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En Pologne, la fronde des camionneurs menace d’asphyxier l’Ukraine

11 décembre 2023 | tiré d'Europe solidaire sans frontières
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article69009
Les routiers polonais bloquent depuis un mois plusieurs passages à la frontière ukrainienne, dénonçant la « concurrence déloyale » des chauffeurs ukrainiens. Le mouvement s'est étendu à la Slovaquie et à la Hongrie, pendant qu'en Ukraine le spectre d'une pénurie plane jusqu'au front.
Korczowa (Pologne), Kyiv (Ukraine) – Dossard réfléchissant sur le dos, Kamil Gorzkowski lève le cordon qui empêche les camions de quitter la Pologne pour l'Ukraine, au passage frontalier de Korczowa, dans le sud-est de la Pologne, jeudi 7 décembre. Encadrés par la police, sept véhicules immatriculés en Ukraine défilent les uns après les autres.
« Vous avez vu ce que j'ai vu ?, interpelle le routier polonais de 37 ans, le conducteur m'a fait ça. » Et le routier de faire le geste de se trancher la gorge avec le pouce. « On ne laisse passer que sept camions de l'heure, et on est sans cesse menacés par les chauffeurs ukrainiens, qui nous traitent d'hommes de Poutine. »
À la tête d'une compagnie de transport polonaise, ce patron a rejoint le mouvement de protestation du Comité de défense des transporteurs et des employeurs du secteur du transport (Kopipt), un collectif formé en septembre 2023. À tour de rôle, Kamil Gorzkowski et ses collègues bloquent nuit et jour quatre des huit passages frontaliers routiers polonais où transitent les marchandises en provenance et en direction de l'Ukraine. Soit ceux de Korczowa, Hrebrenne, Dorohusk depuis le 6 novembre, mais également celui de Medyka depuis le 27 novembre, avec l'aide d'agriculteurs polonais s'estimant lésés par l'afflux de céréales ukrainiennes en Pologne.
Le blocus, qui vise à dénoncer une « concurrence déloyale » des camionneurs ukrainiens, ne concerne toutefois pas l'aide humanitaire, militaire, ni les vivres périssables, assurent les routiers frondeurs. Selon les gardes-frontières ukrainiens, au 10 décembre, 3 500 véhicules étaient bloqués à la frontière polonaise, dont 1 200 attendraient au passage de Shehyni, en Ukraine, en face de Medyka, en Pologne.
La gronde a déjà fait tache d'huile en Slovaquie, où l'Union des transporteurs routiers de Slovaquie (Unas) a obstrué à plusieurs reprises le passage frontalier de Vyšné Nemecké, face à Oujhorod en Ukraine, et reprendra son blocus lundi après-midi, protestant contre le « diktat de l'UE ». La contestation s'étend désormais aussi à la Hongrie, où des files d'attente de plusieurs kilomètres de poids lourds s'étaient déjà formées début décembre.
De surcroît, l'association des transporteurs hongrois (MKFE) s'apprête à bloquer lundi le passage des camions au poste frontalier de Záhony, face à Čop en Ukraine, où deux camions par heure franchiront la frontière dans chacun des deux sens.
Bonnet au logo Ferrari sur les oreilles et cigarette à la main, Kamil Gorzkowski a déjà dû congédier dix de ses treize employés ces derniers mois. « Je n'avais pas le choix : qu'un camion roule ou pas, il me coûte 450 euros par mois avec les assurances et le reste », confie le trentenaire dont l'entreprise se dédiait au transport à l'est de l'Europe, de la Pologne à Vladivostok (Russie), en passant par le Bélarus ou l'Ukraine. Soit autant de marchés secoués par la guerre en Ukraine et les sanctions imposées à ses deux voisins agresseurs.
À l'intérieur d'un conteneur qui fait office de QG aux protestataires polonais de Korczowa, son collègue Andrzej* sera bientôt dans le rouge : « J'ai épuisé la réserve que je gardais pour les accidents ou autres imprévus. Et encore, je n'ai pas de leasing sur les quatre camions que je possède... » Ce routier aux traits juvéniles accuse une rentabilité en berne de 20 %. Kamil Gorzkowski affirme, lui, que sa boîte n'aura procédé qu'à 250 transports en 2023, contre 1 000 annuellement avant la guerre en Ukraine.
« Nous exigeons le retour du système de permis que l'Union européenne accordait aux transporteurs ukrainiens avant la guerre, argumente ce chauffeur polonais, bien déterminé à rester jusqu'en janvier, voire au-delà s'il le faut. Avant la guerre, nous étions à égalité avec les Ukrainiens sur le marché du transport polono-ukrainien. Ils disposaient de 160 000 permis à l'année pour des transports vers l'UE, et nous de 160 000 permis vers l'Ukraine. Sauf que cette année, ils en sont déjà à 880 000 permis vers l'UE. Et puis, nous devons respecter le paquet de mobilité [soit la réglementation européenne en matière de transport ou de repos des routiers – ndlr], eux en sont dispensés. Pour nous, c'est une énorme concurrence. »
Les transporteurs polonais pointent aussi du doigt les salaires, impôts et charges bien moins élevés en Ukraine qu'en Pologne, conférant aux Ukrainiens un avantage comparatif démesuré sur leurs homologues polonais.
Dans la foulée de la guerre en Ukraine, l'Union européenne a effectivement mis en place des corridors de solidarité avec le pays envahi par l'armée russe, pour permettre à ses marchandises de transiter sans restriction sur le territoire européen. Dès juin 2022, la Commission européenne abolit les « permis » qu'elle exigeait jusque-là des chauffeurs ukrainiens. Cet accord avec l'Ukraine, reconduit en mars 2023, devrait être en place jusqu'en juin 2024.
« À l'époque, l'Union européenne a dû réagir rapidement : il est donc possible que la Commission européenne ait fait quelques erreurs, qu'elle pourrait corriger avec toutes les parties, mais je doute qu'elle revienne sur l'accord conclu avec l'Ukraine », estime Mateusz Fornowski, analyste spécialisé dans le transport au sein du think tank Polityka Insight.
Il faut dire que les négociations entre l'Ukraine, la Pologne et l'Union européenne restent dans l'impasse. Adina-Ioana Vălean, commissaire européenne au transport, a estimé que le blocus polonais était « inacceptable » et que l'« Ukraine ne [pouvait] pas être tenue en otage ». Après être resté longtemps passif, le premier ministre Mateusz Morawiecki – dont le nouveau gouvernement devrait tomber lundi en faveur du libéral et pro-européen Donald Tusk – a exigé le retour des permis, une demande que la Commission ne souhaite pas honorer.
Seule maigre avancée, Polonais et Ukrainiens sont parvenus à ouvrir le 4 décembre une file réservée aux camions vides entre Uhryniv en Ukraine et Dołhobyczów en Pologne. Le système de queue électronique ukrainien, très décrié par les chauffeurs polonais, ne s'y applique pas. Le ministre des transports ukrainien, Serhiy Derkach, s'est dit disposé à ouvrir davantage de dispositifs de la sorte.
Un gouvernement volontiers passif en Pologne
« Ni le premier ministre [sortant] ni le président n'ont eu l'envie de s'impliquer dans ce différend, pour mieux le laisser au prochain gouvernement, étant donné que le problème est compliqué et ne sera pas réglé en un jour », regrette Jan Buczek, président de la plus grande association de représentants des transporteurs en Pologne, l'Association des transporteurs internationaux (ZMPD).
Kamil Gorzkowski est à la tête d'une petite entreprise de transport basée dans l'est de la Pologne. Il souligne la difficulté des transporteurs polonais spécialisés dans les transports à l'est. « Quand les Polonais se sont rabattus sur les transports en Ukraine, à la suite des difficultés connues sur les transports plus à l'est, l'État ukrainien s'est mis à introduire un système de file d'attente électronique qui bloque les Polonais au retour pour plus de deux semaines, et c'est surtout ça qui a généré la protestation des chauffeurs polonais, car rien n'a été fait côté ukrainien pour améliorer le système. »
À l'image de Kamil Gorzkowski et de ses acolytes en colère, nombre des protestataires sont implantés à l'est de la Pologne. « Ce sont surtout les petites et moyennes entreprises de l'est et du sud de la Pologne, impliquées dans le transport en Ukraine et en ex-URSS, qui ont pâti de l'assouplissement du système des permis européen », signale Mateusz Fornowski.
« Leurs coûts d'exploitation sont assez élevés, car il faut payer pour la flotte et la maintenir. Mais ce secteur ne représente que quelques pourcents de l'industrie de la logistique et du transport en Pologne, surtout orientée vers l'ouest de l'Europe, du fait d'un avantage comparatif polonais », ajoute l'expert, pour qui « la baisse de revenus des entreprises polonaises concernées est aussi la résultante du ralentissement de l'économie européenne en général ».
Accusations de « cabotage »
Les protestataires dont fait partie Kamil Gorzkowski dénoncent aussi l'implantation « massive » sur le sol polonais d'entreprises de transport « issues des capitaux de l'Est dont on ignore tout ». Ils avancent également des camions estampillés humanitaires livrant du transport commercial, une information difficilement vérifiable. Les autorités chargée du transport routier en Pologne ont communiqué qu'un cinquième des contrôles effectués se sont achevés par une amende. Le ministre des transports slovaque, Jozef Ráž, a quant à lui déclaré que « deux tiers des transporteurs ukrainiens inspectés [le 1er décembre] effectuaient des transports publics non autorisés ».
« Sous prétexte d'humanitaire et de guerre, les Ukrainiens se font de l'argent, s'emporte Adam Izbeski, à la tête d'une entreprise polonaise de transport, également rencontré à Korczowa. Depuis que l'UE a levé les permis, les Ukrainiens se sont mis à faire du cabotage, du transport aux quatre coins de l'Europe. Ce n'est pas légal. » Son collègue Marcin, au bonnet noir, abonde : « Quand la guerre a éclaté, on a transporté du matériel humanitaire bénévolement, on a hébergé des Ukrainiens chez nous, et depuis, sans aucune reconnaissance, ils nous ont évincés du marché. »
Des arguments irrecevables pour les chauffeurs ukrainiens coincés à Korczowa, sur des parkings, qui doivent patienter dans leurs cabines des jours durant. « On ne s'amuse aucunement à prendre des chargements en route, on se rend juste du point A au point B », rétorque Andreï, dont la cargaison de poissons surgelés en direction de Jytomyr attend depuis sept jours à Korczowa. « Qui va acheter nos mandarines et nos bananes après des jours d'attente ici ? », s'inquiète Pavel, qui se rend à Lviv avec son chargement.
Les Polonais affirment pourtant que les vivres périssables franchissent la frontière sans entrave. « Et tout ce carburant que vous voyez là, ils en ont besoin au front », s'insurge cet Ukrainien, qui lance : « Quand les chauffeurs polonais sont arrivés dans l'Union européenne, les routiers allemands et français ne se pas sont mis à bloquer les routes pour autant ! »
En Ukraine, alors que les marchandises transitant par la Pologne représentent environ 50 % des exportations routières de l'Ukraine, les conséquences du blocage commencent à se faire sentir sur l'économie. « Les importations ont déjà été réduites d'un cinquième en novembre, ce qui pourrait coûter un point de PIB à Kyiv », a déclaré à Reuters Taras Kachka, vice-ministre de l'économie.
La baisse des approvisionnements due à l'enlisement des marchandises à la frontière a fait grimper les prix de certains produits importés, notamment le gaz de pétrole liquéfié (GPL) – utilisé par environ un million d'automobilistes ukrainien·nes –, qui a augmenté de 30 %.
La frontière occidentale de l'Ukraine constitue une bouée de sauvetage majeure pour les entreprises ukrainiennes dans le contexte de l'invasion russe et du blocus quasi total des ports ukrainiens de la mer Noire. Et les entreprises préviennent que si la situation persiste, le blocage pourrait causer des pénuries et une augmentation des prix pour les consommateurs et consommatrices.
Le transport de vivres périssables et d'aide humanitaire entravé
Les organisations caritatives et non gouvernementales qui fournissent une aide militaire aux forces armées ukrainiennes sont confrontées à plusieurs semaines de retard dans leurs livraisons critiques de drones, d'appareils électroniques et de voitures en raison du blocus. Le gouvernement polonais rejette toutefois ces accusations. Et si les chauffeurs polonais garantissent que l'aide humanitaire transite sans restriction, il semble que ce ne soit pas toujours le cas des biens à double usage destinés à soutenir l'effort de guerre.
« Notre bataillon a plusieurs camions d'aide humanitaire bloqués à la frontière, dont on a besoin ici et maintenant. Ce sont des réchauffeurs de sang et de perfusions, des garrots et d'autres matériels médicaux. Pour les fournitures classiques, nous avons des réserves, mais pour les réchauffeurs, c'est du matériel très cher, dont nous ne disposons pas », déplore Kateryna Haloushka, bénévole au bataillon médical Hospitaliery, une fondation de bénévoles extérieure à l'armée ukrainienne.
Helene Bienvenu
Clara Marchaud

Presse-toi à gauche prend une pause

Presse-toi à gauche prend une pause de quelques jours, question de reprendre des forces et relever le défi de vous tenir informé.e.s au début de la prochaine année. La lutte du Front commun et des autres syndicats du secteur public, les suites de la COP 28 et la nécessaire lutte contre les changements climatiques ainsi que la poursuite de la construction d'une alternative politique indépendantiste et féministe à gauche sera de nouveau à l'ordre du jour.
De même, la bataille pour le développement d'une presse alternative au Québec et au Canada franchit une nouvelle étape avec la mise en place d'un carrefour des médias de gauche. Autant de mandats que Presse-toi à gauche souhaite relever au cours des prochains mois. Nous vous invitons à renouveler votre appui à PTAG, que ce soit par une lecture assidue, un appui financier, collaborer avec l'équipe de production ou une contribution.
Seule la section des communiqués sera mise à jour régulièrement. Nous serons de retour le 16 janvier 2024. D'ici là, nous vous souhaitons un repos bien mérité, une indignation renouvelée contre cette société des inégalités et de la régression sociale et écologique ainsi qu'une mobilisation à la hauteur des défis que nous lance le gouvernement caquiste et ses sbires.
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Services essentiels et « la boule de cristal » de François Legault

Dans le présent conflit de travail dans les secteurs public et parapublic la question des services essentiels a indiscutablement refait surface dans l'actualité. Il y a eu également la célèbre déclaration de François Legault annonçant le retour en classe pour lundi le 18 décembre 2023. Effectuons un retour sur ces deux moments particuliers de la dernière semaine.
1.0 Services essentiels et éducation
Certaines personnes semblent rêver d'une société bien ordonnée, exempte de conflictualité sociale. Hélas, une telle société n'existe pas chez les humains.
Dans les sociétés qui reconnaissent le conflit comme étant à la source de la vie sociale, le droit - c'est-à-dire le système de justice - a pour rôle de réguler les moments où la discorde entre acteurs sociaux surgit au grand jour. Nous vivons au Québec dans une société dite de droits. Que cela nous plaise ou non, la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte des droits et libertés de la personne (Québec) stipulent à l'alinéa 2 d) pour la première et à l'article 3 pour la deuxième que chaque personne est titulaire de « la liberté d'association ». Qu'est-ce à dire ? Cela signifie, selon un certain nombre de décisions rendues par les tribunaux, qu'en matière de travail, le droit de former un syndicat, le droit de négociation et le droit de grève jouissent, depuis un certain nombre d'années au Canada et au Québec, d'une protection constitutionnelle. Il peut être intéressant de parler de « services essentiels » dans les services publics, mais il ne faut pas perdre de vue que tout ce qui semble apparenté aux « services publics » ne tombe pas sous le couvert des « services essentiels ». Cette mise au point étant faite, poursuivons au sujet des espoirs provoqués - et le désenchantement qui a suivi – par la déclaration faite la semaine dernière par le premier ministre du Québec, monsieur François Legault. Mais avant, un petit retour sur le mouvement gréviste actuel.
2.0 La grève dans le secteur parapublic (éducation et santé)
Il y a présentement au Québec une situation dans le secteur parapublic qui a pour effet de déranger. Les 66 000 enseignant.e.s de la FAE sont toujours en grève générale illimitée depuis le 23 novembre 2023. Cela fait donc plus de quatre semaines que certaines écoles du Québec sont désertes. Les écoles primaires et secondaires, où nous retrouvons des enseignan.e.s syndiqué.e.s à la FSE-CSQ ont été en grève du 8 au 14 décembre. Idem pour les journées d'interruption de service dans les cégeps et pour l'ensemble des syndiqué.e.s qui adhèrent au front commun CSN-CSQ-FTQ-APTS. Il s'agissait du côté des 420 000 membres du Front commun d'une troisième séquence d'interruption de services. Les professionnel.le.s des cégeps, affilié.e.s au SPGQ, ont été en grève les 23 et 24 novembre ainsi que le 14 décembre. Le personnel de la santé, affilié à la FIQ (environ 80 000 membres), a été en arrêt de travail les 8, 9, 23, 24 novembre et du 11 au 14 décembre. Les grèves de la FIQ et du Front commun ont été effectuées dans le respect des services essentiels.
Manifestement, il y a des problèmes majeurs au Québec en éducation et en santé. Le premier ministre du Québec, François Légault, réclame de la part du personnel syndiqué de ces deux secteurs importants de notre qualité de vie en société encore et toujours plus de « souplesse » et de « flexibilité ». De plus, il joue à celui qui peut prédire l'avenir. Il se permet d'annoncer, durant la semaine de la troisième séquence de l'arrêt de travail du Front commun et en pleine troisième semaine de grève générale illimitée de la FAE, la réouverture des écoles pour lundi le 18 décembre 2023. De plus, il n'entrevoit pas la fin de la négociation en santé avant le mois de janvier 2024. Au moment d'écrire les présentes lignes, il n'y a toujours pas de reprise du travail dans les écoles élémentaires et secondaires où le personnel enseignant est affilié à la FAE.
3.0 Néolibéralisme, flexibilité et souplesse dans les secteurs public et parapublic
Les salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic ont été particulièrement malmené.e.s depuis que le néolibéralisme triomphant et arrogant est devenu, à la fin des années soixante-dix et le début des années quatre-vingt du siècle dernier, le principe idéologique de référence de la classe politique dirigeante québécoise qui a suivi la classe dirigeante canadienne et celle des autres démocraties dites libérales. Cette idéologie se caractérise par quatre grands principes régulateurs de la vie économique, politique et sociale :
1) La libre circulation des capitaux et des marchandises à l'échelle internationale via la multiplication des traités de libre-échange ;
2) La lutte prioritaire à l'inflation au détriment du chômage ;
3) La réduction des programmes à caractère sociaux de l'État ;
4) L'affaiblissement du mouvement syndical.
C'est dans ce contexte où les organisations syndicales se sont retrouvées sur la défensive qu'ont été tantôt négociées ou tantôt décrétées les conditions de travail et de rémunération des salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic du début des années quatre-vingt à aujourd'hui. Avec pour résultat que la rémunération et les conditions de travail dans ces deux secteurs n'ont cessé de se détériorer et de se dégrader.
Les secteurs public et parapublic comptent une main-d'œuvre majoritairement féminine à environ 75%. Une main-d'œuvre qui travaille sous pression et dont la lourdeur de la tâche n'est plus à démontrer. Une main-d'œuvre à qui les négociateurs gouvernementaux et les administrateurs locaux n'ont cessé de réclamer depuis plus de quatre décennies de la souplesse et de la flexibilité. Devant ces exigences nous pouvons minimalement nous poser les questions suivantes : qu'en est-il de la reconnaissance du travail des femmes qui se dévouent dans les secteurs public et parapublic ? N'y a-t-il que les députées féminines de l'Assemblée nationale et les femmes qui oeuvrent dans les emplois fortement rémunérés de la haute fonction publique ou de la magistrature qui ont droit à un traitement égal ou équitable avec leurs collègues masculins ?
4.0 La notion de « temps » chez François Legault et sur les effets dramatiques de la stratégie gouvernementale
Nous ignorons combien de temps le présent conflit en lien avec le renouvellement des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic durera. Après nous avoir dit, en duo avec la présidente du Conseil du trésor, madame Sonia Lebel, que cela se réglerait lundi le 18 décembre ou d'ici les fêtes, ensuite d'ici la fin de l'année… le premier ministre parle maintenant du mois de janvier dans le cas des infirmières de la FIQ. Le premier ministre se mouille. Il joue au « Liseur de bonne aventure » et, à l'instar de son personnage, il nous illusionne et il nous trompe. Il nous charrie d'une date à l'autre et compte probablement sur l'épuisement des personnes qui lui résistent pour voir la fin des arrêts de travail en éducation et ailleurs. Il espère peut-être une longue grève avec la FAE qui aurait pour effet de mettre en péril l'année scolaire. Ce qui pourrait lui servir de prétexte pour justifier le recours à une loi spéciale. Qui sait même si Sonia Lebel partage ou non le même cadre stratégique que le premier ministre…
Par ses déclarations et ses fausses promesses que la fin du conflit en milieu scolaire est proche, le premier ministre joue sur les nerfs des grévistes, des parents et des enfants qui n'ont pas accès à leurs cours. Il joue également sur les nerfs des personnes en attente d'une chirurgie ou d'un rendez-vous majeur dans le réseau de la santé et des services sociaux. Pour le moment, le premier ministre se dit peut-être qu'il ne sera pas jugé sur les moyens qu'il a utilisés pour venir à bout du présent conflit, mais sur la fin qui sera tôt ou tard atteinte. Quoi qu'il en soit, en laissant perdurer le conflit de travail dans les secteurs public et parapublic, le nombre d'électrices et d'électeurs favorables à sa formation politique ne peut qu'aller en diminuant. Il en est ainsi en raison du fait que des personnes vont inévitablement finir par se dire : « Il nous prive de notre gagne-pain. » « Il nous prive de l'accès à l'école ou au cégep. » « Il nous prive de l'accès aux services de santé ou des services sociaux. » « Cet homme et sa formation politique ne méritent plus notre appui ». En agissant comme il le fait, le premier ministre va également provoquer des démissions chez certaines et certains salarié.e.s syndiqué.e.s en santé et en éducation toutes catégories confondues.
5.0 Sur la nature du présent conflit
La lutte actuelle, conduite par les dirigeant.e.s des huit organisations syndicales, n'est pas un simple conflit syndical de portée corporatiste. Il s'agit de la définition même qui sera accordée aux conditions de travail et de rémunération de plus de 600 000 salarié.e.s syndiqué.e.s, dont 75% sont des femmes, qui ont été ballottées et dont les conditions de travail et le salaire se sont dégradés au cours des quarante dernières années. Il y a présentement en jeu la rémunération bien entendu, mais aussi les conditions de travail et l'accès aux soins et aux services, les statuts à l'emploi, le nombre d'années à attendre l'obtention d'un poste menant à la permanence, le respect de l'autonomie professionnelle, etc..
6.0 Conclusion
La semaine se termine donc sur deux constats : dans un premier temps la demande de considérer l'école comme un service essentiel et ce au mépris des conventions internationales auxquelles le Canada et les provinces souscrivent et au mépris également de la jurisprudence des tribunaux du Canada et, dans un deuxième temps, celui des faux espoirs suscités par la déclaration de François Legault annonçant précocement ou mensongèrement le retour en classe des élèves dès lundi le 18 décembre.
À défaut de conclure une entente avec les organisations syndicales en négociation avec son gouvernement, il reste au premier ministre du Québec encore deux semaines au calendrier de l'année 2023 pour trouver ou inventer de nouveaux subterfuges visant à accuser la partie syndicale d'être à l'origine de la présente impasse. Celles et ceux qui pratiquent la négociation savent que la plupart du temps c'est la partie patronale qui a le contrôle du calendrier de négociation et non la partie syndicale. Cette dernière reste en tout temps une partie subordonnée qui peut disposer, selon la conjoncture, d'un rapport de force ou d'opinion tantôt favorable ou tantôt défavorable.
Le temps des fêtes sera donc celui où on parlera dans les chaumières du présent conflit de travail en santé et en éducation.
Joyeuses fêtes quand même !
Yvan Perrier
18 décembre 2023
15h45
yvan_perrier@hotmail.com
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Politiques d’immigration à deux vitesses : les petites phrases réactivant les frontières qui divisent

Le coup d'éclat de Paul St-Pierre Plamondon, déclarant le 5 novembre dernier qu'une « crise sociale sans précédent » menace le Québec à cause du nombre d'immigrants, a fait long feu. Cependant, de petites phrases en petites phrases, les dirigeants politiques sur le spectre de droite construisent lentement mais sûrement une figure du bouc-émissaire en la personne de « l'immigrant ». Ainsi, la déclaration de St-Pierre Plamondon surenchérissait sur celle du ministre Jean Boulet qui avait lancé une fake news à l'automne 2022, en disant que « 80% des immigrants ne travaillent pas, ne parlent pas français, ou n'adhèrent pas aux valeurs de la société québécoise ». Il avait dû se rétracter, mais il est resté ministre, passant de l'Immigration au Travail. Après tout, lui-même ne faisait que s'inscrire dans les pas de son Premier ministre, François Legault, qui avait déclaré au printemps 2022 que l'on se dirigeait vers une « louisianisation » du Québec à cause des immigrants allophones.
Par Carole Yerochewski et Cheolki Yoon, membres du Centre des travailleuses et travailleurs immigrants (CTTI), respectivement sociologue et professeur adjoint à l'Université St-Paul
Cette politique du bouc-émissaire que ne dément pas le gouvernement Trudeau – celui-ci a aussi rendu l'immigration responsable de la pression sur les capacités d'accueil et la crise du logement –, n'est peut-être pas destinée à fermer les portes du Canada comme les États-Unis l'avaient fait en 1921, plongeant dans le désespoir les européens et notamment les Allemands étranglés par leurs dettes de guerre. C'est à présent l'attitude de l'Union européenne, qui laisse périr en Méditerranée des milliers et milliers de migrants, aggravant dans les pays du Sud global les crises sociales et humanitaires qui résultent d'économies défaillantes et de la multiplication des conflits – des conflits qui sont souvent alimentés par les puissances occidentales. Mais le Canada peut-il se passer de l'immigration ?
Cependant, on ne peut pas ne pas s'inquiéter de voir se multiplier les petites phrases. Non qu'il faille croire que le « peuple » va se laisser berner et venir gonfler l'extrême-droite : il n'est pas si ignorant des ressorts de la pénurie de logements sociaux ou de celle de l'inflation ou des raisons du déclin du français, délaissé par de jeunes francophones abonnés aux diffuseurs d'images, de musiques et de jeux plus souvent anglophones. Il n'est en outre pas prouvé que la montée de l'extrême-droite en Europe repose sur les classes populaires ; celles-ci ont plutôt tendance à s'abstenir massivement faute de se sentir représentées.
En revanche, les classes aisées et dirigeantes, qui vont chercher des appuis partout, ne rechignent pas à passer des compromis avec ces personnages politiques peu ragoutants que sont les Giorgia Meloni, Rikka Purra, Geert Wilders conduisant des gouvernements ou y siégeant en Italie, Finlande, Pays-Bas, ou à accepter comme le ministre Darmanin en France des amendements d'extrême-droite dans un énième projet de loi sur l'immigration (trente en trente ans !). Car ni les unes ni les autres ne sont prêtes à perdre la main sur les politiques d'immigration : le contrôle des flux de main d'œuvre est au cœur du capitalisme, au risque sinon de déstabiliser les rapports de force entre les travailleurs et travailleuses et le Capital, comme Marx l'avait déjà bien souligné, en parlant de surpopulation et d'armée de réserve industrielle parmi un prolétariat n'ayant plus d'autre possibilité pour survivre que de vendre sa force de travail.
Ce que Marx n'avait pu anticiper, c'est que, compte tenu du colonialisme et des rapports de domination entre le Nord et le Sud, qui se sont approfondis au cours du 20ème siècle, l'armée industrielle de réserve s'est surtout concentrée dans ces pays du Sud global. Si bien que sa circulation de plus en plus importante vers les pays du Nord, en particulier vers le Canada, bouscule les fondements des politiques d'immigration construites au cours du 20ème siècle.
Grosso modo, au Canada, ces politiques reposent d'un côté sur une voie d'accès vers la résidence permanente et donc une forme de citoyenneté, surtout utilisée jusqu'il y a trente à quarante ans par des européens ou des francophones recherchés par le Québec (comme le montrent les données des recensements de Statistiques Canada) et, d'un autre côté, sur des programmes de permis temporaires qui se divisent en deux principaux volets : le Programme de mobilité internationale qui inclut différents cas de figure dont le déplacement de salariés entre filiales, les jeunes de certains pays signataires d'accords avec le Canada ou des situations spécifiques qui sont utilisées, dans bien des cas, pour des emplois considérés hautement qualifiés et principalement pourvus par des travailleurs du Nord ; le programme des travailleurs étrangers temporaires (TET) incluant les programmes restrictifs de permis temporaires qui s'adressent essentiellement aux populations du Sud global, car dépendants d'accords bilatéraux entre le Canada et certains pays comme les Philippines, le Mexique et le Guatemala. Les permis sont particulièrement restrictifs, ou dits « fermés », parce qu'ils sont émis pour un employeur unique, qui a le pouvoir de le rompre unilatéralement et donc de faire perdre le statut migratoire, ce qui mène en conséquence au renvoi dans leur pays des travailleuses et travailleurs qui demandent le respect de leurs droits. Jusqu'en 2002, ces programmes restrictifs de travail temporaire étaient principalement destinés à apporter de la main d'œuvre saisonnière dans l'agriculture, ou à fournir des aides familiales ; celles-ci, car il s'agit majoritairement de femmes, étaient les seules à avoir accès à la résidence permanente, mais devaient cependant attendre avant de pouvoir faire la demande et se faisaient (se font) entretemps durement exploiter (et d'autant plus que jusqu'en 2014, elles étaient obligées de vivre chez le particulier employeur qui abusait fréquemment de la situation).
Ce système de migration peut être qualifié d'héritage colonial. Il s'est perpétué au Canada avec notamment la création en 1966 d'un programme pilote destiné à faire venir de la main-d'œuvre jamaïcaine de Porto Rico en Ontario, pour répondre aux besoins des fermiers, tout en s'assurant que ces personnes ne resteraient pas au pays. Il n'est pas spécifique au Canada. D'autres pays du Nord recourent à la main d'œuvre du Sud selon le même schéma. Ces programmes bilatéraux ont été dénoncés à maintes reprises à l'issue de travaux de recherche pour leur sexisme et racisme car ils servent à mettre à la disposition des employeurs une force de travail (physique, émotionnel, etc.) choisie selon son sexe et sa nationalité, ces critères servant à attribuer des « compétences » auxquelles la main d'œuvre doit se conformer. Au Canada, cette forme d'exploitation genrée et racisée a connu un essor particulièrement important à partir de 2002, lorsqu'a été élargi aux emplois dits peu spécialisés le volet programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) d'abord réservé aux emplois qualifiés ou à certains emplois marqués par la rareté de la main-d'œuvre. En 2008, en incluant les étudiants étrangers qui sont aussi de plus en plus nombreux à venir des pays du Sud global, mais qui appartiennent dès lors à des classes sociales ayant les moyens de payer les frais d'inscription, le nombre d'entrées au Canada de personnes migrantes ayant un statut temporaire a dépassé le nombre d'entrées par la résidence permanente.
Depuis, la croissance des entrées de travailleuses et travailleurs temporaires ne s'est pas démentie, et ce malgré différentes interventions dont celle au Québec de la Commission des Droits de la Personne et des Droits de la Jeunesse, qui a clairement exprimé dès 2012 que ces programmes entretiennent la discrimination systémique à l'égard des populations migrantes en raison de leur sexe, de leur langue, de leur condition sociale, de leur origine et de leur « race » – la majorité des personnes occupant des emplois dits peu spécialisés proviennent du Guatemala, du Mexique et des Philippines. Même, le recours à ces programmes destinés à exploiter mais aussi à contrôler les flux de main-d'œuvre venant des pays du Sud global, a encore été facilité depuis le gouvernement Harper, en simplifiant les démarches des employeurs pour obtenir des autorisations à procéder à de tels recrutement ou en les en dispensant dans certaines conditions. Parallèlement, alors que les personnes issues des pays du Sud global constituent depuis plusieurs décennies la majorité des candidats empruntant la voie de la résidence permanente, les raisons d'être de cette politique ont a été en quelque sorte dénaturées à la fin des années 2010, tant par le gouvernement Trudeau que celui du Québec, puisque l'accès n'est plus ouvert à toutes et tous citoyens, mais a été restreint aux personnes dont l'intérêt pour travailler au Canada correspond aux besoins prioritaires de secteurs d'activité dans l'année où s'effectue la demande.
Ainsi, que l'on considère l'une ou l'autre des voies d'accès au Canada, on ne peut que constater qu'elles réduisent les personnes migrantes à leur utilité économique, qui est le plus souvent de combler à moindre coût les postes délaissés pour leur salaire insuffisant et leurs difficiles conditions de travail. A ainsi été franchie la ligne qui sépare les personnes considérées comme des êtres humains et comme des citoyen-ne-s à part entière, des autres, dont la vie compte moins.
Nombre d'organisations communautaires et syndicales ne s'y trompent pas, qui réclament à présent l'abolition de ce système d'immigration à deux vitesses, source d'abus, de sous-salaires et d'heures supplémentaires non payées, de violences et harcèlements psychologiques et sexuels, et d'accidents du travail. Un rapporteur spécial de l'ONU, Tomoya Obokata, venu au Canada en septembre dernier pour enquêter à ce sujet a clairement conclu que le « permis fermé » ouvrait la porte à des formes d'« esclavage moderne ». Et pour cause : le statut migratoire dégradé agit auprès des employeurs, qu'on le veuille ou pas, comme un signal stigmatisant celles et ceux qui les occupent, les épinglant comme des sous-citoyennes et sous-citoyens.
Depuis la visite du rapporteur de l'ONU, le Comité permanent sur la Citoyenneté et l'Immigration de la Chambre des Communes s'est saisi de ce sujet ainsi que de celui des personnes sans papier, très nombreuses au Canada (estimé entre 500 000 et 600 000) en raison de ces politiques. Car ce système d'immigration produit à grande échelle des pertes de statut. Si la vie des employeurs a été simplifiée, celle des détenteurs de permis temporaires fermés ne l'a été en aucun cas, malgré l'ouverture, formellement, de l'accès à la résidence permanente. En pratique, les obstacles sont nombreux, si bien que très peu de personnes titulaires du permis fermé arrivent à obtenir le statut de résident permanent (1 sur 14 entre 2015 et 2022). Cette proportion n'est qu'une moyenne : au Québec, les personnes occupant des emplois peu spécialisés continuent à quelques exceptions de se voir interdire l'accès à la résidence permanente – même les aides familiales ont vu la porte se refermer de ce fait – et se heurtent à l'insuffisance des moyens disponibles pour la francisation et à la difficulté des tests de français, ce que le gouvernement québécois a fini par reconnaître. Par ailleurs, nombre de personnes fuyant des employeurs abusifs ne réussissent pas à obtenir ce « permis ouvert pour personnes vulnérables » prévu par Ottawa dans les cas d'abus, car les démarches sont extrêmement lourdes, ou elles n'arrivent pas à obtenir de nouveau un permis « fermé » à l'issue de la durée d'un an accordé avec ce permis ouvert.
Outre la perte de statut, en raison de la nature même des politiques d'immigration qui institutionnalisent la précarité comme moyen de gérer les flux de main d'œuvre en provenance du Sud global, on peut aussi se retrouver sans-papiers, quoique dans une moindre mesure malgré ce que laisse croire la large couverture médiatique du « chemin Roxham », à cause de l'ineffectivité ou de l'insuffisance des politiques humanitaires, qui accordent trop souvent au compte-goutte la résidence permanente et la refusent pour des raisons aberrantes (voir le documentaire l'Audience, où le juge refuse le statut de réfugié à un couple avec enfants considérant qu'il « magasine » le pays dans lequel il veut vivre !). Et c'est sans compter les restrictions apportées à des programmes comme le parrainage collectif, victime de son engouement auprès d'une population prête à accompagner financièrement pendant un an des demandeurs d'asile une fois arrivés au Canada. Il faut aussi rajouter au tableau les quotas annuels imposés par Québec, qui restreint même les entrées par regroupement familial, retardant du coup la réunion des familles des années durant – des conséquences guère différentes de celles résultant de la politique « tolérance zéro » édictée par Trump envers les réfugiés provenant du Mexique et qui avait abouti à séparer près de 4 000 enfants de leurs parents.
Les annonces début novembre des gouvernements fédéral et québécois sur la planification de l'immigration n'ont pas montré de volonté de corriger ces politiques perpétuant la domination des travailleuses et travailleurs du Sud global. Les seuils d'entrées de résidents permanents sont comme « gelés » pour des raisons évoquées par les « petites phrases » mentionnées au début de cet article, soit le fait que l'immigration serait responsable des tensions sur les capacités d'accueil, de la crise du logement et, au Québec, du déclin du français. Dans le débat public, le seuil d'entrée avec le statut de résident permanent fait cependant fonction de l'arbre qui cache la forêt des personnes au statut temporaire, qui habitent ici et se débrouillent pour parler l'anglais ou le français afin de s'intégrer – rêve de toutes et tous les immigrants. Or, les annonces ont été totalement muettes sur cet enjeu majeur que constitue le devenir des personnes sans-papiers et de celles ayant un statut temporaire.
Pourtant, ces dernières représentent aujourd'hui près de 1,8 millions de personnes au Canada, dont environ 470 000 au Québec seulement, car la croissance des entrées de travailleuses et travailleurs temporaires est de loin la plus importante par rapport au reste du Canada, grâce aux encouragements du gouvernement qui en a facilité le recours. D'ailleurs la ministre de l'Immigration n'a pu éviter de parler de ces travailleurs temporaires dont l'ampleur avait été révélée par des médias quelques semaines avant l'annonce de la planification. Elle a ainsi indiqué vouloir mettre une condition de maîtrise minimale du français à l'oral pour obtenir un renouvellement au bout de trois ans d'un permis temporaire, ce qui a paru totalement indécent aux yeux des organisations syndicales et communautaires œuvrant avec les personnes migrantes, ou pour faire respecter leurs droits humains, puisqu'on ne leur donne même pas la possibilité de s'installer au Québec avec un statut permanent ! Cela semble aussi ingérable par les employeurs, qui devraient assurer des heures de français sur le temps de présence au travail alors que bon nombre d'entre eux ne respectent même pas les droits du travail.
Il est vrai que le 14 décembre dernier, Marc Miller a donné une interview au Globe and Mail rappelant la promesse faite par Trudeau, il y a déjà deux ans, concernant l'adoption d'un programme de régularisation de grande ampleur. Cependant, l'interview montre que les objectifs sont restreints là encore aux secteurs d'activité pour lesquels les immigrants sont économiquement utiles, comme la construction et la santé, où ils sont jugés « indispensables », et le processus serait très long (s'étirant jusqu'en 2026) pour des raisons explicitées dans l'interview, qui se réfèrent à la montée d'un sentiment anti-immigrant parmi la population – un sentiment que les dirigeants politiques sont en réalité en train d'amplifier. Tout se passe donc comme si cette annonce visait surtout à rassurer des employeurs confrontés à des pénuries de main-d'œuvre en raison des mauvaises conditions de travail qu'ils offrent et qui ont besoin de conserver une main-d'œuvre qu'ils auront formée. Car les organisations communautaires ou syndicales qui se mobilisent pour obtenir la régularisation des personnes sans papier demandent de leur côté un programme véritablement inclusif.
Longtemps, face aux politiques discriminatoires d'immigration et à leurs conséquences parfois lourdes sur l'état physique et mental des personnes, des organismes tels que le Centre des travailleurs et travailleuses immigrants et le Réseau d'aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec, ont œuvré de façon assez isolée dans leurs premières années, ne recevant un soutien que de la part d'autres organismes communautaires, puis, petit à petit, d'organisations syndicales. Mais avec la pandémie, qui a jeté une lumière crue sur toutes ces personnes migrantes, précaires ou sans-papier, qui ont dû continuer à travailler en s'exposant à l'épidémie, perdant parfois la vie, ces organisations de travailleuses et travailleurs migrants ont acquis une visibilité ou une reconnaissance indéniable, tandis que le sort de ces personnes alors qualifiées d'essentielles n'a pu rester dans l'ombre, et ce d'autant moins qu'elles ont été les premières à se mobiliser pour faire reconnaître leurs droits.
À présent, au Québec en particulier, les organisations syndicales sont impliquées dans la campagne pour la régularisation des personnes sans-papier, qui rassemble une trentaine d'organismes communautaires d'envergure provinciale et même internationale (voir comme exemple la lettre ouverte parue dans La Presse du 18 décembre 2023). En outre, le contenu de la campagne a commencé à s'élargir pour prendre en compte la situation des travailleuses et travailleurs temporaires et réclamer l'abolition du permis fermé au profit d'un permis ouvert et d'un statut permanent. Les organisations syndicales, qui ont décidé de se coordonner sur ces sujets, ont publié un communiqué après la présentation de la planification des seuils d'entrée de résidents permanents par Québec, dénonçant clairement l'absence de ces mesures et le silence radio sur ces personnes migrantes.
Un bras de fer s'est véritablement engagé entre ceux et celles – personnes migrantes, organismes qu'elles ont créés ou œuvrant à leurs côtés, organisations syndicales - qui réclament la fin de ce système d'immigration discriminatoire et raciste, et les classes dirigeantes qui cherchent sans pudeur à travers les responsables politiques des appuis ou des voix jusqu'à l'extrême-droite. Bien sûr, une partie du patronat qui est en panne de main d'œuvre est aussi prête à soutenir l'accord d'un statut permanent aux personnes migrantes. Certains, dans les petites et moyennes entreprises, ont tout de même des valeurs humanistes. Mais en tant que classe, ils n'ont aucun intérêt à ce que les travailleurs et leurs organisations gagnent ce bras de fer qui remet en cause leur contrôle des flux de main-d'œuvre provenant des pays du Sud global. Car c'est tout un modèle économique qu'il s'agit de préserver et qui repose sur une main-d'œuvre flexible et à bas salaires, permettant de vendre les fruits et légumes cultivés au Québec moins chers, de faire de la province un espace d'entreprises logistiques à moindre coût, entre autres exemples.
Aussi, on peut faire l'hypothèse que toutes ces « petites phrases » qui se multiplient depuis la fin de la pandémie sont une réponse à la montée des contestations de ces politiques d'immigration qui reposent sur la colonialité du pouvoir et qui entretient le racisme systémique. Ce n'est pas un hasard si, pour gagner ce bras de fer, les élus politiques n'hésitent pas à faire implicitement référence aux représentations racistes latentes en faisant de « l'immigrant » la figure du bouc-émissaire face aux différents défis que traversent le Canada et tant d'autres pays occidentaux qui ont tant et si bien joué ce jeu dangereux que certains se retrouvent avec des partis d'extrême-droite au gouvernement. En tout cas, si tant le gouvernement fédéral que celui du Québec se défendaient de poursuivre des objectifs racistes ou inconsidérés, il n'en reste pas moins que transformer les personnes migrantes en bouc-émissaire est un moyen de tenter de les isoler, de leur faire perdre un pouvoir de négociation qu'elles ont durement acquis ces dernières années.
L'issue du bras de fer dépendra des mobilisations en cours et donc aussi de l'engagement des syndicats, notamment au Québec (mais pas seulement). Feront-ils de ces enjeux une campagne prioritaire, en formant leurs conseillers et leurs syndicats locaux à connaître et faire valoir les droits des travailleuses et travailleurs migrants, en en expliquant les enjeux et en les appelant à se mobiliser sur ces sujets ? Car les syndicats côtoient de plus en plus souvent ces travailleuses et travailleurs temporaires, telle cette préposée aux bénéficiaires dans une résidence privée syndiquée où pourtant elle ne touche que le salaire minimum et non celui de la convention collective…
De tels exemples prolifèrent. Aussi, on aurait tort de considérer anodines ces « petites phrases » qui échappent des interventions médiatiques des responsables politiques. Elles parsèment le paysage d'appels au resserrement « des citoyens de souche » contre « l'autre ». Elles jouent sur le racisme systémique qui nourrit des représentations sociales par définition inconscientes, non intentionnelles, qui ne conduisent pas nécessairement à voter consciemment pour l'extrême-droite, mais peuvent aboutir à faire passer le respect des droits des « immigrants » au second plan. C'est cela qui ne doit pas se produire.
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Pourquoi Québec solidaire devrait immédiatement arrêter d’acheter de la publicité à Meta

Alors qu'un vaste mouvement d'acteurs de la société civile et d'organisations médiatiques appelle au boycott de Meta suite à la décision de l'entreprise de bloquer les articles des médias canadiens et québécois en réaction à la loi-C18, Québec solidaire s'entête à garder ses publicités sur Facebook et Instagram.
Le parti justifie cette pratique à partir d'arguments faibles et incohérents qui ne résistent pas à l'examen critique et à l'épreuve des faits, comme en témoigne les piètres résultats obtenus lors de l'élection partielle dans Jean-Talon.
Cette position de QS est intenable d'un point de vue éthique et politique, car elle contrevient aux valeurs solidaires ; et elle s'avère inefficace voire contreproductive d'un point de vue stratégique, car elle ne permet pas d'atteindre les gains escomptés.
Commençons par identifier les arguments fallacieux de la direction du parti, afin de mieux les déconstruire.
Premièrement, la campagne de boycott de Meta serait purement symbolique et donc inutile. Le porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois a affirmé le 12 septembre dernier : « Je pense que, dans ce cas-là en particulier, on voit les limites de ce boycott-là. Vous avez vu les chiffres de trafic sur ces plateformes-là qui n'ont pas diminué, on voit les limites de ces gestes symboliques là. Nous, on pense qu'il faut du vrai courage politique pour remettre ce monde-là [Meta] à leur place. »
Or, en quoi une campagne de boycott serait-elle incompatible avec un « vrai courage politique » pour réguler les plateformes ? Cet argument ressemble étrangement à un faux dilemme : soit on boycotte Meta (avec une efficacité discutable), soit on décide d'encadrer les géants du numérique (avec une efficacité encore discutable, comme en témoigne le gouvernement canadien et sa loi C-18). Or, ne peut-pas pas marcher et mâcher de la gomme en même temps ?
Bien sûr, la campagne de boycott ne fera pas changer d'idée à Meta du jour au lendemain. Mais cela contribue à augmenter la pression sur l'entreprise, tout en incarnant des gestes de solidarité avec les acteurs concernés. Rappelons d'ailleurs que la loi C-18, malgré ses imperfections, a commencé à porter fruit, avec Google qui a accepté de verser 100 millions de dollars aux médias canadiens. QS semble croire que la décision unilatérale de Meta de bloquer les contenus médiatiques au Canada serait inéluctable, et là pour rester pour « des mois, voire des années ». Or, il s'agit d'abord du chantage d'une firme multinationale qui veut éviter de payer trop de redevances et d'empêcher la multiplication de législations contraignantes ailleurs dans le monde.
QS accepte donc ce chantage au lieu de se tenir droit et de trouver d'autres moyens de rejoindre son public. Si le trafic sur les réseaux sociaux Facebook et Instagram est toujours aussi important dans les derniers mois, le fait de désinvestir d'une plateforme numérique hostile à l'écosystème médiatique d'ici représente un geste courageux qui indique la direction à suivre pour le reste de la société, au lieu de se mettre à la remorque d'un géant capitaliste.
Deuxièmement, dans un courriel officiel du parti, il est indiqué que : « 90% de la population québécoise est présente sur les réseaux sociaux. Cette proportion est encore plus grande chez les jeunes, notre public et base de soutien principale. Comme parti politique, nous avons à la fois la responsabilité de rejoindre l'électorat, mais aussi le besoin de le faire, pour la bonne santé de notre organisation. Lorsque l'on décide de ne pas faire de publicité sur Meta, on accepte de ne pas aller à la rencontre de nombreuses personnes. Or, le travail d'un parti, c'est d'aller à la rencontre des électeurs et des électrices, en période électorale ou non. »
Le parti fait donc appel à la « responsabilité » de rejoindre les électeurs, notamment les « jeunes », en affirmant que cela fait partie de la fonction centrale d'un parti politique. Or, l'idée présupposée ici est que sans publicité sur Meta, on ne pourra plus rejoindre les jeunes et l'électorat visé, nous condamnant ainsi à l'invisibilité médiatique. Cela est étrange, notamment parce que les jeunes désertent de plus en plus Facebook et Instagram (pour se tourner vers TikTok notamment), et l'électorat peut toujours être rejoint par d'autres canaux de communication : télévision, radio, porte-à-porte, d'autres outils et plateformes numériques. Tout se passe comme si QS était absolument obligé de passer par Meta pour rejoindre sa base électorale, comme s'il s'agissait d'une question de vie ou de mort pour l'organisation, alors que ce n'est pas le cas.
Troisièmement, il y a l'argument de la santé organisationnelle et financière, qui découle de la visibilité médiatique attribuable à la publicité sur les médias sociaux. Dans le courriel du parti aux membres en date du 16 septembre, on prétend que : « faire de la publicité sur Meta nous permet d'entrer en contact avec de nouvelles personnes, de recruter de nouveaux membres et de faire du financement populaire. Nous le faisons depuis des années. Ces trois actions sont fondamentales à la santé organisationnelle de Québec solidaire, et c'est dans cette vision à moyen et à long terme que nous avons fait ce choix. Depuis plusieurs années, nous utilisons également la publicité pour faire de la mobilisation politique.
Sans cette publicité, il serait vraiment ardu de rejoindre des gens que nous n'avons jamais contactés. »
Bref, la santé organisationnelle et financière de QS serait structurellement dépendante de la publicité achetée sur Meta, sans quoi les finances du parti seraient durement touchées. On voit ici un grave problème de dépendance du parti envers les GAFAM et les technologies addictives du capitalisme algorithmique : sans elles, nous ne pouvons être visibles, notre existence politique est menacée, nous ne pouvons être entendus, et nous sommes donc menacés de disparition. On voit là le sophisme de la pente glissante.
Quatrièmement, il y a l'argument du « nous ne sommes pas les seuls » à commettre une action problématique (ne pas boycotter dans ce cas-ci). Le courriel du 16 novembre souligne que : « de nombreux partis politiques fédéraux, toutes familles politiques confondues, ont maintenu leurs placements. Même certains médias québécois continuent de faire de la publicité sur Meta, comme Le Devoir, Noovo, Le Soleil ou la Montreal Gazette. Québec solidaire ne fait donc pas cavalier seul ; nous sommes toutes et tous dépendants de ces plateformes pour exister dans l'espace public et rejoindre les gens. »
Pour reprendre une analogie formulée par Catherine Dorion à l'égard du troisième lien, on voit ici l'argument de la « ligne de coke » : regardez, je ne suis pas la seule organisation accro aux algorithmes de Facebook ; il y a aussi tel individu, tel groupe et telle personne qui consomment tout autant que moi. Bref, nous sommes tous également addicts à ce système, donc je vais continuer à consommer et à garder le même comportement. Seul un vrai changement à grande échelle fera une différence, soit quand tout le monde décidera d'arrêter de consommer en même temps, ou quand on interdira la coke par la loi. Vous voyez l'analogie.
Malheureusement, ce piteux argumentaire ne tient pas la route d'un point de vue factuel, et la dure défaite de QS dans Jean-Talon devrait nous servir de leçon. Alors que QS avait récolté 8117 votes (23,76%) en 2022, il est passé à 4380 votes (17,42%) lors de la partielle de 2023 dans Jean-Talon. Qui plus est, le vote des jeunes n'est pas sorti lors de cette élection, ce segment de l'électorat semblant pour ainsi dire démobilisé. Le tout avec de la bonne publicité achetée sur Meta.
Pendant ce temps, bien que la CAQ ait perdu cette circonscription (passant de 32,5% à 21,5%), le PQ est passé de 18,7% à 44% de 2022 à 2023. Or, ces deux partis sont parvenus à ces scores sans faire de publicité sur Meta, alors que QS et le PLQ faisaient bande à part, témoignant de leur faiblesse politique. Tandis que la CAQ et le PQ étaient « solidaires » des médias québécois avec le boycott de Meta, QS et le PLQ apparaissaient comme de piètres joueurs, en difficulté sur la glace, ayant absolument besoin de la publicité achetée sur une plateforme numérique pour mobiliser leurs bases. Et les résultats montrent que ce « choix stratégique » n'a pas payé dans les urnes.
Qui plus est, un autre argument pragmatique en faveur de l'abandon des publicités sur Facebook et Instagram est le problème du « caillou dans le soulier » qu'une telle proposition représente sur le plan médiatique. Alors que QS devait déjà se justifier devant les médias (et auprès de ses membres mécontents) en septembre dernier face à cette décision discutable, le récent passage des porte-paroles à l'émission Tout le monde en parle du 3 décembre montre que cette décision embarrassante continue encore de miner la crédibilité du parti, en dévoilant son incohérence idéologique. Comme l'a bien rappelé Guy A. Lepage, cette position est difficile à défendre d'un point de vue de gauche.Gabriel Nadeau-Dubois a tenté de peine et de misère
de réitérer l'argument de la responsabilité et du « on est tous dépendants de ces plateformes, les autres le sont aussi comme nous », mais il continue encore ces rationalisations et verbiages de politicien pour défendre une position intenable. Et ça paraît, avec Émilise qui avait l'air inconfortable à côté de Gabriel sur le plateau de télé.
Bref, le soutien de QS à Meta est carrément devenu gênant, tant pour les membres que pour le parti dans l'espace médiatique. Et la même ritournelle risque de se poursuivre, tant que le parti n'aura pas changé sa position. Au lieu de faire des gains et passer à l'offensive en imposant ses idées, QS reste sur la défensive et donne une impression de faiblesse, de dépendance, de soumission face à l'ordre dominant.
Or, pourquoi le parti s'entête-t-il dans cette voie ?
Je fais l'hypothèse que des employé·e·s et responsables des communications du parti dépendent fortement de cette plateforme à cause des « indicateurs de performance » et des « métriques » que Meta permet en termes d'identification de nombre des vues, de profilage des individus et des électeurs, pour savoir qui sont les personnes qui sont « atteintes » par les messages et publicités du parti. Cela est fort utile certes d'un point de vue communicationnel, de recrutement et de financement, mais cela représente aussi des coûts importants pour le parti, notamment au niveau du temps, de l'énergie et des ressources financières investies dans Meta pour « rejoindre » les électeurs du parti.
Bien que ce phénomène ne soit pas nouveau, il est probable que les employé·e·s des communications fassent pression sur le comité de coordination nationale pour maintenir cette ligne pro-Meta, car abandonner la publicité sur cette plateforme les rendrait potentiellement « myopes » dans leurs fonctions.
Cela témoigne de deux choses : 1) les communications du parti sont devenues fortement dépendantes des fonctionnalités et du monopole radical des plateformes du capital algorithmique ; 2) le parti n'envisage actuellement pas d'autres alternatives en termes de moyens de communication pour rejoindre ses électeurs, comme la publicité dans les médias locaux et régionaux, l'utilisation d'autres outils numériques, l'embauche de personnel pour le travail de terrain, les appels téléphoniques, les assemblées de cuisine, le porte-à-porte, etc. Il s'agit là bien sûr d'activités plus chronophages que des dizaines milliers de dollars balancés dans la pub dans la méga-machine de Meta ; mais ces activités sont beaucoup stimulantes, concrètes et mobilisantes que du contenu sponsorié sur son fil d'actualité le matin.
Enfin, cette position est symptomatique de la faiblesse actuelle de QS par rapport à ses principaux rivaux politiques : si la CAQ commence à tomber en raison de ces décisions politiques nuisibles aux classes moyennes et populaires, aux services publics et à l'environnement, elle ne baisse pas en raison d'un retrait de publicités sur Meta. De son côté, le PQ bénéficie d'une image « d'intégrité politique » qui était celle de QS jadis, alors que QS apparaît maitenant comme un parti « opportuniste », bien intégré au système dominant, préférant respecter le cadre établi plutôt que de confronter les règles du jeu.
Cette inversion de rôles entre le pari de la « respectabilité » et celui du « risque » s'est joué notamment lors de la question du Serment au roi de l'Assemblée nationale à l'automne 2022. Ce geste « symbolique » a été particulièrement payant pour le PQ et son porte-parole Paul St-Pierre Plamondon, alors que QS faisait figure de deuxième joueur, préférant ne pas « boycotter » mais appuyer timidement cette mesure, au lieu de se tenir debout.
Résultat : le PQ, qui avait presque disparu de la carte électorale en 2022 est maintenant premier dans les intentions de vote des derniers sondages, devant la CAQ, et ce sans publicité achetée sur Meta. Seul le PLQ se retrouve dans la même position inconfortable que QS, avec la supposée nécessité de rester coûte que coûte sur Meta afin de ne pas trop reculer dans les sondages. Bref, on voit bien que la situation de dépendance aux publicités de Meta représente une position de perdant.
Rappelons que QS est un parti de gauche, qui prétend à la redistribution de la richesse, au dépassement du capitalisme, au financement adéquat des services publics, à la lutte contre les inégalités sociales, à la démocratisation des institutions politiques et de l'économie. Toutes ces positions sont en contradiction avec le soutien actif et financier à Meta, qui participe à la concentration de la richesse, à l'apothéose du capitalisme algorithmique, au sous-financement des médias publics et privés, à l'amplification des inégalités sociales, à l'effritement de la démocratie, etc.
Si l'argument « on n'a pas le choix » tenait la route, on pourrait comprendre. Malheureusement, d'autres partis ont décidé de boycotter Meta avec de bons résultats, et témoignent donc que cette posture fataliste n'est pas la seule option possible. Soutenir Meta dans ce contexte est un choix, un piètre choix, tant d'un point de vue moral que d'un point de vue stratégique. Cela nuit à l'image publique de QS, à l'intégrité du parti, et nous entête dans une dépendance malsaine à l'égard des plateformes capitalistes au lieu de nous pousser à explorer de nouvelles voies. En termes plus simples, on y voit là un signe d'acharnement, qui affaiblit le parti au lieu de lui donner des forces. L'argument de la « responsabilité » de rejoindre les électeurs sert de cache-sexe à un manque de courage politique, et représente donc, au final, un brin de lâcheté.
Pourquoi ne pas prendre l'argent dépensé dans la publicité sur Meta pour l'investir davantage dans les médias régionaux du Québec, en embauchant des responsables à la mobilisation locale, en soutenant les réseaux militants, ou encore en misant sur de nouvelles stratégies de communication qui outrepassent les algorithmes de Meta ?
QS manque actuellement d'imagination politique, et la dépendance à Meta amplifie ce problème. Un autre monde médiatique est possible, et cela commence par avoir le courage de ses convictions. Débarrassons-nous de ce caillou dans le soulier, et passons aux choses sérieuses. Trouvons de nouveaux canaux de communication, afin de respecter l'intelligence de nos membres, de nos militant·e·s et de l'électorat.
Comme le dit le dicton autogestionnaire : « le patron a besoin de toi, tu n'as pas besoin de lui ». Idem pour Meta dans ce cas-ci : la compagnie a besoin de nous pour valoriser notre attention et générer des profits, mais nous n'avons pas besoin de Meta pour exister politiquement.
Ce texte a d'abord été publié sur la plateforme En commun, via mes Carnets politiques de réflexions stratégiques sur la gauche qui prendra le relais de mon blogue Ekopolitica. En commun est une plateforme numérique libre, développée par l'OBNL Projet collectif.
https://praxis.encommun.io/n/GMJ8N351elGW68EhmkLECtIT9Uo/?fbclid=IwAR1XLZy4j8aBkZ56qOHDiJ3igU3DNuC3jUDmGaJuzFXfGeK01ZBNpaKGooQ
Jonathan Durand Folco
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COP28. « Ahmed al-Jaber inscrit son nom dans l’histoire de l’enfumage capitaliste »

Fumée blanche à la COP28 : les deux semaines de négociations climatiques ont débouché sur un accord unanime. Tout sourire sous les applaudissements, le président émirati du sommet a estimé que le texte élaboré sous sa houlette était « historique ». Beaucoup de grands médias ont relayé ce message, avec l'appui de certains scientifiques très impliqués dans les travaux du GIEC. (C'est le cas dans le monde francophone de Jean-Pascal van Ypersele et de François Gemenne, respectivement ex-vice-président et « lead author » du 6e rapport d'évaluation du GIEC. Voir leurs déclarations dans « Déclic » RTBF-Radio Télévision Belge de la Communauté française, 12.12.2023.) Or, en réalité, rien, ou presque, ne justifie cet enthousiasme.
15 décembre 2023 | tiré du site alencontre.org | Photo : Ahmed al-Jaber. (KEYSTONE/XINHUA/Wang Dongzhen)
https://alencontre.org/ecologie/cop28-ahmed-al-jaber-inscrit-son-nom-dans-lhistoire-de-lenfumage-capitaliste.html
« Historique »
Ce qui est « historique », c'est qu'un sommet des Nations Unies sur le climat ait été mis entre les mains du président de la compagnie nationale des pétroles du septième pays producteur d'hydrocarbures. Ce qui est « historique » également, c'est que plus de trente années de négociations visant à juguler le changement climatique ont pu se dérouler sans mentionner une seule fois la responsabilité écrasante et évidente des combustibles fossiles dans le réchauffement global.
On peut donc considérer comme « historique » que les deux petits mots « fossil fuels » (combustibles fossiles) figurent pour la première fois dans le document adopté par la COP28. Mais il est « historique » aussi qu'ils apparaissent précisément à cette 28e conférence des Parties organisée par une dictature capitaliste et patriarcale féroce, dans une ville connue comme la Mecque du blanchiment de tous les trafics. D'autant plus « historique » que la réunion, plus que jamais couplée à une foire commerciale, a battu tous les records d'infiltration par les plus grands pollueurs de la planète – représentants de l'industrie fossile et de l'agrobusiness en tête…
Dans son rapport fameux publié en 2006, l'ex-économiste en chef de la Banque mondiale, le très néolibéral Nicholas Stern, décrivait néanmoins le changement climatique comme « l'échec le plus grave de l'économie de marché ». Avec le sommet de Dubaï, on mesure le chemin idéologique parcouru. Toute velléité d'autocritique, toute trace de scrupule ont disparu. Voilà le message « historique » délivré implicitement par la COP28 : il n'y a pas d'espoir en dehors du marché ; le capitalisme, sa croissance, ses fossiles et ses technologies sont la solution, quels que soient les régimes politiques. Foin donc de politique ! Laissons faire les hommes d'affaires et les gouvernants à leur service. Ecartons ces questions secondaires que sont les droits sociaux, les droits démocratiques, les droits des femmes…
Prestidigitation
Sultan Ahmed al-Jaber a toutes les raisons d'être fier de lui. Prince de l'enfumage, il a atteint son but : concéder une mention des combustibles fossiles dans le texte central adopté à la COP, tout en ne donnant pas la moindre prise à l'idée qu'il faudrait cesser d'extraire et de brûler du charbon, du pétrole et du gaz.
L'exercice était périlleux. Il a été réussi grâce à une formule de prestidigitateur : les Parties sont « appelées à contribuer aux efforts globaux », notamment en « s'éloignant des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques, d'une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l'action au cours de cette décennie critique, de manière à atteindre le zéro net en 2050 conformément à la science ». Bel exemple de novlangue.
Le texte original en anglais utilise l'expression « transitioning away from fossil fuels ». Elle pose tellement de problèmes d'interprétation et de traduction que certains ont voulu la croire synonyme du « phasing out of Fossil fuels » (sortie des combustibles fossiles). Leurs souhaits relèvent d'une illusion. Il ne s'agit absolument pas de sortir des fossiles. Il s'agit, le texte le dit, « d'accélérer l'action visant au zéro net en 2050 ».
Accélération ?
Accélérer l'action ? Quelle action ? En trente ans de soi-disant « transition énergétique », la part des fossiles dans le mix énergétique global a à peine baissé (de 83% à 80% environ). La déclaration de Dubaï ne pose aucun « objectif » en la matière, elle demande seulement des « efforts globaux ». L'accélération de ceux-ci ne sera pas trop difficile à réaliser… Inutile d'attacher les ceintures. D'ailleurs, chaque Etat concevra « l'accélération » à sa manière, souveraineté nationale oblige.
Idem pour les compagnies pétrolières et gazières. Elles ont fait la bagatelle de 4000 milliards de dollars de bénéfices annuels en 2021-22, selon l'AIE. https://www.reuters.com/business/energy/oil-gas-industry-earned-4-trillion-last-year-says-iea-chief-2023-02-14/ . Toutes planifient l'augmentation de leur production fossile à court et moyen terme… en promettant le « zéro net » en 2050 (elles ne s'engagent à rien pour 2030). L'an dernier, elles n'investissaient que 2,5% de leurs profits dans les renouvelables (Financial Times, 22.11.2023). Ici aussi « l'accélération » ne posera guère de problèmes… Et chaque compagnie aussi la concevra à sa manière, libre entreprise oblige.
On se réjouit dans certains milieux des « appels aux Parties » à « contribuer aux efforts globaux » pour « tripler globalement les capacités de l'énergie renouvelable et multiplier le taux annuel moyen d'augmentation de l'efficacité énergétique, d'ici 2030 ». Les « efforts » dans ce sens sont certes louables mais ne remplacent pas les objectifs contraignants. De plus, la preuve est faite depuis trente ans que les renouvelables peuvent augmenter, voire exploser, sans que les fossiles reculent significativement.
Sans surprise, le texte approfondit l'amalgame entre « énergies renouvelables », « énergies sans carbone » (nucléaire) et « énergies décarbonées » (capture du CO2, balayé sous le tapis).
Manœuvre OPEP de dramatisation
Le diktat du grand Capital a été respecté : aucun calendrier, aucune contrainte, aucune quantification, aucune déclaration, même de principe, en faveur de la sortie des combustibles fossiles. Même pas pour le plus polluant de tous, le charbon : le texte adopté à Dubaï préconise seulement « d'accélérer les efforts vers la diminution de l'usage du charbon sans abattement » (sur le concept d'abattement, voir mon article « OPA fossile sur les COP »).
On a beaucoup glosé sur la lettre de l'OPEP enjoignant à ses membres à la COP de n'accepter aucune formulation « ciblant » les combustibles fossiles. (Coïncidence ? Cette lettre est sortie peu de temps après la visite éclair de Poutine aux Emirats et en Arabie saoudite…) Elle a provoqué un tollé et des réactions indignées des adeptes du « capitalisme vert ». Il est probable qu'il s'agissait d'une manœuvre de dramatisation afin de faciliter la tâche d'al-Jaber et le consensus autour de ses conclusions « historiques ». Words, words, words.
La carotte du financement
Outre la mention ou non des fossiles, l'autre grande question de cette COP devait être celle du financement. Il s'agissait notamment de mettre la pression pour que les pays développés honorent la promesse de verser 100 milliards de dollars/an au Fonds vert pour le Climat, d'une part, et de concrétiser l'accord de principe de la COP27 sur la création d'un fonds spécial pour les « pertes et préjudices » infligés aux pays les plus exposés aux catastrophes (qui sont aussi les moins responsables de celles-ci).
Aucun progrès significatif n'a été franchi sur ces questions. Les 100 milliards/an ne sont toujours pas sur la table. L'accord sur le fonds « pertes et préjudices », annoncé à grand renfort de trompettes au début du sommet de Dubaï, ne règle rien… hormis la satisfaction donnée aux Etats-Unis : ce fonds sera géré par la Banque Mondiale. Quelques centaines de millions ont été promis, alors que les besoins estimés tournent autour de 1000 milliards… Chers amis, chères amies des pays menacés par la montée des océans, revenez à la COP29.
Les promesses de financement, c'est la carotte pour faire avancer l'âne. Comme la plupart des financements sont ou seront sous forme de prêts, la carotte se transformera rapidement en bâton, sous la forme de dettes accrues.
Nous n'irons pas à Bakou
On se félicite du fait que le processus multilatéral lancé par la Convention cadre des Nations unies (Rio 1992) continue. Il continue en effet… comme le feu allumé sous la casserole où flotte la grenouille qui ne voit pas venir sa fin prochaine. Encore quelques COP « historiques » comme celle-là, et il sera définitivement impossible de rester sous 1,5°, et même sous 2°C de réchauffement… de sorte que le capitalisme mondial sera enfin débarrassé des « contraintes » de l'accord de Paris… (humour noir).
A la COP29, l'œuvre des EAU sera prolongée par l'Azerbaïdjan. Un autre Etat pétrolier, une autre dictature prendra le relais de l'enfumage. L'inspiration sera KGB plutôt que CIA ; mais, pour les peuples, cela ne fait aucune différence. Pour le climat non plus… La catastrophe ne sera pas arrêtée par ces COP, mais par les luttes, les convergences des luttes et leur coordination internationale. (Article écrit pour la Gauche anticapitaliste, Belgique)
En mars 2024, l'ouvrage Ecologie, luttes sociales et révolution de Daniel Tanuro, sera publié aux Editions La Dispute.
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À vous M. Legault alias Grinch,

Vous vous présentez comme un père de famille compréhensif du peuple ordinaire alors que vous n'en faites pas partie. Vous êtes en train de voler Noël non seulement de vos employés de la fonction publique, mais également à toutes leurs familles comme vous l'avez fait à votre départ d'Air Transat. Vos anges gardiens sont en train de déserter vos réseaux et vous pensez qu'à coup de bâillon et d'omission de BAPE vous aurez notre compréhension et notre sympathie ?
Votre caucus, je m'excuse vous, parce que c'est seulement vous la CAQ ne peut être unanime sur vos décisions. Il est plus qu'évident que votre Parti a comme valeur et fondement la recherche de Pouvoir et que c'est pour cela que vous couvez un ministre s'étant parjuré ou encore étant le fou du roi des plaintes éthiques. Cela suffit de nous prendre pour des personnes qui vont encore avaler vos stratégies de communication : C'est la faute des anciens gouvernements, de la pandémie, des syndicats, de Trudeau… ou encore de l'immigration comme mentionnée lors de vos rassemblements caquistes.
Je vous demande une seule chose M. Grinch, pouvez-vous enfin continuer de faire ce que vous faites actuellement ?
C'est-à-dire montrer votre seul et vrai côté affairistes. Vous êtes comptable et adoré plus vos chiffres que vos citoyens. Parce que vous croyiez réussir en privatisant ou ignorant tous les mécanismes de défense sociétaux que nous avons créés, mais en réalité vous ne montrez que la réelle nécessiter et l'avancement que nous avons fait de les mettre en place. Le peuple aime leurs services publics et aime que l'on se soucie de nos voisins et d'un meilleur partage de la richesse. Arrêter de vous comparer à l'Ontario pour que l'on évite de vous évaluer singulièrement et assumer pleinement votre supposé nationalisme.
Par-dessus tout, je vous demande de respecter votre dernier slogan, continuer ! Parce que nous, peuple québécois, avons trop souvent besoin d'être confrontés en pleine face des choses pour qu'enfin que nous réagissions. Ça l'aura fallu presque deux décennies libérales et votre Changement-Continuation pour nous faire réaliser qu'on ne veut plus être gouverné comme vous le faites. Je ne me considère pas comme un intellectuel qui ne jase pas assez dans les autobus, mais s'il vous plait, vous avez encore la chance de quitter pour que l'on se souvienne d'une bonne chose que vous ayez fait. Je ne parle pas de votre gouvernance sous McKinsey ou encore le maintien de l'État d'urgence durant la pandémie en évitant l'Assemblée nationale. Je vous demande tout simplement d'agir en bon paternaliste que vous êtes et de tenir votre première promesse. Je ne parle pas d'embrasser votre sœur quand vous avez gagné les élections, mais bien d'effectuer la réforme du mode de scrutin électoral.
Parce que nous savons vous et moi, que vous faites de votre mieux et que demain d'autres tenteront de le faire et le problème n'est pas ça, mais il est que vous le faites en pensant pour nous et en tentant de nous convaincre de ce qui est bien, alors que nous tentons continuellement d'informer nos politiciens des solutions concrètes. Il est temps de remettre les cadeaux sous les sapins M. Legault, continuez de détruire nos solidarités sociales si vous le souhaitez, continuer d'économiser en maintenant nos familles, amis et collègues en grève, mais SURTOUT ne laisser pas une autre personne après 2026 de le faire au nom du peuple alors que nous tentons d'assumer pleinement notre démocratie et non la monarchie que vous semblez tout à coup aimer. Réformez le mode de scrutin !!
David Jutras
Un faux intellectuel, beau-père, époux d'une gréviste
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Un Bureau du Québec en Israël : pour y faire quoi, au juste ?

L'ouverture éventuelle d'un Bureau du Québec en Israël vise-t-elle à y faire la promotion de notre sirop d'érable ou serait-ce plutôt celle de notre matériel militaire ?
La question se pose, notamment à la lecture d'un rapport se trouvant sur le site internet du Ministère de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie, lequel nous apprend que la plus grande part de nos exportations vers ce pays, et de beaucoup, provient du secteur économique désigné de l'appellation suivante : « avions, hélicoptères et autres véhicules aériens et spatiaux ». Or il serait étonnant qu'il s'agisse ici de matériel civil, Israël n'étant pas, à ce que je sache, une plaque tournante du tourisme international. Par contre, des centaines de ses avions et hélicoptères, équipés à la fine pointe de la technologie militaire, bombardent actuellement la population de Gaza. Se pourrait-il que ces engins proviennent d'ici, du moins en partie, et que ce soit leur commerce très lucratif qui motive notre classe politique et nos gens d'affaires à se faire ouvrir encore plus grandes les portes du marché israélien ? Se pourrait-il aussi que ces engins soient financés en grande partie par notre propre argent, celui que nous déposons dans nos fonds de pension ? Voyons l'exemple suivant pour le savoir.
Mars 2021, communiqué de la Caisse de dépôt et de placement du Québec : « La CDPQ annonce un investissement de 475 M$, dans le cadre d'un placement privé de reçus de souscription dans CAE, un chef de file mondial dans les solutions de formation et de soutien opérationnel dans les domaines de l'aviation civile, de la défense et sécurité, et des soins de santé. Cet investissement permettra à CAE de procéder à l'acquisition des activités de formation et de simulation en défense de la société américaine L3Harris Technologies ».
Que fait donc CAE dans la vie ? Son siège social est à Ville St-Laurent. Sa spécialité est la conception d'appareils de simulations de vols utilisés pour l'entraînement des pilotes d'avions et d'hélicoptères militaires. Un de ses clients est l'armée israélienne. Dans quelle mesure, impossible à dire évidemment, mais la compagnie ne se gêne pas pour afficher sur son site internet les commentaires élogieux du Ministère israélien de la Défense : « La technologie de CAE assurent une préparation à chaque mission, y compris pour assurer le ravitaillement en vol, les atterrissages en poussière, la collaboration avec les navires militaires, le levage de charges utiles et les vols à basse altitude ».
Et d'où vient donc cet argent qu'investit en notre nom la Caisse de dépôt ? Il vient essentiellement de nos cotisations à des fonds de pension, au premier chef au Régime de retraites du Québec (RRQ), puis à celui des employés de l'État, (le REGOP). En faisant le calcul sur 40 ans, soit durant toute leur carrière, et y ajoutant ce qu'elles verseront aux mêmes fins d'armement israélien par le biais de cet autre investisseur qu'en est le Régime de pension du Canada, j'en viens à la conclusion qu'une travailleuse ou un travailleur du secteur public québécois, actuellement sur des lignes de piquetage, auront placé entre 2 000 $ et 4 000$ de leur argent dans cet armement, sans le savoir le moindrement ni qu'on ne leur ait demandé leur avis sur cette utilisation.
Bien sûr, diront certains, le « retour sur cet investissement » sera bon, puisqu'il faudra bien renouveler ce matériel durant les années à venir pour continuer d'occuper la Palestine durant 70 années supplémentaires au moins. Ça fait rouler l'économie, dira notre premier ministre. Il nous faudra seulement oublier que cela détruit des vies humaines en passant…
Yves Rochon, Montréal
La référence du premier document mentionné est la suivante :
https://www.economie.gouv.qc.ca/bibliotheques/economie-et-commerce/notes-sur-leconomie-et-le-commerce/asie/note-sur-leconomie-et-le-commerce-disrael
Celle du deuxième, à savoir le site de la compagnie CAE qui reprend notamment le communiqué de la Caisse de dépôt, est la suivante :
https://www.cae.com/fr/defense-et-securite/
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Au Québec, on aime ça avoir mal aux dents !

Le gouvernement libéral de Justin Trudeau a annoncé lundi que les personnes âgées auront accès, en 2024, au régime fédéral d'assurance dentaire. Le ministre responsable des Relations canadiennes, Jean-François Roberge, s'est empressé de dénoncer cette annonce arguant que « le Québec a déjà un régime de soins dentaires qui fonctionne très bien ». Ah oui ?
Émilie Laurin-Dansereau, conseillère budgétaire à l'ACEF du Nord de Montréal
La condition buccodentaire des Québécois et Québécoises est une des pires du Canada
Comment peut-il dire une telle chose alors qu'on sait que chaque année, des milliers de Québécois.e.s se privent de soins dentaires en raison du coût ? En effet, en 2016, plus du quart des Québécois.e.s se sont privés de soins dentaires faute de moyens financiers. Le Québec est d'ailleurs la province où les soins dentaires coûtent le plus cher.
Des études ont démontré que l'état de santé buccodentaire des Québécois et Québécoises, ainsi que leurs pratiques de consultation et d'adhésion à une protection via l'assurance sont moins favorables à une bonne santé buccodentaire que celles des personnes du reste du Canada. En effet, au Québec on retrouve
• plus de personnes édentées,
• plus de personnes portant des prothèses et des fausses dents,
• moins de personnes bénéficiant d'une assurance couvrant les frais dentaires,
• et moins de personnes ayant consulté sur une période de 12 mois (indépendamment du fait d'avoir ou pas une assurance).
Pourtant, une mauvaise santé buccodentaire a des impacts majeurs sur la santé globale. La bouche est la porte d'entrée vers tous les organes du corps humain. Une infection présente en bouche peut donc être transmise aux poumons, au cerveau, aux sinus, aux oreilles, à l'œsophage, à l'estomac, etc. Selon l'Ordre des dentistes du Québec, la carie et les maladies du parodonte sont au stade épidémique et constituent même une cause de mortalité chez les clientèles vulnérables.
Qu'attend le gouvernement pour agir ?
Chaque année, nous accompagnons des centaines de personnes avec leur budget. Parmi celles-ci, on retrouve un grand nombre de ménages à faible et moyen revenu pour qui l'accès aux soins dentaires est un enjeu majeur.
Dans les dernières années, les coûts des soins dentaires et les primes d'assurance ont augmenté plus vite que l'inflation. Rien n'indique qu'ils baisseront dans un avenir rapproché. Conséquence de cette situation ? Les adultes sont de plus en plus nombreux à se priver de soins dentaires. Sans surprise, les personnes à faible revenu sont les personnes qui souffrent le plus de problèmes buccodentaires et qui ont le moins accès aux soins de santé buccodentaire.
Le seul fait que des maladies systémiques puissent être causées ou reliées à des problèmes dentaires devrait forcer le gouvernement à considérer les coûts sociaux de la carie et de l'absence de mesures préventives. Quand les traitements ne sont pas effectués au moment nécessaire, les problèmes s'accentuent. C'est alors le système de santé qui devra en assumer la responsabilité.
Les intérêts du Québec ou les intérêts des Québécois.e.s ?
L'accès aux soins dentaires est le maillon faible du filet social en santé et ce, malgré qu'on sait que le manque de prévention et d'accessibilité engendre des coûts sociaux et médicaux importants. Si le gouvernement du Québec ne veut pas participer au régime fédéral, il doit de manière urgente ajouter les soins dentaires au panier de soins couverts par la RAMQ. Ce serait relativement économique si l'on tient compte de ce que ça coûte de soigner des maladies plus graves, comme les problèmes cardiaques, les ACV ou le diabète qui peuvent être causées par les maladies buccodentaires. Le mauvais état de santé buccodentaire est un problème de santé publique. Les maladies buccodentaires sont fréquentes, la morbidité est importante alors que des traitements préventifs et curatifs simples existent.
Non, le régime de soins dentaires ne fonctionne pas très bien. Suffit d'en parler aux milliers de Québécois.e.s qui ont mal aux dents pour le savoir. L'argument de la défense des champs de compétences semble n'être qu'un prétexte pour justifier l'inaction. Tous les individus devraient être égaux dans l'accès aux services de santé et ça inclut les soins buccodentaires. C'est une question de justice sociale.
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Une mauvaise décision pour la santé démocratique québécoise

Le 12 décembre 2023, Maria – La Coalition des Tables Régionales d'Organismes Communautaires (CTROC) dénonce aujourd'hui l'adoption sous bâillon du projet de loi n° 15 visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace.
Ainsi,sans tenir compte des recommandations lancées par différents acteurs et actrices de la société civile au cours des derniers mois, dont le milieu communautaire autonome, la CAQ choisit d'imposer sa réforme en laissant dans l'angle mort de nombreux questionnements.
Ce déficit démocratique s'ajoute aux ratés entourant les audiences publiques sur le PL n° 15 alors qu'un grand nombre d'organisations telles la CTROC se sont vu refuser la présentation de leur mémoire sous prétexte du manque de plages horaires disponibles. Pourtant, la mission de la CTROC consiste, entre autres, à faire l'analyse de l'organisation du réseau public de la santé et des services sociaux, ainsi que de ses impacts sur les organismes communautaires autonomes et sur la population. En outre, elle possède une perspective unique du fait qu'elle est constituée de regroupements régionaux qui, eux, représentent les organismes communautaires auprès des établissements régionaux actuels. Il est difficilement compréhensible que le ministre Dubé ait fait le choix d'ignorer ces connaissances et ces expertises mises à sa disposition.
La CTROC se joint aux dizaines de voix qui s'élèvent pour dénoncer le manque de respect de la CAQ envers les processus démocratiques dont la société québécoise s'est dotée. Elle tient également à rappeler que la réforme imposée à la population comporte des dangers liés, entre autres, à la centralisation des pouvoirs, à la disparition des structures décisionnelles dans les régions, et à l'ouverture de plus en plus grande faite à la privatisation des services. Il est actuellement difficile de prévoir quels impacts cette réforme aura sur l'autonomie des organismes communautaires, mais certains indices laissent présager des tentatives de récupération de leurs actions pour pallier les lacunes du réseau public alors qu'ils répondent d'abord et avant tout aux besoins signifiés par leur milieu.
Durant la période de transition, la CTROC suivra de près le ministre Dubé pour connaître ses intentions quant aux organismes communautaires, à leur financement à la mission qui constitue le principal moyen de garantir la préservation de leur autonomie, et aux marges de manoeuvre régionales réelles qui resteront suite à l'adoption de la réforme en santé et services sociaux.
Pour terminer, le gouvernement est fortement invité à faire appel à la CTROC, au milieu communautaire autonome, et aux acteurs et actrices de la société civile pour régler les questions et enjeux laissés en suspens à la suite de l'adoption du PL n° 15.
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Mise en demeure pour être en demeure

L'incroyable augmentation de la précarité et le recul de nos droits fondamentaux, et ce dans l'ensemble de nos régions, est un bien triste legs de la Coalition avenir Québec. Dans un esprit de saine démocratie, d'équité et de paix sociale, nous sommes d'avis que nous avons tous intérêt à régler cette situation à l'amiable. Cependant, sachez que si la situation perdure, nous demanderons que vous soyez évincé, délogé du pouvoir, et ce sans autre avis ni délai afin de rénover notre filet social.
Par courrier recommandé
Sous toutes réserves
SANS RÉSERVE
7 décembre 2023
À l'attention de :
François Legault, premier ministre du Québec
831, boulevard de l'Ange-Gardien Nord, Bureau 208
L'Assomption (Québec) J5W 1P5
France-Élaine Duranceau, ministre responsable de l'Habitation
197, rue Principale Est, Bureau 101
Sainte-Agathe-des-Monts (Québec) J8C 1K5
Mise en demeure pour être en demeure
Monsieur Legault et madame Duranceau,
La présente est pour vous mettre en demeure afin de vivre dans une demeure abordable et de qualité. Nous considérons que vous avez failli à vos responsabilités. Plusieurs citoyenNEs vivent une détresse sociale et économique sans précédent dans l'histoire récente de notre province. Avec l'explosion des demandes d'aide pour des besoins de bases et la difficulté de nombreux ménages à boucler leur fin de mois, nous sommes dans une situation se rapprochant des grandes crises économiques vécues par le passé.
Face à la crise du logement, force est de constater :
• La précarisation de l'habitation chez une pluralité de QuébécoisEs ;
• Une augmentation de 50 % de personnes en situation d'itinérance depuis 2018, au Centre-du-Québec et en Mauricie ;
• Un logement respectant notre budget, diminue l'insécurité alimentaire ;
• La santé physique et mentale des gens est affectée par la situation ;
• Les femmes sont affectées de manière importante due à une plus grande précarité
économique ;
• Les ressources pour personnes âgées ferment en grand nombre ;
• Des propriétaires abusent de leurs droits en discriminants, en augmentant indument les loyers ou en expulsant les locataires ;
• La « Vallée de la transition » exacerbant la crise du logement était prévisible. L'argent
octroyé est nettement insuffisant ;
• Les organismes communautaires manquent de ressources pour répondre à la grande
détresse sociale.
Nous exigeons des solutions durables telles que :
• Donner les moyens à l'ensemble des organismes communautaires autonomes afin
d'augmenter leur capacité d'agir. Ils offrent une approche globale et structurante afin defavoriser le maintien et la dignité des locataires ;
• Investir massivement dans l'aide au logement, dont la construction de 55 000 logements sociaux ;
• Remettre en place le programme Accès-logis et le bonifier (tel que promis par votre
gouvernement) ;
• Élargir les critères d'admissibilités de l'allocation au logement et le bonifier ;
• Établir un programme complet, pérenne et dédié uniquement au logement social ;
• Interdire les hausses de loyers abusives ;
• Empêcher les évictions pour agrandissement ou subdivision pendant la crise et instaurer une loi pour restreindre les rénovictions ;
• Mettre en place un registre des loyers obligatoires ;
• Abolir le projet de loi 31 et consulter les groupes en défense de droits afin de faire
progresser les droits et non le contraire ;
• Intervenir face aux fermetures de résidences pour personnes âgées afin de les maintenir en fonction ;
• Cesser les mesures d'austérité et les demi-mesures face à la crise sociale.
L'incroyable augmentation de la précarité et le recul de nos droits fondamentaux, et ce dans l'ensemble de nos régions, est un bien triste legs de la Coalition avenir Québec. Dans un esprit de saine démocratie, d'équité et de paix sociale, nous sommes d'avis que nous avons tous intérêt à régler cette situation à l'amiable. Cependant, sachez que si la situation perdure, nous demanderons que vous soyez évincé, délogé du pouvoir, et ce sans autre avis ni délai afin de rénover notre filet social.
VEUILLEZ VOUS GOUVERNER EN CONSÉQUENCE.
Sébastien Bois,
Porte-parole du comité régional « Engagez-vous pour le communautaire »
(Centre-du-Québec, Mauricie)
1060 Rue St François Xavier, Trois-Rivières, QC
CC Députés de la Mauricie et du Centre-du-Québec : Simon Allaire, Jean Boulet, André Lamontagne, Sonia Lebel, Éric Lefebvre, Donald Martel, Sébastien Schneeberger, Marie-Louise Tardif
À propos de la campagne nationale « Engagez-vous pour le communautaire » :
« Engagez-vous pour le communautaire » est une grande campagne nationale de
mobilisation qui unit les différents secteurs de l'action communautaire autonome de partout au Québec. Près de 4000 groupes y prennent part. Nous réclamons au gouvernement qu'il soutienne adéquatement l'action communautaire autonome (ACA) par l'augmentation de son financement et le respect de son autonomie, tout en réalisant la justice sociale, notamment en réinvestissant massivement dans les services publics et les programmes sociaux. https://engagezvousaca.org/
À propos de la campagne régionale d'Engagez-vous au Centre-du-Québec et en Mauricie :
Composé de 19 regroupements régionaux du territoire et de CDC, il vise l'adaptation,
l'organisation, la coordination et la participation des organismes communautaires de la
région aux activités liées à la campagne. Le Comité de coordination régional d' « Engagez-vous pour le communautaire » soutient la TROCCQM (Table régionale des organismes communautaires en santé et services sociaux, Centre-du-Québec, Mauricie) dans son mandat d'antenne régionale de la campagne nationale. Envoie par courrier recommandé et réception aux bureaux du premier ministre et de la ministre de l'Habitation
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« Le Premier ministre et la ministre de l’Habitation mis en demeure par le milieu communautaire »

Centre-du-Québec/Mauricie, 15 décembre 2023 – Les organismes communautaires du Centre-du-Québec et de la Mauricie mettent en demeure le premier ministre François Legault et la ministre de l'Habitation France-Élaine Duranceau. Le comité régional d'Engagez-vous pour le communautaire dénonce le laxisme du gouvernement face à la crise du logement et le manque d'appui aux organismes.
« La crise du logement menace carrément la santé physique et mentale d'une partie de la population de plus en plus nombreuse au Centre-du-Québec, en Mauricie et dans l'ensemble de la province », s'inquiète Madame Émilie Bélanger-Gagné, co-directrice à l'Association des groupes d'éducation populaire autonome au Centre-du-Québec et partenaire d'Engagez-vous.
« Pour vivre dignement chez soi, c'est plus qu'avoir un toit sur la tête. Cela implique un ensemble de facteurs structurants, dont le soutien offert par les organismes communautaires. L'augmentation des besoins sur le terrain impacte les groupes qui subissent une pression supplémentaire tant sur le plan humain que financier » constate Madame Amélie Dubuc, directrice générale de la Corporation de développement communautaire de Trois-Rivières et partenaire d'Engagez-vous.
« L'actuel gouvernement semble totalement décroché de la réalité des Québécois et des Québécoises. L'incroyable augmentation de la précarité des jeunes aux aînés, et le recul de nos droits fondamentaux, dont le droit au logement, est un bien triste legs que nous préparela Coalition avenir Québec », renchérit Monsieur Philippe Kubisiac, représentant des Maisons de jeunes au Centre-Du-Québec et partenaire d'Engagez-vous.
« Notre gouvernement doit cesser son discours d'austérité et les demi-mesures face à la crise sociale présente. Il est responsable de défendre nos droits et d'assurer à l'ensemble de la population un minimum pour vivre dignement. En ce sens, nous exigeons des actions rapides et structurantes de sa part », conclut Monsieur Sébastien Bois, porte-parole de la campagne régionale Engagez-vous pour le communautaire, au Centre-du-Québec et en Mauricie.
À propos d' « Engagez-vous pour le communautaire »
« Engagez-vous pour le communautaire » est une grande campagne nationale de
mobilisation qui unit les différents secteurs de l'action communautaire autonome de partout au Québec. Près de 4000 groupes y prennent part. Nous réclamons au gouvernement qu'il soutienne adéquatement l'action communautaire autonome (ACA) par l'augmentation de son financement et le respect de son autonomie. Nous réclamons davantage de justice sociale, notamment par des investissements massifs dans les services publics et les programmes sociaux. https://engagezvousaca.org/
À propos du comité régional au Centre-du-Québec et en Mauricie
Le Comité de coordination régional d' « Engagez-vous pour le communautaire » soutient la TROCCQM (Table des regroupements des organismes communautaires en santé et services sociaux, Centre-du-Québec, Mauricie) dans son mandat d'antenne régionale de la campagne nationale.
Composé de 19 regroupements régionaux du territoire et de CDC, il vise l'adaptation,
l'organisation, la coordination et la participation des organismes communautaires de la
région aux atteintes des objectifs de financement, de respect de notre autonomie et de
justice sociale.
Les partenaires régionaux sont :
Association des groupes d'éducation populaire autonome Centre-du-Québec
Corporation de développement communautaire Bécancour
Corporation de développement communautaire Bois-Francs
Corporation de développement communautaire Des Chenaux
Corporation de développement communautaire Drummond
Corporation de développement communautaire de l'Érable
Corporation de développement communautaire Haut St-Maurice
Corporation de développement communautaire Maskinongé
Corporation de développement communautaire Mékinac
Corporation de développement communautaire Nicolet-Yamaska
Corporation de développement communautaire Shawinigan
Centre de formation communautaire de la Mauricie
Regroupement des Maisons des jeunes Centre-du-Québec
Regroupement des Maisons des jeunes Mauricie
Regroupement des organismes d'éducation populaire autonome Mauricie
Regroupement d'organismes de personnes handicapées Centre-du-Québec
Regroupement d'organismes de promotion pour personnes handicapées Mauricie
Table de concertation du mouvement des femmes Mauricie
Table des regroupements des organismes communautaires en santé et services sociaux Centre-du-Québec
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Lancement de la Plateforme gauche media

La plateforme gauche media https://gauche.media a été officiellement lancée le 8 décembre dernier au Bar Brouhaha dans le quartier Rosemont.
photos et articles André Frappier
Une bonne trentaine de personnes représentantes y assistaient dont celles représentant les médias membres soit : Archives Révolutionnaires, Journal des Alternatives, Journal le Mouton Noir, L'Étoile du Nord – La perspective du peuple, Liberté Ouvrière, Nouveaux Cahiers du socialisme, Presse-toi à gauche !, Revue À bâbord !, Revue Caminando, Revue Droits et libertés, Revue Possibles, Revue Relations
Gauche.media est un fil en continu des publications paraissant sur les sites des médias membres du Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG). Le Regroupement rassemble des publications écrites, imprimées ou numériques, qui partagent une même sensibilité politique progressiste. Il vise à encourager les contacts entre les médias de gauche en offrant un lieu de discussion, de partage et de mise en commun de nos pratiques.
La création de cette plateforme est le fruit d'un travail qui a duré plus de deux ans sous l'initiative de plusieurs personnes dont notre regretté camarade Pierre Beaudet. Ce regroupement des médias de gauche arrive à point nommé dans une situation où on aura besoin d'analyses, de reportages et de débats dans la gauche afin de permettre de mieux comprendre la réalité politique et ainsi dresser des perspectives alternatives.
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COP 28 : fourberies à Dubai

« Que diable allait-il faire dans cette galère ? ». C'est cette réplique de Molière qui me vient à l'esprit en voyant le spectacle burlesque où la Première ministre de l'Alberta, Mme Danielle Smith, avec une importante délégation financée par les contribuables albertains, va à la COP 28 pour défendre agressivement la production du sale pétrole de sa province.[1]
Il en va de même pour une délégation de la Saskatchewan. Je dois être naïf. Je croyais qu'une COP était une réunion annuelle où toutes les nations et tous les intervenants tentaient de trouver une solution à notre surconsommation d'énergies fossiles, responsable des changements climatiques.
Avouons que cette 28e conférence est très controversée. Tenir une conférence, dont l'objectif est de réduire la consommation de pétrole, dans les Émirats Arabes Unis (EAU), un des grands producteurs de pétrole, sous la présidence du Sultan Al Jaber, est un tour de force qui donne le tournis. En effet, M. le Sultan est également le président de l'ADNOC, la 12e plus grande compagnie pétrolière au monde.[2] De plus, quelque 2 400 lobbyistes et représentants de l'industrie pétrolière sont présents dans les kiosques de cette conférence et tentent de minimiser tout projet qui oserait réduire l'utilisation du pétrole et du gaz.[3] Peut-on s'étonner que l'ex-cheffe de l'ONU climat, Mme Christina Figueres, fustige ces représentants qui, minimalement, donnent l'impression d'être en conflit d'intérêts ? [4]
De Dubai, notre ministre de l'environnement, M. Guilbeault, propose que le Canada réduise ses émissions de carbone.[5] L'industrie pétrolière canadienne fait une crise de nerfs enfantine. De Dubai, Mme Smith qualifie M. Guilbault « d'extrémiste et de menace qui refuse de collaborer avec sa province. »[6] Pour sa part, l'Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP) se plaint amèrement que cette annonce n'est pas une limite aux émissions de carbone, mais plutôt « une limite de facto à la production » de pétrole.[7] Dans leur réaction épidermique à la mesure timide de M. Guilbeault, les richissimes producteurs pétroliers des sables bitumineux albertains négligent de dire que ces émissions sont calculées SEULEMENT sur la production en sol canadien et qu'en réalité les émissions de ce pétrole compteront dans le bilan du pays importateur lorsque celles-ci sortiront du tuyau d'échappement d'une voiture de ce pays ! En d'autres mots, ces enfants-rois hurlent leur indignation si le Canada ose imposer la moindre restriction à leurs privilèges de générer des profits illimités et à leur « droit » de polluer la planète.
Comme les conférences précédentes, la COP 28 est censée rechercher un modus-operandi pour réduire notre surconsommation d'énergies fossiles, responsable des dérèglements climatiques que nous avons subis de plein fouet cette année. Malgré ce noble objectif, cette conférence est présidée par un promoteur pétrolier de grande envergure ; à cela s'ajoutent près de 2 400 lobbyistes de l'industrie sans oublier les gouvernements provinciaux de l'Alberta et de la Saskatchewan qui surveillent étroitement leurs intérêts financiers et qui nient obstinément que leurs activités soient un prélude à la 6e grande extinction des espèces. Même s'il faut un consensus entre les pays, l'OPEC (Organisation des pays exportateurs de pétrole) s'oppose à l'idée de mettre progressivement fin à l'exploitation du pétrole.[8] Même le Sultan Al Jaber fait l'objet d'allégations qu'il aurait profité de la COP pour conclure des ententes pétrolières.[9]
Par rapport aux constats du GIEC, est-ce-ce que la diplomatie internationale pourrait faire des avancées dans la bonne direction ? Il faudrait un miracle car cela ressemble à un théâtre dénaturé où tous les mauvais acteurs ont les premiers rôles. Avec toutes ces fourberies, cette COP 28 semble correspondre à la 2e définition du verbe prostituer : « avilir par intérêt » ?
Gérard Montpetit
membre du CCCPEM (Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l'environnement maskoutain)
le 9 décembre 2023
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2] https://en.wikipedia.org/wiki/Abu_Dhabi_National_Oil_Company

Journée internationale des migrant-e-s : *Les sans papiers de Montréal se joignent aux actions partout au Canada et dans le monde*

Solidarité sans frontières et le Centre de travailleurs immigrants accueillent l'engagement du ministre Miller pour un programme de régularisation vaste et complet et réclament la fin des déportations et des détentions
*Rasemblement 'Speak-Out' des personnes sans papiers et avec un statut d'immigration précaire*
*lundi le 18 décembre 2023 à 10h30bureaux de Justin Trudeau au 1100, boul.
Crémazie est, Montréal*
Autres actions au Canada
<https://migrantrights.ca/migrant-ri...>
Autres pays
Des personnes sans papiers et avec un statut d'immigration précaire de Montréal remettront des lettres personnelles au Premier ministre Trudeau lors de la journée internationale des migrant·e·s, deux ans après la promesse initiale de programme de régularisation, et quelques jours après que le ministre d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Marc Miller, ait publiquement promis de proposer au Cabinet, au printemps 2024, un
programme de régularisation vaste et complet. Solidarité sans frontières et le Centre de travailleurs et travailleuses immigrants demandent la mise en oeuvre urgente d'un programme qui accorderait le statut de résident permanent à toutes les personnes sans-papiers au Canada, y compris les réfugié-e-s refusé-e-s, les étudiant·e·s étranger·ère·s, et les travailleur·euse·s , sans exclusion, et la fin immédiate des déportations et des détentions.
Au rassemblement de Montréal, les personnes sans papiers et avec un statut d'immigration précaire liront leurs lettres, attirant l'attention sur la pauvreté, la peur, l'exploitation et l'exclusion vécues par près de deux millions de migrant·e·s au pays à qui l'on a refusé le statut de résident permanent. Le rassemblement de Montréal est coordonné avec des actions à Fredericton, Toronto, St Catharines, Welland et Vancouver, ainsi que l'Argentine, l'Espagne, les États unis, la France, et l'Angleterre.
*Contexte*
Migrant Rights Network (qui inclut le Centre de travailleurs et travailleuses immigrants et Solidarité sans frontières) propose un programme exhaustif et sans plafond de régularisation - qui octroierait la résidence permanente sans exclusion
<https://drive.google.com/file/d/1pg...>
.
Plus de cinq cent organisations de la société civile, de travailleur·euse·s et environnementales - en collaboration avec des organisations dirigées par des migrant·e·s - militent pour un statut complet et permanent pour tous·toutes les migrant·e·s et la l'octroi du statut de résident permanent pour les arrivées futures. Près de 36 000 personnes ont envoyé des messages au Cabinet pour soutenir l'octroi d'un statut de résident permanent pour
tous et toutes : http://www.StatusforAll.ca.
Malgré ce soutien massif, le premier ministre a supervisé près de 21 000 déportations depuis son engagement vers la régularisation le 16 décembre 2021. Les déportations doivent cesser immédiatement pour assurer la cohérence avec l'annonce du ministre Miller qu'un programme de régularisation est à venir.
Des migrant·e·s prennent soin des aînés et des enfants, travaillent en usines, font fonctionner nos hôpitaux, cultivent notre nourriture et bâtissent nos maisons, mais ils·elles sont privé·e·s des mêmes droits que la plupart des gens au Canada tiennent pour acquis parce qu'on leur a refusé le statut de résident permanent.
La résidence permanente pour tous·toutes ajouterait des milliards de dollars aux fonds publics par années à travers la contribution d'employeurs qui ne paient pas d'impôts ni taxes lorsqu'ils engagent des personnes sans-papiers. Elle améliorerait les résultats en matière de santé pour des centaines de milliers de personnes qui pourraient accéder à des soins de
santé primaires et qui ne se retrouveraient pas dans les salles d'urgence.
Elle mettrait fin à la pression à la baisse sur les salaires et les conditions de travail causée par l'exploitation de personnes migrantes par les employeurs. Elle permettrait aux migrant·e·s de s'enraciner, de participer pleinement à la société et de gagner de la mobilité au travail pour répondre aux besoins en matière d'emploi au sein d'industries et de
régions qui en ont besoin.
*Extraits des lettres des personnes sans papiers et avec un statut d'immigration précaire
<https://drive.google.com/file/d/1o1...>
demandant l'octroi du statut de résident permanent pour tous et toutes*
« Je serai plus heureux si mes parents avaient leur statut. C'est Noël : le
temps de donner. »
« Sans la carte de résident permanent, j'ai peur de tomber malade parce que
je n'ai pas d'assurance-maladie. »
« Notre vie a pris fin lorsque nous avons perdu notre statut, nous vous
demandons de nous écouter, de nous donner le statut pour que nous puissions
vivre comme tout le monde. »
« Tout le monde voyage pour les fêtes pour profiter du temps en famille et
avec leurs êtres chers, mais il y a plusieurs immigrants au Canada qui
n'ont pas le statut de résident permanent et qui manqueront ce temps avec
leurs familles. »
« C'est beaucoup de stress à endurer. La dépression est un sentiment
horrible à travers lequel les gens passent. Je suis ici depuis cinq ans,
j'ai quitté ma famille, mes enfants. J'essaie de rester positif. Passer à
travers est très difficile. »
*Source :*
Solidarité sans frontières <https://www.solidarityacrossborders...> et
le Centre de travailleurs et travailleuses immigrants
<https://iwc-cti.ca/fr/>
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Signes prometteurs de paix

Annoncés surtout par des femmes, des signes prometteurs de paix à l'international se dessinent, imperceptibles car soigneusement dissimulés par les médias qui à part le Monde Diplomatique et Pressenza se régalent des conflits et ne savent que faire des avancées de paix : pour eux, quelle platitude !
Par Pierre Jasmin, secrétaire général des Artistes pour la Paix, 17 décembre
Quatre déclarations de la semaine écoulée les contredisent :
1- De retour de la COP28 à Dubai, Tamara Lorinczi universitaire, membre du collectif Voix des Femmesii, nous fait part des jeux de coulisses de cet événement salué avec raison par le ministre de l'Environnement Steven Guilbeault comme un tournant historique, dont il a remercié la présidence émiratie. Aspergé d'insultes par la Première ministre de l'Alberta Michelle Smith (premier prix fossile accordé par une COP à une entité autre qu'un pays), il a été félicité par l'ex-ministre Catherine McKenna, pourtant très critique du pétrole des sables bitumineux favorisé par le pipeline libéral ruineux.
200 pays participant à ce sommet des Nations unies sur le climat ont conclu l'accord final avec la nécessité pour les systèmes énergétiques de s'acheminer vers une transition loin des combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz). Sa première version, omettant cette conclusion détestée par les centaines de lobbyistes pétroliers actifs à la COP28 dont de riches Canadiens et Saoudiens, a heureusement été déclarée inacceptable par un représentant des Nations insulaires du Pacifique, qui a fait pencher la balance, lorsqu'il a gémi : « ce n'est pas vrai que j'ai fait tout ce trajet vers Dubaï pour y signer notre arrêt de mort ! » Son cri a résonné dans le monde entier, comme celui d'Einstein-Russell à l'origine de Pugwash : « Souvenez-vous de votre humanité et oubliez tout le reste » (voir 4e partie).
Faisant part à Tamara de mon optimisme face à la COP30 du Brésil et de mon pessimisme face à la COP29 de l'Azerbaïdjan à l'économie très dépendante de ressources fossiles, qui plus est hostile à l'Arménie avec l'annexion militaire récente du Nagorno-Karabakh, elle m'a communiqué, selon ses sources de Dubaï, un revirement politique inattendu, favorisé par la Russie et la Turquie : le pays musulman s'apprêterait à partager avec l'Arménie l'accueil aux délégués 2029 ! Cette nouvelle nous console des annonces d'équipements militaires pour l'OTAN envoyés en Europe de l'Est par le balourd ministre de la Défense nationale, Bill Blair, vendredi le 15 décembre.
2- La déclaration saisissante de la ministre Mélanie Joly augure-t-elle un changement de cap majeur du Canada depuis Paul Martin, succédant en 2003 à un Jean Chrétien évincé pour n'avoir pas suivi Blair et Bush dans l'invasion meurtrière de l'Irak ? Elle a voté avec 153 pays pour un cessez-le-feu entre le Hamas et Nétanyahou, réclamé par le Secrétaire général des Nations-Unies Antonio Guterres, bloqué au Conseil de Sécurité par le veto unique des États-Unis. Biden persiste avec 9 autres pays seulement à soutenir Nétanyahou, tenant toutefois à blâmer Tsahal (verbalement : les fournitures d'armes continuent !) pour ses massacres de populations civiles palestiniennes.
Nos éditorialistes sont déconcertés, après deux mois de nos déclarations censurées par les médias canadiens vu notre usage du mot cessez-le-feu, toujours verboten pour l'Ukraine. Au moins 268 organisations de la société civile canadienne avaient pourtant signé une déclaration commune appelant à un cessez-le-feu que la pétition parlementaire électronique d'Alexandre Boulerice avait endossé en recueillant près de 300 000 signatures, la plus populaire de l'histoire du Parlement (et après, les médias s'interrogent sur le pourquoi des faked news, quand ils persistent à crypter ces faits et vérités).
Les Artistes pour la Paix remercient la ministre Joly dont la demande de cessez-le-feu est soutenue par le Bloc Québécois, le NPD et le Parti Vert, pendant que le parti conservateur de Pierre Poilièvre se gratte encore la tête. Notre déception la plus grande provient de la CAQ, qui, comme nous l'apprend, en enterrant la nouvelle en page B6, Le Devoir du 17 décembre, n'appuie pas la demande de la ministre Joly, jugée prématurée par la Ministre des Relations internationales Martine Biron ; issue des médias (donc typiquement conservatrice et guerrière ?), la ministre caquiste insistait encore vendredi pour que les otages soient tous libérés AVANT tout cessez-le-feu : espérons qu'elle a changé d'idée depuis que Tsahal a massacré trois de ses concitoyens-otages, pourtant porteurs d'un drapeau blanc ! Heureusement, le Parti Québécois et Québec Solidaire ont sauvé l'honneur du Québec, la députée d'origine palestinienne Ruba Ghazal déclarant : « Je suis tellement choquée. La CAQ brise la tradition pacifiste du Québec qui historiquement a toujours été du côté de la paix. La majorité des Québécois sont pour un cessez-le-feu. »
3- Merci à Heidi Rathjen et Nathalie Provost, de Polysesouvient, pour l'adoption par le Sénat du projet de loi C-21. Les Artistes pour la Paix ont dès 1990 aidé le travail accompli par ces survivantes du féminicide de l'École Polytechnique, en particulier au Sénat en 1994-5 lorsque Jean-Louis Roux avait converti le sénateur leader progressiste-conservateur et juriste Gérald Beaudoin aux bienfaits d'une loi contrant l'influence néfaste de la National Rifle Association des États-Unis. Cette semaine, c'est avec vous que « nous célébrons l'adoption finale des mesures législatives suivantes :
1) Un gel de l'achat de nouvelles armes de poing.
2) L'obligation de présenter un permis de possession d'armes pour acheter des chargeurs.
3) Plusieurs mesures visant à lutter contre la contrebande et les armes fantômes.
4) La prohibition automatique de posséder des armes à feu pour toute personne qui fait l'objet d'une ordonnance de protection.
5) L'obligation pour un contrôleur des armes à feu (CAF) de révoquer le permis d'un individu dans les 24 heures lorsque le contrôleur a des motifs raisonnables de soupçonner que celui-ci a participé à un acte de violence familiale ou d'harcèlement criminel.
6) Une définition élargie de la « violence familiale » de manière à inclure violence conjugale et familiale, dont les formes non physiques comme le contrôle coercitif et les menaces de suicide...
Dans l'ensemble, il s'agit d'une victoire concrète et solide en matière de sécurité publique et d'une démonstration qu'il est possible de vaincre le lobby des armes. »
4- 69 États du monde, c'est-à-dire tous les membres ayant signé et ratifié à ce jour le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN - TPNW), qui font aussi tous partie du vieux Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), viennent de déclarer publiquement que les États-Unis, la Fédération de Russie, la Chine, la France et le Royaume-Uni manquent à leurs obligations juridiques en vertu du TNP. Ce consensus extraordinaire et sans précédent a été exprimé dans la déclaration de la deuxième réunion des États parties au TIAN, tenue aux Nations Unies à New York du 27 novembre au 1er décembre 2023. L'article VI du TNP définissant les obligations des États dotés d'armes nucléaires de poursuivre le désarmement de bonne foi, « le comportement des États armés de bombes nucléaires représente incontestablement un manquement à leurs obligations juridiquement contraignantes en vertu de cet article VI, car aucun des États dotés d'armes nucléaires n'a réalisé de progrès conformément à leur engagement sans équivoque de parvenir à l'élimination de leurs armes nucléaires ». Cette déclaration juridiquement fondée sur les documents historiques du TNP ne concerne hélas pas Israël, ni le Pakistan, ni l'Inde, ni la Corée du Nord, qui se sont autoexclus du TNP.
Cesar Jaramillo de Project Ploughshares et membre de Pugwash Canada qui nous a communiqué cette nouvelle, conclut : « Les experts juridiques, les décideurs politiques et les diplomates doivent s'engager dans des discussions approfondies pour façonner une architecture juridique plus efficace, mettre à jour les dispositions des traités, renforcer les mécanismes de conformité et s'adapter aux réalités géopolitiques en évolution. Il est désormais temps de s'engager dans une réflexion visionnaire pour développer des approches innovantes qui transcendent les obstacles historiques et ouvrent la voie à des progrès significatifs. Il est impératif que la communauté internationale réponde par une action décisive et concertée. La responsabilité partagée d'assurer un monde sans armes nucléaires repose sur les efforts collaboratifs des États, des organisations internationales et de la société civile pour tirer parti de cette situation et réaliser des progrès démontrables vers l'abolition complète du nucléaire. » www.ploughshares.ca
Un des plus grands obstacles à l'abolition des armes nucléaires est le jeu mortel de nos banques canadiennes qui continuera tant que le Canada n'endossera pas le TIAN. Le site de l'ONG PAX www.don'tbankonthebomb.com, animé par la tenace et toujours fiable Suzi Snyder, nous informe que sur deux ans, 748 milliards en U.S.$ accordés par 325 banques mondiales ont financé l'industrie principalement américaine des bombes nucléaires (chiffres de 2021). Nos banques canadiennes ont largement contribué : Power Corporation, Royal Bank, SCOTIA, Sunlife et Toronto Dominion, principalement.
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Enquête québécoise sur la violence commise par des partenaires intimes : un regards critique sur les résultats

Montréal, le 14 décembre 2023 – Aujourd'hui, plusieurs associations provinciales et chercheures universitaires oeuvrant en matière de violences envers les femmes, émettent des réserves quant aux résultats de la première édition de l'Enquête québécoise sur la violence commise par des partenaires intimes menée en 2021-2022. Alors que l'importance de dresser un portrait en vue de mieux comprendre la violence conjugale (1) est indéniable, nous remettons en question la capacité de cette enquête à saisir pleinement sa complexité.
D'emblée, il nous est important de souligner que cette enquête n'est pas une étude sur la violence conjugale, qui constitue « un moyen choisi pour dominer l'autre personne et affirmer son pouvoir sur elle », telle que définie par le Gouvernement du Québec dès 1995 (2).
En effet, les résultats de l'étude ne distinguent pas la violence exercée dans le but de dominer l'autre (la violence conjugale) des autres types de violences en contexte de relations intimes, comme la violence situationnelle ou la résistance violente. Selon le rapport, le fait de subir deux actes de violence physique au cours de sa vie, sans considérer le contexte, qualifie une personne comme victime de violence entre partenaires intimes (VPI). En considérant des occurrences isolées d'actes de violence, sans évaluer les motivations, la dynamique de pouvoir et leurs conséquences, l'enquête ne parvient pas à saisir la véritable nature de la violence conjugale, sa complexité et ses subtilités. Le rapport indique d'ailleurs lui-même qu'il n'est tout simplement pas possible d'affirmer hors de tout doute qu'il s'agit de violence entre partenaires intimes dans ses résultats.
La façon dont a été intégrée la notion de contrôle coercitif dans l'enquête est également questionnée, car elle ne parvient pas à mettre en lumière un schéma de comportements, souvent invisible et insidieux, mais essentiel pour comprendre la privation de libertés, la microrégulation du quotidien et le climat de terreur permanent, au-delà des actes.
En comptabilisant des actes de violence situationnelle ou de résistance au même titre que des actes de violence conjugale, l'enquête crée une confusion et renforce la thèse de la symétrie de la violence entre les hommes et les femmes. Les gestes de l'agresseur et ceux d'une victime qui se défend dans un contexte de violence conjugale sont comptabilisés sans distinction. Nous exprimons nos inquiétudes quant à l'utilisation de ces statistiques, craignant qu'elles ne minimisent la réalité de la violence conjugale, qui appelle des interventions et des moyens adaptés pour la combattre. Une mauvaise utilisation de celles-ci pourrait mettre en danger la sécurité des femmes violentées et de leurs enfants.
En conclusion, le RMFVVC, la FMHF, l'Alliance MH2, L'R des centres de femmes ainsi que SAS-Femmes appellent le Secrétariat à la condition féminine à demander à l'ISQ des changements dans la méthodologie, pour les enquêtes ultérieures, afin de se doter d'instruments de mesure plus sensibles pour capter la violence conjugale dans sa complexité. Les signataires appellent également à une collaboration plus étroite avec les groupes experts pour garantir une compréhension exhaustive de la violence conjugale au Québec afin de dresser un portrait plus juste.
Notes
(1) Dans l'enquête, le concept de « violence entre partenaires intimes » est utilisé de façon équivalente à « violence conjugale ».
(2) Gouvernement du Québec (1995). Politique d'intervention en matière de violence conjugale : prévenir, dépister, contrer la violence conjugale, [En ligne], Québec, Gouvernement du Québec, 78 p. [https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2000/00-807/95-842.pdf]
Source
Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale (RMFVVC)
Fédération des maisons d'hébergement pour femmes (FMHF)
L'Alliance des maisons d'hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale (Alliance MH2)
L'R des centres de femmes du Québec
Marie-Marthe Cousineau, pour SAS-Femmes, Collectif de recherches et d'actions pour la sécurité, l'autonomie et la santé de toutes les femmes
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Entrevue avec des membres du personnel de l’École Louis-Joseph-Papineau

Cette entrevue a été réalisée avec des membres du personnel enseignant de l'École Louis-Joseph Papineau sur la ligne de piquetage un froid matin de décembre. Cet entretien permet de porter un éclairage sur les raisons qui les motivent à mener ce combat, qui somme toute visent l'amélioration des conditions d'enseignement et de soutien, mais aussi, fondamentalement, l'encadrement des élèves selon leurs besoins afin de leur assurer une chance de réussir et de trouver leur place dans la société.
Leurs témoignages dépassent de loin ce qu'on peut habituellement voir dans un conflit de travail. Selon leur témoignage, plusieurs enseignants et enseignantes d'écoles privées se demandent comment ceux qui œuvrent au public font pour persister à faire ce travail. D'ailleurs, les statistiques le démontrent : 50 % des nouvelles personnes enseignantes quittent la profession dans les cinq premières années.
La recomposition des classes compte sans nul doute parmi les plus importantes questions à régler dans les demandes syndicales. Cela signifie en fait mieux classer les élèves selon leur niveau et leurs aptitudes. Voici les commentaires que nous avons recueillis.
« Dans le feedback que le gouvernement donne, j'ai l'impression qu'il parle plus de soutien à la classe. Il ne parle pas de revoir forcément la composition des classes. Mais moi, je trouve qu'on fait pire parce que nos jeunes, ils n'ont pas trop de repères. Dans le fond, ils sont à l'école, mais ils ne fonctionnent pas dans les groupes où on les a mis. Ils vont réussir pareil, on ne les fait pas échouer. Un jeune qui échoue son secondaire I, puis je parle d'échouer vraiment dans plusieurs matières, il s'en va quand même en secondaire II. »
« La première chose c'est ça, il (l'élève) n'écoute pas en classe, il n'est pas capable de faire ses travaux puis il fournit peu d'efforts, mais quand tu creuses derrière ça bien tu te rends bien compte qu'il ne comprend pas, il est complètement dépassé par ce qui se passe et donc il n'a pas envie d'aller se mettre dans cette situation où il va se sentir complètement incompétent en classe. Par conséquent, il est systématiquement en retard, se promène dans l'école, fait toutes les autres choses qu'il peut faire plutôt que d'aller en classe, parce que pour lui il n'y a aucune raison d'y aller. Ça ne lui sert vraiment à rien, il n'est pas à la bonne place, mais on l'a mis là en disant, t'es capable, tu vas être avec tes amis. »
« Il faudrait remettre en place les classes de cheminement particulier, qui ont été coupées. Ils ont tout intégré ou réglé parce que le cheminement, il faut savoir que ça coûte plus cher que le régulier. Il y a moins d'élèves, nos jeunes avaient de l'encadrement, il y avait beaucoup plus d'intervenants par groupe d'élèves. Ça, c'était un bel avantage du cheminement, et on avait une équipe super solide. »
« C'est comme si on était davantage un service qu'on a à vendre plutôt qu'un service public. C'est une approche vraiment clientéliste. Moi, je me suis fait dire c'est terminé, le dénombrement flottant (suivis et ateliers en petits groupes d'élèves ciblés), il faut qu'il y ait du volume (il faut toucher plus d'élèves). Mais considérant la persistance des difficultés des jeunes, il faut beaucoup plus de temps, on le sait, mais ce n'est pas grave, il faut du volume. On a cinquante pour cent des jeunes en difficulté, ils ont des notes en bas de cinquante pour cent. On n'a aucun service à leur offrir. L'école publique ne peut pas offrir de services à cinquante pour cent des jeunes en difficulté, ils sont trop en difficulté. »
« Socialement, une telle situation c'est très sérieux, surtout que le gouvernement ne s'en préoccupe pas. Pour lui, c'est une affaire d'opinion publique, tous nos élèves doivent avoir un secondaire 5. C'est une vision qui n'est pas réaliste, ce n'est pas vrai que tous les élèves sont capables d'aller chercher un secondaire 5. Il y a quand même cette nouvelle vision de, on va faire une diplomation à tout le monde. Là, ils ont comme réalisé que le secondaire 5 n'était pas réalisable. Alors leur objectif, c'est que tous les élèves aient quelque forme de diplomation à la fin de leur parcours secondaire, que ce soit DEP ou autre chose. Mais encore là, on ne fait pas le travail de bien classer les élèves à la bonne place. Il y en a bien trop qui sont au régulier et qui auraient besoin d'autres options, d'autres cheminements. Alors bon courage aux enseignants et enseignantes qui sont là, qui enseignent et prennent soin d'élèves avec des grandes difficultés de comportement ».
Cela fait donc porter une grande pression sur le personnel enseignant ?
« Pour ma part, moi, cette annonce indiquait qu'on allait les classer par âge. Ça veut dire que je peux me retrouver avec des enfants qui avaient une troisième année dans ma classe de secondaire I, la direction a dit oui, mais vous allez faire de la différenciation (enseignement et activités différenciés, adaptés aux différents besoins et intérêts des élèves). On n'avait jamais entendu parler de ça, l'adaptation dans les évaluations. C'est comme du service à la carte pour chaque élève, tous les élèves de la classe ont un plan d'intervention, ce n'est pas possible. »
Un prof reprend l'analogie présentée dans un article de La Presse qui illustre bien cette réalité.
« Tu es prof de ski alpin, tu as dix élèves devant toi, t'en as un qui peut aller faire des bosses, l'autre qui fait des sauts dans le snowpark, un qui n'est pas capable de faire son chasse-neige, un autre qui n'est pas capable d'attacher ses bottes. Il y en a un qui tombe du chairlift quand il arrive en haut. Ça c'est ton groupe. Là il faut que tu fasses de l'enseignement différencié pour chacun d'entre eux, c'est un beau principe, mais ça ne fonctionne pas ».
Cela fait en sorte que l'école publique est dévalorisée et que les parents qui le peuvent vont favoriser l'école privée, comme l'explique un des grévistes.
« L'école publique a déjà perdu la course contre l'école privée. C'est vrai que l'encadrement est meilleur et que le jeune a beaucoup plus de chances d'avoir un cheminement scolaire réussi au privé qu'au public. Les parents en savent suffisamment pour choisir le privé s'ils le peuvent. »
Parce que dans le fond, il n'y a pas une intention du gouvernement d'améliorer l'école publique ?
« Il y a la loi de l'offre et de la demande. Ici les parents ont accès (au privé) parce qu'il y a beaucoup de subventions, tandis que partout ailleurs au Canada les subventions aux écoles privées sont minimes, c'est là qu'on voit la différence. Aujourd'hui, les maisons sont presque aussi chères au Québec qu'en Ontario. Si on regarde les prix, l'inflation fait que l'économie du Québec est rendue presque égale à celle de l'Ontario, mais les salaires y sont beaucoup plus élevés.
Le gouvernement ontarien peut mettre plus d'argent public parce qu'il n'a pas besoin d'en donner au privé. Au Québec, le gouvernement prétend qu'on n'a pas d'argent à mettre en éducation publique, mais il subventionne le privé à plus de 60 %. Tu envoies à l'école publique, mais tu payes des taxes au gouvernement afin de réduire les coûts des enfants qui fréquentent l'école privée, ça ne marche pas. Ça crée deux systèmes où le privé accapare les meilleures ressources.
La conséquence de cette situation est que ça devient plus intéressant d'aller travailler au privé qui offre de meilleures conditions, pendant que nous, on en cherche des techniciennes en éducation spécialisée et des surveillants d'élèves. Ils vont préférer aller là où les conditions et les relations avec les élèves sont plus intéressantes. Moi, je pense que c'est ça l'essentiel du problème, c'est la même chose en santé.
On a beaucoup de pression de garder les élèves en classe à tout prix, on se demande quel est le meilleur fonctionnement, est-ce qu'on doit donner des devoirs ? Est-ce qu'on doit compter les retards parce que ça devient une gestion impossible ? C'est fou, c'est trop compliqué. »
Une autre enseignante s'exprime dans le même sens
« Je peux dealer avec, ce n'est pas un problème. Ce qui me brise le cœur, c'est que je n'ai pas le temps de donner toute l'énergie, puis les efforts que je voudrais aux élèves qui sont inclus dans des classes régulières, car en réalité, il leur faut des classes spécialisées.
Il y a cinq ans, on nous parlait d'intégration, on va intégrer les élèves. On va fermer des classes d'adaptation scolaire, on va les intégrer au régulier. Les élèves du régulier vont les niveler vers le haut. On parlait d'inclusion, ils ont le droit d'être inclus. Ces jeunes-là, on ne veut pas les stigmatiser, mais l'intégration a juste été un prétexte pour moins financer les élèves en difficulté, parce que ça paraît bien au départ comme idée.
Mais c'est toujours sur les épaules du prof. C'est toujours le prof qui va adapter son enseignement, il va trouver des projets plus stimulants, des stratégies. C'est toujours plus de planification, plus d'adaptation. Je ne suis pas là depuis longtemps, mais on dirait que chaque changement qui survient dans le monde de l'éducation, ça rajoute toujours quelque chose à la tâche des profs.
Avec le projet de loi 23 qui vient dans un très mauvais timing d'être voté à l'Assemblée nationale, on vient en ajouter encore un peu plus sur le rôle des enseignants, la réussite des élèves dans un contexte où on est moins encadrés pour les aider, dans un contexte de démotivation scolaire. À un moment donné il y a une limite, je veux dire même moi en tant qu'adulte, si tu me forces à rester dans un endroit où je ne vis que des échecs, je vais être démotivée.
Ça va faire des jeunes qui vont arriver sur le marché du travail de deux façons, soit en se disant je suis totalement immunisé parce que peu importe les gestes que je fais, je vais gravir les échelons, ou ces jeunes n'oseront plus rien faire de peur de vivre constamment des échecs. »
Il ressort de ces entretiens qu'au-delà de la question salariale, de multiples autres enjeux doivent être abordés de front pour assurer la réussite des élèves. D'une part, oui il faut mieux classer les élèves et revaloriser le cheminement particulier. Ensuite, il faut aussi revaloriser la profession enseignante et toutes les autres professions si utiles au bon fonctionnement d'une école (technicienne en éducation spécialisée, orthopédagogue, psychologue, psychoéducateur, orthophonistes, surveillants d'élèves, technicien en loisir). Cela passe par le salaire, mais aussi par l'instauration de conditions de travail décentes. Si on voulait aller plus loin, on pourrait même envisager le définancement du réseau privé. Il est vrai que celui-ci est une aubaine pour le gouvernement, car le coût de la scolarisation des jeunes qui passent par là est moindre pour lui. Or, comme il a été dit, ces écoles bénéficient de plus de ressources, mais leurs élèves sélectionnés à coup de tests et d'entrevues, soutenus par leurs parents, sont aussi plus compétents, connaissants et motivés. Ces écoles sont donc des milieux où l'élève a beaucoup plus de chance de réussir, où il y a du nivellement vers le haut. Abolir les subventions au privé permettrait de rapatrier toutes ces ressources au public afin d'offrir plus équitablement des services dont les élèves en grande difficulté et les écoles publiques ont tant besoin. Là on pourrait penser offrir un vrai milieu fonctionnel pour tous.
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Les enseignant.es de la FAE, ces combattant.es au front

Les femmes qui font du piquetage jour après jour devant leur école ou au coin de la rue portent fièrement leur tuque FAE, pancartes à la main. Elles qui voulaient améliorer leurs conditions de travail deviennent, au fil de cette grève qui se prolonge maintenant depuis 18 jours, les porteuses du projet de l'école publique laïque du Québec.
Rencontrées sur les lignes de piquetage devant les écoles primaires du quartier Ahuntsic, elles savent ce qui est nécessaire pour que la tâche qui est la leur, se réalise :
. « J'ai 26 élèves et 19 d'entre eux ont des plans d'intervention. Les services auxquels les enfants ont droit pour réussir manquent. »
. « Je fais ce métier depuis 34 ans et chaque jour, je viens sur la ligne de piquetage pour signaler mon ras-le-bol de la situation. Pourquoi est-ce à nous de ternir l'école à bout de bras ? »
. « Je ne suis pas contre une aide à l'enseignement mais ça ne pourra jamais remplacer une professionnel.le en orthophonie, en psychologie ou une travailleuse sociale. »
. « Pourquoi le gouvernement ne veut-il pas entendre ce que nous avons à dire ? Pourquoi ne pas trouver de solutions concrètes aux problèmes du quotidien ? Je crains que les plus jeunes ne quittent le métier sans réelles solutions. »
Devant une école secondaire à Saint-Anne des Plaines, l'équipe enseignante se réchauffe autour d'un foyer portatif. Chaises, poêle au propane, table, ustensiles, ces enseignant.es, invisibles de la rue principale persévèrent et font du piquetage devant leur école jour après jour.
. « Je ne sais si ça va durer encore longtemps, mais nous on ne veut pas lâcher après tant de jours de grève »
. « C'est difficile financièrement mais on se serre la ceinture. Il faut que nos conditions de travail s'améliorent. Nous avons des groupes de 34 élèves dont bon nombre ont de grands retards, sans soutien spécifique de qui que ce soit. »
. « Parfois, je suis découragée. Rien ne semble bouger. Qu'est-ce que le gouvernement attend pour bouger ? »
Ces équipes enseignantes des grands centres urbains (Montréal, Laval, Québec, Gatineau) et de la ceinture nord de Montréal, de la Montérégie et de l'Estrie, font preuve d'un grand courage en poursuivant cette lutte des plus justes. Les dernières rondes de négociation (2010, 2015, 2020) n'ont pas permis que des solutions concrètes consolident les équipes enseignantes en poste, ni ne développent des équipes multidisciplinaires essentielles à la réussite de tous les jeunes.
Les syndicalistes qui les représentent ont le soutien de ces équipes école. Le mandat qui leur a été donné en assemblée, par vote secret, est lourd à porter et révocable par les enseignant.es en assemblée générale. Ce fonctionnement démocratique est rarement verbalisé alors qu'il n'en est pas de même pour nos élus. Ne serait-il pas souhaitable de les rendre imputables tant de leurs décisions que de leur absence de décisions ?
Ghislaine Raymond
18 décembre 2023
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La grève générale du secteur public prend un sens de « grève sociale »

La CAQ concentre son tir sur la FAE, en alternant le chaud et le froid, pour percer une brèche dans la digue de la résistance à la stratégie caquiste de démolition-privatisation des services publics. À l'inverse, elle fait poiroter le Front commun et la FIQ qu'elle diabolise. Sa tactique consiste à faire capituler la FAE afin de scissionner le Front commun pour ensuite en finir avec le secteur de la santé dont la grève, cadenassée par la loi des services essentiels, n'est à toute fin pratique que symbolique.
L'erreur de synchronisation relève-t-elle du ras-le-bol de la base de la FAE que sa direction n'a pas su ou voulu canaliser, ou plutôt du refus du Front commun de déclencher une grève générale avant les Fêtes ? Peu importe la « game » des bureaucraties syndicales, la résultante en est une grève générale d'environ seulement 10% des effectifs en négociations et sans fonds de grève.
Le parti-pris antisyndical de la CAQ n'est plus à prouver. « Le tribunal [administratif du travail] a ordonné au gouvernement du Québec, au ministre de la Santé Christian Dubé et au comité patronal de négociation en santé de verser la somme de 315 000 $, répartie entre sept syndicats dans la santé, parce qu'il a entravé leurs activités et négocié de mauvaise foi [et…] il leur ordonne aussi de cesser de le faire » (La Presse canadienne, 15/12/23). Voilà comment l'auteur ex-financier de l'infâme loi 15 adopté sous bâillon traite le droit syndical. Le même jour, on apprend que « le gouvernement du Québec n'appuie pas la demande d'Ottawa pour un ‘'cessez-le-feu humanitaire immédiat'' à Gaza car le Hamas, mouvement terroriste reconnu par plusieurs États dont le Canada, doit rendre les armes. De plus, les otages doivent être libérés pour que l'on puisse envisager un cessez-le-feu », estime le cabinet de la ministre des Relations internationales, Martine Biron » (Le Devoir, 15/12/23). Et vive la guerre génocidaire de l'État sioniste !
Toujours le même jour, « le gouvernement de François Legault refuse de laisser Ottawa contourner ses seuils d'immigration dans la catégorie du regroupement familial. […] La liste d'attente en réunification familiale a beau frôler les 40 000 personnes, la ministre québécoise de l'Immigration, Christine Fréchette, a récemment refusé une main tendue du fédéral pour traiter toutes ‘'les demandes de résidence permanente qui ont reçu un [Certificat de sélection du Québec]'' […] Québec a fixé ses cibles en regroupement familial à environ 10 000 nouveaux arrivants pour les deux prochaines années » (Le Devoir, 15/12/23). Encore une fois presque le même jour, cette fois de connivence avec Ottawa, « [l]e Procureur général du Québec et la Couronne contestent devant la Cour d'appel une décision qui ordonnait l'arrêt des procédures contre deux hommes de Kahnawà:ke dans une affaire d'importation de tabac. » Québec et Ottawa ne reconnaissent pas « la validité de la Covenant chain – ou Chaîne d'alliance –, une série de traités remontant au 17e siècle qui constituaient une entente entre la Couronne britannique et Confédération haudenosaunee, un regroupement de six nations iroquoises dont font partie les Mohawks. » Ce qui revient à ne pas reconnaître la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (Radio-Canada, 13/12/23)
Quelle hypocrisie que d'être « ‘'déçu'' du manque d'ambition de la COP28 » (Le Devoir, 13/12/23) pour faire mauvaise fortune d'être sans hydrocarbure bon cœur d'être gavé d'hydroélectricité vendue à rabais, sans compter les subventions gargantuesques, à toute transnationale venant. Il y a de quoi construire une escalade vers la grève sociale, c'est-à-dire une grève générale politique. Tous et toutes, mouvement syndical, organisations étudiantes et féministes, grand public ont intérêt à soutenir les grévistes en argent sonnant et en militance dans la rue.
Par les réseaux sociaux, le grand public s'y est mis illico. Plusieurs syndicats ont suivi par des dons non négligeables — Métallos, Unifor, Machinistes, AFPC (Le Devoir, 15/12/23). Reste à soutenir les lignes de piquetage et plus encore. Des groupes de parents ont aussi commencé à se mobiliser (Radio-Canada, 15/12/23). Ce branlement de combat commence à sentir la « grève sociale » comme ce fut le cas pour un bref moment lors du Printemps érable de 2012 quant les Libéraux sont passés en mode ouvertement répressif. L'on peut penser que cette leçon historique fait réfléchir la CAQ au cas où une résistance, inattendue par elle, induirait la grande tentation de la loi spéciale. Raison de plus pour le mouvement syndical et tous le peupletravailleur derrière lui, de tenir le coup et d'enfoncer le clou.
Marc Bonhomme, 16 décembre 2023
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca
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Permis de travail fermés – Des centrales syndicales réclament des changements majeurs au gouvernement fédéral

Montréal, le 18 décembre 2023 – En cette Journée internationale des migrants et dans le cadre de la consultation sur les permis de travail fermés et les travailleurs étrangers temporaires (TET) du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, quatre grandes centrales syndicales ont déposé un mémoire conjoint et réitèrent leur demande d'abolir ces permis et de les remplacer par des permis de travail ouverts, sans attache sectorielle ou régionale.
La Centrale des syndicats démocratiques (CSD), la Confédération des syndicats nationaux (CSN), la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) dénoncent que le Programme de travailleurs étrangers temporaires (PTET) soit devenu aujourd'hui un moyen simple et rapide de combler des pénuries de main-d'œuvre persistantes, alors qu'au début, il visait réellement à combler de rares cas de pénuries. Cette voie de passage facile n'encourage pas les employeurs à améliorer les conditions de travail ni à investir dans la productivité de leur entreprise. Si les besoins du marché de l'emploi sont permanents, le gouvernement du Canada doit plutôt favoriser l'accès à la résidence permanente et améliorer le système d'immigration permanente.
« Le moment est opportun pour que le Canada change ses lois et ferme une des voies les plus décriées de l'exploitation contemporaine. Le recours aux TET est devenu d'une telle ampleur qu'on ne peut plus ignorer les effets délétères du permis de travail fermé, pour lequel il n'y a tout simplement plus d'acceptabilité sociale. Nous unissons nos voix pour défendre une vision de l'immigration plus inclusive, plus respectueuse de la dignité des personnes immigrantes et plus structurante pour les milieux de travail », soutiennent le président de la CSD, Luc Vachon, le vice-président de la CSQ, Mario Beauchemin, la présidente de la CSN, Caroline Senneville, et le secrétaire général de la FTQ, Denis Bolduc.
De plus, dans le contexte actuel de contraction du marché du travail et de hausse du taux de chômage, des TET ont perdu ou sont à risque de perdre leur emploi, sans possibilité d'opter pour un autre boulot, et le PTET contribue grandement à les faire basculer dans la catégorie des personnes sans statut, un nombre en augmentation.
Solutions
Les personnes immigrantes temporaires liées à un employeur unique sont vulnérables à toutes sortes d'abus, de discriminations et d'exploitations, car l'exercice de leurs droits comporte de hauts risques de représailles, comme le démontrent de nombreuses études. Les TET sont aussi exposés à des risques de santé et de sécurité plus élevés, car souvent, ils n'osent pas dénoncer une situation, même lorsqu'ils sont syndiqués.
Au-delà du remplacement des permis de travail fermés par des permis ouverts, la CSD, la CSN, la CSQ et la FTQ demandent :
1- Une augmentation des investissements dans les mécanismes d'information des personnes immigrantes temporaires sur leurs droits, d'inspection de leur milieu de travail, et de plaintes et de sanctions ;
2- Une priorisation de l'immigration permanente plutôt que temporaire, afin de combler de manière définitive les besoins socioéconomiques du pays ;
3- Une collaboration et un respect des compétences constitutionnelles des provinces et des accords entre les divers ordres de gouvernement ainsi qu'une concertation avec les partenaires de la société civile, dont les organisations syndicales.
Au Canada, le nombre de personnes immigrantes temporaires a plus que doublé en l'espace de trois ans (de 1 305 206 en 2020 à 2 198 679 en 2022), notamment à la suite de l'Entente Québec-Ottawa allégeant les règles du PTET.
La CSD, la CSQ, la CSN et la FTQ sont présentes dans tous les secteurs d'activités économiques. Ensemble, elles représentent près de 1,2 million de travailleuses et travailleurs.
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La crise climatique, un enjeu de santé et sécurité au travail

L'été 2023 s'annonçait comme le premier véritable été post-pandémique. Après trois ans de crise sanitaire, nous pouvions espérer un certain retour à la normale. Mais les feux de forêt qui ont frappé le Québec tout au long de la saison chaude nous ont rappelé qu'une crise encore plus grande se profile à l'horizon : celle liée aux changements climatiques. Tout comme la crise sanitaire, la crise climatique touche directement les milieux de travail. En ce sens, elle interpelle le mouvement syndical, qui peut prendre des mesures pour y faire face.
Tiré du Monde ouvrier no 146. L'auteur est chercheur à l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques.
D'après le dernier rapport du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), la fenêtre pour agir afin de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 degré se referme rapidement, mais chaque dixième de degré gagné peut faire une différence dans la vie des habitant·e·s de la Terre. Au cours du siècle, on peut s'attendre à une augmentation des événements météorologiques extrêmes et à une aggravation des catastrophes naturelles. Les averses dangereuses vont être de plus en plus probables. On fera aussi face à un accroissement du risque de tornades, de sécheresses, de feux de forêt et de vagues de chaleur. Selon des prévisions de Santé Canada, le nombre de journées de plus de 30o pourrait tripler d'ici 2080.
Ces changements affecteront directement les travailleuses et les travailleurs. En 2018, une vaste étude de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) – l'équivalent français de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) – a évalué les risques induits par le réchauffement climatique sur la santé au travail. D'après l'étude, il y a consensus autour du constat que les changements climatiques vont mener à une hausse de la fréquence et de la gravité des risques professionnels. Parmi les risques directs identifiés, il y a ceux associés aux vagues de chaleur, qui peuvent provoquer la déshydratation, les coups de chaleur et même la mort. Mais il y a aussi des risques indirects. Par exemple, les auteurs et autrices de l'étude mentionnent que la chaleur élevée peut nuire à la qualité du sommeil, ce qui peut engendrer une baisse de vigilance au travail, et donc accroître la probabilité que des accidents surviennent. L'étude préconise le développement d'une « culture de la prévention » face aux impacts des changements climatiques.
Pistes d'action syndicale face aux changements climatiques
Il faut donc dès maintenant poser des gestes pour limiter le réchauffement de la planète et repenser l'organisation du travail afin de réduire les risques associés aux perturbations du climat. On peut par exemple mettre en place des mesures pour éviter que des gens soient forcés de travailler lorsque les conditions ne sont pas sécuritaires.
Il serait ainsi possible d'instaurer des congés climatiques dans les conventions collectives et dans les normes du travail. Ces congés pourraient prendre une forme individuelle ou collective. Les congés individuels pourraient fonctionner de la même manière que les congés de maladie. Au cours d'une année, chaque personne aurait la possibilité de s'absenter du travail un certain nombre de jours lorsqu'une condition météorologique inhabituelle met en péril sa santé, sa sécurité, sa capacité à travailler ou sa capacité à se rendre au travail. Pensons par exemple aux familles qui ont subi l'inondation de leur maison à Longueuil en septembre 2022 ou à Baie-Saint-Paul en mai 2023. Parions qu'elles auraient souhaité pouvoir prendre un congé payé au moins le temps de gérer la catastrophe.
Les congés collectifs consisteraient à fermer automatiquement un milieu de travail (ou à limiter automatiquement le temps de travail) au-delà d'un certain seuil qu'on juge dangereux. En France, il existe déjà des « congés intempéries » pour les personnes employées dans le domaine de la construction. Des élu·e·s français·e·s ont proposé de mettre en place des « congés canicule » qui toucheraient l'ensemble des milieux de travail. En Allemagne, un·e salarié·e ne peut travailler plus de 4 heures lorsqu'il fait 29°C sur son lieu de travail. Quand la température atteint 35°C, le travail doit être suspendu pour la journée. Les établissements scolaires allemands doivent aussi fermer lorsqu'il fait trop chaud dans les salles de classe, l'idée étant qu'il est difficile de se concentrer quand la température est trop élevée.
Le droit de refuser de faire une tâche pourrait aussi être repensé en tenant compte des changements climatiques. À l'heure actuelle, la Loi sur la santé et la sécurité du travail reconnaît qu'un travailleur ou une travailleuse peut refuser d'exécuter une tâche s'il ou elle a des motifs raisonnables de croire que l'exécution de ce travail l'expose à un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique ou psychique ou peut avoir l'effet d'exposer une autre personne à un semblable danger. Dans un contexte où les risques climatiques augmentent, il importe de prendre en considération les conditions météorologiques dans lesquelles la tâche se déroule pour juger de sa dangerosité.
Mais pourrait- on pousser encore plus loin la réflexion sur la notion de tâche dangereuse ? Pourrait-on envisager de reconnaître que l'exécution d'une tâche peut porter atteinte à l'environnement et à la biodiversité ? La Charte québécoise des droits et libertés de la personne reconnaît depuis 2006 le droit de toute personne de « vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité ». Or, certaines activités commerciales et industrielles mettent en péril ce droit.
L'industrie fossile, notamment, représente une grave menace pour la planète et son expansion doit être stoppée, selon le rapport 2022 du GIEC. Conséquemment, on pourrait concevoir que le droit de refus soit étendu à des tâches jugées dangereuses du point de vue des risques climatiques. À titre d'exemple, si le droit de refus était appliqué de cette façon, des fonctionnaires chargé·e·s d'évaluer un projet de pipeline ou des travailleurs et travailleuses chargé·e·s de construire une telle infrastructure pourraient se prévaloir de ce droit pour refuser d'y participer. Ce droit de refus pourrait alors servir de fondement pour planifier une transition écologique à l'échelle des entreprises.
Dans les milieux de travail et dans l'espace public, des campagnes pour l'instauration de congés climatiques et pour l'extension du droit de refus seraient sans doute de bonnes occasions de sensibiliser la population aux conséquences des bouleversements climatiques.
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Les défis de 2024 pour une société plus juste et plus égalitaire

L'année 2023 est enfin derrière nous et nous en sommes à l'heure des bilans, sans oublier de jeter un regard sur ce que nous réserve 2024.
Tiré du Monde ouvrier no 146.
Il y a maintenant un an, la FTQ a élu un nouveau Bureau lors de son 33e Congrès, ainsi qu'une première femme à la présidence, un moment historique. Depuis, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts, comme le dit si bien l'expression, et nous en avons accompli des choses. Ne craignons pas de célébrer nos victoires.
Le dépôt d'un projet de loi anti-briseurs de grève au fédéral, la décision d'Ottawa allonger jusqu'à quatre semaines supplémentaires les prestations de chômage pour celles et ceux qui œuvrent dans les industries à activités saisonnières, l'adoption d'une loi protégeant les régimes de retraite en cas de faillites d'entreprises pour ne nommer que ces dossiers. Nous croyons sincèrement que le lobbying que nous avons fait auprès du gouvernement fédéral a porté ses fruits.
Au Québec, le gouvernement de la CAQ est plus difficile à suivre, mais nous avons tout de même réussi à lui faire abandonner sa réforme du Régime de rentes du Québec. Cependant, nous sommes inquiets en ce qui a trait à la centralisation qui s'annonce en santé et en éducation : il faudra rester attentifs et vigilants. Peutêtre que nous aurons à nous engager dans une vaste campagne d'accréditations syndicales en santé. Il faudra être solidaires et prêts à mener ce combat : nous le devons à nos membres. D'ailleurs, avec l'accord du Bureau de la FTQ, nous avons mis en place un comité de syndicalisation qui profitera à tous nos affiliés. Aussi, lors du dernier Congrès, comme équipe de direction, nous avons pris l'engagement de tenir une fois par année un Conseil général en région. Ce premier Conseil général en région a eu lieu en mai dernier à Baie-Comeau et, franchement, ce fut un grand succès de participation ! En 2024, nous aurons un deuxième Conseil général en région qui se tiendra à Matane au mois de mai.
Au cours de la prochaine année, nous aurons à nous mobiliser pour la modernisation de la loi anti-briseurs de grève du Québec et à faire pression pour la mise en place d'un véritable programme d'assurance médicaments public et universel à l'échelle du pays et aussi au Québec. D'ailleurs, le gouvernement fédéral a déjà promis d'aller de l'avant avec ce projet. Nous sommes également à préparer un plan d'action sur la vie chère, avec un salaire permettant d'assurer ses besoins de base, soit l'accès à un logement et à un panier d'épicerie à un prix abordable, mais aussi qui permet de mettre un peu d'argent de côté pour d'autres besoins essentiels afin que les travailleuses et travailleurs soient des acteurs économiques épanouis et que leurs familles puissent vivre dignement.
Enfin, il faudra faire comprendre au gouvernement que les permis de travail fermés pour les personnes immigrantes embauchées par différentes entreprises doivent être abolis. Une travailleuse ou un travailleur doit avoir le choix de quitter un patron qui ne le respecte pas pour offrir ses services dans un autre établissement.
La FTQ est la plus grande centrale syndicale du Québec, soyons en fiers. Bien sûr, il y aura des tempêtes, mais il y aura aussi de grandes victoires, et c'est ensemble et unis que nous aurons à livrer nos batailles !
Solidairement,
Magali Picard, présidente
Denis Bolduc, secrétaire général
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Manifeste pour un avenir énergétique juste et viable

Le premier décembre dernier, une vaste coalition de groupes citoyens, écologistes, syndicaux, communautaires, ainsi que des professionnels, spécialistes et personnalités publiques de divers horizons lançait le Manifeste pour un avenir énergétique juste et viable..
Ce manifeste est une réponse globale à l'empressement du gouvernement Legault à favoriser l'augmentation de la production électrique, l'extractivisme pour soutenir la filière batteries et la privatisation des énergies renouvelables. La publication de ce Manifeste vise à ouvrir la discussion la plus large possible.sur la question de l'énergie afin d'aboutir à des politiques visant à véritablement lutte contre les changements climatiques à protéger le territoire et la planète. (PTAG)
Nous sommes des forces convergentes de groupes environnementaux, du milieu syndical, de scientifiques, de professionnel·les et de spécialistes de divers domaines ainsi que des groupes citoyens et communautaires. Nous sommes engagé·es pour un avenir viable et juste. Nous savons que les défis pour y arriver sont de taille. Nous nous regroupons pour agir collectivement sur l'avenir énergétique de la société québécoise.
Cet été, le gouvernement Legault a organisé, sans grand bruit et en toute hâte, une consultation publique sur un projet de loi visant l'encadrement et le développement des énergies propres au Québec. Ce projet de loi devrait être déposé cet automne et visera entre autres à « moderniser » le cadre légal et réglementaire du secteur de l'énergie, la Loi sur Hydro-Québec et la Loi sur la Régie de l'énergie 1. Cette loi, nous dit le gouvernement, répond à un impératif : décarboner le système énergétique du Québec et atteindre la carboneutralité. Les modifications sont présentées comme des détails techniques visant à faciliter les transformations dont nous avons besoin pour atteindre cet avenir durable et juste auquel nous aspirons.
Or, à en juger par les déclarations récentes de François Legault, Pierre Fitzgibbon et Michael Sabia, il est clair que les enjeux touchés par cette loi vont bien au-delà de la question de l'électricité et de l'usage des énergies fossiles. Leur perspective sur le futur diverge indéniablement de la nôtre, et il existe un risque réel que leurs propositions nous éloignent considérablement du projet de société dont nous avons besoin pour un avenir viable et juste.
Questions et enjeux
Plusieurs questions se posent à nous dans le contexte où le Québec devra se défaire de sa dépendance aux énergies fossiles qui représentent la moitié de l'énergie consommée chaque année. Comment prendre pleinement conscience de l'effort collectif que nécessiterait la transition énergétique ?
- Accepterons-nous d'octroyer notre production énergétique en priorité à des industries étrangères énergivores ? Ou prioriserons-nous l'électrification de nos maisons, nos transports et nos industries ?
- Cette priorisation implique-t-elle une redéfinition de ce qui est entendu d'une vie épanouissante afin de protéger le territoire et la planète ? Ou souhaitons-nous plus simplement électrifier le statu quo ?
- Sommes-nous prêt·es à réduire la demande en énergie et mettre en place les transformations socio-économiques nécessaires pour y arriver de façon juste ? Ou souhaitons-nous endommager irrémédiablement le territoire ainsi que les écosystèmes qui s'y trouvent et affecter les communautés locales par la construction de grands barrages, de parcs éoliens, de centrales nucléaires et de mines d'uranium ?
- Si, au final, nous devons augmenter notre production énergétique, quelles options sont les plus acceptables ?
- Allons-nous continuer à confier la production d'énergies renouvelables au secteur privé, ou est-il plutôt souhaitable d'en reprendre la gestion publique ?
- Devrions-nous renforcer une gestion centralisée ou décentralisée de la responsabilité de la production et de la distribution vers les municipalités, les MRC ou les Régies intermunicipales ?
Pour quels arbitrages opterons-nous ? Ce ne sont que quelques exemples des grands choix de société qui se présentent à nous et qui auront des impacts à long terme.
Alors que les décisions d'une telle importance devraient émerger du dialogue social et du débat démocratique, elles semblent plutôt se prendre derrière des portes closes par une poignée de personnes. La situation est d'autant plus critique que le ministre de l'Économie et de l'Énergie se promène à travers le globe en faisant miroiter des térawattheures (TWh) d'énergie propre et à bas coût pour attirer des entreprises étrangères énergivores, quitte à construire toujours plus de barrages pour leur fournir plus d'électricité. Gouverner le Québec comme le Dollarama de l'énergie 2 pourrait avoir des conséquences désastreuses sur le territoire, sur notre capacité à fournir une énergie abordable à la population et à électrifier l'économie.
Ce bradage des ressources énergétiques est peut-être rentable à court terme pour un gouvernement et une industrie qui confondent transition écologique et occasions d'affaires. À long terme, des investissements privés et sans vision d'ensemble seront autant de verrous qui limiteront notre capacité à prendre en main collectivement et de façon démocratique notre avenir énergétique. Pour faire face à la crise climatique et environnementale qui nous menace, ce n'est pas d'un plan de développement industriel dont nous avons besoin, mais bien d'un véritable plan pour une transition énergétique porteuse de justice sociale.
Contexte historique et précédents
Nous dénonçons le manque de dialogue social, de vision et de planification dans le secteur énergétique depuis plusieurs années. Nous sommes collectivement confronté·es à des choix historiques qui vont déterminer l'avenir du Québec pour plusieurs générations. Les transformations à mettre en place auront des impacts importants sur nos modes de vie ainsi que sur nos façons de produire et de consommer. Les investissements faits aujourd'hui seront structurants pour l'économie et la société de demain. Malheureusement, le projet de loi censé baliser l'avenir énergétique du Québec risque de s'inscrire dans une logique extractiviste et de mettre en place les bases pour une importante crise sociale.
Rappelons que des situations similaires, où des projets de loi mal ficelés et inadéquats concernant des décisions importantes pour notre avenir énergétique ont été prises sans consulter adéquatement et ont été imposées à la population. Les lois adoptées, parfois sous bâillons, ont par la suite été contestées fortement, menant à des revirements plus conformes à la volonté populaire. Notons entre autres le projet de loi 106 adopté en 2016 et qui ouvrait la porte à l'exploitation du gaz au Québec. Il a été renversé en 2022 par la loi R-1.01 4 qui mettait fin à l'exploitation pétrolière et gazière sur l'ensemble du territoire. Notons également que plusieurs projets peu en phase avec la transition énergétique tels que l'exploitation des gaz de schiste, le 2 Suroit, le pipeline Énergie Est, le port méthanier de Cacouna et GNL Québec ont été abandonnés suite à de fortes mobilisations de la société civile dont nous nous réclamons.
Ainsi le manque de vision et de planification actuel cause un gaspillage d'énergies et de temps forts précieux. En plus, il risque de nous plonger dans une crise sociale qui pourrait braquer la population et ralentir les changements dont nous avons besoin. Pourquoi continuer sur cette voie ?
De nombreuses organisations ont déjà contribué à dessiner les grandes lignes d'un plan de transition ainsi qu'à élaborer des propositions concrètes telles la Feuille de route pour la transition du Québec vers la carboneutralité du Front commun pour la transition énergétique 4 ; les 101 idées pour la relance du Pacte pour la transition énergétique et le Plan de la Déclaration d'urgence climatique 5. Chacun de ces plans permet d'esquisser les mesures dont nous avons besoin pour aborder les défis qui se posent à nous. Pouvons-nous nous appuyer sur ces réflexions pour mieux anticiper la profondeur des transformations nécessaires et en assurer la cohérence ?
Notre vision
Nos efforts ne doivent plus être consacrés essentiellement à nous opposer à des projets destructeurs. Il nous faut plutôt travailler à la construction d'un avenir viable. Nous croyons fermement que l'énergie doit être gérée de manière responsable, c'est-à-dire de façon démocratique, orientée vers l'intérêt public et générée en respectant les limites biophysiques de la planète. Nous demandons que l'énergie soit considérée comme un bien public. Nous réclamons un débat large sur l'avenir énergétique du Québec menant à une nouvelle politique énergétique cohérente. Celle-ci doit être basée sur une planification intégrée des ressources et permettre une réduction des demandes en énergie ainsi qu'une sortie juste, graduelle et prévisible, mais rapide, des énergies fossiles. Nous nous opposons à toute augmentation des tarifs d'électricité qui accentuerait la précarité et risquerait de ralentir la transition énergétique. Nous exigeons une meilleure protection des territoires, qui se fera en consultant les peuples autochtones et avec le consentement des communautés locales, en assurant leur participation aux prises de décisions qui les concernent et en reconnaissant leurs droits. En nous engageant ainsi, nous visons à protéger notre patrimoine énergétique commun pour les générations futures.
Des valeurs fondamentales
Nous prenons fermement parti pour le bien commun, la démocratie, la transparence, l'imputabilité, la justice sociale, la tolérance, la prise en compte des limites biophysiques de la planète, la stabilité, la sécurité énergétique, la préservation de nos acquis sociaux, la responsabilité face aux générations futures et la qualité de vie pour toutes et tous.
Nous voulons nous consacrer à construire un Québec résilient, décarboné, viable et juste.
Ce que nous nous engageons à faire
Face aux menaces qui pèsent sur notre avenir énergétique, nous sommes prêt·es à intensifier notre mobilisation pour mettre une pression incontournable sur les titulaires de charges publiques. Nous sommes déterminé·es à faire entendre nos voix et à exiger des modifications à cette loi qui soient adaptées au contexte actuel. Ensemble, nous travaillerons sans relâche pour défendre un avenir viable, basé sur des choix énergétiques cohérents et démocratiques et nous n'accepterons aucune régression dans notre quête pour protéger le vivant, l'intégrité de nos territoires et pour garantir l'équité énergétique pour tous et toutes.
Le rôle fondamental de l'énergie pour répondre à nos besoins essentiels
L'énergie joue un rôle central dans la satisfaction des besoins essentiels et du fonctionnement des sociétés modernes. Que ce soit pour éclairer nos maisons, nous transporter, chauffer nos bâtiments, faire fonctionner nos industries, sécuriser nos approvisionnements, l'énergie est une composante fondamentale de notre vie quotidienne. L'accès à l'énergie assure non seulement notre confort, notre bien-être, notre sécurité et nos activités économiques, mais c'est aussi une condition à la pleine réalisation des droits humains tels que le droit au logement, à la santé, à l'alimentation et à la dignité.
Cependant, ce n'est généralement pas l'énergie elle-même qui est requise par la population. Ce sont plutôt les services fournis par l'énergie : chauffage, climatisation, éclairage, cuisine, transport, communication. Pour réaliser le droit à la santé et à la dignité, il faut avoir accès à un espace de vie dans lequel la température est raisonnable en été comme en hiver. Pour ce faire, une maison convenablement isolée contribue autant au confort hivernal qu'un volume supplémentaire de combustible. De la même manière, un ménage a le droit à la mobilité et non pas un droit à l'essence 6. Cette distinction est importante puisqu'elle permet d'envisager des solutions pour réduire la consommation d'énergie tout en répondant aux mêmes besoins et en assurant un niveau similaire de bien-être.
Il en découle que la population doit avoir le droit d'accéder à des services énergétiques pour assurer un niveau de vie décent. Garantir un accès aux services énergétiques tout en limitant le gaspillage d'énergie est un équilibre crucial pour répondre aux besoins de la société tout en minimisant les impacts environnementaux. Nous croyons fermement que l'énergie est un bien public essentiel et qu'il en découle qu'elle doit être gérée dans l'intérêt collectif, plutôt que pour le profit privé.
Pour une énergie publique sous contrôle démocratique
Nous demandons à ce que l'énergie soit reconnue comme un service public dont les actifs sont stratégiques. Nous demandons que les actifs, la production, le transport et la distribution d'électricité renouvelable au Québec soient entièrement publiques, sous contrôle démocratique et soient utilisés dans le but d'atteindre les objectifs climatiques du Québec.
Une énergie gérée publiquement permet d'assurer l'accès universel, ce qui signifie que tous les citoyens et toutes les citoyennes, quel que soit leur lieu de résidence ou leur niveau de revenu, ont un accès le plus abordable possible aux services énergétiques.
Une vision globale à long terme et une planification cohérente sont nécessaires
Compte tenu de l'importance des enjeux et des besoins de transformation profonde du système énergétique, il est impératif que le gouvernement du Québec adopte une vision globale et à long terme pour élaborer et mettre en oeuvre des politiques cohérentes et ambitieuses, garantissant la sécurité énergétique et la protection du territoire tout en répondant aux défis de la crise climatique et du déclin de la biodiversité.
Nous dénonçons la forme de la consultation mise en place par le gouvernement en amont du projet de loi visant l'encadrement et le développement des énergies propres au Québec. Cette consultation était précipitée, incomplète et bien en deçà des engagements du premier ministre Legault sur la tenue d'un débat de société sur l'énergie. Elle se déroulait l'été, en période de vacances, ce qui a empêché plusieurs personnes d'intervenir. Nous estimons que l'absence de réelle consultation risque de porter atteinte aux fondements mêmes du système énergétique québécois et de nous priver de la possibilité de faire les choix énergétiques en phase avec nos valeurs.
Le manque de vision du gouvernement du Québec concernant la transition énergétique a été souligné à plusieurs reprises 7,8,9. Cette absence de vision se traduisait dans les résultats du Plan d'action 2013-2020 sur les changements climatiques du précédent gouvernement, qui ont été qualifiés de consternants 10. Elle se manifeste encore clairement dans le Plan pour une économie verte (PEV). Ce dernier se concentre principalement sur les occasions d'affaires liées à l'électrification et aux emplois bien rémunérés, sans prendre suffisamment en compte la faisabilité et les véritables répercussions d'une telle transformation. Selon cette approche, la transition vers une économie plus « verte » serait principalement une affaire lucrative pour le secteur privé.
En 2019, Hydro-Québec mentionnait un surplus d'énergie de 40 TWh 11. À peine trois ans plus tard, les besoins supplémentaires pour atteindre la carboneutralité d'ici 2050 étaient estimés à 100 TWh de plus que les 212 TWh que nous produisions déjà 12. Ensuite, le ministre Pierre Fitzgibbon a suggéré que les exigences pourraient atteindre 150 TWh 13, puis a évoqué l'idée d'augmenter la production jusqu'à 200 TWh 14. Ces chiffres contradictoires montrent à quel point la consommation d'énergie est mal planifiée. Des positions tout aussi contradictoires ont également été énoncées concernant l'augmentation des tarifs d'électricité, le recours au nucléaire, les nouveaux aménagements hydroélectriques et des mesures favorisant une sobriété plus ou moins bien définie.
Au-delà de cette vision incertaine et changeante, il y a lieu de demander s'il est réaliste de prévoir mettre en place les infrastructures pour augmenter de façon aussi considérable la production d'énergie. Ces nouvelles infrastructures, qui devraient être installées rapidement, équivaudraient en termes de capacité à celles qui ont été construites au Québec depuis la fin du XIXe siècle. Il faudrait déterminer quelles sources d'énergie privilégier, sacrifier une portion importante du territoire à cette production énergétique et trouver une quantité suffisante de matériaux et de main-d'oeuvre pour accomplir une telle tâche, ce qui est loin d'être acquis 15,16. Cela sans compter les investissements majeurs requis. De plus, alors que des choix d'une telle importance devraient émerger du dialogue social et du débat démocratique, les décisions semblent plutôt prises par un nombre restreint de personnes, derrière les portes closes du bureau du ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie. Cette façon de procéder favorise les décisions à la pièce et les solutions à court terme qui ne nous permettront pas d'atteindre nos objectifs, tels que définis dans ce manifeste.
Pour un débat sur l'énergie au Québec
Nous appelons à un débat public large, éclairé et ouvert sur l'avenir énergétique du Québec afin de tracer une feuille de route cohérente qui nous permettra d'atteindre nos objectifs collectifs. Nous demandons que le gouvernement mobilise les structures nécessaires pour un dialogue social permettant une concertation démocratique sur l'avenir énergétique du Québec. Nous demandons que chaque partie souhaitant participer à ce processus de débat public puisse être entendue et que tous les efforts nécessaires pour la participation de groupes diversifiés et représentatifs soient faits, y compris les communautés autochtones qui, par la richesse de leurs savoirs ancestraux, pourraient grandement enrichir nos réflexions.
Pour une nouvelle politique énergétique au Québec
La transformation du système énergétique et les investissements doivent être guidés par une vision ambitieuse et cohérente pour l'avenir. Nous demandons que le gouvernement mette en place une nouvelle politique énergétique permettant d'implanter un système énergétique socialement juste, décarboné et respectueux des limites des écosystèmes. Nous demandons que les objectifs, les moyens et les scénarios de transition d'une politique énergétique soient élaborés au grand jour, à la suite d'un débat public large mobilisant des instances de plénière et de concertation avec des groupes diversifiés, le tout à partir d'une méthodologie transparente. La politique devrait tenir compte des points présentés dans la suite de ce manifeste.
Reconnaître la crise écologique - au-delà du remplacement des énergies sales par des énergies « propres »
Le gouvernement a fait récemment plusieurs annonces au nom de la transition énergétique, avec une approche qui laisse penser que l'électrification résoudra tous les problèmes. Cependant, l'angle environnemental semblent n'y être qu'un lointain arrière-plan. La recherche de consertement des populations locales et des communautés autochtones ne semble pas non plus une priorité.
La prise de conscience croissante des défis environnementaux, tels que la crise climatique, la perte de biodiversité et la dégradation des écosystèmes, transforme la manière dont nous pouvons envisager l'utilisation de l'énergie et le développement de nouvelles sources. La décarbonation du système énergétique québécois est essentielle pour répondre aux engagements internationaux visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et préserver l'environnement pour les générations futures. Ce processus est confronté à plusieurs défis majeurs et la décarbonation nécessite un effort soutenu et coordonné.
Cependant, il est nécessaire de reconnaître que même les sources d'énergie renouvelable ne sont pas exemptes de contraintes écologiques et sociales. L'installation de parcs éoliens, de centrales solaires, de barrages hydroélectriques, l'extraction de graphite, de cuivre et de lithium ou encore la production de bioénergie ont des impacts environnementaux. Ces infrastructures et ces projets souvent imposants perturbent notamment les écosystèmes locaux, la qualité ou la disponibilité de l'eau et les habitats naturels dans un contexte où la biodiversité est en déclin sévère 16. Ils peuvent occuper de vastes superficies et entrer en conflit avec l'utilisation du territoire à des fins autres qu'énergétiques et ainsi affecter également les communautés locales. De plus, la disponibilité à long terme de plusieurs ressources stratégiques nécessaires à ces énergies est de plus en plus remise en question. L'hydroélectricité, bien que moins émettrice de GES, n'est pas non plus sans impact sur l'environnement. Le harnachement de rivières, la création de réservoirs et l'ouverture de nouveaux accès à des territoires auparavant inaccessibles ont des conséquences importantes sur les écosystèmes entiers, entraînant des perturbations dans les habitats naturels. L'effet cumulatif des barrages au fil de l'eau et des centrales hydroélectriques, tant sur le cycle de l'eau que sur la biodiversit, n'a d'ailleurs jamais fait l'objet d'études.
La transition vers les énergies renouvelables est cruciale pour réduire notre empreinte carbone, mais elle n'est pas suffisante à elle seule pour décarboner l'économie tout en respectant les limites planétaires. La transition doit également être guidée par une approche holistique qui tient compte des multiples impacts environnementaux à tous les stades du cycle de vie de l'énergie. Cela exigera de miser sur la réduction des demandes énergétiques.
Pour une planification intégrée des ressources
Nous demandons une planification énergétique intégrée selon une approche systémique plutôt que selon une approche en silo. Celle-ci devrait tenir compte des besoins actuels et futurs de la société québécoise. Elle devrait notamment prendre en considération les options liées à la réduction des demandes, l'ecacité énergétique, les sources d'énergie renouvelable et devrait également impliquer les ministères parties prenantes (par exemple, le ministère des Transports et celui des Affaires municipales et de l'Habitation). Au-delà des questions énergétiques, elle devrait considérer l'impact sur
le climat, la qualité de l'air, le territoire, les écosystèmes et les communautés humaines et viser à minimiser ces impacts. Elle devrait étendre sa compréhension à tout le cycle de vie des différentes filières énergétiques, de la récolte ou de l'extraction de matières premières à la production de l'énergie en passant par la production des infrastructures, le transport, jusqu'à l'utilisation, les émissions et les déchets. Elle garantira enfin garantir un accès aux services énergétiques pour assurer un niveau de vie décent dans le respect des limites planétaires et des territoires. L'évaluation environnementale régionale développée par le Centre québécois du droit de l'environnement est une piste qui pourrait être explorée pour évaluer l'effet cumulatif des projets envisagés 18,19, 20. Le cadre écologique de référence publié par le Ministère de l'environnement et de la lutte contre les changements climatiques devrait contribuer à informer les décisions. 21
Pour des mesures qui favorisent la réduction des demandes en énergie
En conformité aux possibilités et contraintes biophysiques de chaque bio-territoire, nous demandons l'utilisation de mesures pour réduire les demandes d'énergie, à la fois totale et par secteur, notamment en visant l'efficacité énergétique et l'incitation collective à des modes de vie durables. Les politiques à mettre en place pour réduire la consommation d'énergie devraient notamment favoriser la mobilité active, collective et partagée, un aménagement plus durable du territoire, des bâtiments plus écoénergétiques, un système alimentaire plus local, sain et écologique, et soutenir des comportements individuels et collectifs favorisant le partage, la sobriété de manière équitable. Cette réduction de la demande concerne aussi bien les citoyennes et les citoyens que le secteur institutionnel et les petites, moyennes et grandes entreprises.
Bien qu'elle présente des défis dans sa mise en œuvre, la réduction de la consommation d'énergie est essentielle pour préserver le territoire et lutter contre la crise climatique, ainsi que pour permettre un partage équitable des ressources entre le Nord et le Sud global.
Se débarrasser de notre dépendance aux énergies fossiles - une nécessité !
Nous nous apprêtons à dépasser dangereusement les limites planétaires liées aux émissions de GES. Selon l'Agence internationale de l'énergie, d'ici 2035, les émissions de GES doivent diminuer de 80 % dans les économies dites « avancées » et ces dernières doivent atteindre des émissions nettes nulles vers 2045 22. Pour sa part, le secrétaire général des Nations unies demande aux pays développés « de s'engager à atteindre l'objectif d'une consommation nette nulle le plus près possible de 2040 23 ». En tant que nation riche, le Québec doit faire sa juste part 24 dans la lutte climatique et faire preuve de beaucoup plus d'ambition alors que la cible gouvernementale de réduction de 20 % en 2020, par rapport à 1990, a été manquée, que le Québec n'est nullement en voie de réaliser la baisse officiellement visée de 37,5 % d'ici 2030 (par rapport à 1990 25) et que cette cible est largement insuffisante.
Nous savons que toutes les trajectoires modélisées à l'échelle mondiale qui limitent le réchauffement à des seuils nous évitant de basculer dans des scénarios de plus en plus catastrophiques impliquent des réductions rapides et majeures des émissions de GES dans tous les secteurs 26. Au Québec, près des trois quarts de nos émissions sont attribuables aux énergies fossiles 27. De ces émissions fossiles, les trois quarts proviennent de l'utilisation de pétrole dans le secteur des transports et un cinquième résulte de l'utilisation du gaz « naturel » dans les secteurs résidentiel, commercial, institutionnel et industriel. Le remplacement des combustibles fossiles par l'électricité pourrait nous faire profiter d'un avantage économique considérable : la diminution de nos importations massives de gaz et de pétrole, qui nous permettra d'importantes économies et réduira notre déficit commercial.
Le principe du pollueur payé - l'exemple de l'entente entre Énergir et Hydro-Québec
Le gaz naturel est une énergie fossile qu'il faut éliminer le plus rapidement possible : nous continuerons d'aggraver la crise climatique tant qu'il sera utilisé dans nos maisons et immeubles. Pourtant, en juillet 2021, Hydro-Québec et Énergir annonçaient un partenariat qu'elles qualifiaient d'« inédit » pour « réduire les émissions de GES 28 ». L'entente vise à présenter la biénergie, c'est-à-dire le passage de systèmes de chauffage au gaz vers la biénergie hydroélectricité/gaz,comme un pas vers la décarbonation du parc immobilier. En réalité,miser sur la biénergie plutôt que sur l'électrification permet deprolonger la dépendance au gaz.
Cette entente contrevient au principe fondamental du pollueur-payeur, voire introduit le concept troublant de pollueur-payé. Elle prévoit qu'Hydro-Québec dédommagera financièrement la firme gazière privée pendant au moins 25 ans pour compenser les pertes causées par ce transfert énergétique. Aurait-on idée de compenser les pétrolières pour chaque recharge de voiture électrique ? On parle ici de quelque 2,4 milliards de dollars versés par les client·es d'Hydro-Québec 29 ! Bien que l'entente tienne toujours, plusieurs groupes ont plaidé à la Régie de l'énergie contre l'idée qu'Hydro-Québec puisse refiler la facture à ses clients au travers d'augmentations des tarifs d'hydroélectricité et ont eu gain de cause 30.
Pour atténuer nos craintes, on veut nous faire croire qu'un mélange de gaz naturel ordinaire et de gaz de source renouvelable (GSR) peut être efficace pour réduire les GES. Il s'agit en fait d'une fausse solution. Le GSR représente à peine 1 % de ce que transporte Énergir dans ses conduites jusqu'à nos maisons. La réglementation prévoit que le GSR comptera pour 2 % du gaz distribué à compter de 2023, pour 5 % à compter de 2025 et pour 10 % à compter de 2030 31. C'est donc dire qu'en 2030, Énergir distribuera encore 90 % de gaz « naturel » fossile issu de la fracturation hydraulique ! Plusieurs groupes dénoncent l'entente entre Énergir et Hydro-Québec et demandent son abandon.
Cette entente met en danger la notion de responsabilité environnementale et économique. Il est impératif de garantir que les entreprises qui ont un impact sur l'environnement assument pleinement leurs responsabilités.
Pour des plans contraignants visant une sortie graduelle et prévisible, mais rapide des énergies fossiles
Nous appelons à la mise en place de politiques énergétiques qui prévoient l'élimination progressive, mais rapide des énergies fossiles de manière prévisible et ordonnée.
Contre le principe du pollueur payé
Nous demandons que le gouvernement rejette toute mesure qui ferait payer la transition énergétique ou les pertes de revenus des producteurs et des distributeurs d'énergies fossiles par les entreprises productrices d'énergies renouvelables ou par leurs consommateurs et consommatrices. Nous dénonçons tout « dédommagement » versé à des entreprises d'énergie fossile autre que pour soutenir la transition juste des emplois.
Nos infrastructures stratégiques - Hydro-Québec : un patrimoine collectif
L'énergie est bien plus qu'une simple commodité ; elle est également produite par des infrastructures stratégiques. Les installations de production, les réseaux de transport et les systèmes de distribution d'énergie forment l'épine dorsale de l'économie et des sociétés modernes. Ces infrastructures sont
essentielles pour maintenir la stabilité économique, la sécurité nationale et la qualité de vie. Par conséquent, la gestion et la sécurisation de ces ressources énergétiques revêtent une importance capitale, tant pour répondre aux besoins présents que pour préparer un avenir viable.
Le Québec a depuis longtemps compris l'importance stratégique de l'énergie. Avant qu'Hydro-Québec ne soit fondée en 1944, la population était insatisfaite des services plus ou moins fiables, du refus d'électrifier certaines régions rurales 25 des entreprises privées faute de « rentabilité ». Les tarifs souvent élevés, malgré les profits importants 26, et inégaux selon l'adresse et la région étaient également une source de mécontentement. En 1963, une deuxième vague de nationalisation d'un système largement privé jugé coûteux et inecace a consolidé la société d'État responsable de la production, du transport et de la distribution de l'électricité au Québec permettant ainsi d'électrifier l'ensemble du territoire québécois. Depuis, de grands projets hydroélectriques ont été développés dans le Nord québécois ainsi que d'imposants réseaux de transport à haute tension, technologie développée au Québec. Hydro-Québec est ainsi devenue l'un des plus importants producteurs d'hydroélectricité au monde.
Hydro-Québec est bien plus qu'une simple entreprise d'énergie. C'est une pièce importante du patrimoine profondément ancrée dans l'identité collective du Québec. C'est un bassin d'expertise comme nulle autre ailleurs et plus que jamais une clé pour notre avenir. Il est cependant important de reconnaître que le développement de ces immenses réservoirs et les infrastructures de transport de l'électricité ont souvent eu des répercussions disproportionnées sur les terres, les ressources et les modes de vie des communautés autochtones, notamment des nations Kanien'kehá:ka, Anishinabeg, Atikamekw, Innus, Mi'kmaq, Wendat, Abénaquis, Eeyou et Inuit. affectant profondément et de façon irrémédiable leur mode de vie et leur culture et entraînant des pertes douloureuses de territoires ancestraux et de lieux de sépulture.
Aujourd'hui, l'hydroélectricité produite au Québec émet peu de GES comparativement aux énergies fossiles. Elle est convoitée par des entreprises de partout dans le monde qui souhaitent s'accoler l'étiquette « verte », comme en témoignent les nombreux projets énergivores qui ont été soumis au gouvernement récemment 34. François Legault a d'ailleurs affirmé qu'Hydro-Québec se préparait à annoncer « beaucoup de barrages » pour répondre à cette demande 35. Le plan d'action d'Hydro-Québec, déposé en novembre 2023, prévoit d'ici 2035 « l'ajout de 60 TWh, soit entre 8 000 et 9 000 MW de puissance additionnelle. C'est équivalent à trois de nos plus grands ouvrages hydroélectriques : l'aménagement Robert-Bourassa (LG-2), Manic-5 et le complexe de la Romaine 36 »
Un retour en arrière avec des bras grand ouverts au privé
Hydro-Québec a été fondée alors que les défauts du système énergétique privé préexistant étaient évidents et que la population exprimait une grande insatisfaction devant les problèmes causés par des services défaillants. Aujourd'hui, le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne envisagent la possibilité d'étendre considérablement la portion publique de leur secteur de l'énergie, notamment pour garantir la sécurité de ce maillon névralgique de leur économie 37. La sécurité d'approvisionnement, soit une livraison stable et fiable d'énergie, est récemment devenue un enjeu important sur lequel les États souhaitent avoir plus de contrôle. Irons-nous dans le sens contraire ? Souhaitons-nous réellement un retour en arrière ?
Le spectre de la privatisation et de la dérèglementation plane sur le secteur énergétique québécois. Le projet de loi qui sera déposé à l'automne pourrait favoriser la participation du secteur privé au développement des infrastructures énergétiques 38 et faire ainsi augmenter encore la part grandissante d'énergie déjà produite par le privé 39. Le trio de décideurs formé par François Legault, Pierre Fitzgibbon et Michael Sabia a laissé entendre que le privé pourrait avoir un rôle important à jouer, notamment dans la construction de petits barrages et d'éoliennes, tout en assurant que « les grands ouvrages vont rester l'apanage de la société d'État » 40,41,42. La possibilité de permettre à un plus grand nombre d'entreprises de produire leur propre énergie a aussi été évoquée 43.
Les mémoires soumis par les organisations liées au monde des affaires mettent en lumière de façon claire des positions en ligne avec cette tendance et les demandes exprimées illustrent les intentions du secteur privé concernant la question de l'énergie :
• Augmenter la production d'énergie en vue de stimuler la croissance économique ;
• Maintenir l'utilisation des combustibles fossiles aussi longtemps que possible 36 et même l'augmenter 37 ;
• Encourager la privatisation de la production d'énergies renouvelables 38,39,40 ;
• Réduire les réglementations qui entravent les initiatives du secteur privé 41,42 ;
• Abolir les mécanismes qui garantissent l'accès à une énergie abordable dans le secteur résidentiel 43,44,45,46,47 ;
La privatisation risquerait ainsi de compromettre l'accès à une énergie propre, fiable et abordable pour la population québécoise, tout en réduisant la capacité du gouvernement à orienter la politique énergétique dans l'intérêt public à long terme. C'est pourquoi nous nous joignons à de nombreux défenseurs de l'énergie publique au Québec qui s'opposent vigoureusement à la privatisation et plaident en faveur du maintien d'un système énergétique sous contrôle public 56 57, 58, 59.
Hydro-Québec doit rester dans le giron public afin d'écahapper à la course au profits et de lui permettre d'accorder la priorité à la décarbonation des activités existantes de la société québécoise plutôt qu'aux nouveaux projets industriels énergivores.
Contre la privatisation totale ou partielle d'Hydro-Québec
Nous nous opposons fermement à toute tentative de privatisation d'Hydro-Québec ou de ses actifs. Hydro-Québec est un actif patrimonial et stratégique et doit rester sous contrôle public. Nous rejetons toute forme d'érosion de cette institution, cruciale pour notre bien-être collectif, au profit du privé. Nous demandons à ce que l'obligation d'Hydro-Québec de distribuer l'électricité à toute personne qui le demande soit maintenue pour le secteur résidentiel. Nous demandons que la production serve en priorité à l'électrification des transports ainsi que des industries et des bâtiments existants. Nous demandons également des modifications réglementaires pour permettre à Hydro-Québec d'acheter les surplus d'électricité des autoproducteurs et le maintien des règles qui empêchent les grands consommateurs d'acheter leur électricité directement d'un producteur d'électricité renouvelable sans transport ou avec transport privé.
Favoriser la démocratie dans la gestion de l'énergie : la Régie de l'énergie, un outil indispensable
L'une des principales préoccupations dans la préservation de l'énergie publique au Québec est d'assurer une imputabilité des décisions. La Régie de l'énergie du Québec joue un rôle central dans les processus démocratiques de gestion de l'énergie. En tant qu'organisme gouvernemental indépendant, elle régule les secteurs de l'électricité, du gaz naturel et du pétrole, approuvant les plans d'approvisionnement et établissant des tarifs et des normes, tout en favorisant la transparence et la participation publique. Selon la loi, elle a pour mandat d'assurer « la conciliation entre l'intérêt public, la protection des consommateurs et un traitement équitable du transporteur d'électricité et des distributeurs ». Elle favorise également « la satisfaction des besoins énergétiques dans le respect des objectifs des politiques énergétiques du gouvernement et dans une perspective de développement durable et d'équité au plan individuel comme au plan collectif 52 ». Elle prend des décisions basées sur des données factuelles, contribuant ainsi à éviter les décisions politiques arbitraires.
Le rôle de la Régie de l'énergie est donc essentiel pour équilibrer les intérêts des citoyen·nes, des entreprises et la protection de l'environnement et ainsi renforcer la démocratie dans ce domaine vital pour la société québécoise. C'est un rempart contre les abus et une contre-expertise au gouvernement et à Hydro-Québec.
Il est essentiel de sauvegarder et de renforcer le rôle de la Régie de l'énergie, garantissant ainsi un échange public entre experts et permettant l'intervention du public. La Régie doit avoir les ressources et l'autorité nécessaires pour protéger les intérêts des citoyen·nes et veiller à ce que les décisions en matière d'énergie soient prises de manière équitable et transparente. Le processus de sélection des régisseurs et administrateurs devrait être transparent et relever d'instances démocratiques.
Une volonté d'affaiblir la Régie de l'énergie ?
Déjà, des dispositions ont affaibli la Régie dans les dernières années. En 2000, le projet de loi 116 retirait à la Régie son droit de regard sur la production énergétique, soustrayant du même coup la production, dont la construction de nouveaux barrages, de tout examen public 53. En 2019, le projet de loi 34 était adopté sous bâillon, au mépris de la forte opposition. Il affranchissait Hydro-Québec de plusieurs contrôles de la Régie de l'énergie sur sa tarification, levant notamment l'obligation de se soumettre à un exercice d'examen chaque année au profit d'un examen aux cinq ans et arrimant les augmentations des tarifs à l'inflation plutôt qu'aux taux les plus bas compatibles avec une saine administration financière, comme c'était le cas lors de la création d'Hydro-Québec. En février 2023, depuis l'adoption du projet de loi 2, c'est le gouvernement du Québec, avec Hydro-Québec, plutôt que la Régie, qui autorisent les projets industriels qui demandent plus de 5 MW de puissance 54. Notons également qu'à ce jour, bien que la Régie soit tenue au « respect des objectifs des politiques énergétiques du gouvernement et dans une perspective de développement durable et d'équité », elle ne dispose pas des pouvoirs pour assurer l'atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) lors de ces arbitrages.
Plusieurs intervenants du milieu des affaires réclament d'affaiblir davantage la Régie de l'énergie. La Fédération des Chambres de commerce s'attend par exemple « à ce que l'allègement du fardeau réglementaire et administratif soit au cœur de la nouvelle approche en matière énergétique et ce, autant pour les autorisations de projets d'envergure que pour le fonctionnement de la Régie 55 ».
Ouvrir une nouvelle brèche dans les compétences de la Régie équivaudrait à renoncer à notre capacité à exercer nos droits de représentation, de contestation et de révision des décisions politiques qui, autrement, resteraient inaccessibles à tout recours. Nous ne devrions pas permettre un glissement vers des choix énergétiques faits par un nombre restreint d'individus, ce qui compromettrait la prise de décisions éclairées basées sur des données scientifiques et techniques ainsi que la possibilité d'une participation publique au débat.
Pour la sauvegarde et le renforcement des pouvoirs de la Régie de l'énergie
Nous demandons que tous les moyens et les structures nécessaires soient mis en place pour garantir et protéger le rôle la Régie de l'énergie du Québec en tant que tribunal administratif indépendant et impartial en matière énergétique. Nous demandons d'étendre ses pouvoirs à l'évaluation des activités de production énergétique en toute transparence.
En plus de ses rôles actuels de réglementation et d'approbation des projets d'approvisionnement énergétique, nous demandons que la Régie de l'énergie, conformément à une politique énergétique basée sur une planification intégrée des ressources, soit tenue d'intégrer les objectifs de lutte au réchauffement climatique et de protection de l'environnement à ses critères prioritaires de décision et approuve les projets de production d'énergie pour qu'ils soient alignés sur la transition vers un système énergétique juste, décarboné et respectueux des écosystèmes. Cette obligation ne doit d'aucune manière exempter les projets des évaluations environnementales stratégiques et des procédures d'enquête et d'audiences publiques auxquelles ils sont soumis en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement.
Les processus de la Régie doivent être plus inclusifs, indépendants et transparents.
L'importance d'une transition juste et inclusive
Les impacts de la crise climatique et de la transition énergétique ne sont pas distribués également. La notion de transition énergétique et écologique juste — ou transition juste — a été développée par le mouvement syndical mondial pour protéger les travailleuses et les travailleurs touché·es par la transition vers une économie sobre en carbone. Elle est née de la nécessité de protéger les moyens de subsistance de ces personnes et de s'assurer que les gouvernements accordent une attention aux conséquences des transformations profondes liées à la transition. Elle a permis de renforcer les capacités d'agir ainsi que le partage d'expériences et de compétences tout en établissant les bases d'un dialogue social inclusif.
La transition énergétique provoque des changements majeurs et constitue une occasion de transformations importantes dans le monde du travail. Ce phénomène concerne les travailleuses et les travailleurs dont les emplois dépendent d'industries à hautes émissions de GES, qui pourraient se retrouver en situation de précarité et devoir réorienter leur carrière.
En 2015, l'Organisation internationale du Travail (OIT) a adopté les Principes directeurs de la transition juste, qui soulignent que cette transition repose sur le dialogue social, la protection sociale, le droit au travail décent et le droit à l'emploi. Il est maintenant nécessaire d'adapter ce concept à la situation actuelle du Québec, que ce soit dans ses différentes régions ou secteurs d'activité.
Pour les travailleuses et travailleurs ainsi que les communautés qui dépendent des énergies fossiles, une transition juste signifie leur donner accès à de bons emplois de remplacement avec toute la formation nécessaire. Cela signifie également une pleine participation démocratique des personnes concernées à la planification de la transition. Les travailleurs et travailleuses touché·es par la transition font un travail crucial en plus de posséder une expertise essentielle dans un contexte de transformation du système énergétique et de sortie graduelle des énergies fossiles.
La crise climatique et la transition auront des répercussions sur l'ensemble de l'économie et pas seulement sur le secteur de l'énergie 64. Les travailleurs et travailleuses des services publics, des secteurs agricole, forestier et de la construction, les femmes, les populations à faible revenu, les jeunes, les personnes âgées et les peuples autochtones sont également parmi les plus affectés par la transition.
Les mesures visant à juguler la crise climatique pourraient elles aussi pénaliser injustement certaines personnes et accroître les inégalités. À moins de prévoir des mécanismes de compensation, certaines mesures fiscales, réglementaires ou tarifaires, entre autres, pourraient avoir un impact démesuré sur les groupes les moins nantis. Pourtant, ils contribuent généralement le moins au réchauffement climatique. Il importe donc que chaque mesure de transition écologique soit assortie d'une analyser d'impact social, par exemple l'analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) ou l'analyse différenciée selon les sexes plus (ADS+), afin d'évaluer ses effets sur les populations les plus vulnérables et d'adopter des politiques publiques plus inclusives. Des mesures visant à contrer les impacts négatifs sur ces populations devraient également être mises en place. La progressivité des mesures est donc un élément essentiel d'une transition porteuse de justice sociale. La transition peut être l'occasion de construire une société plus résiliente dans laquelle la richesse sera mieux distribuée.
En intégrant ces aspects sociaux et économiques dans la planification de la transition énergétique, nous pouvons non seulement faciliter l'acceptabilité de la lutte contre la crise climatique, mais également promouvoir une société plus équitable et viable.
Pour une transition juste pour les travailleurs et travailleuses
Nous exigeons une transition juste vers une économie décarbonée respectant les limites planétaires qui garantit le dialogue social, des emplois décents pour tous et toutes, qui protège les droits des travailleurs et travailleurs, qui favorise l'inclusivité, qui soutient la formation et la reconversion professionnelles et qui adopte des politiques industrielles et publiques pour une véritable protection sociale permettant de faire face aux défis environnementaux. La transition juste est essentielle pour créer un avenir où le travail décent, la justice sociale et l'éradication de la pauvreté vont de pair.
Pacte social, bloc patrimonial et interfinancement : notre héritage énergétique
En 1962, un « pacte social » entre l'État québécois, Hydro-Québec et la population a été établi. La population assumait collectivement le risque financier de la nationalisation d'Hydro-Québec en garantissant les emprunts et en les payant avec ses impôts. En retour, l'accès à l'électricité lui était facilité par une tarification relativement basse et uniforme sur l'ensemble du territoire 57, notamment grâce à l'uniformisation régionale et à une mesure appelée l'interfinancement 58. L'interfinancement consiste à faire payer une catégorie de clients (les clients des secteurs commercial, institutionnel et industriel) des tarifs plus élevés que les coûts afin de financer des tarifs plus bas que les coûts pour une autre classe de consommateur (les clients résidentiels).Grâce à l'interfinancement, la population québécoise paie 86 % des coûts de service des coûts de l'hydroélecetricité. 61.
Malgré l'interfinancement, les entreprises et les industries paient l'électricité à des tarifs extrêmement compétitifs comparativement à d'autres villes nord-américaines 60. De plus, les entreprises et les industries, qui financent cette réduction, ont accès à des avantages fiscaux tels que le remboursement des taxes et la déduction de leur compte d'électricité de leurs impôts, ce que la clientèle résidentielle ne peut obtenir.
En 1981, le concept du versement d'un dividende d'Hydro-Québec à son actionnaire unique a été mis en place. En 2022, Hydro-Québec remettait ainsi près du trois quarts de ses bénéfices au Gouvernement du Québec, soit un dividende de 3,4 milliards de dollars. Avec les taxes, frais et redevances, la contribution de la société d'État aux coffres publics était portée à 6 milliards de dollars 61. Ces ponctions compromettent cependant la mission initiale d'Hydro-Québec de fournir une énergie à faible coût à la population québécoise.
En 2000, un changement législatif, qui dérèglementait la production de l'électricité et introduisait des mécanismes de concurrence, a mené en contrepartie à la création du « bloc patrimonial ». Le bloc patrimonial désigne une quantité d'électricité destinée prioritairement à la desserte des besoins québécois et dont le prix, fixé dans la Loi, devait préserver l'esprit du pacte social de 1962 62. « Il s'agit en quelque sorte d'un dividende consenti à la population québécoise pour refléter l'investissement collectif dans le développement du potentiel hydroélectrique par le passé. Ce bloc d'énergie protégé de la fluctuation des prix du marché se chiffre à 165 TWh, ce qui représentait en 2018 environ 90 % de l'énergie électrique consommée annuellement au Québec 63 ». Au-delà de ce bloc, l'énergie supplémentaire est fournie au prix du marché.
Nos investissements gigantesques dans Hydro-Québec nous valent ainsi, encore aujourd'hui, un accès universel relativement abordable en électricité.
Précarité énergétique : un problème affectant déjà les ménages québécois
La précarité énergétique désigne la situation où un ménage a de la diculté à se procurer l'énergie nécessaire pour la satisfaction de ses besoins de base dans son logement ou y arrive au détriment d'autres besoins essentiels 64, ce qui peut compromettre leur qualité de vie, leur santé et leur bien-être. Malgré les tarifs d'énergie relativement bas, selon la mesure retenue, entre 9 et 16 % des ménages sont en précarité énergétique au Québec.
En 2018, Hydro-Québec a procédé à près de 50 000 interruptions de service chez ses clients en recouvrement, et dans 11 % des cas pendant plus d'une semaine 65. Une coupure de service de plusieurs jours, lorsqu'il fait froid, met en danger ces personnes. À Montréal, où il fait plus chaud que dans bien des régions du Québec, la température est inférieure à 0 °C, en moyenne 19 jours en novembre et 13 jours en avril 66. Cette réalité prive de nombreux ménages à faible revenu au Québec de leur droit fondamental à des services énergétiques nécessaires à leur bien-être et à leur participation à la société. La prise en compte de la précarité énergétique dans la planification énergétique est essentielle pour assurer une transition énergétique véritablement équitable et inclusive.
Dans un contexte où le prix de l'énergie augmente plus rapidement que la capacité de payer des ménages, la planification énergétique devrait intégrer cette dimension et cibler des solutions spécifiques pour aider les ménages vulnérabilisés à accéder à une énergie abordable, à améliorer l'ecacité énergétique de leurs logements et à réduire leur dépendance aux énergies polluantes. Cela contribue non seulement à réduire les inégalités énergétiques, mais également à créer une société plus résiliente et socialement équitable, où chacun peut bénéficier des avantages de la transition énergétique.
Un manque de vision qui pourrait causer une hausse douloureuse des tarifs
Plusieurs menaces planent et pourraient engendrer une pression à la hausse sur les tarifs :
• La révision de la tarification : Au début mai, lors de l'étude de crédits, le ministre Pierre Fitzgibbon ramenait son concept de sobriété énergétique en l'associant à une révision possible de la tarification résidentielle Hydro-Québec afin « d'ajuster les comportements » des Québécois 67. Pour certains des experts consultés par le gouvernement, le processus actuel d'établissement des tarifs ne donne pas un signal de prix incitatif, ce qui est considéré comme problématique dans un contexte où l'ecacité énergétique doit être mise au premier plan 68. Le projet de loi risque de remettre en question la tarification qui procure actuellement une énergie relativement abordable, d'autant plus que le PDG 12 d'Hydro-Québec arme que l'électricité est devenue un « actif précieux », ce qui justifierait des augmentations de tarifs 69 ;
• L'attribution abusive de blocs d'énergie à des projets énergivores : Il est inacceptable de dilapider des TWh imaginaires en les octroyant à des industries énergivores pour qui l'utilisation d'hydroélectricité considérée comme « verte » est une plus-value, de créer ainsi en toute connaissance
de cause une rareté énergétique et d'utiliser le spectre de la hausse de tarifs pour « ajuster les comportements des Québécois·es » et forcer la sobriété. De même, la vente d'électricité à nos voisins du Sud précarise la position d'Hydro-Québec dans son devoir de distribuer cette énergie aux citoyens qui ont payé pour la produire. C'est le symbole flagrant du manque de capacité de voir loin du gouvernement de la CAQ ;
• L'interfinancement remis en question : La fin de l'interfinancement a été réclamée par plusieurs intervenants proches du monde des affaires 70,71,72,73. Au Québec, les entreprises se plaignent, mais oublient qu'elles bénéficient de tarifs très avantageux, si on les compare à ce qui leur en coûterait ailleurs en Amérique du Nord ;
• L'abolition du bloc patrimonial : Le bloc patrimonial est régulièrement remis en question par divers protagonistes 74,75 et l'Institut économique de Montréal revenait à la charge avec cette proposition lors des consultations 76 ;
• L'entente Énergir-Hydro : Cette entente prévoit des compensations à Énergir, un distributeur de gaz naturel, par Hydro-Québec, un fournisseur d'hydroélectricité. C'est grâce au processus de la Régie de l'énergie que des organismes ont pu demander à ce que les coûts de l'entente ne soient pas refilés aux client·es d'Hydro-Québec et ont eu gain de cause 77 ;
• La marge de profit et les garanties exigées par le privé : Afin de satisfaire la demande énergétique du Québec qui va au-delà de la production d'électricité historique (le bloc patrimonial), Hydro-Québec doit conclure des accords d'approvisionnement avec des fournisseurs d'électricité à la suite d'appels d'offres. Tous les producteurs peuvent soumissionner, y compris Hydro-Québec et les producteurs privés. Bien que Fitzgibbon arme que le privé soit plus ecient, l'effet de la privatisation sur les tarifs d'électricité peut être significatif. Les bénéfices de la vente d'énergie d'un distributeur public reviennent à la communauté, tandis que l'entreprise privée a un impératif de rentabilité et que les dividendes sont distribués aux propriétaires ou aux actionnaires. Ces actionnaires peuvent délocaliser leurs revenus et ainsi appauvrir le Québec ;
• Une transformation du système énergétique chaotique et mal planifiée : Le manque de vision et de planification adéquate pour l'avenir énergétique peut engendrer des coûts et une pression à la hausse sur les tarifs, notamment en s'engageant sur des pistes qui seront éventuellement abandonnées. Les projets énergétiques provoquant de l'opposition forte, des retards et même leur annulation ne sont pas sans conséquences financières, sans compter qu'ils nous font perdre un temps précieux.
Une hausse des tarifs pourrait donc être imposée à cause de choix discutables de la part de notre gouvernement. Elle affecterait de façon disproportionnée les ménages à faible revenu et augmenterait la précarité énergétique. Nous devons nous assurer que les tarifs restent équitables et stables, évitant ainsi les disparités régionales, notamment en assurant une planification adéquate. Il faut aussi confier la discussion sur la fixation des tarifs à la Régie de l'énergie, en considérant la nécessité de restaurer son rôle initial. Elle pourra ainsi déterminer chaque année si les hausses demandées par les distributeurs d'énergie sont justifiées.
Contre une augmentation des tarifs d'électricité qui accentue la précarité et risque de ralentir la transition énergétique
Dans un contexte de bouleversements climatiques, une transition énergétique porteuse de justice sociale implique de garantir la sécurité et l'équité en matière d'accès à l'énergie propre et abordable pour toutes et tous, en particulier pour les populations vulnérabilisées. Nous demandons que le gouvernement rejette tout plan de transition énergétique qui pénaliserait les ménages à revenus faibles ou modestes. À cet effet, la préservation du bloc patrimonial et de l'interfinancement est cruciale.
Nous demandons à ce que les énergies renouvelables et à faible impact environnemental soient encouragées par des tarifs compétitifs, tandis que les sources d'énergies polluantes ou non durables devraient supporter des coûts plus élevés pour refléter leurs externalités négatives.
Des impacts démesurés sur le territoire
La transition énergétique, si elle n'est pas adéquatement planifiée, pose un risque important pour le territoire. Le développement de la production de 200 TWh supplémentaires d'ici 2050, comme le suggère le gouvernement Legault, pose de nombreux défis environnementaux et sociaux d'une telle ampleur qu'ils seront parfois fort diciles, voire impossibles à surmonter.
Pour générer 200 TWh supplémentaires d'électricité au moyen d'installations hydroélectriques seulement, il faudrait plus que doubler notre production actuelle d'hydroélectricité (182 TWh), ce qui causerait de nombreux problèmes. En termes de superficie, selon le ratio actuel, il faudrait des réservoirs qui couvriraient près de 24 000 km2, souvent en territoires autochtones, soit cinquante fois la superficie de l'île de Montréal. Le potentiel réel pour harnacher des rivières est aujourd'hui limité et les cours d'eau sur lesquels il serait possible de bâtir de nouveaux barrages sont de plus en plus éloignés. Les coûts de production augmenteraient alors substantiellement. Il faudrait aménager plusieurs milliers de kilomètres de lignes à haute tension et de voies terrestres dans le pergélisol de plus en plus instable et dans des milieux naturels fragiles. Les futurs développements toucheraient le territoire du caribou dont les populations sont actuellement en déclin marqué 88.
Si cette quantité d'énergie (200 TWh) était produite à partir d'éoliennes seulement, il faudrait dix-neuf fois la capacité éolienne actuelle (10,4 TWh). Produire cette énergie (ou 80 000 MW) exigerait de déployer les fermes de vent sur environ 30 000 km2 : l'équivalent de soixante fois la superficie de l'île de Montréal 89.
On compte présentement quarante parcs éoliens au Québec 90 et de nombreux appels d'offres sont à prévoir. Or, l'installation d'éoliennes provoque déjà une résistance dans certaines communautés locales. Avec une multiplication des projets, celle-ci pourrait augmenter. Les impacts de la présence d'éoliennes sur le territoire sont assurément moindres que ceux associés à des énergies fossiles, comme les sables bitumineux de l'Ouest canadien. Cependant, bien que l'énergie éolienne soit une source renouvelable, les parcs d'éoliennes sont des infrastructures qui nécessitent l'utilisation de matériaux non renouvelables (acier, béton, etc.). Les pales ont également une durée de vie limitée, en moyenne de vingt ans, et sont pour le moment difficiles à recycler 91. La construction et l'entretien des parcs éoliens crée une pression à la hausse pour lancer de nouveaux projets extractifs. De plus, il est à noter qu'en 2017, plus de la moitié des parcs éoliens étaient de propriété non québécoise 92.
Le développement prévu par le Plan pour une économie verte, axé sur l'électrification des voitures individuelles, exigera d'importantes quantités de matière et d'énergie. Il est responsable d'une bonne partie de l'augmentation de la consommation d'énergie prévue dans les prochaines années et d'une pression accrue pour l'exploitation de mines de lithium et de graphite nécessaires à la fabrication de batteries. Le nombre de claims miniers est en hausse importante 93. Ces droits exclusifs d'exploration du sous-sol québécois ont préséance sur tout autre usage du territoire et engendrent actuellement des problèmes importants de non acceptabilité sociale concernant l'accès et l'administration du territoire94,95.
Il ne s'agit ici de discréditer les énergies renouvelables, mais bien de reconnaî

L’UMQ doit abandonner ses partenariats avec Énergir et défendre l’autonomie des villes en matière de décarbonation

Greenpeace, le Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEÉ), Regroupement vigilance hydrocarbures Québec (RVHQ) et Travailleuses et travailleurs pour la justice climatique (TJC) sont fortement préoccupés par les récentes révélations de liens de proximité entre l'Union des municipalités du Québec (UMQ) et Énergir, le principal lobby gazier du Québec, qui nuisent aux efforts de décarbonation entrepris par les municipalités. Les groupes estiment que l'UMQ devrait mettre fin à ses partenariats avec Énergir et soutenir activement ses membres qui souhaitent une sortie du gaz naturel des bâtiments.
Cette demande des groupes survient après que le président de l'UMQ ait récemment déclaré que l'UMQ prépare un règlement-type que devraient suivre ses membres afin de respecter les orientations du gouvernement du Québec en matière d'utilisation du gaz naturel dans les bâtiments. Cette façon d'obtempérer aux orientations du gouvernement Legault plutôt que de représenter les intérêts des villes, lesquelles agissent au Québec en tant que réels gouvernements de proximité, est inquiétante et inacceptable, d'autant que plusieurs de ses membres prônent des solutions climatiques plus ambitieuses.
Apparence de conflit d'intérêt
La déclaration du président de l'UMQ a été faite dans la foulée des allégations d'apparence de conflit d'intérêt entre l'UMQ et son partenaire Énergir. Celui-ci a récemment engagé une poursuite contre la ville de Prévost, laquelle a décidé cet automne d'adopter un règlement novateur pour décarboner les bâtiments sur son territoire.
Au micro de Radio-Canada, Rémy Trudel, ancien ministre des Affaires municipales et professeur associé à l'École nationale d'administration publique (ÉNAP) en gouvernance des organisations, s'inquiétait grandement de ce règlement-type de l'UMQ présentement en préparation parce qu'il pourrait mettre en cause l'autonomie des municipalités : « Le doute qui se soulève, c'est [sur] quel type de relation entretient-on corporativement avec l'État, avec le gouvernement, pour voir se profiler de telles clauses dans le règlement qui seraient conseillées aux municipalités. Il y a une ligne là, une ligne très dangereuse qui est franchie. »
Selon Jean-Pierre Finet du ROEÉ, « il doit être jugé inacceptable que le président de l'UMQ suive les orientations de Québec sans les remettre en question. Son rôle est de représenter l'intérêt de ses membres auprès du gouvernement. Pas l'inverse. »
« Il y a moins de 2% de gaz naturel renouvelable dans le réseau d'Énergir. Les maires de Prévost, Montréal, Candiac, Mont Saint-Hilaire et plusieurs autres qui désirent aussi bannir le gaz des nouveaux bâtiments ne sont pas dupes. Ils ne veulent pas faire semblant que leurs nouveaux bâtiments consomment du gaz naturel renouvelable, sachant très bien qu'en réalité, ils consommeront du gaz presqu'entièrement fossile, comme tous les clients d'Énergir d'ailleurs » de souligner Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie à Greenpeace Canada.
Les groupes demandent donc que l'UMQ agissent avec fermeté et retrouvent son indépendance par rapport à la gazière alors que, selon les dires du président, les membres du conseil d'administration doivent se rencontrer sous peu pour discuter des liens entre l'UMQ et Énergir.
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Hommage national pour Karl Tremblay

Le groupe Les Cowboys fringants touche le cœur des gens dans toute la francophonie. Ses chansons dénoncent notamment la cupidité des politiciens-hommes d'affaires indifférents au monde vivant qui les entoure, indifférents au bien commun et aux destructions qu'ils créent et dont nous voyons les conséquences désastreuses croître à chaque saison : dérèglement climatique, perte de biodiversité, perte de démocratie, accroissement des inégalités sociales (Plus rien, La cave, 8 secondes, L'Amérique pleure, En berne).
Le gouvernement de François Legault, avec ses barons techno-financiers, incarne parfaitement au Québec ce système politico-économique qui conduit directement, dans l'aveuglement volontaire, au délabrement social et à la destruction du vivant.
Cet été, selon les sources officielles, plus de 18 millions d'hectaresde forêt ont été incendiés au Canada, dont plus de 4 millions au Québec. Selon la biologiste experte des forêts Catherine Potvin, ces incendies sont une conséquence du réchauffement climatique. Comme plusieurs scientifiques, elle est d'avis que la forêt boréale a peut-être atteint un point de bascule. Dorénavant, les forêts affaiblies émettent davantage de CO₂ qu'elles n'en captent, ce qui accélère le réchauffement et laisse présager encore plus de catastrophes à venir. Depuis longtemps, les scientifiques sonnent l'alarme et exhortent les gouvernements et les populations à transformer l'économie et notre mode de vie pour freiner la crise climatique. Les solutions sont connues. Les plus urgentes sont l'élimination de notre dépendance aux énergies fossiles, la diminution de notre consommation d'énergie (ce qui implique, entre autres, de mettre fin au commerce mondialisé), et la protection et la restauration de 30% des milieux naturels terrestres et marins d'ici à 2030 et de 50% d'ici à 2050.
Les politiques du gouvernement Legault sont à l'opposé de ces priorités. En effet, ce gouvernement favorise la dépendance au gaz (politique de biénergie entre Énergir et Hydro-Québec) et soutient les projets autoroutiers et le transport individuel aux dépens du développement dutransport en commun. Sous prétexte de répondre aux besoins de la transition, il autorise la destructiondes milieux humides et de l'habitat d'espèces menacées et octroie des droits miniers partout au Québec (jusqu'à 408% d'augmentation dans Lanaudière), en plus d'accorder des droits de coupes forestières dans des aires protégées et jusque dans l'habitat du caribou. Il ignore les demandes des citoyens et des experts qui réclament une évaluation environnementale (BAPE) du projet d'usine de batteries de Northvolt et une réflexion sur la filière éolienne et sur l'avenir énergétique du Québec. Il continue enfin à accorder des passe-droits aux promoteurs d'un développement énergétique illimité et semble vouloir ouvrir la porte au démantèlement du monopole d'Hydro Québec et à un retour à la privatisation de la production d'électricité. Ces orientations, comme bien d'autres, sont contraires à la volonté des Québécois et des Québécoises, qui veulent assurer un avenir viable à leurs enfants et bénéficier d'un environnement sain.
François Legault a offert de rendre un hommage national à Karl Tremblay, le chanteur des Cowboys fringants, décédé récemment. Souhaitons que cet hommage marque pour lui et pour son gouvernement le début d'une prise de conscience du sens et de la valeur du message social, politique et environnemental véhiculé par les chansons des Cowboys fringants.
Merci Karl Tremblay, merci Cowboys fringants.
Louise Morand
L'Assomption
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Coupe en altitude dans les Chic-Chocs : Une coalition en demande l’arrêt

Nouvelle, Matane, Gaspé, Val-d'Or et Québec, 18 décembre 2023 - Une coalition de groupes environnementaux composée de Environnement Vert Plus, du Comité de protection des monts Chic-Chocs, de la Société de Conservation ZICO de la Baie de Gaspé, de l'Action Boréale et de Nature Québec demande la fin des coupes dans les zones situées à plus de 600 mètres d'altitude.
Selon nos informations, le ministère des forêts a permis au Groupe Lebel l'abattage de sapinières centenaires à l'été 2023. Ces sapinières faisaient l'objet d'un plan de récupération de bois affecté par la tordeuse des bourgeons de l'épinette, ou Plan d'Aménagement Spécial 2022-2033 (PAS 22-23).
L'image satellitaire ci-bas montre, en rouge, les zones où Groupe Lebel a eu des autorisations de coupes totales dans la réserve faunique de Matane. Les zones en noir ont été retirées du PAS 22-23 suite à des pressions du Comité de protection des monts Chic-Chocs et à des négociations au sein de la table GIRT. Les zones encerclées en jaune sont des zones du PAS où l'on voit que Groupe Lebel a effectué ces coupes. Ces coupes ont eu lieu entre 720 m et 850 m d'altitude. Elles surviennent après d'autres coupes totales déjà fortement critiquées sur les flancs du mont Hélène et du mont Jimmy Russell à l'été 2022, ces dernières situées dans la zone d'habitat en restauration (ZHR) du caribou.
« Les sapinières centenaires en altitude dans les Chic-Chocs sont des écosystèmes très résilients qui ont subi plusieurs épisodes de tordeuse de bourgeon de l'épinette. Elles y ont résisté et survécu. La diversité d'âge de ces populations est une clef dans leur résistance aux aléas environnementaux - et maintenant on a remis le compteur à zéro » se désole Judes Côté du Comité de Protection des Monts Chic-Chocs.
« Ces vieilles sapinières sont des forêts inéquiennes, i.e. des forêts dont l'âge des arbres varie beaucoup. Les forêts comme celle-là ne retournent pas à leur état initial après une coupe totale, à cette altitude. Mais laissée à elle-même, les vieux arbres morts apportent une protection aux arbres plus jeunes contre les intempéries hivernales particulièrement rigoureuses. Les coupes totales en altitude empêchent le renouvellement de la forêt, ce qui fait de ces parcelles des émettrices de carbone. » explique Pascal Bergeron d'Environnement Vert Plus.
« La grive de Bicknell niche dans ces vieilles sapinières inéquiennes en altitude. Elle est menacée en raison de la disparition de cet habitat. La situation est d'autant plus fâcheuse que le ministère des Forêts ne replantera pas ces parcelles en sapin : il ne fera planter que de l'épinette. Donc on aura remplacé un habitat propice à une espèce menacée par un habitat qui ne sera plus celui de prédilection qu'elle recherche. » explique Margret Grenier de la Société de conservation ZICO de la Baie-de-Gaspé.
Les groupes signataires condamnent ces coupes et demandent à Groupe Lebel et au ministère qui les a permises de cesser toutes les coupes dans la réserve faunique de Matane, peu importe le motif, lorsqu'elles se situent :
- en altitude, au-delà de 600 mètres ;
- dans la zone d'habitat en restauration identifiée dans le scénario pour la Stratégie caribou
<https://mffp.gouv.qc.ca/la-faune/es...>
;
- dans l'habitat de la grive de Bicknell.
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Gros CAQa

Gros CAQa
Pas envie d'écrire avec des mots bien lichés.
Jos est tombé dans une CrAQ de ton système de CAQa
Depuis il tente de tuer les CAQuerelles
Qui envahissent le lit de sa fille la nuit.
Mais ça, c'est pas mauvais pour les petits enfants ?
Mononc Lego ?
Lili CAsQue encore pour la facture
D'effets scolaires pour sa classe
Les petits auront des collations, des crayons, des cahiers,
Même si sa petite paie en prend une ClAQue.
Tout le monde en a marre de ce gouvernement
AntidémoCrAQtique,
AutoCrAQtique.
Dans la CAQcophonie de tes sorties médiatiques
Quand tu parles pour rien dire,
Les yeux en signes de piastres,
Tu nies la déCAQlade,
De tout ce qui faisait
Du Québec, le Québec.
T'en as rien à foutre en vrai.
Tu fais des CAQous aux pleins
Dans l'espoir que tu en seras
Minable minus.
T'as de vision que pour tes poches proches.
Mais nous, tu sais nous ?
Nous qui subissions tes exCAQtions ?
Jos, Lili et Maude la PAB,
Qui rêve du jour où tu te retrouveras à dépendre d'elle
Pour t'enfoncer ta misogynie là où elle pense,
Nous en en a plein notre frCAQ.
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Notre Royaume n’est pas de ce monde

L'écrivaine, franco-américaine, Jennifer Richard , Prix Ivoire 2023 pour son roman" Notre Royaume n'est pas de ce monde" répond aux questions de Feguerson Thermidor, directeur harique littéraire.
Feguerson THERMIDOR : Vous avez remporté le prix Ivoire cette année pour votre roman : "Notre Royaume n'est pas de ce monde", quel sentiment ressentez-vous ? Et parlez-nous de ce roman ?
Jennifer RICHARD : Ce fut une grande surprise pour moi de voir mon livre récompensé par un prix en Côte d'Ivoire. Savoir que ce livre est lu loin de chez moi m'honore grandement. Et il me semble que cela fait sens, dans la mesure où je m'efforce, par mon travail, de participer à la décentralisation culturelle.
F.T : Vous êtes franco-américaine, d'origine guadeloupéenne par votre mère et normande par votre père, comment toutes ces origines ont-elles contribué à votre carrière d'écrivaine ?
J.R : Mes origines, ainsi que mes liens avec les territoires français d'outre-mer, ont contribué avant tout à faire de moi une citoyenne critique. Découvrir mon propre pays par les extrémités plutôt que par son centre politique m'a influencée sans que je m'en rende compte, pendant longtemps. Aujourd'hui, si je suis si attentive à la façon dont se déploie la démocratie à la française, je sais que c'est grâce à ces liens. Le regard que je porte sur l'histoire, et que je transcris dans mes livres, est la continuité de mon regard de citoyenne.
F.T : Votre roman se déroule sur plusieurs continents, Amérique, l'Afrique, l'Europe, etc., comment êtes-vous parvenue à camper ces personnages ayant des traits culturels différents pour enfin donner ce bel ouvrage littéraire ? Était-ce un travail aisé pour vous ? Peut- on parler d'un roman complexe ?
J.R : Le travail aurait été colossal si je ne l'avais pas dompté dès l'abord. Je travaille avec méthode, depuis toujours, quoi que je fasse. Mes études de droit ont sans doute figé la rigidité de ma discipline. Je rassemble les sources, lis les documents glanés, parcours livres, articles et photos, dresse un plan détaillé, chapitre par chapitre, élabore un arc de dramaturgie. Quand tout cela est effectué, je commence à rédiger. Il m'a fallu cinq ans pour les recherches et la rédaction de mes trois livres sur l'impérialisme (Il est à toi ce beau pays, Le diable parle toutes les langues, et Notre royaume n'est pas de ce monde).
F.T : Vous avez publié en 2018 aux éditions Albin Michel : "Il est à toi ce beau pays", par rapport à la multiplicité de vos origines, quelle place occupent la langue et la notion d'ethnie dans vos romans ?
J.R : "Il est à toi ce beau pays" est la première partie d'un long récit, qui se termine avec Notre royaume n'est pas de ce monde, bien que les deux parties puissent se lire indépendamment. Cette longue histoire, qui court de 1873 à 1916, est commentée par des chef d'Etat ou des intellectuels qui ont été assassinés pour leurs idées ou leurs actes entre 1830 et 2011. Le récit au premier niveau se déroule sur trois continents, les protagonistes sont originaires de nombreux pays. Sexe, religion, nationalité ne comptent pas. Race et ethnie, encore moins. Ce sont les idées qui sont mises en commun, échangées, discutées, contrées et appuyées par les uns et les autres. La Révolution, oui, mais laquelle ?
F.T : Pourrait-on dire que vous êtes dans un réalisme merveilleux ?
J.R : Je serais ravie qu'un lectorat haïtien décèle un réalisme merveilleux dans certains chapitres du livre. Oui, certains passages "décrochent" de la narration classique et mêlent rêve et réalité, sans que je détermine une frontière précise. J'invite parfois le lecteur à admettre une réalité parallèle, un glissement vers un autre monde, qui influerait sur le nôtre.
F.T : Comment vous voyez la littérature dans la vie des gens ??? Pensez-vous que cela sauve des vies ?
J.R : La littérature n'est pas assez présente. Elle ne l'a jamais été et ne le sera jamais. Mais il faut peut-être accepter qu'elle soit une porte difficile à ouvrir pour beaucoup de personnes, qu'elle soit même invisible. Sauver des vies... qui a ce pouvoir ?
Propos recueillis par Feguerson Thermidor
Écrivain-poète
Directeur Hafrikque littéraire
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Hein ! qu’on est bien à la manif ?

– Tu appelles ça une journée d'action ?
– Attends Lucky ! Ils arrivent. Sois patient !
– Ça fait une heure qu'on poireaute dans le froid.
– Parole engagée de Gilet jaune, vaut toutes les professions de foi.
– Mon œil !
– Regarde là-bas ! Y ‘en a un qui pointe.
– C'est un éboueur. Avec la même chasuble, bébête.
– Tu crois, Lucky ?
– Tes militants sont de la fête avant les fêtes.
– Tu penses ?
– Un clébard n'a pas l'étoffe d'un Froussard ni d'un Politicard !
– C'est-à-dire ?
– Il ne ment pas, ne se ravise pas !
-T'as raison, l'esplanade est vide.
– J'te dis, ce RDV des Gilets jaunes est un bide. Ton sit-in devant le siège du média raciste et bienpensant, fait chou blanc.
– J'étais sûr qu'ils allaient chopiner en cette période récréative, jusqu'à mettre la Sécu à sec, mon Lucky.
– T'as qu'à tendre l'oreille aux sirènes des ambulances.
– Ils sont combien à y croire encore, Lucky ?
– A peine une dizaine, Tambourineur inclus.
–Pas glorieux.
– J'étais bien au chaud à regarder mes copains « Les 101 Dalmatiens », mes croquettes allégées à portée de museau, et finalement…
– Finalement, le Collectif a botté en touche ! Désolé Lucky !
– J'ai la dalle. Et comble du désespoir, pas une poubelle accessible dans ce 15ème cossu.
– J'te promets un gourmet canin royal, Lucky.
–Trop tard !
-Tu me tiens rigueur ?
-Oui ! J'aime pas les batailles qui avancent à reculons. Une banderole qui se déploie qu'à la lumière d'un ciel azur.
– Je vois où tu veux en venir.
–Si t'avais l'intelligence de m'en parler, je t'aurais évité cet affront.
– Ah bon ?
– Oui Monsieur !
– Je t'aurais ameuté, d'un coup d'aboiement, des bataillons de klebs pour éradiquer cette gangrène xénophobe. Il y aura des Pit-bulls, Rottweilers, Bergers allemands, Lycaons d'Afrique, le club des Inuits du Canada, des Sloughis d'Algérie, les Bergers du Caucase et même les Chow Chow chinois.
–Et si le mouvement s'essouffle encore une fois, Lucky ?
- T'inquiète ! Les SPA* arriveront en renfort !
Texte et photo : Omar HADDADOU 2023
* Société Protectrice des Animaux.
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gauche.media
Gauche.media est un fil en continu des publications paraissant sur les sites des médias membres du Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG). Le Regroupement rassemble des publications écrites, imprimées ou numériques, qui partagent une même sensibilité politique progressiste. Il vise à encourager les contacts entre les médias de gauche en offrant un lieu de discussion, de partage et de mise en commun de nos pratiques.