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Plus de 40 organismes se joignent à l’AQOCI, Coopération Canada et la Concertation pour Haïti pour demander au Canada de réagir face à la crise multidimensionnelle en Haïti.

Nos recommandations découlent d'une rencontre de consultation avec plusieurs représentant·e·s de la société civile haïtienne et visent à contribuer de manière résolue, constructive et durable à la résolution de la crise en Haïti.
Nous avons envoyé la lettre « Réponse canadienne à la crise multidimensionnelle en Haïti <https://aqoci.qc.ca/reponse-canadie...> à Justin Trudeau, premier ministre du Canada, Mélanie Joly, ministre des Affaires étrangères du Canada, et Ahmed Hussen, ministre du Développement international du Canada.
Objet : Réponse canadienne à la crise multidimensionnelle en Haïti
Monsieur le Premier ministre Trudeau,
Madame la Ministre Joly,
Monsieur le Ministre Hussen,
Suite à une rencontre spéciale organisée le 15 avril 2024 par l'Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI)<https://aqoci.qc.ca/>
, la Concertation pour Haïti (CPH)<https://aqoci.qc.ca/concertation-po...> et Coopération Canada<https://cooperation.ca/> pour consulter des représentant·e·s de la société civile haïtienne, nos trois réseaux souhaitent relayer au gouvernement canadien les enjeux majeurs entendus et présenter des recommandations pour contribuer de manière résolue, constructive et durable à la résolution de la crise en Haïti.
Plus de 70 participant·e·s à cette rencontre virtuelle, dont une vingtaine d'intervenant·e·s représentant plusieurs secteurs (droits des femmes, droits humains, santé, éducation, environnement, agriculture) directement d'Haïti et quelques membres de la diaspora haïtienne au Canada, ont exprimé leur désarroi face à cette énième crise, dont l'escalade depuis l'assassinat du Président Jovenel Moïse en 2021 a conduit le pays dans le chaos, avec aujourd'hui 80% de Port-au-Prince sous le contrôle de gangs armés, selon les Nations unies. La crise politique fait le lit d'une culture de violence, d'agressions sexuelles, d'insécurité alimentaire et de stagnation socio-économique.
Face à cette situation intenable pour des millions d'Haïtien·ne·s pris en otage, nous appelons le Canada à intervenir sur trois volets, notamment en appuyant le processus de transition politique, en prenant position contre le trafic d'armes vers Haïti et en déployant une aide humanitaire appropriée.
La lettre complète sur le web : https://aqoci.qc.ca/reponse-canadienne-a-la-crise-multidimensionnelle-en-haiti/
Stéphie-Rose Nyot Nyot
Responsable des communications
Association québécoise des organismes
de coopération internationale (AQOCI)
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Nous ne pouvons plus ignorer la bombe de GES émise par l’activité militaire

Les pays les plus riches de la planète émettent plus en bombardant les pauvres que les pauvres n'ont jamais émis. En 2012, l'éminent scientifique du climat, le docteur James Hansen publiait une lettre ouverte dans le New York Times intitulé : « Game Over for the Climate ». Il y mettait en garde contre l'extension du développement d'alors des sables bitumineux canadiens. Continuer l'exploitation de cette bombe de GES, écrivait-il, c'est sonner le glas, signaler la mort du climat. Un an plus tard, dans une entrevue il déclarait : « Pour laisser à nos enfants une situation gérable nous devons laisser toutes les énergies non conventionnelles dans le sol ».
Nick Gottlieb, Canadian Dimension, 24 avril 2024
Traduction, Alexandra Cyr
Mais, d'une certaine façon, la « game » n'en finira jamais. Chaque tonne de GES de plus émise rend la vie sur terre plus difficile. Et inversement, chaque tonne non produite sauve des vies. Mais, le fait que le réchauffement dépasse les 1,5 degrés Celsius, sans signe de baisse des émissions grâce en grande partie à ce que J. Hansen qualifiait de « pétrole sale », ne veut pas dire que le jeu est terminé pour le climat.
La plus grande source des émissions vient des sables bitumineux, la troisième plus grande réserve du monde. Elle joue un rôle démesuré dans l'augmentation du réchauffement de la planète. Mais il existe une autre source dont la contribution est rarement examinée, c'est le complexe militaro-industriel. Il absorbe d'immenses ressources pour la production mondiale d'armes qui émet des GES tout en nous dirigeant vers la Troisième guerre mondiale.
Au moment d'écrire ces lignes, les pouvoirs occidentaux acquiescent aux attaques génocidaires d'Israël sur Gaza, maintiennent l'Ukraine dans une guerre par procuration, dévastatrice et prolongée avec la Russie, et font monter les tensions avec la Chine et Taïwan.
Faire monter en flèche les conflits mondiaux dans le contexte du réchauffement planétaire draconien qui augmente toujours, rend virtuellement impossible les progrès vers une diminution des émissions.
La machine de guerre mondiale a besoin d'un énorme montant de capacités de production et d'énergie qui produisent une quantité tout aussi énorme de GES. Comme le notait The Guardian en janvier, les émissions produites durant « les deux premiers mois de la guerre à Gaza étaient plus importantes que ce que produisent les pays les plus sensibles au climat en une année complète ».
Cette inégalité est plutôt cruelle : les pays les plus riches émettent plus de GES en bombardant les pauvres que ceux-ci n'en n'ont jamais émis. Les meilleurs estimés indiquent que plus de 5% des émissions mondiales annuelles sont attribuables aux activités militaires. Pourtant, elles sont négligées dans les rapports, on en tient peu compte dans la plupart des standards de compte rendus nationaux alors qu'elles représentent une empreinte carbone comparable à l'aviation et à l'industrie du transport réunies.
Pendant ce temps, les dépenses militaires ne cessent d'augmenter, particulièrement celles du plus important délinquant, l'armée américaine, qui est une des plus importantes productrices de GES de l'histoire. Les militaires revendiquent très souvent le « verdissement » mais même en leur accordant le bénéfice du doute, cette perspective impliquerait de faire une place plus importante à d'autres efforts de baisse des GES.
N'importe quelle banque de batteries qu'il faudrait utiliser pour « verdir » les tanks ne serait plus disponible pour l'électrification des autobus. Toute installation de panneaux solaires servant à la production « d'hydrogène vert » pour permettre les attaques aériennes moins dommageables pour le climat, ne pourrait plus servir à la réduction de la production électrique par le gaz et le charbon. Et tous les ingénieurs et chercheurs.euses travaillant au développement les technologies militaires qui utilisent les énergies renouvelables ne contribueraient pas aux activités de ce type nécessaires pour le mieux-être des humains, au lieu de les détruire.
Cette approche keynésienne de l'empire américain évince aussi des biens publics d'une autre façon : la réduction des GES (dans le secteur militaire) mène à une importante pression inflationniste qui affaibli les services publics. Le gouvernement américain dépense presque 900 milliards de dollars pour le secteur militaire chaque année. Il bloque ainsi une bonne proportion des dépenses qui pourraient aller vers le financement des énergies renouvelables et à la baisse de la demande en énergie. Sur une plus petite échelle, le Canada souffre des mêmes problèmes malgré son rôle auto attribué d'artisans mondiaux de la paix. Nos dépenses militaires atteignent presque 40 milliards par année et le gouvernement Trudeau vient de s'engager à ajouter dix milliards de plus. Nos dépenses militaires sont plus importantes que virtuellement toutes les autres dépenses du gouvernement.
Cela se passe pendant que les investissements dans énergies renouvelables et la baisse des émissions de GES n'arriveront manifestement pas aux niveaux que le Panel intergouvernemental sur le climat, l'Agence internationale sur l'énergie, les scientifiques sur le climat et la plupart des experts.es, promeuvent. Nicholas Stern, un économiste qui a présenté un rapport indépendant à la COP27, plaidait en faveur d'un investissement de 4 mille milliards de dollars américains par année en faveur des énergies renouvelables dont 2 mille milliards en faveur du sud de la planète. Il faut comparer cela avec les 2 mille milliards de dollars consacrés aux dépenses militaires par année dans le monde.
Le Président bolivien, M. Luis Arce, soulignait, moins d'un an après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, que les pays occidentaux avaient déjà dépensé à peu près 20 fois plus en aide militaire à l'Ukraine que ce qu'ils s'étaient engagés à contribuer au Fonds des Nations Unies pour le climat qui doit assister les pays en développement dans leur adaptation aux changements climatiques et aux activités menant à la baisse des émissions. Le seul pays qui approche les niveaux acceptables d'investissements dans les énergies renouvelables, est la Chine proportionnellement à sa population et son économie. En 2023, elle compte pour presque le double de ce que les États-Unis et l'Union européenne réunis, ont investi.
Le sous-investissement dans les énergies renouvelables et la perpétuation de l'extraction des énergies fossiles, n'est pas qu'un résultat indirect d'évincement (des dépenses dans d'autres secteurs), il est provoqué directement par la fièvre guerrière. Les dépenses en énergies fossiles ont doublé en 2022 presque complètement à cause de ladite « crise énergétique » qui a suivi la guerre russo-ukrainienne. Ce fut en partie, une réponse nécessaire à la montée rapide des coûts de l'énergie en Europe. Mais, malgré la baisse de la demande européenne en gaz, l'industrie des énergies fossiles a réussi à saisir l'opportunité de faire du nationalisme, une arme. C'est un effet bien plus pernicieux.
L'invasion russe de l'Ukraine a permis à l'industrie de radicalement augmenter et réhabiliter son discours habituel : les énergies fossiles nord-américaines, américaines et canadiennes sont une importante partie des projets nationaux. Aux États-Unis, on a accusé « le programme vert du Président Biden » d'avoir un effet sur la guerre. En Colombie Britannique, les deux partis dominants, dont le NPD, se sont affrontés au parlement pour savoir qui soutiendrait le mieux la naissante industrie des GNLs dans la province. En Alberta, l'ancien Premier ministre Jason Kenney a appelé à l'extension de la production de pétrole avec son slogan : « Le pétrole albertain est mieux que celui des dictatures ». À Terre-Neuve et Labrador, le Premier ministre Furey a déclaré que le pétrole offshore était nécessaire à la province « pour aider nos partenaires dans l'OTAN à ne pas tomber sous la coupe de la Russie ».
Il n'y a pas que la droite qui ait tenu ce genre de propos. En août 2022, le Premier ministre Trudeau a déclaré que la guerre en Ukraine « a tout changé », malgré que le Canada n'exporte (aucune énergie) vers l'Europe. Il s'est servi de cet argument pour défendre ses efforts d'augmentation de la production de pétrole et de gaz. Son gouvernement a invoqué la « sécurité énergétique européenne » dans son discours d'approbation du projet pétrolier Bay du Nord. Ce lien est particulièrement absurde à sa face même. De la même manière, le Président Biden utilise ce type de discours national pétrolier. Il passe de « l'indépendance énergétique américaine » de l'ère George W. Bush à une nouvelle idée voulant que les États-Unis soient le fournisseur mondial d'énergies. Il est allé aussi loin, avec la Présidente de l'Union européenne, Mme Von der Leyen, jusqu'à proposer que : « que tous les pays plus importants producteurs d'énergies (fossiles) se joignent à nous pour assurer le monde que les marchés d'énergies soient stables et bien approvisionnés ».
La guerre en Ukraine et la campagne bien orchestrée du discours l'entourant, a virtuellement renversé tous les progrès de celui qui a prévalu au moins durant les deux dernières décennies et plus. Le pétrole et le gaz redeviennent une bonne chose et si vous n'êtes pas d'accord avec cela, ou bien vous êtes un.e agitateur.trice payé.e par la Russie ou un.e naïf.ve de gauche victime de la propagande du Kremlin.
Au Canada, la guerre a signifié le stade final du discours de Ezra Levant 2010 répandu dans les grands médias : Ethical Oil. Nous débattons maintenant de l'extension complète et continue des énergies fossiles, avec ces paramètres.
Les implications du coup de grâce que les capitaux investis dans les énergies fossiles sont en train de nous faire n'est pas à sous-estimer. Comme le rapportait le Guardian il y a quelques semaines : « les producteurs d'énergies fossiles seront bientôt proche de produire quatre fois plus de pétrole et de gaz vers la fin de la décennie grâce à des projets récemment approuvés ». Et pendant que nous gardons espoir et que nous combattons en vue d'un virage au cours des prochaines années, chaque nouvel investissement dans les infrastructures des énergies fossiles joue contre nous sous deux angles : 1- il empêche autant d'investissements dans les énergies renouvelables, perpétue et même fait augmenter la demande pour les énergies fossiles. 2- Il confine et ajoute encore plus de pouvoir au capital du secteur alors que nous sommes au moment précis où il faut le démanteler. Comme le dit l'historien Adam Toode : « pendant que cette situation persiste et que les investissements dans l'état actuel du secteur ne font qu'augmenter, il y a un risque que cela ouvre toute grande la porte aux forces réactionnaires qui se mettront à questionner la trajectoire de la transition ».
Les nouvelles infrastructures de l'énergie fossile donnent encore plus de poids aux forces de droite qui sont contre les politiques relatives au climat. La sortie des États-Unis de l'accord de Paris sous l'administration Trump a été un prélude à ce phénomène. Que fera-t-il s'il est élu en 2024 ? Que fera Pierre Poillièvre ? Que fera l'AFD en Allemagne ? Les projections sur le climat qui suggèrent, basées sur les politiques climatiques annoncées, que le monde progresse sont tout sauf significatives ; l'atmosphère politique ambiante montre que même ces politiques semblent être dans le couloir de la mort.
Si la guerre en Ukraine était suffisante pour renverser le progrès bien trop graduel et campé principalement dans les discours, qu'en sera-t-il d'une guerre avec l'Iran ? Je dois ajouter qu'une guerre ne sert aucun autre projet que de permettre à un État voyou de continuer à commettre un génocide sans opposition. Un État voyou dont l'histoire et la conduite actuelle sont, comme le présente l'académicien Andreas Malm récemment : « profondément lié à un empire des énergies fossiles ». Et que dire d'une guerre avec la Chine ?
Ces perspectives de guerre liées au climat, militent pour le meilleur scénario du type Franklin D. Roosevelt, pour une mobilisation centrée sur le développement de l'armée verte qui fera saigner les populations civiles à la fin des conflits, si jamais, cela arrive. Imaginez A Good War de Seth Klein mais avec moins d'analogies et plus de tueries de masse. L'idée qu'en même temps on puisse mener des conflits entre grandes puissances et travailler à l'amoindrissement des effets du climat en même temps, ne tient pas la route. Pourtant, c'est vers cela que nous poussent avec ardeur ceux et celles qui proclament leur « foi en la science ».
Les guerres même si elles sont contenues pour le moment, sont susceptibles d'encore encourager sérieusement le nationalisme pétrolier et pousser à l'abandon complet de toute prétention à un effort mondial pour agir sur les changements climatiques. C'est le monde dont Gaza est le « plan et devis » comme l'a dit le Président colombien, M. Gustavo Petro. Les murs vont continuer à grandir autour de l'Europe et de l'Amérique du nord pendant que la majorité mondiale sera abandonnée à elle-même pour faire face aux impacts de la crise écologique qui empire toujours. Les morts ne feront qu'augmenter également.
Même la dite « nouvelle guerre froide » avec la Chine menace de faire dérailler la coopération internationale sur le climat. La Secrétaire au trésor américain, Mme Jant Yellen n'a-t-elle pas mis en garde ouvertement contre la surproduction chinoise de panneaux solaires et de véhicules électriques. (Les empires) ne soumettrons aucun but géopolitique aux aspirations autour du climat. Si ça n'était pas évident jusqu'ici, ça devrait l'être maintenant.
Le mouvement moderne contre la guerre a eu ses hauts et ses bas. Actuellement, il gagne en force dans le contexte de l'assaut génocidaire d'Israël à Gaza. Mais pour le moment, le mouvement sur le climat ne s'est pas intéressé aux abondantes preuves qui démontrent que le militarisme est « le seul facteur humain de destruction écologique » comme le souligne le professeur Kenneth Gould. Il est temps que cela change.
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Les jeunes face à la transformation du marché du travail

Nul doute, le marché du travail subit de profondes mutations. Les jeunes se retrouvent souvent aux premières lignes de ces bouleversements socioéconomiques qui auront des répercussions durables et profondes sur leur réalité.
Tiré de Ma CSQ cette semaine.
Lors du dernier Réseau des jeunes de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), le 4 mai dernier, Maria Eugenia Longo, cotitulaire de la Chaire-réseau de recherche sur la jeunesse du Québec, et Mircea Vultur, professeur titulaire à l'INRS, responsable de l'axe Travail et insertion professionnelle de l'Observatoire jeunes et société, ont présenté une conférence sur la dynamique de l'emploi des jeunes au Québec. Lumière sur les défis et les opportunités qui marqueront l'avenir des jeunes.
Moins nombreux, moins bien payés
Une statistique a fait réagir : la population jeune (15-34 ans) du Québec a diminué, passant de 35,3 % en 1986 à seulement 23 % en 2021. Parallèlement, la diversité culturelle augmente, avec une forte représentation des immigrants dans cette tranche d'âge. Ces derniers sont par ailleurs beaucoup plus nombreux (42 %) que la population native (23 %) à détenir un diplôme universitaire.
Bien que le taux d'activité et d'emploi des jeunes ait augmenté depuis 1976, atteignant respectivement 80,9 % et 76,2 % en 2023, les jeunes demeurent concentrés dans des emplois moins bien rémunérés. En 2023, 56 % des jeunes de 15 à 34 ans gagnaient moins de 25 $ l'heure.
Des jeunes très éduqués, mais peu employés
Les jeunes Québécoises et Québécois sont de plus en plus éduqués, avec une augmentation notable des diplômés universitaires depuis 2001, particulièrement chez les jeunes femmes, qui sont passées de 37 % d'entre elles à détenir un doctorat en 2001 à 56 % en 2021 ! Malgré cela, l'insertion sur le marché du travail reste un défi, particulièrement accentué par les effets de la pandémie, qui a vu une baisse dramatique de l'emploi chez les jeunes en 2020.
La pénurie de main-d'œuvre au Québec reflète une inadéquation entre les compétences des jeunes et les besoins du marché. En dépit d'une population jeune de plus en plus qualifiée, plus de la moitié des postes vacants exigent un faible niveau de scolarité. Ce sont d'ailleurs les jeunes moins scolarisés (avec et sans diplôme d'études secondaires) qui ont connu la plus importante augmentation relative du taux d'emploi.
Autre élément qui illustre la situation : à partir de 2016, on observe une progression du taux d'emploi plus marquée pour les jeunes de 15 à 19 ans (de 42,1 % en 2016 à 54,2 % en 2023) comparativement aux autres groupes d'âge dont le taux d'emploi est resté plutôt stable.
La pénurie de main-d'œuvre n'incombe pas aux jeunes
Malgré l'augmentation du taux d'emploi (des jeunes et en général), le nombre et le taux de postes vacants ont augmenté au Québec de 2015 à 2023. Un des problèmes est que les secteurs ayant des postes vacants ont également les conditions de travail et salariales les moins alléchantes.
Endettement et pressions financières
L'endettement des jeunes reste également un problème criant. Beaucoup entrent dans la vie adulte avec des dettes substantielles, ce qui compromet leur capacité à investir dans l'avenir. En 2016, presque 80 % des ménages menés par des jeunes de 34 ans et moins étaient endettés, un chiffre qui a probablement augmenté avec l'augmentation du coût de la vie.
Étonnamment, le principal moteur de l'endettement des jeunes n'est pas les dettes d'études (28,6 % des dettes), mais plutôt les dettes à la consommation (50,6 % des dettes). Ajoutons à cela la crise du logement (77 % des étudiantes et étudiants universitaires sont locataires) et nous avons un dangereux cocktail de factures qui viennent miner la santé financière de notre jeunesse.
Changement de mentalité
Le rapport au travail des 18-34 ans est très différent de celui qu'entretenaient leurs aïeux. Que ce soit l'importance du travail dans leur vie ou encore le sens que l'on retire du travail, les jeunes sont plus nombreux à placer le travail et leur vie professionnelle en dernière place de leurs sphères de vie, loin derrière la vie de couple et la vie familiale.
Nous assistons à un vaste changement de mentalité. Les jeunes sont en forte quête d'équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée. Ils ne voient plus le travail comme un devoir moral et n'acceptent pas n'importe quel travail à n'importe quelle condition. Les employeurs gagneraient à miser sur la qualité de leurs milieux (interactions sociales, autonomie, place aux initiatives, à la réalisation personnelle et à l'utilité sociale, entre autres) pour les attirer et les retenir.
Nécessité d'une politique adaptée
Avec la place grandissante de l'économie numérique (automatisation, intelligence artificielle, pérennité des emplois, etc.), ainsi que l'émergence de plus en plus d'emplois en économie sociale ou dans l'économie verte, il faut, nous disent les chercheurs, intégrer des politiques publiques et mettre en place un cadre réglementaire plus robuste pour soutenir les jeunes travailleurs, notamment à travers des mesures ciblées qui tiennent compte de la diversité des parcours et des besoins spécifiques des 18-34 ans.
Les jeunes font face à un marché du travail en pleine évolution, où les défis abondent, mais où se dessinent également des opportunités de redéfinition des normes de travail pour une génération en quête de sens et d'engagement. La manière dont nous répondons à ces défis déterminera non seulement l'avenir économique des jeunes, mais aussi la dynamique sociale globale des décennies à venir.
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Mobilité Infra Québec Une réponse brouillonne à un faux problème

Québec, le 10 mai 2024 — À quelques semaines de la fin de la session parlementaire, le gouvernement veut faire adopter un projet de loi brouillon pour un faux problème, le tout à la vitesse grand V, avec la création de Mobilité Infra Québec, juge le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ).
Un faux problème
« La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, prétend que la création d'une nouvelle agence est nécessaire pour pallier le manque d'expertise interne et les salaires trop peu élevés. Ça ne tient pas la route. S'il manque d'expertise au ministère des Transports, il faut la développer et faire les embauches nécessaires. Si les salaires sont trop bas, et nous sommes totalement d'accord avec elle là-dessus, il faut les augmenter. Ça tombe bien, nous sommes en négociation depuis plus d'un an. Mme Guilbault devrait appeler sa collègue du Conseil du trésor pour lui exposer ses problèmes de recrutement. Nos membres ont été plus que patients et il est temps de faire des propositions sérieuses pour renouveler leur convention collective. Inutile de démanteler la fonction publique pour y arriver », lance Guillaume Bouvrette, président du SPGQ.
Encore les mains dans les affaires syndicales
Le SPGQ est aussi exaspéré de voir un autre ministre jouer les apprentis sorciers dans les affaires syndicales. « Il est plutôt ironique que le ministre de la Santé, Christian Dubé, plaide l'importance de réduire le nombre d'accréditations syndicales en créant Santé Québec, alors que sa collègue, Geneviève Guilbault, fera l'inverse en les multipliant chez Mobilité Infra Québec. On peut se demander pourquoi le gouvernement tient autant à semer la pagaille dans les rangs syndicaux », lance M. Bouvrette.
Pour l'instant, le SPGQ ignore combien de ses membres seront transférés du ministère des Transports vers Mobilité Infra Québec.
Où est l'urgence ?
Par ailleurs, le syndicat s'étonne de l'empressement de la ministre à vouloir faire adopter son projet de loin d'ici la fin de la session parlementaire, dans moins d'un mois. « Après Santé Québec cet hiver, assisterons-nous à une autre adoption sous bâillon parce que le gouvernement a mal planifié son projet ? Qu'y a-t-il de si urgent ? Comment peut-on avoir confiance au processus de consultation dans un tel contexte ? » questionne M. Bouvrette.
À propos du SPGQ
Le SPGQ est le plus grand syndicat de personnel professionnel du Québec. Créé en 1968, il représente plus de 35 000 spécialistes, dont environ 26 000 dans la fonction publique, 6 000 à Revenu Québec et 3 000 répartis dans les secteurs de la santé, de l'enseignement supérieur et au sein de diverses sociétés d'État.
Source
Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec
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La FIQ exprime sa solidarité envers la population palestinienne

La situation à Gaza est alarmante. Cela fait des décennies que le peuple palestinien subit au quotidien les conséquences de guerre, et depuis octobre dernier, le tout s'est intensifié. Plus que jamais, leur identité en tant que peuple est menacée. Environ 35 000 personnes ont perdu la vie en quelques mois seulement, et plus de 70 000 autres ont été blessées. La majorité des infrastructures civiles ont été détruites, et environ 85 % des habitants sont désormais déplacés, vivant dans des conditions déplorables marquées par la faim, le froid, l'insalubrité et la propagation d'épidémies.
En tant qu'organisation syndicale engagée, la FIQ ne peut rester silencieuse et appelle à un cessez-le-feu immédiat ainsi qu'à la reprise rapide de l'acheminement de l'aide humanitaire à travers toute la bande de Gaza. Nous demandons également au gouvernement canadien de cesser l'exportation de matériel militaire vers Israël, et nous espérons ardemment le retour de la paix dans la région.
Nous encourageons nos membres à soutenir les initiatives en faveur du peuple palestinien et à exprimer leurs préoccupations auprès de leur député fédéral. Pour plus d'informations, nous vous invitons à consulter le site de Médecins Sans Frontières : https://www.msf.fr/gaza-nos-reponses-a-vos-questions.
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Recherche en santé mentale : un projet novateur

L'objectif de revendiquer une meilleure intervention en santé psychologique dans le milieu scolaire avec une approche systémique et psychodynamique a mené la Fédération à négocier une entente avec la partie patronale lors de la négociation nationale de 2020.
En effet, le projet pilote de recherche-intervention portant sur la santé mentale du personnel enseignant résulte d'une entente nationale paritaire qui reconnaît la nécessité et l'importance de consacrer du temps et de développer des moyens concrets, à l'échelle locale, pour prévenir les situations de travail à risque et les problèmes de santé mentale qui peuvent en découler.
Ce projet novateur en matière de santé au travail a été développé spécifiquement pour le personnel enseignant, notamment pour favoriser la prévention concrète des situations à risque pour la santé mentale du personnel enseignant dans leur établissement scolaire. Il avait comme objectifs principaux de développer et d'expérimenter un dispositif organisationnel de prévention des problèmes de santé mentale au travail des enseignantes et enseignants dans les établissements scolaires, soit le comité santé mentale, qualité de vie et organisation du travail.
Dirigée par le chercheur, monsieur Simon Viviers, la recherche-intervention a été réalisée sous la responsabilité d'une équipe de huit chercheuses et chercheurs provenant de quatre universités québécoises, soit :
– M. Emmanuel Poirel et M. Frédéric Yvon (Université de Montréal) ;
– Mme Patricia Dionne et M. Frédéric Saussez (Université de Sherbrooke) ;
– M. David Benoit (Université du Québec en Outaouais) ;
– M. Simon Viviers, Mmes Mariève Pelletier et Louise St-Arnaud (Université Laval).
Notons que Madame Mariève Pelletier était initialement responsable du projet pour l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Comme elle a été embauchée le 1er juillet 2022 à l'École de counseling et d'orientation de l'Université Laval (UL), elle a rejoint l'équipe locale de recherche de l'UL. Par ailleurs, Madame Louise St-Arnaud a été impliquée seulement dans la phase de développement initiale du dispositif organisationnel, amorçant ensuite sa transition vers la retraite.
À la lecture du rapport final de recherche du projet de recherche-intervention vous pourrez constater tout le travail investi et l'envergure de ce projet qui, nous l'espérons, suscitera un grand intérêt et l'envie de promouvoir ce modèle dans les milieux, en favorisant son implantation. L'expérimentation du dispositif organisationnel aura permis de concrétiser une démarche collaborative pouvant être implantée par les personnes travaillant dans le secteur de l'éducation qui souhaitent agir favorablement sur la santé mentale au travail.
Pouvoir d'agir collectif
Ce projet aura permis au personnel enseignant d'exercer leur pouvoir d'agir collectif, concept cher à la FAE, puisqu'il permet d'adopter une posture d'affirmation et de prévenir les situations de travail à risque pour la santé mentale au travail. Plus spécifiquement, le pouvoir d'agir, c'est la capacité à être affecté et à affecter le monde par son initiative, d'une manière consciente et intentionnelle. C'est la capacité individuelle et collective de transformer son milieu, les éléments qui le conditionnent et l'organisent, en fonction de ce qui est important et qui a du sens pour soi, son métier et pour sa communauté. Ce pouvoir d'agir implique la possibilité de réaliser un travail bien fait selon les critères de qualité du métier.
Le dispositif organisationnel qui a été expérimenté, soit le Comité santé mentale, qualité de vie et organisation du travail, correspond tout à fait au véhicule approprié pour favoriser l'exercice du pouvoir d'agir collectif. Sa structure permet d'identifier, de documenter et de résoudre des situations de travail à risque pour la santé mentale. Le processus « d'arpentage » et la participation aux rencontres du comité redonnent du pouvoir aux enseignantes et enseignants sur l'organisation du travail et par le fait même, sur leur travail réel. Il permet de retrouver un sens au travail, ce qui est essentiel à la santé mentale au travail.
Continuer de paver la voie
L'expérimentation du projet pilote constitue l'aboutissement de travaux de plus d'une décennie menés par la FAE et ses membres. Maintenant, il faut penser à ses perspectives et s'assurer que tous les apprentissages des deux dernières années continuent de porter leurs fruits. En tant que pionnière dans le domaine, la FAE vous encourage à consulter le rapport final de recherche, le guide d'orientation ainsi que la synthèse du contenu pédagogique en soutien à l'appropriation et à l'implantation de la démarche afin de mettre de l'avant cette démarche collaborative sur l'organisation et la santé au travail. Le guide d'orientation explique, étape par étape, la démarche en commençant par l'identification des conditions favorables au sein du milieu de travail pour évaluer s'il est prêt à accueillir une telle initiative.
Cette démarche constitue un outil supplémentaire pour protéger et soutenir la santé mentale du personnel enseignant grâce au développement du pouvoir d'agir collectif sur l'organisation du travail.
Pour en savoir plus
Lisez le rapport final de recherche de l'équipe de recherche.
Lisez le guide d'orientations à l'implantation.
Lisez la synthèse des formations.
Consultez notre section sur la santé mentale des personnes enseignantes.
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Quand les droits des personnes LGBTQ+ reculent, c’est toute la société qui revient en arrière !

La Fondation Émergence a dévoilé cette semaine la thématique de la 22e édition de la Journée internationale contre l'homophobie et la transphobie, qui souligne cette année le recul des droits des personnes LGBTQ+.
Tiré de Fugues
Par Caroline Lavigne, 4 mai 2024
La Journée internationale contre l'homophobie et la transphobie (JICHT), organisée par la Fondation Émergence, soulignera le 17 mai prochain sa 22e édition. Cette année, l'organisme souhaite transmettre un message fort que lorsque les droits des personnes LGBTQ+reculent, c'est toute la société qui revient en arrière.
La Fondation Émergence tient à attirer l'attention sur le recul des droits des personnes LGBTQ+ partout à travers le monde. La campagne cherche notamment à mettre en lumière cet enjeu tout en invitant la population à dénoncer les actes discriminatoires dont elle est témoin.
« On entend souvent dire qu'il y a du progrès par rapport aux droits des communautés LGBTQ+ », déclare Laurent Breault, directeur général de la Fondation Émergence. « Bien que cela soit vrai, il est également incontestable que la montée de la haine anti-LGBTQ+ est devenue plus apparente dans toutes les régions du monde. Que ce soit à travers des politiques publiques discriminatoires ou une augmentation des crimes haineux ciblant nos communautés, on comprend que ce recul est bien réel. Il est crucial, plus que jamais, de dénoncer ces reculs et de continuer nos actions de sensibilisation. »
Des chiffres probants
Bien que les Canadien.ne.s croient que les mentalités et les attitudes se sont améliorées au Canada (44 %), les propos haineux ont connu une hausse dans les dernières années au pays. En effet, ce sont 34 % des répondant.e.s qui affirment que ces discours ont augmenté au cours des 3 dernières années (d'après une étude menée par Léger en 2024)
Ce recul des droits peut se traduire de différentes manières : par une législation discriminatoire, de la violence et du harcèlement, des politiques publiques défavorables, ou encore des discours haineux ou de la désinformation qui alimentent les préjugés et la discrimination à l'égard des communautés LGBTQ+.
Des actions concrètes
Pour souligner la Journée internationale, plusieurs activités sont organisées par la Fondation, incluant une action de mobilisation le 17 mai, en plus d'un agenda LGBTQphobe répertoriant plus de 365 événements s'étant déroulés en 2023 partout dans le monde. Ces nombreux événements y sont présentés pour illustrer de façon concrète l'augmentation des crimes et la montée de la haine et de la violence visant les communautés LBGTQ+.
La Fondation encourage les allié.e.s des communautés à dénoncer ce recul des droits lorsqu'iels en sont témoins.
Un recul pour la société entire
Ce recul a de graves conséquences non seulement sur les personnes s'identifiant aux communautés LGBTQ+, mais aussi sur l'ensemble de la société. Même si les personnes LGBTQ+ représentent environ 1/10 de la population, 45 % des personnes au Canada ont des proches LGBTQ+.
De plus, 53 % des Canadien.ne.s affirment qu'un recul des droits des personnes LGBTQ+ au cours des 3 prochaines années, affecterait la société entière.
Cette Journée internationale a pour but de sensibiliser la population aux conséquences réelles de la lesbophobie, la transphobie, l'homophobie et l'ensemble des LGBTQphobies, mais également commémorer le jour où l'homosexualité fut retirée de la liste des maladies mentales de l'Organisation mondiale de la santé, le 17 mai 1990.
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« Fais un homme de toi » : troublant balado sur les thérapies de conversion

Les thérapies de conversion ne se limitent pas aux états américains ultra religieux ni à un passé lointain. La torture anti-LGBTQ+ existe encore au Québec au Canada. En donnant la parole à des survivant.e.s, à plusieurs expert.e.s, à des adeptes de ces thérapies et même à un jeune Québécois qui choisit chaque jour d'étouffer une part de lui-même, Jocelyn Lebeau propose une série balado aussi éclairante que bouleversante, Fais un homme de toi, disponible gratuitement sur OHdio.
Tiré de Fugues
Crédit photo : Alexis GR
Par Samuel Larochelle, 27 avril 2024
À quel point ces thérapies peuvent-elles causer des dommages ?
Jocelyn Lebeau : La première étude canadienne sur le sujet démontre que 10% des personnes LGBTQ+ en auraient subi, soit près de 100 000 personnes à travers le pays. Les impacts de ces thérapies, qui ont souvent lieu à l'adolescence, sont nombreux : hausse de l'anxiété, problèmes d'estime de soi, impact sur le parcours scolaire et socio-professionnel et suicides, tant certaines personnes en sont venues à se détester. L'expert Martin Blais dit qu'une thérapie de conversion est une entreprise de destruction massive de l'identité et de la confiance en soi.
Historiquement, ces thérapies ont pris plusieurs avenues : exorcisme, discussions avec des « spécialistes », lobotomie, LSD, greffes de testicules d'hommes hétéros, castration, électrochocs, viols correctifs, auto-punition de « reconditionnement ». Comment as-tu réagi en découvrant ça ?
Jocelyn Lebeau : Ça m'a choqué ! Dans le milieu médical, jusqu'en 1990, l'homosexualité
était un trouble de santé mentale, selon l'Organisation mondiale de la santé, alors que la transidentité était perçue comme une maladie jusqu'en 2019. Donc, la médecine tentait de répondre à cette vision. C'est long de faire changer la médecine partout sur la planète. Jusqu'à récemment, dans certains bureaux de psychologues reconnus par l'Ordre des psy du Québec, on suggérait subtilement de faire une thérapie de conversion.
En ce qui concerne le milieu religieux, il est plutôt question de rencontres avec un prêtre ou un pasteur, de lectures des versets de la Bible, de camps religieux comme dans le film Boy Erased ou . Ça existe encore, même si on sait que ça ne fonctionne pas.
Comment expliquer notre ignorance sur ces pratiques ?
Jocelyn Lebeau : Olivier Ferlatte, le chercheur de la grande étude, affirme que c'est un sujet tabou, même au sein de la communauté. C'est seulement en commençant à travailler là-dessus qu'il s'est rendu compte que certain.e.s collègues qu'il côtoyait depuis des années en avaient vécu et que ça se passait chez nous.
Le balado met la lumière sur le fait que ça s'est passé ici, que ça peut encore se produire et que c'est criminel au Canada depuis janvier 2022. La loi a été adoptée à l'unanimité par l'ensemble des élu.e.s, car c'est considéré comme une forme de torture. Seule une douzaine de pays interdit les thérapies de conversion sur la planète.
Même si le Québec a expulsé l'Église il y a six décennies, la religion occupe-t-elle plus de place qu'on le croit ?
Jocelyn Lebeau : Je tiens à préciser que le christianisme n'a pas le monopole de l'homophobie et de la transphobie, et qu'il existe des églises ouvertes aux personnes LGBTQ+. Il y a moyen de vivre sa foi en étant queer. Je ne veux pas démoniser la religion. Bien sûr, il y a moins de pratiques religieuses qu'à une certaine époque au Québec, mais ça existe encore. Pour certaines personnes, la religion, c'est toute leur vie : leurs croyances, une partie de leur éducation, leur cercle social, leur fun de fin de semaine.
Si ton entourage te propose une alternative pour te libérer du « démon de l'homosexualité », tu as tendance à les écouter, car ces gens partagent les mêmes valeurs que toi. Et lorsque tu réalises que ça ne fonctionne pas et que tu vas moins bien depuis que tu as subi les thérapies de conversion, si tu choisis de quitter ton groupe religieux, tu te détaches de tous tes cercles : tes amis, ta famille, ta gang.
Les thérapies de conversion viennent beaucoup de la volonté de maintenir une forme d'ordre social où les rôles sont très définis. D'où vient ce besoin de rigidité ?
Jocelyn Lebeau : La société a installé un système très binaire : le bien et le mal, les hommes et les femmes, etc. Il y a plusieurs choses qui sont séparées sans rien au milieu. Mais depuis quelques années, on se rend compte qu'entre les deux, il existe plusieurs choses et ça brasse la cage de certaines personnes. Ça bouleverse certaines visions du monde. Je crois qu'on est dans une période de changement positive, mais on assiste également à une remontée de l'homophobie et de la transphobie. C'est pour ça qu'il faut se faire entendre et donner des exemples de réussites publiquement.
Tu fais intervenir un homme pro-thérapies de conversion, qui prétend que ça ne crée pas de dommages et que l'homosexualité est une croix. Pourquoi lui offrir une tribune ?
Jocelyn Lebeau : On trouvait ça important d'avoir différents points de vue. Comme on demande aux gens de comprendre les réalités LGBTQ+, je crois qu'on doit nous aussi tendre l'oreille à ce que certaines personnes pensent. Cela étant dit, c'était la rencontre qui me stressait le plus. Je savais qu'on ne voyait pas l'orientation sexuelle et l'identité de genre de la même façon. Au final, ç'a été une discussion entre deux adultes qui essayaient d'entendre le point de vue de l'autre. Selon sa vision, l'homosexualité est un démon dont on peut se débarrasser. Je ne suis pas d'accord. Mais de l'entendre, ça m'a permis de réaliser que certaines personnes voient ça ainsi.
J'ai envie de vivre dans une société où tout le monde peut échanger pour faire avancer les choses. Il n'est pas le seul à penser comme ça. Il dit lui-même que s'il y avait des études plus poussées faites par d'autres spécialistes, il serait prêt à se rallier au consensus scientifique. Présentement, il croit qu'il y a un lobby gai et que des gens ne peuvent pas pousser les études aussi loin qu'ils le souhaiteraient. Nous lui avons partagé nos recherches. Je ne crois pas qu'on l'a fait changer d'idée, mais dans cet échange, peut-être qu'on peut espérer faire un peu changer les choses.
Les personnes comme lui trouvent souvent des raisons pour justifier que toutes les preuves qu'elles ont tort sont sans fondement. Ça vient entre autres d'une perte de confiance envers les institutions et ça semble justifier tous les comportements et tous les idéaux.
Jocelyn Lebeau : Lui-même reconnaît que certains de ses propos peuvent se rapprocher de théories conspirationnistes. Il nous l'a dit. Mais on entend l'échange au complet : ses propos, nos réponses et nos nuances. Ce segment-là permet de remettre en lumière certains faits sur les thérapies de conversion. C'est important de réagir et de rectifier les faits.
Le balado donne aussi la parole à un jeune Québécois qui affirme être passé d'homo à hétéro, qui dit avoir changé pour être ce que Dieu veut qu'il soit et qui s'abandonne chaque matin, dans le sens qu'il met de côté une part de lui-même pour être hétéro. Comment réagissais-tu à ses propos ?
Jocelyn Lebeau : Au début, ça confronte ! C'est une autre façon d'aborder son rapport à la vie. Il a l'air très heureux dans sa relation avec Dieu, sa femme et ses enfants. Il a choisi d'écouter ce que Dieu lui a envoyé comme message. Je respecte ses choix.
As-tu hésité avant de diffuser une parole qui pourrait permettre à d'autres personnes de se reconnaître et les encourager à écraser une part d'elles-mêmes ?
Jocelyn Lebeau : Pas du tout, car on donne aussi la parole à plusieurs spécialistes qui affirment n'avoir jamais rencontré une personne qui a réussi à changer son orientation sexuelle ou son identité de genre à l'aide des thérapies. On est tous libres d'écouter nos désirs ou non. Martin Blais dit espérer que les gens qui prennent cette décision ont un sentiment d'accord avec eux-mêmes chaque jour. Dr Richard Montoro explique que ce n'est pas nécessairement santé. Après ça, les gens peuvent tirer leurs conclusions.
Tout au long du balado, je t'ai senti à fleur de peau. Pourquoi ?
Jocelyn Lebeau : Parce que c'aurait pu être moi. À l'adolescence, si j'avais baigné dans un milieu religieux et qu'on m'avait proposé une thérapie de conversion, j'aurais embarqué à 100 milles à l'heure. Ça me faisait tellement chier d'être gai ! Donc, je me reconnais dans ces personnes-là. Je les trouve courageuses de nous parler. Elles ont fait preuve de tellement d'authenticité que je me devais d'en faire autant.
INFOS | Suivre le balado Fais un homme de toi sur Ohdio :https://ici.radio-canada.ca/ohdio/balados
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Guide sur les nouvelles « autorisations pour les travaux d’exploration à impacts »

Le 6 mai 2024 entrera en vigueur une modification réglementaire au Règlement sur les substances minérales autres que le pétrole, le gaz naturel et la saumure. Cette modification réglementaire vise à améliorer la prise en compte des préoccupations des populations affectées par la réalisation de travaux d'exploration dits « à impact ». Mais en quoi consistent ces changements concrètement ?
Télécharger le guide ici.
En bref :
– Les travaux d'explorations dits « à impacts » nécessiteront l'obtention préalable d'une autorisation (autorisation pour les travaux à impacts, ou ATI) ;
– Cette ATI nécessitera l'envoi, par le titulaire du titre minier (claim) à la direction-générale (DG) de la municipalité et/ou aux conseils de bande des communautés autochtones habitant le territoire concerné, d'une brève description des travaux qu'il souhaite réaliser. Sur réception de cet avis, la DG de la municipalité aura 10 jours et les communautés autochtones auront 30 jours pour faire parvenir leurs questions et commentaires au titulaire du titre minier. Le titulaire devra répondre à ces questions et commentaires, et recevra ensuite son ATI ;
– Aucune forme de « consultation » additionnelle n'est prévue, il ne s'agit que d'un échange d'informations sur certains travaux d'exploration. Au sein des municipalités, seule la direction générale recevra ces informations de la part de l'entreprise. Pas les citoyen-ne-s ni les propriétaires ou locataires. Pareillement au sein des communautés autochtones ;
– Les travaux d'exploration « à impacts » comprennent : « les travaux effectués avec de la machinerie utilisant la force hydraulique ou des travaux utilisant des explosifs » (excavation, décapage, échantillonnage en vrac, sondage, levés géophysiques sismiques de réfraction) et « les travaux effectués avec une pompe hydraulique à des fins d'orpaillage » (Analyse réglementaire, p.7). Ces travaux représentent à peine 3,75% des travaux d'exploration (ibid., p.6) sur l'ensemble de la province ;
– Les demandes de permis d'exploration seront potentiellement jumelées aux demandes de « permis d'intervention forestier[s] dans les forêts du domaine de l'État » (ibid., p.20), et le ministère mettra, à disposition de l'industrie, « une prestation électronique de services » (ibid.) pour l'ATI et son renouvellement ;
– Il est attendu qu'environ 130 demandes d'ATI réparties sur l'ensemble du territoire de la province soient déposées chaque année ;
– Ni les municipalités, ni les communautés informées de la tenue de ces travaux, ni même la ministre des Ressources naturelles n'auront le pouvoir de refuser la réalisation de ces travaux « à impacts ». La ministre peut seulement imposer des conditions pour encadrer les travaux. Ces demandes d'ATI ne seront qu'un simple partage d'information, sans pouvoir discrétionnaire octroyé aux acteur-trice-s concerné-e-s.
Bien qu'elles témoignent d'une volonté du ministère d'informer les populations locales de la réalisation de travaux miniers, ces modifications réglementaires ratent leur cible devant l'importance d'obtenir le consentement préalable, libre et éclairé de toute population impactée par ces travaux à vocation économique. Considérant que les Premières Nations estiment que la Couronne contrevient à son obligation de les consulter dès le moment de l'émission des claims miniers, il est difficile d'affirmer que cette nouvelle procédure qui intervient après l'émission des claims miniers change la donne.
Voici ce que la description détaillée de chacun des travaux à impacts projetés par le promoteur doit inclure suivant le règlement :
– La nature des travaux et la méthode de réalisation ;
– La superficie visée et le volume de substances minérales à extraire ;
– Le nombre de forages planifiées le cas échéant ;
– La durée prévue des travaux et la période où ils seront réalisés ;
– Le lieu où seront réalisés les travaux ;
– Une description sommaire des mesures de restauration proposées le cas échéant.
Cependant, gardons à l'esprit qu'une consultation digne de ce nom devrait comprendre :
– La tenue d'assemblées publiques, ouvertes à tous et à toutes, tenues à plus d'une occasion et permettant la présentation d'informations détaillées et indépendantes (qui ne soient pas uniquement produites par l'entreprise) sur les impacts qu'auront ses travaux ;
– Une rétroaction transparente pour témoigner de l'intégration des commentaires et des questions dans la réalisation des travaux ;
– Des détails sur les mesures de mitigation qui seront appliquées pour adresser les impacts attendus, ainsi que sur les zones sensibles ou éléments d'intérêt du territoire qui doivent être considérés dans la planification des travaux ;
– Des détails sommaires sur la compagnie elle-même : de qui s'agit-il ? Quel minerai cherche-t-elle ? Son financement est-il de nature publique ou privée ?
En réponse à ces modifications, et en vue que ces échanges avec le promoteur soient le plus utiles possible, nous vous encourageons, selon votre intérêt ou vos besoins à :
– Communiquer à la direction générale de votre municipalité ou à votre conseil de bande votre besoin d'être consulté-e lors de la réception des informations relatives aux ATI que leur enverront les compagnies minières ;
– Communiquer au ministère (MRNF) votre intérêt à ce que des fonctionnaires de liaison soient mis à la disposition de la population pour obtenir le même niveau d'information et de réponses à vos questions et commentaires que l'industrie minière ;
– Revendiquer que ces communications soient systématiquement mises en ligne, puisque ces travaux auront des impacts sur des éléments du bien commun (l'eau, le territoire, la qualité de vie, etc.).
Compléments
Pour en savoir davantage sur le développement et les impacts sur l'eau d'un projet minier, ainsi que sur l'élaboration d'une saine mobilisation citoyenne, nous vous invitons à consulter notre Guide citoyen traitant de ces enjeux.
Voir aussi nos commentaires conjoints avec Eau Secours et MiningWatch Canada d'octobre 2023 sur le projet de règlement avant qu'il n'entre en vigueur.
Ainsi que la Directive concernant l'autorisation pour travaux d'exploration à impacts du ministère des Ressources naturelles et des Forêts entrée en vigueur le 7 février 2024.
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Aéroport de Saint-Hubert : une assemblée sans acceptabilité sociale

Longueuil, 9 mai 2024. - Plus d'une centaine de citoyen.ne.s s'étaient rassemblé.e.s hier soir au Centre
Labrosse de Saint-Hubert pour discuter du développement en cours à l'aéroport de Saint-Hubert, un
projet qui, rappelons-le, n'a jamais été déposé avec les études pertinentes (économiques, sanitaires,
environnementales et climatiques) pour être évalué publiquement, tel que l'avaient recommandé deux
rapports de consultation citoyenne en 2022 : le rapport Trudelet celui de l'Office de participation
publique de Longueuil(OPPL).
L'assemblée a d'abord entendu une présentation de la Coalition Halte-Air Saint-Hubert et du Comité
antipollution des avions Longueuil (CAPAL) sur les impacts de ce développement sur la santé, à cause
de la pollution sonore et atmosphérique que cela va entraîner, mais aussi sur la dépréciation des
maisons des riverain.e.s que causera cette pollution.
Les participant.e.s stupéfaits n'en revenaient toujours pas de la façon dont ce projet a été imposé sans
tenir compte des avis citoyens exprimés. La mairesse Catherine Fournier a affirmé lors du lancement,
et répète depuis, qu'il y a acceptabilité sociale du projet parce que, dans un sondage Léger/Léger, les
gens s'étaient déclarés favorables à une augmentation des vols. Or, il s'agit du résultat à une seule
question sur 18. Jamais elle n'a fait mention de toutes les autres questions qui montrent pourtant les
préoccupations et inquiétudes de la population (voir le tableau à la fin). Il n'y a pas d'acceptabilité
sociale, comme enont déjà témoigné les maire et mairesse de Saint-Bruno-de-Montarvile et de Saint-Lambert dans ce reportage de Radio-Canada.
Plusieurs des personnes présentes ont témoigné de l'enfer qu'elles vivent à longueur de journée et
même la nuit, dont le papa d'un bébé de quelques mois seulement dont le sommeil est régulièrement
interrompu.
La mairesse et DASHL ont beau se vanter que les vols nocturnes des Boeing 737-200 de CHRONO
Airlines sont maintenant interdits, la suspension ne concerne que ce seul appareil, et non les vols
nocturnes d'autres appareils. D'ailleurs, CHRONO Aviation s'est empressé d'annoncer que ses vols
nocturnes vont reprendre le 6 août,à raison de 4 fois/semaine, sur ses bruyants Boeing 737-800.
De plus, la direction de DASHL et la mairesse vante le fait que l'interdiction des vols de nuit s'applique
de 23h à 6h, ce qui a fait dire à un participant hier : « Ça fait pas des longues nuits, ça. T'es mieux de
t'endormir tout de suite ! »
TVA Nouvelles était sur place, et leur reportage, après avoir rendu compte des inquiétudes des
citoyen.ne.s, a donné la parole à la mairesse. La machine à désinformer s'est remise en marche, mais
le disque est de plus en plus rayé et notre connaissance du dossier nous permet désormais de balayer
facilement ses arguments.
Pour la Coalition Halte-Air Saint-Hubert, il est plus que désolant que la mairesse s'entête à défendre ce
projet mortifère aux dépens de sa population.
Si le nouveau slogan de l'aéroport est « On est ailleurs ! », la mairesse, elle, n'est tout simplement
« pas là » pour ses citoyen.ne.s !
Note : La question dont la mairesse parle et celles dont elle ne parle jamais... (dans le
sondage LÉGER/Léger rapporté aux pages 24 à 26 du rapport de l'OPPL
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Taxer les piscines : un symbole positif

Il n'existe pas grand monde pour défendre l'adoption par le conseil municipal de Sherbrooke le 9 avril dernier de la fameuse « taxe piscine ». À en croire les avis de nombreux citoyens et citoyennes sur les réseaux (dits sociaux) ainsi que les commentaires des médias généralistes, le choix du conseil municipal d'imposer une taxe de 80 $ aux personnes possédant une piscine sur leur propriété serait LE symbole du petit propriétaire à qui l'on fait toujours les poches ainsi que la preuve de l'idéologie décadente (on peut souvent lire « communiste ») de Sherbrooke Citoyen. « À l'impossible, nul n'est tenu », mais nous allons tenter le défi de donner un appui et de la valeur à ce genre de décision fiscale.
Tiré du Journal Entrée Libre
https://www.entreelibre.info/taxer-les-piscines-un-symbole-positif/
Sur le point de l'idéologie déjà, Sherbrooke Citoyen a eu l'intelligence de présenter cette taxe additionnelle non pas comme une taxe écologique, en liant la taxe avec un gaspillage de ressources (formel celui-ci) ou dans l'objectif de faire changer de comportement (utiliser les piscines municipales plutôt que les piscines privées), mais bien comme une taxe sur la richesse personnelle. La Ville ne pouvant évaluer les revenus de sa population sur la base des déclarations comme le font les gouvernements provinciaux et fédéraux, elle a fait la supposition que si vous possédez une maison avec une piscine, c'est que vos revenus sont probablement supérieurs à une personne qui n'a pas de maison ou à une personne qui n'a pas de piscine. Si plein de gros poissons peuvent passer à travers les mailles du filet, la supposition reste tout de même bonne pour éviter de surtaxer les personnes aux revenus les plus faibles. Et on pense en premier lieux aux locataires, car peu de locations viennent avec piscine, et si c'est le cas le 80 $ sera amorti par l'ensemble des locataires de l'immeuble.
Ainsi, cette taxe est faite pour apporter un surplus de revenus à la Ville de Sherbrooke en demandant une contribution supplémentaire à celles et ceux que l'on peut estimer en mesure de le faire. Pour cette tranche de la population, 80 $ en moins n'est pas censé mettre en péril le budget familial. Les personnes qui sont à 80 $ près sur un an n'ont très probablement pas de propriété et de piscine ! La Ville de Sherbrooke opère un nombre important de services, dont au moins 11 piscines publiques ouvertes gratuitement pendant la saison estivale. Le dernier budget a vu une augmentation de la taxe municipale de 3,13 %, soit en dessous de l'inflation estimée à 3,9 % en 2023. La taxe piscine permet aussi un rattrapage de l'année 2022 où l'inflation était de 6,8 % au Québec, et l'augmentation des taxes municipales de 3,0 %. Pour équilibrer un budget, on peut toujours diminuer dans les dépenses. Mais ceci implique nécessairement de perdre un service qui était disponible, que ce soit la gratuité des bibliothèques ou un tarif encadré du transport en commun, voire le déneigement et l'entretien des rues. Ou alors, on décide d'être créatif et d'aller chercher de l'argent là où il y en a. Certains se plaisent à dire que l'argent ne pousse pas sur les arbres, mais si l'on secoue bien le bon cocotier, on pourrait avoir de quoi se nourrir sans faire crever l'arbre en question.
Un juste retour de balancier
Car c'est également à l'échelle nationale que cette taxe piscine est aussi un symbole important. Depuis 1999, le taux d'imposition effectif des ménages au Québec (incluant les impôts provinciaux et fédéraux) a globalement diminué de 2,7 points de pourcentage (voir le blog Jeanne Emard pour une analyse fouillée et chiffrée). Depuis le début des années 2000, c'est avant tout un recul de la part et de l'action de l'État dans nos vies que l'on observe. Pensons à l'accès à la médecine ou à la crise dans le système scolaire. Cette crise vient d'un manque de financement chronique et criant des structures étatiques, qui s'est organisé par une baisse régulière des impôts, baisse étant encore plus exacerbée lorsque les impôts touchaient le capital. Ainsi, la « taxe piscine » à Sherbrooke n'est qu'un minime frein à l'augmentation en capital de quelques-uns qui se fait sur le dos du développement collectif de notre communauté. On souhaite un retour de balancier encore plus salutaire.
Sylvain Vigier,
Rédacteur en chef
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Le syndicat de la télévision belge remplace la diffusion d’Israël à l’Eurovision par des protestations pour Gaza

Le public de l'Eurovision a hué l'entrée d'Israël et scandé « Palestine libre » lors d'une répétition générale mercredi. La retransmission du concours Eurovision de la chanson en Belgique a été interrompue jeudi par des membres d'un syndicat pro-Gaza qui ont diffusé un message condamnant les « violations des droits de l'Homme » commises par Israël et soutenant les Palestiniens.
Tiré de France Palestine Solidarité.
L'action a eu lieu juste avant la participation d'Israël à la demi-finale du concours, en raison du massacre d'au moins 34 904 Palestiniens à Gaza et de la destruction d'une grande partie de l'enclave.
La candidate d'Israël avait déjà été huée par la foule en Suède lors d'une répétition générale, en raison de la guerre brutale menée par son pays contre Gaza, tandis que des manifestations ont eu lieu à l'extérieur du studio de Malmö, avec la participation de l'activiste Greta Thunberg.
Diffusé en direct sur la chaîne belge VRT, le message de protestation était le suivant : « Il s'agit d'une action syndicale. Nous condamnons les violations des droits de l'Homme commises par l'État israélien. Israël détruit également la liberté de la presse. C'est pourquoi nous interrompons temporairement la transmission. »
« Nous sommes convaincus que l'État d'Israël commet un génocide et il est donc scandaleux qu'un candidat israélien participe au concours de l'Eurovision. »
« Nous espérons envoyer un signal au gouvernement israélien pour qu'il arrête les combats et les tueries, qu'il permette aux observateurs internationaux et à la presse d'entrer [à Gaza] et qu'il s'assoie pour trouver une solution négociée ».
Cette interruption intervient alors que des manifestants pro-palestiniens s'insurgent contre la participation de la chanteuse israélienne Eden Golan au concours.
Plusieurs pétitions ont été adressées à l'Union européenne de radio-télévision (UER) pour demander l'exclusion d'Israël, notant que la Russie a été interdite suite à son invasion de l'Ukraine en 2022.
L'UER a défendu sa décision de maintenir Israël dans la compétition, le directeur général adjoint Jean Philip De Tender déclarant qu'une interdiction serait contraire à la nature apolitique de l'organisation.
Fin mars, des candidats de neuf pays, dont le favori suisse, Nemo, ont appelé à un cessez-le-feu durable.
En décembre, le candidat britannique, Olly Alexander, a signé une déclaration accusant Israël de génocide, à la suite des mesures provisoires de la Cour internationale de justice exigeant d'Israël qu'il fasse tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher des actes génocidaires dans sa guerre contre Gaza.
À l'extérieur de la demi-finale organisée à Malmö, en Suède, quelque 10 000 manifestants se sont rassemblés sur la place principale de la ville pour protester contre la participation d'Israël.
« Je suis une fan de l'Eurovision et cela me brise le cœur, mais je boycotte » a déclaré à l'AFP une manifestante de 30 ans, Hilda, qui n'a pas voulu donner son nom de famille.
« Je ne peux pas m'amuser en sachant qu'Israël participe alors que tous ces enfants meurent. Je pense que ce n'est pas correct. »
Les manifestants ont également brandi des banderoles sur lesquelles on pouvait lire « Libérez la Palestine » et « L'UER légitime le génocide ».
Une cinquantaine de manifestants se sont rendus devant la Malmo Arena, avant d'être dispersés par la police.
Les manifestants ont également pénétré dans le Village Eurovision, installé pour permettre aux spectateurs de regarder le spectacle sur des écrans géants.
Ailleurs à Malmö, une centaine de contre-manifestants se sont rassemblés sous la protection de la police pour exprimer leur soutien à Israël.
Outre les protestations à l'extérieur de la salle, des membres du public ont hué et scandé « free Palestine » pendant la répétition générale de la chanson « Hurricane » d'Eden Golan, mercredi.
Eden Golan a également été accueillie par des huées, mais aussi par des acclamations, de la part d'un public de 9 000 personnes lors de sa prestation de jeudi, qui lui a permis d'entrer dans le set final pour samedi.
La société israélienne de radiodiffusion a déclaré qu'elle s'était plainte à l'UER de ces huées et a demandé à l'organisation de les empêcher à l'avenir.
Avant la prestation de Mme Golan, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a souhaité bonne chance à la chanteuse, déclarant qu'elle avait déjà gagné en défiant les manifestants, qu'il a accusés d'être antisémites.
La chanson originale d'Israël, intitulée « October Rain », a été modifiée après avoir été jugée trop politique par les organisateurs du concours pour avoir fait allusion à l'attaque du 7 octobre du Hamas contre Israël.
Après son entrée en finale, Golan a déclaré : « C'est vraiment un honneur d'être ici, sur scène, de jouer et de montrer notre voix, de nous représenter avec fierté et d'arriver en finale, c'est quelque chose de fou. »
Israël a fait ses débuts à l'Eurovision en 1973 et a remporté le concours à quatre reprises. Il rejoindra 25 autres pays, dont les favoris des bookmakers, la Croatie et la Suisse, en finale.
Traduction : AFPS
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L’affaire Meurice vue depuis le Québec : excès de rire ou excès de condamnation ?

En temps de crise, l'humour est une vigile et un suspect. L'humour dénonce, mais il expose également son auteur. En dit-il trop, s'exprime-t-il trop mal ? Comment dénoncer sans se faire dénoncer ? Où situer la liberté d'expression ? Comment l'humour peut-il réformer, décrier, sans être emporté par l'interdit ? Le cas Meurice convie tous les acteurs du rire et ses contempteurs.
Tiré du blogue de l'auteur.
L'affaire Meurice cause confusion et convulsion. Quelques semaines après la barbarie funeste du Hamas et la riposte violente du gouvernement israélien, l'humoriste de France Inter, Guillaume Meurice, se livre à une chronique à l'aube d'Halloween. Appelé à dresser l'inventaire de « déguisements pour faire peur », il laisse tomber : « Alors, en ce moment, il y a le déguisement Nétanyahou, qui marche pas mal pour faire peur, Vous voyez qui c'est ? Une sorte de nazi, mais sans prépuce ».
Mesurée est la réponse initiale de la direction de la radio publique : sans condamner vertement l'humoriste, elle signale à raison sa sympathie envers le malaise ressenti par une partie des auditeurs. La direction procède également à une distinction : les propos prononcés n'ont pas outrepassé les balises posées par le droit tout en franchissant pourtant la limite « du respect et de la dignité ». Les secousses provoquées par l'éclat langagier de Guillaume Meurice amènent promptement une seconde salve plus percutante. En l'absence de contrition de l'humoriste, la direction de Radio France lui adresse un avertissement. L'humour ne saurait avoir pour vocation d'« ajouter de la division à la division », de professer la direction de la radio publique.
L'Arcom ne se tient pas en retrait et sert une mise en garde à Radio France pour les propos de son humoriste. Elle reproche à l'antenne nationale de s'être écartée de « ses missions » et d'avoir mis à mal « la relation de confiance qu'elle se doit d'entretenir avec l'ensemble de ses auditeurs ». Le réquisitoire se poursuit : « Les risques de répercussions sur la cohésion de notre société ne pouvaient être ignorés, tout particulièrement dans un contexte marqué par la recrudescence des actes à caractère antisémite ».
À l'inverse, la justice pénale ne trouve pas à redire et la plainte pour « provocation à la violence et à la haine antisémite » ainsi que pour « injures publiques à caractère antisémite » est classée sans suite.
Cette décision porte à conséquence : il n'y avait ni infraction, ni même matière à procès.
Ragaillardi – ou tout bonnement désireux de marquer le coup au nom de la liberté d'expression – l'humoriste reprend sitôt après les mêmes mots en ondes et est prestement convoqué par sa direction dans la perspective de nouvelles sanctions pouvant aller jusqu'au licenciement.
L'affaire Meurice est, ni plus ni moins, le procès de l'humour.
Le rire, complice de la violence voire agitateur délétère délibéré ? Oui, parfois. La Cour européenne des droits de l'homme ne se défile pas au sujet de Dieudonné : un spectacle destiné à railler l'extermination des Juifs lors de l'Holocauste ne saurait bénéficier de la protection accordée à la liberté d'expression. Cet arrêt souligne à bon droit le travestissement de l'art en cause.
Il n'empêche : l'humoriste jouit, en temps normal, d'une latitude appréciable de manière à dénoncer, même de manière acerbe, des travers sociaux supposés ou avérés. La Cour suprême du Canada consacre ce droit constitutionnel à l'insolence artistique. Dans deux arrêts de principe, elle campe le décor avec précision et justesse. À moins d'être poussée à l'extrême, l'ironie ne saurait se prêter à une condamnation, sauf à entraver à l'excès la liberté d'expression (Whatcott). D'une part, l'humour « possède rarement l'effet d'entraînement requis pour susciter chez des tiers une attitude de haine et de discrimination » (Ward). D'autre part, la censure n'a pas lieu d'être, lorsque l'auditoire est en mesure de déceler le procédé humoristique à l'œuvre. En somme, la tentation de l'interdit est tout bonnement infondée lorsqu'elle mésestime le « discernement » de l'auditoire et sa capacité à « ne pas prendre tout ce qui est dit au pied de la lettre » (Ward).
Que reste-t-il, dès lors ? Des sentiments meurtris par certains propos jugés offensants. Or, ce préjudice émotionnel ne saurait suffire à museler quiconque : le droit de ne pas être offensé « n'a pas sa place dans une société démocratique », d'asséner sans ménagement la cour suprême canadienne.
Le contraste entre les réactions de l'ARCOM et de Radio France et les prises de position canadiennes en faveur de la liberté d'expression ne s'arrête pas là. À preuve cette affaire tranchée en 2023 par la magistrature canadienne à propos de l'emploi en ondes du titre d'un livre remarqué en son temps par la critique littéraire. Intitulé « Nègres blancs d'Amérique » ; le livre de Pierre Vallières paru en 1968 se faisait l'écho du prolétariat québécois francophone de l'époque. Ce titre est mentionné en ondes en 2020 dans une émission consacrée aux idées devenant taboues. Un auditeur s'en indigne et saisit l'équivalent canadien de l'ARCOM, le CRTC, qui fustige l'emploi répété de ce titre durant l'émission.
Dans le sillage du décès tragique de George Floyd, pareille mention en ondes, sans précaution aucune, ne contribuait pas « au renforcement du tissu culturel et social et au reflet du caractère multiculturel et multiracial de la société canadienne ». Partant, les radiodiffuseurs devaient redoubler de vigilance et instaurer « toutes les mesures nécessaires pour atténuer l'impact d'un propos pouvant être perçu comme offensant par son auditoire ». Ce raisonnement – qui n'est pas sans évoquer celui retenu par la direction de Radio France au nom de la nécessaire cohésion sociale – est salutairement invalidé par la Cour d'appel fédérale au motif qu'il occulte l'importance de la liberté d'expression ainsi que l'indépendance en matière de journalisme, de création et de programmation dont jouissent les radiodiffuseurs. Au surplus, la cour estime que l'équivalent canadien de l'ARCOM a tenté de s'arroger « un pouvoir discrétionnaire illimité sur ce qui peut et ne peut être dit sur les ondes ». Autant un organisme régulateur peut à bon droit intervenir au sujet d'excès, autant les mesures prônées ne sauraient l'être sans égard à la liberté d'expression.
Cette mise au point est également une mise en perspective. Il serait étonnant de condamner l'humour au motif qu'il porte en son sein la division lorsque des instances officielles investissent l'arène publique et lancent elles-mêmes des cris d'alarme. Le 5 novembre, dans un geste symbolique comme exceptionnel, plus de dix têtes dirigeantes d'entités onusiennes signaient collectivement une tribune publique réitérant l'atrocité des basses œuvres du Hamas tout en stigmatisant une riposte jugée indigne (« outrage » en anglais) au vu du nombre de civils tués et de ceux et celles privés de ressources essentielles en raison de bombardements décrits comme « inacceptables », vu l'ampleur des lieux visés : hôpitaux, lieux de culte, abris, demeures. L'horreur est décriée, de part et d'autre, dans un camp comme l'autre, en toutes lettres. Il est à se demander en quoi une condamnation émanant de sources officielles, visiblement concertée et forcément destinée à marquer les esprits, est moins à même de remuer l'opinion publique qu'une saillie humoristique.
La position canadienne est sans ambiguïté : les effets soi-disant nocifs de l'humour ne sauraient être exagérés. De surcroît, les organismes régulateurs ne disposent pas d'une capacité débridée de proclamer des oukases langagiers. Sous le couvert de vouloir tuer dans l'œuf des polémiques jugées néfastes au climat social, il est à se demander si l'ARCOM et la direction de Radio France ne condamnent pas, en réalité, l'effet dénonciateur de l'humour tout en laissant indemnes des propos d'instances officielles non moins ravageurs.
Pierre Rainville, Professeur titulaire
Cotitulaire de la Chaire de recherche France-Québec sur les enjeux contemporains de la liberté d'expression (FRQ / CNRS) - COLIBEX
Faculté de droit, Université Laval à Québec
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Crise à Québec solidaire Réinventer notre démocratie en faillite

Pour les cosignataires, le projet de Québec solidaire consiste à « se faire élire avec une véritable force démocratique qui souffle dans nos voiles, et opérer enfin de grandes transformations ».
Quarante cosignataires ayant milité ou travaillé activement pour Québec solidaire*
Qu'est-ce que le projet de Québec solidaire ?
Nous publions aujourd'hui cette lettre en réaction à la récente sortie de Gabriel Nadeau-Dubois pour une « gauche pragmatique », où il a laissé entendre qu'il existait à l'intérieur de Québec solidaire (QS) une autre gauche qui, elle, ne cherchait pas réellement à mettre le parti au pouvoir.
C'était induire le public en erreur, et il nous faut aujourd'hui démêler les pinceaux du porte-parole masculin de QS pour que le débat puisse se faire sur des bases intelligentes et respectueuses.
Rappelons qu'il y a sept ans, l'ancien leader étudiant, nouvellement élu porte-parole masculin du parti, s'exprimait ainsi : « Je pense que Québec solidaire, au moment où on se parle, ressemble encore un peu trop à un parti traditionnel et qu'il peut […] vraiment se transformer en un mouvement citoyen large, présent à la fois au Parlement et dans la société civile. »
Il se présentait à l'époque comme étant en phase avec ses prédécesseurs, Amir Khadir et Françoise David, qui écrivaient en 2009 dans le manifeste de QS : « Un autre monde est possible si l'on questionne sérieusement l'organisation et la culture capitalistes ; si l'on repense nos liens sociaux, nos solidarités ; si nous nous inscrivons dans des alternatives citoyennes et politiques. »
L'idée était que QS n'accède pas au pouvoir en s'appuyant uniquement sur les règles politiques habituelles, cette espèce de course de chevaux réglée par les sondages, le commentariat et le découpage du peuple en clientèles électorales et en microciblage.
Comme l'expliquait Émilise Lessard-Therrien, un gouvernement solidaire ainsi élu se retrouverait très faible face aux puissants lobbys qui attendent de pied ferme tous les gouvernements du Québec. Pour apporter des changements qui ne soient pas qu'une succession de « mesurettes » (le mot est d'Amir Khadir), il faudra donc absolument, derrière l'élection d'un gouvernement de QS, toute la puissance du « lobby du peuple » (Catherine Dorion) : un peuple bien mobilisé et bien réveillé, prêt à affronter la déroute capitaliste avec son gouvernement.
Se cantonner dans les institutions parlementaires actuelles ainsi que dans la soumission aux exigences médiatiques et algorithmiques, ça serait l'équivalent d'attendre par magie qu'un mouvement social fort se lève et que QS puisse simplement s'en faire le relais à l'Assemblée nationale. Ça serait attendre, encore une fois, des « conditions gagnantes » ou le « moment opportun » pour réaliser enfin ce projet de transformation sociale ambitieux qui est partagé par un très grand nombre de Québécoises et Québécois en quête de sens. Ça serait faire élire QS pour ensuite le mettre en mode stand-by… et faire en sorte que le parti patine à l'intérieur du système, déçoive et y perde son âme, et que tout soit à recommencer.
Le Québec a déjà joué dans ce film-là. La regrettée militante indépendantiste et féministe Hélène Pedneault racontait, dans La force du désir, « cette forme particulière d'énergie inébranlable qui monte quand on désire vraiment quelque chose ». Elle démolissait le faux pragmatisme du « moment opportun » péquiste en expliquant comment, « [q]uand on désire profondément, résolument quelque chose, on s'organise toujours pour “arranger” la conjoncture qui nous semble paresseuse ou hostile, afin qu'elle travaille pour nous et qu'elle devienne un outil et non un frein, une porte ouverte et non une porte blindée cadenassée à double tour, une permission d'être et de faire et non un rejet ».
« Arranger » la conjoncture pour dégager les possibles : c'est ça, depuis le tout début, le projet de QS. Utiliser une très grande partie de toutes les ressources gagnées via les élections (nos recherchistes, nos gens de comm, nos organisatrices et organisateurs, nos budgets) pour nourrir les luttes environnementalistes et sociales partout au Québec.
Se lier sincèrement, les manches retroussées et les deux mains dans la pâte, avec tout ce qui s'active en termes de mouvement social. Puis, une fois le peuple bien mobilisé avec nous, se faire élire avec une véritable force démocratique qui souffle dans nos voiles, et opérer enfin de grandes transformations.
C'est à ce parti-mouvement-là que nous avons été conviées et conviés, nous, signataires de cette lettre. C'est à ce parti-là que nous avons consacré temps, charge mentale, sueur, foi, et une grande quantité d'efforts résolus et sincères. Et si QS est ce qu'il est aujourd'hui, c'est-à-dire un outil capable d'espérer un jour prendre le pouvoir, c'est entre autres grâce à ce que nous avons travaillé à construire depuis 2006.
La gauche craintive se fait doubler partout en Occident
Le 1er mai dernier, journée internationale de lutte pour les droits des travailleuses et travailleurs, le point de presse que tenait Gabriel Nadeau-Dubois devait répondre à la crise qui faisait rage à QS depuis la démission d'Émilise Lessard-Therrien. Il devait répondre à la pluie de dénonciations sur les réseaux sociaux qui a suivi quant à la concentration du pouvoir entre les mains de ses proches et l'exode des femmes lié à un climat malsain. Il n'a pas répondu à ces dénonciations : il a plutôt fait diversion et changé de sujet, ce qui est précisément l'inverse de « se mettre à l'écoute ».
« La gauche pragmatique », le mot était lancé. Gabriel avait choisi son camp. Le mouvement citoyen à bâtir avait disparu de son discours – il n'y est plus depuis longtemps. Il faut donc arriver au gouvernement, peu importe les conditions. À d'autres de travailler à construire un mouvement populaire et à faire naître les « conditions gagnantes ».
Or il faut se rappeler que la gauche « pragmatique », « efficace » et calculatrice, celle qui traite les autres de rêveurs et d'idéalistes – comme si c'était des défauts –, se fait doubler à l'heure qu'il est.
Elle se fait doubler partout en Occident par une droite qui n'a pas peur de soulever des foules et de déplacer le cadrage du débat politique vers la droite. Si cela fait peur à bien du monde, cela devrait surtout faire en sorte que la gauche, pour reprendre l'expression de Gabriel, se « regarde chaque matin dans le miroir » sans complaisance aucune.
Où nous mènera ce choix craintif de se tenir dans les limites du « pragmatisme » dictées par les élites médiatiques et économiques ? Notre ambition est beaucoup plus grande que ça. Bien sûr que nous voulons prendre le pouvoir. Mais ce n'est pas pour l'occuper tranquillement en y passant les quelques projets de loi que les élites dominantes voudront bien nous laisser passer.
C'est pour reprendre ce pouvoir à bras-le-corps et le faire redescendre vers le peuple ; c'est pour réinventer du tout au tout notre démocratie en faillite ; c'est pour réécrire à partir de zéro une Constitution nouvelle, celle d'un Québec indépendant qui soit en phase avec ce mouvement social chauffé à bloc auquel nous aurions œuvré au meilleur de nos capacités. En phase avec le peuple, pour une fois.
Et ça, ça ne se fera pas dans les limites de ce que les commentateurs média ou les évêques de la finance jugent « réaliste ». Ça ne se fera pas avec un seul discoureur habile ou avec une seule petite clique. Ça se fera avec beaucoup, beaucoup de monde. C'est au travail de rassembler cette immense gang-là pas seulement dans l'urne, mais aussi dans la vraie vie, qu'il faudrait que QS s'attèle.
Comme l'écrivait Émilise dans sa lettre de démission : il faut plonger les racines du parti dans toutes les régions du Québec, depuis là où le fleuve Saint-Laurent devient mer jusqu'au lac Abitibi, que partout on se reconnaisse en nous et pas juste là où on a des « chances de gagner ».
Autrement, si QS poursuit sa standardisation et continue à concentrer le pouvoir à sa tête, à l'image de ce système de domination qu'il avait été créé pour combattre, il faudra le considérer comme ce qu'il a manifestement été pour de trop nombreuses militantes et nombreux militants : un éteignoir plutôt qu'un catalyseur d'espoir.
* Signataires (en ordre alphabétique) : Jimena Aragon, candidate solidaire dans Chauveau en 2022 ; Gabrielle Arguin, attachée aux communications de l'aile parlementaire en 2022 ; Francis Baumans, membre du comité de coordination de Québec solidaire Mont-Royal–Outremont ; Vincent Boissonneault, membre du comité de coordination de Québec solidaire Jean-Lesage ; Sébastien Bouchard, candidat dans Jean-Lesage en 2012 et 2014, et ex-porte-parole régional de Québec solidaire dans la région de la Capitale-Nationale ; Joanne Boutet, membre du comité de coordination de Québec solidaire Jean-Lesage ; Alexandre Boutet-Dorval, membre du comité de coordination de Québec solidaire Jean-Lesage ; Pier-Luc Brault, militant de Québec solidaire dans Saint-François ; Rébecca Breton, militante et recherchiste à l'aile parlementaire en 2022 ; William Champigny-Fortier, militant de Québec solidaire dans Arthabaska ; Karine Cliche, candidate solidaire dans Sainte-Rose en 2022 ; Michelle Corcos, responsable de la Commission thématique Santé ; Antoine Côté, coordonnateur de l'association locale de Québec solidaire dans Mont-Royal–Outremont ; Catherine Cyr Wright, candidate dans Bonaventure en 2018 et 2022 ; Marie Dionne, membre du comité de coordination de Taschereau ; Catherine Dorion, députée de Québec solidaire de 2018 à 2022 et membre fondatrice d'Option nationale ; Amélie Drainville, militante solidaire et candidate dans Berthier en 2022 ; Jacynthe Drapeau, membre du comité de coordination de Québec solidaire Jean-Lesage ; Daniel Desputeau, attaché de circonscription dans Rosemont de 2018 à 2024 ; Charles-Émile Fecteau, militant de Québec solidaire dans Jean-Talon ; Jonathan Durand Folco, ancien responsable des orientations de Québec solidaire ; Pascale Fortin, candidate dans Arthabaska en 2022 et membre du comité de coordination de Québec solidaire Arthabaska ; André Frappier, ancien président et co-porte-parole de Québec solidaire ; Jonathan Gagnon, ancien employé de l'aile parlementaire et membre dans Roberval ; Christine Gilbert, membre du comité de coordination national et du comité exécutif de Québec solidaire en 2023, candidate solidaire dans Lotbinière-Frontenac en 2022 et candidate à l'investiture dans Jean-Talon en 2023 ; Carol-Ann Kack, candidate solidaire dans Rimouski en 2018 et 2022 ; Élisabeth Labelle, candidate solidaire dans Notre-Dame-de-Grâce en 2022 ; Raphaël Langevin, militant de Québec solidaire dans Verdun et économiste ; Myriam Lapointe-Gagnon, fondatrice de Ma place au travail et candidate solidaire dans Rivière-du-Loup–Témiscouata en 2022 ; Nicolas Lévesque, ex-directeur des communications de l'aile parlementaire de Québec solidaire ; Etienne Marcoux, militant solidaire dans Saint-François ; Eric Martin, responsable des communications de l'Union des forces progressistes (2004-2006) et au CCN de Québec solidaire (2006-2007), auteur, Un pays en commun, Écosociété ; Rabah Moulla, candidat solidaire dans Chomedey en 2018 et membre du comité de coordination national de Québec solidaire de 2020 à 2022 ; Philippe Pagé, candidat solidaire dans Richmond en 2022 ; Jean Pierre Roy Valdebenito, membre du comité de coordination de Québec solidaire Jean-Lesage ; Audrey Plamondon, membre du comité de coordination de Québec solidaire UdeM ; Terminal Smirnova, responsable de la mobilisation de l'association locale de Québec solidaire Mont-Royal–Outremont ; Victor Tardif, militant de Québec solidaire dans Sainte-Marie–Saint-Jacques ; Andrée-Anne Tremblay, membre du comité des femmes de la Capitale-Nationale et militante dans Taschereau ; Marie-Ève Turgeon, militante dans Prévost et illustratrice
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Afrique du Sud : la xénophobie et le sexisme, un héritage de la colonisation et de l’apartheid

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/05/09/afrique-du-sud-la-xenophobie-et-le-sexisme-un-heritage-de-la-colonisation-et-de-lapartheid/
in Salim Chena & Aïssa Kadri, Routes africaines de la migration. Dynamiques sociales et politiques de la construction de l'espace africain, Paris : Éditions du Croquant, collection Sociétés et politique en Méditerranée, 7 mai 2024.
https://editions-croquant.org/societes-et-politique-en-mediterranee/990-routes-africaines-de-la-migration-dynamiques-sociales-et-politiques-de-la-construction-de-lespace-africain.html
En Afrique du Sud, les manifestations xénophobes sont récurrentes. En mai 2008, des émeutes racistes font soixante-deux morts. En 2015, des pillages à Johannesburg et à Durban visent des commerces tenus par des « étrangers » et font sept morts. En septembre 2019, le pays connaît une nouvelle flambée d'émeutes xénophobes. Les commentaires s'orientent vers les forts taux de chômage ou les niveaux élevés de pauvreté pour en expliquer la cause. Les images que renvoient ces mouvements – foule d'hommes armés de gourdins, de pierres, de machettes ou de haches, passant à tabac ou massacrant sur leur passage des « étrangers » (le plus souvent venus d'autres pays d'Afrique), détruisant leurs commerces ou brûlant des bâtiments – réfléchissent davantage les fortes violences de genre qui caractérisent le pays et qui se sont depuis accrues avec l'épidémie de Covid-19.
Extrait de l'introduction de l'ouvrage
par Salim Chena et Aïssa Kadri
Tandis que d'innombrables travaux traitent des migrations des Africains depuis l'Afrique vers l'Europe, peu évoquent les migrations intérieures au continent. Lorsque les migrations transsahariennes sont objets de recherches ou d'enquêtes, l'hypothétique destination européenne est habituellement au centre de la problématique. L'étude des migrations internationales, plus généralement, reste encore dominée par le paradigme des migrations Sud-Nord. Dans l'édition 2020 du rapport sur L'économie africaine, par exemple, le chapitre traitant de « la migration africaine », en dépit d'une volonté affichée de discuter les discours dominants, est consacré quasi-exclusivement aux pays de l'OCDE. Y compris lorsque l'impact sur les sociétés, économies et espaces d'émigration constitue un enjeu central de la recherche, le prisme des migrations en direction de l'Europe reste prégnant. Les récits qui traversent les constructions médiatiques et politiciennes des migrations des Africains sont, depuis longtemps, concentrés sur le présupposé d'une Europe menacée d'« invasion » par les traversées de la Méditerranée. Ce mot, « invasion », prononcé par Valery Giscard d'Estaing en 1991 s'est rapidement banalisé, et a été légitimé par sa reprise et sa diffusion. Il paraît bien faible à l'heure actuelle en comparaison du vocabulaire utilisé, de l'état du débat public, de l'orientation des politiques publiques et des résultats électoraux lorsqu'il est question des « immigrés » en Europe. La construction performative de l'invasion, de la menace migratoire, s'inscrit ainsi, à travers les caractéristiques des enjeux des mobilités interétatiques actuelles qu'elle révèle, dans un processus qui ressemble à une forme de « guerre ». Elle tend en tous les cas à travers des appropriations de la question migratoire, comme arme politique et symbolique, à l'établissement de nouveaux rapports de domination à l'échelle du monde. Il est nécessaire de mettre au jour comment se fabriquent, dans leurs interrelations et affichages publics, les assignations, dans un monde où l'exclusion vise de larges pans des sociétés. Il y a sans doute à revenir sur le prisme colonial et ses catégories, sur un certain ethnocentrisme « occidental » des sciences sociales dans la prise en compte et l'analyse des nouvelles migrations. Les thèmes et problèmes qui affichent de manière désinhibée le stigmate, deviennent récurrents, reproduits à l'envi, selon des schèmes et des stéréotypes qui font fi autant de l'histoire profonde, que des contextes actuels des circulations intra-régionales africaines, méditerranéennes et internationales.
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Parler sexe - Se libérer des normes pour inventer la sexualité qui nous convient

Construire sa sexualité sans se soucier des normes, avoir et donner du plaisir sans tabous, développer une intimité sexuelle loin des obligations de performance... Il est temps ! Par chance, la sexologue et tiktokeuse Maude Painchaud Major publie cette semaine un essai rafraîchissant, Parler sexe - Se libérer des normes pour inventer la sexualité qui nous convient, dans la collection Radar. Tous les détails se trouvent ci-bas dans l'infolettre.
Comment parler sexe aux jeunes en 2024 ? Forte de son expérience comme conférencière et animatrice d'ateliers en milieu scolaire, Maude Painchaud Major le fait avec le plus grand des tacts. Bien que le livre ne prétende pas remplacer un précieux cours d'éducation à la sexualité, il en incarne un complément particulièrement efficace, un rempart rassurant en ces temps où les sources d'informations ne sont pas toutes des mines d'or.
L'autrice offre une visite guidée généreuse et bienveillante des différents aspects de la sexualité auxquels est confronté·e un·e ado : pression de performance, désir, plaisir, consentement, stéréotypes de genre, orientation sexuelle, pornographie, contraception, masturbation, etc. Aux questions sans réponse, aux inquiétudes d'avant l'expérience, elle suggère la communication : parler entre partenaires, parler entre ami·es.
Ouvrage de référence à la fois concis et pratique, ce n'est toutefois pas le lieu d'une accumulation de statistiques. En effet, l'autrice prend davantage le parti de s'intéresser aux préoccupations d'ordre qualitatif que ressentent les élèves du secondaire. « La taille du pénis, est-ce que c'est important ? », « Peut-on avoir des relations sexuelles en étant menstruée ? », « Être beau, ou belle, qu'est-ce que ça veut dire ? », mais surtout : « Suis-je normal·e ? ».
« Le plaisir devrait être le pilier de la sexualité, la fondation sur laquelle tout le reste se bâtit. Le plaisir de se donner du plaisir à soi-même, de connecter intellectuellement, émotionnellement et physiquement avec d'autres êtres humains, de découvrir d'autres corps, d'avoir du plaisir à donner du plaisir, de partager son intimité, d'explorer toutes sortes de pratiques sexuelles, etc. »
– Maude Painchaud Major
Diplômée en sexologie, Maude Painchaud Major propose des ateliers et des conférences dans les écoles, centrés sur une éducation à la sexualité saine, positive et inclusive. Elle anime aussi une chaine Tiktok, pour répondre aux questions des ados sur la sexualité.
En librairie le 8 mai au Canada / 17 mai en Europe
Collection Radar (15 ans et +)
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Israël interdit Al Jazeera afin de cacher la réalité de plus en plus embarrassante que cette chaîne dévoile
Ovide Bastien, professeur à la retraite, Collège Dawson
Le 5 mai, le gouvernement israélien ferme les bureaux d'Al Jazeera en Israël, confisque son matériel de diffusion, coupe cette chaîne de télévision des compagnies de câble et de satellite et bloque ses sites web.
Le Premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou justifie ce geste en déclarant qu'Al Jazeera agit comme « porte-parole du Hamas, incite à la violence contre ses soldats, et porte atteinte à la sécurité d'Israël ».
Le 6 mai, le Hamas étonne le monde en annonçant qu'après de nombreuses semaines de négociations ardues, il accepte finalement une proposition de cessez-le-feu égypto-qatarie pour Gaza. Le lendemain, Nétanyahou annonce que la proposition ne rencontre pas ses exigences et que l'armée israélienne va envahir Rafah « afin d'éliminer complètement le Hamas ».
Le 8 mai, le secrétaire américain à la défense Lloyd Austin annonce que les Etats-Unis, en désaccord avec la décision d'Israël d'envahir Rafah, suspendent la livraison de milliers de grosses bombes à Israël.
Se pourrait-il que la pression énorme provenant des milliers d'étudiants qui manifestent dans de nombreuses universités aux Etats-Unis, appelant à un cessez-le-feu et au désinvestissement de leurs institutions de toute entreprise livrant des armes à Israël, commence à porter fruit ? Même si ces manifestants sont qualifiés par Nétanyahou « d'antisémites et ennemis d'Israël » et même « de nazis » ?
*************
Avant le début novembre dernier, j'obtenais mon information au sujet de l'invasion de Gaza par Israël, déclenchée à la suite de l'attaque du Hamas le 7 octobre, uniquement de médias comme le Devoir, Radio-Canada, CBC, le Guardian, El País, et BBC.
C'est grâce à Nadia Kanji, une étudiante du profil Les Études Nord-Sud du Collège Dawson que j'accompagnais lors du stage étudiant au Nicaragua en décembre 2010, que j'ai commencé à suivre aussi la chaîne de télévision Al Jazeera.
J'y suis devenu rapidement accro.
« Ovide, je réside présentement aux États-Unis et travaille pour l'émission Upfront d'Al Jazeera, » m'écrit-elle octobre dernier. « Voici le lien où tu pourras visionner notre dernier épisode. »
J'ouvre le lien. La qualité de cet épisode m'impressionne. Le reporter Marc Lamont interroge, pendant une demi-heure et sans annonce aucune, l'auteur d'un livre sur la question palestinienne.
Je décide de consulter le programme régulier d'Al Jazeera.
Je suis étonné de voir la qualité de sa couverture de la guerre à Gaza. Celle-ci dépasse, et de beaucoup, à la fois en profondeur et étendue, celle de toutes les autres sources que je consultais auparavant. En plus, je suis agréablement surpris de voir qu'il est possible de visionner toute la programmation en direct sur Internet, et ce gratuitement et avec fort peu d'annonces.
Je découvre éventuellement qu'Al Jazeera a plusieurs émissions-débats, de qualité similaire à Upfront – The Bottom Line, Inside Story, Listening Post, Witness, etc. – ainsi que plusieurs excellents documentaires. Ces émissions et documentaires portent sur les principaux sujets de l'actualité internationale, mais la question palestinienne, sans doute à cause de la guerre en cours, occupe la place d'honneur.
L'expertise des reporters qui animent ces émissions ainsi que leur maitrise de l'anglais m'étonnent. M'impressionnent aussi la diversité et grande compétence des personnes invitées à participer aux débats. Il n'est pas rare de voir parmi celles-ci des Juifs critiques du sionisme comme les historiens Norman Finkelstein et Ilan Pappé, l'autrice et activiste canadienne Naomi Klein, l'ex-négociateur israélien dans le cadre du processus de paix d'Oslo Daniel Levy, et l'écrivain israélien et membre de la direction du quotidien Haaretz Gideon Levy. Apparaissent aussi régulièrement de hauts placés, actuels ou passés, de divers gouvernements. Des États-Unis, du Royaume-Uni, et de divers pays arabes, mais aussi, assez étonnamment, du gouvernement israélien lui-même et de militaires des forces armées israéliennes.
Bien qu'Israël n'autorise aucun journaliste étranger à entrer dans la bande de Gaza à moins qu'il ne soit intégré à son armée, Al Jazeera a de nombreux reporters palestiniens là. Ces derniers, peu étonnamment, soulignent que leurs reportages proviennent d'un territoire occupé et s'acharnent à documenter méticuleusement la guerre, présentant au monde entier des images de chaque bombardement occasionnant la destruction massive de résidences, d'hôpitaux, d'universités, de mosquées, etc., de chaque carnage (présentement il y a 34 900 morts, 70% femmes et enfants, et 78 200 blessés), d'enfants affamés (31 en sont morts jusqu'à maintenant) par le blocage systématique d'aide humanitaire à Gaza, de fosses communes (celle découverte à l'hôpital Nasser, le principal établissement médical du centre de Gaza, contenait près de 400 cadavres)...
Ces images difficiles à regarder incommodent énormément le gouvernement Nétanyahou. Non seulement sapent-elles sa crédibilité lorsqu'il affirme faire tout ce qui est humainement possible afin de limiter le nombre de victimes civiles, mais elles noircissent aussi substantiellement son image dans l'opinion publique internationale.
Le simple fait que plus de 140 journalistes et employés des médias aient été tués à Gaza depuis le 7 octobre 2023 démontre le courage impressionnant dont ils font preuve. Mais aussi, malheureusement, la grande détermination du gouvernement israélien à faire taire leurs voix.
Doit-on vraiment s'étonner de voir le gouvernement Nétanyahou procéder à l'interdiction d'Al Jazeera en Israël ?
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Réaction à l’Infolettre de QS intitulée « La suite des choses pour notre parti » ─ 6 mai 2024.
Ce qui ressort le plus, à mon sens, dans les dernières déclarations de GND ainsi que dans les prises de position de la direction de QS, et qui est aussi le plus problématique, c'est le sentiment d'« urgence », voire de « panique » qui habite tout ce beau monde. Comme si les membres les plus influents du parti venaient de prendre conscience de l'ampleur de tous les problèmes soulevés (environnement, logement, services publics) et qu'il fallait, de ce fait, prendre le pouvoir à Québec « de toute urgence » pour remédier le plus tôt possible à la situation devenue alarmante. Comme si la volonté affirmée de résoudre au plus vite ces crises devenues « chroniques » allait pouvoir précipiter les événements en faveur d'un parti qui serait le seul à avoir les moyens d'en venir à bout. Comme si le fait, pour QS, de décréter l'« urgence » d'accéder au pouvoir parlementaire allait coïncider, comme par magie, avec ces autres « urgences » (climat, habitation, éducation, santé, etc.) Tout comme cette « foi » dans l'alignement favorable des planètes pour poser une action, prendre une décision, lancer un projet qu'on retrouve principalement dans l'ésotérisme ou l'astrologie, qui ne se sont pas des disciplines qui se démarquent particulièrement par leur caractère rigoureux, scientifique ou prédictif, on prend ses désirs pour la réalité et on veut une victoire électorale dans l'« immédiat ».
Pour quelqu'un qui veut faire prendre à QS un tournant « pragmatique », donc « réaliste », GND (appuyé semble-t-il par la nomenklatura du parti) fait preuve au contraire d'un très grand « idéalisme », pour ne pas dire d'un illusionnisme qui se détourne des fondements « idéologiques », « politiques » et « éthiques » de Québec Solidaire. Cet empressement subi à gravir les marches institutionnelles vers la gouvernance de la Belle Province est le symptôme, soit d'une perte de confiance dans le programme « progressiste » de QS, soit d'une montée de fièvre « politicienne », « partisane », « opportuniste » qui relègue au second rang les principes les plus élémentaires d'un mouvement social et populaire de « gauche ». Dans les deux cas, la seule réponse possible est la précipitation qui va toujours de pair avec l'improvisation. On s'interdit ainsi de mettre à profit le caractère potentiellement « rationnel » du libéralisme démocratique qui pourrait nous être favorable si on y adhère avec discernement.
Dans le contexte de cette démocratie libérale qui perd de plus en plus ses ancrages et d'un système parlementaire qui se fossilise en réaction au déclin du modèle (et du monde) occidental, ces tentatives de « recentrage », ce vocabulaire (« pragmatisme ») et cette méthode (« électoralisme »), directement inspirés du modèle stratégique « caquiste » (qui, comme on le sait, se démarque par ses « hauteurs de vue »), donnent l'impression d'une démission devant la lenteur du processus électoral qui n'est, somme toute, qu'un moyen parmi d'autres pour faire advenir la société à laquelle aspire la gauche québécoise. Avec la perspective pessimiste qui se fait jour depuis les dernières élections, le parti est confronté à faire des choix « difficiles », comme le disent notre chef, notre directrice et notre présidente, quoiqu'il faille interpréter ce constat en un sens fort différent de celui qu'ils veulent lui donner. Allons-nous nous enfoncer encore plus loin dans une optique « opportuniste » à partir de laquelle il faudra éternellement se questionner sur ce qu'il faut dire ou ne pas dire, comment le dire ou comment ne pas le dire, dans quelles circonstances il est bon d'affirmer ceci ou cela ou de ne pas l'affirmer (ou encore de l'affirmer sans vraiment l'affirmer), que maintient-t-on dans notre plate-forme électorale et que repousse-t-on aux calendes grecques ? Là est la question : comment se situer face au parlementarisme qui n'a pas que des qualités mais dont les militants progressistes ont accepté les règles en formant un parti en bonne et due forme (QS), quitte à redéfinir, en temps et lieu, au moment d'avoir en mains les rênes du pouvoir parlementaire, certains protocoles qui se sont empoussiérés depuis que l'Empire britannique nous a fait « cadeau » de son système électoral.
Étant donné la récente remontée du PQ dans les sondages qui pourrait se traduire par un retour au pouvoir du parti souverainiste et un déclassement de QS, avec comme conséquence une régression vers le troisième groupe d'opposition (ou peut-être même le quatrième), ce qui constituerait un recul encore pire qu'en 2022 où le pourcentage de votes en faveur du parti a diminué, il est compréhensible et même nécessaire de vouloir opérer un processus d'introspection (une sorte de « thérapie de groupe », si l'on veut), d'autant plus que les deux formations sollicitent à peu près le même électorat (une gauche plus ou moins modérée, souverainiste ou indépendantiste selon le cas, « progressiste » avec toutes les variantes sémantiques existantes qui peuvent qualifier cette expression).
Ceci dit, évitons de tomber dans l'auto-flagellation, la culpabilisation à outrance (mea culpa, mea maxima culpa), le remords de conscience, procédés que nous avons hérité de notre culture judéo-chrétienne (du moins, pour les plus vieux d'entre nous), car il semble bien que, déjà, nous ayons beaucoup d'éléments à portée de la main pour effectuer un questionnement « en-retour » sur les décisions (plus ou moins heureuses, plus ou moins pertinentes et avisées) prises depuis 2018 : a) Le résultat tangible de la stratégie de « recentrage » de la dernière campagne électorale, b) L'abandon du travail parlementaire par des éléments cruciaux du parti (Dorion, Lessard-Thérien), c) Les effets négatifs, perturbateurs, aliénants (et même « traumatisants ») de l'adoption, sans distance « critique », du rythme effréné imposé par l'appareil politico-médiatique qui dicte quasiment l'agenda du Parlement (ce qui constitue une entrave sérieuse à une démocratie parlementaire « libérée » des pressions extérieures indues exercées par des intérêts particuliers qui viennent en contradiction avec les intérêts de la Majorité, donc avec le Bien Commun) et, finalement, d) L'expérience, très parlante, de la surmédiatisation grandissante de GND qui a pour effet de concentrer l'attention sur le porte-parole masculin, au détriment, peut-être, des fondamentaux du programme, ce qui, de plus, nourrit faussement l'image d'un parti dirigé par un seul homme.
En résumé, même si la ferveur « citoyenne » (devrait-on dire « révolutionnaire » ?) est importante dans la militance, elle constitue une sorte de « carburant » pour se mobiliser, mener des actions, poser des gestes « concrets » et « significatifs », il faut garder la tête froide et prendre des décisions réfléchies à l'aune de nos valeurs, nos principes, notre sens de l'intégrité morale, éthique, politique. Dans ce qu'on peut lire, entendre, voir de la part des représentants « officiels » de QS (Internet, médias, réseaux sociaux), on perçoit assez bien une sorte d'irritation, de décontenance, d'impatience devant le piétinement que vit QS eu égard à la volonté populaire (toujours instable, il faut le dire) ; à l'inverse (comme on peut s'en rendre compte en consultant le site Presse-toi à gauche !), il ressort une vraie et grande sagesse venant de la base militante qui a à cœur de mener une réflexion rigoureuse en faisant la part des choses entre le réel « électoraliste » (dont il faut tenir compte) et la pureté « idéologique » (qu'on doit toujours garder à l'esprit). L'impasse dans laquelle semble se débattre actuellement le parti, autant au niveau des instances décisionnelles qu'au niveau du membership militant, va trouver sa résolution entre ces deux extrêmes…
Mario Charland
Shawinigan
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Iran : Un salaire minimum de 250 euros en 2024, c’est toujours plus de pauvreté et de misère

D'après la résolution du Conseil suprême du travail, le salaire minimum augmenterait de 35,3% entre 2023 et 2024. Selon Sulat Mortazavi, le ministre des Coopératives, du Travail et de l'Etat social [depuis le 19 octobre 2022 – dans le gouvernement Ebrahim Raïssi], la rémunération minimum d'ensemble sera de 250 euros par mois en 2024.
Tiré de Entre les lignes et les mots
Les soi-disant représentants des salarié·e·s au Conseil suprême du travail affirment que cette augmentation du salaire minimum a été validée sans leur signature. Alors que ces « représentants syndicaux » avaient admis que pour faire face au « coût de la vie » 514 euros par mois étaient nécessaires, ils avaient néanmoins proposé pour 2024 un salaire minimum mensuel de 382 euros, soit 25% inférieur.
Le résultat est que, malgré l'inflation galopante et l'augmentation astronomique du coût de la vie, même 670 à 900 euros ne suffisent plus pour une famille de quatre personnes. Des millions de travailleurs doivent vivre avec des salaires trois fois inférieurs au seuil de pauvreté, ce qui n'est en aucun cas soutenable.
Le salaire minimum est déterminé chaque année par le Conseil suprême du travail, qui se compose de 9 à 10 représentants du gouvernement, des employeurs et de soi-disant représentants des travailleurs.
Au nom de ce tripartisme et sous prétexte que les travailleurs participent à la détermination du coût de leurs moyens de subsistance, les décisions anti-ouvrières du gouvernement et des employeurs sont imposées aux salarié·e·s dans le cadre de ce dispositif. Celui-ci et ces délégués fantoches, privent les travailleurs/euses de toute possibilité de s'opposer à la décision du Conseil suprême du travail. Résultat, le système capitaliste est plus fort d'année en année, et les salarié·e·s plus pauvres. En fait, ce Conseil suprême du travail tire vers la ruine des millions de travailleurs et travailleuses au début de chaque année.
Pour nous, le Conseil suprême n'est rien d'autre qu'une institution mensongère. Dans ce Conseil, les personnes représentant les travailleurs/euses n'ont aucun pouvoir de négociation, ils n'y sont présents que pour cautionner des décisions imposées.
Même s'ils avaient un pouvoir de négociation, le vote final appartiendrait de toute façon à la majorité des membres : si les représentants du gouvernement (le plus grand employeur du pays) et les représentants des organisations patronales privées ainsi que la chambre de commerce s'entendent sur un faible pourcentage d'augmentation des salaires, l'avis des faux représentants du travail n'a aucune valeur. Néanmoins ce Conseil fixe à sa convenance le montant du salaire minimum et l'impose aux salarié·e·s au nom du principe du tripartisme.
Les « représentants du travail » n'ont aucun pouvoir indépendant. Le gouvernement et les autres employeurs savent très bien qu'ils n'ont pas le soutien du peuple et des travailleurs qu'ils sont censés représenter. Ces représentants sont entrés dans ce Conseil grâce à des pots-de-vin et avec le soutien total du système. Ils ne disposent en conséquence d'aucune indépendance envers celui-ci.
Ils ne veulent pas recourir au pouvoir des travailleurs/euses, qui est celui de la rue, des manifestations et des grèves, contre les décisions anti-ouvrières du Conseil suprême des travailleurs.
Par conséquent, le Conseil suprême fait traîner en longueur ses travaux principalement pour maintenir l'apparence de ces réunions, et finalement, dans les derniers moments de l'année, il annonce sa décision anti-ouvrière à la population.
Le Conseil agit ainsi dans le but de montrer à la population que les « représentants du travail » étaient tous présents lors de ces réunions pour défendre les droits des travailleurs, et que ceux-ci ont participé à la décision du pourcentage d'augmentation du salaire minimum. Le but de cette manœuvre est de mieux pouvoir réduire au silence les travailleurs/euses en cas de mobilisations dans la rue.
Reste à comprendre pourquoi des travailleurs et des dizaines de millions de familles de travailleurs laissent leur sort entre les mains de ces représentants.
Le syndicat des travailleurs de la compagnie de bus de Téhéran et de sa banlieue (Vahed) condamne la fixation du salaire minimum à 247 euros par mois.
Il la considère comme inacceptable, et comme une attaque éhontée contre la vie, le corps et l'âme des travailleurs/euses et de leurs familles.
La seule façon de faire face à cette attaque contre les moyens de subsistance et la vie des travailleurs/euses de notre pays est l'unité, la mobilisation et la constitution d'organisations indépendantes.
La solution, c'est l'unité et l'organisation des travailleurs/euses ! (19 mars 2024)
Déclaration publiée en français par Echo d'Iran, Bulletin d'information sur le mouvement ouvrier en Iran, avril 2024)
http://alencontre.org/moyenorient/iran/iran-un-salaire-minimum-de-250-euros-en-2024-cest-toujours-plus-de-pauvrete-et-de-misere.html
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Soldat ou soldate ?

Commençons dans l'ordre. Notre équipe défend les droits des femmes dans l'armée et après le service, et nous sommes tout à fait favorables à l'utilisation de titres féminins. Cela renvoie à la question de la visibilité des femmes et est plus profond qu'il n'y paraît à première vue.
Dans notre domaine professionnel, il est important d'utiliser des titres féminins, par exemple : vétéran et vétérane, défenseur et défenseuse. Il ne s'agit pas d'un usage artistique, mais si le cadre normatif ne précise pas la différence entre les sexes dans un groupe, il y a des risques de restriction des droits et de négligence dans les politiques destinées à ces groupes. Le langage façonne la conscience, la législation et les règlements sont tout ce qui guide une institution. Si vous n'avez pas mis le pain sur votre liste de courses, vous pouvez ou non vous en souvenir. C'est ainsi que cela fonctionne partout. Une fois que vous l'avez écrit, vous vous en souvenez.
Dans les professions militaires, il est également important d'utiliser des titres féminins. Il arrive que des enfants soient surpris de voir des femmes dans l'aviation, par exemple, parce qu'ils n'ont jamais entendu le féminin dans la bouche d'un pilote (messieurs les sexistes, nous vous avons laissé de la place pour des blagues dans les commentaires). Les mots façonnent notre vision du monde dès l'enfance, et c'est pourquoi les inégalités sont plus difficiles à éradiquer dans la société, car simplement au niveau du langage, les femmes n'existent pas dans certains domaines.
La présence de noms féminins normalise à long terme la présence des femmes dans diverses activités. Une femme de ménage, une princesse, une enseignante n'ennuient personne. Le mot directrice se banalise de plus en plus au fil des années. Pour une raison ou une autre, ce sont les professions militaires avec des titres féminins qui irritent le plus la communauté. Et est-ce une coïncidence si c'est dans l'armée qu'il existe encore des obstacles à l'évolution de la carrière des femmes ?
Les féministes ne résoudront pas les problèmes liés aux mécanismes de développement de carrière et ne créeront pas non plus un système de formation et de coordination de haute qualité. Cependant, les féminismes ont une approche différente : une approche qui prête attention aux besoins et à la diversité des personnes, et qui développe le potentiel et les capacités humaines pour renforcer le bien commun. C'est cette approche qui permet de construire des systèmes efficaces.
Dans une communication privée, il est normal que vous demandiez à être appelé d'une certaine manière et que votre interlocuteur se plie à votre demande au lieu d'argumenter. (...)
Féminiser n'est pas une raison de haïr. Gardez votre calme et respectez-vous les un.es les autres, car nous devons tous.tes gagner.
30 avril 2024
Veteranka - Жіночий Ветеранський Рух
Traduction : Patrick Le Tréhondat (9 mai 2024)
Image : Veteranka ("Vétéran(ne ?) du travail")

La privation de monde face à l’accélération technocapitaliste

La pandémie de COVID-19 a conduit à un déploiement sans précédent de l'enseignement à distance (EAD), une tendance qui s'est maintenue par la suite, et cela malgré les nombreux impacts négatifs observés. De plus, le développement rapide des intelligences artificielles (IA) dites « conversationnelles » de type ChatGPT a provoqué une onde de choc dans le monde de l'éducation. La réaction des professeur·e·s à cette technologie de « disruption[1] » a été, en général, de chercher à contrer et à limiter l'usage de ces machines. Le discours idéologique dominant fait valoir, à l'inverse, qu'elles doivent être intégrées partout en enseignement, aussi bien dans l'élaboration d'une littératie de l'IA chez l'étudiant et l'étudiante que dans la pratique des professeur·e·s, par exemple pour élaborer les plans de cours. Nous allons ici chercher à montrer qu'au contraire aller dans une telle direction signifie accentuer des pathologies sociales, des formes d'aliénation et de déshumanisation et une privation de monde[2] qui va à l'opposé du projet d'autonomie individuelle et collective porté historiquement par le socialisme.
7 mai 2024 | publié sur le site des Nouveaux Cahiers du socialisme
https://www.cahiersdusocialisme.org/la-privation-de-monde-face-a-lacceleration-technocapitaliste/
L'expérience à grande échelle de la pandémie
Les étudiantes, les étudiants et les professeur·e·s ont été les rats de laboratoire d'une expérimentation sans précédent du recours à l'EAD durant la pandémie de COVID-19. Par la suite, nombre de professeur·e·s ont exprimé des critiques traduisant un sentiment d'avoir perdu une relation fondamentale à leur métier et à leurs étudiants, lorsqu'ils étaient, par exemple, forcés de s'adresser à des écrans noirs à cause des caméras fermées lors des séances de visioconférence. Quant aux étudiantes et étudiants, 94 % d'entre eux ont rapporté ne pas vouloir retourner à l'enseignement en ligne[3]. Des études ont relevé de nombreuses répercussions négatives de l'exposition excessive aux écrans durant la pandémie sur la santé mentale[4] : problèmes d'anxiété, de dépression, d'isolement social, idées suicidaires.
Le retour en classe a permis de constater des problèmes de maitrise des contenus enseignés (sur le plan des compétences en lecture, en écriture, etc.) ainsi que des problèmes dans le développement de l'autonomie et de la capacité de s'organiser par rapport à des objets élémentaires comme ne pas arriver à l'école en pyjama, la ponctualité, l'organisation d'un calendrier, la capacité à se situer dans l'espace ou à faire la différence entre l'espace privé-domestique et l'espace public, etc.
D'autres études ont relevé, au-delà de la seule pandémie, des problèmes de développement psychologique, émotionnel et socioaffectif aussi bien que des problèmes neurologiques chez les jeunes trop exposés aux écrans. Une autrice comme Sherry Turkle par exemple note une perte de la capacité à soutenir le regard d'autrui, une réduction de l'empathie, de la socialité et de la capacité à entrer en relation ou à socialiser avec les autres.
Tout cela peut être résumé en disant qu'il y a de nombreux risques ou effets négatifs de l'extension des écrans dans l'enseignement sur le plan psychologique, pédagogique, développemental, social, relationnel. Le tout est assorti d'une perte ou d'une déshumanisation qui affecte la relation pédagogique de transmission en chair et en os et en face à face au sein d'une communauté d'apprentissage qui est aussi et d'abord un milieu de vie concret. Cette relation est au fondement de l'enseignement depuis des siècles ; voici maintenant qu'elle est remplacée par le fantasme capitaliste et patronal d'une extension généralisée de l'EAD. Or, il est fascinant de constater qu'aucun des risques ou dangers documentés et évoqués plus haut n'a ralenti le projet des dominants, puisqu'à la suite de la pandémie, les pressions en faveur de l'EAD ont continué à augmenter. À L'UQAM, par exemple, les cours en ligne étaient une affaire « nichée » autrefois ; après la pandémie, on en trouve plus de 800. L'extension de l'EAD était aussi une importante demande patronale au cœur des négociations de la convention collective dans les cégeps en 2023, par exemple. Il sera maintenant possible pour les collèges de procéder à l'expérimentation de projets d'EAD même à l'enseignement régulier !
Une société du « tele-everything »
Toute la question est de savoir pourquoi la fuite en avant vers l'EAD continue malgré les nombreux signaux d'alarme qui s'allument quant à ses répercussions négatives. Une partie de la réponse se trouve dans le fait que l'EAD s'inscrit dans un projet politique ou dans une transformation sociale plus large. Comme l'a bien montré Naomi Klein[5], la pandémie de COVID-19 a été l'occasion pour les entreprises du capitalisme de plateforme ou les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) de déployer le projet d'une société du « tele-everything » où tout se ferait désormais à distance grâce à une infrastructure numérique d'une ampleur sans précédent. Cela signifie non seulement un monde avec beaucoup moins d'enseignantes et d'enseignants, puisque les cours seront donnés en ligne ou éventuellement par des tuteurs-robots, mais cela concerne aussi un ensemble d'autres métiers dont les tâches sont d'ordre cognitif, puisqu'il s'agit précisément d'automatiser des tâches cognitives autrefois accomplies par l'humain. De nombreux métiers sont donc menacés : journaliste, avocat, médecin, etc. Désormais chacun pourra accéder, par exemple, au téléenseignement, à la télémédecine, au divertissement par la médiation d'un écran et depuis son foyer. Nous pouvons donc parler d'un projet politique visant à transformer profondément les rapports sociaux au moyen de l'extension d'un modèle de société technocapitaliste ou capitaliste cybernétique intercalant la médiation des écrans et de la technologie entre les sujets.
Vers une société cybernétique
Nous pouvons, en nous appuyant sur des philosophes comme le Québécois Michel Freitag ou le Français Bernard Stiegler, relever que la société moderne était caractérisée par la mise en place de médiations politico-institutionnelles devant, en principe, permettre une prise en charge réfléchie des sociétés par elles-mêmes. Plutôt que de subir des formes d'hétéronomie culturelles, religieuses ou politiques, les sociétés modernes, à travers leurs institutions que l'on pourrait appeler « républicaines », allaient faire un usage public de la raison et pratiquer une forme d'autonomie collective : littéralement auto-nomos, se donner à soi-même sa loi. La condition de cette autonomie collective est d'abord, bien entendu, que les citoyennes et citoyens soient capables d'exercer leur raison et leur autonomie individuelle, notamment grâce à une éducation qui les ferait passer du statut de mineur à majeur. Le processus du devenir-adulte implique aussi d'abandonner le seul principe de plaisir ou le jeu de l'enfance pour intégrer le principe de réalité qu'implique la participation à un monde commun dont la communauté politique a la charge, un monde qui est irréductible au désir de l'individu et qui le transcende ou lui résiste dans sa consistance ou son objectivité symbolique et politique.
D'après Freitag, la société moderne a, dans les faits, été remplacée par une société postmoderne ou décisionnelle-opérationnelle, laquelle peut aussi être qualifiée de société capitaliste cybernétique ou systémique. Dans ce type de société, l'autonomie et les institutions politiques sont déclassées au profit de systèmes autonomes et automatiques à qui se trouve de plus en plus confiée la marche des anciennes sociétés. De toute manière, ces dernières sont de plus en plus appelées à se dissoudre dans le capitalisme, et donc à perdre leur spécificité culturelle, symbolique, institutionnelle et politique. Ces transformations conduisent vers une société postpolitique. Elles signifient que l'orientation ou la régulation de la pratique sociale ne relève plus de décisions politiques réfléchies, mais se voit déposée entre les mains de systèmes – le capitalisme, l'informatique, l'intelligence artificielle – réputés décider de manière plus efficace que les individus ou les collectivités humaines. Bref, c'est aux machines et aux systèmes qu'on demande de penser à notre place.
Les anciennes institutions d'enseignement se transforment en organisations calquées sur le fonctionnement et les finalités de l'entreprise capitaliste et appelées à s'arrimer aux « besoins du marché ». Plus les machines apprennent ou deviennent « intelligentes » à notre place, et plus l'enseignement est appelé, suivant l'idéologie dominante, à se placer à la remorque de ces machines. Désormais, la machine serait appelée à rédiger le plan de cours des professeur·e·s, à effectuer la recherche ou à rédiger le travail de l'étudiante ou de l'étudiant ; elle pourra même, en bout de piste, corriger les copies, comme cela se pratique déjà en français au collège privé Sainte-Anne de Lachine. L'humain se trouve marginalisé ou évincé du processus, puisqu'il devient un auxiliaire de la machine, quand il n'est tout simplement pas remplacé par elle, comme dans le cas des tuteurs-robots ou des écoles sans professeurs, où l'ordinateur et le robot ont remplacé l'ancien maître. L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) évoque déjà dans ses rapports un monde où les classes et les écoles physiques auront tout bonnement disparu. Ce projet participe aussi d'un processus de délestage ou d'« extranéiation » cognitive qui est à rebours de la conception moderne de l'autonomie, et qu'il convient maintenant d'expliciter.
Délestage ou extranéiation cognitive
Le philosophe français Eric Sadin[6] estime qu'un seuil inquiétant est franchi à partir du moment où des facultés ou des tâches cognitives spécifiques à l'humain sont remises entre les mains de systèmes d'intelligence artificielle, par exemple l'exercice du jugement ou le fait de poser un diagnostic médical. Automatiser le chauffage d'une maison ou les lumières d'un immeuble de bureaux est beaucoup moins grave que de transférer le jugement humain dans un système extérieur. Certains intervenants et intervenantes du monde de l'éducation s'enthousiasment devant ce processus, estimant que le délestage cognitif en faveur des machines permettra de sauver du temps qui pourra être utilisé à de meilleures fins[7]. Il faut au contraire insister pour montrer que ce processus pousse la destruction de l'idéal du citoyen – ou de la citoyenne – moderne encore plus loin, puisque celui-ci est remplacé par un individu assisté ou dominé par la machine, réputée penser, juger ou décider à sa place. L'individu n'exerce plus alors la réflexivité, l'autonomie, la liberté : « il faut s'adapter », comme le dirait Barbara Stiegler.
Il est frappant de constater à quel point les technoenthousiastes prennent position sur les nouvelles technologies sans jamais se confronter à l'immense corpus de la philosophie de la technique ou la technocritique, ceci expliquant cela… La position technocritique est généralement ridiculisée en l'assimilant à quelque peur comique du changement semblable à la crainte des minijupes et du rock'n'roll dans les années 1950… Pourtant, les dangers relatifs à ce mouvement de délestage (Entlastung) ou d'extranéiation cognitive ont bien été relevés, et depuis longtemps, par les Arnold Gehlen, Günther Anders ou Michel Freitag, pour ne nommer que ceux-là.
Dès 1956, Anders développe dans L'Obsolescence de l'homme une critique du rapetissement de l'humain face à la puissance des machines. Le concept de « honte prométhéenne » désigne le sentiment d'infériorité de l'ouvrier intimidé par la puissance et la perfection de la machine qui l'a dépassé, lui, l'être organique imparfait et faillible. Le « décalage prométhéen » indique quant à lui l'écart qui existe entre la puissance et les dégâts causés par les machines d'un côté, et la capacité que nous avons de les comprendre, de nous les représenter et de les ressentir de l'autre. Les machines sont donc « en avance » sur l'humain, placé à la remorque de ses productions, diminué et du reste en retard, largué, dépassé par elles.
Anders rapporte un événement singulier qui s'est déroulé à la fin de la guerre de Corée. L'armée américaine a gavé un ordinateur de toutes les données, économiques, militaires, etc., relatives à la poursuite de la guerre avant de demander à la machine s'il valait la peine de poursuivre ou d'arrêter l'offensive. Heureusement, la machine, après quelques calculs, a tranché qu'il valait mieux cesser les hostilités. On a conséquemment mis un terme à la guerre. D'après Anders, c'est la première fois de l'histoire où l'humain s'est déchargé d'une décision aussi capitale pour s'en remettre plutôt à une machine. On peut dire qu'à partir de ce moment, l'humanité concède qu'elle est dépassée par la capacité de synthèse de la machine, avec ses supports mémoriels et sa vitesse de calcul supérieure – supraliminaire, dirait Anders, puisque débordant notre propre capacité de compréhension et nos propres sens. Selon la pensée cybernétique[8] qui se développera dans l'après-guerre, s'il s'avère que la machine exécute mieux certaines opérations, il vaut mieux se décharger, se délester, « extranéiser » ces opérations dans les systèmes. La machine est réputée plus fiable que l'humain.
Évidemment, à l'époque, nous avions affaire aux balbutiements de l'informatique et de la cybernétique. Aujourd'hui, à l'ère du développement effréné de l'intelligence artificielle et de la « quatrième révolution industrielle », nous sommes encore plus en danger de voir une part croissante des activités, orientations ou décisions être « déchargées » de l'esprit humain en direction des systèmes cybernétiques devenus les pilotes automatiques du monde. Il faut mesurer à quel point cela est doublement grave.
D'abord, du point de vue de l'éducation qui devait fabriquer le citoyen et la citoyenne dont la république avait besoin, et qui produira à la place un assisté mental dont l'action se limitera à donner l'input d'un « prompt[9] » et à recevoir l'output de la machine. Un étudiant qui fait un travail sur Napoléon en demandant à ChatGPT d'exécuter l'ensemble des opérations n'aura, finalement, rien appris ni rien compris. Mais il semble que cela n'est pas très grave et que l'enseignement doit aujourd'hui se réinventer en insistant davantage sur les aptitudes nécessaires pour écrire des prompts bien formulés ou en mettant en garde les étudiantes et étudiants contre les « hallucinations », les fabulations mensongères fréquentes des machines qui ont désormais pris le contrôle. « Que voulez-vous, elles sont là pour rester, nous n'avons pas le choix de nous adapter… », nous dit-on du côté de ceux qui choisissent de garnir les chaines de l'ignorance des fleurs de la « créativité », car c'est bien de cela qu'il s'agit : l'enseignement de l'ignorance comme l'a écrit Michéa[10], le décalage prométhéen comme programme éducatif et politique.
Deuxièmement, ce mouvement de déchargement vers la machine vient entièrement exploser l'idéal d'autonomie moderne individuelle et collective et réintroduire une forme d'hétéronomie : celle du capitalisme cybernétique autonomisé. Comme le remarque Bernard Stiegler, le passage du statut de mineur à celui de majeur, donc le devenir-adulte, est annulé : l'individu est maintenu au stade infantile et pulsionnel, puis branché directement sur la machine et le capital. Il y a donc complicité entre l'individu-tyran et le système une fois court-circuitées les anciennes médiations symboliques et politiques de l'ancienne société. Suivant une thèse déjà développée dans le néolibéralisme de Friedrich Hayek, notre monde serait, du reste, devenu trop complexe pour être compris par les individus ou orienté par la délibération politique : il faut donc confier au marché et aux machines informatiques/communicationnelles le soin de devenir le lieu de synthèse et de décision de la société à la place de la réflexivité politique. Or, ce système est caractérisé, comme le disait Freitag, par une logique d'expansion infinie du capital et de la technologie qui ne peut qu'aboutir à la destruction du monde, puisque sa logique d'illimitation est incompatible avec les limites géophysiques de la Terre, ce qui mène à la catastrophe écologique déjà présente. Cela conduit à une forme exacerbée de la banalité du mal comme absence de pensée théorisée par Hannah Arendt, cette fois parce que le renoncement à penser ce que nous faisons pour procéder plutôt à un délestage cognitif de masse mène dans les faits au suicide des sociétés à grande échelle à cause du totalitarisme systémique capitaliste-cybernétique. Nous passons notre temps devant des écrans pendant que le capitalisme mondialisé sur le « pilote automatique » nous fait foncer dans le mur de la crise climatique.
Accélérationnisme et transhumanisme
Ce mouvement de décervelage et de destruction de l'autonomie individuelle et collective au profit des systèmes ne relève pas seulement d'une dérive ou d'une mutation propre à la transition postmoderne. Il est aussi revendiqué comme projet politique chez les accélérationnistes, notamment ceux de la Silicon Valley. Une des premières figures de l'accélérationnisme est le Britannique Nick Land, ancien professeur à l'Université de Warwick, où il a fondé le Cybernetic Culture Research Unit (CCRU) dans les années 1990. Land dit s'inspirer de Marx (!), de Deleuze et Guattari, de Nietzsche et de Lyotard pour conclure que l'avenir n'est pas de ralentir ou de renverser le capitalisme, mais d'accélérer son processus de déterritorialisation. Cette idéologie favorise ainsi l'accélération du capitalisme, de la technologie et se dit même favorable au transhumanisme, à savoir la fusion – partielle ou totale – de l'humain avec la machine dans la figure du cyborg[11]. Après avoir quitté l'université, Nick Land, notamment à cause de son usage de drogues, sombre dans la folie et l'occultisme. Il devient également ouvertement raciste et néofasciste. Il disparait pour refaire surface plusieurs années plus tard en Chine, une société qui, selon lui, a compris que la démocratie est une affaire du passé et qui pratique l'accélérationnisme technocapitaliste. Ses idées sont par la suite amplifiées et développées aux États-Unis par Curtis Yarvin, proche de Peter Thiel, fondateur de PayPal. Cela a engendré un mouvement de la néo-réaction ou NRx qui combine des thèses accélérationnistes et transhumanistes avec la promotion d'une privatisation des gouvernements, une sorte de technoféodalisme en faveur de cités-États gouvernées par les PDG de la techno. Il s'agit donc d'un mouvement qui considère que la démocratie est nuisible, étant une force de décélération, un mouvement qui entend réhabiliter une forme de monarchisme 2.0 mélangé à la fascination technique. On pourrait dire qu'il s'agit d'une nouvelle forme de technofascisme.
Ajoutons qu'une partie des idées de Land et de Yarvin nourrit non seulement l'« alt-right », mais aussi des mouvements ouvertement néonazis dont la forme particulière d'accélérationnisme vise à exacerber les contradictions raciales aux États-Unis pour mener à une société posteffondrement dominée par le suprémacisme blanc. Il existe également une forme d'accélérationnisme de gauche, associé à une figure comme celle de Mark Fisher, qui prétend conserver l'accélération technologique sans le capitalisme. Mais la majeure partie du mouvement est à droite, allant de positions anciennement libertariennes jusqu'à des positions néoautoritaires, néofascistes, transhumanistes ou carrément néonazies. Cette nébuleuse accélérationniste inspire les nouveaux monarques du technoféodalisme de la Silicon Valley, les Peter Thiel, Elon Musk, Mark Zuckerberg et Marc Andreesen[12]. Ceux-ci pensent que l'humain doit fusionner avec l'IA pour ensuite aller coloniser Mars, la Terre étant considérée comme écologiquement irrécupérable. Il n'est donc pas suffisant de parler d'un projet de scénarisation de l'humain par la machine au moyen du délestage cognitif, puisque ce qui est en cause dans le projet accélérationniste et transhumaniste implique carrément la fin de l'humanité telle qu'on l'entendait jusqu'ici. L'anti-humanisme radical doit être entendu littéralement comme un projet de destruction de l'humanité. Il s'agit d'un projet de classe oligarchique et eugéniste qui entend bien donner tout le pouvoir à une nouvelle « race » de surhommes riches et technologiquement augmentés dont le fantasme est de tromper la mort par le biais de la technique pour pouvoir jouir de leur fortune éternellement, à tel point qu'ils modifient actuellement les lois aux États-Unis pour pouvoir déshériter leur descendance et contrôler leurs avoirs éternellement lorsque la technologie les aura rendus immortels…
L'oubli de la société
Ce délire se déroule aussi sur fond « d'oubli de la société », comme le disait Michel Freitag[13], à savoir qu'il implique la destruction des anciennes médiations culturelles et symboliques aussi bien que celle des anciennes sociétés, comprises comme totalités synthétiques ou universaux concrets. Marcel Rioux l'avait déjà remarqué dans les années 1960, l'impérialisme technocapitaliste étatsunien conduit à la liquidation de la langue, de la culture et de la société québécoise. Du reste, comme le souligne Freitag, le fait d'être enraciné dans un lieu et un temps concret est remplacé par un déracinement qui projette le néosujet dans l'espace artificiel des réseaux informatiques ou de la réalité virtuelle. Du point de vue de l'éducation, à quoi sert-il alors de transmettre la culture, la connaissance du passé, les repères propres à cette société concrète ou à son identité, du moment qu'on ne nait plus dans une société, mais dans un réseau ? La médiation technologique et les écrans, en tant que technologie de disruption, viennent contourner les anciennes médiations et le processus d'individuation qu'elles encadraient, produisant des individus socialisés ou institués par les machines. Il devient alors beaucoup plus important d'anticiper l'accélération future et d'enseigner à s'y adapter, beaucoup plus important que d'expliquer le monde commun et sa genèse historique. De ce point de vue, l'ancien instituteur, « hussard noir de la République[14] », doit être remplacé par un professeur branché qui s'empresse d'intégrer les machines à sa classe, ou carrément par ChatGPT ou par un quelconque tuteur-robot. Ainsi la boucle serait complète : des individus formés par des machines pour vivre dans une société-machine, où l'ancienne culture et l'ancienne société auraient été remplacées par la cybernétique.
Une aliénation totale
Nous l'avons dit : les jugements enthousiastes sur cette époque sont généralement posés sans égard au corpus de la théorie critique ou de la philosophie de la technique. Il nous semble au contraire qu'il faille remobiliser le concept d'aliénation pour mesurer la dépossession et la perte qui s'annoncent en éducation, pour les étudiants, les étudiantes, les professeur·e·s, aussi bien que pour la société ou l'humanité en général. L'aliénation implique un devenir étranger à soi. En allemand, Marx emploie tour à tour les termes Entaüsserung et Entfremdung, extériorisation et extranéiation. La combinaison des deux résume bien le mouvement que nous avons décrit précédemment, à savoir celui d'une extériorisation de l'humanité dans des systèmes objectivés à l'extérieur, mais qui se retournent par la suite contre le sujet. Celui-ci se trouve alors non seulement dépossédé de certaines facultés cognitives, mais en plus soumis à une logique hétéronome d'aliénation qui le rend étranger à lui-même, à sa pratique, à autrui, à la nature et à la société – comme l'avait bien vu Marx –, sous l'empire du capitalisme et du machinisme. Le sujet se trouve alors « privé de monde[15] » par un processus de déshumanisation et de « démondanéisation ». Ce processus concerne aussi bien la destruction de la société et de la nature que celle de l'humanité à travers le transhumanisme. Nous pouvons ainsi parler d'une forme d'aliénation totale[16] – ou totalitaire – culminant dans la destruction éventuelle de l'humanité par le système technocapitaliste. Ajoutons que le scénario d'une IA générale (AGI, artificial general intelligence) ou de la singularité[17] est évoqué par plusieurs figures crédibles (Stephen Hawking, Geoffrey Hinton, etc.) comme pouvant aussi conduire à la destruction de l'humanité, et est comparé au risque de l'arme nucléaire. L'enthousiasme et la célébration de l'accélération technologique portés par les idéologues et l'idéologie dominante apparaissent d'autant plus absurdes qu'ils ignorent systématiquement ces mises en garde provenant pourtant des industriels eux-mêmes. Sous prétexte d'être proches des générations futures, soi-disant avides de technopédagogie, on voit ainsi des adultes enfoncer dans la gorge de ces jeunes un monde aliéné et courant à sa perte, un monde dont ils et elles ne veulent pourtant pas vraiment lorsqu'on se donne la peine de les écouter, ce dont semblent incapables nombre de larbins de la classe dominante et de l'accélérationnisme technocapitaliste, qui ont déjà pressenti que leur carrière actuelle et future dépendait de leur aplaventrisme devant le pouvoir, quitte à tirer l'échelle derrière eux dans ce qu'il convient d'appeler une trahison de la jeunesse.
Conclusion : réactiver le projet socialiste
Nous avons montré précédemment que l'extension du capitalisme cybernétique conduit à des dégâts : psychologiques, pédagogiques, développementaux, sociaux/relationnels. Nous avons montré que le problème est beaucoup plus large, et concerne, d'une part, le déchargement de la cognition et du jugement dans des systèmes extérieurs. D'autre part, il participe de la mise en place d'un projet politique technocapitaliste, celui d'une société postmoderne du « tout à distance » gérée par les systèmes, ce qui signifie la liquidation de l'idéal d'autonomie politique moderne. Cela entraine bien sûr des problèmes en éducation : formation d'individus poussés à s'adapter à l'accélération plutôt que de citoyens éclairés, fin de la transmission de la culture et de la connaissance, oubli de la société, etc. Plus gravement, cela participe d'une dynamique d'aliénation et de destruction du rapport de l'individu à lui-même, aux autres, à la nature et à la société. Ce processus culmine dans le transhumanisme et la destruction potentielle aussi bien de l'humain que de la société et de la nature si la dynamique accélérationniste continue d'aller de l'avant. Ce qui est menacé n'est donc pas seulement l'éducation, mais la transmission même du monde commun à ceux qu'Arendt appelait les « nouveaux venus », puisque ce qui sera transmis sera un monde de plus en plus aliéné et en proie à une logique autodestructive. Les Grecs enseignaient, notamment dans le serment des éphèbes, que la patrie devait être donnée à ceux qui suivent en meilleur état que lorsqu'elle avait été reçue de la génération antérieure. Les générations actuelles laissent plutôt un monde dévasté et robotisé, tout en privant celles qui viennent des ressources permettant de le remettre sur ses gonds.
Il convient évidemment de résister à ces transformations, par exemple en luttant localement pour défendre le droit à une éducation véritable contre la double logique de la marchandisation et de l'automatisation-robotisation. On peut encore réclamer de la régulation de la part des États, mais il est assez évident aujourd'hui que le développement de l'IA a le soutien actif des États – « comité de gestion des affaires de la bourgeoisie », disait Marx. Mais il faut bien comprendre que seule une forme de société postcapitaliste pourra régler les problèmes d'aliénation évoqués ci-haut. Il sera en effet impossible de démarchandiser l'école et de la sortir de l'emprise de la domination technologique sans remettre en question la puissance de ces logiques dans la société en général.
Depuis le XIXe siècle, la réaction à la destruction sociale engendrée par l'industrialisation a trouvé sa réponse dans le projet socialiste[18], qu'il s'agisse de la variante utopique, marxiste ou libertaire. On trouve aussi aujourd'hui des approches écosocialistes, décroissancistes ou communalistes[19]. Cette dernière approche, inspirée par l'écologie sociale de Murray Bookchin, préconise la construction d'une démocratie locale, écologique et anti-hiérarchique. Ce sont là différentes pistes pouvant nourrir la réflexion sur la nécessaire reprise de contrôle des sociétés sur l'économie et la technologie, dont la dynamique présente d'illimitation est en train de tout détruire. Cela laisse entière la question du type d'éducation qui pourrait favoriser la formation des citoyennes et citoyens communalistes dont le XXIe siècle a besoin. Chose certaine, il faudra, à rebours de ce que nous avons décrit ici, que cette éducation favorise l'autonomie, la sensibilité, la compassion, l'altruisme ; qu'elle donne un solide enracinement dans la culture et la société, qu'elle apporte une compréhension de la valeur et de la fragilité du vivant et de la nature. Bref, elle devra former des socialistes ou des communalistes enracinés au lieu de l'aliénation et du déracinement généralisé actuels.
Par Eric Martin, professeur de philosophie, Cégep St-Jean-sur-Richelieu
NOTES
1. Ce type de technologie cause un bouleversement profond dans les pratiques du champ où elle apparait. ↑
2. Franck Fischbach, La privation de monde. Temps, espace et capital, Paris, Vrin, 2011. ↑
3. Carolyne Labrie, « Les cégépiens ne veulent plus d'enseignement à distance », Le Soleil, 27 février 2023. ↑
4. Pour un développement détaillé de ces constats, voir Eric Martin et Sebastien Mussi, Bienvenue dans la machine. Enseigner à l'ère numérique, Montréal, Écosociété, 2023. ↑
5. Naomi Klein, « How big tech plans to profit from the pandemic », The Guardian, 13 mai 2020. ↑
6. Eric Sadin, L'intelligence artificielle ou l'enjeu du siècle. Anatomie d'un anti-humanisme radical, Paris, L'Échappée, 2021. ↑
7. « L'intelligence artificielle, une menace ou un nouveau défi à l'enseignement ? », La tête dans les nuances, NousTV, Mauricie, 29 mai 2023. ↑
8. Céline Lafontaine, L'Empire cybernétique. Des machines à penser à la pensée machine, Paris, Seuil, 2004. ↑
9. NDLR. Prompt : il s'agit d'une commande informatique destinée à l'utilisateur ou l'utilisatrice lui indiquant comment interagir avec un programme, ou dans le cas de ChatGPT, des instructions envoyées à la machine pour lui permettre de faire ce qu'on lui demande. ↑
10. Jean-Claude Michéa, L'enseignement de l'ignorance et ses conditions modernes, Castelnau-le-Lez, Climats, 2006. ↑
11. NDLR. Cyborg (mot formé de cybernetic organism) : personnage de science-fiction ayant une apparence humaine, composé de parties vivantes et de parties mécaniques. ↑
12. Marine Protais, « Pourquoi Elon Musk et ses amis veulent déclencher la fin du monde », L'ADN, 20 septembre 2023. ↑
13. Michel Freitag, L'oubli de la société. Pour une théorie critique de la postmodernité, Québec, Presses de l'Université Laval, 2002. ↑
14. En 1913, l'écrivain français Charles Péguy qualifie les instituteurs de « hussards noirs ». Combatifs et engagés, ils défendent l'école de la République.
15. Fischbach, La privation de monde, op. cit. ↑
16. Voir la présentation de Gilles Labelle lors du séminaire du Collectif Société sur l'ouvrage Bienvenue dans la machine, UQAM, 28 avril 2023. ↑
17. D'après Wikipedia, « La singularité technologique (ou simplement la Singularité) est l'hypothèse selon laquelle l'invention de l'intelligence artificielle déclencherait un emballement de la croissance technologique qui induirait des changements imprévisibles dans la société humaine. Au-delà de ce point, le progrès ne serait plus l'œuvre que d'intelligences artificielles qui s'auto-amélioreraient, de nouvelles générations de plus en plus intelligentes apparaissant de plus en plus rapidement dans une « explosion d'intelligence », débouchant sur une puissante superintelligence qui dépasserait qualitativement de loin l'intelligence humaine ». Cette thèse est notamment défendue par le futurologue transhumaniste Ray Kurzweil. ↑
18. Jacques Dofny, Émile Boudreau, Roland Martel et Marcel Rioux, « Matériaux pour la théorie et la pratique d'un socialisme québécois », article publié dans la revue Socialisme 64, Revue du socialisme international et québécois, n° 1, printemps 1964, p. 5-23. ↑
19. Eric Martin, « Communalisme et culture. Réflexion sur l'autogouvernement et l'enracinement », Nouveaux Cahiers du socialisme, n° 24, automne 2020, p. 94-100. ↑
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Larissa Packer : capitalisme vert, agro-industrie et crise environnementale

L'avocate socio-environnementale explique comment l'économie verte sert les intérêts financiers, transformant les biens communs en actifs financiers
Tiré de Capiré
https://capiremov.org/fr/entrevue/larissa-packer-capitalisme-vert-agro-industrie-et-crise-environnementale/
03/05/2024 |
Par MST
Foto : Selma Farias
La crise environnementale de ce siècle est directement liée au modèle agro-industriel, basé sur les grandes propriétés et sur la monoculture de produits de base. La production intensive et prédatrice qui progresse dans les campagnes est pratiquement ancrée dans la déforestation de l'Amazonie et du Cerrado brésilien, deux des régions les plus riches en biodiversité de la planète. À l'heure où l'on s'inquiète de plus en plus du changement climatique et de la durabilité, l'économie verte, le capital vert et le marché du carbone sont apparus comme des « concepts » dans la recherche de solutions « viables » et respectueuses de l'environnement.
Le site internet du Mouvement des travailleurs ruraux sans terre du Brésil (MST) a interviewé Larissa Ambrosano Packer pour discuter de la dynamique entre l'agro-industrie et de l'environnement, en apportant des aspects liés aux nouvelles technologies capitalistes dans l'organisation de l'agriculture et de l'élevage et aux expressions de la financiarisation de l'économie dans les dynamiques agraire et environnementale. Packer est avocate socio-environnementale, titulaire d'un master en philosophie du droit et membre de l'équipe Grain pour l'Amérique Latine.
L'économie verte, qui semble aujourd'hui « à la mode », apporte-t-elle des solutions au problème de la crise environnementale mondiale ?
Cette relation entre les marchés de capitaux, l'agro-industrie et l'environnement s'inscrit dans cette tendance des investisseurs institutionnels qui cherchent à générer des milliards de dollars dans le monde, recherchant la rentabilité la plus élevée possible pour les « élites rentières », qu'il s'agisse d'individus ou d'entreprises. Je parle de BlackRock, Vanguard, State Street, Global Advisors, qui gèrent des billions de dollars, parfois beaucoup plus que le PIB des États-Unis et de la Chine. Ces investisseurs institutionnels professionnels, confrontés aux fluctuations des marchés financiers, aux mouvements inflationnistes et à la baisse des taux d'intérêt, recherchent des actifs physiques, des biens matériels tangibles tels que l'immobilier, les infrastructures de transport, les ports, les aéroports et les métaux précieux tels que l'or, les terres agricoles ou les ressources naturelles en général.
Cette alliance d'investisseurs institutionnels sur le marché financier et ces actifs physiques et matériels sont très présents en temps de crise, à la fois comme stratégie de protection de l'argent contre l'inflation et pour placer cette suraccumulation d'argent sur une base physique garantissant une rentabilité à long terme plus sûre que les actifs financiers traditionnels, tels que les actions ou les obligations d'État. Cela fait partie de ce moment de ruée vers l'or, vers le foncier, vers l'immobilier, qui s'est intensifiée au cours des 15 dernières années, depuis la crise hypothécaire de 2008 aux États-Unis, qui a également généré un énorme volume de capital financier sans ballast sur lequel reposer et qui a fini par conduire à plus ou moins trois mouvements majeurs.
Et quels sont ces mouvements ?
Grain a prouvé qu'il y avait eu une augmentation des transactions foncières internationales entre 2008 et 2009, passant de 4 à 45 millions d'hectares. La littérature parle de land grabbing, cette course aux terres agricoles à laquelle la Banque mondiale se réfère depuis 2011.
En 2012, par exemple, plusieurs investisseurs institutionnels ont cherché à acquérir des entreprises qui gèrent des terres agricoles aux États-Unis et à placer cette super accumulation de capital sur un marché foncier limité. Et cela a conduit à des prix stratosphériques de la valeur des terres, allant jusqu'à 67 000 dollars par hectare dans le Wisconsin. Pour vous donner une idée, ces actifs dits réels – qui sont en fait les marchés immobilier, commercial et résidentiel – correspondaient en 2021 à 51 % du total des actifs courants dans le monde, soit 290 billions de dollars.
Le deuxième marché le plus important est celui des instruments de dettes, qui représente moins de la moitié de ce montant (123 billions de dollars) et le troisième marché le plus important est celui de l'or. C'est également un actif très recherché en temps de crise, qui offre une plus grande sécurité et protection contre la corrosion de la monnaie en période d'inflation, et qui représente un marché de 12 billions de dollars.
Selon AGBI Real Assets, gestionnaire d'actifs immobiliers, les propriétés rurales représentent plus de 35 billions de dollars, soit environ 6 % des actifs de l'économie mondiale. Au cours des 20 dernières années, la valeur des terres agricoles a augmenté de 300 %.
Ensemble, ces fonds immobiliers qui investissent dans les propriétés commerciales, résidentielles et rurales totalisent plus de 320 billions de dollars, soit environ quatre fois le PIB mondial de 2020. Ainsi, l'alliance entre les investisseurs financiers, l'agro-industrie et les ressources naturelles s'inscrit dans ce moment d'intensification des crises financières, cherchant une protection contre la corrosion de l'argent face à l'inflation et aussi une plus grande rentabilité, une meilleure distribution de dividendes aux investisseurs et aux élites rentières.
Quel est l'impact de cette course au capital sur les terres et les biens communs des pays ?
Ce phénomène touche principalement les pays qui possèdent des terres agricoles et des ressources naturelles. Il y a un déplacement de cette suraccumulation de capital vers ces autres régions du Sud global, qui disposent de terres et de ressources naturelles en abondance. De nombreux investisseurs institutionnels cherchent à surévaluer ces actifs, augmentant ainsi le prix des terres et des produits agricoles, ce qui finit par avoir un impact sur la valeur des aliments, l'accès à la terre et les biens communs qu'elle fournit, tels que l'eau, la biodiversité, la végétation locale et la qualité et l'intégrité de l'environnement, qui sont des droits humains liés à la dignité de la vie et de la santé, à la fois des humains et des animaux et de la planète.
En période de crise financière, ces investisseurs financiers profitent de cet environnement de surconcentration et de rareté pour procéder à l'introduction de biens jusque-là courants dans le régime juridique de la propriété privée et, pire encore, dans le régime financier. Ils rapprochent ces biens communs non seulement du régime juridique des marchandises, mais des actifs financiers eux-mêmes. Ils subordonnent les biens autrefois communs, tels que la terre, l'eau et les ressources naturelles, aux intérêts des investisseurs de fonds en matière de distribution de dividendes. Cela signifie que plus l'expansion de l'agro-industrie est importante, produisant peu de produits de faible qualité nutritionnelle pour l'exportation, avec davantage de déforestation, d'appropriation des terres et de l'eau, plus la tarification de ces actifs réels qui deviennent des actifs financiers est élevée, et plus la distribution de dividendes à ces gestionnaires d'actifs et aux élites rentières mondiales est importante. Cela aboutit à subordonner les biens communs et les intérêts de la population à la stratégie de gains financiers de quelques familles, de quelques personnes super-riches dans le monde.
C'est ce que l'on appelle une économie verte ?
L'économie verte est un slogan de plus pour légitimer ou populariser un intérêt de classe, limité à une petite élite de rentiers et aux agents financiers qui travaillent pour elle. On fait donc intervenir des intérêts de classe et on les met en avant comme s'il s'agissait d'un intérêt global et plus large pour tout le monde.
Le discours hégémonique prétend vouloir une économie verte dans laquelle ces investisseurs aident la planète, aident toutes les populations à lever des fonds pour des projets environnementaux à faible impact. Mais il dit cela précisément pour dissimuler le fait qu'il s'agit d'une économie de rentiers, de capitalistes, d'investisseurs financiers, qui recherchent de plus en plus une rentabilité accrue basée sur l'augmentation de la valeur de la terre et de la valeur des marchandises et des denrées alimentaires.
Il en résulte une minorité de propriétaires et une majorité de personnes sans accès, sans toit, sans terres, de sorte que cet accès entre de plus en plus dans la composition de la valeur de ces actifs, de plus en plus par l'intérêt d'une plus grande rentabilité pour ces investisseurs.
On a beau dire que ces ressources seront utilisées pour le bien de la planète , la recherche d'une plus grande rentabilité est intrinsèque à la dynamique des investissements financiers. La rentabilité la plus élevée est liée aux transactions où les terres sont achetées à bas prix et vendues à un prix élevé.
Il n'est donc pas étonnant que de nombreux rapports fassent état de l'implication de ces gestionnaires d'actifs fonciers, y compris des fonds de pension, qui achètent des terrains très bon marché dans le Matopiba [acronyme désignant une région brésilienne comprenant les États de Maranhão, Tocantins, Piauí et Bahia], qui sont bon marché précisément parce que toute la chaîne de propriété est contaminée par des vices et des fraudes dus à l'accaparement de terres publiques et collectives. Après quelques années, les pâturages dégradés deviennent des monocultures de soja, dégradées pour d'autres raisons, afin de produire des marchandises destinées à l'exportation. Cela augmente la valeur de la terre et, lorsque celle-ci est vendue, les bénéfices sont distribués à quelques investisseurs financiers.
Il y a toute une dynamique d'augmentation du prix ou d'appréciation de ces terres et ceux qui n'ont pas d'argent sont poussés à vendre. On assiste à une concentration de ces terres, à l'expulsion de la population et des petits agriculteurs, des peuples et communautés traditionnels, à une déforestation accrue, etc. Quand on suit vraiment le phénomène du capital lié à ce qu'on appelle l'économie verte, ce qu'on voit c'est une économie brune, une économie qui conduit à une très grande violence contre les personnes et l'environnement.
En 2008, avec la suraccumulation de capital sans ballast sur lequel s'appuyer avec la crise hypothécaire aux États-Unis, il y a eu une fuite de capital et une recherche de nouveaux marchés, de nouveaux actifs, plus sûrs pour ces trillions de dollars. Trois phénomènes se sont plus ou moins produits : le land grabbing, avec une course mondiale à la terre, principalement dans les pays du Sud ; la spéculation financière sur les matières premières agricoles, avec une concentration par quelques fonds de futurs contrats d'achat et de vente de soja et de maïs, etc., générant un boum de l'indice des prix des denrées alimentaires ; et l'évaluation économique autonome, qui fait référence à la valeur des terres et aux valeurs environnementales.
Avant il y avait la qualité ou l'intégrité environnementale, qui relevait du régime juridique des biens communs. Ceux-ci étaient inappropriées pour une seule personne et ne pouvaient pas être échangés comme n'importe quelle autre marchandise, précisément parce qu'ils étaient destinés à tous, générations présentes et futures. Le régime de la propriété privée fait désormais l'objet d'une évaluation économique, autorisant certains acteurs à délivrer un titre de propriété sur ce qu'ils commencent à appeler les services environnementaux ou les services écosystémiques.
Vous pouvez nous expliquer plus en détail comment cela fonctionne ?
Il s'agit aujourd'hui d'un principe du droit de l'environnement, mais en réalité, tout un marché d'achat et de vente est en train de se construire à partir de la tarification et de l'autorisation des contrats et de la circulation de nouvelles marchandises autour des biens environnementaux, qui sont désormais considérés comme des actifs tangibles et peuvent faire l'objet d'échange comme n'importe quelle autre marchandise, en particulier dans l'environnement des actifs financiers.
Au Brésil, les quotas de réserve environnementale (CRA), qui représentent un hectare de végétation locale à n'importe quel stade de régénération, ne doit pas nécessairement être une forêt primaire ou secondaire, il peut s'agir d'une zone dégradée ou en cours de régénération. Ils fournissent un service environnemental de piégeage du carbone avec la croissance, permettant à cette zone de se régénérer et de se développer.
À partir de ces territoires, on peut émettre des titres financiers négociés en bourse et de gré à gré. De même, le Nasdaq et la Los Angeles Stock Exchange ont également inclus l'eau comme actif financier, qui se négocie donc également en bourse et dont le prix est fixé — d'où le terme de quotas d'eau.
Nous voyons des biens communs qui appartenaient à tout le monde passer au régime de la propriété privée et, en plus, devenir un actif financier. Cela peut entraîner la déforestation. Placer la gestion de l'environnement dans la logique de l'offre et de la demande, dans la logique des prix du marché, peut générer des mouvements spéculatifs très dangereux contre l'environnement. La logique est la suivante : plus il y a d'incendies en Californie ou dans le Pantanal, moins il y a d'eau disponible ; et plus elle est rare, plus la valeur du quota en bourse sera élevée. Et ceux qui détiennent ces actions auront une meilleure rentabilité, et pourront acheter et vendre ces actions à une valeur plus élevée sur le marché secondaire. De même, les quotas de réserve environnementale dans les régions où l'exploitation minière et l'agro-industrie se développent, avec la monoculture du soja, du coton et du maïs, auront moins de forêts ou de végétation locale et protégée, et la valeur des quotas sera plus élevée. Cela n'a rien à voir avec la protection de l'environnement. Nous parlons d'économie financière, qui n'a rien de vert.
Interview de Fernanda Alcântara éditée par Solange Engelmann
Révision de Helena Zelic
Traduction du portugais pas Claire Laribe
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Pluies meurtrières au Brésil et en Afrique : le changement climatique a encore frappé

De nombreuses régions du monde font face à des pluies diluviennes meurtrières. Des événements extrêmes qui s'expliquent en partie par le réchauffement climatique causé par l'humain.
Tiré de Reporterre
6 mai 2024
Par Émilie Massemin
Des Kenyans regardent une voiture détruite qui a été emportée par des pluies torrentielles dans le village de Kamuchiri, au Kenya, le 29 avril 2024. - © AFP / Luis Tato
Au moins 188 décès au Kenya, 155 en Tanzanie, 28 000 foyers déplacés en République démocratique du Congo, 2 000 au Burundi... Des pluies meurtrières frappent plusieurs régions du monde, en particulier l'Afrique de l'Est. Pour toute la zone Kenya, Tanzanie, Comores, la situation pourrait s'aggraver dans les prochaines heures avec le passage du cyclone Hidaya.
Au sud du Brésil, le bilan des inondations dans l'État du Rio Grande do Sul s'établissait le 3 mai à 29 morts et 60 personnes portées disparues. En Chine, des pluies diluviennes ont frappé la province du Guangdong, la plus peuplée du pays avec ses 127 millions d'habitants. Elles ont provoqué le décès de quatre personnes et des dizaines de milliers d'évacuations. Mi-avril, des précipitations extrêmes ont frappé plusieurs pays du Golfe, tuant vingt-et-une personnes à Oman. Les Émirats arabes unis ont enregistré des niveaux de pluie jamais atteints en soizante-quinze ans de relevés météorologiques. Quatre personnes sont mortes.
Certains épisodes peuvent être liés à des phénomènes météorologiques locaux. Par exemple en Afrique de l'Est. « L'événement El Niño, dont un s'est produit récemment, a généralement un lien avec les précipitations », explique Benjamin Sultan, climatologue et directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement (IRD). Cette année, il a été amplifié par le dipôle de l'océan Indien, une oscillation irrégulière des températures de surface de la mer.
Mais pour les chercheurs interrogés par Reporterre, il ne fait aucun doute que ces événements climatiques extrêmes sont liés au changement climatiquecausé par l'humain. « Les précipitations associées à El Niño et au dipôle de l'océan Indien sont rendues plus fortes par le changement climatique », explique Benjamin Sultan. En cause, une élévation de la température des océans qui entraîne un surcroît d'évaporation, une augmentation du taux d'humidité dans l'atmosphère et, en bout de chaîne, des pluies plus abondantes. « 1 °C supplémentaire se traduit par une augmentation de 7 % de l'humidité atmosphérique, précise le chercheur. En conséquence, même si la probabilité de l'événement météorologique ne change pas, il peut devenir plus intense. »
Un lien que confirme Davide Faranda, directeur de recherche en climatologie au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE) de l'Institut Pierre-Simon Laplace et coordinateur du consortium international ClimaMeter. « Aux tropiques, les océans sont particulièrement chauds, avec beaucoup d'évaporation. Cette chaleur humide se transfère à l'atmosphère et peut déclencher des pluies assez intenses, et donc des inondations », explique-t-il. En élargissant la focale, on observe même un lien entre les épisodes de chaleur extrême et ces inondations dévastatrices. « Au Sahel, en Chine et au Brésil, des records de température ont été battus dans plusieurs zones, contribuant à l'évaporation, rappelle le chercheur. Quand ces masses d'air chaud entrent en contact avec des zones d'air frais — ce qu'on appelle goutte froide dans la météorologie française —, elles déclenchent orages et précipitations. »
Inégalités face aux risques
Au niveau local cependant, difficile de lier tel ou tel épisode au changement climatique. Davide Faranda est spécialisé dans cette science en construction, baptisée « attribution ». « Pour Dubaï [aux Émirats arabes unis], les inondations sont tellement exceptionnelles que l'on n'a pas trouvé d'événement similaire dans nos bases de données. On ne peut donc pas vraiment dire si elles sont liées au changement climatique », précise-t-il. En revanche, son équipe a pu établir un lien entre les inondations en Chine et les émissions de gaz à effet de serre.
Les personnes mortes lors de ces récents épisodes d'inondations sont-elles donc des victimes du changement climatique ? Oui, mais d'autres éléments sont à prendre en considération. « Le risque n'est absolument pas naturel, rappelle la géographe Valérie November, directrice de recherche au CNRS. Si les pluies et les inondations font autant de dégâts, c'est parce que des populations vivent dans les endroits inondés. » D'autres facteurs, notamment économiques, peuvent jouer. « Une part du risque est fondamentalement injuste, il frappe les populations qui vivent le plus en marge, poursuit la chercheuse. Il est clair que les territoires et les populations sont inégaux face au risque. »
Le changement climatique viendra sans nul doute compliquer cette équation. « Il rend les phénomènes météorologiques plus intenses. Cette intensité produit des dommages dans des endroits qui n'étaient pas identifiés à l'avance, et prennent de court des personnes qui ne se pensaient pas exposées », explique Valérie November.
Benjamin Sultan, lui aussi, observe cette difficulté à anticiper les catastrophes climatiques et donc à limiter le nombre de décès qu'elles entraînent. « On sait que les pluies vont être un peu plus fortes, mais on ne sait pas exactement où. Souvent, les prévisions ne sont pas assez précises pour que les décideurs prennent les décisions associées, remarque le climatologue. On atteint aussi les limites de certains pays à gérer des événements extrêmes. Ces derniers sont parfois tellement extrêmes que même si l'on sait qu'ils vont arriver, cela dépasse les capacités d'adaptation du pays. »
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Derrière l’euphorie pour l’hydrogène, la menace des énergies fossiles

[Enquête 1/2] L'engouement mondial autour de l'hydrogène est dopé par le lobbying massif de l'industrie des énergies fossiles. Objectif : nous rendre encore plus dépendants d'elle.
3 mai 2024 | tiré de reporterre.net
https://reporterre.net/Derriere-l-euphorie-pour-l-hydrogene-la-menace-des-energies-fossiles
Les promesses mirobolantes de l'hydrogène n'étaient-elles qu'une illusion, sur le point d'être dissipées ? Un vent d'inquiétude flottait ces derniers temps sur le secteur, perceptible jusque dans la communication de l'Hydrogen Council, un groupe de lobbying représentant des industriels majeurs du domaine. « L'industrie de l'hydrogène propre est confrontée à des vents contraires », qui ont entraîné un développement « plus lent que prévu », écrivait-il en décembre 2023.
Lire aussi : Avions et bateaux : comment l'hydrogène entretient le mythe de la croissance
Présenté comme l'un des piliers de la transition énergétique, ce gaz possède des vertus qui le rendent, de fait, indispensable. L'hydrogène « vert », c'est-à-dire produit par électrolyse de l'eau à partir d'énergies renouvelables, peut à la fois servir à stocker de l'énergie (un enjeu essentiel pour compenser l'intermittence de la production électrique des éoliennes et panneaux photovoltaïques), à fabriquer des carburants décarbonés et, surtout, à remplacer les énergies fossiles dans des secteurs industriels difficiles à décarboner autrement, comme la sidérurgie et de vastes pans de l'industrie chimique.

L'hydrogène « vert » est produit par électrolyse de l'eau. L'électricité renouvelable (en jaune) vient casser les molécules d'eau (en bleu), ce qui produit du dihydrogène et relâche du dioxygène, comme schématisé ci-dessus pour les usines d'électrolyseurs de Lhyfe, entreprise européenne de production d'hydrogène vert. Capture d'écran YouTube/Lhyfe
Ces derniers mois, pourtant, plusieurs analyses majeures se sont montrées assez pessimistes, voire carrément alarmistes quant à nos capacités à déployer l'hydrogène vert dans les temps impartis pour tenir nos objectifs climatiques.
C'est le cas d'un rapport publié en janvier par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) qui revoit à la baisse, de quelque 35 %, ses prévisions de croissance pour la production d'hydrogène vert d'ici 2028, par rapport à l'évaluation établie l'année précédente. Pire encore : seuls 45 gigawatts (GW) de capacités de production d'hydrogène vert additionnels devraient être construits entre 2023 et 2028, soit… 7 % des projets annoncés pour cette période, estime l'AIE.
Le constat est à peine moins sévère au niveau européen. L'étude « Sisyphe », publiée en mars par le CEA, qui s'appuie notamment sur le témoignage de soixante-dix industriels européens, estime que la demande en hydrogène électrolytique bas carbone en 2030 ne devrait pas dépasser les 2,5 millions de tonnes. Soit huit fois moins que l'objectif européen, officialisé dans le plan RepowerEU.
Une ambition démesurée ?
Une multitude de facteurs est invoquée de manière récurrente par les acteurs de l'hydrogène pour expliquer ces difficultés : les incertitudes sur le coût — et la compétitivité — de l'hydrogène bas carbone par rapport aux alternatives fossiles actuelles ; le cadre réglementaire international jugé trop instable ou trop contraignant ; l'absence d'équipements suffisants (électrolyseurs de grande puissance, gazoducs et ports pour transporter l'hydrogène, etc.) ou encore le contexte économique global, plombé par l'inflation et le coût du crédit, entre autres.
La douche froide actuelle est surtout à la mesure des gigantesques ambitions affichées ces dernières années. À l'échelle mondiale, l'AIE prévoit que la demande en hydrogène bas carbone atteindra en 2050 près de 400 millions de tonnes (Mt) par an. D'autres analyses vont jusqu'à 600 Mt.

© Stéphane Jungers / Reporterre
Des volumes titanesques à déployer quasiment à partir de rien : aujourd'hui, le monde consomme environ 95 Mt d'hydrogène par an, dont seulement 0,6 % est bas carbone, selon l'AIE. « Créer ex nihilo un système de production et de distribution d'hydrogène bas carbone constitue l'un des plus grands défis de la stratégie énergétique française et européenne », soulignait en février dernier Thomas Veyrenc, directeur général économie, stratégie et finances chez Réseau de transport d'électricité (RTE), lors d'une audition au Sénat.
L'ambition de la France incarne cette démesure : un objectif de production de 600 000 tonnes d'hydrogène décarboné est attendu pour 2030, ce qui nécessite l'installation de 6,5 gigawatts (GW) d'électrolyseurs.
À titre de comparaison, en 2023, France Hydrogène recensait 0,03 GW installé dans le pays, avec une progression de 0,017 GW en un an. « On ne va pas se mentir [...] un certain nombre d'objectifs ne seront pas atteints dans les temps », concédait en janvier à La TribunePhilippe Boucly, président de France Hydrogène.
Une bulle gonflée par le lobby fossile
La vague d'euphorie et d'annonces tonitruantes sur l'hydrogène remonte à 2020, selon Ines Bouacida, chercheuse et spécialiste de la transition énergétique à l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) : « Elle est la conjonction de trois facteurs. D'abord, les objectifs de neutralité carbone en 2050 ont poussé à s'intéresser à l'hydrogène pour des secteurs difficiles à décarboner et qui étaient jusque-là peu regardés. Ensuite, les plans de relance post-Covid ont fait affluer beaucoup d'argent frais qui a suscité certaines ambitions d'investissements. Et il y a, enfin, une course technologique, l'envie d'avancer vite pour devenir les leaders mondiaux sur les technologies hydrogène. »
Autant d'éléments ayant pu pousser à surestimer nos capacités réelles à produire de l'hydrogène vert. Mais un quatrième facteur, plus surprenant, a certainement joué un rôle dans cet engouement mondial : le lobbying massif de l'industrie des énergies fossiles.
L'ONG OpenSecrets, qui traque les financements et l'influence des lobbies dans la politique étasunienne, évaluait en décembre 2023 à plus de 41 millions de dollars (environ 38 millions d'euros) le lobbying réalisé à Washington par les compagnies fossiles faisant la promotion de l'hydrogène, entre janvier et septembre 2023 seulement. Le nombre d'entreprises déclarant une activité de lobbying en faveur de l'hydrogène a explosé sous la présidence de Joe Biden : elles plafonnaient à moins de 25 jusqu'en 2020 avant de dépasser les 200 en 2023.

© Stéphane Jungers / Reporterre
Le même type de lobbying opère au Royaume-Uni et dans l'Union européenne (UE). Le centre de recherche sur le lobbying européen Corporate Europe Observatory estimait, en octobre 2023, à plus de 75 millions d'euros l'argent engagé par des industriels déclarant faire la promotion de l'hydrogène, entre autres, auprès des institutions de l'UE. Soit près du double (43 millions d'euros) de ce qu'investit la « Big tech » en lobbying dans l'UE. Parmi les plus gros acteurs impliqués dans cette promotion de l'hydrogène, on retrouve une bonne part des majors de l'industrie fossile : Shell, ExxonMobil, TotalEnergies ou BP.
« Leur principal objectif est de maintenir l'Europe dans une dépendance aux énergies fossiles, pour que leur business model puisse continuer quelques décennies supplémentaires », dénonce Belén Balanya, chercheuse au Corporate Europe Observatory. La subtilité de cette stratégie supposée tient au lien persistant entre énergies fossiles et hydrogène bas carbone. À côté de l'hydrogène vert, il est en effet possible de produire de l'hydrogène dit « bleu » : celui-ci n'est pas produit à partir d'électricité, mais est issu de la transformation d'hydrocarbures. Ce procédé est néfaste pour le climat, mais l'hydrogène bleu contourne ce problème en promettant de neutraliser les émissions de carbone générées, au moyen des techniques de capture et stockage du carbone (CSC).
L'hydrogène bleu, danger climatique
Ainsi, même si les objectifs chiffrés à long terme de la plupart des États parlent spécifiquement d'hydrogène vert, « ces objectifs irréalistes permettront aux compagnies pétrolières et gazières de faire revenir l'hydrogène d'origine fossile par la porte de derrière », alerte Bélen Balanya. De fait, l'Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena) estimait, dans un rapport de 2022, que l'hydrogène vert ne pourra répondre qu'aux deux tiers de la demande mondiale en 2050, complété par 200 millions de tonnes annuelles d'hydrogène bleu. Un volume identique est envisagé par l'AIE et l'Hydrogen Council.
Officiellement, pourtant, l'hydrogène bleu est présenté par la Commission européenne comme une solution temporaire, le temps que les capacités de production d'hydrogène vert se déploient. Les industriels du gaz fossile, eux, ne comptent pas se contenter d'un rôle de « passerelle » vers l'hydrogène vert. Investissant conjointement dans l'hydrogène vert et bleu, Shell, par la voix de son vice-président, assurait par exemple en 2021 que l'hydrogène bleu n'aurait pas vocation à disparaître, quand bien même sa version verte deviendrait compétitive. Le 28 avril dernier, Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, en rajoutait une couche en assénant que l'objectif officiel de déploiement de l'hydrogène vert n'avait « aucun sens ».
« L'hydrogène bleu est loin d'être aussi neutre en carbone »
Cette perspective inquiète de nombreuses ONG, avant tout parce que l'hydrogène bleu est loin d'être aussi neutre en carbone qu'il le prétend. La principale technique de production d'hydrogène bleu passe par le vaporeformage du méthane : un processus qui transforme ce gaz en hydrogène tout en libérant du CO2. Une activité pouvant générer, en amont, des fuites de méthane (gaz quatre-vingts fois plus réchauffant que le CO2 sur vingt ans), et en aval des fuites de CO2, les techniques de capture et stockage étant rarement aussi efficaces que prévu.
Les études sur le sujet sont nombreuses et trop contradictoires pour aboutir à des données certaines, mais une part conséquente de ces travaux s'avère extrêmement inquiétante. Une des plus citées, publiée dans Energy Science & Engineering, conclut que les fuites de méthane rendent la production d'hydrogène bleu potentiellement plus néfaste pour le climat que la combustion directe de gaz naturel ou de charbon !
En France, un rapport de l'Ademe de mai 2022 expliquait que le bilan carbone de l'hydrogène bleu dépendait fortement de la technique employée ainsi que de l'origine du méthane qui sert à le produire : le gaz naturel liquéfié (GNL) importé des États-Unis et lié à la production de gaz de schiste très émetteur de gaz à effet de serre étant particulièrement nocif. L'hydrogène bleu actuellement sur le marché n'est pas bas carbone, conclut l'Ademe, mais pourrait le devenir si l'on suit les bonnes pratiques, ce qui n'est pas assuré en l'état.
Verrouiller notre dépendance aux fossiles
Au-delà de son bilan carbone, le développement de l'hydrogène bleu présente le risque pernicieux de nous maintenir dans une dépendance aux énergies fossiles en investissant dans leurs infrastructures, d'entretenir une « dépendance au sentier », alerte également Pierre Sacher, ingénieur de l'Ademe et auteur du rapport.
La crainte, régulièrement relayée par des ONG écolos, serait donc de tomber dans le « piège des lobbies » : faire miroiter de l'hydrogène vert, tout en se tenant prêt à vendre de l'hydrogène bleu, voire du gaz fossile, une fois levés le mirage et l'irréalisme des objectifs initiaux. C'est ce que dénonçait le 16 avril dernier Julian Popov, juste après avoir quitté ses fonctions de ministre de l'Environnement en Bulgarie. « Construire des gazoducs prêts pour l'hydrogène signifie construire des gazoducs qui ne seront pas utilisés pour autre chose que du gaz naturel », observait-il alors, cité par le média Contexte.

L'usine d'hydrogène de l'entreprise Lhyfe à Bouin, en Vendée, lors de sa construction en 2020. Capture d'écran YouTube/Lhyfe
Les gouvernements risquent « d'aider et encourager les intérêts des énergies fossiles » et de « perpétuer le statu quo », s'inquiète également Julie McNamara, directrice adjointe climat et énergie de l'ONG Union of Concerned Scientists. Si nous établissons des règles trop généreuses avec l'hydrogène bleu, produit à partir de méthane, « cela peut signifier plus de consommation de gaz naturel pour plus longtemps », un contexte « extrêmement lucratif pour l'industrie fossile », souligne-t-elle.
Ces enjeux se cristallisent en ce moment autour de « l'acte délégué » que doit produire la Commission européenne, pour établir clairement les critères définissant l'hydrogène bas carbone en Europe. Plusieurs industriels de l'hydrogène vert et ONG environnementales européennes ont adressé une lettre ouverte à la Commission, le 2 avril, s'inquiétant des pressions mises par certains industriels pour définir une norme au plus vite et au rabais pour l'hydrogène bleu.
Le risque serait notamment celui d'une définition trop permissive avec les fuites de carbone. Les signataires veulent aussi la garantie que l'hydrogène bleu ne soit produit qu'à partir des capacités fossiles existantes, sans générer l'ouverture de nouveaux puits d'hydrocarbures.
« Dans le pire des scénarios, le système hydrogène pourrait être encore pire pour le climat que le système fossile qu'il doit remplacer », s'inquiète Ciel Jolley, de l'ONG étasunienne Environmental Defense Fund, cosignataire de la lettre. « Des règles permissives sur l'hydrogène bleu pourraient saper le travail sur l'hydrogène vert et retarder sa compétitivité de plusieurs années », alerte également Geert De Cock, de Transport & Environment, autre organisation signataire.
L'acte délégué doit être rendu par la Commission européenne d'ici le 31 décembre 2024. Qu'il soit réellement bas carbone ou non, l'hydrogène fait aussi office d'argument magique, invoqué par certaines industries pour perpétuer leur modèle de croissance et éviter de parler de sobriété, comme l'explique par ailleurs Reporterre.
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Les combattant.tes en Amérique latine : la lutte périlleuse pour le droit à l’avortement

Au Salvador, au Honduras et au Suriname, l'avortement est strictement interdit. L'Uruguay ou la Colombie autorisent l'avortement selon certaines conditions gestationnelles. En revanche, au Chili ou au Venezuela, les conditions sont restrictives, l'avortement étant seulement permis en cas de danger pour la mère. En Bolivie et en Équateur, l'IVG est autorisée pour des raisons de santé. L'instabilité du droit à l'avortement en Amérique latine tend à empêcher certaines femmes à y recourir.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/05/10/les-combattant-tes-en-amerique-latine-la-lutte-perilleuse-pour-le-droit-a-lavortement/
Entre efforts d'ouverture et conservatisme rétrograde
Les conditions d'accès obligent les femmes à s'exposer publiquement, devant parfois avouer des cas de viols pour « justifier » leur demande. Certaines préfèrent rester silencieuses pour éviter l'humiliation ou y recourent secrètement, s'exposant aux dangers de l'avortement clandestin.
Alors que le Brésil n'autorise l'IVG qu'en cas de danger pour la mère, des procédures pour dépénaliser l'avortement avaient été entreprises. Or, comme les négociations traînent et sont toujours en suspens, les femmes continuent d'y avoir recours. En 2023, 19 d'entre elles sont mortes suites à avoir recouru à un avortement clandestin.
Certains pays font un bond en arrière. Le gouvernement de Milei en Argentine, cherche à effacer la victoire de 2020 en proposant de pénaliser l'IVG : trois ans pour la femme qui y recourt et quatre ans pour la personne professionnelle qui l'effectue. À Puerto Rico, alors que depuis 1973 l'avortement est légal, des députés de l'Assemblée législative se sont mobilisés en 2023 pour condamner les centres qui permettaient aux femmes d'y recourir.
L'avortement est nécessaire pour la liberté des femmes, pour décider de leur corps et de leur destinée
La maternité infantile est une réalité partagée en Amérique latine, mais cela n'encourage pas le débat vers la légalisation. Selon l'Observatoire de la santé sexuelle et reproductive, en 2023 au Guatemala, 52 878 naissances provenaient de mères qui avaient entre 10 et 19 ans.
En Uruguay, 119 filles de moins de 15 ans sont tombées enceintes entre 2021 et 2023 et 50% de ces grossesses faisaient suite à des agressions sexuelles. Au Pérou, en 2023, 1 354 naissances étaient le fait de filles de moins de 15 ans. Alors que le pays l'autorise pour des raisons de santé, Camilla, une indigène de 13 ans s'est vue refuser l'accès à l'avortement.
Le gouffre de l'acceptation sociale
Ce n'est pas parce que les droits sont accordés qu'ils sont appliqués. D'une part, certains pays lancent des campagnes de désinformations qui empêchent les femmes de se renseigner sur leurs droits. En mai 2023, à travers les réseaux sociaux, les photos de personnes qui vendaient des pilules abortives ont été partagées au Salvador, entravant leur vie privée. Au Guatemala, au sein d'une société ultrareligieuse, les femmes qui avouent avoir eu recours à l'avortement sont accusées d'être des criminelles. L'accès à l'avortement révèle aussi les inégalités intersectionnelles, la pression étant encore plus violente pour les femmes pauvres, indigènes ou afrodescentes.
Par ailleurs, certain.es professionnel.les de santé refusent d'y recourir par conviction personnelle ou par peur de représailles. Alors que l'IVG est légale en Argentine, la médecin Miranda Ruiz a été arrêtée après avoir pratiqué un avortement. On l'a accusé de l'avoir réalisé sans le consentement de la patiente. Dans le même cas au Venezuela, Vanessa Rosales est arrêtée en 2020 pour avoir aidé une jeune fille de 13 ans à avorter après avoir été violée par son professeur. Elle a été emprisonnée neuf mois pour « conspiration au sein d'une organisation criminelle ».
Une fausse couche peut aussi être considérée comme un cas de négligence. Au Salvador, alors qu'un fœtus est retrouvé dans un sac plastique, Beatriz est condamnée pour trente ans de prison, jugée pour homicide volontaire. Quelques années plus tard, on révèlera qu'elle avait en fait eu une fausse couche. Les femmes ont la responsabilité totale de leur grossesse et, restreintes à leur rôle de progénitrice, elles n'ont pas le droit à l'« erreur ». Leur bien-être est négligé, peu importe le contexte qui entoure la grossesse.
« Le droit à l'avortement n'est pas une affaire d'opinion c'est un droit fondamental » [1]
Ce n'est pas parce que l'IVG est pénalisée que les femmes n'y ont pas recours. Mais cela signifie qu'elles s'exposent à des dangers en ayant recours à l'avortement clandestin ou en poursuivant une grossesse à risques.
Les racines idéologiques traditionalistes et religieuses sont encore implantées en Amérique latine. Même lorsque l'avortement est dépénalisé (voire légalisé), les discriminations sociales empêchent l'accès aux femmes de jouir pleinement de leur droit. Malgré les mesures répressives adoptées par certains gouvernements, les mobilisations perdurent pour faire appliquer ce droit fondamental chez les femmes qui en ont besoin.
Pour en savoir plus :
* Amnesty International. « L a situation des droits humains dans le monde ». Avril 2024.
* Amnesty International. « An unstoppable movement. A global call to recognize and protect those who deffend the right to abortion ». Novembre 2023
* Statista. « L'avortement dans le monde. Statut légal de l'avortement (IVG) dans le monde en 2024 ». Janvier 2024.
[1] Citation de l'article d'Amnesty internationales
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« Vas-y tiens l’écarteur comme t’écartes les cuisses ! » : il est temps d’en finir avec les violences sexistes et sexuelles à l’hôpital

L'esprit carabin ne peut servir d'excuse aux agissements sexistes, au harcèlement, à l'agression sexuelle, dénonce un collectif de soignantes. Elles décrivent un système hiérarchique patriarcal verrouillé et demandent la fin de l'impunité.
Tiré de Entre les lignes et les mots
En 2020, suite à la cérémonie des césars, Virginie Despentes a publié une tribune dans ce même journal : « Désormais on se lève et on se barre ». Aujourd'hui, en 2024, à l'Hôpital, nous voulons affirmer : « Désormais on se relève, on reste, et on en finit avec l'impunité ». Plus jamais il ne devra être dit qu'on parle mais que vous n'entendez pas.
Nous tous⸱tes, médecins, infirmier⸱es, aides-soignant⸱es, personnels administratifs travaillons et avons été formé⸱es à l'Hôpital et nous y sommes attachés.
Pourquoi ? Pour prendre soin de l'autre. Travail visible ou invisible, qu'avons-nous en commun ? D'avoir découvert dès notre premier pas dans ce tout petit monde que pour pouvoir nous former, pour pouvoir exercer notre métier, nous allions devoir subir les violences sexistes et sexuelles quasi institutionnelles.
De quoi parle-t-on ? D'un système. Là aussi, comme au cinéma, on rigole, ce n'est pas grivois, c'est « l'esprit carabin ! ». Il y aura donc toujours une excuse aux comportements subis ! L'esprit carabin, cette particularité soi-disant folklorique des études médicales françaises permettrait donc d'entendre quotidiennement des phrases comme : « Vas y tiens l'écarteur comme t'écartes les cuisses ! », « Faut pas faire l'effarouchée ! », « Ben quoi, t'es belle et j'ai envie, tu devrais être flattée », « OK, je te prends comme cheffe de clinique si tu t'engages à ne pas tomber enceinte ! ».
Et plus récemment « maintenant avec #MeToo, on peut plus rien faire… ». Pourtant si, vous faites. Subir, être témoin et se taire. Cautionner et sourire. Surtout ne pas passer pour des victimes dans ce monde ou pour être respecté il faut être fort et dur.
L'ampleur de la tâche est immense
Voilà les préceptes que nous suivons tous⸱tes. Et c'est ainsi que les violences banalisées perdurent, s'aggravent et conduisent non seulement à des agissements sexistes, à du harcèlement sexuel ou moral, mais aussi à l'agression sexuelle : l'association Donner des elles à la santé a publié son baromètre pour preuve : en 2023, sur 521 médecins interrogées, 20% d'entre elles ont subi des pressions répétées pour obtenir des faveurs sexuelles et 17% d'entre elles ont même subi des situations d'agressions sexuelles.
Et il est très probable que ces chiffres soient sous-estimés devant la faible libération de la parole encore aujourd'hui. Pourquoi ces femmes ne parlent pas ?
Mais parler à qui ? C'est parole contre parole, et elles ne font pas le poids. Le peu de femmes qui parlent, on cherche à les dissuader : « Mais quand même c'est un bon médecin… », « Oh tu sais ça fait vingt ans qu'il est comme ça on va pas le changer ». A cela s'ajoute la peur. Peur de l'exclusion, de la mise au ban de ce petit monde hospitalier où tout le monde se connaît et se serre les coudes. Peur aussi de se voir empêcher dans sa progression de carrière. L'une des clés du silence réside donc aussi sur la confraternité imposée.
L'ampleur de la tâche est immense. Certaines femmes pourront dire : « Moi, il ne m'est rien arrivé… », mais elles oublient ! Elles oublient qu'elles ont réglé leur conduite sur l'évitement : ne pas aller dans tel service où le chef drague et tripote, faire attention à ce médecin qui rentre sans frapper dans le vestiaire…
Comment fonctionne ce système, en place depuis des décennies ? Les hôpitaux sont structurés avec un système hiérarchique patriarcal verrouillé. Plus de la moitié des employé⸱e⸱s sont des femmes. Pourtant elles sont totalement sous-représentées dans les postes décisionnels clés. Une femme médecin oui, une femme cheffe de service, beaucoup plus rare. Il est fréquent que l'évolution de carrière d'une jeune médecin dépende du bon vouloir d'une seule personne, « le » chef de service. Archaïque, vous trouvez ? C'est un « boys club » puissant et efficace.
Comment faire pour impulser des changements ? Il faut d'abord un état des lieux et la reconnaissance de l'ampleur du problème. Il faut identifier les verrous de parole, les faire sauter et sanctionner les personnes qui se considèrent comme intouchables.
Ce système pénalise toute personne sous la coupe de certains mandarins
Les institutions ont un devoir de protection et doivent réformer les systèmes qui permettent ces abus de pouvoir. Elles doivent favoriser la prise de parole, la consignation des plaintes, avertir, voire sanctionner, les personnes ciblées par des plaintes et non les exfiltrer, puis les déplacer dans une autre structure ou elles risquent de sévir à nouveau. Pour protéger les étudiant·es en santé d'aujourd'hui et de demain, il nous faut mettre les agresseurs face à leurs actes d'une part, et soutenir les victimes qui doivent être épaulées et entendues d'autre part.
Pour cela, nous avons besoin et demandons aux universités de s'engager à une protection pédagogique obligatoire pour les étudiant⸱es portant plainte ou témoignant afin de ne pas être pénalisé⸱es dans leur cursus de formation. Sans cela, les victimes et les témoins ne parleront pas !
Ce système ne pénalise pas que les femmes mais toute personne sous la coupe de certains mandarins : ces supérieurs qui font la pluie et le beau temps et sont quasi intouchables du fait de leur notoriété médiatique, académique, ou autres. Un mode de management horizontal et participatif aiderait certainement à régler une partie du problème.
Faire médecine, c'est plus de dix ans d'études. Pendant cette dizaine d'années, combien d'heures sont consacrées à la compréhension du système ? De l'institution ? Du comportement à adopter avec autrui ? Avec les femmes mais aussi les plus discriminé⸱e⸱s du fait de leur genre, de leur origine, de leur classe ou bien de leur handicap ? Trop peu en début de cursus et quasiment aucune lorsqu'ils et elles deviennent internes et vous soignent en première ligne au quotidien !
La misogynie de notre société ne s'arrête pas à la porte des hôpitaux. Soignant⸱es, administratif⸱ves, patient⸱es, relevons-nous pour pouvoir dire ensemble : « Adieu impunité ! ».
Premiers signataires :
Karine Lacombe Cheffe de service à l'hôpital Saint-Antoine de Paris
Audrey Bramly Interne, du Syndicat des internes des hôpitaux de Paris (Sihp) et du Comité de lutte contre les agressions sexuelles et le harcèlement en anesthésie réanimation (Clash-AR)
Emmanuel Hay Président Sihp
Elsa Mhanna Médecin, « Donner des elles à la santé »
Agnès Setton Médecin du travail référents égalité pro et VSS à la Pitié-Salpêtrière
Ghada Hatem Fondatrice de la Maison des femmes
Elsa Brocas Médecin, PH Clash-AR
Pauline Dureau Médecin PH Clash-AR
Lucie Guillemet Médecin PH Clash-AR
Victor Jullien Interne Clash-AR
Marie-France Olieric « Donner des elles à la santé »
Vanessa Christinet Médecin en santé sexuelle (Lausanne)
Françoise Linard Psychiatre à l'hôpital Tenon de Paris,
Emmanuelle Dolla, Médecin PH Clash-AR…
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Les femmes haïtiennes font face à une nouvelle ingérence impérialiste

Islanda Micherline présente les défis et stratégies des paysannes haïtiennes pour l'autodétermination et la souveraineté populaire.
Tiré de Capité
25/04/2024 |
Capire
Le peuple haïtien fait face, une fois de plus, à une ingérence impérialiste sur son destin. L'île des Caraïbes connaît une situation de violence croissante et de violations systématiques, de contrôle des territoires par des groupes armés, de répression et de subordination des intérêts du peuple à ceux du capital transnational. Les conditions de vie dans les villes et à la campagne se détériorent considérablement. L'accès à la nourriture et la circulation de la production paysanne ont été profondément affectés. C'est précisément pour cette raison qu'ils sont au centre de la résistance paysanne, féministe et populaire.
Face à cette situation, l'ONU, historiquement responsable des interventions militaires qui approfondissent les problèmes sociaux et politiques, agit à nouveau de manière alignée sur l'impérialisme états-unien. Dans la vidéo suivante,Islande Micherline, de la Via Campesina haïtienne, dénonce le rôle des pays du Nord qui, à travers le Groupe Central des Nations Unies en Haïti, ont opéré la nouvelle tentative d'intervention dans le pays.
À la campagne et en ville, les femmes haïtiennes proposent des stratégies économiques pour cette transition, comme le dit Islanda, dans le sens de la construction de l'agroécologie, de l'économie solidaire et de la souveraineté alimentaire, objectifs qui ont pour condition préalable l'autodétermination des peuples et un gouvernement populaire. De toutes les régions des Amériques, les femmes continuent en solidarité internationaliste et anti-impérialiste, pour la défense d'une Haïti digne et souverain, libre de l'occupation.
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Bruits de bottes sur la planète, les armées s’équipent

À mesure que les tambours de guerre résonnent plus fort, les nations ouvrent grand leurs coffres, injectant des milliards dans l'arsenal de la défense. La récente annonce par le Canada d'un plan record pour augmenter ses dépenses militaires ne fait que souligner une tendance observée à l'échelle mondiale. La montée en puissance des budgets de défense partout sur la planète, constatée par les dernières données publiées par le SIPRI1, soulève des questions cruciales sur les motivations, les implications et les alternatives possibles à cette course aux armements moderne.
6 mai 2024 | tiré du journal des alternatives | Photo : États-Unis : soldats de la 374e compagnie du génie - Domaine public
https://alter.quebec/bruits-de-bottes-sur-la-planete-les-armees-sequipent/
Mauvais élève de l'OTAN qui demande à ses membres d'accroître leur budget militaire à 2 % du Produit intérieur brut (PIB), le Canada a annoncé un rattrapage le 8 avril dernier en planifiant une augmentation de 32%, le faisant passer de 1,33% à 1,76% du PIB. Cette tendance est observable partout sur la planète, alors que les dépenses militaires ont atteint 2 443 milliards de dollars en 2023, une augmentation de 6,8% comparée à 2022, soit la plus grande augmentation en 15 ans, selon la dernière mise à jour de SIPRI sur les budgets de la défense dans le monde, publiée le 22 avril.
Des suspects habituels…
La force d'armée la plus puissante demeure celle des pays de l'OTAN soit 1 341 milliards de dollars, ce qui représentent 55% dépenses militaires mondiales si on additionne les chiffres de la figure 1 de l'Amérique du Nord, de l'Europe et de l'Océanie.

Les États-Unis expliquent près de 70 % de ces dépenses de l'alliance transatlantique, soit 37,5% des dépenses militaires mondiales. L'importance de l'économie des États-Unis lui permet de dominer sur ce plan, tout en ne consacrant que 3,7% du PIB, ce qui est toutefois plus du double de la plupart des pays de l'OTAN. Malgré cela, la guerre russo-ukrainienne met la pression sur les pays européens qui ont quasiment tous connu une augmentation de leurs dépenses en défense en 2023.
… Aux guerres multipolaires
Mais l'hégémonie militaire n'est pas uniquement une affaire occidentale. Depuis le début du siècle, la carte des dépenses militaires a été redessinée, reflétant les tensions et les dynamiques changeantes de pouvoir. Le deuxième pays le plus dépensier, la Chine, a consacré 296 milliards de dollars US en 2023, soit 6,2 fois plus qu'au début du siècle. Après la Russie qui arrive troisième, c'est l'Inde qui se positionne au quatrième rang avec une augmentation de 174% en 2023.

Cette évolution devient d'autant plus flagrante lorsque l'on compare les dépenses de l'an 2000 à celles de 2023. À l'époque, les cinq pays les plus dépensiers étaient tous occidentaux. Aujourd'hui, des pays comme le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne ont cédé leur place à la Chine, à la Russie, à l'Inde et à l'Arabie saoudite. Cette transition illustre clairement que la course à l'hégémonie passe aussi par l'armement.
Des poids différents sur les économies
Cependant, tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne en matière d'effort de guerre, et ces politiques belliqueuses exigent des sacrifices économiques. Chaque dollar investi dans les forces armées est un dollar de moins pour l'éducation, la santé ou les programmes sociaux. Ce sont plus de 150 milliards de dollars US qui ont été soutirés des autres missions des budgets des gouvernements de la planète.
Si les États-Unis maintiennent leur influence avec des dépenses de 3,7 % de leur budget de l'État, l'Arabie Saoudite consacre près d'un quart du sien aux affaires militaires. En Ukraine, ce chiffre atteint presque 60 %, tandis qu'en Russie, la part du budget gouvernemental attribué à la guerre a augmenté de près de 50% entre 2021 et 2023. Elle se situe actuellement à plus de 16% des dépenses budgétaires et qui traduit sa plus grande capacité économique face à l'Ukraine.

Il est également pertinent de souligner le cas du Qatar, considérant son historique de violations des droits de la personne, souvent ignorées pour favoriser des accords économiques et des investissements lucratifs. Bien que les données de 2023 ne soient pas encore disponibles, en 2022, ce pays a investi plus d'un quart de son budget gouvernemental dans les dépenses militaires, malgré l'absence de conflits directs, et tout indique que ce nombre a depuis augmenté.
Des indicateurs cependant limités
Le manque de données transparentes et complètes pour des pays profondément affectés par les conflits, comme le Yémen, la Syrie ou l'Érythrée, reste préoccupant et limite notre capacité d'analyse et d'action. D'autant plus que les guerres en Ukraine et en Palestine, les tensions en mer de Chine méridionale et les frictions continues entre les grandes puissances sont autant de facteurs qui alimentent cette incertitude quant à l'avenir.
Ces conflits ne sont pas seulement des tragédies humaines, mais aussi des catalyseurs pour une escalade militaire rappelant les tensions d'avant la Seconde Guerre mondiale ou de Guerre froide. Si l'on ne peut pas espérer un nouvel effondrement de l'URSS pour inverser cette tendance, on peut tout de même se demander jusqu'où ira cette escalade.
Autres faits saillants tirés du communiqué du SIPRI
- Les dépenses militaires estimées au Moyen-Orient ont augmenté de 9,0 % pour atteindre 200 milliards de dollars en 2023. Il s'agit de la plus forte augmentation annuelle jamais enregistrée dans la région au cours des dix dernières années. Les dépenses militaires d'Israël – les deuxièmes plus importantes de la région après celles de l'Arabie saoudite – ont augmenté de 24 % pour atteindre 27,5 milliards de dollars en 2023. Cette augmentation des dépenses est principalement due à l'offensive militaire d'ampleur menée à Gaza durant les trois derniers mois de 2023, en réponse à l'attaque au Hamas en octobre 2023.
- En 2023, la plus forte augmentation en pourcentage des dépenses militaires de tous les pays a été observée en République démocratique du Congo (+105 %), où un conflit perdure entre le gouvernement et des groupes armés non étatiques. Le Soudan du Sud a enregistré la deuxième plus forte augmentation en pourcentage (+78 %) dans un contexte de violence interne et de répercussions de la guerre civile soudanaise.
- Les dépenses militaires de la République dominicaine ont augmenté de 14 % en 2023 en réponse à l'aggravation de la violence des gangs en Haïti voisin.
- Les dépenses militaires de la Pologne, 14ème plus grand dépensier au monde, s'élèvent à 31,6 milliards de dollars après une hausse de 75 % entre 2022 et 2023 – de loin la plus forte augmentation annuelle de tous les pays européens.
- En 2023, les dépenses militaires du Brésil ont augmenté de 3,1 % pour atteindre 22,9 milliards de dollars. Citant les lignes directrices de l'OTAN en matière de dépenses, en 2023 les membres du Congrès brésilien ont soumis au Sénat un amendement constitutionnel visant à augmenter la fardeau militaire du Brésil à un minimum annuel de 2 % du PIB (contre 1,1 % en 2023).
- Les dépenses militaires de l'Algérie ont augmenté de 76 % pour atteindre 18,3 milliards de dollars. Il s'agit du niveau de dépenses le plus élevé jamais enregistré par l'Algérie et cela s'explique en grande partie par une forte augmentation des recettes issues des exportations de gaz vers les pays d'Europe à mesure que ces derniers se sont éloignés des approvisionnements russes.
- L'Iran est le 4ème plus grand dépensier militaire au Moyen-Orient en 2023 avec 10,3 milliards de dollars. Selon les données disponibles, la part des dépenses militaires allouée au Corps des gardiens de la révolution islamique est passée de 27 % à 37 % entre 2019 et 2023.
L'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) est un organisme indépendant à but non lucratif dédié à la recherche sur les questions de paix et de sécurité internationales [↩]
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Qu’est-ce-que l’approche des capabilités ?...

L'approche des capabilités est aujourd'hui de plus en plus utilisée dans différents domaines, en théorie de la justice, en développement, en santé publique, en éthique ou en éducation. Elle a été introduite par l'économiste et le philosophe indien Amartya Sen en 1979. Celui-ci a reçu le prix Nobel d'économie en 1998. C'était la première fois que ce prix a été offert à un non-occidental. Son prix a été reconnu comme un plaidoyer pour un retour de l'éthique en économie [1] . Après avoir été professeur à Oxford et Cambridge, Amartya Sen est aujourd'hui professeur à Harvard.
tiré du Journal d'Attac Québec
Bulletin, avril 2024
https://quebec.attac.org/?qu-est-ce-que-l-approche-des&utm_source=Bulletin&utm_medium=Email&utm_campaign=2024-04-30&utm_content=Qu%27est-ce-que%20l%27approche%20des%20capabilit%C3%A9s%20?...
par Thierry Pauchant
La notion de capabilité provient d'une fusion entre celle d'être libre et celle d'être capable. Pour Sen, de nombreux mouvements qui invoquent la liberté ne sont que théoriques, les personnes n'étant pas réellement capables de réaliser ces libertés. Par exemple, même si des adeptes du néolibéralisme affirment que le libre marché fait en sorte que l'accès à la propriété est accessible à toute la population, dans de nombreux cas même des personnes travaillant à temps plein ne peuvent acheter un logement, leur prix étant devenu trop élevé. Pour Sen, différentes politiques - privées, publiques et associatives - doivent être développées pour permettre à toutes les personnes, nanties et modestes, d'accéder à un logement. Sa notion de liberté appelle donc aussi celle d'égalité. De façon similaire, l'anthropologue libertaire David Graeber a proposé que si la notion de liberté doit permettre à chaque personne de formuler ses propres choix, celle d'égalité doit permettre à chaque personne de pouvoir accéder à des ressources pour réaliser ces choix [2].
Dépasser le PIB
Amartya Sen a aussi proposé la notion de capabilité afin de dépasser celle d'utilité. Cette notion est centrale dans l'idéologie actuelle en science économique, qu'elle soit néoclassique ou néolibérale. Cette idéologie présuppose que l'être humain est un être qui calcule son utilité financière, c'est-à-dire son profit potentiel, avant chaque décision et action. Selon cette idéologie, la seule responsabilité demandée aux entreprises est de maximiser leurs profits, selon Milton Friedman. De même, pour les gouvernements, la chose la plus importante à réaliser est, prétendument, d'accroître la croissance économique. Par exemple, le gouvernement actuel du Québec nous exhorte à gagner les mêmes « gros salaires » qu'en Ontario. Cette obsession au rendement financier s'observe aussi dans de nombreux autres domaines. Aujourd'hui, certaines professions sont choisies non pas par choix personnel, mais parce qu'elles sont payantes. Et des livres à succès vantent l'enquête financière à réaliser sur une personne avant de tomber en amour avec elle.
Amartya Sen a conseillé de dépasser le PIB dès 1979. Avec des collègues, il a proposé l'Indice de Développement Humain (IDH) qui combine des mesures économiques avec des données sur la santé des populations et leur niveau d'éducation. Cet indice est calculé pour chaque pays et chaque année par le PNUD des Nations unis depuis 1990. Il démontre qu'une seule mesure économique mène à des conclusions biaisées. Par exemple, si les États-Unis avaient en 2021 le plus gros PIB de toutes les nations, l'IDH de ce pays n'était que 21ième au niveau mondial. Il est clair que le développement économique ne garantit pas à lui seul la santé et l'éducation des populations, sans parler de la santé de l'environnement naturel.
Même si cette mesure de l'IDH présente encore des limites, elle démontre qu'une alternative au PIB est effective depuis 1990. Aujourd'hui d'autres mesures et critères ont été proposés dans une tentative de mieux balancer les réalités économiques avec d'autres, incluant la santé, l'éducation, l'écologie, l'équité, la sécurité, etc.
Le développement comme un élargissement des libertés
Le travail de Sen et de ses collègues a aussi modifié durablement notre conception du développement, en rajoutant à l'utilité économique la notion plus large de capabilité. C'est ainsi que le développement est aujourd'hui considéré par les Nations Unies comme mettant « l'accent sur l'élargissement des libertés et des possibilités offertes à chaque être humain plutôt que sur la croissance économique » [3].
Elle est en train de révolutionner tranquillement et pacifiquement notre conception du développement. Cette approche a, par exemple, modifié les critères internationaux retenus pour évaluer le développement humain depuis 1990. Elle est, de plus, au centre des nouveaux « Objectifs de développement durable », définis par les Nations Unies en 2015, comme nous le verrons dans le prochain article. Sen et Nussbaum sont aussi tous deux fondateurs de la Human Development and Capability Association qui fait la promotion de cette approche à travers le monde.
Il est aussi important de souligner que, contrairement à la théorie de l'utilité, supposée objective et exhaustive, l'approche des capabilités n'est pas présentée comme universelle, c'est-à-dire identique à travers le temps et l'espace. Cette approche n'utilise donc pas une prétendue liste de biens premiers, supposés identiques pour toutes les personnes. De plus cette approche se refuse d'utiliser la pensée magique, prétextant qu'une seule variable est responsable du progrès, comme celle de la maximisation des profits. Ce faisant elle s'oppose de façon radicale à l'idéologie dominante en économie et en affaires.
Les contributions de Martha Nussbaum
Martha Nussbaum est l'une des philosophes les plus respectées au niveau international. Professeure de droit et d'éthique à l'université de Chicago, spécialiste de la philosophe antique, notamment Aristote, elle a beaucoup contribué à l'approche des capabilités, Elle reconnait qu'une liste définitive des capabilités est impossible à établir, vu les différences culturelles et sociales existantes entre les sociétés. Cependant, elle a proposé une liste tentative de 10 capabilités, qui se doit d'être adaptée à chaque situation [4] :
1. La vie. Être capable de mener une vie qui vaut la peine d'être vécue et d'une longueur normale.
2. La santé du corps. Être capable d'être en bonne santé, incluant une nutrition et un abri convenables. ;
3. L'intégrité du corps. Être capable de se déplacer librement, d'être en sécurité et d'avoir des possibilités de satisfaction sexuelle et de choix de reproduction.
4. Les sens, l'imagination et la pensée. Être capable de les utiliser de manière vraiment humaine, ayant reçu une éducation adéquate.
5. Les émotions. Être capable de s'attacher à des choses et des gens.
6. La raison pratique. Être capable de se former une conception du bien et du mal, ayant une liberté de conscience et de culte.
7. L'affiliation. Être capable d'être empathique avec autrui et avoir des bases sociales du respect de soi.
8. Les autres espèces. Être capable de vivre en relation avec les animaux, les plantes et le monde naturel.
9. Le jeu. Être capable de rire, de jouer, de jouir des loisirs.
10. Le contrôle sur son environnement. Être capable de participer à la vie politique, de jouir des droits de la propriété, de travailler de façon humaine et de recevoir une compensation financière adéquate et équitable.
Il est notable que la liste proposée par Martha Nussbaum, à titre indicatif, est résolument plurielle. Cette liste n'est pas définitive et ne tente pas d'évaluer si une politique est capabilisante ou non, en établissant un score optimal. Différemment, Nussbaum propose cette liste comme des possibilités susceptibles d'élargir les libertés des personnes et ainsi enrichir les décisions.
Libertés négatives et positives
Un trait essentiel, dans cette approche des capabilités, est sa conception large des libertés. Sen et Nussbaum font tous deux une distinction importante entre les libertés « négatives » et les libertés « positives » [5] . Les libertés négatives tentent d'exclure l'ingérence d'autrui. Par exemple, la volonté de réduire le plus possible le rôle de l'État, dans l'idéologie néolibérale, provient en partie de cet attachement à cette conception négative des libertés. Dans certains cas, la notion de liberté est alors réduite à celle de « libarté ».
Différemment, les libertés positives s'ajoutent à celles négatives et visent à accroître les capabilités des personnes, leurs possibilités concrètes de vie. Bénéficier d'une éducation gratuite ou peu coûteuse, par exemple, ou avoir accès à des soins médicaux de base, sont des libertés positives. Elles permettent potentiellement à des personnes d'exercer des choix auxquels elles attribuent de la valeur, car elles sont, dans l'exemple pris, capables de lire et de s'instruire, ou car elles demeurent en santé, grâce, en partie, à un système de santé publique.
Cette notion de liberté positive est très importante pour évaluer le rôle d'un État. L'accroissement du secteur privé dans le système de santé, par exemple, peut faciliter les soins aux classes nanties, mais aussi réduire les capabilités disponibles aux classes plus modestes, par manque de moyens financiers. De même, l'accroissement des frais en éducation peut favoriser la qualité de l'éducation dispensée aux classes nanties, mais aussi diminuer les capabilités des classes plus modestes, de nouveau par manque de moyens financiers.
Il est à noter qu'actuellement au Québec, le secteur privé gagne en importance à la fois dans le système de santé et celui de l'éducation. Cette tendance réduit ainsi les capabilités d'une partie importante de la population. Elle va, de plus, à l'encontre de ses droits pour recevoir de façon équitable des services adéquats en santé, en services sociaux et en éducation.
Thiery Pauchant est membre du C.A. d'Attac-Québec et professeur honoraire à HEC Montréal où il a fondé la Chaire de management éthique. Auteur de plus de 200 articles et de 13 livres, il fait la promotion de l'économie sociale et durable, notamment via Attac-Québec, le CIRIEC au Canada, l'Institut Veblen à Paris et l'UNDP aux Nations Unies.
Notes
[1] Amartya Sen, L'économie est une science morale, Paris, La Découverte, 1999.
[2] David Graeber, Comme si nous étions déjà libres (Trad. A. Doucet), Montréal, Lux Éditeur, 2014, p. 270.
[3] Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Indices et indicateurs de développement humain, 2018, p. iii, disponible en ligne.
[4] Martha Nussbaum, Capabilités, Paris, Climats, 2012, p. 55-57.
[5] Amartya Sen, L'Idée de justice, (Trad. P. Chemla), Paris, Champs Essais, 2012, p. 341-342.
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Au Soudan, la ville d’El-Fasher sous le feu meurtrier de la guerre

Chef-lieu de la région du Darfour, la ville d'El-Fasher accueille quelque 800 000 personnes déplacées qui se retrouvent piégées dans la guerre entre l'armée soudanaise et la milice des Forces de soutien rapide. Le quotidien burkinabè “Le Pays” déplore la “macabre détermination” de ces frères ennemis de ne pas déposer les armes.
Tiré de Courrier international. Article originalement paru dans lepays.bf Légende de la photo : Des déplacés internes font la queue pour récupérer des vivres à Gedaref, le 12 mai 2024. Les affrontements ont repris entre l'armée soudanaise et les RSF, à El-Fasher. Photo AFP.
C'est un pas de plus dans la descente aux enfers du Soudan qui a été franchi avec le siège de la capitale de la province du Darfour du Nord [le 11 mai] par les Forces de soutien rapide (RSF) du général [Dagalo dit] “Hemeti”, faisant redouter des risques énormes d'atrocités massives et de meurtres ethniques ciblés, notamment contre les populations non arabes entassées dans cette ville surpeuplée de réfugiés [les RSF, qui ont succédé aux milices arabes des janjawids, sont accusées de nettoyage ethnique, notamment à l'encontre de l'ethnie des Masalit].
La bataille engagée, hier dimanche [12 mai], par les RSF pour reprendre la ville aux forces loyalistes du général Al-Burhan [chef de l'armée soudanaise et chef d'État de facto] pourrait provoquer, en effet, un désastre humanitaire pire que celui de juin dernier [début des attaques contre la ville d'El-Geneina] dans cette ville d'El-Fasher et dans d'autres localités de la province [de juin à novembre 2023, la ville d'El-Geneina, dans l'ouest du Darfour, a été le théâtre d'épuration ethnique de la part des RSF], qui a révélé au monde entier l'horreur de cette guerre absurde avec un bilan effroyable de 10 000 à 15 000 civils qui y ont été massacrés.
L'inquiétude est d'autant plus grande que des combats à mort, rue par rue, ont été signalés jusqu'au centre de la capitale [Khartoum] qui abrite plus d'un million d'habitants, et qui est la seule ville à être tenue jusque-là par l'armée loyaliste, [laquelle] a dû se résoudre à renforcer ses positions et ses équipements par le biais de largages aériens.
Une bataille acharnée, donc, en perspective qui va probablement durer des semaines, possiblement plus, et qui va fatalement transformer El-Fasher en une cité de mise à mort à ciel ouvert, à moins qu'une hypothétique cessation des hostilités n'intervienne dans les prochaines heures.
L'impuissance internationale et le cynisme des diplomates
Malheureusement, les protagonistes ne semblent pas en prendre le chemin, bien au contraire, puisqu'ils ont répondu à l'appel désespéré du secrétaire général des Nations unies à respecter leur obligation de protéger les civils par des tirs d'armes lourdes dans plusieurs quartiers densément peuplés de la ville et de sa zone périurbaine.
L'on se demande d'ailleurs qui pourrait encore, dans ce chaos de corps et de cris, faire entendre raison à ces frères ennemis qui ont manifestement décidé d'aller jusqu'au bout de leur folie meurtrière et de leur macabre détermination de ne pas déposer les armes.
Personne, est-on tenté de dire, surtout quand on constate que tous les cessez-le-feu laborieusement obtenus se sont littéralement effondrés, ouvrant de nouveau la voie aux cohortes de combattants écervelés, aux chars et aux hélicoptères rugissants, pour commettre des crimes abominables contre des pauvres populations qui fuient éperdument vers les États qui bordent le Soudan.
Il ne faut surtout pas compter sur les diplomates aux ventres repus qui n'ont pas pu ou su empêcher d'autres pays avant le Soudan de sombrer, et qui se contentent de parler à la cantonade là où ils devraient plutôt taper du poing sur la table pour se faire entendre par les protagonistes.
Et si la solution la plus envisageable à cette crise soudanaise était de laisser le pays se déliter sous les feux croisés des généraux Al-Burhan et “Hemeti”, jusqu'à ce que l'un d'eux l'emporte sur l'autre et décide de quitter le pouvoir après sa victoire à la Pyrrhus, au nom de la réconciliation nationale ?
C'est peut-être un scénario cynique et improbable, mais sur les cendres du Soudan et des consciences des dirigeants des grandes puissances, un nouvel ordre politique pourrait ainsi miraculeusement naître, pour le bonheur et la sécurité durable des Soudanais.
Hamadou Gadiaga
Plus de 800 000 civils menacés
Le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (Ocha) a averti le 12 mai : des tirs à l'“arme lourde” ont eu lieu contre la ville d'El-Fasher, menaçant les quelque 800 000 civils qui y sont réfugiés. Dans ce chef-lieu du Darfour-Nord, au Soudan, la guerre entre l'armée soudanaise et la milice des RSF se fait meurtrière. Selon le Sudan Tribune, des frappes aériennes et des armes lourdes ont pilonné la ville ce 10 mai, du matin jusqu'à 18 h 30, marquant une escalade dramatique du conflit en cours.
Le titre soudanais décrit une ville où les combats en périphérie ont fini par gagner le centre-ville, le marché principal et les quartiers alentour, déclenchant des fuites et déplacements massifs. “L'hôpital El-Fasher Sud, le principal établissement médical de la ville, est submergé de blessés. L'hôpital de 100 lits peine à faire face au manque d'ambulances, de fournitures et de médicaments. Malgré le cessez-le-feu, les habitants craignent une reprise des combats”, poursuit Sudan Tribune.
À cette violence s'ajoute le drame des déplacés qui avaient trouvé refuge dans la ville, fuyant d'autres combats. “Plus de 40 600 personnes ont été déplacées dans la localité d'El-Fasher entre le 1er et le 18 avril en raison d'affrontements tribaux et de combats entre forces gouvernementales et rebelles. L'accès humanitaire à El-Fasher est sévèrement restreint, ce qui entrave l'acheminement de l'aide”, détaille le titre soudanais.
Au Darfour, 9 millions de personnes sont confrontées à des besoins humanitaires énormes, une situation exacerbée par le conflit prolongé et l'accès limité à l'aide.
Courrier International
Le trouble jeu de la Russie
On pensait la Russie solide alliée et principale pourvoyeuse d'armes des Forces de soutien rapide (RSF). Mais Middle East Eye affirme que Moscou sécurise ses intérêts stratégiques au Soudan, en fournissant aussi des armes aux Forces armées soudanaises (FAS) du général Al-Burhan tout en continuant à soutenir les paramilitaires des RSF du général Hemeti.
La Russie a montré jusque-là son soutien aux RSF, qui lui assuraient un approvisionnement en or soudanais. Moscou, via le groupe paramilitaire Wagner, avait sécurisé des mines aurifères soudanaises tout en soutenant les RSF. Mais, assure Middle East Eye, certains signes indiquent que la Russie “se concentre désormais davantage sur ses relations avec Burhan et le gouvernement aligné sur l'armée”.
Signe fort de ce rapprochement, en déplacement à Port-Soudan, ville dans laquelle s'est repliée l'armée soudanaise, le vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov a clairement indiqué en langue arabe que c'est le Conseil de souveraineté du Soudan, contrôlé par l'armée, qui représente véritablement le peuple soudanais. Le ministre russe, qui dirigeait une délégation composée d'officiers militaires, a également rencontré le général Al-Burhan, chef de facto de l'État soudanais, lui assurant le soutien russe.
Dans le même temps, le Sudan Tribune a rapporté que, lors de ces discussions, la Russie a offert aux Forces armées soudanaises “une aide militaire qualitative sans restriction”. Cette offre pourrait “impliquer une expertise spécialisée et, potentiellement, une présence russe au Soudan”. À Port-Soudan, la délégation russe a également discuté de la perspective d'une base navale russe sur la côte de la mer Rouge.
Courrier International
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