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Les droits culturels, pour donner du sens à la vie

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Les droits culturels, pour donner du sens à la vie
Entrevue avec Vincent Greason, militant des droits humains Propos recueillis par Elisabeth Dupuis, responsable des communications à la LDL « Un joyeux mystère pour certains », nous dit Vincent; un parent pauvre pour d’autres, pourrait-on ajouter. Le champ des droits culturels est pourtant vaste et on gagnerait à s’en saisir davantage. Les droits culturels font référence à l’ensemble des croyances, des connaissances, des qualifications, des valeurs, des références culturelles, des savoir-faire, des modes de vie, des coutumes, en plus de la culture comme les œuvres d’art, le théâtre, la musique ou le cinéma. La Charte des droits et libertés de la personne du Québec est peu bavarde au sujet des droits culturels. En effet, l’article 43 est le seul qui y fait référence et encore, de façon assez limitée : « Les personnes appartenant à des minorités ethniques ont le droit de maintenir et de faire progresser leur propre vie culturelle avec les autres membres de leur groupe. » Dans un numéro de Droits et libertés, Droits culturels et droit à la culture, Christian Nadeau écrivait : « Pensée comme un privilège, la culture représente une forme de domination. Pensée dans la perspective des droits, dans la logique de l’interdépendance de ceux-ci, elle est un contre-pouvoir, dans un rapport de solidarité et de complémentarité, face aux volontés hégémoniques pour surmonter les impuissances, les angoisses et les fables qui invitent à la résignation. En ce sens, la force libératrice de la culture demeure toujours nécessaire, hier comme aujourd’hui1».L’éducation : un droit culturel
« D’ailleurs, les droits culturels sont très liés au droit à l’éducation, une proximité qui démontre l’interdépendance des droits », explique Vincent. On conçoit la possibilité d’acquérir et de partager des connaissances et de développer la pensée critique par l’éducation, tant chez les enfants que chez les adultes, tout au long et au large de la vie. Dans la Charte québécoise, on énonce une vision très limitée du droit à l’éducation : « Toute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, à l’instruction publique gratuite. » (art. 40), ce qui signifie la formation de base, primaire et secondaire. À aucun endroit, la Charte ne prévoit le droit d’apprendre tout au long de la vie ou le droit à l’éducation des adultes. Vincent rappelle que l’éducation, selon le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), vise au plein épanouissement de la personne humaine et à sa dignité, et qu’il faut considérer l’éducation des adultes bien au-delà de la formation à l’emploi. Les organisations d’action communautaire, d’éducation populaire et les syndicats abordent des sujets multiples : la francisation, le système politique, l’environnement, l’histoire, les inégalités économiques, les droits humains, etc. Comme l’énonce l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), l’éducation est « un droit émancipateur en soi et c’est l’un des outils les plus puissants pour permettre aux enfants et aux adultes marginalisés sur le plan économique et social de s’extraire de la pauvreté et de participer pleinement à la société 2». « L’éducation populaire est un vecteur incontournable pour développer la littératie politique et agir dans la société. » Pourquoi cette façon d’acquérir des connaissances et des savoir-faire est-elle si importante ? Vincent nous le précise : « Pour comprendre le monde qui nous entoure, pour contrer la désinformation et pour bâtir une société fondée sur la justice sociale. » On peut même ajouter : pour éviter de se faire enfirouaper. [caption id="attachment_21706" align="alignright" width="363"]
Crédit : MEPACQ[/caption]
« Comment participer à la vie culturelle si tu ne connais pas le système ? Ça prend des outils pour être en mesure d’aller donner son opinion au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), par exemple! Il faut outiller la population et ça passe bien souvent par l’éducation populaire », explique Vincent.
Apprendre toute la vie
« Pour le gouvernement du Québec, l’éducation des adultes se limite présentement à l’intégration au marché du travail et à la formation en emploi. Il faut élargir cette définition, afin d’inclure les enjeux culturels, politiques et sociaux à travers l’éducation populaire, qui joue un rôle incontournable au Québec. » Pour Vincent, « il est évident que les droits des adultes en matière d’éducation sont bafoués ». Vincent nous propose de consulter l’avis au gouvernement du Québec rédigé par le Conseil supérieur de l’éducation sur l’éducation aux adultes : « L’État a un rôle structurant à jouer pour soutenir l’action éducative de cette grande communauté éducative décentralisée. À cet égard, le Conseil recommande : d’engager le Québec dans une perspective d’éducation élargie à laquelle l’éducation populaire contribue pour le mieux-être des adultes ; de consolider et d’accroître la place de l’éducation populaire comme moyen de soutenir le développement du pouvoir d’agir des adultes et de leur capacité à jouer différents rôles ; de pérenniser et d’enrichir les moyens d’une éducation populaire de qualité3 ».Il faut outiller la population et ça passe bien souvent par l’éducation populaire.Quant à la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée en 1948, elle affirme que : « Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent» (art. 27,1). Pour comprendre le droit à la culture comme étant le droit de tout adulte de participer activement à la vie en société, et pour pouvoir y participer pleinement, elle ou il doit s’en sentir partie prenante. D’où l’importance pour les adultes, particulièrement les personnes nouvellement arrivées ou les personnes peu instruites, d’être outillés pour pouvoir y participer. Outre la nécessité d’inscrire les droits culturels dans la Charte québécoise, il est grand temps que le Québec se dote d’une vraie politique en éducation des adultes qui reconnaît le droit de celles-ci et ceux-ci d’apprendre tout au long et tout au large de la vie.
- En ligne : https://liguedesdroits.ca/pour-les-droits-culturels-et-le-droit-a-la-culture/
- En ligne : https://www.unesco.org/fr/right-education/need-know
- Conseil supérieur de l’éducation, L’éducation populaire : mise en lumière d’une approche éducative incontournable tout au long et au large de la vie, Québec, octobre En ligne : https://www.cse.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/2016/11/50-0492-AV-leducation-populaire.pdf
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Les fictions du racisme

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Un monde de lecture
Les fictions du racisme
Catherine Guindon, enseignante, Cégep de Saint-Laurent
Voici un ouvrage percutant sur le racisme, de l’auteur Deni Ellis Béchard, à qui nous devons notamment Kuei, je te salue : conversation sur le racisme (coécrit avec Natasha Kanapé Fontaine, 2021) et Des bonobos et des Hommes (2014). Dans La blanchité aveuglante1, Béchard ne mâche pas ses mots : la culture nord-américaine est dans le déni et de multiples fictions aveuglent les Blanc-he-s2 face aux dynamiques raciales dans la société. Il soutient qu’il est illusoire de penser que le racisme n’existe que chez une minorité de gens qui commettent des actes violents et nous propose de mettre en lumière ces croyances mythologiques que les Blanc-he-s peuvent entretenir à propos des inégalités raciales.
C’est à partir de sa propre vie que Béchard entreprend d’analyser les mirages liés au racisme. En effet, dans une démarche croisant l’essai et l’autobiographie, il analyse comment son propre système de croyances a été façonné par le racisme depuis son enfance. Né d’un père québécois et d’une mère américaine, Béchard est une personne Blanche qui a grandi à Vancouver, puis dès ses 10 ans, en Virginie. C’est dans cet État américain qu’on lui a inculqué une fiction fondamentale : celle qu’il existe une différence de nature entre Blanc-he-s et Noir-e-s, ce qui justifierait une ségrégation entre eux et elles.
Le racisme ne s’imbrique pas nécessairement dans les croyances et les comportements de façon très explicite. Par exemple, l’auteur analyse des insinuations et des blagues déshumanisantes dont il a été témoin dans son enfance et son adolescence. Il nous montre que ce genre de propos contribue en fait à instiller dans les esprits une illusion de hiérarchie naturelle entre les Blanc-he-s et les Noir-e-s, l’une des fictions les plus fondamentales qui crée les conditions pour que d’autres fictions émergent.
Béchard propose ainsi une analyse de nombreux autres leurres au sujet de la discrimination raciale. L’un d’eux est une fiction à propos des émotions attribuées aux Blanc-he-s et aux Noir-e-s. Dès son enfance, l’auteur remarque qu’il faut particulièrement se méfier des Noir- e-s lorsqu’ils sont en colère. On lui transmet l’idée que la tristesse et la souffrance sont l’apanage des Blanc-he-s, niant par le fait même la complexité de la vie émotionnelle des Noir-e-s.
L’idée que l’on vit aujourd’hui dans une société juste où chacun mérite son dû est un autre mythe qui permet de maintenir les Blanc-he-s dans un état d’aveuglement face au racisme.L’idée que l’on vit aujourd’hui dans une société juste où chacun mérite son dû est un autre mythe qui permet de maintenir les Blanc-he-s dans un état d’aveuglement face au racisme. La croyance en la méritocratie les amène à penser que les Noir-e-s pourraient améliorer leur sort s’ils et elles avaient assez de volonté, faisant fi de l’histoire individuelle des personnes racisées, de leurs luttes, de leurs difficultés et des déterminismes dont ils et elles sont victimes. Voilà une autre fiction qui permet de comprendre les propos de C.W. Mills lorsqu’il parle d’une « épistémologie de l’ignorance », c’est-à-dire la difficulté pour les Blanc-he-s à comprendre le monde inégalitaire qu’ils et elles ont eux-mêmes et elles-mêmes créé. La force de cet essai est de parler du racisme et ses mirages à partir de faits vécus par l’auteur. L’auteur se met lui-même dans l’humble position de celui qui apprend à mieux comprendre les mécanismes d’une société dans laquelle il est lui-même plongé. À travers une démarche introspective, il invite le lecteur et la lectrice à scruter, eux aussi, leurs croyances et convictions. Et, s’il s’appuie souvent sur sa jeunesse vécue en Virginie, les propos de Béchard peuvent très bien se transposer aux dynamiques raciales du Québec et du Canada, comme l’auteur le dit lui-même notamment à propos de la situation des Autochtones. C’est une tâche impérieuse que celle de lutter contre les inégalités raciales alors que le gouvernement Trump entreprend de déporter massivement des migrant-e-s. Mais elle est aussi pertinente afin de débusquer des formes de racisme plus subtiles, mais tenaces et répandues, auxquelles nous sommes tous et toutes confrontés au quotidien. Car le racisme n’est pas exclusif à une petite minorité malveillante. Aussi est-il essentiel de lutter contre cette forme de « banalité du mal », pour reprendre, comme le fait l’auteur, les mots d’Hannah Arendt, afin que des actions encore plus violentes ne soient évitées, pensons au profilage racial, à la discrimination à l’emploi ou à la brutalité policière. Le livre de Béchard est donc un ouvrage choc à lire pour faire un nouveau pas vers le démantèlement du racisme.
- Le titre renvoie à une expression du philosophe Charles Mills dans le Contrat racial. Selon le lexique de la Ligue des droits et libertés, la blanchité désigne « le fait d’appartenir, de manière réelle ou supposée, à la catégorie sociale « Blanc ». (…) Nommer la blanchité, c’est interroger le sous-texte qui suggère que les « Blancs » sont la référence, un universel qui englobe toute l’humanité alors que les « non-Blancs » ont des particularités. » Source : https:// liguedesdroits.ca/lexique/blanchite-ou-blanchitude/
- Dans cet article, nous avons choisi de respecter le choix de l’auteur de l’ouvrage en conservant le B et le N majuscules pour parler des Blanc-he-s et des Noir-e-s (même lorsque ce sont des adjectifs qualificatifs) et ce, afin de mettre en évidence que ce sont des réalités construites socialement.
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Le retour du fascisme allemand ?

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Chronique Ailleurs dans le monde
Le retour du fascisme allemand ?
Édouard de Guise, étudiant à Sciences Po Paris et militant à la Ligue des droits et libertés [caption id="attachment_21649" align="alignright" width="448"]
Crédit : Leonhard Lenz[/caption]
En septembre 2019, l’administration d’Eisenach, ville de taille moyenne du land de Thuringe en Allemagne, tentait d’interdire des manifestations « contre le fasciste Höcke ». Dans un jugement rendu d’urgence, un tribunal administratif local donnait raison aux manifestant-e-s dans une décision conjuguant liberté d’expression aux « faits vérifiables » à propos du principal concerné. Selon la décision du tribunal, Björn Höcke, leader de l’aile la plus extrême du parti d’extrême droite Alternativ für Deutschland (AfD, Alternative pour l’Allemagne), aurait démontré une « adhésion ouverte aux déclarations fascistes, racistes, antisémites et révisionnistes historiques du national-socialisme allemand ». Depuis, son parti s’est considérablement rapproché de sa rhétorique d’exclusion violente et de relativisation des horreurs nazies. Malgré cet extrémisme et cette rupture marquée avec la culture du devoir de mémoire en Allemagne, le parti est en pleine ascension depuis quelques années. Les élections fédérales de février 2025 ont vu l’AfD rafler le quart des sièges au Bundestag, devenant le second groupe politique en importance au parlement allemand. Une personne électrice sur cinq a voté pour cette formation aux positions qui appellent aux violations massives de droits. Le fascisme allemand est-il de retour? À quoi devons-nous nous attendre des récents résultats électoraux? Où en est la réponse antifasciste?
L’AfD et le fascisme
L’idéologie du parti est un amalgame de diverses positions politiques d’extrême-droite. Sur le plan économique, il s’agit d’une formation néolibérale cherchant la déréglementation et la diminution de la taille de l’État. L’AfD nie notamment la gravité des conséquences de l’action humaine sur les changements climatiques. Le parti soutient que la réglementation en la matière nuit à l’industrie automobile, un pilier de l’économie allemande, et ralentit plus généralement l’économie. Liés à cette défense acharnée de l’automobile allemande se trouvent des arguments qui dépassent les considérations environnementales. L’AfD se présente ainsi comme la défenseure d’un élément central de la culture allemande, tentant de convaincre de sa détermination à préserver un mode de vie. Cette posture de « sauveur de la culture traditionnelle allemande » porte également le parti à adopter des positions réputées patriarcales, misogynes, LGBTQ+phobes, eurosceptiques et prorusses. De plus, l’AfD réunit sous un même toit des partisan-e-s antisémites, nostalgiques du Troisième Reich, et des appuis solides à Benjamin Netanyahou dans ses opérations militaires à Gaza. Ces positions populistes et anti-pluralistes accompagnent une inquiétante tendance à banaliser ou même adopter des discours et des idées fascistes. Dans le jugement mentionné en introduction du présent article, le tribunal a autorisé l’utilisation du mot « fasciste » pour décrire Björn Höcke. Ce dernier a été condamné à plusieurs reprises pour avoir utilisé le slogan nazi « tout pour l’Allemagne ». Il a aussi appelé à faire un « 180o » sur la culture du devoir de mémoire au pays tout en qualifiant la défaite allemande de 1945 de « catastrophique » et le mémorial de l’Holocauste à Berlin de « monument de la honte ». Cette promotion d’une culture allemande hyper-conservatrice, traditionnaliste et révisionniste marque l’idéologie de l’AfD, ainsi qu’un discours de plus en plus populaire d’attachement à l’Allemagne du passé. Au-delà du populisme évident dans les propositions anti-élitistes et anti-pluralistes se trouve un réel attrait pour la chose fasciste. Le parti tient des propos qui amalgament migrant-e-s et violence dans une démonstration flagrante de discours haineux. Accusant les politiques migratoires ouvertes de l’ère Merkel d’avoir causé la hausse des niveaux d’insécurité et de violence, il entretient un discours qui associe l’immigration au crime et au meurtre. Pour résoudre ce qu’il perçoit comme une «mort nationale », l’AfD prône la remigration : une politique de déportation de masse. Des membres du parti croient même qu’il faut repousser les migrant-e-s qui tentent d’entrer en Allemagne par tous les moyens, « y compris les armes ». Leurs positions violent de nombreuses normes internationales de droits de la personne inscrites notamment dans la Convention de 1951 relative au statut des réfugié-e-s et son Protocole de 1967. Leurs prises de positions ont fait l’objet de plusieurs évaluations au tribunal, menant entre autres à ce que plusieurs succursales régionales du parti ainsi que l’aile jeunesse fédérale de l’AfD soient désignées comme des organisations « extrémistes » par l’Office fédéral de protection de la constitution.Une ascension fulgurante
L’émergence du parti sur la scène nationale a été catalysée par deux crises européennes majeures. L’AfD a été créée en 2013 par réflexe eurosceptique à l’aide apportée par l’Allemagne aux pays d’Europe du Sud, alors marqués par de graves problèmes de dette. Le parti a ensuite gagné en vigueur lors de l’aflux massif en Europe de réfugié-e-s issus de Syrie en 2015. La formation politique a bénéficié du mécontentement à droite en rapport à la politique d’accueil des migrant-e-s menée par la chancelière Angela Merkel. Capitalisant sur ce mécontentement, l’AfD a réussi à faire élire des membres du Bundestag pour la première fois à la suite des élections de 2017. Aux élections de 2025, le parti néofasciste a reçu 21 % des suffrages, le portant dans une position de force au Bundestag. Plusieurs facteurs expliquent cette ascension aux portes du pouvoir. D’abord, l’AfD a promu un message relativement simple au cours des dernières années : c’est la faute de l’immigration. Chaque acte violent commis par une personne issue de l’immigration a été diffusé et utilisé pour justifier des politiques d’exclusion et d’expulsion. Capitalisant sur une industrie faiblissante et stagnante, le parti a aussi utilisé les maux économiques allemands pour mettre de l’avant sa rhétorique d’exclusion des migrant-e-s. L’AfD a diffusé en masse ses messages haineux sur diverses plateformes. Faisant une utilisation judicieuse des réseaux sociaux et des algorithmes, le parti a réussi à rejoindre un électorat beaucoup plus jeune et large que sa base traditionnellement masculine de travailleurs blancs relativement âgés. L’appui de figures majeures des réseaux sociaux comme Elon Musk, propriétaire du réseau X, et d’une armée de jeunes influenceurs et influenceuses a propulsé l’AfD à l’avant-scène du discours public. Par leurs discours simples, clivants et controversés, ces contenus ont profité d’algorithmes leur étant favorables pour obtenir une bien meilleure couverture que les contenus à gauche. Une étude de l’ONG Global Witness menée en amont des élections de 2025 a montré que respectivement 64 % et 78 % des contenus recommandés par X et TikTok étaient favorable à l’AfD. Le caractère controversé des discours tenus par l’AfD, qui génère davantage d’interactions que les publications moins controversées, ainsi que la proximité de figures comme Elon Musk avec le parti comptent parmi les raisons de la portée de ces messages haineux et fascistes. Lorsqu’interrogée à ce sujet, Martina Renner, membre du Bundestag et vice-présidente du parti Die Linke, affirme que :« Les bouleversements sociaux, le rejet de la démocratie, la peur de la guerre et un changement culturel vers la droite qui propage de vieux modèles jouent un rôle important dans les bons résultats de l’AfD parmi les jeunes. Les (jeunes) hommes sont sensibles aux réponses autoritaires et violentes aux crises sociales actuelles».
Grâce à ces messages et à leur diffusion en masse, l’AfD est désormais la deuxième force politique au parlement allemand. Les appuis à l’AfD sont beaucoup plus importants dans les länder qui formaient autrefois la République démocratique allemande (RDA), ou l’Allemagne de l’Est. Malgré la réunification des deux Allemagnes, une division subsiste. Les Allemand-e-s de l’Est ont voté en premier lieu pour l’AfD, entre autres à cause d’une exposition moindre aux populations immigrantes et d’un sous-développement par rapport à l’Ouest. À titre de comparaison, l’AfD n’a pas fait élire directement un seul membre du Bundestag à l’Ouest, dominé par les partis traditionnels. Un bémol cependant : l’AfD a remporté le vote par liste dans deux circonscriptions à l’Ouest, illustrant cette ouverture croissante au parti dans le reste de l’Allemagne. Les maux sociaux et économiques à l’Est sont un facteur important de ce vote contestataire pour l’extrême-droite. Le sous-développement par rapport au reste de l’Allemagne entraîne donc un certain ressentiment à l’égard des partis alors qualifiés d’« establishment », qui porte à voter pour un parti qui promet de remettre l’Allemand moyen au centre de la politique à Berlin. Malgré cette habitude à associer le vote pour l’AfD uniquement à un vote contestataire, une étude du Tagesschau a montré que 54 % des appuis au parti soutiennent cette formation « par conviction » et que seulement 39 % de ces personnes se disaient déçues par les autres partis. Le profil des adhérent-e-s au parti change donc, et l’idéologie fasciste gagne en popularité. Il est important de se rappeler que ce phénomène n’est pas qu’allemand. Outre-Rhin, la France a vu le Rassemblement national rafler 37,7 % des votes au second tour des élections législatives de 2024, loin devant les blocs présidentiel et de gauche, s’étant vus remporter environ 26 % des voix chaque. Au Royaume-Uni, le populiste de droite Nigel Farage a obtenu presque 15 % des suffrages aux élections générales de 2024 et domine présentement dans les sondages. L’Italie est déjà gouvernée par une coalition de droite dirigée par Giorgia Meloni et sa Fratelli d’Italia, formation d’extrême-droite arborant des positions anti-immigration et réactionnaires. Des partis d’extrême-droite ou de droite populiste forment ou soutiennent le gouvernement dans plusieurs autres pays européens comme la Suède, la Hongrie, les Pays-Bas, la Croatie, et plusieurs autres.La lutte contre les tendances antidémocratiques et le fascisme doivent donc obligatoirement passer par un soutien général, résolu et exprimé aux normes et aux valeurs démocratiques et constitutionnelles.Ailleurs dans le monde, des populistes et des nationalistes de droite sont la cause d’une importante dégradation des valeurs et institutions démocratiques, notamment aux États-Unis et en Inde.
Une réponse antifasciste
Il ne faut pas faire une lecture entièrement négative du résultat des élections de février 2025. Malgré une incertitude au début de la campagne sur sa capacité à intégrer le Bundestag aux élections, le parti de gauche Die Linke s’est vu accorder 8 % des suffrages. Plusieurs analystes y voient la manifestation électorale d’une réponse antifasciste plus large. Les semaines avant les élections ont vu plusieurs centaines de milliers d’Allemand-e-s prendre la rue pour dénoncer cette résurgence du fascisme. On comptait environ 38 000 manifestants à Berlin, et plus de 200 000 à Munich dans les jours avant le vote. Pour Stefan Liebich, directeur général du bureau new-yorkais de la Fondation Rosa-Luxemburg :« Les grandes manifestations antifascistes jouent un rôle majeur en Allemagne. Sans elles, le discours serait bien pire. Et ils ont contribué au fait que, malgré le glissement général vers la droite, Die Linke, en tant que force clairement du côté des migrant-e-s et des réfugié-e-s, a été renforcé lors des dernières élections».
Comme susmentionné, le fascisme et les rhétoriques d’exclusion sont des symptômes de notre époque qui ne se limitent pas qu’au cas allemand. Les discours attisant la haine de l’immigration et le ressentiment à l’endroit des institutions démocratiques planent sur les législatures à travers le monde. Or, l’Allemagne nous apprend qu’il est possible, et surtout souhaitable, de contre-attaquer pour préserver l’État de droit, la démocratie et le respect des droits humains. Les institutions allemandes sont solides et tiennent le coup pour l’instant, notamment grâce au « cordon sanitaire », cette pratique politique qui consiste à refuser la collaboration avec les partis d’extrême-droite. Le gouvernement conservateur du chancelier Friedrich Merz ne devrait pas déroger à cette règle. Pour ce qui est de la prévention du fascisme, Martina Renner suggère de porter attention à des signaux qui, lorsque détectés, permettent d’agir préemptivement :« Le néonazi classique n’est pas le seul à être une expression de l’idéologie fasciste. Les forces conservatrices et réactionnaires de droite ou les partisans des idéologies conspirationnistes, qui sont devenus de plus en plus fréquents pendant la pandémie de coronavirus, sont une expression de l’idéologie réactionnaire et fasciste, qui propage l’inégalité entre les personnes».
La lutte contre le fascisme passe d’abord par l’établissement et le maintien d’une culture politique sensible aux dérives antidémocratiques commune aux membres des institutions démocratiques et à la population. En d’autres mots, le système démocratique en entier doit devenir allergique à l’autoritarisme, à la démagogie et au populisme. Les institutions et la population doivent communément, dès les premiers signes d’idées qui présentent une menace à l’état de droit et aux droits démocratiques, exclure, dénoncer, et exprimer leur désaccord. Selon Martina Renner, la mobilisation contre l’extrême-droite en Allemagne incluait la gauche sociale, des églises, des syndicats, et des ONG. Une constitution démocratique ne peut survivre que dans de telles conditions parce que les institutions ne sont jamais capables de se défendre seules. Il n’existe pas de système politique qui résiste systématiquement aux éléments antidémocratiques.Tous doivent être sensibles au fait que le conservatisme réactionnaire et les théories conspirationnistes ouvrent la voie au fascisme par la voie de l’intolérance et de l’exclusion. [caption id="attachment_21649" align="aligncenter" width="448"]La lutte contre les tendances antidémocratiques et le fascisme doivent donc obligatoirement passer par un soutien général, résolu et exprimé aux normes et aux valeurs démocratiques et constitutionnelles. Les discours publics tels que perçus dans la presse écrite, les médias audiovisuels, les réseaux sociaux et les échanges de tous les jours, doivent refléter un attachement à une constitution démocratique. Il est difficile, mais nécessaire de cultiver un tel attachement à la démocratie, que ce soit à travers l’éducation formelle, populaire, ou les rapports quotidiens. Selon Martina Renner, cette sensibilité aux discours fascistes ne doit pas se limiter aux exemples classiques. Tous doivent être sensibles au fait que le conservatisme réactionnaire et les théories conspirationnistes ouvrent la voie au fascisme par la voie de l’intolérance et de l’exclusion. Des membres du Bundestag issus du CDU (conservateurs), du SPD (sociaux-démocrates), du parti vert, du parti de gauche et d’un parti de minorité danoise ont conjointement demandé à la Cour constitutionnelle de Karlsruhe d’interdire l’AfD. L’échec de cette démarche illustre l’importance de la continuité de la lutte contre le fascisme en dehors de l’enceinte politique. Néanmoins, le 2 mai 2025, l’Office fédéral de protection de la constitution a qualifié le parti d’« extrémiste de droite avéré ». Cette décision confère à l’agence du renseignement intérieur des moyens accrus pour surveiller l’AfD, présentée comme incompatible avec l’ordre démocratique, et illustre les moyens d’auto-défense des institutions allemandes pour préserver l’État de droit. À une époque où des pays aux traditions démocratiques bien établies comme les États-Unis et l’Allemagne sont à risque de basculer vers l’autoritarisme, la société canadienne doit comprendre le risque qui la guette et apprendre des leçons venues d’ailleurs pour préserver son État de droit et sa démocratie. L’exemple allemand nous apprend qu’au-delà de l’exclusion au niveau politique, la lutte contre les discours haineux et l’exclusion systématique des éléments fascistes est une affaire de tous les jours et une responsabilité collective.Crédit : Leonhard Lenz[/caption]
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(Re)construire l’édifice des droits humains

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(Re)construire l'édifice des droits humains
Paul-Etienne Rainville, responsable de dossiers politiques à la Ligue des droits et libertés
En février 1949, lors de la grève de l’amiante à Asbestos, les travailleurs de la minière Johns-Manville décident de loger une plainte directement à l’Organisation des Nations unies (ONU) pour violation de droits humains. C’est la toute première fois dans l’histoire du Québec qu’un groupe mobilise la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), adoptée trois mois plus tôt, pour dénoncer les violations de droits qui ont cours au Québec. Ces travailleurs syndiqués – membres de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (ancêtre de la CSN) – dénoncent le déni du droit de grève et les arrestations abusives, les violences et les abus commis par la police provinciale. Dans son plaidoyer, un travailleur fait état des « coups de poings et de garcettes » et des actes de « tortures » infligés par les forces policières. Treize de ses collègues dénoncent les injures, les menaces et les abus physiques qu’ils ont subis dans les « chambres de torture » de la Johns- Manville. Tout au long des années 1950, les syndicats mobiliseront les instances onusiennes dans le cadre de plusieurs grèves, dont celles de Louiseville (1952) et de Murdochville (1957), où des travailleurs sont arrêtés, emprisonnés, blessés, voire tués aux mains des forces de l’ordre.
Dans le Québec de la Grande Noirceur, avant l’adoption de la Charte des droits et libertés de la personne, les appels à l’ONU et à la DUDH deviennent un instrument de résistance, de contestation et de mobilisation pour plusieurs groupes de la société civile, dans un contexte où le gouvernement de l’Union nationale multiplie les mesures autoritaires, répressives et liberticides contre les individus et les groupes qui manifestent leur opposition au régime. En pleine guerre froide, Duplessis utilise la loi du cadenas (1937-1957) pour emprisonner, cadenasser la propriété, mettre à l’amende ou emprisonner celles et ceux qu’il qualifie arbitrairement de communistes ou de bolchévistes. En tant que premier ministre et procureur général de la province, il multiplie les attaques envers les droits de certaines minorités religieuses non- catholiques, dont les Baptistes, les Juifs et, surtout, les Témoins de Jéhovah auxquels il livre une véritable guerre sans merci. Comme le fait le gouvernement Legault encore aujourd’hui, Duplessis justifie ses mesures attentatoires aux droits humains en s’appuyant sur le principe de la suprématie du parlement, sur la légitimité de sa majorité démocratique, sur la défense des valeurs québécoises (catholiques) et sur une fausse opposition entre les droits collectifs des Canadiens français et les droits de ces minorités qu’il considère comme « subversives ».
En ce 50e anniversaire de la Charte québécoise, il est crucial de se rappeler cette période, pas si lointaine, où il n’existait au Québec virtuellement aucun garde-fou pour protéger les droits humains contre les agissements d’un gouvernement autoritaire et hostile à la dissidence, aux minorités et aux droits humains.
Une révolution pas si tranquille…
La Révolution tranquille entraîne plusieurs avancées majeures en matière de droits humains. Il faut dire qu’au début des années 1960, il reste énormément de chemin à parcourir pour assurer le respect et la protection de ces droits au Québec. Pour ne donner que quelques exemples, notons que l’acte homosexuel est criminalisé, avec tout ce que cela implique de surveillance, de profilage, d’intimidation et de répression. Sous la tutelle de leur mari, les femmes mariées sont considérées comme mineures : elles n’ont pas le droit de signer de contrat ou d’intenter une action en justice. L’avortement est inscrit au Code criminel et la peine de mort est toujours en vigueur. Le Bureau de la censure, dominé par le clergé, exerce son contrôle sur l’enseignement, la littérature, le cinéma, le théâtre et les productions culturelles. Les droits économiques et sociaux sont fragilisés de toutes parts, alors que l’État social se résume à des prestations discrétionnaires et de dernier recours pour les « pauvres méritants ». En ce début de la Révolution tranquille, le Québec est l’une des dernières provinces au Canada où il est encore parfaitement légal de discriminer une personne sur la base de sa race, de son sexe ou de sa religion dans les domaines du travail, du logement et de l’accès aux lieux publics. Dans le contexte des importantes agitations sociales de l’époque, plusieurs manifestations sont violemment réprimées par les forces de l’ordre ; que l’on pense au samedi de la matraque lors de la visite de la Reine en 1964 ou encore au lundi de la matraque lors du défilé de la Saint-Jean-Baptiste de 1968. Ainsi, malgré les avancées de la Révolution tranquille, le Québec d’avant la Charte québécoise reste un endroit où il est risqué de contester l’ordre établi, de défendre ses droits, de revendiquer des changements sociaux et d’appartenir à des groupes minoritaires ou marginalisés1.Aux lendemains de la Crise d’octobre en 1970, où près de 500 personnes sont emprisonnées, et de la grève du Front commun de 1972, qui culmine avec l’emprisonnement des trois principaux chefs syndicaux de la province, il devient plus évident que jamais qu’un État de droit digne de ce nom doit protéger les droits de l’ensemble des personnes, indépendamment de leur origine, de leur sexe, de leur statut social, de leur religion, de la couleur de leur peau ou de leurs opinions politiques.
Vers la Charte québécoise de 1975
L’adoption de la DUDH, le 10 décembre 1948, marque la naissance d’un mouvement pour la défense des droits humains au Québec, qui marquera de son empreinte les décennies à venir. Plusieurs groupes et organisations au Québec uniront leurs efforts pour réclamer l’adoption d’une charte des droits, inspirée de la DUDH. C’est le cas notamment des Comités ouvriers des droits de l’homme créés à la fin des années 1940 pour lutter contre la discrimination raciale et religieuse. Des associations des communautés noires (Negro Citizenship Association) et juives (Congrès juif canadien, Comité ouvrier juif) mènent aussi des campagnes pour que le Québec et le Canada se dotent de chartes et de lois antidiscrimination. Des associations étudiantes et des organisations féministes font de même, tout comme plusieurs groupes d’intellectuel-le-s et de militant-e-s des franges libérale, catholique de gauche, réformiste et sociale-démocrate. Jusqu’à la mort de Duplessis, en septembre 1959, leurs demandes restent toutefois lettre morte! Ce dernier leur répond que le Québec est l’endroit où les minorités sont les mieux traitées au Canada, que les devoirs et les droits collectifs doivent primer sur les droits individuels, que les droits de l’homme sont hérités de la sanglante Révolution française et qu’ils trouvent leur formulation la plus achevée dans l’Évangile! Le contexte agité des années 1960 galvanise le mouvement pour l’adoption d’une charte au Québec. Des groupes nationalistes, syndicaux et radicaux, portés notamment par l’idéologie du socialisme de décolonisation, réclament une charte provinciale à la fois pour se protéger de la répression politique et pour affirmer le droit du Québec à l’autodétermination. Des associations étudiantes mettent sur pied des comités des droits de l’homme pour dénoncer les brutalités policières commises lors des manifestations organisées par la jeunesse, notamment montréalaise. Les communautés autochtones du Québec font des représentations à l’ONU pour défendre leur droit à l’autodétermination. Des organisations féministes et des groupes ethniques et racisés luttent contre la discrimination en se réclamant des principes du droit international des droits humains. Fondée en 1963 par des militant-e-s qui ont fait leurs premières armes contre Duplessis, la Ligue des droits de l’homme (LDH)2 fera de l’adoption d’une charte provinciale l’un de ses principaux chevaux de bataille, et fera des pressions soutenues en ce sens auprès du gouvernement provincial dans les années qui suivront. Tous ces groupes ont en commun d’avoir été, à un moment où l’autre de leur histoire, victime d’entorses à leurs droits et d’avoir ainsi compris la nécessité d’assurer le respect des droits de toutes et tous, sans discrimination, et de protéger un socle de droits contre les dérives potentielles des gouvernements. Et plusieurs voient en cette période d’intense réformisme une occasion de construire un État qui s’appuie sur les principes inscrits en 1948 dans la DUDH, puis dans les deux pactes internationaux3 de 1966. Aux lendemains de la Crise d’octobre en 1970, où près de 500 personnes sont emprisonnées, et de la grève du Front commun de 1972, qui culmine avec l’emprisonnement des trois principaux chefs syndicaux de la province, il devient plus évident que jamais qu’un État de droit digne de ce nom doit protéger les droits de l’ensemble des personnes, indépendamment de leur origine, de leur sexe, de leur statut social, de leur religion, de la couleur de leur peau ou de leurs opinions politiques. C’est dans ce contexte que la LDH lance, en 1973, une vaste campagne pour réclamer l’adoption d’une charte des droits. Son projet de charte « à partir des citoyens » est distribué à 500 000 exemplaires, et sera largement débattu dans les médias et plusieurs organisations de la société civile. La LDH interpelle plus d’une centaine de groupes pour avoir leur avis sur son projet et connaître leurs préoccupations au sujet des violations de droits humains qui ont cours dans leurs milieux. Des centaines d’organisations répondent à l’appel! Tous, sauf le Conseil du patronat, adhèrent au projet de charte proposé par la LDH.Et si la Charte québécoise est encore à ce jour considérée comme un « document unique dans l’histoire législative canadienne », c’est parce qu’elle est le résultat de ces luttes historiques pour la liberté, l’égalité et la justice sociale, […]C’est dans la foulée de cette campagne que le gouvernement libéral dépose, le 29 octobre 1974, le projet de loi no 50 - Loi concernant les droits et libertés de la personne et que, la Charte des droits et libertés de la personne sera adoptée à l’unanimité en juin 1975. Le ministre de la Justice de l’époque, Jérôme Choquette, souligne alors que cette Charte est l’incarnation des valeurs de la société québécoise. De fait, elle apparaît comme l’aboutissement de nombreuses années de luttes et de mobilisations d’actrices et d’acteurs de tous les secteurs de la société civile. Elle incarne la transformation profonde de la culture des droits humains qui s’est opérée au Québec depuis l’adoption de la DUDH. Et si la Charte québécoise est encore à ce jour considérée comme un « document unique dans l’histoire législative canadienne », c’est parce qu’elle est le résultat de ces luttes historiques pour la liberté, l’égalité et la justice sociale, mais aussi parce qu’elle est l’un des documents (quasi)constitutionnel les mieux arrimés au droit international des droits humains.
Un demi-siècle plus tard…
La Charte québécoise a permis des avancées majeures, dont témoignent plusieurs articles dans ce dossier de Droits et libertés. Elle a contribué à l’avancement des droits des femmes, à l’inclusion des personnes en situation de handicap, à la lutte contre la discrimination des personnes LGBTQ+, à protéger les enfants et les personnes âgées contre l’exploitation, à combattre le racisme systémique, le profilage et la discrimination raciale, à protéger les libertés civiles et bien d’autres choses encore. Ce dossier ouvre une réflexion sur l’impact de la Charte québécoise sur l’évolution de la société québécoise depuis les 50 dernières années. Il propose une première section qui traite de ces avancées : celles de la Charte québécoise elle-même, mais aussi le rôle joué par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et le Tribunal des droits de la personne dans sa mise en œuvre depuis leur création, en 1976 et 1990. La seconde partie donne la voix à des organismes communautaires et de défense collective des droits impliqués au quotidien dans la défense des droits humains. Elle expose leur vision de la Charte québécoise, de son utilité et de ses limites, et du cadre de référence des droits humains. Tout en célébrant les avancées permises par la Charte québécoise, ces groupes apportent des perspectives parfois critiques sur ses limites et sur la manière dont elle pourrait être renforcée pour défendre les droits de toutes et tous. En mettant en lumière l’interdépendance des droits, cette section est avant tout un appel à considérer l’interdépendance de nos luttes. Car si les droits humains sont aujourd’hui au fondement de notre État de droit, ils demeurent fragiles. Et leur histoire, comme leur devenir, reste tributaire de nos luttes, de nos mobilisations et de nos solidarités.- Lucie Laurin, Des luttes et des Antécédents et histoire de la Ligue des droits de l’homme de 1936 à 1975, Montréal, Éditions du Méridien, 1985; Paul-Etienne Rainville, De l’universel au particulier : les luttes en faveur des droits humains au Québec, de l’après-guerre à la Révolution tranquille. Thèse (Histoire), Université du Québec à Trois-Rivières, 2008.
- En 1978, la Ligue des droits de l’homme change de nom pour la Ligue des droits et libertés.
- Pacte international relatif aux droits civils et politiques et Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
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Il fallait se défendre. L’histoire du premier gang de rue haïtien à Montréal
Maxime Aurélien et Ted Rutland, Il fallait se défendre. L'histoire du premier gang de rue haïtien à Montréal, Mémoire d'encrier, 2023, 263 p.
Fruit d'une collaboration entre Maxime Aurélien et l'universitaire et activiste Ted Rutland, Il fallait bien se défendre raconte l'histoire des Bélanger, le premier gang de rue haïtien de Montréal. L'essai prend la forme d'un récit écrit au « je » où Aurélien raconte sa jeunesse et comment il est devenu, sans trop s'en rendre compte, le chef d'un gang de rue.
Ayant grandi au cœur de la communauté haïtienne de Saint-Michel, dont ses parents sont des figures rassembleuses, Aurélien se retrouve jeune adulte sans famille au début des années 1980 alors que son père veuf le quitte pour New York avec ses frères et sœurs. L'appartement d'Aurélien devient alors le quartier général informel d'une bande d'amis partageant un vécu marqué par les défis de la pauvreté et du racisme, ainsi que diverses tactiques pour subvenir à leurs besoins – comme des vols par effraction. Habitués de subir constamment la violence sous forme de discriminations, d'insultes et de menaces racistes, les amis décident un jour de s'organiser pour riposter. Adoptant une tactique de défense de groupe, ils battent de leurs poings les racistes qui les insultent. De tels moments leur procurent fierté et exaltation : ils n'acceptent plus les menaces, ils se défendent et défendent leur place dans cette ville.
Mais de telles batailles finissent par faire les manchettes. Dès lors, qualifiés de gang de rue et ciblés par la police comme des criminels durs, baignant dans un milieu social offrant peu d'espace à des aspirations individuelles légitimes et faisant face à la violence liée à l'émergence d'autres gangs rivaux, Aurélien et certains de ses amis quittent les Bélanger tandis que d'autres, galvanisés par la répression policière et le visionnement de vidéocassettes du Parrain, s'engagent dans une criminalité plus sophistiquée.
Ce livre est exemplaire dans sa capacité à rendre compte des effets de la violence et du racisme systémique ordinaire. Aussi, au récit de Maxime Aurélien, déjà fascinant, s'ajoutent divers éléments d'information et de mise en contexte amenés par Rutland – lequel présente ses questionnements et constats théoriques dans l'introduction et l'épilogue. Nous invitant à renverser notre compréhension habituelle des gangs de rue, largement influencée par le récit des autorités que relaient les médias, les auteurs mettent en évidence le rôle joué par le racisme ambiant et la répression policière dans la consolidation de ces gangs de rue – un terme symptomatiquement appliqué exclusivement à la criminalité perpétrée par des groupes de jeunes racisés. Bref, cet ouvrage nous permet d'accéder à une version de l'histoire que nous entendons rarement, et il est en cela précieux.
Seule ombre au tableau : le souci de conserver quelque chose de l'oral dans le récit (qui fut rédigé par Rutland à partir d'entrevues avec Aurélien) donne parfois lieu à des difficultés de lecture.

Montréal fantasmagorique. Ou la part d’ombre des animations lumineuses urbaines
Josianne Poirier, Montréal fantasmagorique. Ou la part d'ombre des animations lumineuses urbaines, Lux Éditeur, 2022, 195 p.
Les grandes villes du monde compétitionnent entre elles pour se tailler une réputation de destination touristique de choix et de centre économique dynamique attractif pour les investissements. Plusieurs procédés sont utilisés pour créer ce « branding » urbain, mais il est marquant de constater que toutes les villes utilisent les mêmes éléments pour façonner leur image de marque. L'un de ces procédés est l'utilisation d'installations lumineuses qui mettent de l'avant des monuments ou des moments de l'histoire de la ville en question. De la tour Eiffel au pont Jacques-Cartier, nous nous retrouvons donc avec la même iconographie. Or, ces installations lumineuses cachent les inégalités sociales qui traversent le tissu urbain pour suggérer une image de la ville pacifiée. C'est en ce sens que Josianne Poirier explore plusieurs exemples de l'utilisation de la lumière et des techniques numériques à Montréal pour révéler l'envers du décor de ces propositions artistiques. Tout d'abord, l'autrice s'attarde à retracer l'histoire de l'éclairage urbain pour démontrer que ce désir d'illuminer les rues montréalaises a été pensé dans une optique de surveillance et de contrôle des populations marginalisées vues comme dangereuses. Encore de nos jours, ces installations lumineuses ont bien souvent comme conséquence de repousser certaines populations des espaces publics maintenant destinés aux touristes et aux consommateur·rices.
À travers des exemples concrets comme l'illumination du pont Jacques-Cartier, le parcours historique Connexion vivante du Vieux-Montréal ou la signature visuelle du Quartier des spectacles, l'autrice montre comment ces projets occultent plusieurs tensions résultant du colonialisme et des rapports de classe. De fait, dans le parcours historique de Connexion vivante, la place des Autochtones est réduite à un seul tableau, soit la Grande Paix de Montréal. Le Quartier des spectacles, en utilisant l'imaginaire visuel associé au Red Light, soit une boule de lumière rouge qui s'affiche sur l'ensemble du quartier, nie spécifiquement la présence du travail du sexe qui existe toujours sur son territoire.
De façon plus globale, l'autrice remet en doute l'utilisation des nouvelles technologies associées à ce que la Ville de Montréal nomme « la créativité numérique », concept central à sa politique culturelle de 2017. Dans celle-ci, tout contenu culturel produit à partir d'un support numérique devient une façon de faire rayonner la ville. Pour l'autrice, il s'agit à la fois d'une marchandisation de la culture soumise aux impératifs économiques ainsi qu'une instrumentalisation de la culture où la démarche créative n'est plus une fin en soi, mais un moyen d'encourager le développement économique et touristique.
Bien que ce phénomène de « branding » urbain soit mondial, l'étudier à travers la réalité montréalaise permet aux lecteurs et lectrices une meilleure compréhension des exemples proposés. Il est d'autant plus facile de suivre la thèse de l'autrice quand les installations lumineuses qui y sont décortiquées nous sont connues. Dans cette étude des animations numériques urbaines, l'autrice nous rappelle que celles-ci créent toujours des pans d'ombre qu'il convient de dévoiler pour mieux comprendre les réalités qui sont mises en lumière.

La nature de l’injustice
Sabaa Khan et Catherine Hallmich (dir.), La nature de l'injustice, Écosociété, 2023, 276 p.
Avec raison, il y a péril en la planète, les changements climatiques sont en tête des préoccupations de notre monde, en effet, nous sommes sur une pente savonneuse et, en persistant dans notre course capitaliste à la consommation et à l'exploitation effrénée, les dommages et les contrecoups, parfois appelés « catastrophes naturelles », sont notre lot. Notre lot !? Ce regroupement de textes remet les pendules à l'heure : encore une fois, nous ne sommes pas égaux, loin de là, puisqu'en matière d'environnement, pas plus qu'en matière d'emploi ou de logement, on n'échappe pas aux discriminations économiques et raciales. Particulièrement avec le principe pas dans ma cour, mon quartier (ou même mon pays), « les systèmes politiques et juridiques fondés sur le capitalisme et le colonialisme » agissent pour pelleter hors de notre vue des déchets dignes de Frankenstein, des axes routiers exponentiels, l'exploitation vorace des ressources et de belles usines propres, propres, propres, pour ne donner quelques exemples de ce qui se trouve au sommaire de cette vingtaine de textes, d'autant de plumes acérées, qui éclairent nos lanternes vacillantes ; ne sommes-nous pas à l'ère des informations généralistes et la prolifération de la publicité. L'urgence climatique appelle à fourbir des perspectives intergénérationnelles. La première partie de ce livre, auquel est associée la Fondation David Suzuki, pose d'emblée cet enjeu des discriminations climatiques, avec des chapitres comme « Racisme et environnement dans les communautés afro-néo-écossaises : un héritage de lutte, de résistance et de survie » et « Réalités Inuit au Nunavik, disparition des terres et incidence sur la subsistance ». Les claims miniers, la pollution dans l'Arctique canadien, la menace de disparition des quartiers chinois, mais aussi, à l'international, l'économie de l'arachide au Sénégal ou les questions liées aux gens du voyage. Ce panorama de textes aux analyses étayées démultiplie notre regard, voire notre appui vis-à-vis de luttes d'autant de personnes qui refusent de se taire devant de nouveaux pillages ou de nouvelles dérives liées à l'environnement et choisissent plutôt de toujours augmenter la pression sur les damnés de la Terre.

Résister et fleurir
Jean-Félix Chénier et Yoakim Bélanger, Résister et fleurir, Écosociété, 2023, 171 p.
Que sont devenues nos luttes depuis 2012 ? Où en sont les mouvements sociaux aujourd'hui ? Voilà des questions qui préoccupent plusieurs d'entre nous. Résister et fleurir, la bande dessinée du politologue Jean-Félix Chénier et de l'artiste Yoakim Bélanger, permet d'entrevoir des éléments de réponses et de documenter la force des mouvements sociaux émergents.
En pleine pandémie, Chénier doit enseigner à distance au Collège de Maisonneuve son cours intitulé « Pensées et cultures politiques ». Où trouver l'espoir de la transformation sociale quand tout s'arrête ? semble se demander l'enseignant. En nous invitant à pénétrer dans son quotidien pédagogique, cette BD nous fait découvrir comment il a amené ses élèves à explorer le potentiel politique que recèle l'univers des utopies et des dystopies, au cœur du cours.
Résister et fleurir mobilise le bagage intellectuel et les réminiscences liés à une série d'œuvres de fiction, rendues populaires grâce à différents supports : livre, cinéma, télé, peinture, etc. Les aquarelles de Yoakim Bélanger décuplent le pouvoir évocateur de ces œuvres, mobilisées afin de mieux se saisir du langage critique généré par les utopies ou les dystopies.
Le chapitre le plus important concerne le moment où le cours se déplace in situ, plus exactement sur le territoire qui est au cœur d'une lutte citoyenne menée dans Hochelaga-Maisonneuve, pour la préservation d'un des derniers grands espaces verts de l'Est de Montréal. Le destin de cette terre en friche où la nature a repris ses droits est menacé par une dystopie, celle de la croissance ininterrompue de la production et des profits. Le livre fournit des pistes de compréhension de la lutte menée par Mobilisation 6600 Parc nature MHM et par Mères au front à l'aide de plusieurs notions de sciences sociales comme les communs, la décroissance, l'écoanxiété, la dialectique sphère privée/sphère publique… Le combat pour épargner cette Zone à défendre (ZAD) permet de saisir les jalons de l'apparition d'une utopie à la fois significative et porteuse pour le quartier. « Le paysage est politique », peut-on lire. Résister et fleurir propose de déconstruire le regard qu'on pose sur le monde. Il nous dit de refuser de voir un vulgaire terrain vague là où s'épanouissent la nature et la vie. Le silence aussi a une grande valeur ; il est partie prenante des communs lorsqu'on choisit collectivement de cesser d'externaliser les coûts de la pollution sonore. Le silence est la condition permettant d'apprécier le chant de l'une ou l'autre des 140 espèces d'oiseaux peuplant ce parc en devenir.
Un mot sur la grande maîtrise des pinceaux par Yoakim Bélanger. L'aquarelle est une technique difficile, que l'artiste mobilise ici avec talent et succès. La beauté des planches ajoute beaucoup de lumière à ce récit consacré à un sujet qui peut paraître exigeant. Le travail pictural dans son ensemble cherche à dépeindre un maximum de sensibilité chez les protagonistes de cette belle aventure citoyenne, notamment les personnes étudiantes, les activistes, l'enseignant et le site à protéger.

Rapailler nos territoires. Plaidoyer pour une nouvelle ruralité
Stéphane Gendron, Rapailler nos territoires. Plaidoyer pour une nouvelle ruralité, Écosociété, 2022, 144 p.
L'auteur de Rapailler nos territoires. Plaidoyer pour une nouvelle ruralité est un personnage surprenant. Ex-maire de la petite municipalité de Huntington, Stéphane Gendron fut un temps polémiste populiste, un « homme en colère » comme il se décrit, qui n'avait pas fait parler de lui pour les bonnes raisons. Rien à voir avec le contenu de cet essai publié chez Écosociété dans lequel il offre une analyse percutante de la situation actuelle des régions rurales au Québec.
Reconnaissant que notre modèle de développement a atteint ses limites, Gendron affirme qu'il est nécessaire de repenser la ruralité en intégrant les enjeux environnementaux et en favorisant la mixité sociale, la renaissance de la paysannerie et les nouvelles technologies. Son constat sur l'état du monde rural, qu'il connait et documente très bien, est sans appel : un changement de cap est nécessaire.
Il rappelle ainsi que si l'on souhaite une occupation dynamique du territoire québécois, il est nécessaire de renverser la tendance à la baisse du nombre de fermes plutôt que d'encourager des mégaexploitations visant les marchés extérieurs. En plus de devoir faire face à cette déstructuration, le monde agricole devra également s'adapter aux changements climatiques et au manque de main-d'œuvre. Si l'auteur semble prendre le pari (risqué ?) des nouvelles technologies, il insiste également sur l'importance de prendre conscience de l'inévitable évolution de la population. Entre néoruraux (favorisés par le télétravail) et travailleurs étrangers, la mixité ne serait plus seulement un sujet urbain. L'auteur rappelle en effet que le tiers de la main-d'œuvre agricole du Québec est constitué de travailleurs étrangers qui sont passés de 7800 en 2014 à 17 000 en 2019.
Outre sa sensibilité particulière pour le monde agricole, Stéphane Gendron lance un pavé dans la mare de la démocratie municipale en région en appelant à une nouvelle vague de fusions. En plus du faible taux de participation aux élections, l'auteur pointe du doigt plusieurs problèmes, notamment en ce qui concerne les 711 municipalités (sur 11 107) qui comptent moins de 2000 habitant·es. Il qualifie ces dernières de « micro-entités » qui manquent à la fois de légitimité et de ressources pour pouvoir faire face aux défis à relever. L'auteur insiste donc sur la nécessité de réformer la gouvernance, mais également le financement des collectivités municipales, principalement basé sur l'impôt foncier, ce qui perpétue les inégalités entre les régions riches et pauvres.
Gendron met en lumière un élément trop souvent mis de côté, soit le besoin de repenser le rôle des municipalités rurales en les encourageant à devenir des acteurs politiques capables de mobiliser leur communauté par la participation citoyenne. Rapailler nos territoires est un essai ambitieux et bien documenté qui incite à réfléchir sur l'avenir des régions rurales du Québec. Ce livre est donc une lecture plus que conseillée pour toustes ceux et celles qui s'intéressent à ces enjeux cruciaux.

Pelote dans la fumée
Miroslav Sekulic-Struja, Pelote dans la fumée, Actes Sud BD, 2023, 240 p.
Cette intégrale des deux doubles saisons de Pelote dans la fumée, I. L'automne/L'été (2013) et II. L'hiver/Le printemps (2016) s'imposait dans la mesure où la publication de Petar & Liza (Actes Sud BD, 2022) a créé une onde de choc en mettant à l'avant-plan un auteur croate à nul autre pareil : Miroslav Sekuli-Struja. Cet artiste, à l'origine un peintre curieux d'autres médiums dont la BD et le cinéma d'animation, a gagné un concours de jeunes auteur·es à Angoulême en 2010 avec un style très précis, ménageant mille détails (graffitis, déchets, « laideur », errants atypiques et autres choses sur lesquelles les créatifs font plutôt l'impasse) et un sens narratif ancré dans le social, et un réalisme dans la lignée d'un Otto Dix. Véritable électrochoc, le propos de cet auteur recoupe les malmené·es de la Terre, des relents dantesques dans un quotidien où les enfants, ici dans un orphelinat dépassé par la guerre et une pauvreté galopante, se trouvent piégé·es. Assurément, Sekulic n'est pas que visionnaire : il a bel et bien été dans cette misère qui nous rattrape peu à peu à force de persister dans un programme où les démesures pharaoniques ne gavent que les ultra-capitalistes de par le vaste monde !
Fouillés à nu, menottés, et laissés dans un froid glacial
18 677 enfants pour la guerre : la confession des FARC qui secoue la Colombie
gauche.media
Gauche.media est un fil en continu des publications paraissant sur les sites des médias membres du Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG). Le Regroupement rassemble des publications écrites, imprimées ou numériques, qui partagent une même sensibilité politique progressiste. Il vise à encourager les contacts entre les médias de gauche en offrant un lieu de discussion, de partage et de mise en commun de nos pratiques.











