Damas veuille casser nos acquis. Ils ne veulent pas de notre projet d'autogouvernement. (2).
L'appel d'Abdullah Öcalan
Malgré tout, les discussions se poursuivent sur des sujets précis. À Damas, Îlham Ahmed, la ministre des affaires étrangères de l'Administration autonome dans le nord et l'est de la Syrie (AANES), a rencontré le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani. Ils ont abordé le contrôle des frontières, en envisageant une gestion conjointe ainsi que la réouverture de l'aéroport de Qamishli. Les diplômes des universités de Kobané, Qamishli et Raqqa sont aussi désormais reconnus par Damas, et la langue kurde est de facto acceptée.
Le retour des déplacés reste en suspens : environ 350 000 personnes, chassées lors des offensives turques à Afrin en 2018 puis à Tal Abyad et Ras al-Aïn en 2019, survivent toujours dans des camps. L'accord du 10 mars 2025 prévoit leur retour, mais les milices pro-turques refusent de quitter ces zones. « Le retour des déplacés d'Afrin est lié à un accord global sur l'armée. La Turquie veut d'abord un désarmement des FDS avant de donner l'ordre à ses proxys de quitter la zone (…) », explique Hozan Ahmed, secrétaire du bureau Rojava Europe. Le dossier énergétique, lui, paraît plus simple : les Kurdes contrôlent les champs pétroliers et gaziers du nord-est et de Deir ez-Zor, mais affirment que ces ressources appartiennent à tous les Syriens.
Depuis sa prison, Abdullah Öcalan, fondateur du PKK, observe avec impatience l'évolution sur le terrain. Le 27 février 2025, il avait annoncé la dissolution du parti, hors Rojava, mais attend toujours un geste d'Ankara. En septembre 2025, il a mis en garde :
- Si on désarme les FDS maintenant, les Kurdes subiront le même sort que les Druzes et les Alaouites. Si Damas ou Ankara exigent le désarmement des FDS, on arrête tout le processus de paix en Turquie. (…) Ankara et Damas ont intérêt à accepter l'offre de paix des Kurdes, car notre but est le vivre ensemble, c'est la coexistence. Si cette offre échoue, ce seront les États-Unis et Israël qui vont modeler la région. Et leur but est la division entre les peuples.
Notes
1- « Une nouvelle enquête révèle que les forces gouvernementales et affiliées ont exécuté de manière extrajudiciaire des dizaines de Druzes à Soueïda », Amnesty International, 2 septembre 2025.
2- Ces propos ont été recueillis lors de la fête de L'Humanité, le 13 septembre 2025.
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Après l’« accord du siècle », l’« accord du millénaire »
Le nouveau plan de Trump est encore moins réaliste que celui qu'il a dévoilé il y a cinq ans.
Gilbert Achcar
Professeur émérite, SOAS, Université de Londres
Abonné·e de Mediapart
https://blogs.mediapart.fr/gilbert-achcar/blog/011025/apres-l-accord-du-siecle-l-accord-du-millenaire
Il y a plus de cinq ans, le 28 janvier 2020, Donald Trump, alors président pour un premier mandat, dévoilait son plan de paix pour la Palestine lors d'une cérémonie à la Maison Blanche à laquelle assistait le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Le plan avait été rédigé par le gendre de Trump, Jared Kushner. Au cours de sa campagne électorale, Trump s'était engagé à négocier ce qu'il avait alors appelé « l'accord du siècle » entre les Arabes et l'État d'Israël – une appellation à laquelle Netanyahu fit écho dans son éloge flatteur du président américain lors de l'événement.
Lundi dernier, l'autopromotion caractéristique de Trump et son narcissisme croissant ont refait surface lorsqu'il a décrit l'annonce du plan – co-écrit par Kushner et l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair – comme « potentiellement l'un des grands jours de la civilisation », affirmant qu'il pourrait résoudre « des choses qui se passent depuis des centaines d'années et des milliers d'années ».
La vérité est que ce nouvel « Accord du millénaire », comme son prédécesseur, l'« Accord du siècle », ne résoudra finalement rien (voir « Palestine : reconnaître le peuple avant l'État », Contretemps, 24 septembre 2025). En stipulant : « Alors que le réaménagement de Gaza progresse et que le programme de réforme de l'Autorité palestinienne est fidèlement mis en œuvre, les conditions pourraient enfin être réunies pour une voie crédible vers l'autodétermination palestinienne et un État » (point 19), le plan reconnaît implicitement que, dans sa forme actuelle, il n'est pas fondé sur le droit du peuple palestinien à l'autodétermination. Au lieu de cela, il traite ce droit comme une simple possibilité (« pourraient »). D'ailleurs, Netanyahou n'a pas perdu de temps pour confirmer dans un entretien donné après l'annonce qu'il ne reconnaissait pas ce droit et qu'Israël « y résistera par la force ».
Cette base défectueuse rend le nouveau plan de Trump encore moins réaliste que celui qu'il a dévoilé il y a cinq ans. Alors que l'« Accord du siècle » initial proposait la création d'un État de Palestine comprenant des parties de la Cisjordanie et l'ensemble de la bande de Gaza, le nouveau plan appelle à l'imposition d'un mandat international sur l'enclave. Cette proposition fait écho aux mandats coloniaux établis après la Première Guerre mondiale et s'inspire de l'administration internationale mise en place au Kosovo en 1999. C'est précisément ce précédent qui explique l'implication de l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair dans le projet d'administration de Gaza sous la direction de Trump. Blair a joué un rôle central dans la guerre du Kosovo et les décisions ultérieures concernant sa gouvernance.
Alors que le plan prévoit un retrait progressif de l'armée israélienne de Gaza, qui serait remplacée par une « force internationale de stabilisation » (un nom emprunté à la mission en Bosnie-Herzégovine), il précise que l'armée israélienne « remettra progressivement le territoire de Gaza qu'elle occupe à la FSI selon un accord qu'elles concluront avec l'autorité de transition, jusqu'à ce qu'elle soit complètement retirée de Gaza, à l'exception d'une présence dans le périmètre de sécurité qui restera jusqu'à ce que Gaza soit correctement protégée de toute menace terroriste résurgente » (point 16).
En d'autres termes, même si le plan était mis en œuvre exactement comme prévu, l'armée israélienne conserverait le contrôle d'un « périmètre de sécurité » d'environ un kilomètre de profondeur à Gaza le long de la frontière avec l'État sioniste – soit une longueur d'environ 60 kilomètres. La construction de ce périmètre a commencé au début de l'invasion israélienne, clairement en prévision du maintien de son contrôle après tout retrait plus large du reste de Gaza.
En fin de compte, même si le Hamas accepte le plan Trump sous la pression des gouvernements arabes et musulmans qui l'ont approuvé (le mouvement n'avait pas encore annoncé sa position au moment de la rédaction de ces lignes) et que l'« Accord du millénaire » commence à être mis en œuvre, la voie à suivre restera escarpée et périlleuse – et aboutira probablement à une impasse complète. Le plan parviendrait à un fait accompli permanent, au cours duquel le contrôle israélien sur de grandes parties de la bande de Gaza serait renforcé. Israël invoquerait probablement la « menace terroriste » renouvelée – même les formes de résistance les plus élémentaires, qui ne manqueront pas de persister – comme prétexte pour maintenir son occupation d'une grande partie de Gaza, à l'image de son occupation de longue date de la Cisjordanie. Cette occupation-ci est officiellement considérée comme « temporaire » en vertu du droit international depuis 58 ans.
* Dernier ouvrage paru :Gaza, génocide annoncé. Un tournant dans l'histoire mondiale.
Traduit de ma chronique hebdomadaire dans le quotidien de langue arabe,Al-Quds al-Arabi, basé à Londres. Cet article est d'abord paru en ligne le 30 septembre. Vous pouvez librement le reproduire en indiquant la source avec le lien correspondant.
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Le plan américain pour Gaza. un projet colonial
Paris. Mardi, 30 septembre 2025. Réflexion griffonnée en pleine nuit, après un cauchemar qui n'est malheureusement qu'une réalité. Gaza, dans sa totalité, n'est qu'un amas de décombres, de ruines, de charniers.
Deux millions de personnes errantes en attendant la bombe fatale. La survie est déjà impossible dans une région réduite en poussière. Les américains se proposent purement et simplement d'annexer le territoire. Ils poursuivent l'implacable logique du génocide, l'exil ou la mort. Retour au capitalisme sauvage et au colonialisme barbare. La direction du pseudo-conseil de la paix est confiée l'ancestrale tutelle britannique, génitrice du sionisme, représenté par un obséquieux serviteur de l'impérialisme étatsunien, Tony Blair, fer de lance de la guerre d'Irak, coresponsable de centaines de milliers de morts. Les pays arabes limitrophes feraient la police au profit des milliardaires yankees et leurs acolytes.
L'affairisme prospère dans la dévastation. Dans tous les cas, Gaza resterait sous occupation sioniste, ou occidentale, ou internationale, totalement soustraite à la gouvernance palestinienne. Le trumpisme concède une sous-traitance pétainiste aux arabes, inertes pendant l'extermination des palestiniens, dans une instance pompeusement baptisée Force internationale de stabilisation, autrement dit de répression de toute velléité de résistance.
L'Organisation des Nations Unies est reléguée au rang de structure désuète, obsolète, inutile, uniquement autorisée à distribuer une aide humanitaire interdite de distribution à l'arrivée. Les reconnaissances formelles du statut étatique se vident de toute opérationnalité. Le plan américain est finalement une fausse proposition, une diversion, un piège pour laisser aux sionistes les mains libres. S'ignore la Cisjordanie où les terres palestiniennes sont systématiquement confisquées, où les exécutions sommaires sont de sports quotidiens. Les intentions annexionnistes sont passées sous silence. Les colonisations sont admises comme des faits accomplis. La question des réfugiés est escamotée. La terre palestinienne s'est réduite en peau de chagrin, en fragments reliés par des ponts et des tunnels, ghettoïsées derrière le mur de la honte. La carte est sans rognée, ponctionnée, tronquée selon les volontés sionistes.
Le colonialisme procède par grignotage continuel. L'anéantissement se cautionne d'impunité absolue. Dans tous les scénarios programmés, les palestiniens sont perdants. Le simulacre est pourtant validé par la quasi-totalité des pays arabes et musulmans trop heureux de ne pas s'impliquer dans une confrontation directe avec les sionistes. Les palestiniens sont, depuis la première Nakba, abandonnés à leur sort. Leur cause est définitivement enterrée par les accords d'Abraham. Tout le reste est mise en scène, sinistre comédie, lamentable parodie.
Mustapha Saha.
Sociologue.
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Les cinq grands obstacles à la mise en œuvre du plan de paix de Trump pour Gaza
Un texte en 20 points pour mettre fin à la guerre de Gaza : c'est ce que Donald Trump a présenté ce 29 septembre 2025, aux côtés du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou. Le projet est ambitieux mais reste flou sur de nombreux points importants. Analyse.
Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
30 septembre 2025
Par Ian Parmeter
Sur le papier, le plan en 20 points proclamé par Donald Trump le 29 septembre lors d'une conférence de presse conjointe avec le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou à la Maison Blanche est à la hauteur des annonces tonitruantes que le président des États-Unis avait faites avant de le rendre public. Il s'agit indéniablement d'une tentative audacieuse visant à régler la plupart des causes du conflit, de façon à instaurer une paix durable à Gaza.
Ce projet pourrait-il être couronné de succès ? Ce qui est sûr, c'est que les deux camps sont fatigués de la guerre. Or, tout au long de l'histoire, bon nombre de guerres ont pris fin lorsque les deux parties belligérantes étaient simplement trop épuisées pour poursuivre les hostilités. Les deux tiers des Israéliens veulent que la guerre cesse, et bien que, dans le contexte actuel, il soit difficile de sonder l'opinion des Palestiniens, il est clair qu'eux aussi veulent que les ravages et les souffrances à Gaza cessent au plus vite. La proposition du 29 septembre survient donc à un moment propice à ce que la paix puisse s'imposer.
Il reste que le texte se caractérise également par de nombreuses lacunes. Et lorsque l'on y ajoute la très longue histoire de violence du Proche-Orient, on ne peut qu'opter pour la plus grande prudence au moment d'évaluer ses chances de réussite.
Nous avons identifié cinq principales raisons de se montrer circonspect à propos du « Plan Trump ».
1. Un manque de confiance réciproque
Aujourd'hui, le degré de confiance entre Israéliens et le Hamas est au plus bas. Or plusieurs aspects du plan sont tellement vagues qu'il est très vraisemblable que, s'il était adopté, les deux parties s'accuseraient mutuellement de ne pas avoir tenu leurs engagements.
Le dernier cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, conclu en janvier 2025, n'a duré que deux mois : Nétanyahou s'en était retiré en mars, accusant le Hamas de ne pas avoir libéré davantage d'otages avant le lancement des négociations qui étaient prévues sur la phase suivante du processus de paix.
2. Un plan asymétrique
L'accord est plus favorable à Israël qu'au Hamas. Fondamentalement, le texte exige que le Hamas libère tous les otages israéliens qu'il détient encore et dépose toutes ses armes, ce qui le laisserait totalement sans défense.
Le Hamas, qui n'a aucune confiance envers Israël en général et envers Nétanyahou en particulier, pourrait craindre que, une fois qu'il se sera désarmé, le dirigeant israélien l'attaque de nouveau avec force.
En outre, le Hamas n'a pas été associé à la rédaction des termes de l'accord. Il est désormais confronté à un ultimatum : accepter ce document ou s'exposer à ce qu'Israël « finisse le travail ».
Compte tenu de l'asymétrie du plan, le Hamas pourrait décider que les risques liés à son acceptation l'emportent sur les avantages potentiels, même si le texte prend soin de préciser que les combattants du Hamas qui auront déposé les armes bénéficieront d'une amnistie.
Le plan demande aussi à Israël de faire certains compromis ; mais il est douteux que ceux-ci soient réellement acceptés. Ainsi, l'accord envisage un avenir dans lequel l'Autorité palestinienne (AP) pourrait « reprendre le contrôle de Gaza de manière sûre et efficace ». Nétanyahou a déjà déclaré par le passé qu'un tel développement était à ses yeux inconcevable.
De même, il serait très difficile pour Nétanyahou d'accepter « une voie crédible vers l'autodétermination et la création d'un État palestinien », comme le prévoit le plan. Il a, à de multiples reprises, fermement rejeté toute création d'un État palestinien, y compris, le 27 septembre dernier, dans lediscours bravachequ'il a tenu devant l'Assemblée générale des Nations unies.
3. Des aspects essentiels ne sont pas détaillés
La stratégie de mise en œuvre du plan est présentée d'une façon extrêmement vague. À ce stade, nous ne savons rien de la « force internationale de stabilisation », qui remplacerait l'armée israélienne après le retrait de celle-ci de Gaza.
Quels pays y participeraient ? Il s'agirait évidemment d'une mission très dangereuse pour les effectifs qui viendraient à être déployés sur le terrain. Nétanyahou a déjà évoqué la possibilité qu'une force arabe prenne le relais de Tsahal à Gaza, mais aucun État arabe ne s'est encore porté volontaire pour cela.
Le plan ne prévoit pas non plus de calendrier pour les réformes de l'Autorité palestinienne ni de détails sur ce que ces réformes impliqueraient. Il faudra probablement organiser de nouvelles élections pour désigner un dirigeant crédible à la place de l'actuel président Mahmoud Abbas. Mais on ignore encore comment cela se ferait, et si la population de Gaza pourrait prendre part à ce scrutin.
De plus, les détails concernant l'autorité civile qui superviserait la reconstruction de Gaza sont très flous. Tout ce que nous savons, c'est que Trump se nommerait lui-même président du « Conseil de paix » et que l'ancien premier ministre britannique Tony Blair sera également impliqué d'une manière ou d'une autre. Pour être efficace, ce comité devrait bénéficier de la confiance absolue aussi bien du gouvernement Nétanyahou que du Hamas. Mais, comme nous l'avons souligné, la confiance est une denrée rare au Proche-Orient…
4. Aucune mention de la Cisjordanie
La Cisjordanie est clairement un dossier essentiel pour tout règlement de paix. Des affrontements opposent quasi quotidiennement les colons israéliens et les résidents palestiniens, et rien n'indique que la situation ne va pas encore s'aggraver.
Le mois dernier, le gouvernement israélien a donné son accord définitif à un projet controversé visant à construire une nouvelle colonie qui diviserait de fait la Cisjordanie en deux, rendant impossible la création d'un futur État palestinien disposant d'une continuité territoriale.
La Cisjordanie doit être au cœur de tout accord global entre Israël et la Palestine.
5. Les membres les plus à droite du gouvernement Nétanyahou restent un obstacle à toute solution
Ce pourrait être le facteur décisif qui provoquera l'échec du plan Trump. Les leaders de l'extrême droite présents au sein du gouvernement Nétanyahou, Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir, ont déclaré qu'ils n'accepteraient rien de moins que la destruction et l'élimination complètes du Hamas.
Or, bien que le plan prévoie que le Hamas soit désarmé et mis sur la touche politiquement, son idéologie resterait intacte, tout comme un nombre élevé de ses combattants.
Au final, ce plan peut-il réussir ?
Si le Hamas accepte le plan de Trump, nous pourrions bientôt avoir les réponses à plusieurs de ces questions.
Mais les États-Unis devront déployer des efforts considérables pour maintenir la pression sur Israël afin qu'il respecte les termes de l'accord. De même, les principaux médiateurs auprès des Palestiniens, le Qatar et l'Égypte, devront également maintenir la pression sur le Hamas pour que lui non plus ne viole pas les dispositions contenues dans le texte.
Nétanyahou part probablement du principe que si le Hamas ne se conforme pas à telle ou telle disposition, lui-même pourra en profiter pour sortir de l'accord. C'est d'ailleurs ce qu'il a fait en mars dernier lorsqu'il s'est retiré du cessez-le-feu signé deux mois plus tôt et a repris les opérations militaires israéliennes à Gaza.
Dans le discours énergique qu'il a prononcé la semaine dernière devant une salle partiellement vide de l'Assemblée générale des Nations unies, Nétanyahou n'a pas laissé entendre qu'il envisageait de renoncer à l'une des lignes rouges qu'il avait précédemment fixées pour mettre fin à la guerre. Au contraire, même : il a condamné les États qui reconnaissent l'État palestinien, déclarant à leur intention :
« Israël ne vous permettra pas de nous imposer un État terroriste. »
Il semble clair que Nétanyahou n'aurait jamais accepté le plan de Trump si ce dernier n'avait pas fait pression sur lui. Dans le même temps, Trump a déclaré lors de sa conférence de presse conjointe avec Nétanyahou que si le Hamas refusait l'accord ou s'il l'acceptait mais ne respectait pas ses conditions, alors il offrirait son soutien total à Israël pour en finir avec le Hamas une bonne fois pour toutes.
Cette promesse pourrait suffire à Nétanyahou pour convaincre Smotrich et Ben-Gvir de soutenir le projet… du moins pour l'instant.
Ian Parmeter, Research Scholar, Middle East Studies, Australian National University
< !—> The Conversationhttp://theconversation.com/republishing-guidelines —>
P.-S.
• The Conversation. Publié : 30 septembre 2025, 13:10 CEST.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l'article original.
•Ian Parmeter, Australian National University
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Voici les récits des militants de la Flotilla arrêtés et torturés par Israel
Le 5 octobre, José Nivoi, docker génois et militant du CALP, participant à la flottille Global Sumud, capturé dans les eaux internationales par la marine israélienne alors qu'il se dirigeait vers Gaza, est rentré chez lui. Dans son long témoignage, publié sur les chaines du CALP, Nivoi a dénoncé les violences et les mauvais traitements subis lors de sa détention en Israël.
Tiré du blogue de l'auteur.
Le soir du 5 octobre, José Nivoi, docker génois et militant du CALP (Collettivo Autonomo Portuali), participant à la flottille Global Sumud, capturé dans les eaux internationales par la marine israélienne alors qu'il se dirigeait vers Gaza, est rentré chez lui. Des dizaines de personnes, membres de sa famille, amis et sympathisants, l'ont accueilli à la station Principe, en signe de solidarité.
Dans son long témoignage, publié sur les chaines du CALP, Nivoi a dénoncé les violences et les mauvais traitements subis lors de sa détention en Israël. « Dès que nous avons posé le pied sur le port d'Ashdod - raconte-t-il - ils nous ont tous mis à genoux, plus de deux cents d'entre nous, et nous ont obligés à regarder vers le bas. Si vous leviez les yeux, ils vous fermaient le visage. Nous sommes restés comme ça pendant des heures. Puis ils nous ont emmenés dans un entrepôt, loin des caméras, où une véritable chaîne de fouilles et d'interrogatoires a commencé. À quelques mètres de moi se trouvait Greta Thunberg : ils l'ont insultée, ils lui ont mis un drapeau israélien sur le visage. Elle était humiliée, mais elle ne cessait de sourire. Je n'oublierai jamais cette scène. »
Le docker décrit un processus systématique de profilage et d'humiliation. C'était comme une chaîne de montage. On entrait avec son passeport et son sac à dos, on était fouillé, déshabillé, photographié, on prenait ses empreintes digitales et un scanner de la rétine. On a confisqué mes livres, dont Pensées à Anna. Lorsqu'ils ont compris que c'était un texte politique, ils l'ont jeté à la poubelle sous mes yeux.
Puis, ils n'arrêtaient pas de me demander qui j'étais, ce que je faisais, d'où je venais. C'était un bombardement constant. À un moment, Nivoi raconte avoir été victime d'une tentative de la contraindre à signer des documents en hébreu. Ils m'ont mis un papier en hébreu devant moi et ont insisté pour que je le signe. J'ai dit que je ne signerais rien que je ne comprenne pas. Ils m'ont menotté avec des serre-joints très serrés, m'ont bandé les yeux avec un tissu aux couleurs du drapeau israélien et m'ont emmené.
Ils m'ont fait m'agenouiller, tête baissée. L'un d'eux, en anglais, m'a dit que j'étais un terroriste, que c'était de ma faute si les Palestiniens étaient attaqués. Puis ils nous ont enfermés dans une camionnette, entassés les uns contre les autres, d'abord sous une chaleur étouffante, puis dans la climatisation glaciale. Ils nous ont emmenés dans une prison de haute sécurité. Ils nous ont fait déshabiller et nous ont donné une combinaison grise, une chemise blanche et des pantoufles.
Nous étions dans des cellules de six, mais ils nous ont aussi mis dans des cellules de vingt. Nous dormions par terre. L'eau était jaune, mais nous devions la boire. La nuit, ils entraient avec des fusils et des chiens, nous réveillant toutes les deux heures et nous braquant les armes au visage. Il y avait un homme de soixante-dix ans souffrant de problèmes cardiaques, à qui on a retiré son traitement. Un autre souffrait d'asthme et n'avait pas d'inhalateur. C'était une torture psychologique constante.
Malgré tout, une solidarité spontanée s'est créée entre les détenus. J'étais dans une cellule avec des garçons écossais et brésiliens. Quand quelqu'un était malade, nous réagissions ensemble. Une fois, nous avons commencé à crier et à jeter de la nourriture sur les gardes pour demander de l'aide. Ils sont arrivés en force, avec des boucliers et des mitraillettes, nous forçant à nous allonger par terre, leurs fusils pointés sur nous. Mais nous n'avons pas cédé. Nous leur avons dit : "Si vous devez tirer, tirez." C'étaient eux qui avaient peur, pas nous.
Nivoi a également vivement critiqué l'attitude du consulat italien, l'accusant de ne pas apporter un réel soutien à ses compatriotes. « Le travail du consulat était médiocre. Tout le monde n'a pas pu signer les papiers de rapatriement, comme si Israël avait décidé qui devait rester en prison. Au début, le consul ressemblait à un agent du Mossad. Il était sous pression, puis presque effrayé. Les informations qu'il nous apportait semblaient plus intimidantes que réconfortantes. Nous n'avons appris la solidarité qui existait en Italie que grâce au consul brésilien, et non grâce à nous. »
Nous sommes de retour, mais nous devons maintenir une grande solidarité en Italie. Nous devons réclamer la libération de tous les membres de la flottille mondiale Sumud et la fin du génocide perpétré par Israël contre le peuple palestinien. Ce que nous avons vécu n'est qu'une infime partie de ce que les prisonniers palestiniens endurent chaque jour. Greta Thunberg a déclaré aux autorités suédoises avoir subi des traitements cruels en détention israélienne après son arrestation et son expulsion d'une flottille transportant de l'aide à Gaza, selon une correspondance consultée par le Guardian.
Un responsable qui a rendu visite à la militante en prison a déclaré qu'elle avait affirmé avoir été détenue dans une cellule infestée d'insectes, avec une quantité insuffisante de nourriture et d'eau. « L'ambassade a pu rencontrer Greta », peut-on lire dans le courriel. Il a signalé une déshydratation. Il n'a pas reçu suffisamment d'eau et de nourriture. Il a également déclaré avoir développé des éruptions cutanées qu'il soupçonne d'être causées par des punaises de lit. Il a parlé de son très dur traitement.
L'accusation a été confirmée par au moins deux autres membres de la flottille, arrêtés par les forces israéliennes et libérés samedi. « Ils ont traîné la petite Greta par les cheveux sous nos yeux, l'ont battue et l'ont forcée à embrasser le drapeau israélien. Ils lui ont fait tout ce qu'ils pouvaient imaginer, comme un avertissement », a déclaré à l'agence de presse Anadolu la militante turque ErsinÇelik, participante de la flottille Sumud.
Lorenzo D'Agostino, journaliste et autre participant à la flottille, a déclaré après son retour à Istanbul que Thunberg avait été « enveloppée dans le drapeau israélien et exhibée comme un trophée ». Thunberg faisait partie des 437 militants, parlementaires et avocats qui ont participé à la flottille Global Sumud, une coalition de plus de 40 navires transportant de l'aide humanitaire visant à briser le blocus maritime illégal de Gaza par Israël.
Entre jeudi et vendredi, les forces israéliennes ont intercepté tous les navires et arrêté tous les membres d'équipage à bord. La plupart étaient détenus à Ketziot, également connue sous le nom d'Ansar III, une prison de haute sécurité située dans le désert du Néguev, principalement utilisée pour incarcérer les prisonniers de sécurité palestiniens, accusés de terrorisme par Israël. Par le passé, les militants détenus par Israël n'étaient pas poursuivis pénalement, leur présence étant plutôt traitée comme une question d'immigration.
Selon les avocats de l'ONG Adalah, les droits des membres de l'équipage ont été « systématiquement violés », les militants étant privés d'eau, de toilettes, de médicaments et d'un accès immédiat à leurs représentants légaux, « en violation flagrante de leurs droits fondamentaux à une procédure régulière, à un procès équitable et à une représentation juridique ».
L'équipe juridique italienne représentant la flottille a confirmé que les détenus ont été laissés « pendant des heures sans nourriture ni eau, jusque tard dans la nuit », à l'exception d'« un paquet de chips donné à Greta et montré aux caméras ». Les avocats ont également signalé des cas de violences verbales et physiques.
Lors d'une visite à Ashdod jeudi soir, le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite, Itamar Ben-Gvir, a été filmé en train de qualifier les militants de « terroristes ». « Ce sont les terroristes de la flottille », a-t-il déclaré en hébreu, désignant des dizaines de personnes assises par terre. Son porte-parole a confirmé que la vidéo avait été filmée jeudi soir dans le port d'Ashdod. On y entendait des militants crier « Libérez la Palestine ». Ben-Gvir avait auparavant appelé à l'emprisonnement des militants plutôt qu'à leur expulsion.
C'est la deuxième fois que GretaThunberg est arrêtée avec d'autres membres de la flottille, après une tentative similaire plus tôt cette année qui avait abouti à l'arrestation et à l'expulsion des militants. Baptiste André, un médecin français présent à bord de l'un des navires de la flottille en juin, a déclaré aux journalistes à son retour en France avoir vu des agents des frontières israéliens narguer et priver délibérément de sommeil des passagers, en particulier Thunberg. Le responsable suédois a déclaré dans le courriel que Thunberg avait été invitée par les autorités israéliennes à signer un document. « Elle a exprimé son incertitude quant à la signification du document et a refusé de signer quoi que ce soit qu'elle ne comprenait pas », peut-on lire dans le courriel.
La Suède qualifie de « graves » les mauvais traitements présumés infligés par Israël à Greta Thunberg. La ministre suédoise des Affaires étrangères, Maria Malmer Stenergard, a déclaré dimanche que les allégations de mauvais traitements contre la militante suédoise pour le climat Greta Thunberg, toujours détenue en Israël, étaient « très graves ».
« Avant même son arrestation, nous avions fait part à Israël de l'importance du respect de la sécurité et des droits consulaires des citoyens suédois », a déclaré Mme Malmer Stenergard dans une déclaration à l'agence de presse suédoise TT. J'ai pris note des signalements de violences. Si ces informations sont exactes, la situation est très grave. La ministre a réitéré que la Suède avait « souligné que les besoins en nourriture et en eau devaient être satisfaits et que tous les détenus devaient avoir la possibilité de rencontrer un avocat s'ils le souhaitaient ». Thunberg a déclaré aux responsables suédois qu'elle était détenue dans une cellule infestée d'insectes et qu'elle n'avait pas reçu suffisamment de nourriture et d'eau.
La militante turque Ersin Çelik a déclaré à AA que les forces israéliennes avaient « torturé Greta sauvagement sous nos yeux », « l'obligeant à ramper et à embrasser le drapeau israélien ». Le journaliste italien Lorenzo D'Agostino a affirmé que Greta avait été « enveloppée dans le drapeau israélien et exhibée comme un trophée ».
D'Agostino (journaliste del manifesto et un des arrêtés sur un bateau de la Flotilla) raconte :
« Ils ont dérouté le bateau vers le port d'Ashdod. Nous sommes restés à quai pendant deux heures. Avant de nous laisser débarquer, un soldat a voulu parler à notre capitaine : « Mon ami, mon ami, écoute-moi, tu vas aimer ça : quand les nains projettent de longues ombres, c'est que le soleil est bas. » Ce fut la dernière chose qu'il nous dit. Alors que nous étions en train de descendre, j'ai entendu quelqu'un des autres bateaux de la mission crier : « La police sera pire. » J'ai atterri et, sans même m'en rendre compte, un officier m'a attrapé le bras et l'a tordu dans le dos, pour me faire le plus mal possible. Puis ils nous ont fait asseoir par terre, sur une dalle de béton. C'est là qu'ils ont rassemblé tout le monde. Juste avant moi, Greta Thunberg avait débarqué. Une jeune fille de vingt-deux ans, une femme courageuse. Ils l'ont enveloppée dans le drapeau israélien, comme un trophée de guerre. Ils l'ont fait asseoir dans un coin, un policier lui expliquant que c'était « un endroit spécial pour une fille spéciale ».
D'autres policiers l'ont encerclée et ont pris des selfies avec Greta, forcée à l'intérieur du drapeau. Puis ils ont attaqué une autre fille, Hanan. Ils l'ont forcée à s'asseoir devant le drapeau israélien pour qu'elle puisse le regarder. Ils ont donné des coups de pied, nous ont ordonné de baisser la tête et de regarder par terre ; quiconque levait les yeux était contraint de s'agenouiller. Un militant plus âgé s'est uriné dessus. Tout objet évoquant la Palestine était arraché, emporté, jeté à terre et piétiné. Ils ont arraché les bracelets de tout le monde. Une fille a été traînée par terre parce que son bracelet ne se cassait pas. Ce n'était même pas le drapeau palestinien, c'était le drapeau somalien. Je suis restée sur le béton deux heures, d'autres beaucoup plus longtemps, cinq ou six heures. Ils ont demandé les passeports des Italiens et nous ont fait passer le contrôle d'immigration.
Là, ils ont ouvert mon sac à dos : tout ce qui me rappelait la Palestine avait été pris et jeté à la poubelle. Ils ont aussi trouvé un exemplaire du Coran dans mon sac et ont pété les plombs, comme un court-circuit : ils se sont convaincus que j'étais musulman, et pendant deux heures, tous les policiers qui passaient devant moi se sont moqués de moi. Dans ma trousse de maquillage, ils ont trouvé des lingettes humides roses et m'ont dit : « Tu es une fille », en riant et en se tapant dans le dos.
Après le contrôle aux frontières, ils nous ont fait déshabiller, ne gardant que nos sous-vêtements. Nous avons subi deux interrogatoires, dont un seul en présence d'un avocat. Ils nous ont demandé si nous souhaitions être expulsés, et enfin, l'annonce : nous allons en prison. C'est alors qu'Itamar Ben Gvir, le ministre israélien de la Sécurité nationale, est arrivé. Il nous attendait à Ashdod pour s'assurer que nous soyons traités comme des terroristes, car il pensait que nous l'étions. Il nous a crié dessus, nous traitant de terroristes. Il était juste devant moi. Les agents israéliens ont voulu se montrer brutaux devant lui : ils nous ont bandé les yeux et nous ont serré les poignets avec des liens en plastique. Ils nous ont fait monter dans un véhicule blindé, vêtus seulement d'un t-shirt léger : la climatisation était à fond, il faisait vraiment froid.
Dans notre véhicule blindé, il y avait un jeune Écossais qui a réussi à se libérer des liens et, avec l'aide d'un Italien, Marco, les a desserrés pour tout le monde. Quand nous avons vu nos camarades sortir des autres véhicules blindés, leurs mains étaient violettes. Certains avaient les liens sur eux depuis l'interception : ils ont fait tout le trajet jusqu'à la prison les mains liées, de deux heures du matin à quatre heures de l'après-midi. La première nuit, ils ne nous ont pas laissés dormir : ils sont venus nous réveiller et nous ont tous fait lever, ou ils ont utilisé les haut-parleurs.
La deuxième nuit, ils nous ont fait changer de cellule. Ils ne nous ont jamais donné d'eau minérale, il n'y avait que de l'eau du robinet, qui était très chaude. Nous avons protesté, frappé aux portes en fer, crié « Palestine libre » et chanté « Bella Ciao ». Dans la deuxième cellule se trouvait avec moi le vice-ministre turc des Affaires étrangères de l'époque d'Ahmet Davutoglu. Son bras était cassé et enflé. Il l'avait bandé lui-même, car on ne lui avait donné ni pansements ni analgésiques. Personne n'avait reçu de médicaments, pas même un homme épileptique. Nous avons protesté et demandé un médecin.
Le deuxième jour, l'assistance consulaire est arrivée : le consul italien nous a demandé si nous avions été maltraités et nous a dit que si nous signions l'arrêté d'expulsion, ils nous renverraient en Italie le lendemain. Beaucoup se sont laissés convaincre de signer, mais je ne sais pas ce qui est arrivé à ceux qui ont refusé. Il reste encore quinze Italiens dans la cellule. J'ai signé : c'était un document par lequel j'acceptais de renoncer au procès et d'être expulsé dans les soixante-douze heures. Mais aucun aveu de culpabilité. Ils ont procédé à de nouveaux interrogatoires.
Un juge, sans avocat, nous a interrogés. Nous avons demandé un avocat, et ils ont répondu que ce n'était pas nécessaire, que c'était juste une conversation. Nous sommes restés silencieux, cependant. J'ai simplement dit que j'étais journaliste, dans l'exercice de ma profession, et que je ne parlerais de rien d'autre sans avocat ni assistance consulaire. Ils m'ont demandé pourquoi je voulais aller à Gaza si j'ignorais qu'il y avait un blocus sur Gaza. Ils ont posé à d'autres des questions plus « politiques », notamment sur les Frères musulmans. La nuit suivante, les gardes se sont montrés plus violents. Le consul italien venait de partir, venu recueillir d'autres « signatures » pour l'expulsion, lorsque les forces spéciales sont arrivées. Ils ont ouvert les cellules, pointé des fusils laser sur nous et fait l'appel.
Dans certaines cellules, ils ont lâché des chiens. Dans une cellule, ils ont trouvé un écriteau « Palestine » : les prisonniers l'avaient laissé avec des morceaux de poivre et de l'eau du robinet. Pour l'effacer, les policiers ont jeté des seaux d'eau de Javel, et cette nuit-là, les prisonniers ont dormi sur des matelas trempés. Cette nuit-là, en représailles, ils ont redistribué les cellules. Nous étions dix, mais maintenant nous étions quinze, il n'y avait plus de place pour tout le monde. Nous avons retourné les matelas pour pouvoir tous y poser la tête. J'avais le sentiment d'être dans un endroit véritablement barbare, et j'espérais sincèrement que cette barbarie cesserait bientôt. Hier matin, très tôt, ils nous ont réveillés et nous ont embarqués dans le même véhicule blindé que celui dans lequel nous étions allés. Nous pensions qu'ils nous emmenaient à l'aéroport, mais nous continuions à observer les écriteaux à travers les fentes du véhicule, craignant qu'ils ne nous transfèrent dans un autre centre de détention.
Le voyage a duré trois heures ; il faisait une chaleur accablante, on respirait à peine. Nous avons demandé de l'eau, et on nous a dit que nous étions presque arrivés à destination. À l'aéroport, à Eilat. On nous a mis dans un avion pour Istanbul. Là, on nous a accueillis avec enthousiasme, avec une propagande à la Erdogan : un député de son parti nous a accueillis avec des vêtements neufs, des chaussures pour tout le monde et des keffiehs. Tard dans la soirée, nous avons embarqué dans le dernier avion, à destination de Rome. Puisque le gouvernement néofasciste italien qui soutien Israël a refusé de prendre en charge les frais du vol du rapatriement des Italiens, le gouvernement turc a offert ce vol à tous les Italiens. »
Rappelons que après l'arrestation des bateaux de la flotilla on a eu partout en Italie des manifestations spontanées massives. Le 3 octobre on a eu une grève générale de 24h avec plus de 2 millions de manifestants dans les rues de plus de cent villes grandes, moyennes et petites, et encore le 4 octobre une manifestation nationale à Rome avec plus d'un million de manifestants (voici les images).
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Peut-on mieux taxer les plus riches de la planète ?
La taxe Zucman, qui fait actuellement beaucoup de bruit de par le monde et plus particulièrement en France, pourrait-elle être une réponse aux demandes de l'UNESCO qui veut une meilleure répartition de la richesse sur la planète ?
Cette année, le magazine Forbes recense plus de 3 000 personnes au classement mondial des milliardaires. Ceux-ci possèdent au total 16 000 milliards de dollars. Quand il a publié son premier recensement en 1987, il n'y avait que 140 noms.
En Afrique, quatre milliardaires détiendraient 57,4 milliards de dollars, soit plus que la richesse combinée de la moitié de la population du continent, environ 750 millions de personnes.
Selon les chiffres d'Oxfam, la fortune des milliardaires a augmenté de 6 500 milliards de dollars en 10 ans. Le 1 % le plus riche de la population mondiale a vu sa richesse explosée de 33 900 milliards de dollars « de quoi éradiquer la pauvreté mondiale annuelle 22 fois », affirme l'organisme qui plaide depuis plusieurs années pour une meilleure répartition des richesses.
Pour Gabriel Zucman, professeur d'économie à l'université de Californie à Berkeley et à la Paris School of Economics, la priorité serait donc de taxer les super riches, « Non seulement ce sont les personnes les plus riches du monde, mais ce sont aussi celles qui paient le moins d'impôts. »
Pour une taxe sur les grandes fortunes
Dans la lignée des travaux de Thomas Piketty, la taxe Zucman s'est imposée dans le débat public pendant le G20 en novembre 2024. Elle propose aux États de la planète de récupérer de 200 à 250 milliards de dollars par an par un impôt minimum de 2 % sur la fortune d'environ 3 000 milliardaires. Lors du sommet du G20, le Brésil, l'Allemagne, l'Espagne et l'Afrique du Sud ont signé une motion en sa faveur pour augmenter les ressources publiques et réduire les inégalités.
Bien qu'elle n'ait pas été adoptée par le G20, le communiqué final mentionnait : « Nous allons essayer de coopérer pour nous assurer que les individus les plus riches soient imposés de façon effective. » Que ce soit au Royaume-Uni, en Allemagne, en Norvège ou au Brésil, l'impôt sur les grandes fortunes fait actuellement l'objet de mobilisation.
La taxe Zucman fait aussi beaucoup de vagues en France dans une version ou le patrimoine qui dépasse 100 millions d'euros est ciblé. Celle-ci a été adoptée par l'Assemblée nationale française, mais rejetée par le Sénat.
Le prix Nobel d'économie, Joseph Stiglitz, ex-conseiller de Bill Clinton et l'économiste américaine Jayati Ghosh sont pour la taxe Zucman.
Des économistes influents tels Jean Pisani-Ferry et Olivier Blanchard se disent aussi favorables à cette taxe, faute de mieux.
Ceux contre
Considérant l'état actuel des forces politiques sur la planète, il y a peu de chance que Donald Trump décide de taxer les milliardaires.
L'organisation patronale française, Medef, dans un document de 14 pages qui a été distribué à des chefs d'entreprise et au lobby patronal en région, donnait des arguments pour gagner la bataille contre « la taxe Zucman ». Il demandait aux Medef territoriaux de contacter les parlementaires socialistes pour « les sensibiliser sur les risques importants que de telles mesures feraient courir aux entreprises de leur territoire ». Le document proposait que ces organismes territoriaux trouvent des témoignages de chefs d'entreprise dont l'activité serait grandement menacée par cette taxe et d'autres législations similaires. Ceux-ci devaient lister les innovations qui seraient bloquées par une politique fiscale trop défavorable.
Le milliardaire Bernard Arnault, la personne la plus riche de France, a dénoncé la taxe Zucman, qualifiant son auteur de « pseudo-universitaire d'extrême gauche ». PDG de LVMH, il affirme que cette loi est alignée sur une idéologie qui « vise la destruction de l'économie libérale » mettant même en doute la compétence universitaire de Zucman.
Le premier ministre français, Sébastien Lecornu, pour sa part, ne veut pas appuyer la taxe Zucman considérant qu'elle est dangereuse pour l'économie et l'emploi. Il propose plutôt une taxe sur les holdings qui ne toucherait pas aux biens professionnels.
Répondre positivement à l'UNESCO ?
Norma Cohen, une ancienne journaliste du Financial Times, actuellement chercheuse à la Queen Mary University of London, affirme que l'impôt sur le patrimoine a longtemps constitué la principale source de revenus de plusieurs pays. Elle date du milieu et de la fin du XXe siècle au Royaume-Uni. « Jusqu'à la Première Guerre mondiale, presque personne ne payait d'impôt sur le revenu dans le pays », affirme-t-elle.
Gabriel Zucman fait valoir que sa taxe veut instaurer un plancher et non surtaxer qui que ce soit. Des législations pourraient être mises en place pour éviter que les grandes fortunes aillent s'installer dans des paradis fiscaux.
Ce ne serait pas une première pour plusieurs pays. Afin d'éviter que les riches ne placent leur fortune à l'étranger, certains pays ont déjà adopté une taxe à la sortie. L'Allemagne, le Japon, l'Australie, la France et le Canada font partie des 14 pays de l'OCDE à taxer la différence entre le coût d'acquisition et la valeur réelle d'un bien de ceux qui quittent fiscalement le pays. Les États-Unis, eux, taxent plutôt les individus qui renoncent à leur citoyenneté américaine.
Cette menace, bien que réelle, pourrait être exagérée. Le directeur du groupe de réflexion britannique CenTax et professeur à l'université de Warwick, Arun Advani, affirme qu'« Il y a moins d'exilés fiscaux qu'on ne le pense, mais il y en a. »
L'économiste Thomas Piketty a commenté pour sa part à ce sujet que la taxe Zucman est un « minimum syndical » et qu'il faudrait un siècle pour simplement revenir au niveau de 2010 en l'appliquant.
Michel Gourd
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APPEL URGENT À L’ACTION – pour protéger la Flotille humanitaire Liberté pour Gaza
20 000 personnes pour Gaza à Montréal, des centaines de milliers partout sur la planète
Extractivisme – une politique d’expansion plutôt que de transition
Le souffle et la faille, Petite géographie des courants qui traversent l’école
L’ironie du recyclage : une illusion verte ?

Comptes rendus de lecture du mardi 30 septembre 2025
La civilisation judéo-chrétienne
Sophie Bessis
L'historienne Sophie Bessis nous démontre, dans cet essai d'une lecture quelque peu ardue, le caractère fallacieux du concept de « civilisation judéo-chrétienne », concept d'exclusion de l'islam et de l'Orient que l'on entend répéter trop souvent de nos jours, surtout de la part de la droite et de l'extrême droite. Cette imposture – pour utiliser le terme qu'elle emploie - occulte en fait quelque 2000 ans de persécutions antisémites de la part du christianisme (et de rapports plus harmonieux entre l'islam et le judaïsme). Il n'inclut bien sûr que les pays d'Europe de l'Ouest, les États-Unis et les membres de l'anglosphère, ceux qui dans une époque pourtant pas si lointaine et dans la même veine se proclamaient les représentants de « la civilisation ».
Extrait :
Cette extraordinaire trouvaille sémantique et idéologique, une des plus opératoires de notre temps, peut être placée dans la catégorie des “vérités alternatives“ dont on fait grand cas aujourd'hui.
Trop et jamais assez
Mary L. Trump
Traduit de l'anglais
C'est le remarquable ouvrage « Le cas Trump » d'Alain Roy qui m'a amené à lire ce livre. L'auteure, psychologue clinicienne, est la nièce de Donald Trump. Elle nous révèle dans ce précieux témoignage le passé d'une famille totalement dysfonctionnelle, dont le patriarche Fred Trump, riche promoteur immobilier de New York, est un véritable tyran, incapable d'humanité et de compassion ; comment ce père sociopathe détruira son fils aîné et fera de son second fils, Donald, un être narcissique, menteur, fraudeur, incompétent en affaire, inculte, incapable d'empathie et d'humanité et d'une cruauté abjecte. Un bouquin éclairant !
Extrait :
Donald ne comprend rien à l'histoire, aux principes constitutionnels, à la géopolitique, à la diplomatie (ni à rien d'autre, pour tout dire) ; il n'a jamais été encouragé à cultiver ces savoirs, et il évalue toutes les alliances du pays, et tous nos programmes sociaux, uniquement au travers du prisme de l'argent comme son père lui avait appris à le faire. Les coûts et les bénéfices de la gouvernance ont été considérés d'un point de vue purement financier, comme si le Trésor était sa tirelire personnelle. A ses yeux, tout dollar qui sort est une perte, tout dollar économisé un gain.
Ubu roi
Alfred Jarry
Cette pièce, la plus connue d'Alfred Jarry, a été publiée en 1895 et jouée pour la première fois l'année suivante. C'est un théâtre de l'absurde qui met à l'avant-scène un personnage grotesque et despotique, vil et cruel. Le père Ubu, puisque c'est de lui qu'il s'agit, assassine le roi Venceslas de Pologne et prend le pouvoir ; il fait ensuite tuer les nobles pour s'emparer de leurs biens et ceux qui l'ont aidé à faire son coup d'État. Ça ressemble par moment à du Rabelais. Difficile aussi de ne pas trouver de similitudes avec ce qui se passe depuis janvier aux États-Unis avec Donald Trump…
Extrait :
Prenez garde, père Ubu. Depuis cinq jours que vous êtes roi, vous avez commis plus de meurtres qu'il n'en faudrait pour damner tous les saints du paradis. Le sang du roi et des nobles crie vengeance et ses cris seront entendus.
Crimes, mystères et passions oubliés
Raymond Ouimet
J'aime bien les bouquins sur notre histoire de Raymond Ouimet. Avant de pouvoir mettre la main sur son dernier (sorti ce mois-ci), « La vengeance des bien-aimés », je me suis attardé à « Crimes, mystères et passions oubliés », publié en 2010, qui nous rappelle aussi des crimes et événements ayant eu lieu chez nous de la toute fin du XIXe siècle à la première moitié du XXe siècle. Il comprend cinq récits, tous très intéressants, dont le plus instructif a été pour moi celui sur l'étrange mort d'Amédée Papineau, le fils de Louis-Joseph Papineau.
Extrait :
Lacroix s'approche du corps de sa femme, ramasse son chapeau qui était bombé par terre, puis revient dans la maison de la veuve Commandant. La mort d'Emma n'a pas suffi à étendre sa rage. Il trouve, caché derrière une porte, le vieux Hippolyte Thomas, dont les membres s'entrechoquent tellement il a peur, qu'il soupçonne être l'amant de sa femme. D'une seule balle, il lui troue la peau. Le vieillard sort de la maison en titubant et s'affaisse au beau milieu de la rue.
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Lancement double le 14 octobre !
La parution du numéro 104 (et son dossier sur l'Acadie) et du numéro 105 (et son dossier sur l'internationalisme) seront soulignés à la librairie N'était-ce pas l'été (6702 St-Laurent, Montréal).
Mardi 14 octobre à 18h30. Entrée libre, bienvenue à toutes et à tous !

Syndiquer Amazon : la nouvelle frontière ?
Le 1er avril 2022, la terre a tremblé chez Amazon. Pour la première fois de son histoire, le géant de la vente en ligne voyait un groupe de ses travailleureuses opter pour la syndicalisation à son entrepôt new-yorkais JFK8. Loin d'être un cas isolé, d'autres initiatives d'organisation collective ont émergé à travers le monde, notamment au Québec. Comment se passe cette campagne et à quelles difficultés fait-elle face ?
En mars 2022, la Confédération des syndicats nationaux (CSN), contactée par un groupe de travailleureuses de l'entrepôt YUL2, à Lachine, décide de partir à l'assaut de la forteresse Amazon. Au sommet de la liste de récriminations : les salaires, bien trop bas par rapport au reste de l'industrie, mais aussi trop, beaucoup trop d'accidents de travail. « Chez Amazon, tu ne te demandes pas si, mais quand tu vas te blesser », confie un conseiller CSN impliqué dans la campagne de syndicalisation.
En cause, tout d'abord, le rythme et les conditions de travail imposés par Amazon à ses salarié·es. « Les entrepôts, on connaît ça à la CSN », indique David Bergeron-Cyr, vice-président de la centrale et lui-même issu de ce secteur, « mais chez Amazon, c'est complètement différent des entrepôts alimentaires ou pharmaceutiques, par exemple ». La diversité des produits manipulés entraîne des difficultés particulières, mais c'est surtout la cadence imposée, souvent intenable, qui conduit à des accidents. Les quotas de paquets à traiter par jour sont extrêmement élevés et surveillés par des systèmes informatiques. À Amazon, on n'automatise pas nécessairement le travail comme tel, mais on automatise le contrôle.
Et quand les accidents arrivent, ils sont trop rarement déclarés à la Commission des normes, de l'équité et de la santé et sécurité du travail (CNESST). Face à un employeur clairement négligeant et souhaitant camoufler la réalité des conditions de travail qu'il impose, on trouve de nombreux travailleureuses fragilisé·es et souvent démuni·es. C'est ici qu'entre en jeu une autre caractéristique essentielle de la main-d'œuvre d'Amazon : dans leur vaste majorité, les salarié·es de la multinationale sont des personnes migrantes. Immigrant·es reçu·es, temporaires, réfugié·es ou même en attente d'une décision sur leur statut, elles forment le bassin de prédilection au sein duquel Amazon puise ses « ressources humaines ». Avec peu ou pas de connaissances du système légal québécois, elles hésitent à déclarer les accidents de travail ou à exprimer des plaintes, de peur que cela ait une incidence sur leur statut migratoire.
Obstacles à la syndicalisation
Le syndicalisme lui-même est une autre réalité avec laquelle elles doivent se familiariser. Un lien de confiance doit être bâti avec des personnes issues de pays où les pratiques syndicales divergent considérablement de celles du Québec. En effet, les corruptions et les connivences avec l'État et les employeurs sont monnaie courante dans plusieurs pays d'origine des travailleureuses d'Amazon. Même quand elles sont partantes pour participer à une initiative de syndicalisation, certaines personnes salariées composent avec une culture syndicale qui diverge parfois des pratiques nord-américaines, par exemple lorsqu'il s'agit de faire preuve de discrétion ou de garder la campagne confidentielle afin d'éviter les pressions indues de l'employeur. Et des pressions, on soupçonne fortement Amazon d'en faire, notamment par le biais d'affichages décourageant la syndicalisation dans ses milieux de travail.
Mais l'un des principaux obstacles à la syndicalisation, ce sont, à nouveau, les accidents de travail. Comme ils sont rarement déclarés à la CNESST, ils conduisent bien souvent les travailleureuses blessé·es à démissionner ou à se faire congédier, faute d'avoir atteint les quotas de production exigés. Alors que la CSN est bien consciente qu'il s'agit d'une campagne de longue haleine, qui nécessitera un investissement sur le long terme, le fort roulement de personnel rend les efforts de syndicalisation particulièrement ardus.
La centrale n'est toutefois pas seule dans cette bataille et elle peut compter sur un allié de longue date : le Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTI). Actif depuis le début des années 2000, le CTI est devenu un acteur majeur des luttes pour l'amélioration des conditions des travailleureuses migrant·es. Il connait particulièrement bien le milieu des entrepôts puisqu'Amazon n'est pas le seul joueur de ce secteur s'appuyant massivement sur une main-d'œuvre migrante. Si l'objectif du CTI n'est pas directement de conduire à la syndicalisation, il cherche à la fois à aider les salarié·es à faire valoir leurs droits (par exemple en les aidant à déclarer d'éventuels accidents du travail), mais aussi à leur redonner du pouvoir en leur faisant réaliser leur force collective. Les échanges sont nombreux avec la CSN, et les deux organisations communiquent souvent de façon conjointe afin de dénoncer les pratiques d'Amazon.
Travail essentiel, travailleureuses jetables
S'il est une personne dont le nom est attaché au CTI, c'est bien Mostafa Henaway. Québécois d'origine égyptienne, il est un militant de longue date de la cause des travailleureuses migrant·es. Et le terrain, il le connait : il a œuvré dans de nombreux entrepôts, dont ceux d'Amazon. En plus d'essayer d'y améliorer les conditions de travail, il documente soigneusement ses expériences et ses analyses. Une partie d'entre elles ont été récemment consignées dans l'ouvrage Essential Work, Disposable Workers (« Travail essentiel, travailleureuses jetables ») [1]. Ce livre est riche de nombreux témoignages de travailleureuses migrant·es en première ligne des luttes pour la justice sociale, et propose également une fine contextualisation de ces industries et de leurs logiques d'accumulation.
Mostafa Henaway ne qualifie pas Amazon de géant du commerce électronique, mais plutôt de géant de la logistique. Ce n'est pas tant sa plateforme de vente en ligne qui distingue cette entreprise que sa capacité de livrer une quantité toujours croissante de produits, à une vitesse toujours plus élevée. Et les salarié·es, migrant·es surexploité·es et sacrifiables à merci, occupent un rôle central dans ce modèle d'affaires lucratif grâce auquel Jeff Bezos et ses acolytes dégagent leurs vastes marges de profits. Pour Mostafa Henaway, ce n'est donc pas tant la technologie qui a permis l'émergence d'entreprises comme Amazon, mais plutôt le travail migrant. Sans le travail migrant et son lot d'insécurités, de peurs et d'obstacles à l'organisation collective, impossible de voir naitre ces géants de la logistique que nous connaissons aujourd'hui.
En effet, cette réalité est loin d'être l'apanage d'Amazon. Mostafa Henaway documente notamment ses expériences dans les entrepôts de Dollarama, entreprise québécoise devenue elle aussi en quelques années un acteur incontournable du secteur de la logistique, alimentant ses nombreux magasins par le biais d'entrepôts centralisés aux conditions de travail tout aussi déplorables. À l'instar d'autres entreprises du même type, Dollarama utilise aussi un autre outil afin de fragiliser ses travailleureuses : le recours aux agences de travail temporaire. Réalité relativement nouvelle au Québec, ces agences visent particulièrement les travailleureuses migrant·es et sont régulièrement accusées de les tenir dans l'ignorance de leurs droits tout en déresponsabilisant les entreprises au sein desquelles ils et elles travaillent. Si Amazon ne les utilise pas au Québec (ses structures internes lui permettant déjà de flexibiliser considérablement le travail), elle est connue pour y avoir recours dans d'autres pays. On voit ainsi émerger une nouvelle figure, celle du « temporaire permanent » (« perma-temp »), qui voit se succéder les contrats à durée déterminée, tout en restant parfois dans la même entreprise, mais sans aucun horizon de sécurisation professionnelle ou d'avancement, restant constamment à la merci des agences et de leurs clients. Un·e travailleureuse « jetable », en somme.
Au-delà de ces constats assez sombres, Mostafa Henaway voit toutefois des raisons d'espérer. Et elles viennent justement du caractère essentiel de ces travailleureuses dans le modèle d'affaire d'Amazon et de ses semblables. C'est en prenant conscience de leur position centrale dans cette machine à profits que les travailleureuses peuvent saisir le potentiel de leur action collective. Et c'est donc par un patient travail d'éducation et d'organisation que des pistes de solution peuvent émerger. Une réflexion qui n'est pas sans rappeler celle du regretté Aziz Choudry, professeur à l'université McGill et allié de longue date du CTI, ou encore les travaux de la chercheuse Katy Fox-Hodess sur les débardeurs, qui montrent comment les travailleureuses ont su exploiter le plein potentiel de leur « pouvoir structurel » dû à la position centrale de leur travail dans le capitalisme globalisé [2].
Amazon est là pour rester, mais la lutte pour la reconnaissance et la dignité des travailleureuses du secteur grandissant de la logistique ne fait que commencer.
[1] Mostafa Henaway, Essential Work, Disposable Workers. Migration, Capitalism, Class, Halifax et Winnipeg, Fernwood, 2023.
[2] Voir notamment Katy Fox-Hodess et Camilo Santibáñez Rebolledo, « The Social Foundations of Structural Power : Strategic Position, Worker Unity and External Alliances in the Making of the Chilean Dockworker Movement », Global Labour Journal, vol. 11, no 3, 2020, pp. 222-238.
Photo : Joe Piette (CC BY-NC 2.0)

Pour des « négociations permanentes »
Les négociations dans le secteur public suscitent chez moi à la fois cynisme désabusé et enthousiasme militant. Bref billet d'humeur.
Cynisme désabusé, d'une part, parce que les négociations du secteur public sont strictement encadrées, largement au profit du gouvernement. Nous parlons ainsi du droit de grève et du calendrier des discussions pour désigner cette curieuse chorégraphie. Succession des rondes, répétition des mêmes étapes : les uns et les autres entrent en scène et jouent leur rôle. Les échanges stagnent. On s'en indigne. On invoque d'un côté la capacité de payer du contribuable et de l'autre, on dénonce les nombreux et réels problèmes des réseaux. Les syndicats fourbissent leurs armes, obtiennent des mandats de grève, pendant que le gouvernement adopte la posture paternaliste de celui qui prétend défendre la population contre ses propres travailleuses et travailleurs. Puis, soudainement, obéissant à des règles obscures, le rythme s'emballe avant que des ententes de principe ne soient annoncées, lesquelles reçoivent ensuite un assentiment variable, selon les humeurs des membres des syndicats et le contexte politique. Dans tous les cas, les victoires spectaculaires ne sont pas légion.
Enthousiasme militant, d'autre part, parce que l'échéance des conventions collectives entraîne une mobilisation d'une ampleur inhabituelle. La préparation des dépôts syndicaux, prélude à l'élaboration des revendications, s'accompagne d'un exercice exhaustif de recension des problèmes vécus dans les différents réseaux. Le contexte se prête aussi au renforcement ou à la création d'alliances plus ou moins vastes. Tout cela est propice, en théorie, à la formation d'une conscience politique plus aiguë. Les travailleuses et les travailleurs sont ainsi amené·es à réaliser l'ampleur des problèmes auxquels ils et elles sont confronté·es, ce qu'iels partagent et, inversement, ce qui les oppose au gouvernement et à divers autres acteurs sociaux. Cela contribue à créer un sentiment de pouvoir collectif considérable.
Cynisme ou enthousiasme, on reste avec l'impression que le caractère périodique des négociations nous condamne à une certaine insatisfaction. Or, il y a un élément de discours particulièrement inspirant qui revient à chaque ronde. C'est celui qui consiste à mettre de l'avant, non pas uniquement les préoccupations directes des travailleuses et des travailleurs – le salaire, les conditions de travail –, mais la défense et la valorisation des services publics. Cela permet d'ancrer les revendications syndicales dans un discours fondé sur des valeurs fortes – justice sociale, solidarité, intérêt public –, tout en faisant valoir que la satisfaction individuelle des travailleuses et des travailleurs entraîne des bénéfices pour l'ensemble de la population.
Cependant, marteler ce discours pendant quelques mois, à des intervalles de trois à cinq ans, est clairement insuffisant. Il y a une profonde asymétrie entre les parties en présence. Le gouvernement dispose de moyens sans commune mesure avec ceux des organisations syndicales et des groupes de la société civile. Pendant plusieurs années, dans un système politique favorisant malheureusement les comportements autoritaires d'un gouvernement majoritaire, il impose ses choix et son discours. De surcroît, l'alternance politique n'est garante de rien, dans la mesure où la plupart des partis peinent à se distinguer sur le plan idéologique.
On le sait, une négociation qui se conclut n'est pas la fin de l'histoire. Elle pose plutôt les assises de la suivante. Le cynisme de ce texte ne doit pas faire perdre de vue que c'est dans la durée que progresse le sort des travailleuses et des travailleurs. Mais j'en conclus surtout qu'il ne faut pas rendre les armes à la signature des conventions collectives. Le travail le plus important se déroule entre chaque ronde. Il exige de former des alliances avec toutes les personnes et tous les groupes qui partagent les valeurs évoquées dans ce texte, de résister aux tentatives du gouvernement de nous diviser, de repolitiser la vie quotidienne, de militer sans relâche. Je reconnais moi-même l'ampleur de la tâche. Ces exigences, nous devons nous imposer le défi d'y répondre.
Sébastien Adam est professeur de psychologie et vice-président à la négociation du syndicat des professeures et professeurs du Collège de Rosemont.
Illustration : William Murphy CC BY-SA 2.0
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