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Jeudi, l'Assemblée nationale du Québec a adopté la Loi modernisant l’industrie de la construction (projet de loi 51), malgré les vives critiques des syndicats ainsi que des (…)

Jeudi, l'Assemblée nationale du Québec a adopté la Loi modernisant l’industrie de la construction (projet de loi 51), malgré les vives critiques des syndicats ainsi que des groupes luttant pour les droits du logement et les droits des travailleurs migrants. La loi apporte des réformes radicales (…)

DIRECT ACTION – Une expérience radicale au Canada (1980-1983)

25 mai 2024, par Archives Révolutionnaires
Les années 1980 marquent un ressac de la gauche, notamment révolutionnaire, partout en Occident. Dans ce contexte, des groupes travaillent au renouvellement de leur stratégie (…)

Les années 1980 marquent un ressac de la gauche, notamment révolutionnaire, partout en Occident. Dans ce contexte, des groupes travaillent au renouvellement de leur stratégie comme de leurs pratiques. C’est le cas de Direct Action, un collectif canadien anarchiste, écologiste, féministe et anti-impérialiste qui mène une série d’attaques contre l’État et l’industrie de 1980 à 1983. Retour sur une expérience radicale[1].

À la suite des grands cycles de luttes des années 1960 et 1970, marqués par les grèves ouvrières, la puissance des partis communistes, la « New Left », l’Autonomie[2] ainsi que l’anti-impérialisme et la décolonisation, la gauche faiblit durant la décennie suivante. Les modèles soviétique et chinois sont de moins en moins attrayants : l’URSS connaît une stagnation politique et économique sous la direction de Léonid Brejnev (1964-1982) alors que la Chine se libéralise sous l’impulsion de Deng Xiaoping (1978-1989). Les organisations de gauche ont aussi de la difficulté à résister à la restructuration du travail et aux politiques néolibérales qui transforment les lieux de production. Le roulement et la précarisation des employé·e·s, ainsi que la délocalisation, nuisent aux groupes qui s’organisent historiquement dans les milieux de travail. Enfin, la violente répression étatique des années 1970 a détruit partout en Occident les mouvements révolutionnaires, du Black Panther Party aux États-Unis en passant par l’Autonomie italienne, sans compter la multiplication des interventions impérialistes contre les régimes de gauche, comme au Chili en septembre 1973. Dans ce contexte, plusieurs groupes militants cherchent à redéfinir leur stratégie, comme c’est le cas de Direct Action au Canada.

Dans l’ambiance morose des années 1980, les révolutionnaires sont forcé·e·s de reconsidérer les raisons de leur échec et leurs manières de lutter. On voit par exemple émerger la revue Révoltes (1984-1988) au Québec qui ouvre le dialogue entre libertaires et marxistes. Dans le même sens, des militant·e·s relancent le débat sur les causes de l’oppression tout en cherchant les meilleures méthodes pour renverser l’injustice. Acculés à la marginalité, les mouvements d’extrême-gauche arrivent toutefois à se maintenir au sein des milieux contre-culturels en Occident, en particulier au sein de la scène punk.

À la fin des années 1970, la scène anarcho-punk de Vancouver joue donc un rôle important dans le renouveau d’une pensée révolutionnaire au Canada. Une réflexion critique du colonialisme, du capitalisme et de l’impérialisme, tournée vers un horizon égalitaire, féministe et écologiste, se développe au sein du journal Open Road (1975-1990). De ce milieu émerge, en 1980, le collectif Direct Action qui veut mener des attaques contre des symboles et des infrastructures capitalistes, afin de sensibiliser la population à certains enjeux et pour nuire au système lui-même. Contrairement aux groupes armés des années 1970, souvent des factions militarisées d’un mouvement de masse, Direct Action est un petit groupe qui souhaite, par son action, être un agent de la relance de la gauche au Canada.

Dessin par Julie Belmas. Source.

Repenser le rapport de force

Direct Action s’inscrit dans la pensée anarchiste et critique le développement technique ainsi que l’État. En raison de son analyse, le groupe préconise de mener des luttes de solidarité avec les peuples autochtones, de s’attaquer aux infrastructures de l’État bourgeois, de participer aux campagnes antiguerres, etc. Direct Action tente de s’intégrer à l’ensemble de ces combats en se donnant la tâche spécifique de mener des actions d’éclat lorsque la situation est totalement bloquée. Le groupe espère relancer des luttes qui stagnent en faisant la démonstration qu’un nouveau rapport de force peut émerger grâce à l’action armée, comme moyen de dernier recours et en évitant de blesser ou de tuer des individus. Par une activité soutenue, il souhaite plus largement redynamiser et radicaliser la gauche canadienne. Le groupe propose une réflexion théorique tout en jouant un rôle « d’avant-garde tactique ». Par son analyse politique et par les méthodes de lutte qu’il propose, Direct Action peut être associé au courant de l’anarchisme vert, qui se développe au cours des années 1980 en réponse à l’institutionnalisation des mouvements écologistes en Occident.

Direct Action procède d’abord à des actes de vandalisme contre l’entreprise minière Amax puis les bureaux du ministère de l’Environnement. Une première attaque d’envergure cible, le 30 mai 1982, les transformateurs de Cheekye-Dunsmuir sur l’île de Vancouver. Cette station fait partie d’un immense projet hydro-électrique particulièrement nuisible à l’environnement que les luttes populaires n’avaient pas été en mesure de bloquer. L’attentat relance le débat concernant le projet, mais celui-ci est tout de même achevé et mis en service.

Quelques mois plus tard, le 14 octobre, une seconde bombe explose, cette fois à Toronto. L’attentat vise Litton Industries, une société qui concentre tous les problèmes que dénoncent Direct Action. Cette entreprise, honnie par les citoyen·ne·s, produit des systèmes de guidage pour les missiles de croisière américains. Elle est financée par le gouvernement canadien et procède à des tests dangereux et polluants en Alberta et dans les Territoires-du-Nord-Ouest, notamment en terres autochtones. Litton est une pièce maîtresse de l’appareil étatique, capitaliste et militaire occidental. L’attaque est annoncée par Direct Action afin d’éviter de faire des victimes, mais Litton n’écoute pas et plusieurs personnes sont blessées. Malgré tout, cette action est relativement bien perçue par les milieux militants opposés depuis des années au complexe militaro-industriel. De grandes manifestations anti-Litton suivent l’attaque, dont une rassemblant 15 000 personnes à Ottawa en octobre. De plus l’usine finit par perdre son financement gouvernemental.

Peu après, Direct Action se recompose sous le nom de la Wimmin’s Fire Brigade et incendie, le 22 novembre 1982, trois succursales de Red Hot Video. Cette entreprise américaine se spécialise alors dans la distribution de films pornographiques hardcore pirates. Au nom de la « liberté de choix » elle rend disponible une sélection de vidéos violentes et dégradantes qui mettent en scène viols et torture. En un an, la chaîne était passé d’une succursale à treize. L’attaque féministe est particulièrement bien reçue par la gauche canadienne qui lutte depuis longtemps contre la chaîne.

Six mois de luttes légales contre l’entreprise (pétions, soirées d’information, appels à la justice, manifestations) se butaient à la soude-oreille du gouvernement. Le coup d’éclat, accompagné d’un communiqué, s’attire donc la sympathie marquée du mouvement féministe qui refuse, malgré les pressions politiques et médiatiques, de « condamner la violence » de l’action. Le succès de l’initiative, selon plusieurs journaux militants de l’époque, s’explique par la complémentarité de celle-ci avec la campagne publique légale. Pendant plusieurs mois, des militantes avaient pris le temps de faire un travail d’information et porté leurs revendications dans l’espace public, créant ainsi un bassin de personnes conscientisées et déterminées à combattre cet affront capitaliste, sexiste et violent contre l’intégrité, la dignité et la sécurité des femmes. La dynamique entre action citoyenne et action directe fait le succès de l’opération ; les autorités, d’abord complaisantes, lancent des enquêtes contre Red Hot Video et six de ses boutiques finissent par fermer.

En janvier 1983, les cinq membres de Direct Action sont pourtant arrêté·e·s, interpellé·e·s sur la route par des agents de la GRC déguisés en travailleurs routiers dans le cadre d’une opération policière élaborée. Le procès de ceux qu’on surnomme les « Vancouver Five » mène à de lourdes peines. Ann Hansen, Brent Taylor, Juliet Belmas, Doug Stewart et Gerry Hannah écopent tous de plusieurs années de prison.

De la lutte armée à la lutte populaire

L’arrestation des membres de Direct Action témoigne d’une limite de leur action : leur aventurisme et leur isolement les exposaient à la répression. L’usage de l’action armée, même en évitant de cibler des personnes, était aussi à double tranchant : elle permettait d’attirer l’attention sur un enjeu précis, voire d’instaurer un rapport de force direct avec l’État ou une industrie, mais pouvait effrayer les militant·e·s moins radicaux·ales et diviser les luttes. Sans moraliser le débat, la tactique de Direct Action était-elle suffisamment arrimée aux mouvements populaires, et participait-elle d’un horizon stratégique à même d’ébranler l’État canadien et le régime capitaliste ? Le réseau d’appui du groupe, ancré surtout dans la scène punk, constituait-il un bassin suffisant pour donner de la légitimité et de la visibilité aux actions qu’il posait ?

À propos de l’expérience de Direct Action et des enjeux tactiques et stratégiques autour des actions de propagande armée, le journal torontois Prison News Service (1980-1996), écrivait :

« Les actions de guérilla ne sont pas une fin en soi ; un acte unique, ou même une série d’actions coordonnées, a peu probabilité d’atteindre autre chose qu’un objectif immédiat. De telles actions sont problématiques si l’on suppose qu’elles peuvent être substituées au travail légal, mais si elles peuvent être comprises dans une politique plus large, comme une tactique parmi tant d’autres, alors elles peuvent donner aux mouvements légaux plus de marge de manœuvre, les rendre plus visibles et plus crédibles. […]

Pour la plupart des activistes nord-américains, la lutte armée est réduite à une question morale : « Devrions-nous ou ne devrions-nous pas utiliser des moyens violents pour faire avancer la lutte ? » Bien que cette question soit pertinente sur le plan personnel, elle ne fait que brouiller une question qui, dans les faits, est politique. La plupart des radicaux, de toute façon, à ce stade, ne participeront pas directement à des attaques armées. Mais, à mesure que les mouvements de résistance se développeront en Amérique du Nord – et ils doivent se développer, ou nous sommes tous perdus – il est inévitable que des actions armées seront entreprises par certains. La question demeure si ces actions armées seront acceptées dans le spectre des tactiques nécessaires. […]

Loin d’être « terroriste », l’histoire de la lutte armée en Amérique du Nord montre que les groupes de guérilla ont été très prudents dans la sélection de leurs cibles. Il y a une différence majeure entre attaquer une cible militaire, corporative, […] et poser une bombe dans les rues encombrées de la ville. La gauche en Amérique du Nord n’a jamais posé d’actes de terreur aléatoires contre la population en général. Dénoncer ceux qui voudraient choisir d’agir en dehors des limites étroitement définies des « actions pacifiques » pour paraître moralement supérieur, ou pour soi-disant éviter de s’aliéner la population, c’est donner à l’État le droit de déterminer quelles sont les limites admissibles de la protestation.»

Ce qui est certain, c’est que le groupe a su renouveler avec originalité l’analyse de la conjoncture canadienne, tout en ayant l’audace de rouvrir la question de la stratégie et de la tactique révolutionnaire dans un moment de ressac. En liant les questions du colonialisme, du capitalisme, de l’écologie, du sexisme et de l’impérialisme, Direct Action a aidé les mouvements canadiens à mieux comprendre ses adversaires : l’anarcho-indigénisme de la Colombie-Britannique en témoigne encore de nos jours. La matrice théorique développée dans les années 1980 a contribué à la critique des Jeux olympiques d’hiver de Vancouver en 2010 et informe toujours la gauche, comme on le voit dans les luttes de solidarité avec les Wet’suwet’en depuis 2019. L’activité de Direct Action pousse à réfléchir à ce qui peut être fait lorsqu’une situation politique est bloquée. Comment la gauche doit-elle agir lorsque les cadres légaux l’empêchent objectivement d’avancer, lorsque le monopole étatique de la violence lui est imposé ?

Lors de son procès, Ann Hansen, membre de Direct Action, demandait : « Comment pouvons-nous faire, nous qui n’avons pas d’armées, d’armement, de pouvoir ou d’argent, pour arrêter ces criminels [les capitalistes] avant qu’ils ne détruisent la terre ? » Une partie de la réponse se trouve dans la construction de mouvements populaires eux-mêmes en mesure de dépasser la légalité bourgeoise lorsque la situation l’exige. Cette stratégie évite l’isolement d’un groupe comme Direct Action sans confiner la gauche à la défaite lorsque l’État le décide. Un horizon commun est aussi nécessaire afin de déconstruire le capitalisme et de produire une société émancipée.

L’affiche en couverture, présentée aussi à droite ici, est l’œuvre de Matt Gauck (2013). Ses œuvres sont disponibles sur le site de la coopérative d’artistes engagé.es Justseeds.

Pour en savoir plus sur l’expérience de Direct Action, on consultera l’autobiographie d’Ann Hensen Direct Action. Memoirs of an Urban Guerrilla (2001). En 2018, cette militante publiait Taking the Rap: Women Doing Time for Society’s Crimes, un ouvrage portant à la fois sur son expérience en prison ainsi que sur celle des nombreuses femmes qu’elles y a rencontrées. Pour une discussion extensive sur le contexte politique, culturel et idéologique dans lequel évoluait le groupe Direct Action, on consultera la thèse d’Eryk Martin Burn it Down! Anarchism, Activism, and the Vancouver Five, 1967–1985. On lira aussi avec profit les textes et écrits des Vancouver Five ainsi que le pamphlet War on Patriarchy, War on The Death Technology. Toutes ces ressources sont en anglais (quelques traductions en français sont aussi disponibles, mais éparses).

Le journal libertaire Open Road nous fournit plus d’informations sur l’actualité, les débats et les procès entourant Direct Action, notamment dans le #15, Printemps 1983 et le #16, Printemps 1984.

Enfin, le site d’archives bilingue sur les Vancouver Five recense (presque) tout ce qui existe et se publie sur le groupe.


Notes

[1] Cet article est une version bonifiée de l’article « Direct Action : une expérience radicale », paru dans le numéro 94 de la revue À Bâbord !

[2] La « New Left » et les mouvements autonomes (italien et français) des années 1960-1970 s’inspirent du marxisme, tout en élargissant leur champ d’action à d’autres thèmes que le travail.

La pollution atmosphérique

24 mai 2024, par Marc Simard
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Les têtes brûlées

Catherine Dorion, Les têtes brûlées. Carnets d'espoir punk, Montréal. Lux éditeur, 2023. « Nous sommes un parti décentralisé dans notre façon de fonctionner ; nous n'avons (…)

Catherine Dorion, Les têtes brûlées. Carnets d'espoir punk, Montréal. Lux éditeur, 2023.

« Nous sommes un parti décentralisé dans notre façon de fonctionner ; nous n'avons pas une façon unique de parler, de prendre la parole. Personne ne nous dit : voici comment nous allons livrer le message. (…) si je dois m'exprimer, par exemple, sur la crise des médias, personne ne me dira comment procéder. » Ce sont ici les paroles de Catherine Dorion publiées dans le numéro 82 d'À bâbord ! en janvier 2020, c'est-à-dire les mots d'une nouvelle députée de Québec Solidaire (QS) pour qui tout semblait possible, y compris mener une stratégie populiste de gauche. Quatre ans plus tard, le moins que l'on puisse affirmer, une fois terminée la lecture des Têtes brûlées, c'est que, d'une part, le fonctionnement de QS semble avoir changé au fil des dernières années et que, depuis, Dorion a déchanté non seulement sur la vie parlementaire, mais à l'égard de QS lui-même, notamment dans sa manière d'envisager ses relations avec les mouvements sociaux.

En fait, outre le livre de Lise Payette écrit il y a quelques décennies (Le pouvoir ? Connais pas !), rarissimes sont les témoignages de la qualité de ces « carnets d'espoir punk » relatant les coulisses du pouvoir (avec un petit « p »). Carnets qui font réfléchir et que je vous invite à lire sans aucune hésitation, et ce, pour deux grandes raisons.

Primo, l'autrice décrit très bien le malaise ressenti par nombre de sympathisant·es de QS qui, à force de vouloir se montrer respectable, devient aussi beige que n'importe quel autre parti. On dira que c'est ici moins l'affaire de personnalités que de contraintes structurelles-organisationnelles auxquelles doit s'astreindre un parti politique dont les récents succès électoraux ont aiguisé l'appétit du pouvoir. Pourtant, ces carnets nous rappellent que cela n'est pas une fatalité, mais relève bel et bien d'un choix politique, fort discutable au demeurant. Aussi, l'ex-députée de Taschereau ne manque pas d'identifier de nombreuses occasions ratées de la gauche (que ce soit en Grèce ou au Québec) et suggère de réfléchir à la pertinence d'un populisme de gauche qui tenterait de déjouer les attentes de la sphère politico-médiatique obsédée par le ronron des actualités évanescentes ou par le conformisme (vestimentaires, entre autres) des femmes en politique.

Deuxio, Dorion a l'intelligence de lier le singulier au collectif d'une admirable façon. Dans une mise en abyme quasi parfaite, elle démontre le caractère anxiogène, épuisant et dépressif de notre culture en alliant raison et émotion, et ce, dans une langue accessible qui rejette les codes classistes de la politique institutionnelle. On y trouve donc une belle critique du capitalisme dans ses effets atomisants et pathologiques. De là découle sa conception (romantique diront certain·es) de la politique comme médiation créatrice de liens sociaux.

Au cours de l'entretien cité ci-dessus, Dorion avançait que son parti ne devait pas devenir un parti de politicien·nes et parlait déjà de son « passage » en politique comme une opportunité de « briser quelques murs ». Force est de constater que ces derniers étaient plus solides qu'elle le croyait.

L’enjeu à QS n’est ni la prise du « pouvoir » ni l’unité du parti

24 mai 2024, par Marc Bonhomme — ,
Aujourd'hui s'ouvre à Saguenay le Conseil national (CN) de Québec solidaire dont l'enjeu n'est ni la volonté de conquérir la majorité parlementaire — le « pouvoir » est à (…)

Aujourd'hui s'ouvre à Saguenay le Conseil national (CN) de Québec solidaire dont l'enjeu n'est ni la volonté de conquérir la majorité parlementaire — le « pouvoir » est à Washington, New-York, Toronto, Ottawa, quelque peu à Montréal mais si peu à Québec — ni la remise en cause de l'unité du parti. Ce discours est une marotte de l'aile parlementaire pour faire peur au monde et pour faire rentrer dans le rang la dissidence toutes tendances confondues. L'enjeu est à la fois l'intensité gauche de la politique du parti et le degré de démocratisation de son organisation étant entendu la corrélation positive entre les deux.

L'aile parlementaire, par la prise de position tonitruante de Gabriel Nadeau-Dubois (GND) pour un « parti de gouvernement » avec à l'avenant « une refonte complète de son programme » et « la structure du parti "plus efficace, moins lourde et plus simple" », avait marginalisé le malaise féministe révélé au grand jour par la démission de la porte-parole à une affaire de « damage control ». Par le même moyen, elle a réitéré cette semaine le même discours sur un mode à la fois plus compatissant et plus concret. Il faut savoir gré à la nouvelle porte-parole, à deux jours du CN, d'avoir explicité très au ras du sol ce que signifie gouverner selon un programme plus efficace soit se réjouir que la CAQ propose une loi allant au-delà de ce que l'aile parlementaire avait demandé depuis belle lurette.

Il ne s'agit pas ici de s'opposer aux réformes absolument nécessaires pour immédiatement soulager les souffrances populaires mais, dixit l'ancien porteparole Amir Khadir, à la politique des « mesurettes ». Cette petite politique au gré de la conjoncture réduit la politique de gauche à une affaire de pression sur le parti au pouvoir ce qui a pour effet de confondre l'électorat sur son caractère carrément capitaliste et fier de l'être. On attendrait de l'aile parlementaire, toujours au gré de la conjoncture, un discours de politique alternative pour une augmentation du salaire minimum au niveau du revenu viable de l'IRIS, une indexation des salaires au coût de la vie, un blocage des prix de biens de première nécessité dont l'électricité de base, un gel des prix des loyers et en contrepartie la construction de logements sociaux répondant à la demande tout comme pour les places en CPE, l'imposition des surprofits et la hausse des taux marginaux sur le revenu à ce qu'ils étaient à l'ère des « trente glorieuses », un tournant vers le transport en commun gratuit se substituant à l'auto solo et non s'y ajoutant, une rénovation écoénergétique de tous les bâtiments et un tournant vers l'agrobiologie et l'alimentation végétarienne.

Pour l'aile parlementaire, la politique des « mesurettes » terre à terre… et acceptable à la droite est « fai[re] de la politique de la manière que je crois la meilleure. » L'aile parlementaire se targue de « collaborer efficacement avec les mouvements sociaux » ce dont je ne doute pas. Quoique le parti est resté bien discret à propos de la dénonciation de la loi 51, un recul drastique pour les syndicats de la construction. Cependant, s'ajuste-elle à des mouvements sociaux battus en brèche depuis plus d'une génération, qui osent à peine revendiquer des réformettes ou s'élève-t-elle au niveau des réformes historiques du sommet combatif des années 60-70 ? Que la plate-forme électorale de 2022 ait lâché la revendication historique du FRAPRU réclamant la construction de 50 000 logements sociaux (écoénergétiques ?) sur 5 ans en dit long. Affirmer que « notre approche des urnes et de la rue nous permet de développer des propositions qui répondent aux besoins des personnes qu'on représente » est plutôt une démonstration d'une coupure par rapport à la réalité populaire. Parler de « gains véritables » est encore plus décroché.

Mais est-ce vraiment les besoins et revendications des mouvements sociaux qui guident la politique de l'aile parlementaire ? Une phrase-clef de la dernière lettre aux membres de la porte-parole révèle le pot aux roses : « Nous avons conclu il y a quelques semaines un exercice de tournée des régions où des centaines d'acteurs institutionnels, industriels et des mouvements sociaux nous ont partagé leurs craintes et leurs souhaits pour leurs régions ». Notez l'ordre de préséance. Amen.

Marc Bonhomme, 24 mai 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

Des investissements miniers canadiens liés à des violations des droits de l’homme aux Philippines

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Le Tribunal international des peuples (TIP) s'est réuni en Belgique la fin de semaine dernière pour enquêter sur les allégations de crimes de guerre commis par les (…)

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La démocratie sous attaque ? Le projet de loi 57 sous la loupe

24 mai 2024, par GMob-GroupMobilisation — , ,
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La démocratie sous attaque ? Le projet de loi 57 sous la loupe Ligue des droits et libertés

Documentaire Colère citoyenne : Détournement de l'acceptabilité sociale :

Vous avez entendu parler du projet de « Loi édictant la loi visant à protéger les élus et à favoriser l'exercice sans entraves de leurs fonctions et modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal »… appelé aussi projet de loi 57 ?

Suite à une série d'évènements où des élus ont été confrontés à des situations d'intimidation, de harcèlement et de menaces, le gouvernement de la CAQ a décidé de promulguer une nouvelle loi.

Nous sommes tous conscients que les phénomènes de violences, d'intimidation et de harcèlement ont explosé particulièrement depuis l'avènement des réseaux sociaux. Vouloir endiguer ce fléau est louable, mais le projet de loi 57 soulève de sérieuses questions.

Dans le contexte actuel où le gouvernement de la CAQ met les conseils municipaux et les élus sous tension en lien avec un déferlement de projets qui sont loin de faire l'unanimité, face aux changements de règles qui privent les citoyens de BAPE, du recul démocratique qui s'accentue dans toutes les sphères sociales depuis plus de 2 décennies et dont le système public de santé a été particulièrement l'une des victimes, face à la privatisation des institutions publiques, dont Hydro-Québec qui participe à la dépossession de la population, face à la transition écologique et aux choix économiques que fait le gouvernement caquiste sans consulter la population mais qui, au contraire, privilégie des entreprises, une partie de la population réalise que ce n'est rien de moins que sa propre démocratie qui est sous attaque.

Est-ce que le projet de loi 57 ne devient pas une arme qui porte atteinte de manière injustifiée à la liberté d'expression et à la liberté de réunion pacifique dans une société libre et démocratique ? Nous allons discuter avec Jacques Benoit de ces enjeux qui sont à la base de notre démocratie.

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Livre Défendre le logement - Nos foyers, leurs profits | À paraître le 4 juin

24 mai 2024, par David Madden, Éditions Écosociété, Peter Marcuse — , , ,
La crise du logement n'est pas une anomalie temporaire. C'est l'état normal du marché immobilier dans notre système économique. L'essai Défendre le logement - Nos foyers, (…)

La crise du logement n'est pas une anomalie temporaire. C'est l'état normal du marché immobilier dans notre système économique.

L'essai Défendre le logement - Nos foyers, leurs profits, du sociologue David Madden et de l'urbaniste Peter Marcuse, va paraître en librairie le 4 juin.

En bref : Selon l'urbaniste Peter Marcuse et le sociologue David Madden, cela fait cent ans qu'il y a une « crise » du logement, notamment pour les plus vulnérables. Il s'agit d'une conséquence logique et prévisible de notre système économique. Voici un ouvrage majeur sur le processus de marchandisation du logement et la nécessité d'une réappropriation radicale des espaces, au-delà des solutions technocratiques et de la reconnaissance symbolique d'un droit...

À propos du livre

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, la crise du logement n'est pas causée par le manque d'unités locatives, des taux d'intérêt élevés ou une conjoncture économique défavorable. Selon l'urbaniste Peter Marcuse et le sociologue David Madden, c'est l'état normal – voire optimal – du marché immobilier en régime capitaliste. Cela fait cent ans qu'il y a une « crise », notamment pour les plus vulnérables. Il s'agit d'une conséquence logique et prévisible de notre système économique : « [...] l'habitation n'est pas produite et répartie afin de fournir un toit à chacun, mais comme une marchandise destinée à enrichir une minorité. »

Défendre le logement nous plonge dans un conflit opposant deux conceptions du logement. D'un côté, on le considère – à juste titre – comme un droit fondamental, un foyer défini par sa valeur d'usage ; de l'autre, il devient sans problème un privilège, un bien immobilier qui possède d'abord et avant tout une valeur d'échange. Cet ouvrage essentiel met ainsi le doigt sur les processus de marchandisation du logement qui, au cours des dernières années, ont atteint des sommets inégalés, notamment avec l'essor des plateformes comme Airbnb et l'utilisation de l'immobilier comme instrument d'accumulation financière. Une situation qui ne fait que creuser les inégalités dans la ville : quand le profit prend le pas sur le droit de se loger, les loyers augmentent, leur qualité diminue et les communautés sont confrontées à la violence des expulsions, de la gentrification, de la stigmatisation et de la honte. Voilà ce que Madden et Marcuse nomment l'aliénation résidentielle.

Essai incontournable pour comprendre les causes et conséquences du problème du logement, il fait aussi le point sur les solutions progressistes et montre combien cet enjeu ne peut être résolu par des solutions technocratiques : meilleures technologies de construction, aménagement plus intelligent du territoire, nouvelles techniques de gestion, accès facilité à la propriété... Parfois utiles, ces changements ne suffiront jamais. La crise du logement a des racines politiques et économiques profondes et nécessite une réponse radicale de réappropriation des espaces, une réponse qui dépasse la reconnaissance symbolique d'un droit. Le logement est d'abord politique.

À propos des auteurs

David Madden est professeur assistant au département de sociologie et au programme des villes de la London School of Economics. Auteur de nombreux ouvrages, Peter Marcuse (1928-2022) était professeur émérite en urbanisme à la Graduate School of Architecture, Planning and Preservation de l'Université Columbia. Tous deux ont été publiés dans de nombreux journaux et magazines.

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Soirée 20e anniversaire / 100 numéros

Venez célébrer avec nous les 20 ans et le 100e numéro de la revue À bâbord ! Entrée gratuite. L'événement se déroule à La Cabane, fabrique familiale. Il s'agit d'un espace (…)

Venez célébrer avec nous les 20 ans et le 100e numéro de la revue À bâbord !

Entrée gratuite.

L'événement se déroule à La Cabane, fabrique familiale. Il s'agit d'un espace ludique et sympathique situé à 5 minutes du métro Fabre.

Au menu : Prises de paroles de membres du collectif ainsi que de contributeurs-rices, présentation du numéro 100, kiosques de vente de numéros provenant de différents médias, prestation humoristique avec Charlie Morin et ... party !

Grignotines ainsi que breuvages alcoolisés et non-alcoolisés en vente sur place.

L'espace est accessible (entrée et toilette).

L'événement Mobilizon est ici. L'événement Facebook est ici.

Quelques leçons féministes marxistes pour penser l’intelligence artificielle autrement

23 mai 2024, par Rédaction

Dès le début, les féministes marxistes qui voulaient une émancipation féministe et antiraciste se sont heurtées aux limites que représentaient les contre-propositions socialistes au régime capitaliste. Plus tard, elles ont aussi dû considérer des courants anti-technologiques qui tendaient à essentialiser le lien des femmes à la nature. Ces réflexions se sont consolidées dans le courant théorique de la reproduction sociale. Dans le présent texte, je reviens sur certains des travaux qui en sont issus afin d’envisager d’autres voies aux technologies d’intelligence artificielle (IA) qui dévalorisent le travail reproductif. Ils permettent de critiquer simultanément le rôle des technologies dans la précarisation des activités de soin tout en ne masquant pas les insuccès de leur contrôle par l’État. J’illustrerai ces avenues à partir des propositions que j’ai formulées dans le cadre d’une étude publiée par l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) qui explorait les conditions de production de l’IA dans le secteur de la santé[1]. J’envisagerai de quelle manière, en se référant aux théories de la reproduction sociale, on pourrait penser et produire des innovations respectant les objectifs de réduction des inégalités en santé dans le réseau public.

Le numérique comme vecteur de marchandisation

Dès les années 1970, les théories de la reproduction sociale ont traité de l’organisation du travail en usine, de la bombe atomique et même des ordinateurs. Plus récemment, les travaux sur les biotechnologies ont ramené cet horizon théorique à l’avant-plan. Dans son plus récent ouvrage, Silvia Federici, figure de proue de ce courant, offre une courte réflexion sur les nouvelles technologies numériques et les robots de soins. Elle affirme : « Les techniques – et plus particulièrement les techniques de communication – jouent incontestablement un rôle dans l’organisation des tâches domestiques et constituent aujourd’hui un élément essentiel de notre vie quotidienne[2] ». À l’image d’autres marxistes avant elle, Federici voit les technologies de communication comme des moyens de production, à la différence qu’elles s’intègrent directement dans l’organisation du travail reproductif. Celui-ci est considéré comme l’envers du travail productif. Sa dévalorisation systématique est l’une des clés de voûte de l’organisation de l’exploitation capitaliste. Il comprend des activités comme préparer les repas, s’occuper des personnes vulnérables ou assurer le maintien des relations affectives. Pour Federici, les technologies de communication sont des outils de travail parce qu’elles sont mobilisées dans le cadre de ces activités économiques essentielles de reproduction matérielle et sociale de la vie humaine même si elles sont souvent peu ou pas rémunérées.

Sarah Sharma, une autrice qui s’intéresse aux enjeux de genre et de race liés à la valorisation du temps, accorde elle aussi un rôle économique au numérique dans le cadre du travail reproductif. Dans un essai sur l’économie de plateforme[3], elle s’attarde à TaskRabbit, une application mobile qui organise très précisément la vie quotidienne. Celle-ci permet de déléguer l’exécution de certaines tâches ordinaires à des inconnu·e·s, moyennant rémunération. Les utilisateurs/employeurs affichent en ligne de menus travaux à faire comme aller chercher un objet acheté sur la plateforme d’échange MarketPlace, promener le chien ou aller nettoyer les planchers avant une réception. Historiquement, ce type de travail a été inégalement réparti au sein des ménages. Il tend désormais à être externalisé vers des personnes socioéconomiquement précaires qui sont, de manière croissante, des personnes racisées. Grâce à des technologies de communication comme TaskRabbit, certains groupes favorisés se délestent de l’ennui et du stress qui accompagnent la réalisation de tâches socialement dévalorisées. Ils en profitent pour vivre, selon les mots utilisés par la compagnie, « la vie qu’ils devraient vivre » :

TaskRabbit accomplit le travail, mais vous sauve aussi d’une dépendance envers autrui en dehors d’un échange économique. L’application vous met en relation avec des groupes de personnes pour qui le travail domestique n’est pas si ennuyant[4].

Ils laissent à d’autres cette vie à ne pas vivre. Dans des cas de ce type, les technologies participent à la marchandisation des tâches reproductives. Elles remplacent la figure de la ménagère par celle du tâcheron enthousiaste et flexible. La pensée de la reproduction sociale sur les technologies ne s’arrête cependant pas à leur capacité d’externalisation du travail reproductif.

Données, logique productive et économie spéculative

Les années 1990 ont été marquées par l’implantation de techniques visant à quantifier et à mesurer le travail d’exécution des soins de santé. Ce faisant, ce type de tâche reliée à la sphère reproductive devait respecter une logique productive qui implique de pouvoir calculer le plus précisément possible le rapport entre les intrants et les extrants du processus de production. Dans le cas des services publics, l’objectif consiste à augmenter l’efficience de la production. La manifestation la plus concrète de cette vision a probablement été le déploiement des méthodes de la nouvelle gestion publique, désormais appuyées par des technologies capables de capter et d’analyser des quantités monstrueuses de données. Cette quantification extrême des données est portée par le fantasme de surmonter l’improductivité d’activités comme le soin des personnes en rationalisant leur caractère intuitif et affectif. Encore aujourd’hui, la volonté de quantifier le produit des soins persiste, mais demeure un défi inachevé.

Pourtant, cette ambition n’est pas nouvelle. Dès les années 1970, les théoriciennes féministes ont examiné cette volonté de rationalisation du reproductif. Elles ont élaboré leur critique à partir du concept d’« usinification » de la reproduction. Alors que l’usine est associée à la domination d’intérêts marchands, la critique de l’usinification de la reproduction formulée par Nicole Cox et Silvia Federici[5] ne porte pas sur la privatisation de la reproduction, au contraire. Elle vise directement l’étatisation de certains services jusqu’alors offerts par les femmes. En effet, l’État est l’acteur central de la « mise en usine » de la reproduction. Dans la pensée socialiste de l’époque, la production industrielle, une fois retirée du contrôle bourgeois, représente un progrès. Après tout, elle résulte d’une collectivisation des moyens de production. La coopération dans le processus de travail augmente l’efficacité et réduit la quantité de travail socialement nécessaire pour assurer la survie des humains. La machine matérialise l’espoir de la fin du labeur physique dur et répétitif. Qui ou quoi exécute la tâche n’a réellement d’importance. Qu’il soit atteint par une machine ou par un humain, le résultat est le même. Dans la pensée socialiste, la même logique peut s’appliquer à toutes les tâches, dont les tâches reproductives.

La robotisation de certaines tâches ménagères n’est pas complètement loufoque. Le lave-vaisselle en est bien la preuve. Cependant, la robotisation de certaines tâches domestiques parait absurde pour celles qui les exécutent. Comment mécaniser « l’action de donner le bain à un enfant, de le câliner, de le consoler, de l’habiller et de lui donner à manger, de fournir des services sexuels ou d’aider les malades et les personnes âgées dépendantes[6]? » demande Federici. Pour elle, non seulement la mécanisation de ce travail de nature relationnelle est peu probable, mais elle ne représente pas un horizon post-capitaliste désirable. En effet, la collectivisation et la rationalisation de la reproduction signifient de soumettre davantage ce travail aux pressions de la performance mesurable. L’usinification du travail reproductif signifie qu’il se plie à une vision machinique du travail qui évacue la spécificité des tâches reproductives pour faire dominer la mesure et l’efficacité.

Pour les féministes de la reproduction, la collectivisation du travail reproductif par l’État n’a jamais constitué une voie d’émancipation. Dans la pensée socialiste, le travail reproductif est rétrograde et obsolète, ce qui constitue un problème majeur. Son étatisation a pour objectif de contrer son inefficacité, sans tenir compte de ses qualités non productives. En cela, ces théoriciennes se sont distinguées très tôt des autres marxistes : la répartition de la richesse ne constitue pas le problème fondamental du capitalisme. Pour éliminer les formes de domination imposées par le capitalisme, il faut selon elles abolir son mode de fonctionnement qui dévalue fondamentalement tout ce qui ne se plie pas à la rationalité productive. Cette vision industrielle des soins a aussi été appliquée dans des pays non socialistes. C’est le cas par exemple des centres d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD) qui représentent désormais l’antithèse d’un lieu de vie épanouissant pour les personnes âgées et dont le modèle s’est révélé absurde durant la pandémie de COVID-19.

Les expériences japonaises d’intégration de robots pour les soins aux ainés démontrent que pour assumer les coûts élevés d’acquisition, les établissements de soins doivent être de grande taille et très standardisés[7]. Le travail humain, lui, ne diminue pas, mais il devient plus routinier. Si l’avenir politique des soins est celui des robots et d’une intelligence artificielle pensée comme pour une usine, cet avenir sera celui de mégastructures industrielles de soins. L’intégration actuelle des machines respecte la logique productive appliquée à l’organisation des soins. Si cette logique continue de dominer la façon de penser et d’intégrer l’IA, cette technologie dévalorisera les activités reproductives, qu’elles soient soumises à l’échange marchand ou qu’elles soient produites par l’État.

Valorisation des savoirs reproductifs

Avec le développement de l’intelligence artificielle, on peut constater une modification du rapport entre sphère productive et sphère reproductive. La tendance historique vise à dépasser l’improductivité du champ reproductif, soit en intégrant ses activités dans le circuit marchand, soit en les rationalisant de façon à les plier à la logique de production. Désormais, ces tentatives sont exacerbées par l’émergence d’une industrie des données ancrée dans une économie spéculative. Des entreprises comme TaskRabbit ne font pas qu’offrir des services. Leur modèle d’affaires repose en majeure partie sur la promesse de revenus futurs décuplés. Elles doivent croitre rapidement afin d’attirer l’attention d’une masse critique d’investisseurs. Elles seront ensuite acquises par une plus grande corporation ou, plus rarement, elles feront leur entrée sur le marché boursier. Par exemple, après avoir récolté près de 50 millions de dollars d’investissements privés en six ans, TaskRabbit a été rachetée par IKEA. L’entreprise offre désormais des services d’assemblage de ses meubles vendus en pièces détachées sans avoir à s’encombrer de la responsabilité d’être un employeur. Alors que le travail industriel de montage a été délocalisé à l’intérieur des foyers individuels pour être accompli gratuitement, celui-ci redevient rémunéré, mais très précaire.

Dans le secteur de la santé, un champ d’activités plus près de la sphère de la reproduction que le montage de mobilier, j’ai pu observer un foisonnement de nouvelles entreprises qui profitent d’un accès privilégié aux institutions publiques de santé pour commercialiser des technologies d’IA destinées au marché international. Le système public de santé sert de terrain de mise au point et d’expérimentation de produits. Cette exploitation des activités de soins outrepasse leurs limites productives en ne cherchant pas à agir directement sur elles. Or, bien qu’elles ne participent pas de prime abord à marchandiser ou à « usinifier » les soins, ces technologies pourraient avoir une incidence sur leur orientation. Déjà, on voit un accroissement des approches médicales axées sur les traitements complexes et invasifs. On observe une adéquation entre le développement de l’IA et les priorités des géants pharmaceutiques. Les ressources sont orientées vers la production de technologies hyperspécialisées en oncologie ou en génétique. Pourtant, la recherche montre que des politiques orientées vers des investissements massifs dans des traitements curatifs sont inefficaces du point de vue de la santé publique. Des actions préventives axées sur l’environnement ou le logement le sont significativement plus. C’est une vision de l’efficacité que ceux qui sont à l’origine des initiatives en IA en santé ne partagent pas.

Mesurer sobrement

Serait-il possible d’intégrer des technologies comme l’IA dans l’organisation des soins de santé sans procéder à une hyperrationalisation congruente à la logique de la sphère productive ? Une posture prudente reste de mise face à ces technologies qui quantifient, mesurent, analysent et dirigent la prise de décision de façon schématique. Cela est d’autant plus vrai qu’actuellement les structures organisationnelles complexes et hiérarchiques des régimes publics se révèlent avides de données. Elles exercent aussi une surveillance accrue des travailleuses et des travailleurs. Sachant que l’accumulation des dispositifs alourdit le travail et entraine toujours des résistances qui peuvent se solder par du désistement face à la perte du sens au quotidien, les technologies doivent éviter d’attiser une soif insatiable de données quantitatives.

Par ailleurs, une collecte extensive de données pourrait aussi nuire à la relation de soins, en particulier celle avec des personnes qui vivent des situations de marginalité ou qui sont criminalisées. Pour ces dernières, la relation interpersonnelle de confiance est fondée sur la confidentialité. Au printemps 2023, une nouvelle loi a été adoptée pour favoriser la circulation des données des patientes et patients du Québec. Plusieurs ordres professionnels ont publiquement dénoncé de nombreuses dispositions qui mettent à mal le secret professionnel. Ceux-ci craignent que certains patients puissent refuser des soins ou évitent de livrer les informations essentielles à une intervention professionnelle réussie par peur de s’exposer à d’autres regards.

Des principes de sobriété technologique et de sobriété quant à la quantité de données constituent des priorités pour éviter une approche surrationalisante, prête à tout pour réduire les actes reproductifs à des entités comparables. Cette sobriété permettrait de freiner les ambitions économiques qui accompagnent la montée de la production de données depuis déjà plus de 10 ans.

Pour un autre contrôle des outils

Rejeter en bloc l’adoption de technologies ou de savoirs contemporains soulève néanmoins deux problèmes majeurs. D’abord, cette posture est façonnée par le déterminisme technologique. Elle ne prend pas en compte le fait que l’usage d’une même technologie peut varier selon les intérêts qui contrôlent sa production ou ses infrastructures. Ensuite, une opposition catégorique participe à la naturalisation du travail reproductif. L’anthropologue féministe marxiste Paola Tabet soutient que la dévalorisation du travail des femmes, et la dévalorisation des femmes elles-mêmes, se sont construites par le contrôle masculin des outils techniques spécialisés[8]. En ne pouvant pas créer les outils performants par et pour elles-mêmes, elles ont été astreintes à des tâches inutilement harassantes. Ce faisant, certains travaux considérés comme typiquement féminins ont aussi été connotés comme plus naturels. Exclure des technologies sous prétexte qu’elles ne respecteraient pas l’essence de la sphère reproductive perpétuerait la division sexuelle du travail par les outils.

Ainsi, il faut faire le pari que l’IA n’est pas foncièrement en opposition aux soins de santé, mais qu’elle ne doit pas être contrôlée par des intérêts étrangers aux soins. En sortant son développement du circuit marchand de la spéculation pour remettre la prise de décision de ses orientations dans les mains de celles et ceux qui sont au plus près des activités de soins, la production de l’IA pourrait correspondre à une conception radicalement différente.

Bientôt, les besoins en soins à domicile et la privatisation des services en cours depuis vingt ans s’accéléreront probablement. Les plateformes de type Uber centrées sur les soins à domicile risquent alors de devenir d’usage commun. Le discours promotionnel se fera autour des capacités algorithmiques de la prédiction des besoins, de l’optimisation des trajets et de l’établissement de prix concurrentiels. Malgré la demande, ce type de plateforme n’améliorera pas les conditions d’exercice du travail de soin. Pourtant, il sera quand même possible de trouver des personnes pour qui sortir un grand-père malade du lit ne sera « pas ennuyant » parce que cela lui permet de gagner sa vie. De quoi pourrait avoir l’air une telle plateforme si le contrôle de l’organisation du travail était laissé aux mains des bénéficiaires et des travailleuses et travailleurs au sein d’un système public ? Pourrait-elle, dans de bonnes conditions structurelles, soutenir une démarche de valorisation du reproductif ? Ces questions exigent des expérimentations pour y répondre. Pour que les technologies ne soient pas seulement au service de ceux et celles qui ont le luxe de « vivre la vie qu’ils devraient vivre », une réflexion profonde sur le temps de travail et le rapport aux tâches relationnelles s’imposera inévitablement.

Par Myriam Lavoie-Moore, chercheuse à l’IRIS et professeure adjointe à l’École de communications sociales de l’Université Saint-Paul


  1. Myriam Lavoie-Moore, Portrait de l’intelligence artificielle en santé au Québec. Propositions pour un modèle d’innovation au profit des services et des soins de santé publics, Montréal, IRIS, 2023.
  2. Silvia Federici, Réenchanter le monde. Le féminisme et la politique des communs, Genève/Paris, Entremonde, 2022, p. 258.
  3. Sarah Sharma, « TaskRabbit : the gig economy and finding time to care less », dans Jeremy Wade Morris et Sarah Murray  (dir.), Appified. Culture in the Age of Apps, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2018.
  4. Ibid.p. 64. Ma traduction.
  5. Nicole Fox et Silvia Federici, Counter-Planning from the Kitchen : Wages for Housework, a Perspective on Capital and the Left, New York, New York Wages for Housework Committee et Bristol, Falling Wall Press, 1975.
  6. Silvia Federici, Le capitalisme patriarcal, Paris, La Fabrique, 2019, p. 94.
  7. James Wright, « Inside Japan’s long experiment in automating elder care », MIT Technology Review, 9 janvier 2023.
  8. Paola Tabet, Les doigts coupés. Une anthropologie féministe, Paris, La Dispute, 2018.

 

L’ascension d’un nouveau paradigme économique : le cybersocialisme

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Des dirigeants américains et philippins coupables de crimes de guerre, selon Tribunal des Peuples

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UQAM - Solidarité avec la Palestine : le droit de réunion pacifique en question

Le 22 mai 2024, le recteur de l'UQAM a déposé une requête en émission d'une ordonnance d'injonction pour demander le démantèlement, au moins partiellement, des quelques (…)

Le 22 mai 2024, le recteur de l'UQAM a déposé une requête en émission d'une ordonnance d'injonction pour demander le démantèlement, au moins partiellement, des quelques quarante tentes installées dans une cour intérieure de l'UQAM, presque invisible de la rue, par des organisations étudiantes et militantes en solidarité avec le peuple Palestinien.

Pour justifier ce recours juridique engagé avec des fonds publics, qui porte atteinte à la liberté d'expression et au droit de réunion en solidarité avec un peuple qui fait face à un « risque plausible » de violation du droit à être protégé d'un génocide, selon la Cour internationale de justice, le recteur invoque les atteintes au droit de propriété de l'UQAM, la sécurité des membres de la communauté universitaire et des dommages. Outre l'occupation du terrain de l'UQAM, des issues de secours seraient bloquées, des rallonges électriques constitueraient des risques « de surcharge du réseau électrique », des bidons d'essence et des barres de fer auraient été aperçus et menaceraient la sécurité des « occupants » et de la communauté universitaire.

Tels sont, avec des graffitis, les principaux éléments factuels avancés en vertu desquels,
après la très violente charge menée par la police de la ville de Montréal lundi 20 mai 2024, il y aurait urgence à agir du point de vue de l'administration universitaire.

Constatant que l'administration uqamienne n'a pas été en mesure de mentionner un seul acte de violence, un seul propos antisémite, raciste ou haineux dans sa requête, il nous semble urgent et important de rappeler quelques normes minimales fixées par le droit international et qui s'imposent à tous et toutes avant de vouloir imposer des restrictions au droit de réunion pacifique, « le parent pauvre du domaine des libertés fondamentales garanties », pour reprendre une formule mobilisée par la Juge Marie-France Bich de la Cour d'appel du Québec.

Concernant les atteintes au droit de propriété de l'UQAM, le Comité des droits de l'homme des Nations unies a récemment rappelé que les rassemblements dans les espaces privés, en Chine, au Mali, comme au Québec, sont protégés par le droit de réunion pacifique et qu'avant d'imposer des restrictions, il convient de prendre « dûment en compte » les intérêts des autres personnes ayant des droits sur la propriété, comme ceux des membres de la communauté universitaire. Or, sur ce point, la « communauté uqamienne », via des dizaines de résolutions souvent adoptées à l'unanimité, a fait part de son intérêt à afficher ouvertement sa solidarité avec le peuple Palestinien et son engagement en faveur d'un cessez-le-feu. Des restrictions au droit de réunion sont toujours possibles mais celles-ci dépendent notamment de « considérations telles que le fait que l'espace soit ou non habituellement accessible au public, la nature et l'ampleur des perturbations ». Ici on évoque principalement des rallonges électriques, des graffitis et quelques portes barrées dans un espace « habituellement accessible au public ».

"L'interdiction d'une réunion ne peut être envisagée qu'en dernier ressort". Comité des droits de l'homme des Nations unies, 2020, para.37.

Concernant la protection de la santé des « occupants » et des membres de la communauté universitaire, une préoccupation urgente fort louable du patronat et que n'oublieront pas les employé·es victimes de maladies professionnelles ou les étudiant·es en dépression, des restrictions sont également possibles mais au nom de la santé publique et « exceptionnellement » ou « dans des cas extrêmes ». Si quelques rallonges électriques ou portes bloquées constituent un « cas extrême » qui justifierait une interdiction de rassemblement, on peut dire adieu au droit de manifester.

Enfin, concernant les actes de « vandalisme » (comme les graffitis mentionnés dans la requête), cela ne constitue pas en soi un motif légitime pour interdire le droit de réunion pacifique. Si des méfaits voire même des voies de fait sont commis, il appartient au service de sécurité et à la police d'intervenir et d'identifier les responsables, individuellement. Les restrictions au droit de réunion pacifique doivent quant à elles être « nécessaires », « proportionnées », « les moins intrusives » possible et elles ne doivent pas « porter atteinte à l'essence du droit visé » ou avoir « pour but de décourager la participation à des réunions ni avoir un effet dissuasif ».

Que s'agit-il donc de faire en judiciarisant le conflit, en sanctionnant de manière indiscriminée tout un collectif et en demandant l'interdiction ou le strict encadrement d'une réunion pacifique pour des motifs aussi légers que ceux portés dans cette requête, si ce n'est de décourager ou de dissuader d'afficher sa solidarité avec le peuple palestinien sur le campus universitaire ?

Martin Gallié
Le 23 mai 2024.

Les BRICS+ ne seront pas l’alternative à l’hégémonie américaine

23 mai 2024, par Nina Morin
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Le génocide oublié de la République démocratique du Congo

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Je slame, tu slames, nous slamons

22 mai 2024, par Marc Simard
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Regards critiques sur l’incarcération

22 mai 2024, par Ligue des droits et libertés

[caption id="attachment_19730" align="alignleft" width="336"] Artiste : Eve[/caption]

La Ligue des droits et libertés consacre son nouveau numéro de Droits et libertés aux enjeux liés à l'incarcération au Québec.

Disponible dès juin 2024, ce numéro rassemble des perspectives critiques sur plusieurs facettes de l'incarcération à travers une
vingtaine d'articles.

Page après page, le fil des logiques carcérales se déroule. Ces logiques ont beau constituer la norme, elles révèlent leurs noeuds et leurs failles en matière de réparation envers les victimes, de réinsertion sociale, de dissuasion et de la diminution de la violence. L'incarcération produit et reproduit des violations de droits, de la détresse et des discriminations que les réformes du système carcéral ne peuvent pas enrayer.

Dans bien des cas, le recours à l'enfermement est une réponse punitive et restrictive de liberté à des enjeux sociaux, résultat d'un désengagement de l'État quant à ses obligations en matière de droits économiques et sociaux. Le dossier se termine en dégageant de nouvelles avenues, plaçant les victimes d'actes criminels au coeur de la justice transformatrice.

Bonne lecture!

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* Les articles sont mis en ligne de façon régulière. *

Dans ce numéro

Éditorial

Les services publics et les droits humains : deux faces d'une même médaille
Alexandre Petitclerc

Chroniques

Ailleurs dans le monde

La Palestine, un test pour l'humanité
Zahia El-Masri

Un monde sous surveillance

Un trio législatif… accommodant pour l'industrie
Anne Pineau

Le monde de l'environnement

Fonderie Horne : une allégorie de l'opacité
Laurence Guénette

Un monde de lecture

Un autre soi-même
Catherine Guindon

 

Dossier principal

** Des articles du dossier seront ajoutés au site Web à chaque semaine jusqu'au 30 septembre 2024. **

REGARDS CRITIQUES SUR L'INCARCÉRATION

 

Présentation

Dérouler le fil des logiques carcérales
Delphine Gauthier-Boiteau
Aurélie Lanctôt Un portrait de la population carcérale
Aurélie Lanctôt

Violations de droits

Rien ne change pour les femmes incarcérées
Joane Martel Prison et déficience intellectuelle, ça ne va pas!
Samuel Ragot
Guillaume Ouellet
Jean-François Rancourt Portes tournantes : une spirale sans fin
Philippe Miquel Quand la prison fait mourir
Catherine Chesnay
Mathilde Chabot-Martin Être en prison dans une prison
Lynda Khelil
Me Nadia Golmier Contre vents et marées : liens avec un proche incarcéré
Sophie Maury Le Protecteur du citoyen, un pouvoir limité
Daniel Poulin-Gallant Le politique, le Code criminel et la prison
Jean Claude Bernheim

D'autres formes d'enfermement

La prison, l'antichambre de la déportation
Propos recueillis par Laurence Lallier-Roussin L'enfermement en centre jeunesse
Ursy Ledrich Pinel : Les cas complexes crient au secours !
Jean-François Plouffe

Remise en question de l'incarcération

La prison comme institution coloniale
Entretien avec Cyndy Wylde
Propos recueillis par Alexia Leclerc Qu'en est-il des systèmes carcéraux et des abolitionnismes?
Entretien avec Marlihan Lopez
Propos recueillis par Delphine Gauthier-Boiteau Nouvelles prisons, mêmes enjeux?
Mathilde Chabot-Martin
Karl Beaulieu Courtes peines ou recours excessif à l'incarcération
Jean Claude Bernheim Comparutions virtuelles, droits virtuels ?
Me Khalid M'Seffar
Me Nicolas Lemelin
Me Ludovick Whear-Charrette Coup d'oeil sur la justice alternative à Kahnawà:ke
Entrevue avec Dale Dione
Propos recueillis par Nelly Marcoux Luttes abolitionnistes et féminisme carcéral
Entretien avec Marlihan Lopez
Propos recueillis par Delphine Gauthier-Boiteau La justice transformatrice, s'organiser pour guérir
Propos recueillis par Laurence Lallier-Roussin

 


Reproduction de la revue

L'objectif premier de la revue Droits et libertés est d'alimenter la réflexion sur différents enjeux de droits humains. Ainsi, la reproduction totale ou partielle de la revue est non seulement permise, mais encouragée, à condition de mentionner la source.

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L’article Regards critiques sur l’incarcération est apparu en premier sur Ligue des droits et libertés.

Pour gouverner autrement ... agir autrement et construire dans l’unité !

22 mai 2024, par Collectif — , ,
Amir Khadir, Carol-Ann Kack, Marie-Ève Mathieu, François Saillant, Amira Bouacida, Karine Clliche, Pierre Mouterde, Solène Tanguay, Pierre Dostie et Roger Rashi Nous sommes (…)

Amir Khadir, Carol-Ann Kack, Marie-Ève Mathieu, François Saillant, Amira Bouacida, Karine Clliche, Pierre Mouterde, Solène Tanguay, Pierre Dostie et Roger Rashi

Nous sommes des militantes et militants de QS et avons suivi avec inquiétude le déroulement de la crise que traverse actuellement le parti, plus particulièrement depuis le départ d'Émilise Lessard- Therrien.

Dans les semaines et mois à venir bien des défis se dressent devant nous et les décisions du Conseil national de QS qui se déroulera cette fin de semaine au Saguenay auront une incidence décisive sur notre capacité à surmonter les difficultés.

La plupart d'entre nous sommes impliqué-es depuis longtemps dans des tâches organisationnelles ou de direction du parti. D'autres ont été membres fondateurs-trices d'Option citoyenne, de l'UFP puis de QS, ou encore sont de jeunes militant·e·s, féministes, écologistes, étudiant·e·s, mobilisés par les volontés affirmées de changement social portées par QS. Nous avons décidé de réfléchir ensemble et agir au nom de l'unité du parti. Quelques député·e·s et membres du CCN ont accueilli notre démarche avec intérêt et ouverture.

Tous et toutes, nous nous retrouvons dans la déclaration S'unir pour gouverner autrement signée par près de 200 membres du parti et qui insiste sur la nécessité de tout à la fois préserver notre unité et renouveler notre ancrage dans les mouvements sociaux depuis une perspective féministe et démocratique. Comme la Commission nationale des femmes de QS, nous croyons qu'une « meilleure écoute des voix des militant·e·s, et en particulier des femmes, est indispensable pour sortir de cette crise et retrouver le cap des valeurs fondatrices … du parti ».

Les critiques sur le déficit dans les pratiques paritaires et de la trop grande centralisation des décisions semblent avoir été entendues ainsi les délégués au CN comptent s'y pencher avec sérieux. Mais la recherche d'une voie de passage lors de ce CN est nécessaire pour surmonter d'autres dimensions de la crise et c'est ce qui motive cet appel.

QS aspire depuis sa fondation à gouverner autrement. Pour exercer le pouvoir autrement... il faut agir autrement. Le CN est un lieu d'exercice du pouvoir à l'intérieur même de notre parti. Agir autrement comme QS aspire à le faire consiste pour nous à en faire un lieu de partage de pouvoir le plus inclusif et rassembleur possible.

C'est dans cet esprit et afin de créer une voie de passage entre des courants en apparence opposés que nous appelons les délégués à considérer les propositions d'action suivantes pour construire QS dans l'unité :

1) Lors du prochain Conseil national : replacer le débat sur la Déclaration du Saguenay dans son juste contexte

Tout en reconnaissant l'importance de la tournée régionale initiée par le parti ainsi que le travail mené en ce sens par QS pour prendre en compte les régions, nous pensons qu'il faut resituer la Déclaration du Saguenay dans son contexte et rappeler clairement la place relative qu'elle doit occuper dans notre démarche. Ce texte n'est que « la synthèse politique de la tournée des régions ». Il ne peut donc être ni « le socle », ni l'amorce d'un nouveau programme de QS. Dans une lettre aux membres des associations, la présidente de QS, Roxane Milot, a rappelé à juste titre que « ce texte ne vient nullement remettre en question les autres positions du parti ».

Nous proposons aux délégué·e·s qui se réuniront lors du prochain Conseil national :
de s'assurer que le parti réitère et souligne publiquement le fait que la déclaration du Saguenay n'a pas pour fonction de servir de point de départ à un nouveau programme pour QS ;
de prendre en compte, dans le plus large esprit démocratique possible, les nombreux amendements qui ont été proposés par les associations pour bonifier cette déclaration.

2) Au cours des prochains mois : favoriser une large discussion démocratique sur le programme

La proposition du Comité de coordination national, reprise par Gabriel Nadeau-Dubois, de ré-écrire le programme, et de le faire dans un temps extrêmement court, nous paraît dans le contexte actuel de crise que connaît QS, contre-productive. C'était là une des forces et originalités de QS et le gage d'une démarche vraiment démocratique : avoir bâti son programme politique pas à pas, en prenant le temps de réfléchir et de débattre de chacune de ses dimensions. Il est normal qu'à l'aune des transformations que connaît la société québécoise, notre programme ait besoin d'être actualisé ou ajusté de manière à mieux faire face à de nouveaux défis conjoncturels. Mais il manque encore un bilan compréhensif de ce qui pourrait être dépassé, inaccessible ou contradictoire dans le programme. Sans un tel bilan, il est hâtif de vouloir « tabletter » le programme alors qu'une mise à jour de certains passages et aspects pourrait être plus judicieux et porteur de sens.

Par ailleurs, vouloir effacer le précieux et patient travail collectif s'échelonnant sur 15 ans pour réécrire le programme à partir de zéro et le faire adopter en quatre mois alors que le parti est secoué par une crise interne d'importance, risque de bousculer notre démocratie interne et raviver quelques-uns des ingrédients se trouvant à la source des difficultés que nous connaissons. Cette approche est opposée à ce qui donne à QS sa solidité et sa force : favoriser le pluralisme de gauche en faisant place à la convergence des courants qui existe en son sein.

C'est la raison pour laquelle nous proposons dans l'immédiat au Conseil national de mai :
d'adopter une approche qui permette l'actualisation ciblée du programme de Québec solidaire sur des thèmes déterminés au préalable ;
d'adopter un échéancier revu dans le temps et des mécanismes démocratiques permettant une implication large et ouverte des instances de base du parti afin que cette actualisation puisse se faire dans un débat démocratique mené en profondeur.

3) Ouvrir le débat sur la stratégie qui devrait guider QS

Comme souhaité, la question du départ d'Émilise Lessard-Therrien a été mise à l'ordre du jour remanié du prochain conseil national pour une bonne partie de la matinée et de l'après-midi du samedi. Toutefois, le débat sur la stratégie, demandé par tant d'intervenants, brille par son absence. La déclaration du co-porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois sous-entend pourtant une stratégie déjà arrêtée pour la prise du pouvoir. À la vue des réactions qu'elle a suscitées, un large débat devient nécessaire pour que Québec solidaire se rassemble autour d'une stratégie claire, partagée, et pour qu'il prenne un second souffle vers le pouvoir. C'est de cette stratégie collectivement décidée que doit découler la mise à jour de notre programme, de notre plateforme électorale et de nos statuts, lesquels préciseront notamment les rapports entre l'aile parlementaire, la permanence du parti et les instances militantes, tout comme le statut et la contribution des co-porte-paroles.

Certes, il ne s'agit pas de régler cette question au prochain Conseil national, mais d'amorcer le débat, et sur la base d'une approche pleinement démocratique et orientée par des principes féministes, d'en baliser les contours, de favoriser la participation la plus large de toutes et tous les membres, et non uniquement des délégués présents aux instances nationales.

Pour ce faire, nous proposons que QS mette en place « des espaces de délibérations démocratiques ad-hoc » qui permettraient que ce débat soit mené en profondeur au sein du parti, puis débouche sur une série d'orientations stratégiques qui pourraient être discutées et votées à son congrès d'automne 2024. Dans la mesure où une révision des statuts a déjà été programmée à ce congrès, nous pensons nécessaire de faire précéder ce congrès d'événements et d'espaces délibératifs où il serait possible de discuter plus facilement et plus librement de la question stratégique. On pourrait penser à la mise sur pied « d'une école ou université d'été », permettant de lancer le débat et de bénéficier ainsi d'une série de contributions de fond. On pourrait aussi organiser « une conférence nationale ouverte » (comme on l'a fait dans le passé à propos de la question nationale) permettant d'élaborer et de mettre en débat les principales thèses en présence concernant notre stratégie future. Dans tous les cas, il s'agira en même temps de chercher l'apport des sympathisant·e·s ainsi que des divers mouvements sociaux qui partagent nos aspirations afin d'enrichir et de clarifier notre posture stratégique de fond. Le secret est là : pour trouver une voie de passage dans la crise actuelle, nous devons passer par le renforcement de nos pratiques démocratiques et féministes, par l'ouverture d'un débat large et franc auquel tous les membres du parti sont invités.

C'est seulement à ce prix que nous pourrons rester un parti de gauche pluraliste, et doté d'une stratégie clarifiée, réaliser notre objectif commun : être ce parti de gouvernement ET de transformation sociale dont le Québec a tant besoin pour faire face aux défis de notre temps.

Pour signer la pétition :

https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSeemSUz9ZDJDwXjkR63frB2JzrRqcQR1IVQSVPVXSsuvY7Tgw/viewform

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La crise à QS, la résilience et l’internationalisme

22 mai 2024, par Ronald Cameron — , ,
Beaucoup d'encre a coulé depuis la démission d'Émilise Lessard-Therrien comme co-porte-parole à Québec solidaire et la sortie de Gabriel Nadeau-Dubois du 1er mai. QS doit viser (…)

Beaucoup d'encre a coulé depuis la démission d'Émilise Lessard-Therrien comme co-porte-parole à Québec solidaire et la sortie de Gabriel Nadeau-Dubois du 1er mai. QS doit viser à prendre le pouvoir et à gouverner, ça ne fait aucun doute. Toutefois, il ne peut y arriver par une stratégie d'accumulation clientéliste de votes individuels.

La prise du pouvoir, même électorale, sera d'autant plus possible qu'elle saura s'appuyer sur un mouvement social. Ce sont aussi des évidences répétées de plusieurs façons depuis un mois par différents courants. Alors que lesbruits de bottes se font entendre comme jamais sur la planète, QS ne peut faire l'économie d'une posture internationale sans équivoque dans une stratégie résiliente de prise du pouvoir, notamment en regard de l'OTAN !

Depuis, la tempête a commencé à s'apaiser, du moins devant les caméras, alors que des voix s'élèvent pour calmer le jeu et éviter les déchirements qui desserviraient la position du parti. Le consensus va probablement reconnaître qu'il y a toujours une double réalité à un parti comme Québec solidaire. Ça fait partie de la voix de passage vers l'unité souhaitée notamment par Françoise David et Amir Khadir.

Alliances occidentales et le parti de gouvernement

Dès sa fondation, Québec solidaire a affirmé qu'il était altermondialiste (voir Déclaration de principe de Québec solidaire, 2006). L'opposition des députés solidaires à l'ouverture du bureau du Québec à Tel Aviv est exemplaire. Toutefois, l'enjeu du débat sur le programme du parti en ce qui concerne les questions internationales ne concerne ni les grands principes, ni les positions circonstancielles. Elle concerne la posture à suivre devant une géopolitique guerrière, le déclin de l'empire américain, la montée des blocs dont celui entre la Russie et la Chine et l'accroissement des dépenses militaires partout sur la planète !

Parmi ces questions, sur le plan international, il y a celle des alliances. Un Québec indépendant doit-il se retirer de l'OTAN ? Devons-nous désavouer cette alliance occidentale et devenir un pays susceptible de ne pas voter avec les État-Unis et le Canada, et pas seulement sur la question d'Israël ? Devant les sirènes de la démocratie occidentale, la posture anti-impérialiste des solidaires peut être mise à rude épreuve.

La démocratie libérale et la politique internationaliste des solidaires

Le soutien au peuple ukrainien n'est pas un appui à l'OTAN, Il relève de la reconnaissance du droit à l'autodétermination. La démocratie occidentale n'est pas le terminus de l'histoire sur la liberté d'expression et la démocratie. Notre posture internationaliste exige de s'y opposer, non pas parce qu'elle est pire qu'en Russie, il est vrai que ce n'est pas le cas, mais parce qu'elle est incapable de résoudre les problèmes de notre temps : les guerres, les inégalités, le colonialisme, le racisme, la soumission des femmes ou l'environnement. Que pouvons-nous proposer comme démocratie supérieure à la démocratie libérale ?

La singularité de la question nationale québécoise dans l'État canadien est de proposer un parcours qui rompt avec l'impérialisme. Ce projet ne saurait se suffire d'une élection de solidaires qui gèrent les affaires quotidiennes du Québec, sans entreprendre une réelle épreuve de force avec l'État fédéral et du même coup avec le modèle occidental de démocratie libérale. Le projet à long terme des solidaires est donc de proposer plus de démocratie que celle que nous avons.

Nous savons que bon nombre de problèmes ne se régleront pas dans le cadre de la mondialisation capitaliste qui favorise une minorité de possédants au détriment des droits humains fondamentaux. Être altermondialistes, c'est aussi prêter main-forte aux mouvements de solidarité avec les peuples en lutte contre des situations d'oppression. Nos solidarités vont aux milliards de personnes vivant dans un état de pauvreté abject, aux femmes exploitées et opprimées à travers le monde, aux enfants esclaves ou soldats. (Déclaration de principe de Québec solidaire, 2006)

La participation électorale ne fait pas l'économie de la résilience

Depuis plus de cinquante ans, la gauche au Québec, y compris son aile radicale, n'a pas cessé de chercher à s'insérer dans le paysage politique institutionnel et à s'engager dans l'action politique électorale. Elle reconnaît que le champ politique de la vaste majorité de la population est celui des partis politiques de l'Assemblée nationale. On doit reconnaître que la création de Québec solidaire constitue une avancée dans cette perspective.

Dès la naissance de QS, l'ambition était de proposer un projet audacieux qui ne peut trouver son énergie que dans la mobilisation sociale. Les avancées parlementaires ont mis dans l'ombre l'autre réalité du parti, celle de l'action sociale et politique des membres au sein de la société. Un tel projet exige une forte résilience et une vision sur le long terme. Toutefois, c'est une vision de courte vue affecte le parti.

La démission d'Émilise après 6 mois a eu l'intérêt de déclencher une prise de conscience, mais un parti ne pourra pas se renforcer par cette méthode. Par contre, la courte vue est d'abord le problème de la direction. Croire à l'imminence de la victoire du parti aux élections et le répéter depuis la campagne de 2018 n'est pas la manière de développer la résilience.

La vision à court terme est ancrée profondément dans le parti. Il s'agit d'une vision volontariste qui ne tient compte ni de la réalité de la conjoncture politique ni de celle du projet social ni de celle des mouvements sociaux. Quelle que soit la mise en place d'un passage vers l'unité, la périodisation de l'action politique des solidaires doit reprendre une foulée longue, pour durer, en s'associant aux mouvements pour s'ancrer comme option électorale.

Construire le parti, s'engager dans les mouvements

Lors du bilan du scrutin de 2022, le bilan présenté au conseil national affirmait que 10 000 personnes ont « levé la main » pour appuyer le parti dans sa campagne ! Peu de mouvements sociaux peuvent bénéficier d'un tel appui. Pour s'assurer qu'aux prochaines échéances électorales ça se reproduise, les membres du parti doivent aller sur le terrain, non pas seulement à la rencontre de l'électorat, mais surtout en s'engageant dans l'action politique des mouvements, en faisant bloc avec eux

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La crise à QS, la résilience et l’internationalisme

21 mai 2024, par Ronald Cameron
Beaucoup d’encre a coulé depuis la démission d’Émilise Lessard-Therrien comme co-porte-parole à Québec solidaire et la sortie de Gabriel Nadeau-Dubois du 1er mai. QS doit viser (…)

Beaucoup d’encre a coulé depuis la démission d’Émilise Lessard-Therrien comme co-porte-parole à Québec solidaire et la sortie de Gabriel Nadeau-Dubois du 1er mai. QS doit viser à prendre le pouvoir et à gouverner, ça ne fait aucun doute. Toutefois, la prise du pouvoir, même électorale, sera (…)

Monnaie locale, un projet entériné ?

21 mai 2024, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Avant l’arrivée de la pandémie, il existait plusieurs projets de monnaies locales au Bas-Saint-Laurent et Gaspésie. (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Avant l’arrivée de la pandémie, il existait plusieurs projets de monnaies locales au Bas-Saint-Laurent et Gaspésie. Par exemple, avec le demi qui circulait en Gaspésie. Cette monnaie locale consistait simplement à couper en deux des (…)

Les Banques canadiennes parmi les plus importants investisseurs dans les énergies fossiles

Un collectif d'organisations a publié le 13 mai dernier le rapport intitulé Banking on climate chaos. Ce document nous apprends que les banques, à l'échelle internationale, ont (…)

Un collectif d'organisations a publié le 13 mai dernier le rapport intitulé Banking on climate chaos. Ce document nous apprends que les banques, à l'échelle internationale, ont investit la somme de 6 896 milliards de dollars depuis l'accord de Paris, fin 2015. Les banques canadiennes figurent avantageusement dans ce classement. Quatre d'entre elles arrivent parmi les 20 plus importants investisseurs dans les énergies fossiles.

Comme le souligne le site Reporterre, « rien qu'en 2023, année la plus chaude jamais enregistrée, les plus grandes institutions bancaires de la planète ont injecté 705 milliards de dollars dans les énergies fossiles ». Parmi les 60 institutions bancaires qui figurent au classement présenté par le rapport, la Banque royale du Canada arrive au 7e rang avec 256 milliards investis entre 2016 et 2023. La Scotia Bank se pointe au 11e rang avec des sommes investies totalisant plus de 192 milliards de dollars. Puis, la Banque Toronto Dominion arrive au 16e rang mondial avec des investissements totaux de plus de 178 milliards durant la même période. La CIBC n'est pas en reste alors qu'elle se pointe au 21e rang avec des investissements de plus de 134 milliards. La RBC (7e rang), la Scotia Bank (10e rang) et la Banque TD (11e rang) apparaissent ainsi au classement intitulé les 12 salauds. Le deux premières figurent parmi les 12 plus importantes investisseurs dans les énergies fossiles depuis 2016.

Le rapport souligne également le grands projets d'exploitation des énergies fossiles. Parmi ces projet apparaît au 3e rang parmi les plus importants an niveau mondial le pipeline Coastal gazlink qui comprend des investissements de la RBC, de la TD et de la Banque de Montréal. Le pipeline Trans Mountain arrive au 4e rang de ce classement appuyé par des investissements du même trio de banques. En bas de classement de ces investissements se pointent trois projets d'exploitation de mines de charbon de la compagnie Glencore appuyé par la RBC et d'autres banques étrangères celles-là : la Elk Valley resources Cokin Coal Mines (Sparwood, Colombie-Britannique) appuyé notamment de la RBC, la Greenhill coal mine (Elkford, Colombie-Britannique) de la même Glencore appuyé à nouveau par la RBC au 45e rang et la Line Creek coal (Kootenay, Colombie-Britannique) mine au 46e rang.

En ce qui a trait aux investissements dans l'exploitation des sables bitumineux, 5 des 6 plus importants investisseurs du secteur bancaire sont canadienne. Celles-ci ont investit plus de 2 milliards de dollars en 2023 dans ce secteur. Depuis 2016, ce sera plus de 44 milliards de dollars qui auront été investit dans l'exploitation des énergies fossiles les plus polluantes.

Quant aux projets visant l'Artique, les banques canadiennes se montrent prudentes. La Banque royale du Canada arrive au 30e rang mondial des investisseurs du secteur bancaire dans ce type de projets avec des investissements totalisant 209 millions de dollars. La CIBC a placé 172 millions de dollars et arrive au 32e rang de ce groupe, la Scotia Bank (36e rang, 127 millions de dollars) et la Toronto Dominion (37e rang, 116 millions de dollars).

À l'étranger, les Banques canadiennes sont passablement actives dans des projets situés en Amazonie, un territoire sensible. La Scotia Bank a investit 472 millions de dollars (8e rang mondial) dans des projets ayant cours dans cette zone géographique depuis 2016, la Banque Royale 208 millions de dollars (11e rang mondial), la CIBC 93 millions de dollars (17e rang mondial) et la TD 13 millions de dollars (29e rang mondial).

Enfin, les banques canadiennes sont bien présentes dans les projets d'exploitation en eaux profondes. La Banque royale a investit 998 millions de dollars (22e rang mondial) depuis 2016 dans ce secteur. Suit la Toronto Dominion avec des investissements de 370 millions de dollars (29e rang mondial), la CIBC avec 195 millions de dollars (36e rang mondial) et la Banque de Montréal 96 millions de dollars (41e rang mondial).

Devant un tel amas de chiffres, on ne peut que conclure que les banques, canadiennes ou autres, n'ont aucun intérêt à se retirer de l'exploitation des énergies fossiles. C'est leur survie qui est en jeu. On ne peut que conclure que rien ne pourra les convaincre d'agir en faveur d'une société faible en carbone. Elles ont au contraire tout intérêt à poursuivre leur travail et pousser plus avant les projets destructeurs de l'environnement. Elles devront être contraintes à s'en retirer.

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L’État d’urgence en Nouvelle-Calédonie : une population divisée

21 mai 2024, par Nanihi Laroche
Lundi 13 mai, des émeutes ont éclaté en Nouvelle-Calédonie, un territoire français autonome de la République française au milieu de l’océan Pacifique. Les violences ont été (…)

Lundi 13 mai, des émeutes ont éclaté en Nouvelle-Calédonie, un territoire français autonome de la République française au milieu de l’océan Pacifique. Les violences ont été initiées suite au dépôt d’un projet de loi à l’Assemblée nationale française (ANF) pour permettre l’élargissement du corps (…)

Déclaration Urgence Palestine : exigeons des sanctions contre Israël !

21 mai 2024, par Collectif
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La coalition du Québec Urgence Palestine (urgencepalestine.qc@gmail.com) appelle à signer une nouvelle déclaration pour exiger des sanctions contre Israël. Elle invite aussi à une nouvelle manifestation à Montréal, le dimanche le 9 juin, à 14 h. L’article Déclaration Urgence Palestine: exigeons (…)

Censure d’un livre en France en 2023 dans le contexte de la guerre à Gaza !

21 mai 2024, par Didier Monciaud — , ,
« Ce livre n'est plus disponible à la vente » : voilà l'indication sur le site de la maison d'édition Fayard (1) concernant cet ouvrage d'Ilan Pappé, célèbre historien (…)

« Ce livre n'est plus disponible à la vente » : voilà l'indication sur le site de la maison d'édition Fayard (1) concernant cet ouvrage d'Ilan Pappé, célèbre historien israélien critique (2), publié en français en 2008. Ainsi, il n'est désormais plus disponible ! Parue initialement en anglais en 2006 (3), l'étude analyse la fondation de l'État d'Israël en 1948 et la catastrophe qu'elle entraîne pour le peuple palestinien.

Didier Monciaud, « Censure d'un livre en France en 2023 dans le contexte de la guerre à Gaza ! », Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique, 159 | 2024, 133-142.
https://journals.openedition.org/chrhc/23377

Une solide enquête d'Hocine Bouhadjera dans ActuaLitté (4), magazine littéraire en ligne, rend publique cette décision. Fayard justifie sa décision par un argument juridique : « le contrat était caduc depuis le 27 février 2022. La maison a donc acté, le 3 novembre dernier, sa fin d'exploitation ».

Ne disposant plus d'exemplaires, Patrick Bobulesco, célèbre libraire du Point du Jour à Paris, cherche à en commander sur Dilicom. Il découvre que l'ouvrage est en « arrêt définitif de commercialisation ». Le site ORB confirme que le livre est désormais épuisé en raison de l'arrêt de sa commercialisation depuis le 7 novembre 2023. « Craignant une censure », Patrick Bobulesco contacte par mail Isabelle Saporta, directrice de Fayard. Il explique l'importance de cette étude pour la compréhension des enjeux au Proche-Orient, qui émane d'une « voix érudite, mais non consensuelle ». Dans sa réponse, la responsable de la maison d'édition évoque « une pression croissante pour limiter l'expression de “voix discordantes” en France ».

Étrange et inquiétante situation, alors que l'intérêt pour le Proche et le Moyen-Orient est très important avec la tragique actualité. Hocine Bouhadjera précise que le « Que sais-je ? » Les Origines du conflit israélo-arabe (1870-1950) est en tête des ventes dans la catégorie « Essais et documents », loin des propos de « nos biens connus éditorialistes de plateaux télévisés, ou le jour et la nuit (5)... ».

Un historien israélien engagé désormais en exil

Né en 1954 à Haïfa, Ilan Pappé appartient aux « nouveaux historiens israéliens », ensemble hétéroclite de chercheurs qui réexaminent de façon critique l'histoire de l'État d'Israël et du sionisme, en particulier les conditions de sa création en 1948, le déplacement des Palestiniens, les politiques et les stratégies des dirigeants sionistes et israéliens (6). Ils rompent avec le discours dominant affirmant qu'en 1948 le « départ » des 750 000 Palestiniens environ correspond à une fuite suivant les consignes de dirigeants arabes.

Ces différents travaux iconoclastes reposent sur des archives britanniques et aussi israéliennes. Ils démontrent que la fuite des Palestiniens est avant tout le résultat du conflit de 1948 et d'opérations militaires israéliennes. Outre Ilan Pappé, les figures les plus connues sont Benny Morris, Avi Shlaïm, Simha Flapan ou Tom Segev (7).

Enseignant à l'université de Haïfa, membre un certain temps du Parti communiste israélien (8) Ilan Pappé va subir de violentes attaques autour de ses recherches historiques et de positions publiques. On mentionnera en particulier l'affaire « Tantura/Katz » : Teddy Katz consacre un mémoire de maîtrise à l'université de Haïfa au massacre du village palestinien de Tantura en 1948 ; ses travaux entraînent une virulente bataille avec des postures politique, médiatique et judiciaire (9) ; Ilan Pappé le soutient.

Ses différends avec des historiens de l'université de Haïfa s'approfondissent, en particulier avec Yoav Gelber et Benny Morris. À la racine de cette hostilité se trouvent ses analyses du départ des Palestiniens produit d'une épuration ethnique planifiée par les dirigeants du mouvement sioniste avant la guerre de 1948.

Ses options très critiques entraînent des réactions très hostiles. Il se déclare favorable à la campagne BDS (boycott, désinvestissement et sanctions) (10) des universités israéliennes. Cette campagne promeut le boycott de l'État d'Israël dans les domaines académique, économique, culturel et politique. Très sévère sur le processus de paix, sa nature et ses limites, il caractérise comme « résistance » les actions du Hamâs (11) (« ferveur, zèle » en arabe et acronyme partiel de ḥarakaẗ ʾal-muqāwma ʾal-ʾislāmiyya, Mouvement de résistance islamique) contre l'occupation israélienne et définit la politique de l'État d'Israël comme « génocide » à Gaza et « nettoyage ethnique » en Cisjordanie.

Finalement, en 2007, devant la virulence des échanges et les procédures engagées contre lui, il part en Grande-Bretagne (12). Désormais, il enseigne à l'université d'Exeter et dirige le Centre européen d'études sur la Palestine.

Un livre sulfureux et dérangeant pour le mythe de 1948

Son étude est consacrée à la création de l'État d'Israël en 1948. Cet épisode, tragique et décisif, est désigné par les Palestiniens comme la Nakba (catastrophe ou désastre). Ce terme, employé au départ par Constantin Zureiq en 1948, s'est ensuite généralisé (13). La recherche s'appuie en particulier sur des archives sionistes, notamment celles de la Hagannah (14), des archives britanniques, la presse, des documents personnels, des témoignages.

Examinant le départ des Palestiniens entre 1947 et 1948, il démontre comment la fondation de l'État d'Israël repose sur l'expulsion de la population arabe, selon une politique de nettoyage ethnique organisée par les dirigeants sionistes (15). Son approche est aux antipodes de l'idée diffusée de l'accident dans le contexte d'un conflit armé. Bien avant le conflit, les responsables sionistes comprennent que la réalisation de leur projet fait face à la présence palestinienne. Le « transfert » de la population arabe n'est donc pas le produit des circonstances, mais est bien un élément clé du projet sioniste. De la fin 1947 à 1948, une politique volontaire d'expulsion et de destruction est donc mise en œuvre dans les villages et les villes de Palestine.

Fin 1947, l'ONU adopte un « plan de partage (sic) ». La Palestine compte alors un million huit cent mille habitants environ, avec un tiers de juifs et deux tiers d'Arabes. La résolution 181 décide de la partition en deux États. Un premier État est très majoritairement peuplé d'Arabes et dans le second État, les juifs seront légèrement majoritaires. La ville de Jérusalem et ses alentours sont placés sous contrôle international et relèvent d'un statut international particulier (16). D'un point de vue « qualitatif » (terres agricoles, ressources, zone désertique, accès aux côtes), ce « partage » est au détriment des Palestiniens.

L'État d'Israël qui émerge après la victoire des groupes armés sionistes en 1948 comprend une très forte majorité juive sur 78 % du territoire de la Palestine. Plus de 400 villages arabes sont détruits, de nombreuses villes sont vidées ou quasi vidées de leur population arabe. Environ 750 000 Palestiniens se retrouvent réfugiés hors de Palestine (17), ayant fui en raison des peurs, intimidations et violences. Le nouvel État « juif » comprend une substantielle minorité arabe de 160 000 personnes, des Palestiniens restés sur place.

Un contexte particulier

La décision de ne plus diffuser ce livre survient dans le contexte de la guerre à Gaza, à la suite de l'opération armée de l'organisation nationaliste intégriste Hamâs le 7 octobre 2023 contre des cibles militaires et des villages de civils au sein de l'État d'Israël.

En France, les autorités gouvernementales, les principales forces politiques et les grands médias affirment alors un large et inconditionnel soutien à l'État d'Israël et à Benjamin Netanyahu, à la tête d'un gouvernement de coalition d'extrême droite. Souvent avec véhémence, cet appui prend la forme de la diabolisation et de la condamnation de toute posture ou analyse différente ou critique. Quelques exemples de ce climat quasi maccarthyste : l'injonction généralisée de « la » question « condamnez-vous le Hamas comme terroriste ? » ; l'emploi systématique du terme Tsahal ; la généralisation de la prononciation hébraïque de Hamas avec un [KH] comme la jota espagnole ; le recours, pour justifier l'attaque israélienne contre Gaza et sa population, à l'argument du « droit à se défendre », pourtant inexistant en droit international… On pourrait en citer de multiples autres exemples.

La tenue de manifestations contre l'opération militaire israélienne qui touche les civils gazaouis est devenue très difficile et l'objet de batailles juridiques pour empêcher les interdictions. Tout cela se déroule dans un climat médiatique qu'on qualifiera d'« hystérique », à défaut de trouver un meilleur terme, et apologétique avec la reprise des éléments de langage et des analyses israéliennes, même les plus éculés.

Le virulent concert de refus de toute voix différente a entraîné de vicieuses et nauséabondes campagnes, en particulier contre les rares organisations politiques françaises comme LFI ou le NPA, qui ne s'inscrivent pas dans cette logique, avec différentes accusations : apologie du terrorisme ; agents du Hamas et/ou de l'intégrisme ; antisémitisme ; responsabilité des violences contre des juifs en France... L'ancien Premier ministre de droite Dominique De Villepin a aussi subi les foudres des « zélés démocrates » pour avoir dénoncé les médias et leur traitement orienté des développements au Proche-Orient.

Deux épisodes méritent d'être mentionnés. Le 6 décembre 2023, la conférence de la chercheuse états-unienne Judith Butler, intitulée « Contre l'antisémitisme, son instrumentalisation et pour la paix révolutionnaire en Palestine », est annulée par la Mairie de Paris en raison de « risques de troubles à l'ordre public » et la possibilité de « dérapages » dans les discours ! Une militante palestinienne du FPLP, Mariam Abu Daqqa, a non seulement vu son invitation à parler dans une réunion au sein de la Chambre des députés être annulée par la présidente du Parlement, mais elle a été arrêtée et expulsée. Avec en plus une vaste campagne médiatique sur la nature terroriste de son organisation et ses liens avec LFI.

Un étrange double langage est alors apparu, surtout si l'on compare avec l'Ukraine. Dans ce cas, les violences contre les civils et les infrastructures de la société ont toujours été dénoncées, mais non dans le cas de l'attaque israélienne contre Gaza... La tour Eiffel a été éteinte puis illuminée aux couleurs de l'État d'Israël le lundi 9 octobre 2023 en soirée, mais rien pour les Palestiniens malgré les intenses bombardements qui frappent essentiellement les civils gazaouis.

Le champ académique n'est pas épargné par cette fièvre qui affecte la société française. Plus de 1 300 chercheurs et universitaires dénoncent dans une tribune « intimidations, diffamations et restrictions de la parole scientifique au sein des universités depuis les événements dramatiques du 7 octobre » et « un climat de menace qui engendre peur et autocensure, au détriment de la libre expression ». Dans certains cas, on parle de censure (18). « Le climat de pressions et d'intimidations » concerne les chercheurs français travaillant sur la Palestine et le monde arabe (19), avec, en particulier, une stigmatisation des défenseurs d'analyses critiques ou en rupture avec le discours dominant.

L'offensive Bolloré dans le secteur du livre, contexte et enjeux

Loin d'être un acte anodin, ce retrait des ventes du livre d'Ilan Pappé, qui représente une forme de censure, s'inscrit dans un contexte d'une vaste offensive idéologique réactionnaire. Cela se déroule aussi dans un moment particulier pour le marché du livre et de l'édition en France. Si ce marché se porte bien, il est en plein bouleversement (20).

Bolloré doit cependant céder le groupe Editis sous la pression de Bruxelles.
La prise de contrôle par Vincent Bolloré en 2022 du groupe Hachette va entraîner la constitution d'un mastodonte de l'édition (21). Au départ, Arnaud Lagardère fait appel à Bolloré pour préserver sa place à la tête de son groupe en difficulté, mais ce dernier va en faire la conquête.

Personnage important du capitalisme et du grand patronat français contemporain (22), Vincent Bolloré défend aussi des conceptions politiques catholiques intégristes et des options conservatrices et réactionnaires. Malgré ses dénégations, il affirme progressivement un véritable projet politique (23), qui comprend le rapprochement des droites et de l'extrême droite (24).

Industriel au départ, son empire s'implante de plus en plus dans les médias avec « la stratégie de l'araignée (25) », selon l'expression de Rosa Moussaoui. Sa présence est ainsi substantielle dans la radio (Europe 1, RFM, Virgin Radio), la télévision (groupe Canal+, CNews, CStar et C8), la presse (Journal du dimanche, Paris-Match, France catholique) et Prisma Media (Voici, Gala, Géo, National Geographic, Capital, etc.), le cinéma (Studiocanal, production, acquisition, distribution), le jeu vidéo (Gameloft, premier éditeur mondial de jeux vidéos pour mobiles), la musique (Vivendi Village, organisateur de festivals de musique, propriétaire de salles à Paris, notamment le mythique Olympia). Ajoutons la publicité (Havas), la vente de billets électroniques avec See Tickets, anciennement Digitick, leader mondial, et des parts chez Universal ou Dailymotion.

Dans le secteur de la télévision, la chaine CNews et la radio Europe 1 sont les principaux organes de diffusion de ses conceptions. Cyril Hanouna occupe une place d'importance, véritable « chef de meute pour Bolloré (26) » suivant la formule de Julia Hamlaoui, « avatar populaire de l'idéologie d'un milliardaire (27) ».

Cet empire médiatique participe activement à la diffusion de thèmes et d'analyses ultraréactionnaires. Son orientation générale est marquée par un nationalisme chauvin, une xénophobie, une haine de l'islam, souvent sous couvert d'anti-intégrisme, une défense d'une « authenticité française » dans la lignée du Puy-du-Fou. Depuis le 7 octobre 2023 s'affiche une virulente ligne de soutien inconditionnel à l'État l'Israël et à Benyamin Netanyahu. Cette ligne sur fond islamophobe reprend le thème de « la guerre des civilisations », ressortant de la naphtaline l'opuscule de Samuel Huntington (28). Pour une critique du traitement médiatique par les principaux médias, au-delà du groupe Bolloré, nous renvoyons au site ACRIMED (29).

Les enjeux au sein des métiers du livre sont multiples. La prise de contrôle du groupe Lagardère, propriétaire d'Hachette-Livre, représente « un moment angoissant », car ce « véritable tsunami » engendre de graves inquiétudes chez Antoine Gallimard, patron des éditions Gallimard, avec la pénétration des secteurs parascolaire, scolaire et du livre de poche, désormais largement sous l'emprise de deux géants, Hachette et Editis (30).

Ces bouleversements ne se cantonnent pas à la seule sphère économique, mais représentent également de véritables enjeux démocratiques avec les dangers d'ingérence idéologique et de censure. En prenant pied à cette échelle dans ce secteur, Vincent Bolloré laisse transparaître « une volonté de contrôler une grande partie de la production intellectuelle française (31) » et de constituer un « pôle de diffusion de l'idéologie d'extrême droite (32). Il apparaît comme « l'artisan d'un Disney français d'extrême droite (33) ».

Sa place de numéro un de l'édition ne sera pas sans conséquence pour les salariés. Les craintes de casse sociale sont fondées, surtout si on examine ce qui s'est déroulé dans des médias Bolloré comme CNews, le JDD ou encore Europe 1. De véritables purges y ont imposé une ligne éditoriale clairement orientée à l'extrême droite (34).

Les conséquences concernent aussi les auteurs, qui risquent d'être davantage fragilisés face à ces monopoles. Les négociations sur le statut d'auteur seront complexes. L'affirmation du géant Bolloré affectera les lecteurs, tant en termes de catalogues de vente que d'accès aux livres dans les bibliothèques et les médiathèques.

Avec cette montée de la mainmise de Bolloré, la diversité du secteur de l'édition est donc menacée. Plusieurs maisons d'édition indépendantes dénoncent déjà ce « mégagroupe » en cours de constitution (35). La défense de l'édition indépendante constitue désormais un enjeu démocratique d'importance.

Conclusion

Désormais introuvable en version papier dans les magasins, le livre d'Ilan Pappé est pourtant réapparu : il a été mis en ligne et rendu accessible gratuitement sur le Net à la fin 2023. Une telle initiative est bien sûr illégale… Mieux encore, il est republié en mai 2024 par les Éditions La Fabrique.

Les menaces lourdes qui pèsent sur l'édition dépassent cet épisode inquiétant de censure, expression d'un raidissement antidémocratique. Elles vont bien au-delà de la question palestinienne. Il s'agit de l'expression, certes limitée à un ouvrage mais bien concrète et préoccupante, d'un « illibéralisme » en œuvre de manière plus générale.

Le livre LIlan Pappé est en vente aux éditions de la rue Dorion.

Notes

1- <https://www.fayard.fr/livre/le-nett...> .

2- Citons quelques exemples de ses travaux. En français : La Guerre de 1948 en Palestine : aux origines du conflit israélo-arabe, La Fabrique, 2000 ; Une terre pour deux peuples : histoire de la Palestine moderne, Fayard, 2004 ; Les Démons de la Nakbah : les libertés fondamentales dans l'université israélienne, La Fabrique, 2004 ; Palestine : l'état de siège, Galaade, 2013 ; Les Dix légendes structurantes d'Israël, Les Nuits rouges, 2022. En anglais : The Israel-Palestine Question, Routledge, 1999 ; The Rise and Fall of a Palestinian Dynasty : The Husaynis 1700-1948, Saqi Books, 2010 ; Out of the Frame : The Struggle for Academic Freedom in Israel, Pluto Press, 2010 ; The Bureaucracy of Evil : The History of the Israeli Occupation, Oneworld Publications, 2012 ; The Idea of Israel : A History of Power and Knowledge, Verso, 2014.

3- Ilan Pappé, The Ethnic Cleansing of Palestine, Londres, Oneworld, 2006.

4- Hocine Bouhadjera, « Fayard éclipse en catimini un de ses ouvrages sur la Palestine », ActuaLitté. Les univers du livre, 08/12/2023, <https://actualitte.com/article/1147...> .

5- Idem.

6- Dominique Vidal et Joseph Algazy, Le Péché originel d'Israël : l'expulsion des Palestiniens revisitée par les « nouveaux historiens » israéliens, Éditions de l'Atelier, 1998.

7- Citons quelques travaux : Tom Seguev, Le Septième million. Les Israéliens et le génocide, Liana Levi, 1993 ; Tom Segev, Les Premiers Israéliens, Calmann-Lévy, 1998 ; Simha Flapan, The Birth of Israel : myths and realities, NPantheon Books, 1987 ; Benny Morris, The Birth of the Palestinian refugee problem, 1947-1949, Cambridge University Press, 1987 ; Benny Morris, 1948 and after : Israel and the Palestinians, Clarendon Press, 1994 ; Benny Morris, Victimes : histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, Complexe et IHTP, 2003 ; Avi Shlaïm, Collusion across the Jordan : King Abdullah, the Zionist Movement and the Partition of Palestine, Columbia University Press, 1988 ; Avi Shlaïm, Le Mur de fer. Israël et le monde arabe, Buchet Chastel, 2008.

8- En 1996, il est candidat à la Knesset sur la liste du Hadash, front électoral animé par le Parti communiste israélien.

9- Le documentaire Tantura (2022) d'Alon Schwarz explique le massacre dans ce village le 23 mai 1948, perpétré par la brigade Alexandroni. Il s'appuie sur des témoignages, notamment audio, d'anciens soldats de l'unité d'élite israélienne enregistrés pour sa maîtrise par Theodore Katz.

10- Voir Omar Barghouti, Boycott, désinvestissement et sanctions, La Fabrique, 2010 ; Eyal Sivan et Armelle Laborie, Un boycott légitime, La Fabrique, 2016.

11- Issu des Frères musulmans palestiniens et fondé en 1987, il possède une branche armée, les brigades Izz al-Din al-Qassam, et est principalement actif dans la bande de Gaza.

12- Voir Ilan Pappé, « Je quitte Israël », Michele Giorgio (entretien), 26 mars 2007, Association France-Palestine Solidarité (AFPS), <https://www.france-palestine.org/Il...> .

13- Constantin Zureik (1909-2000), intellectuel syrien spécialiste d'histoire arabe moderne et un des principaux théoriciens du nationalisme arabe, est le premier à parler de « Nakba » (catastrophe ou désastre) dès l'été 1948, quand il rédige un livre intitulé Ma'na al_Nakba (signification de la catastrophe), consacré à la défaite des Palestiniens arabes face aux différents groupes armés sionistes et au départ de plus de 700 000 Palestiniens. Voir Constantin Zureiq, Ma'na al-Nakba ( معنى النكبة), Beyrouth, Dâr al-'Ilm lil-Malayîn, 1948 ; Akram Belkaïd, « النكبة Al-Nakba, Palestine. Un peuple, une colonisation », Manière de voir, n° 157, février-mars 2018.

14- Principale organisation paramilitaire sioniste dans la Palestine mandataire entre 1920 et 1948, elle fournit les éléments centraux de l'armée israélienne (« Tsahal », acronyme hébreu désignant les « forces de défense d'Israël » ou IDF, Israel Defense Forces en anglais) fondée officiellement le 26 mai 1948.

15- Pour une approche convergente, nous renvoyons aux très importants travaux de l'historien palestinien Nur Masalha, hélas toujours inaccessibles en langue française. Né en 1957, il est actuellement chercheur au St Mary's College et rédacteur en chef de la stimulante et critique revue Holy Land Studies and Palestine Studies (anciennement Holy Land Studies). Son travail de thèse est consacré à l'idée du « transfert » dans le sionisme : Expulsion of the Palestinians : the Concept of "Transfer" in Zionist Political Thought, 1882-1948, Washington DC, Institute for Palestine Studies, 1992. Pour d'autres publications : Palestine, a Four Thousand Year History, Zed Books, 2020 ; Theologies of Liberation in Palestine-Israel : Indigenous, Contextual, and Postcolonial Perspectives, Pickwick Publications, 2014 ; The Zionist Bible : Biblical Precedent, Colonialism and the Erasure of Memory, Acumen, 2013 ; The Palestine Nakba : Decolonising History, Narrating the Subaltern, Reclaiming Memory, Zed Books, 2012 ; Catastrophe Remembered. Palestine, Israel and the Internal Refugees, Essays in Memory of Edward W. Saïd, Zed Books, 2005 ; The Politics of Denial : Israel and the Palestinian Refugee Problem, Pluto Press, 2003 ; Imperial Israel and the Palestinians : the Politics of Expansion, Pluto Press, 2000 ; A land without a people, Faber and Faber, 1997. Le documentaire La Terre parle arabe, de Maryse Gargour, coécrit avec Sandrine Mansour, s'appuie sur ses recherches. Voir <https://www.youtube.com/watch?v=oyb...> .

16- Voir Dominique Vidal, Comment Israël expulsa les Palestiniens (1947-1949), Éditions de l'Atelier, 2009 ; Ilan Pappé, La Guerre de 1948 en Palestine : aux origines du conflit israélo-arabe, La Fabrique, 2000 ; Benny Morris, 1948 : A History of the First Arab-Israeli War, Yale University Press, 2008 ; Issa Khalaf, Politics in Palestine : Arab Factionalism and Social Disintegration, SUNY, 1991 ; William Roger Louis, The British Empire in the Middle East, 1945-1951 : Arab Nationalism, the United States, and Postwar Imperialism, Oxford University Press, 1985.

17- Outre les titres mentionnés plus haut, voir Walid Khalidi, Pour ne jamais oublier : les villages de Palestine détruits par Israël en 1948 et les noms de leurs martyrs, Institut des études palestiniennes, 2001 ; 1948, la première guerre israélo-arabe, Actes Sud, 2013 ; Nakba, 1947-1948, Actes Sud, 2012 ; Sandrine Mansour, L'Histoire occultée des Palestiniens, 1947-1953, Éditions Privat, 2013.

18- Raphaël Godechot, Mike Strachinescu et Thomas Lemahieu, « Palestine, censure dans les universités françaises », l'Humanité, mise à jour le 07/12/2023, <https://www.humanite.fr/societe/pal...> .

19- « “Sur la Palestine, il y a un climat de répression et d'intimidation des chercheurs”, dénonce le sociologue Sbeih Sbeih », Élisabeth Fleury, l'Humanité, mise à jour le 04/12/2023, <https://www.humanite.fr/societe/isr...> .

20- « Le monde de l'édition en plein bouleversement », France Culture, 7 novembre 2023, <https://www.radiofrance.fr/francecu...> .

21- Bolloré doit cependant céder le groupe Editis sous la pression de Bruxelles.

22- Nathalie Raulin, Vincent Bolloré : enquête sur un capitaliste au-dessus de tout soupçon ?, Denoël, 2000 ; Catherine Vuillermot, Michel Villette, Portrait de l'homme d'affaires en prédateur, La Découverte, 2005 ; « Vincent Bolloré, un ami qui vous veut du bien ? », Complément d'enquête, présenté par Nicolas Poincaré, France 2, 7 avril 2016, Prix Albert-Londres 2017, <https://www.youtube.com/watch?v=xrd...> .

23- Cécile Prieur, « Bolloré, un projet politique », NouvelObs, 12 avril 2023, <https://www.nouvelobs.com/edito/202...> .

24- Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, « Vincent Bolloré, parrain d'une alliance entre la droite et l'extrême droite », Le Monde, 20 décembre 2023, modifié le 21 décembre 2023, <https://www.lemonde.fr/politique/ar...> .

25- Rosa Moussaoui, « Bolloré et les médias, la stratégie de l'araignée », l'Humanité, 14 septembre 2023, <https://www.humanite.fr/medias/aide...> .

26- Julia Hamlaoui, « Hanouna, chef de meute pour Bolloré », l'Humanité, 17 novembre 2022, <https://www.humanite.fr/politique/c...> .

27- A. Guilhem, « Hanouna, avatar populaire de l'idéologie d'un milliardaire », Mediapart, Billet de Blog, 12 novembre 2022, <https://blogs.mediapart.fr/leucha/b...> .

28- Samuel Huntington, The Clash of Civilisations and the Remake of World Order, New York, Simon & Schuster, 1996, 368 p., trad. française : Le Choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 1997, 402 p.

29- Voir ACRIMED : <https://www.acrimed.org/> .

30- Hugo Boursier, « Bolloré : main basse sur l'édition », Politis, n° 1678, 3 novembre 2021.

31- Idem.

32- Éditions Syllepse, « Bolloré : Main basse sur le livre », Hebdo L'Anticapitaliste, n° 604, 24 février 2022.

33- Martin Mendiharat, « Alerte : la terreur Bolloré plane sur 20 maisons d'édition en France », L'Insoumission, 21 janvier 2022, <https://linsoumission.fr/2022/01/21...> .

34- Idem.

35- « Des maisons d'édition indépendantes dénoncent le “mégagroupe” que prépare Vincent Bolloré », J. Br. avec AFP, 20 juin 2022, BFMTV, <https://www.bfmtv.com/economie/des-...> .

Didier Monciaud, « Censure d'un livre en France en 2023 dans le contexte de la guerre à Gaza ! », Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique, 159 | 2024, 133-142.

Référence électronique

Didier Monciaud, « Censure d'un livre en France en 2023 dans le contexte de la guerre à Gaza ! », Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique [En ligne], 159 | 2024, mis en ligne le 02 avril 2024, consulté le 18 mai 2024. URL : http://journals.openedition.org/chrhc/23377 ; DOI : https://doi.org/10.4000/chrhc.23377

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Chine/États-Unis, le capitalisme contre la mondialisation

21 mai 2024, par Regards.fr — ,
6 mai 2024 | tiré de regards.fr https://www.youtube.com/watch?v=ZFqhfF0Yr1A « La Chine remet en cause la mondialisation sous supervision américaine qui lui a donné sa (…)

6 mai 2024 | tiré de regards.fr
https://www.youtube.com/watch?v=ZFqhfF0Yr1A

« La Chine remet en cause la mondialisation sous supervision américaine qui lui a donné sa puissance »

Benjamin Bürbaumer, économiste et auteur "Chine/États-Unis, le capitalisme contre la mondialisation" aux éditions La Découverte, est l'invité de #LaMidinale du site regards.fr.

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Russie : L’attentat terroriste et l’élection ouvrent la voie à Poutine pour l’intensification de la répression et de la guerre

21 mai 2024, par Ilya Boudraitskis — , ,
Dans un entretien avec Ashley Smith pour Truthout, le militant Ilya Budraitskis analyse l'attaque terroriste survenue le 22 mars 2024, les élections russes et l'évolution de la (…)

Dans un entretien avec Ashley Smith pour Truthout, le militant Ilya Budraitskis analyse l'attaque terroriste survenue le 22 mars 2024, les élections russes et l'évolution de la guerre. Le président russe Vladimir Poutine tente déjà d'utiliser l'horrible attentat terroriste qui a eu lieu dans une salle de concert à Moscou pour alimenter ses objectifs impérialistes et autoritaires. Ilya Budraitskis dit craindre que Poutine n'aggrave bientôt « cette tragédie par la répression à l'intérieur du pays et par la mort et la destruction à l'extérieur ».

13 mai 2024 | tiré d'Inprecor | Photo : Des personnes font la queue pour entrer dans un bureau de vote vers midi, le dernier jour de l'élection présidentielle à Moscou, en Russie. « Pourquoi je suis là ? Je pense que tout le monde sait pourquoi je suis là ! » © Maxim Shemetov/Reuters.

Le groupe terroriste État islamique de la province de Khorasan (ISIS-K) a revendiqué la responsabilité de l'attentat, au cours duquel un groupe de terroristes a tué et blessé des centaines de personnes qui assistaient à un concert de rock dans la banlieue de Moscou. Des responsables américains ont également attribué la responsabilité de l'attentat à ISIS-K. Mais le président Poutine et d'autres responsables russes ont fait des déclarations prétendant que l'Ukraine était impliquée dans l'attentat – une manœuvre destinée à détourner l'attention de l'échec de son régime à empêcher l'attaque, et à attiser le soutien à l'escalade de sa guerre impérialiste.

Tout ceci se déroule au lendemain de l'élection présidentielle russe, truquée, au cours de laquelle tous les candidats de l'opposition ont été interdits et où Poutine a remporté une victoire écrasante. Son nouveau mandat devant durer jusqu'en 2030, il deviendra le dirigeant du pays à la plus grande longévité depuis le dictateur soviétique Joseph Staline. Présentant l'élection comme une confirmation du soutien populaire à son régime, Poutine est prêt à consolider son pouvoir réactionnaire en Russie et à étendre sa guerre impérialiste en Ukraine.

Dans l'entretien ci-dessous, le socialiste russe Ilya Budraitskis partage ses réflexions sur l'attaque terroriste, l'élection, le pouvoir de Poutine, la nature du régime de Poutine et la trajectoire de la guerre.

Que s'est-il passé lors de l'horrible attentat terroriste de Moscou ? Qui en est à l'origine ? Comment les autorités russes et Poutine ont-ils réagi ? Comment vont-ils utiliser l'attentat en Russie et dans leur guerre impérialiste contre l'Ukraine ?

Un groupe de terroristes est entré dans Crocus City, une salle de concert à Moscou, armé de mitrailleuses et d'engins explosifs. Ils ont attaqué les gardes de sécurité privés, tiré sur les personnes présentes et déclenché leurs engins, déclenchant un incendie et tuant au moins 133 personnes et en blessant plus de 100.

Les forces de sécurité russes ont arrêté 11 personnes, dont quatre qui tentaient de fuir le pays vers le Belarus ou l'Ukraine. Ces quatre personnes étaient des travailleurs migrants originaires du Tadjikistan, une république d'Asie centrale et une ancienne république soviétique. Ils ont avoué avoir commis l'attentat, affirmant qu'ils avaient reçu 5 000 dollars pour le mener à bien.

Immédiatement après l'attentat, sans la moindre preuve, les responsables russes et les médias ont accusé l'Ukraine et ont même laissé entendre que les États-Unis étaient impliqués 1 . Poutine a retardé son intervention publique dans l'espoir de trouver ou de fabriquer des preuves à utiliser contre l'Ukraine.

Lorsqu'il s'est exprimé à la télévision nationale (2), vingt heures plus tard, il a affirmé que l'Ukraine essayait d'aider les terroristes à fuir la Russie. Les commentateurs des médias officiels russes ont également dénoncé les travailleurs migrants issus d'Asie centrale, comme s'ils partageaient une sorte de culpabilité collective pour l'attentat.

Aucune de ces accusations n'est crédible. Juste après l'attaque, les porte-paroles ukrainiens ont nié toute implication et ont averti que Poutine blâmerait l'Ukraine et encouragerait le soutien à sa guerre. Il est évident que l'attaque contre les migrants n'est que racisme et xénophobie.

En ce qui concerne les allégations contre les États-Unis, Washington avait en fait informé la Russie d'une attaque imminente d'ISIS-K, une branche d'ISIS basée en Afghanistan, qui a ciblé la Russie 2 parce que celle-ci a décimé ses forces en Syrie et soutenu le dictateur du pays, Bachar el-Assad. Depuis l'attentat, Washington a accusé ISIS-K de l'avoir perpétré.

Ce groupe a effectivement revendiqué l'attentat 3 , et il est probablement le coupable. ISIS-K a pu passer par l'Afghanistan et le Tadjikistan voisin pour s'assurer les services des auteurs de l'attentat.

Poutine a d'abord rejeté les avertissements de Washington en les qualifiant de désinformation et d'alarmisme. Ses forces de sécurité ont toutefois arrêté plusieurs personnes accusées d'être des agents d'ISIS. Mais il est clair qu'elles n'ont pas pris l'avertissement au sérieux, qu'elles n'ont pas éliminé tous les agents d'ISIS à Moscou et qu'elles n'ont pas réussi à empêcher l'attentat.

Néanmoins, Poutine a persisté à essayer d'incriminer l'Ukraine. Il est clair qu'il a l'intention d'instrumentaliser l'attaque pour justifier la répression intérieure et la guerre impérialiste en Ukraine.

C'est ainsi qu'il a réagi à de précédents attentats terroristes. Par exemple, lorsque des militants tchétchènes se sont emparés d'une école à Beslan 4 et ont pris plus de 1 100 otages, il a inconsidérément lancé un raid sur l'école, entraînant la mort de centaines de personnes, mettant un terme aux élections démocratiques des gouverneurs régionaux et aggravant considérablement la guerre en Tchétchénie.

Je prédis que Poutine suivra le même scénario aujourd'hui. Il adoptera de nouvelles mesures répressives, non seulement à l'encontre des terroristes présumés, mais aussi de toute dissidence face à son pouvoir en Russie. Dmitri Medvedev, vice-président du Conseil de sécurité, a déjà proposé de rétablir la peine de mort.

Il est probable que Poutine attise également le soutien patriotique en faveur d'une éventuelle nouvelle offensive en Ukraine. Il pourrait ainsi aggraver cette tragédie par la répression à l'intérieur du pays et par la mort et la destruction à l'extérieur.

Passons maintenant aux résultats des élections russes. Ils sont, bien sûr, sans surprise. Poutine a obtenu 87 % des voix. Étant donné que l'opposition a été écrasée et que les candidats anti-guerre ont été interdits, comment devons-nous comprendre ce résultat (6) ? Dans quelle mesure ce résultat reflète-t-il le soutien populaire au régime, dans quelle mesure est-il le résultat d'un soutien forcé et dans quelle mesure est-il le résultat d'un acquiescement passif ?

Les résultats de l'élection sont en effet sans surprise. Comme tous les autres dans la carrière de Poutine, ce résultat était réglé d'avance et truqué. Mais cette fois-ci, il y a des différences. Il a obtenu un score de niveau nord-coréen, ce qu'il n'avait jamais obtenu par le passé.

En 2000, lorsqu'il a été élu pour la première fois à la présidence, il n'a obtenu que 52 % des voix (7). Lors d'autres élections, c'était moins de 70 %, et lors de la dernière en 2018, il a recueilli 76 % des voix (8).

Pour obtenir 87 % des voix, il a abandonné tout semblant de démocratie. Son régime a organisé l'une des élections les plus falsifiées de l'histoire (9). C'est la conclusion partagée par la plupart des analystes des élections russes (10), à l'exception des soutiens au régime et ses apologistes.

Le niveau de falsification défie toute concurrence : ils ont falsifié les résultats, en publiant des chiffres qui ne correspondaient pas à la réalité. Pour permettre ce trucage des élections, Poutine a détruit toute l'infrastructure des observateurs indépendants.

Par exemple, le régime a interdit l'organisation non gouvernementale Golos (« Voix ») (11), qui avait été la principale organisation à former des observateurs électoraux indépendants. La plupart de ses organisateurs ont été emprisonnés ou chassés du pays.

En conséquence, Poutine a eu les coudées franches pour produire un résultat électoral en totale contradiction avec les sondages pré-électoraux indépendants. Selon l'un d'entre eux (12), seuls 50 % des électeurs ont déclaré avoir l'intention de voter pour Poutine.

Par ailleurs, 40 % des personnes interrogées ont déclaré ne pas savoir pour qui elles allaient voter ou n'ont pas souhaité exprimer publiquement leur préférence. Il est donc clair qu'il ne bénéficie pas du soutien de 87 % de la population russe.

Ce qu'il faut comprendre de cette soi-disant élection, c'est qu'elle était planifiée et contrainte. Par exemple, les employeurs, en particulier dans le secteur public, ont non seulement exigé de leurs employés qu'ils votent, mais aussi qu'ils partagent une photo de leur bulletin de vote.

Évidemment, ils étaient menacés, s'ils ne votaient pas pour Poutine, de perdre leur emploi. L'élection a donc été le produit d'une combinaison dystopique d'une dictature totalitaire extrême et d'un capitalisme de surveillance. En ce sens, il n'y a pas lieu de parler d'élection.

Poutine s'en sert déjà pour consolider son emprise idéologique sur la société russe, en présentant les résultats comme la confirmation que tout le monde est à l'unisson de son projet national et impérial.

Dans les régions occupées de l'Ukraine, les élections ont été encore plus truquées et les résultats sont surréalistes (14). Dans la soi-disant République populaire de Donetsk, 95 % des électeurs ont soutenu Poutine (15). Les forces d'occupation ont fabriqué ce résultat sous la menace des armes (16).

Le résultat le moins crédible de tous est la « victoire » de Poutine à Avdiivka, une ville qui vient d'être détruite par l'armée russe, qui en a chassé la majeure partie de la population. Néanmoins, il a obtenu un soutien massif dans la ville.

Tant en Russie qu'en Ukraine occupée, cette élection était un simulacre. Les résultats sont le fruit de la coercition et de la falsification systématique.

Juste avant l'élection, Poutine a fait tuer Alexeï Navalny pour envoyer un signal à l'opposition nationale et internationale à son régime. Néanmoins, sa veuve, Ioulia Navalnaya, a appelé à des protestations dans les urnes. Quelle a été leur ampleur ? Quelle est leur importance ?

L'appel de Ioulia Navalnaya, que j'ai totalement soutenu, n'a jamais été conçu pour influencer le résultat de l'élection, qui, comme je l'ai dit, était complètement prédéterminé par le régime. L'idée était plutôt d'en profiter pour mobiliser l'opposition politique.

Rappelons que tout rassemblement public non autorisé a été interdit et que toute dissidence politique, en particulier contre la guerre en Ukraine, a fait l'objet d'une répression brutale (17). Un nombre incalculable de personnes ont été jetées dans les prisons de Poutine.

Navalnaya a profité de la pression du régime pour que tout le monde vote pour appeler l'opposition à se rendre aux urnes à midi, le 17 mars. Le résultat a été étonnamment favorable, un grand nombre de personnes ayant répondu à l'appel (18).

Les autorités russes ont eu très peur de cette protestation programmée. Dans les jours précédant l'élection, elles ont demandé à de nombreuses personnes de se présenter à des postes de police et ont menacé de les arrêter et ou de leur faire payer des amendes pour action de masse illégale si elles agissaient.

En outre, ils ont supprimé les informations relatives à l'appel. Il ne faut pas oublier que tous les sites web de l'opposition, comme Meduza, ont été bloqués. Néanmoins, selon un sondage indépendant, près d'un quart des Russes avaient entendu parler de l'action.

Bien sûr, les chiffres qui ont été publiés étaient loin d'atteindre ce pourcentage. Mais le fait que les gens soient venus en grand nombre démontre l'opposition à Poutine et à sa guerre impérialiste en Ukraine.

Les capacités de résilience du régime de Poutine et du capitalisme russe sont surprenantes, face à la guerre, à la tentative de coup d'État d'Evgueni Prigojine (19) et aux sanctions occidentales. Comment l'expliquez-vous ?

La principale raison de la stabilité économique de la Russie est son industrie pétrolière. Elle n'est pas sanctionnée 5 et, comme le prix du pétrole reste très élevé, la Russie a pu maintenir sa croissance économique et sa rentabilité.

Dans le même temps, le prix de la guerre est très élevé. On estime que l'armée absorbe environ 40 % du budget du régime (21). Cette économie de l'armement peut également alimenter la croissance, en particulier chez les fabricants d'armes, au cours des deux prochaines années, mais de telles dépenses ne sont pas viables à long terme 6 .

Cette économie pétrolière et guerrière n'a pas modifié le modèle économique néolibéral de Poutine. Il y a eu quelques nationalisations temporaires d'entreprises, mais les actifs saisis ont été rapidement vendus à d'autres propriétaires fidèles au régime.

En ce sens, il n'y a pas eu de nationalisation au sens traditionnel du terme. Il s'agissait simplement d'une redistribution de la propriété7 . Cela a entraîné une certaine recomposition de la classe dirigeante russe, mais sans modifier sa structure fortement privée.

Poutine a également utilisé la guerre pour s'assurer le soutien de militaires professionnels très bien payés 8 . Leurs salaires sont bien plus élevés que ceux des travailleurs ordinaires des autres secteurs publics et privés.

Mais cette économie de guerre n'est pas viable à long terme. Ses contradictions finiront par saper sa croissance et, avec elle, les contradictions du système politique réapparaîtront, provoquant un nouveau cycle d'instabilité et de crise.

Comment Poutine va-t-il utiliser sa victoire électorale truquée pour sa guerre néocoloniale en Ukraine ?

Avant même l'élection, Poutine s'est vanté dans un discours devant le Parlement que la majorité absolue des Russes soutenait son « opération militaire spéciale » 9 . Il interprétera donc le vote truqué comme une confirmation de son emprise idéologique sur le peuple russe.

Mais c'est son hubris10 . En réalité, le mécontentement à l'égard de la poursuite de la guerre est largement répandu, même parmi les partisans de Poutine. Nombre d'entre eux ont voté pour lui en pensant : « il a commencé cette guerre, il devrait y mettre fin ».

Poutine a ignoré ce sentiment. Pendant la campagne, il n'a jamais mentionné comment il comptait rétablir la paix. Au contraire, il n'a cessé de répéter que la Russie était engagée dans une guerre existentielle avec l'Occident, qu'elle devait la poursuivre et étendre le conflit à d'autres pays.

Une minorité de la société russe soutient ce projet, probablement 10 à 20 % (27). Mais la majorité souhaite que la paix soit rétablie. Bien sûr, ils ne veulent pas que la Russie soit militairement vaincue, mais ils veulent que cette guerre prenne fin à un moment ou à un autre.

Ces sentiments sont de plus en plus forts et pourraient créer à l'avenir une crise pour le régime. Mais pour l'instant, sa réponse consiste à ignorer ces sentiments ou à y répondre par des campagnes d'endoctrinement patriotique visant à susciter un soutien en faveur d'une guerre qui s'étend.

L'ancien président Dmitri Medvedev, aujourd'hui vice-président du Conseil de sécurité, a clairement exposé les objectifs de Poutine dans un discours (28) prononcé quelques jours avant l'élection. Il a déclaré que la Russie avait l'intention de « libérer » Odessa, d'en faire une ville russe et d'éliminer l'Ukraine en tant qu'État-nation.

Il a ensuite proposé sa propre formule de « paix » comme alternative à celle proposée par le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Il a déclaré que l'Ukraine n'était pas une véritable nation, mais un territoire qui devrait être partagé entre la Russie, la Pologne et la Roumanie.

Bien entendu, le seul moyen de réaliser cela est la conquête totale et la saisie de l'Ukraine par la Russie. C'est le contraire de la paix. Ce sont les ingrédients d'une guerre impérialiste sans fin et d'une occupation coloniale.

Nombreux sont ceux qui s'attendent à une escalade de la guerre en Ukraine dans un avenir proche. Cela nécessitera-t-il une plus grande mobilisation des troupes russes ? Comment la population russe réagira-t-elle ? Cela suscitera-t-il une résistance ?

Il est difficile de dire si les autorités russes mobiliseront davantage de troupes russes. Jusqu'à récemment, elles ont fait tout ce qu'elles pouvaient pour éviter une deuxième vague de mobilisation.

Bien sûr, après les élections qui, selon elles, ont prouvé que les Russes soutiennent totalement la guerre, elles pourraient lancer une nouvelle mobilisation. En même temps, ils sont assez malins pour savoir que cela serait très impopulaire.

Il est donc probable qu'ils continueront à verser d'énormes salaires aux soldats prétendument volontaires. Mais s'ils ont l'intention de mener une offensive de plus grande envergure, ils devront mobiliser des conscrits.

Ils pourraient assortir cette nouvelle mobilisation d'une promesse de rapatrier ceux qui ont été enrôlés en 2022 et déployés sur le front au cours des deux dernières années. Cela pourrait calmer les appels de plus en plus nombreux des épouses et des parents qui réclament le retour de ces soldats 11 .

Mais les gens ne supporteront pas longtemps cette guerre et cette mobilisation. Et tout soldat rentrant au pays rapportera avec lui des récits de la boucherie en Ukraine, ce qui déstabilisera le régime.

Dans quelle mesure peut-on dire que le régime de Poutine et le capitalisme russe sont stables ? Quels sont les problèmes et les failles du système ?

Il y a un problème profond dans la construction politique même de ce régime. Dans l'un de ses récents discours, Poutine a trahi une certaine conscience de ce problème 12 . Il a déclaré que l'ancienne élite constituée à travers la privatisation des biens de l'État soviétique était dépassée et qu'une nouvelle élite devait être mise en place.

Il a ajouté qu'une nouvelle et véritable élite devrait être recrutée parmi les héros issus des lignes de front. En réalité, Poutine est en train de construire une nouvelle base sociale à partir des enfants de son cercle étroit d'amis qui contrôlent les grandes sociétés d'État et l'industrie privée.

Leurs parents vieillissent et Poutine sait qu'il est confronté à la difficulté de reproduire le régime et une clique dirigeante qui lui soit loyale. Il considère donc ces enfants comme ses futurs fidèles au sein de l'État et des entreprises russes 13 .

C'est le signe d'un régime profondément personnalisé, dans lequel Poutine ne fait confiance qu'aux personnes qu'il considère comme des amis. Mais le nombre d'amis du dictateur étant limité, le seul moyen pour étendre sa base sociale est de recruter les enfants qui lui sont loyaux pour occuper des postes dans la bureaucratie gouvernementale et les conseils d'administration.

Poutine intègre également ses gardes du corps personnels à des postes au sein de l'État. Ainsi, un certain nombre de gouverneurs dans diverses régions du pays sont issus de son équipe de sécurité personnelle.

Ces méthodes d'expansion et de consolidation du régime peuvent se retourner contre lui et créer de graves problèmes pour le maintien de son pouvoir. Par exemple, dans ce système, si des membres de l'appareil d'État veulent faire avancer leur carrière, ils se retrouvent dans une impasse, car au sommet de la bureaucratie se trouvent des loyalistes de Poutine nommés directement par le dictateur.

Si vous ne faites pas partie de ce cercle charmant, votre carrière est vouée à l'échec. Cela peut engendrer de l'apathie et même du mécontentement au sein de l'appareil d'État, ce qui mine le régime de l'intérieur.

Bien sûr, la couche supérieure de l'appareil d'État soutiendra Poutine jusqu'au dernier souffle, en appuyant l'escalade de sa guerre impérialiste. Mais, en dessous d'eux, il y a des couches parmi lesquelles le mécontentement et l'opposition peuvent se développer. La grande question, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du régime, est donc de savoir combien de temps peut durer cette loyauté non seulement envers Poutine, mais aussi envers le système.

Un autre problème auquel le régime est confronté est la contradiction que j'ai décrite entre la vision imaginaire de Poutine d'une société russe loyale et unie derrière lui et les divisions réelles au sein de cette société, en particulier celles provoquées par la guerre. Cette contradiction ne peut pas durer longtemps.

Enfin, beaucoup de gens de gauche font pression pour que l'Ukraine s'engage dans des pourparlers de paix et accepte un accord « terre contre paix » avec Poutine, ce qu'ils n'exigeraient jamais des Palestinien·nes. Que pensez-vous de cet argument ? Pourquoi est-il irréaliste ? Que devrait dire la gauche à propos de la guerre et que devrait-elle exiger à la place ?

Il faut bien comprendre que Poutine a pris très au sérieux la décision de lancer cette invasion et qu'il est déterminé à ne pas s'arrêter tant qu'il n'aura pas atteint ses objectifs déclarés : l'élimination de l'Ukraine en tant qu'État-nation indépendant et la mise en place imposée d'un gouvernement fantoche à Kiev. S'il n'atteint pas ces objectifs, il considérera cela comme une défaite, ce qu'il n'est pas prêt à accepter.

Il considère le maintien d'un gouvernement indépendant à Kiev comme une menace pour la sécurité nationale de la Russie. Il ne se contentera donc pas de s'emparer de certaines parties de l'Ukraine ; il veut s'emparer de l'ensemble du pays, comme première étape de la reconstruction de l'ancien empire russe.

Il l'a clairement exprimé lors d'une récente interview à la télévision russe (33), au cours de laquelle il a été interrogé sur la possibilité d'entamer des pourparlers de paix. Il a déclaré sans ambages qu'il n'était pas intéressé par de tels pourparlers, que ceux-ci n'étaient motivés que par le manque d'armes de l'Ukraine.

Il n'accepterait des pourparlers de paix que s'ils garantissaient les objectifs impérialistes de conquête et de régime qui sont les objectifs de son « opération militaire spéciale ». Par conséquent, à ce stade, il rejettera toute négociation et il est probable qu'au contraire il intensifiera la guerre.

Face à cette guerre impérialiste sans fin, la gauche doit soutenir l'Ukraine et sa lutte pour la libération. Si Poutine réussit à conquérir l'Ukraine, cela créera un précédent pour d'autres puissances et États impérialistes qui lanceront des guerres similaires de conquête coloniale.

La gauche internationale doit défendre le droit des nations opprimées à l'autodétermination sans exception et défendre leur droit à se procurer des armes pour se défendre. Seule une telle solidarité d'en bas peut mettre un terme à la poursuite de la guerre impérialiste.

Publié le 25 mars 2024

* Ilya Budraitskis, chercheur en histoire et en sciences politiques, enseignant à l'Université de Moscou, organisateur du mouvement anti-guerre jusqu'à son exil en 2022, est militant du Mouvement socialiste russe. Il est chercheur invité au sein du programme de théorie critique de l'université de Californie à Berkeley, et auteur de Dissidents parmi les dissidents : Idéologie, politique et gauche dans la Russie post-soviétique. Il est également membre du comité éditorial du site socialiste russe Posle.media.

Cet entretien a été publié par Truthout, qui indique qu'il a été « légèrement modifié pour plus de clarté ». Ashley Smith est un écrivain socialiste et un activiste de Burlington, dans le Vermont. Il écrit dans de nombreuses publications, dont Truthout, The International Socialist Review, Socialist Worker, ZNet, Jacobin, New Politics et bien d'autres publications en ligne et imprimées.

Notes

1. « Russia's Battle With Extremists Has Simmered for Years », Neil MacFarquhar, 24 mars 2024, The New York Times.
2. Why is ISIL targeting Russia ? », Kevin Doyle, 23 mars 2024, Al Jazeera.
3. « Four suspects in Moscow concert hall terror attack appear in court », Andrew Roth et Pjotr Sauer, 24 mars 2024, The Guardian
4. European Court Faults Russia's Handling of 2004 Beslan School Siege », Sewell Chan, 13 avril 2017, The New York Times. )
5. « Putin approves big military spending hikes for Russia's budget », 27 novembre 2023, Reuters.
6. « Ukraine – two years on, no end in sight », 22 février 2024,
7. « How Putin Turned a Western Boycott Into a Bonanza », Paul Sonne et Rebecca R. Ruiz, 17 décembre 2023, The New York Times.
8. « The Russian military is offering up to 10x an average salary to fill its ranks depleted by Ukraine invasion casualties », Bethany Dawson, 13 mai 2023, Business Insider.
9. « Putin lauds Ukraine gains, threatens West in annual speech », 29 février 2024, DW.
10. « Putin had to contrive a ‘landslide' – because he knows cracks are showing in Russian society », Samantha de Bendern, 18 mars 2024, The Guardian.
11. « Dozens detained as Russian soldiers' wives call for their return from Ukraine », 3 février 2024, AP.
12. « Vladimir Poutine a annoncé la préparation d'une “nouvelle élite” dans le pays à partir des participants à la guerre. », 29 février 2024, TVRain.
13. « Putin Has Russian Elite in a Frenzy Over Their Political Futures », Bloomberg News, 12 mars 2024.

Ilya Budraitskis, chercheur en histoire et en sciences politiques, enseignant à l'Université de Moscou, organisateur du mouvement anti-guerre jusqu'à son exil en 2022, est militant du Mouvement socialiste russe.

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Appel aux travailleurs et aux militants des peuples d’Europe et du monde. Justice pour les travailleurs ukrainiens !

21 mai 2024, par Argument pour la lutte sociale — , ,
Introduction Cet appel aux travailleurs et aux militants à l'étranger émane des militants et dirigeants syndicaux ukrainiens de Kryvih Rih, ainsi que du soutien de diverses (…)

Introduction

Cet appel aux travailleurs et aux militants à l'étranger émane des militants et dirigeants syndicaux ukrainiens de Kryvih Rih, ainsi que du soutien de diverses initiatives de la société civile. Il ne s'agit pas d'un appel officiel d'un syndicat. Mais il exprime très bien l'état d'esprit et les souhaits de nombreux syndicalistes et associations ukrainiens, ainsi que les sujets qu'ils souhaitent communiquer à leurs homologues d'autres pays, à moins d'un mois des élections au Parlement européen.

15 mai 2024 | tiré de aplusoc
https://aplutsoc.org/2024/05/15/appel-aux-travailleurs-et-aux-militants-des-peuples-deurope-et-du-monde-justice-pour-les-travailleurs-ukrainiens/

À la veille des élections au Parlement européen, les militants syndicaux de Kryvy Rih lancent un appel aux candidats et rappellent aux personnalités politiques que ce sont les salariés qui supportent le poids de la guerre contre l'agresseur. Ce sont eux qui manquent de munitions, et ce sont leurs intérêts qui doivent être discutés en haut lieu. En tant que syndicalistes ukrainiens, nous pensons qu'ignorer ces faits entraînerait des conséquences catastrophiques. Nous mettons en garde contre l'utilisation du soutien à l'Ukraine pour dissimuler des agendas égoïstes, ce qui est courant parmi certaines élites internationales.

Yuriy Samoilov, leader du Syndicat indépendant des mineurs, a déclaré : « Dans nos familles, toutes les conversations portent sur la guerre, sur ceux qui servent actuellement, sur la manière de les aider, car la grande majorité des personnes mobilisées sont des travailleurs ordinaires. C'est devenu la priorité du syndicat. Mais en même temps, la législation du travail est suspendue, les dépenses sociales sont réduites et les enfants d'hommes d'affaires et de fonctionnaires s'amusent à l'étranger.

Est-ce juste ? » interroge Yuriy.

Cet appel a déjà recueilli le soutien d'un groupe diversifié de militants syndicaux, civiques et étudiants de diverses régions d'Ukraine. Ils partagent une insatisfaction commune face au manque d'intérêt pour les enjeux des salariés et croient fermement que leur voix collective est la clé du changement. Ils considèrent ceux qui, en Europe et dans le monde, liront cet appel en tant qu'amis de l'Ukraine et alliés des travailleurs.

Oleksandr Skyba, dirigeant du Syndicat libre des cheminots du dépôt de Darnytsia, souligne que, depuis le début de la guerre, les droits du travail ont été considérablement restreints. Selon lui, la plupart de ces changements n'ont pas renforcé les capacités de défense, mais les ont plutôt affaiblies. « Permettre aux employeurs de suspendre arbitrairement les relations de travail et les dispositions des conventions collectives constitue un coup dur porté au rôle des syndicats et aux fondements de la démocratie », affirme-t-il. Oleksandr souligne sa confiance dans le pouvoir de l'unité et du soutien mutuel dans la lutte et compte sur la solidarité de ses camarades étrangers.

Source : RESU

Appel aux représentants politiques des peuples d'Europe et du monde

Étant donné que notre sort dépend souvent de vos décisions, nous, syndicalistes et militants ukrainiens, souhaitons nous adresser directement à vous et souligner ce qui suit :

Alors que la communauté internationale reste dans l'indécision, les troupes d'occupation russes intensifient volontiers leur offensive. Nos camarades meurent sur la ligne de front, sont obligés de se battre sans suffisamment d'armes, et en l'absence d'une défense aérienne adéquate, nos centrales électriques, nos usines et nos maisons sont touchées par des frappes dévastatrices. Avec un véritable « soutien inébranlable », cela n'aurait pas été inévitable. Cependant, pour l'instant, nous devons faire face à l'agresseur principalement par nous-mêmes.

La résilience de la société ukrainienne dépend des travailleurs ordinaires, qui constituent la majorité des forces armées et assurent le fonctionnement du front intérieur en matière de logistique, de production et d'entretien des infrastructures critiques. Dans le même temps, il existe une fracture sociale de plus en plus visible, où les biens publics n'existent que pour l'élite et le reste de la population n'a que des devoirs. Cela démoralise et menace la capacité de défense du pays et son avenir. Alors que nous continuons à être payés de miettes, à faire des heures supplémentaires et à vivre sous la menace constante d'être mis à la rue, notre gouvernement se préoccupe beaucoup plus de la déréglementation et de la création de conditions favorables aux propriétaires d'entreprises.

La sécurité et le bien-être de nos familles et amis sont pour nous des valeurs primordiales ; elles nous font tenir le coup. Pourtant, il est malheureusement clair que l'Ukraine d'après-guerre ne pourra pas offrir des possibilités d'une vie décente si les salariés ne disposent pas des moyens de pression nécessaires pour résoudre leurs problèmes. C'est avec horreur que nous réalisons que nous devrons probablement chercher une vie meilleure à l'étranger, ou en travaillant jour et nuit, en rivalisant pour obtenir des salaires de misère auprès de maîtres cupides.

Ce n'est également un secret pour personne que vos élites gèlent les salaires, augmentent les prix, annulent les congés et réduisent les dépenses sociales, justifiant tout cela comme une nécessité pour soutenir l'Ukraine tout en poursuivant un commerce mutuellement bénéfique avec la Russie ; votre argent et votre technologie soutiennent leurs capacités militaires. Cette politique est extrêmement dangereuse pour la solidarité et la confiance entre nos peuples.

Nous comprenons que ce n'est qu'ensemble que nous pourrons défendre la démocratie et la justice sociale contre les invasions des impérialistes, la pression des dictateurs, les appétits des oligarques et la démagogie de l'extrême droite.

C'est pourquoi nous vous appelons à :

1. Arrêter les exportations d'armes vers des pays tiers et donner la priorité à la fourniture d'armes et de munitions nécessaires dès maintenant à la défense de l'Ukraine. Notre guerre ne doit pas devenir un prétexte pour profiter des profits des vendeurs de sécurité !

2. Faire en sorte qu'il soit impossible au régime de Poutine de contourner les sanctions. Cela nécessite, entre autres choses, de mettre un terme aux projets douteux utilisés par les oligarques russes, ukrainiens et autres. Chaque transaction et pièce de rechange fournie permettent à la Russie de continuer la guerre !

3. Annuler la dette injuste et assurez-vous que votre argent ne soit pas dépensé dans des expériences antisociales dans notre pays ! Le soutien international devrait contribuer à restaurer et à étendre les soins de santé et l'éducation universels, à reconstruire des logements abordables et des infrastructures publiques, et à garantir des emplois et des conditions de travail décents.

4. Établir des contacts avec les syndicats ukrainiens et les organisations de la société civile, faire pression pour leur implication dans la prise de décision à tous les niveaux et insister sur l'importance de la négociation collective et de la liberté d'association ! Dans un système politique déformé, c'est presque le seul moyen pour les citoyens ordinaires de revendiquer leurs droits.

5. Dénoncer le recours à la solidarité pour couvrir des intérêts particuliers ! Confisquez les avoirs russes, fermez les sociétés offshore et taxez les super-riches. Ne présentez pas à votre peuple le faux choix de sacrifier le sort des Ukrainiens ou d'éliminer les plus vulnérables du pays !

Adopté lors d'une réunion de militants syndicaux et étudiants à Kryvih Rih à l'occasion de la Journée internationale du travail, présidée par Yuriy Samoilov et à laquelle participaient des représentants des syndicats indépendants ArcelorMittal Kryvyi Rih, de l'usine de minerai de fer de Kryvyi Rih, Metinvest et Rudomine, du Free Trade de Kryvyi Rih. Syndicat des travailleurs de la santé, le Syndicat libre des éducateurs et des scientifiques de Kryvy Rih, le syndicat étudiant Action directe, Les Sorcières de Kryvbas, de Spravedlyvist et du Mouvement social.

Le 14 mai 2024 à 12h00, soutenu individuellement par :

1. Oleksandr Skyba, leader du Syndicat libre des cheminots du dépôt de Darnytsia
2. Natalia Zemlianska, Syndicat ukrainien des ouvriers, entrepreneurs et travailleurs migrants
3. Oksana Slobodiana, Sois comme Nina, présidente du syndicat régional de Lviv
4. Vasyl Andreyev, président de PROFBUD, Syndicat des travailleurs du bâtiment d'Ukraine
5. Liliia Vasylieva, directrice adjointe du Syndicat des travailleurs des grues de la région de Lviv
6. Katya Gritseva, militante du syndicat étudiant indépendant Priama Diia (Action directe) et de Sotsialniy rukh (Mouvement social), artiste
7. Vitalii Dudin, co-fondateur de Sotsialnyi Rukh (Mouvement social), docteur en droit du travail
8. Artem Tidva, responsable organisateur, FSESP
9. Oksana Dutchak, co-rédactrice en chef de Spilne/Commons Journal
10. Lidiya Luchyshyn, trésorière du Syndicat des grutiers de la région de Lviv
11. Taras Bilous, rédacteur
12. Andrij Pacan, tourneur
13. Pavlo Bryzhatyi, membre du syndicat étudiant indépendant Priama Diia (Action directe) et de Sotsialnyi Rukh (Mouvement social), étudiant de l'Université nationale de l'Académie d'Ostroh
14. Daria Selishcheva , psychologue
15. Volodymyr Skimira , grutier
16. Maksym Shumakov, militant du syndicat étudiant de Priama Diia
17. Iryna Strumeliak, ouvrière
18. Denys Pilash, militant de Sotsialnyi Rukh (Mouvement social)
19. Dmytro Lypetskyi, grutier
20. Valerii Petrov, militant de Sotsialnyi Rukh (Mouvement social), Ph.D, développeur de jeux
21. Ihor Duleba, grutier
22. Romanenko Maksym, médecin, militant de Sotsialnyi Rukh (Mouvement social)
23. Ihor Vasylets, membre du syndicat étudiant Priama Diia (Action Directe)
24. Zakhar Popovych, activiste, Ph.D.
25. Mykhailo Zvir, grutier
26. Oleksandr Kyselov, travailleur migrant, membre du conseil d'administration de Skånes Industrisyndikat
27. Mariia Sokolova, militante du syndicat étudiant indépendant Priama Diia (Action directe)
28. Artem Remizovskyi, doctorant en études culturelles, Académie Kiev-Mohyla
29. Rouslana Mazurenok, présidente du syndicat des travailleurs de la santé de l'hôpital Derazhnyanska , militante de Sois comme Nina.

https://rev.org.ua/zakordonnim-politikam-pro-spravedlivist-dlya-ukra%D1%97nskix-pracivnikiv/

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Etats-Unis. L’UAW a perdu une bataille chez Mercedes en Alabama. Quelle suite ?

Les travailleurs et travailleuses de deux usines Mercedes-Benz près de Tuscaloosa, en Alabama, ont voté vendredi contre le droit de l'United Automobile Workers (UAW) de les (…)

Les travailleurs et travailleuses de deux usines Mercedes-Benz près de Tuscaloosa, en Alabama, ont voté vendredi contre le droit de l'United Automobile Workers (UAW) de les représenter, un coup dur pour la campagne du syndicat visant à gagner du terrain dans le Sud des Etats-Unis, où il est historiquement faible [voir sur cette question l'article du même auteur traduit sur notre site le 17 mai 2024].

La défaite est intervenue après que Kay Ivey, la gouverneure de l'Alabama, et d'autres dirigeants républicains eurent fait valoir qu'un vote favorable au syndicat étoufferait les investissements qui ont transformé l'Etat en un grand producteur d'automobiles. Le revers essuyé par le syndicat réduit les chances qu'il soit en mesure de syndiquer rapidement les travailleurs et travailleuses de Hyundai et de Honda, qui ont également d'importantes usines en Alabama.

Ce vote revêtait une importance nationale, car il permettait de vérifier si l'UAW pouvait s'appuyer sur une série de victoires récentes et progresser dans un Etat dont les élu·e·s se sont montrés hostiles au syndicalisme. Le syndicat a déclaré vouloir organiser toutes les usines automobiles des Etats-Unis, en intégrant à ses membres les salarié·e·s d'entreprises telles que Toyota, Hyundai et Tesla.

Mais la défaite subie dans les trois usines Mercedes ralentira très certainement la campagne du syndicat et l'obligera probablement à faire davantage d'efforts pour s'assurer le soutien des travailleurs avant de chercher à organiser des élections dans d'autres usines automobiles. Les dirigeants syndicaux devront prendre le temps de réfléchir à la meilleure façon de contrer les arguments et campagnes, ainsi que les opérations tactiques des élus locaux et des cadres de l'entreprise.

« Cette défaite est douloureuse », a déclaré Shawn Fain, président de l'UAW, au siège de la section locale du syndicat, situé à proximité des usines Mercedes de Vance et Woodstock, en Alabama. En fait, « la plupart d'entre nous ont perdu des élections au cours de leur vie. Nous en tirons des leçons. Nous continuerons à avancer, et c'est ce que nous avons l'intention de faire. »

Les travailleurs de Mercedes ont voté à 56% contre 44% contre leur représentation par syndicat, selon le National Labor Relations Board, qui a supervisé l'élection. Près de 4700 bulletins de vote ont été déposés, ce qui représente une grande majorité des 5075 employés qui avaient le droit de voter.

***

Les dirigeants de l'industrie automobile et les élus conservateurs étudieront probablement de près le vote chez Mercedes afin de déterminer les meilleures approches pour contrer l'UAW et d'autres syndicats lors de futures élections et pour décourager les campagnes syndicales dès le départ.

« Les travailleurs de Vance se sont exprimés, et ils l'ont fait clairement ! » a déclaré Kay Ivey dans un communiqué. « L'Alabama n'est pas le Michigan [Etat où l'UAW est présent dans diverses usines], et nous ne sommes pas la patrie de l'UAW. » [1]

Le Sud est devenu un important champ de bataille. Des Etats comme la Géorgie, la Caroline du Sud et le Tennessee attirent une grande partie des milliards de dollars que les constructeurs automobiles et les sous-traitants investissent dans les usines de véhicules électriques et de batteries. L'UAW souhaite représenter les travailleurs et travailleuses de ces usines.

Mercedes produit des véhicules utilitaires sport (VUS) à Vance et des batteries pour véhicules électriques à Woodstock. Des votes ont été organisés toute la semaine [du 13 au 17 mai] dans les deux usines.

« Nous remercions tous les membres de l'équipe qui ont posé leurs questions, participé à des discussions et, en fin de compte, fait entendre leur voix sur ce thème important », a déclaré l'entreprise dans un communiqué vendredi.

Dans le cadre d'une campagne menée essentiellement de bouche à oreille, les militants syndicaux ont fait valoir qu'en plus d'une meilleure rémunération et de meilleures prestations sociales, l'UAW protégerait les travailleurs de Mercedes contre les changements d'horaires de travail au dernier moment et les longues heures de travail, y compris les week-ends.

« Si nous ne construisions pas ces voitures, vous ne pourriez pas vous mettre autant dans les poches », a déclaré Kay Finklea s'adressant à la direction. Elle travaille au contrôle de la qualité chez Mercedes et a fait campagne pour le syndicat. « Alors traitez-nous avec dignité, traitez-nous avec respect et payez-nous. »

Mais les syndicalistes ont reconnu que de nombreux travailleurs mécontents des conditions de travail chez Mercedes étaient également réticents à adhérer au syndicat, influencés par les menaces des dirigeants de l'entreprise et des hommes politiques selon lesquels l'adhésion entraînerait des cotisations syndicales élevées et une perte de contrôle sur leur travail.

Mercedes s'est efforcée de contrer le syndicat. Le mois dernier, dans une tentative apparente de répondre aux plaintes des salarié·e·s, l'entreprise a remanié la direction locale en nommant Federico Kochlowski au poste de directeur général de l'unité états-unienne de l'entreprise allemande.

Federico Kochlowski, qui a travaillé chez Mercedes pendant une vingtaine d'années à divers postes de responsabilité concernant la production en Chine, au Mexique et aux Etats-Unis, a reconnu l'existence de problèmes dans les usines de l'Alabama et a promis d'apporter des améliorations. « Je comprends que beaucoup de choses ne vont pas bien », a-t-il affirmé dans une vidéo mise en ligne par Mercedes. « Donnez-moi une chance. »

Bart Moore, qui travaille à la manutention chez Mercedes et livre des pièces à la chaîne d'assemblage, a déclaré qu'il espérait que Federico Kochlowski tiendrait ses promesses. « Nous verrons ce qu'il proposera. On ne sait jamais. »

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L'UAW a déposé six plaintes pour pratiques déloyales contre Mercedes auprès de la NLRB, affirmant que l'entreprise a pris des mesures disciplinaires contre des employés qui discutaient de la syndicalisation sur leur lieu de travail, qu'elle a empêché les syndicalistes de distribuer des feuilles d'information du syndicat, qu'elle a surveillé les travailleurs et qu'elle a licencié ceux qui soutenaient le syndicat.

« Cette entreprise, comme la plupart des autres, a fonctionné selon le même manuel : susciter la peur, lancer des menaces et faire de l'intimidation », a déclaré Shawn Fain vendredi 17 mai.

Mercedes nie ces allégations.

Les tentatives passées de l'UAW pour représenter les travailleurs et travailleuses de Mercedes et d'autres constructeurs automobiles [Hyundai en 2016] dans le Sud ont échoué. Mais l'UAW est plus fort qu'il ne l'a été depuis des années, après avoir remporté un vote de syndicalisation le mois dernier dans une usine Volkswagen dans l'Etat du Tennessee, où il avait perdu deux élections auparavant. Le syndicat a également obtenu l'année dernière de fortes augmentations de salaire pour les travailleurs de Ford Motor, General Motors et Stellantis, la société mère de Chrysler, Jeep et Ram.

La campagne de Mercedes contre le syndicat « a eu beaucoup plus d'effet que nous ne l'avions prévu », a déclaré Robert Lett, qui travaille dans l'usine de batteries de Woodstock et qui a fait campagne pour le syndicat. Mais il a déclaré que le syndicat essaierait à nouveau. Selon Robert Lett, « la défaite ne change rien à notre détermination. La détermination est là pour un changement. » (Article publié dans le New York Times le 17 mai 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)


[1] Lauren Kaori Gurley, dans le Washington Post du 17 mai, insiste sur la dimension politique de cette défaite : « Le vote contre le syndicat marque également un coup dur pour le président Biden, qui a rivalisé avec l'ancien président Donald Trump pour obtenir les votes des ouvriers de l'automobile, mais avec des points de vue très différents. Donald Trump a critiqué les dirigeants du syndicat, tandis que Joe Biden a obtenu le soutien de l'UAW cette année et a participé à l'un de ses piquets de grève dans le Michigan l'année dernière. Cette défaite marque le premier revers important pour l'UAW depuis l'élection de Shawn Fain, son nouveau président flamboyant, qui a émergé sous les feux des projecteurs nationaux au cours de l'année écoulée suite à son programme audacieux visant à reconstruire le mouvement syndical états-unien et à remodeler l'image de son syndicat, ternie par des scandales de corruption. » (Réd.)

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