Recherche · Dossiers · Analyses
Toujours au devant

Les médias de gauche

Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG)

Derniers articles

Élections 2024 en Afrique du Sud : un appel au réveil pour la gauche

14 mai 2024, par Amandia ! — , ,
Les élections nationales et provinciales du 29 mai en Afrique du Sud s'annoncent les plus déterminantes depuis les « élections de la liberté » de 1994. Reste qu'encore une fois (…)

Les élections nationales et provinciales du 29 mai en Afrique du Sud s'annoncent les plus déterminantes depuis les « élections de la liberté » de 1994. Reste qu'encore une fois aucune force de gauche ou anticapitaliste crédible n'est en lice. Selon l'appréciation générale, l'ANC ne devrait pas remporter une majorité absolue, ce qui implique des possibilités de nouvelles configurations de pouvoir. L'incapacité de la gauche de se faire une place dans le cadre des élections qui arrivent en dit long sur son état et sur la situation des mouvements syndicaux et sociaux. Ces derniers ne sont guère que l'ombre des mouvements qui ont été si décisifs pour bouter le régime raciste du Parti national hors des « Union Buildings » (Siège du gouvernement sud-africain — NDT).

Tiré du Journal des alternatives.

Les 30 années de règne de l'ANC ont été un désastre pour notre pays et une catastrophe pour les pauvres et les travailleuses et travailleurs. Le taux de chômage a atteint des sommets inégalés. Les disparités sociales se sont aggravées au point d'être sans équivalent dans le monde. La violence à l'égard des femmes atteint des niveaux effrayants. En moyenne, une femme est violée toutes les 25 secondes et on compte un féminicide toutes les huit heures dans nos contrées. La plupart des municipalités sont incapables de fournir des services de base à la population locale en raison d'un manque de financement abyssal.

La corporisation et la marchéisation des entreprises publiques ont été un désastre. Eskom et Transnet se trouvent dans une spirale de mort. Extrêmement endettées, elles sont incapables de répondre aux besoins de la population et de l'économie en matière d'électricité et de transport. Presque toutes les autres sociétés d'État souffrent des mêmes symptômes.

Le vide à gauche

Il est donc tragique que la gauche, qui a développé une critique convaincante des politiques néolibérales, ne soit pas en mesure de promouvoir des voies véritablement nouvelles, au moment même où l'électorat réclame plus que jamais des solutions de rechange.

Tous les fragments de l'opposition à l'ANC (et chaque jour un nouveau fragment émerge) offrent des explications largement superficielles et fausses de l'état actuel de la nation. Pour l'Alliance démocratique (Democratic Alliance) et ses alliés, c'est la corruption et le placement des cadres dans les institutions de l'État qui sont en cause. Les populistes blâment soit l'immigraiton illégale, soit la protection défaillante des valeurs familiales chrétiennes. En ce qui concerne celles et ceux qui ont pris leurs distances par rapport à l'ANC, on dénonce le manque de prise de pouvoir économique de la population noire (Black Economic Empowerment — BEE) et déplorent que la transformation économique radicale prônée n'aille guère au-delà des mots.

L'incapacité de la gauche à constituer une force crédible a donné lieu à une situation grotesque : des populistes corrompus, qui ont autrefois dirigé l'ANC, se présentent de manière opportuniste comme des radicaux de gauche. Zuma et son parti MK (uMkhonto we Sizwe en zoulou/xhosa ; fer de lance de la nation) ne sont que les derniers d'une longue série à incarner cette tendance. Citons aussi Ace Magashule et son parti, le Congrès africain pour la transformation (African Congress for Transformation), le parti Mouvement du peuple pour le changement (People's Movement for Change) de Marius Fransman et, bien sûr, le parti Combattants pour la liberté économique (Economic Freedom Fighters – EFF), dernier en date auprès duquel Carl Niehaus a réussi à faire son nid. Quant aux nouveaux partis, comme l'Alliance patriotique (Patriotic Alliance) et l'Action pour l'Afrique du Sud (Action SA), ils ont pour stratégie électorale de faire appel aux pires sentiments d'un peuple désespéré par la crise socio-économique. Ils se livrent à une surenchère pour être les plus farouchement xénophobes, homophobes et durs à l'égard de la criminalité.

Les résultats désastreux du Parti socialiste révolutionnaire des travailleuses et travailleurs (Socialist Revolutionary Workers Party) aux élections de 2019 ont eu des répercussions pour l'ensemble de la gauche. Cette débâcle marque la fin de ce qu'on a appelé le « moment Numsa » (National Union of Metalworkers of South Africa, le syndicat national des métallurgistes de l'Afrique du Sud) de 2013 — une opportunité de renouveau pour une politique de gauche indépendante enracinée dans les mouvements populaires de masse. Ces déboires renforcent l'idée fausse selon laquelle il est difficile de construire des mouvements politiques démocratiques, radicaux, faisant appel aux masses et à même de percer dans les élections — l'idée selon laquelle la politique électorale n'est pas un domaine dans lequel la gauche devrait intervenir. De même, la dérive du parti EFF vers une politique nationaliste grossière et l'application d'un calque radical de l'ANC fera obstacle au renouveau d'une politique de gauche militante.

La conséquence pour une véritable gauche socialiste démocratique est que, même si elle était en mesure d'entrer dans la mêlée électorale, elle se retrouverait dans un champ des possibles encombré, à lutter pour se démarquer par rapport aux nombreux imposteurs.

Et puis il y a les électrices et électeurs en puissance de la gauche qui ont été tellement désillusionné.es par l'état des choses qu'ils et elles se sont retiré.es du jeu, ne prenant même pas la peine de s'inscrire sur les listes électorales.

Les élections nécessitent une considérable cagnotte. Trouver les fonds nécessaires pour rivaliser avec les partis bourgeois sans sombrer dans l'opportunisme, représente une énorme montagne à gravir pour une gauche qui dépend du soutien de celles et ceux qui ne possèdent rien.

Il est urgent de résoudre le problème de l'absence électorale d'une gauche crédible. Il faudra repenser en profondeur les perspectives et la stratégie de la gauche, ce qui provoquera une réorganisation substantielle de celle-ci.

La longue marche vers la construction d'un mouvement de gauche de masse susceptible de détourner l'électorat du camp politique nationaliste demandera de faire face à des décisions stratégiques et tactiques difficiles, en particulier dans le contexte d'un déclin des mouvements sociaux de la classe ouvrière, et notamment de l'affaiblissement et de la fragmentation du bloc travailliste.

Notre point de départ

Notre compréhension de l'absence d'un parti anticapitaliste aux prochaines élections doit aller au-delà de l'analyse de Steven Friedman, qui attribue cette absence à la centralité de la race et de l'inégalité raciale. Un bon point de départ serait de reconnaître la défaite de la gauche en Afrique du Sud. Le philosophe et militant socialiste français Daniel Bensaïd, en intervenant dans le cadre d'une évaluation de la stratégie révolutionnaire au tournant du 21e siècle a pointé ce qui suit : d'où venons-nous ? D'une défaite historique. Mieux vaut l'admettre et en mesurer la portée. L'offensive néolibérale du dernier quart de siècle est la cause de cette défaite, en plus d'en être la conséquence et l'aboutissement.

Quelque chose a été accompli au tournant du siècle, entre la chute du mur de Berlin et le 11 septembre. Mais de quoi s'agit-il ? De la fin du « court vingtième siècle » et de son cycle de guerres et de révolutions ? De la fin de la modernité ? De la fin d'un cycle, d'une période ou d'une époque ?

Il est clair que la gauche sud-africaine a souffert et qu'elle n'est pas la seule dans ce cas. Mais on peut relever des éléments qui lui sont spécifiques.

Tout d'abord, les déboires du pays émergent dans le sillage de l'effondrement de la distorsion socialiste de l'URSS et de ses États satellites, dont ils procèdent. Ensuite, comme l'a adéquatement expliqué Vishwas Satgar :

  • « Deux décennies de néolibéralisation sous la direction de l'ANC, qui a abandonné la démocratie, de même que le développement et la formation de l'État par rapport au capital, ont consacré la défaite stratégique de la gauche et de la classe ouvrière en Afrique du Sud. Le moment et le processus de la “National Union of Metalworkers of South Africa (Numsa)”, sous la houlette du plus grand syndicat d'Afrique du Sud (plus de 330 000 membres) et du plus militant aussi, ont constitué un vaste agrégat visant à faire face à cette défaite stratégique. Ce fut le ferment d'une bataille pour déterminer l'avenir de l'Afrique du Sud, une initiative stratégique pour la classe ouvrière du pays. »

Il n'en demeure pas moins que c'est l'effondrement de ce « moment Numsa » qui rend la situation de la gauche encore plus difficile et complexe. C'est comme s'il fallait reconstruire à partir de zéro. Comme le souligne le marxiste britannique Stuart Hall :
« Lorsqu'une conjoncture se déploie, il n'y a pas de “retour en arrière” possible. L'histoire change de palier. Le terrain se modifie. Vous êtes dans un nouveau moment. Vous devez approcher les choses avec “violence”, avec tout le “pessimisme de l'intellect” dont vous êtes capable, en phase avec la “discipline de la conjoncture”. »

La politique stalinienne a prévalu

Pourquoi la gauche anticapitaliste sud-africaine n'a-t-elle pas réussi à marquer ce moment de son empreinte ? Le dogme marxiste-léniniste à l'ancienne était dominant, avec son autoritarisme intrinsèque et son emprise sur d'importantes machines bureaucratiques telles que le parti communiste sud-africain (South African Communist Party ou SACP, en anglais), le Congrès des syndicats sud-africains (Congress of South African Trade Unions ou COSATU, en anglais) et le Numsa. Cette coupe réglée a exterminé les jeunes pousses d'une politique émancipatrice plus ouverte, démocratique et pluraliste.

Parmi les protagonistes à l'origine de la formation du parti EFF et de celui du SRWP, le Numsa, il y a pu y avoir rupture avec l'ANC/le SACP, mais pas avec les politiques et les pratiques du congrès/du stalinisme. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne la régurgitation des notions de « révolution démocratique nationale » — la théorie étapiste du changement révolutionnaire — étayée par une alliance avec la bourgeoisie patriotique, au nom de la classe ouvrière. Les jeunes militant.es et cadres issus des luttes ouvrières, communautaires et étudiantes ont été absorbés par ces bureaucraties dans leur quête d'un revenu stable et d'une sécurité personnelle.

Reconnaître la défaite que nous avons subie, ce n'est pas se démoraliser. C'est plutôt reconnaître un échec sans capituler devant l'ennemi, en sachant qu'un nouveau départ est susceptible de prendre des formes inédites.

Vers un renouveau

Il n'y aura pas de voie rapide pour sortir de cet état de déclin. L'élection qui vient pourrait être déterminante dans la mesure où elle mettra, selon toute vraisemblance, un terme à la domination totale de la politique nationaliste. Partant, une telle évolution pourrait avoir de meilleures chances de structurer l'échiquier politique selon l'opposition entre classes. Mais dans une autre optique, de tels changements seront totalement insignifiants — ils n'auront aucun effet sur la vie matérielle de la classe ouvrière et des pauvres. Les canalisations d'eau et d'égout brisées ne se répareront pas pour autant. Les délestages, les longues coupures d'électricité quasi quotidiennes, ne cesseront pas demain la veille. Et surtout, cela n'éloignera pas le gouvernement de l'orientation néolibérale que partagent la plupart de ses opposants politiques.

Pour un véritable changement, il n'y aura pas d'autre option que de continuer à construire des organisations populaires, de lutter pour reprendre le mouvement syndical à sa direction bureaucratique et de lutter pour reconstruire l'unité du mouvement de la classe ouvrière afin d'en faire un mouvement pour le socialisme. Il ne doit plus y avoir d'élections sans représentation de la gauche sur le bulletin de vote. Et pour que la gauche fasse entendre sa voix, celle-ci doit être ancrée dans des organisations populaires actives.

Publiée sur le site d'Alternatives International et traduit par Johan Wallengren.

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le Rwanda supplétif de l’Union européenne en Afrique

14 mai 2024, par Paul Martial — , ,
Le Rwanda devient une pièce maîtresse pour l'Union européenne (UE) tant dans la lutte contre l'immigration que pour la sécurisation de pays africains en proie aux attaques de (…)

Le Rwanda devient une pièce maîtresse pour l'Union européenne (UE) tant dans la lutte contre l'immigration que pour la sécurisation de pays africains en proie aux attaques de leur rébellion.

Tiré de Afriques en Lutte
7 mai 2024

Par Paul Martial

À la suite à leur accord, Rishi Sunak et Kagamé se disent impatients de voir au plus vite les premiers migrants de Grande-Bretagne expulsés au Rwanda, et tant pis si ce pacte déroge au droit international. Si on perçoit les intérêts électoraux pour Sunak de cette politique démagogique et raciste, qu'en est-il pour Kagamé ?

Argent contre migrant

Les intérêts sont d'abords financiers, et les autorités rwandaises ne s'en cachent pas. Les 300 premiers migrantEs transférés devraient rapporter au Rwanda 220 millions d'euros. À cela s'ajoutent 25 millions d'euros financés par l'UE dans le cadre du « mécanisme de transit d'urgence » pour des migrantEs évacués de Libye. En plus du gain financier, Kagamé bénéficie d'une tolérance pour ses violations systématiques des droits humains. Il va d'ailleurs entamer son quatrième mandat lors des prochaines élections présidentielle à l'été 2024, qu'il gagnera avec les mêmes scores soviétiques affichés lors des précédents scrutins. Les organisations de défense des droits humains ont pu dénoncer à maintes reprises les assassinats d'opposantEs à travers le monde, rien ne bouge.

Indulgence coupable

Cette mansuétude des pays occidentaux pourrait s'expliquer par la culpabilité. Celle de l'indifférence à un génocide qui se déroulait sous leurs yeux. Mais il y a surtout la diplomatie militaire du Rwanda. Il est le deuxième contributeur africain des opérations de maintien de la paix. Près de 4 600 soldats rwandais sont déployés dans les missions onusiennes au Sud Soudan et en Centrafrique. Dans ce pays, le Rwanda a envoyé ses forces spéciales en 2020 pour sauver le régime. Un soulagement pour l'Europe craignant de voir une nouvelle fois cet État tomber dans un chaos aux conséquences délétères pour la stabilité de la région.

Le nouveau gendarme

Le Rwanda s'est rendu indispensable pour la France en intervenant au Mozambique. Ses soldats ont repoussé les combattants islamistes de Cabo Delgado et assurent la sécurité de cette région stratégique pour TotalEnergies. La multinationale investit près de 15 milliards de dollars pour la production de gaz liquéfié.

Kagamé, c'est un peu le Wagner de l'occident. En effet l'armée française étant désormais indésirable à peu près partout en Afrique, le rôle de gendarme semble être dévolu au pays des milles collines. Ainsi le Bénin, qui subit des incursions des djihadistes du Burkina Faso voisin, vient de passer un accord militaire. Il ouvre la voie à une intervention de l'armée rwandaise. Si cette opération est un succès, il y a fort à parier que d'autres pays pourraient être demandeurs.

Les autorités rwandaises profitent de ce nouveau rôle pour mener leur politique d'agression et de pillage dans l'est de la République démocratique du Congo en soutenant la milice du M23, coupable des pires atrocités contre les populations sans risque de se voir sanctionner.

Paul Martial

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Afrique - RDC : les minerais de la honte

14 mai 2024, par Paul Martial — , ,
Il y a cent cinquante ans, le Congo belge, maintenant République démocratique du Congo (RDC), accompagnait l'essor industriel de l'Europe et des USA en fournissant des milliers (…)

Il y a cent cinquante ans, le Congo belge, maintenant République démocratique du Congo (RDC), accompagnait l'essor industriel de l'Europe et des USA en fournissant des milliers de tonnes de caoutchouc nécessaires à la fabrication des pneus, des courroies et tuyaux flexibles. Aujourd'hui ce sont le cuivre, le cobalt, l'étain, le cadmium, le niobium et bien d'autres minerais rares indispensables à la fabrication des batteries et au secteur industriel de haute technologie.

Tiré de Afriques en Lutte
7 mai 2024

Par Paul Martial

Conditions de travail périlleuses

Un siècle et demi plus tard, l'exploitation éhontée des populations est restée identique. Certes, les punitions corporelles comme les amputations des mains des travailleurEs ou de leurs enfants pour manque de rendement n'est plus de mise mais les conditions de travail restent terrifiantes dans les mines artisanales qui représentent pour le coltan 90 % de la ­production de la RDC. Les puits de mine peuvent atteindre 100 mètres de profondeur et deviennent, lors des saisons des pluies, de véritables pièges mortels par noyade ou ensevelissement si les bâches protégeant les cavités se déchirent sous le poids de l'eau. Pour les mineurs, appelés aussi creuseurs, pour les femmes qui lavent les minerais de cobalt, la présence de métaux lourds dans leur sang est avérée, entraînant des dommages oxydatifs de l'ADN, des fausses couches ou des malformations des fœtus. Le travail des enfants reste monnaie courante. La plupart des mines artisanales sont sous le contrôle de milices armées ou des militaires congolais. Dans les deux cas ils imposent aux populations un travail forcé.

Économie de guerre

L'extraction des minerais est un enjeu économique qui explique la pérennité des conflits. En 2000, le kilo de tantale se vendait 22 dollars US aujourd'hui il s'échange à plus de 400 dollars, le niobium à plus de 1 000 dollars. Les milices armées utilisent ces sources de financement pour leur guerre. Le Rwanda qui soutient un de ces groupes, le M23, profite de la situation pour accaparer une partie de la production de la RDC engendrant plus d'un milliard de dollars de recettes en 2023. Les grandes entreprises occidentales certifient à grands coups de label la non-­utilisation de ces « minerais de sang ». Impossible à garantir !

Si les mines industrielles et artisanales ont chacune en théorie des circuits distincts, le nombre important d'intermédiaires, acheteurs au détail, négociants en gros, courtiers, transporteurs, opacifie la chaîne d'approvisionnement, ce qui autorise le mélange de la production des deux circuits. D'autant que les minerais issus de l'industrie artisanale sont recherchés pour leur forte teneur en métaux car, faute d'instrument de mesure, les creuseurs les trient à l'œil nu.

Larmes de crocodiles

Officiellement il y a un consensus pour dénoncer les conditions de travail des mineurs artisanaux. Chacun y va de son couplet, que ce soient les dirigeants africains ou ceux de l'industrie électronique. Pourtant rien n'est fait alors que deux mesures pourraient être prises.

La première est d'arrêter la répression contre les mineurs artisanaux qui tentent de s'organiser en coopérative et d'améliorer ainsi leurs conditions de vie et de ­rémunération.

La seconde est la mise en place — par les multinationales d'industries de première transformation des minerais créant une valeur ajoutée pour la RDC — de mesures de protection des travailleurEs et de l'environnement.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Mayotte Place Nette. Vers un monde inhabitable

14 mai 2024, par Daniel Gros — , ,
Mayotte serait-elle devenue la mauvaise conscience de la France, sa honte, sa dissimulation ? Le pire s'y passe tranquillement. Bien qu'y adviennent les événements les plus (…)

Mayotte serait-elle devenue la mauvaise conscience de la France, sa honte, sa dissimulation ? Le pire s'y passe tranquillement. Bien qu'y adviennent les événements les plus tragiques, les plus infamants et de fait les plus moralement discutables, les citoyens se réclamant Français et revendiquant la France pour leurs intérêts, expriment peu leur trouble quant aux maux infligés aux populations pauvres, qui composent tout de même la grande majorité des habitants de l'ile.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/05/09/mayotte-place-nette-vers-un-monde-inhabitable/

Pire encore, les citoyens les mieux traités récriminent contre le pouvoir et surenchérissent sur sa brutalité envers les plus pauvres, catégorie à laquelle appartiennent également les migrants.

Il devient particulièrement difficile de chroniquer les événements qui se chassent les uns les autres. Comment évaluer leur gravité tant le dernier épisode excède le précédent et accentue le harcèlement permanent dont sont affligés les indésirables désignés ?

Une population insulaire dont 80% vit sous le seuil de pauvreté ne peut se plier aux dictats d'une législation soucieuse de promouvoir les conditions de vie répondant aux critères du confort bourgeois. Des règles d'éligibilité aux prestations sociales qui excluent près de la moitié de la population, un marché de l'emploi qui n'occupe que le tiers des individus en âge de travailler, un cout de la vie supérieur à celui observé en métropole : voilà au moins trois conditions qui se combinent pour astreindre les laissés-pour-compte à se débrouiller avec les moyens à leur portée, opportunités qui ne font pas bon ménage avec la légalité. Puisque l'État les écarte de la solidarité nationale, ils n'ont d'autres choix que de se confiner dans l'économie informelle où ils puisent toutes les ressources nécessaires à la survie.

Depuis la mise en application de la loi Elan qui permet au préfet de Mayotte, et à celui de la Guyane, de détruire l'habitat insalubre, illégal ou indigne, adjectifs permutables en fonction de la justification souhaitée, 33 arrêtés de démolition sous couvert de la loi Elan ont été publiés et exécutés délogeant 11 585 personnes [1].

L'opération Wuambushu 2, inaugurée le 16 avril par la démolition de 220 habitations dans le quartier de Doujani 2, doit se poursuivre jusqu'à la fin du mois de juin et durer onze semaines. Comme l'an passé, rien n'a été préparé sauf les prétentions affichées : détruire 1300 cases en tôle durant cette période bien qu'un seul arrêté ait été publié à ce jour contre un quartier de Sada, village côtier sur le littoral ouest, que les services de la préfecture n'ont pas pris la peine de recenser. L'adjudant qui signe le rapport de gendarmerie annexé à l'arrêté confirme sans gêne qu'il « n'existe pas de recensement précis de la population dans ce village vu la nature des constructions, souvent illégales, et abritant des personnes en situation administrative irrégulière sur le territoire français[2] ».

Mais qu'importe puisque les gens ne sont pas le souci de l'administration. On ne les compte pas parce qu'ils ne comptent pas.

L'atteste la nouvelle appellation dont le Gouvernement affuble le Wuambushu nouveau à la périodicité printanière : « Mayotte Place nette ».

L'expression « place nette » est devenu récemment la marque de fabrique de toutes les actions de politique urbaine : ainsi l'opération « Place nette XXL » à Marseille vise à « renforcer la lutte contre la délinquance et plus particulièrement le trafic de stupéfiants [3] », même refrain à Strasbourg, à Nantes, dans leNord. Le pouvoir exécutif règle son action sur la dimension régalienne, la seule pour laquelle il semble avoir encore un peu d'imagination lexicale comme l'emploi à toutes les sauces du terme « réarmement » et les préfixes e « R » (refondation, révolution…) particulièrement affectionné par le président de la République, franchement belliqueux.

Pour Mayotte où s'applique depuis longtemps déjà une politique répressive sans alternative, la formule exprime toutes les menaces déclinées par le dictionnaire le Robert : « faire place nette, vider les lieux et fig. renvoyer d'une maison, d'une entreprise, tous ceux dont on veut se débarrasser ; rejeter ce dont on ne veut plus ».

Faire place nette, nettoyer (au “karcher” [4]), faire le vide, tel est le programme de coups de torchon périodiques promu en lieu et place d'une politique sociale solidaire et redistributive. Pareil traitement n'est pas réservé au petit confetti lointain perdu dans l'océan indien, dont la relation avec la France s'est transformée d'ancienne colonie à nouveau département sans que son sort en soit pour autant amélioré. Par population pauvre il faut de toute évidence comprendre les nationaux et les migrants dont les maltraitances administratives et gouvernementales finissent par s'équivaloir : harcèlements, accumulation d'atteintes aux droits et aux protections, travail forcé ou emplois dégradés, dénonciation d'une nationalité supposément extorquée, la liste reste à la mesure de l'imagination des dominants.

Outre la politique extrême de démolition des quartiers pauvres, dite à présent « décasages [5] », les deux autres volets complètent inlassablement le dispositif mis en place depuis des décennies dont l'inefficacité patente conduit les autorités à l'amplifier ad nauseam.

La lutte contre l'immigration clandestine imagine purger Mayotte des habitants venus des autres iles de l'archipel sans que les mesures mise en œuvre depuis des lustres n'aient la moindre incidence sur une démographie dont les données sont devenues un enjeu de lutte [6]. Contester les données de l'INSEE procure des avantages dans le rapport de force avec l'État français : les personnes non comptées figurant implicitement des hordes menaçantes de clandestins par définition cachés, les activistes des collectifs de citoyens et les élus font valoir une sous-estimation de la population pour aggraver la politique anti-comorienne et plus généralement anti-migratoire. La théorie du complot est appelée à la rescousse : obsessionnellement, les deux député·es fantasment et remâchent sur une offensive délibérée de l'État des Comores pour convaincre du grand remplacement en cours et radicaliser toutes les relations quotidiennes avec les migrants.

Et cela fonctionne au-delà de toute espérance : le gouvernement manipule la nationalité des habitants sans retenue, promet de supprimer ce qu'il reste d'un Droit du sol bien attaqué depuis la loi Asile de 2018 et concentre toute sa politique sur le rejet et le harcèlement des habitants venus des autres iles quel que soit leur statut administratif ; tout ceci au détriment de mesures favorables au développement et à l'intérêt général.

Immigration, délinquance, habitat insalubre. Guerre aux migrants, aux jeunes, et aux pauvres. La nouvelle entreprise baptisée « Mayotte, place nette », ritualisée dans une répétition annuelle de deux mois environ d'avril à juin, célèbre des politiques simplistes qui ne visent qu'à saper les fondements qui assurent la survie d'une société sinistrée.

Le programme des démolitions de quartiers pauvres reste pourtant le seul volet parmi la triade annoncée dont le gouvernement prétend faire valoir sa maîtrise et sur lequel il communique avec le plus d'assurance. Ainsi, le 16 avril, premier jour de l'opération Mayotte place nette, sur son compte X/Twitter, le préfet annonce : « Lancement de l'opération Mayotte Place Nette. Sécuriser, Décaser, Reconduire à la frontière. À Doujani, une opération de grande envergure s'est déroulée : l'objectif est de décaser + de 200 cases en tôle pour permettre l'émergence des projets de la collectivité [7]. » Ce jour-là, la lutte contre les délinquants s'est résumée là à « 6 interpellations d'individus hostiles à cette opération ».

La démolition du quartier avait été décidée par l'arrêté préfectoral du 2 janvier 2024 « portant évacuation et destruction des constructions bâties illicitement au lieu-dit Doujani, périmètre haut et bas, commune de Mamoudzou [8] ».

La plus grande imprécision recouvre cette opération.

Le document annexé à l'arrêté, signé le 11 décembre 2024 par le directeur de l'Association à la Condition Féminine et à la violence faite aux femmes (ACFAV) mentionne une proposition de logement provisoire à 39 familles sur 60 repérées sur le secteur ciblé, ménages dont la composition n'est jamais précisée. Mais dans la mesure où les parents sont désormais bien informés sur le risque que le déplacement fait courir sur la scolarité des enfants et sur les capacités de survie loin du réseau de solidarité constitué, ils ne sont pas enclins à renoncer à leur autonomie contre une vague promesse de relogement par des associations qui n'ont pas les moyens de la mission qui leur est confiée.

L'annexe 2 rédigée par l'Agence Régionale de la Santé (ARS) dont les agents ont visité les lieux pour rendre un rapport d'insalubrité se contentent de compter « plusieurs centaines de locaux à usage d'habitation ». Impossible d'en savoir plus.

La ministre déléguée aux Outre-mer se cale toujours sur l'objectif de détruire 1 300 cases durant les cent jours dévolus au Wuambushu 2, mais dans la mesure où seuls le gouvernement et ses représentants locaux contrôlent une information invérifiable, il est impossible de connaitre le nombre de personnes effectivement relogées. La presse, reprenant les indications de la préfecture, relate qu'entre 200 et 250 cases en tôle auraient été détruites. Qu'importe finalement le nombre d'habitants délogés puisqu'il n'est jamais question de les secourir, de les inclure dans un projet d'insertion d'ailleurs difficile à réaliser compte tenu des droits négatifs qui les frappent [9] ; seul vaut le nombre de logements à détruire à partir duquel sera évalué le succès de l'opération. Puisque personne ne compte, ni les journalistes, ni les associations neutralisées par la démesure des actions et la forfaiture des institutions, ni les autorités résolues à se concentrer sur des projets déshumanisés car sans humains dignes de ses décisions, le gouvernement ne risque plus de perdre la face.

Ainsi petit à petit, face à la permanence des brutalités qu'elle subit, la majorité des habitants de Mayotte s'habitue à la violence institutionnelle qu'elle affronte silencieusement. Sans doute les poussées de colère et de fureur s'expriment quotidiennement chez les jeunes qui font l'expérience, depuis leur plus jeune âge, qu'ils ont peu à perdre dont les actes de délinquance leur semblent le seul acte délibéré à leur portée. Mayotte est devenue pour les populations pauvres un État policier qui contrôle en permanence les identités et les visas dans une ile-frontière, qui exclut et renvoie dans les iles voisines, qui spolie les biens acquis « illégalement » dans des pratiques de pêche ou d'agriculture traditionnelles, qui poursuit et punit les solidarités et les systèmes d'entraide en tant qu'emplois non déclarés.

Les quelques-uns qui tirent avantage de leur position dans l'administration quasi-coloniale, principalement les fonctionnaires territoriaux, leurs parents et alliés, ne se privent pas de récriminer sans cesse contre l'État, non pour revendiquer une qualité de vie qui pourrait profiter à tous, mais pour exiger qu'on les débarrasse des indésirables qui envahissent leur territoire.

Une semaine après le début de « Mayotte Place Nette » et la démolition du quartier de Doujani, le préfet a procédé au démantèlement du campement de Cavani-stade. Ce démantèlement a simplement consisté à détruire les abris provisoires des migrants venus de l'Afrique des Grands Lacs, de fermer l'enceinte du stade et de condamner les sinistrés à se regrouper sur les trottoirs qui la bordent. Environ 300 personnes, hommes, femmes et enfants, vivent depuis à la rue dans le plus grand dénuement [10]. Pourtant le Gouvernement semblait résolu à gérer l'affaire de ce campement sans trahir ses obligations. A deux reprises, par les voix du ministre de l'Intérieur le 17 janvier et du premier ministre lui-même sept jours plus tard, il s'était solennellement engagé à respecter l'obligation internationale de protection à l'égard des réfugiés et des demandeurs d'asile. Le premier professa : « Il y a des gens qui sont réfugiés, qui sont reconnus comme réfugiés, je vais donner comme instruction de pouvoir les rapatrier dans l'Hexagone […] On a reconnu qu'[ils] avaient le droit à l'asile et mon travail est de les protéger désormais [11] » ; le second mit en garde la population contre les exactions éventuelles commises contre ces populations : « Le démantèlement du camp doit permettre le retour à un fonctionnement normal de l'ensemble des activités. C'est une attente forte des Mahorais, et nous le leur devons. Mais je veux aussi le dire : les violences à l'encontre des migrants ne sont pas acceptables [12] ».

Dès lors, le démantèlement du camp se fit de manière progressive en fonction des solutions : transfert des réfugiés vers la métropole et installation des demandeurs d'asile en hébergement d'urgence. Mais à la faveur du changement de préfet, le Gouvernement a renoué avec sa politique de brutalité à l'égard des populations vulnérables : démantèlement du camp sans solution pour les personnes mises à la rue le 21 mars.

L'État confirme ainsi son mépris du droit. D'une part il a défié l'ordonnance du tribunal administratif du 26 décembre qui rejetait la demande d'autorisation de démantèlement du camp de Cavani sans relogement préalable ; d'autre part il s'assied sans scrupule sur les déclarations ou engagements antérieurs prononcés au plus haut sommet de l'État.

Dans ce climat délétère qui fait place nette de tout scrupule moral et humanitaire, l'exemple du préfet qui détruit les abris des plus vulnérables qu'il a le devoir de protéger, est imité par des membres de collectifs de citoyens haineux et leurs recrues qui saccagent le campement de réfugiés à Massimoni, aux abords du siège de l'association Solidarité Mayotte. Ces brutalités, attribuées aux délinquants des quartiers voisins, commandités et rejoints par les riverains du village de Cavani, ont consisté à vandaliser les installations des Africains, à voler leurs biens, à brûler papiers et vêtements, matelas et bâches de protection, provoquant des incendies qui ont menacé le bâtiment associatif. Ces violences se sont répétées deux soirs de suite et ont contraint les migrants à rejoindre les sinistrés du camp de Cavani. Le responsable du campement raconte : « on a été attaqués par des monstres cagoulés la nuit du 21 avril. On a fui pour trouver refuge sur le trottoir qui longe le stade, avec ceux qui ont été chassés la semaine passée. »

Une maman, qui a fui le Rwanda il y a cinq ans avec sa fille aujourd'hui âgée de 13 ans scolarisée en collège, pleure sa détresse : « Ça ne va pas, on a été attaquée, on a peur, on a peur beaucoup, il faut prier. On a peur, la nuit, la journée. Ils sont venus pour nous tuer. Les policiers ils passent, les gendarmes ils passent, mais on a peur. J'ai la peur, je crois qu'on va me tuer avec mon enfant. Elle, ça ne va pas, je vais voir le psychologue parce que ça ne va pas. Je n'ai rien pour manger, il y a des gens qui viennent comme ça, qui me donnent un peu de pain. Mon enfant va abandonner l'école parce qu'elle ne dort pas, parce qu'elle ne mange pas. Ça ne va pas, ça ne va pas, je vais mourir avec mon enfant, j'ai fui mon pays, mon mari a été tué, je suis partie et on va me tuer ici. »

Ainsi il apparait que les autorités et les collectifs de citoyens dissimulés derrière des délinquants qu'ils rejoignent dans leurs forfaits contre les Africains livrés à eux-mêmes sans la moindre assistance, se sont tacitement associés pour faire place nette des migrants. Ni dans les instances judiciaires, ni dans la hiérarchie policière il ne s'est trouvé un responsable s'estimant légitime pour neutraliser, voire poursuivre et punir, les criminels qui ont ainsi pu semer la terreur deux soirs de suite sans la moindre retenue [13].

Tour à tour, les insatiables fauteurs de misère et de malheur, les élus et les autorités se sont relayés dans une connivence interminable. Le maire de Mamoudzou prend un arrêté d'interdiction d'occupation de la voie publique en vue de chasser les sinistrés des campements dévastés. Le vendredi 26 avril, au point du jour, la police et la gendarmerie sont intervenues pour disperser les gens regroupés sur les trottoirs. Il semble que l'aventure se soit terminée par une impasse.

La communication officielle parle à présent de nettoyage de la place.

Vers midi, dans un retour au calme précaire, un Congolais conclut : « finalement la préfecture et la Cadema [14] pour nettoyer et vider les poubelles ». D'autres se plaignent que leurs biens, papiers et argent, vêtements, ont été emportés en leur absence.

La politique en œuvre dans « Mayotte, Place nette », consiste simplement à rendre la terre inhabitable aux plus vulnérables, à ceux auxquels il n'est reconnu aucune place, devenus partout des indésirables. Dans les Outre-mer, et dans l'Hexagone.

[1] 35 habitants en 2019, 410 en 2020, 7800 en 2021, 598 en 2022, 1566 en 2023, et déjà 1175 en 2024. Voir à ce sujet les rapports annuels de la Ldh : « Mayotte, démolitions des quartiers pauvres sous couvert de la loi Elan ». Trois rapports ont d'ores et déjà été mis en ligne. Voir ici.
[2] « Arrêté n°2024-SG-303 portant évacuation et destruction des constructions bâties illicitement au lieu-dit quartier citadelle Mangajou, commune de SADA (23 pages) », Recueil des actes administratifs, Préfecture de Mayotte, voir ici.
[3] « Lancement des opérations “Place nette” XXL », Site de la police nationale, voir ici.
[4] Cette idée de régler les problèmes sociaux comme la délinquance et la pauvreté en déshumanisant semble érigée en valeur universelle.
[5] Le terme « décasage » désignait les soulèvements villageois violents contre les quartiers comoriens accompagnés de la destruction de leurs habitats. Les dernières survinrent en 2016. La loi Elan a signé le relais pris par l'État français dans ces exactions. Que le préfet et les journalistes suivis par la population reprennent le terme désignant ces exactions criminelles pour nommer les opérations de résorption de l'habitat insalubre ou illégal en dit long sur leurs intentions profondes.
[6] Jérome Talpin, « Mayotte, Marine le Pen polémique sur le nombre réel d'habitants ». Le Monde, du 5 et 6 mai 2024, p.10.
[7] Cliquer sur le lien suivant pour accéder au fil du préfet, voir ici.
[8] « Arrêté n°2023-SG-1015 portant évacuation et destruction des constructions bâties illicitement au lieu-dit DOUJANI périmètre haut et bas, commune de MAMOUDZOU », Recueil des actes administratifs, Préfecture de Mayotte, voir ici.
[9] Depuis le début des opérations de destruction, avant même la loi Elan, aucun des terrains libérés n'a été aménagé, ils sont retournés à la végétation. Il serait intéressant d'organiser des circuits touristiques à l'intention des journalistes pour constater ce phénomène.
[10] Lire à ce sujet mon précédent billet de blog : « Épilogue d'une revendication raciste : le démantèlement d'un camp de migrants », voir ici. L'histoire de ce campement a été relatée dans mes « Chroniques de l'inhospitalité » et dans divers billets antérieurs.
[11] « Le camp de migrants installé au stade de Cavani sera démantelé annonce ce mercredi le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. » Mayotte la 1ère, le 18 janvier 2024, lien ici.
[12] « L'État « déterminé » à évacuer le camp de migrants de Cavani, à Mayotte, assure Gabriel Attal », Mayotte la 1ère, le 24 janvier 2024, lien ici.
[13] Jérome Talpin, « Migrants africains à Mayotte : l'Etat face à la pression des collectifs de citoyens ». Le Monde, 30 avril 2024, voir ici.
[14] CADEMA : Communauté d'agglomération Dembeni, Mamoudzou,

Daniel Gros
Ancien Cpe du Lycée de Mamoudzou. Référent de la Ligue des droits de l'homme à Mayotte.

https://blogs.mediapart.fr/daniel-gros/blog/060524/mayotte-place-nette-vers-un-monde-inhabitable

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

« VEYE YO ! PINGA ! » – Déclaration de la diaspora haïtienne

14 mai 2024, par Coalition haïtienne au Canada contre la dictature en Haïti (CHCDH), Comité de Solidarité et de Résistance du Peuple Haïtien à Miami, Initiative citoyenne à New York pour soutenir l'accord du Montana — , ,
Le Conseil présidentiel de transition (CPT) a été installé le jeudi 25 avril dernier. Nous publions ci-dessous la Déclaration de la diaspora haïtienne de Miami, New York et (…)

Le Conseil présidentiel de transition (CPT) a été installé le jeudi 25 avril dernier. Nous publions ci-dessous la Déclaration de la diaspora haïtienne de Miami, New York et Montréal, suivi de la Déclaration de la Coalition haïtienne du Canada contre la dictature en Haïti comme contribution collective aux échanges avec les groupes de Miami et New York.

Tiré du Journal des Alternatives
https://alter.quebec/veye-yo-pinga-declaration-de-la-diaspora-haitienne/?utm_source=Cyberimpact&utm_medium=email&utm_campaign=Des-nouvelles-de-votre-plateforme-altermondialiste-preferee-

Par Coalition haïtienne au Canada contre la dictature en Haïti (CHCCD) -6 mai 2024

« Surveillez-les, arrêtez-les, il y a une loi pour ça ». Aujourd'hui, alors que le Conseil présidentiel de transition prend le pouvoir, il est crucial de rester vigilants !

Le peuple haïtien endure d'énormes souffrances. Nous refusons de retomber dans les mêmes erreurs qui ont causé notre situation actuelle. Les gangs continuent de semer la terreur en tuant, torturant, chassant les gens de chez eux, détruisant les hôpitaux, les universités, les commissariats de police, et bloquant les routes. Ils ont pris en otage l'État. La pauvreté et la faim se répandent. Notre capitale dépérit. Notre pays est en danger d'extinction.

Quand Dessalines parlait de « couper la tête, brûler la maison », il ne visait pas les maisons malheureuses, mais plutôt les misérables qui luttaient pour leur survie.

Durant ces trois dernières années, plusieurs organisations civiles représentatives du pays se sont réunies sous la bannière du groupe Montana pour proposer un changement radical s'opposant au régime PHTK. Ce régime qui, depuis 2010, a conduit le peuple vers la ruine, la mort, la corruption et l'impunité.

Le groupe Montana a fait de nombreuses propositions concernant la sécurité publique, la justice, la participation citoyenne et la décentralisation. Ces propositions ont servi de base à un accord politique facilitant la création d'un Conseil présidentiel transitoire pour promouvoir le changement.

Ce n'est pas toutes les propositions du Montana qui se retrouvent dans cet accord politique, mais ce groupe a compris qu'un COMPROMIS est nécessaire pour freiner cette machine de la mort et rétablir d'autres règles dans le jeu politique.

C'est une étape importante. À cet égard, nous saluons tous les participants ainsi que le CARICOM (Caribbean Community) qui ont rendu cet accord possible. Cependant, le peuple haïtien a beaucoup trop souffert pour que nous acceptions de jouer à ce jeu malicieux, et nous refusons que des acteurs peu crédibles soient une fois de plus au centre des affaires.
Le gouvernement démissionnaire d'Ariel Henri, qui est directement responsable de cette situation chaotique, a publié un décret formant le Conseil présidentiel de transition, en modifiant des détails importants de l'accord qu'ils avaient eux-mêmes signé.

NOUS EXIGEONS LA PUBLICATION DU TEXTE AUTHENTIQUE SANS AUCUNE MODIFICATION

Le gouvernement démissionnaire n'a aucun droit de modifier quoi que ce soit dans cet accord.

Nous estimons que le gouvernement de facto n'a aucune légitimité pour enseigner la Constitution aux citoyens. De même, nous pensons que ceux qui ont contribué à plonger le pays dans son état actuel ne peuvent pas prétendre être ceux qui le dirigent.

REGARDEZ-LES ! DÉMASQUEZ-LES ! Le peuple haïtien a trop souffert pour que nous tolérions un retour au même jeu corrompu où le pouvoir est détenu au bénéfice personnel, utilisant des gangs pour empêcher les gens de questionner l'origine de l'argent de Petro Caribbean.

L'Accord du Montana repose sur un ensemble de valeurs éthiques non négociables. C'est un document respecté nationalement et internationalement.

Ces valeurs doivent guider le conseil présidentiel de transition, tout en respectant la loi et la constitution de notre pays. En élisant les candidats du Montana au Conseil de transition, ces valeurs démontrent comment des élections transparentes peuvent se dérouler et également comment des Haïtiens de divers horizons peuvent s'asseoir ensemble, discuter et parvenir à un consensus en plaçant les intérêts nationaux au-dessus des intérêts personnels. C'est donc une source d'exaspération dans notre système actuel.

Nous, de la diaspora, soutenant l'accord du Montana, luttons contre toutes les politiques destructrices qui minent les institutions du pays depuis quatorze ans. Nous dénonçons les manœuvres dilatoires qui maintiennent le pays sur le chemin chaotique sur lequel il est.

Nous avons le droit de participer aux décisions qui nous concernent, nous, le peuple haïtien.

Nous avons besoin de deux personnes responsables pour diriger la transition avec succès : un coordinateur du conseil présidentiel et un premier ministre.

NOUS AVONS BESOIN DE PATRIOTES qui croient en notre pays, qui sont qualifiés et honnêtes, pour nous aider à sortir de la crise de mort et de destruction que nous vivons actuellement.

Le peuple haïtien souffre énormément. Il y a de l'espoir de changement. Ne le gaspillons pas.

NOUS RESTERONS VIGILANTS !

Groupes au sein de la diaspora haïtienne de Miami, New York et du Canada

Initiative citoyenne à New York pour soutenir l'accord du Montana : Daniel Henrys Daniel Huttinot Julien Jumelle, Lionel Legros Michèle Montas

Comité de Solidarité et de Résistance du Peuple Haïtien à Miami : Hudes Desrameaux, Abel Simon Zéphir.

Coalition haïtienne au Canada contre la dictature en Haïti : Jean-Claude Icart Chantal Ismé, Richard Mathelier, Dominique Mathon, Walner Osna, Alain Saint-Victor.

La position de la Coalition haïtienne du Canada contre la dictature en Haïti

Nous, de la Coalition haïtienne du Canada contre la dictature en Haïti, signataires de l'Accord de Montana du 30 août 2021, sommes très préoccupés par la manière dont la communauté internationale impose ses propres règles du jeu aux acteurs haïtiens dans la mise en place d'une transition continue.

Nous sommes d'accord sur le principe de transition que l'accord du 30 août supportait. La transition radicale a une série de principes et de caractéristiques fondamentaux qui la caractérisent. Des principes comme la reconquête de la souveraineté du pays ne peuvent être négociés. Conserver la souveraineté, c'est abandonner toute forme d'occupation.

La CARICOM (Caribbean Community), qui est censée jouer un rôle intermédiaire, semble, par ses actions, être un acteur politique intéressé qui agit selon l'agenda des puissances qui dominent le pays, en collaboration avec les politiciens et les organisations politiques à l'intérieur du pays. Dans cette logique, l'occupation transnationale s'impose comme condition d'établissement de la transition. Cela ne correspond pas du tout à nos convictions et à nos principes.

Une transition radicale doit être claire du choix des personnes qui y participent. En ce sens, nous continuons de croire que le PHTK et ses alliés n'ont pas leur place dans un gouvernement de transition visant à retrouver la souveraineté du pays et à établir les conditions permettant au peuple haïtien de vivre dans la paix et la dignité. C'est ce régime qui nous a mis dans le bourbier dans lequel nous nous trouvons, dans le but de démanteler de fond en comble toutes les initiatives et mobilisations populaires du pays qui nécessitent un changement de système.

Le dicton populaire « Renverser le chaudron » exprime clairement la volonté et la détermination du peuple haïtien d'établir un autre modèle de société. Par conséquent, les personnes et les organisations des « bandits légaux » du PHTK et de ses alliés soutenus par la « communauté internationale » sont les responsables du chaos et de la situation terroriste d'aujourd'hui depuis plus d'une décennie. Le peuple haïtien dit c'est assez. Le PHTK et ses alliés sous la dictée du Core Group (États-Unis, France, Canada…) ne peuvent être a la base du chaos, des problèmes pour ensuite chercher les solutions. Ils mettent le feu et redeviennent pompiers.

Cela fait 13 ans que le régime PHTK est au pouvoir et bénéficie des bénédictions des pays du Core Group (en particulier les États-Unis, la France et le Canada), le peuple haïtien ne manque jamais une occasion de jeter ces gens à la poubelle de l'histoire pour les crimes financiers, les massacres, la corruption et toutes les mauvaises actions commises contre le peuple. Une transition radicale nécessite des personnes et des organisations crédibles, qui ne sont impliqués dans aucune mauvaise action, drogue, délits financiers, enlèvements, meurtres ; des personnes qui n'ont jamais été condamnées par la justice nationale ou internationale.

Une transition radicale doit avoir des gens qui ne sont soumis à aucune sanction nationale ou internationale, des gens qui n'ont jamais lié leurs saucisses au régime criminel du PHTK et qui n'ont jamais servi les intérêts des pays étrangers. Cela signifie que cette transition n'a besoin que de personnes et d'organisations intégrées, crédibles, honnêtes, patriotiques, fortes, compétentes et qui feront passer les intérêts d'Haïti avant tout. En ce sens, nous sommes très préoccupés par la présence du Montana dans le collège présidentiel de la CARICOM, car l'initiative de la CARICOM ne répond à aucune démarche vraiment radicale. À notre avis, l'objectif est de mettre fin à toutes les initiatives haïtiennes pour que le pays accède à sa propre souveraineté et d'empêcher Haïti d'apporter une solution haïtienne à la crise créée dans le pays.

Nous constatons que toutes les manigances que la CARICOM exécute au nom de ses employeurs sont contraires à tous les principes fondamentaux de la transition. Tout ce qui se passe ici répond aux objectifs des pays opprimant Haïti de renouveler et renforcer le régime du PHTK et ses alliés qui répondent comme des proxénètes aux projets des pays dominants Haïti. De plus, c'est une astuce pour maintenir et renforcer la dépendance et la domination du pays. Accepter cela, c'est vendre le droit souverain du pays.

Comme Montana l'a dit dans son programme initial, Haïti a besoin d'une transition radicale venant des Haïtiens. C'est une transition qui doit au moins créer les conditions pour dé-ghoster le pays dans toutes ses coutures (notamment économiques et politiques), rapatrier la souveraineté du pays en organisant de véritables élections sans dictature étrangère ni oligarchie locale. Toutes les transitions doivent être claires pour le peuple haïtien à partir du choix des personnes et des organisations qui y participent.

Cette transition doit créer les conditions permettant aux gens de vivre en paix, dans la dignité et poser les bases pour que les gens vivent comme les gens, les bases pour que les citoyens voient et fassent la politique d'une manière différente dans le pays et créent les conditions des procès à mener sur tous les crimes financiers et le massacre contre le peuple haïtien.

Toutes les démarches de la CARICOM sont contraires à ce projet. Et en ce sens, nous pensons que l'accord du 30 Aout doit lancer un processus de communication permanent pour expliquer à toutes les organisations signataires et au peuple haïtien en général ce qui se passe.

Quand on constate que ce qui se fait est contraire au projet de transition radicale, cela nous inquiète beaucoup. Tôt ou tard, et c'est encore plus triste, nous continuons de croire qu'à la croisée des chemins où nous nous trouvons, tous les vrais patriotes et organisations progressistes ont la responsabilité historique et éthique de se rassembler et de s'unir dans un front uni pour empêcher le pays de tomber dans un piège qui renouvellera PHTK et ses alliés et démanteler toutes les initiatives démocratiques et populaires.

Nous devons unir nos forces comme des adultes pour faire aboutir le projet de transition. C'est un rendez-vous que nous avons avec l'histoire, réagissons maintenant et assumons notre responsabilité.

Haïti avant tout ! Vive Haïti souverain ! Vive la lutte du peuple haïtien ! Ceux qui combattent ne meurent pas !

Pour la Coalition
Alain Saint-Victor, Walner Osna.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Argentine. Grève générale du 9 mai : « Non à l’austérité, non à la Ley Bases »

14 mai 2024, par Movimiento de Agrupaciones Clasistas — , ,
La grève du jeudi 9 mai doit être vigoureuse. Elle enverra un message au gouvernement et à ses associés, mais sera aussi un point d'appui pour enclencher une continuité le jour (…)

La grève du jeudi 9 mai doit être vigoureuse. Elle enverra un message au gouvernement et à ses associés, mais sera aussi un point d'appui pour enclencher une continuité le jour où la Loi fondamentale (Ley Bases) sera examinée au Sénat. Ce jour-là, la CGT (Confederación General del Trabajo de la República Argentina) et la CTA (Central de Trabajadores de la Argentina) doivent appeler à une grève et à une mobilisation massives. Elle peut être gagnée. A bas la Ley Bases, la contre-réforme de la législation du travail, les privatisations, l'impôt sur les salaires, les attaques contre les retraites ainsi que l'éducation publique et les programmes sociaux.

Par le Movimiento de Agrupaciones Clasistas (MAC | PTS-Partido de los Trabajadores Socialistas – FIT-U-Frente de Izquierda y de los Trabajadores-Unidad + indépendants)

8 mai 2024 | tiré du site alencontre .org
http://alencontre.org/ameriques/amelat/argentine/argentine-greve-generale-du-9-mai-non-a-lausterite-non-a-la-ley-bases.html

***

Les raisons ne manquent pas pour lancer une grève totale et puissante le 9 mai. Ils détruisent les salaires, les pensions et les programmes sociaux, les licenciements se multiplient ainsi que des hausses de tarifs, autrement dit le plan de Milei et du FMI est contre le peuple. En outre, les gouvernants viennent d'adopter au parlement, avec le PRO-Propuesta Republicana [de Mauricio Macri] et les blocs collaborationnistes (y compris des députés du Parti justicialiste-PJ, péroniste), la Ley Bases et le paquet budgétaire. Cela attribue des pouvoirs spéciaux au gouvernement de Milei. Ce dernier impose une réforme de la législation du travail qui nous rend plus flexibles et nous enlève plus de droits. Il élimine le moratoire sur la retraite en augmentant l'âge de la retraite pour les femmes. Il s'oppose à la souveraineté énergétique. Il permet la privatisation d'entreprises publiques comme Aerolíneas et Ferrocarriles, parmi d'autres. L'impôt sur les salaires est rétabli et le monotributo social [loi qui permet d'avoir accès à des œuvres sociales et à un système de retraites] est éliminé, tandis que les avantages sont accordés aux riches, avec le blanchiment de capitaux et les promotions économiques.

Tout cela s'est produit suite à la passivité des directions syndicales, qui n'ont pas appelé de suite à la mobilisation [une grève générale a eu lieu le 24 janvier, il a fallu attendre le 9 mai pour un deuxième appel des centrales syndicales à la grève]. Les députés d'Unión por la Patria [coalition péroniste] se sont limités à voter contre la Ley Bases, sans appeler à la mobilisation. Leur objectif politique est d'administrer le pays au service du FMI et des grandes entreprises, mais avec un peu plus de régulation étatique, comme nous l'avons vu lors du gouvernement précédent d'Alberto Fernandez [décembre 2019-décembre 2023]. Ils ne veulent pas mettre en échec, par l'action des travailleurs et travailleuses, l'ensemble du plan de Milei.

Depuis le Frente de Izquierda, nous nous battons au Congrès avec nos députés, mais aussi dans la rue avec les assemblées de quartier, les organisations sociales et les syndicats. Nous avons des propositions pour mettre en échec les mesures d'austérité et ces lois.

Tout d'abord, la grève du 9 mai doit être totale et puissante. Pour cela, la grève des transports est essentielle, y compris l'UTA [Union Tanviarios Automotor, qui représente tous les travailleurs des transports publics de l'Argentine]. Sans cela, les patrons écraseront des millions de travailleurs et travailleuses, en particulier celles et ceux précaires et informels. La direction du syndicat UTA a assuré qu'elle adhérerait à la grève [1], mais nous savons qu'elle a souvent pas tenu ses engagements. C'est pourquoi la CGT doit garantir que toutes les lignes de transport se joignent à la mesure.

Deuxièmement, si la grève a cette force vitale et cette vigueur, nous serons mieux à même de lui donner une continuité jusqu'à ce que toutes les mesures du gouvernement soient annulées. C'est pourquoi nous appelons la CGT, le CTA et tous les syndicats à une grève générale et à une mobilisation lors de l'examen de la loi organique et budgétaire (Ley Bases y Fiscal) au Sénat, pour descendre dans la rue comme nous l'avons fait pour la défense de l'enseignement public. Le 23 avril, lors de la grève des syndicats de l'université et de l'éducation publique, nous étions un million dans les rues [voir sur ce site l'article publié le 24 avril].

Dans ce but, nous avons besoin d'organiser des assemblées sur tous les lieux de travail afin de discuter ensemble de la manière de gagner ce combat. La colère est là. Mais nous devons transformer cette force en un mouvement. C'est nous qui faisons bouger le pays. Et c'est nous qui pouvons préparer la grève générale qui nous permettra de mettre en échec tout le plan de Milei, du FMI et des grandes entreprises afin de faire avancer une solution ouvrière et populaire.

Nous vous invitons à vous joindre à cette revendication et à promouvoir la pétition que nous diffusons dans les syndicats et sur les lieux de travail : « Depuis la base, nous exigeons : Grève et mobilisation face au Congrès le jour où la Ley Bases y Fiscal est examinée au Sénat ! » (Article publié par La Izquierdia Diario le 7 mai 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Argentine : Deuxième grève générale en cinq mois

14 mai 2024, par Eduardo Lucita — , ,
L'Argentine vient de connaître sa deuxième grève nationale en cinq mois. Comme d'habitude, les bilans de la CGT et du gouvernement national sont différents. Pour la fédération (…)

L'Argentine vient de connaître sa deuxième grève nationale en cinq mois. Comme d'habitude, les bilans de la CGT et du gouvernement national sont différents. Pour la fédération des travailleurs, la grève a été énergique et a envoyé un message : cela ne peut pas continuer. Pour le gouvernement, la grève n'a pas atteint la dimension attendue et ne modifie en rien l'agenda et le cours général déjà esquissés.

11 mai 2024 | tiré de Viento sur

Une frappe à fort impact

Dans les médias officiels, il y a beaucoup d'arguments qui prétendent que la grève a été facilitée par le manque de transports, comme si les conducteurs de train, ceux qui conduisent des bus de moyenne et longue distance ou le personnel aéronautique ne faisaient pas partie de la classe ouvrière et que leurs syndicats n'adhéraient pas à la CGT ou aux centres alternatifs. Ils ont également appelé à la grève. Pour diminuer la dimension de la mesure de force, ils prétendent que certains magasins étaient ouverts (en fait, en particulier ceux qui vendent des produits anciens et certains supermarchés), mais ils ne disent rien que les quelques bus qui circulaient étaient presque vides et que les places et les parcs étaient remplis de familles entières comme s'il s'agissait de vacances.

L'appel de la CGT à une grève nationale s'est fait sans mobilisation, ce que l'on appelle habituellement ici une grève dominicale ; Cependant, dans de nombreuses villes de l'intérieur du pays, il y a eu des mobilisations, y compris des blocages de rues et de routes, que le gouvernement fait semblant d'ignorer.

La réalité indéniable est que les usines, les banques et les institutions financières, les écoles et les universités, de nombreux magasins, les différents moyens de transport ont été fermés ou n'ont pas fonctionné pendant 24 heures. Contradictoirement, le gouvernement a calculé que la grève a coûté 500 millions de dollars au pays, un calcul difficile à vérifier, comme beaucoup de données officielles, mais qui implique une reconnaissance implicite de ceux qui créent la richesse du pays que d'autres s'approprient.

Un nouveau lien

Le gouvernement insiste sur le fait qu'il n'y a pas de raisons à la grève, qu'il s'agit des intérêts personnels d'une direction syndicale très discréditée aux yeux de la société. Il y a un certain degré de vérité là-dedans, mais ce n'est pas une explication suffisante.

Pour l'instant, cette mesure de force est un nouveau maillon d'une chaîne de marches et de rassemblements, alors qu'en même temps il y a de multiples conflits syndicaux. Les rassemblements du 8M, Journée de la femme, et du 24M, l'anniversaire du coup d'État de 1976, ont été massifs, dépassant ceux des années précédentes, à la fois en nombre et en définitions politiques, mais ce sont des dates déjà inscrites dans l'agenda populaire. Au contraire, la manifestation 23A pour la défense des universités publiques et de l'éducation a été un événement politique majeur qui a pris le gouvernement par surprise. Deux mobilisations ouvrières complètent cette séquence. Le 24E, le syndicat a appelé à une grève nationale avec mobilisation. Une action inédite en raison de l'ampleur de l'appel (les deux CTA, les mouvements de défense des droits de l'homme, les mouvements de femmes, les écologistes, les minorités sexuelles et le retour des assemblées de quartier). Alors que le 1er mai, une foule de travailleurs a appelé, on estime que plus de 300 000 d'entre eux étaient présents, avec un document totalement critique à l'égard du gouvernement et ratifiant la deuxième grève nationale qui a eu lieu le 9 de ce mois. Tout cela en seulement quatre mois.

Les raisons de la grève

Avec les données officielles connues à ce jour, presque tous les analystes économiques n'hésitent pas à affirmer que la consommation a fortement chuté, que les dépenses publiques ont subi une réduction caractéristique sans précédent, que l'investissement est quasi nul pour l'instant et que les exportations sont dans l'attente d'une amélioration du taux de change ou d'une hausse des prix internationaux.

L'empressement du gouvernement à atteindre le déficit zéro signifie que depuis le 10 décembre, il n'a pas émis un seul peso ; Le résultat n'est autre qu'une récession, dont la profondeur et la portée sont plus grandes que ce que le gouvernement lui-même avait prévu, que de nombreux hommes d'affaires craignent de transformer en dépression.

La baisse des salaires réels, des retraites et des pensions, des programmes de protection sociale et des travaux publics est corrélée à la récession et à la perte d'emplois. Les dossiers du Secrétariat national du travail montrent une augmentation des demandes d'adhésion des entreprises aux procédures préventives de crise, un mécanisme installé à l'époque du ménémisme qui permet aux employeurs de suspendre ou de licencier des travailleurs sans coûts majeurs.

Tout cela est le produit de l'ajustement en cours, le plus grand de l'humanité selon le président Milei lui-même ; mais le projet de la LLA [La Libertad Avanza, le parti au pouvoir] va beaucoup plus loin. Elle implique une reformulation complète du pays en termes économiques, sociaux et politiques, ce qui implique un changement fort des rapports sociaux en faveur du capital.

C'est ce qui est implicite dans la Loi fondamentale et le paquet financier qui ont déjà la moitié de l'approbation des députés et qui sont maintenant discutés au Sénat. Bien que ces factures aient été réduites, elles maintiennent l'essentiel comme un régime plus que généreux d'incitations à l'investissement, une réforme de la loi sur les hydrocarbures adaptée aux compagnies pétrolières, une flexibilité du travail qui limite les compensations et légalise la fraude au travail, une réduction de l'impôt sur la fortune et un nouveau blanchiment plus permissif que les précédents. Avec la privatisation d'une douzaine d'entreprises publiques, ce ne sont là que quelques-uns des points qu'ils contiennent, qui, comme vous pouvez le constater, ne sont pas en faveur des travailleurs.

L'objectif n'est autre que de fournir un cadre juridique à ce que sont les exigences historiques des grandes entreprises. C'est l'explication de la raison pour laquelle le bloc des classes dirigeantes soutient ce gouvernement sans faille.

Il est à noter que des événements politiques de l'ampleur que nous traversons sont des signaux d'alarme pour le gouvernement, mais qu'ils ne l'amènent pas à modifier son agenda. Ils ne le font pas parce que le gouvernement n'a pas de plan B. À moins de petites concessions, il ne peut plus concéder au risque de mettre en péril son programme de grande envergure et de perdre le soutien des classes dominantes, de sorte que la confrontation avec les confédérations syndicales et le mouvement populaire se poursuivra jusqu'à ce qu'ils soient résolus en faveur de l'un ou de l'autre.

Ces faits n'ont pas pu être capitalisés par l'opposition jusqu'à présent. Cette absence d'alternatives politiques permet de maintenir des attentes pour l'avenir qui nourrissent l'adhésion au gouvernement, qui semble encore élevée.

C'est aussi l'explication de la raison pour laquelle cette grève nationale énergique est un nouveau maillon de la chaîne des mobilisations, mais pas le dernier. Le fait est que de plus en plus de secteurs de la société, à commencer par les syndicats, se rendent compte que le projet Milei implique une subordination totale au capital international, financier et extractiviste, réduisant le poids de l'industrie manufacturière et transformant le pays en une simple enclave d'exportation. Un pays soumis à la loi du profit, où la concurrence et l'individualisme seront dominants puisque le marché sera la mesure de la valeur de toutes les valeurs, un pays où les inégalités seront plus grandes qu'elles ne le sont actuellement.

Les grèves de la CGT et des autres confédérations peuvent servir de plate-forme pour forger les alliances tactiques nécessaires pour changer le rapport de forces en faveur des travailleurs. Et en cela, la gauche anticapitaliste est obligée de jouer un rôle décisif. C'est l'avenir de la nation et des classes subalternes qui est en jeu.

10/05/2024

Eduardo Lucita,
du collectif EDI – Économistes de gauche

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Brésil : Une tragédie historique et l’urgence de nouvelles perspectives

14 mai 2024, par Roberto Robaina — , ,
La catastrophe environnementale qui frappe le Rio Grande do Sul exige une solidarité immédiate et des mesures structurelles pour éviter qu'elle ne se reproduise. Tiré de (…)

La catastrophe environnementale qui frappe le Rio Grande do Sul exige une solidarité immédiate et des mesures structurelles pour éviter qu'elle ne se reproduise.

Tiré de Inprecor 720 - mai 2024
6 mai 2024

Par Roberto Robaina

Le Rio Grande do Sul vit la pire catastrophe environnementale de son histoire. Des dizaines de morts, des centaines de milliers de personnes luttant pour leurs conditions de vie, des déplacés, les quartiers les plus pauvres et les plus vulnérables sous les eaux.

Il faut renforcer la solidarité immédiate et la combiner avec la nécessaire mobilisation de la société autour d'une « nouvelle normalité » résultant du réchauffement climatique et de la dévastation de l'environnement. Une lutte contre le négationnisme climatique et contre les réformes néolibérales, qui réduisent les investissements sociaux destinés à défendre les populations les plus vulnérables.

Le modèle de développement basé sur la production de gaz à effet de serre est protégé et stimulé par l'agro-industrie, avec l'élevage extensif, la monoculture du soja et d'autres formes d'extractivisme prédateur. La destruction des biomes, des rivières et des forêts entraîne une dégradation de l'environnement. Il s'agit d'un problème concret, dont la facture est toujours payée par les plus pauvres.

Les tragédies du mois de mai ne sont qu'un nouveau chapitre. Le Rio Grande do Sul a connu ces derniers mois une série de catastrophes faisant des centaines de morts, comme celle de la vallée de Taquari en 2023 ou celle qui a frappé Porto Alegre pendant une semaine au début de l'année.

La ligne de l'extrême droite est évidemment négationniste sur le plan idéologique, mais elle a des implications politiques très concrètes. La politique de dérégulation de la législation environnementale et le lobby de l'agro-business rural ne font qu'aggraver les catastrophes environnementales, présentes ou à venir. La droite de São Paulo, par exemple, continue de s'appuyer sur le négationnisme pour privatiser un bien aussi précieux que l'eau, avec les négociations pour la vente de la SABESP au sein du conseil municipal de São Paulo. Et cette même bourgeoisie est incapable d'affronter les catastrophes lorsqu'elles se présentent.

Il faut agir maintenant pour sauver des vies et éviter que le peuple ne paie la facture

Des mesures urgentes s'imposent, un effort déterminé de solidarité active, avec plus de dons et la collecte de fournitures de première nécessité, de nourriture et de médicaments aux sièges des syndicats, des organisations de la société civile, des associations et des mouvements sociaux.

En outre, des actions sont nécessaires, qui vont de garantir immédiatement des conditions de base pour les personnes touchées – comme la suspension des factures d'électricité et d'eau pour les sans-abris, un plan d'installation et de logement d'urgence, des fonds pour la reconstruction de la logistique et des infrastructures, à un plan efficace de prévention des catastrophes. Dans le cadre du plan d'urgence, le pouvoir public a réquisitionné des embarcations, comme les motos aquatiques, les barques et les bateaux pour participer à l'effort de mobilisation.

Lula, Lira, Pacheco et les ministres ont rencontré Eduardo Leite dans le Rio Grande do Sul pour discuter des mesures budgétaires urgentes. Ce ne sont pas les pauvres qui doivent payer la facture de la tragédie, mais les riches, en mettant fin à l'ajustement fiscal et au plafond de dépenses prévus dans le cadre budgétaire. L'imposition des grandes fortunes pourrait être d'un grand secours.

Au delà de la solidarité – et nous demandons à tous nos lecteurs de participer à la campagne ci-dessous –, nous devons réfléchir à deux tâches supplémentaires. Nous avons besoin d'un nouveau modèle qui corresponde, malheureusement, à « la nouvelle normalité », avec une synthèse des propositions dans les domaines politique, social et économique. Comme le proposent déjà nos parlementaires, nous demandons des mesures qui exigent la suspension du paiement de la dette de l'État afin que ces ressources puissent être affectées à un plan de reconstruction, basé sur la petite propriété, l'agriculture familiale, une vaste réforme urbaine et la puissance publique comme garante des conditions de vie de la majorité.

La seconde est de renforcer – contre les négationnistes et les néolibéraux – la conscience que la réponse à la crise environnementale est une urgence et ne peut être répondue qu'en unissant la classe ouvrière et la jeunesse pour gagner une majorité sociale au service d'un autre projet, radical pour changer les couches les plus profondes du capitalisme néolibéral actuel, l'indéniable responsable de la catastrophe en cours.

Soutenez la campagne de solidarité avec les victimes des inondations dans le Rio Grande do Sul

Clé Pix : emancipamulher@gmail.com (au nom de Carla Zanella)

Point de collecte : Av. Senador Salgado Filho, 353, de 9h à 17h, à la permanence de la députée Luciana Genro et du conseiller Roberto Robaina (PSOL)

Le 5 mai 2024, publié par la revue Movimento, traduit par Luc Mineto.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Aux Etats-Unis, la remise des diplômes ne couvre pas la voix des étudiantEs mobilisés pour la Palestine

Au milieu d'attaques violentes, les manifestations pro-palestiniennes se poursuivent et perturbent les cérémonies de remise des diplômes. Hebdo L'Anticapitaliste - 707 (…)

Au milieu d'attaques violentes, les manifestations pro-palestiniennes se poursuivent et perturbent les cérémonies de remise des diplômes.

Hebdo L'Anticapitaliste - 707 (09/05/2024)

Par Dan La Botz

Lors de la cérémonie de remise des diplômes de l'université du Michigan, le 4 mai, par une belle journée de printemps, 62 000 personnes, amiEs et membres de la famille, se sont rassemblées pour assister à la remise des diplômes à 8 500 étudiantEs de premier cycle et 6 622 diplôméEs. Au début de la cérémonie, une cinquantaine de diplôméEs, portant des keffiehs et des drapeaux palestiniens, ont scandé : « Publiez, désinvestissez ! Nous ne nous arrêterons pas, nous ne nous reposerons pas. »

De nombreuses remises de diplômes ne se dérouleront pas normalement cette année. À l'université de l'Indiana, certains étudiantEs ont quitté la cérémonie. L'université de Californie du Sud a déplacé sa cérémonie de remise des diplômes hors du campus, au Los Angeles Memorial Coliseum. D'autres manifestations de ­diplôméEs sont attendues ce mois-ci.

Le mouvement des campus s'étend

Au cours de la semaine écoulée, le mouvement de soutien à la Palestine s'est étendu à 43 campus universitaires dans 25 États. C'est la plus important mobilisation de ce type depuis des décennies. Ces manifestations, souvent initiées par des étudiantEs palestiniens, ont été soutenues par des juifs ­progressistes et bien d'autres.

Sur la plupart des campus, les étudiantEs demandent à leurs universités de désinvestir les entreprises israéliennes, en particulier celles qui produisent du matériel militaire, de rompre les liens avec les institutions israéliennes et de soutenir un cessez-le-feu. Ils ont installé des campements appelant à la solidarité avec la Palestine et, dans l'ensemble, leurs manifestations ont été pacifiques, n'ont pas perturbé la routine du campus et n'ont pas menacé les autres étudiantEs. Bien qu'antisionistes, ces actions n'étaient pas antisémites, même si certaines interventions ont pu apparaître ambiguës voire relever d'un certain antisémitisme.

De nombreux administrateurs d'université, sous la pression des politiciens et de leurs donateurs, ont fait appel à la police, ce qui a conduit à quelque 2 300 arrestations dans tout le pays. À l'université de Columbia, où le mouvement a commencé, 112 personnes ont été arrêtées ; à l'université du Texas à Austin, 135 ; à l'université de l'État de New York à New Paltz, 130 ; à l'université Washington à St. Louis, Missouri, 100 ; et à Northeastern, Boston, 98.

200 personnes arrêtées à UCLA

À l'université de Californie à Los Angeles (UCLA), où des contre-manifestants violents ont attaqué le camp pro-­palestinien, quelque 200 personnes ont été arrêtées. La mère d'un étudiant, qui s'était rendue à l'UCLA pour être avec son fils, a décrit la scène dans un courriel que nous avons reçu.

« La “contre-manifestation” était en fait un rassemblement commun de sionistes enragés et de suprémacistes blancs, au nombre de 2 000. Ensuite, pendant trois nuits, des bandes d'hommes sionistes et leurs alliés des Proud Boys (un groupe fasciste violent) ont attaqué les manifestants toute la nuit, avec de la musique à plein tube, des lumières éblouissantes, des crachats, des épithètes racistes et homophobes, des jets de morceaux de bois et de tuyaux métalliques, des jets de gaz et de bombes lacrymogènes. Les flics étaient là. Juste là. Et ils n'ont rien fait. Quelques dizaines de jeunes ont été hospitalisés. L'administration s'est servie de ces attaques comme d'une excuse pour évacuer le campement », a écrit la mère. « Je suis très fière de mes enfants et des dizaines de milliers de personnes qui ont manifesté et des 200 qui ont été arrêtées. Ce n'est pas fini. Palestine libre, libre ! »

Biden ne plie pas

Tous les administrateurs d'université n'ont pas fait appel à la police. Plusieurs d'entre eux ont déclaré que leur travail consistait à protéger la liberté d'expression et à maintenir un campus où elle pouvait avoir lieu. Ils ont négocié avec les étudiantEs, acceptant généralement que leurs revendications soient présentées au conseil d'administration de l'établissement, notamment à Vassar (New York), à l'université Brown (Rhode Island), à l'université Northwestern (Illinois), à l'Evergreen State College (Olympia, Washington), à l'université Rutgers (New Brunswick) (New Jersey) et à l'université du Minnesota (Minneapolis).

Le président Biden s'est prononcé sur les manifestations. « D'abord, il y a le droit à la liberté d'expression et celui de se rassembler pacifiquement et de faire entendre sa voix. Ensuite, il y a le respect de la loi. Les deux doivent être respectés. » Mais Biden a aussi déclaré que les manifestations ne changeront pas sa position.

Les étudiantEs affirment qu'ils poursuivront leurs mobilisations. Mais après la remise des diplômes, les campus se videront. Si le mouvement doit se poursuivre, les étudiantEs, désormais hors du campus, auront besoin de ­nouvelles stratégies.

Traduction Henri Wilno

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Aux États-Unis, les étudiants se soulèvent pour la Palestine

14 mai 2024, par Abdourahman A. Waberi — , , ,
Depuis plusieurs jours, les étudiants occupent les campus des grandes universités étatsuniennes pour protester contre les crimes d'Israël à Gaza et contre la complicité de leur (…)

Depuis plusieurs jours, les étudiants occupent les campus des grandes universités étatsuniennes pour protester contre les crimes d'Israël à Gaza et contre la complicité de leur gouvernement. Enseignant à Washington dans l'une de ces facultés, l'écrivain Abdourahman A. Waberi est un témoin privilégié de cette mobilisation historique.

7 mai 2024 | tiré d'Afrique XXI | Photo : La statue de Georges Washington a été recouverte d'un keffieh et d'un drapeau palestinien par les étudiants de la GWU. DR
https://afriquexxi.info/Aux-Etats-Unis-les-etudiants-se-soulevent-pour-la-Palestine

« Quand votre maison brûle, vous n'attendez pas quelques années pour commencer à éteindre l'incendie », Greta Thunberg.

Tout a commencé par un courriel alarmiste envoyé à toute la communauté de George Washington University (GWU), à laquelle j'appartiens depuis le 1er janvier 2012, qui compte près de 30 000 personnes dont 26 000 étudiants. Fondée en 1821, notre université privée est la plus ancienne de Washington DC, c'est un fleuron qui rivalise aujourd'hui avec la cossue Georgetown University. Si on était à New York, on pourrait comparer la première à New York University (NYU) et la seconde à Columbia University, mais nous sommes à Washington DC, capitale du pays depuis 1800.

Bâtie sur un terrain marécageux offert par George Washington, le riche planteur et chef militaire devenu premier président des États-Unis, GWU possède un atout exceptionnel : sa position stratégique et son accès aux cercles du pouvoir. Son campus est au cœur du quartier historique de Foggy Bottom, soit à quelques rues de la Maison-Blanche. Des grandes institutions internationales comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international sont mitoyennes tandis que nombre de ministères comme le Département d'État, sis au Harry Truman Building, se trouvent à moins de deux kilomètres. C'est dire combien le quartier est sous haute surveillance de jour comme de nuit. Les véhicules de la police, les caravanes de convois officiels sont tellement familiers que les étudiants n'y font plus attention.

Cette effervescence paraît tout à fait normale dans beaucoup de quartiers washingtoniens. Là où j'habite à South Capitol Metro, je tombe sur la brigade canine le matin, mais pas le soir, quand je rentre chez moi. La circulation est fluide l'après-midi, les agents fédéraux quittent les bureaux du Capitole. Les plus jeunes montent les marches quatre à quatre. Les autres se laissent porter par l'escalator. Foggy Bottom Metro est le point de passage pour me rendre à mon bureau avant de rejoindre mes étudiants. Sur le chemin, un gobelet de café à la main, chacun vaque à ses occupations.

Ça y est, ils sont là !

Quand le courriel est arrivé, le jeudi 25 avril à 10 h 30, c'est son titre alarmant et équivoque qui a attiré mon attention. J'ai mis un petit moment avant de saisir la portée de son message. Les étrangers, plus généralement les gens peu familiers du langage bureaucratique, ont de quoi se creuser le ciboulot : « Campus Advisory : First Amendment Activity on Foggy Bottom Campus » (« Avis sur les campus : Activité relative au premier amendement sur le campus de Foggy Bottom »). Le muscle de cette phrase repose sur le segment « First Amendment Activity ». Il recouvre toute activité à caractère politique ou religieux, rassemblant des gens dans la rue. Les rassemblements, les pétitions, les distributions de tract ou les prises de parole sont des activités garanties par le fameux amendement.

Trois phrases plus tard, le style de l'auteur du courriel se fait plus limpide. Ce matin, des étudiants de GWU se sont rassemblés sur la place University Yard et y ont planté des tentes. Des agents de la police de l'université et des hauts responsables discutent avec les étudiants. Suit un rappel du protocole de sécurité et de la protection des biens. Ça y est, ils sont là !

Nous sommes le 25 avril au matin. Nul ne pouvait imaginer que quelques jours plus tard, Gilad Erlan, l'ambassadeur d'Israël aux Nations Unies, déclarerait devant l'Assemblée générale de l'ONU que le Hamas se cache dans les universités américaines : « Nous avons toujours su que le Hamas se cachait dans les écoles. Mais nous n'avions pas réalisé qu'il n'y avait pas que des écoles à Gaza. Il y a aussi Harvard, Columbia et de nombreuses universités d'élite ». Pareille déclaration pourrait faire rire aux éclats en temps normal. Mais nous ne sommes pas en temps normal. Nous ne sommes plus en temps normal. Et pas seulement depuis le 7 octobre 2023, après que le Hamas a lancé ses horribles attaques sur le sol israélien.

Les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie ne connaissent depuis 1947 que l'occupation, les privations, les humiliations, la prison et la mort. Depuis sept mois, c'est la mort familière qui hante tous les Palestiniens de l'intérieur et de la diaspora, unis dans la même peur et la même angoisse. La mort, de nuit et en plein jour, à toute heure. La mort tombée du ciel, par bombardements sans trêve. Un génocide en direct. En son et en images. Un génocide payé en partie avec les milliards de dollars américains collectés par le fisc, dont une part provient des sommes reçues par les universités au titre des frais de scolarité. Des frais de scolarité astronomiques [plus de 60 000 dollars par an en règle générale, soit plus de 55 000 euros, NDLR] qui forcent les étudiants à s'endetter pour des décennies. Et ces derniers veulent mettre un terme au génocide.

« Always Historicize ! »

Tout cela n'a pas commencé hier mais en 1947. Et si on ne veut pas ajouter de l'incompréhension à la déroute intellectuelle et à la dérive génocidaire du gouvernement israélien, il faut remonter le temps, revenir aux enseignements tirés du passé et expliquer encore et encore - n'en déplaise aux Manuel Valls de toutes les contrées ! Il faut pour le dire avec les mots de Fredric Jameson, le plus célèbre des marxistes américains, professeur de littérature comparée à Duke qui a marqué des générations d'étudiants et d'enseignants : « Always Historicize ! » (« Toujours historiciser ! ») Mettre en ordre et en perspective avec les outils de la science historique.

Jameson outille son lecteur d'une grille qui permet de dénicher dans une figure deux réalités incommensurables, deux codes indépendants, deux pôles asymétriques. Ainsi, il faudrait tenir d'une main un livre d'histoire et de l'autre le journal sorti la veille. Les révoltes pacifiques des étudiants américains de ces dernières semaines s'expliquent par des facteurs historiques qui sont connus de tous les jeunes activistes d'aujourd'hui.

Les révoltes sont d'abord des occupations de bâtiments, de halls, de jardins, de parcs soustraits provisoirement à l'autorité de la présidence de l'université et déclarés « zones franches », « territoires libérés ». Les thèmes de l'occupation et de la libération constituent le fil directeur des récits en circulation sur tous les camps (le terme « encampment » est plus dynamique) qui ont fleuri sur les campus américains. Cette vague de campements propalestiniens n'est pas sans parenté, loin de là. Elle s'inscrit dans une longue tradition qui, pour rester dans les six dernières décennies, va des grandes manifestations pacifistes pour les droits civiques et contre la guerre du Vietnam de 1968, à l'onde de choc « Black Lives Matter » de 2013, en passant par le mouvement « Occupy » qui a démarré le 17 septembre 2011 dans le parc Zucotti tout en bas de Manhattan avec une poignée de personnes qui ne se connaissaient pas.

Un mouvement est né ce jour-là. Il a son slogan : « We Are the 99 % » (« Nous sommes les 99 % »). Il va se répercuter jusqu'à Oakland en Californie, faire pousser des campements devant les townhalls de bourgades improbables, infuser les consciences, puis disparaître pour laisser la place à une nouvelle vague animée par une nouvelle génération d'organizers - le terme d'organisateur fait pale figure, fomenteur est trop louche, praticien, suggérerait le camarade Lénine s'il était de ce monde. Il y a une ligne droite entre les révoltes d'hier et celle d'aujourd'hui.

Le cap de la boussole morale

Au-delà - peut-être même à cause - de son immense fortune, Columbia University (et son affilié le Barnard College) est resté un volcan actif. Si les revendications des étudiants de la décennie 1960 ont un écho mondial, celles des années 1980 n'étaient pas moins nobles. L'enjeu était immobilier et concernait des pans entiers de Harlem qui ont été vidés de leurs habitants noirs puis revendus avec une grosse plus-value. Ce phénomène appelé « gentrification » s'exportera facilement. En 1985, de nombreux étudiants vinrent aux secours des habitants expulsés de leur logement. La même année, les mêmes ou d'autres tenaient la dragée haute à l'administration en l'invitant à boycotter l'Afrique du Sud. Les massacres de Soweto avaient provoqué une vague d'indignation sans précédent. Quelques mois plus tard, l'université se décidait à couper ses liens avec le régime d'apartheid après des années d'atermoiements.

En 2024, les étudiants tissent les liens entre justice climatique, critique de l'institution carcérale, rejet de toute forme de racisme, combat pour la dignité des migrants et lutte pour l'autodétermination de la Palestine. À chaque crise, la part la plus progressiste du corps enseignant s'est levé pour défendre les libertés académiques et protéger les jeunes gens qui ne font que tester la portée de l'enseignement reçu. Et nous sommes, à l'heure où j'écris ces lignes, en cette 11e journée d'occupation, 460 professeurs et personnels à avoir signé la pétition intitulée « DMV Faculty for Academic Freedom » pour protéger les étudiants qui s'indignent devant le martyr de Gaza.

La lettre ouverte à l'adresse des présidents des universités de l'agglomération appelée DMV [1]
rappelle combien le sursaut de nos étudiants donne le cap de la boussole morale du moment, marqué par la campagne génocidaire menée par Israël contre les Palestiniens à Gaza notamment, à travers des massacres, des destructions généralisées et d'autres actes susceptibles d'être condamnés par la Cour internationale de justice.

Les messages de ces étudiants sont basés sur une compréhension de notre bien-être collectif et, souvent, sur une objection de principe à ce qui l'entrave. En tant que professeurs, nous prenons au sérieux notre obligation de préparer nos étudiants au leadership, à la pensée critique, à la citoyenneté mondiale et à l'engagement politique dans une société de plus en plus divisée et inégalitaire. Le but d'une université est d'encourager par tous les moyens l'expression ouverte et libre de la parole afin de défendre les idéaux démocratiques d'une société. L'Université George-Washington, tout comme les universités du DMV et des États-Unis dans leur ensemble, échoueront dans leurs promesses et leurs engagements les plus fondamentaux si elles continuent à réprimer, arrêter, suspendre et étouffer la liberté d'expression et l'activité politique de leurs étudiants.

Le commissariat pour les brimades et les interrogations

Nous condamnons toute décision de GWU visant à interdire les rassemblements d'étudiants et à restreindre l'accès au campus. Nous ne tolérerons pas l'utilisation de présomptions infondées de sectarisme pour intimider, punir et faire taire nos étudiants. En tant qu'enseignants, nous ne tolérerons pas la criminalisation des manifestations pacifiques sur nos campus. Les étudiants qui participent aux manifestations aujourd'hui maintiennent et renforcent la fière tradition de protestation, de dissidence et de liberté d'expression si chère à George Washington et aux révolutionnaires d'illustre mémoire. Si l'administration actuelle choisit de leur faire obstacle, elle se placera du mauvais côté de l'Histoire. Tous nos étudiants sont membres du Consortium des universités de la région métropolitaine de Washington. Leur action collective est conforme à la mission du consortium qui consiste à défendre tous nos membres.

Nous appelons donc les conseils d'administration, les présidents et les administrations des collèges et universités du DMV et du pays dans son ensemble à s'engager à nouveau en faveur de la liberté d'enquête, d'expression et de mouvement sur les campus, qui sont les piliers de l'académie américaine depuis des décennies. Alors que les massacres de Palestiniens et les destructions généralisées se poursuivent à Gaza, les signataires de la pétition exigent également que l'administration assume sa responsabilité pour défendre les manifestants pacifiques, faire respecter la liberté académique et rejeter toutes les pressions visant à bloquer l'accès et à criminaliser les campements et les manifestations pacifiques.

Je me suis contenté de traduire de longs paragraphes de la pétition pour donner à voir les grandes lignes du plaidoyer et les points saillants du contexte historique. Le contenu de cette lettre n'est pas singulier, on le trouve peu ou prou dans la bouche des nombreuses personnalités qui ont soutenu la révolte des campus. La militante iconique, professeure émérite de UC Santa Cruz (Californie), Angela Davis, a affirmé son admiration, puis délivré le même message aux étudiants de Brown (dans la ville de Providence, État de Rhode Island), le 25 avril, quelques heures avant que l'étincelle allumée à Barnard et Columbia (New York) n'embrase la plaine des universités de la Côte Ouest, puis du reste du pays.

De facto, la situation s'est tendue sur les campus, à cause de la police ou des militants pro-Israël qui cherchent à provoquer des heurts ou lancer des attaques. À grand renforts, la police new-yorkaise a bouclé tout le quartier autour de Columbia le 31 avril en fin d'après-midi. À la tombée de la nuit, elle a brisé l'occupation pacifique du Hamilton Hall à Columbia, maltraité les étudiants et en a parqué plus d'une centaine dans des véhicules sous les cris et les pleurs de leurs camarades. Puis ce fut le commissariat pour les brimades et les interrogations. Cette nuit du 31 avril fut un choc national. Du côté des étudiants et dans une grande partie de l'opinion nationale, le maire de New York, Eric Adams, et la présidente de l'université, Minouche Shafek, ont été tenus pour responsables du fiasco. Pourtant, pas loin de là, à Brown, autre institution d'excellence, la principale revendication portant sur le désinvestissement et l'arrêt de toute relation avec l'État d'Israël a été actée après un vote et les étudiants ont levé le camp dans un climat euphorique. Preuve que la répression n'est pas la solution.
La mort d'Aaron Bushnell [2] et de Rachel Corrie [3] ne sera pas vaine.

La tête et le cœur entre Paris et Washington

Pour étouffer l'indignation et la colère estudiantines dans l'œuf, c'est au tour des grands médias et de l'élite politique de passer à l'attaque à coup de mensonges, de faits tronqués ou maquillés. Une vedette de CNN ment effrontément en opérant un numéro de jonglage destiné à faire passer des sbires pro-Israël qui ont attaqué les étudiants pour les victimes. Le président Joe Biden a condamné le climat de violence sur les campus, en considérant tout propos critique à l'encontre du régime de Benyamin Netanyahu comme un geste antisémite. Pour labourer le terrain de la criminalisation, une nouvelle loi (Antisemitism Awareness Act) est votée dans la foulée. Quiconque veut donner l'assaut final sur un campus au fin fond de la Géorgie n'aura plus qu'à évoquer des motifs de sécurité.

Le lendemain, le 1er mai, l'argument avancé par le maire de New York sur le thème usé de l'infiltration d'éléments extérieurs, fauteurs de troubles, s'est écroulé en direct quand l'édile a été incapable de produire une seule preuve (à part des livres et des chaînes de vélo présentées par la police comme étant des armes) ou de citer le nom ne serait-ce que d'un fauteur de troubles venu de l'extérieur. En France, on retrouve les mêmes raccourcis, les mêmes partis pris. La même chape de plomb, le même déni. L'occupation de Science Po à Paris enrage les « belles personnes ». Sur les plateaux, rares sont les témoins connaissant les campus américains comme Thomas Dodman, historien et professeur à Columbia. Son passage à l'émission C ce soir, le 2 mai, fut un petit moment miraculeux (voir ci-dessous). https://twitter.com/i/status/1786282040473899394

J'ai la tête et le cœur entre Paris et Washington. Comme tous les gens sensés, je fuis les grands médias étatsuniens et français. Je me pince à chaque fois que je tombe sur les têtes de gondole des talk-shows. Je préfère regarder le monde avec mes yeux.

Le droit à la beauté

Tous les deux jours, je rends visite au campement installé à U Yard. À cause de sa position stratégique, à quelques blocks de la Maison-Blanche, les étudiants pacifistes de l'agglomération ont prêté main forte aux nôtres, au nez et à la barbe de l'administration. Le campement attire les journalistes et les politiciens en mal de visibilité. Il faut préciser que le site est cogéré par une dizaine de collectifs provenant des universités locales (Georgetown, American, George Mason, Howard, Catholic, Gallaudet…) avec une efficacité et une harmonie tout simplement remarquables.

La première fois, j'y suis allé juste pour prendre la température et j'ai fini par suivre un concert de musique orientale d'honnête facture. J'y suis retourné le surlendemain et je suis tombé sur une fête grecque orthodoxe liée à Pâques. J'ai échangé avec un de mes meilleurs étudiants qui, sac de couchette sous le bras, m'a montré du doigt sa tente. J'ai pris quelques photos avant de partir. La troisième fois, je suis passé en coup de vent car il pleuvait dru. Le soir, j'ai écouté une petite vidéo où une étudiante de Gallaudet [4] s'exprimait par signes en mettant en avant l'inclusion et la lutte contre les discriminations.

La dernière fois, le 3 mai, j'ai trouvé le campement plus grand, plus ordonné et plus beau. Les allées étaient balayées, dégagées et décorées. Le fameux droit à la beauté si cher aux communards m'est revenu à l'esprit. Il faut lire La forme-Commune. La lutte comme manière d'habiter des excellentes éditions La Fabrique (2023). Son autrice Kristin Ross, professeure émérite de littérature comparée à NYU, a travaillé sur le présent de la Commune de Paris (1871) et sur la poésie d'Arthur Rimbaud tout en traduisant en anglais les ouvrages du philosophe français Jacques Rancière.

J'observe d'un œil les multiples activités militantes, créatives et spirituelles. Il fait beau. Des étudiants prennent le soleil, leur portable sur les genoux. Des stands proposent de la nourriture gratuite. Le stand des medics est calme et tant mieux. Des interviews ici et là. Les voitures de la police et les effectifs tout autour font partie du décor. À zigzaguer entre les tentes, je me fais cette réflexion : « Quel paisible tableau ! » On y prend goût ! Je ne trouve pas que la statue du président George Washington qui se trouve au milieu du camp a été des-sacrée comme disent les détracteurs. Les drapeaux palestiniens autour de sa tête et de son cou ne sont pas que des gestes symboliques, carnavalesques. Rien à voir avec un coup de savate ou un lancer de missile.

Avant de partir, j'ai envoyé un SMS enjoué à un ami en lui rappelant le titre du morceau légendaire qui a fait connaître le groupe de rap Public Enemy en 1988.

« Don't Believe The Hype ! » (« Ne croyez pas à tout ce qu'on vous raconte ! »)

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre


[1] istrict de Washington en symbiose avec une bonne part du Maryland et la frange septentrionale de la Virginie

[2] Vêtu de son uniforme militaire, ce jeune homme de 25 ans s'est immolé par le feu le 25 février 2024 devant l'ambassade d'Israël à Washington. Il voulait protester contre le soutien des États-Unis à Israël.

[3] Rachel Corrie (1979-2003), étudiante et activiste pacifiste étatsuninenne, a été écrasé par un bulldozer israélien alors qu'elle tentait de venir au secours d'une famille palestinienne expulsée lors de la deuxième Intifada. Son université, Evergreen State College, s'est engagée à cesser tout investissement et toute collaboration avec l'État israélien. Quantité de chansons, portraits, films, récits lui ont été dédiés.

[4] Institution semi-publique accueillant des étudiants sourds et malentendants.

États-Unis. Les étudiants bousculent la complicité des universités avec Israël

Du jamais-vu depuis les années 1970 : malgré les accusations d'antisémitisme et la répression, les étudiants américains se mobilisent en masse, y compris au sein de la (…)

Du jamais-vu depuis les années 1970 : malgré les accusations d'antisémitisme et la répression, les étudiants américains se mobilisent en masse, y compris au sein de la communauté juive. Ils réclament notamment l'arrêt des financements de leurs universités par les marchands d'armes servant à massacrer les Palestiniens. Les manifestations sont si importantes que Joe Biden a dû menacer Tel-Aviv de suspendre certaines de ses livraisons d'armes.

Tiré d'Orient XXI.

Shany Littman, journaliste israélienne, s'inquiète : « Où sont les étudiants protestataires israéliens contre la guerre à Gaza ? » Alors que les campus américains s'enflamment, dans les universités israéliennes, c'est le « calme plat » (1). En période de préparation des examens, on ne quitte la bibliothèque que pour se sustenter à une terrasse au soleil. Les assassinats massifs de Gazaouis n'intéressent pas les étudiants. Enfin si, note-t-elle : depuis le 7 octobre, la seule manifestation sur un campus a été menée par Im Tirtzou (« si vous le voulez » en hébreu), un mouvement colonial venu exiger l'expulsion des universités de professeurs non conformes à ses vues, en particulier Nadera Shalhoub-Kevorkian, spécialiste des violences familiales et l'une des rares enseignantes palestiniennes de l'université de Jérusalem.

Constatant que les professeurs israéliens se soucient du risque croissant de boycott à leur encontre réclamé par les étudiants américains, Littman estime qu'ils feraient mieux de s'inquiéter de ce qui se passe à Gaza et de se mobiliser « comme à Columbia et à Yale ». Sinon, pourquoi l'académie « ne resterait-elle pas identifiée au gouvernement israélien et à ses politiques destructrices ? », s'interroge-t-elle.

Les grandes industries américaines

La mobilisation contre Israël sur les campus états-uniens est inédite depuis celle contre la guerre du Vietnam des années 1970 — à cette différence près qu'à l'époque, des jeunes américains étaient mobilisés et risquaient donc de rentrer morts ou blessés. Cette contestation surgit sur un fond strictement politique : comme l'écrivait il y a plus de vingt ans l'historien anglo-américain Tony Judt, Israël apparait aux manifestants étudiants comme « un anachronisme » (2), un État d'un autre temps, à la fois ethniciste et colonial, l'un des derniers de la planète. C'est pour ce motif qu'ils s'insurgent contre ce qu'il advient à Gaza.

Ceux qui manifestent exigent une « gestion éthique » des avoirs des universités, en particularité des plus riches. Ainsi, la dotation dont disposait Columbia en 2023 atteignait 13,64 milliards de dollars (12,66 milliards d'euros). Or une partie non négligeable de cet argent est investi dans des portefeuilles d'actions incluant des sociétés de fabrication d'armes et d'autres fournitures qui participent à la colonisation israélienne. Un financement qui a souvent pour contrepartie la présence des dirigeants d'entreprise dans les conseils d'administration des universités privées. Larry Fink, PDG de BlackRock, le plus grand gestionnaire d'actifs au monde, siège à celui de l'Université de New York (NYU). Tout comme des dirigeants de sociétés d'armements dans de nombreuses universités.

Résultat : le 17 avril 2024, le comité consultatif de la responsabilité des investisseurs de Yale (ACIR) a annoncé qu'il ne recommanderait pas à ses administrateurs de se priver des fonds des fabricants d'armes américains parce que, selon lui, cette industrie n'a pas « atteint le seuil de ‘‘préjudice social grave”, condition préalable au désinvestissement ». À Gaza, a-t-il estimé, les armes fournies à Israël soutiennent « des utilisations socialement nécessaires, telles que l'application de la loi et la sécurité nationale » (3). Un cas parmi d'autres.

Le mouvement engagé concerne donc autant les grandes industries américaines que les universités. En premier lieu parce que les groupes du « secteur militaro-industriel », comme Boeing, Raytheon, Northrop Grumann, Lockheed Martin ou General Dynamics figurent parmi les grands donateurs des universités et les fournisseurs d'emplois de leurs laboratoires. Ces institutions académiques se trouvent ainsi directement intéressées à la poursuite de la livraison gratuite d'armes au pouvoir israélien (pour 4,2 milliards de dollars annuels, soit 3,89 milliards d'euros). L'un des premiers rassemblements étudiants en appui à la cause palestinienne qui a eu lieu le 22 avril à NYU s'est focalisé sur deux exigences : la rupture du rapport financier de l'université avec les fabricants d'armes utilisées par Israël à Gaza, et la fermeture de son campus ouvert à Tel-Aviv, en raison des liens avec la colonisation des territoires palestiniens.

Être « américains juifs » sans interférence d'Israël

Les références les plus souvent utilisées par les étudiants sont la ségrégation raciale aux États-Unis, abolie en 1965, la guerre du Vietnam, perdue en 1975, et l'apartheid sud-africain, aboli en 1990. Autant de situations où l'alliance du colonialisme et du suprémacisme racial a été vaincue. L'État d'Israël leur apparait comme une manifestation tardive, incongrue et inadmissible d'un suprémacisme ethnique là aussi ancré dans un colonialisme initial.

Ces manifestations s'insèrent dans un mouvement de distanciation de la jeunesse vis-à-vis de ce pays qui a commencé dès les années 2000, et dans lequel les jeunes juifs ont joué un rôle important. Cette distanciation n'a fait que croître, le long de deux grandes lignes de force. L'une, politique et minoritaire, est radicalement hostile au caractère colonial de l'État israélien. L'autre, plus communautaire, souligne la volonté de vivre en tant qu'« Américains juifs », sans interférence d'Israël ni soumission à son égard. Les deux apparaissaient aux dirigeants de Tel-Aviv comme une menace pour le sionisme, qui a toujours ambitionné d'être l'unique représentant de la totalité des juifs du monde.

Le phénomène le plus marquant chez les jeunes juifs américains est l'accroissement exponentiel du nombre des adhérents aux organisations antisionistes ou non sionistes qu'a suscité la guerre à Gaza. Une association comme Jewish Voice for Peace, fondée en 1966 et antisioniste assumée, n'avait que très peu d'adhérents et une audience très limitée. La moyenne d'âge de ses adhérents était élevée. Depuis quelques années, elle a vu poindre de jeunes adhérents, et des milliers depuis la guerre à Gaza.

Le cas de la revue Jewish Currents est encore plus spectaculaire. La lettre hebdomadaire de son journal en ligne dirigé par Peter Beinart, un universitaire issu du sionisme qui a publiquement rompu avec cette idéologie en juillet 2020, disposait de 34 000 abonnés à l'automne dernier. En sept mois, leur nombre est passé à 300 000.

Beinart a publié le 28 avril un article en défense des étudiants américains. Son titre dit tout de son contenu : « Les manifestations sur les campus ne sont pas parfaites, mais nous en avons désespérément besoin » (4). Il y déplore l'ignorance ou l'outrance de certains manifestants qui s'aventurent sur des terrains fleurant l'antisémitisme, mais il dénonce la menace, beaucoup plus grave à ses yeux, des tentatives permanentes de réduire toute critique de la guerre menée par Israël à une résurgence de l'antisémitisme. Il note en particulier qu'elles émanent souvent de cercles juifs qui, par ailleurs, n'ont aucune réticence à s'acoquiner avec des suprémacistes blancs affichés. Ainsi Beinart écrit :

  • Le cœur du mouvement en cours est l'exigence de mettre fin à la complicité de l'université et du gouvernement américain avec le système d'oppression d'Israël, qui aujourd'hui culmine dans cet effroyable carnage de la population de Gaza. Cette complicité doit cesser.

Hier hostiles, les médias évoluent

Dans la phase qui a suivi le massacre du 7 octobre 2023, la quasi-totalité des grands médias américains a basculé dans une rhétorique très favorable à la guerre. Pourtant depuis, certes à des degrés divers, leur regard a évolué au fil des crimes bien plus effroyables encore commis par l'armée israélienne. Lorsque le mouvement en défense des Palestiniens a pris son essor sur les campus, la réaction de ces mêmes médias, là encore, a été globalement très hostile. L'idée systématiquement promue par les partisans de Tel-Aviv selon laquelle les mobilisations étudiantes incarnent une poussée violente d'antisémitisme a été amplement relayée. Le simple usage du mot « intifada » en est devenu une preuve, par exemple.

Avec le temps, cet argumentaire s'est lentement désagrégé. Le vénérable magazine The New Republic (fondé en 1914) dénonçait récemment « une couverture honteuse par les médias des manifestations contre la guerre dans les universités » (5).

La répression de toute activité en solidarité avec les Palestiniens a commencé dès les lendemains des bombardements de Gaza, rappellent huit étudiants de la faculté de droit de l'université Yale (6) dans l'hebdomadaire The Nation. Ils affirment que plusieurs grands cabinets d'avocats américains ont exclu de leurs offres d'emploi les candidats ayant exprimé des vues pro-palestiniennes. À Berkeley, le recteur de la faculté de droit a voulu interdire tout débat public sur la question palestinienne tant que la totalité de son université n'aurait pas accepté la légitimité du projet politique sioniste. Dans des établissements de premier plan tels que Yale, Columbia, Brandeis, Rutgers ou Harvard, des mesures interdisant l'expression du soutien aux Palestiniens ont été imposées. À Columbia, le 9 novembre 2023, la participation de Jewish Voices for Peace et de l'association Students for Justice in Palestine a mené à l'annulation d'un débat. Ces interdits se sont multipliés. Les étudiants écrivent :

  • Si la liberté d'expression doit avoir un sens sur les campus, elle doit inévitablement englober ce qui est controversé, inconfortable et dérangeant. Mais nous assistons à une micro gestion administrative de la liberté d'expression.

Le correspondant du quotidien britannique The Guardian a signalé le 10 mai que des chercheurs californiens ont constaté la présence parmi les agresseurs des étudiants manifestant en faveur du combat palestinien sur les campus de l'université de Californie, des militants notoirement connus comme des suprémacistes blancs.

Cependant, on assiste désormais à un net recul de la capacité des soutiens d'Israël à faire taire tout débat sur le sort de Gaza. L'argumentaire assimilant la défense de la cause palestinienne à une forme d'antisémitisme est de plus en plus inopérant, perçu comme une misérable feuille de vigne visant à masquer les crimes israéliens massifs en cours. D'ores et déjà, diverses universités ont passé des accords avec les manifestants afin d'autoriser leurs activités sur les campus.

Des « mesures légales en dehors de la loi »

Dans les années 2015-2019, Benyamin Nétanyahou avait créé un ministère des affaires stratégiques doté de moyens financiers conséquents, qui avait pour objectif quasi unique de combattre le mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) sur les campus américains. Avec l'aide d'associations locales (souvent liées aux milieux coloniaux israéliens en Cisjordanie), ce ministère a mené la bataille. Elle s'est achevée par une débâcle. Au lieu de disparaître, BDS n'a fait que se renforcer. Aujourd'hui, son poids et celui d'une flopée d'associations estudiantines anticolonialistes — dont celles des étudiants juifs se réclamant de l'antisionisme, du post-sionisme ou de l'a-sionisme — ont crû de manière spectaculaire, tant en nombre d'adhérents que de campus touchés, passant en dix ans de quelques dizaines à plusieurs centaines actuellement.

Cette guerre contribue à accroitre fortement la critique et la prise de distance des milieux universitaires, tant à l'égard de la politique que du type d'État qu'Israël représente. Dernier exemple en date : le campement des scientifiques contre le génocide au Massachussetts Institute of Technology (MIT), le plus important institut de recherche scientifique des États-Unis, a demandé à son université de mettre un terme à l'investissement du ministère israélien de la défense (11 millions de dollars, soit 10,21 millions d'euros) dans ses « recherches liées à la guerre », arguant que l'institut « ne reçoit de financement d'aucune autre armée étrangère ». Le groupe rappelle que le MIT avait mis fin à sa collaboration universitaire avec un institut technologique russe juste après l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022.

Que fait Nétanyahou pour combattre ce qu'il considère comme des « manifestations d'antisémitisme » ? Il constitue une équipe de travail (task force) dirigée par le ministre des affaires étrangères Eli Cohen, elle aussi dotée de moyens conséquents, pour mener un « plan d'action » de « lutte contre l'antisémitisme » sur les campus américains. On y retrouve les mêmes partenaires locaux qu'il y a dix ans, notamment Israel on Campus Coalition, Amcha, Canary Mission, The David Project et d'autres.

Selon ynetnews, le site d'informations du quotidien Yedioth Ahronoth, le plus diffusé en Israël, il s'agit de mener des « opérations politiques et psychologiques » pour « infliger des conséquences économiques et professionnelles aux étudiants antisémites et obliger les universités à les éloigner des campus ». Par « étudiants antisémites », il faut évidemment entendre hostiles à la politique coloniale israélienne.

Un chapitre intitulé « L'axe économique » expose les pressions financières permettant d'amener les responsables universitaires à résipiscence et à briser la carrière des étudiants ou des enseignants récalcitrants. Ce « plan d'action » est très similaire à celui qui a échoué en 2015-2019. Son avenir n'apparait pas plus prometteur. D'après ynetnews, il serait spécifié qu'il « ne doit pas porter la signature d'Israël », et évoque la nécessité de « prendre des mesures légales en dehors de la loi contre les activités et les organisations qui représentent une menace pour les étudiants juifs et israéliens sur les campus ». Le sens de l'expression « mesures légales en dehors de la loi » n'est pas explicité.

Apparaissant de plus en plus comme une tentative d'éluder le débat sur l'avenir de la Palestine, la répression du mouvement estudiantin a causé plus de dégâts que de bénéfices aux soutiens israéliens. Un sondage de la chaîne CNN du 27 avril indiquait que 81 % des Américains de moins de 35 ans désapprouvent la manière dont Joe Biden a soutenu la guerre contre Gaza. L'image de l'État d'Israël se ternit un peu plus chaque jour, aux États-Unis comme ailleurs. Le 7 mai 2024, dans le quotidien El País, l'Espagnole Diana Morant déclarait : « En tant que ministre des universités, je ne peux qu'exprimer ma fierté de voir les étudiants manifester leur pensée critique, l'exercer et la transmettre à la société . »

La journaliste israélienne Dahlia Scheindlin pose la question suivante en titre de son article dans le quotidien Haaretz, le 2 mai : « Israël devient désormais un État paria international. Les Israéliens s'en préoccupent-ils ? ».

Notes

1- Shany Littman, « Where are Israel's students protesters against the Gaza War ? », Haaretz, 2 mai 2024.

2- Tony Judt, « Israel : The Alternative », The New York Review of Books, 23 octobre 2003.

3- Columbia Law Students for Palestine, « From the Encampments : Student Reflections on protests for Palestine », LPE Project, 2 mai 2024.

4- Peter Beinart, « The campus protests aren't perfect. And we need them desperately », Jewish Prospects, 28 avril 2024.

5- Alex Shepard, « The Media's shameful coverage of the College antiwar protests », The New Republic, 30 avril 2024.

6- Alaa Hajyahia, « The Student Crackdown didn't start last week. Months of repression got us here », The Nation, 1er mai 2024.

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

JO 2024 : un rapt démocratique ? Entretien avec Jade Lindgaard

14 mai 2024, par Jade Lindgaard — , ,
En juillet et août 2024, la France accueillera les Jeux Olympiques et Paralympiques. Derrière les discours célébrant cet événement, la réalité est beaucoup plus sombre. Qu'il (…)

En juillet et août 2024, la France accueillera les Jeux Olympiques et Paralympiques. Derrière les discours célébrant cet événement, la réalité est beaucoup plus sombre. Qu'il s'agisse de l'incidence environnementale, sociale ou économique des Jeux, des voix tentent aujourd'hui de s'élever pour s'opposer ou alerter concernant leur tenue.

Tiré du site de la revue Contretemps.

L'ouvrage Paris 2024 – Une ville face à la violence olympique (Éditions Divergences), de la journaliste Jade Lindgaard, décrit les conséquences des JO sur le département de la Seine-Saint-Denis : derrière les discours promettant un rattrapage pour le département, ce sont des expulsions et destructions qui sont mises en œuvre. Cette contribution permet de tenter de susciter le débat, alors même que l'absence de délibération démocratique autour de l'accueil d'un tel événement rend complexe l'organisation de mobilisations d'ampleur.

Un entretien réalisé par Marion Beauvalet et Louis Hardy.

Contretemps – Dans La nature est un champ de bataille, Razmig Keucheyan mobilise le concept de racisme environnemental. L'organisation des Jeux a une incidence sur les villes (on peut par exemple penser à cet échangeur autoroutier à proximité d'une école à Saint-Denis) et les populations. Vous parlez quant à vous de brutalisme et d'injustice environnementale. Comment décrire ce qui se passe ?

Jade Lindgaard – L'organisation des Jeux de Paris, leurs répercussions sociales sur la région à la frontière entre Saint-Denis-Saint-Ouen et L'Île-Saint-Denis, et les conséquences probables sur la population après la fin des Jeux sont des enjeux majeurs. Ce qui se produit est assimilable à une forme de dépossession, une violence sociale, voire une violence olympique, comme dans le cas de l'école Anatole France (Saint-Denis) qui constitue un cas d'injustice environnementale. Il est encore trop tôt pour dire que c'est du racisme environnemental : il faut notamment attendre de connaître les personnes qui vont venir habiter à terme.

Depuis le début de mon enquête sur les aménagements du village des athlètes, j'avais en tête le racisme environnemental. Je remarquais les distinctions entre les habitants de ces quartiers en matière de statut socio-économique, la situation des personnes racisées, originaires d'Afrique subsaharienne ou du Maghreb, qu'elles soient françaises ou non. Dans ce mélange de résidents, qu'ils soient descendants de première ou deuxième génération d'immigrés ou nouveaux arrivants, je percevais une différence marquée avec les personnes représentées sur les publicités des promoteurs immobiliers pour le futur quartier, et avec le niveau économique requis pour acheter les appartements qui seront mis en vente.

En 1982, une église américaine (l'Église unie du Christ) a mené une enquête autogérée sur le racisme environnemental. C'était en quelque sorte la première grande enquête sur le racisme environnemental aux États-Unis, où une église, avec ses fidèles et un militant, a réalisé un vaste recensement des maladies dans les ghettos noirs de villes américaines. C'était un excellent exemple de la façon dont, même sans être des scientifiques ou sans disposer des ressources statistiques de l'État, on pouvait mettre en lumière un problème fondamental et systémique de racisme et de santé environnementale. Cela a permis d'établir un lien entre le fait de vivre dans un quartier noir d'une ville américaine et les occurrences de cancer, par exemple. J'avais cela en tête, et j'ai même envisagé, au début, de faire quelque chose de similaire pour le village des athlètes, en relevant entre autres les noms sur les boîtes aux lettres de certains immeubles du quartier. J'ai abandonné cette idée parce que je disposais de trop peu de temps. De plus, c'était une problématique bien trop importante pour risquer de la traiter de manière incorrecte.

C'est pourquoi je n'ai pas utilisé le concept de racisme environnemental. Je pense qu'il y a des indices qui montrent que c'est ce qui se passe. Pour pouvoir affirmer cela, il est néanmoins nécessaire d'avoir des éléments factuels et démontrés. J'ai donc préféré des termes plus généraux, comme le remplacement de population, la dépossession, la violence sociale, la violence symbolique. J'ai mentionné le remplacement de population, qui est déjà en soi un terme très fort. Je précise que sur les 1500 personnes qui ont été définitivement privées de leur lieu de vie en raison de l'organisation des JO, directement ou indirectement, la grande majorité d'entre elles est racisée. J'ai exposé ces éléments dans l'idée d'éventuellement contribuer à un travail ultérieur sur ce sujet. C'est une question suffisamment grave et sérieuse et elle doit être traitée de manière très factuelle.

Contretemps – Vous expliquez ne pas avoir commencé ce livre en étant hostile aux Jeux, vous expliquez aussi vous être mobilisé pour sauvegarder les jardins d'Aubervilliers en 2018. Quel a été votre cheminement dans votre rapport aux JO ?

Jade Lindgaard – Pour être honnête, avant de commencer à travailler sur les Jeux, je n'avais pas vraiment d'opinion tranchée. Je n'avais pas une vision particulièrement positive. Je n'étais pas particulièrement enthousiaste à propos des JO, bien que je les regarde en partie depuis mon enfance : sans passion, mais sans animosité non plus. Lorsque j'ai commencé à m'engager dans la défense des jardins ouvriers à Aubervilliers, lors des premières assemblées générales ou des premières réunions où certains s'exprimaient contre les JO, je n'étais pas en accord. Je me suis sentie déconnectée politiquement, avec un sentiment flou, distant par rapport aux Jeux. Ma perception de cette question s'est développée de manière progressive et empirique à mesure que j'approfondissais mes recherches et que je faisais face à leur organisation. Mon point de vue s'est construit avec ces deux casquettes, celle de journaliste enquêtrice sur la préparation des infrastructures olympiques et celle de l'habitante-militante défendant un jardin.

J'ai eu par la suite des interactions aussi différentes qu'instructives avec la sous-préfecture, la mairie, la police. J'ai été frappée par le caractère très vertical du processus qui, une fois lancé, refuse absolument de s'adapter, refuse le pas de côté, refuse la mise en suspens et ne laisse absolument aucune prise à la remise en question, même partielle, de ce qui s'organise. C'est précisément ce manque de remise en question qui m'a conduite à avoir une position beaucoup plus critique vis-à-vis du processus JO. Je dirais que la reconstitution de l'historique de la non-consultation des populations au moment de la candidature a posé les jalons de ma distanciation vis-à-vis du processus olympique, renforcée par la suite par la manière dont s'est mis en œuvre cet aménagement, avec le refus d'écouter les habitants qui proposaient des contre-projets, le refus de faire l'effort de s'adapter à ce que disaient les jardiniers et jardinières, quand ils tentaient de défendre leur jardin, un lieu de liens sociaux, de subsistance et de protection contre la canicule.

Le comité de vigilance JO 93 s'est constitué très tôt, non pas en opposition aux JO, mais en tant qu'observateur attentif. Il a plusieurs fois signalé que les aménagements envisagés pourraient avoir des conséquences négatives, ce qui a été pris en compte par le CIO, mais pas par les élus. Non seulement les habitants, comme le comité de vigilance JO 93, la FCPE ou un petit groupe de l'école Anatole France concernant la voie autoroutière A86, n'ont pas été écoutés par les élus. Mais pire encore, la situation donne l'impression qu'ils ont été traités comme des ennemis politiques, ce que je trouve très préoccupant.

Il y a eu un véritable détournement démocratique. Avant les Jeux, nous n'avons pas pu débattre, nous n'avons pas pu nous exprimer en tant qu'habitants pour décider si nous étions d'accord pour les accueillir. Je trouve frappante la différence entre les consultations citoyennes qui ont été organisées à Paris sur des questions telles que la tarification des parkings des SUV, ou sur le maintien des trottinettes électriques, des sujets concrets de transport quotidien, et l'absence de consultation sur l'organisation des JO de Paris 2024. Pour moi, il s'agit d'un détournement démocratique. Les gens ont été empêchés de se prononcer. Je ne sais pas quel aurait été le résultat. Dans d'autres grandes villes internationales où de telles consultations ont eu lieu, notamment par référendum, il est remarquable de voir que la réponse a toujours été négative.

Comme ce n'était pas le cas et pas non plus le sujet de la mobilisation des habitants, tout ceci est à garder en mémoire, si on veut tirer un bilan d'expérience politique de ce qui s'est passé avec les Jeux. Il faut qu'on garde en tête ce cheminement de la décision publique qui est imposée à des habitants, comme un critère de critique de ces grands projets d'aménagement, tous porteurs de nombreuses conséquences. Je pense que la faible mobilisation contre les JO est aussi la conséquence du fait qu'il n'y a pas eu de consultation au début. Le débat n'a jamais été construit. Les arguments tant en soutien qu'en opposition n'ont pas été posés clairement dans l'espace public. Cela s'en ressent jusqu'à aujourd'hui.

Contretemps – Dans votre introduction, vous présentez votre démarche et insistez sur le fait que votre livre n'est pas un livre contre les JO mais un récit d'élucidation et une enquête sur les injustices liées au JO. Comment expliquez-vous la nécessité de justifier sa démarche pour ne pas passer pour un militant anti-JO, la difficulté d'avoir un discours critique sur les JO, notamment à gauche, sans être perçu comme rabat-joie ?

Jade Lindgaard – C'est un des enjeux politiques majeurs de l'année 2024. Il est intéressant d'essayer de comprendre pourquoi il semble nécessaire de préciser qu'on n'est pas opposé aux JO. C'est une question de sincérité par rapport à mon propre cheminement. De plus, je n'ai pas écrit un pamphlet, même si je reconnais que les pamphlets peuvent être très utiles parfois pour interpeller politiquement. Je voulais écrire une enquête, car je souhaitais produire quelque chose d'accessible à tous et à toutes et ouvrir la discussion à un public plus large, y compris à ceux qui soutiennent les Jeux, afin de les encourager à regarder au-delà des apparences et à examiner les coulisses de l'événement. C'était une démarche sincère et transparente, ainsi qu'une stratégie éditoriale. Cela me paraissait important de souligner cela, car l'espace public et médiatique actuel paraît encore assez homogène, avec peu de voix critiques. Même aujourd'hui, à l'approche des JO, les critiques sont rares et se concentrent sur des aspects très spécifiques.

Elles se manifestent, mais sur le principe même de ces Jeux, sur la manière dont ils ont été décidés et mis en œuvre, on entend très peu de choses. C'est une forme de verrouillage du débat public, mais pas imposé par le Comité International Olympique, ni par une dictature qui s'abattrait sur la France depuis le CIO. Je pense qu'il s'agit d'un verrouillage coconstruit. Les organisateurs des Jeux, le COJO, la SOLIDEO, la Direction Interministérielle des Sports, le ministère des Sports, Matignon, l'Elysée, tout un appareil d'État et politique, ont depuis des années investi politiquement dans l'événement pour le rayonnement de la France.

Il y a aussi l'attitude et le positionnement des élus de la Seine-Saint-Denis, que ce soit les mairies de Saint-Denis, Saint-Ouen, L'Île-Saint-Denis, ainsi que Plaine-Commune (l'établissement public territorial regroupant ces communes et le département). Ces élus, majoritairement de gauche, restent très favorables à l'organisation des Jeux, travaillant de concert avec les organisateurs. Cette alliance s'est formée autour de la promesse d'un héritage et surtout d'un rattrapage, car les investissements publics en Seine-Saint-Denis sont historiquement inférieurs à la moyenne nationale et à d'autres départements, notamment en ce qui concerne les services publics fondamentaux. Face à ce sous-investissement chronique, ces élus ont vu dans les Jeux l'occasion de compenser ces déficits en équipements vitaux pour la région. Cette perspective a été notamment portée par Patrick Braouezec, ancien maire de Saint-Denis et ancien président de Plaine Commune, qui a été un acteur majeur dans l'organisation des grands événements sportifs dans la région, et notamment dans la construction du Stade de France en 1998, considéré comme la première pierre de cet aménagement majeur de la plaine Saint-Denis et de la région environnante.

Cela a été la première pièce. À l'époque, le discours était très clair. En fait, le 93 a été abandonné. On construit ce grand stade qui sera regardé par des milliards de personnes dans le monde entier parce qu'il y a du football et une source d'admiration pour le département. Autour de ce stade, nous allons construire un quartier de bureaux pour stimuler l'activité. C'est ce qui s'est passé aujourd'hui sur la plaine Saint-Denis. Lorsque vous sortez du RER La Plaine-Stade de France, vous voyez entre autres les sièges d'Orange, de SFR. Ce qui a été décidé ensuite pour le village olympique est la continuation de cela. D'ailleurs, cela a été explicitement assumé par Patrick Braouezec qui a parlé du deuxième étage de la fusée. Il s'agit de faire décoller le 93, avec une métaphore qui est assez brutale. Quand on pense à un décollage de fusée, la fusée va très haut, mais tout est brûlé en bas, donc c'est un décollage très intense d'une fusée, et c'est le deuxième étage. C'est un discours qui est en place depuis longtemps, qui avait fait basculer à l'époque le précédent maire de L'Île-Saint-Denis. C'est une petite commune agréable sur la Seine, une petite commune qui a longtemps été dirigée par un maire écologiste, Michel Bourgain, qui était opposé aux grands projets pour des raisons écologistes. Finalement, il s'est rallié à l'organisation des Jeux et a proposé que sa ville y participe, notamment en accueillant une partie du village des athlètes. C'est pourquoi, au début de mon enquête, j'ai choisi de le rencontrer. Selon lui, dès lors que Saint-Denis et Saint-Ouen acceptaient, il voyait bien qu'il serait écrasé s'il refusait. Autrement dit, tous les moyens auraient été dédiés aux communes encore plus importantes.

Concernant Saint-Denis et Saint-Ouen, qui ont changé de majorité politique, c'est encore différent. On retrouve par exemple cette logique qui consiste à faire monter Saint-Denis de plus en plus comme une ville importante, de la même manière qu'elle a candidaté pour être la Capitale de la Culture, chose qu'elle n'a pas obtenue. Il s'agit là de la même logique : augmenter sa notoriété et son pouvoir d'attractivité. C'est un point très important dans tous ces discours autour des métropoles. J'ai été frappée par le fait que toutes ces personnes, que ce soit les élus de la mairie de Saint-Denis, de L'Île-Saint-Denis, de Saint-Foy ou d'autres élus, parlent toujours du développement du territoire, ce qui est considéré comme bénéfique pour la Seine-Saint-Denis.

Il y a quelques semaines, dans le métro parisien, on pouvait voir d'immenses publicités proclamant que la Seine-Saint-Denis allait accueillir le monde. Le concept de territoire est en réalité très abstrait. De quel territoire parle-t-on exactement ? Où commence-t-il, où se termine-t-il ? Le département de la Seine-Saint-Denis est en fait très étendu, et il existe des différences significatives entre des quartiers comme ceux du Raincy et de Stains. Autrement dit, ce qui pose problème, c'est qu'on prétend parler au nom d'un endroit où les habitants sont fortement discriminés, mais la manière dont on construit ce discours tend à négliger ses habitants.

Concernant le développement territorial, il est crucial de distinguer deux approches fondamentalement différentes. D'une part, il y a l'approche axée sur la croissance économique, visant à augmenter le PIB et les activités économiques, quelles qu'elles soient. D'autre part, il y a l'approche de la justice environnementale, défendue par de nombreux mouvements sociaux, notamment aux États-Unis depuis les années 1970. Cette approche consiste à partir des besoins et des désirs des habitants d'un quartier pour construire ensemble des projets visant à réparer les discriminations et les inégalités existantes. Il s'agit donc d'une démarche ascendante, partant de la base pour aboutir à un mieux-être collectif. Il est évident que ces deux logiques sont diamétralement opposées, et que la logique des grands projets est en contradiction avec celle de la justice environnementale, qui prend en compte les besoins des habitants.

Ce discours sur le développement territorial semble, à bien des égards, partiel, voire unilatéral. En ne considérant qu'une partie des enjeux, il devient possible de justifier la construction d'un village olympique destiné à des personnes extérieures au territoire, au détriment des habitants actuels. Cette vision peut être acceptée au nom de l'image de la ville ou de ses recettes fiscales, sans tenir compte des conséquences sociales et environnementales. Il est donc difficile de démêler ces enjeux, d'autant plus que le discours en faveur des Jeux olympiques, présenté comme progressiste, continue d'avoir un fort impact.

Contretemps – Vous qualifiez l'économie des JO d'économie dysfonctionnelle. Pour appuyer votre propos, vous mobilisez les travaux de chercheurs d'Oxford sur les mégaprojets : pouvez-vous revenir sur ce qui fait que les Jeux engendrent systématiquement des surcoûts colossaux ?

Jade Lindgaard – Des économistes des grands projets ont établi que, depuis 1968, tous les Jeux Olympiques, qu'ils soient d'hiver ou d'été, ont toujours dépassé leur budget. Pour les JO de 2012 à Londres, par exemple, dans cette ville assez comparable à Paris, le budget a été largement dépassé à la fin. Ce qui est intéressant, c'est d'en chercher les causes. Les chercheurs disent qu'il y a différentes raisons qui sont liées à la nature même du processus olympique. La première raison est celle du délai : c'est impossible de ne pas être prêt pour la date. À partir du moment où il y a une variable qui ne peut pas changer, toutes les autres variables sont flexibles, à commencer par celle du coût. Si le plus urgent, c'est de réussir à finir les travaux, on va être prêt à dépenser plus, à embaucher plus de gens, à les faire travailler plus longtemps, pour que les choses soient terminées en temps voulu. La deuxième raison, c'est le syndrome du débutant : il est très rare pour un pays et pour une ville d'organiser des Jeux Olympiques.

En France, la dernière organisation des Jeux d'été remonte à 1924. Los Angeles, qui va les organiser à nouveau en 2028, les a accueillis en 1984, une chose jamais vue dans l'histoire moderne. Le problème que cela pose, c'est l'absence d'habitude et d'expérience. En France, nous avons par exemple l'habitude de construire des autoroutes, des ponts, des métros, même si nous constatons déjà un retard sur le projet Grand Paris Express. Les centrales nucléaires sont également un bon exemple. Aucune n'a été construite pendant des années, et nous avons maintenant des années de retard sur le chantier de l'EPR de Flamanville. Ces grands projets sont donc très complexes en raison des paramètres et des nombreuses choses à maîtriser simultanément… Durant la phase de conception, la phase de construction, la phase d'exploitation, il y a tellement de paramètres sociaux, économiques, humains.

À cela s'ajoutent d'autres éléments comme le cours des matières premières, l'inflation, la crise du Covid, la guerre en Ukraine, qui engendrent de l'incertitude. Malgré toute l'ingénierie déployée, toute la puissance publique, tout l'argent investi, le budget de près de 9 milliards d'euros est déjà considérable. C'est peut-être là, et je dis bien peut-être, que le CIO ne remplit pas suffisamment son rôle de transmission des bonnes pratiques d'un pays à l'autre, même s'il a essayé de le faire, même s'il y a des cahiers des charges, et même si, dans ces cahiers des charges, par exemple, le CIO a demandé aux villes hôtes de construire le moins possible. Paris, par exemple, construit peu, beaucoup moins que Londres, et en construira encore moins que Los Angeles en 2028, et derrière cela, il y a l'idée que si l'on construit moins, on sera moins en retard.

Cela nous amène au troisième point qui est à mon avis le plus intéressant : la question de l'échelle. Les Jeux Olympiques correspondent à une échelle gigantesque, ce qui est contradictoire avec beaucoup de choses, notamment le respect d'un vrai budget carbone, la protection des écosystèmes, mais c'est aussi avec les enjeux d'une bonne administration, d'une bonne gestion de manière démocratique et transparente. La Cour des Comptes, qui a déjà publié deux rapports sur le budget des Jeux Olympiques, s'apprête à en publier un troisième, sur l'héritage, qui sera intéressant à lire pour comprendre le fil qu'ils arrivent à tirer.

La Cour des Comptes a écrit l'année dernière que les chiffres ne sont pas clairs, ni sur le coût final pour la puissance publique, ni sur l'augmentation des coûts au cours du projet. Elle écrit même qu'il y a une sous-estimation des coûts dans les premières moutures des projets de Paris 2024. Bien loin de la promesse initiale selon laquelle ces JO seraient positifs pour le climat et devaient, sinon ne rien coûter aux Français, comme il en était question au début du projet, du moins leur coûter peu, les organisateurs ont mis un peu d'eau dans leur vin et adouci leur slogan. L'opacité de l'organisation et cette difficulté à s'y retrouver sont aussi la conséquence de la peur d'augmenter les dépenses et donc d'être en dépassement budgétaire.

Ils donnent l'impression de ne pas vouloir trop montrer les risques de dépassement budgétaire par peur que cela alimente la critique des anti-JO mais on pourrait dire, au contraire, que c'est grâce à la transparence qu'on est peut-être conduit à faire des arbitrages budgétaires – qui ont été faits d'ailleurs. On parle beaucoup du village des athlètes mais il y a une partie du village des médias qui est construite à Dugny. Ils l'ont coupé en deux, ils n'ont construit que la moitié de ce qui avait été envisagé. Un autre exemple intéressant est le centre aquatique olympique inauguré par Emmanuel Macron le jeudi 4 avril qui est beaucoup plus petit que le projet initial.

Contretemps – Paris était la seule ville en lice pour ces Jeux, les jeux de 2030 semblent peu attirer. Comment expliquer ce désintérêt ? D'ailleurs, vous expliquez que plusieurs villes se sont désistées suite à l'organisation de référendums. Pouvez-vous revenir sur la genèse de cette candidature et de cette victoire sans compétition ? Vous qualifiez aussi le CIO de « bizarrerie démocratique » : qu'est-ce que cette institution que nous connaissons finalement peu ?

Jade Lindgaard – Lorsque Paris a été choisie pour accueillir les Jeux en 2017, c'était la seule ville candidate. Quelques mois auparavant, un accord avait été conclu avec Los Angeles pour se répartir les années : Paris en 2024 et Los Angeles en 2028. Dès 2017, il ne restait que deux villes candidates pour les Jeux de 2024 et 2028. Ce qui est intéressant, c'est de comprendre comment on en est arrivé là. Tout d'abord, les autres villes qui avaient envisagé de présenter leur candidature pour 2024 ont peu à peu retiré leur candidature, soit suite à des référendums comme Hambourg et Munich, soit suite à des mobilisations citoyennes comme à Boston, avec un mouvement appelé No Boston Olympics, porté par des architectes et des urbanistes. Ce mouvement met en avant des préoccupations très similaires à celles que l'on voit aujourd'hui émerger avec Paris 2024, notamment l'idée que l'aménagement urbain ne devrait pas être dicté par les visiteurs, mais par les habitants. Cela résume bien la dimension extractiviste d'un grand projet tel que les JO. La ville de Rome s'est retirée de la course car la candidate à la mairie Virginia Raggi, issue du mouvement 5 étoiles, avait inscrit son opposition aux JO dans son programme. Élue, elle a retiré la candidature de Rome. Je ne vais pas présenter cela comme un exemple de démocratie, puisqu'il y a eu par la suite des problèmes de corruption.

Cela montre néanmoins que beaucoup de villes craignaient les dépassements budgétaires, ce qui était un des arguments principaux des mouvements d'opposition aux JO dans différentes villes : « ça va coûter trop cher, nous n'avons plus les moyens ». Alors, pourquoi Paris s'est-elle quand même portée candidate ? Il faut inverser la question. D'autant qu'initialement, la maire de Paris, Anne Hidalgo, était opposée aux Jeux. Puis, en 2015, le président de la République François Hollande a exercé une pression pour que Paris se porte candidate. Pourquoi le pouvoir socialiste voulait-il que Paris soit candidate ?

Tout d'abord, les attentats de 2015. Avant eux, Paris était déjà candidate. Après, il y a une volonté de ne pas se laisser abattre face au terrorisme. Ensuite, il y a la volonté de faire rayonner la France à l'international, notamment à travers des événements prestigieux comme les JO ou encore la COP21. Il y a aussi une tendance croissante des villes à jouer un rôle majeur sur la scène internationale – ce qui correspond à l'agenda de développement et de croissance. Enfin, il y a probablement des enjeux politiques personnels pour Anne Hidalgo, qui envisageait de se présenter à la présidentielle. La candidature aux Jeux pouvait constituer un moyen de renforcer sa position. En 2017, Paris a été choisie pour accueillir les Jeux, ce qui soulève des questions sur les processus de décision et sur qui les prend, ainsi que sur les motivations derrière ces décisions.

C'est le CIO qui décide. C'est un autre paradoxe de cette histoire, celle de la communauté internationale olympique, une association basée à Lausanne, dans un bâtiment impressionnant, avec des escaliers en forme d'anneau olympique. Malgré sa taille modeste, le CIO est sans aucun doute l'une des institutions les plus puissantes au monde. C'est le CIO qui décide quelle ville organisera les Jeux, quels sponsors auront le privilège de figurer parmi les sponsors premium. C'est un cercle très fermé dont les modalités d'accès et les coûts sont généralement inconnus du public. C'est également le CIO qui fixe le cahier des charges de l'organisation des Jeux, comprenant des critères tels que le village olympique, la construction d'une grande piscine et d'un grand stade.

Ainsi, tous les JO se traduisent par d'importants projets d'aménagement urbain et des opérations immobilières conséquentes, car leur organisation nécessite la construction de nombreuses infrastructures. Les Jeux sont bien plus qu'un simple événement sportif ; depuis des décennies, ils sont aussi des opportunités d'aménagement urbain, d'activité économique. Le CIO n'est soumis à aucun contrôle externe, n'ayant pas à rendre de comptes à des organes élus ou à des instances de vérification des comptes. Il gère lui-même son conseil d'administration et ses présidents, sans aucune obligation de transparence démocratique. C'est cette opacité qui soulève des questions sur la nature démocratique du processus décisionnel du CIO, une petite association capable de dicter des termes aux États et d'organiser l'un des événements les plus médiatisés du monde, mais dans un relatif secret.

Contretemps – Vous expliquez que « les chantiers accélèrent et renforcent une valorisation immobilière qui a aussi d'autres causes » (p.103), vous parlez aussi des 1 500 personnes déplacées à cause des JO en Seine-Saint-Denis, des 2 millions déplacées depuis la fin des années 1960. Il s'agit là encore de données peu mises en avant, pouvez-vous nous en parler ?

Jade Lindgaard – Les aménagements liés aux JO vont de pair avec une casse sociale qui est importante et surtout qui est complètement invisibilisée. Si on reprend l'exemple du village des athlètes, il y a énormément de personnes qui ont perdu leur logement de manière définitive, en lien direct ou indirect avec les JO.

J'ai fait une estimation, minimaliste, de 1 500 personnes délogées de façon directe ou indirecte par les Jeux. Il y a par exemple les hommes qui habitaient dans un foyer de travailleurs migrants, un foyer qui se trouvait sur le périmètre du village des athlètes. Il a été démoli. Les habitants ont été déplacés, évacués de leur domicile. Même si la police n'est pas venue les déloger de leur chambre, ces personnes ont été temporairement relogées dans deux bâtiments différents en attendant un relogement définitif qui devrait avoir lieu après les JO, mais qui ne se fera pas dans le village des athlètes. Il s'agit d'environ 300 personnes.

Il y a approximativement 400 personnes qui résidaient dans le squat Unibéton, en bordure d'une autre partie du village des athlètes. Elles ont été expulsées au printemps 2023. Il s'agissait quasiment toutes de personnes sans-papiers, donc pour elles, aucun relogement. Et enfin, les habitants de la cité Marcel-Paul de L'Île-Saint-Denis. Leur situation est différente et me semble très emblématique de ce qui se passe tout en étant totalement invisibilisée. La cité Marcel Paul est une zone de logements sociaux sur L'Île-Saint-Denis, en partie abandonnée par son bailleur (aujourd'hui Seine-Saint-Denis Habitat), et qui a sombré dans les difficultés sociales et économiques, devenant depuis des années un important lieu de trafic de drogue. C'est un endroit marqué par la violence et les difficultés, mais aussi par une forte solidarité. Cette cité était concernée par un projet de rénovation urbaine de l'ANRU, entamé avant l'attribution des Jeux, avec pour objectif de reloger une partie de ses habitants, notamment ceux des trois tours qui la composent.

Dès lors que les Jeux ont été attribués à Paris, le processus de rénovation urbaine s'est accéléré. Il était sous-entendu, dans de nombreux rapports, que la cité Marcel-Paul ne devait pas rester dans son état actuel pendant les Jeux. Bien qu'elle ne soit pas directement adjacente au village des athlètes, elle en est très proche. La présence de cette cité en tant que vitrine de la misère sociale ou plaque tournante du trafic de drogue n'était pas compatible avec le niveau de sécurité prévu sur L'Île-Saint-Denis pour les JO.

Dès lors que les Jeux ont été attribués, tout le processus de rénovation urbaine a dû être considérablement accéléré. Ces habitants, qui sont déjà pour beaucoup des gens sous pression, se sont retrouvés avec des injonctions à choisir le plus vite possible un logement dans lequel déménager. Dans la précipitation, il y avait des offres faites qui ne correspondaient pas à la loi, aux règles du relogement ANRU : des appartements trop chers ou trop loin, et surtout des gens mis sous une pression terrible. Cela se poursuit, car une partie d'entre eux a été relogée, mais les situations les plus difficiles n'ont pas été résolues. Leurs droits en tant que locataires, droits de logement sociaux, n'ont pas été toujours respectés.

Cela a créé le sentiment terrible de se faire dégager pour les JO. Ce sont des choses que j'ai entendues de nombreuses fois : « ils ne veulent pas voir nos visages pendant les Jeux Olympiques, on est virés à cause des JO ». C'est dit avec tristesse, colère, amertume par ces personnes. J'ai fait un article là-dessus dans Mediapart[1]. Le maire de L'Île-Saint-Denis, Mohamed Gnabaly, a fait un communiqué en disant que c'était mensonger, une intox de notre part, il a été très agressif dans sa communication. Il s'agissait pourtant de paroles rapportées des habitants, tous les habitants ne pensent pas qu'ils sont virés à cause des Jeux, mais certains le pensent. La raison pour laquelle cela a tant crispé la mairie est celle du positionnement des maires de gauche vis-à-vis des Jeux. On veut que cela serve au développement du territoire, et là, on a un endroit où des gens se font dégager par l'événement olympique, qu'on le veuille ou non ; des gens qui ne pourront pas revenir derrière, habiter là et qui sont un peu les victimes de ce processus d'aménagement.

C'est pourquoi j'ai évoqué le sentiment de dépossession que j'ai ressenti de leur part : ils habitent un quartier dans lequel des gens vivent depuis plusieurs décennies, que ce soit au foyer des travailleurs ADEF ou encore à Marcel Paul. Cette forme de violence sociale est amplifiée par le manque de visibilité qui entoure ce processus de dépossession, comme si celui-ci passait inaperçu. Même aujourd'hui, cela demeure largement méconnu. Vous êtes-vous rendu compte de la visite d'Emmanuel Macron au village des athlètes qu'il a inauguré il y a quelques semaines ? Lors de cette visite officielle étaient présents tous les « chefs des JO » : le préfet de Saint-Denis, le directeur général de la SOLIDEO, Nicolas Ferrand, le président du COJO, Tony Estanguet, et le maire de Saint-Denis, Mathieu Hanotin. Selon eux, la fierté de cette organisation réside dans le fait qu'il n'y a pas eu d'expropriation. C'est tout à fait exact : il n'y a pas eu d'expropriation au sens où des propriétaires auraient été forcés de céder leur logement, comme cela s'est produit par exemple pour le Grand Paris Express, comme le relate le livre d'Anne Clerval et de Laura Wojcik, Les naufragés du Grand Paris Express[2]. Certes, il n'y a pas eu d'expropriation, mais il y a eu des expulsions. Et cela, en revanche, n'a pas du tout été mentionné. Cette déclaration m'a interpellée, car elle montre clairement qu'ils souhaiteraient que personne n'ait été contraint de partir à cause des Jeux. Cela remet en question leur narration politique et leur discours, tout en mettant en lumière le manque d'engagement démocratique dans la candidature de Paris 2024. Rien n'empêchait Paris de s'engager, au moment de sa candidature, à ce que personne ne soit expulsé, délogé ou ne perde son logement. Cependant, cet engagement n'a pas été pris, alors que des situations similaires à ce que je décris pour Paris 2024 se sont déjà produites à Londres en 2012.

Il s'est même passé la même chose dans toutes les villes qui ont organisé des Jeux : cela a été terrible avec des destructions entières de quartiers à Rio, près d'un million de personnes déplacées à Pékin et même à Barcelone 1992, qui est toujours décrit comme l'exemple vertueux, il y a eu des camps de roms détruits. Je veux donc dire que c'est un phénomène systémique et c'est loin d'être une surprise car c'est lié à la manière dont les jeux s'aménagent. C'est pour ça que j'ai commencé à travailler sur ces jeux dès 2018, que j'ai commencé à aller sur ce territoire en me disant qu'il fallait documenter ce qu'il y avait à ce moment-là.

Contretemps – Dès l'annonce des Jeux, des collectifs se sont montés, puis pendant la mobilisation contre la réforme des retraites, on a vu fleurir le slogan « pas de retrait, pas de JO », depuis des collectifs s'organisent (comme Saccage 2024). La mobilisation s'organise déjà concernant les Jeux d'Hiver, notamment l'incidence qu'ils auront sur la montagne déjà abîmée par l'activité humaine et la fonte des glaces. Est-ce que ces événements ont encore un sens à l'heure où les urgences écologiques, sociales se multiplient et sont de plus en plus vives ?

Jade Lindgaard – À tout ce qu'on vient de raconter sur le rapt démocratique et la casse sociale s'ajoute l'aspect écologique que nous avons moins abordé, même si on a parlé de la destruction d'une partie des jardins d'Aubervilliers, de la construction d'un village des athlètes, de celle du village des médias sur le parc Georges Valbon, où avait lieu la fête de l'Humanité. Enfin, l'organisation d'un événement qui doit faire venir 13 millions de personnes, dont une grande partie en avion, fait partie des nombreuses atteintes environnementales de ces jeux.

Alors qu'on a l'objectif de réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre, y compris dans le transport aérien, que Paris a par ailleurs un plan climat dans lequel la ville s'engage à considérablement réduire ses émissions de gaz à effet de serre, on a là un événement qui représente l'inverse de ces promesses. Certes, on construit peu de nouvelles infrastructures, mais on construit malgré tout des infrastructures gigantesques, comme la piscine de Saint-Denis ou encore un village des athlètes alors qu'il y a de nombreux hébergements à Paris. Nous sommes donc dans un événement qui est de toute façon un peu un attentat à la sobriété, au sens où toutes les échelles sont énormes voire démesurées pour les Jeux Olympiques.

Ce gigantisme se retrouve notamment dans la passerelle, large comme douze autoroutes, qui relie la piscine de Saint-Denis et le Stade de France. Dans sa philosophie, on a là quelque chose de vraiment antinomique avec la situation de sobriété nécessaire face au changement climatique. Je ne vois pas très bien comment ce gigantisme olympique est compatible avec la planète et la nécessité de réduire notre impact environnemental. Plutôt que de continuer à organiser de l'extérieur des événements qu'on essaye de faire rentrer de manière forcée dans les critères sociaux et environnementaux, on est plutôt dans un moment où il faudrait se dire qu'en fait on ne construit plus.

On arrête de construire, on occupe et on habite au maximum ce qui est déjà construit, et s'il y a absolument besoin de construire autre chose, on construit, mais dans un second temps, c'est-à-dire qu'il y a une espèce de révolution copernicienne écologique. Plutôt que de partir de l'idée qu'on va construire et on va rendre ça écologique en utilisant du bois, en n'ayant pas de climatisation, on part de ce qui existe déjà et on voit ce qu'on peut en faire. L'engagement du COJO et du CIO d'émettre deux fois moins de CO2 que Londres en 2012 n'est pas du tout à la hauteur de ce qu'il faudrait faire aujourd'hui.

Si on met bout à bout les arguments démocratiques, sociaux, environnementaux, tout cela conduit à penser que les Jeux Olympiques organisés tels qu'ils sont organisés aujourd'hui, ne sont absolument pas compatibles avec notre situation humaine actuelle. Et donc, une fois qu'on a dit ça, qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce qu'il faut arrêter les Jeux Olympiques ? Moi, je n'en sais rien. Je me dis juste qu'il y a plein d'autres manières possibles de les faire. Par exemple, si les Jeux Olympiques arrêtaient de tourner d'une ville à l'autre, ça ferait déjà moins de construction. Il y aurait un endroit, un seul, où ça se passerait.

On peut également imaginer que tout le monde ne soit pas obligé d'être au même endroit au même moment ou encore qu'il y ait moins de sports. Il y a plein de pistes, il y a plein de gens qui travaillent beaucoup mieux que moi sur ces sujets. Mais en tout cas, pour terminer, si on croit à notre démonstration selon laquelle, pour ces raisons démocratiques, sociales et environnementales, les jeux tels qu'ils sont organisés aujourd'hui ne sont pas compatibles avec les exigences de notre époque, alors, continuer à les organiser comme si on n'était pas dans cette époque-là est hyper problématique.C'est un problème car d'un point de vue philosophique et politique, ça laisse penser qu'on peut continuer comme avant. C'est pourquoi, en dehors de tous les aspects français et parisiens de Paris 2024, je pense qu'il y a des chiffres politiques, systémiques qui valent pour tout le monde. On se rassure à peu de frais d'une certaine manière mais jusqu'à quand peut-on continuer à se rassurer à peu de frais ? Une vague caniculaire comme on en a eu lors d'autres étés serait-elle un signal suffisant sur le caractère intenable de notre système ? Pour les Jeux de 2030, je trouve que c'est le seul signal de quelque chose. On voit une vraie mobilisation autour de la candidature de la France pour les Jeux d'hiver. Il y a une critique déjà beaucoup plus importante que ce qu'il y a eu contre Paris 2024, et cette critique est portée à la fois par des associations écologistes et par des sportifs.

Stéphane Passeron a notamment pris la parole[3] pour dire qu'il ne fallait pas faire ces Jeux au nom de la protection de la montagne, un écosystème très fragile, très abîmé par le changement climatique. Organiser les Jeux là-bas reviendrait à renforcer le tourisme de masse et l'industrialisation de la montagne. Dans ce cas précis, l'argument environnemental a été saisi par un grand nombre de personnes qui aiment ces paysages et la vie qui s'y trouve. Force est de constater que cette critique pour l'instant n'a pas de prise sur la candidature puisque, de nouveau, la France est le seul pays candidat pour les Jeux d'hiver de 2030. L'enjeu est donc de faire vivre un peu cette discussion jusqu'à la désignation.

Contretemps – Votre livre s'ouvre sur un préambule, en 2025, les Jeux ont laissé des infrastructures, l'écosystème est demeuré intact, les politiques liberticides notamment la surveillance ont disparu : sans verser dans la politique fiction, à l'aune de ce que vous avez étudié, quelle sera l'incidence des Jeux ?

Jade Lindgaard – Ce que l'on peut craindre, c'est la pérennisation des problèmes induits par les JO : Paris 2024 pourrait justifier ses constructions et ses aménagements au nom de leur durabilité écologique. Cependant, le risque est que ce ne soient pas seulement des bâtiments qui soient pérennisés, mais aussi le mode de vie qui les accompagne. Cela inclut un renforcement des mesures de sécurité, avec l'installation de nombreuses caméras de vidéosurveillance à Saint-Denis. Il y a également le risque d'une gentrification agressive, avec l'arrivée de nouveaux résidents dans le village des athlètes.

De plus, il y a le risque que cela perpétue un modèle de ville largement financé par le secteur privé (le village des athlètes représentant un investissement de 2 milliards d'euros, dont 78% proviennent du secteur privé). C'est une ville coproduite par l'État et des investisseurs immobiliers, avec l'objectif de réaliser des profits à long terme. Cela représente une extension du capitalisme urbain. Le risque est que, malgré les discours vantant ce quartier comme une vitrine du savoir-faire français en matière d'urbanisme, cela perpétue également un rythme effréné de construction de quartiers. La métropole parisienne est entourée de nombreux terrains vagues, et si ce modèle se généralise, cela pourrait poser des problèmes démocratiques, sociaux et environnementaux. C'est une hypothèse à prendre en considération.

*

Propos recueillis par Marion Beauvalet et Louis Hardy.

Notes

[1] Jade Lindgaard, À l'Île-Saint-Denis : « Ils ne veulent pas voir nos visages pendant les JO », Mediapart, 26 juillet 2023.

[2] Anne CLERVAL, Laure WOJCIK, Les naufragés du Grand Paris Express, Paris, La Découverte, 2024.

[3] « Ces JO 2030 ne sont ni souhaitables ni tenables », Politis, 6 mars 2024.

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Barcelone, Berlin, Amsterdam... : le mouvement étudiant pro-Palestine s’étend en Europe

14 mai 2024, par Daniel Matisa — , ,
Après plusieurs semaines de mobilisation étudiante aux États-Unis, et face à l'offensive israélienne sur Rafah, le soutien à la Palestine se développe dans de nombreuses (…)

Après plusieurs semaines de mobilisation étudiante aux États-Unis, et face à l'offensive israélienne sur Rafah, le soutien à la Palestine se développe dans de nombreuses universités en Europe. En réponse, les gouvernements opèrent un saut dans la criminalisation du mouvement.

9 mai 2024 | tiré du site de Révolution permanente | Crédit photo : La Izquierda Diario
https://www.revolutionpermanente.fr/Barcelone-Berlin-Amsterdam-le-mouvement-etudiant-pro-Palestine-s-etend-en-Europe

Alors qu'Israël franchit une nouvelle étape dans son projet génocidaireavec l'offensive contre Rafah, la mobilisation étudiante de soutien à la Palestine progresse dans les universités d'Europe.

Dans l'État Espagnol, l'Université de Valence entame ce jeudi 9 mai son 11ème jour de mobilisation. Premier campus mobilisé contre le génocide en cours à Gaza sur le territoire, et l'un des premiers en Europe, le mouvement étudiant, qui revendique un cessez-le-feu immédiat et la fin des partenariats avec les universités israéliennes ainsi qu'avec toutes les entreprises espagnoles qui entretiennent des relations avec l'État d'Israël, a reçu le soutien de nombreux syndicats et collectifs pro-Palestine.

Même son de cloche du côté de Madrid, où le 7 mai, des centaines d'étudiants ont déferlé dans la rue pour dénoncer l'offensive à Rafah. L'occasion pour les manifestants de dénoncer l'utilisation de la « loi bâillon » pour criminaliser et réprimer le mouvement de solidarité avec la Palestine, qui n'est pas sans rappeler en France la multiplications des convocations pour « apologie du terrorisme » des soutiens du peuple palestinien.

https://twitter.com/i/status/1787926864310219101

A l'université de Barcelone, les étudiants ayant installé un campement sur le campus le 7 mai défendent les mêmes revendications : « Nous espérons que les directions universitaires ne vont pas agir comme elles l'ont fait ailleurs dans le monde. Et nous revendiquons la fin des partenariats avec l'État d'Israël » explique ainsi Pablo Castilla, militant à Contra Corriente (organisation sœur de Révolution Permanente). Sous la pression de la mobilisation étudiante et du rassemblement qui avait lieu pendant le conseil de l'université, la présidence a approuvé ce jeudi une motion appelant à un « positionnement urgent de l'Université de Barcelone sur le génocide et une interruption des liens académiques et économiques avec l'État sioniste »..

https://twitter.com/EsquerraDiari/status/1788215538306494955?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1788215538306494955%7Ctwgr%5Eb15e0fc11ddc3169313d9dbdadd7340c090b1a0a%7Ctwcon%5Es1_c10&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.revolutionpermanente.fr%2FBarcelone-Berlin-Amsterdam-le-mouvement-etudiant-pro-Palestine-s-etend-en-Europe

Au total, dans l'État Espagnol, la mobilisation étudiante contre le génocide à Gaza s'est déployé dans une douzaine de villes. Comme le rapporte la Izquierda Diario, le mouvement devrait encore s'étendre puisque les universités de Séville, Grenade, Malaga ou encore Alicante ont l'intention de rejoindre la mobilisation dans les jours à venir.

En Allemagne, les universités de Münster ou encore de Brême sont également mobilisées en soutien à la Palestine. A Berlin, une centaine d'étudiants de la Freien Universität ont tenté d'occuper leur campus ce mardi 7 mai, en défendant notamment « la reconnaissance et le renforcement de l'étude de l'histoire coloniale allemande ». En réponse, la présidence de l'université a immédiatement fat appel à la police qui a violemment expulsé les manifestants et a procédé à de nombreuses interpellations..

Quelques jours plus tôt, la ministre fédérale de l'Education avait appelé les universités à agir fermement contre le prétendu « antisémitisme » des manifestations pro-palestiniennes. Une rhétorique qui vise à criminaliser les mobilisations étudiantes, partagée par la ministre de l'Enseignement Supérieur française Sylvie Retailleau, qui a récemment sommé les présidences d'université à utiliser « l'étendue la plus complète de leurs pouvoirs » contre les étudiants et annoncé poursuivre en justice les étudiants interpellés à la fac de la Sorbonne mardi 7 mai.

https://twitter.com/berlinerzeitung/status/1787819925978923410?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1787819925978923410%7Ctwgr%5Eb15e0fc11ddc3169313d9dbdadd7340c090b1a0a%7Ctwcon%5Es1_c10&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.revolutionpermanente.fr%2FBarcelone-Berlin-Amsterdam-le-mouvement-etudiant-pro-Palestine-s-etend-en-Europe

La mobilisation étudiante gagne aussi les universités du Royaume-Uni. L'université de Warwick est occupée depuis le 26 avril, et a entraîné avec elle les facs de Newcastle, Manchester, Cambridge, Oxford, ou encore Edimbourg où plusieurs étudiants ont annoncé entamer une grève de la faim jusqu'à l'obtention d'un cessez-le-feu. Aux Pays-Bas, les étudiants mobilisés de l'Université d'Amsterdam ont eux aussi été violemment réprimés par la police, qui a utilisé un bulldozer pour détruire les barricades et a violenté de nombreux étudiants à coup de matraque et de gaz lacrymogènes. 125 personnes ont été interpellées, et l'université a ensuite été bouclée à l'aide de clôtures métalliques.

https://twitter.com/AJEnglish/status/1788489391599722576?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1788489391599722576%7Ctwgr%5Eb15e0fc11ddc3169313d9dbdadd7340c090b1a0a%7Ctwcon%5Es1_c10&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.revolutionpermanente.fr%2FBarcelone-Berlin-Amsterdam-le-mouvement-etudiant-pro-Palestine-s-etend-en-Europe

Le mouvement continue à se développer dans toutes les universités d'Europe, notamment à Helsinki en Finlande, à Copenhague au Danemark où une quarantaine de tentes ont été déployées dans l'université, ou encore à Vienne où la police a interpellé une dizaine de manifestants pro-Palestine. En Suisse également, depuis la semaine dernière, des bâtiments des universités de Genève, Zurich ou Lausanne sont occupés par des étudiants. En Belgique, l'occupation d'un bâtiment de l'Université Libre de Bruxelles se poursuit malgré les provocations de militants sionistes.

https://twitter.com/i/status/1787907443290222611

Le mouvement étudiant de solidarité avec la Palestine s'étend bel et bien partout en Europe. Lieux symboliques qui ravivent le souvenir du mouvement contre la guerre du Vietnam, les universités cristallisent désormais la dénonciation de la complicité des États impérialistes dans le génocide en cours à Gaza. Par la dénonciation des partenariats et relations qu'entretiennent les universités avec l'État d'Israël et les entreprises qui le soutiennent, les étudiants mobilisés montrent aux yeux du monde comment leurs universités participent à la militarisation, à la production d'armes et au financement de l'armée israélienne.

En réponse, les gouvernements européens accentuent la répression et la criminalisation des étudiants mobilisés, par crainte d'une extension du mouvement en dehors des murs de l'université. Face à la tentative de muselage de la solidarité avec Gaza, il s'agit au contraire d'élargir le mouvement à l'ensemble des lieux d'études mais également au monde du travail, pour mettre un stop à l'offensive autoritaire à l'œuvre partout en Europe et défendre le droit de soutenir la Palestine au moment où le génocide pourrait s'accélérer.

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

A propos des élections européennes

14 mai 2024, par Vincent Présumey — , ,
Présentation Comme annoncé dans notre publication du 6 avril dernier, nous avons ouvert la discussion sur les élections européennes du 9 juin prochain au niveau de la (…)

Présentation

Comme annoncé dans notre publication du 6 avril dernier, nous avons ouvert la discussion sur les élections européennes du 9 juin prochain au niveau de la rédaction d'Aplutsoc. Nous n'avons donc pas encore pris de position et rien n'oblige à se priver de discussion avant d'en prendre, bien au contraire. Pour amorcer ce débat, nous commençons par une contribution de Vincent Présumey. Toutes autres contributions seront les bienvenues.

3 Mai 2024 | tiré du site Arguments pour la lutte sociale
https://aplutsoc.org/2024/05/03/a-propos-des-elections-europeennes-par-vp/

Contribution

La discussion sur les élections européennes, abordée lors de notre réunion du 1° mai, tarde à démarrer par des textes, ce qui est cependant nécessaire. A moins que l'on pense qu'il n'y a rien de nouveau et que les larges masses se contrefoutent de ce scrutin, qui, effectivement, ne porte aucune perspective permettant d'avancer vers la satisfaction de la moindre de leur revendication. Et pourtant, s'imaginer qu'elles s'en contrefoutent serait une erreur de militants blasés, ne saisissant pas les processus profonds.

Indifférence et non-participation à un scrutin ne sont pas la même chose. S'il reste assez probable, quoique non absolument certain, qu'une grande majorité va s'abstenir, c'est en raison de cette absence de perspective et du caractère antidémocratique aussi bien des institutions de la V° République que des institutions dites « européennes » issues du traité de Lisbonne. Mais cela n'empêche en rien que le souci pour la situation européenne, pour le message à la fois national et continental de ce scrutin, surdéterminé par les deux guerres en cours (Ukraine et Gaza), ainsi que la conscience d'une situation mondiale dans laquelle la réaction la plus violente, incarnée par les noms de Vladimir Poutine et de Donald Trump, voudrait barrer la route à tout avenir, soit tout à fait massif et prégnant. Le tout sous le surplomb de l'emballement climatique dont il va probablement se confirmer cette année qu'il a franchi un seuil qualitatif, non officiellement anticipé par les climatologues, depuis l'été 2023.

Macron a échoué à faire de son second mandat, démarré sur des bases précaires, le moment de la reconstitution d'une « présidence forte ». Mais il a été sauvé de l'affrontement social central au premier semestre 2023. D'où le fait que pour le monde du travail et la jeunesse, le principal enjeu réel de ce scrutin, premier scrutin national du second quinquennat, est que son illégitimité et son affaiblissement, malgré la fuite en avant autoritaire incarnée par le ministre Darmanin et par une politique visant à corseter et abrutir la jeunesse, soient confirmées et aggravées. Et c'est bien ce qui se profile.

Le problème, c'est que, l'ensemble des partis de la plus ou moins défunte NUPES ne représentant pas une alternative à Macron, car tous acceptent et protègent le cadre et le calendrier institutionnel de ce régime, c'est le RN qui semble devoir gagner le scrutin. Sa tête de liste Bardella annonce que s'il est en tête il exigera la dissolution de l'Assemblée nationale. Cela veut dire qu'il espère gagner des élections législatives, et demandera alors à être premier ministre. Il y a un an et demi, telle était la revendication de Jean-Luc Mélenchon, qui elle aussi impliquait de garder Macron à la présidence. Naturellement, Bardella est assuré, lui, que ce serait pour mener sa politique à lui, déjà largement anticipée par Macron dans sa loi « Immigration », contre la jeunesse, contre la fonction publique et l'école laïque, et dans la répression.

Le score potentiel du RN ne signifie pas qu'il y a « extrême-droitisation » en profondeur de la société – il y a radicalisation de la classe capitaliste, ce qui n'est pas la même chose – mais que le RN est parfaitement légitime, hé oui, pour prétendre diriger et rétablir la V° République dans la force de l'État, dirigée contre le monde du travail et la jeunesse. Ce parti, répétons-le car cela est souvent peu compris, est l'héritier du coup d'État colonial d'Alger du 13 mai 1958. Il est une composante organique de ce régime et il revendique à présent son droit à le diriger, en exigeant de cohabiter avec Macron avant 2027 et en pesant, ce qui n'est pas difficile, sur la politique de Macron. Le combat contre le RN est donc inséparable du combat pour que Macron et ce régime soient renversés par l'affrontement social avant 2027, qui est et doit demeurer notre perspective dans et à travers le scrutin du 9 juin prochain.

La confrontation apparente avec le RN convient à Macron et a été recherchée par lui. En revanche, le fait que la liste Renaissance soit talonnée par la liste PS et sa tête de liste Raphaël Glucksmann de Place publique (l'une des formations éthérées nées de l'effondrement du PS en 2017, avec Générations.s, Nouvelle donne, Diem-21 …), et puisse être éventuellement dépassée par elle, surtout si, à une échelle de masse, se développe ce qui a commencé – la volonté d'utiliser ce vote apparaissant comme vote utile à la fois contre Macron et contre le RN – n'a été ni prévu ni recherché par lui. Bien que, évidemment, la remise en cause du calendrier institutionnel et la recherche de l'affrontement social pour casser le cercle infernal Macron/RN avant 2027, ne soit absolument pas l'orientation ni la raison d'être de cette liste, sa relative poussée n'a rien du phénomène « bobo » fantasmé par la sociologie gauchisante. Il n'est pas nécessaire de se faire la moindre illusion sur leur orientation et sur l'absence totale de garantie sur ce qu'ils feraient d'un score élevé, pour comprendre que celui-ci constituerait un coup direct et supplémentaire porté à Macron et – du coup – au RN.

Un élément clef de leur percée, probablement le facteur initial qui a fait la différence avec les autres listes issues de la NUPES, c'est l'Ukraine. Raphaël Glucskmann est l'objet d'une campagne de haine, aux relents antisémites, de la part de LFI et de secteurs du PCF et surtout des JC, ainsi que d'une partie de ce qu'il est convenu d'appeler l' « extrême-gauche » et qui s'estime propriétaire, contre le mouvement réel de la majorité, de la révolution. Cette campagne est allée jusqu'à l'agression physique ce 1° mai à Saint-Étienne. Elle est inspirée et largement manipulée par les « organes » russes et chinois, formant le trait d'union avec ce que notre camarade d'Oakland Socialist (Californie) John Reimann a appelé la « gauche poutinienne » – l'irredressable gauche poutinienne. Mais de qui fait elle principalement le jeu ? De Macron, car c'est Macron qui serait frappé gravement si sa liste n'était même pas deuxième après le RN.

La percée possible de cette liste est bien sûr à relier au fait que J.L. Mélenchon est de moins en moins perçu comme porteur d'une perspective politique de rupture avec les gouvernements de droite de la V° République. Pendant que les courants potentiels issus de LFI et leurs têtes d'affiche, Ruffin le premier, attendent que passe le 9 juin pour voir comment dégainer, LFI s'étiole en une garde prétorienne autour du Chef, assurée surtout par le POI, et mise à fond sur la mise en scène du « génocide de Gaza » pour prétendre représenter le puissant et réel sentiment d'indignation qui parcourt la jeunesse étudiante contre le massacre en cours. Sa tête de liste Manon Aubry a à peu près disparu des radars, au profit du vieux Chef et de Rima Hassan, poursuivie par les journalistes et les magistrats comme soi-disant « apologue du terrorisme ». Il va sans dire, mais disons-le, que ces attaques du régime contre la liberté d'expression et contre la liberté politique doivent être combattues. Mais notons-bien que LFI ne souhaite pas être défendue par d'autres forces contre ces attaques, ne veut pas d'une victoire démocratique contre Macron, mais entend seulement les utiliser pour jouer les faux martyrs. De plus, le fait que Rima Hassan a manifestement, pour le moins, des relations parfaitement cordiales avec le régime d'extrême droite syrien (et n'a jamais dénoncé le plus grand massacre de Palestiniens avant celui qui se déroule en ce moment à Gaza, mené par Bachar el Assad ces dernières années) constitue un gros problème potentiel.

La jeunesse mobilisée pour la cause palestinienne, mobilisée à juste titre, ne doit pas être trompée. Quand Mélenchon écrit : « Honte à ceux qui regardent ailleurs face au génocide en cours à Gaza » – juste après avoir écrit : « L'Ukraine et la Russie doivent négocier des garanties de sécurité mutuelle. », Mélenchon ne défend pas les Gazaouis et ne leur sert en rien. C'est, là aussi, une campagne unitaire, démocratique, internationaliste, qui peut imposer un cessez-le-feu à l'armée israélienne et du même coup mettre en cause la colonisation en Cisjordanie. Pas une campagne identitaire autour du mot-fétiche « génocide » visant à interdire qu'on « regarde ailleurs », notamment vers les territoires occupés d'Ukraine. La libération conjointe des territoires occupés en Palestine et en Ukraine, voila l'objectif internationaliste, contre le gardien de l'ordre européen Mélenchon.

A l'échelle du monde, la menace de la guerre et de l'extrême-droite porte deux noms, qui sont alliés : Vladimir Poutine et Donald Trump. La plus grave accusation contre Joe Biden ou Emmanuel Macron est qu'ils leur pavent la voie, en cautionnant le massacre de Gaza et tout simplement par leur politique capitaliste. Toute lutte contre l'extrême droite, toute lutte contre la guerre, qui ne comprend pas cela, fait le lit du fascisme, et, indépendamment de l'orientation et de ce que représente R. Glucskmann, cela vient d'être démontré en France par la campagne potentiellement meurtrière de la fausse gauche poutinienne à son encontre.

VP, le 02/05/2024.

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

« No borders, no nations, no deportations »

14 mai 2024, par Terry Conway — , ,
Lors d'une grande manifestation de solidarité à l'occasion du 1er mai, plusieurs centaines de manifestant·es à Peckham, dans le sud de Londres, ont réussi à bloquer le (…)

Lors d'une grande manifestation de solidarité à l'occasion du 1er mai, plusieurs centaines de manifestant·es à Peckham, dans le sud de Londres, ont réussi à bloquer le transfert d'un autocar de demandeurs d'asile vers le Bibby Stockholm, une péniche pénitentiaire. Cette péniche, où un Albanais s'est donné la mort en décembre dernier et où l'on pense également que des victimes de tortures sont détenues, devrait servir d'étape vers le Rwanda, même si l'on sait que les avions ne sont pas encore prêts à décoller.

Tiré de Inprecor 720 - mai 2024
6 mai 2024

Par Terry Conway

Ce raid a eu lieu moins d'une semaine après que la tristement célèbre loi des conservateurs sur le Rwanda a finalement reçu la sanction royale le 25 avril, après que les tentatives de la Chambre des Lords d'édulcorer le projet de loi se soient finalement essoufflées. Fait peut-être plus révélateur encore, elle est intervenue la veille de nombreuses élections locales et municipales en Angleterre (il n'y a pas eu d'élections en Écosse le 2 mai et, au Pays de Galles, seulement des élections pour les commissaires de police et les commissaires aux crimes). Le Premier ministre conservateur Rishi Sunak était vent debout pour tenter d'endiguer l'érosion du soutien à son gouvernement, en s'arc-boutant sur une position anti-immigration déterminée.

Le dimanche 27 avril, le gouvernement a annoncé que le ministère de l'intérieur lancerait « une opération majeure de détention de demandeurs d'asile dans tout le Royaume-Uni en vue de leur expulsion vers le Rwanda », quelques semaines avant qu'il ne soit prévu de passer à l'action. Bien que les raids d'immigration fassent partie intégrante de l'« environnement hostile » de l'État britannique bien avant l'adoption de la législation sur le Rwanda, il ne faisait aucun doute qu'il s'agissait d'une escalade et d'une opération menée avec le calendrier électoral à l'esprit. Les militants ont également été informés que certains demandeurs d'asile recevaient des avis mentionnant un possible renvoi au Rwanda.

Les militant·es ont réagi rapidement en s'appuyant sur les réseaux existants, principalement construits dans le sillage du mouvement Black Lives Matter et de la lutte contre le projet de loi répressif sur la police. Des stands ont été organisés à proximité des centres de réception des demandes d'immigration afin d'atteindre le plus grand nombre possible de demandeurs d'asile et de les informer, dans différentes langues, qu'en dépit des récents changements juridiques, ils ont toujours certains droits. Parallèlement, des messages ont été largement diffusés sur les réseaux sociaux afin d'alerter un plus grand nombre de personnes sur le fait qu'elles pourraient être appelées à court terme pour bloquer une expulsion.

Pendant sept heures, les manifestants ont bloqué la route devant l'hôtel où les demandeurs d'asile sont actuellement logés, et des appels à la mobilisation ont été lancés tout au long de la journée. À 15h, le car est finalement parti, vide. Quarante-cinq militant·es ont été arrêtés. Entre-temps, les militant·es de Portland Dorset, où la péniche est amarrée, surveillent de près l'arrivée d'autres demandeurs d'asile.

Si le 1er Mai a été une victoire pour la solidarité internationale, le vendredi 3 mai, au moins deux autres rafles ont eu lieu dans différentes parties de Londres, à Hounslowet à Croydon. Dans le premier cas, les militants ont retardé l'autocar pendant un certain temps, mais ils n'ont pas pu empêcher que des personnes soient finalement emmenées. On ne sait pas exactement ce qui s'est passé à Croydon depuis l'appel initial, mais il ne fait aucun doute que les appels à l'action dans les rues se multiplieront dans les semaines à venir.

C'est cela la solidarité, alors que ceux qui fuient la destruction de leurs foyers par le capitalisme sont soumis à de nouveaux traitements inhumains.

Pour plus d'informations, voirle site web de Migrants Organise.

5 mai 2024, publié par International Viewpoint.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

600,000 enfants à Rafah ne peuvent « évacuer »

La représentante de l'UNICEF Mme Tess Ingram déclare après son retour de Gaza, « La réalité dans laquelle vivent les enfants ici, est honnêtement choquante. Les gens vivent (…)

La représentante de l'UNICEF Mme Tess Ingram déclare après son retour de Gaza, « La réalité dans laquelle vivent les enfants ici, est honnêtement choquante. Les gens vivent vraiment dans des conditions sordides ».

Jeremy Scahill, The Intercept, 8 mai 2024
Traduction, Alexandra Cyr

Avec leurs tanks, les militaires israéliens sont entrés dans Rafah et se sont vite dirigé vers le poste frontière avec l'Égypte pour en prendre le contrôle. Cette prise en mains bloque le seul corridor dont disposaient les Gazaouis vers un territoire hors contrôle des Israéliens. À titre de salutation, un tank bulldozeur israélien a démoli un monument où on pouvait lire « I love Gaza » en entrant dans le territoire venant d'Égypte.

L'assaut, et la menace israélienne pendante d'une invasion complète de la zone, malgré les objections importantes de la Maison blanche, laissent les civils.es palestiniens.es avec le poids d'attaques incessantes dont ils et elles doivent supporter le choc permanent. Très vite Israël a fermé la frontière à Rafah et provoquer ainsi l'arrêt des entrées d'aides dans le sud de l'enclave, si maigres étaient-elles.

« Ils sont épuisés.es, traumatisés.es, malades, affamés.es, et leurs capacités pour entreprendre une évacuation sécuritaire sont limitées ».

Les résidents.es de Gaza sont une fois de plus forcés.es de s'introduire dans un scénario inimaginable où il leur faut batailler pour comprendre les cartes déterminées par Israël qui leur indiquent les endroits où se diriger pour avoir moins de risques de mourir. Sur les réseaux sociaux, la porte-parole de langue arabe de l'armée israélienne leur dit de se rendre à Khan Younes, un territoire en ruine après les attaques aériennes et terrestres (de la part de cette armée).

L'UNICEF demande au gouvernement israélien et à ses supporters d'accepter un cessez-le feu et de revenir sur ses plans d'invasion de Rafah.

Sa représentante, Mme Tess Ingram, insiste : « À Rafah, il y a 600,000 enfants qui y cherchent refuge. Beaucoup d'entre eux et elles ont déjà été déplacés.es de multiples fois, sont épuisés.es, traumatisés.es, malades, affamés.es et leurs capacités à évacuer en sécurité sont limitées. L'endroit où on leur dit d'aller n'est pas sécuritaire. Il n'y a aucun service de base pour leur assurer l'eau, les sanitaires et un abri. Et ça n'est pas sécuritaire aussi parce que nous savons que cette zone a été l'objet d'attaques même si elle est qualifiée de sûre. L'impact d'une offensive terrestre dans une région du monde la plus peuplée, nous préoccupe aussi ».

Avant le début de la guerre à Gaza, Rafah comptait environ 250,000 habitants.es. Avec l'arrivée des Gazaouis fuyant les combats cette population. a fini par atteindre le million et quart.

Mme Ingram ajoute : « Honnêtement la réalité dans laquelle vivent ces enfants est choquante. Les gens vivent dans des conditions sordides. C'est un territoire incroyablement surpeuplé. Partout où vous marchez, vous êtes côte à côte avec quelqu'un. Les abris de fortune s'étendent depuis les immeubles jusque sur les trottoirs et dans les rues. Les gens vivent là où ils peuvent trouver un espace, sous des toiles ou des couvertures. Et ça s'étend aussi loin que porte la vue ».

Elle n'a pas pu avoir d'aide humanitaire ou d'essence à Gaza depuis dimanche : « Vraiment, nous grattons les fonds de barils pour trouver ce qu'il nous reste de pétrole. Nous n'avons pas réussi à en faire entrer plus. Pourtant c'est vital pour l'aide humanitaire et les opérations à Gaza. Sans cela, nos plus importants systèmes, les usines de dessalement de l'eau de mer, les hôpitaux, la livraison de la nourriture par camions, vont devoir s'arrêter ».

Ces propos ont été confirmés par le porte-parole de Département d'État, Mark Miller, lors d'un point de presse mercredi dernier. Il a confirmé qu'aucun pétrole n'était entré dans Gaza que ce soit par les poste de Rafah ou Karem Shalom malgré les pressions américaines. Il a ajouté que les États-Unis ont averti Israël qu'en prenant le contrôle du poste frontière, il a maintenant la responsabilité de l'ouvrir au plus vite. Et même si les camions d'aide entraient à Gaza ils ne pourraient assurer leurs livraisons sans essence.

Israël ne reculera pas

Les conditions épouvantables ont encore empiré avec les bombardements incessants des forces israéliennes sur Rafah et dans les environs. Elles ont stratégiquement saisi des territoires comme le poste frontière et massé des troupes en préparation d'une invasion de grande ampleur.

Depuis les sept mois d'attaques ininterrompues contre la population civile de la Bande qui ont fait plus de 35,000 morts, les hauts-fonctionnaires et les porte-paroles israéliens.nes, ont répété au monde entier que leur gouvernement n'avait pas l'intention d'occuper Gaza. L'actuelle main mise sur Rafah est un puissant rappel qu'on nous a servi un mensonge.

Même sans les tanks positionnés à la frontière, Israël exerce son autorité sur les entrées sur le territoire. Il a déjà installé un système d'inspections de sécurité du côté égyptien qui a imposé des délais de livraison à l'aide humanitaire depuis l'an dernier. Les tanks du côté de Gaza ne font que donner publiquement un sens militaire à cette réalité.

Depuis des semaines, l'administration Biden insiste pour dire que Rafah est sa ligne rouge. Mais, quand le Président Biden a discuté avec le Premier ministre Nétanyahou avant le début de l'opération, un fonctionnaire de haut-niveau soulignait : « J. Biden n'a pas mis le frein sur la saisie du poste frontière de Rafah ».

La Maison blanche a émis des préoccupations modérées à propos de la saisie (du poste frontière) après l'arrivée des tanks. Mais, le porte-parole du Conseil national de sécurité, M. John Kirby, a défendu l'action israélienne en disant que l'administration avait reçu des garanties d'Israël que ce ne serait pas « une opération terrestre de grande ampleur ».

Pendant que symboliquement les États-Unis reportent la livraison d'un lot d'armement, les représentants.es officiels.les du gouvernement ont clairement dit que l'appui en armes à Israël continuera qui a minimisé la signification de ce délai de livraison d'armes et assuré qu'en coulisses, les alliés travaillent sur les enjeux en cause.

Certaines des tensions dans ces coulisses ont surgit publiquement cette semaine lorsqu'un membre officiel du Likoud et député à la Knesset, M. Tali Gottlieb, a lancé une menace envers les États-Unis de porter plainte pour crimes de guerre en réponse à ce délai de livraison : « Bon. J'ai reçu les nouvelles des États-Unis. Nous possédons des missiles imprécis. Je vais les utiliser. Je vais tout simplement écraser dix édifices. Dix édifices. C'est ce que je vais faire ».

The Intercept a questionné M. Miller du Département d'État, à propos de cette déclaration. Il l'a dénoncée : « Ces commentaires sont absolument choquants ; les membres les plus importants du gouvernement israélien devraient s'en abstenir ».

Mercredi, le Président Biden est allé plus loin. Répondant à Erin Burnett (sur CNN) il a déclaré que si Israël envahissait Rafah, son gouvernement couperait les aides en obus d'artillerie, de bombes et d'autres armes offensives.

Le gouvernement israélien a servi un paquet de raisons pour justifier son invasion de Rafah : défaire les bataillons du Hamas, démanteler les couloirs de contrebande, faire pression sur le Hamas pour qu'il accepte une entente de libération des otages. Pour leur part, les familles des otages manifestent massivement exigeant du gouvernement Nétanyahou qu'il arrive immédiatement à une entente avec le Hamas sur la libération de leurs proches détenus.es.

Cette demande était d'actualité lorsqu'Israël s'est saisi du poste frontière (à Rafah) mais les représentants officiels du gouvernement ont insisté sur la nécessité de conquérir Rafah avec ou sans une telle entente.

L'Unicef estime que les habitants.e de Rafah ont accès en ce moment à environ 3 litres d'eau pure par jour. Cette quantité doit servir d'eau potable, à la cuisine, à la lessive et à l'hygiène. L'agence souligne qu'un minimum de 15 litres par jour est recommandé pour les populations en situation d'urgence. Il y a une seule toilette pour 850 personnes. La diarrhée est rampante, les femmes et les filles n'ont pas un accès continue aux produits sanitaires nécessaires et le couches pour bébés manquent : « Les gens peuvent attendre des heures pour utiliser une salle de toilette ou encore ils ne se trouvent pas en sécurité pour le faire. Donc d'autres méthodes sont utilisées comme faire ses besoins en plein air. Quand vous marché dans Rafah très souvent vous sentez les égouts qui suintent. Le système d'évacuation ne fonctionne pas correctement mais il n'y a pas d'autres option ».

Si Israël étend ses opérations à Rafah, les endroits où la population devra se rendre sont encore moins bien pourvus de ces fragiles et inadéquates infrastructures. Mme Ingram ajoute : « Il est difficile d'imaginer qu'une situation si mauvaise puisse empirer. Mais ça se passera quand les gens seront forcés de se rendre dans un endroit non sécurisé qui ne possède pas les services de base dont ils ont besoin pour survivre. Même Rafah manque de cela. Les enfants vulnérables dont on parle ont déjà survécu à sept mois de guerre et en portent toutes les marques physiquement ou psychologiquement. Leurs capacités à se déplacer vers la zone désignée sont diminuées par les traumatismes. Ils ont besoin de plus d'aide pas de moins ».

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le cinéaste iranien Mohammad Rasoulof, condamné à huit ans de prison

14 mai 2024, par Pierre Barbancey — ,
Le réalisateur dont le dernier film, « La graine de la figue sacrée », doit être projeté à Cannes en sélection officielle doit aussi subir la flagellation. Ses œuvres dénoncent (…)

Le réalisateur dont le dernier film, « La graine de la figue sacrée », doit être projeté à Cannes en sélection officielle doit aussi subir la flagellation. Ses œuvres dénoncent régulièrement la corruption du pouvoir iranien et la répression menée contre les voix dissidentes.

Tiré de l'Humanité
www.humanite.fr/culture-et-savoir/cinema/le-cineaste-iranien-mohammad-rasoulof-condamne-a-huit-ans-de-prison <http://www.humanite.fr/culture-et-s...>

Par Pierre Barbancey <https://www.humanite.fr/auteurs/pie...> , L'Humanité, France. Mis à jour le 10 mai 2024 à 13h42

Le réalisateur iranien Mohammad Rasoulof ne montera pas les marches du palais et n'assistera pas à la projection de son dernier film « The Seed of the Sacred Fig » ( /La graine de la figue sacrée /) sélectionné en compétition officielle du Festival de Cannes qui démarre le 14 mai. L'histoire d'un juge d'instruction du tribunal de Téhéran qui devient paranoïaque, perdant même son arme, alors que le pays est en proie à des manifestations politiques.

Il a été « condamné à huit ans d'emprisonnement ( cinq ans applicables ), à la flagellation, à une amende et à la confiscation des biens selon le verdict rendu par la 29e chambre du tribunal de la Révolution islamique. Ce jugement a été confirmé par la 36e chambre de la cour d'appel d'Aina et maintenant l'affaire a été renvoyée à l'exécution des jugements », a fait savoir son avocat, Babak Paknia, sur le réseau X.

Dans un courriel reproduit par "The Guardian", Paknia ajoute : « Il est accusé d'avoir fait [ "La graine de la figue sacrée" ] sans obtenir une licence des autorités concernées, en plus des accusations selon lesquelles les actrices n'appliquaient pas le hijab correctement et ont été filmées sans hijab. Tous les membres clés du film sont interdits de quitter le pays et ont fait l'objet d'une enquête par les forces de sécurité du ministère du Renseignement. »


*La sentence la plus sévère jamais infligée au réalisateur*

En 2010, il est condamné à six ans de prison, puis à un an, après une accusation de tournage sans le permis correct ( sic ). En 2011 il avait réussi à faire sortir illégalement d'Iran son film « Au Revoir », présenté à la Section Un Certain Regard, à Cannes où il avait remporté le Prix du meilleur réalisateur. En 2017, il lui a été interdit de quitter le pays après la confiscation de son passeport à son retour en Iran. Deux ans plus tard, le tribunal révolutionnaire islamique le condamnait à nouveau à un an de prison et à deux ans d'interdiction de quitter le pays et de toute participation à des activités sociales ou politiques. Les autorités entendaient ainsi le punir pour son film réalisé en 2017, « Un homme intègre », un drame sur la corruption endémique en Iran, qui avait remporté le Prix Un Certain Regard à Cannes.

En 2020, il a été condamné à un an de prison supplémentaire et à deux ans d'interdiction de tournage pour « propagande contre le système ». De ce fait, il n'a pas pu se rendre au festival du film de Berlin en février 2020, où son film « Le Diable n'existe pas » – un drame sur la peine de mort en Iran – avait remporté l'Ours d'or. Une autre incarcération a suivi en juillet 2022, après que Rasoulof a apporté son soutien aux Iraniens durement réprimés qui manifestaient contre l'effondrement d'un bâtiment dans la ville d'Abadan, au sud-ouest du pays. Il sort en février 2023 mais se voit interdit d'assister au festival de Cannes, où il devait faire partie du jury d'Un Certain Regard.

Les cinéastes sont particulièrement visés en Iran. Jafar Panahi a ainsi été détenu à plusieurs reprises. En juillet 2022, il avait été arrêté alors qu'il était venu manifester son soutien à Rasoulof devant le tribunal de Téhéran et libéré en février 2023 après une grève de la faim. Peu de temps après, il a quitté l'Iran pour la première fois en 14 ans.

Après les manifestations « Femme, vie, liberté » qui ont suivi la mort de Jina Mahsa Amini en septembre 2022, le pouvoir iranien a intensifié sa répression contre toutes les formes d'expression dénonçant le système et sa corruption. Que Mohammad Rasoulof soit dans le viseur des juges islamiques n'est malheureusement pas étonnant. (...)

Le cinéaste a été « condamné à huit ans d'emprisonnement, à la flagellation,

à une amende et à la confiscation des biens selon le verdict rendu par la 29

chambre du tribunal de la Révolution islamique.

Photo : LOIC VENANCE | Crédits : AFP

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Dérive antisémite sur les campus ou malaise sioniste face à la solidarité ?

Le soutien à la Palestine s'intensifie sur les campus US et européens. Ces mobilisations, violemment réprimées, sont accusées de contribuer à une « dérive antisémite ». Mais (…)

Le soutien à la Palestine s'intensifie sur les campus US et européens. Ces mobilisations, violemment réprimées, sont accusées de contribuer à une « dérive antisémite ». Mais qu'en est-il réellement ?

Tiré de Tsedek !.

Insécurité ou malaise ?

Lors d'une projection du film Israelism organisée par Tsedek ! le 1er avril, les réalisateurs du documentaire sur les mouvements juifs américains contre l'apartheid et l'occupation israélienne expliquent : “être mal à l'aise, ce n'est pas la même chose que de ressentir de l'insécurité”. C'est leur réponse aux Juif·ves américain·es qui perçoivent dans le mouvement de solidarité avec la Palestine une violence intrinsèque contre les Juifs et les Juives, et qui appellent à la répression de ces mobilisations, notamment sur les campus. Une répression présentée comme nécessaire pour assurer la sécurité des étudiant·es juif·ves. Pourtant, pour les réalisateurs Erin Axelman et Sam Eilertsen, les Juif·ves ne sont pas réellement en danger sur les campus – en revanche, s'iels mettent en avant des opinions pro-Israël, ils et elles risquent effectivement d'être mal à l'aise.

Dans un épisode de podcast du média juif américain Jewish Currents sur les accusations d'antisémitisme sur les campus américains (datant du 11 avril), les intervenant·es[1] développent un propos similaire : “Lorsqu'on parle de “l'insécurité des Juif·ves” sur les campus, on parle en réalité d'un malaise politique pour les Juif·ves sionistes – et non d'insécurité”.

L'enchevêtrement du judaïsme et du sionisme étant au cœur de nombreux espaces communautaires juifs, il n'est pas surprenant que, pour de nombreuses personnes juives, Israël constitue une partie intégrante de leur identité. Pour les étudiant·es Juif·ves sionistes, Israël incarne la figure du Juif ; par conséquent, les critiques d'Israël et les positions antisionistes sont perçues comme des menaces contre les Juif·ves. Et parce qu'ils et elles auraient peur, le mouvement de solidarité avec la Palestine serait forcément antisémite.

Alors que la sécurité des Juifs et des Juives est utilisée comme prétexte pour écraser ce mouvement que rejoignent de plus en plus d'universités (avec des violences policières contre les étudiant·es aux États-Unis, en France, et en Allemagne), ces analyses provenant des milieux juifs de gauche américains nous offrent un rappel important : être mal à l'aise, ce n'est pas être en danger.

Étudiant·es juifs et juives mobilisé·es pour la Palestine

Il ne s'agit pas ici de nier l'existence de ce malaise juif vis-à-vis de l'antisionisme ou de la critique d'Israël, mais de le décortiquer et de questionner sa centralité dans la répression univoque menée à l'encontre les étudiant·es mobilisé·es contre le génocide, notamment dans les universités françaises. Ce que nous observons dans les universités n'est pas une vague de violence dirigée contre les Juifs et les Juives en tant que Juif·ves, mais un rejet croissant des points de vue pro-israéliens ainsi que de la complicité active des pays occidentaux, dans le contexte du génocide à Gaza et compte tenu de la colonisation continue de la Palestine.

La représentation médiatique d'une supposée dérive antisémite sur les campus américains ou dans les universités françaises reproduit en boucle l'idée fallacieuse que les universités seraient des lieux dangereux pour tous·tes les étudiant·es juif·ves à cause des mobilisations pour la Palestine. Mais c'est ignorer sciemment la présence d'étudiant·es juif·ves au sein de ces mobilisations, particulièrement forte aux États-Unis, où l'organisation juive antisioniste Jewish Voice for Peace se tient aux côtés de l'organisation étudiante Students for Justice in Palestine. Les médias mainstream préfèrent dépeindre deux camps opposés : l'intégralité des étudiant·es juif·ves d'un côté, et le mouvement pro-Palestinien de l'autre. Ce discours est non seulement factuellement incorrect, mais il alimente aussi l'illusion d'une rupture profonde entre les Juif·ves et les mouvements anticoloniaux et antiracistes.

La présence d'étudiant·es juif·ves dans ces mobilisations devrait être regardée en face. Sont-ils et elles vraiment des “faux Juif·ves”, des “mauvais·es Juif·ves”, des traîtres, des antisémites ? Qui peut, en bonne conscience, reproduire ces accusations alors que les étudiant·es juif·ves sont présent·es par centaines sur chaque campus américain, qu'ils et elles prennent la parole publiquement (notamment à Sciences Po) malgré le risque de représailles, que le mouvement de Juif·ves antisionistes, dans lequel Tsedek ! s'inscrit, ne fait que prendre de l'ampleur et devient une réelle force politique en France et à l'international ?

Un appareil médiatique au service de la réaction

Le débat public étant déjà saturé d'amalgames et de confusions (antisionisme = antisémitisme, critique de l'apartheid israélien = mort aux Juif·ves, etc.), les représentations médiatiques dominantes des mobilisations étudiantes ne font que reproduire aveuglément ces narratifs. Nous sommes donc nombreux·ses à se tourner vers les réseaux sociaux et les médias alternatifs, où d'autres perspectives peuvent être exprimées et entendues. Il suffit de prendre l'exemple de la polémique à Sciences Po du mois de mars et d'observer la façon dont cet incident a été relayé dans les médias, provoquant une panique nationale dépourvue d'analyse critique – “antisémitisme à Sciences Po !” –, pour mesurer l'absence d'un travail journalistique de fond auprès des étudiant·es se trouvant des deux côtés du débat. Les étudiant·es présent·es sur place avaient pourtant expliqué que la personne exclue de la conférence pro-Palestinienne l'avait été pour des raisons de harcèlement et de doxxing des étudiant·es mobilisés pour la Palestine – non pas parce qu'elle était juive. Ces voix n'ont été néanmoins entendues qu'après que la polémique ait explosé dans les médias et au sein du gouvernement, et ont été largement marginalisées dans le récit officiel de l'incident.

Grimer une colère légitime, abîmer la lutte contre l'antisémitisme

Mettre l'accent politique et médiatique sur l'inconfort de certain·es étudiant·es juif·ves face à ces mobilisations détourne l'attention du massacre en question, et contribue à effacer les revendications au cœur de ce mouvement : leur appel à mettre fin au génocide à Gaza et leur dénonciation de la complicité des institutions françaises dans celui-ci. Pourquoi les étudiant·es se mobilisent-ils et elles ? Oui, iels accusent Israël de commettre un génocide à Gaza. Oui, iels s'opposent à la colonisation et à l'apartheid. Oui, iels appellent à une Palestine libre, une terre où Palestinien·nes et Israélien·nes puissent vivre en sécurité et dans l'égalité, libéré·es du régime suprémaciste actuellement en place.

Mais allons plus loin – pourquoi sont ils et elles en colère ? Pourquoi risquent-ils et elles la suspension, l'arrestation par les forces de l'ordre, la violence des contre-manifestant·es ? Est-ce vraiment l'antisémitisme qui motive ces étudiant·es ou le rejet des étudiant·es juif·ves qui les poussent à se mettre en danger face à une répression de plus en plus brutale ? Le récit dominant témoigne à la fois d'une pauvreté intellectuelle – le reflet finalement de la pauvreté du débat public sur ces questions – mais il est aussi plus généralement une expression de la colonialité de l'Etat français, qui criminalise la colère de ses populations marginalisées.

Les appels à la décolonisation de la Palestine se heurtent à l'écosystème d'une France qui peine à reconnaître sa propre colonialité, comme nous le rappelle Elie Duprey, militant Tsedek !, dans un article pour Contretemps. La colère qui se manifeste sur les campus témoigne du rejet des structures coloniales et impérialistes qui ont permis le génocide à Gaza. La grimer en expression antisémite est non seulement une grave insulte à sa légitimité, mais cela salit également la lutte contre l'antisémitisme en le détournant de ses manifestations réelles.

Construction d'une “dérive antisémite” pour museler les soulèvements anti-coloniaux

Face au soulèvement populaire anti-colonial et anti-impérialiste qui émerge en réaction au génocide à Gaza, l'État français tremble. Il sait qu'il est visé. En prétendant vouloir assurer la sécurité des étudiant·es juif·ves, il cherche en réalité à préserver la légitimité de son soutien à l'État d'Israël tout comme son masque humaniste, un masque qui couvre son refus de regarder en face sa propre colonialité. Une fois de plus, il se sert des Juif·ves pour criminaliser le mouvement contestataire ; la “dérive antisémite” est ainsi devenue le symbole d'une France attaquée par celles et ceux qui ne s'inscriraient pas dans le nouvel arc Républicain de cette nation “judéo-chrétienne”, notamment la gauche et les populations issues de l'immigration post-coloniale.

Les universités, elles aussi, font le choix de la répression. Ce faisant, elles mettent physiquement en danger les étudiant·es participant aux mobilisations de solidarité avec la Palestine. Face au malaise, elles répondent par l'insécurité.

Deborah Leter

[1] La rédactrice en chef de Jewish Currents, Arielle Angel, le journaliste Peter Beinart, la rédactrice en chef adjointe Mari Cohen et l'éditeur Daniel May.

Photographie tirée du compte Instagram d'Urgence Palestine, @urgencepalestine.

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Etats-Unis-Palestine-Israël. Quand l’histoire et le sens de l’expression « From the River to the Sea » sont subvertis pour la charger d’antisémitisme

La vague de manifestations pro-palestiniennes qui a déferlé sur les campus des Etats-Unis a été déclenchée par l'ordre donné par la présidente de l'Université de Columbia (…)

La vague de manifestations pro-palestiniennes qui a déferlé sur les campus des Etats-Unis a été déclenchée par l'ordre donné par la présidente de l'Université de Columbia [depuis juillet 2023, elle a occupé antérieurement le poste de vice-présidente à la Banque mondiale et de dirigeante au FMI], Minouche Shafik, de faire évacuer par la force un campement pacifique le 18 avril. Cette décision est le résultat direct de son audition la veille devant une commission de la Chambre des représentants à Washington enquêtant sur l'antisémitisme présumé sur les campus américains. Lors de cette audition, elle s'est engagée à prendre des mesures contre les manifestant·e·s.

Tiré d'À l'encontre.

L'un des principaux thèmes abordés lors de l'audition était le slogan, populaire parmi les manifestants pro-palestiniens : « De la rivière à la mer, la Palestine sera libre ».

***

La députée Elise Stefanik (républicaine, New York – durant le mandat de Donald Trump elle s'est rapprochée de ses positions et défend l'idée que l'élection présidentielle de 2020 a été truquée), se référant à une résolution adoptée par la Chambre des représentants trois jours plus tôt, a pressé Minouche Shafik de prendre acte du fait que « 377 membres du Congrès sur 435 condamnent “comme antisémite” le slogan “du fleuve à la mer” ». Minouche Shafik a répondu qu'elle était d'accord avec cette déclaration, qu'elle avait clairement indiqué que le slogan était inacceptable et que « nous menons actuellement des procédures disciplinaires concernant ce type de propos ».

***

Au cours des dernières semaines, pour discréditer les manifestations nationales, principalement axées sur les demandes de désinvestissement des universités dans les entreprises qui soutiennent l'occupation israélienne et le génocide à Gaza, usage a été fait d'une critique de ce slogan. Des membres du Congrès ont insisté sur le fait que les étudiant·e·s qui emploient ce slogan expriment leur soutien au massacre des Juifs [entre autres le 7 octobre]. Le gouverneur du Texas, Greg Abbott [républicain en fonction depuis le 20 janvier 2015], a publié un décret déclarant que ce slogan est intrinsèquement et évidemment antisémite. Il a pris que les étudiant·e·s qui l'utilisent feront l'objet de mesures disciplinaires.

***

La résolution de la Chambre des représentants, adoptée le 16 avril, à laquelle il est fait référence dans l'audition de Minouche Shafik, affirme que la phrase est « antisémite », qu'elle « perpétue la haine » à l'égard des Juifs et qu'elle constitue un appel « à l'expulsion du peuple juif de sa patrie ancestrale ».

Cependant, pour la grande majorité des Américains qui utilisent ce slogan, « d'un fleuve à l'autre » a une signification très différente.

A l'origine, cette expression a été lancée par des nationalistes palestiniens laïques dans les années 1960, qui réclamaient un Etat démocratique laïque dans les limites de ce qui était le mandat britannique pour la Palestine, englobant Israël, la Cisjordanie alors contrôlée par la Jordanie et la bande de Gaza alors administrée par l'Egypte, autrement dit les terres situées entre le Jourdain et la mer Méditerranée. L'Organisation de libération de la Palestine (OLP) l'a adoptée peu après la conquête par Israël des parties restantes de la Palestine en 1967, bien qu'elle ait par la suite reconnu le contrôle israélien sur 78% du territoire.

Rien n'indique que sauf une infime minorité utilisant le slogan soutient le « meurtre » ou le « nettoyage ethnique » des Juifs résidant dans ce qui est aujourd'hui Israël. La Déclaration de Jérusalem sur l'antisémitisme [1], signée par des centaines de spécialistes de l'antisémitisme et largement reconnue comme l'une des définitions définitives de l'antisémitisme, en particulier en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, stipule explicitement que la formule n'est pas antisémite.

***

Etant donné que tant de Juifs des Etats-Unis ont été amenés à penser que les appels à une Palestine libre du fleuve à la mer étaient en réalité des appels au génocide, certains militants pro-palestiniens ont exhorté le mouvement plus large pour la libération de la Palestine à envisager des modifications du slogan pour aider à lutter contre la désinformation rampante dont il fait l'objet. Il est vrai qu'un slogan du type « de la rivière à la mer, nous voulons l'égalité totale » pourrait être plus difficile à dénaturer pour la droite que « de la rivière à la mer, la Palestine sera libre ». Mais compte tenu des profondes racines historiques du slogan, il est peu probable que l'ensemble du mouvement de solidarité avec la Palestine décide soudainement de l'abandonner afin d'éviter les campagnes de distorsion, de désinformation de la droite.

***

Les principaux sponsors de la résolution de la Chambre des représentants du 16 avril et les intervenants les plus sévères lors des auditions de la commission étaient des républicains dont l'objectif apparent est de creuser un fossé entre des éléments de la communauté juive et les progressistes, et de détourner l'attention du véritable antisémitisme émanant de l'aile Trump du parti. Ces chrétiens conservateurs blancs [évangélistes dont l'importance est soulignée dans l'ouvrage de Jean-Pierre Filiu Comment la Palestine fut perdue, Le Seuil, février 2024] tentent d'effrayer les Juifs en leur faisant croire que les personnes qui expriment leur solidarité avec la Palestine ne demandent pas l'égalité, mais essaient au contraire de les tuer. Ils essaient essentiellement de convaincre les Juifs, dont beaucoup ont été à l'avant-garde des mouvements pour l'égalité pendant des siècles, que les demandes d'égalité sont en quelque sorte une menace [voir à ce propos l'article d'Enzo Traverso publié sur ce site le 19 avril 2024 et son entretien inclus dans l'article].

***

Ces efforts hypocrites et trompeurs visant à assimiler le plaidoyer en faveur d'un système démocratique « une personne, un vote » dans toute la Palestine à un plaidoyer en faveur du meurtre des Juifs rappellent les affirmations tout aussi fallacieuses faites dans les années 1980 par les partisans de l'apartheid sud-africain qui insistaient sur le fait que les demandes similaires « une personne, un vote » formulées par le mouvement anti-apartheid étaient en fait un appel au meurtre des Sud-Africains blancs. Dans les deux cas, ces critiques s'opposent en fait au concept d'égalité. Les promoteurs républicains de l'actuelle résolution sur l'« antisémitisme » sont des fanatiques anti-arabes bien connus [aux Etats-Unis] qui manipulent cyniquement les craintes des Juifs pour les besoins de leur programme de droite.

Malheureusement, la grande majorité des démocrates de la Chambre des représentants semblent également participer à cet effort – seuls 44 des 213 membres démocrates de la Chambre ont voté contre.

***

En outre, la formulation de la résolution de la Chambre montre clairement que son intention n'était pas de défendre les Juifs contre un slogan prétendument antisémite, mais de promouvoir un récit de droite sur Israël et la Palestine. Cette résolution contient une série de paragraphes qui n'ont rien à voir avec le slogan, y compris l'affirmation réfutée [par exemple par la chaîne I24 après l'avoir diffusée] que le Hamas « a décapité des dizaines de bébés », ainsi que la fausse accusation selon laquelle le Hamas a intentionnellement situé « ses dépôts d'armes militaires et ses avant-postes de renseignement directement sous » l'hôpital Al-Shifa.

Le principal auteur de la résolution, le député Anthony D'Esposito (républicain, New York – élu en janvier 2023), a qualifié de « pro-Hamas » les démocrates qui soutiennent le conditionnement de l'aide militaire à Netanyahou. Le fait que 162 des 213 démocrates de la Chambre des représentants soient prêts à croire sa parole sur ce qui s'est passé en Israël et à Gaza plutôt que des enquêtes indépendantes et à croire son interprétation de ce que veulent dire les manifestants pro-palestiniens plutôt que ce qu'ils disent eux-mêmes – la majorité d'entre eux votant vraisemblablement pour le Parti démocrate – montre à quel point le Parti démocrate s'est déplacé à droite sous l'impulsion de Biden.

***

En novembre, la Chambre des représentants a adopté une motion exceptionnelle de censure visant la députée Rashida Tlaib (démocrate, Michigan, d'origine palestinienne) pour avoir utilisé ce slogan. Rédigée par Rich McCormick, républicain de Géorgie, cette motion affirmait que l'expression « du fleuve à la mer » était « un appel génocidaire à la violence pour détruire l'Etat d'Israël et son peuple ». La motion condamnait ce qu'elle qualifiait de « fausse interprétation de la formule “du fleuve à la mer” comme “un appel à la liberté, aux droits de l'homme et à la coexistence pacifique”, alors qu'elle implique clairement la destruction d'Israël ». Il semble qu'au Congrès, comme partout ailleurs, les hommes blancs plus âgés soient prompts à croire que les jeunes femmes de couleur ne savent pas vraiment ce qu'elles disent, et que c'est donc à eux d'expliquer au monde ce que les jeunes femmes de couleur veulent vraiment dire.

En revanche, aucune motion de censure n'a été déposée contre le représentant Andy Ogles (républicain, Tennessee) qui, en réponse aux préoccupations d'un militant concernant l'assassinat d'enfants palestiniens par Israël, a répondu : « Je pense que nous devrions tous les tuer », ou contre le représentant Brian Mast (républicain, Floride) qui a déclaré qu'« il y a très peu de civils palestiniens innocents », ou encore contre le sénateur Lindsey Graham (républicain, Floride) qui a appelé Israël à « raser l'endroit » lorsqu'il a commencé sa campagne de bombardements sur Gaza. Ou encore le représentant Tim Walberg (républicain, Michigan) qui a affirmé, à propos de Gaza : « Ce devrait être comme Hiroshima et Nagasaki. Qu'on en finisse vite. » Pour le Congrès, ces appels au génocide ne sont pas aussi problématiques que l'appel à un Etat binational démocratique.

***

Paradoxalement, c'est Israël – et non l'OLP, l'Autorité palestinienne ou la majorité des militants états-uniens engagés dans la solidarité – qui appelle à la suprématie d'un peuple sur l'autre, du fleuve à la mer. Le programme du Likoud, le parti du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et le plus grand parti de la coalition au pouvoir, déclare explicitement qu'« entre la mer et le Jourdain, il n'y aura que la souveraineté israélienne ». Le 18 janvier 2024, Netanyahou a réaffirmé qu'il n'y aurait pas d'Etat palestinien : « C'est pourquoi je précise que dans tout autre accord, à l'avenir, l'Etat d'Israël devra contrôler toute la zone allant du fleuve à la mer. »

Lors de son discours devant l'Assemblée générale des Nations unies en septembre, Netanyahou a brandi une carte montrant qu'Israël contrôlait toutes les terres situées entre le Jourdain et la Méditerranée.

***

L'écrasante majorité des co-auteurs de la résolution de la Chambre des représentants sont d'accord avec le gouvernement israélien pour dire qu'il devrait y avoir un Etat juif israélien dans toute la Palestine historique et ont exprimé leur opposition même à un mini-Etat palestinien en Cisjordanie. Ainsi, dans une tentative orwellienne de dissimuler leur propre sectarisme, ils prétendent que ceux qui veulent l'égalité des droits du fleuve à la mer sont en fait les sectaires.

Effectivement, aucune résolution du Congrès n'a condamné les appels à la suprématie juive israélienne « du fleuve à la mer », mais seulement la condamnation de l'expression dans le contexte de l'égalité des droits pour tous et toutes.

Le soutien à un Etat démocratique et laïque dans toute la Palestine n'est pas une position radicale. Un récent sondage a montré qu'environ trois quarts des Etats-Unies, dont 80% des démocrates et 64% des républicains, soutiendraient un Etat démocratique pour tous les peuples si une solution à deux Etats s'avérait impossible (ce qui semble de plus en plus probable).

Dans ce monde, les extrémistes antisémites qui veulent tuer ou expulser les Juifs existent bien sûr. En effet, certaines des forces antisémites les plus puissantes au monde sont des sionistes chrétiens qui veulent activement que les Juifs continuent à coloniser la Palestine, dans le but de provoquer un Armageddon auquel ni les Juifs ni les musulmans ne survivraient.

Toutefois, les efforts visant à criminaliser l'expression « de la rivière à la mer » ne découlent pas d'une préoccupation sincère à l'égard de ces cas d'antisémitisme réel dans le monde entier, mais d'une tentative de discréditer les protestations légitimes. C'est pourquoi il est essentiel de s'opposer à cet alarmisme hypocrite. (Article publié par Truthout le 5 mai 2024, traduction-édition rédaction A l'Encontre)

Stephen Zunes, professeur de politique à l'université de San Francisco, est actuellement professeur invité de recherche Torgny Segerstedt à l'université de Göteborg en Suède.


[1] Voici ici la « Déclaration de Jérusalem sur l'antisémitisme » datant de 2020. Aux points 11, 12 et 13 du chapitre C, il est écrit : « 11. Soutenir l'exigence de justice du peuple palestinien et sa recherche de l'obtention de l'intégralité de ses droits politiques, nationaux, civiques et humains, en conformité avec le droit international.

Critiquer le sionisme ou s'y opposer, en tant que forme de nationalisme, ou plaider pour la mise en place de différents types de solutions constitutionnelles, pour les juifs et pour les Palestiniens, dans la région située entre le Jourdain et la Méditerranée. Il n'est pas antisémite de se prononcer en faveur de modalités politiques accordant une égalité pleine et entière à tous les habitants de cette région, qu'il s'agisse de prôner une solution à deux États, la création d'un État binational, d'un État unitaire démocratique ou d'un État fédéral, ou la mise en place de tout autre système politique, quelle qu'en soit la forme.

Critiquer Israël en tant qu'État, en s'appuyant sur des faits ; cette critique peut notamment porter sur les institutions nationales de ce pays et sur ses principes fondateurs. Elle peut également inclure la remise en cause des politiques et des pratiques d'Israël, à l'échelon national et international ; il peut, en particulier, s'agir de critiquer son comportement en Cisjordanie et à Gaza, son rôle dans la région ou toute autre manière dont cet État exerce, en tant que tel, une influence sur les événements dans le monde. Il n'est pas antisémite de mettre en exergue une discrimination raciale systématique en Israël. D'une manière générale, le débat sur la situation en Israël et en Palestine doit être soumis à des normes identiques à celles qui prévalent dans le cas d'autres États et d'autres conflits d'autodétermination nationale. Ainsi, même s'il s'agit d'une position controversée, il n'est pas antisémite, en soi, d'établir des parallèles entre la situation d'aujourd'hui en Israël et d'autres contextes historiques, y compris de colonisation de peuplement ou d'apartheid. »
La version anglaise permet de prendre connaissance des signataires : https://jerusalemdeclaration.org/

***

L'excellente publication de gauche, juive, aux Etats-Unis Forward, le 3 décembre 2018, situait historiquement ce mot d'ordre : « Les Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza, qui vivaient respectivement sous le régime jordanien et égyptien, ont été confrontés à des mesures de répression autoritaires qui les ont empêchés d'exprimer pleinement leurs opinions politiques.

En d'autres termes, après 1948, les Palestiniens n'ont pu vivre en toute liberté et dignité nulle part dans leur patrie.

C'est ainsi que l'appel à une Palestine libre “du fleuve à la mer” a pris de l'ampleur dans les années 1960. Il s'inscrivait dans le cadre d'un appel plus large en faveur de l'établissement d'un État démocratique laïque dans l'ensemble de la Palestine historique. Les Palestiniens espéraient que leur État serait libéré de toutes sortes d'oppressions, de la part des régimes israéliens comme des régimes arabes.

Certes, beaucoup de Palestiniens pensaient que dans un Etat démocratique unique, de nombreux Israéliens juifs partiraient volontairement, comme l'ont fait les colons français en Algérie lorsque ce pays a obtenu son indépendance des Français. Cette conviction s'inscrivait dans le contexte anticolonial dans lequel le mouvement de libération palestinien a vu le jour.

C'est pourquoi, malgré la rhétorique parfois exagérée de certains dirigeants, il n'y a pas eu de position palestinienne officielle appelant au départ forcé des Juifs de Palestine. Cette position s'est maintenue malgré la campagne médiatique israélienne qui, après la guerre de 1967, a affirmé que les Palestiniens souhaitaient “jeter les Juifs à la mer”. »

***

Voir de même sur le site alencontre la déclaration signée par Mateo Alaluf, Vincent Engel, Fenya Fischler, Henri Goldman, Heinz Hurwitz, Simone Süsskind, intitulée « Antisémitisme : combattre le feu avec les pyromanes ? » et publiée le 16 mars 2023.

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Un mouvement étudiant mondial contre le capital pro-Israël

Les campus universitaires à travers le monde sont devenus des champs de bataille pour la justice et l'éthique dans les investissements, sous l'impulsion des mouvements (…)

Les campus universitaires à travers le monde sont devenus des champs de bataille pour la justice et l'éthique dans les investissements, sous l'impulsion des mouvements étudiants pro-palestiniens. Depuis le déclenchement en octobre de la guerre génocidaire sur Gaza, les étudiant.es ont été au premier rang pour réagir et sortir du déni mondial.

Tiré du Journal des alternatives.

La communauté étudiante dénonce l'invisibilité de ce génocide à travers différents moyens pacifiques (manifestations, sit-in ou encore campements). Certain.es ont même été hospitalisées suite au manque de réponse des universités aux grèves de la faim.

Un phénomène mondial de résistance étudiante

Ces mouvements, centrés sur les campagnes de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) contre Israël, posent des questions cruciales sur la responsabilité des institutions d'enseignement supérieur dans les conflits internationaux. La Campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d'Israël (PACBI), en place depuis 2004, plaide pour un boycott des institutions universitaires et culturelles en raison de leur complicité profonde et persistante dans le déni par Israël des droits des Palestinien.nes stipulés dans le droit international.

Le mouvement a commencé le 17 avril dans l'Université de Columbia et s'est rapidement propagé à d'autres prestigieux établissements américains comme New York University (NYU), Yale, Harvard et University of California Los Angeles (UCLA), avant de gagner différentes universités de la planète.

À Paris, avec des occupations des bâtiments de la Sorbonne et de Sciences Po, puis à Montréal, avec le campement sur le campus McGill, principalement d'étudiant.e.s des universités anglophones.

Lundi, l'Université de la Colombie-Britannique (UBC) à Vancouver s'est jointe au mouvement, suivi par l'Université d'Ottawa mardi. Des tentes ont aussi émergé à l'Université de Victoria, l'Université Western de London et l'Université de Toronto.

La vague d'occupations d'étudiant.es s'est dispersée dans les autres continents dans la dernière semaine. Un camp a vu le jour devant l'Université nationale autonome du Mexique (UNAM) et d'autres au Japon, à l'Université Waseda et à l'Université de Tokyo.

Grève de la faim : une action pacifique

Une douzaine d'étudiant.es ont choisi de faire une grève de la faim en février suite à l'inaction de l'université McGill vis-à-vis leurs manifestations pacifiques des derniers mois. Rania Amine, une étudiante au premier cycle, s'est fait hospitaliser après 34 jours sans nourriture. Ils commenceront lundi prochain leur 78e jour de grève de la faim, à cause du refus constant de l'administration d'entendre leurs demandes. (@mcgillhungerstrike)

L'université anglophone aurait environ 20 millions d'investissements dans des compagnies qui financent directement ou indirectement le génocide palestinien.

La grève de la faim s'est rendue en France, où des étudiant.es de Sciences PoParis ont commencé cette action le jeudi 2 mai. (@comitepalestinescpo)

Cette action pacifique est aussi présente sur les campus américains comme l'Université de Brown avec la participation de plus de 20 étudiant.es depuis le 2 février. Un groupe à Princeton a commencé leur jeûne ce vendredi. (@princetondivestnow)

Ils utilisent la grève de la faim pour aussi dénoncer la famine imposée sur les millions de Palestinien.nes par le gouvernement israélien. (@gaza.starving)

Répression et liberté d'expression : une balance précaire

Les répercussions sur la liberté d'expression sont palpables. Les étudiant.es, souvent masquées et parlant sous couvert d'anonymat, expriment une peur réelle de répercussions académiques ou professionnelles. Plusieurs étudiant.es ont été expulsés de leurs établissements pour avoir dénoncé le génocide actuel, dont quatre étudiant.es de Columbia qui ont aussi été expulsés de leur logement universitaire à la suite de l'événement « Résistance 101 ».

En France, la conférence sur « l'actualité de la Palestine » de Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan du 18 avril à l'Université de Lille est annulée par l'administration universitaire.

Aux États-Unis et au Canada, les actions des étudiant.es propalestiniens ont souvent été rencontrées avec une forte résistance administrative et policière. Plusieurs étudiant.es attendent pour voir s'ils font face à des charges criminelles suite à des arrestations violentes à l'université Columbia, Yale ou encore Brown. Plus de 2 000 manifestant.es sur différents campus ont été arrêté.es aux États-Unis.

L'action pacifique choisie par les collectifs militants est régulièrement testée par la présence de contre-manifestants et d'interventions policières. Notamment à UCLA où le campement a été violemment démantelé début mai suite à un « appel à l'ordre » du président Joe Biden face à cette mobilisation étudiante.

En demandant aux policiers (SPVM) de démanteler le campement propalestinien de McGill en plein centre-ville, François Legault participe à une montée d'actions répressives des gouvernements qui font détourner l'attention des revendications légitimes des étudiant.es.

Quels impacts auront ces mobilisations ?

Historiquement, que ça soit pour le mouvement dénonçant l'apartheid en Afrique du Sud ou la guerre au Vietnam, les mouvements étudiants ont été un élément clé pour faire pression sur les gouvernements. La mobilisation étudiante en 1968 fut un accélérateur de changements en France, mais aussi ailleurs dans le monde. On peut aussi penser au Printemps érable et au mouvement des carrés rouges au Québec en 2012.

Les appels au désinvestissement ont connu des succès plutôt mitigés.

Certaines victoires se sont fait voir dans les dernières semaines. Quatre universités norvégiennes (Oslo Met, l'Université du sud-est, Bergen et l'école d'architecture de Bergen) ont suspendu leurs liens avec les universités israéliennes. Le Pitzer College en Californie a mis fin à son programme d'études à l'étranger avec l'Université de Haïfa, après des années de campagne. L'administration de l'Université Brown (Rhodes Island) s'est engagée à voter sur le désinvestissement des entreprises affiliées à Israël, grâce au campement étudiant. Mais concrètement, aucune université américaine n'a entrepris de vraies démarches de désinvestissement.

Solidarité étudiante

Les demandes des étudiant.es vont au-delà du désinvestissement des fonds d'investissement qui soutiennent l'armement israélien. Elles appellent à un examen de conscience collective sur le rôle de l'éducation et des institutions académiques dans le conflit. Les trois universités israéliennes, soit l'Université ben Gourion du Néguev, l'Université hébraïque de Jérusalem et l'Université de Tel-Aviv, sont encore affichées dans la liste des partenaires de l'Université de Montréal pour les ententes internationales.

Cette montée en puissance de la solidarité étudiante, qui se répand rapidement d'un campus à l'autre à travers le monde, montre non seulement leur capacité à mobiliser autour de causes importantes, mais aussi leur volonté de faire entendre leur voix dans des débats mondiaux cruciaux. Ces événements confirment la capacité de la jeunesse d'aujourd'hui à être une force puissante de solidarité internationaliste et de changement dans les années à venir.

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Guerre contre Ghaza : Revers successifs sur fond de génocide pour Netanyahu et Israël

Tout au long de ces 7 mois d'agression contre les populations civiles palestiniennes, on a pu se rendre compte à quel point le degré d'inhumanité a été chaque jour dépassé par (…)

Tout au long de ces 7 mois d'agression contre les populations civiles palestiniennes, on a pu se rendre compte à quel point le degré d'inhumanité a été chaque jour dépassé par les ordonnateurs du génocide et de l'épuration ethnique qui n'épargnent ni femmes ni enfants.

Tiré d'El Watan.

Une débâcle sur tous les fronts, c'est le moins que l'on puisse dire après la série d'échecs que vient d'essuyer l'entité sioniste. Non seulement sur le plan militaire, 7 mois après le début de l'agression contre Ghaza, Netanyahu n'a toujours pas réussi à réduire au silence la résistance palestinienne ni réussi à libérer les otages israéliens enlevés le 7 octobre 2023.

Mais aussi sur le plan diplomatique, notamment au siège des Nations unies où l'Assemblée générale a adopté, à l'écrasante majorité des deux tiers, une résolution recommandant d'accorder à la Palestine le statut de membre à part entière de l'organisation. Bien plus que symbolique, en dépit du veto américain qui lui a été opposé au Conseil de sécurité, ce texte qui a recueilli l'adhésion de 143 Etats membres de l'ONU, n'en n'est pas moins un succès à mettre à l'actif de la Palestine dont la population est en train de subir un véritable génocide ordonné par Netanyahu et les ministres suprémacistes de son gouvernement.

Un succès puisque, avec le vote de cette résolution, 143 pays ont estimé que la Palestine a le droit d'exister en tant qu'Etat. Ils étaient 137 avant ce vote de l'Assemblée générale de l'ONU à l'avoir fait de manière bilatérale. D'autres pays européens ont annoncé leur intention de reconnaître l'Etat de Palestine dans les jours qui viennent, à l'instar de l'Espagne de la Slovénie et de l'Irlande qui le feront de manière conjointe.

Loin d'avoir réussi à libérer les otages comme il l'avait promis face à l'opinion de son pays, Netanyahu est aujourd'hui responsable de la mort d'un certain nombre d'entre eux sous les bombardements et les pilonnages des territoires ghazaouis par l'armée sioniste d'occupation. Tout comme il expose la vie des autres survivants menacés par les bombes israéliennes ou par le désespoir allant jusqu'à entraîner au suicide pour en finir avec les mois de souffrance qu'ils ont endurés, comme vient de le révéler les brigades Al Qassam après la tentative de l'un d'entre eux d'attenter à sa vie.

Tout au long de ces 7 mois d'agression contre les populations civiles palestiniennes, on a pu se rendre compte à quel point le degré d'inhumanité a été chaque jour dépassé par les ordonnateurs du génocide et de l'épuration ethnique qui n'épargnent ni femmes ni enfants.

Une inhumanité qui ne recule devant rien, ni devant la condamnation des instances onusiennes, de la Cour internationale de justice ou de la plupart des pays qui viennent de voter la résolution des Nations unies en faveur de la Palestine, ni même encore moins devant la colère des familles des otages et de l'opinion publique en Israël. Elles savent en effet que des instructions ont été données aux unités sionistes d'intervention de ne pas reculer dans toute offensive sur le terrain y compris lorsque des vies israéliennes sont exposées à une mort certaine.

Celles-ci, au nom de la fameuse directive Hannibal, ne doivent en aucun cas servir de monnaie d'échange entre les mains des Palestiniens dans d'éventuelles négociations. Comme on peut le constater, Netanyahu et ses militaires génocidaires sont prêts à aller jusqu'au bout dans leur sinistre entreprise d'extermination des Palestiniens, y compris en sacrifiant la vie de leurs concitoyens.

Quid alors de cette profession de foi qui a fait dire à tous les dirigeants sionistes qui se sont succédé depuis 1948 qu'Israël serait le seul endroit où tous les juifs seraient en sécurité ! Difficile d'être en sécurité dans un pays où l'Etat serait prêt à sacrifier la vie de citoyens sur l'autel de préceptes doctrinaires suprémacistes et racistes. C'est aussi en cela que l'entité sioniste a été qualifiée d'Etat de l'apartheid par Amnesty International en 2020 et d'autres Organisations internationales de défense des droits humains.

Sur le plan militaire, l'armée d'occupation fait face à d'audacieuses actions militaires de la part des groupes de la résistance ghazouie subissant ainsi de graves pertes humaines et de lourds dégâts matériels qui viennent démentir le mythe de son invincibilité face aux armées arabes depuis 1949.

Après 7 mois de destructions et de ravages de la bande Ghaza dans sa presque totalité, le minuscule réduit de Rafah, aujourd'hui presque totalement encerclé mais qui subit, néanmoins, quotidiennement des attaques sionistes suivies de crimes de guerre, vit sous la menace d'une agression d'une ampleur meurtrière inégalée et dévastatrice eu égard au nombre élevé de civils qui s'y trouvent.

Malgré cela, la résistance ghazaouie parvient à mener des attaques contre des cibles de l'armée d'occupation non seulement dans la bande de Ghaza, mais également bien au-delà, dans les territoires occupés et jusqu'au nord d'Israël. Face à ces échecs successifs, Netanyahu essaie, avec la complaisance américaine, celle de certains pays occidentaux et avec la duplicité de certains régimes arabes, de gagner du temps par des manœuvres dilatoires dans les négociations avec le Mouvement Hamas.

Le temps de poursuivre et achever son entreprise d'extermination des populations civiles palestiniennes de Ghaza dans un premier temps, et celles de Cisjordanie, plus tard. Pour l'heure, il s'acharne sur les habitants de Rafah, les forçant à quitter la localité frontalière avec l'Egypte afin de pouvoir réduire ces lieux en cendres et en charniers humains.

D'ores et déjà, plus de 100 000 personnes selon l'UNRWA, l'agence onusienne, ont fui la ville et ses environs pour se réfugier plus au Nord. En tout, plus de 300 000 Ghazaouis seraient forcés de refluer vers d'autres cités, déjà totalement rasées… Le génocide se poursuit ainsi, en toute impunité, avec la complaisance des Américains, des Occidentaux et de certains pays arabes ceux-là mêmes qui ont accepté de normaliser leurs relations avec l'entité sioniste.

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Théories et pratiques antispécistes

14 mai 2024, par Christiane Bailey, Alexia Renard

De la suprématie humaine aux droits des animaux

14 mai 2024, par Christiane Bailey
Cet article présente trois cadres éthiques pour penser la justice de nos relations aux autres animaux. La vieille éthique anti-cruauté, héritée d’une théorie morale dans (…)

Cet article présente trois cadres éthiques pour penser la justice de nos relations aux autres animaux. La vieille éthique anti-cruauté, héritée d’une théorie morale dans laquelle les animaux ne comptent pas pour eux-mêmes et ne sont protégés qu’en raison des bénéfices que cela apporte aux humain·es. L’éthique du bien-être animal, qui admet que la sensibilité des animaux nous oblige à ne pas les faire souffrir « sans nécessité », mais ne reconnaît pas le fait de les exploiter, de les tuer et de les priver de leur liberté comme un tort pourvu qu’on réduise leurs souffrances. Enfin, les théories des droits des animaux qui accordent une valeur à la vie et à la liberté des autres animaux en leur reconnaissant des droits fondamentaux en tant qu’êtres sentients et des droits sociaux et politiques en tant que membres de communautés. Réformistes et abolitionnistes devraient néanmoins s’entendre pour normaliser l’aide aux animaux - et non seulement le devoir d’éviter de leur faire du mal.

Noyer le poisson pour mieux le manger

14 mai 2024, par Victor Duran-Le Peuch
L’exploitation des poissons pose un défi tout particulier aux luttes antispécistes. Leur monde est très différent de celui des humains ; ils font partie des individus les plus (…)

L’exploitation des poissons pose un défi tout particulier aux luttes antispécistes. Leur monde est très différent de celui des humains ; ils font partie des individus les plus altérisés, dont on sous-estime le plus les capacités mentales et dont la sentience est encore remise en doute ; leur mort n’est jamais considérée comme un drame digne d’être pleuré alors même que les animaux aquatiques sont les plus nombreuses victimes du spécisme. La responsabilité est d’autant plus forte de ne pas les négliger dans la construction d’un monde inter-espèces plus juste, en sachant construire une solidarité politique qui demande plus d’efforts conscients.

Les vaches font-elles l’amour ? Fisting, stripping, et autres bestialités agricoles

14 mai 2024, par Sarah Fravica
Quand nous parlons de sexualité animale, on peut à tout le moins dire qu’il y a un angle-mort à l’égard des animaux domestiqués. Nous nous intéressons moins à leurs (…)

Quand nous parlons de sexualité animale, on peut à tout le moins dire qu’il y a un angle-mort à l’égard des animaux domestiqués. Nous nous intéressons moins à leurs comportements et intentions sexuels qu’aux moyens par lesquels nous pouvons les reproduire le plus efficacement possible ou, à l’inverse, à la façon de limiter leur reproduction. Il ne s’agit pas de leur sexualité, mais bien de notre maîtrise de leur pouvoir reproductif. C’est nous, qui leur faisons des bébés. Pour les vendre, pour les manger. Pour cette raison, je ne sais pas si les vaches font l’amour. Ma question est plutôt ironique, car je sais que cela ne nous préoccupe pas. En m’intéressant à l’infraction de bestialité ainsi qu’à nos mœurs au regard de ce crime, puis par le biais d’une réflexion sur le consentement animal, je problématise les procédures au cœur de l’élevage animalier qui exploitent le système reproductif des animaux domestiqués.

Les humains qui voulaient être prédateurs : méprise identitaire ou écologique ?

14 mai 2024, par Véronique Armstrong
Cet article se concentre sur le désir profond des humains de se voir au sommet de la chaîne alimentaire, tels des prédateurs, et aux impacts environnementaux de ce vertigo. Les (…)

Cet article se concentre sur le désir profond des humains de se voir au sommet de la chaîne alimentaire, tels des prédateurs, et aux impacts environnementaux de ce vertigo. Les motifs derrière cette perception seraient surtout de l’ordre des préférences alimentaires, et plutôt éloignés de ce que peut nous enseigner l’écologie. Or, on peut noter que plusieurs concepts avancés par des spécialistes en éthique environnementale contribuent à renforcer une image positive des humains en tant que prédateurs et à les conforter dans leur hiérarchie imaginaire. La notion de « lois naturelles » est mobilisée afin d’inscrire les réflexions dans un cadre écologique et de vérifier si la prédation que tiennent à pratiquer les humains respecte l’objectif fondamental d’une éthique écocentrée : revoir la place des humains dans leur propre hiérarchie du monde afin de permettre une cohabitation harmonieuse avec la nature.

De la protection des chevaux à la défense de tous les animaux : une brève histoire de la cause animale au Québec

14 mai 2024, par Virginie Simoneau-Gilbert
Mon texte offre un aperçu historique de la naissance de la cause animale au Québec et met en lumière les transformations majeures qui l’ont marquée. Dans un premier temps, nous (…)

Mon texte offre un aperçu historique de la naissance de la cause animale au Québec et met en lumière les transformations majeures qui l’ont marquée. Dans un premier temps, nous pourrons constater que la naissance de la cause animale au 19e siècle est tributaire de nouvelles inquiétudes liées à la manière dont sont traités les chevaux et les animaux de bétail par les membres de la classe ouvrière. Ces préoccupations ne sont pas étrangères aux valeurs bourgeoises portées par les dirigeants montréalais et à l’influence des lois britanniques sur les colonies de l’Amérique du Nord britannique. Dans un deuxième temps, nous verrons que le remplacement des chevaux par l’automobile et que l’implication des femmes au sein du mouvement sont à l’origine d’une redéfinition majeure de la cause animale et de ses priorités à l’aube du 20e siècle. À partir de 1914, la SPCA de Montréal se consacre presqu’entièrement à son refuge pour chiens et chats et ce, jusqu’aux années 1960. Enfin, en guise de conclusion, je retracerai brièvement la trajectoire prise par le mouvement animaliste québécois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en insistant sur la diversité de ses buts.

Pourquoi les féministes ne mangent pas les animaux

14 mai 2024, par Suzanne Zaccour
Peut-on être féministe et manger des animaux ? Si cette question parait saugrenue, c’est que nous n’avons pas l’habitude de voir l’élevage comme une industrie qui exploite le (…)

Peut-on être féministe et manger des animaux ? Si cette question parait saugrenue, c’est que nous n’avons pas l’habitude de voir l’élevage comme une industrie qui exploite le corps des individu·es, qui contrôle leur sexualité et leur reproduction, et qui passe outre leur consentement. En creusant un peu, on s’aperçoit que la consommation de viande est associée à la virilité et que les justifications à l’exploitation animale font écho à la culture du viol. Lorsqu’on exploite une vache sous prétexte qu’elle y consent, lorsqu’on sexualise les truies pour mieux se les approprier, lorsqu’on enferme les poules pour les prétendre « en liberté », on bafoue le consentement et l’intégrité corporelle qui sont si chèr·es au féminisme. De même, à prétendre que manger des animaux n’est qu’un choix personnel, on oublie que le privé est politique – le slogan le plus iconique de la pensée féministe. Et que dire de l’affirmation selon laquelle l’éleveur exploite « par amour », un refrain bien connu des victimes de violence conjugale ? Ce texte présente une critique féministe de l’exploitation animale. Il est composé d’extraits adaptés du livre que l’autrice fera bientôt paraitre. 

La solidarité animale empêchée

14 mai 2024, par Axelle Playoust-Braure
L’engagement pro-animaux se heurte à de nombreux obstacles sociaux et culturels, notamment la pression et les moqueries suscitées par le végétarisme, ainsi que la répression (…)

L’engagement pro-animaux se heurte à de nombreux obstacles sociaux et culturels, notamment la pression et les moqueries suscitées par le végétarisme, ainsi que la répression politique du mouvement animaliste. Ce phénomène, appelé "végéphobie" depuis 2001 en France, peut être comparé à d’autres formes de pression sociale comme celles subies par les femmes ne souhaitant pas procréer. Le spécisme, ou la discrimination fondée sur l’espèce, prend ainsi la forme d’une norme sociale, imposant des sanctions à ceux et celles qui y dérogent. La végéphobie décourage l’expression d’une solidarité envers les animaux, poussant certaines personnes à adopter un comportement de compromis pour éviter le conflit, tandis que d’autres s’efforcent de dépolitiser leur engagement pour échapper aux critiques. Face à ces défis, il existe un besoin critique de construire un mouvement antispéciste fort et inclusif, capable de résister à la végéphobie et d’obtenir des gains politiques pour les animaux.

Vers des villes plus justes envers les animaux

14 mai 2024, par Amandine Sanvisens
Au cœur des villes, de nombreux animaux vivent. Pourtant, ils sont méprisés voire tués ou encore privés de liberté. Des animaux liminaires aux animaux sauvages captifs des (…)

Au cœur des villes, de nombreux animaux vivent. Pourtant, ils sont méprisés voire tués ou encore privés de liberté. Des animaux liminaires aux animaux sauvages captifs des zoos, notre rapport aux animaux en ville est d’abord et avant tout une relation de domination. Les initiatives militantes des associations de protection animale, d’une part, et politique, d’autre part, sont en train d’émerger. Parce que les animaux font partie intégrante des villes, il est temps de les y inclure pleinement dans les politiques de la ville et donc de faire reculer la souffrance animale.

6554 résultat(s).
Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG)

gauche.media

Gauche.media est un fil en continu des publications paraissant sur les sites des médias membres du Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG). Le Regroupement rassemble des publications écrites, imprimées ou numériques, qui partagent une même sensibilité politique progressiste. Il vise à encourager les contacts entre les médias de gauche en offrant un lieu de discussion, de partage et de mise en commun de nos pratiques.

En savoir plus

Membres