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Tourmente à la CPI : les craintes d’ingérence d’Israël et des États-Unis augmentent

Le retard dans la délivrance des mandats d'arrêt de la CPI à l'encontre de Benjamin Netanyahou et de Yoav Gallant, suivi du remplacement du juge président, a fait naître de sérieuses inquiétudes quant au fonctionnement de la Cour et à d'éventuelles machinations en coulisses.
Tiré d'Agence médias Palestine.
Le 20 mai 2024, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a demandé à la CPI de délivrer des mandats d'arrêt contre les dirigeants israéliens Benjamin Netanyahu et Yoav Gallant pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, y compris l'extermination.
Dans la même déclaration, il a lancé un avertissement extraordinaire : « J'insiste pour que cessent immédiatement toutes les tentatives d'entrave, d'intimidation ou d'influence indue sur les fonctionnaires de cette Cour. Mon Bureau n'hésitera pas à agir en vertu de l'article 70 du Statut de Rome si de tels agissements se poursuivent ».
Le Procureur n'a pas précisé la source des menaces contre les fonctionnaires de la CPI.
Conformément à ses procédures établies, la Cour a ensuite confié l'affaire à une chambre préliminaire composée de trois juges et présidée par la juge Iulia Motoc.
Huit jours seulement après l'annonce par le procureur des demandes de mandats et de son avertissement concernant l'intimidation des fonctionnaires de la Cour, le Guardian et +972 Magazine ont publié un exposé révélant une décennie d'interférences, de pressions et de menaces de la part de célèbres agences de renseignement israéliennes à l'encontre du personnel de la Cour pénale internationale afin de faire dérailler les enquêtes sur les crimes israéliens.
Mais à ce moment-là, la Cour est restée silencieuse sur le dossier de la Palestine – un silence qui durera cinq mois. Les observateurs de la Cour ne pouvaient que s'interroger et s'inquiéter de ce retard sans précédent dans l'émission des mandats.
Et puis, comme s'il fallait s'y attendre, au début du mois d'octobre, des publications pro-israéliennes ont commencé à faire circuler des allégations anonymes accusant le Procureur de la CPI d'avoir harcelé une employée de la Cour.
Quelques jours plus tard, le 20 octobre 2024, la CPI a annoncé que M. Motoc, le juge président de la chambre préliminaire de trois juges chargée de décider s'il y a lieu d'émettre des mandats d'arrêt à l'encontre du Premier ministre et du ministre de la Défense d'Israël, avait soudainement démissionné.
Invoquant des « raisons de santé » non précisées, la Cour n'a pas fourni d'autres informations. M. Motoc a été remplacé par la juge slovène Beti Hohler, tandis que le juge français Nicolas Guillou préside désormais la chambre.
En temps normal, ces développements pourraient être à peine remarqués. Mais ce ne sont pas des temps ordinaires, et ce n'est pas une affaire ordinaire.
Israël, un État qui a bénéficié pendant 75 ans d'une impunité soutenue par l'Occident, est enfin, semble-t-il, appelé à rendre compte de ses crimes. Déjà poursuivis pour génocide devant la Cour internationale de justice (CIJ) et faisant l'objet d'une série d'ordonnances provisoires, les dirigeants israéliens ont reçu en mai un avis de l'autre côté de la ville, à La Haye, leur indiquant que le filet continuait à se resserrer.
La demande de mandat d'arrêt présentée en mai par le procureur de la CPI à l'encontre de Benjamin Netanyahu et Yoav Gallant a suscité une réaction prévisible de la part d'Israël, qui a lancé des récriminations furieuses, des invectives et les tactiques habituelles de diffamation à l'encontre de la Cour.
Ses alliés occidentaux se sont immédiatement joints à lui pour attaquer la requête du procureur, les responsables américain-es allant même jusqu'à menacer la Cour elle-même.
Aujourd'hui, le retard dans l'émission des mandats, suivi de l'annonce du remplacement du juge président, a soulevé de sérieuses inquiétudes quant au fonctionnement de la Cour et à d'éventuelles machinations en coulisses.
Interférences et retards
Le fait que ce retard de cinq mois survienne alors que la première enquête préliminaire sur les crimes d'Israël en Palestine a été ouverte il y a près de dix ans n'a fait qu'exacerber ces craintes.
À titre de comparaison, la CPI a répondu en trois semaines à une demande de mandat d'arrêt à l'encontre du président russe Vladimir Poutine. Dans ses autres affaires, la Cour a mis en moyenne huit semaines pour délivrer des mandats.
L'arrivée de ces derniers développements, qui fait suite à la révélation d'années de menaces et de harcèlement de juges et de fonctionnaires de la Cour par des agent-es des services de renseignement israéliens et des fonctionnaires de gouvernements occidentaux, a mis les partisan-es de la Cour et les opposant-es à l'impunité d'Israël en état d'alerte maximale.
Dans un cas, le chef du Mossad lui-même a menacé l'ancien procureur de la CPI, Fatou Bensouda, et sa famille. (À son crédit, Fatou Bensouda a résisté aux attaques et, avec un courage et des principes exemplaires, a ouvert une enquête sur les crimes israéliens).
Le changement de juge dans cette affaire devrait encore prolonger la décision sur les mandats d'arrêt dans un processus déjà excessivement retardé. Les retards sans précédent (et maintenant encore plus importants) ont soulevé des questions quant à l'existence de facteurs « en coulisses ».
Mais Israël n'est pas le seul État à interférer avec les travaux de la CPI. Agissant au nom d'Israël, les législateur-ices américain-es, le département d'État et les responsables du Conseil national de sécurité des États-Unis ont uni leurs forces pour faire pression, menacer et tenter de faire dérailler les poursuites engagées contre les responsables israéliens, menaçant même de prendre des sanctions contre la Cour.
Risques fondamentaux
Bien qu'il soit impossible de savoir comment ces juges vont finalement statuer, et qu'il n'y ait rien dans le dossier public qui puisse remettre en question leur intégrité judiciaire, les changements dans la composition de la chambre pourraient également avoir d'importantes implications sur le fond.
Par exemple, la nouvelle juge Hohler a publié un article en 2015 (bien avant de rejoindre la CPI) dans lequel elle suggère que la complémentarité peut empêcher l'examen d'Israël parce que « Israël en général a un système juridique qui fonctionne bien et qui est dirigé par une Cour suprême respectée ».
Si l'on fait abstraction de la vaste critique internationale de la Cour suprême israélienne (déjà évidente en 2015) pour son long passé d'approbation des politiques d'apartheid et des crimes d'État contre les Palestiniens, et pour son long passé de tolérance des crimes de guerre israéliens, il est depuis devenu clair qu'Israël n'a aucune intention d'enquêter ou de poursuivre Netanyahou ou Gallant pour les crimes allégués dans la demande de mandats d'arrêt du Procureur de la CPI.
Nous devons espérer que la juge Hohler réalisera maintenant que toute objection de complémentarité (c'est-à-dire qu'Israël enquêtera sur lui-même) est sans fondement, comme l'a déjà constaté la CIJ. Mais l'évaluation profondément déformée qu'elle a faite précédemment du système judiciaire israélien est néanmoins préoccupante.
Dans le même article, la juge Hohler laissait entendre que des considérations politiques externes pouvaient influencer les décisions de la Cour, car « la CPI dépend fortement du soutien de ses États parties, y compris pour tout type d'exécution et pour garantir la présence des auteurs présumés à La Haye ».
Bien que cela puisse être vrai, et que de nombreuses parties au statut (de Rome) de la CPI soient des alliées occidentales d'Israël, les préoccupations relatives à la mise en œuvre ne devraient pas jouer de rôle dans les décisions des juges sur le fond.
Pour sa part, le nouveau juge président français, M. Guillou, est arrivé à la Cour avec un profil « antiterroriste » très marqué. Il a été chef de cabinet du président du Tribunal spécial pour le Liban, qui a condamné un membre du Hezbollah pour l'assassinat de Rafik Harri en 2005, et ancien agent de liaison auprès du ministère américain de la justice, où il a travaillé avec les États-Unis (entre autres) sur des poursuites antiterroristes au plus fort de la « guerre contre le terrorisme » américaine, qui a donné lieu à de nombreux abus.
Le juge Guillou a également (avant de rejoindre la Cour) plaidé publiquement en faveur de la poursuite du « terrorisme » non étatique devant les tribunaux internationaux (ce qui ne s'est jamais produit que dans le cadre du Tribunal pour le Liban, où il a siégé), malgré l'absence de définition du terrorisme dans le droit international et malgré les objections des défenseurs des droits de l'homme et d'autres personnes préoccupées par l'effet juridique corrosif de la « guerre contre la terreur » en matière pénale et dans les situations de conflit armé.
Rien de tout cela ne prouve l'existence d'irrégularités dans le changement de composition de la chambre, ni ne suggère l'existence d'un quelconque manquement à l'éthique de la part des juges. Mais le droit n'est pas non plus une machine dans laquelle les décisions sont prises sur la base d'une application neutre de la loi aux faits. Les opinions, les expériences, les prédispositions et les biais des juges comptent. Quiconque cherche à influencer la Cour le sait.
Et ce fait ne tient même pas compte de l'influence corruptrice des menaces israéliennes et des campagnes de pression américaines contre le personnel de la CPI.
Les défenseurs des droits de l'homme se souviennent bien de la campagne de pression similaire lancée par Israël contre le juge Richard Goldstone, qui dirigeait la Mission d'établissement des faits de l'ONU sur Gaza en 2009, et qui a contraint Goldstone à se rétracter sur les conclusions de la Mission, détruisant ainsi sa réputation dans les cercles juridiques internationaux et les cercles des droits de l'homme, après une carrière juridique de plusieurs décennies et riche en rebondissements.
Accusations infondées contre le procureur
Pour ajouter aux inquiétudes concernant les attaques contre l'indépendance de la Cour, en octobre, un compte X anonyme et peu suivi a tweeté des allégations non fondées de tiers, selon lesquelles le procureur de la CPI, Karim Khan, avait harcelé une employée de la Cour.
D'une manière ou d'une autre, le Daily Mail, un tabloïd anglais de droite pro-israélien (qui est devenu célèbre pour avoir publié de la désinformation israélienne et qui a été banni par la Wikipedia anglaise en raison de son manque de fiabilité et de ses fabrications) a trouvé ce petit compte X et a reproduit les allégations. À partir de là, l'histoire a été reprise par des sites d'information pro-israéliens dans tout l'Occident.
Bien qu'il soit impossible de savoir si ces allégations sont fondées, M. Khan les a démenties et a déclaré qu'elles faisaient partie de la campagne de menaces et de harcèlement dont lui et la Cour font l'objet en raison de leur travail.
Pour sa part, la victime présumée n'a pas déposé de plainte, et ni elle ni le mécanisme de contrôle indépendant (MCI) de la Cour n'ont jugé opportun d'ouvrir une enquête ou de porter des accusations.
Ce qui est clair, cependant, c'est que cette accusation anonyme a rapidement alimenté une campagne de délégitimation contre le Procureur et, par extension, contre la CPI.
Les médias pro-israéliens et les groupes mandataires, voyant la valeur de propagande de lier les allégations à l'affaire contre Netanyahu et Gallant, les ont rapportées avec des titres tels que « Le procureur pour les crimes de guerre qui a inculpé Netanyahu est accusé de harcèlement sexuel », dans une tentative évidente de discréditer les accusations portées contre les accusés israéliens.
Piraterie à La Haye
Ce que nous savons, c'est que (1) la Cour, par crainte ou par faveur, a longtemps été réticente à faire avancer les affaires contre les Israéliens, (2) les agences de renseignement israéliennes et occidentales et les acteurs gouvernementaux ont travaillé pour faire pression sur les juges et les fonctionnaires de la CPI, et (3) les retards dans le dossier de la Palestine sont déjà sans précédent.
Sachant cela, nous devons au moins poser trois questions :
Premièrement, si les « raisons de santé » du juge Motoc étaient dues à quelque chose de plus sinistre ou si elles en étaient la couverture.
Deuxièmement, si les nominations de remplacement qui ont suivi ont été influencées par les positions de fond des juges, présumées ou réelles.
Et troisièmement, si les changements ont été conçus pour justifier de nouveaux retards dans les procédures, profitant ainsi aux accusés israéliens et offrant plus de temps pour des manipulations en coulisses.
Sauf nouvelles fuites ou révélations de la part de la CPI, nous ne connaîtrons peut-être pas la réponse à ces questions avant le coup de marteau, si tant est qu'il y en ait un.
Mais sachant que les retards judiciaires continuent d'augmenter alors même que l'extermination en Palestine se poursuit sans relâche, et sachant que des acteurs néfastes ont pris la Cour pour cible afin d'entraver la justice, la vigilance du public est impérative.
La CPI et celles ou ceux qui cherchent à la corrompre doivent savoir que le monde les observe.
Risque pour la réputation
En effet, la réputation de la CPI, de ses juges et de son procureur actuel est déjà sérieusement entamée, non seulement en raison d'une décennie de retards dans le dossier palestinien, mais aussi en raison d'un déséquilibre dramatique dans son action à l'échelle mondiale.
La Cour s'est presque entièrement concentrée sur le Sud et sur les adversaires présumés de l'Occident. À ce jour, les auteur-es de crimes commis par Israël et tous les autres pays occidentaux jouissent d'une impunité totale sous le statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).
Pour les États du Sud et les défenseurs de la justice dans le monde, la CPI est de plus en plus suspecte. L'échec de la justice dans l'affaire en cours, toute perception de partialité en faveur d'Israël, toute concession aux pressions américaines ou aux sponsors occidentaux de la Cour, représenteront presque certainement le début de la fin de la CPI.
Poursuivre les délits contre l'administration de la justice
Mais Israël et les États-Unis devraient en prendre bonne note. Le risque auquel ils sont confrontés va au-delà du simple risque de réputation. Le type d'ingérence dans lequel ils ont été impliqués constitue non seulement un outrage moral, mais aussi une violation du droit international.
Et certains des actes révélés pourraient faire l'objet de poursuites pénales de la part de la Cour elle-même.
L'article 70 du statut de Rome de la CPI codifie les crimes contre l'administration de la justice et, surtout, confère à la Cour la compétence de poursuivre ces crimes.
Il s'agit notamment d'« entraver, intimider ou influencer par la corruption un fonctionnaire de la Cour dans le but de le contraindre ou de le persuader de ne pas s'acquitter, ou de s'acquitter indûment, de ses fonctions », et de « prendre des mesures de rétorsion à l'encontre d'un fonctionnaire de la Cour en raison des fonctions exercées par ce fonctionnaire ou par un autre fonctionnaire » (entre autres infractions).
Les personnes reconnues coupables de ces infractions peuvent être emprisonnées par la CPI pour une durée maximale de cinq ans.
En outre, chaque État partie au statut de Rome serait légalement tenu de traduire en justice ces infractions si elles sont commises par ses ressortissant-es ou sur son territoire. Si les États-Unis et Israël ne sont pas parties à la CPI, la plupart de leurs alliés occidentaux les plus proches le sont et seraient contraints de coopérer.
De plus, les Pays-Bas, où se trouve la CPI, sont tenus, en vertu d'un accord de pays hôte avec la Cour, d'assurer la sûreté et la sécurité du personnel de la Cour et de protéger la CPI contre toute ingérence.
D'ailleurs, les procureur-es néerlandais-es envisagent actuellement d'intenter une action en justice contre de haut-es responsables des services de renseignement israéliens pour les pressions et les menaces exercées sur les fonctionnaires de la CPI dans le cadre des affaires concernant la Palestine.
Dernière chance pour la justice
Les risques qui pèsent sur la CPI sont réels.
Israël et les États-Unis ont démontré qu'ils ne respectaient pas l'État de droit et qu'ils n'hésitaient pas à menacer ou à corrompre la Cour.
Et la CPI elle-même a un long chemin à parcourir pour prouver au monde qu'elle est engagée dans le rôle de justice universelle qui lui a été confié, plutôt que de servir de simple bras sélectif de la puissance occidentale.
Mais la solidité du dossier contre Netanyahu, Gallant et d'autres dirigeants israéliens, dans le cadre du premier génocide au monde retransmis en direct, et sous les feux d'une attention publique sans précédent, donne des raisons d'espérer.
Aujourd'hui, Israël est en procès, ses dirigeants sont en procès, et le système de justice internationale lui-même est en procès.
Des acteur-ices malveillant-es s'emploient, publiquement et dans l'ombre, à entraver le cours de la justice.
Si nous voulons que la justice soit rendue, nous devons faire preuve de vigilance.
Craig Mokhiber est un avocat international spécialisé dans les droits de l'homme et un ancien haut fonctionnaire des Nations unies. Il a quitté l'ONU en octobre 2023, après avoir rédigé une lettre ouverte qui mettait en garde contre un génocide à Gaza, critiquait la réaction internationale et appelait à une nouvelle approche de la Palestine et d'Israël fondée sur l'égalité, les droits de l'homme et le droit international.
Traduction : JB pour l'Agence Média Palestine
Source : Mondoweiss
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Un commandant israélien confirme le nettoyage ethnique dans le nord de Gaza : « Pas de retour possible »

Le commandant Itzik Cohen, qui dirige la division 162 opérant dans le nord de la bande de Gaza, a déclaré aux journalistes que ses ordres étaient clairs : « Personne ne retournera dans la partie nord… Ma tâche est de créer un nettoyage ethnique dans la région. Ma tâche consiste à nettoyer la zone ».
Tiré de Agence médias Palestine.
Le commandant de la division Itzik Cohen, qui dirige la division 162 opérant dans le nord de la bande de Gaza, a déclaré aux journalistes, selon Haaretz, que ses ordres étaient clairs : « Personne ne retournera dans la partie nord… Nous avons reçu des ordres très clairs. Ma tâche consiste à nettoyer la zone ».
Cette déclaration intervient alors que des informations de plus en plus nombreuses font état d'un nettoyage ethnique dans le nord de la bande de Gaza. Les rapports indiquent qu'Israël a forcé le déplacement de presque tous et toutes les habitant-es de zones comme Jabalia, Beit Hanoun et Beit Lahiya.
Les évacuations forcées, réalisées par une série de bombardements aériens, la famine et la destruction des infrastructures civiles, ont laissé des dizaines de milliers de personnes sans maison ou sans accès aux produits de première nécessité.
Déplacement systématique
Selon le rapport, Israël a délibérément pris pour cible des bâtiments résidentiels, des écoles et des abris où les Palestiniens déplacés cherchaient refuge.
Ces destructions ont provoqué un exode massif de civil-es du nord de la bande de Gaza, l'armée israélienne ayant clairement fait savoir qu'aucun-e habitant-e ne pourrait y retourner. Ces actions s'inscrivent dans une stratégie préméditée de nettoyage ethnique dans le cadre du « plan des généraux ».
Le général de brigade Elad Goren, responsable du soi-disant « effort humanitaire “ à Gaza, a encore exacerbé ces préoccupations en déclarant que les personnes restées à Jabalia avaient « suffisamment d'aide » grâce aux livraisons passées, tout en prétendant que Beit Hanoun et Beit Lahiya étaient désormais dépourvues d'habitant-es.
Ses remarques suggèrent une approche calculée pour affamer et déplacer les civil-es, contredisant directement les affirmations d'efforts humanitaires.
L'armée israélienne a nié à plusieurs reprises avoir adopté le « plan des généraux », qui prévoit l'évacuation de centaines de milliers de Palestiniens de la ville de Gaza et de ses environs sous la famine et les bombardements.
La semaine dernière, l'administration Biden a décidé de maintenir son aide militaire à Israël, malgré les preuves de plus en plus nombreuses de la campagne d'affamement systématique menée par Israël contre Gaza, affirmant qu'Israël n'avait pas enfreint les lois américaines sur le blocage des fournitures d'aide.
Plus tôt dans la journée, le ministère israélien de la défense a confirmé qu'il n'avait pas l'intention, dans l'immédiat, d'envoyer de l'aide à la bande de Gaza assiégée.
Traduction : JB pour l'Agence Média Palestine
Source : Quds News Network
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Des postiers dénoncent la mauvaise gestion de Postes Canada

Le paradoxe du réformisme – Robert Brenner
Archives Révolutionnaires : L’abandon par le NPD de ses fondements socialistes, le travail actif des directions syndicales pour maintenir la paix industrielle, les capitulations récurrentes de Québec solidaire face aux exigences du parlementarisme et du patronat, un Front commun historique qui laisse pourtant une masse considérable de travailleur·euse·s sur leur faim… Alors que les politiques néolibérales saccagent nos droits, l’environnement et nos conditions de vie, qu’est-ce qui explique cette frilosité de plusieurs organisations de la gauche et du mouvement ouvrier ? Pourquoi, tout en prêchant pour le réinvestissement dans le « filet social », ces organes puissants semblent parallèlement incapables d’obtenir gain de cause sur ces revendications ? Robert Brenner proposait déjà quelques pistes d’explication en 1993, dans son article consacré aux bases idéologiques et aux dynamiques politiques du réformisme. Nous présentons ici la traduction française de l’article, publiée initialement par la revue en ligne Période.
Robert Brenner (né en 1943) est un historien et un militant socialiste américain. Il est notamment membre du comité de rédaction de la New Left Review. L’article original est disponible dans la revue Against the Current (no. 43, mars-avril 1993).
Le paradoxe du réformisme
La différence entre réforme et révolution n’est pas une question de programme. En réalité, le réformisme est incapable d’obtenir des réformes par son seul concours. Dans cette formation (1993) à destination des cadres de son organisation, Solidarity, Robert Brenner détaille les raisons sociologiques de ce paradoxe, et en formule les conséquences stratégiques aux États-Unis. Le réformisme est l’idéologie spontanée d’une couche sociale bien précise : les permanents syndicaux et les politiciens sociaux-démocrates. Pour Brenner, la social-démocratie est une « forme de vie » à part entière dont les ressorts ne dépendent pas des défaites ou des victoires de la lutte des classes, mais de la négociation syndicale ou des résultats électoraux. Il en résulte que les révolutionnaires n’ont pas à combattre des « programmes » réformistes, mais une orientation au sein de la lutte qui rend inévitable la défense de l’ordre établi.
On m’a demandé de parler des leçons historiques des révolutions du XXe siècle. Mais puisque notre intérêt principal porte sur des enseignements qui puissent être pertinents pour le XXIe siècle, je pense qu’il est plus à propos de se pencher sur l’expérience de la réforme et du réformisme. Le « réformisme » est bel et bien parmi nous, bien qu’il ne se présente que rarement sous cette appellation, préfère se montrer sous un jour plus favorable. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit de notre principal concurrent politique et nous devons par conséquent mieux le comprendre. Pour commencer, il est clair que le réformisme ne se distingue pas par son souci de mettre en place des réformes. Les révolutionnaires et les réformistes tentent tous deux de parvenir à des réformes. En effet, la lutte pour des réformes reste la principale préoccupation des révolutionnaires. En réalité, les réformistes partagent notre programme en grande partie – c’est du moins ce qu’ils prétendent. Ils sont pour des salaires plus élevés, le plein emploi, un meilleur État providence, des syndicats plus forts, et même une forme de parti ouvrier.
Or, si nous souhaitons gagner les réformistes à notre politique, nous n’y parviendrons pas en surenchérissant sur les propositions de leur programme. Nous ne pouvons gagner à nous les réformistes que par notre théorie (notre compréhension du monde) et, de façon plus importante encore, par notre méthode et notre pratique. Ce qui distingue au quotidien le réformisme, c’est sa méthode politique et sa théorie, et non pas son programme. Pour le dire schématiquement, les réformistes considèrent que même si l’économie capitaliste tend d’elle-même vers la crise, l’intervention étatique peut aider le capitalisme à atteindre un état de stabilité et de croissance à long terme. D’autre part, l’État est pour eux un instrument qui peut être utilisé par n’importe quel groupe, y compris la classe ouvrière, pour servir ses propres intérêts.
Ces prémisses permettent de comprendre toute la méthode et la stratégie des réformistes. Les travailleurs, les travailleuses et les opprimés devraient mettre toute leur énergie dans la lutte électorale pour s’emparer du contrôle de l’État et mettre en place des législations visant à réguler le capitalisme et améliorer sur cette base leurs conditions de travail et leur niveau de vie.
La base matérielle du réformisme
Les marxistes révolutionnaires ont toujours opposé leurs propres théories et stratégies à celles des réformistes. Mais comme souvent, il s’avère que la théorie et la pratique réformistes se comprennent mieux lorsqu’on tient compte des forces sociales spécifiques qui en constituent la base historique. Dans cette perspective, le réformisme s’affirme comme une vaste rationalisation des besoins et intérêts des responsables syndicaux et des politiciens, ainsi que des leaders du mouvement des opprimés issus des classes moyennes.
La base sociale distinctive du réformisme ne constitue pas un simple intérêt sociologique. C’est la clé d’un paradoxe central qui définit obstinément le réformisme, et ce depuis qu’il a existé des courants s’en réclamant explicitement au sein des partis sociaux-démocrates [ancienne appellation des partis communistes n.d.l.r], autour de 1900. Ce paradoxe est le suivant : les forces sociales qui constituent le cœur du réformisme se sont toujours rabattues sur des méthodes politiques – en particulier la voie électorale-législative et la négociation des conditions de travail par le biais de l’État – qui finissent à un moment ou un autre par mettre en péril leurs propres objectifs de réforme.
La conséquence est que, contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, la mise en place de réformes majeures tout au long du XXe siècle a généralement requis non seulement de rompre avec le réformisme, mais de lutter systématiquement contre le réformisme organisé, ses principaux dirigeants, et leurs organisations. En effet, ces gains ont dans presque tous les cas nécessité des stratégies et des tactiques que le réformisme organisé ne pouvait se permettre d’approuver, dans la mesure où elles menaçaient sa position sociale et ses intérêts. Parmi ces orientations tactiques que les réformistes étaient amenés à rejeter, on compte par exemple les degrés très élevés d’action militante (à la base), des actions illégales de masse, et la mise en place de liens de solidarité active dans toute la classe – entre syndiqués et non-syndiqués, employés et chômeurs, etc.
La vision réformiste
La proposition principale de la vision réformiste du monde est la suivante : bien que la crise constitue une tendance irréductible au sein de l’économie capitaliste, celle-ci est en dernier instance susceptible d’être régulée par l’État. En d’autres termes, pour les réformistes, c’est la lutte des classes non régulée qui mène à la crise. Deux hypothèses théoriques permettent d’affirmer cette idée. D’une part, la lutte de classe est susceptible d’aboutir à une « trop grande » exploitation des travailleurs et travailleuses par les capitalistes, qui veulent augmenter la profitabilité. C’est là une source de problème pour l’ensemble du système puisque le pouvoir d’achat des travailleurs et travailleuses se révèle alors insuffisant pour acheter ce qu’ils ont eux-mêmes produits. Cette insuffisance de la demande serait à l’origine d’une « crise de sous-consommation », et c’est de cette façon que les théoriciens réformistes interprètent la Grande dépression des années 1930.
D’autre part, les réformistes suggèrent parfois que la crise capitaliste survient en raison d’une résistance « trop forte » des travailleurs et travailleuses à l’exploitation capitaliste. En bloquant la mise en place d’innovations technologiques ou en refusant de travailler davantage, les travailleurs et travailleuses bloqueraient les gains de productivité. Il en résulterait une croissance plus faible, une réduction de la profitabilité, une baisse des investissements, et pour finir une « crise de l’offre » – selon les théories réformistes, le déclin économique actuel qui a débuté à la fin des années 1960 s’explique de cette façon.
Selon cette approche, puisque les crises sont des résultats imprévus de la lutte des classes non régulée, l’État peut assurer la stabilité économique et la croissance précisément en intervenant pour réguler à la fois la distribution des revenus et les relations de travail. Il en découle que la lutte de classes n’est pas réellement nécessaire puisqu’à long terme elle ne sert pas les intérêts de la classe capitaliste, ni ceux de la classe ouvrière, qui devraient donc coordonner leurs efforts.
L’État comme appareil neutre
La théorie réformiste de l’État va de pair avec son économie politique. Selon cette conception, l’État est un appareil autonome de pouvoir, neutre en principe, utilisable par quiconque s’en saisit. Il en découle que les travailleurs, les travailleuses et les opprimés devraient tenter d’en prendre le contrôle afin de réguler l’économie et ainsi assurer la stabilité économique et la croissance, pour ensuite mettre en place sur cette base des réformes servant leurs propres intérêts matériels.
La stratégie politique réformiste est une conséquence logique de sa vision de l’économie et de l’État. Les travailleurs, travailleuses et opprimés devraient concentrer leurs efforts à l’élection de politiciens réformistes. Puisque l’intervention étatique d’un gouvernement réformiste peut assurer la stabilité à long terme et la croissance, dans l’intérêt du capital et du travail, il n’y a pas de raison de croire que les employeurs s’opposeront obstinément à un gouvernement réformiste. Un tel gouvernement serait à même de prévenir des crises de sous-consommation en mettant en place des politiques budgétaires redistributives. Les crises de l’offre seraient elles aussi fortement limitées grâce à des commissions conjointes capital-travail régulées par l’État ayant pour objectif d’augmenter la productivité. Dans cette vision, sur la base d’une économie croissante et de plus en plus productive, l’État aurait les moyens d’augmenter continuellement ses dépenses publiques tout en régulant les négociations de conventions collectives pour assurer l’équité envers toutes les parties.
Pour les réformistes, il ne fait cependant aucun doute que les travailleurs et travailleuses doivent demeurer organisés et vigilants – surtout au sein de leur syndicat – et prêts à en découdre avec les capitalistes récalcitrants qui refuseront de se soumettre à l’intérêt commun : prêts à faire grève contre des employeurs qui refuseraient d’accepter de négocier, et prêts encore, dans le pire des cas, à se soulever en masse contre des coalitions capitalistes réactionnaires qui tenteraient de subvertir l’ordre démocratique. Ce n’est pas beaucoup s’avancer de dire que, pour autant que les réformistes les évoquent, ces batailles demeurent subordonnées à la lutte électorale et législative. Dans l’idéologie réformiste, ces luttes devraient s’atténuer avec le temps, dans la mesure où les politiques seraient menées non seulement dans l’intérêt des travailleurs et des opprimés, mais aussi dans l’intérêt des employeurs, bien que ces derniers n’aient pas la vue assez longue pour s’en rendre compte.
Une réponse politique au réformisme
Les révolutionnaires ont traditionnellement rejeté la méthode politique des réformistes, qui consiste à se fier au processus électoral-législatif et aux négociations collectives régulées par l’État, pour la simple et bonne raison qu’elle ne fonctionne pas. Aussi longtemps que les rapports de propriété capitalistes demeurent en place, l’État ne saurait être une instance autonome. La raison à cela n’est pas que l’État serait toujours sous le contrôle direct des capitalistes (les gouvernements travaillistes ou sociaux-démocrates, par exemple, ne le sont que rarement). C’est plutôt parce que quiconque contrôle l’État a des moyens extrêmement limités, dans la mesure où la force au gouvernement doit mener une politique compatible avec le maintien de la profitabilité capitaliste et que, à long terme, la profitabilité capitaliste est très difficile à réconcilier avec des réformes dans l’intérêt des exploités et des opprimés.
Dans une société capitaliste, il ne peut y avoir de croissance économique sans investissement, et les capitalistes n’investiront pas à moins de pouvoir obtenir un taux de profit qu’ils estiment adéquat. Puisque la baisse du chômage et l’extension des services publics à l’intention de la classe ouvrière (qui dépend des recettes fiscales) sont fondés sur la croissance économique, même les gouvernements qui souhaitent faire avancer les intérêts des exploités et des opprimés – par exemple des gouvernements sociaux-démocrates ou travaillistes – doivent faire de la profitabilité capitaliste et de la croissance économique leur priorité. Le vieux dicton « ce qui est bon pour General Motors est bon pour tout le monde » contient malheureusement un important fond de vérité, aussi longtemps que les rapports de propriété capitalistes demeurent en place.
Cela ne veut pas dire que les gouvernements capitalistes ne feront jamais de réformes. En période d’expansion économique, lorsque les taux de profit sont élevés, le capital et l’État sont bien disposés à accorder des gains à la classe ouvrière et aux opprimés, afin de maintenir l’ordre social. Toutefois, dans des périodes de déclin, lorsque les taux de profit sont plus faibles et que la concurrence s’intensifie, le coût (fiscal) de telles réformes peut mettre en danger la survie même de firmes. Les réformes ne sont que très rarement accordées en l’absence de luttes vigoureuses sur les lieux de travail et dans la rue. Par ailleurs, dans de telles périodes, les gouvernements de tout acabit – qu’ils représentent le capital ou le travail – s’ils ont refusé de rompre avec les rapports de propriété capitalistes, finissent par tenter de restaurer les taux de profit en coupant dans les salaires et les services sociaux, de baisser les impôts qui touchent les capitalistes, etc.
Économie politique et stratégie
L’idée que des périodes de crise prolongée sont inhérentes au capitalisme est d’une importance capitale pour les révolutionnaires, et la raison en est évidente. De ce point de vue, les crises découlent de la nature anarchique du capitalisme, qui suscite des sentiers d’accumulation contradictoires. Puisque, par sa nature même, une économie capitaliste opère de façon non-planifiée, les gouvernements ne peuvent prévenir les crises.
Ce n’est pas l’endroit approprié pour une discussion détaillée des débats portant sur la théorie des crises. On peut tout de même souligner que l’histoire du capitalisme étaye la vision non réformiste. Depuis la fin du XIXe siècle, pour ne pas remonter encore plus loin, peu importe le type de gouvernement en place, les longues périodes d’expansion capitaliste (des années 1850-1870, 1890-1913, 1940-1970) ont toujours été suivies de de longues périodes de dépression capitaliste (années 1870-1890, 1919-1939, 1970-aujourd’hui). L’une des contributions fondamentales d’Ernest Mandel dans les dernières années a été de mettre l’accent sur ce mode de développement capitaliste par longues vagues de boom et de déclin.
Lors des deux premières décennies de la période d’après-guerre, le réformisme et sa vision politique apparaissaient victorieux. La période d’expansion économique fut sans précédent, accompagnée par la mise en œuvre de mesures keynésiennes de soutien de la demande et d’une augmentation des dépenses gouvernementales associées à l’État providence. Toutes les économies capitalistes avancées ont non seulement connu une montée rapide des salaires, mais aussi une croissance du secteur public, dans l’intérêt des exploités et des opprimés.
Vers la fin des années 1960 et le début des années 1970, un certain nombre d’observateurs défendaient l’idée qu’améliorer les conditions de vie de la classe ouvrière impliquait de mener la « lutte des classes à l’intérieur de l’État » – c’est-à-dire de pousser à des victoires électorales et législatives de partis sociaux-démocrates et travaillistes (et du Parti démocrate aux États-Unis).
Les deux décennies suivantes ont radicalement invalidé cette perspective. La baisse des taux de profit a donné lieu à une crise de long terme de la croissance et des investissements. Dans ces conditions, les gouvernements réformistes qui ont accédé au pouvoir – le Parti travailliste à la fin des années 1970, les partis socialistes français et espagnol dans les années 1980, tout comme le Parti social-démocrate suédois dans ces mêmes années – se sont trouvés dans l’impossibilité de restaurer la prospérité à l’aide des méthodes habituelles de soutien de la demande, et ont conclu qu’ils n’avaient guère d’autre choix que de rétablir les taux de profits pour favoriser les investissements et restaurer la croissance. Le résultat fut le suivant : les partis réformistes ont, pratiquement sans exception, non seulement échoué dans la défense des salaires et du niveau de vie des travailleurs et travailleuses contre les attaques des employeurs, mais ont été à l’initiative d’une puissante vague d’austérité visant à augmenter le taux de profit aux dépens de l’État providence et des syndicats. Il ne saurait y avoir de réfutation plus définitive des théories économiques réformistes et de la notion d’autonomie de l’État. C’est précisément le fait que l’État n’a pu prévenir la crise capitaliste qui l’a révélé comme complètement dépendant du capital.
Pourquoi le réformisme est incapable de réformer
La question demeure : pourquoi les partis réformistes au pouvoir ont-ils continué à respecter les droits de propriété capitalistes et tenté de restaurer les profits capitalistes ? Pourquoi n’ont-ils pas plutôt cherché à défendre les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière, par la lutte de classe si nécessaire ? Si cette approche était susceptible d’amener les capitalistes à arrêter d’investir ou à retirer leurs capitaux, pourquoi ne pas nationaliser les moyens de production et emboîter le pas vers le socialisme ? Nous revenons au paradoxe du réformisme. La réponse à la question se situe dans les forces sociales spécifiques qui dominent la politique réformiste : les responsables syndicaux et les politiciens sociaux-démocrates. L’élément distinctif de ces forces est que leur existence dépend d’organisations de la classe ouvrière, mais qu’elles ne font pas elles-mêmes partie de la classe ouvrière[1].
Cette catégorie sociale est précisément déconnectée de la réalité concrète du travail salarié. Sa base matérielle, son gagne-pain, se situe directement dans les syndicats ou l’organisation du parti. Ce n’est pas qu’une question de salaire (même si c’est un aspect important du problème). Le syndicat ou le parti façonne tout le mode de vie de ces individus – ce qu’ils font, leurs rencontres, etc. – tout comme leur trajectoire professionnelle. Par conséquent, leur position sociale et matérielle dépend de leur place au sein du syndicat et du parti. Aussi longtemps que l’organisation est viable, ils peuvent aspirer à une vie stable et des possibilités de carrière raisonnables.
Le gouffre qui sépare la forme de vie des salariés de base de celle d’un permanent syndical (et a fortiori d’un membre dirigeant) est donc énorme. La position économique – salaire, retraite, conditions de travail – des travailleurs et travailleuses ordinaires dépend directement du déroulement de la lutte de classes sur les lieux de travail et dans leur branche. Obtenir des victoires sur le plan salarial est leur seule manière de défendre leur niveau de vie. L’employé d’un syndicat, par contraste, peut bénéficier d’une situation confortable même en cas de défaites répétées dans la lutte de classes : il suffit que l’organisation syndicale survive. Il est vrai qu’à long terme, la survie même de l’organisation syndicale dépend de la lutte de classes, mais il est rare que ce soit un facteur important. Il se trouve en réalité qu’à court terme, surtout en période de crise où les taux de profit sont menacés, la lutte de classes est probablement la menace principale à la viabilité de l’organisation.
Dans la mesure où la combativité sociale est susceptible d’être suivie d’une répression du capital et de l’État qui menace la trésorerie et la survie même du syndicat, les responsables syndicaux cherchent généralement à l’éviter. Les syndicats et les partis réformistes ont donc, historiquement, tenté de tenir le capital en bride en composant avec lui. Ils ont fini par donner l’assurance au capital qu’ils acceptent le système de propriété capitaliste et la priorité des profits au sein des entreprises. Ils ont également cherché à s’assurer que les travailleurs et travailleuses n’adoptent pas des formes d’actions combatives et illégales, qui apparaîtraient au capital comme une menace et le pousserait à y réagir avec virulence. Or, dans la mesure où la perspective d’une lutte « radicale » est mise de côté comme moyen d’obtenir des réformes, la voie parlementaire devient une stratégie politique fondamentale pour les responsables syndicaux et les politiciens sociaux-démocrates. Par la mobilisation passive d’une campagne électorale, ces forces espèrent créer les conditions propices à la réforme, tout en évitant ce faisant de trop offenser le capital.
La thèse avancée ici ne revient pas à adopter la position absurde que les travailleurs et travailleuses sont toujours prêts à en découdre avec le grand capital, et ne sont retenus que par les tromperies de leurs directions politiques et syndicales. En réalité, les travailleurs et travailleuses sont souvent aussi conservateurs que ces dirigeants, voire davantage. Pour autant, il faut rappeler qu’à long terme et contrairement aux permanents syndicaux ou politiques, les travailleurs et travailleuses ne peuvent pas défendre leurs intérêts sans recourir à la lutte de classe. Et dans ce processus, pour les raisons évoquées plus haut, il se trouve que les responsables syndicaux sont le plus souvent des obstacles à cette action indépendante des travailleurs et travailleuses contre leurs employeurs. Bien entendu, ces dirigeants syndicaux et politiques ne sont pas dans leur totalité opposés à la lutte de classes et vont même parfois jusqu’à en prendre l’initiative. L’idée est simplement que, étant donné leur position sociale, la mobilisation ne saurait reposer sur eux, et ce quelque soit le degré de radicalisme de leur rhétorique.
C’est à partir de cette analyse, selon laquelle on ne saurait compter sur les responsables syndicaux et les politiciens sociaux-démocrates pour mener à bien la lutte de classes, que s’élabore notre stratégie visant à construire des organisations de base qui soient indépendantes des responsables syndicaux (bien qu’elles puissent travailler avec eux), et à envisager la création d’un parti politique ouvrier indépendant des démocrates.
Le réformisme et l’unité
Notre compréhension du réformisme n’est pas qu’un exercice universitaire : elle a des conséquences sur l’ensemble de nos initiatives politiques. On le voit clairement aujourd’hui au travers les tâches de regroupement des forces antiréformistes au sein d’une organisation commune et en rupture avec le Parti démocrate. Depuis plusieurs années, les perspectives de coalition avec des forces de gauche (plus ou moins organisées) sont liées à ces individus et groupes qui se positionnent à gauche du réformisme officiel et sont en rupture avec lui. Il s’avère pourtant qu’un certain nombre de ces forces de gauche continuent de s’identifier, implicitement ou explicitement, à une approche de la politique qu’on pourrait appeler, un peu crûment, « front populiste ».
Bien qu’elle soit née à l’extérieur du camp de la social-démocratie organisée, la doctrine des fronts populaires donne une portée systématique au réformisme. L’Internationale communiste a été la première à faire la promotion de l’idée d’un front populaire en 1935, en complément de la politique étrangère soviétique visant à former une alliance avec les pouvoirs capitalistes « libéraux » pour se défendre contre l’expansionnisme nazi (« sécurité collective »). Dans ce contexte, les communistes ont avancé, à l’international, l’idée qu’il était possible pour la classe ouvrière de forger une alliance interclasse très large, non seulement avec la classe moyenne libérale, mais aussi avec une section éclairée de la classe capitaliste, et ce dans l’intérêt de la démocratie, des libertés civiles et de la réforme sociale.
L’hypothèse fondamentale de cette stratégie était qu’une section éclairée de la classe capitaliste préférait un ordre constitutionnel à un ordre autoritaire, et que cette frange était prête à consentir à une intervention gouvernementale plus soutenue, à davantage d’égalitarisme, dans une optique « progressiste » (liberal) avec un objectif général de cohésion sociale. Comme d’autres doctrines réformistes, le front populaire se basait, sur le plan économique, sur une théorie de la crise en terme de « sous-consommation ». Cette théorie de la sous-consommation était en fait très répandue dans les cercles « progressistes » et socialistes-radicaux au cours des années 1930, gagnant encore davantage en popularité avec le succès des idées de Keynes. Aux États-Unis, le front populaire se devait d’investir le Parti démocrate. L’administration Roosevelt, qui comptait un certain nombre d’éléments relativement progressistes, était considérée comme l’archétype de l’aile capitaliste éclairée. L’impératif de travailler avec les démocrates n’a semblé que plus justifié dans la mesure où, au même moment, le mouvement ouvrier devenait une force d’ampleur dans tout le pays. Au départ, les communistes ont été les fers de lance de l’organisation syndicale CIO, et ont grandement contribué à son succès spectaculaire dans le secteur automobile en adoptant, pour une période brève mais décisive (1935-début 1937), une stratégie d’organisation depuis la base. Le corrélât de cette stratégie à un niveau politique était le refus des communistes de soutenir Roosevelt au cours de ces premières années.
À partir de 1937, à l’issue de l’adoption par l’Internationale communiste de la doctrine des « fronts populaires » et de son impératif de ne pas s’aliéner l’administration Roosevelt, le Parti communiste a dû faire obstacle à la combativité des travailleurs et travailleuses (grèves sur le tas, grèves sauvages) : il s’agissait de reconduire la politique sociale-démocrate classique de s’allier avec l’aile « gauche » des responsables syndicaux. Cette politique était en clair retrait par rapport à l’idée que les responsables syndicaux constituent une couche sociale distincte dont on doit attendre qu’elle place les intérêts de leurs organisations au-dessus de ceux de leur base – une hypothèse pourtant au cœur de la stratégie de la gauche du mouvement social-démocrate avant la Première Guerre mondiale (Luxembourg, Trotski, etc.), ainsi que de la Troisième Internationale au temps de Lénine.
L’application du front populisme par le PC impliquait de différencier les responsables syndicaux en terme de ligne politique (gauche, centre, droite) et non plus en terme de division cadres syndicaux/base. Cette approche était absolument constitutive de l’objectif des communistes consistant à pousser les nouveaux syndicats industriels à entrer au Parti démocrate. Bien entendu, la majorité des représentants syndicaux n’étaient que trop heureux de mettre l’accent sur leur rôle politique au sein de l’aile réformiste émergente du Parti démocrate, surtout en comparaison avec leur rôle économique beaucoup plus dangereux consistant à organiser leurs membres et à lutter contre les offensives patronales. La politique duelle de s’allier aux représentants « de gauche » à l’intérieur du mouvement syndical, et de travailler pour la réforme à l’aide de moyens électoraux et législatifs au sein du Parti démocrate (avec un peu de chance aux côtés des leaders syndicaux progressistes) demeure jusqu’à ce jour très attirante pour une grande partie de la gauche.
Une perspective par et pour la base
Au cours des années 1970 dans les syndicats, les représentants des tendances qui ont fini par se retrouver au sein du groupe Solidarity ont eu à s’opposer à l’idée des front populaires partagée par divers courants de la gauche radicale, impliquant d’appuyer les dirigeants « progressistes » existants. Notre point de vue était alors en opposition avec l’idée que les responsables syndicaux progressistes seraient obligés de se ranger à gauche et de s’opposer aux employeurs, ne serait-ce que pour défendre leur propre organisation. La gauche révolutionnaire était au contraire convaincue que, précisément en raison de la virulence de l’offensive patronale, les responsables syndicaux seraient pour la plupart prêts à faire des concessions substantielles afin de contourner l’affrontement avec les employeurs. Le démantèlement morceau par morceau du mouvement ouvrier était dès lors loisible de se poursuivre indéfiniment.
Cette dernière perspective s’est plus que confirmée, les responsables syndicaux ne levant pas le petit doigt alors que l’étendue des concessions atteignait des proportions désastreuses et que le taux de syndicalisation passait de 25-30 % dans les années 1960 à 10-15 % aujourd’hui.
En outre, les révolutionnaires au sein du mouvement syndical devaient riposter à l’idée que les leaders syndicaux étaient « à gauche de leur base ». Si vous parliez avec des militants de la gauche radicale à cette époque, vous étiez sûr d’entendre à un moment ou un autre que la base était politiquement arriérée. Après tout, plusieurs syndicats « progressistes » se sont opposés à l’intervention américaine en Amérique centrale (et ailleurs) plus fermement que leurs membres, se sont affirmés plus fermement que leurs membres sur la question de l’extension de l’État providence, et se sont même prononcés, dans quelques cas, pour un Parti des travailleurs indépendant. Notre réponse à cet argument était de montrer le contraste entre ce que les leaders syndicaux « progressistes » étaient prêts à faire en parole sur le plan « politique », où très peu est en jeu, avec ce qu’ils étaient prêts à faire contre les patrons, où ils risquaient réellement leur peau. Il n’en coûtait pas grand-chose au dirigeant de l’IAM William Winpisinger d’être membre de la Democratic Socialist Association (DSA) et de se réclamer d’un projet de société social-démocrate absolument clair sur des questions telles que la reconversion de l’économie, le système de santé national, et autres.
Mais lorsqu’il était question de la lutte des classes, nous faisions remarquer que, non seulement Winpisinger s’est clairement prononcé contre les Teamsters pour un syndicat démocratique, mais a envoyé ses machinistes traverser le piquet de grève lors de la grève cruciale de la PATCO (les contrôleurs aériens).
Dans la dernière décennie, plusieurs courants de la gauche radicale ont rompu leurs liens avec l’Union Soviétique ou la Chine et se sont engagés dans un réexamen complet de leur vision politique du monde. Mais cela ne signifie pas qu’ils se dirigeront automatiquement vers nous, puisque leur stratégie politique de front populaire est semblable à ce que nous avons décrit sous le terme de « réformisme ». Si nous voulons convaincre ces camarades de se joindre à nous, nous devons leur démontrer, systématiquement et en détail, que leur stratégie traditionnelle consistant à travailler avec les « gauches » syndicales et à infiltrer le Parti démocrate est en fait contre-productive.
L’action politique indépendante
À certains moments au cours de la campagne électorale, des éléments importants du mouvement des Noirs, du mouvement des femmes, et même du mouvement ouvrier, ont déclaré qu’ils aimeraient qu’une alternative politique viable au Parti démocrate puisse voir le jour. Leurs intentions semblaient rendre la construction d’une force politique indépendante soudainement beaucoup plus concrète. Ces franges sont désormais indispensables à n’importe quelle tentative de recomposition à gauche des démocrate, pour la simple et bonne raison que la grande majorité des Noirs, des femmes et des militants ouvriers combatifs s’en remettent, en matière de direction politique, à eux et à personne d’autre. Mais ces franges ont-elles une attitude réaliste au regard de cette exigence d’agir de façon autonome ?
En un certain sens, il est évident que toutes ces forces ont besoin d’une action politique autonome. Le Parti démocrate a depuis trop longtemps mis toute son initiative dans des mesures qui visent à rétablir les taux de profit, aux dépens des intérêts des travailleurs, des femmes, et des minorités opprimées. Il a donc perdu de son utilité pour les directions établies des syndicats, des mouvements noirs et des femmes, qui, après tout, travaillent auprès des démocrates pour obtenir des gains en faveur de leurs membres.
Les directions officielles de ces mouvements aimeraient donc sans doute qu’il y ait un troisième parti qui soit viable. Mais c’est le paradoxe de leur couche sociale et de leur politique réformiste : ils sont incapables de faire le nécessaire pour créer les conditions propices à la naissance d’un tel parti. Il est en effet difficile de réunir ces conditions sans une revitalisation des mouvements sociaux, et surtout du mouvement ouvrier – à travers une le renforcement d’une ligne combative et unitaire au sein du mouvement syndical et au-delà. Des mouvements de masse nouvellement dynamisés pourraient fournir une base matérielle pour transformer une conscience politique émergente en un troisième parti capable de succès électoraux. Mais les directions établies ont peur de susciter de tels mouvements.
D’autre part, en l’absence d’une rupture profonde dans l’activité et la conscience des mouvements de masse, il n’y a aucune raison pour que les directions établies rompent leurs liens avec le Parti démocrate. La voie électorale est pour eux un élément indispensable : il s’agit du meilleur moyen dont ils disposent pour obtenir des gains en faveur de leurs membres. Et la condition sine qua non pour obtenir quoique ce soit par la voie électorale est bien évidente : il faut gagner. Sans victoire électorale, rien n’est possible. Le problème est que dans un futur proche, aucun troisième parti n’a de chance de gagner. Le niveau de conscience politique n’est pas suffisamment élevé pour cela. En outre, les troisièmes partis sont particulièrement désavantagés dans notre pays en raison du système présidentiel. Dans cette situation, les directions établies des mouvements ouvriers, des Noirs et des femmes sont dans une impasse : ils ne peuvent rompre avec les démocrates avant que les conditions soient propices à ce qu’un troisième parti puisse faire des gains électoraux ; mais ils ne peuvent créer les conditions pour un troisième parti sans mettre de côté, probablement pour une période conséquente, leurs méthodes établies pour faire des gains par la voie électorale.
Ce n’est malheureusement pas du tout surprenant que des partisans parmi les plus sérieux d’une rupture vers un troisième parti au sein des directions établies de ces mouvements – notamment au sein du mouvement des femmes – se soient montrés beaucoup moins intéressés par « leur propre » parti du XXIe siècle que par les candidatures démocrates de Carole Moseley Braun, Barbara Boxer, et même Dianne Feinstein. Tout hypothétique renouveau du mouvement ouvrier, des mouvements sociaux et de la gauche, et tout projet de construire un nouveau parti à gauche des démocrates, dépendra d’une rupture – et d’une confrontation – avec les forces sociales et politiques qui sous-tendent le réformisme.
Traduit de l’anglais par Jonathan Martineau.
Notes
[1] Pour un examen sociologique et historique plus détaillé de cet argument, voir « The Paradox of Social Democracy: the American Case » in Mike Davis, Fred Pfeil, and Michael Sprinker (eds). The Year Left: an American Socialist Yearbook 1985. Vol. 1. Londres & New York: Verso. pp. 33-86 []
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Les violences masculines en question Violences, une affaire d’hommes ?

Tiré de NPA 29
50 000 féminicides par an sur la planète, 736 millions de femmes victimes de violences physiques ou sexuelles par leur conjoint ou un autre homme, le plus souvent un proche : coups, blessures, maltraitances, tentatives de viol, viols, meurtres… 58% des meurtres de femmes ont été commis par leur partenaire ou un membre de leur famille. En 2020, année où la pandémie du Covid 19 a favorisé une explosion des violences domestiques, 137 000 femmes ont été tuées (1). L'équivalent de villes comme Limoges, Amiens ou Clermont-Ferrand, qu'on aurait rayées de la carte en décimant la totalité de la population.
La prévalence des violences masculines contre les femmes est avérée partout dans le monde, sous toutes les latitudes, dans toutes les régions, toutes les classes sociales, toutes les cultures, quel que soit le contexte géopolitique dans lequel elle s'opère. Il s'agit d'un problème global et systémique qui ne peut être résolu sans une remise en question radicale du modèle patriarcal de nos sociétés, et sans une action collective qui implique les Etats, les institutions, les organisations de la société civile et les individus.
Vaste programme. Pourtant, la prolifération des guerres et des conflits aux quatre coins du globe, la généralisation des violences sexospécifiques subies par les femmes et les filles, en zone de conflits comme en temps de paix, appellent à prendre conscience de l'urgence. Car ce phénomène de discriminations d'un sexe par l'autre, de domination par la force et de subordination systémique d'une moitié de l'humanité, met en danger la société humaine tout entière.
Des violences physiques
« Le féminicide est, selon moi, l'exécution d'une femme parce qu'elle est une femme » explique l'historienne Christelle Taraud qui a dirigé Féminicides. Une histoire mondiale, l'ouvrage magistral pour lequel elle a réuni une équipe multidisciplinaire de plus de 130 expert.es et chercheur.es. Elle poursuit : « Le féminicide n'est jamais un acte spontané, il y a une très longue histoire de violence avant l'acmé de cette violence, qui est la destruction physique de la personne ».
A ce jour, le féminicide, crime systémique et sexiste n'est pas encore reconnu comme tel dans le Code pénal français.
L'éventail est large des violences physiques et sexuelles qui mènent au meurtre dans le continuum féminicidaire, cette « machine de guerre dirigée contre les femmes ». De la gifle au sur-meurtre (déchaînement de violences ante ou post mortem du meurtrier à l'égard de sa victime), on trouve de multiples déclinaisons. Observons en quelques unes.
Les mutilations génitales féminines sont présentées comme « culturelles » ou « cultuelles », alors qu'aucune religion n'a jamais prescrit aucune mutilation sexuelle de cette sorte. Le mariage forcé et les grossesses précoces favorisent les violences masculines dans un rapport de domination mentale et physique, a fortiori le mariage de petites filles à des hommes adultes.
La traite humaine en vue d'esclavage ou de prostitution concerne en grande majorité des femmes, lesquelles représentent 72% des victimes : elles sont les premières proies des trafiquants qui surveillent les routes de l'exil et de la migration où les femmes se jettent pour fuir la guerre, la pauvreté ou la désertification et le réchauffement climatique. Le viol de guerre est soit le fait d'individus s'appropriant le corps des femmes comme leur butin, soit le fait de chefs militaires ou de bandes armées qui décident de l'utiliser comme arme de guerre, pour humilier le peuple ennemi, engrosser les femmes, afin de le coloniser démographiquement, ou au contraire détruire leur appareil génital pour empêcher qu'il se reproduise et se perpétue. Le corps des femmes devient là encore le champ de bataille de guerriers, le champ des violences masculines.
L‘impact de ces violences physiques est énorme. Les victimes sont davantage susceptibles de souffrir de problèmes de santé chroniques, de douleurs : troubles gastro-intestinaux, troubles du sommeil, troubles de stress post-traumatique, problèmes de santé sexuelle et reproductive, grossesses non désirées, avortements clandestins, complications pendant la grossesse, etc.
Il existe tout un arsenal d'autres violences : psychologiques, économiques, institutionnelles.
Il n'y a pas que les violences physiques. Au-delà des coups, des viols ou des meurtres, il existe tout un arsenal de violences moins visibles mais qui font des dégâts considérables à long terme sur la vie des femmes et des filles.
Ce sont les violences psychologiques. Intimidations, manipulations, surveillance, menaces, humiliations, emprise, ou contrôle coercitif, minent durablement la santé émotionnelle et mentale et conduisent à la perte de confiance en soi, à la dépression, à l'isolement social, voire parfois au suicide.
Ce sont les violences économiques. Selon la Banque mondiale 2,4 milliards de femmes en âge de travailler ne bénéficient pas des mêmes droits économiques que les hommes. Outre les inégalités salariales constantes à des degrés divers dans l'ensemble des pays, les femmes victimes de violences sont souvent contrôlées par leur conjoint dans leur gestion de l'argent, quand elles ne sont pas carrément privées de leurs ressources. Par ailleurs, on sait que les femmes les plus pauvres ont deux à trois fois plus de risques de subir des violences physiques de leur conjoint.
Ce sont enfin les violences institutionnelles, les institutions n'étant pas décorrélées du système patriarcal qui les érige, et qu'elles nourrissent à leur tour. Deux milliards de femmes et de filles dans le monde n'ont ainsi accès à aucune forme de protection sociale, indique ONU Femmes. Elles font globalement face à une absence de protection et de justice dans les systèmes juridiques, médicaux et éducatifs. Elles représentent les deux tiers des personnes analphabètes et les filles ont un accès beaucoup moindre à la scolarité que les garçons.
Elles forment la moitié de la main d'œuvre agricole tout en produisent 60 à 80% de l'alimentation dans les pays en développement, mais sont moins de 15% des propriétaires des terres agricoles, car elles ne bénéficient pas du même accès que les hommes aux ressources productives et aux prêts bancaires. Quant à l'accès aux autorités de police et de justice, les violences conjugales restent très souvent minimisées si elles ne sont pas totalement ignorées, car considérées du domaine privé, dans de nombreux Etats.
Mieux vivre ensemble
Y a -t-il une place pour le droit face à cet océan d'injustices et de malheurs, qui repose sur la force du dominant socio-économique, sur les inégalités entre les sexes, sur des normes patriarcales, une culture du viol, une banalisation de la violence intériorisées par l'humanité dans son ensemble ?
Oui, envers et contre tout, si on regarde l'histoire.
Les législations ont globalement progressé dans la plupart des pays et les instruments de justice au plan national et international s'y sont adaptés.
Pour tous les Etats, le droit de vote des femmes est acquis, depuis les Néo Zélandaises en 1893 jusqu'aux Saoudiennes en 2015, sauf au Vatican qui commence toutefois à s'interroger. Une majorité des Etats a mis en place des mesures de protection et de pénalisation des violences contre les femmes, à l'instar de l'Espagne, pionnière en la matière avec sa loi-cadre de protection intégrale contre les violences conjugales votée en 2004 et complétée en 2017, ou le Mexique, pays gangréné par la violence maffieuse et les féminicides, qui a adhéré à de nombreux traités internationaux, a adopté des lois et a mis en œuvre des politiques publiques contre les violences faites aux femmes.
Toujours au niveau international, ONU femmes, entité dédiée spécifiquement, créée en 2010, pour mettre l'égalité femmes/hommes parmi les priorités des Etats, a poussé à l'adoption de nombreuses décisions et réalisé régulièrement des campagnes de sensibilisation contre ces violences.
Plus près de nous, l'Union Européenne (UE) a elle-même ratifié en juin 2023 la Convention d'Istanbul, précisément « Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique », le traité international le plus abouti en la matière, et a ainsi rejoint les 37 Etats l'ayant déjà adoptée, c'est-à-dire qui ont accepté de rendre des comptes pour sa mise en œuvre sur leur territoire. C'est une étape considérable, même si comme toujours les lois existent mais leur application concrète est plus difficile.
Aux efforts des autorités nationales et multilatérales s'ajoute la mobilisation des mouvements féministes et activistes voire leur pression sur les politiques.
Leur force est cruciale et se propage toujours largement au-delà des frontières nationales qui l'ont vu naître : du mouvement des Suffragettes dans les premières années du 20ème siècle pour le droit à la citoyenneté et au vote des Européennes, au mouvement #metoo parti des Etats-Unis puis autour du globe via le cinéma contre les violences sexistes et sexuelles, en passant par le collectif argentin « Ni una menos » ( pas une de moins) en 2015 et 2016 contre les féminicides qui s'est propagé dans toute l'Amérique latine en Uruguay, au Pérou, au Chili, et au-delà en Espagne. Les mouvements féministes et citoyens ont su réveiller les consciences et contribuer à la mise en place de politiques publiques ambitieuses pour contrer ces violences masculines.
La force de cette société civile citoyenne, féministe, peut devenir une dynamique puissante, irrépressible. Si elle est capable de rallier autant d'hommes que de femmes aux valeurs humanistes d'égalité et de justice qu'elle porte, alors elle sera capable d'éradiquer le fléau des violences liées à une certaine idée de la masculinité. Et de changer le monde. Chiche ?
Jocelyne Adriant-Metboul 50-50 Magazine
1 Sources : Organisation des Nations Unies (ONU, ONU Femmes), Organisation Mondiale de la Santé (OMS), Banque mondiale, OCDE, ONG humanitaires, « Le féminicide, une histoire mondiale » de Christelle Taraud.
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Quelles modalités de fonctionnement ont été favorisées dans les débats sur les statuts ?

Le dernier congrès de Québec visait une réforme majeure des statuts. Le cahier synthèse qui présentait les propositions et les amendements des associations aux instances de Québec solidaire couvrait plus de 80 pages.
Deux journées très chargées d'un congrès tenu par vidéoconférence et qui a été un véritable marathon de votes. Les pouvoirs, la composition, et les modes d'élection des différentes instances de direction (congrès, Conseil national, Comité de coordination nationale), le mode d'élection des porte-paroles et leurs mandats, la parité des investitures, l'utilisation de référendums internes, les pouvoirs des associations locales, les structures à mettre en place dans les régions, les instances de mobilisation sectorielles à mettre en place, l'organisation de la formation, la place des collectifs politiques existant dans le parti, voilà l'ensemble des sujets qui ont débouché sur une redéfinition du mode de fonctionnement de Québec solidaire. Sans compter que ce congrès devait élire sa nouvelle porte-parole femme en la personne de Ruba Ghazal, le tout dans un contexte où l'un de ses députés, Haroun Bouazzi, faisait face à une tempête médiatique suite à ses interventions sur la responsabilité de l'Assemblée nationale quant à la place définie pour les communautés racisées dans la société québécoise.
Dans cette multiplication des débats et des orientations, nous n'aborderons que les points qui nous semblent les plus essentiels afin de déterminer la logique sous-jacente aux choix faits par la majorité et quelles ont été les critiques développées par une minorité concernant ces choix.
Élection au suffrage universel des porte-paroles et de membres de la Coordination nationale
L'élection des porte-paroles du parti au suffrage universel des membres a été largement adoptée et inscrite dans les statuts du parti. Les arguments avancés visaient à démontrer que cela élargissait la démocratie au sein du parti, en appelant tous les membres de QS à voter pour leurs porte-paroles, et que cela favorisait également la mobilisation et l'implication dans des activités du parti.
La minorité analysait pour sa part que l'élection au suffrage universel diminuera l'importance de la démocratie délibérative en affaiblissant l'importance et la pertinence de la confrontation des idées. Les membres qui ne participeraient pas aux débats autour de ces élections n'auraient comme vision, pour guider leur choix, que la seule notoriété des candidats et des candidates.
La désignation d'un chef ou d'une cheffe au sens de la loi électorale
Depuis sa naissance, Québec solidaire a choisi pour des raisons démocratiques et féministes, d'écarter l'élection d'un chef ou d'une cheffe et d'élire à la place un porte-parole homme et une porte-parole femme. Il et elle avaient comme fonction non pas de s'instituer comme dirigeant-es du parti, mais de relayer les positions adoptées par les membres du parti. Mais le président des élections du Québec n'a jamais voulu reconnaître cette réalité et la course aux porte-paroles ne pouvait en conséquence être financée comme c'est le cas pour les courses à la chefferie dans les autres partis politiques. Le retour de l'élection d'un chef ou d'une cheffe répondait, pour la proposition majoritaire, à un pragmatisme de bon aloi affirmant que l'on pourrait ainsi bénéficier de fonds publics et que cela ne remettait pas véritablement en cause le fonctionnement avec des porte-paroles.
Pour la minorité, cette proposition, motivée par des raisons essentiellement économiques, aura des effets politiques évidents car elle constitue une rupture avec le mode de fonctionnement établi et défendu dans les médias comme étant un mode de fonctionnement démocratique et féministe. La perception des grands médias et des autres partis politiques conduira inévitablement à une série de pressions pour que ce chef ou cette cheffe élue ait les mêmes prérogatives que ceux et celles des autres partis politiques. Ces préoccupations manifestées n'ont pas eu le poids nécessaire pour écarter l'option d'élire dorénavant un ou une cheffe afin de respecter les obligations de la loi électorale permettant un financement.
La définition d'un Conseil national plus petit et plus agile réduisant la représentation des membres
La principale discussion sur le Conseil national concernait l'importance numérique de l'instance et la nature des délégations au conseil. Le comité de révision des statuts et le Comité de coordination nationale proposaient d'élire deux délégué-es par association locale ; deux par association de campus, un-e par Comité d'action politique, etc. L'ensemble des propositions visait à assurer un Conseil national plus stable, plus petit et plus agile. La proposition sur le Conseil national a été adoptée par une forte majorité.
Mais la prise de position de ne pas donner une représentation proportionnelle au nombre de membres d'une association locale par volonté d'agilité représente, pour la minorité, un danger : celui de nuire à la diversité des positions et des sensibilités pouvant se retrouver au Conseil national. Un Conseil national (CN) plus petit et ne tenant aucun compte de l'importance de l'implantation des associations locales risque de devenir un Conseil national homogène, ne permettant pas de refléter les différentes orientations présentes dans le parti et il pourrait de ce fait affaiblir la richesse des débats et des décisions qui en découlent.
Les référendums, utilisés comme moyen de trancher les débats
L'utilisation de référendums pour trancher les débats a été adoptée par une large majorité. Deux-tiers des délégué-es ont en effet voté pour intégrer cette proposition aux statuts. La proposition visant à ce que la décision d'un référendum soit entérinée par le congrès a aussi rejetée. Seule la proposition contestant la possibilité pour le CCN de mettre lui-même en œuvre un référendum a été contestée par une partie significative de la délégation, mais cette contestation n'a pas su rallier la majorité des délégué-es.
L'argument de la majorité de la délégation au congrès, c'est que la tenue de référendums dans les débats politiques constitue un élargissement de la démocratie dans les débats et permettrait de favoriser la mobilisation des membres autour de ces débats.
Pour l'opposition à cette proposition, un référendum diminue le poids des assemblées générales délibératives. Il ne permet pas de débattre avec l'ensemble des membres de manière approfondie des enjeux d'une décision politique, de soupeser réellement les options à partir d'échanges concrets et d'enrichir par des textes alternatifs ou des amendements la décision des membres. Une réponse binaire, comme celle qui émerge forcément d'un référendum, peut conduire à un appauvrissement dangereux de la clarté de la décision et conduire à la confusion si on lui agrège une série de positions contradictoires. Il constitue une dangereuse remise en question de la démocratie délibérative. Les délégué-es favorables au rejet de l'utilisation des référendums ont souligné que c'était donner la priorité à une démocratie formelle au lieu d'une démocratie véritablement participative. Faire voter les membres les moins impliqué-es dans la vie militante du parti c'est non seulement marginaliser les débats véritables, mais c'est aussi donner du pouvoir aux secteurs les moins impliqués dans la vie militante du parti. L'introduction de cette proposition permettra sans doute à la direction de faciliter la gestion des divergences, mais ne permettra pas de construire un parti capable de résister aux pressions sociales.
La disparition des associations régionales
Une association régionale était jusqu'à maintenant « composée de toutes les personnes membres résidant dans la région représentée par l'association » (selon les anciens statuts nationaux). Elle est remplacée par un Comité de concertation régionale regroupant « des représentantes et représentants des associations locales et de campus d'une région et la représentation régionales des femmes de la Commission nationale des femmes ». Cette proposition a été largement soutenue, soit par 80% des personnes déléguées. Les difficultés de fonctionnement de plusieurs associations régionales et les énergies militantes mobilisées par le maintien de cette structure ont été les principaux arguments de la majorité de la délégation sur cette question.
Pour la minorité, qui soit souhaitait se donner du temps pour faire un bilan sérieux sur les associations régionales, soit qui en voyait la pertinence, un simple comité provenant des associations locales, la disparition d'une assemblée générale des membres et la fin de la possibilité d'avoir une délégation régionale aux différentes instances du parti constituait un recul important de la vie démocratique du parti. La dévitalisation des associations régionales a été parfois vécue comme effet de la centralisation au niveau national de l'ensemble des initiatives et campagnes du parti. De plus, selon la minorité, il était nécessaire de maintenir un lieu de discussion de ces problèmes dans des assemblées générales de militant-es regroupant différentes associations afin d'en faire un lieu d'élaboration du travail politique et des campagnes qui doivent y être menées. Cette minorité convenait également qu'il était nécessaire de redéfinir le rôle et les responsabilités des associations régionales afin de leur permettre de « planifier et de mettre à exécution des plans de mobilisations et des campagnes régionales ». Cette décision, pour la minorité, va clairement à l'encontre d'un véritable processus de décentralisation des capacités d'initiatives du parti. Le débat méritait selon elle d'être poursuivi.
La fusion des Réseaux militants avec les commissions thématiques dans les comités d'action politiques
La fusion des réseaux militants (rme, rme, rsi, rj) et des commissions thématiques a été largement soutenue, soit par 79% de la délégation. Une partie significative de la délégation (31% contre 58%) aurait souhaité un dépôt à date fixe de cette proposition, pour poursuivre la discussion à cet égard. Mais pour la majorité des délégué-es du congrès, les militant-es des réseaux pourraient poursuivre le travail dans un nouveau cadre et collaborer ainsi avec les militant-es des commissions thématiques. Cela s'avérait d'autant plus nécessaire que nombre de ces commissions thématiques battaient de l'aile et que cette fusion permettrait de regrouper les forces militantes.
Pour la minorité, cette fusion faisait fi de la réalité des réseaux militants qui avaient une personnalité propre et étaient l'œuvre d'un travail assidu et conséquent. Maintenant, la proposition adoptée affirme que « le nombre et le nom des comités politiques d'action politique et leurs responsabilités sont définis par une Politique concernant les comités d'action politique et la Commission politique. Cette politque est adoptée et mise à jour par un Conseil national (article 16.1) et chaque comité d'action politique est animé par un comité de coordination paritaire composé d'au moins deux personnes. » (article 16.2). L'ancien article 15 affirmait que pour être reconnu, un réseau militant devait « regrouper au moins vingt membres du parti dans au moins deux régions... » Même si le rôle des nouveaux Comités d'action politique parle de combiner la mobilisation et l'élaboration, nous faisons face à une proposition qui favorisera la centralisation, marginalisant les assemblées générales des réseaux. D'autre part, la fusion des commissions thématiques avec les réseaux militants n'aidera pas à dépasser les difficultés de ces derniers. Les mandats des commissions thématiques auraient dû être redéfinis, car leur fonction était de soutenir le travail l'élaboration du programme du parti. Il faut maintenant que ces commissions thématiques se voient confier le mandat d'analyser différents enjeux sociaux et d'accumuler de l'expertise à cet égard. Les bilans réels tant des réseaux que des commissions thématiques n'ont pas été réalisés. La Politique concernant les comités d'action politique n'est pas encore définie. Elle le sera par un prochain Conseil national. Ici encore, la précipitation a prévalu.
Des gains importants, mais qui n'effacent pas l'importance des reculs au niveau de la démocratie délibérative et participative
La création d'un comité national des personnes racisées et la présence de deux personnes racisées aux comités de coordination nationale, le renforcement de la démarche féministe dans le choix des investitures, la création d'un poste au CCN d'un responsable à la solidarité internationale et hors Québec ayant comme tâche « d'entretenir des liens avec les mouvements sociaux progressistes hors Québec et au niveau international, le maintien des collectifs définis sur des orientations politiques, ce sont là des gains importants mais qui ne remettent nullement en cause l'orientation générale qui s'est imposée dans le congrès.
Une résolution d'urgence en appui à Haroun Bouazzi
Enfin, le congrès s'est conclu autour d'un important débat d'une résolution d'urgence sur les attaques menées contre le député Haroun Bouazzi. Dans cette résolution d'urgence (voir l'article Soyons solidaires du député solidaire Haroun Bouazzi), le congrès de Québec solidaire a réaffirmé son engagement à lutter contre le racisme. Cette résolution rappelle que des partis politiques multiplient les discours pour imputer aux personnes immigrantes la responsabilité de tous les maux qui affectent la société québécoise : le manque d'accessibilité au soin de santé, la crise du logement, la détérioration des services publics, etc. L'utilisation de cette rhétorique stigmatise les personnes immigrantes et nourrit la xénophobie et le racisme. Les propos d'Haroun Bouazzi ne faisaient que rappeler ces pénibles réalités. C'est pourquoi, dans sa résolution, QS se solidarise avec ce qu'a voulu dire notre député. Les délégué-es ont bien compris que ce qui est en jeu, ce n'est pas la caractérisation des idées et des comportements des député-es de l'Assemblée nationale mais bien le refus de faire de groupes de personnes qui participent à la construction de notre société les boucs émissaires des difficultés auxquelles la société québécoise doit faire face.
Conclusion
Le foisonnement des propositions et des amendements discutés mériterait un examen plus approfondi. Mais les résultats des décisions prises au congrès et les pertes encourues sont clairs :
• affaiblissement des instances délibératives (congrès, conseil national) avec l'introduction des votes au suffrage universel pour l'élection des porte-paroles et l'utilisation de référendums pour trancher les débats. Ces deux mesures vont affaiblir le poids du congrès et la diversité des positions pouvant s'y exprimer ;
• centralisation du parti avec la disparition des associations régionales ;
• encadrement étroit des structures de mobilisation comme les réseaux militants fusionnés avec les commissions thématiques dans des Comités d'action politique, placés sous le contrôle de la commission politique.
Tout cela s'est fait en privilégiant l'efficacité, l'agilité et la démocratie formelle. Voilà des choix qui, nous le craignons, risquent d'entamer la vitalité de Québec solidaire, malgré la volonté d'une majorité qu'il en soit autrement.
À l'heure où Québec solidaire entreprend un large débat sur la définition de son programme, cela appelle les militant-es à exercer leur vigilance sur les choix qui seront faits et qui permettront, soit de répondre aux défis de la période d'offensive de la classe dominante et de la polycrise économique et climatique, soit de s'adapter aux aléas d'un électoralisme sans issue.
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Une défaite principielle cachée par une manœuvre petite-politicienne
Les racistes du Québec — devrait-on employer l'expression euphémique ‘identitaires s'exprimant en langage codé (dog-whistle)' — seront rassurés que le congrès Solidaire ait voté à une forte majorité « que QS ne soutient pas et n'a jamais soutenu que l'Assemblée nationale et ses membres sont racistes » tout en noyant le poisson dans une résolution pleine de bonnes intentions. Si ni le Premier ministre ni le chef du PQ ne peuvent être traités de racistes quand ils blâment l'immigration pour tous les péchés d'Israël, alors personne au Québec, sauf l'extrême-droite franche et avouée, ne peut l'être. Voilà rassuré le peuple québécois qu'on engonce dans le mensonge systémique. Québec solidaire pourra-t-il ensuite pourfendre la CAQ de ne pas reconnaître le racisme systémique ?
C'est ce que ressent une membre racisée de longue date du parti :
Pourquoi je ne me reconnais plus dans Québec Solidaire ?
J'ai commencé mon militantisme politique en 2003 avec l'Union des Forces Progressistes (UFP), l'ancêtre de Québec Solidaire. […] Ensemble, nous avons résisté à des initiatives discriminatoires, comme la Charte des valeurs du Parti Québécois, et défendu un Québec multiple, accueillant et solidaire. […]
Le désamour s'installe. […]
…une série d'événements a ébranlé ma foi dans ce parti. […] Ma première désillusion est survenue avec la dissolution du Collectif antiraciste décolonial, dont je faisais partie. [De dire une dirigeante du Collectif ] : « Le message clair que ça envoie, c'est que les personnes racisées, les personnes issues de l'immigration, les militantes et militants antiracistes ne sont pas, en fait, les bienvenu·es au sein de ce parti, à moins qu'elles se conforment à la place qu'on leur impose. »
Pour beaucoup d'entre nous, racisé·es, Québec Solidaire avait représenté une alternative au Parti Québécois de la Charte des valeurs et de « l'argent et le vote ethnique ». Nous avions trouvé un espace où nous étions respecté·es et, parfois, protégé·es du racisme ambiant. Cette rupture a été un coup dur.
Des déceptions en série
Malgré cette première désillusion, je suis resté fidèle à QS, car il restait le parti qui représentait le mieux mes idées. Mais le départ d'Émilise Lessard-Therrien et les tentatives de recentrage du parti sous Gabriel Nadeau-Dubois ont accentué mon malaise. On semblait vouloir me retirer tout ce qui me rattachait encore à QS.
Les récentes attaques d'Israël contre la Palestine et le Liban ont été un autre point de rupture. J'espérais voir Québec Solidaire, à l'image de La France Insoumise, dénoncer avec force le génocide en cours. Quelques apparitions timides, notamment de Haroun Bouazzi lors de manifestations pro-palestiniennes, ont laissé un espoir fragile. L'élection de Ruba Ghazal, enfant de la Nakba, comme co-porteparole aurait dû marquer un tournant. Mais juste avant son élection, Haroun Bouazzi a dénoncé le racisme systémique à l'Assemblée nationale, et j'ai vu mon parti, d'une seule voix, le désavouer. […]
Comme un train en cache un autre, ce désaveu réellement existant de l'antiracisme entraîne la promotion d'un nationalisme de gauche… identitaire comme l'exprime un autre militant de longue date du parti :
Commentaire sur l'entrevue de Ruba Ghazal à Tout le monde en parle sur le nationalisme de gauche
Je suis resté sur mon appétit au sujet de la conception du nationalisme identitaire de droite mis en opposition au nationalisme inclusif identitaire de gauche de Ruba Ghazal à Tout le monde en parle.
Pour moi, ça toujours été clair.
Le nationalisme de gauche, c'est d'abord prendre soin de la nation.
Pour ce faire, il faut revoir la fiscalité en imposant les plus riches pour redistribuer la richesse ; créer de nouvelles sociétés d'État comme une banque nationale d'État et nationaliser certains secteurs de l'économie comme certaines richesses naturelles afin d'augmenter les revenus de l'État pour améliorer nos services publics. Ce qui à mon sens dépasse de beaucoup le nationalisme identitaire d'inclusion de gauche.
La véritable inclusion commence par lutter contre les inégalités sociales en augmentant des revenus de l'État pour tous les Québécois quelques soient leurs origines. Ce commentaire ne constitue pas tant une critique qu'une contribution à une conception plus large du nationalisme de gauche qui se limiterait à opposer le nationalisme inclusif de gauche au nationalisme identitaire de droite.
On a peine à croire que la gauche critique du parti se soit laissée manœuvrer par le Comité de coordination nationale qui lui a fait pendre au bout du nez l'éternel argument de l'unité du parti. Est-ce que le racisme tordu de la CAQ et du PQ combiné à l'antiracisme de façade de Québec solidaire (et des Libéraux) sont en mesure d'unifier le peuple de plus en plus pluriel du Québec ? Est-ce que les manœuvres petite-politiciennes qui mènent à des résolutions qui parlent des deux côtés de la bouche en même temps vont raffermir le peuple québécois pour contrer la croisade à laquelle la CAQ l'invite contre la prétendue invasion immigrante, un deuxième Chemin Roxham de clamer le Premier ministre, provoquée par Trump ?
Ces manœuvres ne sont utiles qu'à l'aile parlementaire afin de faire à sa tête, même à humilier son député, quitte à se foutre du congrès comme de l'an quarante. Le divorce entre la militance du parti et son aile parlementaire n'aura jamais été si profond et si visible. Ce gouffre, l'aile parlementaire l'a compris depuis le début de la pandémie où les instances nationales à distance l'avaient malmenée. Elle a par la suite découvert que les zoom (et les réseaux sociaux) lui permettaient, pardessus les instances locales, un contact direct avec les membres dont l'adhésion au parti repose essentiellement sur le filtre médiatique sans pratique de débat interne. Pour boucler la boucle, cette aile vient de réussir une modification cruciale aux statuts stipulant que les porte-parole et, enfin diront les électoralistes et les grands médias, un chef qui seront élus au suffrage universel de tous les membres, contournant ainsi l'agaçante militance en congrès, avec à l'avenant des référendums sur n'importe quelle question jugée pertinente par la direction.
Une politique de gauche migratoire concrètement internationaliste prépare l'accueil des vagues migratoires qui s'annoncent pour cause de politique climatique à la dérive et des guerres qui s'ensuivent sur fond d'un néolibéralisme qui s'extrêmedroitise. Elle le fait en créant des centaines de milliers d'emplois dans nos services essentiels tant publics que privés qui en manquent terriblement. Elle le fait en dotant le Québec d'une politique de logements sociaux écoénergétiques marginalisant ceux privés. Elle le fait en mettant fin à la pseudo-civilisation consumériste du bungalow et du char. Elle le fait en transformant l'agro-industrie en agriculture biologique.
Voilà autant de défis que l'ardeur des nouveaux arrivants saura relever en autant qu'iels soient généreusement accueillis par une planification en conséquence. Celle-ci commande un gouvernement ‘à gauche toute' mobilisant le peuple travailleur du local au national autant pour la gouvernance de la nation que pour la réalisation du plan.
Marc Bonhomme, 20 novembre 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca
Tout comprendre sur le retour au travail forcé dans les ports

Le projet d’une société égalitaire passe inévitablement par le combat contre le racisme systémique

La question du racisme systémique soulevé par Haroun Bouazzi a été l'éléphant dans la pièce durant le congrès. Plusieurs assos avaient envoyé une résolution d'appui envers Haroun. Lors du congrès nous avons travaillé de façon consensuelle afin de s'assurer qu'elle soit adoptée. Le résultat final n'était pas exactement ce que nous souhaitions avec l'ajout du quatrième paragraphe, mais nous avons appuyé la résolution parce qu'elle donnait le mandat de soutenir Haroun et était suffisamment claire dans la dénonciation de l'instrumentalisation dont sont victimes les personnes immigrantes.
Dans sa résolution d'urgence, le congrès de Québec solidaire a réaffirmé son engagement à lutter contre le racisme. Cette résolution rappelle que des partis politiques multiplient les discours pour blâmer les personnes migrantes de tous les maux de la société québécoise : le manque d'accessibilité au soin de justice, la crise du logement, la détérioration des services publics… L'utilisation de cette rhétorique stigmatise les personnes immigrantes et nourrissent la xénophobie et le racisme. Les propos d'Haroun Bouazzi ne faisaient que rappeler ces pénibles réalités. C'est pourquoi la résolution se solidarise avec ce qu'a voulu dire notre député.
Résolution d'urgence CCN
Que le Congrès
Réaffirme son engagement historique et fondamental dans la lutte contre le racisme systémique, la haine et toutes les formes d'intolérance ;
Dénonce l'instrumentalisation injustifiée dont sont régulièrement victimes les personnes immigrantes notamment dans le cadre des débats entourant la crise du logement, l'emploi, l'accès aux services publics et la place du français au Québec, et continue à mettre en lumière les causes véritables de ces enjeux de société en proposant des solutions concrètes ;
Condamne fermement les menaces, la violence et la campagne de diffamation dirigée contre le député Haroun Bouazzi et lui offre son soutien face à ces circonstances ;
Affirme clairement et sans ambiguïté que QS ne soutient pas et n'a jamais soutenu que l'Assemblée nationale et ses membres sont racistes et réitère qu'il ne s'agit pas de la position du parti.
Selon l'entourage d'Haroun, la question n'était pas tant de sauver la face mais de considérer quelle sera la réaction des populations racisées face à cette déclaration. Vont-elles sentir que QS est le parti qui les défend et est préoccupé par le phénomène de construction de l'autre comme l'a si bien dit Haroun.
Haroun n'a pas eu l'appui escompté normalement par le caucus parlementaire de QS. Sa faiblesse à défendre Haroun, en fait le caucus l'a aussi condamné dans une bonne mesure, ce qui a certainement encouragé cette droite péquiste et caquiste. Peut-être aurait-elle été dans le même sens quand même mais, le caucus aurait dû défendre leur camarade devant cette offensive et garder leurs critiques à l'interne. La sortie publique de Christine Labrie contre Haroun est inacceptable et contraire à la résolution à laquelle nous avons travaillé au congrès et qui a été adoptée. Les députéEs sont redevables au parti, s'ils et elles ont éluEs c'est qu'ils et elles étaient sous la bannière de QS.
Une lettre d'appui a circulé et a été envoyée à la députation
À Roxane Milot, présidente de Québec solidaire,
Au caucus de Québec solidaire,
« Tout d'abord, nous tenons à féliciter la présidente Roxane Milot pour les efforts déployés lors du congrès, où elle a su présenter et faire adopter une résolution avec une forte majorité, en prenant l'engagement formel d'assurer l'unité du parti et du caucus afin de sortir de la crise actuelle renforcé.e.s. Nous estimons qu'il est impératif de respecter l'esprit de cette résolution pour poursuivre notre travail commun et avancer dans la réalisation du projet solidaire.
C'est dans cette perspective que nous exprimons notre stupéfaction d'apprendre aujourd'hui, dans les médias, que plusieurs député.e.s du caucus de Québec solidaire envisageraient la suspension du député Haroun Bouazzi. Une telle démarche ne peut être justifiée, que ce soit sur le plan éthique ou politique.
En effet, une telle démarche va à l'encontre de l'esprit de la résolution adoptée et de la volonté démocratique des membres, tout en remettant en question les principes fondamentaux de solidarité et de justice qui sont au cœur de notre mouvement. Revenir en arrière et suspendre Haroun Bouazzi, c'est ne pas respecter l'engagement de la présidente et s'affranchir de la décision du congrès, instance suprême du parti. Il est essentiel de préserver l'unité et la cohésion au sein de nos rangs. Toute tentative de diviser les voix et de remettre en cause les décisions collectives risque de fragiliser la confiance des membres et d'affaiblir notre mouvement.
Nous vous appelons donc à exprimer votre soutien à Haroun Bouazzi et à démontrer que Québec solidaire est un parti qui reste fidèle à ses valeurs ainsi qu'à ses engagements, même face à l'adversité. »
L'assemblée nationale
Selon le Journal de Québec, « Haroun Bouazzi a donc dû écouter les doléances de ses adversaires politiques durant près d'une demi-heure au Salon rouge, une situation jamais vue. Il a encaissé le tout en gardant les yeux rivés sur l'écran de son iPad.
À ses côtés, la plupart des élus solidaires sont demeurés stoïques, alors que caquistes, libéraux et péquistes ne rataient pas une occasion de se lever pour applaudir chaudement.
Seule la députée solidaire Christine Labrie s'est fait un point d'honneur d'applaudir après chaque intervention contre son collègue, tout en demeurant assise. Plus tôt dans la journée, elle avait clairement fait connaître son désaccord avec ses propos. » Paradoxalement c'est elle que Haroun Bouazzi avait appuyée lors de la course au poste de porte-parole féminin.
Des appuis qui désavouent une offensive bien orchestrée
Toute cette histoire a été orchestrée en bonne partie par le Journal de Montréal qui a publié l'information concernant l'événement du Gala du Club Avenir deux semaines plus tard à la veille du congrès de QS, jusque-là personne ne s'en était offusqué. Rabah Moulla indiquait que parmi les députés qui accablent publiquement Haroun Bouazzi, il y a le député du PLQ, Moncef Derraji qui va sans doute déposer une Motion contre lui, aujourd'hui le 20 novembre. Or, comme Haroun, il était invité au Gala du Club Avenir le 02 novembre et a donc écouté en direct l'intervention du député QS. Pourquoi n'a-t-il rien dit entre cette date et le jeudi 14, jour où le Journal de Montréal a consacré un article à cette affaire ?
Selon Jonathan Durand-Folco, « tout se passe comme si le racisme systémique, qui peut potentiellement se manifester dans n'importe quelle institution (police, éducation, système de santé, médias, etc.) ne pouvait pas absolument pas exister au sein de l'Assemblée nationale. C'est tout simplement impensable. Le parlement serait une institution sacrée, surhumaine, immunisée contre ce mal absolu, comme si le racisme ordinaire et inconscient ne pouvait pas s'y retrouver, comme dans le trou d'un cyclone. »
France-Isabelle Langlois, directrice-générale d'Amnistie internationale Canada, a soutenu Haroun et mis en évidence comment cette controverse s'inscrit dans une dynamique sociopolitique plus large à l'échelle internationale : « Les constats de M. Haroun Bouazzi décrivent une réalité préoccupante qu'Amnistie Canada a maintes fois dénoncée. Un discours de plus en plus présent et décomplexé blâmant les personnes migrantes pour tous les maux de la société. Un discours de fermeture, opposant le nous aux autres. Plusieurs élu·e·s sont les leaders de ce discours, c'est aussi un fait. Un discours qui s'inscrit dans une tendance mondiale de fond, où des mouvances, des partis politiques et des personnalités politiques de droite et d'extrême-droite, ouvertement sexistes, sinon misogynes, racistes et xénophobes ont le vent dans les voiles. Un discours qui est simplement repris comme étant valable, une opinion, une pensée parmi tant d'autres. C'est cette réalité qui devrait nous alarmer au plus haut niveau, d'autant qu'elle rappelle une période parmi les plus sombres de l'humanité. Elle doit être décrite et dénoncée. Les tirs groupés contre M. Bouazzi s'apparentent à tirer sur le messager, celui qui avertit du danger que nous ne voulons ni voir ni entendre. »
Le député fédéral du NPD Alexandre Boulerice, s'est exprimé sur le harcèlement contre Haroun Bouazzi. Il explique qu'il y a du racisme partout, que des politiciens québécois utilisent les immigrants comme boucs émissaires et cite les propos du premier ministre et du ministre Jean Boulet, les immigrants refusent de travailler et d'apprendre le français. Alexandre Boulerice indique que si on n'a pas construit de logements sociaux depuis trente ans et qu'il manque maintenant de logements ce n'est certainement pas pas à cause des immigrants.
Jean Boulet avait déclaré que 80 % des nouveaux arrivants ne travaillent pas, ne parlent pas français ou n'adhèrent pas aux valeurs. Or François Legault avait lui-même alimenté une controverse sur l'immigration, en affirmant que « ce serait un peu suicidaire » d'accueillir plus de 50 000 nouveaux arrivants par année. Il avait à l'époque indiqué que Jean Boulet avait fait une « erreur de jugement ».
La ligue des droits et liberté s'est dit également consternée par la vague d'indignation, d'intimidation et de réactions outragées qui s'est abattue sur Haroun Bouazzi, député de Québec solidaire dans Maurice-Richard, à la suite de ses propos sur le phénomène du racisme et de la construction de l'Autre à l'Assemblée nationale. Les porte parole Maryève Boyer,Sam Boskey et Laurence Guénette ont exprimé être hautement préoccupés par le racisme systémique, la LDL observe une tendance à l'exacerbation des discours nationalistes identitaires très inquiétante ces années-ci. Non seulement le gouvernement en place refuse obstinément de reconnaître l'existence du racisme systémique au Québec, mais certains élus attribuent à tort à l'immigration une multitude de maux sociaux.
Quelques faits
𝐋'𝐚𝐜𝐭𝐮𝐚𝐥𝐢𝐭𝐞́, 𝟑𝟏 𝐣𝐚𝐧𝐯𝐢𝐞𝐫 𝟐𝟎𝟐𝟒 : « Avec la crise du logement qui ne cesse de prendre de l'ampleur, le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, affirme qu'il est nécessaire de réduire, non seulement les seuils d'immigration permanente, mais également le nombre d'immigrants temporaires. »
𝐋𝐚 𝐏𝐫𝐞𝐬𝐬𝐞, 𝟕 𝐦𝐚𝐢 𝟐𝟎𝟐𝟒 : « Le gouvernement du Québec persiste et signe : le futur musée ne sera pas consacré à l'histoire du Québec, mais plutôt à celui de la nation québécoise, qui est distincte des Premières nations. »
𝐋𝐞 𝐉𝐨𝐮𝐫𝐧𝐚𝐥 𝐝𝐞 𝐐𝐮𝐞́𝐛𝐞𝐜, 𝟏𝟎 𝐣𝐮𝐢𝐧 𝟐𝟎𝟐𝟒 : « François Legault estime que 100% du manque de logements vient directement de l'augmentation du nombre de nouveaux arrivants ayant un statut temporaire, incluant les demandeurs d'asile. »
𝐑𝐚𝐝𝐢𝐨-𝐂𝐚𝐧𝐚𝐝𝐚, 𝟐 𝐨𝐜𝐭𝐨𝐛𝐫𝐞 𝟐𝟎𝟐𝟒 : « De passage en France pour une mission diplomatique, M. Legault a déclaré pour la première fois, à la fin d'une mêlée de presse avec des journalistes québécois, que ces transferts de migrants vers d'autres provinces canadiennes devraient selon lui être "obligatoires." ».
𝐑𝐚𝐝𝐢𝐨-𝐂𝐚𝐧𝐚𝐝𝐚, 𝟐𝟏 𝐨𝐜𝐭𝐨𝐛𝐫𝐞 𝟐𝟎𝟐𝟒 : « En s'appuyant sur le cas de l'école Bedford, le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, affirme qu'il y a de "l'entrisme religieux et idéologique" dans les établissements scolaires du Québec et veut que la laïcité soit renforcée pour le contrer. »
𝐋𝐞 𝐉𝐨𝐮𝐫𝐧𝐚𝐥 𝐝𝐞 𝐐𝐮𝐞́𝐛𝐞𝐜, 𝟐𝟖 𝐨𝐜𝐭𝐨𝐛𝐫𝐞 𝟐𝟎𝟐𝟒 : « Une immigration massive nuit à la natalité au Québec, selon le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, qui suggère une baisse drastique du nombre de nouveaux arrivants. »
Période de motions à l'Assemblée nationale contre le député Haroun Bouazzi
Le 18 novembre dernier, à l'Assemblée nationale du Québec, cette période de motions de la CAQ, du PLQ et du PQ a constitué un véritable hallali contre un député anti-raciste, Haroun Bouazzi. Pour mémoire. (Extrait de la vidéo produite par le Service numérique de l'Assemblée nationale.).
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