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Dans un Mexique qui suffoque, des élections sans écologie

4 juin 2024, par Julien Delacourt — , ,
Les enjeux environnementaux passent au second plan dans l'élection présidentielle du Mexique, le 2 juin. Le pays fait pourtant face à de fortes sécheresses et à une hausse des (…)

Les enjeux environnementaux passent au second plan dans l'élection présidentielle du Mexique, le 2 juin. Le pays fait pourtant face à de fortes sécheresses et à une hausse des projets destructeurs.

Tiré de Reporterre. Légende de la phot : Sous la chaleur de Mexico, des affiches de Claudia Sheinbaum, candidate de la majorité au pouvoir, appellent à voter à l'élection présidentielle du 2 juin 2024. AFP/Yuri Cortez.

Les derniers sondages le confirment : le Mexique élira sa première « presidenta » (« présidente ») le dimanche 2 juin. « En tant que femme, ça va au-delà de toutes nos attentes », s'émeut Elisa, 26 ans, durant la clôture de campagne de l'ultrafavorite Claudia Sheinbaum. Dans son dernier discours, l'ancienne maire de la capitale (2018-2023) a énuméré les principaux points de son programme. Si les questions d'égalité de genre arrivent dans les premiers, les enjeux environnementaux ne sont évoqués qu'en quinzième position.

Face à elle, Xóchitl Gálvez, la candidate de la coalition de droite, joue souvent du bilan environnemental du président sortant, Andrés Manuel López Obrador (dit « AMLO »), très critiqué. « Xóchitl Gálvez se concentre sur la question climatique et sur une transition vers les énergies propres, analyse Leticia Merino, professeure à l'Université nationale autonome du Mexique et coordinatrice de l'Agenda socio-environnemental 2024. Mais comme d'autres, elle a tendance à réduire les enjeux environnementaux à la seule question climatique. »

Claudia Sheinbaum représente l'alliance de gauche, mais elle est surtout vue comme la dauphine du très populaire président López Obrador. Physicienne de formation et ancienne membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), c'est pourtant elle qui semble avoir le plus d'expérience sur les questions environnementales.

L'eau, première préoccupation

Avec des températures en constante hausse (jusqu'à 52 °C), une vague de chaleur ayant déjà fait quarante-huit morts et une sécheresse qui touche 70 % du territoire, le Mexique suffoque. À l'image du Cutzamala, le système de barrages alimentant Mexico en eau, qui fonctionne à moins de 30 % de ses capacités, les ressources en eau s'amenuisent. La perspective de stress hydrique est l'une des principales sources d'inquiétudes des Mexicains et Mexicaines.

Claudia Sheinbaum propose de changer la loi sur la gestion de l'eau, qui assure à l'État fédéral un contrôle total sur la ressource en dépit d'une gérance locale qui favoriserait les inégalités de distribution. Une proposition insuffisante, selon Leticia Merino, puisqu'il est impossible de savoir dans quel sens ces changements seraient opérés.

« Les programmes de Xóchitl Gálvez et Jorge Máynez [candidat du Mouvement citoyen, parti aux intentions de vote très faibles] sont assez pauvres, ils ne parlent presque pas d'environnement, explique la spécialiste. Et pourtant Claudia Sheinbaum n'en dit pas beaucoup plus, il n'y a rien sur la biodiversité ni sur les océans. » La perte de biodiversité et notamment des mangroves augmente pourtant la vulnérabilité face aux événements climatiques, comme avec Otis, ouragan de force 5/5, qui a littéralement détruit Acapulco en octobre 2023.

Mégaprojets

Le bilan de l'administration actuelle joue un rôle considérable dans la campagne. Et le mandat d'AMLO est notamment marqué par de grands projets, dont l'utilité divise : « Leur grande mesure a été de réduire les budgets alloués à la santé, à l'éducation, à l'écologie pour les transférer aux mégaprojets du président, déplore Leticia Merino. Alors que ceux-là violent souvent leurs propres lois sur l'environnement. »

Parmi les projets qui créent la controverse, le Train Maya et ses 1 500 kilomètres de voies ferrées reliant le sud-est mexicain, ayant engendré une importante déforestation et contamination de l'eau, ou le « corridor interocéanique », système de connexion entre les océans Atlantique et Pacifique pour concurrencer le canal de Panama.

Au Mexique, encore près de la moitié de l'électricité produite provient des énergies fossiles et notamment du charbon. Pour amorcer la transition énergétique, Claudia Sheinbaum prévoit de suivre une politique extractiviste et d'exploiter d'importantes réserves de lithium.

Au-delà de l'élection présidentielle, les législatives, locales (9 des 32 États changeront de gouvernement) et municipales rebattront aussi certaines cartes en matière de politiques environnementales.

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Lorsque le Nicaragua a poursuivi l’Allemagne en justice, certains médias ont mis le Nicaragua au banc des accusés*

Lorsque le Nicaragua a accusé l'Allemagne d'avoir aidé et encouragé le génocide israélien à Gaza devant la Cour internationale de Justice (CIJ) le mois dernier, les lecteurs (…)

Lorsque le Nicaragua a accusé l'Allemagne d'avoir aidé et encouragé le génocide israélien à Gaza devant la Cour internationale de Justice (CIJ) le mois dernier, les lecteurs des grands médias auraient pu sérieusement se demander si l'affaire du Nicaragua avait une quelconque légitimité.

Par John Perry, Fairness and Accuracy in Reporting (FAIR-USA), New York, 30 mai 2024

John Perry a écrit pour The Nation, London Review of Books, Guardian, Council on Hemispheric Affairs, CounterPunch, Grayzone et d'autres médias. Il est basé à Masaya, au Nicaragua.

https://fair.org/home/when-nicaragua-took-germany-to-court-media-put-nicaragua-in-the-dock/ <https://fair.org/home/when-nicaragu...>

Traduction : Google+

L'affaire visait l'Allemagne comme étant le deuxième plus grand fournisseur d'armes d'Israël, parce que les États-Unis, le plus grand fournisseur d'Israël, n'acceptent pas la compétence de la Cour sur cette question. L'objectif ( comme l'a expliqué l'avocat du Nicaragua ) était de créer un précédent d'application plus large : les pays devraient assumer la responsabilité des conséquences de leurs ventes d'armes pour éviter qu'elles ne soient utilisées en violation du droit international.

De nombreux médias institutionnels ont adopté un point de vue plus clivant. Le Financial Times (08/04/24) a déclaré à ses lecteurs : « Le gouvernement autoritaire du Nicaragua a accusé l'Allemagne de « faciliter le génocide » à Gaza à l'ouverture d'une affaire politiquement chargée. Le deuxième paragraphe d'un article du New York Times (8/4/24) citait des « experts » qui y voyaient « une démarche cynique d'un gouvernement totalitaire visant à renforcer son image et à détourner l'attention de son propre bilan de répression qui ne cesse de s'aggraver ». Le Guardian (09/04/24) a nuancé son commentaire en faisant remarquer que « le Nicaragua n'est guère un exemple en matière de respect des droits de l'homme ».

Les doubles standards sont ici évidents. Si le gouvernement américain devait faire ce qu'il n'a pas fait jusqu'à présent, et condamner la violence génocidaire d'Israël, les grands médias occidentaux ne rappelleraient pas à leurs lecteurs les crimes contre l'humanité américains, tels que les tortures d'Abou Ghraib, les extraordinaires « renditions » ou les centaines d'emprisonnements sans procès à Guantanamo. Il est difficile d'imaginer que Washington soit accusé d'« hypocrisie » ( Guardian, 9/04/24 ) pour avoir dénoncé les crimes d'Israël. Toute condamnation d'Israël par les États-Unis ou l'un de leurs alliés occidentaux serait prise au pied de la lettre – en contraste flagrant avec le traitement médiatique d'une telle action par un pays ennemi officiel comme le Nicaragua.

*L'Allemagne « à son meilleur »*

Titre du journal El Pais : « La pire version du Nicaragua contre la meilleure version de l'Allemagne » Pour El País (11/04/24), faciliter le massacre de masse à Gaza est « l'Allemagne… à son meilleur », car elle est « motivée » par son « sens des responsabilités issu d'une histoire tragique ».

Parmi les médias de l'establishment, le journal espagnol El País (11/04/24) était peut-être le plus vitriolique dans sa description du Nicaragua. Son article sur le procès était intitulé « La pire version du Nicaragua contre la meilleure version de l'Allemagne ».

« La troisième affaire judiciaire internationale sur la guerre à Gaza oppose un régime accusé de crimes contre l'humanité à une démocratie forte et légitime », explique l'article. « C'est peut-être une noble cause, mais son défenseur ne pourrait pas être pire. »

L'article, qui ne reprenait aucune des preuves présentées par les deux parties, commentait assez curieusement que l'Allemagne était « à son meilleur » pour défendre sa cause, que sa « défense contre les accusations du Nicaragua est solide et que sa légitimité en tant qu'État démocratique est inattaquable ». Un commentaire vraisemblablement destiné à opposer sa légitimité à celle de « la dictature nicaraguayenne ».

En plus de son article cité ci-dessus, le New York Times (08/04/24) a publié un rapport plus centré sur l'affaire elle-même. Cependant, ce sont CNN (09/04/24) et Al Jazeera (08/04/24) qui se sont démarqués en couvrant l'affaire sur ses propres mérites plutôt que de se laisser distraire par une animosité envers le Nicaragua.

La présentation négative dans la plupart des médias a été répétée lorsque, plus tard en avril, ils ont titré que la demande du Nicaragua avait été « rejetée » par la CIJ (par exemple, AP, 30/04/24 ; NPR, 30/04/24), avec le New York Times (30/04/24) n'oubliant pas encore une fois d'insérer un commentaire désobligeant sur le caractère « hypocrite » de l'action du Nicaragua. Ces rapports de suivi ont largement négligé l'impact de cette affaire sur la capacité de l'Allemagne à armer davantage Israël lors de son attaque continue contre Gaza.

Le New York Times (02/03/23) a publié un titre assimilant les sandinistes nicaraguayens au parti nazi allemand, en affirmant que « la militarisation du système judiciaire contre les opposants politiques, comme cela se fait au Nicaragua, est exactement ce qu'a fait le régime nazi ».

Les grands médias ont proféré leurs critiques du Nicaragua grâce à un rapport publié fin février par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Un « groupe d'experts des droits de l'homme sur le Nicaragua » (le « GHREN ») avait produit son deuxième rapport sur le pays. Son premier, l'année précédente, avait accusé le gouvernement du Nicaragua de crimes contre l'humanité, ce qui a donné lieu à ce titre délirant du New York Times (02/03/23) : « Les « nazis » du Nicaragua : des enquêteurs stupéfaits citent l'Allemagne d'Hitler. »

Le leader du GHREN, l'avocat allemand Jan-Michael Simon, avait en effet comparé l'actuel gouvernement sandiniste aux nazis. La journaliste du Times Frances Robles a cité Simon :

« La militarisation du système judiciaire contre les opposants politiques, comme cela se fait au Nicaragua, est exactement ce qu'a fait le régime nazi », a déclaré Jan-Michael Simon, qui dirigeait l'équipe d'experts en justice pénale nommés par l'ONU, dans une interview.

« Des gens massivement déchus de leur nationalité et expulsés du pays : c'est exactement ce que les nazis ont fait aussi », a-t-il ajouté.

C'est toute une accusation, étant donné que les nazis ont créé plus de 44 000 camps d'incarcération de différents types et tué quelque 17 millions de personnes. Robles a donné peu de chiffres sur les crimes dont le Nicaragua est accusé, mais a mentionné 40 exécutions extrajudiciaires en 2018 attribuées à des membres de l'État et ses alliés, et a noté que le gouvernement Ortega avait en 2023 « retiré la citoyenneté à 300 Nicaraguayens qu'un juge a qualifiés de « traîtres à leur pays natal ».

Robles a également cité Juan Sebastián Chamorro, membre d'une famille de l'oligarchie nicaraguayenne qui compte parmi les plus farouches opposants au gouvernement sandiniste ; Chamorro a affirmé qu'il y avait des preuves de « plus de 350 personnes assassinées ». Même si c'était vrai, cela semble être très éloigné de « exactement ce que les nazis ont fait ».

Comme la plupart des journalistes occidentaux, Robles – qui a également écrit un récent article de la CIJ pour le Times – n'a prêté aucune attention aux critiques du travail du GHREN formulées par des spécialistes des droits de l'homme, qui ont affirmé que le GHREN n'avait pas examiné toutes les preuves mises à sa disposition et interviewé uniquement des sources d'opposition. Par exemple, l'ancien expert indépendant de l'ONU, Alfred de Zayas, a fustigé leur premier rapport dans son livre « The Human Rights Industry », le qualifiant de « pamphlet politique » destiné à déstabiliser le gouvernement du Nicaragua.

Même si l'on prend le récit du GHREN au pied de la lettre, le génocide de Gaza est au moins 100 fois pire en termes de nombre de morts, sans compter d'autres éléments horribles, tels que la famine délibérée, les bombardements aveugles, la destruction d'hôpitaux et bien plus encore par l'armée israéliennes. On ne sait pas pourquoi les accusations contre le Nicaragua devraient délégitimer les accusations contre l'Allemagne.

Histoire de La Haye.Le New York Times a titré le 28 juin 1986 : « La cour mondiale soutient le Nicaragua après que les États-Unis rejettent le rôle des juges »

En 1986, le New York Times (28/06/86) rapportait que la CIJ avait déclaré les États-Unis coupables de « formation, armement, équipement, financement et approvisionnement des groupes de Contras » et d'« attaques directes contre les installations pétrolières et les ports du Nicaragua ».

De nombreux médias ont mentionné le long historique de soutien du Nicaragua à la Palestine – ce qui met à mal l'accusation de cynisme qui sous-tend cette affaire – mais rares sont ceux qui ont souligné l'histoire des succès de ce pays d'Amérique latine à La Haye. Comme l'a souligné Carlos Argüello, l'ambassadeur du Nicaragua aux Pays-Bas qui a dirigé la CIJ, le Nicaragua a plus d'expérience à la Haye que la plupart des pays, y compris l'Allemagne. Cela a commencé avec son procès pionnier contre les États-Unis en 1984, lorsqu'ils ont obtenu une compensation de 17 milliards de livres sterling (qui n'a jamais été payée) pour les dommages causés au Nicaragua par la guerre des Contras financée par les États-Unis et le minage de ses ports.

Une exception notable à cette falsification historique est venue de Robles au Times (4/8/24), qui a fait référence au cas de 1984. Mais il ne s'agissait clairement pas de rappeler aux lecteurs les crimes américains, ni de démontrer que le Nicaragua est un acteur à prendre au sérieux dans le domaine du droit international. Les deux universitaires qu'elle a cités ont tous deux servi à décrire le cas actuel comme simplement « cynique ».

Le premier, Mateo Jarquín, cité par Robles, aurait déclaré que le gouvernement sandiniste avait « une longue expérience… d'utilisation d'organismes mondiaux comme la CIJ pour se tailler une place au niveau international – pour renforcer sa légitimité et résister à l'isolement diplomatique ». Robles n'a pas divulgué le surnom de Jarquín : Chamorro. Comme sa source dans l'article précédent, il fait partie d'une famille qui compte plusieurs opposants au gouvernement.

Robles a également cité Manuel Orozco, un ancien Nicaraguayen travaillant au Dialogue interaméricain basé à Washington, dont les principaux bailleurs de fonds sont l'Agence américaine pour le développement international et l'Institut républicain international, connus pour leur rôle dans la promotion des changements de régime, notamment au Nicaragua. Orozco a déclaré à Robles que « le Nicaragua n'a pas l'autorité morale et politique pour parler ou défendre les droits de l'homme, et encore moins sur les questions de génocide ».

*« Ils se sont effectivement rangés du côté de l'Allemagne »*

Associated Press : « Le plus haut tribunal de l'ONU rejette la demande du Nicaragua demandant à l'Allemagne de suspendre son aide à Israël. »

L'Associated Press (30/04/24) n'a pas saisi l'importance de la décision de la CIJ selon laquelle, « à l'heure actuelle, les circonstances ne sont pas telles qu'elles nécessitent » une ordonnance interdisant à l'Allemagne d'expédier des armes à Israël – à savoir, que l'Allemagne a soutenu qu'elle avait déjà interrompu ses expéditions de telles armes (Verfassungblog, 5/2/24).

Le 30 avril, la CIJ a refusé d'accorder au Nicaragua les mesures provisoires demandées contre l'Allemagne, exigeant notamment l'arrêt des livraisons d'armes à Israël. En tête d'affiche de ce résultat, l'Associated Press (30/04/24) a déclaré que le tribunal « se rangeait effectivement du côté de l'Allemagne ». Le média a cependant poursuivi en expliquant que le tribunal avait « refusé de rejeter complètement l'affaire, comme l'Allemagne l'avait demandé », et qu'il entendrait les arguments des deux parties, avec une résolution qui n'arriverait probablement pas avant des années.

C'était mieux que le rapport de NPR (30/04/24), qui mentionnait seulement que le tribunal poursuivait l'affaire dans son dernier paragraphe.

Mais l'avocat et professeur allemand Stefan Talmon (Verfassungblog, 02/05/24) a précisé que la décision du tribunal « limite sérieusement la capacité de l'Allemagne de transférer des armes à Israël ».

« L'ordonnance du tribunal a été largement interprétée comme une victoire pour l'Allemagne », a commenté Talmon. "Un examen plus approfondi de l'ordonnance montre cependant le contraire." Il a conclu que même si la CIJ n'interdisait pas de manière générale la fourniture d'armes à Israël, elle lui imposait des restrictions significatives en soulignant l'obligation de l'Allemagne « d'éviter le risque que de telles armes puissent être utilisées pour violer les Conventions sur les génocide et de Genève ».

Et Talmon a souligné que le tribunal semblait avoir pris sa décision selon laquelle un ordre d'arrêt des expéditions d'armes de guerre n'était pas nécessaire, sur la base de l'affirmation de l'Allemagne selon laquelle elle avait déjà cessé de le faire.

« En soulignant expressément qu'« à l'heure actuelle », les circonstances n'exigeaient pas l'indication de mesures conservatoires, la Cour a clairement indiqué qu'elle pourrait indiquer de telles mesures à l'avenir », a écrit Talmon.

Les médias de l'establishment, apparemment distraits par « l'hypocrisie » du Nicaragua qui défie un pays dont la « légitimité en tant qu'État démocratique est inattaquable », n'ont pour la plupart pas remarqué que ses efforts juridiques ont donc été au moins partiellement couronnés de succès : ils ont forcé l'Allemagne à renoncer à ses efforts inlassables de soutien au génocide israélien à Gaza et a alerté les politiciens allemands sur le fait qu'ils risquent d'être tenus pour responsables en vertu du droit international s'ils transfèrent d'autres armes de guerre.

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Dans une Europe à la croisée des chemins, la légitimité d’une voix anticapitaliste

4 juin 2024, par Gauche anticapitaliste — ,
La campagne électorale des Européennes porte la marque d'un contexte anxiogène et du désenchantement pour de larges couches de la population. Dans cette tribune plus de 125 (…)

La campagne électorale des Européennes porte la marque d'un contexte anxiogène et du désenchantement pour de larges couches de la population. Dans cette tribune plus de 125 personnalités belges, françaises et internationales dont Ken Loach, Aurore Koechlin, Miguel Urban, Andreas Malm, Olivier Besancenot ou encore Roseline Vachetta appellent à rassembler toutes les forces de la rupture sociale et écologique après les élections et à préparer le rapport de forces, en défense d'un programme de transformation sociale et écologique à la hauteur des enjeux.

Tiré de Gauche anticapitaliste
24m mai 2024

Par Gauche anticapitaliste

Cette campagne électorale porte la marque d'un contexte anxiogène et du désenchantement pour de larges couches de la population. Le « monde d'après » une pandémie meurtrière est marqué par un dérèglement climatique accéléré, des inégalités sans précédent, la Méditerranée transformée en cimetière, les invasions de l'Ukraine et de Gaza…

Ajoutons la montée du militarisme, de la répression policière et de l'extrême droite en Europe et ailleurs : les Orban, Meloni, Van Grieken, Le Pen ou Poutine, qui s'attaquent aux droits des femmes et personnes LGBTI+ à disposer de leur corps sans subir de violences, alors que le définancement des services publics fait porter aux femmes la surcharge de travail du soin.

En Belgique, la décision de regrouper les différentes élections régionales, fédérales et européennes ne peut effacer l'enjeu de ces dernières. Comment répondre à ces crises capitalistes sans passer aussi par l'échelle européenne et internationale ? La vaccination anti-Covid, les sanctions à prendre vis-à-vis des régimes russe ou israélien, la crise agricole, etc., ont montré l'importance du niveau européen.

Ces crises ont remis à l'ordre du jour la possibilité de prendre des mesures fortes : fermetures et réquisitions d'entreprises, sanctions internationales, contrôle des prix, taxation exceptionnelle…Pour autant qu'il y ait la volonté politique et le rapport de forces.

Les traités au fondement de l'UE consacrent sa construction par et pour les grandes entreprises privées du continent, dominée par des pouvoirs échappant au contrôle démocratique : Conseil, Commission et Banque centrale européenne. Elle est gangrenée par les lobbies patronaux et ceux de régimes despotiques, de la Russie au Qatar. La social-démocratie et les Verts refusent de la remettre en cause. Ces courants ont mené, en loyauté vis-à-vis du patronat, des décennies de privatisations, de libéralisations, et de casse des droits sociaux des travailleur.se.s, qui accentuent le désastre écologique.

Face à eux, des blocs réactionnaires et d'extrême droite se nourrissent des impacts antisociaux du capitalisme vert et prétendent fournir une alternative qui aggrave le racisme et le déni climatique.

Ces dernières années, l'Union européenne a conclu des « Pactes », nocifs pour ce qu'ils prétendent soigner. Le « Green Deal » ne permet pas de répondre au danger existentiel du réchauffement climatique et de l'effondrement de la biodiversité, parce qu'il s'inscrit dans la continuité capitaliste, productiviste et néolibérale des politiques de l'UE depuis quarante ans. Il consacre ainsi le gaz et le nucléaire comme « énergies de transition ». Le « Pacte migratoire » accentue la politique meurtrière de l'UE à ses frontières : il renforce l'agence Frontex connue pour ses violations des droits humains et le financement de pays tiers pour qu'ils chassent et emprisonnent les réfugié.e.s par tous les moyens possibles, jusqu'à les refouler dans le désert, comme en Tunisie.

Enfin, le « Pacte budgétaire » consacre le retour de l'austérité et des paquets de « réformes » néolibérales ralentis par la pandémie et la crise sociale liée aux prix de l'énergie. Pour la Belgique et ses régions, l'après-élections annonce des coupes budgétaires d'ampleur : Franck Vandenbroucke (Vooruit) évoque le « Plan global » d'austérité de 1993, les libéraux et la N-VA proposent d'aller tailler dans les services publics, la Sécurité sociale et la santé pour près de 30 milliards dans la législature à venir.

La gauche de gauche souffre encore à l'échelle européenne d'une absence d'un projet de société alternatif et d'une stratégie d'affrontement assumé avec le capital et ses institutions, le pire exemple étant l'évolution de Syriza en Grèce. En Belgique, le PTB incarne une des rares forces de gauche ascendantes en termes électoraux mais il n'embrasse pas la diversité des courants de la gauche radicale et ne peut constituer à lui seul une réponse suffisante aux questions stratégiques majeures à l'ordre du jour.

Nous connaissons la Gauche anticapitaliste et l'engagement de ses militant.e.s dans de multiples combats : aux côtés des Delhaizien.ne.s et des travailleur.se.s de la santé, dans les initiatives antifascistes et en défense des sans-papiers, dans les actions de désobéissance civile de Code Rouge contre TotalEnergies et Ali Baba, dans les luttes féministes, LGBTI+ et la solidarité avec les Palestinien.ne.s et les Ukrainien.ne.s ; pour un syndicalisme de combat et démocratique et une alternative politique large, plurielle et unitaire.

La Gauche anticapitaliste fait partie des courants marxistes révolutionnaires ouverts et vivants et met en avant un programme de transformation radicale vers un écosocialisme démocratique. Elle défend la nécessité d'abolir Frontex et de refonder une Europe solidaire, de socialiser le secteur financier et l'énergie, de répudier les dettes publiques, d'une décroissance juste et planifiée, et défend un front uni des mouvements sociaux, syndicaux et de gauche contre les blocs de droite et d'extrême droite.

Sans nécessairement partager la totalité de son programme, les signataires de cet appel soulignent la légitimité de la liste qu'elle présente aux élections européennes : la liste Anticapitalistes, sur laquelle figure Philippe Poutou, porte-parole du NPA et ancien candidat aux présidentielles en France.

Enfin, nous appelons à rassembler toutes les forces de la rupture sociale et écologique après les élections et à préparer le rapport de forces, en défense d'un programme de transformation sociale et écologique à la hauteur des enjeux. Un monde nouveau est nécessaire, et même urgent ; nous sommes de celles et ceux qui pensent qu'il est possible.

Premiers signataires :

Ken Loach, réalisateur
Aurore Koechlin, autrice féministe
Miguel Urban, député de l'Etat espagnol au Parlement européen
Andreas Malm, auteur et professeur associé en écologie humaine, Université de Lund en Suède)
Olivier Besancenot, ancien candidat à la présidentielle française
Roseline Vachetta, ancienne députée européenne
Christine Poupin, porte-parole du NPA-L'Anticapitaliste, militante écosocialiste
Omar Slaouti, militant antiraciste et conseiller municipal Argenteuil
Ugo Palheta, sociologue, maître de conférences à l'université de Lille
Daria Saburova, chercheuse et membre du Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine
Hanna Perekhoda, chercheuse en histoire
Ilya Budraitskis, politiste, journaliste et militant socialiste russe,
Paul Murphy, député (TD) People Before Profit en Irlande

En Belgique :

Joëlle Sambi, militante et artiste
Rosetta Scibilia, syndicaliste et ancienne déléguée chez Delhaize
Arnaud Levêque, Centrale Générale FGTB
Bintou Touré, porte-parole du Comité des femmes sans-papiers Belgique
Irène Zeilinger, féministe
Céline Caudron, militante féministe
Eleonore Merza Bronstein, militante féministe et juive décoloniale
Eitan Bronstein, De-Colonizer
Bruno Beauraind, chercheur au GRESEA
Jalil Bourhidane, permanent CNE
Mathieu Verhaegen, Président CGSP-ACOD ALR-LRB Bru
Youri Vertongen, docteur en sciences politiques, UCLouvain
Jacinthe Mazzochetti, professeure à l'UCLouvain et autrice
Binta Liebmann Diallo, infirmière sociale
Oli Vermeulen, membre de Fabriek Paysanne
Eric Toussaint, docteur en sciences politiques, membre du CADTM international
Sébastien Kennes, militant Luttes paysannes/Occupons le terrain
Esmeralda Wirtz, militante pour la justice climatique

La liste complète des signataires :

Abufom Pablo,Coordinateur politique du Movimiento Solidaridad (Chili)
Aissat Kamel, universitaire et militants écologiste (Algérie)
Antoine Sébastien, Docteur en Sciences Politiques et Sociales (UCLouvain), Marie Skłodowska-Curie Global Postdoctoral Fellow
Arets France, enseignante retraitée, militante syndicale CGSP active dans le soutien aux sans-papiers
Beauraind Bruno, Chercheur au GRESEA
Berquin Manu, médecin
Besancenot Olivier, ancien candidat du NPA à l'élection présidentielle française
Bigorne Alexia, Doctorante en santé publique et militante féministe et LGBTI+
Bilous Taras, co-éditeur de la revue Commons, membre du Mouvement Social (Ukraine)
Bouchez Freddy, militant de la Marche des Migrant.es région du Centre
Boulard Coralie, Doctorante à la KULeuven
Bourhidane Jalil, permanent CNE
Bouvy Jérôme, Philosophe hospitalier au Grand Hôpital de Charleroi
Brice Léonard, Chercheur en informatique, ULB
Bronstein Eitan, De-Colonizer
Bucci Mario, militant antifasciste
Budraitskis Ilya, Politiste, journaliste et militant socialiste russe
Calderón Alí, Poète, professeur à la Benemérita Universidad Autónoma de Puebla (Mexique)
Cardinal Valérie, Groupe montois de soutien aux sans-papiers
Carvalho Nadja, co-responsable des relations internationales du PSOL (Brésil)
Caudron Céline, militante féministe
Chaumont Laura, travailleuse dans un service de prévention des violences faites aux femmes
Chritiaens Hans, permanent syndical SETCa-FGTB
Coelho Allan, Philosophe et professeur à l'université de San Francisco
Como Eliana, militante féministe et syndicaliste CGIL, Confédération générale italienne du travail
Daher Joseph, Chercheur à l'université de Lausanne et militant internationaliste
De Mond Nadia, militante féministe et internationaliste belgo-italienne
De Wit Bruno, Délégué BBTK-SETCa Social Profit à Malines
Devriese Cédric, animateur en éducation permanente
Di Campo Thérèse, photojournaliste et militante des droits humains
Di Martinelli Muriel, Secrétaire fédérale CGSP-ACOD ALR-LRB BRU
Djermoune Nadir, enseignant chercheur, architecte urbaniste (Algérie)
Duggan Penelope, membre du Bureau de la Quatrième Internationale
Elophe Cyril, auteur de bande dessinée et représentant de la fédération ABDIL
Fekete de Vari François, chercheur et assistant à l'ULB/UCLouvain.
Fichefet Charlotte, Chercheuse et militante solidaire de l'Ukraine
Filoni Chiara, Militante féministe
Fonsny Pauline, militante solidaire de la lutte des sans papiers
Fossion Jamie Lee, ULB, coordinatrice en maison médicale
García Hernández Franck, sociologue, historien cubain et membre de Comunistas (Cuba)
Grun Laurence, réalisatrice
Guérard Martin, JOC
Gueye (dit Ziza Youssouf) Abdelazize, chanteur et danseur
Haberkorn Amir, Syndicaliste, militant anti-capitaliste
Hirach Faiza, militante syndicale
Houart Claire, psychologue clinicienne, psychothérapeute
Houart François, comédien
El Manouzi Ismail, directeur du journal « Al mounadil-a » (Maroc)
Izzo Alba, Comédienne et animatrice
Jiang Wanjing, Doctorante à la KULeuven
Karaoglan Ufuk, militant antiraciste
Kassar Hassène, universitaire, Tunis
Kennes Sébastien, militant Luttes Paysannes / Occupons le Terrain
Koechlin Aurore, Autrice féministe
Kyselov Oleksandr, Assistant de recherche à l'université d'Uppsala, membre du Mouvement Social (Ukraine)
Larrache Antoine, éditeur de la revue Inprecor
Laublin Régis, Militant syndical
Leidinger Romane, enseignante et militante syndicale
Leterme Cédric, Docteur en sciences politiques et sociales, chercheur-militant
Levèque Arnaud, Centrale Générale FGTB
Liasheva Aliona, co-éditrice de la revue Commons, membre du Mouvement Social (Ukraine)
Liebmann Diallo Binta, Infirmière sociale
Loach Ken, réalisateur
Lowy Michael, sociologue écosocialiste
Lucia Bayer Mats, Chercheur à l'université de Delft
Maes Renaud, Professeur à l'Umons et l'UCLouvain
Malafatti Fernanda, Docteure en éducation et enseignante à Sao Paulo
Malm Andreas, Auteur et professeur associé en écologie humaine, Université de Lund (Suède)
Mann Kay, Membre de Solidarity (USA)
Manuel Meneses Ramirez José, Docteur en philosophie et professeur au Colegio de Morelos (Mexique)
Martinez Andrade Luis, Docteur en sociologie de l'EHESS, chercheur à l'UCLouvain
Mathieu Freddy, ancien Secrétaire Régional de la FGTB Mons-Borinage
Mazzochetti Jacinthe, Professeure à l'UCLouvain et autrice
Medvedev Kirill, Musicien, poète et activiste de gauche russe
Merza Bronstein Eleonore, Militante féministe et juive décoloniale
Moonens Alessandra, médecin et avorteuse
Mora Youri, doctorant en psychologie sociale (ULB)
Mosquera Martin, éditeur principal de Jacobin Amérique latine
Moustakbal Jawad, Membre du secrétariat d'ATTAC/CADTM Maroc
Murphy Paul, Député (TD) de People Before Profit (Irlande)
Ndiaye Modou, Porte parole de la Voix des Sans Papiers Belgique
Palheta Ugo, sociologue, maître de conférences à l'université de Lille
Paquet Fanny, militante féministe
Parzenczewski Ester, chroniqueuse littéraire à « Points critiques »
Pasetti Quentin, Enseignant dans l'enseignement supérieur
Peltier Benjamin, militant des droits humains
Perekhoda Hanna, Chercheuse en histoire
Pilash Denys, co-éditeur de la revue Commons, membre du Mouvement Social (Ukraine)
Piron Daniel, ex-Secrétaire régional interprofessionnel de la FGTB Charleroi
Pommier Nicolas, ingénieur du son
Poupin Christine, porte-parole du NPA-L'Anticapitaliste, militante écosocialiste
Puissant Hamel, Délégué SETCA non-marchand
Renoir Milady, voisine solidaire de la lutte des sans papiers
Rivera Rodrigo, Senior Communications Officer at European Transport Workers' Federation
Rodriguez Bonfanti Dominique, militante progressiste
Saburova Daria, Chercheuse, membre du Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine
Sambi Joelle, militante et artiste
Schievers Sean, travailleur social
Scibilla Rosetta, syndicaliste et ancienne déléguée chez Delhaize
Sepulchre Douglas, Assistant et doctorant à l'ULB
Skyba Oleksandr, Syndicat indépendant des cheminots et membre du Mouvement Social (Ukraine)
Slaouti Omar, militant antiraciste et conseiller municipal Argenteuil
Tidva Artem, militant syndical et membre du Mouvement Social (Ukraine)
Tlili Jalel, Sociologue, Tunis
Tondeur Julien, Historien
Tondeur Bruno, réalisateur/animateur
Touré Bintou, Porte parole du Comité des Femmes Sans Papiers Belgique
Toussaint Eric, docteur en sciences politiques, membre du CADTM international
Trémouilhe Julie, Auteure
Urban Miguel, député de l'Etat espagnol au Parlement Européen
Uyttebroek Julien, Travailleur syndical
Vachetta Roseline, ancienne députée européenne
Van Hasselt Thierry, artiste
Vander Elst Martin, Anthropologue et activiste
Vanneste Pierre, photographe et réalisateur
Veltmans Peter, Délégué syndical ACOD-CGSP Finances
Verhaegen Mathieu, Président CGSP-ACOD ALR-LRB BRU
Vermaut Tatiana, Enseignante
Vermeulen Oli, membre de Fabriek Paysanne
Vertongen Youri, Docteur en sciences politiques, UCLouvain
Warocquiez Dominique, activiste internationaliste
Weyts Thomas, SAP-Antikapitalisten, actif dans le réseau européen de solidarité avec l'Ukraine
Wirtz Esmeralda, Militante pour la justice climatique
Zabotin Lucas, Doctorant en anthropologie, université de Cambridge
Zeilinger Irène, féministe

Photo : Ken Loach (licence Creative Commons)

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Belgique - Le PTB entre rupture et participation

4 juin 2024, par Daniel Tanuro, Freddy Mathieu — , ,
La Gauche anticapitaliste présente une liste aux élections européennes, pour une alternative anticapitaliste digne de ce nom. Aux niveaux fédéral et régional, nous appelons à (…)

La Gauche anticapitaliste présente une liste aux élections européennes, pour une alternative anticapitaliste digne de ce nom. Aux niveaux fédéral et régional, nous appelons à voter PTB, en particulier pour les candidat⸱es issu⸱es des luttes sociales. Au-delà de nos désaccords, l'essentiel est en effet que « ici et maintenant, seul le PTB est en mesure d'infliger la gifle la plus monumentale possible à la droite et à l'extrême droite, tout en sanctionnant cette prétendue gauche (PS et Ecolo) qui leur déroule le tapis rouge. » (1)

Tiré de Gauche anticapitaliste
28 mai 2024

Par Freddy Mathieu et Daniel Tanuro

On voit bien aujourd'hui à quel point cette « gifle monumentale » effraie les possédants. C'est pourquoi la classe politique et les médias dominants assiègent le PTB pour lui faire dire qu'il est prêt à participer au pouvoir. En même temps, beaucoup dans les syndicats et les associations souhaitent que PS, ECOLO et PTB s'accordent pour faire barrage à la droite. Situation complexe. Pris entre deux feux, le PTB riposte en formulant ses « points de rupture » pour aller au pouvoir. Problème : les points avancés sont très insuffisants pour concrétiser une vraie rupture. Pourquoi le PTB adopte-t-il un profil aussi bas ? En quoi est-ce lié à l'histoire de cette organisation et à ses limites ? Et comment aller plus loin, comment, dans le contexte réactionnaire d'aujourd'hui, faire émerger sur le plan politique une alternative anticapitaliste à la hauteur des défis ? Voilà les trois questions débattues dans cette contribution au débat par des militants de la Gauche anticapitaliste.

Le PTB a le vent en poupe. Quoique les sondages soient à prendre avec prudence, sa percée est vraiment impressionnante. Elle déstabilise très sérieusement la politique traditionnelle, en particulier la social-démocratie et les Verts. Le bilan de ces partis étant jalonné de renoncements et de trahisons, il est réjouissant de les voir mis en difficulté : c'est comme une revanche. Elle traduit l'aspiration à une alternative. Le PTB prétend incarner à la fois la revanche et une alternative. Sociale, écologique, éthique, démocratique, crédible et radicale. Tournant le dos à « l'extrémisme », il se profile comme « la gauche authentique ». Une gauche qui ne renie pas ses valeurs, qui refuse les compromissions, qui met ses actes en conformité avec ses paroles et qui propose des changements concrets. C'est une raison majeure de son succès.

Mais cet énorme succès a un point faible : plus il se renforce électoralement, moins le PTB peut se soustraire à la question de la participation au pouvoir. Le PS et Ecolo l'attendent au tournant. Ils espèrent prendre à leur tour une revanche sur ce parti qui les démasque et leur prend des voix. Le calcul est simple : les gens comprendront qu'il ne sert à rien de voter pour un parti de « couillons » (Magnette) qui refusent de « prendre leurs responsabilités ». La pression monte aussi au sein des syndicats. La FGTB le dit ouvertement : du côté francophone, elle espère une gauche unie pour mieux relayer ses revendications au sein des gouvernements.

Un point d'inflexion

Alors, participer au pouvoir ? Jusqu'à présent, les porte-parole du PTB bottaient en touche. Aux journalistes, ils répondaient en substance : « On verra plus tard », « Nous ne sommes pas encore assez forts », « Il faut y aller d'abord au niveau communal », « Voyez Zelzate, c'est la preuve que nous sommes prêts, s'il y a une vraie rupture »… Or, cette ligne est devenue intenable. Quand vous êtes devenu un grand parti qui plaide pour l'urgence d'une alternative de gauche face à la menace grandissante de l'extrême-droite, vous ne pouvez pas esquiver ainsi la question du pouvoir. Le pouvoir est par définition le but de toute politique. Au stade actuel de son développement électoral, un PTB qui esquiverait la question du pouvoir amorcerait probablement son déclin. Voilà pourquoi Hedebouw et ses camarades, aujourd'hui, mettent dans le débat public les conditions de leur participation éventuelle. C'est un point d'inflexion.

Il prend une double forme.

D'une part, le PTB soumet à une série de personnalités de gauche un texte intitulé « Voter PTB : pour une vraie alternative de gauche » (2). Ce texte fustige « un capitalisme prédateur et exploiteur qui dicte sa loi et accumule des profits sans limites ». Les signataires constatent que « le tableau est sombre ». Ils ne veulent plus « se contenter des politiques de compromis qui finissent toujours par s'enliser. Le ‘sans nous ce serait pire' n'est plus de mise, disent-ils : l'heure est à la rupture, à l'affirmation de politiques réellement alternatives, à la construction de nouveaux rapports de forces ». Ils et elles remarquent que « les élus du PTB ont fait la démonstration de leur capacité à agir au sein d'institutions parallèlement à leur combat dans les luttes sur le terrain ». En conséquence, ils et elles « partagent l'espoir et la volonté du président de la FGTB, Thierry Bodson, qu'au lendemain des élections des négociations soient menées sérieusement entre le PS, Ecolo et le PTB qui arithmétiquement pourront être majoritaires en Wallonie et à Bruxelles. En dépit du double langage du PS et du refus d'Ecolo de se situer clairement sur un axe gauche-droite, concluent-ils, il nous importe en tout cas que le PTB, sans se renier, aille au bout du possible de ces négociations. »

D'autre part, comme en écho à cet appel, le PTB distingue des « points de rupture » à tous les niveaux de pouvoir (fédéral, wallon et bruxellois). Dans son programme, cette démarche est justifiée comme suit : « Nous faisons le choix de la rupture avec les politiques néolibérales de ces trente dernières années. Ce choix est nécessaire pour répondre aux urgences sociales en matière de pouvoir d'achat, de justice fiscale, de fin des privilèges politiques et de climat ».

On a donc d'une part une intention générale – rompre avec le néolibéralisme d'« un capitalisme prédateur et exploiteur » ; d'autre part une série de « points de rupture » concrets que le PTB pose comme conditions nécessaires de sa participation éventuelle.

Un exercice périlleux

En soi, pour des anticapitalistes, cette démarche est justifiée. On ne peut pas, dans le genre de situation que nous connaissons, se contenter de plaider pour la révolution, la destruction de l'État bourgeois et le pouvoir des soviets. On ne peut pas davantage se contenter de la convergence des luttes à la base, en esquivant la question de leur débouché politique. Celui-ci est indispensable. Une politique de rupture doit donc comporter plus qu'un programme de revendications et des formes de lutte : pour être crédible, elle doit tracer la perspective d'un gouvernement de rupture, et tracer le chemin pour l'imposer à la classe dominante.

Ce n'est pas un exercice facile. C'est même un exercice extrêmement périlleux, parce que le PTB doit dire s'il est prêt à gouverner avec le PS et Ecolo. C'est là qu'est le piège. Car une chose est claire comme de l'eau de roche : aucune rupture digne de ce nom n'est possible avec le PS et Ecolo. Aucune. Avec ces partis-là, il est même vain d'espérer le début d'une rupture. Les leçons de l'histoire et celles de l'actualité plus récente le montrent. En particulier pour la social-démocratie. Elle a fait le choix du capitalisme il y a plus d'un siècle. Elle est structurellement incapable de revenir en arrière. Les dernières illusions se sont envolées depuis le tournant « social-libéral » des PS, dans les années quatre-vingt. Depuis, celles et ceux qui ont envisagé de faire avec la social-démocratie (et avec les Verts) un bout de chemin qui serait « anti-néolibéral » sans être « anticapitaliste » se sont cassés les dents. Pourquoi ? Parce que le néolibéralisme est le seul régime compatible avec les exigences du capital au stade actuel de son développement. Il n'y en a tout simplement pas d'autre.

Dès lors, pour les anticapitalistes, le seul moyen d'éviter le piège des négociations gouvernementales consiste à poser des « points de rupture » répondant à la fois à trois critères : correspondre à des revendications clés des couches exploitées et opprimées ; former un ensemble limité mais cohérent de mesures, incompatible avec la politique néolibérale de cogestion du système ; s'inscrire clairement dans une dynamique d'émancipation anticapitaliste.

Au ras des pâquerettes

Examinons les « points de rupture » du PTB à partir de cette approche.

Premier constat : ils se limitent à quatre domaines – « pouvoir d'achat, justice fiscale, fin des privilèges politiques et climat ». Il n'y a pas de « point de rupture » face au racisme, à l'islamophobie, aux violences contre les femmes, à la LGBT-phobie, à la pollution chimique, au pillage néocolonial des ressources, à la remilitarisation. La suppression des centres fermés pour étrangers ne figurant pas au programme du PTB, il n'est pas étonnant (mais plus que déplorable !) qu'elle ne constitue pas un « point de rupture »… Mais pourquoi des demandes qui sont au programme, telles que l'aide au développement à 0,7% du PIB, ou l'annulation des dettes illégitimes, ne constituent-elles pas des « lignes rouges » ?

Deuxième constat : les « points de rupture » du PTB dans les quatre domaines ci-dessus ne permettent pas de « rompre avec les politiques néolibérales des trente dernières années ». Voyons cela de plus près :

. « Justice fiscale ». La « taxe des millionnaires » de 2% sur les fortunes de plus de 5 millions d'euros et 3% sur les fortunes de plus de 10 millions est « une ligne rouge » pour le PTB. Un impôt sur les patrimoines est certainement une revendication très importante mais 1°) le seuil d'imposition (5 millions !) est nettement trop élevé ; 2°) « prendre l'argent où il est » requiert aussi d'augmenter le taux de l'impôt des sociétés (ISOC). Il était de 33% environ jusqu'à ce que le gouvernement décide, en 2019, de l'abaisser à 25%. Demander le retour aux 33% n'est pas plus « extrémiste » que d'exiger le retour de la pension à 65 ans. Le programme du PTB ne le fait pas. Il demande l'application effective des 25% aux grandes entreprises et la suppression des niches fiscales, au nom de l'égalité entre PME et grandes entreprises, mais ce n'est pas un « point de rupture ».

. Pour « protéger le pouvoir d'achat » (3), le PTB a deux « points de rupture » : 1°) « réviser » la loi sur la compétitivité ; 2°) « refuser l'austérité européenne », ces « règles européennes qui voudraient qu'on fasse des économies sur les pensions, la santé et les services publics ». C'est vraiment trop limité. Pourquoi seulement « réviser » la loi sur la compétitivité ? Elle doit être abolie ! Et pourquoi s'engager seulement à empêcher de nouvelles mesures européennes d'austérité ? Européennes ou pas, il faut commencer à abolir les mesures qui ont déjà plongé 15% des Wallon⸱nes et 28% des Bruxellois⸱es sous le seuil de pauvreté, en particulier des femmes. Par exemple revenir à l'individualisation des droits en sécurité sociale (imposée, sans diktat européen, par le « socialiste » Dewulf en 1981). Elle est au programme du PTB, mais il n'en fait pas un point de rupture.

. « Climat ». Le programme du PTB dit beaucoup de choses : « contrôle public et démocratique du secteur de l'énergie », « gestion publique des réseaux d'hydrogène », « planification écologique », « sortie du marché du carbone », « plan d'investissement public ambitieux dans les énergies renouvelables, la rénovation des logements et les transports publics », etc. Raoul Hedebouw et ses camarades ne sont pas anti-productivistes, ça, on le sait. Ils ne revendiquent pas la suppression des productions inutiles ou nuisibles. Mais, tout de même : alors que la planète brûle, peut-on se contenter de la gratuité du TEC et de la STIB comme unique « point de rupture » ? Pourquoi pas le refus de l'expansion du trafic aérien ou de la construction de nouvelles autoroutes, par exemple ? Ou la dénonciation de l'accord néocolonial (concocté par la ministre Groen Tinne Van der Straeten) qui permet à la Belgique d'accaparer le potentiel renouvelable d'Oman, afin de produire dans ce pays – sans payer d'impôt et avec la complicité du despote local – l'hydrogène vert nécessaire à la pétrochimie anversoise ?

. « Privilèges politiques ». Sur ce point, on ne peut pas reprocher au PTB de faire le grand écart entre son programme et ses « points de rupture » : la revendication-phare de son programme – diviser par deux les salaires des politiciens – constitue pour lui un point de rupture majeur. Cette revendication se justifie pleinement du point de vue anticapitaliste. Le problème, c'est la place tout à fait centrale que le PTB lui donne dans sa propagande de masse, les accents de celle-ci et le danger de confusion avec le « tous pourris » de l'extrême-droite. Ce danger serait contré si le PTB exigeait une hausse de l'impôt des sociétés et un plafond à la rémunération des patrons. Malheureusement, ces revendications sont absentes de son programme électoral.

Troisième constat : là où le PTB n'a aucune chance de participer au pouvoir (au fédéral), ses « points de rupture », bien que très insuffisants, sont cependant précis. Le PTB n'entrera pas au gouvernement fédéral s'il n'obtient pas : « la fin du blocage salarial », « une vraie taxe des millionnaires », « le retour de la pension à 65 ans », « le refus de l'austérité européenne » et « la fin des privilèges en politique – en particulier la division par deux des salaires des politiciens ». Aux autres niveaux de pouvoir, c'est plus flou. Pour la Wallonie, outre la gratuité du TEC, le PTB avance « entre autres » « la mise sur pied d'un service public wallon des déchets sans taxe déchets ou sacs poubelles payants ». Pour Bruxelles, outre la gratuité de la STIB, il avance « entre autres » un refinancement fédéral de la Région, la fin de la soumission aux grands promoteurs immobiliers et la construction de logements 100% publics. Que recouvre la formule « entre autres » ? Le texte ne le dit pas…

En conclusion, les « points de rupture » du PTB sont : 1°) trop au ras des pâquerettes sur le plan socio-économique ; 2°) muets sur les revendications féministes, antiracistes, antimilitaristes, anticoloniales et anti-exclusion ; 3°) nettement au-dessous de ce qui serait nécessaire pour commencer à faire face sérieusement à l'urgence écologique en général, climatique en particulier.

Gradualisme et populisme de gauche

Il y a deux interprétations possibles à cette conclusion. Elles ne sont pas nécessairement contradictoires.

La première est que le PTB ne veut pas aller au pouvoir mais opte pour un profil très bas parce qu'il craint par-dessus tout d'apparaître comme celui qui a empêché la formation de gouvernements plus à gauche, ce qui risquerait de lui nuire aux communales. Il est probable qu'il craint surtout de décevoir les syndicats, la FGTB en particulier. C'est pourquoi ses points de rupture privilégient la fin du blocage salarial, la justice fiscale et le retour à la pension à 65 ans.

La seconde est que le PTB est prêt à « prendre ses responsabilités » si les résultats le permettent et que l'opportunité se présente. Le flou des points de rupture aux niveaux wallon et bruxellois semble être une indication dans ce sens : ne pas se lier les mains, on ne sait jamais ?…

On y verra plus clair dans quelques semaines, inutile d'anticiper. Quoiqu'il en soit, cette campagne rapproche le PTB d'un seuil qualitatif dans la longue évolution qu'il a entamée en 2007-2008. À l'époque, il décidait de se débarrasser de son image de parti stalinien, « extrémiste », pro-chinois (antisyndical et anti-Cuba à l'origine !), justifiant les crimes des Khmers rouges, l'écrasement de Tien An Men, la tyrannie en Corée du Nord (on en passe…) Le succès a été au rendez-vous, c'est le moins qu'on puisse dire – il est même spectaculaire ! Pourtant, en dépit de sa nouvelle image et de changements réels, le PTB conserve quelque chose de son passé : le dogme du « rôle dirigeant du Parti » (« le Parti dirige le front ») et, plus largement, le bilan du stalinisme (« globalement positif », comme disait Georges Marchais).

Paradoxalement, c'est ce reste qui s'exprime aujourd'hui à travers les « points de rupture ». Le passage du maximalisme au minimalisme est un grand classique des partis de la mouvance stalinienne. Comme son ex-rival le PC pro-Moscou avant lui, et pour les mêmes raisons, le parti de Raoul Hedebouw et de Peter Mertens s'engage dans une logique gradualiste de « petits pas ». Comme le PC avant lui, il l'accompagne d'une stratégie de « soft power » par la construction de ses propres associations (Intal, etc.) et par la prise de contrôle de fractions des appareils syndicaux, tels qu'ils sont.

Cette logique des petits pas porte un nom : le réformisme. Ce que le PTB fait aujourd'hui y ressemble de plus en plus. Nous ne nous en réjouissons pas, car ce n'est pas une bonne nouvelle pour la gauche ! Mais la vérité a ses droits. Au vu de la campagne actuelle, il est légitime de se demander ce qui distingue encore le PTB de la social-démocratie classique – la social-démocratie telle qu'elle était avant de se rallier au tournant néolibéral.

Bien sûr, le PTB ne s'est pas sali les mains au pouvoir, il est dans la plupart des luttes. Bien sûr, la social-démocratie est pro-OTAN, tandis que le PTB penche pour les BRICS (mais il ne revendique plus que la Belgique sorte de l'Alliance atlantique…) Les différences sont donc évidentes. Reste que le programme du PTB dans ces élections n'est pas substantiellement différent de celui de la social-démocratie. Exemple typique : la nationalisation des banques. Le PTB s'en faisait le champion. Dans sa campagne électorale, elle est remplacée par la demande d'un « contrôle public significatif sur le secteur financier » avec « création de banques publiques » et « séparation des banques d'affaires et des banques de dépôts ». C'est un programme de régulation anti-néolibérale à la Joseph Stiglitz, pas une programme anticapitaliste à la Karl Marx. Les signataires de l'appel de vote pour le PTB ont donc tout à fait raison : « des convergences programmatiques existent » avec le PS et Ecolo. Selon le Bureau du Plan, la proposition du PS sur la taxation des patrimoines est plus radicale à certains égards que celle du PTB.

Serait-ce pour masquer ces convergences que le PTB appuie à fond sur ce qui le distingue le plus nettement aux yeux des électeurs lambda – « la lutte contre les privilèges en politique » ? Ou serait-ce pour attirer des électeurs des classes les plus populaires, à qui ses autres « points de rupture » paraîtraient peu accrocheurs ? Les deux à la fois, sans doute… Le « populisme de gauche » du PTB le distingue en effet carrément du PS (et d'Ecolo !) Ceci dit, cependant, il y a aussi des similitudes PTB/PS sur le plan de la stratégie. En particulier sur la conception des rapports entre parti et mouvements sociaux.

« La politique, c'est le monopole du Parti » : telle est la marque de la social-démocratie. Elle se pose en prolongement politique des mouvements sociaux. Les syndicats, notamment, doivent donc se subordonner aux objectifs électoraux du Parti, accepter les limites de sa stratégie gradualiste. À la fin des années cinquante, quand la FGTB, au nom du monde du travail, a voulu imposer au PS son Programme de réformes de structure (un programme qui a contribué grandement à la montée vers la grève de 60-61), celui-ci s'y est opposé de toutes ses forces. « L'émancipation des travailleurs et des travailleuses sera l'œuvre des travailleurs et des travailleuses elleux-mêmes » n'est pas un mot d'ordre de la social-démocratie. Or, ce n'est pas davantage un mot d'ordre du PTB. On le voit bien aujourd'hui dans la manière dont il détermine ses « points de rupture » : en fonction de ses propres calculs politiques dans une « séquence » donnée de sa propre construction.

Pour le PTB, aujourd'hui, la « séquence » est dominée par la bataille peu visible mais très réelle qu'il mène pour l'influence au sein de l'appareil de la FGTB. D'où l'accent très socio-économique (au sens étroit) des « points de rupture ». Mais la démarche du PTB ne consiste pas vraiment à relayer politiquement l'alternative syndicale, comme la gauche socialiste le faisait au temps des Réformes de structure. L'exemple du volet fiscal est significatif : la FGTB est évidemment pour la taxation des patrimoines, mais elle articule cette demande sur d'autres. Le PTB, pour sa part, focalise ses « points de rupture » sur la seule « taxe des millionnaires ». En parallèle, son programme inclut « des propositions pour soutenir les petites et moyennes entreprises (PME) » (pas seulement les petits indépendants : les PME). « Le Parti dirige le front ». Dans la « séquence » actuelle, le Parti estime que le front qu'il dirige doit s'élargir aux PME.

Quelle alternative ?

La critique est aisée, dira-t-on, quelle est votre alternative, vous qui ne représentez rien – ou si peu ?

C'est vrai : notre courant politique est plus que modeste. Il a été en concurrence pendant de longues années avec celui du PC, puis avec celui du PTB. Et le PTB a gagné. C'est devenu un parti puissant. Son hégémonie sur la gauche est indiscutable, et il rayonne en Europe. Il faut pouvoir acter ce fait, sans aigreur ni ressentiment. Mais on peut être petit et lancer une mise en garde correcte. C'est ce que nous faisons à travers cet article. Le but n'est d'ailleurs pas d'étaler nos désaccords avec le PTB. Nous n'avons donc pas fait la critique du positionnement « campiste » du PTB en appui aux BRICS, bien que ce positionnement soit, selon nous, en contradiction avec « la tendresse des peuples » (comme disait Che Guevara), c'est-à-dire avec l'internationalisme. À l'heure où le vote PTB concentre les espérances de beaucoup, nous avons voulu pointer le danger qu'un glissement vers le gradualisme peut faire courir à toute la gauche dans notre pays, y compris au PTB lui-même.

Il va de soi que notre critique requiert une alternative. Il se fait que la gauche syndicale, dans une période pas si lointaine, s'est posée cette question : comment sortir de la subordination à la social-démocratie et à son gradualisme ? Comment faire émerger une alternative politique anticapitaliste sans mettre en danger l'indépendance syndicale ? La réponse apportée tenait en quelques idées audacieuses. Elle émanait de la direction de la FGTB de Charleroi qui, à l'époque, en avait fait une brochure (4) : faire vivre « un syndicalisme plus combatif et démocratique » ; « élaborer le programme anticapitaliste que nous, en tant que syndicalistes, voulons voir relayé sur le terrain politique » ; jouer sur cette base le rôle moteur dans « le regroupement de toutes celles et ceux qui aspirent à une alternative anticapitaliste ».

Le principe de base était simple, il consistait à renverser le rapport entre mouvement social et politique : « Nous élaborerons notre programme et nous mènerons nos luttes en fonction d'une seule préoccupation : les besoins des travailleurs et travailleuses. Nous les encouragerons à s'impliquer activement et démocratiquement, afin que ce programme et ces luttes soient les leurs. Alors, nous renverserons la situation. Alors, nous regagnerons de la force. Alors, au lieu que les partis nous dictent leur politique, c'est nous qui exigerons des partis qu'ils s'engagent à lutter avec nous pour ce programme ».

« La force à regagner »

Ce texte évoquait la « force à regagner ». Ce point est décisif. Non seulement pour les syndicats mais aussi pour les autres mouvements sociaux. Depuis dix ans, on voit bien que la percée électorale d'un nouveau parti, même « de gauche authentique », ne permet pas, en soi, d'enrayer la dégradation des rapports de forces à la base, dans les entreprises, les écoles, les quartiers. « Il n'est pas de sauveur suprême, dit la chanson, ni dieu, ni César, ni tribun ». Ajoutons : « ni parti ». La dégradation, en fait, ne peut être enrayée que si les forces qui luttent sur le terrain convergent, pensent, créent, résistent et donnent le ton d'une reconquête de la politique par en-bas, dans une perspective clairement anticapitaliste et démocratique.

On a vécu un embryon de cela en 2012-2014, en particulier lorsque la CNE s'est jointe à l'appel de la FGTB de Charleroi. L'assemblée qui a réuni 500 syndicalistes de tous bords, de nombreux activistes des associations et toute la gauche radicale (Géode de Charleroi, 2014) était une première concrétisation de l'intention exprimée dans la brochure « Huit questions » : « Nous ne voulons pas figer les choses. Au contraire : il s'agit d'ouvrir un espace et d'enclencher une dynamique. Le processus de regroupement politique doit s'élargir aux membres de gauche du PS et d'Ecolo, aux intellectuels de gauche, aux militants associatifs. (…) Dans une certaine mesure, nous nous inspirons de l'action des militants ouvriers du 19e siècle qui ont œuvré à la création du POB (l'ancêtre du PS) parce qu'ils avaient compris la nécessité d'un outil politique pour renforcer leur combat. Mais il faut évidemment tirer les leçons de la manière dont cet outil politique a fini par leur échapper ».

Notre courant politique s'est engagé avec enthousiasme dans ce bouillonnement porteur d'espérance et d'émancipation. Le PTB s'y est impliqué également. Mais, pour lui, ce n'était qu'une « séquence » de sa propre construction. Dès le soir des élections de 2014, ayant réussi sa première percée au Parlement grâce aux listes PTB-Gauche d'Ouverture, le Parti sifflait la fin de la récréation. Pas besoin de regroupement, il y a le PTB. Pas besoin d'inverser les rapports entre mouvements sociaux et politique, le PTB fait la synthèse. Pas besoin d'ouvrir un espace pour créer une dynamique, devenez membre du PTB. Le petit embryon d'outil politique dont les gauches syndicales et associatives avaient commencé à se doter en forçant les organisations politiques de gauche à y participer loyalement, s'est « figé ». « L'outil politique leur a échappé ».

Dix ans après, on mesure l'ambiguïté du résultat. D'une part, le PTB vole vers un triomphe électoral. Tant mieux pour toute la gauche ! D'autre part, les « points de rupture » qu'il a déterminés tout seul sont très au-dessous du programme syndical, encore plus au-dessous du programme que la FGTB de Charleroi adoptait en 2012 dans son autre brochure, (5) et ignorent d'autres fronts de lutte…

Notre alternative, demandiez-vous ? Reprendre ensemble le fil de ce qui avait été tenté en 2012-2014, en tirant toutes les leçons de l'expérience. Appliquer la même méthode en tenant compte du nouveau contexte (géostratégique, idéologique, écologique, politique et social). Il n'y a pas d'autre voie. Nous entendons en tout cas construire notre propre courant politique pour porter cette perspective avec plus de force, avec toutes celles et tous ceux qui en comprendront l'importance. Entre rupture et participation, la responsabilité du PTB sera à la mesure de son succès électoral.

Freddy Mathieu et Daniel Tanuro

Photo reprise de la page facebook du PTB.
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Notes

↑1. Lire « Et si on réinventait l'espoir ? Déclaration de la Gauche anticapitaliste en vue des élections de 2024 »
↑2.https://pour-une-vraie-alternative-de-gauche.net/
↑3. La gauche devrait bannir cette expression néolibérale, car, en réalité, la dépendance des travailleurs/euses aux achats sur le marché exprime leur dépossession de tout pouvoir de décision sur l'économie. Marx a montré cela très clairement.
↑4. « Politique et indépendance syndicale. Huit questions en relation avec l'appel du premier mai 2012 de la FGTB Charleroi-Sud Hainaut »
↑5. « 10 objectifs d'un programme anticapitaliste d'urgence élaboré par la FGTB Charleroi-Sud Hainaut »

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Ne rien lâcher contre l’antisémitisme

4 juin 2024, par Collectif GOLEM — , , ,
Nous étions invités le mardi 21 mai à une table ronde organisée par la présidence de l'Université de Lille en présence de Régis Bordet, président de l'Université de Lille et (…)

Nous étions invités le mardi 21 mai à une table ronde organisée par la présidence de l'Université de Lille en présence de Régis Bordet, président de l'Université de Lille et animée par Pierre Savary, di-recteur de l'ESJ, sur le thème Israël-Palestine : Comment une communauté universitaire s'engage avec la présidente de l'association Academic Solidarity With Palestine et deux militants de l'Association Libre Palestine.

Nous y allions pour dénoncer la restriction des libertés publiques et la répression du mouvement étudiant en soutien au peuple palestinien avec l'interdiction de conférences et les interventions policières dans les universités. Nous y allions également pour alerter sur l'antisémitisme dont sont victimes les étudiants juifs depuis le 7 octobre et la nécessité pour les organisations syndicales étudiantes, pour le mouvement de solidarité avec la Palestine et pour l'administration universitaire d'entendre leur souffrance. Et de garantir aux étudiants juifs des conditions d'études sereines en combattant l'antisémitisme.

Malheureusement nous n'avons pas pu faire entendre notre voix car nous sommes tombés dans une véritable embuscade. Avant même le début de la table ronde, les deux militants de Libre Palestine ont refusé de nous adresser la parole ce qui n'augure rien de bon dans le cadre d'une discussion. Après une présentation rapide du débat par Pierre Savary, une militante de Libre Palestine a lu un communiqué collectif, préparé à l'avance avec l'ensemble de ses camarades nous a t-elle précisé.

Dans ce communiqué, il était peu question de solidarité avec le peuple palestinien. Il s'agissait surtout d'une diatribe haineuse contre le collectif Golem que nous avons dû écouter pendant que plusieurs étudiants nous filmaient avec leur portable, à l'affut du moment où, face aux calomnies, nous finirions par perdre notre sang froid. Après avoir appelé à la décolonisation de toute la Palestine historique, l'étudiante nous a accusés d'être des partisans de Netanyahu, de soutenir un génocide à Gaza, d'être des colons, d'être un collectif raciste et antisémite.

Elle n'a pas hésité à expliquer que la lutte contre l'antisémitisme était une cause noble mais pas dans le cadre du mouvement de solidarité avec la Palestine. Nous ne sommes pas antisémites a-t-elle dit, la preuve, nous aurions aimé que l'UJFP et Tsedek puissent venir à la place de Golem. Et puis de toute façon, l'antisémitisme c'est la faute d'Israël a-t-elle affirmé en citant Rony Brauman.

À la fin de ces accusations antisémites que personne n'a essayé de stopper, son camarade s'est levé et est venu nous lire, les yeux dans les yeux en nous pointant du doigt, un poème de Mahmoud Darwish : Parmi les paroles passagères : Vous fournissez l'épée, nous fournissons le sang. Vous fournissez l'acier et le feu, nous fournissons la chair […] prenez votre lot de notre sang et partez , nous accusant ouvertement d'avoir du sang sur les mains, d'être responsables et même partie prenante des massacres à Gaza. Le public s est ensuite levé brandissant des drapeaux palestiniens et en nous hurlant des slogans Sionistes, fascistes, c'est vous les terroristes, On ne discute pas avec des sionistes Vous n'avez pas votre place ici, Vous êtes des colons, Nous n'avons pas pu parler et nous avons dû subir sans broncher les calomnies antisémites dont on nous a abreuvé. Seuls quelques étudiants sont restés jusqu'à la fin pour enfin nous écouter et nous les en remercions.

Nous avons plusieurs messages à adresser aux militants de Libre Palestine qui ont écrit ce communiqué ainsi qu'aux étudiants présents dans le public qui nous ont traité de fascistes et de colons.

Avec ce communiqué, pendant cette table ronde, vous avez sombré dans l'antisémitisme.

Vous faites l'amalgame entre Juifs, israéliens, sionistes, colons et criminels de guerre que vous utilisez de manière interchangeable. En nous accusant d'être complices d'un génocide quand bien même nous avons toujours dénoncé les massacres à Gaza et appelé à un Cessez-le feu, vous nous mettez une cible dans le dos et vous encouragez la violence à notre égard. Vous vous réfugiez derrière Tsedek, l'UJFP et Rony Brauman pour mieux essentialiser tous les Juifs qui n'ont pas grâce à vos yeux et les accuser des crimes de l'armée israélienne dont ils ne sont en rien responsables.

Vous perdez l'occasion de soutenir le peuple palestinien et vous préférez vous attaquer à des étudiants juifs dont le seul tort est de parler d'antisémitisme. S'en prendre aux Juifs, qu'ils soient sionistes ou pas, n'aide en rien le peuple palestinien.

La haine antisémite que vous avez étalée au grand jour pendant cette table ronde est un désastre pour votre collectif dont vous avez dévoilé l'imposture, un désastre pour les étudiants juifs qui ne se sentent plus en sécurité pour étudier, et surtout un désastre pour le mouvement de solidarité avec le peuple palestinien dont la perméabilité avec l'antisémitisme est un des principaux freins.

À la présidence de l'Université de Lille, nous voulons dire qu'il n'est pas normal qu'il n'y ait pas eu de réaction de votre part face à l'agression antisémite dont nous avons été victimes sous vos yeux, qu'il n'est pas normal que nous ayons dû supporter les invectives seuls sur l'estrade pendant 20 minutes pendant que vous discutiez avec les étudiants, qu'il n'est pas normal que nous nous soyons sentis en danger et humiliés dans le cadre d'un événement organisé par la présidence de l'Université de Lille.

Pour revenir au thème de cette table ronde, la communauté universitaire doit s'engager de deux façons : en garantissant la liberté de réunion, de débat et de manifester aux étudiants d'une part et d'autre part en garantissant la sécurité des étudiants face à l'explosion des actes antisémites depuis le 7 octobre. Force est de constater qu'aujourd'hui, la communauté universitaire échoue aussi bien dans un cas que dans l'autre.

22/05/2024 – Collectif GOLEM

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Impunité d’Israël, complicités de la France

4 juin 2024, par Alain Gresh, Sarra Grira — , , , ,
Trop peu, trop tard. On ne peut qualifier autrement la pudibonderie des mots d'Emmanuel Macron face à la guerre génocidaire qui se poursuit dans la bande de Gaza. Il ânonne (…)

Trop peu, trop tard. On ne peut qualifier autrement la pudibonderie des mots d'Emmanuel Macron face à la guerre génocidaire qui se poursuit dans la bande de Gaza. Il ânonne d'abord un vœu pieux, qui sonne bien trop faux : « Il faut que les opérations israéliennes cessent à Rafah. » Mais contrairement à ce que le président français affirme laconiquement, ce n'est pas aujourd'hui mais depuis plusieurs mois qu'il n'y a plus de zone sûre pour les Palestiniens.

30 mai 2024 | tiré d'Orient XXI | Photo : Jérusalem, 24 octobre 2023. Le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou (à droite) et le président français Emmanuel Macron (à gauche) après leur conférence de presse commune. Christophe Ena / POOL / AFP
https://orientxxi.info/magazine/impunite-d-israel-complicites-de-la-france,7377

Qui se souvient que le président Emmanuel Macron avait déclaré que Rafah constituait « une ligne rouge » ?

Ce dernier a fait mine, depuis l'Allemagne, de tenir ses positions, sur lesquels pourtant il n'a cessé de reculer à chaque nouvelle violation de la part d'Israël. Droit dans ses bottes, il a rappelé « le droit d'Israël à se défendre » — comme si le droit international pouvait concevoir que l'on puisse se défendre contre ceux qu'on occupe — ; mais, surtout, il désigne un seul coupable : « Le Hamas est responsable de cette situation ». La chutzpah israélienne s'exporte aussi en Hexagone.

Des éléments de langage vides de sens

Soyons clairs : la France officielle est complice de ce qui se passe à Gaza. En justifiant ainsi le génocide en cours, elle a accordé, avec les membres de la majorité et souvent ceux de l'opposition de droite et d'extrême droite — mais parfois aussi de gauche —, tous les arguments qui servent à blanchir le gouvernement de Benyamin Nétanyahou.

La France d'Emmanuel Macron n'a pris aucune mesure concrète pour stopper cette offensive. Les sanctions économiques, les mesures symboliques d'invisibilisation du drapeau, le boycott sportif à la veille des Jeux olympiques, la question des armes, tout cela n'est bon que contre la Russie. Face à Tel-Aviv, l'imagination fait défaut.

À ce jour, la diplomatie française n'a pas cru bon de réagir à l'ordre de la CIJ. Il a fallu quatre jours et quelques massacres — encore — pour que le chef de l'État — et seulement lui — évoque, sans le commenter, l'ordre de la plus haute instance judiciaire internationale, dont les décisions sont contraignantes pour les pays de l'ONU. Pour tous sauf Israël, qui fait fi du droit international comme humanitaire. Pour tous sauf ses alliés, comme les États-Unis mais aussi la France, dont la complicité dans le génocide en cours est accablante.

À l'image de l'Élysée, ou plutôt à ses ordres, le Quai d'Orsay n'est plus celui qui, il y a 20 ans, par la voix de son ministre, faisait l'honneur de la France en s'opposant dans le siège de l'ONU à l'invasion américaine de l'Irak ; ni celui qui, en 1980, entraînait l'Europe à reconnaitre le droit à l'autodétermination des Palestiniens et à négocier avec l'Organisation de libération de la Palestine, dénoncée alors par Israël et les États-Unis comme « organisation terroriste ». Le voilà aujourd'hui qui s'enferme à travers son dernier communiqué dans des éléments de langage vides de sens : « gravité de la situation », « indignation ». À croire que la France n'est plus un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, dont Paris contribue à torpiller la crédibilité des agences, comme elle l'a fait avec l'UNRWA, suivant le discours israélien.

Il faudra plus que quelques appels tardifs, purement déclamatoires, au cessez-le-feu. Il faudra plus que quelques votes aux Nations unies sur l'admission de la Palestine, qui se sont accompagnés d'un refus de reconnaître l'État palestinien ; l'Espagne, l'Irlande et la Norvège n'ont pas eu ces pudeurs. Il faudra plus que le communiqué verbeux du Quai d'Orsay sur la proposition du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) de lancer des mandats contre des dirigeants israéliens et palestiniens, accompagné de circonvolutions laissant entendre qu'Israël pourrait poursuivre les crimes commis par son armée, rendant inutiles de tels mandats, alors même que jamais des militaires de haut rang n'ont été sanctionnés par la justice israélienne depuis des décennies. Et on attend les protestations de Paris face à la campagne menée depuis une décennie pour discréditer la cour, menacer ses dirigeants, que vient de révéler le journal israélien +972 Yuval Abraham et Meron Rapoport, « Surveillance and interference : Israel's covert war on the ICC exposed », +972, 28 mai 2024. [1].

Le 22 mai, le ministre des affaires étrangères français Stéphane Séjourné a reçu à Paris Israël Katz, son homologue israélien. Celui-ci est un des rares dirigeants nommés par la CIJ comme ayant tenu des propos qui relèvent de l'appel au génocide. Le 13 octobre 2023, Israël Katz avait en effet déclaré sur X : « Nous allons combattre l'organisation terroriste Hamas et la détruire. Toute la population civile de Gaza a reçu l'ordre de partir immédiatement. Nous vaincrons. Ils ne recevront pas une goutte d'eau ni une seule pile jusqu'à ce qu'ils quittent le monde. » Katz a remercié son homologue français pour son opposition à la reconnaissance d'un État palestinien et pour son refus de mettre sur le même plan le Hamas et Israël, comme l'a fait le procureur de la CPI. Cette réception chaleureuse se passait au moment même où Israël intensifiait ses massacres à Gaza, et spécialement à Rafah.

Un partenaire sécuritaire de choix

Que peut faire la France pour faire pression sur Israël afin qu'il arrête ses opérations dans la bande de Gaza ? Alors que 35 % des exportations israéliennes sont destinées à l'Europe, ce levier économique n'est même pas agité ; pas plus que l'arrêt des livraisons d'armes, de composantes de fabrication (dont les chiffres d'exportation par la France restent flous) ou de munitions ; pas la moindre velléité non plus de faire respecter le droit international, en sanctionnant les entreprises françaises qui, comme Carrefour ou Alstom, sont présentes dans les territoires occupés. Tel-Aviv demeure également un partenaire sécuritaire de Paris, que ce soit pour les caméras de surveillance munies de logiciels de reconnaissance faciale qui seront utilisées pour les JO, ou pour la fabrication des drones de surveillance, notamment utilisées dans le contrôle de la frontière sud de l'Europe.
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Au niveau de l'Union européenne, Paris s'oppose à ceux qui veulent suspendre les accords d'association avec Israël, alors que chez les voisins de Wallonie, on interdit désormais aux avions transportant des armes pour Israël de transiter par l'aéroport de Liège. Et quand les étudiant·e·s de Sciences Po, de l'École normale supérieure (ENS) ou de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) occupent pacifiquement les locaux de leurs institutions pour demander la suspension d'accords de coopération avec les universités israéliennes, souvent liées à l'industrie de défense et d'armement, ils et elles sont viré·e·s manu militari, accusé·e·s, à tort, d'antisémitisme et de mettre leur établissement « à feu et à sang ». Or, seules des mesures concrètes qui feraient payer à Israël le prix de son aventure sont capables d'infléchir la stratégie de massacre de son armée. Désormais la France est à l'arrière-garde des pays européens dans le soutien au droit international et aux droits des Palestiniens.

La Convention pour la prévention et la répression du [crime de génocide] fait obligation à tous les États signataires de prendre des mesures pour « prévenir un génocide en cours », même quand celui-ci ne se déroule pas sur leur territoire. En s'y refusant, la France, pays signataire, s'expose à être poursuivie pour ses manquements. Or, elle y oppose un axiome qui tente lâchement d'instrumentaliser le sentiment de culpabilité historique face à la Shoah : « Accuser l'État juif de génocide, c'est franchir un seuil moral. »

Des cris de colère à Paris et ailleurs

Il faut mesurer ce qu'est devenue l'image de la France dans les pays du Sud ; il faut voir l'ambassade française caillassée à Beyrouth, entendre les cris de colère des manifestants devant l'Institut français de Tunis, réaliser la déception des Palestiniens, jadis si prompts à rendre hommage au pays de de Gaulle et de Jacques Chirac. Sur le plan intérieur, le gouffre se creuse chaque jour davantage entre le discours officiel et une partie de la population qui, horrifiée par ce chèque en blanc donné à Israël, se précipite dans la rue pour crier son désespoir et son désarroi. Depuis lundi soir à Paris, ils sont plusieurs milliers à descendre dans des manifestations quasiment spontanées, transformées en marches de révolte dans plusieurs quartiers de la ville. Des drapeaux français se mêlent à ceux de la Palestine, de l'Afrique du Sud et de la Kanaky, portés par des citoyens qui refusent que leur gouvernement et leur président légitiment en leur nom près de huit mois de génocide.

À l'heure où les extrêmes droites, à l'assaut du Parlement européen, nourrissent par tous les moyens les relents identitaires d'électeurs nostalgiques de la grandeur d'antan, il n'existe qu'une seule manière d'être du bon côté de l'Histoire : prendre effectivement partie pour arrêter le premier génocide du XXIe siècle.

Alain Gresh : Spécialiste du Proche-Orient, il est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont De quoi la Palestine est-elle le nom ? (Les Liens qui… (suite)
Sarra Grira : Journaliste, rédactrice en chef d'Orient XXI.

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[1] Yuval Abraham et Meron Rapoport, « Surveillance and interference : Israel's covert war on the ICC exposed », +972, 28 mai 2024.

La résistible ascension des extrêmes droite en Europe

4 juin 2024, par Commission Nationale antifasciste du NPA — ,
En France, les extrêmes droites constitueront sans doute la première force politique lors des élections européennes de juin 2024 et sans doute la deuxième (ou la troisième) (…)

En France, les extrêmes droites constitueront sans doute la première force politique lors des élections européennes de juin 2024 et sans doute la deuxième (ou la troisième) force à l'échelle de l'Union européenne.

Un nombre relativement important de partis d'extrême droite et de droite extrême figurent désormais dans le camp des vainqueurs aux élections nationales et, même, participent aux exécutifs nationaux.

Avril 2024 | Revue L'Anticapitaliste n° 155 (avril 2024)
https://npa-lanticapitaliste.org/actualite/international/la-resistible-ascension-des-extremes-droite-en-europe

Tour d'horizon européen

En Italie, les extrêmes droites, avec le parti Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni et la Lega1, dirigent ensemble le gouvernement depuis les législatives du 25 septembre 2022, en plus du parti de droite affairiste Forza Italia de feu Silvio Berlusconi.

En Suède, deux semaines auparavant, le parti des Démocrates de Suède2 (SD) figurait parmi les vainqueurs des législatives suédoises du 11 septembre 2022. Avec 20,5 %, les SD sont devenus la deuxième force politique du pays en termes d'électorat, derrière le Parti social-démocrate (30,3 %) désormais dans l'opposition. À la suite, le parti des Modérés (droite classique, 19,1 %), réussit à former une coalition avec les chrétiens-démocrates, les libéraux et les SD. Si ce dernier parti n'occupe aucun ministère, la majorité parlementaire du gouvernement dépend de lui, et il siège à la « coordination » des partis de la coalition. L'accord de gouvernement porte largement sa signature en matière d'immigration et de sécurité.

En Finlande, suite aux législatives du 2 avril 2023, le parti des Vrais Finlandais est devenu la deuxième force politique avec 20,1 % des voix, derrière la droite classique, talonnant le « Parti de la coalition nationale » (20,8 %). Ici, l'extrême droite est entrée au gouvernement du conservateur Petteri Orpo en occupant des ministères, aux côtés du principal parti du droite ainsi que des chrétiens-démocrates et du parti de la minorité suédoise. Les Vrais Finlandais occupent notamment les ministères de l'Économie, des Finances, l'Intérieur, la Justice ainsi que le ministère des Affaires sociales. Chose remarquable : depuis l'été 2023, la Finlande est traversée par une succession de mouvements de grève ainsi que de mouvements de protestation universitaires contre des « réformes » antisociales mises en œuvre par ce gouvernement, dont, en dernier lieu, une grève qualifiée de politique (alors qu'un projet de Loi doit justement interdire les grèves dites politiques…) de quinze jours à compter du 11 mars 2024, dirigée contre une sorte de super-« Loi Travail » à la finlandaise.

Dans d'autres pays européens, l'extrême droite est en position de force. Aux Pays-Bas, Geert Wilders, fondateur en 2008 (et juridiquement le seul membre jusqu'à aujourd'hui) du Parti pour la liberté (PVV) est sorti dirigeant de la première force électorale des dernières législatives du 22 novembre 2023, avec 23,49 % des voix, après avoir obtenu 10,79 % en 2021. Or, s'il n'a pas réussi, à la suite, à former un gouvernement dont il serait le Premier ministre par manque de soutien du parlement, les Pays-Bas semblent néanmoins se diriger vers un gouvernement de coalition dont le PVV serait la première force. Une future coalition devrait réunir, outre le PVV, un parti paysan qui proteste contre les normes environnementales (le BBB), un parti de droite libérale (le VVD), ainsi qu'une scission du parti chrétien-démocrate.

En Autriche, le fragile gouvernement fédéral réunit depuis janvier 2020 la droite conservatrice (ÖVP) et les Verts. Mais le parti d'extrême droite FPÖ3 devrait être le vainqueur des législatives à venir à l'automne 2024, pour lesquels environ 30% des voix lui sont pronostiqués. En attendant, le FPÖ participe actuellement au gouvernement dans trois régions sur huit.

En Europe de l'Est, si le parti national-conservateur PIS a perdu les législatives en Pologne du 15 octobre 2023, le parti hongrois Fidesz du Premier ministre Viktor Orban, au pouvoir depuis 2010, gouverne toujours à Budapest. Les deux partis couvrent une gamme qui, en France, engloberait à la fois la droite et une partie de l'extrême droite. En Hongrie, il existe à ses côtés un parti d'extrême droite non intégré au gouvernement, le Jobbik (« Le meilleur ») ; ce parti a tenté de se recentrer sur la période la plus récente, mais sous peine de la scission d'un courant plus dur et plus extrémiste qui a donné naissance, en 2018, au mouvement Mi Hazank (« Chez nous »). Les sondages pronostiquent actuellement une chute de Jobbik à moins de 3 % des voix, contre 6,34 % en 2019 et surtout 14,67 % en 2014 ; mais la nouvelle formation Mi Hazank percerait avec plus de 8 %.

Deux groupes au parlement européen

Les extrêmes droites siègent principalement dans deux groupes séparés. D'un côté le groupe Identité et démocratie (ID), créé en 2019, qui regroupe entre autres le RN français, la Ligue italienne, le PVV néerlandais, le FPÖ autrichien et le parti allemand AfD4. De l'autre côté, le groupe des Conservateurs et réformateurs européens (ECR), dont la colonne vertébrale était initialement constituée par les Conservateurs britanniques jusqu'à leur départ du Parlement européen suite au Brexit, regroupe notamment les Fratelli d'Italia, les Démocrates de Suède, les Vrais Finlandais ou encore le parti espagnol VOX. Le PIS polonais en constitue désormais la première force.

Cependant, Fidesz, a quitté en mars 2021 le groupe du parti populaire européen (PPE qui regroupe les droites bourgeoises classiques) et négocie son rattachement à d'autres groupes, dont l'ECR et l'ID. Le parti hongrois pourrait jouer un rôle de pivot, permettant un rapprochement entre ces deux derniers. Bien que des clivages notamment en matière économique soient perceptibles entre l'ID et l'ECR, la majorité des membres des ECR s'affichent peu ou prou libéraux en matière économique, même si une partie du groupe ID met en avant la démagogie sociale populiste à l'instar du RN français… en tout cas : tant que ces partis siègent dans l'opposition dans leurs pays respectifs.

Enfin, le parti français Reconquête, qui présente également une liste aux européennes du 9 juin 24 mais qui n'est pas assuré de franchir la barre des 5 % des voix requises pour entrer au parlement, siège actuellement au groupe des ECR avec son seul eurodéputé sortant, Nicolas Bay, élu en 2019 sur la liste du RN. Or, outre l'appartenance à des regroupements parlementaires différents, de profonds clivages – apparents ou réels – traversent la « famille » des extrêmes droites.

Clivage sur la Russie

La majorité de ces partis dans l'Union européenne, surtout dans la partie occidentale ainsi qu'en Allemagne, étaient historiquement très favorables, voire explicitement liés au régime russe des années d'après 2000. Mais ce positionnement est devenu nettement plus difficile à assumer publiquement depuis début de la guerre contre l'Ukraine.

Parmi les plus critiques, officiellement, de l'invasion russe en Ukraine se trouve actuellement le RN français. La raison en est simple : le principal parti de l'extrême droite hexagonal pense s'être tellement rapproché de l'arrivée au pouvoir à l'échelle nationale qu'il ne pourra pas se permettre un positionnement qui le mettrait en porte-à-faux avec l'opinion majoritaire. Comme lors de la campagne électorale présidentielle de 2022, où, après l'annonce du début de la guerre en Ukraine, le RN se trouve contraint de mettre au pilon 1,2 million d'exemplaires d'un huit-pages, parce que ce tract était illustré avec une photo montrant Marine Le Pen avec Vladimir Poutine pour montrer ses qualités de « femme d'État ». Dans les jours suivants, Marine Le Pen affirmera que l'Ukraine était l'illustration positive d'une « lutte de libération nationale », pour prétendre que son parti se situait dans la même logique.

D'autres partis, structurellement alliés au RN français, ne se positionnent pas de la même manière. C'est le cas du FPÖ, qui était lui aussi formellement lié, depuis 2016, par un accord officiel de coopération avec le parti de Poutine Russie Unie. Certains de ses représentants prétendent aujourd'hui que l'accord n'aurait été « que formel ». Cependant, la ministre des Affaires étrangères nommée fin 2017 sur proposition du FPÖ (sans qu'elle possède la carte du parti), Karin Kneissl, avait invité Vladimir Poutine à son mariage en août 2018. En septembre 2023, Karin Kneissl annonça son déménagement à Saint-Pétersbourg. Par ailleurs, depuis l'arrestation, le 29 mars 2024, d'un ex-agent de la Direction nationale de la sûreté et du renseignement autrichien pour espionnage au profit de la Russie, l'appareil d'État autrichien est secoué par les révélations sur des activités pro-russes…

Le RN français n'a à aucun moment mis en cause son alliance avec le FPÖ, qui constitue un pilier de sa politique d'alliances européennes. Pire pour le positionnement officiel du RN actuel, leur groupe au parlement (ID), a élargi ses rangs à la fin février 2024 au parti bulgare Vazradjane (« Renaissance ») ainsi qu'au Parti national slovaque (SNS). Or, les deux sont de proches alliés du régime de Vladimir Poutine au sein de l'Union européenne. En ce qui concerne le parti bulgare, trois de ses députés participèrent, le 16 février 2024 à Moscou, à une réunion de Russie Unie. Quant au SNS, il participe à Bratislava à une coalition gouvernementale qui mène, avec Fidesz en Hongrie, la politique extérieure la plus pro-russe parmi tous les pays membres de l'Union européenne.

Pseudo-clivage sur la « remigration »

Un autre clivage, largement factice, est apparu au mois de février 2024. Depuis la mi-janvier 2024, des manifestations massives, culminant à plus d'un million de participantEs dans différentes villes allemandes, s'étaient déclenchées contre le parti allemand AfD. Le motif résidait dans la publication, le 10 janvier 2024, d'un reportage tourné en caméra cachée sur une réunion tenue à huis clos des cadres du parti AfD, des membres de la mouvance identitaire, des représentants de l'aile la plus droitière de la CDU (Union chrétienne-démocrate, droite classiques) et d'une fraction du patronat. Lors de celle-ci, l'activiste autrichien identitaire Martin Sellner – interdit, depuis, de séjour sur le territoire allemand – s'était répandu sur le thème de la « remigration »5. Sellner avait notamment fantasmé sur l'expulsion de deux millions de personnes, dont des personnes ayant la nationalité allemande mais « mal intégrées » ou « complices de l'immigration de masse », dans un État-modèle (non identifié) en Afrique du Nord qui se destinerait à les accueillir.

Marine Le Pen avait alors pris ses distances avec le parti allemand, s'interrogeant publiquement sur l'opportunité de continuer de travailler avec lui au Parlement européen. La co-présidente du parti AfD, Alice Weidel, lui écrivit une lettre publique, prétextant des erreurs de traduction, et prétendant que son parti ne demandait que la reconduite à la frontière des délinquants étrangers condamnés, « en application de la loi ».

Toujours est-il que ce clivage est largement imaginaire, la prise de position publique de Marine Le Pen n'étant due qu'à la volonté de faire bonne figure vis-à-vis de l'opinion publique, souhaitant éviter toute apparence « extrémiste ». Or, l'un des piliers du groupe ID au Parlement européen, le FPÖ, et notamment son président Herbert Kickl – qui était ministre de l'Intérieur autrichien de 2017 à 2019 –, utilise depuis des années le terme de « remigration » de manière éhontée, sans que Marine Le Pen n'ait trouvé à y redire, jusqu'ici.

Une autre Europe, débarrassée du fascisme

Les vrais clivages ne se situent ainsi pas à l'intérieur de l'extrême droite, dont les prises de position peuvent être largement élastiques, mais entre l'extrême droite et ses adversaires. Les dirigeants européens ont besoin de relancer et réorienter leur économie nationale (coupes budgétaires ; augmentation de l'exploitation ; chômage « structurel »), dans un contexte de course à la guerre. Devant le mécontentement des populations, la démagogie réactionnaire patriarcale et xénophobe, alliée à la répression des mobilisations laissent un espace important aux extrêmes droites, qui apparaissent bien souvent comme le seul véritable parti d'opposition. En ce sens, la politique, nécessairement libérale, de l'Union européenne est un marchepied pour le fascisme européen.

À nous de mener un combat sur les positions de fond, refusant leurs idées qui restent inacceptables sous toutes les formes. Nous revendiquons l'ouverture des frontières, ainsi qu'une redistribution des richesses à l'échelle européenne. De manière immédiate, nous sommes pour un salaire minimum européen et des droits sociaux égaux pour tou·tes. Cela suppose de sortir des carcans imposés par l'Union et nécessitera de grandes mobilisations victorieuses sur tout le continent.

Notes

1. La Ligue est le nouveau nom, depuis 2018, de l'ancienne « Ligue du Nord ».

2. Fondé en 1988, Démocrates de Suède était à l'époque un parti ouvertement néonazi, qui s'est « normalisé ».

3. Le FPÖ, le Parti de la Liberté d'Autriche, parti créé en 1955 des décombres du nazisme par la transformation de la « Ligue des indépendants » elle-même créée en 1949. La vie politique autrichienne était contrôlée par les Alliés de la Seconde guerre mondiale jusqu'en 1955, année de conclusion du Traité de neutralité, qui restitua sa pleine souveraineté à la République autrichienne. Jusqu'en 1955, la reconstitution d'un parti trop proche du nazisme historique s'avérait ainsi impossible. Dès l'obstacle levé, le FPÖ se mit en place, son premier président Anton Reinthaller (décédé en 1958) ayant été secrétaire d'Etat à l'Agriculture sous Adolf Hitler.

4. Fondé en 2013, l'AfD « Alternative pour l'Allemagne » est un parti d'extrême droite présent au Bundetag depuis sa création. Il devrait récolter autour de 18% aux prochaines élections européennes.

5. La remigration est un concept inventé par Renaud Camus, un écrivain français d'extrême droite.

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Ukraine : et maintenant ?

4 juin 2024, par Manuel Gari — , ,
Les débats sont parfois difficiles entre militant·es révolutionnaires. Ceux sur la question nationale le sont particulièrement, car ils touchent à la fois à des vies humaines (…)

Les débats sont parfois difficiles entre militant·es révolutionnaires. Ceux sur la question nationale le sont particulièrement, car ils touchent à la fois à des vies humaines en danger et à des analyses complexes, pleines de contradictions. Nous recevons régulièrement des messages critiquant tel ou tel article concernant la Palestine, le Hamas ou l'Ukraine. Notre rôle en tant que presse de l'Internationale est à la fois de reproduire les positions majoritaires et de permettre que s'expriment les désaccords, dans le débat respectueux qui s'impose entre camarades. L'article de Manul Garí reproduit ci-dessous fait partie des textes avec lesquels des camarades exprimeront des désaccords importants mais il nous semble nécessaire que ce point de vue soit partagé.

13 mai 2024 | Inprecor.org numéro 720
https://inprecor.fr/index.php/node/4042

« La barbarie réapparaît, mais cette fois elle est engendrée au sein de la civilisation elle-même et en fait partie intégrante. C'est une barbarie lépreuse, une barbarie comme la lèpre de la civilisation. »

Karl Marx, L'idéologie allemande

Après les discours prononcés à l'occasion du deuxième anniversaire de l'invasion de l'Ukraine par Poutine, la réalité nous crache au visage. La mort de dizaines de milliers de soldats ukrainiens et russes, celle de milliers de civils ukrainiens, l'émigration forcée de millions d'entre eux, la destruction d'infrastructures critiques, d'habitations et de bâtiments publics, la dévastation de champs agricoles fertiles, l'augmentation de la dette publique de Kiev et l'impact international sur les prix alimentaires devraient nous faire réfléchir sur le bilan humain et matériel de la guerre. Et en ce moment, la situation sur le front est dans une impasse tragique.

Après l'invasion de l'Ukraine par Poutine, il n'y avait aucun doute : le peuple ukrainien a tout à fait le droit de se défendre par les armes. Le type d'action militaire le plus approprié dans les conditions spécifiques est une autre question. Et les conditions imposées par chacun des pays qui apportent leur soutien et les dynamiques politiques qui s'ouvrent sont également une autre question. Les États-Unis, en particulier, déterminent politiquement le cours des événements et, par l'intermédiaire de leurs soldats, mènent une bataille contre une autre puissance impérialiste, la Russie de Poutine.

Il y a aussi un résultat politique de la guerre dont nous devons tenir compte : tant en Ukraine qu'en Russie, l'idéologie nationaliste d'exclusion préexistante et le poids des partis et courants d'extrême droite se sont renforcés, les politiques économiques oligarchiques néolibérales et la corruption à grande échelle se sont consolidées, ainsi que les politiques liberticides contre les droits démocratiques, syndicaux et sociaux. Et prenons-en note : les mercenaires et les soldats de fortune ont proliféré et, sur le champ de bataille, combattent non seulement des soldats ou des volontaires, mais aussi des sociétés de guerre. Ni en Russie ni en Ukraine, la démocratie et les libertés n'ont été renforcées. Bien au contraire, au vu des faits.

Tant dans la société martyre ukrainienne que dans la société russe en souffrance, les messages des ethno-nationalismes commencent à s'infiltrer, atteignant le niveau atroce du ridicule consistant à effacer des étagères et des sites web les chefs-d'œuvre de la littérature de l'autre pays et même du sien lorsqu'ils expriment une hétérodoxie. Le bataillon fasciste Azov peut être heureux de son intégration complète dans les rangs de l'armée ukrainienne. Les tsars de la mère Russie peuvent se réjouir dans leurs tombes des excès de leurs héritiers au Kremlin. On cache aux deux peuples ce qu'ils ont en commun en exacerbant les différences : la culture est elle aussi un champ de destruction pour l'ennemi. À ce sujet, Milan Kundera – qui en savait quelque chose – écrivait que « pour liquider les peuples, on commence par leur enlever leur mémoire. On détruit leurs livres, leur culture, leur histoire. Et quelqu'un d'autre leur écrit d'autres livres, leur donne une autre culture et leur invente une autre Histoire. Ensuite le peuple commence lentement à oublier ce qu'il est et ce qu'il était. »

Mais il existe également un équilibre politique international que les stratèges du Pentagone et leurs partenaires mineurs à Bruxelles n'avaient pas prévu : les sanctions économiques occidentales contre la Russie n'ont pas entamé son PIB, bien au contraire. Celui-ci n'a cessé d'augmenter pour deux raisons : le gaz russe continue de couler à travers les terres ukrainiennes vers les pays de l'Union européenne (paradoxes de la position occidentale) et Poutine a eu un autre facteur en sa faveur, c'est que le monde a considérablement et rapidement changé. La mondialisation néolibérale compte plusieurs puissances émergentes qui aspirent ouvertement à défier l'hégémonie des États-Unis d'Amérique, ce qui a profité aux arsenaux et aux finances russes. Le monde perd des ressources et de la nourriture, mais les oligarques de l'Est et de l'Ouest s'enrichissent.

Par où commencer ?

Les choses ne peuvent pas continuer ainsi. Il convient de rappeler la récente déclaration de Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne : « Ne rien faire n'est pas une option ». La question est de savoir quoi faire, quelle option adopter à partir d'une position de gauche socialiste radicalement démocratique et internationaliste. Et, bien sûr, ce n'est pas le « plus de bois » des Marx Brothers, qui, en termes communautaires pour Borrell, se traduit par la fabrication de plus d'armes, la vente de plus d'armes, l'augmentation des budgets militaires au détriment des dépenses sociales (les dépenses publiques, même si les impôts augmentaient, évoluent selon la règle d'airain de la somme nulle). Cette voie a déjà été expérimentée et Biden, Ursula von der Leyen et la haute représentante de l'UE pour la politique étrangère et la sécurité le savent bien.

Après les importantes livraisons d'armes et d'argent au gouvernement de Volodymyr Zelensky par les États-Unis et l'UE, la situation militaire – pour des raisons qui ne font pas l'objet de la réflexion d'aujourd'hui – stagne et est favorable au gouvernement du satrape Poutine. Le jeudi 2 mars dernier, l'Union européenne a approuvé 50 milliards d'euros supplémentaires pour soutenir l'appareil militaire ukrainien1 . Depuis le début de l'invasion, l'UE a contribué à hauteur de 84,3 milliards d'euros, dont 21 pour l'Allemagne, 71,4 pour les États-Unis et 13,3 pour le Royaume-Uni. Un argent accompagné d'un fort soutien diplomatique et médiatique occidental et, c'est très important, d'un soutien direct sur le terrain de la sécurité et du renseignement, avec un déploiement technologique et le plus grand réseau d'espionnage au monde. Est-il vraiment logique de parier sur la victoire totale ? C'est l'option de Poutine, de Biden et Borrell. Mais attention, peuple ukrainien, sois prudent, les vents d'ouest peuvent changer de direction et tu pourrais te retrouver dévasté et abandonné dans l'effort de guerre s'il ne réussit pas à court terme.

Il faudra chercher d'autres voies. Là n'est pas le chemin. Tout d'abord, la gauche politique occidentale, les syndicats et les mouvements sociaux doivent se faire entendre indépendamment des gouvernements. Comme dans les meilleures traditions du mouvement ouvrier internationaliste face aux guerres impérialistes. Pour cette raison, la subordination aux diktats de l'impérialisme lui-même ne peut pas se reproduire, comme le 1er mars 2022, après l'invasion de Poutine, lors d'un vote au Parlement européen en faveur de l'élargissement de la présence de l'OTAN dans les pays voisins de la Russie. Si je ne me trompe pas, le procès-verbal du Parlement européen reflété dans le B9-0123/202, Podemos et ERC ont voté pour ; Bildu, BNG et IU se sont abstenus ; Miguel Urbán d'Anticapitalistas était l'un des 13 député·es européen·es qui ont voté contre et, évidemment, le PP, le PSOE, VOX et Ciudadanos ont voté pour.

Pour mieux faire valoir sa propre position, il faut essayer – au-delà de la propagande de guerre et belliciste – de comprendre la nature du conflit en cours puisque les simplifications sont l'arme du démon de la guerre et du campisme. Et dans la guerre en Ukraine, plusieurs strates et conflits convergent : il y a une guerre défensive de libération nationale de l'Ukraine contre une guerre d'occupation russe, un conflit au sein de la communauté ukrainienne installé dans le Donbass concernant les relations avec l'empire voisin et où s'expriment des identités nationales différentes, et une guerre inter-impérialiste par procuration des États-Unis – et de l'OTAN – contre la puissance russe. Si tous ces éléments ne sont pas pris en compte, il n'y a pas de solution démocratique et populaire possible.

La guerre qui annonce des guerres

La tension entre les impérialismes, dont plusieurs pays possèdent des armes nucléaires, a fait monter la température et les décibels. Il est naïf de penser qu'elles ne seront jamais utilisées, comme l'a dénoncé à plusieurs reprises Ernest Mandel – avec qui je partage les analyses des fléaux du capitalisme tardif. Je suis également entièrement d'accord avec Ken Coates – président de l'organisation Bertrand Russell, coordinateur de la campagne pour le désarmement nucléaire européen (END) et membre éminent du parti travailliste britannique – lorsqu'il a déclaré de manière visionnaire il y a des décennies que « la dissuasion est un modèle conçu pour un monde bipolarisé, mais la bipolarité du monde est en train de disparaître. Si toutes les nations doivent devenir des puissances nucléaires pour être indépendants, le monde ne durera pas longtemps… ».

La situation actuelle est volatile et dangereuse, basée sur un modèle figé, sur une doctrine d'équilibre de la terreur vieille de 40 ans. Nous pouvons en conclure, au vu des précédentes conflagrations mondiales et de la dynamique actuelle de prolifération des conflits, ce que le sous-commandant insurgé Marcos, depuis le Chiapas, a qualifié de « quatrième guerre mondiale ». Sur la scène internationale, n'importe quel petit élément déclencheur peut mettre le feu à la plaine, comme cela s'est produit deux fois au 19e siècle.

L'opération militaire spéciale de Poutine est une manifestation sanglante de la logique expansionniste de l'impérialisme russe. Pour y parvenir, le président russe a dû d'une part falsifier l'histoire pour étayer son discours, et d'autre part restreindre les quelques libertés et droits des personnes et des peuples qui constituent cette grande prison des peuples qu'est la Russie d'aujourd'hui, réprimant toute manifestation politique et syndicale indépendante. Dans le même temps, et il faut en tenir compte, Poutine exprime son inquiétude face à trois faits à ne pas sous-estimer : l'extension constante de l'OTAN vers l'est, l'enracinement de la guerre dans le Donbass depuis 2014 dans laquelle une partie des Ukrainiens se déclarent pro-russes, et les propositions occidentales visant à inclure l'Ukraine dans l'OTAN et récemment dans l'UE.

Le résultat de son action est contradictoire : d'une part, elle a renforcé le sentiment national ukrainien y compris celui de secteurs russophones hors du Donbass qui ont rejoint la défense armée de l'Ukraine et, d'autre part, elle a provoqué une résurgence et une (re)légitimation hypocrite de l'OTAN, qui depuis le fiasco afghan était sans mission et sans fonction comme un poulet sans tête. En fait, il a donné des arguments à ceux qui, au Sommet de Madrid de l'Alliance atlantique, ont identifié la Russie comme l'ennemi principal et ont commencé à débattre de la mer de Chine pour susciter la crainte d'avancées du concurrent asiatique. Chez les impérialismes, personne n'agit sans raison.

Le résultat de l'évolution de l'oligarchie poutinienne est un renforcement de l'idéologie ethnonationaliste panrusse exclusive et, par conséquent, un virage vers l'autoritarisme typique de l'évolution des principales puissances néolibérales. Le capitalisme russe veut renforcer sa position mondiale pour participer à la nouvelle répartition des influences, au pillage extractif du Sud global et améliorer sa balance commerciale. La poursuite de la guerre favorise Poutine, et il ne faut pas croire – selon les données dont nous disposons actuellement – qu'une victoire totale sur l'armée russe est possible et ébranlerait Poutine. Ce n'est que si une forte opposition démocratique et socialiste arrive à se reconstruire en Russie que la dérive actuelle du Kremlin pourra être stoppée et que le cours de l'histoire pourra être modifié en renversant l'oligarque.

Dans le cas des États-Unis et de l'OTAN, une bataille est livrée indirectement. C'est le peuple ukrainien qui compte ses morts, tout en essayant de restreindre le pouvoir des puissances impérialistes concurrentes. Cette guerre par procuration évite pour l'instant de rapatrier des corps aux USA sous la bannière étoilée. Toute interprétation de l'attitude de l'impérialisme nord-américain et européen comme défenseurs des libertés et de la démocratie, ou du droit légitime à l'autodéfense du peuple ukrainien, revient à se boucher les yeux et les oreilles face aux nombreuses actions – passées et présentes – de l'impérialisme occidental pour défendre les intérêts du grand capital de leurs pays ou multinationales respectifs. À commencer par la renaissance de l'industrie militaire européenne et nord-américaine qui, tout en fournissant de nouvelles machines de mort, commence également à établir des plans pour la future reconstruction du pays. La bonne affaire.

Une fois de plus, le vieux Marx avait raison lorsqu'il disait que les capitalistes et leurs États formaient une « bande de frères en guerre ».

Il existe des alternatives, luttons pour elles

Comme on peut le constater, cette guerre comporte de multiples niveaux et pièges cachés derrière les discours guerriers. Nous devons aborder cette réalité avec détermination et prudence pour éviter de pleurer. Les tendances guerrières doivent être combattues avec des propositions qui soient utiles à la fois au peuple A et au peuple Z, en l'occurrence le peuple ukrainien et le peuple russe. Le principe à partir duquel doit partir une position internationaliste indépendante est la guerre contre la guerre impérialiste, en construisant une réponse solidaire en faveur d'une paix juste et durable. La seule solution durable à cette guerre est de mettre fin à l'invasion et à l'offensive russes, aux bombardements des populations civiles et des infrastructures énergétiques.

Les points qui permettraient un large front pour faire pression sur les gouvernements russe et nord-américain, ainsi que sur les gouvernements de chaque pays impliqué, peuvent être résumés comme suit :

Il faut exiger un cessez-le-feu pour arrêter la saignée, la destruction des ressources et l'exil, ainsi que la démilitarisation et la dénucléarisation des frontières de l'Ukraine et la fin des livraisons d'armes par les pays impérialistes occidentaux, tout comme les embargos et les mesures économiques qui, en fin de compte, pèsent non pas sur l'oligarchie mais sur le peuple russe. Le corolaire de ce qui précède est le retrait immédiat des troupes russes et la promotion de la neutralité et du non-alignement de l'Ukraine auprès de tous les impérialismes participant au conflit.

Il est très important de mettre fin au secret diplomatique et à la raison d'État qui nous privent de la vérité. Par conséquent, toutes les négociations possibles de cessez-le-feu ou de paix doivent être publiques devant les peuples ukrainien et russe, ainsi que devant le monde entier. La logique internationaliste implique la solidarité avec le peuple ukrainien et en particulier avec les secteurs minoritaires de gauche et syndicaux qui s'opposent aux mesures antisociales de Zelensky et qui existent, même si elles sont trop faibles pour jouer un rôle important et indépendant dans le conflit. Solidarité entre les peuples avec le peuple ukrainien au-delà de ses dirigeants néolibéraux, solidarité étendue aux secteurs du peuple russe qui résistent au dictateur.

Cela signifie qu'on doit commencer par reconnaître et défendre le droit du peuple ukrainien à résister à l'invasion de Poutine, à décider de son propre avenir dans son propre intérêt tout en respectant les droits de toutes les minorités ; son droit à déterminer cet avenir indépendamment des intérêts de l'oligarchie ou du régime capitaliste néolibéral actuel, des pressions du FMI ou de l'UE – et nous revendiquons ainsi l'annulation totale de leur sa dette – et le droit de tou·tes les réfugié·es et personnes déplacées de rentrer en toute sécurité et en possession de tous leurs droits.

Pour construire un avenir pacifique en Ukraine, il est nécessaire d'assurer l'exercice du droit à l'autodétermination du Donbass sous la supervision de pays non alignés dans le conflit et l'annulation de la dette extérieure qui pèse comme une épée de Damoclès sur toute la société ukrainienne.

Pour payer les coûts matériels de la guerre, il faut briser le secret bancaire et en finir avec les paradis fiscaux afin de confisquer les avoirs des oligarques russes et de leurs complices internationaux pour les utiliser à la reconstruction de l'Ukraine et des familles russes touchées par la guerre.

Et enfin, il ne faut faire aucune concession à l'existence de blocs militaires (OTAN, CSTO et AUKUS2 ), qui loin d'être une garantie de paix et de défense, sont des instruments d'agression et de guerre contre les peuples. Nous ne devons pas non plus accepter l'utilisation cynique de la guerre en Ukraine pour augmenter les budgets militaires et l'industrie de guerre. Et, ce n'est pas le moins important, nous devons exiger un désarmement mondial, notamment en ce qui concerne les armes nucléaires et chimiques, œuvrer pour une paix mondiale dans laquelle aucun État n'impose, n'envahit ou n'opprime l'autre ; c'est-à-dire une paix sans colonisateurs ni cimetières de peuples colonisés.

Avec cela, nous pouvons peut-être démentir les écrivains russes actuellement vilipendés, comme Maxime Gorki, qui, lors des funérailles d'Anton Tchekhov, a déclaré que le message qu'il nous avait laissé était « Mesdames et Messieurs, nous n'avons pas appris à vivre en paix ».

Le 29 février 2024

Manuel Garí est économiste. Il est membre d'Anticapitalistas, section espagnole de la IVe Internationale et membre du comité de rédaction du magazine Viento Sur.

Cet article a été publié le 2 mars 2024 par Viento Sur.

Notes

1. « Los líderes de la UE acuerdan por unanimidad la ayuda de 50.000 millones para Kiev », 1er février 2024, Público

2. L'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) est une organisation intergouvernementale à vocation politico-militaire fondée le 7 octobre 2002, dominée par la Russie, qui regroupe la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Russie et le Tadjikistan. AUKUS (acronyme de l'anglais Australia, United Kingdom et United States) est un accord de coopération militaire tripartite – mais pas formellement une alliance militaire – formé par l'Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni. Rendu public le 15 septembre 2021, il prétend contrer l'expansionnisme chinois dans l'Indo-Pacifique.

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Élections aux États-Unis : un saut dans l’inconnu

4 juin 2024, par Édouard Soulier — , ,
En novembre prochain, les élections aux États-Unis auront lieu. Sauf événement judiciaire peu probable, le match concernera en priorité les deux candidats qui se sont opposés (…)

En novembre prochain, les élections aux États-Unis auront lieu. Sauf événement judiciaire peu probable, le match concernera en priorité les deux candidats qui se sont opposés il y a 4 ans : Trump contre Biden. Il s'agit des plus vieux candidats à l'élection de son histoire, le précédent record établi par les mêmes à la précédente élection.

Revue L'Anticapitaliste n° 156 (mai 2024)

Par Édouard Soulier

Crédit Photo
Scènes du campement de solidarité avec Gaza qui a été rétabli à l'université de Columbia et qui en est à son quatrième jour. © Abad Diraniyeh - Own work, CC0

Les derniers sondages de mai 2024 donnaient 42 % d'intentions de vote pour Trump contre 41 % pour Biden. Mais le système de suffrage censitaire (1) est trompeur car il est nécessaire de gagner certains États-clés pour l'emporter et à ce jour l'avance de Trump est plus importante dans chacun de ceux-ci (Arizona, Pennsylvanie, Géorgie et Michigan). L'incertitude est totale à ce jour sur qui pourra être le vainqueur. Les procès criminels de Trump et les choix politiques de Biden peuvent contribuer à expliquer un climat général particulier mélangeant agitation et apathie politiques. Agitation car l'enjeu politique pourrait être central pour l'avenir de la « démocratie américaine », mais également apathie car, à l'exception de la base radicalisée de Trump, il n'y a d'engouement populaire pour aucun des candidats.

Le danger trumpiste contre la passivité Biden

Le programme de Trump fait froid dans le dos : construction de nouveaux camps de concentration et d'expulsion pour les demandeurs d'asile ; répression et expulsion des étudiant·es pro-palestinien·nes sur les campus ; attaques contre la presse ; licenciement massif des employé·es du gouvernement ; grâce des golpistes du 6 janvier – semer le chaos dans la gestion impérialiste mondiale.

D'ailleurs, une deuxième édition de Trump fait hésiter même les milieux dirigeants capitalistes américains. La classe dirigeante avait, au moins en apparence, misé sur la rivale de Trump, Nikki Haley, dont les principaux fonds de campagne ont été abondés par l'organisation Americans for Prosperity (2). Nikki Haley est une conservatrice de droite extrêmement réactionnaire mais qui semble plus contrôlable que Trump. Cette perspective (sauf ennui judiciaire) s'est envolée lorsqu'elle a abandonné la course aux primaires (3). En tout cas, Trump a définitivement gagné les Républicains à sa cause et a placé différents membres de sa famille à des postes clés de la direction du parti.

Biden est indéniablement un candidat de la classe dirigeante américaine et il n'a eu de cesse de le montrer en 50 ans de carrière ininterrompue. Suite à l'élection de 2020, l'aile gauche des Démocrates avait proposé le Green New Deal, un plan d'investissement fédéral sur les infrastructures et la transition énergétique. Bien que représentant seulement la moitié du budget militaire, ce plan fut jugé trop important. Par exemple, en Virginie occidentale, où le taux de pauvreté infantile est passé de 20,7 % à 25 % entre 2021 et 2022, son sénateur Démocrate, Joe Manchin, s'y est opposé. Certains aspects furent abandonnés, dont celui pour réduire de moitié la pauvreté des enfants. En dernière instance, les investissements colossaux du « plan Biden » ont profité en grande partie aux couches de la population à hauts revenus. Les autres ne voient que très peu, voire pas du tout, de différence dans leur vie quotidienne. Cela dit, les États-Unis ont réussi à contenir l'inflation, comparativement à la zone euro, même si le prix des produits de première nécessité reste bien plus élevé qu'avant, tandis que les hausses de taux d'intérêt, nécessaires pour « freiner l'inflation », ont elles-mêmes exacerbé une crise du logement qui touche particulièrement les jeunes et de nombreuses personnes âgées à revenus limités. Les résultats économiques sous Biden sont plutôt bons d'un point de vue capitaliste. Or, c'est précisément dans ce domaine que les sondages montrent une plus grande confiance dans les Républicains.

Nouveaux visages des États-Unis

Selon le recensement (4) de 2020, les « blancs » non hispaniques ou latinos représentent désormais 57,8 % de la population des États-Unis, contre 63,7 % en 2010. Le taux de natalité subit une baisse plus forte chez les « blancs » que dans les autres groupes ethniques. Ces facteurs objectifs devraient pousser le parti Républicain vers une marginalité permanente. Mais la peur de devenir minoritaire fait des « non-blancs », des LGBT et de l'avortement les cibles privilégiées des idéologies suprémacistes, nationalistes et religieuses, qui dominent largement ce parti aujourd'hui.

L'immigration aux États-Unis vient principalement d'Amérique centrale, d'Amérique du Sud et d'Asie, où les États-Unis ont créé une situation invivable depuis les années 1960, par leur politique de libre-échange, leur guerre contre le communisme puis contre la drogue. Les Républicains ne proposent que des murs et des prisons. Les sorties racistes contre les migrants·e, qui n'ont pas cessé depuis des années, sont en constante augmentation depuis le début d'année. Le racisme anti-immigrants est central dans la stratégie des Républicains pour reprendre la Maison Blanche. Mais sur cette question, les Démocrates restent fidèles à la stratégie de sélection des « bons » et « mauvais » migrants et s'acharnent à essayer de faire passer des lois de consensus avec les Républicains pour « régler » ce problème.

Alors qu'il devrait être majoritaire, le vote pour les Démocrates se rétrécit chez les jeunes, les Afro-Américain·es et dans les autres communautés non blanches et immigrées, ainsi que parmi les LGBTIA+. Les Démocrates ont fait trop de promesses et n'ont pas assez apporté de changements réels – en termes de justice raciale, d'allègement de la dette étudiante, de réforme de l'immigration, de lutte contre le changement climatique.

De plus, le soutien traditionnel de Biden à l'État d'Israël n'est plus accepté par la jeunesse étatsunienne. Elle est horrifiée par le génocide en cours en Palestine. L'ampleur de la mobilisation en cours sur les campus universitaires nord-américains ne s'était pas vue depuis la guerre du Vietnam. Même la jeunesse juive nord-américaine (traditionnellement Démocrate) est moins attachée au sionisme et est moins encline à justifier les crimes contre l'humanité au nom d'un foyer national Juif. Ajoutons qu'en 2020, le vote des communautés arabo-américaines et palestiniennes a été l'une des clés du succès Démocrate. L'une des plus importantes communautés se trouve dans le Michigan qui est un État crucial pour la victoire en novembre. Même s'il est trop tôt pour voir s'il y aura réellement un impact en termes de votes, il semble que la direction du parti Démocrate a délibérément choisi d'ignorer cet électorat. Notons que l'association American Israel Public Affairs Committee soutient systématiquement les candidat·es les plus engagé·es en faveur d'Israël et finance des concurrents face aux figures pro-palestiniennes comme Rashida Tlaib, Cori Bush et Ilhan Omar lors des primaires Démocrates.

Un autre cheval de bataille pour la droite et le parti Républicain est leur volonté d'en finir avec le droit à l'avortement aux États-Unis, après leur victoire à la Cour Suprême (5). Dès que celui-ci est soumis aux votes, par des référendums locaux, il l'emporte de manière décisive mais cela n'empêche pas d'autres États conservateurs de continuer à durcir son interdiction. Sur cette question, une grande partie de l'électorat se rangera du côté des Démocrates. Même si cette croisade est perdue d'avance, la détermination des Républicains pourrait, de justesse, préserver la présidence Démocrates.

Une autre politique est nécessaire

La mobilisation des électeurs doit advenir mais pas celle pour des élections, celle pour une lutte politique différente. Les points d'appui existent pour développer cette alternative. Tout d'abord le renouveau du militantisme ouvrier, qui a abouti à des contrats syndicaux avec des gains importants pour les travailleurs de l'automobile, ou chez UPS, et à des avancées dans l'organisation d'entreprises telles que Tesla et Amazon. La vague de créations de nouvelles sections syndicales en est aussi un signe. Deuxièmement, le combat continue contre l'extrémisme anti-avortement du parti Républicain. En outre, dans plusieurs États du Sud, on remarque des luttes contre les interdictions de livres ou des mesures de contrôle électoral comme au temps de la ségrégation. Enfin, la force et la détermination du mouvement pour la Palestine peuvent succiter un mouvement de résistance plus large.

Pour l'instant ces mouvements n'ont pas trouvé de traduction politique et n'ont pas encore pesé fortement sur la dynamique au niveau de la politique électorale nationale. Mais la lutte des classes est active. Il faut juste qu'elle soit suffisamment résistante et structurée pour affronter l'inconnu de ces prochaines élections.

Notes

1. Aux États-Unis, chaque État désigne des grands-électeurs, qui sont tou·tes en faveur du candidat arrivé en tête dans l'État (sauf dans deux États où ils sont répartis à la proportionnelle). C'est ce collège électoral qui désigne le président. Ainsi, un·e président·e peut être élu·e alors qu'il a moins de voix nationalement que son concurrent.
2. American for prosperity (AfP) est un groupe financé par les frères Koch, propriétaires d'un conglomérat pétrochimique, commercial et financier. Fondé en 2004, il est considéré comme le lobby le plus influent pour les élections aux États-Unis, tant au niveau national qu'au niveau local.
3. Les deux grands partis organisent des élections primaires dans chaque État pour désigner le candidat à la Maison-Blanche, où ne votent que les adhérents de chaque parti.
4. Les Échos, « L'Amérique de 2020, moins blanche et plus métissée » publié le 13 août 2021.
5. En 1973, la Cour Suprême empêche la criminalisation de l'avortement dans tous les États-Unis (arrêt Roe v. Wade), ce qui le rend légal sur tout le territoire. En 2022, la Cour Suprême infirme sa décision de 1973 (arrêt Dobbs v. Jackson), autorisant chaque État à criminaliser à nouveau l'avortement.
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États-Unis. Ces fonctionnaires américains qui démissionnent au compte-gouttes à cause de la guerre à Gaza

Suivant l'exemple de Josh Paul, qui a claqué la porte du département d'État, dès le mois d'octobre, pour signifier son opposition au soutien de l'administration Biden à la (…)

Suivant l'exemple de Josh Paul, qui a claqué la porte du département d'État, dès le mois d'octobre, pour signifier son opposition au soutien de l'administration Biden à la guerre menée par Israël à Gaza, d'autres hauts fonctionnaires américains démissionnent en le faisant savoir publiquement.

29 mai 2024 | tiré du Courrier internatinale | Photo : Des gardes traversent la cour du département d'État américain, à Washington, le 24 mai. BRENDAN SMIALOWSKI/AFP

Stacy Gilbert travaillait pour le bureau du département d'État américain chargé des réfugiés et des migrations, “elle a démissionné cette semaine, en invoquant son désaccord avec un rapport du gouvernement américain récemment publié qui affirme qu'Israël n'entravait pas l'acheminement de l'aide humanitaire à Gaza”, rapporte The Washington Post.

Et elle n'est pas la seule. “Une poignée de fonctionnaires de l'administration Biden ont démissionné depuis le début du conflit en octobre”, rappelle le quotidien de la capitale fédérale américaine, en citant notamment le cas d'Annelle Sheline, qui travaillait sur les questions relatives aux droits de l'homme, ou d'Hala Rharrit, l'une des porte-parole en langue arabe du département d'État.

Lire aussi : États-Unis. La stratégie de soutien de Biden à Israël crée un malaise au département d'État américain

D'autres ont exprimé leur mécontentement à l'égard de la politique de soutien indéfectible de l'administration Biden à Israël en envoyant des câbles – la correspondance diplomatique numérique ou physique – sur le canal de dissidence interne du département d'État américain, qui “permet aux diplomates d'exprimer leur désaccord sans craindre de représailles”, note le journal.

“En signe de contestation… et de deuil”

“Le jour où la Maison-Blanche a annoncé que la dernière atrocité commise à Rafah n'avait pas franchi la ligne rouge qu'elle s'était fixée, cette démission [celle de Stacy Gilbert] montre que l'administration Biden est prête à tout pour éviter la vérité”, a écrit, le 29 mai, sur LinkedIn Josh Paul, le tout premier fonctionnaire du département d'État à avoir démissionné, en octobre 2023. Il évoquait dans ce message la frappe israélienne sur le camp de réfugiés à Rafah qui a fait 45 morts le 26 mai et le fait que l'administration Biden a fait savoir deux jours plus tard que cet “incident”, bien que dévastateur, ne donnerait lieu à aucune réprimande sérieuse de la part de Washington.

The New York Times souligne d'ailleurs que “les bombes utilisées par Israël pour frapper le camp de déplacés près de Rafah [le 26 mai] ont été fabriquées aux États-Unis”.

Lire aussi : Guerre. Joe Biden piétine la “ligne rouge” qu'il a tracée contre l'offensive israélienne à Rafah

Il y a deux semaines, c'est une autre démission, celle d'une conseillère du chef de cabinet du ministère de l'Intérieur américain, qui a fait couler de l'encre. En claquant la porte, le 15 mai dernier, Lily Greenberg Call a en effet mis en avant sa judéité parmi les raisons qui l'ont poussée à démissionner. Dans une tribune publiée le 28 mai par The Guardian, elle explique publiquement, et sans ambages, les causes de son geste.

Jusqu'à récemment, “le président Biden était mon patron, écrit-elle, mais la semaine dernière […] je suis devenue la première représentante juive de ce gouvernement à présenter publiquement ma démission en signe de contestation – et de deuil –, alors que le président Biden continue à soutenir un génocide à Gaza, où plus de 35 000 Palestiniens ont été assassinés. Cela a été une décision extrêmement difficile mais nécessaire, et qui me paraissait d'autant plus urgente que le président américain n'a cessé de détourner le problème de la sécurité de la communauté juive, le brandissant comme prétexte pour se soustraire à toute forme de responsabilité dans ce massacre”.

Bérangère Cagnat

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Les défenseurs indonésiens de l’eau assiégés à Bali

4 juin 2024, par Forum des peuples pour l'eau à Bali — , ,
Pedro Arrojo Agudo, le Rapporteur spécial des Nations unies sur les Droits humains à l'eau potable et à l'assainissement, est menacé et agressé à Bali. Tiré de People Water (…)

Pedro Arrojo Agudo, le Rapporteur spécial des Nations unies sur les Droits humains à l'eau potable et à l'assainissement, est menacé et agressé à Bali.

Tiré de People Water Forum

Du 18 au 24 mai 2024, l'Indonésie accueille le 10ème Forum mondial de l'eau. Cet événement triennal est organisé par le Conseil mondial de l'eau (WWC), un organisme multipartite dirigé par des entreprises qui promeut les solutions du secteur privé en matière de gouvernance, de gestion et de distribution de l'eau.

Depuis près de vingt ans, les mouvements pour la justice en matière d'eau se sont réunis pour organiser des forums parallèles afin d'offrir un espace ouvert et accessible aux communautés en première ligne, aux travailleurs et aux défenseurs de l'eau afin de partager leurs connaissances et d'élaborer des solutions pour un avenir juste, équitable et durable en matière d'eau pour toutes et tous. Les mouvements pour la justice en matière d'eau qui travaillent ensemble sous l'égide du People's Water Forum (PWF) considèrent que l'eau, c'est la vie, qu'elle est sacrée et qu'elle n'est pas une marchandise, mais qu'elle fait partie de notre patrimoine commun mondial qu'il convient de partager équitablement et de protéger pour les générations futures.

Nous sommes profondément préoccupés par les attaques contre les organisateurs locaux, les universitaires et les institutions académiques qui ont conduit à l'annulation et à la perturbation des sessions du People's Water Forum au cours des derniers jours. Une conférence de presse qui a eu lieu dans l'après-midi du 20 mai a été violemment interrompue par un groupe masqué soutenu par le Patriot Garuda Nusantara (PGN), un type de force paramilitaire. Des affiches, des panneaux et des bannières du PWF ont été arrachés, tandis que de nombreux participants locaux ont été bousculés et menacés.

Plus tôt dans la journée, il a été rapporté qu'un nombre encore plus important de ces mêmes personnes s'étaient introduites dans l'hôtel où séjournent les mouvements sociaux indonésiens, et bloquaient l'hôtel. Ces défenseurs de l'eau sont actuellement piégés dans l'hôtel et négocient avec une foule masquée leur liberté de mouvement et leur accès à la nourriture, à l'eau et à d'autres produits de première nécessité.

Dans ce contexte, Pedro Arrojo, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les Droits humains à l'eau potable et à l'assainissement, s'est rendu à l'hôtel accompagné de militants du PWF pour constater la situation et s'entretenir avec les personnes retenues à l'intérieur de l'hôtel.

À l'entrée de l'hôtel, 50 hommes en uniforme et un plus grand nombre d'hommes masqués non identifiés en civil ont fait face au Rapporteur et aux trois personnes qui l'accompagnaient. Montrant son passeport des Nations Unies bleu, M. Arrojo a demandé à parler au chef des forces de sécurité. Le rapporteur a non seulement été empêché d'entrer dans l'hôtel, mais il a également été menacé et bousculé (comme le montre cette vidéo). Lui et les représentants du PWF qui l'accompagnaient ont été contraints de partir.

Un groupe d'universitaires a déjà signé une lettre ouverte expliquant les menaces observées jusqu'à présent et exprimant leur soutien aux activistes bloqués dans l'hôtel qui sont en situation de grand danger.

En tant que plateforme de réseaux pour la justice de l'eau d'Afrique, des Amériques, d'Asie et d'Europe, nous demandons :

La fin du siège des quelque 40 camarades qui sont actuellement bloqués à l'hôtel Oranjje à Denpasar sans accès à l'eau, à la nourriture et à d'autres produits de base. Il s'agit de représentants de communautés indonésiennes en première ligne des luttes pour l'accès au droit humain à l'eau et contre la pollution et la privatisation de l'approvisionnement local en eau. Ce sont ces voix qui sont réduites au silence pour protéger l'image du Forum mondial de l'eau.

La fin de toutes les formes d'intimidation et de violence à l'encontre du PWF, exercées par des fonctionnaires, des agents rémunérés et des groupes paramilitaires.
Que les droits constitutionnels des défenseuses et défenseurs indonésiennes et indonésiens de l'eau soient rétablis immédiatement.

La communauté internationale doit s'exprimer pour garantir que l'eau reste un bien commun, accessible à tous et pas seulement à quelques-un.es. Ce combat est celui de toutes et tous.

Le Forum des peuples pour l'eau à Bali (Indonésie)
21 mai 2024

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Le grand jeu indien au Moyen-Orient : un équilibre délicat

4 juin 2024, par Atharva Kadam — , ,
Depuis 2001, l'Inde connaît une transformation de ses liens diplomatiques avec l'Asie de l'Ouest. Ils ne sont plus uniquement guidés par le pur intérêt comme autrefois. (…)

Depuis 2001, l'Inde connaît une transformation de ses liens diplomatiques avec l'Asie de l'Ouest. Ils ne sont plus uniquement guidés par le pur intérêt comme autrefois. Aujourd'hui, New Delhi a l'occasion d'accroître son influence au-delà du sous-continent indien. Les États du Golfe, eux aussi, reconnaissent l'importance économique d'un pays en plein essor, et surtout le potentiel d'investissements dans son marché de l'énergie. Mais cette amitié est menacée par des crises sanglantes dans la région. Le conflit israélo-palestinien et les sanctions américaines sur le pétrole iranien représentent un double défi pour l'Inde. De plus, la passe d'armes récente entre Israël et l'Iran a créé une situation difficile pour New Delhi : onze matelots indiens sont encore coincés depuis un mois sur un navire considéré comme ayant des liens avec Israël, et pris d'assaut par des commandos iraniens.

Tiré d'Asialyst.

Le 14 avril dernier, une troupe des Gardiens de la révolution islamique est descendu sur un cargo dans le détroit d'Ormuz. Pris en otage à quelques kilomètres de la côte émirienne, ce navire, le MSC Aries, avait pour destination Bombay. Il est associé au Zodiac Group (ZG), un conglomérat appartenant partiellement à un milliardaire Israélien. Selon MSC, la firme suisse qui gère les vaisseaux pour ZG, l'équipe de l'Aries comprenait 25 matelots, dont 17 Indiens.

Ce détournement fut un choc pour le gouvernement indien. Le ministre des Affaires étrangères, Dr Subrahmanyam Jaishankar, téléphonait le lendemain à son homologue iranien Amir-Abdollahian, et d'après le rapport publié par son ministère, le chef de la diplomatie de Téhéran lui assurait que les autorités indiennes pourraient rencontrer les matelots. Après intervention de l'ambassade d'Inde en Iran, un des membres de l'équipage a pu échanger avec sa famille. Ce qui lui a permis d'apprendre que l'Aries était ancré près du port de Bandar Abbas, situé sur la rive iranienne du détroit. À la suite d'intenses négociations, six Indiens ont été libérés et, à en croire les autorités indiennes, les autres le seront aussi après avoir rempli « leurs obligations contractuelles ». Par ailleurs, tandis que le gouvernement indien essayait de rapatrier ses matelots, il négociait depuis longtemps avec l'Iran l'accès au port de Chabahar, situé 400 km au Sud-Est. Le 13 mai, l'Inde signait un contrat avec l'Iran pour la gestion du terminal portuaire pour une période de dix ans. L'objectif : contourner la présence chinoise dans le port pakistanais de Gwadar et parvenir en Asie centrale via l'Afghanistan. Un accord signé en dépit de l'opposition des États-Unis.

L'exemple iranien témoigne de la complexité des ambitions de la diplomatie indienne au Moyen-Orient. Certes, la stratégie désormais fameuse du « multi-alignement » est toujours indispensable pour l'Inde, même quand il s'agit de son voisinage immédiat de l'Asie de l'Ouest. Que ce soit sa position nuancée sur la question israélo-palestinienne, ou entre les États arabes du Golfe et l'Iran, New Delhi reste neutre. Mais cela ne veut aucunement dire que l'Inde est inerte : elle entretient simultanément des liens économiques importants dans cette région, et se vante des relations positives avec presque tous ses acteurs étatiques majeurs.

Une présence indienne historique dans la péninsule arabique

L'Arabie et l'Inde n'ont jamais rompu leurs liens depuis des siècles. Durant la colonisation, les Britanniques établirent leur autorité sur le golfe Persique, contrôlant les routes maritimes vers les Indes. Après son accession à l'indépendance, l'Inde n'a pas voulu prolonger l'hégémonie exercée par la Grande-Bretagne et s'est concentrée sur ses liens commerciaux avec la région. Le Pakistan a bien tenté de rallier les États arabes sur la question du Cachemire, mais New Delhi a su maintenir des liens généralement chaleureux avec ces derniers jusqu'aux années 1950. La polarisation de l'Asie pendant la Guerre froide a eu un résultat assez important pendant la décennie suivante. L'Inde de Nehru, laïque et socialiste, se rapprochait des républiques arabes comme l'Égypte, la Syrie et l'Irak, ainsi que de l'URSS.

De son côté, le Pakistan se dirigeait vers les États-Unis, ayant acquit les faveurs des États arabes du Golfe. Des faveurs amplifiées par la solidarité islamique suite à la défaite de l'Égypte contre Israël en 1967, aux attentats contre la mosquée Al-Aqsa en 1969 et à la mort de Nasser en 1970. La création de l'Organisation de la coopération islamique (OCI) en 1971 bétonnait le rapprochement entre Islamabad et Riyad en particulier : le Pakistan entraînait les forces militaires de l'Arabie saoudite, et à la suite de la révolution iranienne, des soldats pakistanais furent déployés aux frontières saoudiennes avec la Jordanie, l'Irak et le Yémen. Tout au long des années 1970 et 80, l'Inde a lutté contre l'influence croissante d'Islamabad dans ces pays – en vain. Durant les chocs pétroliers, l'Inde n'en est pas moins devenue à la fois le fournisseur principal d'ouvriers pour alimenter les gigantesques programmes de développement dans les États arabes, et le grand importateur de leur pétrole. La guerre en Afghanistan a encore éloigné les deux régions — les États arabes, avec le Pakistan et les États-Unis, encourageaient un djihad contre l'URSS. L'Inde, en revanche, reconnaissait le gouvernement soutenu par l'URSS.

Les années 1990 marquent une nouvelle ère dans la diplomatie indienne. Après l'effondrement de l'URSS, l'Inde prend conscience de la nécessité de trouver de nouveaux partenaires dans la région. Ce qui n'accélère pas, dans un premier temps, le processus avec les pays arabes. De nombreuses résolutions de l'OCI sur le Cachemire et la chute de la mosquée Babri – souvent proposées par le Pakistan – continuent d'embarrasser le gouvernement indien. Cependant, au fil du temps, l'Inde arrête de contredire ces résolutions, et abandonne tout effort sérieux de rapprochement avec l'OCI.

Il faut attendre 2001 pour qu'un pas important dans les relations indo-arabes soit accompli. Jaswant Singh, alors ministre indien des Affaires étrangères, se déplace à Riyad, pour la première visite d'un responsable politique indien en Arabie saoudite. Le royaume qualifie alors la dispute indo-pakistanaise sur le Cachemire de « bilatérale », donnant satisfaction à New Delhi qui souhaitait éviter la médiation d'un pays tiers. Puis, après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis la même année, les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) adoptent le programme « Look East » qui comprend un engagement stratégique fort avec l'Inde. Ce qui inclut un « découplage » avec le Pakistan, ôtant un obstacle majeur dans le développement des relations avec Riyad. Avec le nouveau siècle, les liens se renforcent à travers la mer d'Arabie. Le roi Abdallah visite l'Inde en 2006, unepremière pour un souverain saoudien depuis 1955. En 2015, Narendra Modi devient le premier dirigeant indien en trente ans à mettre un pied sur la terre émirienne.

Après 2001, c'est net : les pays du Golfe changent d'approche avec l'Inde. Leur point de vue n'est plus idéologique mais de plus en plus pragmatique, même après l'arrivée au pouvoir du BJP à New Delhi. Paradoxalement, ce pragmatisme est réciproque : le gouvernement nationaliste hindou, lui aussi, se concentre sur les États arabes. Au risque de « contredire sa politique domestique de polarisation religieuse », selon un expert. Résultats frappants : l'abrogation de l'autonomie du Cachemire en 2019 ne suscite aucune critique officielle de la part des gouvernements du Golfe et le Premier ministre Indien reçoit de nombreuses décorations. De même, l'inauguration récente du premier temple hindou à Abu Dhabi témoigne de l'ouverture des Émirats à cet égard.

Coopération énergétique et sécuritaire

Puissance mondiale émergente, l'Inde a de grands besoins énergétiques. Aujourd'hui le troisième plus grand importateur de pétrole au monde, elle occupera le premier rang d'ici 2035 : ses importations valaient 119 milliards de dollars en 2021-22. Les ressources pétrolières de l'Inde ne suffisent pas à nourrir son économie et notamment son industrie d'exportation des produits pétroliers raffinés. Une grande partie de besoins en or noir du pays (presque 85 %) est importée. Vu sa proximité géographique avec les pays du CCG, ils sont depuis toujours ses fournisseurs préférés, surtout l'Irak, les Émirats et l'Arabie saoudite. Malgré l'onde de choc de la guerre russo-ukrainienne en 2022, et le basculement en faveur du pétrole russe, la proportion des pays de l'OPEP reste à près de 50 % en 2023.

De leur côté, les pays du CCG anticipent le déclin des intérêts américains dans la région, et essaient de courtiser les grandes puissances régionales comme l'Inde et la Chine. Certes, elles ne pourront jamais remplacer les États-Unis, mais une relation favorable pourrait garantir une sorte de sécurité économique à long terme.

L'Inde et les pays du Golfe se rejoignent aussi sur la coopération sécuritaire. La Déclaration de Riyad (2010) et le Comprehensive Strategic Partnership Agreement (2017) signé avec les Émirats forment le socle de cette entente. New Delhi a également signé de nombreux accords avec le Sultanat d'Oman et le Qatar, lui autorisant une forte présence militaire dans ces pays. Quant au terrorisme, l'Inde a dû réévaluer sa politique sécuritaire suite aux attentats de Bombay le 28 novembre 2008, orchestrées par des groupes pakistanais. New Delhi s'est mis alors à sécuriser sa côte occidentale et à isoler le Pakistan sur le sujet du terrorisme. Les pays du Golfe, à leur tour, sont menacés par des organisations comme Daesh et Al-Qaïda. Les deux régions s'entendent donc assez aisément sur le combat contre le terrorisme transnational et le radicalisme islamiste.

La question des ouvriers expatriés

Près de 9 millions des Indiens expatriés résident dans les États du CCG. La diaspora indienne est sans doute la plus grande de la région. La plupart de ces Indiens sont ouvriers, souvent issus du sud du pays, en particulier du Kerala. Même si l'immigration indienne dans les pays arabes s'est banalisée, ces immigrés doivent affronter de nombreuses difficultés. Celles-ci sont notamment liées au système « kafala » d'embauche, assez répandu dans les États arabes et qui permet l'exploitation des ouvriers étrangers. Dès leur arrivée, les travailleurs se voient privés de leurs passeports, et obligés de travailler dans des conditions inhumaines sans aucune rémunération proportionnée.

Cette situation tranche avec l'autre composante de la diaspora indienne : les Indiens à col blanc, souvent riches, qui mènent une vie tout à fait heureuse comparée à leurs compatriotes ouvriers. La protection des immigrés à l'étranger demeure un défi majeur pour la diplomatie indienne, particulièrement quand il s'agit du Moyen-Orient.

Israël-Palestine : New Delhi sur la corde raide

« La Palestine appartient aux Arabes de la même manière que l'Angleterre appartient aux Anglais et la France aux Français », avait déclaré le Mahatma Gandhi en 1938. Cette solidarité anticoloniale combinée au rejet d'une religion comme seule base de l'identité nationale poussèrent New Dehli à s'opposer à la partition de la Palestine en 1947. En 1974, l'Inde est devenue le premier pays non arabe à reconnaître l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) comme seul représentant du peuple palestinien, et elle compte parmi les premières nations à reconnaître l'État de Palestine en 1988. En outre, elle soutient la revendication palestinienne de devenir un État membre des Nations Unies : elle a voté pour son obtention du statut d'État non observateur en 2012. Le 10 mai 2024, New Delhi votait en faveur de la résolution reconnaissant l'éligibilité de la Palestine comme État membre des Nations Unies.

Entre-temps, l'Inde a reconnu l'État d'Israël deux ans après sa création en 1948, mais sans instaurer de relations diplomatiques avec Tel Aviv jusqu'à 1992. La volonté de ne pas mécontenter la minorité musulmane du pays, la dépendance à l'égard du pétrole arabe, et surtout la politique de non-alignement ont longtemps retardé la normalisation des relations avec l'État hébreu. Mais la fin de la Guerre froide et les accords d'Oslo en 1993 ont finalement permis cette normalisation, et les deux pays ont ouvert leurs ambassades respectives à New Delhi et à Tel Aviv. Aujourd'hui, le gouvernement indien, qui a reconnu les deux pays, soutient la solution à deux États.

Après son indépendance, l'Inde avait soutenu la cause palestinienne, quel que soit le gouvernement au pouvoir. Par exemple, le pays, sous Vajpayee, premier membre du BJP à devenir chef du gouvernement indien, a voté pour une résolution de l'Assemblée générale de l'ONU exprimant les inquiétudes sur la violation des droits du peuple palestinien par Israël. En 2006, sous le gouvernement du Parti du Congrès, l'Inde rejoignait les autres pays non alignés en critiquant les actions militaires israéliennes contre les Palestiniens.

Il faut noter qu'en tant qu'État post-colonial, le pays se dresse strictement contre l'interventionnisme, sauf quand il s'agit d'apartheid ou de colonialisme. D'où sa position sur le régime d'apartheid en Afrique du Sud et sur la cause palestinienne. Pourtant, après 2015, le soutien indien à cette dernière devient de plus en plus équivoque. L'Inde d'aujourd'hui tente de distinguer sa politique israélienne du conflit israélo-palestinien, et d'éviter de mentionner le colonialisme dans ses relations avec Tel Aviv. Exemple édifiant de cet équilibre délicat : la visite de Narendra Modi en Palestine en 2018, qui suivait celle de Netanyahu à New Delhi quelques semaines avant. Le Premier ministre indien souligne son soutien au développement de la Palestine. Mais cette promesse pâlit devant la grande coopération indo-israélienne des dernières années.

Coopération indo-israélienne florissante

Depuis 1992, les relations indo-israéliennes sont en plein boom, en dépit du soutien indien à la cause palestinienne. La convergence est la plus marquée sur le contre-terrorisme et la collaboration en matière de défense. En 2003, le Premier ministre indien Atal Bihari Vajpayee invitait son homologue israélien à New Delhi, symbolie du dégel entre les deux pays. Deux motivations principales alimentent l'enthousiasme indien pour maintenir des relations positives avec Israël : l'autonomie de sa production d'équipements militaires et le besoin d'un puissant partenaire stratégique dans la région après la fin de l'URSS.

De fait, Israël compta parmi les pays minoritaires qui n'ont pas condamné les tests nucléaires indiens de 1998. L'État hébreu a même fourni quelques drones à l'armée de l'air indienne pendant la guerre indo-pakistanaise de 1999 à Kargil. Narendra Modi fut le premier dirigeant Indien à visiter Israël en 2017, sans se rendre cette fois à Ramallah. Pour Israël, l'Inde est un client incontournable : les importations indiennes d'équipements militaires dans les dix dernières années valent 2,9 milliards de dollars, y compris les radars, les drones et surtout les systèmes de surveillance. Le gouvernement indien a même été accusé en 2021 d'avoir utilisé le projet Pégasus, une application d'espionnage israélienne, sur de nombreux ministres, députés et journalistes – majoritairement issus de l'opposition. Le gouvernement dément ces accusations, et la Cour suprême n'a pas pu établir définitivement leur véracité. Par ailleurs, des bombes israéliennes SPICE 2000 ont été employées pendant les frappes chirurgicales contre les groupes terroristes pakistanais à Balakot en 2019. En juin 2020, alors que l'Inde et la Chine s'affrontaient dans le Ladakh, New Delhi achetait des drones et des missiles guidés antichar israéliens.

Cela dit, il faut toujours rappeler que la proximité indo-israélienne ne se traduit pas par une volte-face indienne sur la question israélo-palestinienne. Particulièrement après les attentats du 7 octobre 2023, l'Inde reste vigilante pour ne pas s'aligner avec Tel Aviv.

Après le 7 octobre

Alors que les partisans du Congrès sont discrets quand il s'agit de la relation indo-israélienne, ceux du BJP sont plus francs. Le 7 octobre, Modi exprimait son soutien à son homologue israélien Netanyahu, quelques heures après les attaques. Le regard indien sur cet incident est marqué par le contre-terrorisme. Quand l'Assemblée générale de l'ONU propose une trêve humanitaire fin octobre, l'Inde s'abstient, citant l'absence des mots « Hamas » et « otages » dans la résolution. Dans les résolutions suivantes, New Delhi insiste sur la condamnation explicite des attentats du 7 octobre, et la libération des otages.

Entre-temps, le ministère des Affaires étrangères apporte son soutien à une résolution pacifique du conflit, fondée sur la doctrine des deux États, et insiste sur l'aide humanitaire. En réalité, il est clair que l'Inde connaît un dilemme cornélien entre la cause palestinienne et les précieux liens militaires avec les Israéliens.

Avec l'Iran, une relation sous le signe de l'ambivalence

Les fils reliant l'Inde à l'Iran remontent à des siècles. La lingua franca des royaumes médiévaux dans le nord de l'Inde – les sultanats de Delhi, l'empire moghol – fut le persan. La communauté zoroastrienne sur la côte occidentale, elle aussi, a de profondes racines persanes préislamiques. De nombreuses langues indo-aryennes contiennent toujours des mots ou des influences grammaticales du persan. Cela dit, les relations entre l'Union indienne et la République islamique d'Iran sont très complexes. En tant que nation islamique chiite, l'intérêt principal de Téhéran en Inde est surtout sa population chiite — dont le pays héberge la troisième plus grande communauté au monde. Deuxièmement, la proximité de l'Afghanistan rend la stabilité à Kaboul également importante dans les relations diplomatiques entre l'Iran et l'Inde.

Troisièmement, pour New Delhi, Téhéran pourrait ouvrir des portes vers l'Asie centrale et la mer Caspienne. Ce même couloir indo-persique (et la présence russe) fut très anxiogène pour les Britanniques pendant la période dite du « Grand Jeu » dans la région. Finalement, l'Iran est extrêmement riche en hydrocarbures, avec les plus grandes réserves de gaz naturel au monde et le neuvième rang mondial dans l'exportation du pétrole. Ce qui attire évidemment l'Inde avec ses besoins énergétiques toujours plus importants. Inversement, l'Iran voit dans le marché indien un moyen d'échapper à l'isolement sévère imposé à son économie. Mais en dépit de ces intérêts convergents, les relations indo-iraniennes n'ont pas évolué de la manière escomptée.
À la suite de la révolution iranienne de 1979 et de la chute du chah, il y avait l'espoir d'un rapprochement entre les deux pays. Auparavant, malgré de premiers liens commerciaux liés au pétrole iranien, le chah faisait partie du camp occidental pendant la Guerre froide. Pourtant, même après le changement de régime, l'amélioration prévue n'a pu avoir lieu à cause de la guerre entre Iran-Irak, l'Inde n'ayant pas voulu prendre position.

L'invasion soviétique de l'Afghanistan en 1979 a encore entravé la réconciliation indo-iranienne. Au départ, New Delhi et Téhéran soutenaient deux camps adverses : l'Iran soutenait Ahmad Shah Massoud, alors que l'Inde reconnaissait le gouvernement de Babrak Karmal, soutenu par l'URSS. Pourtant, à la suite du retrait des Soviétiques une décennie plus tard, les deux pays se trouvèrent un ennemi commun : les Talibans. L'antagonisme partagé envers ce dernier, et le soutien pour l'Alliance du Nord, ont favorisé un rapprochement pendant les années 1990. Les relations indo-iraniennes ont atteint un sommet lors des accords du Corridor international de transport entre le Nord et le Sud (INSTC) signés entre l'Inde, l'Iran et la Russie en 2000, et la Déclaration de Delhi en 2003.

Le nouveau siècle fut aussi marqué par de fortes tensions entre l'Iran et les États-Unis. Des sanctions sévères ont obligé Téhéran à nationaliser son économie pétrolière. L'Inde, pour sa part, a continué d'acheter du pétrole iranien, devenant son principal client. Mais comme l'Inde se rapprochait en même temps des États-Unis, ses relations avec l'Iran ont commencé à s'effilocher.

Pendant les négociations des accords nucléaires civils indo-américains de 2005, les États-Unis ont souligné que la proximité entre l'Inde et Téhéran pourrait gravement compromettre l'arrangement. L'année suivante, l'Inde votait contre l'Iran à l'AIEA pour sa non-conformité aux obligations du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) — ce qui marqua le nadir des relations indo-iraniennes. De plus, après les rapports accusant l'Iran d'avoir développé des armes nucléaires en 2011-12, les sanctions américaines et européennes sur le pétrole iranien se sont intensifiées. L'Inde, sous pression américaine, a réduit ses achats pétroliers iraniens, sous le seuil de 15% de ses importations globales. Il n'empêche, le pays reste l'un des importants clients de Téhéran.

Le port iranien de Chabahar et les contraintes de la géopolitique

L'Inde s'intéresse aussi au port de Chabahar (ou Tchabahar) sur la côte iranienne, donnant sur le golfe d'Oman. Chabahar se situe à 72 kilomètres du port pakistanais de Gwadar, construit avec le soutien chinois. Cette proximité est vue par l'Inde comme un moyen de percer un blocus sino-pakistanais, et de pousser son influence au-delà de l'Asie méridionale. Il constitue un véhicule maritime pour accéder aux marchés de l'Asie centrale et l'Afghanistan via l'Iran, en contournant le Pakistan.

Lors d'une visite de Modi à Téhéran en 2016, des accords formalisant le contrat entre quelques firmes indiennes et les autorités portuaires de Chabahar ont été signés. Un arrangement entre l'Iran, l'Inde et l'Afghanistan fut mis en place pour un corridor de transport trilatéral via Chabahar. Celui-ci concerne en particulier l'acheminement du blé indien vers l'Afghanistan. Autre développement majeur plus récent : la signature le 13 mai dernier d'un contrat autorisant l'Inde à développer et exploiter un terminal portuaire à Chabahar pendant dix ans. L'accord a provoqué de fortes réactions de Washington.

La menace de sanctions américaines représente l'obstacle numéro un face aux desseins indiens en Iran. Après le retrait américain des accords JCPOA, l'Inde a encore réduit ses importations iraniennes pour amadouer les États-Unis. Mais en avril 2019, l'administration Trump a déclaré que tous les pays devaient immédiatement et obligatoirement interrompre leurs importations iraniennes. Par conséquent, depuis 2019, l'Inde n'importe plus de pétrole iranien.

Cependant, la situation pourrait évoluer en raison des changements intervenus dans le commerce mondial du pétrole après 2022 combinée à l'intégration de l'Iran dans les BRICS en 2023. Lors de la visite du chef de la diplomatie indienne à Téhéran en janvier 2024, Jaishankar a rappelé à son homologue iranien l'engagement de New Delhi en faveur de l'INSTC et du développement du port de Chabahar.

L'Inde a progressivement diversifié ses relations avec le Moyen-Orient. À partir de 2001 notamment, un pragmatisme partagé a guidé l'essor des relations avec les États du Golfe, les liens dépassant les limites traditionnelles du commerce pétrolier pour s'étendre à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme. Au Moyen-Orient, malgré la vision inchangée de l'Inde en faveur d'une solution à deux États dans le conflit israélo-palestinien, sa proximité avec Israël s'est fortement développée au cours des trois dernières décennies. Israël et les États du Golfe sont conscients du vaste marché indien et souhaitent donc nouer des liens stratégiques avec New Delhi.

D'un autre côté, les relations de l'Inde avec l'Iran ont été plutôt ambivalentes. Les sanctions américaines contre le pétrole iranien et la proximité de l'Inde avec Israël empêchent des relations franches entre Téhéran et New Delhi. L'enjeu aux yeux de l'Inde dans un Moyen-Orient toujours plus tendu, sera d'utiliser au mieux sa capacité unique à traiter avec toutes les parties de manière indépendante.

Par Atharva Kadam

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À la lumière des crimes de famine de plus en plus fréquents commis par Israël, la famine dans la bande de Gaza doit être officiellement déclarée

4 juin 2024, par Euro-Med Human Rights Monitor — , , , ,
La famine doit être déclarée dans la bande de Gaza par toutes les autorités officielles concernées et les institutions internationales et des Nations unies compétentes. En (…)

La famine doit être déclarée dans la bande de Gaza par toutes les autorités officielles concernées et les institutions internationales et des Nations unies compétentes. En raison des crimes de famine imposée commis par Israël, la population de toute la bande de Gaza est actuellement confrontée à la propagation rapide de la famine et à des taux de plus en plus élevés de malnutrition aiguë. Tous les groupes, en particulier les enfants, sont touchés.

Tiré de France Palestine Solidarité. Article publié à l'origine par Euro-Med Human Rights Monitor. Photo : La famine est imminente à Gaza, 12 avril 2024 © UNRWA

L'insécurité alimentaire augmente dans toute la bande de Gaza en raison de l'insistance d'Israël à commettre le crime de famine imposée et à l'utiliser comme arme de guerre contre le peuple palestinien dans la bande de Gaza, ce qui fait partie d'un crime de génocide plus large.

Les niveaux de sécurité alimentaire ont considérablement diminué à la suite de l'opération terrestre de l'armée israélienne dans la ville de Rafah, au sud de la bande de Gaza, qui a commencé le 7 mai et a été précédée par le blocage par Israël de l'entrée des camions d'aide humanitaire par le poste-frontière de Rafah le 6 mai. Des milliers de camions se trouvant de l'autre côté du point de passage de Rafah sont à l'arrêt depuis des semaines et sont inaccessibles aux résidents dont la vie en dépend, en raison de la décision d'Israël d'affamer la population de la bande de Gaza, de fermer les points de passage et d'empêcher l'entrée de l'aide.

Il faut faire pression sur Israël pour qu'il applique immédiatement les mesures de précaution annoncées par la Cour internationale de justice concernant l'ouverture du point de passage de Rafah, afin de fournir des services de base et une aide humanitaire indispensable à la population de la bande de Gaza, dans le cadre de la prévention du crime de génocide à l'encontre des civils palestiniens.

La majorité des marchandises qui entrent dans la bande de Gaza par le point de passage de Kerem Shalom (Kerem Abu Salem) sont destinées aux marchands, et les habitants de la bande de Gaza, dont la majorité a perdu ses moyens de subsistance, doivent les payer. Cela signifie que même avec l'aide très limitée fournie par Israël, les secours nécessaires pour faire face au nombre croissant de personnes déplacées dans le sud sont insuffisants.

Ces marchandises sont totalement bloquées dans les zones situées au nord de la vallée de Gaza, y compris dans les gouvernorats de la ville de Gaza et du nord de Gaza, où la population connaît une grave pénurie de denrées alimentaires, notamment de légumes, de viande et d'autres aliments.

Le nord de la bande de Gaza a connu un nouveau déclin le 11 mai, la nuit où les forces israéliennes ont repris une campagne militaire brutale contre Jabalia et son camp. Des dizaines de milliers de personnes ont été contraintes soit de fuir leurs maisons avec leurs maigres réserves de nourriture et leurs biens, soit de rester dans des centres d'hébergement assiégés et bombardés. Aucune denrée alimentaire n'est parvenue dans ces centres.

Plus de 800 000 résidents et personnes déplacées ont été évacués de force de Rafah vers l'ouest de Khan Yunis et Deir al-Balah ; la majorité d'entre eux ont été contraints de partir avec un minimum de biens et de vivres. Pendant ce temps, environ 100 000 personnes ont été évacuées de Jabalia et de son camp, ainsi que de Beit Lahia, situé au nord de la bande de Gaza, à l'ouest de la ville de Gaza.

Avec la fermeture des points de passage et l'interdiction d'entrée de l'aide humanitaire par Israël, la menace de famine et de malnutrition aiguë a refait surface et s'est rapidement propagée. Cette situation affecte les 2,3 millions de résidents de la bande de Gaza, dont la moitié sont des enfants, et en particulier les habitants du nord de la vallée de Gaza, où les approvisionnements sont épuisés.

Le manque de liquidités et l'effondrement des possibilités d'emploi et de la production locale ont rendu tous les civils de la bande de Gaza dépendants de l'aide humanitaire étrangère ; par conséquent, son arrêt complet les priverait entièrement de l'accès à la nourriture et aux produits de première nécessité qui sont essentiels à la survie.

Seule une petite quantité d'aide de très mauvaise qualité a été livrée via le quai conçu par les États-Unis ; la majorité de cette aide n'a pas été distribuée dans l'ensemble de la bande. Le quai n'est apparemment qu'un outil officiel utilisé par les États-Unis pour désamorcer les critiques formulées à l'encontre d'Israël, qui poursuit son crime de famine imposée et empêche les secours d'atteindre l'enclave assiégée par voie terrestre.

Selon de nombreuses agences des Nations unies, des organisations humanitaires internationales et la Cour internationale de justice - en particulier dans son deuxième arrêt du 28 mars -, les points de passage terrestres restent le moyen le plus efficace d'acheminer l'aide.

En outre, un deuxième rapport du groupe de travail chargé de la classification IPC, qui traite de la situation alimentaire dans la bande de Gaza, a confirmé que l'ensemble de la population de la bande (2,23 millions de personnes), y compris les résidents des gouvernorats de Deir al-Balah, Khan Yunis et Rafah, connaît des niveaux élevés d'insécurité alimentaire aiguë. La moitié de ces personnes se trouvent dans la phase 5 de l'IPC, c'est-à-dire dans la phase de catastrophe/famine.

Selon ce rapport, publié le 18 mars, les trois seuils de famine ont déjà été atteints ou risquent fort de l'être dans les gouvernorats de Gaza Nord et de la ville de Gaza. Dans ces zones, le seuil de famine pour l'insécurité alimentaire aiguë a déjà été atteint, le seuil de famine pour la malnutrition aiguë a très probablement déjà été atteint et le seuil de famine pour la mortalité devrait s'accélérer et être bientôt dépassé. En raison de ces facteurs, l'IPC a conclu que la famine devrait frapper à tout moment entre la date de publication du rapport et le mois de mai.

Même avant la récente détérioration rapide de la situation alimentaire dans la bande de Gaza, les estimations du rapport - qui reposent sur des bases techniques et des équations constituant le principal système de classification internationalement reconnu des cas de malnutrition et de famine - tirent la sonnette d'alarme quant à la nécessité d'une action immédiate pour stopper la propagation de la famine et en inverser les effets. Au moment de la publication du rapport, cette situation était due à la fermeture des points de passage terrestres par Israël, qui a duré plusieurs semaines.

Étant donné qu'Israël contrôle tous les points de passage terrestres et maritimes vers la bande de Gaza et impose un blocus illégal, il exerce un contrôle total sur l'acheminement des matériaux de base dans la bande, ce qui a entraîné la destruction systématique et généralisée des habitations civiles, des moyens de subsistance et des terres agricoles. Cela a conduit à la crise humanitaire et alimentaire catastrophique dont souffre l'ensemble de la population de la bande de Gaza, et constitue une preuve concluante qu'Israël commet le crime de famine imposée et l'utilise comme un outil de guerre. Compte tenu de ces effets dévastateurs, observables et indéniables, le procureur de la Cour pénale internationale a demandé la semaine dernière à la chambre préliminaire de la Cour de délivrer des mandats d'arrêt, accusant le Premier ministre israélien et le ministre israélien de la défense d'utiliser la famine comme méthode de guerre.

La majorité des habitants de la bande de Gaza souffrent déjà d'une faim extrême et, au cours des derniers mois, l'ensemble de la population a perdu des milliers de tonnes de poids. Des centaines de milliers d'enfants et de personnes âgées, en particulier, ont commencé à souffrir d'émaciation, c'est-à-dire qu'ils sont trop maigres pour leur taille.

Les autorités sanitaires ont officiellement enregistré 30 décès dus à la famine, tandis que les estimations suggèrent que les décès liés à la famine se produisent presque quotidiennement, en plus des décès dus aux bombardements et aux traitements médicaux inadéquats.

La communauté internationale a l'obligation morale et juridique d'arrêter la propagation de la famine dans la bande de Gaza en prenant des mesures rapides pour assurer la fourniture immédiate d'aide vitale à la population. Retarder l'annonce officielle de la famine et ne pas insister publiquement sur le fait que de nouveaux retards entraîneront davantage de faim, de pauvreté, de malnutrition et de décès revient à refuser de prendre une nouvelle mesure significative pour faire pression sur Israël afin qu'il mette fin à ses crimes et lève son siège arbitraire sur la bande de Gaza.

L'accès à l'aide humanitaire doit être rétabli dans l'ensemble de la bande de Gaza. Il s'agit notamment de permettre l'entrée de fournitures vitales et leur acheminement rapide et efficace par les postes frontières et les routes terrestres ; de rétablir les services de santé, l'eau et l'assainissement ; de fournir des aliments sûrs, nourrissants et en quantité suffisante à l'ensemble de la population, ainsi que du lait maternisé ; de traiter les cas de malnutrition et les maladies qui y sont liées ; et de rétablir les systèmes de production locaux et l'entrée des produits commerciaux.

En tant que source de la famine, la communauté internationale a l'obligation légale de mettre fin au crime de génocide qu'Israël commet contre la population de la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023. Sans cela, il est impossible de discuter de la création d'un environnement propice à l'acheminement de l'aide humanitaire ou d'entamer le processus de rétablissement des services de base afin d'arrêter la propagation de la famine et d'en inverser les effets.

Afin de protéger les civils palestiniens d'un génocide dans la bande de Gaza, de véritables outils de pression doivent être activés pour forcer Israël à cesser immédiatement tous ses crimes et à se conformer au droit international et aux décisions de la Cour internationale de justice. Cela implique de cesser toute forme de soutien politique, financier et militaire à l'attaque militaire d'Israël contre la bande de Gaza et de le tenir pour responsable de tous ses crimes.

La communauté internationale doit exercer une pression immédiate sur Israël pour qu'il cesse de commettre le crime d'affamer les habitants de la bande de Gaza, qu'il lève entièrement le siège, qu'il mette en place les systèmes nécessaires pour garantir l'acheminement sûr, efficace et rapide des fournitures humanitaires et qu'il prenne des mesures significatives pour lutter contre la famine qui se propage rapidement parmi les civils palestiniens de la bande de Gaza.

Traduction : AFPS

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Récit : La mort sans importance d’un enfant palestinien

Comment un simple accident de bus se termine-t-il en catastrophe pour la famille Salama et la mort du fils, brûlé vif ? Journaliste américain, Nathan Thrall raconte le drame et (…)

Comment un simple accident de bus se termine-t-il en catastrophe pour la famille Salama et la mort du fils, brûlé vif ? Journaliste américain, Nathan Thrall raconte le drame et ses conséquences pour les parents et les habitants de leur village, mêlant l'histoire singulière de ce jeune garçon, et la grande histoire du peuple palestinien. Un récit époustouflant de l'apartheid au quotidien. Passé sous silence par les médias français.

Tiré d'Orient XXI.

Auteur d'Une journée dans la vie d'Abed Salama, l'Américain Nathan Thrall a obtenu, le 13 mai 2024, le Prix Pulitzer — le plus prestigieux prix des États-Unis pour l'écriture, divisé entre littérature et journalisme. Dans le premier cas, il couronne la fiction, le récit historique, la poésie, etc. ; dans le second, l'investigation, l'analyse, l'éditorial, etc. Thrall l'a emporté dans la catégorie littéraire dite de la « non-fiction ». Son livre est d'une puissante humanité, volontairement écrit avec des mots simples, des phrases sans artifices, où perce une volonté de partager des émotions et de comprendre les faits qui les génèrent.

Étonnamment, aucun journal français n'a publié d'articles sur cet ouvrage, pourtant paru il y a plusieurs mois chez Gallimard, une maison d'édition dont on peut imaginer qu'elle dispose de quelques entrées dans la sphère des médias. Serait-ce parce que ce livre a pour thème l'occupation à laquelle sont soumis les Palestiniens depuis trois quarts de siècle ? Un thème jugé hier « dépassé », « usé », et depuis le 7 octobre 2023, sommé de s'effacer derrière les crimes commis par le Hamas ? Est-ce le cas de la traduction française de l'ouvrage de Thrall sorti moins de trois mois après ? Toujours est-il que ce livre remarquable — et remarqué aux États-Unis — est passé quasiment inaperçu en France.

Il décrit le drame vécu par la famille d'Abed Salama, qui fut un militant marxisant du Front démocratique de libération de la Palestine (FDLP), une des composantes de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP). Le 16 février 2012, son fils de cinq ans, Milad, part en excursion avec sa classe. La famille habite Anata, un village-quartier de Jérusalem, divisé en deux par le « mur de protection » érigé par Israël pour encercler la Cisjordanie, renforcer sa « cantonisation » et séparer ses colons juifs de la population autochtone. À deux pas (moins d'un kilomètre et demi) s'est installée, en Territoire palestinien occupé, la colonie israélienne d'Anatot, un nom biblique. On ne voit pas immédiatement le rapport avec l'excursion. On va tristement découvrir que c'est essentiel.

« La Bible est notre mandat »

Le temps, ce jour-là, est exécrable. Pourtant, Milad, le fils d'Abed, est pour une fois enthousiaste à l'idée de faire autre chose que de s'asseoir sur le banc d'école. Il monte dans l'autobus, mais n'arrivera jamais à destination. Sur cette route cabossée de Cisjordanie, il pleut à verse. Sous l'orage, l'autobus est percuté par un camion conduit par un Palestinien. Renversé, il prend feu à l'avant. Deux personnages de cette tragédie vont alors se révéler héroïques. L'enseignante, Ula Joulani, se précipite au milieu des flammes et sauvera plusieurs enfants. Avant elle, Salem, un autre Palestinien habitant du coin, a été le premier à entrer dans le feu. Durant 34 minutes, personne d'autre ne s'approchera du bus en flammes : ni policier, ni soldat, ni pompier. Une adulte et six enfants, dont Milad Salama, vont périr. Parmi les rescapés, on comptera de grands brûlés, enfants inclus.

Le livre raconte ce drame qui n'est pas sans lien avec la situation géographique et politique du village-quartier d'Anata, la manière dont il impacte la famille d'Abed Salama et de sa femme Haïfa. Mais il raconte aussi les bouleversements de la vie dans le bourg palestinien et les courants politiques et culturels qui le traversent, ainsi que leurs conséquences dues à l'omniprésence des colons, des services spéciaux israéliens et des militaires, leur façon d'être, de penser, parfois surprenante. Qui sait, note Thrall, que Ben Gourion, juif complètement laïque et qui, comme on dit, mangeait du porc à Yom Kippour, déclarait aussi : « Je dis, au nom des Juifs, que la Bible est notre mandat » ? (1)

Thrall mélange ainsi le portrait des protagonistes, la famille Salama et ses proches, ses amis et ses voisins, leur vie de Palestiniens soumis aux méthodes utilisées par l'occupant israélien pour démanteler leur société, la scinder en groupes différents et si possible aux intérêts antagonistes, sinon hostiles. Ainsi en va-t-il des cartes d'identité à couleurs multiples destinées à octroyer aux uns et aux autres un statut différent qui augure lui-même d'une vie différente, selon que l'on dispose d'une carte jaune ou verte, ou autre. À 500 mètres près parfois, la différence de statut est telle qu'on ne sait plus à quelle règle on est soumis. Lorsqu'Israël construisit son « mur de protection », note Thrall, l'enclave qui incluait les quartiers d'Anata, Shuafat et Kufr Aqab passèrent d'un coup de l'autre côté de la barrière. Du jour au lendemain, 100 000 Palestiniens se virent privés des services fournis par la municipalité de Jérusalem : plus de pompiers, plus de police, plus d'ambulanciers. Seule l'armée y entrait.

Thrall met aussi en exergue le poids du passé, sans lequel on ne peut rien comprendre. La Nakba et le nettoyage ethnique, en 1948, de la ville de Haïfa, d'où les Salama sont issus, et d'autres événements moins connus, tels le massacre au Liban de 2 000 Palestiniens du camp de réfugiés de Tal Al-Zaatar, perpétré en août 1976 par les phalangistes chrétiens sous la protection… du président syrien Hafez Al-Assad. On est six ans avant Sabra et Chatila. Il rappelle aussi Oslo — l'accord devant permettre une « paix israélo-palestinienne » — dont nombre des militants palestiniens décrits par Thrall comprennent, avant leurs dirigeants, que, sous couvert de paix, les Israéliens n'entendent négocier que « la sécurité » et rien d'autre.

« Les routes stériles »

Pendant ce temps, l'occupation se renforce. Huda, femme médecin qui travaille pour l'UNRWA, l'organisme onusien de gestion des réfugiés palestiniens, voit son fils de seize ans, Hadi, arrêté. Il reconnaîtra avoir jeté des pierres sur des soldats. Lui et sa mère seront torturés. Finalement, l'avocat de l'armée proposera au médecin de réduire de moitié la peine de son fils, si elle renonce à porter plainte pour tortures. Huda acceptera… Une journée comme une autre sous occupation.

Thrall décrit également ces voies qui permettent aux colons de se déplacer sans risques. Dans son jargon, l'armée les appelle les « routes stériles », comprendre « non infectées » par les indigènes palestiniens. Certains les qualifieront de « routes de l'apartheid ». En effet, dans les années 1990, émergera tout autour un gigantesque système de « checkpoints, barrages routiers, déviations et, surtout, de clôtures et de murs ».

Lorsqu'en 2012, l'autobus des enfants est percuté par le camion, les accords d'Oslo sont déjà lointains. La Cisjordanie est devenue un labyrinthe faisant de la vie des Palestiniens un enfer quotidien. Le jour du drame, avec sa carte d'identité verte, Abed n'est pas autorisé à se rendre seul à l'hôpital de Ramallah, où on lui a dit que son fils a été transporté… Haya, une mère palestinienne avec deux enfants dans le bus, devra attendre deux heures aux check-points pour faire les 14 kilomètres lui permettant de se rendre à l'hôpital.

  • Comment se fait-il que les pompiers palestiniens soient les premiers à être arrivés sur les lieux de l'accident, après avoir eux-mêmes été retenus à un check-point ? interroge Thrall.

Tout le monde savait avec quelle rapidité les forces israéliennes intervenaient sur un axe routier cisjordanien dès qu'un gamin se mettait à lancer des pierres. Pourtant, les soldats qui stationnaient au check-point, les troupes de la base militaire de Rama, les pompiers des colonies situées à proximité n'ont pris aucune initiative, laissant le bus brûler plus d'une demi-heure.

D'où ils étaient, ils n'ont pas pu ne pas voir les flammes. Mais cette route-là n'était pas stérile…

Notes

1- NDLR. Déclaration de Ben Gourion, le 7 janvier 1937, devant la Commission Peel, dont le nom formel est Commission royale pour la Palestine, mise en place en 1936 afin de proposer des modifications au mandat britannique en Palestine.

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Guerre contre Gaza : pourquoi Israël est plus divisé que jamais

L'obsession de l'État depuis le 7 octobre à poursuivre une « victoire totale » a conduit à une attaque contre les droits civiques à travers Israël. La fin de la guerre à Gaza , (…)

L'obsession de l'État depuis le 7 octobre à poursuivre une « victoire totale » a conduit à une attaque contre les droits civiques à travers Israël. La fin de la guerre à Gaza , qui a tué des dizaines de milliers de Palestinien.ne.s et laissé un Israël profondément changé et confronté à des allégations de génocide, n'est nulle part à l'horizon. Sept mois plus tard, Israël est une société meurtrie, plus déchirée et divisée qu'à tout autre moment de son histoire.

Tiré d'Europe solidaire sans frontière.

Cela était très clair lors du rituel printanier du pays, qui a commencé avec le Memorial Day, célébré en hommage aux soldats tombés au combat, et s'est poursuivi avec la célébration le 13 mai du 76e anniversaire de la création de l'état d'Israël, traditionnellement l'occasion d'une expression symboliquement puissante de l'unité juive et de la fidélité israélienne au récit national sioniste.

Cette année, aucune trace de cette unité ne fut visible.

La fracture est apparue avec une clarté douloureuse à la veille du Jour de l'Indépendance, lorsque l'on a vu la Chaîne 12 diffuser avec un écran partagé. D'un côté, la cérémonie officielle d'allumage des flambeaux, filmée cette fois à l'avance, sans public, comme dans les dictatures les plus éclairées.

De l'autre côté, nous avons assisté à une cérémonie « d'extinction des phares » organisée par les familles des otages du 7 octobre, dans un acte désespéré de défi à l'égard de l'État et protestant l'abandon par le gouvernement de leurs proches.

Une dualité différente est apparue le jour même de l'Indépendance, qui a vu des foules d'activistes, hommes et femmes, palestiniens et juifs, participer à des manifestations , notamment à la Marche annuelle du retour, pour marquer cette fois les 76 ans de la Nakba .

Au même moment, des milliers de juifs et juives ont rejoint leur propre « Marche pour Gaza » à Sderot pour célébrer l'indépendance d'Israël. A voir leurs mines réjouies malgré la fumée intense qui s'échappait tout près du territoire assiégé, ils étaient apparemment contents de voir Gaza prendre feu sachant sans doute que le projet de construire sur ses ruines était déjà dans les cartes.

Se battre pour la justice

La marche palestinienne du retour organisée le jour de la Nakba a été restreinte cette année à quelques centaines de mètres seulement – et, contrairement aux années précédentes, elle n'a pas eu comme fin de parcours les sites des villages déplacés.

Ces quelques centaines de mètres ont pourtant suffi pour démontrer avec force la fierté d'une identité palestinienne présente, consciente et mémorielle — implacable aussi dans sa demande incessante de justice dans un pays où celle-ci est fondamentalement absente.

Justice pour les personnes déplacées ; justice pour Gaza ; justice pour les prisonniers et prisonnières politiques. Justice et lutte contre l'effacement du souvenir.

On ne peut qu'imaginer les effets, sur les jeunes enfants portés pendant la marche sur les épaules de leurs parents, de cette revendication de pouvoir souverain.

De jeunes enfants étaient également visibles dans des vidéos de la marche des sympathisant.e.s de droite à Sderot, où des banderoles proclamaient : « Marche pour l'indépendance — en route vers Gaza ». Ces parents en marche ont-ils expliqué à leurs enfants comment des jeunes juifs détruisaient des convois humanitaires destinés à secourir d'autres enfants qui mouraient de faim pas loin de là ?

Alors que les enfants palestiniens, afin d'en apprendre davantage sur leur propre histoire, se promenaient parmi les étals de livres lors d'un rassemblement pour la Journée de la Nakba près de Shefa-Amr (Shefaram), les enfants juifs de Sderot ont-ils appris quelque chose lorsque leurs pique-niques familiaux se trouvaient ponctués par le bruit des explosions au-dessus de Gaza, presque à portée de la main ?

Quand les enfants palestiniens, lors des manifestations pour soutenir la Palestine, ont vu des activistes juifs et juives sortir pour montrer leur solidarité, les saluant avec respect, les enfants juifs de Sderot, ont-ils appris quelque chose sur les enfants palestiniens, dont les parents étaient venus commémorer la catastrophe de la Nakba ?

Le fascisme s'étend

Dans une génération ou deux, ces deux groupes d'enfants deviendront des adultes à qui il incombera de façonner les espaces civils partagés de ce pays. Ces espaces ne cessent de se rétrécir, la notion de citoyenneté partagée n'a que très peu de sens dans l'Israël d'aujourd'hui.

Le nationalisme et la discrimination sont en plein essor, et le fascisme prend de l'ampleur à une vitesse vertigineuse. Les Juifs israéliens et israéliennes n'ont jamais accordé une véritable attention à la signification de la citoyenneté — leurs droits étant protégés par leur appartenance nationale. Mais ce qui se passe depuis le 7 octobre prouve à quel point l'affaiblissement de notre statut civil nous met nous, juif et juives de l'Etat d'Israël, également en danger.

Lorsque les citoyens placent leurs droits civiques au-dessus des diktats nationalistes, ils deviennent des ennemis.

L'abandon des otages israélien.ne.s par le gouvernement est une expression particulièrement malheureuse de ce danger. Lorsque les intérêts nationalistes sont en jeu, les devoirs de l'État envers ses citoyens sont mis de côté et perdent leur sens.

Il en va de même pour les otages et les milliers de personnes déplacées en Israël pendant cette guerre. Avec l'État obsédé par l'objectif d'une « victoire totale » pour le bien de la nation, les besoins et les droits des citoyens deviennent insignifiants, pour ne pas dire une gêne.

S'ils défendent leurs droits, ils rejoignent en quelque sorte « l'ennemi ». Il suffit de voir avec quelle violence la police traite les familles des otages lorsque celles-ci exigent leur libération de manière moins « bien élevée » et exhorte l'État à prendre conscience de sa responsabilité pour la vie des citoyen.ne.s qu'il persiste à négliger.

Dès qu'ils osent placer leurs droits civiques au-dessus des diktats nationalistes, ils deviennent des ennemis.

Orly Noy, 23 mai 2024

Agence Média Palestine. 27 mai 2024 :

Source : Middle East Eye

• Traduction : BM pour Agence Média Palestine.

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Le test CPI

C'est assurément un des coups les plus sérieux à avoir été porté à l'armure d'impunité de l'Etat hébreu. C'est aussi une pierre inédite qui atterrit dans l'imprenable jardin (…)

C'est assurément un des coups les plus sérieux à avoir été porté à l'armure d'impunité de l'Etat hébreu. C'est aussi une pierre inédite qui atterrit dans l'imprenable jardin occidental.

Tiré d'Algeria Watch.

La demande par le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) de mandats d'arrêt internationaux à l'encontre du Premier ministre israélien et son ministre de la Défense pour « crime de guerre » est un fait sans précédent et franchement inespéré, malgré la sinistre profusion de pièces à conviction depuis au moins le début de la meurtrière expédition punitive lâchée contre la population de Ghaza.

Pour mesurer la puissance du coup de tonnerre, il suffit probablement de regarder du côté des réactions unanimement outrées émanant d'Israël. « Ignoble », « scandaleux », « catastrophique », … suffoque-t-on du côté de Tel-Aviv dans une vague d'indignation qui recolle les morceaux d'une classe politique, au pouvoir et dans l'opposition, très divisée jusque-là sur la manière de conduire la guerre.

Plus édifiant encore, l'affolement qui s'empare du protecteur patenté, les Etats-Unis.
Les grosses pointures de l'administration Biden ainsi que le groupe républicain au Congrès se découvrent à leur tour un ennemi commun et prioritaire à abattre. Anthony Blinken, le secrétaire d'Etat américain, comme son Président, trouve « honteux » que des mandats d'arrêt soient réclamés à l'encontre des deux dirigeants israéliens, en sortant encore la rengaine pathétique de démarche pouvant compromettre les négociations sur l'arrêt des hostilités à Ghaza.

Les deux paraissent particulièrement remontés contre un prononcé de requête qui fait « équivalence » entre les dirigeants du Hamas et ceux de l'Etat hébreu, parce qu'il remet complètement en question le récit matraqué depuis plus de sept mois sur le droit de la « démocratie » israélienne à se défendre contre l'agression « terroriste » du Hamas. Le groupe républicain, quant à lui, s'apprête à décider d'une batterie de « sanctions » contre le parquet de la CPI et ses juges.

En dehors de quelques exceptions mesurées, c'est globalement la teneur des réactions dans la sphère occidentale dont, faut-il le noter, aucun dirigeant ni allié n'a jamais été concerné auparavant par une poursuite internationale.

Les menaces brandies contre les magistrats de la Cour par Tel-Aviv et Washington depuis le début du mois n'auront donc pas dissuadé le Britannique Karim Khan, le procureur général, de faire son boulot.

Du moins jusqu'à ce stade de la procédure et en attendant la réponse des juges. La partie décisive se jouera dans les semaines ou les mois qui nous séparent de l'émission, ou non, des fameux mandats.

Au-delà de la solidité du contenu technique du dossier d'accusation, la bataille s'engage clairement sur le terrain politique et diplomatique. Les Etats-Unis, qui n'ont pas qualité d'adhérent à la juridiction internationale (comme la Chine et la Russie, entre autres), vont certainement ameuter les alliés membres de la Cour, dont les pays de l'UE, pour faire pression ; ce même groupe d'Etats qui avait été mobilisé par Washington pour faire émettre un mandat d'arrêt international contre Vladimir Poutine en mars 2023.

L'épreuve aujourd'hui concerne tout le dispositif déjà très décrié de régulation, d'arbitrage et de médiation dans les relations internationales et la crédibilité de ses institutions. Après avoir clairement mis à nu, au-delà de ce qui était su, la structure dysfonctionnelle et inefficace du Conseil de sécurité de l'ONU, la double standardisation consacrée dans le traitement des conflits, assumée par le bloc occidental, la guerre contre Ghaza impose un test de légitimité décisif aux juridictions internationales.

L'issue des fronts qui se sont ouverts à la Cour internationale de justice (CIJ) et à la CPI pourrait sauver un peu de l'honneur de la communauté internationale en faisant d'Israël et ses dirigeants des « justiciables » comme les autres, ou, a contrario, creusera davantage la fracture et précipitera l'effondrement de l'édifice du droit international et des valeurs censées le sous-tendre.

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New York : une conférence de gauche qui intériorise le déclin de l’empire

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Les travailleurs du logement social de Windsor seraient éligibles au logement social

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Le 14 mai, les travailleurs de la Windsor Essex Community Housing Corporation (WEC-HC) ont voté à 96% en faveur d'un mandat de grève pour ce qu'ils décrivent comme des salaires invivables dans un contexte d'inflation croissante. Alors que la tension monte dans les négociations, une grève (…)

Rimouski Ville verte et inspirante

31 mai 2024, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Préoccupé par les impacts des changements climatiques sur la santé et sur l’environnement, un groupe de la population (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Préoccupé par les impacts des changements climatiques sur la santé et sur l’environnement, un groupe de la population rimouskoise a créé une pétition qui appuie la Proposition Rimouski Ville verte et inspirante. Cette Proposition présente (…)

Débats du Mouvement Québec Indépendant - Hydro-Québec, base de notre indépendance

31 mai 2024, par Mouvement Québec Indépendant —
Samedi 8 juin 13h30-16h30 Foyer St-Antoine-Salle Elisabeth 150 rue Grant, Longueuil Diffusion en direct : https://www.facebook.com/mouvementquebecindependant/live_videos (…)

Samedi 8 juin
13h30-16h30
Foyer St-Antoine-Salle Elisabeth
150 rue Grant, Longueuil

Diffusion en direct :
https://www.facebook.com/mouvementquebecindependant/live_videos

(En présentiel et en virtuel)

La nationalisation de notre électricité, décidée en 1962 à la suite de l'unique élection référendaire jamais tenue au Québec, a marqué le coup d'envoi de la révolution tranquille. Un demi-siècle plus tard, Hydro-Québec tient toujours une place à part dans la fierté collective du peuple québécois. Le « Maître chez nous" de 1962 a alimenté une volonté populaire d'indépendance qui s'est manifestée en particulier par le référendum volé de 1995. Aujourd'hui on assiste à un mouvement inverse où s'accélère le processus de privatisation de notre production électrique. Alors que la question de l'indépendance revient à l'avant-scène politique en vue de l'élection de 2026, peut-on faire l'indépendance en continuant ainsi de dilapider notre principale richesse naturelle ? Poser la question c'est y répondre.

Le 8 juin prochain, le Mouvement Québec Indépendant organise une conférence visant à clarifier les enjeux sur cette question cruciale. Elle débutera avec un exposé de Michel Roche qui soulignera l'importance du « geste fondateur » de 1962 et de ceux qui ont suivi dans le processus d'affirmation du peuple québécois. Dans un deuxième temps, Robert Laplante brossera l'historique de ce processus d'autodestruction par la privatisation, en en soulignant les impacts négatifs majeurs. En conclusion, Martine Ouellet fera le point sur la situation actuelle en mettant en évidence le front de résistance en train d'émerger actuellement au Québec en faveur du maintien d'Hydro-Québec sous le contrôle public.

MICHEL ROCHE

Professeur et chercheur en sciences politiques à L'Université du Québec à Chicoutimi, Michel Roche est spécialiste de la politique russe. Il a publié sur l'éclatement de l'URSS. Il a aussi publié sur la gauche et l'indépendance du Québec et sur la mobilisation étudiante de 2012. Cette année, il vient de publier un ouvrage remarqué intitulé « La question nationale, une question sociale – Essai sur la crise du mouvement indépendantiste québécois. »

ROBERT LAPLANTE

Sociologue de formation, Robert Laplante est le directeur de la revue souverainiste L'Action nationale depuis 1999 et du magazine Les Cahiers de lecture consacré à la recension des essais québécois. Il a notamment publié "Revoir le cadre stratégique", demandant une révision de la stratégie péquiste. Il dirige l'institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) qui vient de publier sous sa direction « La privatisation de l'énergie éolienne et la mission d'Hydro-Québec. »

MARTINE OUELLET

Ingénieure de formation, Martine Ouellet a fait carrière à Hydro-Québec. Avant son entrée en politique, elle milite dans le mouvement écologique Eau Secours. De 2010 à 2019, elle est députée de Vachon pour le Parti québécois et ministre des Ressources naturelles dans le gouvernement Marois. Elle est par la suite candidate à la direction du PQ à deux reprises. En 2017-2018 elle est cheffe du Bloc québécois. En mai 2021, elle crée son propre parti écologiste et indépendantiste, Climat Québec.

PRÉFACE – La Plateforme d’Archinov, ou comment organiser la révolution

31 mai 2024, par Archives Révolutionnaires
Nos camarades de M Éditeur ont eu l’heureuse idée de republier la Plateforme d’organisation des communistes libertaires. À la suite de l’expérience anarchiste en Ukraine (…)

Nos camarades de M Éditeur ont eu l’heureuse idée de republier la Plateforme d’organisation des communistes libertaires. À la suite de l’expérience anarchiste en Ukraine concomitante à la Révolution russe, ce document se veut une réponse pratique à l’organisation révolutionnaire dans une perspective libertaire. Texte canonique du début du XXe siècle, il cherche à ouvrir une voie mitoyenne entre les bolcheviks et les anarchistes synthésistes, refusant l’autoritarisme des uns, et le manque d’unité et de coordination des autres. Avec l’autorisation de M Éditeur, Archives Révolutionnaires a le plaisir de republier la préface originale de l’ouvrage, rédigée par Alexis Lafleur-Paiement, membre de notre collectif.

On trouvera la Plateforme d’organisation des communistes libertaires dans une bonne librairie près de chez vous !

Le lancement de la Plateforme a eu lieu le 4 avril 2024 à la librairie n’était-ce pas l’été, Montréal.


La Plateforme d’Archinov, ou comment organiser la révolution

Par Alexis Lafleur-Paiement [1]

L’année 1917 voit s’abattre coup sur coup deux révolutions en Russie : celle de Février qui emporte la monarchie et celle d’Octobre qui permet aux bolcheviks de prendre le pouvoir[2]. À travers ces bouleversements, de larges espaces de liberté sont dégagés, favorisant l’apparition de différents projets émancipateurs, dont ceux des soviets urbains et des bolcheviks, mais aussi des « armées vertes » paysannes et de « l’Ukraine libertaire » à partir de la fin de l’année 1917. Cette dernière, constituée dans le sud-est du pays, s’organise autour de l’Armée révolutionnaire insurrectionnelle ukrainienne, plus connue sous le nom de Makhnovchtchina, en référence à son leader Nestor Makhno (1888-1934). Elle porte un projet de révolution sociale communiste libertaire en rupture avec les nationalistes ukrainiens ainsi qu’avec les bolcheviks. Sa farouche indépendance la pousse à lutter contre les autres forces en présence, réactionnaires ou révolutionnaires, étrangères ou locales. Ainsi, de 1918 à 1921, elle combat tour à tour les forces d’occupation austro-allemandes, l’armée du gouvernement ukrainien (répondant à la Rada centrale), les soldats blancs de Denikine et de Wrangel, puis l’Armée rouge. Vaincue par cette dernière en août 1921 et sans avoir réellement mené à terme son projet d’émancipation, la Makhnovchtchina est dissoute et ses dirigeants sont forcés à l’exil[3].

Si les alliances tactiques entre la Makhnovchtchina et les bolcheviks (printemps 1919, été et automne 1920) indiquent une certaine affinité politique, la rupture finale de 1921 se fonde sur des divergences bien réelles. D’abord, le mouvement ukrainien est plus foncièrement paysan – dans sa composition et dans le rôle qu’il attribue aux populations rurales – que celui des bolcheviks, impliquant un rapport différencié à la terre et à sa propriété. Ensuite, Makhno adopte une position véritablement libertaire : « l’organisation a pour seul but l’œuvre libertaire au sein des masses laborieuses, par la propagande anarchiste », « l’organisation des anarchistes n’assumera dans aucun cas le rôle des partis politiques », « elle s’abstient de participer à des actions visant la prise du pouvoir[4] ». Ces conceptions se cristalliseront au sein de la diaspora makhnoviste, alors que les réalités de la guerre (qui impliquent un certain dirigisme) deviennent plus lointaines. Cela dit, Makhno et ses camarades considèrent que l’organisation sur des bases claires est essentielle ; seulement, cette organisation doit être horizontale et viser l’abolition du pouvoir d’État au profit du pouvoir des comités ouvriers et paysans.

« Des agitateurs éparpillent des tracts à la Maison des Soviets » (Vyazma, 1917).

La Plateforme (1926) et le débat avec le synthésisme

Après une période d’errements marqués par des emprisonnements politiques en Roumanie, en Pologne et en Allemagne, Nestor Makhno réussit à rejoindre Paris en 1925. Il y retrouve un milieu acquis à l’anarchisme, ainsi que plusieurs anciens compagnons d’armes, dont Piotr Archinov et Voline. Dès lors, un groupe d’exilé·es ukrainien·nes et russes fondent le journal Diélo Trouda (La Cause du travail) qui devient un pôle important de l’anarchisme social, en opposition aux courants plus individualistes. Dans ces pages, Makhno revient sur plusieurs problèmes politiques, dont l’organisation (no 4, septembre 1925), la question de l’égalité (no 9, février 1926), l’insurrection de Kronstadt (no 10, mars 1926), la lutte contre l’État (no 17, octobre 1926), la question nationale ukrainienne (no 19, décembre 1926), la paysannerie (no 33-34, février-mars 1928) et le mouvement makhnoviste (no 44-45, janvier-février 1929)[5]. Mais c’est surtout la publication de la Plateforme d’organisation de l’Union générale des anarchistes à partir du no 13-14 (juin-juillet 1926) qui retient l’attention des militant·es.

Ce texte-manifeste signé par le Groupe des anarchistes russes à l’étranger (plus précisément Piotr Archinov, Linsky, Nestor Makhno, Ida Mett et Jean Walecki) va inaugurer un débat majeur sur l’organisation dans les cercles anarchistes. Cinq ans après la défaite de l’Armée révolutionnaire insurrectionnelle ukrainienne, la Plateforme reprend et systématise les principales thèses sociales et organisationnelles des makhnovistes. Bien qu’elle ait été rédigée principalement par Archinov (1887-1938), camarade et ami de Makhno depuis 1911, elle reflète les idées du groupe. Le texte circule d’abord dans les milieux des exilé·es d’Europe de l’Est (polonais, russes, ukrainiens), mais sa traduction rapide par le militant anarchiste Voline (1882-1945) permet aux groupes francophones de prendre part à la polémique qui grandit. Les milieux libertaires parisiens puis français, ainsi que ceux de plusieurs pays européens, prennent position en faveur ou en opposition au texte[6].

Le document, aussi connu sous les noms de Plateforme d’organisation des communistes libertaires ou de Plateforme d’Archinov, poursuit un débat qui traverse le mouvement anarchiste depuis ses débuts, et qui a pris une tournure particulière à la suite de la prise du pouvoir par les bolcheviks : comment organiser les anarchistes tout en préservant l’autonomie individuelle au cœur du projet libertaire ? Pour les plateformistes, il faut se doter d’un plan d’action commun qui rend compte des objectifs libertaires et qui canalise les forces dispersées. Cette organisation doit se faire sur une base d’adhésion volontaire et arrimer ses moyens à ses fins, soit l’instauration d’une société sans État ni propriété, composée d’individus autonomes et contractant librement leurs relations. Autrement dit, il faut une organisation commune, avec une doctrine et des moyens d’action, le tout dans une perspective libertaire[7]. Qu’est-ce qui fait débat alors ? Pour plusieurs militant·es, cette approche est déjà trop centralisatrice et s’éloigne de l’anarchisme véritable, censé respecter la diversité des idées, des modes d’organisation et des choix d’action. Pour celles et ceux qu’on appellera les synthésistes, la seule alliance acceptable entre les anarchistes est la libre association des multiples tendances et individus qui respecte entièrement les divergences des uns et des autres, sans obligation d’adhérer à une organisation ou à une stratégie unique, et sans redevabilité mutuelle.

Le débat porte prioritairement sur l’enjeu « d’une orientation idéologique et tactique homogènes[8] » qui réponde à la contradiction fondamentale de la lutte des classes afin d’assurer le développement du mouvement communiste libertaire. L’argument principal de Makhno et de son groupe est simple : l’histoire récente prouve que seule une pratique unifiée et claire permet des gains objectifs au niveau politique. L’organisation qu’il·les prônent est donc une condition sine qua non à la relance du mouvement libertaire, puis à l’obtention de victoires significatives et pérennes[9]. La réplique vient d’abord de Maria Korn, militante kropotkiniste de longue date, à qui répondent les plateformistes dès novembre 1926, ainsi que de Jean Grave, célèbre militant français, qui se voit aussi réfuté par Archinov en avril-mai 1927[10]. Par la suite, les attaques de Voline – le traducteur de la Plateforme – et de son ami l’anarchiste français Sébastien Faure (1858-1942), qui voient dans le document organisationnel une déviation bolchevique, sont plus soutenues, tout en offrant une solution de rechange, le synthésisme[11].

Voline exprime longuement ses récriminations dans la Réponse de quelques anarchistes russes à la Plateforme[12]. Il souligne que la faiblesse de l’anarchisme ne découle pas de son manque d’organisation, mais plutôt du manque de clarté de certaines de ses idées de base, de problèmes de diffusion auprès des masses et de la répression étatique. Voline reproche aux plateformistes leur approche centrée sur la lutte des classes, alors que l’anarchisme est selon lui aussi humanitaire et individuel. L’idée d’une coordination centralisée est décriée, bien que cette pratique ait été au fondement des victoires militaires de la Makhnovchtchina et du sauvetage de l’autonomie acquise dans le sud-est de l’Ukraine en 1918-1920. La véhémence de Voline le pousse à des excès langagiers, voire à des calomnies, comme lorsqu’il affirme que les plateformistes désirent instaurer une police politique sur le modèle de la Tchéka. Dans ce texte, « tout y est inacceptable : ses principes de base, son essence et son esprit même[13] ». Le Groupe des anarchistes russes à l’étranger contre-attaque dans sa Réponse aux confusionnistes de l’anarchisme (août 1927), sans pour autant réussir à se défaire de l’épithète de « bolchevisme » qui demeurera associée à la Plateforme[14].

Par ailleurs, un nombre important d’anarchistes exilé·es ou français·es adhèrent aux principes de la Plateforme et proposent, en février 1927, de mettre sur pied une Internationale anarchiste. Celle-ci voit le jour en avril 1927 sous le nom de la Fédération communiste libertaire internationale, mais le projet capote rapidement faute d’avoir les moyens de ses ambitions. C’est plutôt au sein de l’Union anarchiste française (1920-1939) que l’impact de la Plateforme se fait sentir, à la suite de son adoption officielle à l’automne 1927. Malgré le départ de quelques irréductibles synthésistes, dont Sébastien Faure, l’anarchisme français se coalise autour de la Plateforme, dont les principes restent influents jusqu’à la Seconde Guerre mondiale[15]. L’anarchiste italien Errico Malatesta (1853-1932) se montre initialement réticent, avant de convenir de la proximité entre ses positions et celles de Makhno[16], à l’image de nombreux groupes libertaires à travers l’Europe au tournant des années 1920-1930. En définitive, il est vrai que le texte-manifeste reprend l’esprit de Bakounine concernant la nécessité de s’organiser sur des bases claires et unitaires, afin de déployer une stratégie cohérente et efficace ; il est normal que l’anarchisme social européen lui soit favorable.

Dielo Trouda, nos. 13-14, 1926.

Thèses et lignes de force de la Plateforme

Au-delà du contexte historique, la Plateforme d’Archinov demeure un document important pour réfléchir à la question de l’organisation politique dans une perspective communiste libertaire. Le texte se divise en trois parties. La première, générale, traite de la lutte des classes, de la nécessité de la révolution et du communisme libertaire. La seconde, dite constructive, est une proposition sur la manière d’organiser une société révolutionnée. Enfin, la troisième partie aborde la question de l’organisation, soit de ce qu’il faut faire pour passer des principes à l’utopie réalisée. Elle se concentre sur les enjeux d’unité et de responsabilité collective. Aux yeux des auteur·rices, « il est temps pour l’anarchisme de sortir du marais de la désorganisation, de mettre fin aux vacillations interminables dans les questions théoriques et tactiques les plus importantes, de prendre résolument le chemin du but clairement conçu, d’une pratique collective organisée[17] ». La possibilité de la révolution sociale est à ce prix.

La Plateforme commence par rappeler que le monde est structuré par la lutte des classes, c’est-à-dire qu’il est composé de deux groupes antagoniques, la bourgeoisie et le prolétariat, qui s’affrontent[18]. Les bourgeois possèdent les moyens de production et le pouvoir, ce contre quoi les masses laborieuses doivent lutter afin d’instaurer une société égalitaire. Plus exactement, le prolétariat doit mener une révolution violente, à laquelle concourent les anarchistes organisé·es, afin d’instaurer le communisme libertaire, un monde sans propriété privée, sans État et sans domination. Cela permettra, suivant le mot de Karl Marx repris deux fois dans le texte, de transiter « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins[19] ».

La première tâche des révolutionnaires consiste à s’organiser et à développer un programme commun, puis à préparer les ouvrier·ères et les paysan·nes en vue de la révolution. Pour ce faire, les anarchistes doivent exacerber la lutte des classes sur les plans sociaux et économiques, ce qui inclut l’organisation des éléments les plus politisés et leur intégration au mouvement libertaire. En sus de la propagande, les anarchistes doivent prendre la direction théorique du mouvement révolutionnaire, sans pour autant adopter le dirigisme politique. Ils devront faire montre d’une activité incomparable afin de galvaniser le mouvement et de le maintenir dans une direction libertaire. Ainsi, pour les rédacteurs de la Plateforme, les anarchistes organisé·e·s inspirent et encadrent le mouvement révolutionnaire des masses, mais sans imposer leur autorité, un complexe travail d’équilibriste. À cette difficulté s’ajoute celle d’un passage quasi immédiat (sans période de transition) au communisme libertaire, peut-être souhaitable, mais passablement utopique[20].

La Plateforme poursuit en exposant la manière dont la nouvelle économie et les nouveaux rapports sociaux devront être établis après la révolution. L’ensemble des moyens de production seront collectivisés et les marchandises réparties également entre les travailleur·euses. L’économie sera gérée au niveau local par des comités ouvriers, fédérés entre eux au niveau national. La prompte réalisation de ces objectifs fortifiera la détermination des masses laborieuses qui seront alors en mesure de lutter efficacement contre la réaction ; l’unité d’action des travailleurs déterminera la rapidité de leur triomphe définitif. C’est pour faciliter l’atteinte de l’ensemble des objectifs nommés que la Plateforme est rédigée et qu’elle doit, selon ses auteur·rices, servir de base à une organisation – l’Union générale des anarchistes – dont la structure est décrite à la fin du texte. Elle devra posséder une unité idéologique et tactique, ainsi qu’adopter les principes de responsabilité collective et du fédéralisme. Partant, une telle organisation pourra clarifier les buts du communisme libertaire, afin de « remplir sa tâche, sa mission idéologique et historique dans la révolution sociale des travailleurs, et devenir l’avant-garde organisée de leur processus émancipateur[21] ».

* * *

Au final, il semble que la Plateforme d’organisation des communistes libertaires doive éveiller notre intérêt sur (au moins) trois plans interreliés. D’abord, elle nous offre un bilan de l’expérience de la Makhnovchtchina, dont elle tente de synthétiser les meilleures pratiques. Ensuite, elle résume les fondements du communisme libertaire avec limpidité[22]. Enfin, elle présente une manière d’envisager la politique qui demeure pertinente à ce jour. La Plateforme nous rappelle que nos sociétés sont traversées par une lutte entre les propriétaires et les producteur·rices, et que nous devons penser notre action à l’aune de cette réalité. Face à un adversaire aussi puissant que le capitalisme, les travailleuses et les travailleurs doivent s’organiser en acceptant une unité – idéologique et pratique – réelle, et le principe de la responsabilité collective. Nous devons assumer les décisions prises en commun au profit d’une plus grande efficacité. L’approche unitaire et solidaire des plateformistes leur a permis de triompher dans des circonstances extrêmes, et elle peut inspirer notre lutte contre le régime d’exploitation actuel[23]. Les dangers qui nous menacent – la violence capitaliste, l’impérialisme, la crise écologique, la montée du fascisme – imposent plus que jamais de prendre au sérieux l’organisation révolutionnaire, afin de les dépasser et d’instaurer un monde égalitaire.

Montréal, le 1er décembre 2023


[1] Doctorant en philosophie politique (codirection Université de Montréal / Université de Lille), chargé de cours en philosophie (Université de Montréal) et membre fondateur du collectif Archives Révolutionnaires. L’auteur tient à remercier David Mandel et Nicolas Phébus pour leurs commentaires, tout en assumant l’entièreté des erreurs qui pourraient subsister.

[2] Parmi une riche littérature, on consultera notamment RABINOWITCH, Alexander. Les bolcheviks prennent le pouvoir, Paris, La Fabrique, 2016.

[3] Pour une histoire synthétique et fiable de la Makhnovchtchina, voir AVRICH, Paul. Les anarchistes russes, Paris, Maspero, 1979, pages 233-266.

[4] Principes de base de l’organisation de l’Union des anarchistes de Gouliaï-Polié dans MAKHNO, Nestor. Mémoires et écrits (1917-1932), Paris, Ivrea, 2009, page 463. Le groupe de Gouliaï-Polié, auquel appartient Makhno, assume la direction politico-militaire de l’Armée révolutionnaire insurrectionnelle ukrainienne.

[5] Ces articles, ainsi que plusieurs autres, sont disponibles dans MAKHNO. Mémoires et écrits, 2009, pages 501-558.

[6] Sur l’attribution du texte et cette polémique, voir SKIRDA, Alexandre. Autonomie individuelle et force collective. Les anarchistes et l’organisation de Proudhon à nos jours, Paris, autoédité, 1987, pages 161-188 et 245-246.

[7] Dans un article préfigurant la Plateforme, Archinov précise que la seule solution est « l’organisation commune de nos forces sur la base de la responsabilité collective et de la méthode collective d’action », dans Diélo Trouda no 3 (août 1925), cité par SKIRDA. Autonomie individuelle, 1987, page 163.

[8] SKIRDA. Autonomie individuelle, 1987, page 165.

[9] Archinov s’exprime à plusieurs reprises durant l’été 1926 pour défendre cette position, arguant que « l’anarchisme est l’idéologie de la classe ouvrière et sa meilleure tactique, aussi il doit se présenter de manière unitaire tant théoriquement qu’organisationnellement », sinon « la révolution anéantira ceux qui ne se seront pas organisés à temps ». Voir SKIRDA. Autonomie individuelle, 1987, page 166.

[10] Korn et Grave interrogent notamment les rapports entre majorité et minorité au sein du mouvement anarchiste, ainsi que la tension entre organisation versus centralisation. Ces débats ont une importance modérée pour le mouvement anarchiste puisqu’elles traitent des modalités organisationnelles plutôt que du principe même d’une organisation commune.

[11] Le synthésisme cherche à unir les trois tendances que sont l’individualisme, l’anarcho-syndicalisme et le communisme libertaire, mais sans abolir leur distinction ni leur imposer une direction.

[12] Cette brochure, rédigée par Voline, est contresignée par sept autres camarades (Ervantian, Fléchine, Lia, Roman, Schwartz, Sobol et Mollie Steimer). Voir SKIRDA. Autonomie individuelle, 1987, page 174-177 pour l’analyse de ce texte.

[13] Cité par SKIRDA. Autonomie individuelle, 1987, page 175.

[14] Une association peu crédible en regard de l’histoire de la Makhnovchtchina, mais renforcée par le fait que Piotr Archinov soit rentré en URSS en 1933 avec l’accord du Parti bolchevique.

[15] L’Union anarchiste abandonne la Plateforme comme fondement organisationnel en 1930, mais le communisme libertaire et les idées plateformistes restent présentes chez les anarchistes français jusqu’à la guerre et même ensuite. Voir MAITRON, Jean. Le mouvement anarchiste en France (vol. 2), Paris, Maspero, 1975, pages 80-89.

[16] Cette proximité, réelle, n’implique pas une similitude de vue. En effet, Malatesta insiste particulièrement sur la libre association dans l’organisation, comme l’exprime cet extrait : « Les bases d’une organisation anarchiste doivent être les suivantes, à mon avis : pleine autonomie, pleine indépendance et donc, pleine responsabilité des individus et des groupes ; libre accord entre ceux qui croient utile de s’unir pour coopérer dans un but commun ; devoir moral de tenir les engagements pris et de ne rien faire qui contredise le programme accepté. » (Il Risveglio, 15 octobre 1927). Voir MALATESTA, Errico. Écrits choisis (vol. 2), Annecy, Groupe 1er Mai, page 42.

[17] ARCHINOV, Piotr et al. Plateforme d’organisation des communistes libertaires, Montréal, M Éditeur, 2024, page 4.

[18] Pour une étude approfondie de la notion de lutte des classes, on consultera LOSURDO, Domenico. La lutte des classes. Une histoire politique et philosophique, Paris, Delga, 2016.

[19] Critique du programme du Parti ouvrier allemand dans MARX, Karl. Œuvres. Économie I, Paris, Gallimard, 1965, page 1420 et ARCHINOV. Plateforme, 2024, pages 15 et 33.

[20] Ces éléments – le rôle de l’organisation, la transition, la question de l’État – sont au cœur des polémiques entre communistes libertaires et bolcheviks. À ce sujet, voir MAITRON. Le mouvement anarchiste (vol. 2), 1975, pages 139-173 et 185-206.

[21] ARCHINOV. Plateforme, 2024, page 53.

[22] Afin de pousser la réflexion, on consultera l’ouvrage de SKIRDA. Autonomie individuelle, 1987, qui offre de nombreux autres textes concernant le débat entre plateformisme et synthésisme, pages 247-341. Voir aussi le Supplément à la Plateforme organisationnelle (questions et réponses) dans ARCHINOV. Plateforme, 2024, pages 55-76.

[23] La Plateforme peut servir de référence, mais doit être complétée, notamment puisqu’elle fait l’impasse sur les questions féministes et l’impérialisme, des sujets importants et débattus depuis déjà longtemps en 1926.

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28 mai 2024 | Photo : Un des tracteurs formant le convoi de manifestation. L'Hebdo Mékinac /Des Chenaux

La privatisation de l'énergie éolienne et son impact sur la mission d'Hydro-Québec [1]

En fait, la privatisation de la production de l'énergie éolienne est amorcée depuis des années. Hydro-Québec achetait l'énergie produite par les producteurs privés. Mais le gouvernement Legault a choisi d'approfondir la privatisation de la production de l'énergie éolienne et de soutenir les promoteurs privés de ce secteur pour attirer les multinationales des filières batteries et d'autres entreprises grandes consommatrices d'énergie. C'est là son nouveau modèle de développement économique. Le ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie, Pierre Fitzgibbon, a parcouru le monde pour offrir à ces entreprises une énergie renouvelable à faible prix. Il a tellement promis qu'il a créé une situation qu'il a caractérisée comme étant celle d'une société québécoise en pénurie d'électricité. Depuis des mois déjà, le ministre annonce le dépôt d'un projet de loi qui ouvrirait la production et la distribution de l'électricité au privé mettant ainsi fin au monopole d'Hydro-Québec. En fait, cette loi ne ferait que lever les obstacles législatifs bloquant les différentes initiatives du privé dans le secteur.

La suite coule de source. Il faudrait augmenter la production de l'énergie électrique au Québec pour répondre aux besoins créés pour attirer ces entreprises. Comme la construction de barrages hydro-électriques demande au moins une décennie sinon davantage, la décision de soutenir le développement des parcs d'éoliennes s'avère la solution la plus facile à opérationnaliser.

Mais pour le gouvernement Legault, cette opération devait être confiée aux promoteurs privés, quitte à demander le versement de certaines redevances aux municipalités, redevances peu contraignantes compte tenu des profits envisagés par ces promoteurs.

Si Hydro-Québec doit fournir l'énergie à la filière batteries, la course à l'éolien privé a pour objectif de permettre d'assurer que la production privée puisse non seulement être achetée par Hydro-Québec, mais permettre l'autoproduction d'électricité pour des projets industriels particuliers. Cette électricité pourra être transportée également par des réseaux privés jusqu'à leurs entreprises ou achetée par d'autres entreprises. C'est le cadre légal de ces démarches que veut fournir le projet de loi que le ministre Pierre Fitzgibbon s'apprête à déposer.

Le projet de TES Canada est exemplaire à cet égard. [2] C'est un projet de 4 milliards de dollars. Il s'agirait de produire de l'hydrogène à partir de l'électrolyse de l'eau, un procédé qui nécessite une grande quantité d'énergie. Selon ses promoteurs, les deux tiers du courant nécessaire viendront de leurs propres éoliennes. Le promoteur propose de construire 140 éoliennes capables de produire 800 mégawatts reliées à l'usine par un réseau de câblage souterrain privé. Les deux tiers de l'hydrogène produit seront convertis en gaz naturel synthétique pour Énergir qui alimentera son réseau de gazoducs. « De son côté, le professeur Bruno Detucq a évalué que le gaz réformé de TES Canada Canada pourrait chauffer 40 000 maisons comparativement à 666 000 maisons, soit 16 fois plus, si la même quantité d'électricité était utilisée directement avec une thermopompe. Le projet de TES Canada représente un gaspillage immoral de notre précieuse énergie . » [3]

À la demande des entrepreneurs privés de l'éolien, comme TransCanada, Boralex, Energir, EDF, le gouvernement a choisi de soutenir l'installation d'éoliennes dans la vallée du Saint-Laurent, principalement en terres agricoles et en lieux habités.

Des conséquences antiécologiques, antisociales et antidémocratiques de la privatisation de l'éolien

Cette privatisation de l'éolien a une série de conséquences désastreuses pour la société québécoise. Même si les gisements les plus importants d'énergie éolienne se trouvent dans le Grand Nord, il n'était pas question pour les entreprises de ce secteur de se lancer dans ces grands travaux. Ils sont trop coûteux pour une seule entreprise privée ou un simple trust. Seule une société comme Hydro-Québec serait à même de mener de tels travaux et aurait pu utiliser les grandes lignes de transmission déjà en place pour transporter l'électricité produite. Ce développement aurait été rentable et n'aurait pas envahi les terres agricoles et causé de multiples problèmes aux personnes habitant la vallée du Saint-Laurent.

Hydro-Québec n'a pu utiliser les meilleurs gisements d'énergie éolienne, car les choix de développement lui échappent de plus en plus en plus. La construction d'éoliennes dans le Grand Nord et dans les zones non habitées est maintenant écartée. Le développement se fera de plus en plus à l'initiative des entreprises privées permettant à terme la perte d'expertise d'Hydro-Québec. Le développement de l'énergie éolienne sera de plus en plus motivé par la recherche de profits à court terme et au moindre coût. C'est pourquoi les champs d'éoliennes sont développés dans le sud et sur les terres agricoles.

Alors qu'Hydro-Québec est une source importante de revenus pour l'État québécois, les nouveaux revenus générés par les champs d'éoliennes tomberont dans les poches des promoteurs privés, diminuant d'autant les redevances possibles pouvant être reçues par le trésor public.

Pour s'implanter, les promoteurs privés promettent monts et merveilles aux agriculteurs et agricultrices et aux municipalités qui sont souvent à court d'argent et leur font signer des ententes confidentielles permettant l'installation d'éoliennes sur leurs terres.

La résistance du monde rural à la privatisation de l'éolien et la lutte pour la protection du territoire agricole

L'UPA a pris clairement position et s'est opposée à l'implantation des parcs éoliens et des fermes solaires en zone agricole. [4], Un manifeste a été publié par l'UPA de la Mauricie qui appelle à la protection des terres agricoles dans les MRC des Chenaux et Mékinac. [5] Il demande que les terres agricoles soient réservées aux activités de nature agricole.

Un regroupement de maires et mairesses, Vents d'élus [6], a publié un mémoire qui dénonce l'utilisation des terres agricoles à des fins non agricoles. Ce mémoire souligne la rareté des terres agricoles au Québec qui représente à peine 2% du territoire. Et le fait que les promoteurs, dans une volonté de procéder au plus vite sans tenir compte des volontés citoyennes, se permettent de créer des divisions entre les habitant-e-s des régions, entre les personnes et les institutions qui ont besoin d'argent et qui espèrent en tirer des redevances à court terme et les personnes et les institutions qui estiment que ce sera une perte sur le long terme pour la production agricole et pour leurs conditions de vie compte tenu des nuisances créées par ces champs d'éoliennes. Nous reproduisons ci-dessous une pétition Pour un BAPE générique, qui résume très bien les enjeux de cette installation des champs d'éoliennes dans les terres agricoles et les zones habitées.

Les perspectives d'un parti de gauche authentique

Le développement de l'éolien privé constitue le vol du siècle comme l'affirmait un militant du SCFP au colloque organisé par ce syndicat contre la privatisation d'Hydro-Québec. Non seulement il détourne des revenus de la société québécoise dans les poches d'entrepreneurs privés, mais il induit un type de développement anarchique. Il met en cause la possibilité d'une planification d'ensemble de la production des besoins énergétiques du Québec. De plus, il se fait sur des terres agricoles, en bousculant les aspirations à un contrôle citoyen sur leur propre vie.

C'est pourquoi la nationalisation/socialisation (soit le fait de considérer l'énergie comme un bien commun) de la production des énergies renouvelables est un incontournable pour créer les conditions d'une véritable transition énergétique et écologique. Ces mobilisations citoyennes dans le monde rural tirent aujourd'hui la sonnette d'alarme. Le gouvernement Legault, au service des grandes entreprises, ne constitue en rien un allié de ces mobilisations. Au contraire, il est le meilleur allié de ces promoteurs. C'est pourquoi, la seule perspective envers ce gouvernement n'est pas d'en faire un partenaire d'une véritable transition écologique, mais de démontrer l'absence de légitimité de ses politiques et la nécessité de le remplacer par un gouvernement de rupture qui définit ses politiques à partir des mobilisations citoyennes et qui compte sur leur force pour écarter les promoteurs privés et autres multinationales, et assurer le contrôle de la majorité citoyenne sur la transition énergétique au Québec.

Annexe

Résolution : BAPE générique sur la filière éolienne

CONSIDÉRANT la prolifération de projets éoliens sur le territoire agricole et habité du Québec ;

CONSIDÉRANT qu'au Québec, le territoire cultivable ne représente que 2% du territoire , soit 0,28 hectare cultivable par habitant ;

CONSIDÉRANT que la sécurité et l'autonomie alimentaire sont essentielles ;

CONSIDÉRANT que toute réduction du territoire cultivable menace la sécurité et l'autonomie alimentaire ;

CONSIDÉRANT que la Commission de la protection du territoire agricole (CPTAQ) a autorisé à ce jour 99% des demandes de dérogations pour l'installation d'éoliennes en milieu agricole ;

CONSIDÉRANT le rapport de Madame Janique Lambert, commissaire au développement durable du Québec, publié le 25 avril 2024, soulignant que les terres agricoles sont « essentielle[s] à l'autonomie alimentaire de la population et au développement du secteur bioalimentaire. Il importe donc d'assurer la protection et la mise en valeur du territoire agricole, et ce, au bénéfice des générations actuelles et futures. » ;

CONSIDÉRANT que plusieurs personnalités publiques, incluant le premier ministre, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, le président général de l'Union des producteurs agricoles et les deux présidents des unions municipales québécoises, se sont prononcées publiquement en faveur de la protection des terres agricoles et de l'autonomie alimentaire ;

CONSIDÉRANT l'étude de l'Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) du 14 mars 2024 démontrant que les retombés économiques du développement de la filière éolienne privée ne profitent pas de façon équitable aux municipalités et aux citoyens du Québec, mais profitent surtout à l'industrie privée et à ses actionnaires ;

CONSIDÉRANT que dans cette même étude, le développement de la filière éolienne privée soulève d'importants enjeux concernant la mission d'Hydro-Québec ;

CONSIDÉRANT les nombreuses préoccupations citoyennes soulevées depuis plusieurs mois, autant dans notre municipalité qu'ailleurs au Québec, au sujet du développement de la filière éolienne ;

CONSIDÉRANT les nombreuses questions soulevées, autant par les élus que par les citoyens de nombreuses MRC au Québec qui demeurent sans réponses claires et satisfaisantes ;

CONSIDÉRANT les préoccupations de ce conseil pour l'avenir des terres agricoles, des milieux naturels et de la qualité du milieu de vie de ses citoyens ;

CONSIDÉRANT qu'il y a urgence d'agir compte tenu de l'objectif d'Hydro-Québec de tripler le nombre d'éoliennes sur le territoire d'ici 2035 ;

CONSIDÉRANT que le gouvernement du Québec n'a pas jugé bon de déclencher une étude environnementale stratégique sur la filière éolienne conformément à l'article 95.10 de la Loi sur la qualité de l'environnement (LQE) qui prévoit que « les stratégies, les plans ou les autres formes d'orientations… doivent faire l'objet d'une évaluation environnementale stratégique. » ;

CONSIDÉRANT que de nombreuses audiences du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) ont eu lieu au Québec au sujet de nombreux projets éoliens, mais qu'aucune analyse d'ensemble n'a été faite à ce jour ;

CONSIDÉRANT qu'un BAPE générique serait le meilleur outil pour faire cette analyse d'ensemble ;

CONSIDÉRANT le désir de ce conseil pour que les enjeux entourant le développement éolien en milieu habité et agricole soient éclairés par le biais d'un BAPE générique ;

CONSIDÉRANT que selon l'article 6.3 de la Loi sur la qualité de l'environnement (LQE), « le BAPE a pour fonctions d'enquêter sur toute question relative à la qualité de l'environnement que lui soumet le ministre de l'Environnement et de faire rapport à ce dernier de ses constatations ainsi que de l'analyse qu'il en a faite. » ;

CONSIDÉRANT que selon l'article 6.3 de la LQE, le BAPE doit « tenir des audiences publiques ou des consultations ciblées dans les cas où le ministre le requiert. » ;

EN CONSÉQUENCE ET POUR CES MOTIFS, IL EST PROPOSÉ PAR XXX et résolu par ce Conseil :

• Que le conseil municipal de … prenne position en faveur d'un BAPE générique sur la filière éolienne ;

• Que le conseil municipal de … demande au ministre de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Monsieur Benoit Charrette, de se prévaloir du pouvoir qui lui est confié en vertu de l'article 6.3 de la LQE et de donner le mandat d'un BAPE générique sur la filière éolienne au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement ;

• De transmettre cette résolution aux personnes et aux organismes désignés ci-dessous en réitérant la position du conseil et en leur demandant de l'adopter, de l'appuyer ou d'agir selon leur champ de compétences afin d'exiger la tenue d'un BAPE générique sur la filière éolienne :

o Les municipalités de la MRC de … ;
o La MRC de … ;
o Le Ministre de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Monsieur Benoit Charette ;
o Le Ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, Monsieur André Lamontagne ;
o La Ministre des Affaires municipales et de l'Habitation, Madame Andrée Laforest ;
o Le Ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie, Monsieur Pierre Fitzgibbon ;
o Le premier ministre, Monsieur François Legault ;
o Le député ou la députée provincial ;
o Monsieur Marc Tanguay, chef du parti Libéral du Québec ;
o Monsieur Gabriel Nadeau-Dubois et Madame Christine Labrie, co-portes-paroles de Québec Solidaire ;
o Monsieur Paul Saint-Pierre-Plamondon, chef du parti québécois ;
o Monsieur Éric Duhaime, chef du parti Conservateur du Québec ;
o Madame Martine Ouellet, cheffe de Climat Québec ;
o Monsieur Martin Caron, président général de l'Union des producteurs agricoles ;
o Le président ou la présidente de l'UPA régional ;
o Monsieur Jacques Demers, président de la Fédération Québécoise des Municipalités ;
o Monsieur Martin Damphousse, président de l'Union des Municipalités du Québec ;
o Monsieur Patrick Gloutney, Président du Syndicat SCFP-QUEBEC ;
o Madame Carole-Anne Lapierre, Alliance SaluTERRE ;
o Monsieur Normand Beaudet, Fondation Rivières ;
o Madame Mélanie Busby, Front commun pour la transition énergétique ;
o Monsieur Philippe Duhamel, Regroupement vigilance énergie Québec ;
o Madame Myriam Thériault, Mères au front ;
o Madame Rachel Fahlman, Vent d'élus ;
o Comité citoyen local.

ADOPTÉ À L'UNANIMITÉ ou MAJORITÉ DES MEMBRES PRÉSENTS.

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[2] Pierre Dubuc, Hydrogène vert, le retour des trusts d'électricité, L'Action nationale, Vol, CXIII, no 10, décembre 2023

[3] Martine Ouellet, Hydrogène « vert » de TES Canada, la Grande imposture, Journal de Montréal, 19 avril 2024 - https://www.journaldemontreal.com/2024/04/19/hydrogene-vert-de-tes-canada-la-grande-imposture

[4] Charles-Félix Ross, Le développement éolien au Québec : les enjeux en milieu agricole, l'auteur est directeur général de l'Union des Producteurs Agricoles. Cette allocution a été livrée dans le cadre du Congrès Mines + Énergie en 2023, tirée de l'Action nationale, décembre 2023, vol. CXIII, no. 10

[5] UPA de la Mauricie, Manifeste pour la protection des terres agricoles dans les MRC des Chenaux et de Mékinac, https://www.mauricie.upa.qc.ca/manifeste

[6] Course à l'énergie, déni de démocratie, Libre Media, 7 décembre 2023, https://libre-media.com/articles/course-a-lenergie-deni-de-democratie

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