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Monsieur le Président de la République, votre inaction tue

Le 14 mai, des militant·es du collectif NousToutes ont déposé 940 bateaux en papier rouge sur la Seine, pour symboliser les 940 victimes de féminicides des sept dernières (…)

Le 14 mai, des militant·es du collectif NousToutes ont déposé 940 bateaux en papier rouge sur la Seine, pour symboliser les 940 victimes de féminicides des sept dernières années. Dans cette lettre ouverte, nous rappelons au Président de la République leurs prénoms, mais aussi et surtout, que des solutions concrètes existent.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/05/24/monsieur-le-president-de-la-republique-votre-inaction-tue/

Le vendredi 3 mai, à Saint-Jean-de-Luz, une femme de 34 ans a été tuée à coups de marteau. Elle avait été hospitalisée 15 jours avant, après avoir « chuté » de la fenêtre d'une chambre d'hôtel. À l'époque, son compagnon avait été placé en garde à vue puis libéré alors même que cet homme était déjà connu des services de police pour violences conjugales.

Cette histoire vous choque ?

Pourtant, ce n'est qu'une parmi les 940 femmes assassinées depuis le premier quinquennat d'Emmanuel Macron.

Depuis début 2024, c'est près d'un féminicide ou tentative de féminicide par jour.

Mardi 14 mai 2024, 940 bateaux en papier rouge portant le prénom des femmes assassinées ont été mis à l'eau sur la Seine (papier et encre biodégradables).

Face au silence complice et meurtrier du gouvernement d'Emmanuel Macron, #NousToutes a décidé de leur rendre femmage pour ne jamais les oublier. Les militant.es ont choisi de réaliser une action symbolique forte pour dénoncer l'absence de volonté politique et de moyens financiers pour lutter efficacement contre les violences de genre.

Pour l'anniversaire de son arrivée au pouvoir, les militant.es ont également rédigé une lettre ouverte au Président de la République pour conjurer le gouvernement de, enfin, se saisir de ses responsabilités. Cette lettre énonce le prénom et l'âge des 940 femmes, jeunes filles et petites filles ainsi que les revendications du collectif.

Nous espérons que la réponse sera à la hauteur des enjeux, immenses.

Nous avons également adressé cette lettre à des député.es et sénateur.rices pour qu'iels la relaient dans leur assemblée respective.

Pour soutenir et relayer notre action, vous pouvez télécharger cette lettre

À l'attention d'Emmanuel Macron, président de la République et l'adresser sans l'affranchir à Monsieur Emmanuel MACRON, Président de la République, Palais de l'Elysée, 55 rue du Faubourg Saint-Honoré, 75 008 Paris

***

Monsieur le Président de la République,

Depuis le début de votre mandat le 14 mai 2017, au moins 940 femmes ont été tuées par des hommes parce qu'elles étaient des femmes. Votre inaction tue.

Vous et vos gouvernements n'avez rien fait pour toutes ces femmes. Alors que des solutions existent, largement partagées :

* La mise en place d'un budget minimum de 2,6 milliards d'euros par an pour la lutte contre les violences de genre et l'adoption de politiques publiques adaptées.

* L'inscription du féminicide dans le code pénal avec une définition qui s'étend au-delà de la sphère conjugale et incluant le suicide forcé.

* La mise en place d'un décompte institutionnel par l'État qui inclut tous les féminicides, y compris par suicide forcé et hors sphère conjugale.

* La formation obligatoire, initiale et continue des professionnel·les susceptibles d'être en lien avec des personnes victimes de violence et l'application de la loi du 4 août 2014

* Concernant la formation des professionnel·les de l'éducation, de la santé, du social, de la justice, de la police, des personnels des entreprises (notamment personnel encadrant, institutions représentatives du personnel et services RH) à la détection des violences, à la prise en charge des victimes et à la prévention de toutes les violences sexistes et sexuelles dont les violences obstétricales et gynécologiques, les violences psychologiques et les violences économiques.

* Le déploiement massif du personnel accompagnant et des dispositifs de protection existants via l'augmentation du nombre de personnels en charge de l'accompagnement et de la protection des victimes dans les domaines de la justice, santé, travail social et éducation, la généralisation de l'accès aux ordonnances de protection et la création de 15 000 nouvelles places d'hébergement dédiées chaque année.

* La mise en place d'une aide financière pour assurer la sécurité et l'accompagnement des victimes de violences de genre ainsi que leur famille. Garantir la prise en charge automatique des frais médicaux (incluant l'accompagnement psychologique) et juridiques dans le cadre du parcours de sortie des violences.

* Le maintien et l'augmentation des financements pour les associations qui remplissent des missions de service public d'accueil, d'hébergement et de solidarité envers les victimes de violences.

* La mise en place d'un plan d'urgence pour la protection de l'enfance.

* L'éducation des enfants à l'égalité des genres et au consentement. Notamment par l'application de la loi de 2001 prévoyant 3 séances par an à l'éducation à la vie sexuelle et affective dès le premier cycle de scolarité et jusqu'à la terminale.

* Une modification du code pénal afin de redéfinir l'agression sexuelle et le viol pour y intégrer la notion de consentement et prendre en compte le caractère sériel des agressions sexuelles et des viols.

Cessez vos effets d'annonce ! Agissez !

Voici le prénom et l'âge des femmes qui ont été tuées. Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas :

Mariame 32 ans ; Guenaelle 56 ans ; Dorothée 41 ans ; Leila 89 ans ; Aurélie 34 ans ; Odette 75 ans ; Mana 25 ans ; Nafia 59 ans ; Lou 18 ans ; Shpresa 36 ans ; Danielle 62 ans ; Fatim 25 ans ; Jocelyne 62 ans ; Zenash 27 ans ; Mauricette 70 ans ; Jacqueline 69 ans ; Muriel 40 ans ; Marie-Christine 60 ans ; Noémie 30 ans ; Chantal 55 ans ; Christine 44 ans ; Céline 47 ans ; Stéphanie 36 ans ; Annie 67 ans ; Alexia 29 ans ; Jeanine 66 ans ; Corine 42 ans ; Catherine 50 ans ; Nicole 56 ans ; Yamina 42 ans ; Linda 51 ans ; Marielle 50 ans ; Myriam 50 ans ; Marine-Sophie 24 ans ; Emmanuelle 26 ans ; Joséphine 99 ans ; Aude 34 ans ; une femme 34 ans ; Marie-Anne 24 ans ; Lauren 24 ans ; Letitia 42 ans ; Leïla 34 ans ; Carole 50 ans ; Gisèle 52 ans ; Karine ; Fatema 29 ans ; Sindy 34 ans ; Noëlle 65 ans ; Natacha 54 ans ; Laura 18 ans ; Anne-Marie 68 ans ; Geneviève 76 ans ; Thalie 36 ans ; Hülya 35 ans ; Brigitte 64 ans ; Aurélie 29 ans ; Delphine 42 ans ; Aïcha 38 ans ; Alba 35 ans ; Mounia 30 ans ; Frédérique 51 ans ; Marie 58 ans ; Dominique 52 ans ; Nadine 50 ans ; Yasmina 37 ans ; Natacha 38 ans ; Michelle 44 ans ; Florence 31 ans ;

Estelle 36 ans ; Brigitte 62 ans ; Evelyne 69 ans ; Sandra 32 ans ; Marybelle 34 ans ; Marie-Claire 67 ans ; Charlène 28 ans ; Stella 41 ans ; Maryline 45 ans ; Rhadia 46 ans ; Virginie 48 ans ; Sophie 90 ans ; Emilie 37 ans ; Colette 79 ans ; Liliya 49 ans ; Margaux 29 ans ; Karma Tsering 29 ans ; Johane 48 ans ; Sadia 47 ans ; Aurélie 32 ans ; Nora 46 ans ; Lucie-Anne 47 ans ; Vanessa 36 ans ; Céline 35 ans ; Lesline 38 ans ; Manon 24 ans ; Natacha 39 ans ; Nicoleta 26 ans ; Bernadette 67 ans ; Magali 40 ans ; Laura 32 ans ; Marianne 41 ans ; Denise 72 ans ; Patricia 62 ans ; Sylviane 60 ans ; Claire 49 ans ; Johanna 30 ans ; Lisa 22 ans ; Sylvia 42 ans ; Sandrine 41 ans ; Sophie 51 ans ; Laetitia 45 ans ; Marie 28 ans ; Une femme 51 ans ; Marie 65 ans ; Agnès 49 ans ; Audrey 35 ans ; Julie 25 ans ; Seloua quinquagénaire ; Razia 34 ans ; Lydia 53 ans ; Adelissa 21 ans ; Sylvie 55 ans ; Amélia 38 ans ; Raouiyah 39 ans ; Magali 21 ans ; Noelle 76 ans ; Louisette 85 ans ; Jasmine 64 ans ; Hélène 58 ans ; Marie-Amélie 38 ans ; Monique 68 ans ; Valérie 53 ans ; Marie-Bergerette 43 ans ; Martine 56 ans ; Michelle 84 ans ; Alvina 36 ans ; Estelle 36 ans ; Danièle 72 ans ; Fatma 58 ans ; Isabelle 50 ans ; Jessica 26 ans ; Hélène 36 ans ; Ateraita 29ans ; Antonia 56 ans ; Audrey 36 ans ; Akila 73 ans ; Charlotte 27 ans ;

Stéphanie 35 ans ; Ana, trentenaire ; Najat 78 ans ; Jacqueline 56 ans ; Marie-Thérèse, octogénaire ; Alexandrine 42 ans ; Corinne 51 ans ; Christine 53 ans ; Manuela 36 ans ; Rose quadragénaire ; Viviane 68 ans ; Agnès 54 ans ; Linda 43 ans ; Laëtitia trentenaire ; Marnia 40 ans ; Marie Thérèse 76 ans ; Marion 35 ans ; Nathalie 51 ans ; Aline 35 ans ; Marie-Géraldine 44 ans ; Marie-Claire 58 ans ; Magali 24 ans ; Lucienne 31 ans ; Graziella trentenaire ; Sonia 45 ans ; Valérie 46 ans ; Magdalena 31 ans ; Lucette octogénaire ; Marion 28 ans ; Eliane 83 ans ; Vanina 19 ans ; Réjane 70 ans ; Marie-Jo 72 ans ; Elodie 28 ans ; Maria 63 ans ; Roxanne 32 ans ; Céline 39 ans ; Alicia 14 ans ; Isabelle 38 ans ; Sevilay 40 ans ; Maria 64ans ; Vivienne 59 ans ; Linda 50 ans ; Paméla 36 ans ; Laura 39 ans ; Jacqueline 81 ans ; Christiane 80 ans ; Catherine quinquagénaire ; Delphine 34 ans ; Aline 34 ans ; Annie septuagénaire ; Nabilla 23 ans ; Danielle 70 ans ; Virginie 42 ans ; Claudine 66 ans ; Nelly 52 ans ; Estelle 34 ans ; Francine 58 ans ; Lucienne 88 ans ; Nathalie 47 ans ; Sylvie 48 ans ; Catherine 46 ans ; Candice quadragénaire ; Sylvie 43 ans ; Marie-Christine 60 ans ; Jessica 41 ans ; Georgette 75 ans ; Laurie 29 ans ; Hajer 15 ans ; Nadia 43 ans ; Séverine 32 ans ; Maxence 17 ans ; Romy ; Jocelyne sexagénaire ; Marie-Pascale 55 ans ; Lucia 58 ans ; Sylvie 45 ans ; Marie-Claude 65 ans ; Floriane 16 ans ; Jessica 29 ans ; Audrey 28 ans ; Rebecca 44 ans ; Mariette 65 ans ; Régine 92 ans ; Hélèna 54 ans ; Marie-Eliza 26 ans ; Sandrine 46 ans ; Marcelle 80 ans ; Sabrina 38 ans ;

Nicole 55 ans ; Laëtitia 34 ans ; Pascale 55 ans ; Florence 55 ans ; Priya 30 ans ; Marinette 85 ans ; Aurelia 22 ans ; Elea 24 ans ; Aminata 31 ans ; Karine 48 ans ; Sylvia 40 ans ; Aurore 34 ans ; Nathalie 53 ans ; Jacqueline 87 ans ; Monique 83 ans ; Anne-Marie 54 ans ; Shaïna 15 ans ; Safia 35 ans ; Marie-Claude 70 ans ; Naima 31 ans ; Bernadette 73 ans ; Annick 75 ans ; Valérie 51 ans ; Marie 88 ans ; Hang Rol 40 ans ; Marie-Claire 72 ans ; Delphine 33 ans ; Nathalie 53 ans ; Fadela 21 ans ; Berthe dite Natacha 38 ans ; Suzanne 69 ans ; Geonovessa 86 ans ; Janice 30 ans ; Gracieuse 39 ans ; Audrey 27 ans ; Chafia 53 ans ; Johanna 27 ans ; Monique 72 ans ; Mauricette 76 ans ; Aurélie 50 ans ; Fatima 92 ans ; Salomé 21 ans ; Céline 41 ans ; Sarah 39 ans ; Maguy 52 ans ; Clothilde 35 ans ; Eliane 26 ans ; Euphémie 49 ans ; Marianne 37 ans ; Denise 58 ans ; Irina 22 ans ; Martine 62 ans ; Antoinette 76 ans ; Jackie 71 ans ; Ophélie 28 ans ; Corinne 18 ans ; Chloé 29 ans ; Lucette 80 ans ; Mélissa 26 ans ; Stéphanie 35 ans ; Bernadette 43 ans ; Yvonne 86 ans ; Daisy 54 ans ; Yvonne 76 ans ; Samantha 43 ans ; Catherine 47 ans ; Laura 30 ans ; Christelle 32 ans ; Ermira 29 ans ; Isabelle 37 ans ; Leïla 20 ans ; Coralie 33 ans ; Michèle 62 ans ;

Chantal 72 ans ; Justine 20 ans ; Audrey 37 ans ; Mayie 81 ans ; Maïté 36 ans ; Dounia 46 ans ; Priscilla 29 ans ; Alina 31 ans ; Mariette 65 ans ; Nathalie 47 ans ; Mambu 64 ans ; Maryline 49 ans ; Pierrette 57 ans ; Gwénaelle 37 ans ; Moumna 56 ans ; Laura 22 ans ; Martine 60 ans ; Marie-Alice 53 ans ; Martine 64 ans ; Sandra 31 ans ; Chloé 33 ans ; Yaroslava 44 ans ; Danielle 74 ans ; Sandra 25 ans ; Nathalie 53 ans ; Marinette 85 ans ; Dalila 50 ans ; Chantal ; Céline 32 ans ; Stéphanie 39 ans ; Caroline 55 ans ; Marie-Josée 56 ans ; Fabienne 51 ans ; Sophie 35 ans ; Babeth 43 ans ; Dolorès 40 ans ; Georgette 84 ans ; Chantal 60 ans ; Julie 35 ans ; Maria ; Maureen 29 ans ; Hilal 30 ans ; Nicole 85 ans ; Nelly 46 ans ; Ginette 89 ans ; Gaëlle 22 ans ; Josette 66 ans ; Marie 66 ans ; Samira 29 ans ; Céline 38 ans ; Caroline 30 ans ; Simone 81 ans ; Sylvie 56 ans ; Gulçin 34ans ; Patricia 51 ans ; Cherline 40 ans ; Isabelle 48 ans ; Béatrice 51 ans ; Michèle 72 ans ; Guo 49 ans ; Christine 54 ans ; Nadine 49 ans ; Séverine 46 ans ; Félicie 90 ans ; Céline 48 ans ; Taïna 20 ans ; Pascale 56 ans ; Monica 29 ans ; Nora 44 ans ; une femme septuagénaire ; Chantal 55 ans ; Doona 19 ans ; Avril Luna 17 ans ; Jessyca 38 ans ; Sylvie 61ans ; Delphine 33 ans ; Karine 65 ans ; Nathalie 55 ans ; Kim 31 ans ; Karine 45ans ; Yvonne 81 ans ; Une femme 85 ans ; Yasemin 25 ans ; Assia 32 ans ; Cécile 44 ans ; Valérie 51 ans ; Sylvie 59 ans ; Monique 77 ans ; Gisèle 81 ans ; Eliane 59 ans ; Nathalie 51 ans ; Lucette 78 ans ; France 56 ans ; Sandy 33 ans ; Une femme 48 ans ; Nicole 79 ans ; Camille 32 ans ; Sonia 47 ans ; Une femme 76 ans ; Laetitia 38 ans ; Maelys 26 ans ; Catherine 47 ans ; Mélissa 42 ans ; Valérie quadragénaire ; Aurélie 38 ans ; Rejane 88 ans ; Nirojini ; Carine 24 ans ; Karine 51 ans ; Christine 58 ans ; Franciele 29 ans ; Aurélie 43 ans ; Séphanie 43 ans ; Alexandra 30 ans ; Khaddija 48 ans ; Aurore 40 ans ; Brigitte 59 ans ; Silvina ; Natacha 43 ans ; Korotoume 30 ans ; Lorelei 27 ans ; Manon 19 ans ; Hanane 37 ans ; Laure 52 ans ; Céline 38 ans ; Virginie 46 ans ; Déborah 29 ans ; Simone 76 ans ; Joëlle 50 ans ; Geneviève 42 ans ; Monica Andreea 51 ans ; Tiffany 22 ans ; Linda 37 ans ; Madalena 40 ans ; Emmanuelle 46 ans ; Myriam 37 ans ; Barbara 47 ans ; Bettina 53 ans ; Dialine alias Fétia 29 ans ; Karina 25 ans ; Fatiha 52 ans ; Brigitte 68 ans ; Marcelle 84 ans ; Celene 55 ans ; Anne 83 ans ; Sabrina 21 ans ; Olivia 33 ans ; Lisiane 70 ans ; Séverine 31 ans ; Grâce 22 ans ; Salma 21 ans ; Marguerite 90 ans ; Sylvie 45 ans ; Jennifer 35 ans ; Magdalena 33 ans ; Florence 49 ans ; Sylvie 50 ans ; Virginie 41 ans ; Claudette 80 ans ; Andrée 86ans ; Marie-Amélie 53ans ; Gwenaëlle 34ans ; Aissatou Billguissa (Aïcha) 25 ans ; Véronique 50 ans ; Thérèse 80 ans ; Brigitte 67 ans ; Georgette 88 ans ; Jaqueline 23 ans ; Mélanie 35 ans ; Pascaline 60 ans ; Dina 55 ans ; Valérie 47 ans ; Jeannine 88 ans ; Valérie 49 ans ; Laetitia 31 ans ; Anne-Sophie 48 ans ; Raymonde 84 ans ; Sté ; Jay 16 ans ; Sasha 22ans ; Tal 29 ans ; Paula 51 ans ; Ambre 49ans ; Ivanna 31 ans ; Erminah 28 ans ; Corinne 56 ans ; Mary quinquagénaire ; Nadine 54 ans ; Myrjana 22 ans ;

Katy 43 ans ; Elisabeth 51 ans ; Irène 59 ans ; Laurence 53 ans ; Magalie 35 ans ; Bouchra 44 ans ; Une femme 83 ans ; Marie Josiane 60 ans ; Une femme 85 ans ; Valérie 49 ans ; Lise May 55ans ; Christine 50ans ; Cindy 20ans ; Sofya 34ans ; Marie69ans ; Une femme 59ans ; Bernadette 74 ans ; Une femme septuagénaire ; Elga 47 ans ; Karine 50 ans ; Nadège 37 ans ; Jennifer 24 ans ; Adeline 30 ans ; Willinelle 23 ans ; Léa 23 ans ; Yoselis 51 ans ; Une femme 88 ans ; Une femme 66 ans ; Hamana 38 ans ; Une femme 62 ans ; Ivana 39 ans ; Carole 38 ans ; Clara 18 ans ; Lili 20 ans ; Une femme 86 ans ; Une femme 61 ans ; Une femme 83 ans ; Lauréna 33 ans ; Une femme 26 ans ; Une femme 48 ans ; Une femme 38 ans ; Sylvie 58 ans ; Bouchra 43 ans ; Lætitia 54 ans ; Delphine 36 ans ; Doriane 32 ans ; Une femme 85 ans ; Françoise sexagénaire ; Daniela 48 ans ; Augustine 26 ans ; Gabrielle 24 ans ; Sandra 31 ans ; Rachel quadragénaire ; Sarah 27 ans ; Cécilia 33 ans ; Une femme, 39 ans ; Jocelyne 55 ans ; Angélique 32 ans ; Karine 46 ans ; Une femme 46 ans ; Doris 48ans ; Jennifer 40ans ; Christiane 77 ans ; Aurélie 33 ans ; Odile 62ans ; Mezgebe 30 ans ; Stéphanie 22 ans ; Claire 34 ans ; Coralie 32 ans ; Dominique 69 ans ; Chahinez 31 ans ;

Haby 27ans ; Une femme 73 ans ; Une femme 72ans ; Meriyam 40ans ; Rose May 71 ans ; Germaine 74 ans ; Gloria 46 ans ; Céline 46 ans ; Aurélie 39 ans ; Louiza 41 ans ; Nadia 81 ans ; Jani 36 ans ; Marie-Jeanne 75 ans ; Une femme septuagénaire ; Pascale 55 ans ; Magali 42 ans ; Peggy 45 ans ; Annick 51 ans ; Amélie 34 ans ; Sandrine 23 ans ; Geneviève 78 ans ; Alisha 14 ans ; Jeannette 87 ans ; Fatima 30 ans ; Stella 46 ans ; Muriel 47 ans ; Stéphanie 31 ans ; Martine 61 ans ; Iraida 43 ans ; Laura 34 ans ; Caroline 29 ans ; Rabia 73 ans ; Saliha 24 ans ; Isabelle 27 ans ; Rosa 41 ans ; Annie septuagénaire ; Laura 21 ans ; Ashley 16 ans ; Leslie 22 ans ; Une femme 50 ans ; Une femme 23 ans ; Molka 31 ans ; Jacqueline 67 ans ; Une femme 30 ans ; Florence 48 ans ; Une femme 70 ans ; Lucienne 68 ans ; Sophie 22 ans ; Diana 40 ans ; Dominique 68 ans ; Une femme 65 ans ; Émilie 89ans ; Laetitia 12 ans ; Dominique 64 ans ; Une femme 60 ans ; Une femme 76 ans ; Laurence 56 ans ; Une femme 53 ans ; Une femme 40ans ; Sara 40 ans ; Une femme 90 ans ; Une femme 51 ans ; Bérénice 25 ans ; Brigitte 62 ans ; Une femme 60 ans ; Vanesa 14 ans ; Sabah 49 ans ; Chantal 65 ans ; Edwige 35 ans ; Véronique 59 ans ; Une femme 34 ans ; Hélana 19 ans ; Une femme 69 ans ; Charlotte 49 ans ;

Johanna 27 ans ; Une femme 60 ans ; Florence 38 ans ; Une femme 35 ans ; Une femme 40 ans ; Justine 20 ans ; Nadia 47 ans ; Kimberly 23 ans ; Une femme 78 ans ; Une femme 36 ans ; Amélie 30 ans ; Une femme 71 ans ; Une femme 60 ans ; Une femme 40 ans ; Sabine 43 ans ; Edith 60 ans ; Sasia 30 ans ; Une femme 32 ans ; Élodie 34 ans ; Charlène 36 ans ; Marie-Antoinette 70 ans ; Marion 43 ans ; Ghania 50 ans ; Une femme 74 ans ; Linda 52 ans ; Une femme 52 ans ; Sylveline 49 ans ; Clara 18 ans ; Une femme 86 ans ; Marie-Josèphe 54 ans ; Clothilde 31 ans ; Magali 42 ans ; Rianne 22 ans ; Sonia 51 ans ; Anne-Françoise 58 ans ; Tricia 29 ans ; Marie-Lise 64 ans ; Nabou 14 ans ; Une femme 80 ans ; Marie-Agnès 33 ans ; Kadia 50 ans ; Aurélie 32 ans ; Malgorzata 51 ans ; Une femme 47 ans ; Edina 31 ans ; Nina 35 ans ; Laetitia 51 ans ; Rita 44 ans ; Selen 18 ans ; Une femme 73 ans ; Une femme 62 ans ; Cristal 26 ans ; Martine 68 ans ; Monique 78 ans ; Sandrine 35 ans ; Patricia 51 ans ; Emma 13 ans ; Valéria 34 ans ; Sylvie 60 ans ; Claire 38 ans ; Sarah 32 ans ; Audrey 33 ans ; Nathalie 33 ans ; Julie 26 ans ; Liza 31 ans ; Lili 32 ans ; Sandra 40 ans ; Marie-Reine 36 ans ; Kumrije 44 ans ; Jennifer 25 ans ; Amelia 26 ans ; Kathryn 65 ans ; Véronique 45 ans ; Annick 75 ans ; Émilie 25 ans ; Anna 36 ans ; Marie 45 ans ; Mélanie 39 ans ; Une femme 77 ans ; Nathalie 47 ans ; Nadège 44 ans ; Une femme 51 ans ; Une femme 66 ans ; Farida 50 ans ; Une femme 29 ans ; Kethia 30 ans ; Dehbia 28 ans ;

Monique 75 ans ; Beatriz 38 ans ; Angélique 27 ans ; Elise 50 ans ; Nadia 62 ans ; Alessandra 46 ans ; Jocelyne 65 ans ; Lucia 49 ans ; Laura 31 ans ; Une femme 69 ans ; Une femme 95 ans ; Une femme 51 ans ; Une femme 60 ans ; Amanda 28 ans ; Une femme 45 ans ; Simone 80 ans ; Nana 22 ans ; Céline 20 ans ; Une femme 57 ans ; Amélie 21 ans ; Caroline 24 ans ; Elsa-Marie 29 ans ; Lisa 45 ans ; Muriel 56 ans ; Éléonore 27 ans ; Béatrice 35 ans ; Alison 49 ans ; Une femme 55 ans ; Doina 31 ans ; Une femme 70 ans ; Danielle 74 ans ; Zohra 38 ans ; Mélodie 34 ans ; Une femme 81 ans ; Betty 4 5ans ; Mélanie 36 ans ; Catherine 58 ans ; Danielle 26 ans ; Patricia 52 ans ; Claire 42 ans ; Une femme 38 ans ; Sophie 50 ans ; Irène 82 ans ; Jeanine 92 ans ; Madison 24 ans ; Une femme 80 ans ; Chantal 74 ans ; Jessyca 46 ans ; Giuliana 37 ans ; Jemima 29ans ; Une femme 51 ans ; Une femme 24 ans ; Maeva 28 ans ; Fabienne 68 ans ; Loana 10 ans ; Une femme 93 ans ; Une femme 61 ans ; Assunta 85 ans ; Une femme 50 ans ;

Yasmina 41 ans ; Séverine 47 ans ; Hélène 55 ans ; Édith 88 ans ; Mouna 51 ans ; Mauricette 90 ans ; Céline 42 ans ; Caroline 38 ans ; Monique 61 ans ; Agnès 78 ans ; Emmanuelle 57 ans ; Karen 42 ans ; Taghreed 57 ans ; Marie-Christine 39 ans ; Une femme 30 ans ; Nacera 53 ans ; Dana 26 ans ; Samar 63 ans ; Élodie 34 ans ; Marie-Astrid 39 ans ; Agnès 80 ans ; Jacqueline 27 ans ; Cindy 38 ans ; Hélène 57 ans ; Sylvie 58 ans ; Kugamany 85 ans ; Djeneba 38 ans ; Madouda 38 ans ; Armelle alias Deo 44 ans ; Hadjira 45 ans ; Maïté 32 ans ; Martine 60 ans ; Nouara 62 ans ; Nadine 33 ans ; Adélaïde 40 ans ; Aicha 40 ans ; Brigitte 58 ans ; Karima 47 ans ; Céline 51 ans ; Alicia 18 ans ; Julie 29 ans ; Sophie 60 ans ; Karine 54 ans ; Nelly 40 ans ; Sélina 13 ans ; Sonia 29 ans ; Nathalie 48 ans ; Aline 39 ans ; Valérie 56 ans ; Iris 24 ans ; Marie 72 ans ; Cagla 36 ans ; Eliane 95 ans ; Annick 86 ans ; Audrey 41 ans ; Laura 27 ans ; Chloé 5 ans ; Giovanna 41 ans ; Nadine 63 ans ; Manon 22 ans ; Fatima 40 ans ; Halima 26 ans ; Corinne 64 ans ; Héléna 20 ans ; Rose 5 ans ; Nisrine 25 ans ; Madalina Gabriela 26 ans ; Luna 22 ans ; Sandra 36ans ; Yamina 47 ans ; Francisca 47 ans ; Cécile 48 ans ; Mathilda 34 ans ; Isabelle 36 ans ; Nadège 48 ans ; Hadas 39 ans ; Nelly 50 ans ; Fathia/Fatiha 27 ans ; Cathy/Catherine 54 ans ; Nacera 53 ans ; Élisa 24 ans ; Marie-Antoinette 75 ans ; Assia 46 ans ;

Heide 44 ans ; Sophie 47 ans ; Laure 28 ans ; Neda/Valéria/Valéryia 51 ans ; Séverine 43 ans ; Flora 34 ans ; Marina 45 ans ; Laurence 47 ans ; Marie-Camille 37 ans ; Sihem 18 ans ; Magdalena 29 ans ; Catherine 46 ans ; Mongia 73 ans ; Eva 20 ans ; Angélique 22 ans ; Catherine 47 ans ; Valérie 52 ans ; Virginie 46 ans ; Claude 60 ans ; Shanon 13 ans ; Alexandra 36 ans ; Une femme 43 ans ; Jeannette 88 ans ; Une femme 31 ans ; Une femme 85 ans ; Une femme 55 ans ; Une femme 45 ans ; Alicia 28 ans ; Une femme 35 ans ; Gigi 44 ans ; Mailyss 18 ans ; Pauline 32 ans ; Marie-Pierre 66 ans ; Hayatte 38 ans ; Emma 24 ans ; Marie-Antoinette 86 ans ; Une femme 15 ans ; Lauren 29 ans ; Loréna 22 ans ; Cynthia 45 ans ; Une femme 95 ans ; Une femme 76 ans ; Une femme 56 ans ; Une femme 77 ans ; Édith 54 ans ; Une femme 64 ans ; Une femme 72 ans ; Christelle 29 ans ; Magali 52 ans ; Brigitte 63 ans ; Une femme 28 ans ; Michelle 60 ans ; Une femme 29 ans ; Une femme 56 ans ; Leïla 50ans ; Asmina 29 ans ; Louane 16 ans ; Ghislaine 75 ans ; Martine 62 ans ; Lucie 29 ans ; Nathalie ; Yasmin 24 ans ; Corinne 60 ans ; Auriane 22 ans ; Emeline 26 ans ; Zaouina 60 ans ; Une femme 16 ans ; une femme 75 ans…

Les militant·es #NousToutes

https://blogs.mediapart.fr/noustoutes/blog/170524/monsieur-le-president-de-la-republique-votre-inaction-tuebona

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Affaires porno : L’électrochoc

28 mai 2024, par Claudine Legardinier — , ,
Un procès historique en termes de violences sexistes et sexuelles dans le milieu de la pornographie devrait avoir lieu en France au début de l'année 2025. Pour la première (…)

Un procès historique en termes de violences sexistes et sexuelles dans le milieu de la pornographie devrait avoir lieu en France au début de l'année 2025. Pour la première fois, sont dénoncées à grande échelle les violences subies par les actrices sur les tournages pornographiques. Deux affaires en cours – dites French Bukkake et Jacquie et Michel – pourraient (on l'espère !) être un électrochoc dans une société incroyablement complaisante vis-à-vis d'actes sexuels tarifés, jusqu'ici blanchis par la magie de la caméra.

Tiré de Entre les lignes et les mots

La justice s'attaque à la prostitution filmée

La porosité entre les univers pornographique et prostitutionnel apparaît aujourd'hui clairement, confirmant ce que se tue à répéter le Mouvement du Nid, qui préfère au terme « pornographie » celui de « prostitution filmée » et qui soutient les nombreuses victimes qui ont eu le courage de témoigner et de se porter parties civiles dans les procès en cours. Jeunes, souvent polytraumatisées, leur parole est aujourd'hui d'une importance capitale et s'inscrit dans un contexte général plus favorable à l'écoute.

Tout indique que l'industrie du porno est intrinsèquement prostitutionnelle. C'est un système régi par un mode opératoire proxénète, dont le moteur est la violence, sexiste et sexuelle. Misogynie, racisme, incitation aux fantasmes pédocriminels, incestes, tortures, séquestrations, de pareils contenus seraient inacceptables sur tout autre support. La violence, érotisée, normalisée, constitue l'essence même de cette industrie, mais jusqu'ici en toute impunité.

LE PORNO, ENFIN À LA UNE DE L'ACTUALITÉ !

17hommes bientôt jugés au premier grand procès du porno. Le chiffre est sans précédent comme le nombre de victimes, une soixantaine, qui ont déjà eu le courage de prendre la parole pour dénoncer les atrocités dont elles ont été victimes.
* Des victimes polytraumatisées
*Reléguées en cour départementale

PROSTITUTION, PORNOGRAPHIE, DEUX FACES DE LA MÊME PIÈCE

Les procès pourraient, on l'espère, faire la lumière sur le caractère proxénète de ces sociétés pornographiques, c'est-à-dire leur enrichissement fondé sur l'exploitation de rapports sexuels tarifés, donc obtenus sous la contrainte de l'argent.
* Duproxénétisme ?
* Des faits pourtant avérés
* Des acteurs, ou des clients ?
* Les mêmes parcours fracassés
* Les mêmes dommages sur la santé

POUR EN FINIR AVEC LA PROSTITUTION FILMÉE

Dans leur rapport, les sénatrices insistent sur l'urgence d'en faire une priorité de politique pénale qui s'inscrirait dans les priorités plus larges telles que la lutte contre les violences conjugales, pour l'égalité femmes-hommes et la protection des mineur·es.

A lire également :
* Le rapport du Sénat,L'enfer du décor
* Le rapport du HCE
Télécharger le dossier Porno, l'électrochoc complet ici PS219-DOSSIER

A lire également :« le porno, ce n'est pas du cinéma »
Claudine Legardinier
https://mouvementdunid.org/prostitution-societe/dossiers/affaires-porno-lelectrochoc/bona

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Tentative de licencier un syndicaliste malgré le refus de l’inspection du travail : défendons les droits syndicaux

28 mai 2024, par Collectif — ,
Le 23 avril, Christian Porta, délégué syndical, a été notifié de son licenciement par son entreprise malgré une décision de refus très motivée de l'Inspection du travail. (…)

Le 23 avril, Christian Porta, délégué syndical, a été notifié de son licenciement par son entreprise malgré une décision de refus très motivée de l'Inspection du travail. Un ensemble de juristes, d'avocat·es, de syndicalistes et d'inspecteurs du travail dénonce un passage en force inquiétant, tant pour les représentants du personnel que pour les Inspecteurs du travail qui voient ainsi leur prérogative anéantie.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Les atteintes à l'État de droit dont s'inquiète Amnesty International dans son dernier rapport annuel ne sont pas l'apanage des gouvernements, elles concernent aussi les entreprises, où se cumulent recul légal des droits protecteurs pour les salariés et refus de respecter la législation en vigueur pour les droits toujours existants.

Les 22 et 23 avril dernier, Christian Porta, délégué syndical central de la boulangerie industrielle Neuhauser, filiale du groupe InVivo, a été notifié coup sur coup du refus par l'inspection du travail d'autoriser son licenciement puis de son licenciement. Au lendemain de la publication d'une décision longuement motivée, invalidant l'argumentaire de l'entreprise qui accuse le syndicaliste CGT de « harcèlement » envers sa direction, InVivo a tout simplement décidé de passer outre le code du travail.

Ce choix de se placer consciemment dans l'illégalité est l'aboutissement d'un bras de fer d'une intensité rare entre la direction du groupe ayant racheté Neuhauser en 2021 et Christian Porta, représentant du personnel depuis près de 10 ans. Dans le secteur de l'agro-alimentaire, le site de Folschviller où il exerce se distingue par une importante implantation de la CGT, qui a recueilli 74% des suffrages aux dernières élections professionnelles, et par les conquêtes accumulées : 32 heures payées 35, embauches en CDI, lutte victorieuse contre la fermeture de sites et la mise en œuvre d'un PSE, réintégration de salariés injustement licenciés, etc.

Une contre-tendance au recul des droits des salariés face à laquelle la direction du groupe InVivo assume explicitement vouloir en finir avec la CGT. Pour cela, dès février dernier, à la veille d'une grève de revendication sur les salaires, elle a mis à pied son délégué syndical en l'accusant de « harcèlement » sur la base d'une pseudo-enquête interne disqualifiée par l'inspection du travail. À l'époque déjà, la décision d'interdire à Christian Porta d'entrer dans son usine y compris pour exercer son mandat avait été invalidée par le tribunal judiciaire de Sarreguemines pour « atteinte à l'exercice des droits syndicaux » et en l'absence « d'éléments probants » concernant les accusations de la direction.

Ces premières défaites judiciaires n'ont pas empêché InVivo de poursuivre son offensive. Bien que les collègues du syndicaliste lui aient exprimé une large solidarité, non seulement par la grève mais également en signant majoritairement une pétition de soutien, et alors que l'inspection du travail a refusé d'autoriser son licenciement, InVivo poursuite sa politique de répression syndicale, jusqu'à violer l'article L.2411-5 du code du travail qui consacre la protection des représentants du personnel. Ce licenciement contra legem, par un géant européen de l'agroalimentaire, porte à l'extrême le mépris des droits syndicaux et du service public de l'inspection du travail et rappelle que le syndicaliste, en période de régression des droits, est à ce point vital pour l'organisation collective de la revendication qu'il reste l'homme à abattre.

Comme le rappelle la Cour de cassation depuis des décennies, la protection des élus du personnels « a été instituée non dans le seul intérêt de ces derniers mais dans celui de l'ensemble des salariés ». Par cet acte de défi, un patronat décomplexé s'affranchit de la loi et méprise ouvertement une décision administrative de l'inspection du travail pour passer outre la protection des représentants du personnel. C'est le projet assumé de la direction d'InVivo, dont le DRH n'hésite pas à affirmer publiquement vouloir « attaquer l'État » si son licenciement illégal était rendu impossible.

Alors que les inspecteurs du travail et syndicalistes font l'objet de contre-réformes constantes qui réduisent toujours plus leurs moyens et leurs prérogatives, nous, juristes, avocats et Inspecteurs du travail souhaitons rappeler l'évidence : licencier un salarié protégé sans autorisation de l'Inspection du travail est interdit. L'exercice des mandats syndicaux est protégé par le Préambule de la Constitution du 1946 qui affirme d'une part, la liberté syndicale (alinéa ) et d'autre part, le principe de participation des travailleurs à la détermination des conditions de travail (alinéa 8). Le représentant du personnel est protégé car il est exposé, au service de la défense des intérêts des travailleurs.

La protection des représentants du personnel est la condition de l'exercice des droits des salariés, et sa remise en cause opère un retour vers le XIXème siècle pour déstabiliser l'ensemble de l'édifice des droits des salariés dans l'entreprise, arrachés au travers longues luttes. Plus que jamais, le droit du travail est une conquête collective que les avocats, inspecteurs du travail, syndicalistes et forces politiques doivent défendre dans le cadre du combat plus large pour s'opposer au recul des droits démocratiques dans le pays.

Signataires

Savine Bernard, avocate au barreau de Paris, spécialiste en droit du travail, présidente de la commission droit social du Syndicat des Avocats de France
Sophie Binet, Secrétaire générale de la Confédération générale du Travail (CGT)
Ralph Blindaueur, avocat au barreau de Metz
CGT SNTEFP, Syndicat National Travail Emploi Formation Professionnelle CGT
Karim Chagroune, vice-président section industrie du Conseil des Prud'hommes du Havre
Marie-Laure Dufresnes-Castet, avocate au barreau de Paris
Michel Estevez, président du Conseil des Prud'hommes de Metz
Gérard Filoche, inspecteur du travail
Manuela Grévy, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation
Julien Huck, secrétaire Général FNAF CGT
Judith Krivine, avocate au barreau de Paris, présidente du Syndicat des Avocats de France
Reynald Kubecki, délégué syndical CGT Sidel et Vice-président section industrie du Conseil des Prud'hommes du Havre
Mornia Labssi, inspectrice du travail
Gérald Le Corre, syndicaliste CGT et inspecteur du travail
Elsa Marcel, avocate au barreau de Seine-Saint-Denis
Sébastien Menesplier, Secrétaire général FNME CGT
Pascal Moussy, directeur de publication de la revue Chroniques ouvrières
Fiodor Rilov, avocat au barreau de Paris
Antony Smith, inspecteur du travail
Isabelle Taraud, avocate au barreau de Paris
Cyril Wolmark, professeur de droit à l'Université Paris Nanterre

https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/220524/tentative-de-licencier-un-syndicaliste-malgre-le-refus-de-linspection-du-travail-de-fe

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Rassemblement de solidarité à Genève avec les syndicalistes et enseignant·e·s d’Iran, vendredi 7 juin

28 mai 2024, par Collectif — ,
A l'occasion de la Conférence internationale du travail de l'OIT (Organisation internationale du travail), les organisations syndicales signataires appellent à un rassemblement (…)

A l'occasion de la Conférence internationale du travail de l'OIT (Organisation internationale du travail), les organisations syndicales signataires appellent à un rassemblement devant le siège des Nations Unies à Genève, le vendredi 7 juin 2024.

Photo et article tirés de NPA 29

Elles entendent ainsi dénoncer la nouvelle campagne de répression entreprise par les autorités de la République islamique d'Iran, et notamment :

-le nombre effrayant d'exécutions capitales, dont plus de soixante rien que pendant les deux dernières semaines du mois d'avril ;
-la poursuite de la répression de femmes refusant de porter le voile.

Nous protestons également contre la venue annoncée à la Conférence internationale du travail de personnes désignées par le régime pour représenter les salarié·e·s.

La République islamique d'Iran a refusé de ratifier de nombreux textes fondamentaux de l'OIT, dont ceux concernant la liberté de constituer des syndicats, la protection du droit syndical et la négociation collective (Conventions 87 et 98 de l'OIT).

Rien ne justifie néanmoins que l'Iran agisse en contradiction avec ces normes. En effet, la Déclaration de 1998 « oblige les Etats Membres à respecter et à promouvoir » ces dispositions, « qu'ils aient ou non ratifié les conventions correspondantes ».

Et cela d'autant plus que l'Iran siège officiellement dans certaines instances de l'OIT.

L'Iran est par ailleurs signataire de deux traités internationaux protégeant notamment le droit de constituer des syndicats, de s'y affilier et de rencontrer des syndicalistes d'autres pays :

-Pacte international (ONU) relatif aux droits civils et politiques (PIDCP/ICCPR), article 22 ;
-Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC/ICESCR), article 8.

Le régime réprime néanmoins des dizaines de personnes agissant dans le cadre de ces deux textes signés par l'Etat iranien.

Nous organisons un rassemblement :

Vendredi 7 juin 2024, à partir de 12h à Genève devant le Palais des Nations – « La Chaise »
– contre la répression généralisée du régime iranien,
– pour soutenir les personnes arrêtées, dont notamment les syndicalistes et les enseignant·e·s,
– pour exiger leur libération immédiate.

Confédération française démocratique du travail (CFDT)-France,
Confédération générale du travail (CGT)-France,
Fédération syndicale unitaire (FSU)-France,
Union syndicale Solidaires-France,
Union nationale des syndicats autonomes (UNSA)-France,
Communauté genevoise d'action syndicale (CGAS)–Suisse,
Syndicat SSP enseignement Genève –Suisse.

https://alencontre.org/

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Qu’est-ce qu’Atlas, ce réseau climatosceptique d’extrême droite ?

28 mai 2024, par Reporterre — , ,
Atlas, ce n'est pas seulement le nom d'un titan portant la planète sur ses épaules, ou d'un livre regroupant les cartes du monde. C'est un puissant réseau d'une centaine de (…)

Atlas, ce n'est pas seulement le nom d'un titan portant la planète sur ses épaules, ou d'un livre regroupant les cartes du monde. C'est un puissant réseau d'une centaine de groupes de réflexion ou organisations ayant un seul but : promouvoir des politiques ultralibérales et climatosceptiques dans le monde entier. « Une machine de guerre idéologique d'une nouvelle extrême droite, libertarienne et ultraconservatrice », explique Anne-Sophie Simpere, autrice d'un rapport sur Atlas publié le 22 mai par l'Observatoire des multinationales.

Tiré de Reporterre.

En France, les membres d'Atlas sont peu nombreux, mais ont des accointances avec les milieux médiatique, financier et politique, en particulier avec l'extrême droite. On compterait aujourd'hui une dizaine d'organisations, dont la plus active est la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap), dirigée par la lobbyiste Agnès Verdier-Molinié. Son travail consiste à publier des études pour défendre les intérêts des plus fortunés. L'Ifrap critique également les réglementations environnementales, ciblant pêle-mêle la loi Climat, les éoliennes, l'interdiction de la voiture thermique et la fiscalité écologique. Elle recommande aussi de repousser la transition écologique aux calendes grecques.

Autre organisation tout aussi anti-écolo : l'Institut de recherches économiques et fiscales (Iref), qui publie des articles niant la responsabilité des activités humaines dans le changement climatique. L'association Contribuables associés, fondée en 1990, est vent debout contre les politiques environnementales, en particulier le développement des éoliennes, et a rejoint l'Association des climatoréalistes.

Enfin, l'institut économique Molinari, financé par les industriels du pétrole et du tabac, est dans le déni climatique. « Une chose est sûre : il n'y a pas de consensus sur le changement climatique parmi les scientifiques », déclarait sa directrice Cécile Philippe en 2005. Cette position étant aujourd'hui trop difficile à assumer, l'institut porte désormais des critiques plus subtiles, notamment sur les réglementations, les taxes environnementales et les énergies renouvelables. Elle s'active également à promouvoir l'énergie nucléaire.

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Argentine : le peuple sur la défensive dans un scénario incertain

28 mai 2024, par Poder popular (Argentine) — , ,
L'Argentine vit le premier semestre du gouvernement d'ultra-droite de Javier Milei, qui vise à porter un coup définitif à la classe ouvrière et à restructurer le capitalisme (…)

L'Argentine vit le premier semestre du gouvernement d'ultra-droite de Javier Milei, qui vise à porter un coup définitif à la classe ouvrière et à restructurer le capitalisme argentin pour relancer l'accumulation, dans un contexte de crise généralisée. S'il réussit, cela pourrait se traduire par une défaite à long terme du mouvement populaire.

Tiré de Inprecor 720 - mai 2024
22 mai 2024

Par Poder popular (Argentine)

Manifestation du 23 avril 2024.

Depuis le début de son mandat, le gouvernement n'a pas été en mesure de se stabiliser pour mener à bien les aspects structurels de son programme. Il a produit un ajustement féroce des prestations de l'État et un effondrement de 20 % des salaires réels des travailleurs enregistrés entre décembre et mars, laissant le salaire formel moyen en dessous du panier de biens de base d'une famille typique. La situation de la moitié de la classe ouvrière argentine, qui occupe des emplois non déclarés, est encore pire. La pauvreté a atteint 41,7 % en décembre, selon les données officielles, et serait passée à 51,8 % au premier trimestre 2024. Cependant, le radicalisme de son programme et l'incapacité à harmoniser les volontés des secteurs politiques qui soutiendraient certaines des réformes structurelles ont jusqu'à présent empêché qu'elles soient adoptées par le parlement. Le 1er mars, dans son discours inaugural lors de l'ouverture des sessions du Congrès, le président a exprimé son intention de changer de tactique en faveur d'une plus grande flexibilité afin de générer des accords permettant le vote des réformes, ce qui n'implique pas, en principe, l'abandon effectif de leur radicalisme.

Depuis lors, le gouvernement a tenté de parvenir à un consensus sur au moins certaines des mesures et a réussi à faire voter par la chambre des députés une version partielle du projet de loi fondateur de son mandat (un projet de loi qui n'avait pas pu être promulgué en février). Toutefois, le vote nécessaire du Sénat et sa promulgation ne sont pas encore assurés, même si l'on peut s'attendre à ce qu'ils soient atteints, moyennant quelques modifications supplémentaires.

Les résistances populaires sont réelles

D'autre part, bien que le peuple argentin ait été démobilisé ces dernières années, depuis les premières mesures gouvernementales, une série de protestations de différentes natures ont eu lieu, culminant avec l'énorme mobilisation nationale du 23 avril en défense de l'université publique (qui, en Argentine, est accessible sans restriction ni frais). Plus d'un million et demi de personnes se sont mobilisées dans tout le pays, issues de secteurs hétérogènes, tant sur le plan économique que politique, avec toutefois une forte présence des classes moyennes. Il s'agit probablement de la plus grande manifestation de la dernière décennie, et la protestation a également été légitimée par les grands médias et les secteurs politiques qui observent passivement ou même soutiennent le gouvernement.

Alors que le projet de loi comprenant une réforme régressive du travail et un régime favorisant les grands investissements sans aucun avantage pour la population était en cours d'examen au parlement, les confédérations syndicales ont appelé à une manifestation le 1er mai et à une grève nationale le 9 mai. La manifestation du 1er a été unitaire et a connu une participation massive, essentiellement syndicale. La grève du 9 a été bien suivie, bien qu'il soit difficile d'en mesurer l'ampleur et d'en tirer des conclusions. Cependant, le discrédit des directions syndicales et l'absence de manifestation dans la rue ont atténué l'impact que la grève du 9 mai aurait pu avoir sur les politiciens qui doivent voter pour ou rejeter la loi du gouvernement.

Le scénario est encore ouvert. Le gouvernement peut ou non se stabiliser et même s'il se stabilise, il n'est pas certain qu'il puisse surmonter les énormes difficultés macroéconomiques du pays, y compris en s'attaquant brutalement aux conditions de vie de la classe ouvrière. Mais aucune issue ne sera favorable pour le peuple si elle n'est pas le produit d'une vague de protestations de rue qui inverse le climat de démobilisation imposé ces dernières années.

Le 15 mai, traduction de Fabrice Thomas.

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Mexique : les élections du 2 juin

28 mai 2024, par Federico Fuentes — , ,
Les enjeux : président de la République, 9 des 32 postes de gouverneurs, 128 sénateurs et 500 députés fédéraux et locaux (dont certains à représentation proportionnelle) (…)

Les enjeux : président de la République, 9 des 32 postes de gouverneurs, 128 sénateurs et 500 députés fédéraux et locaux (dont certains à représentation proportionnelle) doivent être élus, entre deux alliances, celle dirigée par Xóchitl Gálvez qui comprend le PRI, le PAN et le PRD et celle dirigée par Claudia Sheinbaum, qui réunit MORENA, PVEM et PT. [1]

23 mai 2024 | tiré de Rebelion
https://rebelion.org/elecciones-2-de-junio/

Avec la candidature présidentielle de Jorge Máynez, du Movimiento Ciudadano, ce qui est en jeu, c'est son enregistrement en tant que parti, même s'il compte sur un important avantage dans l'État de Jalisco. Le classement le plus sérieux du pays place la plupart des États dans une égalité technique et même l'élection présidentielle. Certains pronostics sont réservés, bien qu'il puisse également y avoir perte de l'enregistrement en tant que partis nationaux du PT et du PVEM et l'affaire autour du PRD ne le sauvera que dans certains États.

Toutefois, ces campagnes électorales et leurs principaux acteurs ont été laissés à eux-mêmes. (...). Dans la plupart des débats au niveau des États et au niveau présidentiel, on a privilégié la dénonciation de la prétendue corruption des prétendants, qui auraient amassé d'immenses fortunes sous le couvert de leurs postes élus et travaux passés, avec comme dénominateur commun un mandat de six ans. Récemment, ces actes de corruption et d'impunité n'ont pas été dénoncés par les chefs de ces gouvernements d'État ou du pays.

Par conséquent, il semble que le Mexique se dirige vers une démocratie ne servant qu'à porter quelqu'un au pouvoir, mais pas à assurer son objectif suprême, la mise en place d'un gouvernement de bienfaiteurs et bien sûr incorruptibles.

D'autre part, au Mexique, le sentiment général est que les acteurs politiques actuels utilisent les partis politiques, les pouvoirs qu'ils obtiennent, les prérogatives des partis et les institutions, pour judiciariser la politique et politiser les justices.

Le sentiment est que quelles que soient les positions politiques, ce qui est en jeu c'est la rupture de l'ordre constitutionnel établi et l'intrusion croissante du crime organisé dans la vie publique du pays, dans les élections. Des études sérieuses révèlent que ces manœuvres ont été « institutionnalisées » dans un tiers du pays. Face à la politique actuelle, l'État mexicain a été défendu par AMLO (l'actuel président mexicain), avec des câlins et non des balles et sans programmes sociaux-constitutionnels et permanents. Quel que soit le vainqueur, l'insécurité publique dans le pays ne sera pas inversée, et il ne sera pas mis fin à l'impunité rampante ni aux disparitions, comme si par un décret criminel l'insécurité publique et la délinquance organisée devenaient un pouvoir parallèle aux trois pouvoirs de l'Union : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.

Le Mexique est un pays d'environ 120 millions d'habitants dont environ la moitié est embourbée dans une pauvreté gérée par des programmes d'assistance qui ne sont pas une solution et qui ont été utilisés, depuis le gouvernement de Salinas de Gortari jusqu'au gouvernement actuel, pour recueillir des votes et prendre le pouvoir. Le présent bilan blâme le passé sans le décrire et sans rendre justice aux personnes touchées. Tout se maintient au niveau d'un discours qui est usé car le présent dure déjà depuis presque 6 ans.

La pauvreté, l'insécurité, la faim, les hôpitaux sans médicaments, les services coûteux, le chômage, les migrations, les déplacements forcés, la pandémie, la tristesse, la résignation, c'est aujourd'hui « notre pain quotidien ». Gagner l'élection ne permettra pas de résoudre ces problèmes mais lavera les vainqueurs de leur culpabilité et de leur irresponsabilité publique et constitutionnelle, sans parler de leur manque d'éthique et de morale.

Il me semble qu'après les élections du 2 juin, les citoyens devront reconstruire par le bas et se donner les moyens d'agir, car les partis politiques et leurs éternels dirigeants ne sont plus la solution au cancer qui ronge lentement le Mexique. Leur renouvellement se fera à une autre étape.

Il me semble que la validité de la Constitution politique du Mexique et de l'État de droit est encore absente aujourd'hui à cause de la classe politique actuelle. C'est très malheureux, mais c'est vrai que tout l'actuel personnel politique devrait quitter la politique et assumer son rôle devant l'histoire et devant la justice.

Rafael Marín Marín est secrétaire général du Front juridique national pour la défense de la Constitution et de l'État de droit.

Rebelión a publié cet article avec l'autorisation de l'auteur sous une licence Creative Commons, dans le respect de sa liberté de le publier dans d'autres sources.

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[1] Dix partis sont reconnus par l'Institut National Electoral (INE) :

  • Parti Action Nationale ("Partido Acción Nacional", abrégé PAN) est démocrate chrétien. C'est le parti des anciens présidents Vicente Fox et Felipe Calderón.
  • Parti Révolutionnaire Institutionnel ("Partido Revolucionario Institucional", abrégé PRI) a été au pouvoir sous différents noms, à l'échelle locale, fédérale et nationale durant la majeure partie du xxe siècle. C'est le parti de l'ancien président Enrique Peña Nieto, au pouvoir entre le 1er décembre 2012 et le 1er décembre 2018.
  • Parti de la Révolution Démocratique ("Partido de la Revolución Democrática", abrégé PRD), né d'une scission du PRI sous le nom de Front démocratique national durant les élections présidentielles de 1988, son candidat d'alors, Cuauhtémoc Cárdenas, a perdu et depuis lors le parti s'est consolidé.
  • Parti Vert Écologiste du Mexique ("Partido Verde Ecologista de México", abrégé PVE-PVEM) est un parti de centre.
  • Parti du travail ("Partido del Trabajo", abrégé PT) est un parti mineur de gauche.
  • Mouvement Citoyen ("Movimiento Ciudadano", abrégé MC), parti de centre gauche fondé en 2011 à partir de Convergence ("Partido Convergencia", abrégé CON), fondé en 1997.
  • Mouvement de régénération nationale ("Movimiento Regeneración Nacional", acronyme MORENA), parti de centre gauche créée en 2014. Il devient le premier parti du pays en 2018, son chef Andrés Manuel López Obrador étant élu président du Mexique.
  • Parti réunion solidaire (es) ("Partido Encuentro Solidario", abrégé PES), parti de centre droit, fondé en 2020 à partir de Parti de la Réunion sociale. Wikipédia -https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_partis_politiques_au_Mexique

L’expansion impérialiste interplanétaire : pour bientôt

28 mai 2024, par Jean-François Delisle — ,
On parle beaucoup ces temps-ci de politique internationale, de l'impérialisme qui lui est consubstantielle et des rivalités qu'il entraîne. Mais il faut penser aussi au moment (…)

On parle beaucoup ces temps-ci de politique internationale, de l'impérialisme qui lui est consubstantielle et des rivalités qu'il entraîne. Mais il faut penser aussi au moment où cet impérialisme va déborder des limites terrestres et s'étendre sur les astres voisins et même, beaucoup plus tard, sur tout le système solaire.

C'est dans la logique même de l'impérialisme de s'étendre et de contrôler le plus possible de territoires. C'est ainsi que certaines puissances européennes ont, à partir du seizième siècle, envahi le reste du monde. À moins que de strictes mesures ne soient adoptées là-dessus, on risque l'anarchie dans l'espace motivée par l'appât du gain et l'orgueil national.
L'exploration spatiale a débuté en avril 1961 lorsque le cosmonaute soviétique Youri Gagarine a été le premier homme à faire le tour de la Terre à bord d'un vaisseau spatial. Il n'était que dans la "banlieue" de notre planète mais c'était un pas de géant dans de l'exploration de l'espace. Pour la première fois, un homme y allait en personne.

Durant toute la décennie 1960, on a assisté à une compétition acharnée entre l'URSS et les États-Unis pour la course à la Lune : quelle puissance y parviendrai en premier ? Les Américains ont gagné en mettant le pied sur notre satellite avec Apollo 11 le 21 juillet 1969. Depuis, les missions spatiales habitées sur la Lune, et inhabitées (pour l'instant) ailleurs dans l'espace se sont multipliées. Les sondes ont atteint la planète Mars, certaines y ont atterri pour prélever des échantillons de sol et tenter de trouver des traces de vie. Sans succès jusqu'à maintenant. Tout ceci sans compter les satellites mis en orbite autour de la Terre par plusieurs pays (dont le Canada) pour des prévisions atmosphériques et des études scientifiques. Certains de ces engins sont aujourd'hui en "fin de vie" et il faudra les remplacer. Que faire de toute cette ferraille devenue inutile ? L'éliminera-t-on et si oui, de quelle manière ? Des interrogations sans réponse, en tout cas pour le grand public. Conclusion : le danger de pollution gagne à présent l'espace...

Aux dernières nouvelles (mais s'agit-il d'une ferme décision ?), les États-Unis projettent d'établir une base permanente sur notre satellite la Lune vers 2035. Beijing vient de lancer un engin pour explorer la face cachée de notre satellite. Dans ce contexte, pas besoin d'être grand devin pour prévoir une "course à la Lune" et à Mars entre diverses puissances, non seulement par intérêt scientifique mais aussi économique. États-Unis, Chine, Russie, Union européenne, peut-être aussi Japon. Ces entités étatiques vont essayer de s'installer d'ici quelques décennies sur ces astres, et à plus long terme, sur d'autres.

On ignore si notre satellite contient des ressources minérales exploitables, mais c'est sans doute le cas pour Mars et peut-être aussi pour Vénus, l'autre planète "voisine" de la Terre. Toutefois, il y règne une température infernale qui en rend l'exploitation minière impossible dans l'état actuel de la technologie.

Certains satellites de planètes gazeuses géantes, Jupiter et Saturne présentent un intérêt certain pour l'étude scientifique.

Europe par exemple, une des lunes galiléennes de Jupiter laisse présager la présence d'eau, ce qui peut s'avérer d'un intérêt primordial pour "l'exobiologie". Pareil pour Ganymède et Callisto, autres satellites de Jupiter qui pourraient receler chacune un océan sous-glaciaire. Encelade est une lune de Saturne où on a détecté des geysers de vapeur d'eau provenant du pôle sud de l'astre. Ils sont constitués de sel et de matières organiques, ingrédients jugés indispensables à l'apparition de la vie. La NASA a même annoncé en 2014 la présence d'un océan sous la surface gelée du pôle sud. On croit donc que ce satellite de Saturne constitue, avec Mars un des astres les plus susceptibles d'abriter de la vie. Un autre satellite de Saturne, Titan, possède une atmosphère très développée.

Cérès, une planète naine (un peu moins de mille kilomètres de diamètre) contient des minéraux hydratés, de la glace d'eau, des carbonates et de la matière organique ; on considère probable que cette petite planète contient un océan sous sa glace de surface.
Ces astres sont donc susceptibles d'abriter des formes de vie, mais comme ils sont loins de la Terre, des expéditions ne sont pas à la veille de s'y rendre.

Pour Mars, c'est différent. Plusieurs missions spatiales s'y sont rendues depuis 1964 et dont certaines, les plus récentes, y ont atterri. On sait que le véritable but de l'établissement d'une base permanente sur la Lune est de servir de tremplin pour en implanter une autre sur Mars. Les responsables de ce programme n'ont sans doute pas encore mis au point un calendrier pour réaliser cet objectif, mais on peut aisément prévoir que la "colonisation" de la planète rouge se fera dans quelques décennies.

On ne sait pas quelle sera la nature exacte de la base permanente projetée sur la Lune : scientifique ou économique ? Les deux peut-être, et si oui, dans quelles proportions ?
En tout cas, cette expansion dans les astres voisins du nôtre par certains gros joueurs internationaux (étatiques et privés) pose toute une série de questions qu'il faut examiner dès maintenant si on veut éviter l'apparition éventuelle de conflits interétatiques et le pillage des ressources manières de Mars, par exemple. C'est encore plus vrai pour protéger les planètes abritant peut-être des formes de vie.

Le statut juridique et politique des planètes est pour le moment incertain, non défini, du moins à ma connaissance. Si un droit existe à ce sujet, il ne peut être qu'embryonnaire.
Avant même que les premières bases permanentes soient établies sur la Lune et sur Mars, il importera de définir un cadre juridico-politique concernant leur occupation et régulant la circulation dans l'espace. Sinon, on se dirige vers une anarchie destructrice en raison des rivalités à l'origine de cette expansion entre les puissances hégémoniques.

À moins d'une entente internationale interdisant toute exploitation économique peu importe sa nature de nos planètes voisines, on doit s'attendre à une course au profit. Les rivalités commerciales, économiques, politiques et militaires terrestres risquent fort de s'étendre au-delà de notre planète (déjà assez maganée par la pollution). On peut redouter en particulier la militarisation de l'espace.

On fera peut-être valoir qu'il est légitime d'exploiter d'éventuelles ressources minières sur Mars et Vénus, vu que ces planètes ne contiennent aucune trace de vie. C'est le cas pour Vénus (une vraie fournaise), mais moins pour Mars. Il y a peut-être existé voici très longtemps de l'eau et des formes microscopiques de vie pourraient y subsister sous la surface. On sait qu'il y a du pergélisol et du mollisol. Seule une expédition habitée pourra trancher la question.

L'entente internationale que j'évoquais plus haut devrait faire la distinction entre des planètes abritant éventuellement une forme de vie et les autres, stériles. Les premières devraient être protégées de toute exploitation économique et ne contenir que des bases d'études scientifiques. Quant aux secondes, devrait-on en permettre l'exploitation minière ? Ce n'est pas parce qu'un astre n'héberge aucune forme de vie qu'on dispose du droit d'en abîmer à jamais la surface et le paysage en général. Il s'ensuivrait de plus une pollution de ces planètes par des micro-organismes terrestres qui accompagneraient l'homme dont ils sont les commensaux, modifiant à jamais l'aspect du sol de ces corps célestes, en dépit de toutes les précautions prises pour les éliminer à bord des engins décollant de la Terre. La matière minérale présente autant d'intérêt scientifique que les diverses formes de vie, de laquelle d'ailleurs ces dernières dérivent. Demandez-le aux géologues...

Mais si dépassera le stade des bases scientifiques et que des colonies humaines sont implantées sur d'autres planètes, elles ne pourront à la longue subsister uniquement d'approvisionnements terrestres. Elles devront subvenir à leurs besoins par elles-mêmes. Seuls des échanges commerciaux entre elles et des États terrestres leur procureront les moyens de se maintenir. Que pourront offrir ces établissements aux gouvernements de la Terre sinon des "produits locaux", forcément d'origine minérale ? L'expansion démographique sur ces astres apportera aussi son lot de problèmes, dont celui du statut politique de ces établissements. Mais c'est pour l'instant encore de la science-fiction.
Sans tomber dans l'angélisme, on peut souhaiter dans l'immédiat un traité international régulant l'exploration de l'espace et l'occupation par l'homme d'autres planètes. On doit éviter de laisser le champ libre à l'exploitation débridée de celles-ci. Un équilibre devra être mis au point entre l'exploitation raisonnable de certaines ressources extraterrestres et l'exploration scientifique de l'Univers. Tout est affaire de mesure.

Jean-François Delisle

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Élections partout, démocratie nulle part ?

28 mai 2024, par Marie-Sophie Villeneuve — ,
Selon les différents indices de santé mesurés de par le monde, ça ne va pas trop bien pour la démocratie. Qu'est-ce qui peut bien expliquer que, malgré le fait que jamais dans (…)

Selon les différents indices de santé mesurés de par le monde, ça ne va pas trop bien pour la démocratie. Qu'est-ce qui peut bien expliquer que, malgré le fait que jamais dans notre histoire il n'y a eu autant d'humains vivant dans des pays en élection, la démocratie soit en si mauvais état ?

Tiré de Ma CSQ cette semaine.

L'année 2024 nous révèle l'un des plus grands paradoxes politiques de notre époque. D'un côté, le monde connaît une année électorale historique. De l'autre, la démocratie connaît des reculs marqués, sans précédent depuis que nous la mesurons à l'échelle mondiale.

Au milieu de cela, on découvre un fascinant jet de lumière : de tous les indicateurs de la démocratie, celui qui ne cesse de croître est la participation démocratique des populations dans les organisations et mobilisations de la société civile, dont les syndicats.

Coup d'œil sur trois phénomènes qui se situent en plein cœur de la crise de confiance envers les institutions.

L'année des élections

Des élections sont prévues dans 76 pays, notamment dans 8 des 10 pays les plus populeux : l'Inde, les États-Unis, l'Indonésie, le Pakistan, le Brésil, le Bangladesh, le Mexique et la Russie. Également, les 27 pays de l'Union européenne (EU) seront en élections pour le Parlement européen.

Théoriquement, deux milliards d'électrices et d'électeurs seront appelés aux urnes, du jamais vu !

Nombre de personnes vivant dans un pays en élection (en milliards) de 2020 à 2024

En théorie, cette année devrait être un triomphe pour la démocratie. En pratique, une hirondelle ne fait pas le printemps : la démocratie ne se résume pas à la tenue d'élections.

Sur les 76 pays en élections, 28 ne remplissent pas les conditions essentielles au vote démocratique. Il s'agit de régimes à saveur autoritaire, où les élections peuvent être tronquées ou reportées sans cesse, comme au Sénégal. Ou encore, il s'agit d'un simulacre destiné à fournir un vernis démocratique à un gouvernement pleinement autoritaire, comme c'est le cas en Russie.

La démocratie en plein recul

Il faut de nombreuses conditions pour pouvoir qualifier un pays de démocratie complète. L'indice de démocratie est une mesure publiée chaque année par The Economist afin de mesurer l'état de la démocratie dans la grande majorité des pays et des territoires du monde (167 pays et territoires), selon 60 indicateurs répartis dans 5 catégories :

pluralisme et processus électoraux ;

fonctionnement du gouvernement ;

droits civils et politiques ;

participation politique ;

culture démocratique.

Le tout récent rapport À l'ère des conflits dresse un constat fort inquiétant : à 5,23 sur 10, la moyenne mondiale atteint son niveau le plus bas depuis la première publication de l'étude, en 2006.

Moyenne mondiale de l'indice de démocratie de 2006 à 2023

Le déclin a commencé en 2016 et il est particulièrement aigu depuis 2019, aggravé par la réduction des droits et libertés pendant la pandémie et l'incidence croissante des violences armées.

Ci-dessous, la carte des pays du monde selon leur indice de démocratie.

Ainsi :

Moins de 8 % de la population mondiale vit dans une démocratie complète (24 pays) ; et 37 % de la population vit dans une démocratie défaillante (50 pays). Cela signifie que moins de la moitié de la population du monde (45 %) vit dans une démocratie ;
15 % de la population mondiale vit dans un régime hybride (34 pays) ; et 40 % dans un pays autoritaire (39 pays), soit une hausse de 3 % depuis 2022. C'est donc 55 % de la population mondiale qui est soumise à une forme ou à une autre d'autoritarisme.
Aussi, le rapport indique que 32 pays ont connu une hausse de leur indice, contre 68 pays qui ont vu leur indice régresser.

Les cinq États les mieux classés au monde

Dans l'ensemble, 10 des 12 premières places sont occupées par des pays d'Europe de l'Ouest.

L'Amérique du Nord (Canada et États-Unis) a connu un recul de sa moyenne globale et, pour la première fois depuis 2006, est passée du premier au deuxième rang au classement par continent. Les reculs démocratiques ont d'abord été très marqués aux États-Unis : le pays est tombé au stade de démocratie défaillante en 2016, pour se situer présentement à la vingt-neuvième position mondiale. Le Canada est en treizième position, et l'indice de 8,7 représente son plus faible résultat depuis 2006.

De la démocratie au Canada et au Québec

L'indice du Canada a chuté drastiquement en 2021, passant de 9,24 à 8,87, ce qui a fait dégringoler le pays de la cinquième à la douzième position au classement mondial, puis à la treizième position en 2023. Pourtant, le Canada avait l'habitude de figurer parmi les cinq premiers rangs du classement mondial depuis 2006.

Trois tendances similaires aux courants de fond que l'on observe aux États-Unis sont les principaux facteurs de ce recul :

la hausse de la polarisation, qui consiste à chercher la division autour des politiques plutôt que la collaboration et le consensus ;

la diminution de la confiance envers le gouvernement actuel et la démocratie en général ;

les reculs de droits pour certaines minorités.

Au Canada, ces tendances se renforcent actuellement sur des enjeux comme l'immigration, les politiques environnementales, les droits des personnes LGBTQI+, les droits sexuels et reproductifs des femmes et la crise des opioïdes.

Les baisses s'observent plus précisément dans trois catégories : fonctionnement du gouvernement, droits civils et politiques et culture démocratique, là où la baisse est la plus marquée (en bleu ci-dessus). Cette dernière courbe est l'illustration statistique la plus claire du déploiement de la crise de confiance envers les institutions au Canada et au Québec.

Les indicateurs de cette catégorie mesurent la proportion de la population qui déclare soutenir la démocratie, l'état de droit et la séparation des pouvoirs vs celle qui est en accord avec une personnalité ou un mouvement antidémocratique ou qui préférerait un gouvernement militaire ou d'experts et de technocrates.

La participation et la mobilisation de la population tirent la démocratie vers le haut

Somme toute, les systèmes électoraux et le pluralisme politique demeurent hautement démocratiques au Québec et au Canada. Nous faisons partie des dix États les mieux classés au monde à cet égard.

La participation politique demeure stable. Cette catégorie comprend les indicateurs mesurant les taux de participation électorale, la représentation des minorités et des femmes dans les institutions politiques, la proportion de la population membre d'un parti ou d'une association de la société civile, celle ayant pris part à une manifestation ainsi que pour laquelle les niveaux d'éducation et d'alphabétisme sont élevés.

Bien que les taux de participation électorale aient connu une tendance à la baisse au Québec et au Canada, les mobilisations et l'engagement au sein de groupes de la société civile, incluant les syndicats, tiennent la démocratie à flot. L'indice démontre que nous sommes parmi les populations les plus participatives et mobilisées au monde, occupant la cinquième position mondiale.

À surveiller !

La priorité est de prévenir les reculs des droits et la hausse des violences à l'encontre de certains groupes ciblés par les discours de l'extrême droite, notamment pour les femmes, surtout sur le plan des droits sexuels et reproductifs, les personnes LGBTQI+ et les personnes migrantes.

Il importe aussi de dénoncer la forte tendance de plusieurs partis et personnalités politiques à jouer de la polarisation à l'américaine, à des fins électoralistes.

Au Québec, il faut également surveiller une très forte tendance à la concentration des pouvoirs, accompagnée d'une diminution de la transparence et de la participation de la population dans la conduite des affaires publiques. Le parti actuellement majoritaire est le moins démocratique de l'Assemblée nationale, il n'est pas enraciné dans une tradition démocratique. C'est un parti géré comme une grande entreprise : les candidates et candidats, ainsi que la plateforme politique, sont nommés par le chef et son entourage.

La culture du milieu des affaires, qui ne carbure pas à la transparence et à la reddition de comptes, s'implante rapidement au sein de l'État québécois : on doit surveiller de près la multiplication des agences, créées à l'extérieur des ministères.

Répression de la parole citoyenne

On observe aussi une forte tendance à utiliser les mécanismes criminels pour réprimer la participation citoyenne aux instances démocratiques, la liberté d'expression et le droit de manifestation. Les cas de représentantes et représentants élus qui menacent de poursuivre des citoyennes et citoyens à la suite de leur mobilisation sur des enjeux d'affaires publiques se multiplient de façon inusitée.

Pourtant, les vrais cas de harcèlement et d'intimidation se multiplient, notamment au niveau municipal, et la documentation du problème montre que la polarisation est en cause. Aussi, les femmes élues, ainsi que les personnes issues des minorités culturelles, sont beaucoup plus exposées au problème. Malheureusement, les mesures proposées ne prennent pas en compte ces dimensions. Elles tendent plutôt vers la répression de la population, comme l'a souligné la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) aux côtés des autres centrales syndicales.

Cette vision risque davantage de jeter de l'huile sur le feu, car la démocratie repose sur l'acceptabilité et le consensus autour des politiques. Moins la population a de prise sur la politique, moins elle est consultée et écoutée, plus les dynamiques de polarisation et de clivages vont aller en s'accentuant.

Crise de confiance envers les institutions : pas une affaire de désintérêt politique

On ne saurait interpréter les données de l'indice mondial de démocratie avec cynisme. En effet, à l'échelle mondiale, toutes les catégories d'indicateurs ont connu des baisses de leur moyenne, à l'exception de la participation politique.

Moyenne mondiale par catégorie d'indicateurs 2008-2023

La recrudescence de l'implication citoyenne et des mobilisations – notamment des mobilisations ouvrières, dont la hausse s'observe dans de nombreux pays – viennent donc contrebalancer le récit dominant du déclin démocratique mondial.

Globalement, les catégories ayant enregistré les plus fortes détériorations à l'échelle mondiale sont les droits et libertés, les processus électoraux et le pluralisme. En clair : le déclin démocratique mondial et la crise de confiance envers les institutions ne sont pas causés par un désengagement de la population, mais par les abus de pouvoir :

« La corruption, le manque de transparence et l'absence de responsabilités ont sapé la confiance envers les gouvernements et les partis politiques. Dans de nombreux pays, de puissants groupes d'intérêt exercent une influence considérable. En retour, les citoyennes et citoyens ont de plus en plus l'impression de ne pas avoir de contrôle sur leur gouvernement ou sur leur vie. Cette tendance est perceptible tant dans les économies développées que dans les économies en développement, car les dysfonctionnements institutionnels, la corruption et la non-représentativité des partis politiques ont entraîné partout une crise de confiance qui sape la foi en la démocratie. »

The Economist, Democracy Index 2023 : Age of conflict, 2024.

Là où le bât blesse : une part de cette mobilisation citoyenne se concrétise dans une hausse de l'adhésion populaire à des discours de nature antidémocratique. Le retour en force de groupes et de partis d'extrême droite en est la manifestation la plus éclatante et celle-ci prend des couleurs variées, selon les régions du monde.

La tactique d'accuser les minorités / l'Autre d'être responsables des problèmes est vieille comme le monde. Or, la première moitié du 20e siècle a prouvé hors de tout doute que diviser pour régner et porter aux nues des hommes forts aux discours antidémocratiques ne fait qu'aggraver les crises, jusqu'au basculement dans la répression et les violences armées sans précédent.

En conclusion : une opportunité inédite

La chute de confiance de la population envers les institutions appelle à revoir en profondeur notre fonctionnement, à commencer par le mode de scrutin. Il y a lieu également de mieux encadrer la politique partisane et le recours à la polarisation par des personnalités et des partis politiques, dans un contexte où la population doit faire face aux répercussions d'un monde non seulement en crise, mais en multicrises (logement, pauvreté et itinérance, climat, agriculture, médias, services publics, etc.).

L'histoire a également démontré que les politiques mûrement réfléchies en étroite collaboration avec l'ensemble des acteurs de la société reçoivent une bien plus grande adhésion de la société, atteignent davantage leurs objectifs et ont des effets beaucoup plus durables. Au Québec, les politiques les plus respectées et considérées comme les plus gros succès de l'Assemblée nationale ont été élaborées sur les bases de la collaboration entre les partis, de l'état des connaissances à jour et une sérieuse prise en compte des préoccupations et des réalités des différents groupes de la population, dont les travailleuses et travailleurs.

Enfin, le rôle des organisations de la société civile, surtout dans leur pluralité et leur diversité, doit être pleinement reconnu. De plus, soutenir financièrement l'éducation à la démocratie est, plus que jamais, crucial pour permettre à la population de réfléchir, de dialoguer et de s'engager dans l'occasion qui nous est offerte d'améliorer notre santé démocratique.

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Kyiv : nouvelle agression des fascistes contre les étudiants du syndicat Priama Diia

28 mai 2024, par Patrick Le Tréhondat — , ,
Le lundi 20 mai, deux militants, un étudiant et une étudiante de Priama Diia (Action Directe ) à Kyiv ont collé des affiches d'un événement syndical, la présentation du zine du (…)

Le lundi 20 mai, deux militants, un étudiant et une étudiante de Priama Diia (Action Directe ) à Kyiv ont collé des affiches d'un événement syndical, la présentation du zine du syndicat Agir qui doit avoir lieu le dimanche 26 mai. Lors de l'affichage dans le centre-ville, ils ont été abordés par trois personnes, dont un soldat. Ce dernier leur a demandé s'ils étaient de Priama Diia et leur a dit : « Oh, vous êtes donc des antifascistes ! Et moi, je suis un nazi. »

21 Mai 2024 | tiré du site Argument pour la lutte sociale | Photo illustrant cet article : un soldat ukrainien anarchiste, blessé au combat, attaqué par des petits fachos, Odessa.

Après cela, les trois agresseurs ont sorti une bombe lacrymogène et ont aspergé les militants syndicaux de gaz poivré. Arseniy, responsable de la section d'Action directe de l'académie de Kyiv-Mohyla, a également été battu. Les agresseurs ont fini par s'enfuir. Les victimes ont fait une déclaration à la police et le syndicat a pris contact avec un avocat.

21 mai 2024.

Notre commentaire

Aplutsoc appelle tous les internationalistes véritables et les composantes du Réseau Européen de Solidarité avec l'Ukraine à prendre avec le plus grand sérieux les dernières informations concernant les attaques d'extrême-droite et/ou policières contre les camarades du syndicat étudiant ukrainien Prima Dia, et notamment contre les camarades militaires.

Pour gagner contre l'impérialisme russe, le peuple ukrainien a besoin de telles organisations, comme il a besoin d'un vrai droit du travail, de syndicats et d'organisations féministes. Ceux qui en veulent aux droits des travailleurs font le jeu de l'invasion. Les enjeux se concentrent dans l'armée, actuellement celle au monde où le plus de droits démocratiques existent de fait pour les soldats et où se pose, significativement pour les soldates et les LGBT, et à présent de plus en plus pour tous les militaires, la question de la liberté d'organisation syndicale et politique, condition de la victoire !

Nous appelons aussi à la solidarité financière avec des camarades jeunes, en situation précaire ou militaires, qui vont en avoir de plus en plus besoin. Nous écrire par mail à sujet.

Voir ci dessous le « zine » de Priama Dia, en ukrainien (dès que des traductions circuleront en anglais ou en français, nous les diffuserons). A noter que Priama Dia était le nom de la première organisation syndicaliste de jeunesse à l'esprit libertaire, qu'avait impulsé dans les années 1990 le camarade Maksym Butkevych, aujourd'hui détenu aux mains des forces russes d'occupation.

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La déliquescence des services publics sud-africains, reflet d’un pays en crise

28 mai 2024, par Courrier international — , ,
L'Afrique du Sud est-elle un “État en faillite” ? Devant les coupures d'eau et d'électricité en série, la question est régulièrement posée par la presse du pays. Tiré de (…)

L'Afrique du Sud est-elle un “État en faillite” ? Devant les coupures d'eau et d'électricité en série, la question est régulièrement posée par la presse du pays.

Tiré de Courrier international. Légende de la photo : Infrastructures publics. Sur le robinet : Manque d'entretien. Dessin de Brandan Reynolds paru dans Business day, Johannesburg.

“Cela a été dit à l'infini, mais cela vaut le coup d'être répété parce que c'est vrai : les élections de cette année sont les plus importantes depuis 1994. Pourquoi ? L'ANC a mal gouverné l'Afrique du Sud pendant trente ans, au point de provoquer l'effondrement de la société.” Si le constat du rédacteur en chef du média sud-africain News24 peut sembler excessif, il est globalement partagé par le reste de la presse du pays, qui, ces derniers mois, se pose régulièrement la question suivante : l'Afrique du Sud est-elle un “État en faillite” ?

Sans en être rendu à ce stade, le pays s'enfonce dans une multitude de crises qui se nourrissent les unes des autres. Corruption, gestion incompétente, criminalité record, chômage massif, services publics en déshérence… Pas une journée sans que les médias locaux se fassent l'écho de ces maux, qui figurent parmi les préoccupations majeures des électeurs à l'approche du scrutin qui doit se tenir le 29 mai prochain.

Symbole le plus évident de ce déclin, les coupures d'électricité récurrentes devenues nécessaires pour éviter l'effondrement du réseau alors que la compagnie publique d'électricité est incapable de faire face à la demande. “Un manque d'entretien et de bonne gouvernance et la corruption ont laissé la compagnie d'électricité Eskom dans un état critique”, résumait récemment le quotidien The Citizen.

Ces coupures de courant ont atteint un niveau record en 2023, avec trois cent trente-cinq jours de délestages, parfois jusqu'à douze heures par jour, avant de cesser à la surprise générale deux mois avant les élections – “le résultat de plus d'une année de travail acharné”, selon le gouvernement. Reste à savoir si ce progrès s'inscrira dans le temps.

Quoi qu'il en soit, les chantiers ne manquent pas, car, après la crise énergétique, le pays est désormais confronté à des coupures d'eau de plus en plus fréquentes jusque dans la capitale économique, Johannesburg. “Après des dizaines d'années de négligence des infrastructures et une décennie de pillage pur et simple sous l'administration Zuma, […] la crise de l'eau est là”, écrivait à la mi-mars le quotidien économique Business Day dans un éditorial.

Pillage et corruption

Au début de mai, le média d'investigation sud-africain Daily Maverick examinait également le cas de l'effondrement du réseau ferré, lié, là encore, au “pillage” de la compagnie publique de transport, Prasa. “Cette corruption a détruit le service de transports de passagers d'Afrique du Sud”, commente le Daily Maverick, qui note que le nombre de trajets annuels assurés par l'entreprise publique est passé de plus de 500 millions en 2010 à 19 millions en 2022.

Le transport de marchandises, supervisé par la compagnie publique Transnet, qui gère également les ports du pays, est dans le même état. “L'incompétence du gouvernement, la corruption et la paralysie politique ont laissé en lambeaux les infrastructures critiques du pays le plus industrialisé d'Afrique”, résumait Bloomberg en juillet 2023.

Les coupures d'électricité et les dysfonctionnements, en particulier, du circuit logistique (transport de marchandises et ports) plombent la croissance, et par ricochet l'emploi : plus de 30 % de la population est au chômage. Le taux monte à plus de 60 % au sein des 15-24 ans. Des chiffres parmi les plus élevés au monde qui expliquent en partie le taux de criminalité élevé – en moyenne, 84 personnes ont été tuées chaque jour au troisième trimestre 2023, d'après les statistiques officielles.

Un constat sombre qui agace le président sud-africain, rapporte la chaîne eNCA. Le 27 avril, alors que le pays célébrait les 30 ans de la démocratie, Cyril Ramaphosa a vanté le bilan de l'ANC en rappelant que son parti a “construit des maisons, des cliniques, des hôpitaux, des routes, des ponts, des barrages et beaucoup d'autres infrastructures”. N'en déplaise aux critiques, l'Afrique du Sud est “un endroit infiniment meilleur qu'il y a trente ans”, a-t-il souligné.

Courrier international

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Afrique - Bonnes feuilles, le bilan critique des juntes au pouvoir au Sahel

28 mai 2024, par La Rédaction de Mondafrique — ,
Comment Emmanuel Macron, le plus jeune président de la Vème République, a-t-il pu collectionner autant de casseroles depuis sa première élection en 2017 ? Dans Emmanuel au (…)

Comment Emmanuel Macron, le plus jeune président de la Vème République, a-t-il pu collectionner autant de casseroles depuis sa première élection en 2017 ? Dans Emmanuel au Sahel. Itinéraire d'une défaite, la journaliste Leslie Varenne livre un portrait accablant de ce « président qui ne sait pas qu'il ne sait pas »

Tiré de Mondafrique
23 mai 2024

Par La rédaction de Mondafriqu

Dans ce livre au ton incisif mais toujours nuancé où les juntes sont traitées dans leur singularité et où l'expertise de l'armée française est saluée, cette passionnée de l'Afrique cherche à comprendre comment le Sahel va apprendre désormais à vivre sans la tutelle de la France.

Puisé aux meilleures sources, ce livre décrit sans concession les bilans des juntes militaires au Niger, Mali, Burkina, Tchad et Guinée depuis qu'elles sont parvenues au pouvoir. Une première.

Nous livrons les bonnes feuilles de ce livre utile, voire indispensable, pour tout lecteur aussi curieux de l'Afrique que de l'Ukraine et de Gaza. Les photos, les légendes et les titres sont de la rédaction de Mondafrique. Extraits.

***

La défaite politique de la France au Niger illustre la méthode Macron. Décider seul, tenir, quoi qu'il en coûte, contre tous, contre l'histoire, contre vents et marées, contre les évidences. Puis, finir par jeter l'éponge et faire comme si rien ne s'était passé ; comme si les soldats cloîtrés et l'ambassadeur claquemuré n'avaient jamais existé ; comme si les militaires français n'avaient pas été contraints de partir. Le président français se retourne rarement sur ses échecs, le franc CFA, Takuba, le new deal, le Mali, etc. Néanmoins, pour les événements d'août 2023, il a fait une exception pour louer sa perspicacité : « En Afrique, les reconfigurations que j'avais décidées en février 2023 ont vu leur nécessité confirmée par le putsch de cet été au Niger », a-t-il déclaré lors de ses derniers vœux aux armées.

La défaite politique de la France au Niger illustre la méthode Macron

En réalité, les réflexions autour des remodelages, redimensionnements dans les pays où la France est encore présente militairement – au Gabon, au Sénégal, en Côte d'Ivoire, au Tchad et à Djibouti – ce dernier pays est épargné par cette reconfiguration – ont commencé en novembre 2022. Un an et demi plus tard, sœur Anne ne voit toujours rien venir. Ce sont les mêmes questions, le même manque de cap, de vision. Le 6 février 2024, le président français a créé un nouveau poste, celui d'envoyé personnel en Afrique. En agissant ainsi Emmanuel Macron s'inscrit une nouvelle fois dans une démarche solitaire et en première ligne.

Était-ce nécessaire ? Est-ce pertinent ? L'heureux élu se nomme Jean-Marie Bockel, ancien ministre de la Coopération de Nicolas Sarkozy, qui fut remercié à l'époque pour avoir dénoncé la « Françafrique ». Quelles que soient les qualités de cet ancien sénateur, qui a perdu un fils lors de l'opération Barkhane au Mali, que pourra-t-il faire sans boussole ? En outre, cette nomination ignore une fois encore le Quai d'Orsay, et quid du rôle du nouveau conseiller Afrique de l'Élysée, Jérémie Robert, entré en fonction en janvier 2024 ? Ce poste sera resté vacant six mois, il est vrai qu'il n'y avait pas urgence ! Selon la feuille de route élyséenne157, Jean-Marie Bockel dispose de dix-huit mois pour revoir « les formats », « les modalités d'action » en partenariat avec les pays africains concernés, et pour rendre sa copie. Au Sahel, les événements se précipitent en mode turbo comme jamais dans l'histoire de cette région. Au rythme de ces changements, un an et demi, c'est une éternité…

Au Mali, au Burkina Faso et au Niger, tous les ponts avec Paris ont été coupés. De mesures de rétorsion suivies de mesures de réciprocité, il n'y a plus d'ambassadeur dans aucun de ces trois pays, plus de coopération, et même plus de vol Air France. Dans ces trois États, pour la première fois depuis la colonisation, l'Élysée doit se contenter de regarder la caravane de l'histoire passer.

Capture d'écran du compte X (ex-Twitter) de la présidence du Niger montrant le colonel Goïta, du Mali, signant le charte de « l'Alliance des États du Sahel »

Le coup d'État au Niger a également modifié les rapports de force dans le Sahel. En septembre 2023, les trois juntes de Niamey, Bamako et Ouagadougou ont créé un front politicomilitaire : l'Alliance des États du Sahel (AES), censé symboliser leur solidarité et leur unité dans la lutte contre les djihadistes. Puis, elles ont créé une force conjointe, une sorte de G5 Sahel à trois, sans les financements européens, mais également sans les contraintes et les pesanteurs administratives.

Le Mali a été le premier à sortir du G5, en mai 2022, suivi ensuite par le Burkina Faso et le Niger. Après le départ de Barkhane, les autorités de Bamako ont méthodiquement détricoté tous les outils concoctés par la France depuis 2013. Un an après leur sortie du G5 Sahel, ils ont demandé et obtenu le départ de la Minusma, qui a plié bagage à la fin de l'année 2023. Dans la foulée, la mission de formation de l'Union européenne, EUTM, s'est, elle aussi, retirée. Pour mener leur guerre contre les djihadistes, les Maliens ne comptent plus que sur les 1500 à 2000 mercenaires de Wagner. Bamako a acquis du matériel russe, chinois, turc, des avions et des drones. Ces vecteurs aériens ont été un véritable « game changer », pour employer, une fois n'est pas coutume, un anglicisme à la mode. Pour la première fois depuis le début de la guerre, ils maîtrisent leur ciel.

La junte malienne n'a pas privilégié le dialogue avec le chef djihadiste Iyad Ag Ghali ou les groupes rebelles touareg

Fortes de ces moyens conjugués, les autorités n'ont pas privilégié le dialogue, ni avec les djihadistes ni avec les groupes rebelles touareg et alliés. Elles ont opté pour la seule option militaire. L'armée a réussi à reprendre toutes les bases laissées vacantes par la mission des Nations unies, y compris celles du Nord, disputées à la fois par le JNIM, le groupe de Iyad Ag Ghali, et la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA). En novembre 2023, grâce à Wagner et à sa supériorité aérienne qui ont dissuadé l'ennemi, avec une aide modeste mais réelle des Nigériens et des Burkinabè, elle a repris, sans combattre, le bastion de Kidal, contrôlé par les rebelles touareg depuis 2014. Une victoire en forme de revanche éminemment symbolique.

Le Burkina, maillon faible

Le Burkina Faso n'engrange, lui, aucun succès. Il apparaît comme le maillon faible de cette nouvelle alliance. Nonobstant l'aide que l'AES lui apporte dans la région des « trois frontières », ce pays vit une tragédie. Les attaques du JNIM et de l'État islamique s'enchaînent. Malgré les dénégations des autorités qui minimisent les pertes et les échecs sur le front, le nombre de morts civils et militaires atteint des sommets jamais égalés en sept années de guerre. Ibrahim Traoré a échoué à unir une armée exsangue, démotivée et malmenée. Et la descente aux enfers se poursuit. Le possible effondrement de ce pays impacterait tous les pays côtiers, notamment le Bénin, avec la création d'un corridor non contrôlé de l'Atlantique à la Méditerranée.

Les juntes au pouvoir au Sahel n'ont ni les mêmes origines, ni les mêmes objectifs

Autre pays, autre constat.

Malgré leur front commun, essentialiser ces juntes serait une erreur. Leur histoire, leur armée, leur culture présentent de nombreuses différences. Depuis le coup d'État au Niger, la plupart des médias ont décrit une situation sécuritaire dégradée dans ce pays. Comme toujours, la réalité est plus complexe. Les attaques de l'État islamique dans la zone des « trois frontières » ont effectivement repris après le putsch, pour autant cela n'est pas lié à l'arrêt des opérations militaires françaises. Dès son arrivée au pouvoir en 2021, Mohamed Bazoum a entrepris des négociations avec l'État islamique. Sans qu'aucune précision n'ait été fournie sur les conditions du compromis, le président du Niger s'était néanmoins exprimé sur le sujet, reconnaissant « une main tendue » aux jeunes enrôlés dans ce groupe. Officiellement, il avait admis la libération de sept djihadistes emprisonnés à Niamey ; officieusement, ils seraient beaucoup plus nombreux.

Par conséquent, à partir de l'été 2022, ces djihadistes n'ont plus livré de batailles sur le sol nigérien. En revanche, ils ont redoublé leurs coups contre le Mali. Le putsch a sonné la fin de l'accord et les assauts contre le Niger ont repris de plus belle. Emmanuel Macron n'avait, cette fois, pas imposé de veto à ces négociations, le président nigérien, considéré comme le dernier atout français dans la région, a bénéficié d'une certaine marge de manœuvre. Et ce, d'autant que Washington était favorable à ce dialogue. Ce programme dit des « repentis » était financé par l' Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) 160. Il existait déjà un programme pour les repentis du groupe Boko Haram, il a été étendu aux éléments de l'État islamique dans le Grand Sahara (EIGS)

Malgré la reprise de ces attaques, l'analyse des données 2023 montre une diminution des décès161, la même tendance est constatée au Mali. L'accroissement exponentiel des courbes au Sahel est porté par le seul Burkina Faso, 7 622morts, soit une augmentation de plus de 77 % au cours de cette même année162. En conclusion, pour le Mali et le Niger, les catastrophes prédites sans la participation des forces étrangères ne se sont pas produites. Au Burkina Faso, les forces étrangères n'étaient pas actives sur le terrain des combats. Cependant, la prudence est de mise, car la situation reste très volatile et l'accès aux informations difficile. D'autant qu'au cours du premier trimestre 2024, il y a eu une importante recrudescence d'attaques au Mali, qui se rapprochent dangereusement de Bamako.

De la capacité des juntes à ramener la sécurité dépend leur survie politique

La sécurité, enjeu essentiel

Pour ces trois juntes, le sujet sécuritaire est central. Bien entendu, la vie de leur population, l'économie, le développement, la réalisation de routes, d'infrastructures en dépendent. De leur capacité à ramener la paix et la sécurité dépend également leur survie politique. Ces succès leur permettraient de poursuivre à l'intention de leurs opinions publiques respectives le discours souverainiste qui leur a, il est vrai, fort bien réussi jusqu'alors. Faire mieux sans l'armée française ; faire mentir Emmanuel Macron qui déclarait lors de son discours devant les ambassadeurs en août 2023 : « Si nos militaires n'étaient pas tombés au champ d'honneur en Afrique, si Serval puis Barkhane n'avaient pas été décidées, nous ne parlerions aujourd'hui ni de Mali, ni de Burkina Faso, ni de Niger. »

Outre, qu'il ne sert à rien de disserter sur ce qui aurait pu avoir lieu, ce genre de saillies humiliantes participent à alimenter le discours anticolonialiste. L'Afrique, et le Sahel en particulier, n'a pas l'apanage de cette rhétorique anticoloniale, elle prospère partout dans le monde. Cependant, certaines juntes l'utilisent à l'excès, par opportunisme plus que par idéologie.

Le 30 janvier 2024, la sortie en chœur de la CEDEAO des trois pays qui forment l'AES164 s'inscrit également dans ce registre-là. En accusant l'organisation d'être soumise aux ingérences étrangères, de ne pas les avoir aidés dans la lutte contre le terrorisme, d'avoir soumis leurs peuples à des sanctions dévastatrices, ils ont obtenu l'approbation d'une grande partie des opinions publiques d'Afrique de l'Ouest. Avec le départ de Bamako, de Ouagadougou et de Niamey, l'organisation paye comptant son passé, ses arrangements avec ses propres textes, ses doubles standards perpétuels et sa menace d'intervention militaire.

La CEDEAO n'a pas obtenu la libération de l'ex Président Bazoum

Trois semaines seulement après l'échappée belle du trio, sans avoir obtenu la libération de Mohamed Bazoum retenu depuis sept mois en son palais, la CEDEAO levait ses sanctions sur le Niger. À la fin de son long communiqué justifiant cette mesure de grâce, l'organisation appelait « tous les partenaires à respecter la souveraineté et l'indépendance des États africains et à s'abstenir de toute intervention ou ingérence qui déstabilise les États membres et porte atteinte à l'unité régionale. »À qui peut bien être destiné le message ? Les lignes bougent, cette supplique en forme d'aveu est sans précédent dans l'histoire de cette institution.

Les juntes se nourrissent de ces victoires-là, car pour le reste le compte n'y est pas. Au Niger, il est encore trop tôt pour évaluer une situation encore volatile. La manne du pétrole, 90000 barils/jour, ouverte avec le nouveau pipeline inauguré le 1er mars 2024, ruissellera-t-elle sur la population ? Les autorités remettront-elles le pouvoir aux civils à la fin d'une durée de transition raisonnable ? Par le passé, lors des quatre précédents putschs, cela a toujours été le cas. En revanche, toutes les autres s'accrochent au pouvoir. Les coups d'État de Bamako et Niamey ont été les seuls qui pouvaient être qualifiés de « populaires » puisqu'ils venaient lever un blocage démocratique et donner un espoir de changement aux citoyens.

Le colonel malien Assimi Goitaa fermé la porte à toute transition démocratique

Le Mali sous une chape de plomb

Au Mali, les sauveurs sont-ils devenus les bourreaux ? Une chape de plomb s'est abattue sur le pays. Les élections promises en février 2024 n'ont pas eu lieu et aucune nouvelle date n'est annoncée. La vie politique autrefois si intense et bruyante semble encalminée. Le 10 avril 2024, la junte a ordonné la suspension jusqu'à nouvel ordre des activités des partis et des associations à caractère politique, coupables de « discussions stériles et de subversion. »167 De nombreux opposants vivent en exil. Après neuf années d'atermoiements, de hauts, de bas, le 26 janvier 2024, les autorités maliennes avaient unilatéralement dénoncé l'accord d'Alger. Leur porte-parole a martelé trois fois cette annonce, comme chaque fois qu'une décision importante est prise, signifiant ainsi que celle-ci est irrévocable. Cet accord était de toute façon moribond depuis août 2023, date de la relance des hostilités entre l'armée malienne et la CMA.

Mais les victoires obtenues par les forces militaires contre ces groupes armés, la reprise des bases de la Minusma et de Kidal se sont accompagnées d'exactions terribles commises par l'armée malienne et les mercenaires de Wagner toujours à l'œuvre au Mali. Ces derniers ont mené une campagne de terreur contre les civils, principalement contre les communautés touareg, arabes et peules. Ils sont arrivés parfois seuls à moto, tuant sans discrimination, volant le bétail, pillant absolument tout ce qu'ils trouvaient, jusqu'au charbon de bois.

La liste est longue : « exécutions sommaires, massacres de masse, disparitions forcées, détentions arbitraires, actes de torture, destructions de sources d'eau, spoliation des biens, etc. » Cette description corrobore les témoignages de nombreux contacts de la région. En mars 2022 avait également eu lieu le massacre de Moura où, selon la Minusma, 500 personnes ont été tuées par l'armée malienne et les supplétifs de Wagner169. Traumatisées, apeurées, des milliers de personnes ont fui vers l'Algérie et la Mauritanie, un pays qui a, de manière exemplaire, accueilli 100 000 nouveaux réfugiés qui s'ajoutent à ceux présents dans ce pays depuis 2012. L'Azawad déjà sous-peuplé s'est vidé d'une grande partie de ses habitants.

Pour les faire revenir, retrouver la confiance et recoudre les déchirures, il faudra du temps. Les autorités de Bamako ont décidé de remplacer l'accord d'Alger par un dialogue intermalien qui, pour une fois, n'est pas inclusif puisque la CMA n'y est pas conviée. Pourtant, relancer des négociations politiques avec les groupes armés de la CMA permettrait d'envisager un retour de la paix dans le nord du Mali. Ce sera long, difficile, la suite est imprévisible, mais la société malienne est ainsi faite que même les pires ennemis peuvent se réconcilier. Rien n'est impossible.

À ces graves conséquences humanitaires, à ces difficultés sécuritaires et politiques s'ajoutent d'importants problèmes économiques. Avec la fin de Barkhane, de la Minusma, des missions de l'Union européenne, toute l'économie de guerre s'est effondrée. Certes, ce type d'économie est connu pour être un déstabilisateur des sociétés. La présence massive d'agents des Nations unies, de consultants, d'experts grassement rémunérés participe à une inflation du coût de la vie. Ils enrichissent d'abord l'élite, les grands commerçants et les riches propriétaires à qui appartiennent les villas luxueuses dans lesquelles sont logés les fonctionnaires internationaux. Cependant, les autorités n'ont pas anticipé sa fin et des milliers de travailleurs et de sous-traitants se sont retrouvés sans emploi (…)

Ibrahim Traoré, le dernier de la classe

Le Burkina, un bilan désastreux

Au Burkina Faso, Ibrahim Traoré avait promis un retour à la démocratie avec des élections présidentielles en juillet 2024. Puis, il s'est ravisé. En septembre 2023, il a déclaré170 : « Ce n'est pas une priorité, je vous le dis clairement, c'est la sécurité qui est la priorité ». Les Burkinabè doivent donc attendre une amélioration sécuritaire… Pendant ce temps, les déplacés internes représentent plus de 10 % des 22 millions d'habitants. À cela, il faut ajouter les réfugiés dans les pays voisins, au Mali, en Côte d'Ivoire, au Ghana. Ils seraient 100000 selon les Nations unies171, chiffres fortement, sous-évalués, car de nombreuses familles ne s'inscrivent pas auprès des organisations humanitaires. Un tableau dramatique qui compte en plus trois millions de personnes touchées par l'insécurité alimentaire.

Pendant ce temps, le budget de la présidence a augmenté de 60 %. Le Capitaine s'est offert une compagnie aérienne, Kangala Air Express172, détenue par un prête-nom.

Le népotisme atteint des sommets, oncle, frère, cousin sont installés sous les lambris du pouvoir. La révolution de 2014 n'est plus qu'un lointain souvenir, la peur a envahi le débat public. Des experts des Nations unies173 se sont inquiétés de l'existence de fosses communes et des disparitions forcées commises par les forces de défense et de sécurité et les Volontaires pour la défense de la patrie. Les critiques du régime, les courageux, les téméraires, les militaires récalcitrants sont enlevés par des hommes encagoulés. Ils s'évanouissent subitement dans la nature puis, quelques jours plus tard, les plus chanceux réapparaissent sur des photographies, en treillis, kalachnikov en main. Ils ont été envoyés au front.

Ablassé Ouédraogo, homme politique de 70 ans, pas le plus vindicatif, a vécu la mésaventure, comme Arouna Louré, anesthésiste de son état, ou encore Daouda Diallo, pharmacien. Cet homme frêle, également professeur à l'université, a été projeté dans la guerre sans y être préparé. Devant les horreurs vécues par son pays, il a créé une association documentant les atrocités, les disparitions, les massacres et le voilà dans la savane une arme à la main… Tous punis par le Sankariste 4.0, au nom des « masses » et de la patrie ! En s'adressant à Ibrahim Traoré et pour moquer sa fatuité, un internaute a un jour écrit : « Ce n'est pas en buvant du Kérosène que tu vas voler comme un avion ! » En attendant des jours meilleurs, Ouagadougou bruisse de rumeurs sur des tentatives de coups d'État. Le Capitaine ne dort que d'un œil et surveille ses arrières. Ce n'est vraisemblablement qu'une question de temps…

L'ancien caporal de la Légion, Mamadi Doumbouya, porte désormais très haut le titre de général

À Conakry, en revanche, la France est toujours présente. Le colonel Mamadi Doumbouya, qui porte désormais très haut le titre de général, n'a pas envie de laisser le pouvoir. C'était prévisible. Il a envoyé des émissaires à Paris et dans les capitales anglo-saxonnes pour négocier une prolongation de la transition d'un an, jusqu'à décembre 2025. Les lignes bougent, il fut un temps pas si lointain où la parole de l'Élysée aurait suffi. Son ministre de la Défense a été reçu au Château, en décembre 2023. Selon la lettre « Africa Intelligence », sa demande « n'a pas suscité de levée de bouclier ». Il aurait néanmoins vivement conseillé au représentant de la Guinée d'entamer des pourparlers avec la CEDEAO ; de donner des gages visibles de retour à l'ordre constitutionnel ; de lever les restrictions pesant sur la presse et sur l'opposition.

Un message pas vraiment bien compris puisque trois semaines plus tard, Sékou Jamal Pendessa était mis aux arrêts. Ce journaliste, syndicaliste, avait appelé à manifester contre les restrictions qui ciblent la presse guinéenne. Il a fini par être libéré fin février, après deux jours d'une grève massive qui a totalement bloqué le pays. Dans le même élan, Internet et les réseaux sociaux, coupés depuis trois mois, ont été rétablis.

Si la France continue d'afficher une grande bienveillance envers l'ancien caporal de la Légion devenu général, en revanche, les États-Unis s'impatientent. Ils dénoncent le non-respect des libertés fondamentales. Le sous-secrétaire d'État adjoint pour l'Afrique de l'Ouest175, Michael Heath, s'inquiète également du non-respect du calendrier électoral. Leur agacement se comprend aisément, l'Amérique défend les valeurs occidentales et « l'ordre international fondé sur des règles ». Il se pourrait aussi que leur exaspération soit due à la lenteur de la redistribution des cartes des concessions minières : Russes et Chinois sont toujours là, confortablement installés. Ainsi va la malédiction des ressources naturelles. Combien de temps se poursuivra cette tragi-comédie ? Les Guinéens sont à bout ; l'économie tourne au ralenti ; un mouvement a été créé, le FRAC, Front pour le retour d'Alpha Condé… Les jeux sont ouverts.

Sale temps pour le Tchad

Au Tchad, en revanche, dernier pays du Sahel où la France déploie encore un millier de soldats, les portes se sont hermétiquement refermées. Les temps qui viennent s'annoncent sombres et difficiles, tant pour la présence militaire française que pour le pays. En janvier 2024, le président de la transition, Mahamat Idriss Déby, avait nommé l'opposant Succès Masra, Premier ministre. Certains voulaient y voir un signe d'ouverture, d'autres ont perçu ce rapprochement, entre deux adversaires, comme une simple compromission. Puis dans la perspective de consolider son pouvoir et suivre les traces de son père, le chef de l'État a annoncé qu'il serait candidat à la prochaine élection présidentielle du 6 mai 2024. Quelques jours plus tard, Succès Masra postulait lui aussi à la fonction suprême. Le Tchad se retrouve donc dans une situation inédite avec un Président de la Transition et son Premier ministre s'affrontant lors d'un scrutin dont l'issue ne laisse aucune place au doute : une confiscation annoncée du pouvoir. C'est peu de dire que cette succession dynastique passe mal dans la population tchadienne, mais également au sein de la famille Déby. Le fils n'a pas su conserver le fragile équilibre entre tous les clans que son paternel avait trouvé. La guerre intestine a repris.

Le 28 février, Yaya Dillo, cousin de Mahamat Déby et président du Parti socialiste sans frontière, a été tué par l'armée lors d'un assaut contre le siège de son mouvement. Le gouvernement assure avoir agi en riposte. Ses soutiens démentent et dénoncent une exécution. La photo de son cadavre qui circule sur les messageries privées tend à leur donner raison : il a reçu une balle dans la tête. Saleh Idriss Déby, frère de Déby père, appartenant également au Parti socialiste sans frontière a, lui, été mis aux arrêts. Dans la foulée, le siège de ce parti a été démoli au bulldozer.

Mahamat Déby reste le meilleur allié de la France au Sahel

« L'admiration de la France » pour Déby !

Deux jours plus tard, en visite à Washington, Succès Masra, exprimait « son soutien total et inconditionnel au chef de l'État. »176, tout en qualifiant « les événements de moments malheureux et douloureux ». À ses côtés, tout sourire, Victoria Nuland apportait son soutien « à une transition démocratique inclusive au Tchad. »177. Inclusive, sans les morts bien entendu ! La sous-secrétaire d'État n'a pas dit un mot de l'assassinat de Yaya Dillo. Succès Masra a poursuivi son voyage en France où il a été reçu discrètement à l'Élysée et officiellement à Matignon. Si rien n'a filtré de ses discussions avec Emmanuel Macron, le menu de sa conversation avec Gabriel Attal a été publié : projets économiques, soutien à la jeunesse, travaux sur le changement climatique178. Publiquement, le Premier ministre n'a pas trouvé judicieux d'évoquer les « moments malheureux et douloureux ». Aucune condamnation, un silence d'autant plus assourdissant qu'au même moment s'enchaînaient les déclarations sur la mort de l'opposant russe, Alexeï Navalny. Mais l'histoire ne s'arrête pas là…

Deux jours plus tard, Jean-Marie Bockel, l'envoyé personnel d'Emmanuel Macron, atterrit à Ndjamena. Un voyage prévu de longue date. N'était-il pas au courant de la mort de Yaya Dillo, de l'arrestation de Saleh Idriss Déby, de la destruction du siège de leur parti ? Toujours est-il que lors de sa rencontre avec Mahamat Déby, il a tenu à lui faire part de « l'admiration de la France »179 pour le processus de transition. En de telles circonstances, le mot « admiration » n'était-il pas un peu fort ? Sûrement, au vu du tollé provoqué. Il a également profité de cette visite pour annoncer que l'armée française resterait. Comme une impression de déjà- vu… « L'histoire se répète toujours deux fois, la première fois comme une tragédie, la deuxième fois comme une farce », écrivait Karl Marx. La quatrième fois se passe comment ?

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Des milliers de morts au nom de la sécurité

28 mai 2024, par Christophe Wasinski — ,
Les frappes menées depuis les avions ou les drones des États africains ont un coût humain dramatique pour les populations. Au nom de la sécurité et de la lutte contre les (…)

Les frappes menées depuis les avions ou les drones des États africains ont un coût humain dramatique pour les populations. Au nom de la sécurité et de la lutte contre les groupes armés dans une Afrique perçue comme « anormale » depuis la colonisation, des milliers de civils ont péri sous leurs bombes.

Tiré d'Afrique XXI.

Suite de l'article Un mimétisme lourd de conséquences.

Les actions aériennes de plusieurs États africains ont un coût humain dramatique pour les populations. Cela est notamment attesté par l'action des forces aériennes kényanes qui agissent à la fois de manière indépendante et au sein de Mission de l'Union africaine en Somalie (Amisom), dans des opérations contre le groupe Al-Chabab depuis 2011. Selon un rapport de l'ONU de 2017, les opérations des forces aériennes kényanes menées dans ce contexte auraient causé la mort de 36 civils et en auraient blessé 6 entre le 1er janvier 2016 et le 14 octobre 2017. En plus, du bétail aurait été tué lors de ces opérations. Elles auraient aussi provoqué la destruction d'habitations et le déplacement d'une partie de la population (1). Le 3 juin 2021, une attaque aérienne menée par un avion kényan aurait aussi provoqué la mort d'une femme et de son enfant et blessé quatre personnes en Somalie. En juin 2023, une autre attaque d'un appareil kényan en Somalie aurait causé la mort de deux civils et en aurait blessé trois autres.

En 2017, ce sont les forces camerounaises qui ont été accusées de larguer des gaz lacrymogènes et de faire feu à partir d'hélicoptères sur des protestataires dans les zones anglophones (2). Cette attaque aurait provoqué la mort de plusieurs personnes.

En Éthiopie également, des civils ont été blessés et tués lors d'attaques aériennes visant des groupes rebelles. Ainsi, en 2022, des attaques de drones des forces éthiopiennes dans la région Oromia auraient causé la mort de quelque 100 personnes. Des attaques des drones des forces éthiopiennes en août, octobre, novembre et décembre 2023, dans les régions Oromia et Amhara, ont également provoqué la mort de dizaines de civils – nombre de ces attaques sont apparemment réalisées avec des drones TB-2 achetés à la Turquie (3).

Des corps noircis, carbonisés

En 2022, les forces togolaises ont aussi reconnu avoir tué sept civils et en avoir blessé deux de plus par erreur au mois de juillet de la même année lors d'une attaque aérienne. Les victimes, prises pour des djihadistes, avaient toutes entre 14 et 18 ans. Au cours de l'année 2023, lors de trois attaques de drones, les forces du Burkina Faso ont touché deux marchés et un enterrement (deux des attaques ont eu lieu au Burkina Faso et une au Mali). Les militaires burkinabè, qui visaient des membres de groupes armés islamistes, ont tué au moins 60 civils et en ont blessé des dizaines lors de ces attaques. Selon un des témoins de l'une de ces attaques : « Les corps étaient noircis et carbonisés. […] Nous avons eu du mal à les identifier car les corps étaient déchiquetés. » (4) En novembre 2023, des attaques de drones de l'armée malienne ont quant à elles tué au moins 12 civils. Le 17 mars 2024, deux autres attaques ont provoqué la mort de 13 civils, dont 7 enfants.

En juillet 2017, un avion des forces aériennes du Niger a tué par erreur 14 civils dans le village d'Abadam alors qu'il visait des djihadistes. Il est à noter qu'une frappe par un avion non identifié (possiblement nigérian) avait largué trois bombes sur ce village en janvier 2015 lors d'une opération visant des éléments du groupe Boko Haram. Cette attaque avait causé la mort de 37 personnes et en avait blessé une vingtaine. Les victimes participaient à une cérémonie funéraire. Dans la nuit du 5 au 6 janvier 2024, les forces aériennes du Niger ont aussi mené une attaque dans la région de Tilabéri. Lors de cette action, qui visait des « terroristes » et aurait été menée avec des drones, des dizaines de civils ont été tués.

Des frappes aériennes font aussi des ravages parmi les civils dans le conflit qui oppose les forces armées nationales aux Forces de soutien rapide au Soudan. Entre avril et septembre 2023, 244 civils ont été tués, et 123 blessés lors de 26 incidents concernant des actions aériennes menées par les deux camps. Rien qu'en septembre 2023, des attaques d'artillerie et de drones à Khartoum ont aussi provoqué la mort d'au moins 40 civils.

Une Afrique vue comme « anormale »

Les armées africaines, en adhérant à l'idéologie de la puissance aérienne, participent à la construction d'une représentation du monde au sein de laquelle l'Afrique est « anormale » et mérite, pour cette raison, un traitement coercitif de ses problèmes sociaux et politiques – un processus également à l'œuvre au Proche-Orient et au Moyen-Orient. Une telle représentation est par ailleurs utilisée par des sécurocrates afin de justifier le fait que ce continent aurait besoin de forces armées plus puissantes et de davantage d'aéronefs. Les notions d'ordre et de désordre sont intimement connectées ici ; le désordre appelle l'usage de moyens aériens qui provoque du désordre.

Les populations de plusieurs États africains vivent dans les fantasmes de la « puissance aérienne » développés en Europe et aux États-Unis (5). Ces fantasmes, qui ont pris forme dans le contexte colonial, promeuvent la pacification par la violence et transforment en fétiches les moyens aériens. Ces derniers se voient conférer une efficacité qu'ils n'ont pas, leur utilité pour régler les problèmes sociaux et politiques des sociétés africaines étant des plus limitées, comme en atteste la situation nigériane.

L'État nigérian est confronté à des problèmes d'insécurité depuis de nombreuses années. Le recours aux forces armées pour y mettre un terme n'a pas eu l'effet escompté. Ces forces, qui sont régulièrement accusées de commettre des exactions, se sont finalement retrouvées dans une situation délicate dans plusieurs régions. Au cours de l'année 2019, l'État islamique en Afrique de l'Ouest (Islamic State West Africa Province, Iswap) prend d'assaut plusieurs postes militaires. En réaction, les militaires décident de se regrouper dans une vingtaine de « supercamps » installés dans les régions de Borno et Yoba. Peu d'informations circulent à propos de ces camps. On sait néanmoins qu'ils seraient installés autour des villes de l'État de Borno et seraient gardés par 300 à 1 200 soldats. Le regroupement est de fait une retraite pour les militaires. Les forces armées décident alors de mener davantage de raids afin de soutenir les camps.

La normalisation du recours aux moyens aériens a cependant des effets dramatiques pour les populations locales. Cela découle tout d'abord du fait que l'emploi des aéronefs pour chasser des « bandits » participe aussi à la militarisation des tensions. Loin de solutionner les problèmes d'insécurité, cet emploi renforce en fait le cycle de la violence. Les forces aériennes nigérianes sont aussi responsables de nombreux « accidents ». Ceux-ci auraient causé la mort de 426 civils entre 2017 et 2023. 9 % des tués par l'action des forces aériennes sont des civils.

Un coût catastrophique pour les populations

Régulièrement, les autorités promettent de mettre sur pied des commissions d'enquête après les attaques lors desquelles des civils ont perdu la vie. Ces promesses ne débouchent cependant sur rien de concret. Les familles des victimes sont dissuadées de s'adresser à la justice. Assez rarement, elles perçoivent une (faible) compensation financière. Depuis 2023, les appareils des forces aériennes nigérianes sont par ailleurs employés pour lutter contre les voleurs de pétrole. Dans ce cadre, ces aéronefs utilisent leurs puissantes armes contre ces bandits et contre leurs installations. Ces actions, comme le note Human Rights Watch, posent la question d'un usage excessif de la force à l'encontre non pas de combattants mais de criminels.

La situation nigériane met en exergue le coût catastrophique pour les populations des rêves sécuritaires issus du présent colonial. Pour reprendre les propos de Norman Ajari, ces rêves font émerger « une condition noire et une histoire noire essentiellement modernes, définies par une surexposition structurelle à la violence sociale et politique, et par une constante invention contrainte de stratégies de survie » (6). Les victimes civiles des attaques doivent être appréhendées comme le prix que les décideurs politiques et militaires ont accepté de faire payer aux populations pour le maintien de leur image d'acteurs capables d'assurer la sécurité selon des modalités coloniales.

L'Afrique n'est cependant pas qu'un réceptacle de techniques développées dans le passé ou éprouvées en Afghanistan, en Irak et au Pakistan dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme ». Elle est aussi devenue un laboratoire pour les guerres du futur. Cela se vérifie en particulier en Libye. Dans cet État, les belligérants ont réalisé plus de 1 000 attaques de drones depuis le début de la guerre civile. Pour cette raison, Ghassan Salamé, le représentant spécial de l'ONU, a dit de ce conflit qu'il était « la plus grande guerre de drones au monde » (7). Cette situation a bien entendu eu un coût pour les populations civiles. Selon un rapport publié en mai 2020, les attaques aériennes menées par l'ensemble des belligérants entre 2012 et 2020 auraient causé, selon les sources, entre 871 à 1 384 morts au sein de la population. Nonobstant, le conflit en Libye est transformé par les sécurocrates en un argument stratégique servant à justifier l'acquisition de davantage de drones par les forces armées modernes. Les événements libyens sont mis en récit par ces experts d'une manière qui ne nuit pas à la mythologie de la puissance aérienne, et qui lui permet de survivre malgré les dégâts humains découlant de son usage. Dans ce contexte, on peut dire que les populations libyennes ont participé, à leur détriment, à une vaste expérimentation.

La longue liste des « accidents » des forces aériennes nigériannes

Mai 2009. Une action conjointe de l'armée, de la marine et des forces aériennes dans le Delta aurait fait des centaines de morts, dont de nombreux civils.

17 janvier 2017. Les forces aériennes nigérianes bombardent un camp de personnes déplacées dans l'État de Borno. Selon Médecins sans frontières, 50 civils décèdent et 120 sont tués pendant cette attaque. D'après le journaliste Nick Turse, les forces états-uniennes auraient assisté les militaires nigérians, peut-être en leur fournissant des renseignements (8).

4 décembre 2017. 35 personnes auraient été tuées lors d'une attaque aérienne sur cinq villages dans l'État d'Adamawa. Lors de cette attaque, les forces aériennes nigérianes ont utilisé un hélicoptère Airbus EC-135, et un Alpha Jet d'origine française qui a tiré des roquettes SNEB de 68 mm, également fabriquées en France. Les tirs auraient notamment atteint des personnes qui s'enfuyaient. 3 000 habitations auraient aussi été détruites lors de cette opération.

9 avril 2019. 11 civils décèdent et 20 autres sont blessés lors de six attaques aériennes menées dans l'État de Zamfara.

8 juillet 2019. Un raid aérien mené dans l'État de Borno cause, d'après la presse, 13 morts parmi les populations.

13 avril 2020. 17 personnes, dont des enfants, meurent après un bombardement dans l'État de Borno.

8 avril 2021. Un hélicoptère Leonardo AW109 des forces aériennes nigérianes aurait tiré de manière indiscriminée sur des habitations, des fermes et une école. Un rapport officiel indique que 6 civils ont été tués lors de cette attaque. D'autres sources évoquent 70 morts. L'hélicoptère impliqué dans le carnage a probablement tiré des roquettes de 70 mm fabriquées par les Forges de Zeebrugge, une filiale belge de Thales. Ses pilotes ont probablement été formés au Royaume-Uni.

16 septembre 2021. 9 personnes, dont 3 enfants, sont tuées par une attaque des forces aériennes nigérianes sur un village au Niger.

18 février 2022. Un appareil des forces aériennes nigérianes cause la mort de 7 enfants au Niger alors qu'il pourchassait des « bandits ».

20 avril 2022. Une attaque aérienne nigériane aurait provoqué la mort de 6 filles âgées de 6 à 9 ans, et détruit des maisons dans le village de Kurebe, dans le Niger State.

7 juillet 2022. Une attaque aérienne cause 1 mort dans un village de l'État de Katsina.

29 décembre 2022. 71 personnes meurent des suites d'une attaque aérienne dans l'État de Zamfara.

Janvier 2023. 37 personnes décèdent lors d'un bombardement qui a eu lieu dans l'État de Nasarawa.

24 janvier 2024. Les forces aériennes nigérianes bombardent par erreur la communauté de Galadima Kogo, au Niger. Cette action cause de nombreux morts parmi la population. L'attaque aurait par ailleurs provoqué le déplacement d'environ 8 000 personnes.

Cet article est le 4e d'une série de 5.

L'Afrique, un nouveau champ de bataille dans le ciel
JOHN RINGQUIST · 20 MAI

Les drones, une histoire coloniale
CHRISTOPHE WASINSKI · 21 MAI

Les effets de la « dronisation » de la guerre au Sahel
RÉMI CARAYOL · 24 MAI

Un mimétisme lourd de conséquences
CHRISTOPHE WASINSKI · 22 MAI

Notes

1- « UNSOM/OHCHR, Protection of Civilians. Building the Foundation for Peace, Security, and Human Right in Somalia », décembre 2017. Les forces kényanes ont contesté ces affirmations. Certaines de leurs opérations aériennes sont menées conjointement avec les États-Unis en Somalie.

2- Edward McAllister, « Cameroon army helicopters shot separatist protesters : witnesses », Reuters, 6 octobre 2017.

3- Addis Standard, « Drone strikes inflicting immeasurable civilian casualties in Oromia, Amhara regions. Army must employ maximum restraint », 12 janvier 2024 ; Fred Harter, « “Horrific” civilian toll as Ethiopia turns to combat drones to quell local insurgencies », The New Humanitarian, 5 mars 2024.

4- « Burkina Faso : les frappes de drones contre des civils constituent des crimes contre de guerre apparents », Human Rights Watch, 25 janvier 2024.

5- Joseph Tonda, Afrodystopie. La vie dans le rêve d'Autrui, Karthala, 2021.

6- Norman Ajari, La Dignité ou la mort. Éthique et politique de la race, La Découverte, 2019.

7- Africa Defense Forum, « The Dizzying Possibilities of Drones in Africa », Defence Web, 20 octobre 2023.

8- [Nick Turse, « U.S. Played Secret Role in Nigeria Attack That Killed More Than 160 Civilians », The Intercept, 28 juillet 2022

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La Norvège, l’Espagne et l’Irlande reconnaissent conjointement l’état de palestine : Un grand pas pour la cause palestinienne

28 mai 2024, par Mustapha Benfodil — , , ,
La Norvège, l'Irlande et l'Espagne ont annoncé hier, dans une démarche coordonnée, leur reconnaissance officielle de l'Etat de Palestine. Cette reconnaissance entrera en (…)

La Norvège, l'Irlande et l'Espagne ont annoncé hier, dans une démarche coordonnée, leur reconnaissance officielle de l'Etat de Palestine. Cette reconnaissance entrera en vigueur le 28 mai. L'Autorité Palestinienne, l'OLP et le mouvement Hamas ont salué avec ferveur cette décision en faveur du peuple palestinien et son droit à l'autodétermination, tandis qu'Israël a rappelé ses ambassadeurs à Oslo, Dublin et Madrid.

Tiré de El Watan-dz
23 mai 2024

Par Mustapha Benfodil

Photo : D. R.

Au milieu de l'épouvantable apocalypse qui s'acharne sur Ghaza, depuis près de huit mois maintenant, sous l'abominable déluge de feu israélien, une espérance dans la nuit sanglante palestinienne : trois pays européens ont déclaré hier leur reconnaissance officielle de l'Etat de Palestine. Il s'agit de la Norvège, de l'Espagne et de l'Irlande. Les trois pays qui sont parmi les plus engagés en faveur du peuple palestinien et son droit à l'autodétermination, et qui depuis longtemps militent pour une solution à deux Etats, ont annoncé que cette reconnaissance entrera en vigueur le 28 mai.

Chacun des pays concernés a fait cette annonce de son côté,mais il s'agit à l'évidence d'une démarche concertée. Le Premier ministre norvégien, Jonas Gahr Store, a organisé hier une conférence de presse à Oslo spécialement pour cette annonce. Il était accompagné de son ministre des Affaires étrangères, Espen Barth Eide. « Le gouvernement norvégien a décidé que la Norvège reconnaîtra la Palestine en tant qu'Etat.

Au milieu d'une guerre qui fait des dizaines de milliers de morts et de blessés, nous devons maintenir en vie la seule alternative qui offre une solution politique aussi bien aux Israéliens qu'aux Palestiniens : deux Etats, vivant côte à côte, dans la paix et la sécurité, a déclaré le Premier ministre norvégien, selon un document rendu public par son service de presse.

Et de préciser : « La reconnaissance officielle de la Palestine par la Norvège en tant qu'Etat entrera en vigueur le mardi 28 mai 2024. Un certain nombre d'autres pays européens partageant les mêmes idées reconnaîtront également officiellement la Palestine à la même date. Ces pays feront leurs propres annonces. Au total, 143 pays ont déjà reconnu l'Etat palestinien. »

« Pas de paix sans une solution à deux États »

« Le peuple palestinien a un droit fondamental à l'autodétermination. Israéliens et Palestiniens ont le droit de vivre en paix dans leurs Etats respectifs. Il n'y aura pas de paix au Moyen-Orient sans une solution à deux Etats. Il ne peut y avoir de solution à deux Etats sans un Etat palestinien. En d'autres termes, un Etat palestinien est une condition préalable à la réalisation de la paix au Moyen-Orient », a insisté le Premier ministre norvégien.

Jonas Gahr Store n'a pas manqué de rappeler les fameux Accords d'Oslo de 1993 qui, bien qu'inachevés et fortement critiqués, avaient tout de même permis de donner corps à un embryon d'Etat palestinien après la proclamation de celui-ci à Alger en 1988. « La reconnaissance par la Norvège d'un Etat palestinien a lieu un peu plus de 30 ans après la signature du premier accord d'Oslo en 1993 », observe le PM norvégien.

Il relève dans la foulée que « depuis lors, les Palestiniens ont franchi des étapes importantes vers une solution à deux Etats. En 2011, la Banque mondiale a conclu que la Palestine satisfaisait aux critères clés requis pour fonctionner en tant qu'Etat. Des institutions nationales ont été créées pour fournir à la population des services essentiels. Néanmoins, la guerre à Ghaza et l'expansion continue des colonies illégales en Cisjordanie ont rendu la situation en Palestine plus difficile qu'elle ne l'a été depuis des décennies ».

M. Store fait remarquer, par ailleurs, que « depuis les Accords d'Oslo (...), la Norvège et de nombreux autres pays ont suivi une stratégie selon laquelle la reconnaissance suivrait un accord de paix. Cela n'a pas abouti ». « En l'absence d'un processus de paix et d'une solution politique au conflit, les évolutions sont allées dans la mauvaise direction. Ni les Palestiniens ni les Israéliens ne peuvent vivre en sécurité.

C'est pourquoi nous devons penser différemment et agir en conséquence. Nous ne pouvons plus attendre que le conflit soit résolu avant de reconnaître l'Etat de Palestine », plaide Jonas Gahr Store.

« Un moment historique »

Simultanément, ce même mercredi, à Dublin, le Premier ministre irlandais, Simon Harris, accompagné de son ministre des Affaires étrangères, Micheal Martin, et du ministre de l'Environnement, Eamon Ryan, a annoncé la reconnaissance par l'Irlande de l'Etat de Palestine en précisant lui aussi que ce processus rentrera en vigueur le 28 mai comme à Oslo et Madrid. « L'Irlande reconnaît aujourd'hui la Palestine comme une nation parmi les nations avec tous les droits et les responsabilités que cela implique », a déclaré le Premier ministre irlandais, selon un communiqué officiel de son cabinet.

Et de souligner : « Nous avions espéré reconnaître la Palestine dans le cadre d'un accord de paix à deux Etats, mais nous reconnaissons plus tôt la Palestine pour maintenir vivant l'espoir d'une solution à deux Etats. Le rêve de l'Irlande est que les enfants israéliens et palestiniens du 28 mai 2024 grandissent pour devenir des voisins en paix. » Pour Simon Harris, « la seule façon d'arrêter la guerre et la mort est d'exploiter les qualités des deux nations ».

Et de conclure : « Nous sommes honorés de reconnaître la Palestine en même temps que nos amis espagnols et norvégiens. Nous espérons que d'autres feront de même. » Micheal Martin dira que cette décision « est un moment historique pour l'Irlande ». « Nous sommes profondément convaincus, poursuit le chef de la diplomatie irlandaise, qu'il ne peut y avoir de paix au Moyen-Orient tant que les peuples israélien et palestinien ne jouiront pas des mêmes droits à l'autodétermination, à la création d'un Etat, à la paix, à la sécurité et à la dignité. La reconnaissance de la Palestine n'est pas la fin d'un processus ; c'est le début. Nous sommes convaincus que la solution à deux Etats reste la seule option viable pour garantir une paix juste et durable et un avenir meilleur. »

Le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, a annoncé à son tour hier la reconnaissance de l'Etat de Palestine par son pays devant les députés espagnols. « Mardi prochain, le 28 mai, l'Espagne adoptera en Conseil des ministres la reconnaissance de l'Etat palestinien », a-t-il déclaré avant une séance plénière du Congrès espagnol. « Cette reconnaissance n'est contre personne.

Ce n'est pas contre le peuple d'Israël (…) et encore moins contre les Juifs », a-t-il précisé. Selon l'agence de presse espagnole EFE, Pedro Sanchez a « communiqué la décision du gouvernement au roi Felipe VI, au secrétaire général de l'ONU António Guterres et aux présidents du Conseil européen et de la Commission européenne, Charles Michel et Ursula von der Leyen ».

Le 22 mars dernier, en marge d'un sommet européen, l'Espagne, l'Irlande, Malte et la Slovénie, avaient fait savoir, rappelle-t-on, que ces pays reconnaîtraient prochainement l'Etat de Palestine.

Le gouvernement slovène a adopté un décret le 9 mai actant la reconnaissance de l'Etat palestinien. Ce texte sera soumis d'ici au 13 juin à l'approbation du Parlement. Huit Etats membres de l'UE reconnaissaient jusqu'à présent l'Etat palestinien, à savoir la Suède, la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, la Bulgarie, la Roumanie, la République tchèque et Chypre. Ils seront bientôt 12, voire davantage à accueillir une représentation diplomatique palestinienne sur leur territoire.

« C'est le résultat de la courageuse résistance palestinienne »

Réagissant à cette annonce, la présidence de l'Autorité palestinienne a salué avec ferveur le soutien affiché par Oslo, Dublin et Madrid et en a profité pour appeler les autres pays à rallier ce formidable élan de solidarité. Hussein Al Sheikh, secrétaire général de l'OLP, s'en est félicité en postant ce message plein d'enthousiasme sur la plateforme X : « Des moments historiques au cours desquels le monde libre triomphe pour la vérité et la justice après de longues décennies de lutte nationale palestinienne, de souffrance, de douleur, d'occupation, de racisme, de meurtre, d'oppression, d'abus et de destruction auxquels le peuple palestinien a été soumis.

Nous remercions les pays du monde qui ont reconnu et reconnaîtront l'Etat indépendant de Palestine. Nous affirmons que c'est la voie vers la stabilité, la sécurité et la paix dans la région. » Le mouvement Hamas a également accueilli la nouvelle avec allégresse : « Nous considérons cela comme une étape importante vers l'affirmation de notre droit à la terre et à l'établissement d'un Etat palestinien avec Jérusalem pour capitale », a déclaré le parti d'Ismaïl Haniyeh dans un communiqué. Bassem Naïm, un cadre du mouvement, estime dans une déclaration à l'AFP que cette vague de reconnaissances « est le résultat de la courageuse résistance palestinienne ».

« Nous pensons qu'il s'agit d'un tournant dans la position internationale sur la question palestinienne » a-t-il ajouté. Plusieurs pays et institutions internationales ont salué cet élan de solidarité dont plusieurs capitales arabes. L'Egypte, le Qatar, l'Arabie Saoudite ou encore la Jordanie y voient « une étape essentielle vers la solution à deux Etats ». Le Conseil de Coopération du Golfe, l'Organisation de la coopération islamique ont, elles aussi, salué cette décision avec ardeur.

Le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, a appelé les autres pays qui hésitent encore à reconnaître l'Etat palestinien à « suivre l'exemple de ces trois pays dans leur démarche courageuse ».

Pour sa part, la France, qui a toujours plaidé pour une solution à deux Etats, a considéré que le moment n'était pas le bon pour franchir le pas. « Ce n'est pas un tabou pour la France », a précisé Stéphane Séjourné dans une déclaration à l'AFP. Le chef de la diplomatie française estime toutefois que les conditions ne sont pas réunies « à ce jour pour que cette décision ait un impact réel » sur le processus visant la solution à deux Etats.

« Cette décision doit être utile, c'est-à-dire permettre une avancée décisive sur le plan politique », a-t-il argumenté, avant de souligner : « Dans cette perspective, elle doit intervenir au bon moment pour qu'il y ait un avant et un après. » « Il ne s'agit pas seulement d'une question symbolique ou d'un enjeu de positionnement politique, mais d'un outil diplomatique au service de la solution à deux Etats vivant côte à côte, en paix et en sécurité. » Israël a évidemment très mal vécu ce geste fort envers les Palestiniens et a rappelé « pour consultations » ses ambassadeurs en Irlande, en Norvège et en Espagne. Par ailleurs, Tel-Aviv a convoqué les ambassadeurs de ces trois pays en Israël pour une « conversation de réprobation » de leur position.

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Mort du président iranien Raïssi : les images de deuil ne disent rien de la détestation des Iraniens pour un pouvoir bourreau

28 mai 2024, par Chowra Makaremi — , ,
La mère de l'anthropologue Chowra Makaremi est morte dans les purges de 1988 auxquelles le président mort le 18 mai avait participé. Elle souligne la violence du traitement (…)

La mère de l'anthropologue Chowra Makaremi est morte dans les purges de 1988 auxquelles le président mort le 18 mai avait participé. Elle souligne la violence du traitement médiatique qui a privilégié la foule en pleurs aux messages de joie sur les réseaux sociaux qui étaient une façon de dire : « On est encore là, on n'oublie pas et on ne pardonne pas ».

Tiré d'Europe solidaire sans frontière.

Il y a trente-six ans, un hélicoptère promenait quatre membres des ministères de la Justice et des Renseignements iraniens, de prison en prison, à travers le pays : leur mission était d'interroger les opposants détenus qui défilaient devant eux en longues queues, puis de les ordonner en deux rangs.

Celles et ceux de gauche partaient vers la mort, celles et ceux de droite retournaient dans leurs cellules où ils seraient fouettés à l'heure de chaque prière, jusqu'à ce qu'ils acceptent de prier ou meurent à leur tour sous les coups.

Les files de gauche étaient les plus grosses, témoignent les survivants. Mais nul d'entre elles et eux ne savaient à l'époque ce que signifiaient ces tris et ce qui les attendait. Les questions étaient insolites : « Priez-vous ? », « Vos parents priaient-ils ? », « Que pensez-vous de la république islamique ? ».

Les prisonniers, détenus pour la plupart depuis le début des années 80, purgeaient la fin de leur peine : on leur avait parlé du passage devant une « commission d'amnistie ».

Le groupe était, en réalité, chargé d'appliquer le décret du Guide suprême, Khomeiny, qui ordonnait la mort de tous les prisonniers restés « fidèles à leurs positions ».
On ne sait pas combien moururent, quand et comment en ces mois d'été 1988, au moins plusieurs milliers. Ma mère en faisait partie.

Dans cette « commission de la mort », comme on l'appelle depuis, siégeait Ebrahim Raissi, président de la république islamique mort le 18 mai dernier à bord d'un hélicoptère.

Leur disparition ne modifie rien, ne menace rien, n'ouvre rien

Dans les dernières décennies, les récits de ces événements se sont progressivement fait entendre, redessinant une autre généalogie de l'Iran postrévolutionnaire.

Le meurtre et les tortures de masse dont Raïssi, comme beaucoup d'autres aujourd'hui au pouvoir, fut un exécutant zélé, ne sont pas seulement « restés impunis » : ils ont été une rampe de lancement de la carrière des médiocres, leur vaisseau de colonisation de l'Etat.

La violence, la cruauté et le féminicide ne sont pas des déviances déplorables – fougues de jeunesse de la république islamique – mais un processus de construction de l'appareil d'Etat.

Ce fait historique, simple et pourtant si long à émerger sous les discours réformateurs, et si prompt à disparaître à nouveau sous les discours experts, est mis à nu depuis le soulèvement « Femme, vie, liberté » de 2022 : comme une créature qui porte ses tripes au-dehors, comme le monument de Beaubourg à Paris porte ses tuyaux sur son flanc.

Les figures criminelles de haute volée, catapultées au sommet de l'Etat sur la volonté du Guide suprême, comme feu Raïssi mais aussi Mohseni Ejei, actuel chef du système judiciaire et membre du comité en charge de l'intérim présidentiel, ont occupé l'espace politique (peut-on encore l'appeler ainsi ?) en réprimant par le meurtre les résistances têtues de la société iranienne, comme on enfile les perles d'un collier : assassinat à la chaîne des intellectuels dans les années 2000, tortures et suppression des manifestants du « mouvement vert » de 2009, meurtres des manifestants de novembre 2019, meurtres et viols des manifestants du soulèvement « Femme, vie, liberté ».

Ces politiciens sont ceux qui demeurent quand tous les autres ont évacué la scène purges après purges : de plus en plus vieux, de plus en plus exclusifs, de plus en plus paranoïaques.

Mais il ne faudrait pas croire que ces éléments puissent constituer des facteurs de fragilité du pouvoir iranien.

C'est l'analyse principale qui entoure aujourd'hui la mort soudaine du président iranien et de son ministre des Affaires étrangères. Leur disparition ne modifie rien, ne menace rien, n'ouvre rien. Cela ne saurait déstabiliser le pouvoir iranien. « Oui chef, tout est normal » pour reprendre une chanson du rappeur opposant Toomaj Salehi, condamné à mort en avril dernier.

Le crash de leur hélicoptère n'est qu'un accident dû au mauvais temps, et, au pire, au régime des sanctions américain qui empêche l'Iran de renouveler sa flotte.

Des feux d'artifice ont été tirés à Saqqez

Pourtant, cette mort fut une expérience différente pour les Iraniens.

Samedi 18 mai au soir, les médias annonçaient que l'hélicoptère du Président s'était écrasé dans les montages, dans une forêt dense, peu accessible aux humains, peuplée de bêtes sauvages, précisaient-ils. L'image a quelque chose d'halluciné, et de fort ironique.

S'ensuit une nuit d'hilarité et d'ahurissement sur les réseaux sociaux, qui mobilise les muscles du sourcil, levé, et ceux du ventre, secoué de rire.

C'est dans cette réalité que nous vivons pourtant : un monde où les bureaucrates de la mort s'écrasent dans des forêts brumeuses. Un monde où l'on ne sait pas s'ils sont morts d'accident ou de manigance, entre loups qui se mangent les uns les autres. Un monde où leur rôle comme président de la république était si prévisible et inconséquent que leur mort soudaine n'est même pas vraiment grave : c'est ce que répètent tous les experts du monde entier.

On peut simplement s'en esclaffer. Les Iraniens, dans leur vaste majorité, sont allés plus loin que le gloussement cependant : ils ont manifesté de la joie. Des feux d'artifice ont été tirés à Saqqez, la ville de Jina Mahsa Amini dont la mort avait mis le feu aux poudres du soulèvement « Femme, vie, liberté ».

Dans le contexte de répression féroce qui prévaut depuis, cela demande un certain cran. La vague de vidéos et de messages de joie qui a saturé les réseaux sociaux était aussi une façon de dire : « On est encore là, on n'oublie pas et on ne pardonne pas ».

Une petite fenêtre de tir à investir pour profaner et rendre visible sa détestation du pouvoir. Une autre façon de donner corps à la résistance à travers nos émotions : l'empathie pour les victimes d'exécutions, là où le pouvoir se nourrit de l'indifférence et de l'atomisation ; la jubilation pour une mort officielle qui commande le deuil.

Ces images cependant n'ont pas fait le tour du monde. Là où les images du soulèvement « Femme, vie, liberté » nous parvenaient par les réseaux sociaux, cette fois, ce sont celles produites par les médias iraniens qui ont été relayées en boucle par les chaînes d'informations occidentales : un spectacle de deuil public et de chancelleries.

Les Iraniens ont cessé de consentir aux fictions d'ordre et de puissance

D'un côté, les événements dans leur imprévisibilité et leur opacité – dans les jeux d'ombres du cortège de symboles, de coïncidences, de signes et de rumeurs qu'ils charrient.

D'un autre côté, les analyses, les commentaires, les pronostics et les explications médiatiques qui ordonnent cette réalité en une information consommable mondialement.

Entre les deux, un décalage brutal qui participe à la violence du monde – laquelle est indicible dans les mots et les raisonnements des experts.

Or, cette opacité, cette brutalité existent : elles ne cessent de faire irruption et de déchirer nos vies ; elles tissent aussi nos choix et la trame de nos actions. Les badigeonner de pronostics informés comporte peu d'intérêt.

Pourquoi rassembler des experts pour débattre à propos de qui sera le prochain président, élu le 28 juin 2024, tout en rappelant que cette élection n'en sera pas une (tout comme celle du défunt président n'en fut pas une) ?

Pourquoi tant d'efforts pour mettre en ordre ce qui, de toute évidence, n'en finit pas de dérailler ? Nous voulons rendre le monde lisible et objectivable dans tout son sérieux, et nous normalisons sa violence, nous amplifions le silence.

Les Iraniennes et les Iraniens, dans une majorité inouïe, ont cessé de consentir aux fictions d'ordre et de puissance que se donne ce pouvoir. Quel intérêt avons-nous, ici, à retricoter dans nos analyses et nos commentaires, cette légitimité longtemps perdue ?

Ne doutez pas que les images de foules en pleurs sont produites à destination de l'étranger qui y croit encore.

Celle qui émeut les Iraniennes et les Iraniens est indélébile et puissante. Elle n'existe pas ailleurs que dans nos têtes, mais elle est tout aussi réelle, sinon plus, que celle des foules en pleurs : c'est celle du corps des bourreaux devenus gouvernants, écrasé dans leurs hélicoptères (les mêmes qu'en 1988), perdus dans le brouillard, à la merci des fauves qui rôdent quand la nuit tombe.

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Le malaise de la gauche face à la République populaire de Chine

28 mai 2024, par Martine Bulard — , ,
À gauche, la République populaire de Chine (RPC) déroute toujours autant. Dans les pays émergents elle est parfois érigée en modèle, ou perçue comme une alliée, en raison de (…)

À gauche, la République populaire de Chine (RPC) déroute toujours autant. Dans les pays émergents elle est parfois érigée en modèle, ou perçue comme une alliée, en raison de son rôle central dans la dynamique de désoccidentalisation qui s'amorce. En Europe, elle est souvent considérée avec une défiance qui rejoint parfois celle des dirigeants américains. Pour échapper à ces deux impasses, il faut appréhender la géopolitique chinoise à l'aune de transformations économiques en cours depuis la mort de Mao Zedong. Par Martine Bulard [1].

21 mai 2024 | tiré de la lettre Le Vent Se Lève (LVSL) | Illustration : LHB pour LVSL
https://lvsl.fr/le-malaise-de-la-gauche-face-a-la-republique-populaire-de-chine/

Aux yeux d'une fraction – très minoritaire – du camp progressiste, la RPC apparaît, sinon comme un phare, du moins un pôle de contestation de l'hégémonie américaine. Pour la grande majorité, c'est une toute autre vision qui prédomine, alimentée par des clichés médiatiques : nouvel empire du mal, « péril jaune », omniprésence de la main de Pékin, etc. Mais que veut exactement la Chine ? Comprendre les ressorts de sa politique étrangère implique de considérer ses ambitions à la lueur de son histoire.

L'irrésistible ascension de la Chine

Du XVIè siècle au début du XIXè, on comptait la Chine et l'Inde au nombre des puissances dominantes. Les expéditions militaires occidentales devaient changer la donne, au prix d'un dépeçage de ces pays – lequel a pris la forme d'une occupation en Inde, et d'enclaves territoriales étrangères en Chine. Si des causes internes ont également conduit au déclin subséquent de celle-ci, ce sont les facteurs exogènes que la population chinoise garde aujourd'hui à l'esprit. Ainsi, l'idée qu'aujourd'hui leur pays ne fait que reprendre sa place dans le monde demeure prégnante. Tout comme celle d'associer intimement prospérité économique et intégrité territoriale. Ces éléments permettent de comprendre pourquoi le gouvernement de la RPC est aujourd'hui soutenu par la majorité des Chinois, malgré la répression et les difficultés quotidiennes.

Peut-on s'appuyer sur la Chine, sinon pour construire un bloc alternatif aux États-Unis, du moins s'en servir comme point d'appui face à la puissance américaine ? Pour répondre, il faut revenir sur la manière dont la Chine s'est insérée dans l'ordre international actuel. Et rappeler quelques faits élémentaires : à la mort de Mao Zedong, la Chine ne possède pratiquement pas d'industrie, de capitaux et de technologie. Tout juste une main d'oeuvre qui sait lire et écrire, avec un taux d'alphabétisation qui avoisine les 60 à 75 %. Il s'agit d'un acquis remarquable si l'on garde à l'esprit qu'en Inde, à l'époque, seuls 40 à 42 % de la population maîtrise la lecture et l'écriture.

On dit parfois que Pékin menace de vendre ses dollars, mais il ne peut le faire du jour au lendemain : la valeur du billet vert diminuerait alors considérablement et paupériserait… ses détenteurs

Au sortir de la période maoïste, la Chine cherche un mode de développement, et lorgne du côté de Singapour ou du Japon – deux modèles capitalistes avec un degré variable d'autoritarisme. Elle se tourne vers l'Occident pour obtenir des investissements, mais avec une condition essentielle : elle exige des capitaux productifs, et non de simples capitaux financiers. Les Chinois deviennent ainsi rapidement en mesure d'exiger des transferts de technologie, comme ce fut par exemple le cas pour les investissements nucléaires français.

Heureuse coïncidence : cette ouverture de la Chine rencontre la vague de dérèglementation et de délocalisations qui frappe alors le « premier monde ». Pour le patronat occidental, il s'agit d'accroître ses profits par l'exploitation d'une main-d'oeuvre à bas coût et de pressurer les salaires européens et américains, contre une importation de biens chinois à prix modiques. Au fil du temps, la Chine se développe. Elle devient l'« atelier du monde », inondant la planète de produits finis. Mais elle n'en reste pas là et fabrique des biens de plus en plus sophistiqués, à « haute valeur ajoutée », comme les nomment les économistes. Au point de mettre en danger les multinationales occidentales, qui lui avaient fait la courte-échelle.

Avec cette stratégie, les dirigeants chinois ont gagné leur pari de développer leur pays, fût-ce à marche forcée, au prix d'une exploitation de la main d'oeuvre et d'un sabotage de l'environnement. Toutefois 800 millions de personnes sont sorties de la grande pauvreté, et plus personne n'y meurt aujourd'hui de faim.

Nouvelle lueur à l'Est ou « péril jaune » ?

La Chine a choisi le capitalisme – un capitalisme d'État, certes, mais un capitalisme tout de même, avec ses inégalités et ses crises cycliques. Elle n'a accouché d'aucun « modèle » alternatif. Et si elle peut faire figure d'exemple pour de nombreux pays en voie de développement pour la vitesse à laquelle elle s'est industrialisée, elle demeure fortement dépendante du reste du monde. Les États-Unis et l'Europe ne peuvent vivre sans marchandises chinoises, de même que les Chinois ont besoin des technologies occidentales.

Le degré d'interdépendance financière sino-américaine est tout aussi parlant. La Chine demeure le deuxième acheteur de la dette américaine, derrière le Japon. En janvier 2024, on comptait dans les caisses chinoises près de 800 milliards de dollars. On dit parfois que Pékin menace de les vendre mais il ne peut le faire du jour au lendemain : la valeur du billet vert baisserait alors considérablement et paupériserait… ses détenteurs. Ainsi, les Chinois financent les Américains, lesquels achètent des produits chinois, qui permettent en retour aux Chinois d'acheter de la dette américaine. Cette chaîne perverse, la RPC n'a pas réussi à la rompre, même si l'affrontement sino-américain actuel risque d'accélérer le découplage.

La Chine s'est ainsi insérée dans le système international sans barguigner, et ne souhaite nullement le remettre en cause : elle veut y avoir toute sa place, ce qui n'est pas la même chose. Retournement de situation : ce sont les États-Unis qui ne veulent plus de cet ordre international. Les Américains multiplient les mesures protectionnistes, ainsi que les subventions pour encourager les capitaux délocalisés à revenir sur leur territoire. De manière tout à fait extraordinaire, alors que pendant des années les États-Unis ont dénoncé le montant des subventions chinoises – supposément en contradiction avec les règles de la libre concurrence -, aujourd'hui ce sont eux qui, avec l'Inflation Reduction Act (IRA) financent la relocalisation de leur économie !Ils veulent y consacrer 369 milliards de dollars !

La Chine ne souhaite pas être le chef de file d'un camp. Elle n'est à la tête d'aucune alliance militaire. Elle demeure traumatisée par l'expérience soviétique, estimant que l'URSS a payé le prix de son positionnement « campiste »

Sur le plan des mesures protectionnistes, on a vu les Big Tech américaines s'allier à Donald Trump pour interdire ou taxer les produits de haute technologique venus de Chine. En plus, Washington brandit la dimension extraterritoriale du droit américain qui est une arme létale : il suffit, par exemple, qu'un produit français ait utilisé un seul composant chinois, dans une série de secteurs de haute technologie, pour que l'entreprise coupable tombe sous le coup des sanctions. Ou à l'inverse que cette société utilise un élément américain ou même un morceau de logiciel pour qu'elle ne puisse plus exporter son produit en Chine sous peine d'amende. Et l'on sait à quel point elles peuvent être sévères : BNP-Paribas a été condamnée à payer 9 milliards d'euros au Trésor américain en 2013 pour avoir commercé en dollars avec des pays sous embargo américain (et non de l'ONU), sans protestation notable des élites françaises…

Les États-Unis veulent garder leur avance technologique et bloquer les produits novateurs sur lesquels la Chine possède un avantage comparatif. Ils ont donc organisé un blocus total des semi-conducteurs de la dernière génération auquel participent Taïwan, le Japon et les Pays-Bas. Du jour au lendemain, les entreprises chinoises doivent se rabattre sur des semi-conducteurs moins performants. Dès 2019, le numéro un chinois des smartphones et de la 5G, Huawei, a vu son marché occidental s'effondrer, faute de puces performantes. Il s'est depuis requinqué au moins en Chine et dans le reste du monde, mais le coup fut rude. Si d'une façon plus générale, l'industrie chinoise est touchée par cet embargo, l'État a lancé un vaste plan de recherche-développement dans le domaine des semi-conducteurs et dans celui de l'intelligence artificielle, pour tenter de combler son retard et acquérir son indépendance. Gagnera-t-il son pari ? Trop tôt pour le dire.

Porte-avions à Formose et explosion des budgets militaires

Autre noeud des affrontements américano-chinois : Taïwan. Les États-Unis, sur cette question, agitent le chiffon rouge – ce qui ne veut pas dire que, dans ses rapports avec l'île, Pékin est blanc comme neige. Dans le Détroit de Formose, assez étroit, les médias parlent souvent des incursions d'avions et de navires chinois ­— réelles — mais rarement des avions militaires et porte-avions américains, et même un porte-avion français, qui y circulent régulièrement. Imagine-t-on la réaction américaine si un porte-avion chinois bordait les côtes américaines, entre la Floride et Cuba ? Ou si les Chinois installaient un système de surveillance à proximité à cet endroit, comme les Américains l'ont fait à Formose ? Ils ont même établi un contingent de forces spéciales sur la petite île taïwanaise de Kinmen (ou Quemoy) qui se situe à 4,5 kilomètres de la Chine continentale.

On ne peut que regretter l'alignement européen sur ces manoeuvres américaines. Reconnaissons au président Emmanuel Macron la justesse de sa position diplomatique lorsqu'il a rappelé la doctrine officielle de la France (qui est aussi celle de l'ONU) : il n'existe qu'une seule Chine – il est même allé plus loin, rappelant que Taiwan n'était pas une affaire française ni américaine.
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Taïwan, à l'ombre des empires

Des provocations américaines de cette nature constituent un jeu dangereux, dans une région qui compte trois puissances nucléaires : Inde, Pakistan, Chine – et presque une quatrième, la Corée du Nord. Cet accroissement des tensions conduit à une escalade sans fin des budgets militaires. Rappelons que le Japon – à la Constitution « pacifiste » depuis 1945 – est en passe de multiplier son budget de défense par deux, essentiellement pour alimenter l'industrie américaine de défense. Il est de bon ton de s'extasier devant la croissance outre-Atlantique… en oubliant de rappeler le rôle qu'y tient l'armement, lui-même alimenté par les commandes des alliés des États-Unis.

Cette dynamique d'accroissement des tensions conduit à un rapprochement entre Russie et Chine. Ces deux pays ne sont pourtant pas des alliés naturels : gardons simplement à l'esprit les conflits sino-soviétiques qui ont failli dégénérer en guerre en 1969. C'est l'agressivité américaine actuelle qui les conduit au rapprochement.

La Chine et les BRICS, au-delà des fantasmes

La Chine souhaite-t-elle construire un bloc anti-occidental ? Les BRICS sont l'objet de tous les fantasmes. La dernière réunion de ce groupe a généré des commentaires médiatiques particulièrement fournis – et hostiles. On peut le comprendre : que ce groupe informel parvienne à se structurer, et à intégrer cinq nouveaux membres – Arabie Saoudite, Iran, Émirats arabes unis, Éthiopie et Égypte – mérite que l'on s'y arrête [NDLR : l'Argentine devait rallier les BRICS, mais cet agenda est devenu lettre morte depuis l'élection de Javier Milei].

Ce nouveau bloc possède de 45 à 55% des réserves pétrolières du monde, et près de la moitié des réserves de métaux rares. Ces matières premières s'échangent en dollars mais les BRICS souhaitent dé-dollariser le monde ou en tout cas commencer à s'en émanciper.

Il faut dire que la politique de sanctions tous azimuts des États-Unis conduit plutôt à fragiliser l'empire du billet vert. Que les États-Unis aient gelé les fonds souverains de Russie et expulsé ce pays du système SWIFT – une première mondiale – ont fait paniquer de nombreuses grandes fortunes. Personne ne se sent à l'abri – et certainement pas les pays qui carburent aux pétro-dollars, comme l'Arabie Saoudite. On comprend donc l'intérêt, pour les BRICS, de la Nouvelle banque de développement impulsés par Pékin, qui permet de commercer en monnaies nationales. Pour la Russie, la possibilité d'échanger sans dollar est fondamentale.

Certes, on est encore loin d'une dédollarisation, telle que la réclamait le Brésil lors du sommet des BRICS d'août 2023. Mais ces dynamiques ne devraient pas être balayées d'un revers de la main. Rappelons simplement que les BRICS, s'ils se coalisent, ont un droit de veto au FMI. Pour l'heure, cette condition n'a bien sûr rien d'évident : elle nécessiterait qu'Inde, Chine et Arabie Saoudite s'entendent pour défier les États-Unis… Les BRICS ont-ils le pouvoir d'édifier un nouvel ordre ? Non. Les BRICS ont-ils un vrai pouvoir de bousculer certaines règles ? Oui. Ce qui les unit, c'est simplement la volonté de se faire une place au soleil dans un système international conçu au temps où ils n'étaient que des nains économiques et politiques.

La Chine ne souhaite pas être le chef de file d'un camp. Elle n'est à la tête d'aucune alliance militaire – et c'est assez rare pour être souligné. Elle ne possède qu'une seule base à l'étranger, à Djibouti. Elle demeure traumatisée par l'expérience soviétique, estimant que l'URSS a payé le prix de son positionnement « campiste » et de sa militarisation. Elle cite souvent l'Organisation de Shanghai, qui réunit la Russie, la Chine, les pays d'Asie centrale, l'Inde et le Pakistan, etc, comme le modèle de sa conception du monde. Ces pays qui ne sont pas des alliés et sont parfois en conflits plus ou moins larvés, se parlent pourtant régulièrement dans ce forum et peuvent même faire avancer des dossiers communs. De plus, Pékin s'inscrit dans un temps long. C'est ainsi qu'il faut entendre la vision « multi-civilisationnelle » évoquée par Xi Jinping – ce qui ne manque pas de sel, lorsqu'on considère ce qu'il fait de la diversité culturelle au sein de son propre pays…

La Chine ne cherche pas à remplacer les États-Unis, comme puissance dominante. Elle veut offrir un modèle alternatif suivant de nouvelles normes de relations internationales, et retrouver la place qui était la sienne avant l'ère coloniale – si possible au centre du monde…

Note :

[1] Martine Bulard est journaliste, spécialiste de la région asiatique. Cet article est issu de son intervention à la conférence « Occident : fin de l'hégémonie » co-organisée par LVSL et l'Institut la Boétie. Martine Bulard y est intervenue aux côtés de Jean-Luc Mélenchon, Christophe Ventura et Didier Billion – ces deux derniers étant auteurs du livre Désoccidentalisation paru chez Agone (2023).

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Même s’il évite la guerre civile, la crise finale d’Israël s’annonce cataclysmique !

En juillet 2021, commentant les avertissements prophétiques formulés par Albert Einstein dès 1948 sur l'avenir désastreux d'Israël, nous terminions notre texte par le constat (…)

En juillet 2021, commentant les avertissements prophétiques formulés par Albert Einstein dès 1948 sur l'avenir désastreux d'Israël, nous terminions notre texte par le constat et, en même temps, la prédiction suivants : « Malheureusement, tout montre qu'Einstein a eu de nouveau raison. Avec les Britanniques étant depuis longtemps un lointain souvenir, ce sont effectivement les épigones des « organisations terroristes » de 1948 qui inéluctablement conduisent Israël -qu'ils gouvernent- vers la « catastrophe finale » ! Un Israël qui peut se montrer maintenant plus puissant et arrogant que jamais, mais qui, en même temps, est en train de traverser sa plus grande crise existentielle de son histoire, pourrissant et se désintégrant à son intérieur. Le compte à rebours a déjà commencé et l'heure de la vérité approche... » [1]

Tiré du site du CADTM.

Peut-être plus vite que nous ne l'avions prévu, tout indique en ce printemps 2024, que l'heure de la grande vérité de l'État juif n'est pas seulement proche, mais qu'elle est déjà arrivée, qu'elle est là et qu'elle se déroule sous nos yeux ! Et les pronostics ne sont pas du tout optimistes. En Israël même, les premières voix commencent à se faire entendre, exprimant des doutes sur la viabilité de l'État d'Israël. Comme, par exemple, celles des auteurs du texte au titre éloquent « A ce rythme, Israël n'atteindra pas son centième anniversaire », qui a été reproduit et discuté ces derniers jours comme aucun autre en Israël et hors d'Israël. L'une des raisons de ce choc est que ses deux auteurs, Eugene Kandel et Ron Tzu, sont tous deux des membres éminents de l'establishment gouvernemental israélien, le premier ayant dirigé pendant des années le Conseil économique national de Netanyahou ! La deuxième raison, la plus importante, est que le document estime que, à moins d'un changement de cap radical de la part d'un personnel politique radicalement différent, la crise existentielle que les Israéliens commencent à vivre conduira à la fin d'Israël, ce qui signifiera nécessairement la fin aussi du « rêve sioniste »...

Ce n'est pas un hasard si, au moment même où l'on parle tant de la « solution à deux États » et où l'État palestinien commence à être reconnu même par des pays membres de l'Union européenne, des voix s'élèvent en Israël même pour parler d'une... « solution à trois États » ! En effet, à côté de l'État palestinien de demain, elles considèrent qu'il existe déjà - de facto - non pas un, mais deux États juifs ! C'est exactement ce que dit l'ancien diplomate Alon Pinkas lorsqu'il fait les constats suivants dans un article très récent dans Haaretz : « Il y a désormais, ici, deux États – Israël et la Judée –, avec des visions opposées de ce que doit être une nation. Il y a un « éléphant dans la pièce » et ce n'est pas l'occupation, bien que celle-ci en soit la cause principale. Cet “éléphant dans la pièce” est constitué par le fait qu'Israël est progressivement mais inéluctablement divisé entre l'État d'Israël – high-tech, laïc, ouvert vers l'extérieur, imparfait mais libéral – et le royaume de Judée, une théocratie suprémaciste juive ultranationaliste antidémocratique et isolationniste. »I.

Bien sûr, Pinkas, qui appartient au premier, à cet Israël moderne et « ouvert sur l'extérieur », a tendance à l'idéaliser et évite de tirer ses conclusions jusqu'au bout. Mais d'autres le font, notamment le vétéran de la gauche israélienne antisioniste Michel Warschawski, qui répond comme suit à la question de savoir s'il entrevoit la possibilité d'une guerre civile en Israël : « J'ai souvent été interrogé sur les risques d'une guerre civile : j'ai toujours dit que ce n'était pas possible.Aujourd'hui, j'en suis beaucoup moins sûr. Et ce n'est pas lié à Gaza. Il n'y a pas simplement deux Israël sociologiques. Nous sommes en présence de deux projets de société irréconciliables. Avec à la tête du pays le gouvernement le plus faible que nous ayons jamais eu, et Netanyahou incapable de contrôler des ministres qui pour certains sont des fous furieux ».

Nous pensons que Warshawski a raison à la fois lorsqu'il n'exclut plus la possibilité d'une guerre civile en Israël et lorsqu'il affirme que cela n'a rien à voir avec Gaza et le génocide en cours des Palestiniens. Certes, le fait est que le spectre du génocide et de la guerre plane sur Israël et sa société. Mais c'est aussi un fait que la grande, voire l'écrasante majorité des citoyens israéliens, des hommes politiques et de leurs partis se montrent, aujourd'hui encore, indifférents à l'incroyable souffrance que leur propre État inflige aux Palestiniens, alors même qu'ils manifestent contre Netanyahou et se heurtent parfois violemment à sa police. À l'exception de quelques petits groupes de citoyens qui perpétuent les vieilles traditions juives humanistes et internationalistes, en déclarant leur solidarité et leur soutien au peuple palestinien, la société israélienne ne veut ni entendre ni voir l'horrible tragédie qui se déroule à quelques kilomètres de ses villes et de ses kibboutz, faisant preuve de la plus monstrueuse insensibilité face au génocide en cours commis par sa propre armée et son propre État ! Et c'est pour cela qu'il se rallie - de facto - même à ce Netanyahou par ailleurs si détesté, lorsque, par exemple, la Cour Pénale Internationale ose lancer un mandat d'arrêt contre lui, tout comme il se rallie à l'État israélien lorsque certains pays européens osent reconnaître l'État palestinien...

Shlomo Sand, dans son dernier et magnifique livre « Deux peuples, pour un État ? », attribue cette monstrueuse insensibilité et ce tout aussi monstrueux « patriotisme », entre autres, au « lavage de cerveau » auquel les citoyens d'Israël sont systématiquement et méthodiquement soumis tout au long de leur vie afin de croire fermement que c'est... la volonté de Dieu que tous les territoires occupés, de Hébron, Jéricho et Bethléem à Jérusalem, soient israéliens ! C'est donc cette relation étroite entre messianisme nationaliste et messianisme religieux -qui non seulement a existé dès l'origine dans le projet sioniste, mais constitue le pilier idéologique central de l'État israélien, surtout depuis que la référence initiale à un certain « socialisme des kibboutz » mythique a été « jetée dans les poubelles de l'histoire »-, qui nous a fait constater il y a trois mois, que « cette actuelle ferveur exterminatrice de la société israélienne ne serait pas possible si elle n'était pas le produit et l'aboutissement de la logique interne du projet constitutif de l'État hébreu, du projet sioniste ! ». [2]

C'est donc pour toutes ces raisons que nous assistons aujourd'hui à des développements qui auraient été totalement inimaginables à la naissance d'Israël. Comme, par exemple, l'alliance du gouvernement israélien avec des antisémites notoires d'extrême droite ou même avec des leaders néo-fascistes de cette Internationale Brune en gestation, tels que l'Italienne Meloni, la Française Le Pen, l'Argentin Milei, le Hongrois Orban, le Portugais Ventura et plusieurs autres d'Europe et d'Amérique du Nord et du Sud, qui se sont réunis il y a quelques jours à Madrid sous l'égide du Vox des nostalgiques du franquisme. C'est à ce rassemblement madrilène de ce ramassis fasciste, qui s'est transformé en une manifestation de soutien à Netanyahou, que le ministre israélien de la diaspora, Amichai Chikli a envoyé un message de remerciement et d'encouragement confirmant ce que nous savions depuis longtemps : que Netanyahou et l'extrême droite israélienne sont devenus le symbole et le drapeau des racistes, de l'extrême droite et des néo-fascistes du monde entier, dont la plupart continuent d'ailleurs à être des ...antisémites décomplexés !

La boucle du projet sioniste et en même temps de l'État juif d'Israël est donc en train d'être bouclé, dans une atmosphère non seulement de crise généralisée, mais aussi de décadence morale généralisée. Et ce n'est pas un hasard si son élément fondateur fondamentale, le racisme à l'égard des Palestiniens, coule aujourd'hui dans ses veines comme un poison au point de permettre aux ministres Gvir et Smotrich et à leurs amis colons et autres de parler de la nécessité d'expulser (violemment) de la terre de leur mythique Grand Israël (Eretz Israël) non seulement les Palestiniens mais même les citoyens israéliens juifs qui ne partagent pas leurs opinions et leurs choix barbares et inhumains !

Nous concluons donc comme nous avons commencé : il est désormais manifeste que le prix que paie l'Israël sioniste pour l'exhibition de son arrogance et de sa toute-puissance mesurée par les hécatombes de morts civils palestiniens à Gaza, est sa propre décadence morale et sa propre décomposition sociale et politique. Avec ou sans guerre civile, la crise finale d'Israël s'annonce cataclysmique.

Notes

[1] Voir notre article « Quand Einstein appelait « fascistes » ceux qui gouvernent aujourd'hui Israël » : https://www.pressegauche.org/Quand-Einstein-appelait-fascistes-ceux-qui-gouvernent-Israel-depuis-44-ans

[2] Voir notre article « Essayant de comprendre la dérive génocidaire de la société israélienne » : 22320

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La résistance palestinienne brouille les cartes du gouvernement israélien : Netanyahu face aux doutes de l’appareil militaire

28 mai 2024, par Mourad Slimani — , ,
Plus de sept mois après le déclenchement de la guerre et le début de l'offensive terrestre à Ghaza, la résistance palestinienne arrive à asséner des coups surprenants à l'armée (…)

Plus de sept mois après le déclenchement de la guerre et le début de l'offensive terrestre à Ghaza, la résistance palestinienne arrive à asséner des coups surprenants à l'armée israélienne. Mercredi dernier, une embuscade conjointe entre les éléments des brigades Al Qassam, affiliées au Hamas, et les brigades Al Qods de la faction du Djihad islamique, a fait entre 10 et 20 morts, selon des sources, parmi les troupes engagées dans des opérations dans le camp de réfugiés de Jabaliya, au nord de Rafah.

Tiré de Algeria-Watch
18 mai 2024

Par Mourad Slimani

Les porte-paroles de l'armée israélienne ont, dans un premier temps, avancé la thèse des « tirs amis » ayant résulté d'un manque de coordination à une phase de l'offensive, avant de reconnaître que les pertes ont été subies lors d'opérations conduites par les éléments du Hamas.

D'autres opérations, sur les bilans desquels les informations sont restées contradictoires, ont eu lieu depuis deux jours dans le périmètre, démontrant une fois de plus que malgré la puissance de feu criminelle et sans précédent lâchée sans discontinuation contre l'enclave palestinienne depuis plus de 220 jours, des foyers de résistance restent actifs, enlisant l'armée israélienne dans un conflit qui n'est pas prêt de connaître une issue.

La témérité de la résistance palestinienne se manifeste par des coups d'éclats non seulement dans ce nouveau front que constitue la région de Rafah, mais aussi dans certains points du nord de l'enclave de Ghaza théoriquement passés au peigne fin, les mois derniers et les semaines dernières, après avoir été complètement dévastés.

On ne sait pas si ce sont ces événements qui ont vaincu les dernières réticences du ministre israélien de la Défense à faire part publiquement des difficultés auxquelles fait face son armée sur le terrain, après sept mois de mobilisation extrême et, surtout, de l'incapacité du gouvernement à tracer un plan politique et un objectif clair à un déploiement militaire de plus en plus coûteux et de plus en plus incertain.

Ce faisant, Yoav Gallant, un des trois hommes qui composent le Cabinet de guerre, entre en confrontation directe avec Benyamin Netanyahu et sa garde rapprochée d'extrême droite, et donne un aperçu des failles qui se sont creusées au fil des déconvenues diplomatique et stratégique dans l'Exécutif aux commandes à Tel-Aviv.

« Efforts sisyphiens » à Ghaza

Le ministre de la Guerre a ainsi exprimé, dans une déclaration télévisée, son opposition au plan de contrôle militaire de Ghaza après la fin de la guerre, tel que préconisé par le Premier ministre, renouvelant sa préférence pour une autorité combinée associant des représentants de tribus arabes locales « non hostiles » et une coalition internationale dont il reste à définir les contributeurs.

Très peu élaborée, la proposition de Gallant semble plus viser une porte de sortie à l'armée du bourbier ghazaoui, d'autant que, argue-t-il, une présence sur la durée des forces israéliennes sur le territoire est synonyme de pertes supplémentaires dans les rangs et un coût social et économique que l'Etat hébreu aura du mal à assumer.

Sans le reconnaître ouvertement, il laisse entendre donc que l'objectif d'anéantir le Hamas et ses capacités militaires va rester hors de portée et qu'il faudra donc éviter de surexposer l'armée sur le terme par une occupation prolongée, ou définitive, de Ghaza. Quelques jours auparavant, un son de cloche aussi sceptique et polémique a été développé par le chef d'état major, lui-même gagné par le doute quant à l'efficacité de l'effort de guerre engagé à Ghaza sans perspectives politiques clairement déclarées sur le fameux « jour d'après » par le gouvernement.

Il aurait ainsi lâché, lors d'une entrevue avec le Premier ministre, que le gouvernement avait compromis l'armée dans des « efforts sisyphiens » et qu'il était temps de changer de fusil d'épaule. Les faits font suite à d'autres marques de défiance de l'appareil sécuritaire et militaire contestant ces dernières semaines la navigation à vue du gouvernement s'agissant de la durée prévisionnelle de la guerre, ainsi que sur ses objectifs tactique et stratégique.

Le roc de la résistance palestinienne

La réponse à cette montée au créneau est venue rapide et sans précautions de forme. Près d'une heure après les déclarations de Gallant, Benyamin Netanyahu rétorque qu'elles sont simplement « dénuées de substance » et qu'elles ne méritent donc pas d'être considérées au-delà de ce commentaire.

Le Premier ministre ajoute cependant qu'il n'est pas question d'envisager une alternative de gouvernance à Ghaza tant que le Hamas garde la moindre possibilité d'entreprendre des actions et que ladite alternative ne portera surtout pas le cachet du Fatah ni de l'Autorité palestinienne qui siège à Ramallah.

C'est la première fois depuis le début du conflit qu'une passe d'armes pareille oppose le sommet du gouvernement au département de la guerre ; le désaccord, en débordant l'obligation de confidentialité institutionnelle, atteste d'une tension qui accentue l'isolement de Netanyahu, certes, sans effets réels sur ses choix politiques pour le moment.

Encore une fois, il n'a dû compter que sur le soutien des forcenés de la coalition d'extrême droite. Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité intérieure et dirigeant du parti suprémaciste Force juive, dénonce les « visions défaitistes » du ministre de la Défense et appelle Netanyahu à le limoger sans tarder. Bezalel Smotrich, dirigeant du Parti sioniste religieux, ramassis de colons racistes et boulimiques, enjoint, lui, Yoav Gallant à démissionner immédiatement s'il ne partage pas les options du gouvernement.

Le ministre de la Défense, détenteur pourtant d'un palmarès fourni en actes et déclarations criminels contre les Palestiniens, dont l'appel à traiter les Ghazaouis « comme des animaux », au tout début de l'offensive, passe dans le contexte pour un tiède qui ne fait pas l'affaire, juste parce qu'il émet l'idée de ne pas occuper Ghaza. C'est dire la qualité du climat actuellement dans les rouages de décisions au sein de l'Etat hébreu et l'impasse dans laquelle le pousse l'héroïque résilience palestinienne.

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Que se cache-t-il derrière l’accusation d’antisémitisme lancée contre Karim Khan ?

Si toute cette colère sioniste et pro-israélienne contre la position du procureur de la CPI, Karim Khan, indique quelque chose, c'est bien son importance, qu'il n'est pas (…)

Si toute cette colère sioniste et pro-israélienne contre la position du procureur de la CPI, Karim Khan, indique quelque chose, c'est bien son importance, qu'il n'est pas exagéré de qualifier d'historique. (Traduit de l'arabe.)

Tiré de https://blogs.mediapart.fr/gilbert-achcar/blog/220524/que-se-cache-t-il-derriere-l-accusation-d-antisemitisme-lancee-contre-karim-khan

Gilbert Achcar
Professeur, SOAS, Université de Londres
Ce blog est personnel, la rédaction n'est pas à l'origine de ses contenus.

L'affaire était si évidente qu'il ne valait pas la peine de parier dessus. Il était tout à fait évident et absolument certain que la demande du procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Ahmed Khan, d'émettre des mandats d'arrêt internationaux contre le premier ministre et le ministre de la « défense » israéliens conduirait l'establishment sioniste à lancer l'accusation d'antisémitisme à son encontre et à celle de la cour. Comme les chiens du savant russe Ivan Pavlov, qui ont confirmé sa célèbre étude du réflexe conditionné, Netanyahu et Gallant, ainsi que l'ensemble de l'élite du pouvoir sioniste, y compris Gantz, le chef du bloc d'opposition qui coopère actuellement avec le Likoud, le parti des deux inculpés et Lapid, le leader du principal bloc d'opposition qui refuse de les rejoindre, ont tous immédiatement et violemment condamné la position du procureur tout en la qualifiant d'« antisémite ».

C'est en effet à la quasi-unanimité que la classe politique sioniste – 106 des 120 membres de la Knesset, le parlement israélien (outre les dix membres des listes « arabes », les quatre députés du parti travailliste sont restés à l'écart du consensus sioniste en raison de leur forte hostilité à l'égard de Netanyahu) – a approuvé une déclaration condamnant le procureur et qualifiant son inculpation du gouvernement sioniste et des dirigeants du Hamas pour crimes contre l'humanité de « comparaison scandaleuse » qui constitue « un crime historique indélébile et une expression claire d'antisémitisme ». Netanyahu a vu dans sa condamnation par Karim Ahmad Khan une occasion de renforcer sa popularité en déclin en se présentant comme un symbole de l'État sioniste. Il a déclaré que « le mandat absurde et fallacieux du procureur de La Haye est dirigé non seulement contre le premier ministre et le ministre de la défense israéliens, mais contre l'État d'Israël tout entier ». Il a ensuite ajouté, s'adressant directement au procureur : « Avec quel culot osez-vous comparer les monstres du Hamas aux soldats de Tsahal, l'armée la plus morale du monde ? » La position de Netanyahu a été rejointe par Gantz, son partenaire au sein du cabinet de guerre israélien, qui a affirmé que l'armée israélienne « se bat avec l'un des codes moraux les plus stricts de l'histoire ».

Il est, bien sûr, d'un aplomb sans précédent de la part de quiconque de décrire les forces génocidaires sionistes comme « l'armée la plus morale du monde », mais cette impudence est devenue monnaie courante. Répéter cela en qualifiant d'impudente une critique des actions de l'armée sioniste, que la Cour internationale de justice a considérées comme relevant de la catégorie du génocide, porte le toupet à un paroxysme propre à Netanyahu et très difficile à égaler. Comme à son habitude, le premier ministre israélien a eu recours à ce que l'on appelle en anglais des insinuations par « sifflet à chien » en pointant indirectement la descendance de Karim Ahmed Khan d'une famille d'origine pakistanaise appartenant à la communauté musulmane Ahmadiyya. L'insinuation est apparue dans la déclaration de Netanyahu selon laquelle le « nouvel antisémitisme » – une expression souvent utilisée pour décrire l'hostilité envers l'État d'Israël lorsqu'elle est exprimée par des musulmans – « s'est déplacé des campus occidentaux vers la cour de La Haye » !

Si le Hamas avait ajouté à sa condamnation parallèle du procureur pour l'avoir mis sur le banc des accusés aux côtés du gouvernement sioniste, l'affirmation que la position de ce dernier reflétait la haine de l'islam (ou islamophobie), le monde entier se serait moqué du mouvement. Mais le Hamas ne revendique pas et ne peut pas revendiquer le monopole de la représentation des musulmans comme l'État sioniste revendique le monopole de la représentation des Juifs, avec l'approbation de la plupart des dirigeants occidentaux. Ainsi, bien que l'administration américaine se soit abstenue de qualifier la position de Karim Khan d'« antisémite », Biden n'a pas tardé à la qualifier de scandaleuse et à renouveler son engagement à « toujours se tenir aux côtés d'Israël contre les menaces à sa sécurité ». De son côté, son secrétaire d'État, Blinken, a réitéré la description de l'opération Déluge d'al-Aqsa menée par le Hamas comme « le pire massacre de Juifs depuis l'Holocauste » – une description devenue un mantra dont le but est de dépeindre l'hostilité des Palestiniens envers les Israéliens comme une hostilité envers les Juifs inspirée par « l'antisémitisme » plutôt qu'une hostilité envers une persécution sioniste féroce qui insiste pour se décrire comme juive (pour plus sur ce sujet, voir mon article « Gaza : le 7 octobre en perspective historique »).

Si toute cette colère sioniste et pro-israélienne contre la position de Karim Khan indique quelque chose, c'est bien son importance, qu'il n'est pas exagéré de qualifier d'historique. En effet, la CPI, depuis sa création jusqu'à présent, n'a traité que de plaintes contre des personnes originaires des pays du Sud mondial, du continent africain en particulier, en plus des dirigeants russes récemment inculpés en raison de l'invasion de l'Ukraine par leur armée. Il était devenu habituel de considérer cette cour, créée en 2002 au plus fort de l'hégémonie occidentale, comme l'un des outils politiques de l'Occident, au point que les familles de 34 Israéliens morts ou enlevés lors de l'opération Déluge d'al-Aqsa ont déposé une plainte contre le Hamas auprès d'elle, quelques jours après l'événement. Il est en effet très significatif que les seuls actes d'accusation émis par la CPI au sujet de l'Irak concernent l'organisation de l'État islamique et non l'armée et le gouvernement américains.

C'est donc la première fois que le tribunal inculpe deux dirigeants d'un pays considéré comme faisant partie du camp occidental, ce qui explique le ressentiment exprimé à l'égard de la position du procureur par le gouvernement américain et le gouvernement britannique, son fidèle partenaire (notamment dans l'occupation de l'Irak), ainsi que quelques autres gouvernements occidentaux. C'est pourquoi la position du procureur est très inquiétante aux yeux du gouvernement sioniste et de ses alliés les plus fidèles. Elle s'ajoute au procès intenté par l'Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de Justice pour tourner la page de l'hégémonie occidentale sur les instances judiciaires internationales, en général, et confirmer la condamnation mondiale croissante du comportement criminel de l'État sioniste à la lumière de la guerre génocidaire qu'il mène à Gaza, en particulier.

Traduction de ma tribune hebdomadaire dans le quotidien de langue arabe,Al-Quds al-Arabi, basé à Londres. Cet article est paru le 21 mai en ligne et dans le numéro imprimé du 22 mai. Vous pouvez librement le reproduire en indiquant la source avec le lien correspondant.

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Israël : côté obscur de l’armée la plus morale du monde entier

28 mai 2024, par Ovide Bastien — , ,
À Gaza, le nombre de morts atteint 36 000 et de blessés 80 000... Depuis deux semaines, environ 900 000 Gazaouis, soumis à d'incessants bombardements et attaques israéliens, (…)

À Gaza, le nombre de morts atteint 36 000 et de blessés 80 000... Depuis deux semaines, environ 900 000 Gazaouis, soumis à d'incessants bombardements et attaques israéliens, quittent Rafah et se dirigent ailleurs à Gaza, cette fois où presque tout a été démoli et où trouver eau, nourriture, et abris s'avère quasi impossible...

Ovide Bastien

Alors que la famine devient chaque jour plus évidente, Israël non seulement restreint l'aide humanitaire qui entre à Gaza, mais ferme carrément celle qui entre de l'Égypte par Rafah et permet à des colons juifs, pour une deuxième fois en quelques jours, d'attaquer et saccager impunément des camions qui transportent de l'aide humanitaire en provenance de la Jordanie...

Le 20 mai le procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, annonce qu'il fait la demande de mandats d'arrêt à l'encontre du premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou et de son ministre de la Défense Yoav Gallant pour des crimes de guerre – faim utilisée comme arme de guerre, notamment en privant les Gazaouis d'aide humanitaire, et ciblage intentionnel de civils, extermination – ainsi que de trois dirigeants du Hamas pour les atrocités commises le 7 octobre dernier – extermination, viols, prise d'otages.

Le même jour, le président Joe Biden, principal fournisseur d'armes à Israël, affirme aux étudiants qui, lors d'une cérémonie de graduation, l'accusent de complicité dans un génocide :

« Je sais que la situation vous brise le cœur, mais elle brise le mien aussi. » Et, commentant la décision de Karim Khan, il affirme, « Il n'y a pas un iota d'équivalence entre Israël et le Hamas. La décision de la CPI est choquante. Nous appuierons toujours Israël d'une main de fer. Il n'y a pas de génocide à Gaza ! »

Le 23 mai, l'Espagne, l'Irlande et la Norvège annoncent que leur pays va se joindre aux 145 autres pays qui ont déjà reconnu la Palestine comme État. Le lendemain, la Cour internationale de justice, à la suite d'une nouvelle demande provenant de l'Afrique du Sud, ordonne à Israël de mettre immédiatement fin à son offensive militaire à Rafah, à son blocage de l'aide humanitaire à Rafah, et de permettre aux agences de l'ONU d'entrer à Gaza afin de pouvoir y réaliser des enquêtes.

Peu étonnamment, Benjamin Nétanyahou réagit avec colère. Des exemples éhontés d'antisémitisme, affirme-t-il. Des pays et des juges antisémites, qui se comportent comme ceux qui ont facilité l'Holocauste ! Nous avons l'armée la plus morale dans le monde entier ! Rien ni personne ne nous empêchera de nous défendre !

*************
De toute évidence, Israël se trouve de plus en plus isolée sur la scène internationale. Plus ces gestes concrets la noircissent, plus elle s'affirme pure et innocente et se présente comme LA victime du monde entier, que seul le géant étatsunien protège.
Dans ce qui suit, j'aimerais illustrer à lectrices et lecteurs un côté obscur d'Israël que m'a permis de découvrir la lecture d'un livre qui apparaissait à peine quelques semaines avant l'attaque violente d'Israël par le Hamas le 7 octobre dernier, The Palestine Laboratory : How Israel Exports the Technology of Occupation around the World.

Rédigé par le journaliste juif australien Antony Loewenstein, ce livre montre comment Israël, dont la population dépasse à peine celle du Québec, est devenue, grâce à son appareil de sécurité et de technologies et tactiques sophistiquées développés pour maintenir le contrôle sur la population palestinienne, le dixième plus grand exportateur d'armes au monde ainsi qu'un leader dans l'exportation d'outils de surveillance, de répression et de contrôle. Drones, caméras de surveillance, logiciels comme Pegasus qui espionnent les cellulaires, reconnaissance faciale, systèmes de sécurité aux frontières, armes de contrôle des foules, etc., tous ces outils, affirme Loewenstein, ont été perfectionnés dans le creuset du conflit palestinien et sont désormais commercialisés et vendus aux gouvernements et aux forces de sécurité du monde entier. Que ces gouvernements bafouent systématiquement les droits de la personne, cela importe peu à Israël.

« Il existe aujourd'hui en Israël plus de trois cents multinationales et six mille start-ups qui emploient des centaines de milliers de personnes, » rappelle Loewenstein. « Les ventes sont en plein essor, les exportations de matériel de défense atteignant en 2021 un niveau record de 11,3 milliards de dollars, soit une augmentation de 55 % en deux ans. Les entreprises israéliennes de cybersécurité sont également en plein essor, avec 8,8 milliards de dollars US obtenus dans le cadre de cent transactions en 2021. La même année, les entreprises israéliennes de cybersécurité ont reçu 40 % du financement mondial dans ce secteur. »

Les exemples que donne Loewenstein sont nombreux et fort troublants. En voici quelques-uns.

Afrique du Sud

L'Afrique du Sud représente sans doute le cas le plus spectaculaire. Si Israël a été le plus grand et fidèle allié du régime d'apartheid dans ce pays, ce n'est pas seulement, rappelle Loewenstein, parce que ce dernier achetait beaucoup de ses armes. C'est aussi et surtout, insiste-t-il, en raison de la très forte communauté de pensée qui existait entre les deux. Ici, les Afrikaners se percevaient comme les civilisés, et ne voyaient chez les Noirs que barbarie, méchanceté, et terrorisme. Là, les Israéliens se perçoivent comme les civilisés, et ne voient chez les Palestiniens que barbarie, méchanceté, et terrorisme.

Il est assez révélateur que Nelson Mandela, dans son discours du 4 décembre 1997, affirmait : « Notre liberté ne saura être complète sans celle du peuple palestinien ».
Il est assez révélateur, aussi, que ce soit l'Afrique du Sud qui prenait l'initiative, décembre dernier, d'accuser Israël, auprès de la Cour internationale de justice, de génocide à Gaza.

Chili

J'étais au Chili au moment où la junte militaire renversait le gouvernement de Salvador Allende en septembre 1973. J'ai pu voir de mes yeux, au jour le jour pendant un an, la répression impitoyable – censure, torture, exécution sommaire, camps de concentration - qui s'abattait sur le peuple chilien. La dictature a duré 17 ans, a fait plus de 3 000 victimes, et a torturé plus de 40 000 Chiliens et Chiliennes. De centaines de milliers, afin de fuir la terreur, se sont réfugiés à l'étranger.

Ce n'est qu'aujourd'hui, grâce à Loewenstein, que j'apprends qu'Israël vendait des armes à la dictature. En 1976, le Congrès étatsunien décrétait un embargo sur les armes à destination du Chili. Loewenstein cite un télégramme, provenant de l'ambassade étatsunienne à Santiago le 24 avril 1980, où on reconnait qu'Israël, malgré l'embargo de son grand allié, non seulement continue à vendre des armes à la dictature, mais est même un de ses principaux fournisseurs !

L'Inde

Une communauté de pensée existe, selon Loewenstein, entre l'ethno nationalisme d'Israël et celui du régime de Narendra Modi en Inde, où les Musulmans sont perçus comme des citoyens inférieurs. À la suite d'un accord conclu en 2014 entre Israël et l'Inde, ces deux pays se sont engagés à collaborer en matière de sécurité publique et intérieure. Par la suite, plusieurs officiers, forces spéciales, pilotes et commandos indiens se sont rendus en Israël pour y suivre une formation. Entre 2015 et 2020, le principal marché d'exportation d'armes d'Israël est l'Inde, avec 43 % des ventes totales. Les drones israéliens Heron survolent le Cachemire, tout comme ils survolent les territoires occupés de la Palestine, affirme Loewenstein. Plusieurs militants israéliens des droits de l'homme, notamment Eitay Mack, ont adressé une pétition à la Cour suprême d'Israël en 2020, exigeant qu'Israël cesse de former des policiers indiens qui « aveuglent, assassinent, violent, torturent et font disparaitre des civils dans le Cachemire ».

Guatemala

Dans les années 1970s et 1980s, Israël a collaboré avec les États-Unis pour fournir un appui militaire, diplomatique et idéologique au régime génocidaire du Guatemala, affirme Loewenstein. Dans un pays où la majorité de la population est indigène, le gouvernement, poursuivant l'objectif intitulé ‘pacification des campagnes', a construit des ‘villages modèles' où les populations indigènes furent forcées de vivre. Celles-ci ont lutté contre cette répression, et environ 200 000 personnes, presque tous indigènes, ont été tuées entre 1960 et 1996.

L'un des moyens les plus efficaces utilisés par Israël pour aider le régime guatémaltèque a été l'installation d'un centre d'écoute informatique par la société privée israélienne Tadiran Israel Electronics Industries, poursuit Loewenstein. Devenu opérationnel à la fin de 1979, ce centre contenait les noms d'au moins 80 % de la population et pouvait détecter les changements dans l'utilisation de l'électricité ou de l'eau dans les maisons privées, ce qui permettait de repérer les activités antigouvernementales – par exemple, si une presse d'imprimerie était utilisée. Les médias israéliens rapportaient, précise Loewenstein, que l'objectif de ce centre était de « suivre les mouvements de la guérilla indigène dans la capitale ».

On sait que Ríos Montt, qui a géré le Guatemala de 1982 à 1983, a été condamné en 2013 à 80 ans de prison pour génocide et crimes contre l'humanité. Or, lorsqu'il a pris le pouvoir par un coup d'État le 23 mars 1982, les médias israéliens ont rapporté que des conseillers militaires israéliens avaient participé à ce coup. Et Montt a lui-même déclaré à un journaliste d'ABC, souligne Loewenstein, que si le coup d'État avait été un succès éclatant, c'est « parce que beaucoup de nos soldats avaient été formés par les Israéliens ».

La collaboration d'Israël avec Montt ne se limitait pas, cependant, à n'offrir que conseils et formation à ses militaires, poursuit Loewenstein. Le 6 décembre 1982, Montt commettait, dans le petit village indigène de Dos Erres, un des massacres les plus horribles et notoires de son règne. Environ trois cents personnes furent massacrées avec une brutalité choquante – crânes fracassés à coups de masse et corps jetés dans un puits.

« Toutes les preuves balistiques retrouvées correspondaient à des fragments de balles provenant d'armes à feu et de cosses de fusils Galil, fabriqués en Israël, » déclarait en 1999, la Commission vérité des Nations unies, après s'être rendue sur place pour exhumer les cadavres.

Colombie

Israël et les États-Unis ont formé et armé des escadrons de la mort en Colombie jusque dans les années 2000, affirme Loewenstein. « Les tristement célèbres fusils Galil de fabrication israélienne, autrefois utilisés dans le génocide guatémaltèque, se sont retrouvés chez des barons de la drogue colombiens à la fin des années 1980. Fabriquées par Israel Military Industries, rachetées par Elbit Systems en 2018, ces armes faisaient partie d'une présence israélienne beaucoup plus importante en Colombie, » poursuit-il. L'ancien trafiquant de drogue Carlos Castaño, qui dirigeait une force paramilitaire d'extrême droite, explique dans son autobiographie rédigée par un écrivain fantôme : « J'ai appris une quantité infinie de choses en Israël [dans les années 1980], et c'est à ce pays que je dois une partie de mon identité, de mes réalisations humaines et militaires. J'ai copié le concept des forces paramilitaires sur les Israéliens ».

L'ex-président colombien, Juan Manuel Santos a fait l'éloge de la société israélienne qui avait formé ses militaires, poursuit Loewenstein. Dans une émission de télévision israélienne, il déclarait : « On nous a même accusé d'être les Israélites de l'Amérique latine, ce qui me rend personnellement très fier. » L'émission mentionnait le raid colombien de 2008 en Équateur et l'assassinat du commandant en second des FARC, Paul Reyes.

Il est peu étonnant que le président progressiste de la Colombie, Gustavo Petro, soit un des critiques les plus virulents des actions génocidaires d'Israël à Gaza depuis le 7 octobre dernier. Le 1 mai 2024, il annonçait que son pays coupait tout lien diplomatique avec Israël.

La frontière entre les États-Unis et le Mexique

Les entreprises israéliennes de sécurité et de surveillance jouent un rôle important dans la protection de la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Leur activité en Palestine s'avère, à cet égard, un outil précieux de promotion et commercialisation, affirme Loewenstein. La sécurisation de la frontière de 3 000 kilomètres bénéficie d'un grand soutien de la Maison Blanche, peu importe que celle-ci soit contrôlée par un Démocrate ou un Républicain. Et pour militariser cette frontière, on se sert fondamentalement de la technologie israélienne. L'objectif est de combiner la technologie de surveillance, l'infrastructure frontalière, les unités tactiques et le système de tours intégrées pour empêcher et dissuader les migrants d'entrer dans le pays et de traverser le désert mortel.
C'est l'objectif déclaré. Cependant, une telle militarisation de la frontière ne peut qu'aboutir à des morts, et en grand nombre, affirme Loewenstein. En constitue une preuve éloquente le fait que, depuis les années 1990, on ait retrouvé sept mille cadavres à la frontière entre les États-Unis et le Mexique.

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Les Palestiniens dénoncent un “massacre” à Rafah

L'Autorité palestinienne a accusé Israël d'avoir perpétré “un massacre” dimanche, en frappant un centre pour personnes déplacées à Rafah. L'attaque, qui a fait au moins 35 (…)

L'Autorité palestinienne a accusé Israël d'avoir perpétré “un massacre” dimanche, en frappant un centre pour personnes déplacées à Rafah. L'attaque, qui a fait au moins 35 morts selon les autorités de Gaza, a été confirmée par l'armée israélienne, qui assure avoir visé “un quartier général du Hamas”.

Tiré de Courrier international. Légende de la photo : Un incendie fait rage dans un centre pour personnes déplacées à Rafah, dans la Bande de Gaza, après une frappe israélienne, le 26 mai 2024. Photo Reuters TV / Reuters.

La présidence palestinienne a accusé Israël d'avoir ciblé “délibérément” un centre pour personnes déplacées, géré par l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) au nord-ouest de Rafah, rapporte Middle East Eye.

“Cet atroce massacre perpétré par les forces d'occupation israéliennes est un défi à toutes les résolutions internationales”, a tonné l'Autorité palestinienne, trois jours après une décision de la Cour internationale de justice (CIJ) ordonnant à Israël de suspendre immédiatement ses opérations militaires à Rafah.

Sami Abu Zuhri, un haut responsable du Hamas, a lui aussi “qualifié l'attaque de Rafah de massacre, tenant les États-Unis pour responsables, compte tenu de leur aide militaire et financière à Israël”, ajoute Middle East Eye. Selon les autorités de Gaza, aux mains du Hamas, l'attaque aurait fait au moins 35 morts, dont une majorité de femmes et d'enfants.

“Des vidéos partagées sur les réseaux sociaux montrent un énorme incendie sur le site, alors que les ambulanciers et les pompiers semblent avoir du mal à gérer la situation”, écrit CNN. “La zone ciblée comprenait un grand conteneur utilisé comme abri par des dizaines de familles, entouré de centaines de tentes”, ajoute la chaîne américaine.

Deux hauts responsables du Hamas tués

Selon Al-Jazeera, des dizaines de milliers de Palestiniens ont décidé d'installer leurs tentes dans cette zonne de Rafah, car le fait d'être “à côté d'un espace logistique de l'UNRWA” leur paraissait “plus sûr”. La chaîne qatarie précise que le feu s'est propagé à tout le secteur car “de nombreuses tentes sont en plastique et en tissu”.

“L'armée israélienne a confirmé l'attaque” mais a indiqué “avoir visé un quartier général du Hamas, où se tenait une réunion de haut niveau” du groupe armé, rapporte La Stampa. La décision de la CIJ publiée vendredi “semble donc avoir été inutile”, déplore le titre italien.

Le porte-parole de Tsahal a précisé que “deux hauts responsables du Hamas” avaient été tués lors de l'opération : “Yassin Rabia, responsable des opérations du Hamas en Cisjordanie, et Khaled Nagar, autre responsable du Hamas en Cisjordanie”, relève Ha'Aretz.

L'armée israélienne a également soutenu que les frappes avaient été menées “contre des cibles légitimes au regard du droit international, grâce à l'utilisation de munitions précises et sur la base de renseignements précis indiquant l'utilisation de la zone par le Hamas”. Elle a aussi concédé “avoir connaissance d'informations” selon lesquelles “un certain nombre d'individus non impliqués [avaient] été touchés” dans l'attaque et que “l'incident [était] en cours d'examen”.

“Isolement grandissant d'Israël”

Le New York Times souligne que les frappes israéliennes ont eu lieu “quelques heures après que le Hamas eut tiré plusieurs roquettes vers le centre d'Israël, déclenchant les sirènes d'alerte à Tel-Aviv pour la première fois depuis des mois”.

“Le Hamas se sent renforcé par l'isolement grandissant d'Israël et la pression internationale croissante pour que cesse l'offensive” sur Gaza, “malgré l'absence d'accord sur les otages”, analyse El Mundo. Un avis partagé par la BBC, pour qui “ce barrage de roquettes met en évidence la menace que le Hamas représente toujours pour la population d'Israël, même si aucun blessé n'a été signalé”.

La radiotélévision britannique remarque en outre que les événements de dimanche ont lieu “avant de nouvelles négociations de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, qui devraient reprendre la semaine prochaine”, sous l'égide des États-Unis, de l'Égypte et du Qatar.

Mais peu avant une réunion du cabinet de guerre dimanche soir à Tel-Aviv, le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a assuré qu'il “[s'opposait] fermement” à la fin de la guerre dans les conditions actuelles.

Courrier international

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Israël / Cisjordanie : la génération Tik Tok ne baisse pas les armes

Benjamin Netanyahou est sur deux fronts simultanément. Il doit mener à bien sa réforme du système judiciaire israélien contre une opposition qui manifeste dans les rues, bloque (…)

Benjamin Netanyahou est sur deux fronts simultanément. Il doit mener à bien sa réforme du système judiciaire israélien contre une opposition qui manifeste dans les rues, bloque les voitures de députés de la majorité et tente de dresser les Démocrates américains et les institutions juives américaines contre lui.

Tiré de MondAfrique.

Simultanément, le Premier ministre israélien doit affronter une tension croissante avec la génération islamiste Tik Tok en Cisjordanie. Ces jeunes qui affrontent les troupes israéliennes n'appartiennent à aucun groupe islamiste répertorié, mais sont armés et financés par le Hamas ou le Jihad Islamique quand ce n'est pas par les brigades al Aqsa de l'Autorité Palestinienne. Ils se distinguent du guérillero palestinien traditionnel en ce qu'ils ont renoncé à la mythologie nationale palestinienne et font volontiers des vidéos d'eux-mêmes en trans de brandir des armes, vidéos qu'ils mettent ensuite en ligne pour épater les jeunes filles.

Les troupes israéliennes à Naplouse

Les troupes israéliennes sont entrées mercredi à Naplouse pour arrêter ces miliciens Tik Tok qui planifiaient une attaque de type terroriste. Il en est résulté une fusillade qui a fait six morts parmi les hommes armés, mais en réalité beaucoup plus. Un Palestinien âgé serait décédé également ainsi que d'autres qui semblent ne faire partie d'aucun groupe. Le raid aurait ainsi fait en tout onze victimes. L'affrontement a eu lieu cette fois ci non pas dans un quartier isolé, mais au centre ville près d'un supermarché très fréquenté.

Le processus d'intervention de l'armée israélienne est souvent le même : des véhicules civils transportant des soldats sans uniforme ou des policiers en civil arrivent sur le lieu de l'affrontement et fixent les combattants, puis les véhicules de transport blindés débarquent et ceinturent le périmètre de combat, généralement une maison ou un immeuble. Aisément reconnaissables, ces véhicules blindés déchainent la fureur de la population qui les inonde de projectiles en tous genres tout au long de leur déplacement dans les rues de Naplouse ou Jenine.

Les deux derniers mois ont été le début d'année le plus meurtrier en Cisjordanie depuis au moins 2000. Selon un décompte du Wall Street Journal, au moins 60 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie et à Jérusalem-Est depuis soixante jours.

Ces jeunes qui meurent

Selon la journaliste Amira Hass du journal Haaretz, ces jeunes qui meurent en Cisjordanie, ne sont pas des combattants très aguerris et ne pèsent pas lourd face aux snipers et aux voitures de transports de troupes blindées de l'armée israélienne.

Après le raid meurtrier, la police israélienne a relevé son niveau d'alerte dans tout le pays mercredi soir, craignant des représailles. Une opération israélienne similaire à Jenine fin janvier qui a fait 10 morts a été rapidement suivie par l'attaque d'une synagogue à Jérusalem ou sept Israéliens ont trouvé la mort, soit l'attaque la plus meurtrière dans la ville depuis 2008. Le gouvernement israélien a promis une répression sévère contre l'activisme palestinien à l'approche du mois de Ramadan, à fin mars.

Les tensions en Cisjordanie ont aussi réveillé les tensions avec le Hamas. Le mouvement islamiste qui contrôle Gaza a tiré six roquettes en direction du territoire israélien. Ces roquettes ont été interceptées part Iron Dome, le système de défense anti-missile des Israéliens. Néanmoins, en riposte contre ces tirs de roquette contre la population civile israélienne, l'aviation israélienne est intervenue. Une usine de fabrication d'armes et un site militaire du Hamas à Jabalia, dans le nord de Gaza ont été détruits.

Les responsables palestiniens à Gaza n'ont signalé aucun blessé, bien que le site soit situé dans un quartier résidentiel près d'une école et d'un dispensaire.

Des « boucliers humains »

L'armée israélienne a dénoncé l'utilisation de « boucliers humains » par le Hamas qui « place ses moyens militaires au milieu de la population civile ». Le Hamas a juré que les frappes n'arrêteraient pas ses actions contre Israël et a déclaré que « la réponse à l'agression de l'occupation demeurera ».

L'envoyé des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, Tor Wennesland, s'est rendu dans la bande de Gaza jeudi matin. M. Wennesland rencontrera des responsables du Hamas dans le cadre des efforts visant à éviter que le conflit ne devienne incontrôlable, a déclaré un diplomate.

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Une interdiction des livres au « pays de la liberté »

28 mai 2024, par Renán Vega Cantor — , ,
Les États-Unis sont le pays qui se proclame le royaume de la liberté et dont l'histoire est marquée par des agressions contre sa propre population et celle du reste du monde (…)

Les États-Unis sont le pays qui se proclame le royaume de la liberté et dont l'histoire est marquée par des agressions contre sa propre population et celle du reste du monde pour imposer, dans le sang et le feu, ses prétendus idéaux de justice, de liberté et de droits de l'homme. Ces dernières années, les livres ont été interdits, la censure culturelle et éducative a été imposée, et des enseignant-e-s ont été expulsés des écoles et des universités pour ne pas se soumettre aux diktats des parents, des entreprises ou des groupes de pression, à la tête desquels se trouve le puissant lobby sioniste.

18 mai 2024 | tiré de Rebelion.org | Sources : El Colectivo (Medellín) - Rebelion
https://rebelion.org/prohicion-de-libros-en-el-pais-de-la-libertad/

De telles pratiques de la censure a été déclenchée en 1982, lorsqu'un conseil scolaire de New York a retiré es livres au motif que leurs auteurs étaient « anti-américains, antichrétiens, antisémites et tout simplement dégoûtant." À partir de ce moment, l'interdiction de livres et auteurs à travers les États-Unis, a été tel qu'en 2023, 4240 titres ont été retirés des bibliothèques scolaires, ce qui représente une augmentation de 65 % par rapport à 2022, année où ont été interdits 2571 titres. Des livres ont été interdits dans 41 États, ce qui affecte des millions d'enfants et de jeunes.

L'attaque contre les livres fait désormais partie du programme politique des groupes organisés, qui sont liés au Parti Républicain. Dans une moindre mesure, il y a de la censure au nom de la politique concernant certaines questions de genre et le sexe.

Plusieurs États, notamment le Texas, l'Oklahoma et la Floride, ont promulgué des lois restreignant officiellement les livres dans les écoles dont le contenu est considéré comme obscène ou dangereux en termes de race, de genre, de classe ou de sexe. Les livres qui traitent du racisme, de l'exclusion de la population noire, de la violence sexuelle ou qui parlent simplement de relations sexuelles, de consommation d'alcool ou d'inégalités sociales sont interdits.

Ceux qui promeuvent la censure s'organisent en groupes, en principe composés de quelques belligérants et ignorants, qui Ils pointent du doigt les livres qu'ils veulent retirer des écoles. Ces nouveaux Inquisiteurs ont développé une sorte de livre noir, dans lequel une liste de livres dont on a souligné les « passages obscènes ou offensants », qui devraient être retirées de la circulation dans les établissements d'enseignement. Quand Un parent signale un livre comme inapproprié, pornographique ou dangereux. il doit être immédiatement retiré de la bibliothèque de l'école, jusqu'à ce que le Le conseil scolaire détermine si le texte est inapproprié ou non.

Le mouvement national qui a commencé comme un groupe de Facebook en Floride s'appelle « Moms for Freedom ». Son objectif est de pour lutter « pour la survie de l'Amérique (États-Unis), unifier, éduquer et donner aux parents les moyens de défendre leurs droits parentaux à tous les niveaux des institutions d'enseignement. Et cela signifie choisir des candidats pour les représenter dans les comités Éducatif dans chaque école. Leurs intérêts sont ceux de l'extrême droite, avec leurs conceptions rétrogrades en matière sociale, culturelle et éducative, fondées sur ceux et celles qui défendent le racisme, la discrimination, l'inégalité, la violence et l'oppression sous toutes ses formes et expressions.

Les censeurs modernes, qui utilisent le technologies numériques sophistiquées, invitent les parents à créer un compte sur (anti)réseaux sociaux dans lesquels ils documentent des exemples d'endoctrinement pour faire connaître à la communauté les idées « méchantes et maléfiques » qui se retrouvent dans ces œuvres. Ils leur fournissent un modèle de lettre à envoyer à différents représentant-e-s. Cela a des effets immédiats, puisque, par exemple, dans les écoles de Floride, n'importe qui peut demander de retirer un livre et de le retirer immédiatement de l'étagère.

L'interdiction des livres est devenue une partie des manifestes électoraux des candidats au poste de gouverneur du GOP (les Républicains), et certains d'entre eux ont gagné. Ainsi, en 2020, Glenn Youngkin a été élu gouverneur de Virginie. Il a annoncé pendant la campagne électorale qu'il interdirait les cours sur le racisme dans le programme scolaire de l'État. Cet exemple a ensuite été repris par d'autres candidats, puis par des gouverneurs.

Ron DeSantis, actuel gouverneur de Floride, et qui était le candidat présidentiel du Parti républicain, est en tête dans sa campagne contre les livres et l'éducation. En mars 2022, il a promulgué les Droits parentaux dans l'éducation, mieux connue sous le nom de loi Don't Say Gay, Gay, qui interdit la distribution d'information et la discussion sur l'orientation sexuelle avant l'âge de onze ans. Lles discussions sur le racisme et l'esclavage ont été restreintes, et un poste de professeur d'histoire afro-américaine pour les enfants de moins de 18 ans est interdit. La loi stipule que les parents peuvent poursuivre les enseignants qui ne se conforment pas aux prescriptions énoncées dans la loi.

Cela génère de la peur et de l'autocensure parmi les des enseignants qui ne peuvent plus parler de pratiquement rien ou montrer des objets qui peuvent être considéré comme inapproprié. À cet égard, et dans une affaire tragi-comique, une école de Tallahasee, la capitale de l'État de Floride, a été expulsée de sa position un enseignant qui a montré des photographies du David de Michel-Ange, dans un cours d'art.

La liste des livres et auteurs interdits est et les raisons invoquées pour restreindre la lecture de certaines ou de toutes ces œuvres sont frappants par leur ridicule et leur stupidité, ce qui éclaire leurs intentions et le niveau intellectuel atteint les États-Unis, le pays de la « liberté ». Entre Les auteurs qui ont été bannis dans ce pays forment une liste qui n'a rien à envier à celle de la Sainte Inquisition. Ce sont des auteurs de la stature de William Shakespeare, Gabriel García Márquez, Mark Twain, Gustave Flaubert, John Milton, Aldous Huxley, Fiodor Dostoïevski qui sont visés. La plupart des auteurs interdits viennent des États-Unis. Parmi les cas les plus tristement célèbres, il y a celui de Toni Morrison, une femme et une femme noire qui a remporté le prix Nobel de littérature en 1992.

Le niveau des censeurs se mesure aux raisons invoquées pour interdire des livres, comme le montrent quelques exemples : Le Petit Chaperon Rouge parce qu'elle a du vin dans le panier qu'elle porte pour Mamie ; Les Aventures de Tom Sawyer de Mark Twain, parce qu'il est moralement discutable ; "Trop de sexe" est invoqué pour interdire Roméo et Juliette de Shakespeare ; Blue Eyes, écrit par Toni Morrison, a été censuré parce qu'il était considéré comme sexuellement explicite et parce qu'il parle d'abus sexuels sur des enfants... En revanche, Mein Kampf d'Adolf Hitler n'a jamais été retiré de la circulation, ni interdit dans les écoles.

L'interdiction des livres visent particulièrement les livres qui parlent de la pauvreté, de la différence de classe, du racisme et regardent l'histoire et la société des États-Unis avec des perspectives critiques. Dans la logique des censeurs, ni le capitalisme, ni le marché libre, ni les diverses formes d'oppression qui existent aux États-Unis et que ce pays impose au reste du monde ne peuvent être remis en question. La plupart des parents d'élèves sont convaincus, sur la base de leurs croyances conservatrices et de leurs préjugés idéologiques et culturels, que des points de vue alternatifs ne peuvent être offerts aux élèves qui remettent en question la façon dont l'Amérique fonctionne et les informent sur cette autre histoire du « pays de la liberté », c'est-à-dire celle de l'oppression, de l'injustice et de l'inégalité.

Publié en version imprimée dans El Colectivo (Medellín), avril 2024

Rebelión a publié cet article avec l'autorisation de l'auteur sous une licence Creative Commons, dans le respect de sa liberté de le publier dans d'autres sources.

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Génocide à Gaza : Biden prêt à sanctionner la Cour pénale internationale pour protéger Netanyahou

Le secrétaire d'Etat américain Anthony Blinken veut un accord bipartisan avec les Républicains pour prendre des sanctions contre la Cour pénale internationale, après que le (…)

Le secrétaire d'Etat américain Anthony Blinken veut un accord bipartisan avec les Républicains pour prendre des sanctions contre la Cour pénale internationale, après que le procureur ait requis des mandats contre Benjamin Netanyahou et son ministre de la Défense.

22 mai 2024 | tiré de Révolution permanente

Ce lundi, le procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), M. Khan a demandé plusieurs mandats d'arrêt contre le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et son ministre de la défense, Yoav Gallant, ainsi que contre des membres du bureau politique du Hamas. Si cette demande doit encore être examinée par les juges de la CPI, le président américain n'a pas tardé à réagir. Le jour même de l'annonce, Joe Bidena condamné en conférence de presse la décision du procureur de poursuivre des responsables israéliens : « Permettez-moi d'être clair : nous rejetons la demande de la Cour pénale internationale de délivrer des mandats d'arrêt contre des dirigeants israéliens. Contrairement aux allégations de la Cour internationale de justice à l'encontre d'Israël, ce qui se passe n'est pas un génocide. Nous rejetons ces allégations ».

Ce mardi, c'était au tour du secrétaire d'Etat Anthony Blinken de menacer la CPI d'éventuelles sanctions de l'Etat américain. L'administration de Joe Biden va ainsi travailler avec le Congrès américain pour sanctionner la Cour pénale internationale pour être intervenu dans les affaires des États-Unis. Si la nature des sanctions n'a pas encore été annoncée, elles pourraient être similaires à celles imposées par l'administration Trump à Fatou Bensouda, alors procureur en chef de la CPI, et à Phakiso Mochochoko, chef de juridiction de la Cour, pour leur enquête sur les crimes de guerre présumés des États-Unis en Afghanistan : un gel de leurs avoirs et une interdiction de déplacement aux États-Unis.

Des mesures qui vont nécessiter une étroite collaboration entre l'administration démocrate et les Républicains, majoritaires au Congrès, comme l'a assumé Anthony Blinken dans des propos rapportés par le Financial Times : « Nous voulons travailler avec vous sur une base bipartisane pour trouver une réponse appropriée ». Une nouvelle démonstration de l'unité de l'establishment étatsunien derrière la politique du gouvernement israélien, le soutien inconditionnel à l'Etat d'Israël étant un axiome commun aux Républicains comme aux Démocrates, et de la continuité de la politique étrangère de Trump et de Biden.

Pourtant, les attaques contre la Cour pénale internationale pourraient aiguiser encore davantage les contradictions qui fissurent le camp démocrate, déjà affecté par la mobilisation étudiante contre les massacres à Gaza et la complicité de Genocide Joe. Sous la pression du mouvement propalestinien, la position de l'aile gauche du parti démocrate a grandement évolué ces derniers mois. Si les démocrates ne parviennent pas à instrumentaliser les mobilisations, l'aile gauche tente de se distinguer pour capitaliser sur le mouvement : Bernie Sanders a ainsi annoncé « soutenir la CPI et ses actions ».

Si l'administration étatsunienne tente toujours de pousser le gouvernement israélien à abandonner son projet d'invasion à Rafah, la décision de la Cour décrédibilise la diplomatie étatsunienne qui espérait pouvoir convaincre Netanyahou de renoncer à prendre Rafah en contrepartie de la fin de l'enquête de la CPI. Si le gouvernement étatsunien joue de la menace pour empêcher la suite de la procédure, l'émission de mandats d'arrêt à l'encontre des gouvernants israéliens affaiblirait encore davantage Joe Biden, déjà dans une situation particulièrement délicate.

Pour autant, ces mandats d'arrêt ne forceraient pas le gouvernement étatsunien à arrêter Benjamin Netanyahou ou Yoav Gallant, les Etats-Unis n'étant pas signataires des statuts de Rome. Même dans l'hypothèse où la CPI parviendrait à ne pas céder à la pression, il est très improbable que les mandats soient exécutés. La CPI dépend en effet de la bonne volonté des Etats membres pour arrêter les personnes ciblées par un mandat, puisqu'elle ne dispose d'aucune force indépendante. La CPI ne peut pas non plus juger les accusés par coutumace, c'est-à-dire en leur absence, et il y a donc fort à parier que les dirigeants israéliens ne répondront jamais aux accusations qui les visent devant la CPI. Si la position de la CPI est pour le moment la plus « dure » exprimée à l'encontre du gouvernement israélien, elle ne devrait pas avoir d'impact sur la situation à Gaza et la politique menée par Benjamin Netanyahou.

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Israël armé par les Etats-Unis : comment et avec quelle ampleur Biden contourne les procédures établies ?

Les Etats-Unis sont depuis longtemps le plus grand fournisseur d'armes d'Israël. Au cours des quatre dernières années, les Etats-Unis ont fourni à Israël 69% de ses (…)

Les Etats-Unis sont depuis longtemps le plus grand fournisseur d'armes d'Israël. Au cours des quatre dernières années, les Etats-Unis ont fourni à Israël 69% de ses importations d'armes : des F-35 aux munitions chimiques (phosphore blanc), en passant par les obus de chars et les bombes de précision. Malgré cela, l'administration Biden prétend ne pas savoir comment ces armes sont utilisées, même lorsqu'elles mutilent et tuent des citoyens américains [référence à la frappe ayant causé la mort de sept employés de World Central Kitchen, le 1er avril].

Tiré d'À l'encontre.

Depuis le début de la dernière guerre contre Gaza, des fonctionnaires du ministère de la Défense et de la CIA se trouvent en Israël pour aider les Israéliens dans les domaines du renseignement, de la logistique, du ciblage et de l'évaluation des dommages causés par les bombes. Pourtant, l'administration Biden affirme n'avoir aucune preuve tangible que les armes qu'elle a transférées à Israël ont été utilisées pour massacrer des civils, torturer des détenus ou restreindre l'acheminement de l'aide humanitaire aux civils palestiniens affamés, déshydratés et malades.

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Sous la pression de Bernie Sanders [sénateur indépendant du Vermont], Chris Van Hollen [sénateur démocrate du Maryland], Jeff Merkley [sénateur démocrate de l'Oregon]et d'autres démocrates du Congrès, le président a publié en février le mémorandum de sécurité nationale 20 (NSM-20, ou « mémorandum de sécurité nationale sur les garanties et la responsabilité concernant les articles de défense et les services de défense transférés »). Ce dernier demande au département d'Etat d'« obtenir certaines assurances écrites crédibles et fiables de la part des gouvernements étrangers recevant des équipements de défense [américains] et, le cas échéant, des services de défense » qu'ils respecteront le droit américain et le droit international. La NSM-20 exige également que les départements d'Etat et de la Défense fassent rapport au Congrès dans les 90 jours sur la mesure dans laquelle ces partenaires respectent leurs assurances. Il souligne « l'évaluation de tout rapport ou allégation crédible selon lequel des équipements de défense et, le cas échéant, des services de défense, ont été utilisés d'une manière non conforme au droit international, y compris le droit international humanitaire ». Le rapport NSM-20 demandait également à l'administration Biden d'évaluer si Israël avait pleinement coopéré avec les efforts internationaux et soutenus par le gouvernement des Etats-Unis pour fournir une assistance humanitaire dans la zone de conflit. Le délai de 90 jours a été dépassé de deux jours [le 17 mai], ce qui a probablement repoussé la publication du rapport à la fin de l'après-midi d'un vendredi, moment traditionnellement creux pour les nouvelles que l'on voudrait enterrer.

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Depuis le 7 octobre, l'administration Biden a approuvé plus de 100 transferts d'armes à Israël dans le cadre des ventes de matériel militaire à l'étranger. Deux de ces transferts ont fait l'objet d'une autorisation d'urgence afin de contourner l'examen du Congrès. La vague de transferts d'armes vers Israël a commencé au début du mois d'octobre et la quantité de matériel expédié était telle que le Pentagone a eu du mal à trouver suffisamment d'avions-cargos pour les acheminer. Alors que le Pentagone fournit régulièrement des informations détaillées sur les armes envoyées en Ukraine, il n'a publié que deux mises à jour sur le type et la quantité d'armes envoyées en Israël. Mais ces deux rapports, publiés en décembre 2023, suggèrent que les armes comprenaient des obus d'artillerie, des obus de chars, des systèmes de défense aérienne, des munitions guidées de précision, des armes légères, des missiles Hellfire utilisés par des drones, des obus de canon de 30 mm, des dispositifs de vision nocturne PVS-14 et des roquettes à épaulement jetables (mais probablement pas biodégradables). Fin octobre, une vente à Israël comprenait des kits JDAM (Joint Direct Attack Munition) d'une valeur de 320 millions de dollars, destinés à convertir des bombes « muettes » non guidées en munitions guidées par GPS. Cette vente s'ajoutait à une autre, d'une valeur de 403 millions de dollars, portant sur les mêmes systèmes de guidage. Entre le 7 octobre et le 29 décembre, les livraisons d'armes américaines à Israël comprenaient 52 229 obus d'artillerie M795 de 155 millimètres, 30 000 charges propulsives M4 pour obusiers, 4792 obus d'artillerie M107 de 155 millimètres et 13 981 obus de chars M830A1 de 120 millimètres.

Depuis des années, les Etats-Unis conservent en Israël un stock d'armes secrètes destinées à être utilisées dans le cadre d'opérations américaines au Moyen-Orient. Dans un geste extraordinaire, l'administration Biden a donné aux FDI (Forces de défense israéliennes) l'accès à ces munitions, y compris les bombes de 2000 livres qui ont été utilisées pour détruire les villes de Gaza. Les Etats-Unis auraient transféré au moins 5000 « bombes muettes » de 2000 livres à Israël depuis le 7 octobre.

Ces transferts et ventes d'armes s'inscrivent en grande partie dans le cadre d'un accord conclu en 2016 par l'administration Obama, qui engageait les Etats-Unis à fournir à Israël au moins 38 milliards de dollars d'armes sur dix ans. En mars, alors que le nombre officiel de morts à Gaza avait déjà dépassé les 30 000, le département d'Etat a autorisé le transfert de 25 avions de combat F-35A et de leurs moteurs, d'une valeur d'environ 2,5 milliards de dollars. Cet accord a été rapidement suivi, en avril, par l'approbation par Biden de la vente de 50 chasseurs F-15 à Israël, pour un prix de vente total de 18 milliards de dollars. Plus tard, en avril, Biden a signé un programme d'aide qui permettra à Israël de bénéficier d'une aide militaire supplémentaire de 15 milliards de dollars.

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Aucun de ces transferts n'a été assorti de conditions quant à l'utilisation des armes. En effet, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de Joe Biden, John Kirby, a déclaré à plusieurs reprises que la Maison-Blanche n'avait imposé « aucune ligne rouge » pour les offensives d'Israël à Gaza et au Sud-Liban. Selon une analyse du Washington Post, les FDI ont largué plus de 22 000 munitions sur Gaza au cours des 45 premiers jours de la guerre, munitions qui ont été fabriquées aux Etats-Unis.

L'administration Biden s'était enfermée dans un carcan, car les « lignes rouges » étaient déjà fixées. Et ce n'est pas seulement le droit international, pour lequel l'administration Biden fait régulièrement preuve de mépris lorsqu'il s'applique aux Etats-Unis et à leurs alliés, qui interdit les ventes d'armes aux pays qui violent le droit humanitaire, mais aussi plusieurs lois américaines, ainsi que les procédures internes de l'exécutif de Biden.

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La loi, les règlements et la politique de transfert d'armes conventionnelles des Etats-Unis exigent la suspension de l'assistance militaire lorsque nos transferts d'armes sont utilisés en violation du droit humanitaire international :

La « loi Leahy » (22 U.S. Code § 2378d) exige l'interruption automatique de l'aide américaine à la sécurité des unités militaires étrangères impliquées de manière crédible dans des violations flagrantes des droits de l'homme.

La section 502B de la loi sur l'assistance aux pays étrangers interdit aux Etats-Unis de fournir une assistance en matière de sécurité à tout gouvernement qui se livre à des violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme [ce que tendent à confirmer les dernières conclusions de la CIJ et de la CPI].

La section 620I de la loi sur l'aide à l'étranger « …interdit aux Etats-Unis de fournir une assistance en matière de sécurité ou de vendre des armes à tout pays lorsque le président est informé que le gouvernement interdit ou restreint, directement ou indirectement, le transport ou l'acheminement de l'aide humanitaire des États-Unis ».

La politique de transfert d'armes conventionnelles de l'administration Biden, publiée en 2023, stipule que les Etats-Unis ne transféreront pas d'armes lorsqu'il est « plus probable qu'improbable » que ces armes seront utilisées pour commettre, faciliter la réalisation ou aggraver le risque de violations graves des droits de l'homme ou du droit humanitaire international, parmi d'autres violations spécifiées.

En 2022, l'administration Biden a signé, avec plus de 80 autres pays, une déclaration commune sur les armes explosives dans les zones peuplées (EWIPA-Explosive Weapons in Populated Areas), dans laquelle les signataires « condamnent fermement toute attaque dirigée contre des civils, d'autres personnes protégées et des biens civils, y compris les convois d'évacuation de civils, ainsi que les bombardements aveugles et l'utilisation aveugle d'armes explosives », qui sont incompatibles avec le droit humanitaire international.
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Comment Biden pourrait-il se sortir de ce dilemme ?

Bien que le département d'Etat américain ait prudemment admis qu'il était « raisonnable d'estimer » qu'Israël utilisait des armes fournies par les Etats-Unis dans des cas qui, selon lui, pourraient être « incompatibles » avec les obligations du droit humanitaire international et avec le mémorandum américain sur la sécurité nationale de février 2024 qui exige des gouvernements étrangers qu'ils garantissent qu'ils ne violeront pas les droits de l'homme avec des armes achetées aux Etats-Unis, il a conclu qu'il ne disposait d'aucune preuve tangible que c'était le cas. Plus risible encore, le rapport du département d'Etat a déclaré qu'il acceptait comme « crédibles et fiables » les assurances d'Israël selon lesquelles il utiliserait les armes américaines conformément à la loi, étant donné l'absence d'informations complètes permettant de vérifier que les armes américaines ont bien été utilisées dans des cas spécifiques. L'administration n'a pas non plus constaté qu'Israël avait intentionnellement entravé l'aide humanitaire à Gaza, du moins pas pendant la semaine où le rapport a été publié, ce qui semble être à peu près tout ce qu'elle a pris en compte.

Alors que le NSM-20 demandait au département d'Etat d'enquêter sur « tout rapport ou allégation crédible » concernant une éventuelle utilisation abusive d'armes américaines par le gouvernement israélien, l'équipe d'Antony Blinken n'a examiné que dix incidents, et encore, de manière superficielle. Lorsqu'il s'est agi de déterminer si Israël avait mis en œuvre les « meilleures pratiques » pour limiter les dommages causés aux civils lors de ses opérations militaires dans des zones urbaines densément peuplées, le rapport de Blinken n'a pas identifié ni examiné de cas spécifiques, se contentant de citer la conclusion anodine de la Communauté du renseignement des Etats-Unis selon laquelle Israël « pourrait faire plus » pour éviter les pertes civiles.

Selon Akbar Shahid Ahmed, du Huffington Post (le 9 mai), deux des principaux collaborateurs de Joe Biden, Jack Loew (ambassadeur en Israël) et David Satterfield (envoyé humanitaire à Gaza), ont joué un rôle décisif dans l'édulcoration des critiques formulées par le rapport conter Israël, en particulier en ce qui concerne la restriction des flux d'aide à Gaza. Un fonctionnaire du département d'Etat a déclaré à Amar : « C'était la tâche de Satterfield de défendre Israël. »

Les preuves du massacre massif de civils par Israël, du bombardement de cibles non militaires et d'infrastructures civiles, de l'assassinat de travailleurs humanitaires et de personnel médical, ainsi que du retard, de l'obstruction et de la restriction de l'aide humanitaire sont accablantes et ont été méticuleusement documentées depuis octobre par l'ONU, ainsi que par des organisations humanitaires et de défense des droits de l'homme, dont Amnesty International, Oxfam et Human Rights Watch. Si le département d'Etat ne pouvait pas obtenir les évaluations de la CIA et du Pentagone, il aurait pu consulter et évaluer les rapports préparés par ces organisations. Mais, comme l'a noté Chris Van Hollen, « ces rapports indépendants soulignent une tendance inquiétante : l'administration cite l'important travail de ces organisations lorsque cela lui convient, mais l'ignore lorsque cela ne lui convient pas ».

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Pour mémoire, examinons le dossier depuis le 7 octobre en suivant simplement le cheminement des missiles.

Le 7 octobre, jour des attaques du Hamas, Israël a coupé l'électricité qu'il fournit à Gaza, la principale source d'énergie de la bande. L'électricité est restée coupée au moins jusqu'au mois de mars.

Le 7 octobre 2023, Nidal al-Waheidi et Haitham Abdelwahed, journalistes palestiniens de Gaza, ont été arrêtés par les FDI alors qu'ils couvraient l'attaque menée par le Hamas dans le sud d'Israël. Plus de sept mois plus tard, les autorités israéliennes refusent toujours de révéler le lieu où ils se trouvent, ainsi que les motifs légaux et les raisons de leur arrestation.

En octobre, Israël a utilisé des munitions d'attaque directe conjointes (JDAM-Joint Direct Attack Munitions) fabriquées aux Etats-Unis lors de deux frappes meurtrières sur des maisons palestiniennes dans la bande de Gaza occupée, tuant 43 civils – 19 enfants, 14 femmes et 10 hommes.

Le 9 octobre, une frappe aérienne des Forces de défense israéliennes sur le camp de réfugiés de Jabalia a détruit plusieurs bâtiments à plusieurs étages, tuant au moins 39 personnes. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH) a constaté qu'il n'y avait pas d'objectif militaire spécifique et qu'aucun avertissement n'avait été donné avant l'attaque.

Le 9 octobre 2023, le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a annoncé un « siège complet » de Gaza : « Nous imposons un siège complet à [Gaza]. Pas d'électricité, pas de nourriture, pas d'eau, pas de carburant – tout est fermé. Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence. » La politique de blocus a été réaffirmée le 18 octobre 2023 par le Premier ministre Benyamin Netanyahou, qui a déclaré que « nous n'autoriserons pas l'aide humanitaire sous forme de nourriture et de médicaments à partir de notre territoire vers la bande de Gaza ». Pendant les douze jours qui ont suivi, Israël a fermé tous les points d'accès à Gaza et a bombardé à plusieurs reprises le poste-frontière de Rafah avec l'Egypte. Le blocus complet impose une punition collective à tous les habitants de Gaza et viole la section 620I du Foreign Assistance Act.

Le 10 octobre, une frappe aérienne des FDI a démoli un bâtiment dans le quartier Sheikh Radwan de la ville de Gaza, tuant au moins 40 civils. Selon Amnesty International, un membre du Hamas vivait à l'un des étages de l'immeuble, mais il n'était pas présent au moment du bombardement. Le même jour, une frappe aérienne des FDI sur une maison à Deir al Balah a tué 21 membres de la famille al Najjar ainsi que trois voisins. L'enquête d'Amnesty International a permis d'établir qu'une bombe de 2000 livres équipée d'une munition d'attaque directe conjointe (JDAM) et d'un kit de guidage avait été utilisée lors de cette frappe meurtrière. Rien n'indique qu'il y ait eu des cibles militaires légitimes dans la zone.

Le 11 octobre, la seule centrale électrique de Gaza s'est retrouvée à court de réserves de carburant, après qu'Israël a bloqué l'entrée du carburant dans la bande.

Le 13 octobre, une attaque de chars israéliens dans le sud du Liban a tué le journaliste de Reuters Issam Abdallah, grièvement blessé la photographe de l'AFP Christina Assi, et blessé cinq autres reporters, dont un citoyen américain. Selon une enquête de Human Rights Watch, les tirs des Israéliens étaient « apparemment une attaque délibérée contre des civils, ce qui constitue un crime de guerre ».

Le 16 octobre, les forces israéliennes ont utilisé du phosphore blanc de fabrication américaine lors d'une attaque à Dhayra, dans le sud du Liban, d'une manière incompatible avec le droit humanitaire international, qui a blessé au moins neuf civils et endommagé des bâtiments civils. Le ministère libanais de l'Environnement a déclaré qu'au moins 6,82 kilomètres carrés de terres ont été brûlés lors des attaques des forces israéliennes, en grande partie à cause du phosphore blanc. Une enquête menée par le Washington Post a révélé que l'armée israélienne avait utilisé des munitions au phosphore blanc fournies par les Etats-Unis lors de ces attaques.

Le 19 octobre, une frappe aérienne israélienne a détruit un bâtiment dans l'enceinte de l'église orthodoxe grecque Saint Porphyre, au cœur de la vieille ville de Gaza, où s'abritaient environ 450 personnes déplacées de la petite communauté chrétienne de Gaza. La frappe a tué 18 civils et en a blessé au moins 12 autres.

Le 19 octobre, les FDI ont mené deux frappes aériennes sur la maison de la famille Saqallah à Sheikh Ajleen près de Tal-Hawa, à l'ouest de la bande de Gaza, où la famille élargie s'était réunie pour s'abriter de l'attaque. Tous les occupants de la maison ont été tués, dont 4 enfants et 4 médecins.

Le 20 octobre, 28 civils, dont 12 enfants, ont été tués par une frappe israélienne qui a détruit la maison de la famille al-Aydi et gravement endommagé deux maisons voisines dans le camp de réfugiés d'al-Nuseirat. Les maisons se trouvaient dans une zone du centre de la bande de Gaza où l'armée israélienne avait ordonné aux habitants du nord de la bande de Gaza de se déplacer.

Le 21 octobre, Israël n'a autorisé que 20 camions d'aide humanitaire, contenant des denrées alimentaires, de l'eau, du fourrage pour les animaux, des fournitures médicales et du carburant, à passer par le point de passage de Rafah pour entrer dans la bande de Gaza. En revanche, avant le 7 octobre, la population de Gaza dépendait en moyenne de 500 camions chargés de nourriture, d'eau, de médicaments et d'autres produits essentiels chaque jour. Des mois plus tard, lorsqu'Israël a finalement ouvert les points de passage de Rafah et de Kerem Shalom, les FDI ont imposé un système d'inspection arbitraire et restrictif qui a entraîné des embouteillages massifs et de longues files d'attente pouvant aller jusqu'à 2000 camions. Aujourd'hui encore, il faut en moyenne 20 jours aux camions humanitaires pour se rendre du point d'inspection israélien d'Al Arish à Gaza.

Le 22 octobre 2023, une frappe aérienne des FDI sur une maison à Deir al-Balah a tué 18 membres de la famille Mu'ei-leq – 12 enfants et 6 femmes – ainsi qu'un voisin. Amnesty International a établi que la maison avait été touchée par une bombe de 1000 livres équipée d'une munition d'attaque directe conjointe (JDAM) dotée d'un système de guidage.

Entre le 7 octobre et le 7 novembre, les forces israéliennes ont bombardé plusieurs hôpitaux et cliniques, notamment l'hôpital de l'amitié turco-palestinienne, l'hôpital indonésien et le centre international de soins ophtalmologiques. Les hôpitaux bénéficient d'un statut protégé en vertu du droit humanitaire international et ne perdent leur protection contre les attaques que s'ils sont utilisés pour commettre des « actes préjudiciables à l'ennemi », bien que les avertissements, la proportionnalité et la distinction soient toujours requis.

Le 25 octobre, des frappes aériennes israéliennes ont décimé le quartier d'Al Yarmouk, détruisant sept tours résidentielles. Dans la seule tour résidentielle Al Taj, le bombardement a tué 91 Palestiniens, dont 28 femmes et 39 enfants.

Le 31 octobre, une frappe aérienne des FDI a visé un immeuble d'habitation de six étages près du camp de réfugiés de Nuseirat, dans le centre de Gaza. Au moins 106 civils, dont 54 enfants, ont été tués dans ce bombardement. Les autorités israéliennes n'ont fourni aucune justification pour cette attaque. Human Rights Watch n'a trouvé aucune preuve de l'existence d'une cible militaire à proximité de l'immeuble au moment de l'attaque.

Le 5 novembre, les forces israéliennes ont frappé une famille dans une voiture dans le sud du Liban, tuant trois filles âgées de 10, 12 et 14 ans et leur grand-mère. Human Rights Watch n'a trouvé aucune preuve de l'existence d'une cible militaire à proximité de la voiture qui a été frappée et qui ne contenait que des civils en fuite. Selon Human Rights Watch, l'attaque de la voiture montre « un mépris inconsidéré de l'armée israélienne pour son obligation de faire la distinction entre les objets civils et militaires et un manquement significatif à l'obligation de prendre des mesures de protection adéquates pour éviter la mort de civils ».

Le 3 novembre, une frappe aérienne israélienne sur une ambulance balisée à l'extérieur de l'hôpital al-Shifa a tué 21 personnes, dont 5 enfants, et en a blessé 60. Les ambulances sont des biens civils protégés en vertu du droit international humanitaire et ne peuvent être prises pour cible lorsqu'elles sont utilisées pour soigner des blessés et des malades, qu'il s'agisse de civils ou de combattants. Un porte-parole des FDI a justifié l'attaque lors d'une interview télévisée en déclarant : « Nos forces ont vu des terroristes utiliser des ambulances pour se déplacer. Elles ont perçu une menace et, en conséquence, nous avons frappé cette ambulance. » Human Rights Watch n'a trouvé aucune preuve que l'ambulance attaquée était utilisée à des fins militaires, mais a au contraire vérifié une vidéo montrant une femme sur un brancard dans l'ambulance.

En décembre 2023, des frappes aériennes des FDI ont détruit plusieurs bâtiments dans le camp de réfugiés d'Al Maghazi, tuant au moins 68 personnes. Un responsable militaire israélien a admis à la chaîne publique israélienne Kanque « [l]e type de munition ne correspondait pas à la nature d'un tel objectif, causant d'importants dommages collatéraux qui auraient pu être évités ».

Du 1er janvier au 12 février, plus de la moitié des missions d'aide humanitaire prévues dans le nord de Gaza ont été entravées par les autorités israéliennes. Les restrictions comprenaient : l'absence de garantie d'un passage sûr ; l'absence d'ouverture de routes supplémentaires vers le nord de Gaza ; des retards excessifs ; et le refus pur et simple de l'accès par l'armée israélienne.

Le 9 janvier 2024, une frappe aérienne israélienne a touché un immeuble d'habitation de cinq étages appartenant à la famille Nofal dans le quartier de Tal Al-Sultan à Rafah. L'attaque a tué 18 civils, dont 10 enfants, quatre hommes et quatre femmes. Au moins huit autres personnes ont été blessées. Une analyse des fragments de la bombe effectuée par Amnesty International a permis de déterminer qu'il s'agissait d'une bombe de petit diamètre GBU-39 à guidage de précision, fabriquée aux Etats-Unis par Boeing.

Le 29 janvier 2024, les FDI ont attaqué une voiture transportant la famille de Hind Rajab, une fillette palestinienne de 6 ans, dans la zone identifiée plus tard comme Tel Al-Hawa, dans la ville de Gaza. La plupart des membres de sa famille ont été tués lors de l'attaque initiale, laissant Hind en vie parmi les corps de ses six parents. Deux médecins du Croissant-Rouge palestinien ont été dépêchés pour secourir Hind, qui a peut-être été tuée par les tirs israéliens avant leur arrivée. Ils ont également été attaqués et tués. Leur ambulance a été écrasée par des chars israéliens. Le Washington Post a identifié sur les lieux un fragment d'obus de 120 mm de fabrication américaine.

Le 2 février, un navire israélien a tiré sur un convoi de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) qui attendait d'entrer dans le nord de Gaza par la route Al Rashid.

Le 13 février, il a été révélé que le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, bloquait la livraison d'une cargaison de farine financée par les Etats-Unis au port d'Ashdod depuis au moins le 19 janvier 2024, alors que Netanyahou avait assuré à Biden que la cargaison serait autorisée à entrer à Gaza.

Le 16 février, la production d'eau à Gaza n'était plus que de 5,7% de ce qu'elle était avant le début de la guerre, ce qui a entraîné des cas de déshydratation grave, ainsi que l'apparition de maladies, notamment l'hépatite A et la diarrhée. Depuis novembre, les habitants du nord de Gaza n'ont pas accès à l'eau potable, tandis que depuis mars, les habitants du sud de Gaza ne disposent en moyenne que de deux litres d'eau par jour.

Le 24 mars 2024, alors que le nord de Gaza est au bord de la famine, les autorités israéliennes déclarent aux Nations unies qu'elles n'autoriseront plus le passage de convois alimentaires de l'UNRWA dans le nord de Gaza. Le même jour, les forces israéliennes ont tiré sur des personnes qui attendaient la distribution de nourriture sur un site situé au rond-point de Koweït.

Le 1er avril, une frappe aérienne israélienne a tué sept travailleurs humanitaires de la World Central Kitchen suite à trois frappes distinctes sur des véhicules portant le logo de la WCK dans une rue « désignée pour le passage de l'aide humanitaire ». Les trois voitures ont été frappées l'une après l'autre et ont été retrouvées détruites à près d'un kilomètre et demi de distance. Les frappes ont été autorisées par un colonel et supervisées par un major.

***

Voici un extrait du rapport (publié le 18 avril) de l'Independent Task Force on NSM-20, rédigé par Noura Erakat et Josh Paul, ancien fonctionnaire du département d'Etat : « Bien qu'Israël ait attribué les 34 000 victimes palestiniennes, dont 70% sont des femmes et des enfants, à la prétendue utilisation de civils comme boucliers humains par le Hamas, nous avons constaté que dans 11 des 16 incidents que nous avons analysés, Israël n'a même pas défini publiquement une cible militaire ou tenté de justifier l'attaque. Sur les cinq incidents restants, Israël a publiquement désigné des cibles, avec vérification dans deux cas, mais aucun avertissement de précaution n'a été donné et nous estimons que les dommages civils anticipés étaient connus et excessifs. »

Depuis qu'Antony Blinken a publié son rapport réaffirmant sa confiance en Israël pour utiliser son arsenal américain de manière responsable, Israël a fermé le point de passage de Rafah, forcé plus de 500 000 personnes à quitter la ville [1], recommencé à bombarder le camp de réfugiés de Jabalia déjà dévasté, frappé un camion d'aide de l'ONU par un drone, laissé 20 médecins américains bloqués à l'hôpital sans eau. Et les forces de sécurité israéliennes se sont retirées alors que des centaines de colons et de paramilitaires israéliens détruisaient les fournitures d'un convoi humanitaire et incendiaient deux des camions.

En réponse à ces nouvelles atrocités, Joe Biden a approuvé un nouveau transfert de 1,2 milliard de dollars d'armes (700 millions de dollars de munitions pour chars, 500 millions de dollars de véhicules tactiques et 60 millions de dollars d'obus de mortier) vers Israël, ce qui constituera certainement une récompense bienvenue lorsque les FDI franchiront une nouvelle ligne rouge de facto fictive dans leur assaut terrestre sur Rafah.

*

Article publié dans Counterpunch le 17 mai 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre.

Jeffrey St. Clair est rédacteur en chef de CounterPunch. Son livre le plus récent est An Orgy of Thieves : Neoliberalism and Its Discontents (Counterpunch, novembre 2022, avec Alexander Cockburn).

Notes

[1] Déclaration de Martin Griffiths, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordinateur des secours d'urgence, sur Rafah, le 24 mai

« La souffrance et la misère que l'opération militaire israélienne à Rafah a infligées à la population de Gaza n'ont rien de limité.

Comme on le craignait, il s'agit d'une tragédie sans nom.

L'incursion terrestre à Rafah a déplacé plus de 800 000 personnes, qui ont fui une fois de plus en craignant pour leur vie et sont arrivées dans des zones dépourvues d'abris adéquats, de latrines et d'eau potable.

Elle a interrompu l'acheminement de l'aide dans le sud de la bande de Gaza et paralysé une opération humanitaire déjà à bout de souffle.

Elle a interrompu les distributions de nourriture dans le sud et ralenti l'approvisionnement en carburant des éléments vitaux de Gaza – boulangeries, hôpitaux et puits d'eau – jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un mince filet d'eau.

Bien qu'Israël ait rejeté les appels de la communauté internationale à épargner Rafah, la clameur mondiale en faveur d'un arrêt immédiat de cette offensive est devenue trop forte pour être ignorée.

Avec l'adoption aujourd'hui de la résolution 2730 du Conseil de sécurité appelant à la protection des travailleurs humanitaires et l'ordre de la Cour internationale de justice d'ouvrir le point de passage de Rafah pour fournir une aide à grande échelle et mettre fin à l'offensive militaire, nous vivons un moment de clarification.

C'est le moment d'exiger le respect des règles de la guerre auxquelles tous sont tenus. Les civils doivent pouvoir se mettre à l'abri. L'aide humanitaire doit être acheminée sans obstruction. Les travailleurs humanitaires et le personnel des Nations unies doivent pouvoir accomplir leur travail en toute sécurité.

Alors que la population de Gaza est confrontée à la famine, que les hôpitaux sont attaqués et envahis, que les organisations humanitaires sont empêchées d'atteindre les personnes dans le besoin, que les civils sont bombardés du nord au sud, il est plus important que jamais de tenir compte des appels lancés au cours des sept derniers mois :

Libérer les otages. Accepter un cessez-le-feu. Mettez fin à ce cauchemar. » (Traduction rédaction A l'Encontre)

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États-Unis : À la Cour suprême, réaction et corruption

28 mai 2024, par Dan La Botz — , ,
La Cour suprême des États-Unis (SCOTUS), la plus conservatrice depuis 80 ans, s'est totalement discréditée aux yeux de beaucoup d'AméricainEs par ses décisions (…)

La Cour suprême des États-Unis (SCOTUS), la plus conservatrice depuis 80 ans, s'est totalement discréditée aux yeux de beaucoup d'AméricainEs par ses décisions antidémocratiques. Mais aussi la corruption de certains juges et l'identification de certains d'entre eux avec l'insurrection d'extrême droite et la tentative de coup d'État du 6 janvier 2021.

27 mai 2024 | Hebdo L'Anticapitaliste - 710
https://lanticapitaliste.org/actualite/international/etats-unis-la-cour-supreme-reaction-et-corruption

La Cour suprême a toujours été composée en majeure partie de personnes issues de la classe dirigeante ou de son élite politique, mais cela faisait des décennies qu'elle n'était pas apparue aussi clairement partiale. Aujourd'hui, 60 % des AméricainEs disent désapprouver la Cour et beaucoup la méprisent totalement.

Les juges de la SCOTUS, qui siègent à vie, sont nommés par le président avec l'approbation du Sénat, une institution très peu démocratique qui tend à refléter d'abord les intérêts de la classe dirigeante. De la fin des années 1930 aux années 1960, des présidents démocrates – Franklin D. Roosevelt, Harry Truman, John F. Kennedy et Lyndon B. Johnson – ont pu nommer la plupart des juges, conférant à la Cour un caractère libéral. Au cours de ces années, certains droits des travailleurEs, des NoirEs et des femmes ont été renforcés et étendus. Avec la fin de l'expansion économique de l'après-guerre, la Cour est devenue plus conservatrice à partir des années 1980 et une cour de droite dans les années 2000.

L'orientation de la Cour suprême de plus en plus à droite

Les neuf juges de la SCOTUS reflètent le pays en termes de race, de religion et de sexe : six sont blancs, deux sont noirs, une est latina et deux sont juifs, ce qui en fait peut-être la cour la plus diversifiée de l'histoire des États-Unis. Mais c'est aujourd'hui la cour la plus conservatrice depuis quatre décennies, dominée par des membres nommés par les Républicains et qui ont adopté des décisions de plus en plus réactionnaires. Le président républicain George H. W. Bush a nommé le juge Clarence Thomas et George W. Bush a choisi le juge en chef John Roberts ainsi que Samuel A. Alito, tandis que Donald Trump en a nommé trois, Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett. La droite dispose désormais d'une majorité de six contre trois, ce qui a complètement modifié l'orientation de la Cour.

La décision la plus importante de la Cour a été l'affaire Dobbs vs. Jackson Women's Health Organization of 2022, qui a renversé Roe vs. Wade, l'arrêt de 1973 de la SCOTUS qui avait établi le droit constitutionnel des femmes à l'avortement. Mais dans d'autres décisions, la Cour a également défait des lois sur la discrimination raciale, sapé la protection du droit de vote, compromis la séparation de l'Église et de l'État, affaibli des agences fédérales de régulation et miné des lois sur le contrôle des armes à feu.

Corruption

Dans le même temps, a été révélée une grave corruption au sein de la Cour. Le juge Clarence Thomas a accepté des cadeaux financiers du milliardaire et donateur républicain Harlan Crow. Celui-ci a payé l'éducation en école privée du petit-neveu et du fils adoptif de Thomas, la maison où vivait la mère de Thomas, de nombreux voyages de vacances pour Thomas dans les jets et yachts privés de Crow ; il a donné un demi-million de dollars à l'épouse de Thomas, Ginni, pour sa fondation politique de droite et lui a versé un salaire annuel de 120 000 dollars. Ginni Thomas soutient le mouvement « Stop the steal » (« Arrêtez le vol ») de Trump qui prétend, faussement, que celui-ci a gagné la dernière élection présidentielle. Le juge Alito, lui, a accepté un voyage pour pêcher en Alaska d'une valeur de 100 000 dollars de la part du gestionnaire de fonds spéculatifs Paul Singer. Crow et Singer sont tous deux des hommes dont les affaires ont été portées devant la Cour, et ni Thomas ni Alito n'ont signalé leurs cadeaux ou se sont excusés.

On vient d'apprendre qu'Alito a fait flotter des drapeaux associés à l'expression « Arrêtez le vol » de Donald Trump et à l'insurrection du 6 janvier, l'un étant un drapeau américain renversé à son domicile et l'autre un drapeau nationaliste chrétien « Appel au ciel » dans sa maison de vacances. Au sein de la plus haute juridiction du pays, nous avons donc deux juges corrompus, tous deux liés à l'extrême droite, six conservateurs au total qui annulent des réglementations et des lois décidées démocratiquement au niveau des États et au niveau fédéral. Il n'est pas étonnant que la Cour soit désormais méprisée par tant de gens.

Dan La Botz, traduction Henri Wilno

Dan La Botz, enseignant, chauffeur routier, historien et journaliste, est l'auteur, entre autres, de What Went Wrong ? The Nicaraguan Revolution : A Marxist Analysis (Ce qui a mal tourné – la révolution nicaraguayenne, une analyse marxiste), Brill, Leiden 2016 et Haymarket Books, Chicago 2018. Il a été cofondateur de Teamsters for a Democratic Union (TDU). Militant de l'organisation socialiste Solidarity (section sympathisante de la IVe Internationale aux États-Unis) il est également membre de la branche de Brooklyn des Socialistes démocratiques d'Amérique (DSA).

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Florence Montreynaud : « La prostitution est pour moi la pire des violences contre les femmes »

28 mai 2024, par Florence Montreynaud — , ,
Florence Montreynaud est féministe depuis toujours. Elle a créé de nombreuses associations dont Zéromacho qui regroupe des hommes abolitionnistes de la prostitution. (…)

Florence Montreynaud est féministe depuis toujours. Elle a créé de nombreuses associations dont Zéromacho qui regroupe des hommes abolitionnistes de la prostitution. Aujourd'hui 4000 hommes de plusieurs pays ont signé le manifeste. Sa dernière idée est le Front féministe international qui rassemble 413 associations de 7 pays.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Avec l'aimable autorisation de l'autrice

Quand et pourquoi êtes-vous devenue féministe ?

C'était évident, étant donné l'éducation que j'ai reçue de ma mère. Elle me racontait que sa mère à elle était indignée : avant la guerre, ma grand-mère était professeure dans un lycée de filles, et le concierge, qui était idiot et invalide de guerre, plastronnait parce qu'il avait le droit de vote, lui, alors qu'aucune des professeures ni la directrice ne l'avaient. Ma grand-mère trouvait cela scandaleux, et ma mère nous le racontait pour nous montrer qu'on venait de loin : jusqu'en 1944, tous les hommes avaient le droit de vote mais aucune femme, y compris une femme de génie comme Marie Curie ! Je me souviens aussi qu'elle avait dû demander l'autorisation de mon père pour pouvoir ouvrir un compte en banque à son nom, avec son argent (c'était avant 1965). J'ai été élevée dans la conscience de l'injustice qui frappe les femmes. Je n'ai pas de frère, j'ai quatre sœurs et nous n'avons pas été motivées par ce que beaucoup de féministes ont ressenti dans leur jeunesse : la différence de traitement entre les garçons et les filles. Le féminisme m'est venu d'une façon intellectuelle. J'ai lu Le Deuxième Sexe pendant l'été 1970 ; ce livre m'a confortée dans mes idées : toutes ses analyses me semblaient évidentes.

Le moment de mon engagement, c'est le 28 août 1970. J'ai lu dans Le Monde que le 26 août un groupe de féministes avaient tenté de déposer une gerbe sous l'Arc de Triomphe « à la femme du soldat inconnu ». J'ai trouvé cette idée fabuleuse. J'ai voulu les rejoindre parce que c'était ce que j'attendais depuis des années. Comme je me tenais au courant de ce qui se passait à l'étranger, j'avais entendu parler d'actions féministes en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, en Italie, aux États-Unis. En France, il ne se passait rien à ma connaissance. Je me suis dit que c'était exactement ce type d'action auquel je voulais participer, c'est-à-dire à base d'humour féministe : quand on n'a pas de moyens, qu'on est peu nombreuses, on a toujours l'outil de l'humour, pour ridiculiser les machos. Je peux donc dater mon désir d'engagement du mois d'août 1970. Mais à cette époque, comment trouver ces femmes ? J'ai pu le faire en avril 1971 quand est sorti Le Nouvel Observateur avec la fameuse couverture noire sur les 343 Françaises qui déclarent « J'ai avorté ». Il y avait une adresse postale, je leur ai écrit, je les ai rejointes. Je me suis engagée à la fois au MLF (Mouvement de libération des femmes) et au Planning familial pour suivre une formation. C'est ainsi que tout a commencé pour moi, et cela n'a jamais fini : je suis une féministe engagée sans interruption depuis 1971.

Quel est votre parcours de féministe ?

J'ai commencé par une formation sur la contraception et l'avortement, j'ai eu un fort engagement sur l'avortement dès avant le vote de la loi Veil (en décembre 1974). Après le vote de la loi, j'ai reçu au Planning familial des centaines de femmes qui voulaient avorter afin de les aider, les conseiller, les rassurer. Avec le Planning Familial, je me suis aussi engagée dans l'éducation sexuelle à l'école. La sexualité et l'avortement qui ont été mes sujets de formation me paraissent essentiels encore aujourd'hui, et pour mon prochain livre je travaille sur la sexualité, parce que c'est le lieu de l'oppression des femmes : le chantage à l'amour leur fait accepter des violences ; quant à l'avortement, on voit bien l'actualité brûlante de ce sujet. Sans le droit d'avorter, les femmes sont contraintes par les limites de la contraception à porter une grossesse. J'ai quatre enfants, et je sais ce qu'est une grossesse non désirée – avec l'impression d'être colonisée contre sa volonté. Ce qui me semble le plus monstrueux, quand on veut contraindre les femmes à porter une grossesse à terme, c'est de les forcer à aimer. L'avortement, c'est la liberté des femmes, c'est la possibilité de se projeter dans l'avenir, de construire sa vie au lieu de la subir. Je me battrai pour ce droit jusqu'à ma mort.

Quelles associations avez-vous créées ?

À partir de 1981, je me suis occupée pendant près de vingt ans de l'Association des femmes journalistes.

En 1999, j'ai lancé les Chiennes de garde, contre les insultes sexistes publiques adressées aux femmes, et je suis très fière d'avoir inventé ce nom ; en 2000, j'ai lancé la Meute contre la publicité sexiste et en 2001 le réseau Encore féministes ! Parallèlement, j'écrivais des livres sur l'histoire des femmes, et j'ai commencé à m'intéresser à la question de la prostitution – mon premier livre est sorti en 1993. La prostitution est pour moi la pire des violences contre les femmes. Très vite, j'ai pensé que c'était une affaire d'hommes, que c'était aux hommes de s'emparer de cette question. Dans un premier temps, j'ai cherché à motiver les hommes de mon entourage, cela m'a pris beaucoup de temps, jusqu'à la création en 2011 de Zéromacho, dont je m'occupe toujours. Il y a deux ans, nous avons créé le Front féministe international qui prend position sur un certain nombre de sujets clivants parmi les féministes : la prostitution, la location d'utérus, le voile islamique, la transidentité. Le Front féministe international regroupe 413 associations de 7 pays.

J'ai aussi publié 19 livres, le dernier traite de la double morale sexuelle : Les femmes sont des salopes, les hommes sont des Don Juan (Hachette).

La prostitution est donc pour vous une question très importante

Quand un éditeur m'a proposé d'écrire un livre sur ce sujet, comme je n'y connaissais rien, j'avais un regard neuf. Il m'a semblé évident que ce n'était pas un problème de femmes, mais d'hommes, et que le sujet n'était pas la pauvreté des femmes et les violences qui les amènent à la prostitution. Pour moi, c'est une question politique : certains hommes estiment qu'ils ont le droit de payer pour avoir accès au sexe de femmes pauvres, qui n'ont que cela à vendre. Pour moi, la sexualité, c'est la rencontre des désirs de deux adultes, à la recherche du plaisir. Une femme qui ne ressent pas de désir subit un viol, même si elle est payée, même si elle est consentante.

La prostitution est considérée comme un « droit de l'homme ». Après avoir écrit ce premier livre, je me suis engagée au Mouvement du Nid parce que j'avais rencontré des hommes qui payaient des femmes prostituées. Je les avais écoutés et j'en avais conclu que pour beaucoup la prostitution était une recherche de contact, d'écoute, parfois de tendresse, et même d'amour : or c'est le pire moyen pour les trouver. J'ai fait de la formation de travailleurs sociaux ; j'ai organisé un colloque sur la prostitution avec l'Association des femmes journalistes.

J'ai voulu que les hommes s'organisent car j'avais constaté, pour ceux de mon entourage, que cette question ne les touchait pas du tout, ne les concernait pas ; ce n'est pas leur monde. J'ai eu du mal à les convaincre de s'engager ! Le manifeste de Zéromacho est sorti en 2011. À ce jour, il a été signé par 4 000 hommes, c'est peu ; ce sont des hommes courageux qui s'affichent publiquement contre le système prostitueur et pour une sexualité libre, dans un désir réciproque d'adultes. Les responsables sont Gérard Biard et Fred Robert.

J'avais étudié l'histoire de la prostitution et les luttes contre le système prostitueur. Il n'avait jamais existé d'association d'hommes sur cette question. Certains hommes disent non à la prostitution mais jamais un réseau d'hommes abolitionnistes n'avait été créé. Zéromacho existe maintenant en Espagne et en Allemagne. Il faut que dans tous les pays les hommes qui ne payent pas les femmes pour un acte de prostitution se revendiquent publiquement comme tels. Ils sont la majorité, car c'est seulement une petite minorité d'hommes qui font prospérer le système prostitueur. Je les appelle « prostitueurs » et non « clients », mot qui valide un point de vue commercial. Il y a aussi 10 à 20% d'hommes prostitués mais 99% des prostitueurs sont des hommes.

Je n'arrive pas à comprendre que l'opinion publique soit aussi complaisante pour ces violences. À Paris, par exemple, Zéromacho agit contre les 403 prétendus « salons de massage » asiatiques qui ont pignon sur rue, avec des Chinoises victimes de la traite des femmes. Ce sont uniquement des hommes qui vont dans ces « salons ». Tout le monde le sait, mais la loi Olivier-Coutelle de 2016 n'est pas appliquée, alors que cette loi fait honneur à la France en s'alignant sur la position suédoise : considérer la prostitution comme un système dont les responsables à poursuivre sont les proxénètes et les prostitueurs. Que fait la police ? Pourquoi continuer à protéger des hommes qui traitent des femmes pauvres comme des marchandises ? Cette impunité est un scandale.

Propos recueillis par Caroline Flepp 50-50 Magazine
https://www.50-50magazine.fr/2024/05/06/florence-montreynaud/

Texte repris dans :
Le Courrier de la Marche Mondiale des Femmes contre les Violences et la Pauvreté – N° 431 – 12 mai 2024

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L’avenir de l’Inde si Modi est réélu – une entrevue avec Christophe Jaffrelot

28 mai 2024, par Rédaction-coordination JdA-PA
Alors que l’Inde s’apprête à réélire son parlement, Christophe Jaffrelot, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l’Inde, répond aux questions de Corinne Deloydu (…)

Alors que l’Inde s’apprête à réélire son parlement, Christophe Jaffrelot, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l’Inde, répond aux questions de Corinne Deloydu Centre d’étude et de recherches internationales sur l’avenir de l’Inde et sur les élections qui se déroulent depuis le 19 (…)

Le ‘’ cheuf ‘’ a pris le contrôle de mon parti

27 mai 2024, par Yves Chartrand — , ,
J'ai suivi le conseil national de Québec Solidaire via les nouvelles télé en fin de semaine. J'en ressors avec l'impression que Gabriel-Nadeau, notre ‘' porte-parole masculin (…)

J'ai suivi le conseil national de Québec Solidaire via les nouvelles télé en fin de semaine. J'en ressors avec l'impression que Gabriel-Nadeau, notre ‘' porte-parole masculin ‘' devenu en peu de temps son seul ‘' cheuf ‘' a pris en fin de semaine le contrôle de Québec Solidaire avec l'aval de la direction du parti, de la députation, et de la majorité des délégué,es présents,es votants,es malgré les réserves émises par plusieurs d'entre eux,elles. Entendre également Rhuba Gazal exprimer dès lors son intérêt pour le poste de porte-parole féminine tout en étant députée fait craindre l'accroissement du contrôle du parti parlementaire sur le parti de la rue et des rangs. Il n'y avait aucune urgence selon moi pour adopter en fin de semaine la Déclaration de Saguenay, le fruit d'une consultation des gens en région, et en faire le nouveau programme du parti alors qu'il s'agit tout au plus pour moi d'une plateforme électorale toute en douceur pour rallier le plus d'électeurs,trices possible et pour y perdre une fois pour toute son âme dès les prochaines élections. La Déclaration de Saguenay mise sur la glace et un véritable débat sur le programme précédant une prochaine plateforme électorale et sur les structures du parti auraient pu avoir lieu au congrès de l'automne en présence d'un beaucoup plus grand nombre de délégués,es élus,es suite à des débats engagés dès maintenant dans nos associations locales. J'ai l'impression que la parti nous a glissé d'entre les mains en fin de semaine. Suite au conseil national, le TGV de Québec Solidaire semble rouler à toute vitesse sur les rails avec l'aval des médias présents à L'Assemblée Nationale et il sera très difficile de l'arrêter à moins d'avoir dès maintenant des débats ouverts et démocratiques au sein de nos associations locales en vue de la préparation du congrès de l'automne et la désignation de délégués,es reflétant nos échanges et nos prises de position au bout du processus.

J'ajouterai comme ancien membre de L'Union Paysanne que d'avoir entendu notre
‘' co-porte parole masculin ‘' appuyer à fond de train en fin de semaine le monopole syndical dans le secteur agricole avec son approche industrielle de l'agriculture m'inquiète au plus haut point et, quel bel exemple de recentrage de notre parti pour ne plus faire peur à personne et peut-être gagner des votes. J'espère me tromper et seul un sursaut démocratique à partir de la base pourrait nous permettre de faire dérailler le train et prendre un pas de recul avant qu'il n'entre définitivement en gare, et d'envisager personnellement de quitter le navire Solidaire.

Solidairement

Yves Chartrand

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Vers un grand mouvement écosocialiste international

26 mai 2024, par Robin Bonneau-Patry
Robin Bonneau-Patry – Correspondant à Buenos Aires La sixième Rencontre écosocialiste internationale et la toute première Rencontre écosocialiste d’Amérique latine et des (…)

Robin Bonneau-Patry – Correspondant à Buenos Aires La sixième Rencontre écosocialiste internationale et la toute première Rencontre écosocialiste d’Amérique latine et des Caraïbes a eu lieu du 9 au 11 mai dernier à Buenos Aires. Cet événement a réuni environ 300 personnes d’une quinzaine de pays (…)
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