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Québec Solidaire à la croisée des chemins ?

8 octobre 2024, par Jean-François Delisle — , ,
On peut se poser la question non sans inquiétude. D'un sondage à l'autre, le parti piétine entre 14% et 17% des intentions de vote depuis 2022. Il est enfermé dans un ghetto (…)

On peut se poser la question non sans inquiétude. D'un sondage à l'autre, le parti piétine entre 14% et 17% des intentions de vote depuis 2022. Il est enfermé dans un ghetto électoral de gauche, ce qui limite son audience auprès d'une majorité de l'électorat. Après avoir connu une montée prometteuse, il plafonne.

Qu'on en juge par sa trajectoire électorale. En 2007, il recueille 3.6% des voix et ne fait bien entendu élire aucun député. L'année suivante, il piétine avec 3.7% des votes mais, surprise !, il réussit à faire élire un député, Amir Khadir. En 2012, il grimpe (modestement) à 6.3% des voix mais cela permet à Françoise David de faire son entrée à l'Assemblée nationale, qui se joint donc à son collègue Khadir. En 2014, Québec solidaire demeure plus ou moins au même point avec 7.6% des voix mais augmente sa députation à trois élus.

C'est en 2018 que se produit le "grand bond en avant" : Québec solidaire rafle alors 16% des votes et gradue à dix élus. En 2022, son appui électoral baisse un peu (15.4%), mais grâce à la répartition de son vote, il hisse à la dignité parlementaire douze députés.

Mais depuis, les sondages indiquent qu'il ne parvient pas à dépasser les 20% des 'intentions de vote, la "zone payante" en termes de nombre d'élus.

Le Parti québécois, lui, suit une trajectoire inverse : en 2012, il fait élire Pauline Marois à la tête d'un gouvernement minoritaire avec 31.9% des voix et cinquante-quatre sièges. En 2014, il baisse à 25% mais conserve tout de même trente élus. En 2018, c'est l'effondrement avec 17,6% d'appuis et dix députés. Finalement en 2022, il baisse encore à 14,6% des votes et seulement trois députés.

Un sondage réalisé peu avant le déclenchement du dernier scrutin ne lui accordait que 9% d'intentions de vote. Mais le dynamisme du nouveau chef Paul Saint-Pierre Plamondon (PSPP) lui a permis de remonter quelque peu la pente et de talonner au final Québec solidaire (14,6% pour le PQ contre 15,4% pour QS).

Depuis, les sondages ne cessent d'illustrer la remontée du parti de PSPP au détriment de son "rival" Québec solidaire, au point que le principal adversaire du Parti québécois n'est plus Québec solidaire mais la Coalition avenir Québec (QS) au pouvoir. En effet, il semble que beaucoup de caquistes, d'anciens péquistes pour la plupart (à commencer par François Legault) ont quitté la CAQ pour rejoindre les rangs du Parti québécois au leadership renouvelé et pour eux, inspirant.

Selon le sondage Léger de juin dernier, le Parti québécois recueillait 32% d'intentions de vote, la CAQ 25% et Québec solidaire seulement 14%, un résultat en dessous de celui de 2018 (16%). Si un scrutin se tenait cette semaine, la formation de PSPP le remporterait et formerait un gouvernement, majoritaire ou minoritaire, mais il se retrouverait au pouvoir. Il est vrai toutefois que le prochain rendez-vous électoral ne se produira qu'en 2026. Il peut arriver bien des choses d'ici là, dont un renversement de la relative popularité actuelle du PQ...

Que conclure de tout cela ? En fait, Québec solidaire se trouve confronté au dilemme classique de tout parti de gauche : camper sur ses principes fondateurs, radicaux, ou alors consentir à faire des compromis plus ou moins importants : diluer quelque peu son "radicalisme" afin d'élargir son audience électorale et se rapprocher du pouvoir. Il s'agit là d'un débat inévitable et souvent à recommencer au sein de ces formations qui veulent réformer en profondeur la société dans un sens progressiste. Ce sont des discussions difficiles et qui laissent fréquemment l'impression aux militants et militantes les plus motivés l'impression que la direction du parti veut trahir la cause au profit de "l'électoralisme". Qui a raison et qui a tort ?

Je hasarderais que les partisans des deux orientations ont raison chacun à leur manière. En politique, les compromis s'imposent mais la ligne de démarcation entre compromis et compromission est parfois difficile à tracer. La vigilance s'impose donc à l'endroit des membres de l'aile dite pragmatique. Par ailleurs, il ne sert à rien de se claquemurer dans une ligne radicale et intransigeante et de se couper par conséquent d'importantes franges plus modérées de l'électorat sous peine de se condamner à une perpétuelle opposition et de risquer, à terme, la disparition. Travailleurs et travailleuses en bénéficieraient-ils ?
Il faut garder nos principes mais savoir les adapter aux circonstances. Les attentes populaires ne se situent pas toujours très à gauche ; tout ceci sans même compter avec les réalités régionales, si contrastées d'une zone à l'autre.

Selon l'expression consacrée (et devenue une platitude), la politique est l'art du possible.

Jean-François Delisle

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Manifestation à l’Assemblée nationale du Québec contre la guerre génocidaire d’Israël à Gaza

8 octobre 2024, par Jesse Greener, PTAG ! — , , ,
Des centaines de personnes se sont rassemblées devant l'Assemblée nationale à Québec pour exiger l'arrêt immédiat des hostilités contre Gaza et contre l'intervention (…)

Des centaines de personnes se sont rassemblées devant l'Assemblée nationale à Québec pour exiger l'arrêt immédiat des hostilités contre Gaza et contre l'intervention israélienne au Liban.

Près d'un an après le début des violents combats au Proche-Orient, l'organisme Palestine Québec invite les citoyens et les citoyennes à exiger la fin de la guerre génocidaire menée par l'État d'Israël. « Nous, on est là pour défendre les civils de Gaza, pour dire “arrêtez de tuer les enfants”. Il faut que ça s'arrête », implore Leila Hamidouche, porte-parole de Palestine Québec.

La manifestation devant l'Assemblée nationale ce 5 octobre visait des objectifs précis : réclamer aux différents paliers de gouvernements l'arrêt immédiat des hostilités à Gaza, la cessation de l'occupation israélienne, le respect du droit à l'autodétermination du peuple palestinien, un embargo sur les exportations d'armes canadiennes et la fermeture du Bureau du Québec à Tel-Aviv.

Dans son appel à la manifestation, Palestine Québec dénonçait Israël comme un État terroriste et soulignait que l'occident continue de fournir une couverture diplomatique, tandis que l'entité sioniste commet massacre après massacre, crime de guerre après crime de guerre, aussi bien en Palestine au Liban.

PTAG ! reproduit des extraits de la prise de parole et des slogans qui ont ouvert la manifestation. Il publie également le discours d'un représentant de Voix Juives Indépendantes du Canada livré au cours de cette manifestation.

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Discours d'un membre de Voix Juives indépendantes
du Canada (VJIC)

Conflit Israël-Palestine : je dois vous avouer que, pendant mes moments les plus sombres, j'ai honte

Je voudrais commencer par remercier les organisateurs pour leurs efforts inlassables pour maintenir ce mouvement. Être ici avec vous aujourd'hui fait du bien. Mais ces moments sont plutôt rares. Dans cette lumière, je pensais aujourd'hui partager quelques sentiments personnels. Et pour être honnête, je dois vous avouer que, pendant mes moments les plus sombres, j'ai honte.

Jesse Greener est membre de Voix juives indépendantes Canada. Il est le fondateur de la branche IJV-Québec et ancien membre du comité directeur d'IJV.

Mais ce n'est pas pour la raison que vous pourriez soupçonner.

Oui, je suis un homme juif.

Oui, mon identité et mon existence ont été détournées pour justifier le sionisme et le génocide contre les Palestiniens.

Mais non, ce n'est pas pour cela que j'ai honte. En fait, de nombreux Juifs progressistes ont toujours refusé d'être liés à l'État d'Israël, à son apartheid et, maintenant, surtout à son génocide. Nous le faisons via nos organisations qui portent à juste titre le nom de « Not in Our Name » et « Voix Juives Indépendantes ».

Non, sur ce point, je ne pense pas qu'un Juif progressiste doive avoir honte. En fait, nous sommes clairs dans notre affirmation de notre capacité à agir. Bien sûr, nous sommes ignorés par les médias sionistes occidentaux. Par conséquent, beaucoup de gens ne savent pas qu'il existe des Juifs comme nous, même si nous sommes nombreux et en croissance.

Ainsi, les gens sont parfois choqués d'apprendre qu'il y a des Juifs comme moi qui croient qu'en tant que pays, Israël sioniste est un échec total. Et qu'un tel État raciste et ethno-religieux n'a pas sa place dans le monde moderne. À cette fin, je souhaite vous informer que Voix Juives Indépendantes–Canada a récemment confirmé, par un vote de ses plusieurs milliers de membres, que nous sommes une organisation juive antisioniste.

Non, ma honte est à un niveau plus profond et humain.

Parfois, je me demande comment il est possible qu'un holocauste moderne se déroule à mon époque ? Mais c'est pire que cela. En même temps que la souffrance s'accroît au Moyen-Orient, y compris maintenant au Liban, je sens une complaisance grandir en moi. Je me sens parfois battu. C'est peut-être le même sentiment qui existait pendant la Seconde Guerre mondiale et qui a permis aux politiciens canadiens de mettre en œuvre une politique qui a interdit l'admission de réfugiés juifs au Canada. En fait, on a déclaré à l'époque que « not one Jew is too many ».

Mais la complaisance d'aujourd'hui est encore plus honteuse, car au lieu d'être distraits par une implication directe dans la guerre contre les nazis, comme les Canadiens et les Québécois l'étaient, nos distractions aujourd'hui sont désormais nos propres intérêts personnels : le travail, la famille, la vie. Au lieu de recevoir des rapports indirects sur l'holocauste dans les journaux pendant la Seconde Guerre mondiale, nous le voyons directement sur nos téléphones. Et nous savons très concrètement que les gouvernements occidentaux fournissent un soutien politique et matériel.

Et puis je réalise qu'avant même que le projet colonial d'Israël ne soit lancé, ces mêmes terres ici ont été le théâtre d'un génocide contre les peuples autochtones, d'une ampleur qui est rarement évoquée. De plus, dans les temps modernes, des atrocités ont également été ignorées dans d'autres endroits.

Et parfois, je m'interroge sur ma propre humanité. L'ai-je perdue ? Y a-t-il quelque chose de précieux dans l'esprit humain si nous vivons une atrocité après l'autre ?

Je suppose que je ne suis pas le seul à me poser ces questions, en privé. Ou peut-être entre amis. Mais je pense qu'il est utile d'affronter ces sentiments, même s'ils sont trop pessimistes et peu fréquent. En réfléchissant à ces sentiments, je me suis rendu compte qu'ils naissent naturellement d'un sentiment d'impuissance.

Mais, pensez, mes amis, à la motivation que nous aurions si nous pouvions combiner nos efforts et nos émotions avec de vastes mouvements sociaux. Cela m'a amené à réaliser que le désespoir et la complaisance sont la fin naturelle d'un individu qui lutte seul contre la machine. Au contraire, notre capacité d'agir et notre humanité ne peuvent se réaliser que par notre action et nos mouvements collectifs.

À cette fin, je remercie encore une fois les organisateurs pour leurs efforts. Je remercie chacun d'entre vous pour votre action collective. Je nous exhorte tous aujourd'hui à joindre nos efforts et nos voix contre la guerre, la colonisation et le génocide. Si vous n'êtes pas encore membre de la Coalition pour la paix Québec ou des organisateurs ici aujourd'hui, trouvez l'un d'eux et joignez-vous à eux. Je vois aussi Québec solidaire ici. Envisagez également de rejoindre des organisations nationales comme Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient ou Voix Juives Indépendantes, que ce soit en tant que membre ou sympathisant.

Donc, par n'importe quel moyen, organisons-nous ensemble pour balayer le pire de ce que l'humanité a à offrir et inaugurer une nouvelle ère de dignité humaine fondée sur notre pouvoir collectif. Et ce faisant, retrouvons et affirmons notre propre humanité.

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Aujourd’hui j’aimerais vous parler d’écoféminisme

8 octobre 2024, par Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale (Portneuf-Ouébec-Charlevoix) — , ,
Laissez-moi vous raconter une histoire qui se passe en 1974 dans un village de l'Himalaya. Les femmes de cette région très pauvre, travaillaient toutes dans l'agriculture et (…)

Laissez-moi vous raconter une histoire qui se passe en 1974 dans un village de l'Himalaya. Les femmes de cette région très pauvre, travaillaient toutes dans l'agriculture et dans cette société très patriarcale, elles n'avaient aucun pouvoir de décisions.

Les hommes du village avaient décidé de vendre une partie de la forêt à des compagnies privées pour la création d'une ferme industrielle, ce qui obligeait les femmes à marcher plusieurs heures par jour pour trouver du bois de chauffage. Elles ont décidé de défendre les arbres et d'empêcher des compagnies privées de les abattre en… s'attachant aux arbres !! Elles ont finalement gagné leur lutte. Cette lutte qui leur a permis de protéger leur environnement mais aussi de réclamer un rôle plus actif dans l'espace public.

Peut-être que prochainement, nos alliées Les mères aux fronts, qui se battent pour sauvegarder les boisées de Chauveau et de Neufchâtel, auront besoin de tous nos bras pour aller enlacer ces arbres.

Des luttes écoféministes, il y en a partout sur la planète.

Car oui, la crise climatique a un impact disproportionné sur les femmes et les personnes qui sont vulnérabilisées par la société à cause de leur âge, de leur faible revenu, de leur handicap, du fait qu'elles sont racisées, autochtones, etc. Actuellement, dans le monde, les femmes représentent 80 % des réfugiés climatiques, et parce qu'elles n'ont pas accès aux mêmes ressources que les hommes, l'ONU a déclaré qu'en cas de catastrophe climatique, les femmes avaient 14 fois plus de risque de mourir que les hommes.

Au Québec, durant la COVID, on a vu les personnes des quartiers défavorisés et les femmes racisées être plus affectées par la maladie elle-même, mais aussi par les confinements, par les soins à donner aux proches et par leurs emplois dans un système de santé débordé.

Comme la crise sanitaire, la crise climatique affecte plus lourdement la charge de travail et la santé mentale des femmes et de certains groupes marginalisés.
• Parce qu'elles assument la plus grande partie des activités domestiques et de soin.
• Parce qu'elles portent la responsabilité de faire un virage vert ; faire des achats plus écologiques, de tendre vers le zéro déchet ou de composter.
Le risque d'épuisement est réel.

Mais, des solutions il en existe :

A Québec, l'organisme Accès transports viables a démontré qu'un transport structurant permettrait aux femmes de se déplacer plus efficacement et rapidement alors que ce sont elles en majorité qui font de multiple petits déplacements pour aller à la garderie, à l'école, à l'épicerie, chez le médecin, avec une poussette ou des enfants en bas âges.
Ça prend des pistes cyclables sécuritaires, protégées des voitures, bien éclairées et efficaces pour répondre à aux besoins de transport de la vie quotidienne plus largement assumés par les femmes.

Le maire Bruno Marchand vient d'augmenter la taxe d'immatriculation de 60$. On peut souligner son courage politique, c'est une victoire pour le transport collectif et donc pour l'environnement. Mais ce n'est pas une victoire pour la justice climatique et sociale tant que le gars qui conduit un pick-up, paiera le même montant de taxe que la mère monoparentale qui a dû s'excentrer pour trouver un logement abordable loin des transports collectifs.

C'est pourquoi, nous demandons aux décideurs et aux décideuses :

• D'analyser leur politique pour répondre aux problèmes de certains groupes de population

• Et de s'assurer que le poids des mesures ne soit pas porté de façon disproportionné par certains groupes, particulièrement les femmes.

Pour la justice climatique et sociale, les groupes écologistes et les groupes féministes doivent lutter ensemble pour la fin de l'exploitation des femmes et des personnes marginalisées et de l'environnement.

Dans l'intérêt de toustes, menons une lutte écoféministe.

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Les centres de femmes : Là pour toutes les femmes !

8 octobre 2024, par L'R des centres de femmes du Québec — , ,
Le 1er mardi de chaque mois d'octobre depuis maintenant 22 ans, L'R des centres de femmes du Québec et ses membres soulignent leur journée nationale. Cette année, c'est sous le (…)

Le 1er mardi de chaque mois d'octobre depuis maintenant 22 ans, L'R des centres de femmes du Québec et ses membres soulignent leur journée nationale. Cette année, c'est sous le thème : Les centres de femmes, Là pour toutes les femmes ! que les centres célébreront cette journée.

Des centres de femmes partout au Québec.

Ce sont près de 80 centres de femmes, répartis sur l'ensemble du territoire québécois, qui ouvriront leur porte pour accueillir les femmes de leur communauté lors de cette journée, soit par une activité porte-ouverte, pour l'inscription à leurs activités d'automne-hiver
ou pour un évènement spécial pour souligner cette journée importante.

Une approche féministe intersectionnelle unique

Le thème « Là pour toutes les femmes ! » souligne la volonté des membres de L'R d'adapter l'approche féministe déjà utilisée en intégrant une lunette intersectionnelle. Cette approche permet aux centres de femmes d'être des espaces inclusifs où chaque femme peut se sentir accueillie et respectée. Les centres sont bien plus que des lieux
physiques. Ils sont le reflet d'une communauté unie et résiliente, prête à soutenir toutes les femmes, sans exception.

L'R des centres de femmes regroupe près de 80 centres de femmes répartis dans les 17 régions du Québec. Ceux-ci travaillent à l'amélioration des conditions de vie des femmes par leurs services, les activités éducatives offertes et les différentes actions collectives auxquelles ils prennent part.

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Première Grande Marche lavalloise contre les violences sexuelles

8 octobre 2024, par Projet Laval alliée contre les violences sexuelles (LACVS), Table de concertation en violence conjugale et agression à caractère sexuel de Laval (TCVCASL) — , ,
La Table de concertation en violence conjugale et agressions à caractère sexuel de Laval (TCVCASL) et le projet Laval alliée contre les violences sexuelles (LACVS), une (…)

La Table de concertation en violence conjugale et agressions à caractère sexuel de Laval (TCVCASL) et le projet Laval alliée contre les violences sexuelles (LACVS), une initiative possible grâce à la Politique régionale de développement social de Laval (PRDS), sont fiers de vous convier à la Première Grande Marche lavalloise contre les violences sexuelles, qui se tiendra le 5 octobre prochain au Parc de Cluny, 425, rue de Chartres, dès 12h30.

INFORMATIONS PRATIQUES

Rassemblement avant départ – Parc de Cluny, 425, rue de Chartres, 12h30
Mot d'ouverture des dignitaires : 13h00
Départ de la marche : 13h30
Point d'arrivée – Parc Bernard Landry, 5 Av. du Crochet, Laval
Mot de la porte-parole et de notre invitée d'honneur : 15h00
Activités et animation : Dès l'arrivée des marcheuses et marcheurs
Clôture : 16h00

La marche est ouverte à toutes et tous, elle se veut rassembleuse et accessible : Bienvenue aux familles lavalloises et de partout ailleurs !

Une initiative qui mobilise

Élu.e.s, haut.e.s fonctionnaires, personnalités publiques, groupes et associations diverses ont déjà confirmé leur présence. Ce sera la plus grande marche contre les violences sexuelles que Laval n'ait jamais connue ! Les marcheuses et marcheurs sont attendus par milliers, ils et elles se joindront à une centaine de bénévoles déjà mobilisés.

Ce sera la plus grande marche contre les violences sexuelles que Laval n'ait jamais connue !

TABLE DE CONCERTATION EN VIOLENCE CONJUGALE ET LAVAL ALLIÉE CONTRE LES VIOLENCES SEXUELLES AGRESSION À CARACTÈRE SEXUEL DE LAVAL

Une journée marquante : de grandes figures Nous avons l'honneur d'accueillir Manon Massé, ancienne travailleuse du Centre des Femmes de Laval, comme invitée d'honneur, et Léa Clermont-Dion, autrice et militante reconnue, en tant que porte-parole officielle. Toutes deux, ainsi que le maître de cérémonie Jordan Dupuis et les élu.e.s Sandra El-Helou (Conseillère municipale du district de Souvenir-Labelle), Christopher Skeete (Ministre provincial responsable de la région de Laval) et Annie Koutrakis (Députée fédérale de Vimy) prendront la parole pour marquer cet événement.

Place à la communauté : un événement inclusif

La Grande Marche lavalloise a été pensée pour rassembler tous les membres de notre communauté. Le trajet est court et convivial, adapté aux enfants, aux familles avec poussettes, ainsi qu'aux personnes à mobilité réduite ou en situation d'handicap. Des interprètes de la langue des signes du Québec (LSQ) du Service D'Interprétation Visuel et Tactile (SIVET) seront présents. De plus, une aire de jeux, de maquillage et de bricolage sera aménagée au Parc Bernard-Landry pour divertir les petit.e.s allié.e.s. Une quinzaine d'organismes lavallois et nationaux auront également des kiosques de sensibilisation. Des aménagements supplémentaires, tels que des toilettes, des points d'eau et des zones d'ombre, seront mis en place pour le confort de tous.

« Les violences sexuelles sont l'affaire de tous. Il est essentiel de rester sensibles aux enjeux universels de cette lutte. Chacun, peu importe son âge, son statut ou sa condition physique, a sa place dans cette marche. »

Genevieve Dionne, TS, Directrice générale TCVCASL

Participez à cette mobilisation

Nous serions très heureuses de vous accueillir et de marcher à vos côtés. Si vous ne pouvez pas vous joindre à nous, voici deux manières de vous impliquer : 1) Visitez, Aimez, Suivez et Partagez les publications de la page Instagram de @laval.alliée ; 2) Partagez le matériel promotionnel de notre trousse media (juste ici) à tous vos réseaux !

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MMF Déclaration de soutien à la Palestine après un an de génocide

8 octobre 2024, par Marche mondiale des femmes — ,
La Marche mondiale des femmes est indéfectiblement solidaire du peuple palestinien, en particulier des femmes et des enfants, qui subissent un assaut génocidaire permanent sous (…)

La Marche mondiale des femmes est indéfectiblement solidaire du peuple palestinien, en particulier des femmes et des enfants, qui subissent un assaut génocidaire permanent sous l'occupation israélienne.

Tiré de https://marchemondiale.org/index.php/2024/10/07/mmf-declaration-de-soutien-a-la-palestine-apres-un-an-de-genocide/?lang=fr&fbclid=IwY2xjawFxJmVleHRuA2FlbQIxMAABHahIi7mJaHW9HnetggabQfjxhJ51PEJQCYK0Dlwc6wEaI1VLSlltRgvaiw_aem_TZuzEGU_TQYcRmRdqxzHXg

octobre 7, 2024

Les opérations militaires brutales, les bombardements incessants et les déplacements forcés au cours de l'année écoulée font partie d'une campagne d'extermination calculée, visant la population civile à Gaza, à Jénine, en Cisjordanie et au Liban.

À Gaza, les forces d'occupation israéliennes ont mené un bombardement sans précédent depuis le 7 octobre 2023, tuant plus de 40 000 personnes, dont 60 % de femmes et d'enfants. Cette dévastation n'est pas un dommage collatéral, elle est intentionnelle et vise les maisons, les écoles, les hôpitaux et les lieux de refuge. La crise humanitaire à Gaza, exacerbée par un blocus qui dure depuis 17 ans, a privé les Palestiniens des produits de première nécessité comme la nourriture, l'eau, les médicaments et l'électricité. Il s'agit là de crimes de guerre qui se produisent avec l'approbation tacite de la communauté internationale.

Les femmes palestiniennes, en particulier dans des régions comme Jénine, sont confrontées aux souffrances aggravées des déplacements forcés, de la perte de leur maison et du refus systémique d'accès aux services essentiels tels que les soins de santé, l'éducation et la protection. Le siège de l'armée israélienne a détruit 80 % des infrastructures de Jénine, laissant des centaines de familles sans abri et créant des conditions de punition collective.

La situation au Liban est tout aussi désastreuse, les frappes aériennes israéliennes ayant entraîné la destruction de villages entiers, la mort de 414 personnes et le déplacement de 160 000 autres. Depuis plus de 60 ans, le Liban subit le traumatisme de l'occupation et des agressions violentes, les femmes et les enfants étant toujours en première ligne de la souffrance.

La Marche mondiale des femmes condamne ces crimes qui s'inscrivent dans le cadre du projet plus vaste d'occupation coloniale et de nettoyage ethnique mené par Israël depuis des décennies. L'incapacité de la communauté internationale à tenir Israël pour responsable a enhardi ce régime génocidaire, lui permettant d'agir en toute impunité.

Nous déclarons que la cause palestinienne n'est pas seulement une lutte de libération nationale, mais aussi une cause féministe. La violence actuelle touche de manière disproportionnée les femmes et les jeunes filles, les privant de leurs droits à la vie, à la dignité et à la liberté. Les conditions imposées par l'occupation israélienne – déplacements forcés, violences sexuelles, privation des services de base, et détention arbitraire des femmes dans les geôles israéliennes représentent une attaque directe contre leur corps et leur vie.

Nous sommes également aux côtés du peuple palestinien de Cisjordanie et de Syrie, où les colons israéliens, soutenus par leur gouvernement, continuent de mener des attaques violentes en toute impunité, déracinant des agriculteurs et tuant des civils. Cette agression s'étend au Liban et à la Syrie, perpétuant une crise régionale enracinée dans l'impérialisme, le colonialisme et le racisme.

Nous dénonçons les crimes historiques et continus de l'occupation israélienne qui, depuis 1948, ont violemment perturbé la coexistence pacifique des différents peuples de la région. L'utilisation délibérée de nourriture, d'eau et de fournitures médicales comme armes de guerre, associée à la destruction de l'environnement et à la guerre chimique, sont des indicateurs clairs d'une politique génocidaire visant à la destruction totale de la vie palestinienne.

Face à de telles atrocités, nous réaffirmons le droit du peuple palestinien à résister, à lutter pour sa libération et à réclamer sa terre. Nous appelons les mouvements féministes et anticolonialistes mondiaux, ainsi que les organisations de défense des droits de l'homme, à soutenir activement et visiblement la Palestine, en élevant la voix contre ces crimes et en demandant à leurs gouvernements de rendre compte de leur complicité.

Nous demandons aux Nations unies et à tous les organismes internationaux de mettre en œuvre les protections des droits de l'homme pour le peuple palestinien et de veiller à ce qu'Israël soit tenu pour responsable de ses crimes de guerre et de ses crimes contre l'humanité. Le chemin vers la paix et la justice commence par la fin de l'occupation et la libération de la Palestine.

Nous continuons à marcher pour les droits de nos corps, de nos terres et de nos territoires !

La Marche mondiale des femmes

octobre 2024

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Loi LGBTIphobe en Géorgie : joue-la comme Poutine ?

8 octobre 2024, par Goto Van Kern — , ,
Le 17 septembre, le parlement géorgien a voté une loi LGBTphobe, “sur les valeurs familiales”, très inspirée de la nouvelle version de la loi russe contre “la propagande (…)

Le 17 septembre, le parlement géorgien a voté une loi LGBTphobe, “sur les valeurs familiales”, très inspirée de la nouvelle version de la loi russe contre “la propagande homosexuelle”, révisée en 2022.

Tiré de Gauche anticapitaliste
30 septembre 2024

Par Goto Van Kern

Cette loi a été votée à 84 voix pour et 0 contre après que l'opposition ait appelé au boycott du vote. Ce texte interdit “la propagande des relations homosexuelles et de l'inceste” à la télévision et dans les écoles ainsi que les rassemblements et manifestations qui feraient “la promotion des relations homosexuelles.”(1)

Bizarrement, la presse francophone est muette sur le fait que la loi bannit également les transitions de genre, l'adoption pour les couples de même genre et les personnes transgenres et met fin à la reconnaissance vis-à-vis des mariages des couples de même genre formés à l'étranger. (2) (3)

Ceci est dans la droite continuité de la complicité passive des autorités avec les LGBTIphobes, la police ayant assisté sans intervenir face aux attaques violentes contre la Pride de Tbilissi de 2023 par des milices homophobes orthodoxes. (4)

En 2021, une autre attaque avait eu lieu contre des locaux d'organisations LGBTI lors de la Pride. L'Église orthodoxe géorgienne (qui est la religion d'État dans le pays) avait appelé ce jour-là à organiser des prières publiques contre “ce grave péché.” Une cinquantaine de journalistes avaient alors été brutalisés et un cameraman était décédé quelques jours plus tard. (5)

La classe dominante géorgienne est traversée d'aspirations contradictoires qui s'expriment au niveau politique : d'un côté, la présidente Salomé Zourabichvili (qui a alors tenté d'utiliser son droit de veto sans succès face à cette loi) représente une frange cherchant à se rapprocher de l'Union Européenne à l'instar d'autres pays comme l'Ukraine ou la Moldavie, une ambition qui est même inscrite dans la Constitution géorgienne. De l'autre, le parti majoritaire au parlement, “Rêve géorgien” qui, depuis 2021 (peu de temps après sa victoire aux élections législatives), semble avoir retourné sa veste, en passant d'une doctrine sociale-libérale, pro-UE et OTAN, pour se tourner vers le bloc russe. La Russie a par ailleurs plusieurs bases militaires sur le territoire géorgien pour soutenir les séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud.

“Rêve géorgien” a été fondé par l'oligarque Bidzina Ivanichvili , 624e fortune mondiale selon le classement de Forbes, ayant fait fortune dans la métallurgie et la finance suite à l'effondrement de l'URSS. Son parcours politique est plus que mouvementé mais il est probablement l'un des hommes les plus puissants et influents du pays. Il est récemment revenu sur le devant de la scène en tant que président de son parti après avoir intrigué dans les coulisses pendant de longues années. (6) (7)

Ce revirement politique à 180° du parti peut faire penser à une influence peu subtile du Kremlin à travers la figure d'Ivanichvili. La stratégie homophobe de “Rêve géorgien” semble en effet avoir un double intérêt : à la fois pour cultiver un électorat réactionnaire orthodoxe très opposé aux droits LGBTI (91% de la population considère l'homosexualité comme un comportement “injustifiable”) mais aussi comme une stratégie de pourrissement pour éloigner la Géorgie de l'Union Européenne. (8)

Le parti s'est également illustré pour avoir récemment fait passer une loi encore une fois très similaire à l'arsenal législatif russe sur “l'influence étrangère”, soulevant un tollé et des mobilisations fortes à travers le pays. La loi impose aux ONG ou médias recevant plus de 20% de leur financement de l'étranger de s'enregistrer en tant qu' »organisation poursuivant les intérêts d'une puissance étrangère » et de se soumettre à un strict contrôle administratif. (9)

“Rêve géorgien”, en faisant franchir au pays un certain nombre de lignes rouges, est bien parti pour empêcher le pays d'intégrer le bloc de l'UE/OTAN, ou à tout le moins, de ralentir son adhésion à un moment critique pour un régime poutinien qui se vit comme une forteresse assiégée.

L'avancée des droits LGBTI en Géorgie avait été timide mais néanmoins initiée en 2014, notamment à travers la promulgation d'une série de lois anti-discrimination, sans doute dans l'objectif d'intégrer l'Union européenne.

Le retour de bâton s'est fait en 2019, avec la création de milices homophobes sponsorisées par un homme d'affaires du nom de Levan Vassadze, le bien nommé « Conseil des vrais hommes » qui avait pour ambition de perturber la semaine des fiertés dans la capitale ou, dans leur vocable fleuri, « éradiquer le péché et l'hérésie ». Leur mode opératoire consistait à se constituer en groupes de 10 ou de 100 personnes, avec un chef à la tête de chaque entité, et de se doter de signes distinctifs : un brassard blanc et une matraque. Il s'agit donc bien de milices fascistes qui, malgré que le ministère de l'Intérieur ait lancé une procédure pénale pour « création de groupes illégaux et participation à ces groupes ». Levan Vassadze ne semble pas avoir eu de problèmes avec la justice puisqu'il a annoncé se lancer en politique 2 ans plus tard avec son parti fasciste Eri. Son projet électoral a heureusement fait long feu, après avoir recueilli 651 votes à une élection locale. Cependant, les perturbations aux Prides de 2021 et 2023 portent indéniablement le sceau de Vassadze. (10)

Le lendemain de l'adoption de cette loi sur “les valeurs familiales”, un transféminicide a eu lieu sur la personne de Kesaria Abramidzé, actrice et influenceuse transgenre. Le suspect principal, l'ex-petit ami également accusé de harcèlement par la victime peu de temps avant les faits, a été appréhendé par les autorités. Cet assassinat est la suite logique d'une loi qui déshumanise les personnes LGBTI en les mettant sur le même pied que les personnes coupables d'inceste.

Dans son état des lieux sur le pays, Amnesty International souligne l'inaction complice qu'a déjà eu la justice géorgienne avec les violences sexistes. Dans l'affaire Gaidukevich c. Géorgie, la Cour européenne des droits de l'homme a statué que le gouvernement avait violé le droit à la vie et l'interdiction de la discrimination en négligeant de protéger une victime de violence domestique et en ne menant pas d'enquête sur son suicide présumé.

Cis ou trans, les féminicides menacent toutes les femmes et il est certain que les féministes géorgiennes devront faire preuve de vigilance et serrer les rangs face au traitement juridique de cette affaire. (11) (12)

La réaction de l'Union européenne à l'adoption de la loi sur “les valeurs familiales” a été rapide mais pas très intelligente. Outre les grands discours toujours un peu creux des diplomates condamnant avec plus ou moins de fermeté l'adoption de la loi LGBTIphobe, des mises en garde contre le pays ont été proférées, l'UE menaçant la Géorgie de suspendre les accords de libre circulation qui avaient été conclus. Ces sanctions diplomatiques vont justement mettre en danger les personnes LGBTI qui vont devoir fuir le pays, les discriminations risquant bien de ne pas s'arrêter là et le droit à l'asile en UE étant de plus en plus mis à mal.

Malgré le tournant pro-russe après les élections de 2020 qui aurait pu être vécu comme une trahison, les sondages indiquent qu'une large majorité de Géorgien.ne.s soutient le parti pour les prochaines élections fin octobre. Il semble donc que l'homophobie et l'autoritarisme soient en Géorgie une stratégie électorale gagnante pour “Rêve géorgien.” Et la situation va s'aggraver, le parti ayant annoncé vouloir “punir” ses adversaires en bannissant les partis d'opposition. (13) (14)

Pour accueillir les réfugié.e.s de Géorgie, ouvrons les frontières plutôt que de les verrouiller davantage !

Photo : France, Paris, 2021-06-26. Marche des fiertés. Photographie de Martin Noda / Hans Lucas. Source : Photothèque rouge du NPA-l'Anticapitaliste
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Notes

1. https://www.rtbf.be/article/georgie-la-loi-sur-les-valeurs-familiales-restreignant-les-droits-des-lgbt-adoptee-par-le-parlement-11435833
2. https://www.aljazeera.com/news/2024/9/17/georgias-parliament-approves-law-curbing-lgbtq-rights
3. https://www.lemonde.fr/en/lgbtq/article/2024/09/17/georgia-passes-controversial-bill-restricting-lgbtq-rights_6726387_211.html
4. https://www.amnesty.org/fr/location/europe-and-central-asia/eastern-europe-and-central-asia/georgia/report-georgia
5. https://www.thepinknews.com/2023/07/09/anti-lgbtq-mob-storm-tbilisi-pride-georgia
6. https://www.forbes.com/profile/bidzina-ivanishvili
7. https://fr.wikipedia.org/wiki/Bidzina_Ivanichvili
8. https://www.equaldex.com/surveys/justifiability-of-homosexuality
9. https://www.rtbf.be/article/georgie-pres-de-200-ong-veulent-refuser-d-obeir-a-la-loi-polemique-sur-l-influence-etrangere-11380876
10. https://www.courrierinternational.com/article/societe-des-milices-armees-se-constituent-en-georgie-contre-les-lgbt
11. https://www.rtbf.be/article/en-georgie-au-lendemain-du-vote-d-une-loi-anti-lgbt-kesaria-abramidze-une-celebre-influenceuse-transgenre-est-poignardee-11437638
12. https://www.thepinknews.com/2024/09/19/georgia-kesaria-abdramidze-found-dead/?utm_content=1726759202&utm_medium=social&utm_source=facebook
13. https://www.politico.eu/article/georgia-prime-minister-irakli-kobakhidze-eu-visa-free-travel-agreement-election-democratic-backsliding-rule-of-law
14. https://www.politico.eu/article/georgia-opposition-ban-georgian-dream-elections-peter-stano-eu-accession-foreign-agent-law

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Grande manifestation et performances artistiques à Rouyn-Noranda le 13 octobre dès 13h !

8 octobre 2024, par Mères au front de Rouyn-Noranda — , ,
Montréal, le mercredi 2 octobre 2024 – Le 13 octobre prochain, les rues de Rouyn-Noranda seront le théâtre d'une grande marche sur la qualité de l'air et le droit à un (…)

Montréal, le mercredi 2 octobre 2024 – Le 13 octobre prochain, les rues de Rouyn-Noranda seront le théâtre d'une grande marche sur la qualité de l'air et le droit à un environnement sain et sécuritaire.

Au-delà de la marche elle-même et du message qui est porté, l'action du 13 est un exemple rare d'implication engagée des artistes, et de la solidarité entre le reste du Québec et Rouyn-Noranda. La manifestation sera ponctuée d'actions puissantes, dérangeantes et symboliques. Répondant à l'appel de Mères au front de Rouyn-Noranda et leurs allié·es, plusieurs artistes et personnalités publiques seront présent·es, notamment Ève Landry, Alexandre Castonguay, Anaïs Barbeau-Lavalette, Steve Gagnon, Véronique Côté et Laure Waridel. Elles présenteront une performance artistique marquante en fin de parcours, accompagnée par la musique de Chloé Lacasse, avec des prises de paroles et des témoignages touchants des habitant·es de ce que le gouvernement appelle la zone tampon. I

l y aura également une prestation de la troupe de danse Copper Crib. Les citoyen·nes de Rouyn-Noranda, de l'Abitibi-Témiscamingue et d'ailleurs au Québec sont invité·es à participer à l'événement en solidarité.

Un événement de solidarité en soutien à une zone sacrifiée du Québec

Pour plusieurs, le dossier de Rouyn-Noranda a été réglé suite à l'autorisation ministérielle de 2023, mais la norme nationale sur l'émission d'arsenic de 3 ng/m3 n'est toujours pas respectée dans la ville. Il n'est pas prévu non plus pour l'instant qu'elle soit respectée, la Fonderie Horne étant tenue seulement de graduellement diminuer les émissions à 15 ng/m3 (soit 5 fois la norme) avant de présenter un éventuel plan. Pour permettre l'obtention de métaux critiques, le gouvernement québécois accepte d'exposer la population à des taux d'arsenic qu'il sait lui-même être dangereux.

L'an dernier, la marche avait permis de mobiliser près de 1000 personnes venues de partout. L'objectif cette année est encore une fois de répondre à l'invitation de citoyen·nes de Rouyn-Noranda qui en appellent à la solidarité de l'ensemble de la province. Cette activité a pour objectif de sensibiliser le gouvernement du Québec et leurs habitant·es au fait que, tant qu'il aura une zone sacrifiée au Québec, toute la population québécoise est concernée.
Crédit : Maude Desbois

Un combat qui est loin d'être terminé

Depuis des années, la population de Rouyn-Noranda est exposée à de l'arsenic, du plomb, du cadmium, du nickel, du cuivre et du dioxyde de soufre à des taux beaucoup plus élevés que partout ailleurs au Québec. Au moins 25 contaminants sont mesurés dans l'air, l'eau, la neige ou les sols des environs. Plusieurs de ces contaminants sont des cancérigènes et des neurotoxiques sans seuil, ce qui signifie qu'ils entraînent des risques quelle que soit la dose. Les normes sont déjà un compromis.

Au-delà d'une question environnementale, la question de Rouyn est une question de santé publique et même de vision globale de notre développement économique. Le gouvernement accepte de sacrifier des populations à proximité d'usines, de mines, d'industries, etc. pour le bien de l'économie québécoise, à Rouyn-Noranda mais aussi ailleurs. Il les abandonne.

Les permis de polluer accordés par le gouvernement à la Fonderie Horne exposent la population à des risques accrus de maladie du système nerveux, de cancers du poumon et des voies urinaires et un plus grand nombre de naissances de bébé de faible poids et des issues de grossesse défavorables.

Déjà, on observe que :

● L'espérance de vie est inférieure de 5 à 7 ans dans certains quartiers comparativement à la moyenne québécoise ;

● La prévalence de maladies pulmonaires obstructives chroniques (MPOC) est environ 42% plus élevée qu'ailleurs au Québec ;

● La prévalence de l'asthme est de 17% plus élevée qu'ailleurs au Québec ;

En 2018, une étude a montré que les enfants du quartier Notre-Dame étaient en moyenne quatre fois plus imprégnés à l'arsenic que ceux d'Amos. À cause de leur long passé d'exposition aux métaux lourds, les résident·es de Rouyn-Noranda sont donc plus vulnérables. Il y a urgence qu'ils et elles cessent d'être empoisonné·es par les émissions toxiques de la Fonderie Horne.

« Quelle est la stratégie du gouvernement et de la santé publique dans tout ça ? Plusieurs de ces contaminants sont des substances cancérigènes et neurotoxiques sans seuil. Malgré cela, on autorise Glencore à en émettre plus qu'ailleurs en province, et ce depuis des décennies. C'est ridicule et complètement irresponsable. Nous devons poursuivre le combat, notre santé et celle de nos enfants en dépendent. Assez c'est assez ! »

Isabelle Fortin-Rondeau, mère au front à Rouyn-Noranda

Pour Laure Waridel, écosociologue, il s'agit d'un enjeu national.

« Se mobiliser pour faire cesser le dépassement des normes environnementales à Rouyn-Noranda est nécessaire, non seulement pour protéger la santé des enfants de Rouyn-Noranda, mais aussi pour éviter qu'on fasse pareil ailleurs. Je me réjouis qu'autant de personnalités publiques aient répondu à l'appel. C'est avec fierté que nous marcherons à vos côtés le 13 octobre prochain. Nos gouvernements doivent prendre leurs responsabilités face aux défis environnementaux qui s'accumulent, c'est ce que nous allons leur rappeler. »

Laure Waridel, écosociologue, professeure associée à l'Institut des sciences de l'environnement de l'UQAM et co-instigatrice de Mères au front

« J'ai honte de notre gouvernement, à genoux devant une entreprise mafieuse qui empoisonne nos enfants sans remords. Il est de notre ressort de ne pas plier : si on accepte qu'une entreprise achète son droit de polluer, si on accepte que les citoyen.nes de Rouyn soient sacrifié.es, ça sera aussi, un jour, notre tour. Il est de notre ressort de s'insurger. Alors non, « IL NE SERA PAS QUESTION DE SE FERMER LA GUEULE. »
Anaïs Barbeau-Lavalette, autrice, cinéaste et co-instigatrice de Mères au front

Grande marche à la place de la citoyenneté à Rouyn-Noranda

Dimanche 13 octobre dès 13 h

Pour l'Action de grâce, les Mères au front de Rouyn-Noranda et leurs allié·es invitent la population du Québec à les rejoindre pour exiger un environnement sain et sécuritaire et manifester leur refus que leurs corps et celui de leurs enfants soient des zones sacrifiées. Performance artistique et musicale de Mères au front par Eve Landry, Alexandre Castonguay, Anaïs Barbeau-Lavalette, Steve Gagnon, Véronique Côté, Chloé Lacasse, Laure Waridel et plusieurs autres.

Pour connaître tous les détails sur la marche et les performances artistiques et musicales, suivez la page Facebook de Mères au front de Rouyn-Noranda et leurs allié-e-s (https://www.facebook.com/MeresAuFrontRouynNoranda) .

À propos de mères au front (http://Événements organisés cet automne)

Avec plus de 30 groupes locaux dans les différentes villes et villages du Québec et au-delà, Mères au front est un mouvement décentralisé qui regroupe des milliers de mères, grand-mères et allié.es de tous les horizons politiques, économiques, professionnels et culturels. À travers leurs actions, elles demandent aux élu.es de mettre en place les mesures qui s'imposent pour protéger l'environnement dont dépend la santé et la sécurité de tous les enfants.
SALLE DE PRESSE VIRTUELLE (https://www.dropbox.com/scl/fo/gf29nq5vxxdv62f0j9175/ALbPO1zUsVlErzLjJNaSCBU?rlkey=m8ji2iiicsvlzh1iod5p7gaog&st=uqwxgmfg&dl=0)
https://www.facebook.com/MeresAuFront/?locale=fr_FR
https://www.instagram.com/meresaufront/
https://meresaufront.org/

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Un Plan Nature cohérent, mais qui doit être mis en oeuvre rapidement

8 octobre 2024, par Nature Québec — , ,
À l'aube de la COP16 sur la biodiversité qui débutera à Cali dans quelques jours, Nature Québec accueille positivement le Plan Nature du gouvernement du Québec. L'organisation (…)

À l'aube de la COP16 sur la biodiversité qui débutera à Cali dans quelques jours, Nature Québec accueille positivement le Plan Nature du gouvernement du Québec. L'organisation environnementale est d'avis que ce plan est cohérent et qu'il traduit en actions concrètes des engagements que le Québec a pris en 2022 en se disant lié au Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal. Nature Québec invite donc le gouvernement Legault à rapidement mettre en œuvre ce plan pour faire sa part dans l'effort mondial visant à arrêter et inverser le déclin de la biodiversité.

Avec son Plan Nature, le gouvernement du Québec réaffirme notamment son intention de conserver 30 % du territoire d'ici 2030 et de bonifier l'accès de la population à la nature. Nature Québec souligne que le Plan Nature amorce une réflexion sur les causes indirectes du déclin de la biodiversité, dont nos modes de consommation, bien que l'organisation soit d'avis que cette réflexion devrait aller plus loin encore. Nature Québec salue également la volonté d'impliquer l'ensemble de la société dans la mise en œuvre du Plan Nature, dont la population, mais aussi les entreprises, les investisseurs et les différents ordres de gouvernement, tout comme la reconnaissance de l'importante contribution des Premiers peuples à la conservation de la biodiversité.

Nature Québec estime cependant que l'aménagement forestier est l'angle mort du Plan Nature. L'organisation rappelle que 92 % de la forêt québécoise est en terres publiques, et que le déclin alarmant des populations de caribous forestiers et montagnards est le signe que la gestion de la forêt n'est actuellement pas durable, contrairement à ce qui est affirmé dans le Plan Nature.

Si l'organisme demande au gouvernement du Québec de mettre en œuvre son Plan Nature dans les plus brefs délais, cela ne devrait pas le dispenser de trouver des solutions viables pour le secteur forestier.

« Le Plan Nature présenté aujourd'hui est globalement cohérent, mais évite sciemment l'enjeu de la gestion des forêts. Une réforme du régime forestier est essentielle si Québec souhaite véritablement protéger la biodiversité, et doit s'accompagner d'un plan de transition juste, co-créé avec les différentes parties prenantes, afin de soutenir les travailleurs et les travailleuses qui pourraient s'en trouver impactés » affirme Marie-Audrey Nadeau Fortin, analyste biodiversité chez Nature Québec.

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75 grèves à la CSN depuis la fin 2023

8 octobre 2024, par Confédération des syndicats nationaux (CSN) — , ,
Aucun gouvernement n'a eu une épiphanie et ne s'est réveillé un matin en déclarant : à l'ordre du jour aujourd'hui, l'amélioration des conditions de travail ! Ce sont les (…)

Aucun gouvernement n'a eu une épiphanie et ne s'est réveillé un matin en déclarant : à l'ordre du jour aujourd'hui, l'amélioration des conditions de travail ! Ce sont les travailleuses et les travailleurs qui ont toujours forcé les gouvernements et les employeurs à bouger afin de bénéficier de conditions décentes.

À quelques jours de la Journée mondiale pour le travail décent qui se tient le 7 octobre, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) rappelle que depuis toujours, c'est en se mobilisant que les travailleuses et les travailleurs ont réussi à améliorer leurs conditions salariales et de travail, telles que la santé et la sécurité au travail et la conciliation travail-famille, pour ne nommer que ces enjeux.

« Aucun gouvernement n'a eu une épiphanie et ne s'est réveillé un matin en déclarant : à l'ordre du jour aujourd'hui, l'amélioration des conditions de travail ! Encore moins quand le gouvernement est aussi un employeur, comme au Québec et au Canada. Ottawa et Québec ne sont pas des employeurs exemplaires. Ce sont les travailleuses et les travailleurs qui ont toujours forcé les gouvernements et les employeurs à bouger afin de bénéficier de conditions décentes », constate Caroline Senneville, présidente de la CSN.

La présidente souligne le nombre important de grèves observé à la CSN dans la dernière année. Près de 75 ont été tenues depuis décembre dernier, touchant plus de 15 000 salarié-es. Et ceci, sans compter la grève des centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs du secteur public, de novembre et décembre 2023. Certains de ces conflits ont duré quelques jours et d'autres plusieurs mois. « Que veut dire ce nombre considérable ? Que les salarié-és sont déterminés et prêts à prendre les moyens nécessaires pour améliorer leur sort, surtout dans le contexte inflationniste que l'on connaît, où de plus en plus de salarié-es peinent à joindre les deux bouts », continue Mme Senneville.

La syndicaliste rappelle à quel point le rapport de force des travailleuses et des travailleurs dérange. « Le 7 octobre, nous allons voir des employeurs et des gouvernements sortir des communiqués de presse symboliques pour la Journée mondiale du travail décent. Mais c'est bien rare que tout ce beau monde fait des cadeaux à ses salarié-es ! D'ailleurs, les employeurs recourent davantage au lock-out depuis quelques mois pour essayer de casser l'élan de leurs employé-es qui se dotent de mandats de grève ou qui l'exercent. Pourtant, chaque condition qui améliore notre vie au travail, c'est le fruit de batailles. Encore plus dans le contexte où récemment, les employeurs annonçaient des prévisions salariales à la baisse pour 2025. À la CSN, la lutte pour le salaire décent va continuer », conclut Mme Senneville.

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Déclaration sur l’anniversaire des attentats du 7 octobre

8 octobre 2024, par Congrès du travail du Canada (CTC) — , , ,
Il y a un an aujourd'hui qu'ont eu lieu les attentats terroristes du Hamas sur Israël. Le Congrès du travail du Canada (CTC) condamne ces attentats et déplore les horribles (…)

Il y a un an aujourd'hui qu'ont eu lieu les attentats terroristes du Hamas sur Israël. Le Congrès du travail du Canada (CTC) condamne ces attentats et déplore les horribles pertes de vie qui ont eu lieu ce jour-là et depuis un an dans la bande de Gaza et dernièrement au Liban.

Nous nous inquiétons vivement de la continuation de l'escalade des hostilités et de l'expansion de cette terrible guerre à l'ensemble de la région.

Au nom des syndicats du Canada, nous renouvelons notre appel à un cessez-le-feu immédiat, à la libération de tous les otages et à la prestation d'une aide humanitaire à la population de la bande de Gaza. Le CTC continue d'appuyer ses alliés syndicaux palestiniens et israéliens dans la poursuite de ces buts pressants, et nous croyons qu'il est encore possible d'instaurer la paix grâce au dialogue et à la solidarité.

Depuis une année, nous avons en outre assisté à une inquiétante montée de l'antisémitisme, du racisme anti-palestinien et de l'islamophobie dans l'ensemble de notre société, y compris dans nos lieux de travail. Les syndicats du Canada rejettent catégoriquement toute expression de haine et de discrimination. Nous nous sommes engagés à favoriser la création de milieux propices à l'inclusion, au respect et à la dignité pour tous.

Le coût humanitaire catastrophique de ce conflit exige que nous ne baissions jamais les bras tant qu'il n'aura pas été réglé. Quels que soient les obstacles et l'immense chagrin, notre humanité nécessite que nous nous nous efforcions diligemment et sans relâche de bâtir un mouvement pour la paix plus vaste et plus fort.

Nous avons pour devoir envers toutes les personnes pacifiques de la région de continuer à travailler inlassablement et stratégiquement à l'atteinte de l'objectif de faire régner la paix et la justice.

C'est ce que nos confrères travailleurs et travailleuses de Palestine et d'Israël nous ont demandé et c'est ce que nous continuerons à faire.

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Semaine nationale de la santé et de la sécurité du travail 20 au 26 octobre | Pas de risques à prendre !

8 octobre 2024, par Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) — , ,
À l'occasion de la Semaine nationale 2024 de la santé et de la sécurité du travail, l'APTS vous interpelle sur le rôle central que vous pouvez jouer dans l'identification, (…)

À l'occasion de la Semaine nationale 2024 de la santé et de la sécurité du travail, l'APTS vous interpelle sur le rôle central que vous pouvez jouer dans l'identification, l'élimination ou le contrôle des risques dans votre environnement de travail.

Saviez-vous que le secteur de la santé et des services sociaux compte pour 45% des lésions acceptées par la CNESST pour l'ensemble de la province, alors qu'il regroupe un peu moins de 10% des lieux de travail au Québec[1] ? Un constat qui porte à réfléchir.

C'est dire à quel point votre environnement professionnel comporte de très nombreux risques et qu'il ne faut pas les sous-estimer : surcharge de travail, violence physique ou verbale, mouvements répétitifs entraînant une douleur, environnement de travail non ergonomique, etc. La liste est longue.

Placés en première ligne face à ces risques, votre rôle est essentiel. Celui de votre employeur aussi. Identifier les risques constitue en effet le point de départ de toute amélioration en matière de santé et sécurité au travail. Et la meilleure façon de travailler dans un milieu sain et sécuritaire est de conjuguer l'engagement de l'employeur et la participation des travailleur·euse·s.

Votre participation à la prévention de la SST est importante, car vous êtes les « spécialistes » de votre milieu de travail et, de ce fait, les mieux placés pour déceler les situations à risques. C'est une bonne raison, mais c'est aussi un droit : faites-vous entendre ! D'autant plus qu'avec le nouveau cadre légal, votre déclaration ne risque pas de tomber entre les craques du plancher, faute de suivi.

Toutes les situations dangereuses ou à risques déclarées doivent faire l'objet d'un suivi rigoureux de l'employeur. En cas d'inaction de sa part, des recours existent. Informez-vous auprès de votre équipe locale, au besoin.

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Raconter l’histoire de la laïcité, pour pouvoir se projeter dans l’avenir

8 octobre 2024, par Jean Baubérot — , ,
Nous sommes en danger de « présentisme ». Pour ne pas s'enfermer dans une tour d'ivoire, l'historien doit pouvoir restituer, au-delà d'un étroit public de spécialistes, ce que (…)

Nous sommes en danger de « présentisme ». Pour ne pas s'enfermer dans une tour d'ivoire, l'historien doit pouvoir restituer, au-delà d'un étroit public de spécialistes, ce que des années de recherche ont permis d'apercevoir. Cette note de blog effectue deux présentations concernant l'histoire de la laïcité. L'ouvrage de P. Cabanel, « Le Droit de croire. La France et ses minorités religieuses », et la nouvelle édition retravaillée de mes deux « Que sais-je ? » aux PUF.

Tiré du blogue de l'auteur.

De toutes part, l'actualité nous accable. Mais, en ce jour anniversaire du 7 octobre, pour éviter de redire ce que d'autres expriment déjà fort bien, je m'en tiens à la règle que je me suis fixé pour ce Blog : parler de choses où je peux, immodestement, espérer tenir des propos un peu originaux.

Donc, pour ce qui concerne l'actuel, j'indiquerai seulement, qu'une nouvelle fois, j'ai été favorablement impressionné par l'entretien de Clémentine Autain sur France-Inter, samedi 5 octobre. Sur le fond, je suis, pour l'essentiel, en accord avec ce qu'elle a déclaré à propos du Proche-Orient (selon moi, elle est claire et sur le Hamas et sur Israël1), comme de la situation politique et sociétale française. Sur la forme, j'ai énormément apprécié que, allant contre la violence médiatique présente, elle émette des réponses dubitatives sur certaines questions ; affirmant que, sur tel et tel sujet, elle n'a pas encore de position assurée, qu'elle réfléchit, tout en donnant des éléments intéressants de réponse. Ainsi, elle a abordé le risque d'être contreproductif, en focalisant sur les victimes lors des procès de viol, si on incorpore le « consentement » dans sa définition juridique (ce qui serait, par ailleurs, un progrès).

Il doit être encore possible d'écouter cet entretien, pour celles et ceux qui l'auraient loupé. Une société laïque devrait être une société réflexive. Mais, prêtez l'oreille aux médias dominants, vous entendrez constamment parler d'« émotion », jamais de « rationalité ».

Autain présentait le mouvement qu'elle a co-fondé : « Après ». Ce titre est sobre, et nous sommes loin de la formule des « lendemains qui chantent » mais, en un seul mot, il pose la question fondamentale de notre aujourd'hui : comment la « génération désenchantée », que chantait déjà Mylène Farmer (en 1989 !), peut-elle arriver à se projeter dans un avenir vivable pour toutes et tous, et comment s'atteler à le construire ? Je suis persuadé qu'en effectuant le plus rigoureusement possible son travail, l'historien peut, à sa manière, contribuer à cette tâche collective. Il doit le faire en affrontant ce que Weber appelait les « faits dérangeants », en montrant les angles morts de la mémoire collective, en insérant les évidences présentes dans une dynamique historique : ces dernières perdent ainsi beaucoup de leur superbe !

L'historien rend service au militant en décryptant le « présentisme »

Nous sommes en danger de « présentisme ». J'attribue un double sens à ce terme. Celui défini par François Hartog : l'effacement contemporain du passé et du futur au profit d'un présent omniprésent et perpétuel ; mais également, second sens en interconnexion avec le premier, la tendance, à chaque époque, à faire du présent la norme intemporelle qui juge le passé et l'avenir selon les critères propres de l'aujourd'hui. Ce qui me passionne le plus, dans mon travail d'historien, c'est que je suis toujours écartelé entre le refus de l'anachronisme, la prise de distance nécessaire avec mes propres catégories culturelles et éthiques, nécessité absolue pour comprendre ce qui est advenu et faire œuvre de savoir, et le refus du relativisme, car les grands principes que nous considérons comme universels -comme l'égalité entre les femmes et les hommes- questionnent forcément, non seulement le présent mais également les temps passés.

J'ai choisi ce dernier principe car j'ai en tête un exemple très ravageur pour toute la gauche d'aujourd'hui, mais je ne l'indique pas tout de suite, afin de ménager un petit suspens !

Plus le travail de l'historien s'avère scientifiquement sérieux, plus il donne aux militant.e.s un apport précieux. S'il s'agit de conforter un catéchisme, même républicain ou de gauche, cela peut être accompli, vite fait, mal fait (et beaucoup le font déjà !). Nul besoin de passer des centaines d'heures à affronter des documents qui permettent de reconstruire le passé, sans le tordre comme un nez de cire. Ce travail de recherche, où l'on ne sait pas, au départ, ce que l'on va découvrir, est fondamental (encore une fois : il permet de sortir des stéréotypes). Et il interroge aussi le présent car, si les conjonctures sont structurellement différentes et les problèmes affrontés autres, il existe des permanences anthropologiques : ainsi, à chaque fois, il faut arriver à démolir un « mur de peur » (métaphore analogue au plafond de verre) car, comme l'indique la sagesse populaire (sociologiquement souvent très pertinente), « la peur est mauvaise conseillère ».

Mais, pour ne pas s'enfermer dans une tour d'ivoire, l'historien doit, ensuite, s'adonner à un travail de vulgarisation (très frustrant pour lui : cela l'oblige à des raccourcis), indispensable pour pouvoir restituer, au-delà d'un étroit public de spécialistes, ce que des années de recherche ont permis d'apercevoir.

Cette Note effectue deux présentations concernant l'histoire de la laïcité. D'abord, l'ouvrage de Patrick Cabanel, Le Droit de croire. La France et ses minorités religieuses, XVIe-XXIe siècle (Passés composés). Ce livre tient plutôt du premier aspect (la recherche) ; quoi qu'en opérant une synthèse sur la longue durée, il manifeste aussi une ouverture vers le second (la vulgarisation) et, de plus, montre que des obsessions comme celle du « grand remplacement » sont récurrentes dans l'histoire de France. Ensuite, je signalerai la nouvelle édition retravaillée, parue ces derniers mois, de mes deux « Que sais-je ? » aux PUF (je vous avais prévenu que je serai immodeste !), Histoire de la laïcité en France et les Laïcités dans le monde. Ces ouvrages appartiennent, sans conteste, à de la vulgarisation. Mais je n'aurai jamais pu écrire ces petits livres (vous connaissez la formule : 128 pages maxi) si je n'avais pas, par ailleurs, effectué, pendant des décennies, des recherches de « première main » (comme on dit, dans notre jargon professionnel).

La France et ses minorités religieuses. Pluralisme et laïcité

Historien du protestantisme, spécialiste des rapports historiques qui ont existé entre protestants et juifs, auteur de livres qui ont trait à la laïcité, Cabanel est on ne peut plus qualifié pour analyser les relations que l'Etat et la société française ont noué avec les minorités religieuses, à partir du moment où celles-ci n'ont pas pu être éradiquées ou expulsées et où s'est, en conséquence, posée la question de la « tolérance » de ceux que l'on n'arrivait pas à supprimer. Son ouvrage est, en fait, une histoire des difficultés culturelles du pluralisme en France, malgré sa nécessité politique pour éviter (ou pouvoir terminer, comme au XVIe siècle) la guerre civile. L'instauration du pluralisme (même limité) est hautement réversible, comme le montre la Révocation de l'Edit de Nantes, en 1685, qui s'effectue dans la nostalgie de l'unité perdue. Souvent, cela va de pair avec la haine de la diversité, comprise comme une division menaçante. L'historien relève, à plusieurs reprises, des fictions complotistes, produisant un florilège d'accusations où foisonne cette haine.

Cabanel met en lumière la panique, la hantise d'une majorité qui craint de devenir minoritaire dans « son » propre pays : nous la retrouvons, écrit-il, « au long des siècles, face aux juifs, puis aux musulmans ». Mais, bien sûr, ce ressenti est fallacieux : le véritable problème est d'« être la majorité -et ne plus être que cela- quand on a été le tout », quand on se pense toujours comme étant le tout. « Et le pire est peut-être, ajoute-t-il, ce moment où la minorité, d'abord visible, et dérangeante pour cela, devient invisible à force d'intégration réussie (ce que la majorité a exigé ou qu'elle a cru impossible) : c'est alors que la peur d'un ‘remplacement' peut surgir ». Les édits de tolérance (du XVIe siècle et celui de 1787) deviennent alors une « honteuse capitulation », une « puanteur » qui produit un « vomissement » et putrifie « le sang » de la France « autrefois (dit-on) si beau, si pur, si bouillant de dévotion ». Et notre auteur de se poser la question « le complotisme ne surgit-il pas » quand les majoritaires se voient contraints de « renoncer à [leur] exclusivité et d'assister à l'ouverture des droits aux minorités ? Les haines religieuses deviennent alors sociales et politiques ». Un autre ouvrage, qui vient de paraître, Survivre. Une histoire des guerres de religions de Jérémie Foa (Seuil) le montre de façon érudite, pour ce qui concerne les conflits traumatiques du XVIe siècle.

Ces peurs vont à l'encontre d'une gestion politique que l'on peut qualifier de pré-laïque où, si les principes actuels de la laïcité ne sont pas encore observés, son fondement est établi : l'excommunié ne cesse pas d'être citoyen, il possède toujours des droits (Michel de l'Hospital). C'est la logique de l'Edit de Nantes de 1598, après les quarante années de « guerres de religions ». Mais cet Edit ne propose pas, pour autant, un idéal pluraliste. Il se veut un agencement temporaire, dans l'attente d'une unité religieuse retrouvée. Mentalité dont les traces ont, ensuite, été récurrentes.

A lire Cabanel, on perçoit lumineusement l'importance (oubliée) de l'état-civil dans la fabrication de la laïcité et à quel point les spécificités laïques françaises ont historiquement à voir avec sa répulsion envers le pluralisme. Le fait était déjà connu pour l'Edit de tolérance de 1787, sous Louis XVI : devant le problème social que pose le fait de considérer juridiquement comme « batard » les enfants de protestants, pour ne pas reconnaitre la validité des mariages célébrés (clandestinement) par les pasteurs (et donc donner de la légitimité politique à la pluralité des convictions), on instaure la possibilité d'un état civil laïque pour les « non-catholiques » (quitte à faire surgir la crainte d'une « possible fluidité des mariages »).

On trouve là un embryon de laïcité qui précède la généralisation de l'état civil laïque opéré, en 1792, par la Révolution française. Il s'enracine dans le refus du pluralisme et, d'ailleurs, cette généralisation de l'état civil, cinq ans plus tard, garde un état d'esprit analogue : elle permet, en effet, d'éviter de reconnaitre la légitimité des actes opérés par les prêtre réfractaires (ceux qui ont refusé de prêter serment à la Constitution civile du clergé de 1790).

Or, sur cette question, Cabanel va beaucoup plus loin en nous rendant attentif à un paradoxe : la Révocation de l'Edit de Nantes a produit de la laïcisation ! En effet, l'interdiction du protestantisme, en 1685, conduit une Déclaration royale à édicter que les plus proches parents d'une personne « morte sans les secours de la religion catholique devraient déclarer le décès aux juges royaux et apposer leur signature sur un registre prévu à cet effet : c'était l'ébauche d'un premier enregistrement non religieux, d'une ‘laïcité' à destination des protestants ». Après la Révocation et à cause d'elle, la France compte « deux registres des morts : celui de l'Eglise [catholique], celui de l'Etat (pourtant catholique mais prenant en charge les seuls protestants) … C'est une forme de séparation, ou plutôt de complémentation ».

Notre historien nous livre là une découverte scientifique de la plus haute importance : elle est, en effet, décisive contre toute sacralisation de la « laïcité à la française », celle-ci s'enracine, entre autres (bien sûr), dans une incapacité historique à vivre le pluralisme, incapacité dont les conséquences pèsent encore aujourd'hui. D'ailleurs, il faut cesser de se raconter des contes de fées : on répète à satiété la phrase de Clermont-Tonnerre : « Tout accorder aux juifs comme individus, tout leur refuser comme nation », en ignorant que, peu après, alors que les autres citoyens prêtaient serment individuellement, on a fait prêter serment aux rabbins au nom de leur communauté ; double jeu souvent caractéristique de l'attitude dominante française face aux minorités. Et, avec l'exemple, du protestantisme et du jansénisme, notre auteur montre aussi que des minorités, combattues à partir de peurs analogues, peuvent très bien s'entredéchirer, au lieu de présenter un front commun face aux discriminations qu'elles subissent. L'actualité n'en donne-t-elle pas un nouvel exemple ?

Je vais m'arrêter là, faute de pouvoir indiquer tous les aspects importants de ce livre. Je signale seulement, au fil de la plume, quelques points parmi d'autres, qui ont alimenté ma réflexion. Par exemple, la manière dont la mémoire collective tronque le passé. Deux cas : le rôle oublié de Pierre Bayle dans l'histoire de la laïcité ; la façon dont Voltaire met en avant l'exemple anglais, alors que ses admirateurs contemporains passent leur temps à décrier un « modèle anglo-saxon ». Me semble également éclairante, la notion (un oxymore !) d'« universalité dominante » et la proximité rappelée, par l'auteur, entre « Marianne » et « Marie », ce qui pose le problème de la « catho-laïcité ». Je terminerai, cependant, par une critique : Cabanel apparait moins à l'aise quand il s'agit d'analyser « l'histoire du temps présent ». Néanmoins, son ouvrage donne des matériaux très précieux pour le décrypter et cela est l'essentiel.

Laïcité en France et dans le monde

Je l'ai indiqué, mes deux « Que sais-je ? » se situent, eux, du côté de la vulgarisation et ils atteignent leur but puisque l'Histoire de la laïcité en France, paru pour la première fois en 2000, en est à sa 9ème édition, et que Les laïcités dans le monde, paru en 2007, en est à sa sixième. Chacune de ces rééditions conduit, non seulement, à actualiser un sujet toujours en mouvement, mais me pousse à retravailler l'ensemble de l'ouvrage, d'abord, pour tenir compte de nouvelles parutions (ainsi la majorité des études auxquelles je me réfère maintenant ont été publiées après la 1ère édition de chaque ouvrage) ; ensuite, pour reformuler plus clairement certains passages, les améliorer, tenir compte des préoccupations actuelles ; enfin, pour intégrer les résultats des recherches que j'ai effectuées depuis l'édition précédente. Et cela doit être réalisé sans augmenter le nombre de pages : rude tâche !

J'ai donc procédé ainsi en vue des nouvelles éditions. Pour l'Histoire de la laïcité en France les principaux changements concernent le XXe et le début du XXIe siècle. D'une part, des transformations (déjà commencés dans l'édition de 2021, mais poursuivies) concernent la préparation, la fabrication et l'application de la loi de 1905 (chapitre V, dont le nombre pages a augmenté), séparant les Eglises de l'Etat : intégrer, en quelques paragraphes, les 1470 pages des 3 tomes de mon Histoire politique des séparations des Eglises et de l'Etat (1902-1908), cela donne des sueurs froides…. D'autre part, j'ai réagencé, et partiellement réécrit, les chapitres VI et VII.

Quand j'avais rédigé le livre, à la fin du XXe siècle, il était assez logique que le chapitre VI se termine avec la loi Debré de 1958 et que le dernier chapitre concerne ce qui était arrivé depuis. Un quart de siècle plus tard, semblable périodisation était devenue obsolète. Ayant gagné quelques pages sur l'avant séparation, j'ai pu réécrire un chapitre VI, couvrant, cette fois, la période 1909-1989 (« La laïcité établie et adoucie ») et un autre, plus étoffé, allant de 1989 à aujourd'hui (« Troisième seuil de laïcité et nouveaux défis »). Cela me permet de clarifier davantage les enjeux de ce que j'appelle le « troisième seuil de laïcisation », et qui (il faut bien croire à ce que l'on fait, sinon on ne se mettrait pas, chaque matin devant son ordinateur quand on est, soi-disant, à la « retraite » !) me semble être une clé essentielle pour pouvoir comprendre et analyser la situation présente. A noter que celles et ceux qui disent : « M'enfin, on n'en est plus à 1905 » (après avoir largement sacralisé leur version de la loi de séparation !) et me reprochent de trop me focaliser sur cette période ignorent (ou font mine d'ignorer) que, précisément, grâce à la perspective des trois seuils, je prends en compte les changements structurels de situation.

C'est également la manière dont la notion de seuils de laïcisation peut apporter un éclairage sur les processus internationaux de laïcité (et de crise actuelle de la laïcité) qui a guidé la manière dont j'ai retravaillé le livre Les laïcités dans le monde (et la distinction de la laïcisation et de la sécularisation : la laïcité devrait être la règle politique qui permet la vie pacifiée d'individus et de groupes entretenant des rapports différenciés à la sécularisation). Ce sont les derniers chapitres (« Géopolitique de la laïcité » et « Laos, laïcités et défis du XXIe siècle ») où les changements ont été les plus importants. Mais j'ai intégré également, pour les autres périodes, des ouvrages anglophones importants parus depuis la dernière édition (et même, pour quelques-uns, auparavant … mais je ne les avais pas pris en compte !). Ce livre tente de prendre de plus en plus de distance avec le provincialisme de la vision française dominante de la laïcité. Et, paradoxe, alors que le « Que sais-je » sur la France, qui contient le mot « histoire » dans son titre, commence (mis à part l'Introduction) avec la Révolution, cet ouvrage sur Les laïcités dans le monde « remonte » plus en avant dans le temps et, après un chapitre intitulé « Préhistoire de la laïcité », insiste sur ses fondements de philosophie politique au XVIIIe siècle.

Donc, je m'améliore d'éditions en éditions : vous verrez, dans 20 ans, quand j'aurai 103 ans, mes deux « Que sais-je ? » approcheront la perfection !

Pour finir, un exemple de domination masculine

Et maintenant, pour terminer, j'honore ma promesse de vous livrer un exemple, très ravageur pour le référentiel de toute la gauche d'aujourd'hui, et très significatif de la façon dont les rapports femmes-hommes pouvaient être pensés au début du XXe siècle.

Je raconte : Le processus qui a conduit à la loi de séparation a été accompagné par la société civile de l'époque, notamment une association, l'Union pour l'Action Morale, où de brillants intellectuels, et quelques personnalités politiques, ont réfléchi au problème. Ils se voulaient novateurs, hommes de progrès, et ont organisé de « libres débats ». A la fin de la quatrième réunion, le responsable de l'UAM, Paul Desjardins, approuvé par Ferdinand Buisson (auquel beaucoup de militants laïques reprochaient d'être favorable au droit de vote des femmes), déclare : « après avoir écouté les idées », nous devons « prêter attention aux sentiments ». La raison : jusqu'à présent, tous ceux qui ont parlé sont des hommes (les idées !), maintenant, il serait bon d'écouter une femme (les sentiments !). C'est (notion oxymore) du féminisme sexiste ! Cela dit, pas de féminisme échevelé et, les réunions suivantes, seuls des hommes continuent de pérorer.

Mais Desjardins a de la suite dans les « idées » (c'est un homme !) et, à la neuvième et dernière séance, il lance une discussion sur la « désharmonie religieuse […] entre hommes et femmes ». Une dame (Mme Moll-Weiss) peut alors s'exprimer. Elle explique que le meilleur moyen de remédier à cette « désharmonie » consisterait à instaurer une « parité d'éducation ». On éviterait ainsi tout « tiraillement entre époux ». Mais ces propos tombent complètement à plat, car un homme qui prend la parole ensuite et n'en tient nul compte : il en revient au sujet précédent (les associations cultuelles doivent-elle être « larges » ou « étroites » ?) qui, dès lors, conduit la discussion. Sauriez-vous dire quel est cet homme qui a, ainsi, méprisé la parole d'une femme ? Bien sûr, ce n'est pas évident et je vous donne un indice : cet homme se prénomme Jean.

Vous ne trouvez pas : je vais vous fournir un autre indice, son nom commence par J. Eh oui, l'homme pour qui cette unique intervention féminine a compté pour du beurre n'est autre que Jean Jaurès. Double moralité de ce qui s'est alors passé : d'une part, c'est un exemple supplémentaire de l'aspect quasi-consensuel de la domination masculine séculaire ; d'autre part cela nous rappelle qu'être laïque c'est aussi avoir assez de lucidité pour ne pas auréoler quiconque et savoir que les systèmes de valeurs, les réflexes culturels changent. Bref, loin d'accuser le passé, cet exemple doit nous conduire à nos poser une vertigineuse question : que vaudront, dans cent ans, nos généreuses idées d'aujourd'hui ?

Note

(1) Ce qui se passe à Gaza, et maintenant au Liban, est horrible. En plus de la cruauté de leur riposte et des malheurs qu'elle engendre, les dirigeants israéliens mènent une politique complètement suicidaire. Il est dramatique de constater qu'ils s'avèrent très opérationnels pour massacrer, mais ont été incapables de tenir compte des signaux que leur indiquait un Rapport remis un an auparavant et, juste avant le massacre, des informations des soldat.e.s sur les préparatifs de l'attentat terroriste du Hamas (ce qui ne relativise en rien sa tuerie) et, ainsi, de protéger leur peuple. C'est le 11 septembre, puissance 10 où, également, on avait assisté à l'incapacité notoire des services de renseignement américains à tenir compte des données dont ils disposaient ; et, après l'attentat, l'illusion a dominé qu'en envahissant l'Irak, l'Amérique allait régler le problème et instaurer la démocratie. Aussi bien cette incapacité intellectuelle que ces réponses, où on croit naïvement trouver la solution dans un surcroit de violence, témoigne du même enfermement dans des certitudes à deux balles et d'un manque d'intelligence, d'une absence énorme de réflexivité.

Ceci dit, la situation est d'autant plus désespérante qu'on ne voit pas, dans la classe politique libanaise, des personnes à la hauteur de la situation. Quant au Hamas, qu'Israël a contribué à faire grandir, comme beaucoup d'autres, je ne souhaite pas qu'il prenne la direction d'un (hélas, très éventuel) Etat palestinien et en fasse un nouvel Iran.

Pour ce qui nous concerne, il faut tenter d'agir de façon juste (dans les 2 sens du terme : justice et justesse). J'y reviendrai sans doute dans une prochaine Note. J'indiquerai seulement, ici, qu'il importe de combattre tous les amalgames : depuis des années, je me bats pour éviter que les Français musulmans ne soient, si peu que ce soit, confondus avec le terrorisme islamique, ce n'est pas pour accepter qu'on le mette, si peu que ce soit, sur le dos des Français juifs, le terrorisme d'Etat du gouvernement israélien.

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Pour une grande réflexion en culture : Il est temps pour les artistes d’obtenir des réponses

8 octobre 2024, par Isabelle Blais, Olivier Aubin, Pierre-Luc Brillant — , ,
Depuis plusieurs années, les gouvernements qui se sont succédé ont injecté avec raison des sommes importantes dans le domaine de la culture afin d'en assurer le développement (…)

Depuis plusieurs années, les gouvernements qui se sont succédé ont injecté avec raison des sommes importantes dans le domaine de la culture afin d'en assurer le développement et la pérennité. Or, en consultant plusieurs données statistiques frappantes, il devient évident que quelque chose ne va pas dans la façon dont percole l'argent, de la main de l'État jusqu'aux créateurs.

Note : plus de 300 personnes du milieu ont signé cette lettre. Voir la liste en fin d'article.

La réalité, c'est que malgré une augmentation de 25 % des budgets en culture dans les dernières années, la moyenne salariale des artistes n'a pas bougé de façon significative depuis 30 ans. Elle est aujourd'hui de 20 787 $, soit 4500 $ de moins qu'un travailleur au salaire minimum. Si nous écartons le 1 % des artistes qui gagnent 200 000 $ et plus, nous dégringolons à un revenu moyen de 16 911 $… 15 000 $ sous le seuil de la pauvreté… Les créateurs de chez nous ne cessent de s'appauvrir et galèrent de plus en plus pour pouvoir exercer leur métier avec dignité.

Une question devient alors pressante et inévitable :

Quel est donc le parcours que suit le financement public, si précieux et vital pour notre culture, de la main de l'État, en passant par les producteurs et les diffuseurs, jusqu'aux créateurs à qui le public doit les œuvres qu'il regarde, lit ou entend ?

La réponse à cette interrogation fort simple est d'une ambiguïté et d'une complexité qui, croyons-nous, n'a pas lieu d'être. Il est impératif de comprendre les rouages de l'attribution des subventions et de la gestion des budgets. Qui dit trésor public dit comptes à rendre.

Nous ne doutons pas de la bonne foi de la plupart des intervenants du milieu culturel.

Mais force est de constater que pour certains d'entre eux, le financement de nos gouvernements en culture semble devenir une manne lucrative au détriment du bien-être de trop nombreux artistes sans lesquels ils ne sauraient exister.

Questions sans réponses

Voici en rafale quelques questions cruciales, parmi bien d'autres, qui braquent les projecteurs sur ce qui ressemble à des contradictions, voire des apparences de conflits d'intérêts :

– Comment des compagnies de production, qui vivent presque uniquement grâce à de l'argent public, peuvent-elles devenir si lucratives que des consortiums dûment cotés en bourse les achètent ?

– Comment sont gouvernées nos principales institutions subventionnaires (SODEC, CALQ, Téléfilm, Musicaction, etc.) dont les administrateurs, souvent producteurs, peuvent occuper plusieurs sièges simultanés au sein des différents conseils d'administration ?

– Comment des boîtes de production qui demandent des subventions peuvent-elles se retrouver à siéger à des CA d'institutions qui leur accordent ces mêmes subventions ?

– Pourquoi certaines compagnies se voient-elles accorder systématiquement, année après année, des enveloppes discrétionnaires récurrentes, amaigrissant ainsi la part attribuée aux petites compagnies qui peinent à obtenir du financement ? Bref, comment se fait-il que l'argent public soit accaparé par une poignée d'entreprises culturelles, alors qu'une plus grande diversité d'entreprises pourrait s'épanouir et proposer des projets innovants avec le même argent ?

– Pourquoi est-il si difficile de tracer le parcours que suit l'argent public en culture ?

Au regard de ces questions qui demeurent sans réponses, il n'est pas étonnant que les créateurs se sentent de plus en plus floués et impuissants. À un point tel qu'une grave crise de confiance face aux institutions est en train de se dessiner dans la communauté artistique. Tout le monde gagnerait à obtenir plus de transparence.

C'est sans compter les autres problèmes importants que le milieu culturel doit affronter sans délai.

Pensons aux GAFAM qui sont venus en quelques années seulement vampiriser les revenus des artistes en utilisant de façon éhontée leurs œuvres ou leurs performances sans payer (ou si peu) de redevances.

L'exemple de la musique est criant. Une entreprise comme Spotify ne verse pratiquement rien à des artistes dont les œuvres peuvent jouer des centaines de milliers, voire des millions de fois sur sa plateforme. Pourtant, la même entreprise exige un abonnement fort lucratif pour nous permettre d'écouter ces mêmes œuvres.

Ajoutons à tout ça l'émergence fulgurante de l'intelligence artificielle qui « apprend » en observant, en écoutant et en copiant des œuvres, des voix, des mouvements d'artistes en chair et en os dans le but de se substituer à eux… et nous avons le dernier ingrédient pour nous concocter une fantastique catastrophe qui ne pourra qu'affaiblir gravement notre culture à long terme.

Est-il besoin de plus d'arguments pour convaincre nos gouvernements d'inviter tous les intervenants du milieu de la culture à des états généraux ? Que ce soit en littérature, théâtre, danse, arts visuels, musique, audiovisuel, un grand questionnement collectif s'impose afin de réfléchir à l'avenir de notre riche écosystème culturel, de trouver des solutions aux écueils qui le guettent, de libérer la parole et redonner un tant soit peu de dignité aux artistes qui en constituent le fondement brut.

C'est une question d'identité, de sauvegarde et de pérennité.

La culture est un bien essentiel.

Consultez la liste des signataires

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Fredric Jameson (1934-2024), penseur de notre détresse politique

8 octobre 2024, par Geographies en mouvement — , ,
Fredric Jameson est mort le 22 septembre. Peu traduit en français, il est l'un des penseurs les plus influents de ces 50 dernières années. Critique littéraire, théoricien de la (…)

Fredric Jameson est mort le 22 septembre. Peu traduit en français, il est l'un des penseurs les plus influents de ces 50 dernières années. Critique littéraire, théoricien de la postmodernité, Jameson offre de précieux outils pour penser le monde contemporain et les causes de notre impuissance politique. (Manouk Borzakian)

Tiré du blogue de l'auteur.

C'est l'histoire d'une citation victime de son succès : « il est plus facile d'imaginer la fin du monde que d'imaginer la fin du capitalisme ». Il est du dernier chic de l'asséner comme la vérité ultime de l'époque : le capitalisme – qu'on se garde bien de définir au passage[1] – est un système si mauvais et destructeur, mais aussi tellement profondément ancré dans le fonctionnement de nos sociétés et dans nos imaginaires, qu'on n'en sortira pas autrement que les pieds devant.

Voilà un terrible paradoxe. Jameson, auteur en 1961 d'une thèse sur Sartre et devenu un analyste incontournable des manifestations culturelles du capitalisme tardif, a consacré sa carrière intellectuelle à rappeler l'absolue nécessité d'« historiciser » : comprendre une œuvre passe par l'exploration du contexte, avec lequel elle interagit. Et le voici justement réduit à une phrase choc, sans histoire ni contexte, pour penseurs et penseuses critiques de pacotille.

Paralysie intellectuelle

Le paradoxe n'est qu'apparent et donne raison à Jameson lui-même : l'ignorance du contexte et de l'histoire est devenue le trait principal de notre appréhension collective du monde.

Faire l'impasse sur le (con)texte de la trop célèbre citation n'en est pas moins regrettable. D'autant que l'article dont elle provient, un compte rendu de lecture publié en 2003 dans la New Left Review, fournit des clés pour saisir la pensée de Jameson. Ce dernier part de deux livres issus de séminaires organisés à Harvard par l'architecte star et théoricien de l'urbanisme Rem Koolhaas. On y trouve une réflexion collective sur l'évolution récente du phénomène urbain, entre marchandisation des villes et frénésie de la construction et reconstruction permanente. Jameson, après un rapide survol du contenu des deux volumes, tente de le passer au tamis de sa grille théorique. Intervient alors la fameuse citation (complète) :

« Quelqu'un a dit un jour qu'il était plus facile d'imaginer la fin du monde que d'imaginer la fin du capitalisme. On peut maintenant corriger cela et assister à la tentative d'imaginer la fin du monde comme moyen d'imaginer le capitalisme[2]. »

Au risque de l'autoplagiat, Jameson reprend une idée déjà formulée en 1994, dans The Seeds of Time : « Il semble plus facile pour nous aujourd'hui d'imaginer la dégradation permanente de la Terre et de la nature que l'effondrement du capitalisme tardif[3]. » Au début du 21e siècle, son constat demeure : nous sommes devenus incapables de penser l'avenir autrement que comme la répétition d'un présent insoutenable. Et 20 ans plus tard, le succès éditorial de la collapsologie fait figure de symptôme parmi d'autres de la persistance de cette difficulté contemporaine à penser l'histoire humaine autrement que comme une fin.

Incertitude spatiale

Contre une telle paralysie intellectuelle et politique, l'article de 2003 avance une solution en forme de synthèse de l'œuvre de Jameson : il faut redonner un sens à l'histoire, une histoire dont l'humanité serait actrice, fruit d'une projet collectif. L'injonction rappelle la proximité de son auteur avec une tradition marxienne hétérodoxe inaugurée par le premier Lukács et poursuivie par l'École de Francfort et les situationnistes.

On peut trouver le remède un peu vague. Mais le diagnostic compte autant que le remède. Mieux : reconnaître le problème constitue déjà un geste intellectuel et politique, un pas de côté amorçant un changement. Acquis à cette idée, Jameson s'est appliqué durant plusieurs décennies à identifier les traits de la postmodernité, époque coïncidant avec le développement du capitalisme post-fordiste.

Géographes et urbanistes retiendront, dans son ouvrage majeur Le Postmodernisme ou la logique culturelle du capitalisme tardif, la description du Westin Bonaventure. L'hôtel de 33 étages, construit à Los Angeles dans les années 1970, garantit à qui le visite une expérience déroutante. Ses entrées latérales ne mènent pas toutes au même étage, ascenseurs de verre et escalators offrent le spectacle d'un mouvement perpétuel, on ne trouve pas la réception sans aide et, depuis l'extérieur, l'immense structure en verre renvoie un reflet déformé des bâtiments alentour.

Bref, impossible de saisir la logique de l'ensemble. L'hôtel conçu par l'architecte John Portman résume le monde contemporain, dans lequel nous peinons à nous situer au sein d'un gigantesque réseau de communication qui semble infini et sans hiérarchie. Plus possible de se former une image mentale du monde comme totalité, d'en produire ce que Jameson nomme une « cartographie cognitive ». En constant changement et privé de grand récit explicatif, le monde contemporain est insaisissable et génère une incertitude permanente.

Le cinéma paranoïaque des années 1970, analysé dans La Totalité comme complot, témoignait déjà de la manière dont l'imaginaire du complot vient combler le manque de repères sociopolitiques de l'époque. Plus récemment, les films de zombies ont dépeint le déficit de sens dont souffrent les sociétés occidentales contemporaines et les remèdes qu'elles tentent d'y apporter.

Littérature, cinéma, urbanisme, la pensée foisonnante de Jameson déroute parfois, stimule toujours. Proche par bien des aspects de la notion de « modernité liquide » de Zygmunt Bauman, sa critique de la postmodernité est incontournable pour espérer sortir de l'ornière intellectuelle, culturelle et politique de ce début de siècle.

Notes

[1] Essayons, pour la peine. Le capitalisme est un système économique et politique dans lequel l'humanité se soumet aux exigences de la marchandise. Non seulement les individus consacrent l'essentiel de leur temps à produire (via le travail salarié) et à consommer des marchandises. Mais la logique marchande – échange monétisé, efficacité, quantité, performance – colonise leur vie, des vacances à l'activité physique en passant par la nourriture et les relations amoureuses.

[2] Traduction approximative de : « Someone once said that it is easier to imagine the end of the world than to imagine the end of capitalism. We can now revise that and witness the attempt to imagine capitalism by way of imagining th end of the world. »

[3] « It seems to be easier for us today to imagine the thoroughgoing deterioration of the earth and of nature than the breakdown of late capitalism. »


À lire

Fredric Jameson, « Future City », New Left Review n°21, 2003.

Fredric Jameson, Le Postmodernisme ou la logique culturelle du capitalisme, ENSDBA, 2007 (trad. Florence Nevoltry, édition originale : 1991).

Fredric Jameson, La Totalité comme complot. Conspiration et paranoïa dans l'imaginaire contemporain, Les Prairies ordinaires (trad. Nicolas Vieillescazes, édition originale : 1992).

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Le surréalisme comme mouvement révolutionnaire

8 octobre 2024, par Michael Löwy — ,
Le surréalisme n'est pas, et n'a jamais été, une école littéraire ou un courant artistique « d'avant-garde » (comme le cubisme ou le fauvisme), mais une vision du monde, un (…)

Le surréalisme n'est pas, et n'a jamais été, une école littéraire ou un courant artistique « d'avant-garde » (comme le cubisme ou le fauvisme), mais une vision du monde, un mode de vie, et une tentative éminemment subversive de réenchanter le monde. Il est aussi une aspiration utopique et révolutionnaire à « transformer le monde » (Marx) et « changer la vie » (Rimbaud) : deux mots d'ordre identiques, selon André Breton. C'est une aventure en même temps poétique et politique, magique et ludique. Elle a commencé à Paris il y a cent ans, en 1924. Elle continue aujourd'hui.

Tiré de Inprecor 724 - septembre 2024
29 septembre 2024

Par Michael Löwy

Au rendez-vous des amis. Max Ernst 1922. Aragon, Breton, Desnos ... Eluard,

Le surréalisme est, dès son origine, un mouvement international. Cependant, dans les pages suivantes nous allons nous occuper surtout du groupe surréaliste de Paris, d'abord autour d'André Breton, mais qui a continué son activité après le décès de l'auteur des Manifestes du surréalisme.

L'aspiration révolutionnaire est à l'origine même du surréalisme et prend d'abord une forme libertaire, dans le Premier Manifeste du Surréalisme (1924) d'André Breton : «  Le seul mot de liberté est tout ce qui m'exalte encore ». En 1925, le désir de rompre avec la civilisation bourgeoise occidentale conduit Breton à se rapprocher des idées de la révolution d'Octobre, comme en témoigne son compte rendu du Lénine de Léon Trotsky. S'il adhère en 1927 au Parti communiste français, il ne garde pas moins, comme il s'en explique dans la brochure Au grand jour, son « droit de critique ».

C'est le Second Manifeste du Surréalisme (1930) qui tire toutes les conséquences de cet acte, en affirmant «  totalement, sans réserve, notre adhésion au principe du matérialisme historique ». Tout en faisant valoir la distinction, l'opposition même, entre le « matérialisme primaire » et le « matérialisme moderne » dont se réclame Friedrich Engels, André Breton insiste sur le fait que «  le surréalisme se considère comme lié indissolublement, par suite des affinités que j'ai signalées, à la démarche de la pensée marxiste et à cette démarche seule ».

Un marxisme émerveillé

Il va de soi que son marxisme ne coïncide pas avec la vulgate officielle du Komintern. On pourrait peut-être le définir comme un « marxisme gothique », c'est-à-dire un matérialisme historique sensible au merveilleux, au moment noir de la révolte, à l'illumination qui déchire, comme un éclair, le ciel de l'action révolutionnaire.

Il appartient en tout cas, comme celui de José Carlos Mariategui, de Walter Benjamin, d'Ernst Bloch et de Herbert Marcuse, à un courant souterrain qui traverse le 20e siècle : le marxisme romantique. C'est-à-dire une forme de pensée qui est fascinée par certaines formes culturelles précapitalistes et qui rejette la rationalité froide et abstraite de la civilisation industrielle moderne – mais qui transforme cette nostalgie du passé en force dans le combat pour la transformation révolutionnaire du présent. Si tous les marxistes romantiques s'insurgent contre le désenchantement capitaliste du monde – résultat logique et nécessaire de la quantification, mercantilisation et réification des rapports sociaux – c'est chez André Breton et le surréalisme que la tentative romantique/révolutionnaire de réenchantement du monde par l'imagination atteint son expression la plus éclatante.

Le marxisme de Breton se distingue aussi de la tendance rationaliste/scientiste, cartésienne/positiviste, fortement marquée par le matérialisme français du 18e siècle – qui dominait la doctrine officielle du communisme français – par son insistance sur l'héritage dialectique hégélien du marxisme. Dans sa conférence à Prague (mars 1935) sur « la situation surréaliste de l'objet » il insistait sur la signification capitale du philosophe allemand pour le surréalisme : « Hegel, dans son Esthétique, s'est attaqué à tous les problèmes qui peuvent être tenus actuellement, sur le plan de la poésie et de l'art, pour les plus difficiles et qu'avec une lucidité sans égale il les a pour la plupart résolus […]. Je dis qu'aujourd'hui encore c'est Hegel qu'il faut aller interroger sur le bien ou le mal-fondé de l'activité surréaliste dans les arts  ». Quelques mois plus tard, dans son célèbre discours au Congrès des écrivains pour la défense de la culture (juin 1935), il revient à la charge et ne craint pas de proclamer, à contre-courant d'un certain chauvinisme antigermanique : «  C'est avant tout dans la philosophie de langue allemande que nous avons découvert le seul antidote efficace contre le rationalisme positiviste qui continue ici à exercer ses ravages. Cet antidote n'est autre que le matérialisme dialectique comme théorie générale de la connaissance.  »

Breton et Trotsky

La suite de l'histoire est connue : de plus en plus proches des positions de Trotsky et de l'opposition de gauche, la plupart des surréalistes (sans Louis Aragon !) vont rompre définitivement avec le stalinisme en 1935. Ce n'est en rien une rupture avec le marxisme, qui continue à inspirer leurs analyses, mais avec l'opportunisme de Staline et ses acolytes qui « tend malheureusement à annihiler ces deux composantes essentielles de l'esprit révolutionnaire » qui sont : le refus spontané des conditions de vie proposées aux êtres humains et le besoin impérieux de les changer.

En 1938 Breton rend visite à Trotsky au Mexique. Ils vont rédiger ensemble un des documents les plus importants de la culture révolutionnaire au 20e siècle : l'appel «  Pour un art révolutionnaire indépendant », qui contient le passage célèbre suivant : « pour la création culturelle [la révolution] doit dès le début même établir et assurer un régime anarchiste de liberté individuelle. Aucune autorité, aucune contrainte, pas la moindre trace de commandement ! […] Les marxistes peuvent marcher ici la main dans la main avec les anarchistes ». Comme l'on sait, ce passage est de la plume de Trotsky lui-même, mais l'on peut supposer aussi qu'il est le produit de leurs longues conversations au bord du lac Patzcuaro.

C'est dans l'après-guerre que la sympathie de Breton pour l'anarchie va se manifester plus clairement. Dans Arcane 17 (1947) il rappelle l'émotion qu'il ressentit lorsque, enfant encore, il découvrit dans un cimetière une tombe avec cette simple inscription : « ni Dieu ni Maître ». Il énonce, à ce propos, une réflexion générale : «  au-dessus de l'art, de la poésie, qu'on le veuille ou non, bat aussi un drapeau tour à tour rouge et noir  » – deux couleurs entre lesquelles il refuse de choisir.

D'octobre 1951 à janvier 1953, les surréalistes vont collaborer régulièrement, avec des articles et des billets, avec le journal le Libertaire, organe de la Fédération anarchiste française. Leur principal correspondant dans la Fédération était à ce moment le communiste libertaire Georges Fontenis. C'est à cette occasion qu'André Breton écrira le texte flamboyant intitulé « La claire tour » (1952), qui rappelle les origines libertaires du surréalisme : «  Où le surréalisme s'est pour la première fois reconnu, bien avant de se définir à lui-même, et quand il n'était encore qu'association libre entre individus rejetant spontanément et en bloc les contraintes sociales et morales de leur temps, c'est dans le miroir noir de l'anarchisme  ». Malgré la rupture intervenue en 1953, Breton n'a pas coupé les ponts avec les libertaires, continuant à collaborer à certaines de leurs initiatives.

Révolutionnaires impénitents

Cet intérêt et cette sympathie active pour le socialisme libertaire ne conduisent pas pour autant les surréalistes à renier leur adhésion à la révolution d'Octobre et aux idées de Léon Trotsky. Dans une intervention le 19 novembre 1957, André Breton persiste et signe : «  Contre vents et marées, je suis de ceux qui retrouvent encore, au souvenir de la révolution d'Octobre, une bonne part de cet élan inconditionnel qui me porta vers elle quand j'étais jeune et qui impliquait le don total de soi-même  ». Saluant le regard de Trotsky, tel qu'il apparaît, en uniforme de l'armée rouge, dans une vieille photographie de 1917, il proclame : «  Un tel regard et la lumière qui s'y lève, rien ne parviendra à l'éteindre, pas plus que Thermidor n'a pu altérer les traits de Saint-Just ». Enfin, en 1962, dans un hommage à Natalia Sedova qui venait de mourir, il appelle de ses vœux le jour où enfin « non seulement toute justice serait rendue à Trotsky mais encore seraient appelées à prendre toute vigueur et toute ampleur les idées pour lesquelles il a donné sa vie  ».

Le surréalisme est peut-être ce point de fuite idéal, ce lieu suprême de l'esprit où se rejoignent la trajectoire libertaire et celle du marxisme révolutionnaire. Mais il ne faut pas oublier que le surréalisme contient ce qu'Ernst Bloch appelait « un excédent utopique », un excédent de lumière noire qui échappe aux limites de tout mouvement social ou politique, pour révolutionnaire qu'il soit. Cette lumière émane du noyau infracassable de nuit de l'esprit surréaliste, de sa quête obstinée de l'or du temps, de sa plongée éperdue dans les abîmes du rêve et du merveilleux.

Après Breton

En 1969, quelques figures de proue du surréalisme parisien, comme Jean Schuster, Gérard Legrand et José Pierre, décident que, compte tenu de la mort d'André Breton en 1966, il est préférable de dissoudre le Groupe surréaliste.

Cette conclusion est cependant rejetée par de nombreux autres surréalistes, qui décident de poursuivre l'aventure. Malheureusement, la plupart des comptes-rendus académiques ou grand public sur le surréalisme tiennent pour acquis que le groupe s'est « dissous » en 1969. Pour la plupart des historiens de l'art, le surréalisme n'était rien d'autre qu'une des nombreuses « avant-gardes artistiques », comme le cubisme ou le futurisme, qui ont eu une durée de vie très courte.

Vincent Bounoure (1928-1996) est celui qui a donné l'impulsion à la nouvelle période d'activité surréaliste, et il est resté une figure inspirante jusqu'à son dernier jour. Poète doué et essayiste brillant, il était, comme sa compagne Micheline, fasciné par l'art océanien de Nouvelle-Guinée, sur lequel il a écrit plusieurs essais.

L'autre figure marquante du groupe après 1969 fut Michel Zimbacca (1924-2021), poète, peintre, cinéaste et personnage attachant. Son documentaire sur les « arts sauvages », L'invention du monde (1952), est considéré comme l'un des rares tableaux véritablement surréalistes ; Benjamin Péret a écrit le texte mytho-poétique qui commente les images. Le groupe surréaliste se réunissait aussi souvent dans l'appartement qu'il partageait avec sa compagne Anny Bonnin, dont les murs étaient décorés de merveilleuses peintures de lui-même et d'autres surréalistes, ainsi que d'une remarquable parure de plumes indigènes d'Amazonie. Bounoure et Zimbacca étaient le lien vivant entre le mouvement surréaliste de l'après-1969 et le groupe fondé par André Breton en 1924.

Le Bulletin de liaison surréaliste

Dans les années 1970-1976, les surréalistes parisiens qui refusaient de baisser les bras se sont regroupés – en étroite relation avec leurs amis de Prague – autour d'une modeste revue, le Bulletin de liaison surréaliste (BLS). Le Bulletin comprend un débat sur « le surréalisme et la révolution » avec Herbert Marcuse. Parmi de nombreux autres joyaux, un article de l'anthropologue Renaud en soutien aux Indiens des États-Unis réunis à Standing Rock en juillet 1974.

Dans le dernier numéro du BLS d'avril 1976, une déclaration collective est publiée en faveur d'un jeune cinéaste surréaliste brésilien, Paulo Paranagua, et de sa compagne, Maria Regina Pilla, arrêtés en Argentine et accusés de « propagande subversive ». Initié par les surréalistes, l'appel a été publié par Maurice Nadeau dans la Quinzaine littéraire, et signé également par des intellectuels français de renom, tels que Deleuze, Mandiargues, Foucault et Leiris.

Les surréalistes parisiens entretenaient des relations étroites avec le groupe de Prague, qui vivait dans une semi-clandestinité sous le régime stalinien imposé à la Tchécoslovaquie après l'invasion soviétique de 1968. Ils pouvaient se rencontrer de manière informelle dans des maisons privées, mais leur Journal Analogon était interdit et ils ne pouvaient pas exposer leurs œuvres ou leurs films. En 1976, à l'initiative de Vincent Bounoure, les surréalistes de Paris et de Prague publient ensemble, en France aux Éditions Payot, un recueil d'essais, la Civilisation surréaliste.

Continuer malgré le reflux

Le groupe surréaliste a toujours été très politique, depuis 1924. Après 1969, cela reste vrai, mais ne signifie pas qu'il s'agit d'adhérer à des organisations politiques existantes. Quelques membres ont participé à des organisations trotskistes (Ligue communiste révolutionnaire, section française de la Quatrième Internationale), d'autres à la Fédération anarchiste ou à la CNT anarcho-syndicaliste. Mais la plupart des surréalistes parisiens n'appartenaient à aucune organisation ; l'esprit commun était anti-autoritaire et révolutionnaire, avec une tendance libertaire dominante. C'est cet esprit qui a inspiré leurs activités et les déclarations communes publiées au cours de ces années.

En 1987 une déclaration commune a été publiée, en soutien aux communautés indigènes Mohawk qui luttent pour leurs terres contre l'État canadien. Plusieurs autres déclarations favorables aux mouvements indigènes seront publiées au cours des prochaines années. Ceci est bien sûr lié à la tradition anti-autoritaire et anticolonialiste du mouvement, et à son rejet de la civilisation occidentale moderne. Mais cette empathie et le vif intérêt pour les « arts sauvages » sont aussi l'expression d'un état d'esprit romantique/révolutionnaire anticapitaliste : les surréalistes croyaient – comme le premier romantique, Jean-Jacques Rousseau, qui louait la liberté des Caribéens – que l'on pouvait trouver, dans ces cultures « sauvages » – les surréalistes n'aimaient pas le mot « primitif » –, des valeurs humaines et des modes de vie qui étaient, à bien des égards, supérieurs à la civilisation impérialiste occidentale.

En 1991 fut publié un Bulletin surréaliste international n° 1, à Stockholm, avec la réponse des groupes de Paris, Prague, Stockholm, Chicago, Madrid et Buenos Aires à une enquête sur la tâche actuelle du surréalisme. Le groupe de Paris insiste dans son texte sur le fait que « le surréalisme n'est pas un ensemble de recettes esthétiques ou ludiques, mais un principe permanent de refus et de négativité, nourri aux sources magiques du désir, de la révolte, de la poésie […]. Ni Dieu ni maître : plus que jamais cette vieille devise révolutionnaire nous semble pertinente. Elle est inscrite en lettres de feu sur les portes qui mènent, au-delà de la civilisation industrielle, à l'action surréaliste, dont le but est le réenchantement (et la réérotisation) du monde ».

Leurs célébrations et les nôtres

Pour protester contre les célébrations pompeuses du cinquième centenaire de la soi-disant « découverte des Amériques » (1992), les surréalistes ont publié en 1992 le Bulletin Surréaliste International n° 2, avec une déclaration commune signée par les groupes surréalistes d'Australie, de Buenos Aires, du Danemark, de Grande-Bretagne, de Madrid, de Paris, des Pays-Bas, de Prague, de Sao Paulo, de Stockholm et des États-Unis. Inspiré d'un essai écrit par la poétesse surréaliste argentine Silvia Grenier, ce document célèbre l'affinité élective du surréalisme avec les peuples indigènes, contre la civilisation occidentale qui a opprimé les peuples indigènes et tenté de détruire leurs cultures : « dans la lutte contre ce totalitarisme étouffant, le surréalisme est – a toujours été – le compagnon et le complice des indigènes ». Le Bulletin est publié en trois langues – anglais, français, espagnol – par les surréalistes de Chicago, qui fournissent en couverture un collage de Franklin et Penelope Rosemont représentant Colomb en Père Ubu d'Alfred Jarry.

Le Musée d'art moderne de Paris (Centre Georges-Pompidou) a ouvert une grande exposition d'art surréaliste au printemps 2002, sous le titre « Révolution surréaliste ». L'exposition n'avait en fait aucune signification révolutionnaire et tentait de présenter le surréalisme comme une expérience purement artistique, utilisant de « nouvelles techniques ». À l'entrée du musée, les visiteurs pouvaient prendre gratuitement un dépliant de quatre pages, qui expliquait que « le mouvement surréaliste voulait prendre une part active à l'organisation de la société  » (?),qu'il avait eu une grande influence sur la société, et notamment sur « la publicité et les vidéoclips »… Agacé par ce fatras conformiste, Guy Girard proposa au groupe surréaliste de préparer un dépliant alternatif, sur un même 4 pages, avec des lettres similaires, mais un contenu totalement différent : le surréalisme y est décrit comme un mouvement révolutionnaire dont l'aspiration à la liberté et l'imagination subversive visaient à « abattre la domination capitaliste » ; le dépliant était illustré d'images de femmes artistes comme Toyen ou Leonora Carrington, quasiment absentes de l'exposition, ainsi que d'une photo historique de 1927 : « Notre collaborateur Benjamin Péret insultant un prêtre »… Les membres du groupe ont ensuite soigneusement déposé une pile du dépliant surréaliste sur le dépliant « officiel », afin que les visiteurs le ramassent. Le plus drôle, c'est que les commissaires de l'exposition, interpellés par le tract surréaliste, ont retiré leur propre pièce futile, et l'ont remplacée par une nouvelle, qui essayait de prendre en compte le fait que le surréalisme était un mouvement subversif anti-autoritaire qui dénonçait « la Famille, l'Église, la Patrie, l'Armée et le colonialisme »…

Les différents tracts et déclarations du groupe ont finalement été publiés dans le livre susmentionné, Insoumission Poétique. Tracts, Affiches et déclarations du groupe de Paris du mouvement surréaliste 1970-2010 (Paris, Le Temps des Cerises, 2010). Guy Girard a édité le livre, rassemblé le matériel et les illustrations, et rédigé une brève présentation pour chaque document.

Le temps des rêves

Entre 2019 et 2024, cinq numéros d'une nouvelle revue parisienne ont vu le jour : Alcheringa. Le surréalisme aujourd'hui. Alcheringa est un mot issu d'une langue aborigène d'Australie, signifiant « le temps des rêves », évoqué par André Breton dans son essai Main Première. Enfin, en été 2024 a eu lieu, à la Maison André Breton de Saint-Cirq-la-Popie, l'Exposition surréaliste internationale « Merveilleuse Utopie » organisée par Joël Gayraud, Guy Girard et Sylwia Chrostowska.

Quelles que soient ses limites et ses difficultés, le mouvement surréaliste à Paris a maintenu vivantes, au cours des 50 dernières années, la flamme rouge et noire de la rébellion, le rêve anti-autoritaire d'une liberté radicale, l'insoumission poétique aux pouvoirs en place et le désir obstiné de réenchanter le monde.

Le 18 juin 2024

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Le dernier repas, chef d’œuvre de Maryse Legagneur

8 octobre 2024, par Pierre Jasmin — , ,
Dimanche soir 29 septembre, en direct à la Maison du cinéma de Sherbrooke, le sourire de Maryse Legagneur, musicothérapeute et réalisatrice de cinéma, s'illumina par la (…)

Dimanche soir 29 septembre, en direct à la Maison du cinéma de Sherbrooke, le sourire de Maryse Legagneur, musicothérapeute et réalisatrice de cinéma, s'illumina par la nouvelle de son portable que Le dernier repas venait de remporter Le Grand Prix du Jury du Festival montréalais des Films Black, comme il avait remporté deux semaines plus tôt la compétition du Festival de cinéma de la ville de Québec (Quebecor) : à prévoir, donc, de nombreuses autres récompenses, puisque ce chef d'œuvre québécois entreprend tout juste sa carrière.

Il raconte la fin de vie de Célestin, héros déchu joué et par Fabrice Yvanoff Sénat dans les nombreux flashbacks de sa jeunesse haïtienne, et par Gilbert Laumord à l'intense présence agonisante dans un hôpital de Montréal ; il se meurt sous nos yeux, non sans avoir goûté plusieurs plats haïtiens préparés par sa fille Vanessa qui s'était pourtant séparée de lui très jeune, victime en ricochet d'une partie de la violence subie en Haïti. Rassurez-vous : ces plats ne contenaient ni chien ni chat, tel que colporté honteusement et frauduleusement par le sinistre duo Trump-Vance, afin de gagner des votes américains anti-immigrants.

Préparés sous nos yeux par la tante qui en veut au vieil homme d'avoir détruit sa sœur (la mère de Vanessa), les plats alléchants - pour lesquels on distribue au cinéma des recettes en fiches colorées -, forment un lien filial miraculeusement restitué au père, sommé d'enfin délier sa langue sur son passé ; or on sait, depuis la madeleine de Proust, combien les saveurs déterrent des souvenirs enfouis.

Musicien mis en prison et condamné à mort parce qu'il avait omis de faire jouer à la radio l'hymne au père Duvalier de la nation, le jeune dessine à la craie sur un mur de sa prison des touches de piano sur lesquelles il s'exerce, vulnérable. La musicienne Maryse Legagneur sait utiliser l'imaginative bande sonore de Jenny Salgado, qui amalgame les images fabuleuses de Mathieu Laverdière en un tout qui reste cohérent et tendu, malgré les nombreux allers-retours dans le passé.

Le calvaire des prisonniers est suggéré par le Libera du Requiem de Gabriel Fauré dans un arrangement feutré qui convient parfaitement à l'atmosphère voulue, par le pianiste Émile Naumoff. Heureusement, ce musicien est bulgare et non pas russe, puisqu'on a vu dans le film italien L'Enlèvement de Marco Bellochio, sur le rapt d'un enfant juif ignoblement enlevé à sa famille par le pape Pie IX, la symphonie expressionniste principale carrément censurée dans les critiques, entrevues et même crédits du film, parce qu'elle est du russe Dimitri Shostakovitch et sans doute interprétée par Valery Gergiev, du Mariinsky de St-Pétersbourg.

Violent par l'authenticité qui dicte à la réalisatrice de respecter des témoignages recueillis pendant des années, le dernier repas s'adoucit grâce à la présence de deux femmes, dont l'héroïne principale, interprétée avec beaucoup de nuances par Marie-Évelyne Lessard et sa tati personnifiée par la non moins excellente Mireille Métellus. Tous les visages éprouvés des acteurs, cadrés de très près, certains recrutés dans la diaspora haïtienne persécutée en République dominicaine, nécessitent une interprétation de rare qualité par ces comédiens plongés dans des huis-clos angoissants de chambre d'hôpital, de cuisine intime ou de geôle surpeuplée au sinistre Fort-Dimanche reconstitué.

On reste néanmoins frappés par l'aspect documentaire de l'œuvre, aidé par plusieurs dialogues en créole, sans paysage de mer ni végétations tropicales, à part un immense quennetier inquiétant dans sa solennité, car on enterre des prisonniers parmi ses racines. Mon fils et moi fûmes aussi impressionnés que la salle, réservant un silence respectueux au générique puis éclatant en ovation debout.

L'extraordinaire pauvreté haïtienne, une punition raciste mondiale

Il y a des parallèles à faire avec les fiables informations de l'exemplaire journaliste Marie-Ève Bédard, déformées en direct par Radio-Canada résumant ses récits d'horreur en « conflits d'Israël contre Hamas et le Hezbollah », niant la volonté de génocide palestinien (i) par Nétanyahou qui bombarde Gaza, la Cisjordanie et les réfugiés palestiniens au Liban. Non, je ne pleurerai pas la mort de l'islamiste Hassan Nasrallah (ii), chef du Parti de Dieu (quelle prétention : est-il allé le rejoindre avec les cent vierges promises ?). De même, le chef d'œuvre cinématographique décrit rappelle le sort des Haïtiens, avec l'indifférence occidentale envers les communautés bombardées ou affamées (Libye, Soudan, Yémen, Kurdistan etc.) et celle condamnée à la misère dictatoriale pour s'être affranchie du racisme et du colonialisme français dès le début du 19e siècle, avec le grand Toussaint Louverture.

Certains observateurs préfèrent voir en Haïti un drame auto-infligé, puisque ses près de 4000 morts depuis le début de l'année 2024 sont le résultat de bandes armées incontrôlées, tout comme l'étaient aussi aux mains des tontons-macoutes les milliers de martyres dont ce film restitue la stature humaine héroïque. Mais la communauté internationale n'est-elle pas la plus grande responsable, celle d'aujourd'hui ignorant les admonestations d'Antonio Guterres, secrétaire général des Nations-Unies, qu'on soupçonne de vouloir reproduire l'intervention malheureuse des Casques Bleus appelés en renfort après le tremblement de terre de 2010 ? Sans préparation, ces troupes importées du Népal auraient répandu le choléra ? Parce que le Premier ministre Harper avait refusé d'envoyer des Casques bleus canadiens bien préparés qu'il était occupé à démanteler, comme M. Trudeau poursuivrait cette démolition par opposition à l'ONU : doit-on comprendre que nos politiciens approuvent les vitupérations anti-ONU de leur allié génocidaire Nétanyahou ?

Haïti est aidée par les UNESCO, UNICEF et UNHCR que le Canada devrait financer, plutôt que de dépenser plus de trente milliards de $ annuels pour l'OTAN guerrière. On lira de Jonathan Katz The Big Truck That Went By : How the World Came to Save Haiti and Left Behind a Disaster, qui calcule que des $657 millions déboursés par le Canada en aide post tremblement de terre jusqu'en septembre 2012, environ 2% parvinrent au gouvernement haïtien. De même, de l'aide de $500 millions de la Croix-Rouge américaine, six maisons permanentes seulement seraient encore debout. Préjugeant le gouvernement Préval trop peu fiable parce que démocratique et opposé à l'extrême-droite haïtienne, le Canada (via le ministre Lawrence Cannon), la France et les États-Unis manœuvrèrent (infos de Wikileaks rapportées par Yves Engler) pour installer au pouvoir Michel Martelly, adolescent d'abord impliqué dans les Tontons Macoutes de Bébé Jean-Claude Duvalier, qui aurait ensuite gagné ses galons dans les coups d'état anti-Aristide 1991 et 2004. Le film « Haïti trahie » d'Elaine Brière le raconte en détails, comme le dénonce aussi un appel récent APLP co-signé par plus d'une centaine de personnes contactées en grande partie par Bianca Mugyenyi et son conjoint Yves (iii).

Enfin, les merveilleux discours solidaires de Haïti, prononcés à l'ONU (encore avant-hier) par la Première ministre des Barbades (iv) qui a libéré son pays de la Reine d'Angleterre, sont à lire, de même que la référence dans cet article à ma collègue uqamienne Martine Delveaux.

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Des personnalités du monde de l’art condamnent la censure anti-trans et anti-palestinienne au Royal Exchange Theatre de Manchester

Kingsley Ben-Adir, Khalid Abdalla, Pooja Ghai et April De Angelis font partie des plus de 200 personnalités du monde des arts et du théâtre qui ont signé une lettre ouverte au (…)

Kingsley Ben-Adir, Khalid Abdalla, Pooja Ghai et April De Angelis font partie des plus de 200 personnalités du monde des arts et du théâtre qui ont signé une lettre ouverte au Royal Exchange Theatre de Manchester condamnant le théâtre pour avoir censuré des références à la libération du peuple palestinien et aux personnes trans dans une œuvre récemment commandée.

Tiré d'Agence médias Palestine.

La lettre critique l'annulation de la nouvelle production du Songe d'une nuit d'été de William Shakespeare, mise en scène par Stef O'Driscoll, qui selon les signataires interprète la pièce à travers « le prisme de la culture « rave » contemporaine (…) et (reflète) la diversité et la richesse culturelle qui font la renommée de Manchester ».

Les signataires, qui comprennent des dramaturges, des metteurs et metteuses en scène, des interprètes et des artistes dont près de la moitié vivent ou travaillent à Manchester, y expriment aussi leur consternation devant le constat que cette institution financée par des fonds publics « a censuré un appel à la libération de la Palestine près d'un an après le début du génocide israélien contre la population palestinienne de Gaza »

Les artistes affirment que les efforts visant à supprimer les références aux droits des transgenres sont « injustifiables à une époque où la violence anti-trans ne cesse de s'accroître et où les provocations politiques de la part des politicien·nes britanniques et de certains médias sont nombreuses ».

Le théâtre Royal Exchange a censuré les expressions « Palestine libre », et a aussi tenté de censurer l'expression « droits des trans », selon une déclaration de la metteuse en scène Stef O'Driscoll.

Les artistes demandent au théâtre de s'excuser et de « prendre des mesures significatives et visibles pour remédier à ses graves manquements ».

La lettre ouverte dans son intégralité

Nous, artistes, travailleurs et travailleuses dans le domaine de la culture, condamnons la censure exercée par le Royal Exchange Theatre sur les expressions de solidarité avec le peuple palestinien et avec la communauté trans, une censure qui a conduit à l'annulation de la production du Songe d'une nuit d'été mise en scène par Stef O'Driscoll.

Metteuse en scène de théâtre très respectée, O'Driscoll est connue pour son engagement en faveur de la politique décoloniale et de la libération collective. O'Driscoll a expliqué que cette production du Songe d'une nuit d'été explorait la pièce à travers le prisme de la culture « rave » contemporaine, la mise en scène devant refléter la tradition d'activisme politique de cette sous-culture, ainsi que la diversité et la richesse culturelle qui font la renommée de la ville de Manchester.

La récente déclaration du Royal Exchange contient des affirmations trompeuses sur le manque de « récit cohérent » de la production pour justifier ses actions, ce que la metteuse en scène Stef O'Driscoll a clairement réfuté dans une précédente déclaration. The Exchange n'inclut à aucun moment dans sa déclaration les expressions « Palestine libre » ou « droits des trans » et fait plutôt de vagues références à des « questions complexes ». Les expressions « Palestine libre » et « droits des trans » sont de simples déclarations de droits humains fondamentaux. Leur caractérisation par Royal Exchange de « questions complexes » est une tentative d'obstruction visant à échapper à toute responsabilité.

Nous condamnons cet acte de censure raciste et transphobe commis par le Royal Exchange Theatre.

Qu'une institution publique censure un appel à la liberté palestinienne près d'un an après le début du génocide perpétré contre la population palestinienne de Gaza par Israël – armé et soutenu par le Royaume-Uni et d'autres États occidentaux, réduisant au silence les artistes palestinien·nes en les tuant et en détruisant leurs infrastructures culturelles – montre un niveau choquant de complicité dans l'impunité accordée à Israël. La tentative de censure des références aux droits des trans est également injustifiable à une époque où la violence anti-trans s'accroît et où les provocations politiques de la part des politicien·s britanniques et de certains médias sont nombreuses.

Le Royal Exchange Theatre est un bâtiment historiquement lié à la traite négrière situé dans une ville qui s'est enrichie grâce à l'industrie du coton, construite grâce au travail des Africains et Africaines réduit.es en esclavage. Le Royal Exchange ne peut donc point prétendre être un espace apolitique à l'écart des violences coloniales passées et actuelles. La seule façon pour les institutions artistiques britanniques de s'opposer à l'exploitation systémique, à la déshumanisation politique des communautés marginalisées et à la complicité du Royaume-Uni dans la violence coloniale et le génocide en cours, est de soutenir activement l'égalité, la dignité et la libération de toutes les personnes opprimées.

Nous savons qu'un nombre considérable d'employé.es du Royal Exchange partagent notre dégoût face aux actions de sa direction. Cette lettre a pour but de demander à la direction du théâtre d'offrir des excuses sincères pour avoir silencié ces appels à l'égalité des droits et à la libération, et de s'engager à prendre des mesures significatives, quantifiables et transparentes pour remédier à ses graves manquements.

En tant qu'artistes, travailleurs et travailleuses dans le domaine de la culture, nous soutenons l'égalité fondamentale et le droit à la dignité du peuple palestinien et de la communauté trans. Nous soutenons la lutte pour la libération collective et pour une fin de l'occupation, de l'apartheid et de l'oppression violente. Nous soutenons le droit des artistes britanniques à exprimer leur solidarité avec les communautés marginalisées, et le droit des artistes issu.e.s de communautés marginalisées à participer à la création artistique et à l'offre public de celle-ci, ainsi qu'à faire valoir leurs droits intrinsèques.

Si les institutions culturelles ne permettent pas aux artistes d'exprimer librement leur désir de liberté, d'égalité et de libération collective, ces institutions n'ont jamais été véritablement les nôtres. Un théâtre qui refuse d'accueillir les Palestiniens et Palestiniennes, les personnes transgenres et celles et ceux qui les soutiennent, n'est pas digne de représenter nos communautés.

Nous exigeons que :

- le Royal Exchange s'excuse d'avoir tenté de faire taire les expressions de libération palestinienne et trans.

Dans sa propre déclaration de vision et de mission, le Royal Exchange affirme : « Nous présenterons des excuses lorsque nous aurons fait quelque chose de mal. » Dans la section Politiques de son site Web, le Royal Exchange déclare : « La transparence avec tous nos publics, clients, visiteurs, collaborateurs, artistes, pigistes et bénévoles, est une valeur que nous tenons à cœur. »

- le Royal Exchange reconnaisse que ses tentatives visant à faire taire les expressions de libération collective étaient racistes et transphobes.

Au moins 41 000 Palestinien.ne.s ont été tué.e.s par le génocide israélien à Gaza, et une lettre parue dans le journal scientifique, Lancet, estime que le bilan pourrait atteindre 186 000. Les personnes transgenres au Royaume-Uni sont victimes d'un nombre record de crimes haineux alimentés par les politiques et discours de déshumanisation proférés par les politicien·nes , le système de santé et par certains médias.

- le Royal Exchange clarifie sa propre position sur le racisme, la transphobie et la libération collective.

Comment le Royal Exchange peut-il prétendre soutenir les artistes transgenres et tous·tes les artistes alors qu'il ne défend pas leur droit à vivre librement et à en exprimer l'exigence ? Comment le Royal Exchange peut-il valoriser « l'égalité, la diversité et l'inclusion » tout en réduisant au silence tout soutien à celles et ceux qui sont confronté.es à l'exclusion violente, à l'oppression et au meurtre en raison de leur nationalité, de leur race, de leur origine ethnique et/ou de leur identité de genre.

- le Royal Exchange prenne des mesures significatives, visibles, et quantifiables pour remédier à ses graves manquements.

Le Royal Exchange doit s'engager publiquement à ce que les expressions de libération des Palestinien.ne.s et des transgenres (ainsi que celles de toutes les autres luttes pour l'égalité des droits et la libération collective) ne soient plus jamais étouffées dans ses productions. Cet engagement public doit être pris en consultation avec les Palestiniens et les Palestiniennes, les personnes transgenres, les autres communautés marginalisées et les membres de la communauté artistique, afin de fixer des objectifs, des délais et des résultats susceptibles d'être évalués. La direction du Royal Exchange doit organiser des réunions régulières tout au long de ce processus avec les dits groupes afin de garantir que les appels à la libération et à la liberté contre l'oppression ne soient plus jamais étouffés dans ses murs.

Ce texte est signé en solidarité avec le peuple palestinien, les personnes transgenres et toutes celles et tous ceux qui luttent pour leurs droits et leur libération.

Les travailleur-euses de l'art sont invité-es à le signer ici

Signataires

Khalid Abdalla Actor

Kingsley Ben-Adir Actor

April De Angelis Playwright

Bill Bankes-Jones Director

Naomi Evans Author : Everyday Racism

Pooja Ghai Artistic Director : Tamasha

Enyi Okoronkwo Actor

Valerie Synmoie Theatre Executive Director : Tamasha

Adele Thomas Opera Director

Daniel York Loh Writer / Actor

Sînziana Cojocărescu Artistic Director : BÉZNĂ Theatre

Ruth Daniel CEO : In Place Of War

Yara Rodrigues Fowler Novelist

Emma Reynolds Illustrator and Author

Lucy Sheen Actor / Writer / Director and Filmmaker : BEATS.org

Dani Abulhawa Director / Performer / Academic

Faiza Abdulkadir Fundraiser : HighRise Theatre

Elina Akhmetova Dance / Theatre / Film / Performance & Choreography

Alia Alzougbi Artists & Cultural Producer

Ravina Al-Zarifa Supporting Artist

Alan Jones Photographer

Audrey Albert Visual Artist

Heather Alderson Visual artist

Aisha Allinson Writer

Cindya Angel Dancer

Divya Avula Visual artist – Manchester

Stella Barnes Theatre and Participatory Arts Practitioner

Morgan Bassichis Performer

Sarah Bedi Director / Writer

Marcus Berdaut Creative Producer

Dylan Best Visual Artist

Giovanni Bienne Actor : Equity LGBT+ Councilor

Irene Bindi Artist and Editor

Adelheid Bjornlie Writer

Luz Blanco Santos DJ / Creative Producer / Facilitator

Roo Bramley Musician and stage performer

Jamie Brown Musician

John-Paul Brown Visual Artist

Tam Dean Burn Actor / Theatremaker

Nafeesah Butt Theatremaker : TEAM

Yasmin Butt Theatre Booking Coordinator

Jen Calleja Writer

Elena Cantu Front of House Staff

Anthony Capildeo Writer and Editor

Cathy Chapman Writer, Lit Fest Volunteer

Julie Cheung-Inhin Actor

Taghrid Choucair-Vizoso Cultural Worker / Curator /Artist

Dominic Cisalowicz Visitor Fundraiser

Dæmon Clelland Artist / Performer / Curator

Anna Cole Associate

Paule Constable Lighting designer

Joseph Conway Producer / Writer : Manchester Theatre for Palestine

Algernon Cornelius Musician

Alastair Curtis Director : The AIDS Plays Project

Mohamed-Zain Dada Playwright

Helen Davies Visual artist

Marion Dawson Theatre Captioner

Guido Di Bari Dancer

Emma Dibb Designer and academic

Meray Diner Filmmaker

Campbell Edinborough Associate Professor in Creative Practice

Jessica El Mal Artist and curator

Heidi El-Kholy Designer

Lizzie Eldridge Writer

Leonor Estrada Francke Theatre Director/ Performer

Sorcha Fhionntain Playwright

Jude FireSong Performance Poet / Speculative Fiction Writer / Artist

Elaine Fisher Visual Artist

Joey Frances Poet

Jasmine Gardner Visual artist

Tommy Garside Actor

Ruth Geye Playwright

Becks Gio Joe Artist-Curator

Nathan Godfrey Engagement Coordinator

Lisa Goldman Writer / Dramaturg / Director

Pauline Goldsmith Actor / Writer

Jacob Gower Writer

Gráinne Gráinne O'Mahony Theatremaker / Arts Comms Worker

Leila Greci Programme and partnerships manager

Jade Grogan Editor

Alexander Guedeney Visual Artist

Noor Hadid Actress / Front of House Staff

Daisy Hale Producer

Kit Hall Dancer / Choreographer / Producer

Rida Hamidou Playwright

Annie Hanauer Choreographer

Bonnie Hancell Poet

James Harker Playwright

Tessa Harris Writer

Jan-Sarah Harrison-Shakarchy Visual artist

Zainab Hasan Actress

Sabrin Hasbun Writer

Jo Hauge Live Artist

Alex Haydn-Williams Editor

Leila Herandi Actor

Azhar Herezata-Ala Poet

Jay Hermann Director

Hazel Holder Voice Coach

Lewys Holt Artist

Kirsty Housley Director / Dramaturg / Writer

Laura Howard Lighting Designer

Tuheen Huda Performance Artist / Writer / Poet.

Sonia Hughes Artist

Sameena Hussain Director

Sarah Impey Artist : Equity REC

Irvine Iqbal Actor

Deeqa Ismail Fine artist

Leveret Jaques Sound designer

Jayce Jayce Salloum Visual Artist

Tom Jeffreys Writer

Joe Clark Actor

Jessie Jones Communications Manager

Nick Jones Producer / Story Teller

Adele Jordan Artist

Jamil Keating Artist / Theatremaker : Co-Director of Northern Light Film CIC, Associate Artist of CNOA, Member of Divergency

Susan Kempster Choreographer

Rahela Khan Visual Artist

Michael Kitchin Producer

Karol Kochanowski Visual artist

Lora Krasteva Performance artist

Jo Lane Writer / Director

Jo Lansley Artist

Ruth Lass Actress

Em Laxton Sound designer

Ciara Leeming Photographer / Writer

Jazmine Linklater Editor / Writer : Corridor8

Alexandra Lort Phillips Producer

Caroline Magee Actor / Playwright

Tanushka Muna Director

Emily Marsden Cultural Worker

Sara Masry Actor

Chloe Massey Actor

axmed maxamed Writer

MJ McCarthy Composer / Sound Designer

Elizabeth McLoughlin Artist (Painter)

Prema Mehta Lighting Designer

Leila Mimmack Actor

Hussein Mitha Artist

Nicola Moore Visual Artist / Art Therapist

Ishana Moores Events staff

Sam Murray Painter

Chris Myers Actor : Theatre Workers for a Ceasefire

Sînziana Myers Writer

Martha Nabila Writer

Emma Nafz Stage Manager

Rehab Nazzal Visual Artist / Filmmaker / Educator

Kate Neilan Marketer of Books : Unbound

Sinéad Nunes Marketing Manager : Heart of Glass

Fionn Ó Loingsigh Actor

Ioana-Melania Pahome Artist-Curator

Polly Palmerini Visual arts

J.C. Pankratz Playwright

Emma Jayne Park Dancer / Theatre Maker

Kim Pearce Theatre Director

Miranda Pennell Filmmaker

Joshua Pharo Lighting Designer

Ergo Phizmiz Composer / Writer / Director : Avanthardcollective

Aniela Piasecka Dance Artist and Choreographer

Jamie Potter Theatremaker

Cara Powell Producer

Em Pren Deaf Theatremaker

Candice Purwin Illustrator and Graphic Novelist

Sara Ramirez Actor / Producer

Jake Rayner Blair Actor / Theatremaker

Khadija Raza Set and Costume Designer

Devan Reid Artist

Mais Robinson Facilitator

ML Roberts Writer / Performer

Danusia Samal Actor / Playwright

Kareem Samara Musician / Composer

Lenni Sanders Writer

Michal Sapir Musician / Writer

Aran Savory Artist

Iona Schwalowsky-Monks Visual Artist

Davina Shah Agent : TEAM

Rajha Shakiry Designer

Sabine Sharp Scholar

Evie Siddal Visual and Performance Artist

Eleanor Sikorski Choreographer / Filmmaker / lecturer

Greg Simmons Screenwriter

Christine Singer Writer

Beth Sitek Producer

Eyal Sivan Filmmaker

James Skull Writer, assistant director, actor

Ceallach Spellman Actor

Abena Louisa D B St Bartholomew-Brown Morgan Actor

Amanda Stoodley Designer

Sam Swann Actor

Laura Swift Editor

Humera Syed Actor

Karl Taylor Producer : BUZZCUT

Giles Thomas Composer / Sound Designer

Abir Tobji Producer

Jo Tyabji Director

Jamie Tyson Musician

Josie Underwood Theatremaker : Silent Faces

Paula Varjack Theatremaker

Borja Velez Playwright

Jai Vethamony Actor

Clara Vulliamy Author and Illustrator

Darcy Wallace Choreographer

Sylvia Waltering Visual artist

Stephanie Webber Visual artist

Hilary White Writer

Don Wilkie Record Label Owner : Constellation Jack Young Writer

Traduction : BM pour l'Agence Média Palestine

Source : Artists for Palestine

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Andreas Malm et "Avis de tempête" : Nature et culture dans un monde qui se réchauffe

8 octobre 2024, par Éditions La Fabrique — , ,
Dans un monde qui se dirige vers le chaos climatique, la nature est morte. Elle ne peut plus être séparée de la société. Tout n'est plus qu'un amalgame d'hybrides, où l'homme (…)

Dans un monde qui se dirige vers le chaos climatique, la nature est morte. Elle ne peut plus être séparée de la société. Tout n'est plus qu'un amalgame d'hybrides, où l'homme ne possède aucune puissance d'agir particulière qui le différencie de la matière morte. Mais est-ce vraiment le cas ?

Dans cette polémique cinglante avec les philosophies néomatérialistes et celles du « tournant culturel » – dont Bruno Latour est la figure centrale –, Andreas Malm développe un contre-argument : dans un monde qui se réchauffe, la nature revient en force, et il est plus important que jamais de distinguer le naturel du social. C'est en attribuant aux humains une capacité d'action spécifique que la résistance devient concevable.

Ce livre pose des questions urgentes à l'heure où l'inaction climatique à l'échelle mondiale inquiète de plus en plus de gens : quel rôle doivent jouer la pensée théorique et la science dans la lutte contre le réchauffement mondial ? Ce qui s'écrit aujourd'hui est-il à la hauteur du défi ? Comment enfin réarmer conceptuellement un militantisme écologique à même de le relever ?

« Andreas Malm s'attaque à la pensée de Latour et Descola », Reporterre, 3 novembre 2023.

« Les violentes conséquences naturelles du réchauffement climatique, pour le marxiste Andreas Malm, exigent de repenser la distinction entre rapports sociaux et causes naturelles, pour mieux comprendre leur combinaison et lutter efficacement pour le climat. » La vie des idées, 7 décembre 2023.

« Avis de tempête : Lénine contre Latour », Socialter, 8 janvier 2024.

Andreas Malm

Andreas Malm est maître de conférences en géographie humaine en Suède et militant pour le climat. Il est l'auteur de L'anthropocène contre l'histoire (2017), Comment saboter un pipeline (2020), La chauve-souris et le capital (2020) et Fascisme fossile (avec le Zetkin Collective, 2021).

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Un poème peut transformer le monde

8 octobre 2024, par Mustapha Saha — , ,
Paris. Vendredi, 4 octobre 2024. Les éditions de Minuit republient Liberté de Paul Eluard, de son vrai nom Eugène Grindel (1895-1952), également connu sous les pseudonymes (…)

Paris. Vendredi, 4 octobre 2024. Les éditions de Minuit republient Liberté de Paul Eluard, de son vrai nom Eugène Grindel (1895-1952), également connu sous les pseudonymes Didier Desroches, Jean du Haut, Maurice Hervent.

PHOTO : Portrait de Paul Eluard par Pablo Picasso

Il fallait bien brouiller les pistes pendant la résistance. Eté 1941. Paris sous occupation allemande. La destinataire initiale du poème est Nusch Eluard (1906-1946), de son nom de naissance Maria Benz, alsacienne, muse incomparable des surréalistes. Paul Eluard lui dédie, après sa mort, ces vers terribles, gravés sur la stèle de sa tombe au cimetière du Père Lachaise : « Vingt-huit novembre mille neuf cent quarante six. Nous ne vieillirons pas ensemble. Voici le jour en trop. Le temps déborde. Mon amour si léger prend le poids d'un supplice ». L'auteur explique la genèse de Liberté : « En composant les premières strophes, je pense révéler, pour conclure, la femme que j'aime. Mais, je m'aperçois rapidement que le seul mot qui se présente à mon esprit est liberté. Ainsi la femme que j'aime incarne un désir plus grand qu'elle ». Le poème, entamé en 1941, est achevé en mai 1942. Le manuscrit est confié à Max-Pol Fouchet, directeur de la revue littéraire et poétique Fontaine à Alger, foyer de l résistance intellectuelle. Le poème est publié, pour la première fois, en juin 1942 sous le titre Une seule pensée pour éviter l'interdiction. Max-Pol Foucher reçoit néanmoins un avertissement des autorités pétainistes : « La Censure centrale remarque depuis longtemps que votre revue, de caractère strictement littéraire, publie des poèmes, des contes, des analyses critiques où l'on trouve des allusions transparentes aux événements politiques, allusions nettement hostiles ».

Liberté est également publiée à Paris, en septembre 1942, par le groupe La Main à plume, dans une plaquette de vingt-huit pages, tirée en cinq mille exemplaires, clandestinement distribuée dans les universités, les lycées, les usines. Le poète, menacé d'arrestation, quitte son domicile. De novembre 1943 à mars 1944, Nusch et Paul Eluard se réfugient dans l'hôpital psychiatrique de Saint Alban en Lozère. Ils rentrent à Paris au printemps 1944. Paul Eluard fonde, avec Louis Parrot, L'Eternelle Revue avec l'exergue : « Une fois de plus, la poésie mise au défi se regroupe, crie, accuse, espère ». De santé fragile, le poète est foudroyé par une crise cardiaque à l'âge de cinquante-six ans. Le gouvernement français, engoncé dans les guerres coloniales, refuse de lui accorder des funérailles nationales.

Dès décembre 1942, Liberté est reproduit, en France et à l'étranger, dans de nombreuses publication, dans la revue France Libre à Londres notamment. Le poème est souvent repris sans nom d'auteur. Il gagne d'emblée le domaine public. Il est illustré par des artistes de renom, mis en musique par Francis Poulenc. Pendant l'été 1943, le compositeur crée Figure humaine, cantate pour double chœur mixte a capella. Jean Lurçat réalise une tapisserie aujourd'hui conservé au Centre Beaubourg Paris. Le service britannique Political Warfare Executive publie Liberté dans la Revue du Monde Libre et le largue par avion sur la France dans le cadre des opérations Nickel Raid. Deux aviateurs y laissent la vie.

Cinq dessins Liberté, j'écris ton nom, encre, gouache et graphite sur papier, commandés en 1953 par l'éditeur Pierre Seghers à Fernand Léger (1881-1955), un an après le décès du poète, donation de Louise et Michel Leiris en 1984, sont visibles au Centre Beaubourg Paris. Paul Eluard est représenté pensif, coloré de vert, de bleu, de jaune et de rouge. Fernand Léger réalise un livre accordéon, imprimé au pochoir, en tirage limité de 212 exemplaires. En novembre 2016, l'ouvrage reparaît à l‘identique. Au cinquième étage du siège du Parti communiste français, construit par Oscar Niemeyer place du colonel Fabien à Paris, trône le poème Liberté illustré par Fernand Léger, une tapisserie tissée en avril 1963 dans les Atelier Tabard Frères à Aubusson.

Paul Eluard s'engage tout au long de sa vie contre le colonialisme. Il soutient les marocains pendant la guerre du Rif (1921-1927). Il s'oppose, à l'exposition coloniale de 1931, dirigée par le maréchal Hubert Lyautey, honorée de la présence du sultan du Maroc, Mohammed Ben Youssef. Le pavillon marocain est un palais avec une porte monumentale, entouré de patios. L'orientalisme dans son expression la plus caricaturale. J'ai visité récemment le château d'Hubert Lyautey dans le petit village lorrain de Thorey, à une trentaine de kilomètres de Nancy, grande demeure surchargée de tableaux pittoresques, d'objets artisanaux, de photographies avec les deux sultans de l'entre-deux-guerres. Au dernier étage, une peinture géante représentant Moulay Youssef, un salon marocain archaïque, désuet. Des personnages pathétiques veillent sur l'héritage.

Tract Ne visitez pas L'Exposition Coloniale. « Brigandage colonial. On a envoyé en Afrique, en Asie, des navires, des pelles, des pioches pour créer du travail contre un salaire misérable, comme un don fait aux indigènes. Il est donc naturel, prétend-on, que le labeur de ces millions d'esclaves nous rapporte des montagnes d'or. Nous tenons les zélateurs de cette entreprise pour des rapaces. Les Hubert Lyautey, les Jacques-Louis Dumesnil, les Paul Doumer, qui tiennent le haut du pavé dans la France du Moulin Rouge, ne sont que des figurants du carnaval des squelettes. Les promesses de l'affiche de recrutement des troupes coloniales sont éloquentes : une vie facile, des négresses alléchantes, des pousse-pousse tirés par les indigènes. Rien n'est épargné pour la promotion. Un sultan chérifien en personne bat la grosse caisse à la porte de son palais en carton-pâte. Les conquérants des paradis coloniaux s'enorgueillissent du Luna-park de Vincennes. Contre les discours patriotiques, les exécutions capitales, exigez l'évacuation immédiate des colonies et la mise en accusation des généraux, des fonctionnaires responsables des massacres du Maroc, d'Annam, du Liban » (André Breton, Paul Eluard, Benjamin Péret, Georges Sadoul, Pierre Unik, André Thirion, René Crevel, Louis Aragon, René Char, Maxime Alexandre, Yves Tanguy, Georges Malkine).

Une contre-exposition s'intitule La Vérité sur les colonies. L'artiste allemand John Heartfield, de son nom d'état civil Helmut Herzfeld (1891-1968), ami de Louis Aragon, réalise un photomontage de deux poings levés, noir et blanc, couverture de la revue Social Kunst, n° 8, 1932, préfiguration des luttes pour l'indépendance. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous. Une photographie de Man Ray est publiée dans le magazine Vogue de mai 1926 sous le titre Visage de nacre, Masque d'ébène. L'égérie Kiki de Montparnasse pose avec un masque africain. Le négatif décline des spectres. Aux lendemains de l'exposition coloniale, des œuvres déshabillent l'imaginaire occidental. Se tournent en dérision les fantasmes esclavagistes. Le magazine Vu publie, en 1934, un hors série sur la colonisation. Sur une d'Alexandre Liberman. un colosse noir porte la civilisation occidentale sur la tête. Projection délirante. Force physique, mollesse cérébrale. Victor Hugo lui –même, concepteur de la colonisation africaine, anti-esclavagiste convaincu, raciste avéré, n'appelle-t-il pas les noirs les pieds plats. Années trente, les génies du jazz se révèlent. Se célèbrent les métissages, au nez et à la barbe du suprématisme. En 1934, Nancy Cunard publie à Londres Negro Anthology, avec 250 textes d'auteurs de 155 autrices et auteurs africains, caraïbéens, américains. L'ouvrage de neuf cents pages n'est traduit en français aux éditions du Sandre qu'en 2023.

Je reçois, aujourd'hui même, un opus d'une vingtaine de pages signé Raoul Vaneigem, titré Abolir la prédation, redevenir humain, Appel à la création mondiale de collectivités en lutte pour une vie humaine libre et authentique, éditions Grevis. L'incipit, d'une formule percutante dont le philosophe a le secret, résume l'enfer actuel. « Nous avons fait de l'homme la honte de l'humanité. Du plus lointain des temps à nos jours, aucune société n'atteint le degré d'indignité et d'abjection attesté par une société agro-marchande qui passe, depuis dix-mille ans, pour la civilisation par excellence. Ce qui s'impose ainsi, en fait, c'est la dénaturation de l'être humain. On chercherait en vain parmi les carnassiers les plus impitoyables, une cruauté aussi délibérée, une férocité aussi inventive. L'opinion publique préformée prend parti pour l'un ou l'autre belligérant, comme s'il s'agissait d'un match de football. Les paris sont ouverts. Les hourras des spectateurs couvrent les hurlements des foules massacrées. Les rapacités financières orchestrent la dénaturation humaine, rythment les apathies, ponctuent les frustrations, déchaînent la haine meurtrière ».

Manque, pour comprendre cette traversée des ténèbres, la pensée percutante, turbulente, du philosophe Gilles Deleuze. « Nous vivons dans un monde plutôt désagréable, où non seulement les gens, mais les pouvoirs établis ont intérêt à nous communiquer des affects tristes. Les affects tristes diminuent notre capacité d'agir. Les pouvoirs établis ont besoin de nos tristesses pour faire de nous des esclaves. Les tyrans, les preneurs d'âmes, ont besoin de nous persuader que la vie est dure et lourde. Les pouvoirs ont moins besoin de nous réprimer que de nous angoisser, d'administrer nos petites terreurs intimes, de neutraliser les surgissements de la vie. Leur arme de dissuasion est la mort. Les vampires ne nous lâcheront pas tant qu'ils ne nous auront pas communiqué leur névrose, leur angoisse, leur castration, leur ressentiment, leur immonde contamination » (Gilles Deleuze).

Les humains perdent leur créativité. Ils ne pilotent plus leur destinée. Les ethnocides, les liberticides engouffrent l'insoutenable, l'invivable dans des régions entières. Le génocide le plus atroce, le plus brutal, le plus sanglant se justifie par des raisons sécuritaires. Qui vole aujourd'hui au secours des palestiniens en dehors des indignations de la rue ? Des voix juives intelligentes, courageuses, s'élèvent, au sein de l'impérialisme américain, contre l'ignominie sioniste. Légitime défense du pot de fer contre le pot de terre. Les discours fascistes, les actes monstrueux, les arguments fallacieux trouvent échos favorables dans les grands médias. Les consciences dévoyées s'abreuvent au spectacle des civils abattus à bout portant, des villes rasées par les bombes au phosphore blanc. Le profit prospère dans la destruction. La vie est un crime aux yeux des exterminateurs, des sociopathes détenteurs de pouvoir étatique. Contrairement aux psychopathes qui se défoulent sur des souffre-douleurs particuliers, les sociopathes ciblent des collectivités entières. Le massacre se digitalise. La boucherie se rentabilise. Les gouvernances décrédibilisées, noyées dans leur emphatique ignorantisme, aspirées par le vide, se militarisent faute d'autres moyens de s'imposer. Le pire se professe comme une fatalité. C'est la mort qui se démocratise. Je me dis : l'humanité touche le fond, elle ne peut que remonter. Je constate que le fond se creuse encore plus. Les incultes deviennent les maîtres, les charlatans les gourous, les intellectuels médiatiques les marionnettes. Les jeunes sous tutelle. Les vieux sous curatelle. La peur, une drogue populaire. Que revoit-on aujourd'hui dans plusieurs capitales européennes ? Des défilés de chemises noires, des revenants phalangistes, des spectres fascistes.

Dans ce monde à la dérive, déshumanisé, technocratisé, déconscientisé, robotisé, le salut ne peut venir que de l'art et de la poésie. Comme en Mai 68. Nous avons chanté, le temps d'une fête révolutionnaire, pacifique, le désir de liberté et la liberté des désirs. Les graines semées tardent à refleurir. Les monstruosités déculpabilisées, des dévastations décriminalisées sont de retour. Le poème est plus vital, plus salutaire que jamais. Réciter Liberté de Paul Eluard. Regarder Guernica de Pablo Picasso. Combiner leurs variations allégoriques. Leurs correspondances métaphoriques. Et l'âme étincelle de mille espérances.
Mustapha Saha

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Manifestation parisienne pour un cessez-le feu au Moyen-Orient

8 octobre 2024, par Omar Haddadou — , ,
Un an après le 7 octobre, le Moyen-Orient est au bord de l'embrasement. Comptable d'une victoire envers ses partisans pour sa réélection, le Premier ministre Netanyahou, fort (…)

Un an après le 7 octobre, le Moyen-Orient est au bord de l'embrasement. Comptable d'une victoire envers ses partisans pour sa réélection, le Premier ministre Netanyahou, fort du soutien américain, fait face à plusieurs fronts. A Paris, des voix s'élèvent pour un cessez-le feu.

De Paris, Omar HADDADOU

Mépris et vol en éclats du Droit international !

L'escalade au Moyen-Orient a pour point d'orgue un refus du cessez-le feu par Benyamin Netanyahou qui, les mains libres, profiterait, selon des spécialistes du Moyen - Orient, du calendrier électoral américain pour mener à terme sa stratégie d'éradication du Mouvement de Résistance Islamique HAMAS. A ce propos, il sentencie : « Israël changera la réalité sur le terrain ».
Et le Président turc de rétorquer le même jour (hier 7 octobre ) : « Israël paiera tôt ou tard le prix de ce génocide ».

Outre Atlantique, l'administration Biden, soucieuse de l'échéance présidentielle du 5 novembre, remue ciel et terre pour l'apaisement entre l'état hébreu et l'Iran. Mais le Premier ministre, faisant fi des « recommandations » de son mentor américain, a déjà esquissé sa feuille de route pour venir à bout de toute résistance au Moyen-Orient et détruire les infrastructures nucléaires iraniennes (Natanz). Pari risqué ! font observer des Analystes.
D'où les débats nourris sur les rapports de force dissymétriques, articulés, d'une part, par une puissance militaire soutenue par la première armée au Monde, recourant aux bombes pénétrantes au phosphore et à l'intelligence artificielle, et de l'autre, une résistance régénérante à travers l'élan de solidarité régionale, biaisant toute prédiction quant à l'issue du conflit.

L'assassinat du chef du Hizbollah, Hassan NasrAllah, n'a fait qu'intensifier les hostilités, ponctuées par le lancement de 200 missiles sur le territoire israélien.
Sommes-nous à un point de bascule vers une guerre à grande ampleur ?
L'opinion internationale, ou du moins les esprits dotés de discernement cartésien, retiendront qu'un an après les événements du 7 octobre et leur bilan tragique de 41. 000 morts et 96 000 blessés, dont 60 % des femmes et des enfants, dans la bande de Gaza, et 1 205 côté israélien, la Paix revendiquée à cor et à cri et la libération des otages, semblent compromises.

Intraitable, le Premier ministre de l'Etat hébreu a défendu bec et ongle son entreprise, n'hésitant pas à tancer Emmanuel Macron : « Un embargo sur les armes à destination d'Israël. Quelle honte ! » et d'ajouter « Soyez assurés, que Israël gagnerait même sans leur soutien ». « Nous continuerons à combattre ».

Hier sur les chaines françaises, le grand Rabbin de France, Haïm Horsia, se voulait le chantre de l'engagement pacifique : « Il faut parler de Paix ! Israël doit vivre dans l'espérance et non pas dans la haine ».
Ironie du déroulé belliqueux, l'aviation israélienne a mené, ce lundi, des frappes sur la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah. Le Ministère de la Santé a fait état de 2 083 morts, 9 869 blessés et 1,5 millions de déplacé-e-s.
Dans l'agenda de Tsahal pour les heures à venir, serait inscrit un bombardement « de la zone côtière du sud du Liban ».
La guerre et son cortège de victimes, épandue tel un torrent quittant son lit, échappe aux Instances internationales, à savoir l'ONU, la Cour Pénale Internationale (CPI) et la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH), réduites à des organes de Constat ! Les Peuples, témoins du dictat de l'Occident qui s'approprie la Démocratie et référencie la barbarie, prennent acte de la domination et ses alliances concertées.

Netanyahou a les mains libres. Hier, il a encore promis de « continuer le combat pour l'anéantissement du Hamas et le retour des otages ».
En France, le chef de l'Etat et son Premier ministre Michel Barnier ont opéré un braqué de 360°, témoignant leur soutien à Netanyahou.
Une position qui a sorti de ses gonds ce samedi 5 novembre, Place de la République, le Nouveau Front Populaire et son satellite La France Insoumise, menée par un Mélenchon furibond et indigné de la situation au Moyen-Orient . Marquant leur solidarité avec les peuples libanais et palestinien, des dizaines de milliers de manifestants (es) ont défilé dans Paris, appelant au cessez-le feu, dénonçant « la connivence des Etats-Unis et de l'Europe, la lâcheté de certaines monarchies arabes et la passivité des Instances internationales, face au génocide ».
Dans le cortège couroucé, nous avons pu, par chance, échanger (en arabe) avec Soumaya Kriki, une rescapée de la guerre au Liban. Elle parlait posément, puis évoquant la tragédie au sein de sa famille et au village, elle s'est mise à tonitruer : « Je viens du sud du Liban, terre des Combattants ! J'ai assisté à des guerres atroces dans mon pays, mais celle-ci est la plus ignominieuse, la plus féroce (charissa). Le crime n'en finit pas. Tout est « boucherie ! ». « Ils bombardent les centres de santé, les crèches. Ils appellent cela se défendre. Tout le monde dit, on est vivants ! mais on ne sait pas de quoi sera fait demain ... »

Les larmes roulant sur ses joues émaciées, elle balbutie, anéantie : « Le Monde nous a abandonnés ! »
O.H

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Il ne revenait pas à Netanyahou d’exécuter Nasrallah.

8 octobre 2024, par Vincent Presumey — ,
Samedi 28 septembre 2024 : le Hezbollah vient de confirmer que son chef, Hassan Nasrallah, a été tué par le bombardement israélien du quartier de Beyrouth où il se trouvait. Il (…)

Samedi 28 septembre 2024 : le Hezbollah vient de confirmer que son chef, Hassan Nasrallah, a été tué par le bombardement israélien du quartier de Beyrouth où il se trouvait. Il n'est pas le seul : le bombardement a fait officiellement « au moins 6 morts et 90 blessés », s'ajoutant aux centaines de civils tués ces derniers jours au Liban. Un million de personnes ont fui le Sud du Liban, certains passant en Syrie – faut-il être terrorisé pour se réfugier en Syrie …

28 septembre 2024 | tiré du site d'Author
https://aplutsoc.org/2024/09/28/il-ne-revenait-pas-a-netanyahou-dexecuter-nasrallah/

Hors de question de pleurer Nasrallah. Sa mort a été célébrée à Idlib, où n'existe pas la moindre sympathie pro-israélienne. Les dizaines de milliers de victimes syriennes, libanaises et palestiniennes des nervis, des tueurs et des tortionnaires du Hezbollah sont en droit d'acter cette élimination avec satisfaction, mais ils le font avec une double amertume.

D'abord, c'est à elles et à eux qu'elle appartenait, pas à Netanyhaou et pas à l'Etat israélien.

Netanyahou est dans une impasse à Gaza. 45 000 morts et sans doute plus, des centaines de milliers de personnes acculées dans les décombres à la famine, au trauma et à la maladie, mais impossible de « détruire le Hamas » : possible seulement de massacrer les Gazaouis.

Et c'est bien – on y reviendra – parce qu'il y a risque réel de génocide comme sortie barbare de cette situation du point de vue de Netanyahou et de l'extrême-droite israélienne, que la proclamation obsessionnelle du « génocide », souvent antérieure, d'ailleurs, à octobre 2023, occulte la situation réelle de massacre et de destruction qui conduirait à un génocide effectif, lequel doit être interdit maintenant en imposant un cessez-le-feu et la libération conjointe des otages du Hamas et des prisonniers politiques palestiniens en Israël.

Cessez-le-feu et libérations conjointes doivent être imposés par une campagne internationaliste globale, impliquant les syndicats portuaires, pour stopper les livraisons d'armes, principalement nord-américaines, à Tsahal. Ce que n'est pas le mouvement « pour la Palestine » dans les universités occidentales, toujours hurlant au « génocide » mais inefficace pour empêcher son arrivée effective.

Ce sont les contradictions internes à l'impérialisme nord-américain et la pression de l'opinion publique qui, en cas de défaite de Trump et donc de victoire de K. Harris aux présidentielles US, risquent de faire de l'impasse dans laquelle Netanyahou s'est mis à Gaza, le commencement de la fin pour lui.

C'est pourquoi l'appareil sécuritaire et militaire israélien s'est lancé dans ce qui n'est pas une opération « pour la défense d'Israël », mais une opération de diversion visant à ressouder la population judéo-israélienne de plus en plus divisée à propos de Gaza, des otages et de Netanyahou, et à entretenir la peur mondiale d'une guerre régionale avec l'Iran.

C'est en effet l'Iran, avec la bénédiction russe, qui a poussé le Hamas à la provocation et au pogrom du 7 octobre 2023, tout en n'ayant jamais eu l'intention de transformer la prétendue « tempête d'Al-Aqsa » en guerre totale : le Hezbollah et les Houthis n'ont jamais tenté d'aider sérieusement ni le Hamas, ni, encore moins, la population de Gaza dont ils n'ont cure.

Les habitants judéo-israéliens, palestiniens et druzes du Nord d'Israël sont effectivement victimes des missiles et des menaces du Hezbollah qui n'ont cependant jamais affaibli, bien au contraire, l'Etat israélien lui-même. De même que la fin des menaces du Hamas pourrait venir du cessez-le-feu, de la libération des prisonniers politiques et de la reconnaissance du droit palestinien à un Etat, de même le commencement de la fin du Hezbollah, dont la domination est vomie par la société libanaise, pourrait venir rapidement d'une telle politique. Les gens déplacés et menacés au Nord d'Israël ne sont qu'un prétexte.

Depuis trois semaines, par les méthodes du terrorisme d'Etat, Israël a porté de très grands coups au Hezbollah, organisation totalement réactionnaire par ailleurs. Le fait que ces coups soient portés par Israël et avec ces méthodes écarte toute portée ou finalité « progressiste » à cette opération.

Il s'agit pour Netanyahou, bloqué à Gaza au seuil d'un génocide effectif qui n'a pas eu lieu mais qu'il faut empêcher, de faire diversion, de retrouver une assise élargie dans la société israélienne, et de faire planer le danger d'une guerre régionale totale avant les élections nord-américaines, en espérant du coup peser en faveur de son candidat qui est aussi celui de Poutine : Donald Trump.

Surtout, et c'est là le point le moins abordé, qui est justement occulté par ces opérations, celles-ci servent aussi à couvrir les actes pogromistes et la colonisation renforcée contre les Palestiniens de Cisjordanie, évoluant vers une « purification ethnique » de fait, que Netanyahou et les siens veulent rendre irréversible, alors que l'élimination de cette colonisation est une condition pour le respect des droits nationaux palestiniens et donc pour toute paix.

L'amertume avec laquelle les centaines de milliers d'arabes victimes du Hezbollah peuvent acter l'élimination de Nasrallah et compagnie, est donc causée par le fait que le droit moral de les juger et de les punir leur revenait à eux, et à nuls autres, et certainement pas aux « organes » israéliens.

Mais elle est double, car il s'y ajoute le fait que ces organes ne tuent pas seulement, et ne tuent pas principalement, des cadres du Hezbollah. De même qu'ils s'acharnent de fait sur la population de Gaza en disant affronter les soldats du Hamas (qui se réservent les souterrains, interdits aux Gazaouis), de même au Liban, ce sont des centaines et des centaines de victimes civiles et, d'ores et déjà, un million de réfugiés, qui sont les principales cibles de fait. Et, parmi ces cibles, des dizaines et des dizaines de réfugiés syriens qui avaient fui Bachar el Assad et le Hezbollah, et, parmi ces réfugiés, des milliers et des milliers de ces réfugiés syriens qui ne veulent pas et ne peuvent pas retourner en Syrie.

Il est d'ailleurs permis de se demander si les organes israéliens n'ont pas eu une aide discrète de … Bachar el Assad, dont le régime est silencieux sur les attaques aux bippers et opérations menées ces dernières semaines. Bachar n'est pas gêné par les massacres de grande ampleur : en cas de « purification ethnique » en Cisjordanie et de génocide réel à Gaza, lui, l' « antisioniste » et « anti-impérialiste », compte bien survivre encore et encore …

Les objurgations des grands de ce monde à la « retenue » par peur d'une « guerre régionale » s'adressent théoriquement à Israël, mais ne l'inhibent pas, et s'adressent donc en réalité plutôt à l'Iran. Techniquement et militairement, il est difficile à l'Etat iranien de riposter. De plus, il connait une crise interne et, surtout, la population iranienne lui est hostile et le risque existe aujourd'hui pour ce régime qu'une guerre, au lieu de mâter les résistances populaires, soient saisie par elles pour en finir. « Femme, Vie, Liberté » : réprimé, ce mouvement est vivant, très fort, dans la conscience du plus grand nombre. Par ailleurs, l'Iran est en train de se doter de l'arme nucléaire mais ne l'a probablement pas encore. Pour l'ensemble de ces raisons, une intervention iranienne directe demanderait une aide russe, alors que la Russie est « occupée » en Ukraine. Le passage à une guerre régionale, ce que les dirigeants savent à Téhéran comme à Tel-Aviv, est donc très difficile. Contraints, théoriquement et par leurs propres discours belliqueux, à une vengeance « terrible », les dignitaires iraniens et ceux du Hezbollah risquent de n'avoir, pour tout de suite du moins, à leur disposition qu'une guerre terrestre de position dans le Sud du Liban, tentant peut-être d'avancer au Nord d'Israël voire au Golan, alors même que les chars israéliens se massent à la frontière en position d'attaque.

Pour conclure ces remarques écrites à chaud, il faut bien comprendre que la rapide description donnée dans cet article s'inscrit dans un cadre général, qui est celui de la lutte des classes à l'échelle mondiale à l'époque de la multipolarité impérialiste. Le pogrom du 7 octobre 2023 a été une provocation visant à déclencher la guerre israélienne de destruction de Gaza, faisant ainsi le jeu de Poutine et attisant toutes les tendances les plus réactionnaires à l'échelle mondiale : campisme « de gauche », trumpisme « de droite », etc. Le spectre d'une guerre régionale entre un prétendu « axe de la résistance » « antisioniste et anti-impérialiste », et Israël étayé par les Etats-Unis, joue ici un rôle clef – en tant que spectre, en tant que cette guerre n'éclate pas complétement. Les grands bénéficiaires de cette défense objective de l'ordre mondial par le désordre et par la guerre ont été Poutine et Trump. Mais rien n'est gagné pour eux. La situation mondiale, assombrie, n'a pas totalement reflué dans un sens réactionnaire, ce qui se serait produit en cas de défaite ukrainienne écrasante. Trump pourrait ne pas gagner et donc perdre, et Poutine n'a pas non plus gagné ; Netanyahou se sent donc, à juste titre, menacé. Il a donc ouvert un second front en jouant au bord du gouffre avec le spectre de la guerre régionale.

VP, le 28/09/24.

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Lutte hégémonique et classes populaires rurales. Le combat antifasciste à la lumière de Gramsci

8 octobre 2024, par Yohann Douet — ,
La faiblesse de la gauche et la force de l'extrême droite dans un certain nombre de territoires ruraux et semi-ruraux, mais aussi de petites villes, est une composante (…)

La faiblesse de la gauche et la force de l'extrême droite dans un certain nombre de territoires ruraux et semi-ruraux, mais aussi de petites villes, est une composante essentielle du débat stratégique actuel, que doit affronter la gauche de rupture. En s'appuyant sur une lecture de Gramsci et sur un effort d'actualisation de l'élaboration gramscienne au regard des coordonnées sociales et politiques de notre temps, Yohann Douet propose une contribution importante à ce débat.

Tiré de la revue Contretemps
2 octobre 2024

Par Yohann Douet

***

Les apports potentiels de la pensée de Gramsci au combat contre l'extrême droite sont innombrables, ne serait-ce que parce que son parcours politique et intellectuel est indissociable de la lutte contre le fascisme [1]. Dans cet article, je m'appuierai sur les résultats de mon ouvrage L'Hégémonie et la révolution – Gramsci penseur politique mais je développerai des réflexions qui n'y sont pas traitées directement [2]. Je discuterai de la manière dont les réflexions gramsciennes peuvent éclairer un problème politique décisif pour nous : la division des classes populaires, et le fait qu'une partie importante d'entre elles vote pour l'extrême-droite [3].

On le sait, l'espace politique français est aujourd'hui structuré selon une tripartition entre – pour utiliser les termes de Julia Cagé et Thomas Piketty [4] – un « bloc libéral-progressiste » (le macronisme au sens large), un « bloc national-populiste » (l'extrême-droite) et un « bloc social-écologiste (la gauche). Le premier bloc, qui attire largement les voix des classes dominantes, correspond à ce que Bruno Amable et Stefano Palombarini appellent le « bloc bourgeois [5] ». C'est entre les deux autres blocs politiques que se répartissent la plus grande part des votes des classes populaires.

La gauche (le bloc « social-écologiste ») réunit un vote beaucoup plus urbain tandis que l'extrême droite (le bloc « national-patriote [6] ») attire massivement les voix des classes populaires des « villages et des bourgs [7] ». Or il se trouve que, malgré des différences majeures, cette configuration historique présente des analogies frappantes avec celle qu'a connue Gramsci.

De l'Italie des années 1920…

De son temps, les classes populaires (ou « subalternes ») étaient séparées en deux groupes : d'un côté, une classe ouvrière urbaine et concentrée dans le Nord, politiquement organisée et massivement socialiste et communiste ; de l'autre, et ce second groupe est largement majoritaire en Italie, une paysannerie pauvre peu organisée (« désagrégée »), notamment dans le Sud (le Mezzogiorno) dominé économiquement et politiquement par le Nord. La paysannerie du Sud pouvait se mobiliser et agir collectivement, parfois d'une manière très radicale (occupation de terres, émeutes, voire insurrections, etc.) mais ses mobilisations étaient peu organisées, n'étaient pas organiquement liées au mouvement ouvrier et n'étaient pas nourries par une critique élaborée de l'ordre social [8].

Précisons que ni la classe ouvrière ni la paysannerie méridionale n'étaient massivement fascistes. Le fascisme italien avait sa base sociale dans la petite-bourgeoisie (urbaine et rurale). Mais, notamment à cause de la division entre classe ouvrière et paysannerie et entre Nord et Sud, les puissants mouvements sociaux de 1919-1920 (le biennio rosso) ne sont pas parvenus à l'emporter jusqu'au bout dans une révolution, et cet échec historique a rendu possible l'arrivée au pouvoir du fascisme deux ans plus tard (octobre 1922).

Dans cette situation, Gramsci affirme que la classe ouvrière urbaine doit construire son hégémonie sur la paysannerie – le terme d'hégémonie signifiant ici l'alliance entre ces deux classes, sous la direction de la première. La classe ouvrière doit donc parvenir à entraîner la paysannerie dans la lutte contre le capitalisme et la domination bourgeoise, et cela en renforçant l'activité politique de la paysannerie. Cela ne peut passer à ses yeux que par l'intermédiaire d'organisations sociales et politiques (en premier lieu le parti communiste), qui doivent donc lutter non seulement pour les intérêts ouvriers mais aussi pour les intérêts paysans (l'amélioration de leur niveau de vie, la possession des terres qu'ils travaillent, leur participation à la vie politique, etc.) [9].

Pour Gramsci, les politiques hégémoniques s'opposent aux politiques « économico-corporatives ». Peut ainsi être qualifiée d'« économico-corporative » une politique du mouvement ouvrier qui ne défend que les intérêts économiques particuliers (corporatistes, donc) de la classe ouvrière, en négligeant ceux de la paysannerie. En Italie, au moins depuis le début des années 1900, plutôt que de lutter radicalement avec la paysannerie contre la domination bourgeoise, une partie importante du mouvement ouvrier (les socialistes réformistes) accepte des compromis avec la bourgeoisie aux dépens de la paysannerie, notamment en prélevant des impôts sur le Sud de l'Italie à l'avantage du Nord industriel [10].

Cette politique corporatiste s'accompagne de préjugés et même d'un racisme des habitants du Nord envers ceux du Sud :

« On sait quelle idéologie les propagandistes de la bourgeoisie ont répandue par capillarité dans les masses du Nord : le Midi est le boulet de plomb qui empêche l'Italie de faire de plus rapides progrès dans son développement matériel, les méridionaux sont biologiquement des êtres inférieurs, des semi-barbares, voire des barbares complets, c'est leur nature [11] ».

Réciproquement, il souligne que les paysans du Sud ont aussi des préjugés envers les ouvriers du Nord qu'ils estiment être privilégiés, et ils ont par exemple participé à différentes occasions, en tant que soldats, à la répression de grèves ouvrières.

En somme, avant et encore plus après l'arrivée du fascisme au pouvoir, les subalternes étaient séparés par des clivages sociaux, territoriaux, politiques et idéologiques et la conscience de classe restait cantonnée à un niveau économico-corporatif.

… à la France des années 2020

L'une des tâches politiques cruciales aujourd'hui est, comme à l'époque de Gramsci, d'unifier les classes populaires qui sont clivées entre classes populaires urbaines et classes populaires rurales et péri-urbaines. Étant donné que le bloc urbain est plus organisé et plus progressiste politiquement, c'est en partant de lui que l'unité des classes populaires doit et peut être reconstruite. Le bloc de gauche urbain est donc le candidat naturel au rôle de « pôle hégémonique » principal. Il s'agit donc de construire son hégémonie sur les classes populaires rurales [12], c'est-à-dire de les entraîner dans une lutte politique émancipatrice.

(Re)conquérir politiquement les campagnes et les bourgs n'est certes pas le seul problème actuel. Il reste crucial de consolider, mobiliser et organiser les secteurs sociaux votant largement pour la gauche, qu'il s'agisse des classes moyennes progressistes des métropoles (a fortiori les jeunes et précaires), des classes populaires stables du public et/ou proches d'un syndicat, ou encore des habitant-e-s des quartiers populaires (en particulier les racisé-e-s). La convergence des votes de catégories sociales aussi diverses – notamment pour Jean-Luc Mélenchon aux présidentielles de 2022 – demande à être pérennisée et le bloc électoral qui s'est dessiné doit être transformée en un véritable « bloc social » (dans le sens d'Amable et Palombarini), qui correspondrait à un ensemble cohérent et relativement stable de demandes et d'intérêts socio-économiques. Dans le cas des quartiers populaires, la mobilisation durable des abstentionnistes jouera incontestablement un rôle décisif, ce qui impliquera de mettre en avant des représentant-e-s issus de ces quartiers et de travailler localement à renforcer l'activité politique des habitant-e-s. Dans l'ensemble, il s'agit, pour le dire schématiquement, d'accroître l'unité, l'ampleur et l'activité du bloc déjà acquis à la gauche de gauche et à prédominance urbaine.

Mais il est également décisif, sur le plus long terme, d'exercer une activité hégémonique en direction des classes populaires rurales et de promouvoir également dans « les villages et les bourgs » une activité politique progressiste.

Les zones rurales ne sont évidemment plus peuplées majoritairement de paysan-nes comme à l'époque de Gramsci. S'il existe des ruralités plus prospères (régions touristiques, zones résidentielles à proximité des villes, etc.) marquées également par un vote FN/RN important, on se concentrera ici sur une configuration spécifique : celle des « campagnes en déclin », dans le Nord et l'Est notamment [13]. Il s'agit de régions désindustrialisées (contrairement au Mezzogiorno non encore industrialisé des années 1920), peuplées largement d'« “ouvriers conservateurs” encadrés par une petite et moyenne bourgeoisie dont la domination locale repose plus sur le capital économique que sur le capital culturel [14] ». Ces territoires se caractérisent par une gauche faible et par une politisation tendancielle à droite et surtout à l'extrême droite.

La « conscience du monde social » n'y est pas dichotomique (« nous » contre « ceux d'en haut ») mais, comme l'a formulé le sociologue Olivier Schwarz, « triangulaire [15] ». Le « nous » (classes populaires rurales) s'oppose en effet, d'un côté, à « ceux d'en haut » (les décideurs, les privilégiés urbains, notamment parisiens) et, de l'autre, à « ceux d'en bas » (les précaires, vus comme « cassos », et les assisté-e-s suspectés profiter de système, fréquemment assimilés aux racisé-e-s). Dans une telle vision du monde, il importe donc de se distinguer de ceux d'en bas, d'être reconnu-e comme respectable et méritant-e, tout en étant par ailleurs protégé-e dans la mesure du possible de la désindustrialisation et de la concurrence internationale. Or le FN/RN promet précisément de protéger les classes populaires blanches, en particulier rurales, de leur garantir une certaine respectabilité et de leur conserver les maigres acquis qu'elles peuvent avoir, comme par exemple la propriété de leur logement [16].

Chez ces classes populaires rurales, le sentiment de solidarité est loin d'avoir disparu, mais il est limité à des cercles restreints. Dans la vie quotidienne, il est ainsi limité à la famille ou au groupe amical (sur le mode du « déjà, nous » ou « nous d'abord [17] »). En politique, il est fréquemment limité aux français-e-s blanc-he-s (et méritant-e-s). Une telle solidarité s'apparente d'une certaine manière à la vision « économico-corporative » dont parlait Gramsci, qui désignait par là la défense des intérêts économiques de groupes sociaux particuliers en faisant abstraction des autres groupes.

En proposant la « préférence nationale », le FN/RN peut jouer de cette solidarité limitée et économico-corporative, mais il va plus loin en la retournant contre d'autres groupes sociaux populaires, puisqu'il promet la satisfaction d'intérêts économiques minimaux aux dépens des étrangèr-e-s et racisé-e-s. Tout en approfondissant ainsi les clivages existant au sein des classes populaires, le FN/RN vise à détacher les classes populaires blanches (et méritantes) pour les inclure dans un bloc social transclasse incluant les classes exploiteuses, bloc ayant pour ciment une conception racialisée de l'appartenance nationale.

Toujours est-il qu'au sein des classes populaires, l'idée selon laquelle on ne peut se protéger du système capitaliste néolibéral, et s'y ménager une place vivable et digne, qu'aux dépens d'autres secteurs populaires acquiert une très grande force lorsqu'il est impossible d'envisager un horizon au-delà de ce système et que l'on se résigne à l'accepter passivement. Cette logique est certes loin d'expliquer à elles seules le racisme, qui relève également d'autres causes structurelles, mais elles le renforcent, le cristallisent et contribuent à le politiser.

Un autre élément décisif doit être relevé : ce que Benoît Coquard appelle les « affinités transclasses [18] » entre les classes populaires rurales et la petite bourgeoisie locale. Il existe une certaine proximité, dans les modes de vie, les sociabilités mais aussi les visions du monde social entre d'une part les petits patrons, les commerçants et les artisans, et d'autre part les salariés de l'artisanat et des petites entreprises. Le salarié peut être ami avec et prendre pour modèle de réussite l'artisan à son compte, le président du club de chasse, le cafetier, le petit patron du coin – et éventuellement son petit patron [19].

Ce faisant, c'est la vision du monde très droitière de la petite bourgeoisie locale qui va influencer la vision du monde des classes populaires rurales, et devenir la norme dans ces territoires, l'adhésion à une telle vision politique de droite ou d'extrême-droite devenant même un gage de respectabilité et un moyen d'intégration (pour obtenir un emploi par exemple). Les membres de la petite bourgeoisie sont ainsi des « leaders d'opinion [20] » à l'échelle locale, des gens que l'on écoute.

En ce sens, ils peuvent jouent le rôle « d'intellectuels organiques » de l'extrême droite, sans que ce soit délibéré et sans qu'ils soient le plus souvent militants du FN/RN. Il faut préciser que lorsque Gramsci parle d'intellectuels, et d'intellectuels organiques en particulier, il ne pense pas forcément à des gens spécialisés dans une activité intellectuelle (lire, écrire, discourir, etc.). Il définit en effet les intellectuels par leur « fonction de connexion et d'organisation [21] » de la vie sociale, et par le fait de diffuser certaines visions du monde.

Gramsci peut écrire, à propos du sud de l'Italie, que « le paysan méridional est lié au grand propriétaire terrien par l'intermédiaire de l'intellectuel » petit-bourgeois [22], les intellectuels étant ici les prêtres, les petits fonctionnaires ou les professions libérales (notaires, médecins, etc.), qui incitent la paysannerie à la résignation et renforcent en son sein le sentiment d'impuissance. Il parle à ce propos d'un « monstrueux bloc agraire » formé par « la grande masse paysanne amorphe et inorganisée, les intellectuels de la petite et de la moyenne bourgeoisie rurale et les grands propriétaires fonciers [23] ».

Dans la mesure où, sans abolir complètement « l'effervescence » paysanne, ce bloc agraire assure une certaine stabilité aux rapports sociaux méridionaux et reconduit par conséquent la position subordonnée du Sud agricole et quasi-féodal par rapport au Nord capitaliste, Gramsci estime qu'il remplit une « fonction d'intermédiaire et de contrôleur au service du capitalisme septentrional et des grandes banques. Son unique but est de maintenir le statu quo [24] ».

Dans la France des années 2020, on l'a vu, les classes populaires rurales sont liées à l'extrême-droite par l'intermédiaire de la petite-bourgeoisie locale, qui joue objectivement un rôle d'intellectuel organique. Pour désigner cet ensemble de rapports socio-politiques on pourrait parler, par analogie avec le « bloc agraire » de Gramsci, de « bloc rural » [25]. Et, tout comme le bloc agraire méridional gramscien servait en définitive le capitalisme italien (au sein duquel le Nord était dominant), le bloc rural français contemporain sert les intérêts du capitalisme néolibéral (dominé par les métropoles) dans la mesure où le vote d'extrême-droite fait obstacle à toute alternative véritable, passant nécessairement par une gauche de rupture.

L'analyse du bloc social rural est seulement esquissée ici, et demanderait à être développée[26]. Elle peut néanmoins permettre de mieux comprendre comment l'extrême-droite peut obtenir des scores électoraux importants dans des zones où elle n'a qu'une faible présence militante, si bien que des candidat-e-s fantasques glaçants, comme des personnes se photographiant sur les réseaux sociaux avec une casquette nazie, ayant fait une prise d'otage ou étant sous curatelle, ont pu dépasser 20% ou 30%, et se qualifier au second des législatives [27]. Si le FN/RN n'a pas nécessairement besoin de militantisme local pour atteindre de tels résultats, c'est en effet pour plusieurs raisons qui se renforcent réciproquement :

1) Il se nourrit de la logique du système néolibéral et des demandes de protection économico-corporatives que celui-ci produit. D'un côté, le FN/RN tire une certaine rente électorale de son image de parti anti-système, ce que renforce le fait qu'il n'a jamais exercé le pouvoir au niveau national ; de l'autre, l'alternative qu'il prétend incarner ne remet pas en cause les fondements du néolibéralisme. Une telle alternative, illusoire dans la mesure où elle reste intérieure au système néolibéral, apparaît pourtant plus réaliste que celle incarnée par la gauche de rupture aux yeux de celles et ceux qui se résignent à ce système.

2) Ses idées sont périodiquement reprises par les partis de gouvernement et perpétuellement diffusées dans les grands médias, les classes populaires rurales formant le secteur social où l'on regarde le plus la télévision [28]. On pourrait ici pousser l'analogie et comparer le rôle de la télévision dans la France rurale contemporaine au rôle de l'Église dans l'Italie des années 1920. Les médias de masse constituent un appareil idéologique agissant au cœur même des foyers, et ne demandent pas la même présence dans l'espace social que l'appareil idéologique clérical, avec son clocher et son prêtre dans chaque village. Il faut certes relativiser l'influence directe et immédiate de la télévision, dont le message est toujours interprété et décodé par les auditeurs-rices en fonction, notamment, de l'influence des « leaders » ou « relais d'opinion » de leur entourage. Cela étant, dans le cas qui nous intéresse, ces intermédiaires semblent bien renforcer le caractère réactionnaire du message des grands médias.

3) Le FN/RN est favorisé par les rapports sociaux qui rattachent les classes populaires à la petite bourgeoisie dans le cadre du « bloc rural ».

Briser le bloc rural

Gramsci affirmait en son temps la nécessité de construire l'hégémonie du mouvement ouvrier sur la paysannerie du Sud et de briser le « monstrueux bloc agraire » méridional entre la paysannerie, les intellectuels petits-bourgeois et les grands propriétaires. Comment espérer aujourd'hui mener avec succès une politique hégémonique en direction des classes populaires rurales et notamment briser le « bloc rural » ?

1) Pour parvenir à rendre les projets de gauche audibles et potentiellement hégémoniques, il est bien entendu nécessaire de s'adresser d'une manière concrète aux classes populaires rurales et de se confronter à ce qui les préoccupe comme la question du transport (et surtout de la voiture individuelle, étincelle du mouvement des Gilets jaunes) dans les zones rurales et péri-urbaines et la question de la propriété du logement – cela sans abandonner bien sûr les objectifs de décarbonation de l'économie et la défense du logement social.

Dans leur ouvrage, Julia Cagé et Thomas Piketty voient une analogie entre, d'une part, l'importance pour les classes populaires rurales de la propriété de leur logement aujourd'hui et, d'autre part, l'attachement à la propriété de la terre pour la paysannerie française autrefois. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe, cette question aurait contribué à détourner la paysannerie de la gauche (marxiste), perçue comme trop collectiviste, et à renforcer la tripartition de l'espace politique (qui aurait prédominé de 1848 à 1910). Même s'il est indispensable de rappeler la différence entre un moyen de production (la terre) et un moyen d'habitation, l'analogie reste éclairante et on peut l'étendre jusqu'à la situation italienne des années 1920. En ce sens, une politique hégémonique concrète de la gauche envers les classes populaires rurales devrait donner une réponse aux problèmes de la voiture individuelle et de la propriété du logement comme – toute proportion gardée – elle devait au temps de Gramsci proposer une solution à la question méridionale et à la question de la terre.

Sur la question du logement, Cagé et Piketty relèvent dans le programme du RN aux présidentielles de 2022 la promesse d'une extension du prêt à taux zéro pour l'accession à la propriété, chaque famille pouvant de plus selon cette mesure bénéficier de la part de l'État d'un prêt de 100 000 euros sans intérêt, qui n'aurait plus à être remboursé après la naissance d'un troisième enfant. Si cet élément relativement secondaire du programme n'est vraisemblablement pas la cause principale de la tendance des propriétaires de milieux populaires à voter pour l'extrême-droite, qui peut s'expliquer par d'autres raisons plus fondamentales [29], elle témoigne indéniablement de la capacité du FN/RN à saisir les préoccupations des classes populaires rurales.

2) Même le discours le plus adapté et le programme le plus pertinent ont besoin de relais d'opinions au niveau local, jouant le rôle d'intellectuels organiques diffus présents dans les territoires. Pour le dire simplement, il s'agit d'éviter que seuls les petits patrons de la région se fasse entendre. Dans la mesure où « les groupes sociaux qui portent typiquement le vote à gauche sont soit absents de ces villages et bourgs populaires, du fait notamment du départ des jeunes diplômés ne trouvant pas de débouchés sur le marché de l'emploi local, soit dans un entre-soi ignoré des classes populaires locales », la solution serait, dans l'idéal, que des catégories sociales plus marquées à gauche viennent ou reviennent s'installer dans des campagnes populaires [30]. La relocalisation d'emplois diplômés (dans la santé et l'éducation par exemple) pourrait permettre qu'émergent de nouveaux modèles de réussite plus progressistes que le petit entreprenariat local. Ce type de solution pourrait passer par une reconstruction des services publics atrophiés dans ces territoires [31].

3) La défense des services publics constitue du reste une revendication non économico-corporative et au contraire potentiellement hégémonique. Dans leur principe, ils sont censés être universels et en tant que tels ils répondent aux intérêts des classes populaires urbaines comme rurales, racisées ou non. C'est autour de telles revendications hégémoniques que l'on peut espérer reconstruire l'unité des classes populaires. Le problème est bien sûr qu'une telle reconstruction des services publics ne pourra être mise en œuvre qu'une fois la gauche de rupture déjà au pouvoir, et que les classes populaires rurales ne pourront en éprouver les effets positifs qu'à plus longue échéance encore.

4) Gramsci écrit en 1926 que « le prolétariat détruira [le] bloc agraire méridional dans la mesure où il réussira, à travers son Parti [le parti communiste], à organiser en formations autonomes et indépendantes des masses toujours plus importantes de paysans pauvres [32] ». Si l'on essaie d'adapter cette formule à notre situation, on peut dire que briser le bloc rural suppose de construire une organisation politique radicale de masse, présente physiquement sur tout le territoire. Dans la mesure où, sans relais d'opinion locaux, les discours progressistes risquent de rester hors sol, il s'avère nécessaire de s'implanter localement, sur le long terme, dans les bourgs et si possible dans les villages : le slogan « Une cellule du parti pour chaque clocher », lancé par le dirigeant communiste italien Pietro Secchia en 1945 et adopté par le PCI, indique toujours la direction à prendre, quand bien même serait-il impossible de réaliser intégralement cet objectif. La croissance et l'implantation d'une telle organisation demandera une lutte politique de longue haleine, âpre et acharnée : une « guerre de position », aurait dit Gramsci. Or si la France insoumise, sous sa forme actuelle, excelle dans l'action rapide, lorsqu'il s'agit de se mobiliser d'une manière ponctuelle pour une échéance électorale importante, l'intervention durable et l'implantation territoriale présentent bien plus de problèmes (comme en témoignent par exemple ses scores généralement plus faibles aux élections locales). Pour mener la guerre de position et la lutte hégémonique en direction des classes populaires rurales, il faut un véritable parti, de masse, structuré, ramifié, présent localement, sensible à la particularité des différentes zones d'intervention et s'appuyant sur des militant-e-s, des représentant-e-s et même des élu-e-s issu-e-s des classes populaires [33]. Bref, cette lutte hégémonique ne pourra être menée avec succès que si elle passe, non par un mouvement gazeux, mais par un processus d'organisation moléculaire [34].

5) Même si l'on en avait la volonté, la construction d'une telle organisation politique de masse serait difficile ne serait-ce que parce qu'il existe peu de points d'appui dans les campagnes et les bourgs. Il serait donc indispensable de s'appuyer sur les structures existantes, comme les associations locales et surtout les syndicats, qui restent les organisations populaires progressistes les plus massives et présentes localement. En effet, « dans les petites villes rurales, où le RN accumule un nombre de voix assez important, les militant-e-s de gauche sont de plus en plus rares. Souvent, seuls les réseaux syndicaux restent actifs pour défendre les valeurs progressistes contre les idées d'extrême droite, que ce soit sur les lieux de travail ou dans les quartiers [35] ». En ce sens, il serait indispensable de renforcer, à un niveau local comme national, les liens organiques entre partis de gauche radicale et syndicats de lutte, qui sont parfois trop relâchés, ou marqués par une certaine tension. Le soutien explicite apporté par la CGT au NFP est sur ce plan un signe encourageant.

6) Les luttes et mouvements sociaux, qu'il s'agisse de grèves locales ou de mouvements d'ampleur nationale, restent des occasions particulièrement favorables au recul de l'extrême-droite et à formation de nouvelles solidarités de classe, par-delà les clivages des classes populaires. Cela s'est en particulier constaté dans le cas du mouvement des Gilets jaunes. Celui-ci a dans certains cas permis la transformation d'une conscience « triangulaire » du monde social en une conscience « dichotomique » où le « nous » est principalement opposé à « ceux d'en haut » [36]. Comme l'écrit Benoît Coquard, « l'irruption des Gilets jaunes à l'automne 2018 a ouvert une brèche inattendue, dans des coins de France profondément rétifs aux engagements collectifs et à la rébellion politique [37] ». De plus, leurs revendications et surtout les formes d'action radicales qu'ils ont adoptées se sont avérées inconciliables avec le culte de l'autorité et la défense unilatérale de la police portés par le FN/RN. Dans l'ensemble, le mouvement des Gilets jaunes a montré le potentiel politique des classes populaires rurales et péri-urbaines, et a ainsi constitué une « fissure [38] » importante dans le bloc rural. Il peut ainsi être vu comme une phase de « guerre de mouvement » populaire, mais qui a malheureusement trop peu nourri la guerre de position de la gauche.

À cet égard, l'attitude réticente voire hostile d'une grande partie des directions syndicales envers ce mouvement a été une faute sociale et politique majeure, l'inverse même de ce que devrait être une politique hégémonique visant à unifier l'ensemble des classes populaires. Les occasions de rapprochement entre organisations progressistes et classes populaires rurales sont rares et précieuses, il faut donc savoir les saisir et cela n'a pas été fait au niveau national, même si de nombreux-ses militant-e-s syndicaux-les ont participé localement au mouvement des Gilets jaunes. Comme l'a écrit Gramsci, « négliger et, pis, mépriser les mouvements dits spontanés, c'est-à-dire renoncer à leur donner une direction “consciente”, à les élever à un plan supérieur en les insérant dans la politique, […] peut avoir souvent de très graves et très sérieuses conséquences [39] ».

Conclusion

Les concepts gramsciens d'hégémonie, de corporatisme, d'intellectuels organiques, de guerre de position et de mouvement restent particulièrement pertinents pour analyser et éclairer la lutte contre l'extrême-droite. Il est certes nécessaire, sous peine de tomber dans une application dogmatique et mécanique de conceptions formulées il y a près d'un siècle, de spécifier ce que notre situation a d'unique et de différent de celle de l'Italie des années 1920, raison pour laquelle il est indispensable de s'appuyer sur les résultats des travaux de sciences sociales contemporains.

Toujours est-il que, s'il reste quelque chose de parfaitement actuel dans ce que nous a légué Gramsci, c'est bien sa célèbre devise : « pessimisme de l'intelligence, optimisme de la volonté ». Pessimisme face aux ravages du capitalisme, mais optimisme en ce qui concerne la capacité des subalternes organisé-e-s à le renverser. Les classes populaires gagnées par l'extrême-droite ne parviennent pas à dépasser le pessimisme, ne voient pas d'horizon au-delà de la concurrence généralisée et ne conçoivent la satisfaction de leurs demandes qu'au détriment d'autres groupes subalternes.

Le FN/RN est bien, comme le disait Trotsky du fascisme, « le parti du désespoir contre-révolutionnaire [40] ». Pour le vaincre, la meilleure arme reste donc de faire naître, et de faire éprouver concrètement, un espoir révolutionnaire.

*

Illustration : Marche des gilets jaunes à Gannat 8 Décembre 2018 © Sylvain Néron

Notes

[1] L'un des objectifs principaux des textes de Gramsci, avant comme après son emprisonnement (novembre 1926), est de penser et de lutter contre le fascisme. Voir Yohann Douet et Ugo Palheta, « Comprendre et combattre le fascisme avec Gramsci » [Podcast], Spectre.

[2] Yohann Douet, L'Hégémonie et la révolution – Gramsci penseur politique, Paris, Éditions Amsterdam, 2023. Un extraitde l'ouvrage et une recension par Hendrik Davi ont été publiées dans Contretemps.

[3] Le présent article reprend et complète l'intervention que j'ai donnée aux AMFIS 2024 dans le cadre du panel « Penser nos luttes avec Antonio Gramsci » organisé par Contretemps, aux côtés de Galatée de Larminat et Stathis Kouvélakis, que je remercie pour leurs discussions enrichissantes que nous avons eues sur ces questions et leurs précieuses remarques.

[4] Julia Cagé et Thomas Piketty, Une histoire du conflit politique. Élections et inégalités sociales en France, 1789-2022, Paris, Seuil, 2023.

[5] Bruno Amable et Stefano Palombarini, L'illusion du bloc bourgeois. Alliances sociales et avenir du modèle français, Paris, Raisons d'agir, 2017. Alors que Cagé et Piketty parlent de « blocs politiques », Amable et Palombarini étudient plutôt des « blocs sociaux », c'est-à-dire des « alliances sociales » entre différents groupes, qui excèdent la seule dimension électorale. Un bloc social est pour eux « constitué par les groupes protégés par une stratégie » politico-économique (ibid., p. 22), comme la stratégie néolibérale dans le cas du bloc bourgeois, lequel reste toutefois trop étroit pour former un bloc social dominant d'une manière stable.

[6] Cagé et Piketty incluent LR dans ce bloc, ce qui pourrait être discuté, mais faire un choix différent ne modifierait pas fondamentalement les tendances générales.

[7] Cagé et Piketty (ibid., p. 95) répartissent la population française entre 12 millions de personnes habitant dans des villages (agglomérations de moins de 2000 habitants), 21 millions dans des bourgs (agglomérations entre 2000 et 100 000), 22 millions dans des banlieues (communes secondaires des agglomérations de plus de 100 000 habitants) et 11 millions dans des métropoles (agglomérations de plus de 100 000 habitants). À mesure que l'on passe des villages aux bourgs, aux banlieues et aux métropoles, on constate que le vote national-populaire décroît et qu'à l'inverse le vote pour le bloc social-écologiste croît (pour la présidentielle 2022, voir ibid., p. 718). Remarquons que, si Cagé et Piketty n'avaient pas fait le choix discutable d'inclure les bourgs jusqu'à 100 000 habitant-e-s mais, disons, jusqu'à 10 000, le survote pour l'extrême-droite aurait vraisemblablement été encore plus marqué.

[8] Il en allait différemment de la paysannerie du Nord (notamment dans la plaine du Pô, caractérisée par une agriculture moderne), qui était beaucoup plus organisée, notamment dans des « ligues paysannes » d'obédience socialiste. Ce fut d'abord pour briser par la violence de telles organisations paysannes (avec le squadrisme), après deux années de mobilisation sociale en 1919-1920, que le mouvement fasciste a été soutenu par les grands propriétaires terriens et a pris toute son ampleur.

[9] Si la bourgeoisie française a pu construire une forte hégémonie sur la paysannerie au cours de la Révolution française c'est précisément parce que, d'après Gramsci, certains intérêts de ce type ont été satisfaits.

[10] Je m'appuie ici par la suite sur « Quelques thèmes sur la question méridionale », texte dont Gramsci avait commencé la rédaction quelques semaines avant son emprisonnement (novembre 1926), et qui est par conséquent resté inachevé. Ce texte se trouve dans Antonio Gramsci, Écrits politiques, Paris, Gallimard, 1975-1980, tome 3, p. 329-356 (noté ci-dessous EP III).

[11] EP III, p. 333.

[12] Le terme « rural » est pris ici en un sens large et renvoie également à des villes moyennes, en particulier les « bourgs » en déclin. Chez Cagé et Piketty, les « bourgs » rassemblent les communes jusqu'à 100 000 habitants (tant qu'il ne s'agit pas de communes secondaires de communes plus grandes).

[13] Benoît Coquard, Ceux qui restent. Faire sa vie dans les campagnes en déclin, Paris, La Découverte, 2019. Les ressorts du vote FN/RN dans la région plus attractive qu'est le Sud-Est (région PACA en l'occurrence) ont été étudiés par Félicien Faury, Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l'extrême droite, Paris, Seuil, 2024. Pour une réflexion sur les logiques présidant au vote FN/RN (en partie – mais en partie seulement – différentes selon les zones), voir l'entretien avec Benoît Coquard et Félicien Faury mené par Fabien Escalona : « Hégémonie sur le terrain, normalisation, racisme : les ressorts du vote RN », Médiapart, 27 juin 2024.

[14] Ibid., p. 173.

[15] Olivier Schwarz, « Vivons-nous encore dans une société de classe ? Trois remarques sur la société contemporaine française », La Vie des idées, 22 septembre 2009.

[16] L'un des résultats frappants du travail de Cagé et Piketty est la corrélation forte, chez les classes populaires, entre le fait d'être propriétaire de son logement et le fait de voter pour le « bloc national-patriote ». Ils caractérisent ainsi le vote FN/RN comme un vote de « petits-moyens accédant à la propriété ».

[17] Benoît Coquard, Ceux qui restent, op. cit., chapitre 7, p. 173-190.

[18] Ibid., p. 35.

[19] Ces logiques d'affinités transclasses jouent plus nettement dans le cas de sociabilités masculines (les sociabilités des femmes dépendant plus fréquemment des sociabilités de leurs conjoints), raison pour laquelle on ne féminise pas ici.

[20] La notion de « leaders d'opinion (opinion leadership) ou « relais d'opinion » a été développée par les sociologues Paul Lazarsfeld et Elihu Katz dans le cadre de la théorie de la « communication à deux étages (two-step flow of communication) » soutenant que les discours politiques ou médiatiques ne prennent toute leur force de conviction que s'ils sont relayés à un niveau local par des figures relativement influentes.

[21] Cahier 12, §1, in Antonio Gramsci, Cahiers de prison, Paris, Gallimard, 1978-1996, tome 3, p. 314. Gramsci ne définit pas les intellectuels par le contenu intrinsèque de leur activité mais par leur place dans les rapports sociaux, et la catégorie des intellectuels acquiert ainsi une extension bien plus vaste que dans les usages courants du terme. À ses yeux, peuvent donc faire partie des intellectuels des figures apparemment éloignées telles que le philosophe professionnel, le prêtre, l'entraîneur sportif, le journaliste, le policier, l'ingénieur, l'économiste, l'instituteur, le médecin, etc. » (Fabio Frosini, « De la mobilisation au contrôle : les formes de l'hégémonie dans les « Cahiers de prison » de Gramsci », Mélanges de l'École française de Rome – Italie et Méditerranée modernes et contemporaines, n° 128-2, 2016), ou encore le chef d'entreprise capitaliste et le militant d'un parti politique. Que dans les « campagnes en déclin » le rôle d'intellectuels organiques soit joué par les membres d'une petite-bourgeoisie « dont la domination locale repose plus sur le capital économique que sur le capital culturel » (selon la formulation de Benoît Coquard) n'est que relativement paradoxal si l'on poursuit l'élargissement de la notion d'« intellectuels » initié par Gramsci.

[22] EP III, p. 348.

[23] Ibid., p. 345.

[24] Ibid., p. 348.

[25] Cette analogie – comme toute analogie historique – est évidemment imparfaite. En particulier, l'extrême-droite qui attire les votes populaires ruraux n'est pas assimilable aux propriétaires terriens dominants dans le bloc agraire méridional de Gramsci, qui exploitaient économiquement la paysannerie. Alors que, dans l'Italie des années 1920, le capitalisme développé dans le Nord s'articulait à des rapports sociaux quasi-féodaux dans le Sud, le capitalisme (sous sa forme néolibérale) subsume directement tout le territoire français, même s'il avantage certaines zones aux dépens d'autres.

[26] La notion de « bloc social » renvoie ici, comme chez Amable et Palombarini, à une alliance entre groupes sociaux rassemblés derrière une stratégie politico-économique, avec la promesse d'une satisfaction – quand bien même serait-elle illusoire – de certains intérêts économico-corporatifs des classes populaires rurales blanches par une stratégie de préférence nationale. Mais elle renvoie également, comme chez Gramsci, aux rapports sociaux concrets qui rattachent les différents groupes constituant le bloc en question (classes populaires rurales, petite bourgeoisie rurale, représentants de l'extrême-droite, etc.).

[27] « Casquette nazie, propos racistes et antisémites, prise d'otage : ces candidats RN aux législatives qui font polémique », France bleu, 3 juillet 2024.

[28] Sur l'analyse gramscienne des médias, voir Yohann Douet (entretien avec Frédéric Lemaire), « Gramsci, critique des médias ? », Acrimed, décembre 2020.

[29] En effet, la proportion de propriétaires est bien plus forte en milieu rural, lequel est tendanciellement lié au vote d'extrême-droite pour de nombreuses raisons, comme on l'a vu. De plus, la propriété de son logement signifie que l'on a quelque chose à perdre (économiquement et symboliquement) et peut vraisemblablement être propice à une conscience sociale « triangulaire ».

[30] Benoît Coquard, « Les obstacles à “la reconquête du vote populaire rural” : discussion sur l'ouvrage de Cagé et Piketty », The Conversation, 20 septembre 2023.

[31] Ibid.

[32] EP III, p. 356.

[33] Xavier Vigna (entretien avec Mathieu Dejean), « La gauche n'a pas de stratégie nationale pour reconquérir ses territoires perdus », Médiapart, 28 juillet 2024.

[34] Gramsci emploie le terme de « moléculaire » comme synonyme de capillaire ou diffus, notamment pour qualifier la politique qui se fait au niveau le plus fin, local et particulier.

[35] Julian Mischi, « Comment l'extrême droite française prospère au détriment de la gauche », Revue l'Anticapitaliste, n° 158, juillet 2024. Julian Mischi le montre à partir du cas d'une petite ville de 3000 habitants, localité rurale et ouvrière du centre-est de la France, où le vote RN est important et en progression constante mais où le syndicalisme CGT des cheminot-e-s reste un pôle de politisation progressiste actif.

[36] Voir Zakaria Bendali, Raphaël Challier, Magali Della Sudda, Olivier Fillieule, « Le mouvement des Gilets jaunes : un apprentissage en pratique(s) de la politique », Politix, 2019/4, n° 128, p. 143-177.

[37] Benoît Coquard, Ceux qui restent, op. cit., p. 173.

[38] Gramsci parle lui aussi des « fissures du bloc agraire » méridional (EP III, p. 351).

[39] Cahier 3, §48, in Antonio Gramsci, Cahiers de prison, op. cit., tome 1, p. 296

[40] Léon Trotsky, « Le tournant de l'Internationale Communiste et la situation en Allemagne », 26 septembre 1930.

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Penser les transformations des systèmes militaro-sécuritaires

8 octobre 2024, par Claude Serfati — ,
L'économiste marxiste Claude Serfati a publié il y a quelques mois un livre intitulé Un monde en guerres, aux éditions Textuel. Nous en avions publié un compte-rendu, de (…)

L'économiste marxiste Claude Serfati a publié il y a quelques mois un livre intitulé Un monde en guerres, aux éditions Textuel. Nous en avions publié un compte-rendu, de Nicolas Pinsard, auquel Claude Serfati répond ici. Il revient notamment sur sa conception de l'impérialisme contemporain, le rôle des hauts fonctionnaires conçus comme « capitalo-fonctionnaires », mais aussi les transformations des systèmes militaro-sécuritaires liées à l'intelligence artificielle.

Tiré de la revue Contretemps
3 octobre 2024

Par Claude Serfati

L'objectif d'Un monde en guerres est de fournir aux lecteurs – chercheurs et citoyens engagés – quelques clés de compréhension sur les interactions des dynamiques contemporaines qui sont à l'œuvre sur le plan économique, environnemental et géopolitique [1]. La note de Nicolas Pinsard, qui a été publiée dans Contretemps, propose non seulement une recension de cet ouvrage, mais elle formule quelques pistes de recherche inspirées par sa lecture. Sa note était initialement destinée à commenter la présentation de mon ouvrage dans un séminaire académique [2], et Nicolas Pinsard inscrit son interpellation dans le cadre de l'école de la régulation dont il signale la quasi-absence d'intérêt pour le militarisme et les conflits armés.

Je le remercie pour l'effort de lecture et l'intérêt de ses commentaires. Ma réponse sera plus brève que sa note puisqu'elle ne portera que sur les points qui relèvent de cette 'interpellation'. J'aborde la multipolarité capitaliste hiérarchisée qui caractérise l'impérialisme contemporain puis la place des « capitalo-fonctionnaires » dans le capitalisme français. Je précise ensuite la contribution de l'intelligence artificielle à la consolidation des systèmes militaro-sécuritaires, une hypothèse qui conteste fortement celle d'une « autonomisation de la technique vis-à-vis de l'État » défendue par Nicolas Pinsard dans sa note. Je suis enfin moins optimiste que lui sur le rôle important que la Haute Administration française pourrait jouer dans la « bifurcation écologique » qu'il propose car mes analyses m'éloignent de l'hypothèse d'une neutralité instrumentale des institutions étatiques.

Une multipolarité capitaliste hiérarchisée

La première réserve formulée par Nicolas Pinsard (remplacé dans la suite de ce texte par NP) concerne la focalisation de l'ouvrage sur les rivalités entre les grandes puissances impérialistes et l'absence d'analyse de « la relation de ces États avec les zones périphériques ». Cette critique est factuellement discutable.

D'une part, l'ouvrage décrit, comme NP le mentionne, la « reprimarisation des économies latino-américaines » – c'est-à-dire les politiques industrielles fondées sur l'exportation de ressources naturelles. D'autre part, il décrit les mécanismes d'asservissement des pays du Sud par la dette, un processus qui prolonge et amplifie ce qui se passa à l'ère de l'impérialisme d'avant la première guerre mondiale. Surtout, l'ouvrage propose un présentation détaillée des processus de dépendance produits par les chaines de production mondiales (CPM) qui sont mises en place par les grands groupes. Les CPM systématisent la captation de valeur des pays dépendants au profit des pays développés et en ce sens, elles donnent une nouvelle physionomie à la domination des pays impérialistes.

De plus, une large partie du chapitre consacré à l'antagonisme entre les États-Unis et la Chine s'intéresse à la ‘route de la soie', qui constitue un modalité de domination différente des mécanismes mis en place par les impérialismes occidentaux il y a plus d'un siècle.

Plutôt que la lacune regrettée par NP, la question non traitée dans l'ouvrage par manque de place pour en aborder ses enjeux théoriques est celle des pays de second rang qui sont à la fois des pays dominés par les grands impérialismes mais aussi en position d'exploiter des pays de rang inférieur. Je résume donc ici brièvement ma position.

Je définis l'impérialisme à la fois comme une configuration du capitalisme dominée par le capital monopoliste et financier et comme une structure de l'espace mondial dominée par quelques pays. Selon moi, la réflexion sur ces pays intermédiaires doit partir du constat d'une hiérarchisation de l'espace mondial bien plus complexe que celle d'avant 1914, même si les théoriciens marxistes de l'impérialisme établissaient déjà une hiérarchie au sein des puissances impérialistes. L'exemple le plus spectaculaire qu'ils donnaient était alors celui de la Russie [3]. Dans la lignée des travaux du sociologue brésilien Ruy Mauro Marini, Alex Callinicos, Patrick Bond et d'autres marxistes emploient aujourd'hui le terme de ‘sous-impérialisme' pour qualifier une liste plus ou moins longue de pays (Afrique du Sud, Brésil, Inde, Iran, Israël, Pakistan, Turquie, etc.) qui se trouvent dans cette position intermédiaire.

Plutôt que l'objectif d'une classification individuelle des pays, j'inscris le débat sur la hiérarchisation de l'espace mondial dans le le cadre d'analyse de l'impérialisme contemporain. Il est indéniable que la contestation de l'ordre mondial dominé par le « bloc transatlantique » et en particulier des États-Unis qui en sont le pilier, redessine les alliances interétatiques, avec la Chine et la Russie comme pôles impérialistes majeurs de cette contestation.

Dans ce nouveau contexte, quelques pays, qualifiés de sous-impérialismes, tentent d'émerger comme puissances régionales. En résumé, l'espace mondial contemporain est structuré par une multipolarité capitaliste hiérarchisée. Cette hypothèse est donc très éloignée de celle qui parle d'un « Sud global » qui serait homogène dans sa contestation de la domination occidentale et qui est parfois à tort qualifié d'anti-impérialiste (au motif qu'anti-occidental = anti-impérialiste) [4].

D'autre part, l'interdépendance provoquée par le marché mondial s'est considérablement renforcée. Ses effets sont ambivalents : la multipolarité capitaliste crée des rivalités entre les grandes puissances mais elle incite également à leur coopération contre les exploités et dominés [5]. J'aborde cette ambivalence dans Un monde en guerres à propos de l'antagonisme entre la Chine et les États-Unis. A partir des années 1990, leur interdépendance économique a créé un jeu ‘gagnant-gagnant' pour les classes dominantes des deux pays à la suite de l'intégration de la Chine dans le marché mondial. Depuis la fin des années 2000, elle met au contraire le monde au bord de l'abîme conflictuel.

Nier les mutations de l'impérialisme depuis un siècle serait donc absurde, mais celles-ci n'ébranlent pas les fondements des analyses marxistes formulées au début du vingtième siècle. Elles ne les rendent pas plus obsolètes en raison de la domination étatsunienne ou sous prétexte que l'interdépendance créerait une classe capitaliste transnationale qui marginaliserait les Etats dominants.

Le capitalisme, une structure fondée sur des forces sociales

Dans mes travaux, je qualifie les systèmes militaro-industriels (SMI) de prolongement des fonctions de défense de l'Etat sur le terrain économique. Cette définition semble convenir à NP qui me reproche néanmoins une « hésitation sur la façon de concevoir l'articulation entre SMI et État et les capitalo-fonctionnaires ».

J'utilise le terme capitalo-fonctionnaires pour souligner dans le cas de la France à quel point le mode de formation et de reproduction des classes dominantes mélange les genres. Les études empiriques sur la trajectoire des élites françaises sont d'ailleurs nombreuses qui documentent ce que de façon trop partielle, on nomme le « pantouflage ».

Au départ (le dix-neuvième siècle), ce terme désignait la trajectoire des hauts fonctionnaires qui poursuivaient ou achevaient leur carrière dans les grandes entreprises. Cependant, comme je l'ai analysé [6], le régime bonapartiste de la cinquième République a considérablement augmenté les passerelles entre le monde de la Haute Administration, l'appareil gouvernemental et les grandes entreprises [7], dont une grande partie est depuis six décennies successivement nationalisée et privatisée, généralement pour confirmer l'adage : socialisation des pertes, privatisation des profits.

Cette osmose des élites publiques et privées est facilitée par leur formation dans les mêmes grands corps des grandes écoles, en premier lieu l'Inspection générale des finances à l'ENA et les corps des Ingénieurs des Mines et des Ponts et Chaussées et de l'armement à Polytechnique. Contrairement aux craintes de NP, constater ce mode singulier de reproduction des classes dominantes de la France ne supprime en aucun cas les différences fonctionnelles qui existent en France comme ailleurs entre le capital et les institutions étatiques (et la différenciation en leur sein). Il est effet communément admis par l'analyse marxiste [8] qu'une des singularités du capitalisme par rapport aux modes de production antérieurs est la séparation entre le rapport d'exploitation directe (la relation capital-travail) et la domination politique de l'État, garant de la reproduction des rapports sociaux et à ce titre doté d'une existence propre.

Or, NP conclut de l'expression « classe de capitalo-fonctionnaires » que j'utilise que « l'État n'aurait pas d'espace propre et par conséquent qu'il n'y aurait pas d'autonomie relative de cette institution vis-à-vis du capital et en particulier du secteur de l'armement ». Ce faisant, il confond le niveau de la reproduction des agents sociaux– au sens de l'agency anglophone – et celui des structures sous-jacentes du capitalisme. Ce débat est récurrent en sciences sociales [9].

Cette confusion des niveaux, c'est par exemple celle que font les analyses qui observent une internationalisation des Conseils d'administration des grands groupes mondiaux et en concluent à la domination d'une classe capitaliste transnationale et même pour certains, à l'emprise d'un État capitaliste transnational sur la planète [10]. Ces analyses négligent le fait que les rapports sociaux capitalistes demeurent territorialement circonscrits par des frontières et politiquement construits autour d'États.

La France est un pays capitaliste dans lequel la proximité ‘physique' des classes dominantes avec les institutions étatiques a toujours été une composante vitale de leur reproduction face à des exploités insoumis (1830,1848,1870,1936, 1968, etc.). Cette réalité n'est pas démentie par le fait que, selon les études des cabinets conseils, la France est un des pays occidentaux dont les grands groupes – concrètement le CAC 40 – comptent le plus d'administrateurs étrangers [11].

L'intelligence artificielle ne provoquerait pas de changement majeur dans les processus de travail…

L'hypothèse centrale du chapitre « L'intelligence artificielle au cœur de l'ordre militaro-sécuritaire » d'Un monde en guerres est la suivante. A rebours de ce que permettrait leur usage socialement maitrisé afin de satisfaire les besoins de l'humanité, les technologies qui reposent sur l'IA transforment simultanément les données en source d'accumulation de profits, elles renforcent le pouvoir sécuritaire des États et elles introduisent de nouvelles formes de guerre grâce à leur utilisation par les militaires. En somme, l'IA offre des potentialités d'utilisation contre les êtres humains dans tous les domaines de leur vie en société en tant qu'ils sont à la fois salariés, citoyens et ‘civils' menacés par les guerres.

NP conteste cette rupture. En effet, sur le plan des processus de production (de travail), il se demande si « Les ressorts de cette technologie ne sont […] pas in fine relativement classiques ? ». Cet « éternel retour » des technologies me semble une description inappropriée de la réalité. Elle néglige en particulier les effets cumulatifs produits par les innovations technologiques car celles-ci s'intègrent à des systèmes techniques déjà existants dans des conditions qui dépendent de l'environnement socio-économique.

L'IA est certes une technologie à portée générale, comme le furent la machine à vapeur, l'électricité et l'électronique, dont elle est d'ailleurs un développement. Mais ce qui lui confère cette ubiquité qui nous atteint en tant que « salariés, citoyens et civils » tient au fait que ses développements prennent place d'emblée à l'échelle internationale et sont donc un enjeu de rivalités militaro-économiques.

Or, depuis la fin des années 2000, l'espace mondial est marqué par une combinaison explosive : la « longue dépression » économique des grandes économies occidentales initiée par la crise financière de 2008 se produit dans un contexte de dégradation environnementale qui provoque à son tour le durcissement de la concurrence économique accélérée et exacerbe les rivalités militaires. Ne pas prendre en compte ce contexte a pour conséquence d'analyser les dynamiques technologiques ‘en soi'.

En réalité, en dépit des espoirs placés par certains, les technologies digitales dont l'IA est un prolongement, n'ont pas redonné de la vigueur à l'expansion économique. Elles n'ont pas non plus déclenché un nouveau cycle Kondratiev qui est censé naitre, selon les Schumpetériens, des « grappes d'innovation » (clusters) qui arriveraient à maturité.

Dans ce contexte, la combinaison d'une baisse de la rentabilité du capital et d'un régime d'accumulation à dominante financière, pour reprendre l'expression introduite par François Chesnais dès le milieu des années 1990, transforme la « quatrième révolution industrielle » fondée sur le digitalisation en une menace sur des dizaines de millions d'emplois hautement et moyennement qualifiés, alors que la vague précédente avait frappé en premier lieu les emplois non-qualifiés.

La substitution du capital au travail est certes inscrite dans l'évolution longue du capitalisme, mais un fait nouveau est que les grands groupes disposent désormais d'un réservoir mondial de main-d'œuvre– ce que Marx nomme une« armée industrielle de réserve » est désormais planétaire . Elle est composée de centaines de millions d'êtres humains dont la mise en concurrence par les grands groupes mondiaux est facilitée par la digitalisation de leurs chaines de production grâce à l'IA.

… mais au sein de l'État

NP conteste la radicalité des changements opérés par l'IA dans les processus de travail mais il observe en revanche une rupture majeure introduite par l'IA dans les relations entre l'État et la technique. Il écrit « Il me semble que la rupture se produit dans le rapport même État-technique ».

NP propose alors la notion de ‘Machinisme d'État' pour décrire l'inversion qu'il détecte dans le rapport Etat-technique et conclut son analyse du rôle de l'IA avec cette question : « La technique, via l'IA, ne s'est-elle pas autonomisée au point de ne plus être simplement un outil dans les mains de l'État ? ». Ailleurs, l'interrogation devient plus affirmative : « L'État semble entrer dans un nouveau régime de domination sociale qui se caractérise donc par une autonomisation de la technique vis-à-vis de l'État ». Cette formulation est malheureuse – même si dans une note de bas de page, NP note qu'« il ne s'agit pas ici d'avoir une lecture techniciste du régime de domination sociale dans lequel l'État joue un rôle central ».

Pour argumenter son hypothèse de la perte de contrôle de l'IA par l'Etat, NP établit une analogie avec l'analyse du machinisme faite par Marx, mais il en donne selon moi une interprétation erronée. Il est vrai que lorsque Marx insiste sur la rupture dans les rapports de travail introduite par la machine, il souligne son autonomie conquérante. Dans le chapitre 15 du Capital intitulé ‘Machinisme et grande industrie' mais aussi dans les fragments sur les machines présents dans les Grundrisse [12], Marx montre à quel point ce qu'il nomme le « système automatique des machines » s'impose comme une force qui subjugue la force de travail.

Cependant, cette autonomie de la machine s'exerce contre le producteur, elle ne se réalise nullement vis-à-vis du capitaliste. En effet, la machine, en tant qu'objet technique, s'intègre dans des rapports de production dominés par le capital. C'est pourquoi, la machine qui « est le moyen le plus puissant d'accroître la productivité du travail, c'est-à-dire de raccourcir le temps nécessaire à la production des marchandises, […] devient comme support du capital […] le moyen le plus puissant de prolonger la journée de travail au-delà de toute limite naturelle ».

L'asservissement du salarié à la machine est un moyen d'augmenter le contrôle des rythmes et de l'intensité de son activité en plus d'exproprier le travailleur de ses connaissances comme cela est longuement discuté parmi les lecteurs de Marx. La machine est donc autonome vis-à-vis des ouvriers, mais Marx conteste vigoureusement l'idée que la technique deviendrait une force autonome vis-à-vis des capitalistes : « Le capital emploie les machines […] dans la seule mesure où celles-ci permettent au travailleur d'augmenter la part de son travail pour le capital » [13].

Le procès de travail (rythme, procédures, etc.) demeure donc soumis à la discipline du capital . Celle-ci est imposée grâce à l'usage des machines et elle est confortée par l'ensemble des dispositifs de surveillance managériaux. Décider d'un autre usage du ‘système automatique des machines' est certes possible, mais ceci exige une prise en main de leur avenir par celles et ceux qui produisent les richesses. Tel est le sens de la section du même chapitre 15 du Capital consacrée aux lois sur la protection des travailleurs des deux sexes [14]. En sorte que les luttes sociales peuvent contribuer à améliorer le sort des salariés, mais « qu'au-delà d'un certain point, le système capitaliste est incompatible avec toute amélioration rationnelle ».

Le même raisonnement qui est proposé par Marx sur l'usage des machines dans les relations de production capitalistes doit s'appliquer à l'analyse de la relation de l'IA aux institutions étatiques puisque celles-ci constituent le socle politique de la reproduction des rapports sociaux. Les technologies de contrôle sont mises au service d'une politique sécuritaire car l'utilisation de l'IA à des fins militaires resserre également le filet du contrôle social intérieur au nom de la sécurité nationale.

Or, NP minimise ces changements lorsqu'il écrit que « le fait que l'IA facilite le fichage de la population ne représente pas en soi une rupture, car comme indiqué par Serfati, le fichage s'inscrit plus généralement dans la pratique courante des États vis-à-vis de leur population ». Cette remarque me parait inexacte. Des fiches anthropométriques du début du vingtième siècle introduites de façon pionnière par l'Etat français pour surveiller et punir les roms à la vidéosurveillance et les autres instruments de contrôle et de répression sociale systématisés en Chine et désormais en France grâce aux Jeux Olympiques, « le fichage » a acquis une efficacité périlleuse en l'espace d'un siècle. Ici, une fois encore, cela n'est pas dû à l'autonomisation de la technique qui submergerait les Etats, mais au contraire à sa pleine utilisation par leurs dirigeants. Se borner à constater que « le fichage est une pratique courante » minimise donc les bouleversements que l'IA provoque dans le contrôle exercé par l'Etat sur ses citoyens (en plus de ses effets dans le domaine militaire).

Le seul argument avancé par NP pour défendre l'hypothèse d'une autonomisation de la technique vis-à-vis de l'État est tiré des analyses d'experts mentionnées dans Un monde en guerres sur le degré d'imprévisibilité produit par l'incorporation de l'IA dans les équipements militaires : risque de déclenchement intempestif d'armes nucléaires, ‘surréaction' à une attaque ennemie, etc. Or, même si ces risques existent, cela ne signifie pas que la technique dicte sa conduite aux Etats ! L'imprévisibilité et la contingence ont toujours été des leviers puissants de l'évolution historique, y compris du cataclysme planétaire produit par les deux guerres mondiales.

De même, l'équilibre de la terreur qui s'est instauré entre les grandes puissances après 1945 et qui a jusqu'à maintenant évité une nouvelle utilisation des armes nucléaires ne vaut pas garantie qu'un gouvernement – voire certains agents ‘non-étatiques' qui bénéficient de la prolifération nucléaire – ne les utiliseront pas. L'idée qu'il aurait existé dans le passé des Etats rationnels et souverains qui maitrisaient leurs actions – dont la guerre fait partie – n'existe que dans la théorie ‘réaliste' des relations internationales qui est adoptée par une partie des dirigeants états-uniens.

L'IA consolide les systèmes militaro-sécuritaires

L'affirmation de l'autonomisation de la technique qui échapperait aux acteurs (pour NP à l'Etat) fait partie d'une longue tradition de recherche. Max Weber utilisait l'image de la « cage de fer » qui risquait d'enfermer la société si le procès de rationalisation qui témoigne de la supériorité du capitalisme – et auquel la technique apporte une contribution essentielle-, allait trop loin.

Un monde en guerres en donne également une illustration en résumant la vision de Jacques Ellul, ce penseur original de la technique. On peut également citer Lewis Mumford, pionnier de l'analyse des effets désastreux du « capitalisme carbonifère » qui parle de « la « passive dépendance à la machine » qui a caractérisé une large partie du monde occidental [15].

En réalité, loin de l'hypothèse d'un processus technique qui leur échapperait, les détenteurs du pouvoir étatique ont toujours suscité les innovations technologiques afin de maintenir l'ordre intérieur mais surtout de préparer la guerre à l'extérieur. L'attraction des Etats européens pour la technique fut décuplée à partir du dix-neuvième siècle lorsque l'expansion capitaliste s'est préoccupée de l'innovation technologique à des fins de profit. Cette convergence des objectifs capitalistes et de ceux des Etats a assuré un fondement solide aux systèmes militaro-industriels (SMI) qui se sont créés après la seconde guerre mondiale. Les SMI constituent depuis déjà huit décennies la forme la plus aboutie de l'incorporation des technologies sophistiquées dans les institutions étatiques. Leur dimension structurelle rend un peu terne l'hypothèse d'un machinisme d'Etat » dont NP affirme l'apparition récente grâce à l'IA.

Comment expliquer l'enracinement des systèmes militaro-industriels après la seconde guerre mondiale dans les grands pays impérialistes ? Quels sont les mécanismes qui ont facilité leur auto-reproduction et selon quelles modalités nationales ? La réponse à ces questions exige de combiner d'une part les transformations de l'espace économique mondial depuis la Seconde guerre mondiale et la course technologique sans fin entre « l'épée et le bouclier » et d'autre part les stratégies du « bloc social » qui, dans les grands pays, est aux commandes des systèmes militaro-industriels. à ces transformations « objectives ».

En bref, il est nécessaire d'associer dans l'analyse les facteurs ‘objectifs' et l'action transformatrice des forces sociales. Ainsi que Marx et Engels le rappellent, « L'histoire ne fait rien, […] elle ‘ne livre pas de combats'. C'est au contraire l'homme, l'homme réel et vivant qui fait tout cela, possède tout cela et livre tous ces combats » [16].

Cette méthode d'analyse ne se contente pas d'explorer le passé, elle permet également de répondre à la question : Comment expliquer la prospérité contemporaine des SMI ? Dans ce cadre théorique, Un monde en guerres consacre une place importante à la régénération du SMI étatsunien qui est produite par les géants du numérique (les GAFAM) qui contrôlent les trajectoires de l'IA. L'insertion de grands groupes civils au sein du « complexe militaro-industriel » augmente la porosité entre les fonctions militaires extérieures et sécuritaires intérieures de l'Etat. En résumé, ces transformations du SMI et sa métamorphose en système militaro-sécuritaire reflètent et confortent au plan organisationnel l'agenda de sécurité nationale qui, depuis trois décennies, rapproche la lutte contre les ennemis extérieurs et intérieurs.

Ce n'est donc pas l'IA qui s'autonomise vis-à-vis de l'Etat, ce sont au contraire les potentialités de l'IA qui sont accaparées et améliorées par les institutions étatiques afin de servir leurs objectifs. Ceci se traduit par une reconfiguration du SMI états-unien et de nouvelles relations entre institutions publiques et groupes privés. L'IA décuple les capacités des technologies biométriques [17] et renforce les fonctions « autoritaristes » de l'Etat, pour reprendre le terme utilisé par Poulantzas.

Pour conclure

En conclusion de sa note, NP, écrit que « le machinisme d'État pourrait néanmoins représenter une brèche sur laquelle le mouvement social pourrait s'appuyer pour rendre techniquement possible la bifurcation écologique par le biais de la planification ». Pour cela, il est « nécessaire de répondre à cette question [l'imprévisibilité intrinsèque produite par le machinisme d'Etat, C.S.] pour rendre politiquement possible la bifurcation écologique ».

J'ai expliqué dans cette note que l'hypothèse d'« imprévisibilité intrinsèque » faite par les experts militaires a peu à voir avec un dessaisissement des Etats de leur pouvoir de décision. Elle s'inscrit au contraire dans des processus d'utilisation de l'IA à des fins militaires et sécuritaires dont les décideurs acceptent – et en partie créent – une imprévisibilité des résultats.

Un dirigeant de l'armée d'un pays qui se nomme lui-même « start-up nation » (Israël) a bien résumé l'état d'esprit des gouvernements lorsqu'il a mentionné l'utilisation de l'IA à Gaza en déclarant que les objectifs des bombardements, « ne sont pas leur précision, mais l'ampleur du dommage créé ». En somme, l'objectif est une « intensification algorithmique des destructions » [18] qui accepte une dose d' « imprévisibilité », c'est-à-dire des « dommages collatéraux » dans le jargon des militaires.

Je suis favorable à la « bifurcation écologique » envisagée par NP mais je ne suis donc pas convaincu par le fait qu'elle viendra d'une récupération du « machinisme d'Etat ». Selon NP, cette récupération pourrait en effet être réalisée grâce au « rôle important [de] l'administration étatique comme partie exécutive des décisions politiques prises en amont », une idée qu'il déclare emprunter à l'ouvrage récent de Cédric Durand et Razmig Kecheuyan [19].

Or, mes recherches sur les systèmes militaro-industriels ont mis en évidence l'épaisseur institutionnelle de l'Etat – en termes moins convenables : elles cernent une des dimensions de l'hypertrophie bureaucratique des Etats – , elles s'opposent donc aux conceptions instrumentales de l'Etat. De plus, mes travaux sur le rôle de l'Etat dans les politiques économiques menées en France depuis la seconde guerre mondiale – en particulier depuis l'élection de Mitterrand en 1981 – m'ont tout autant éloigné de l'hypothèse illusoire d'une « neutralité instrumentale » de la Haute Administration (Conseil d'Etat, Cour des Comptes, cabinets ministériels, etc.) qui serait suffisamment flexible pour mettre les institutions de la Ve République au service des politiques d'alternance post-capitaliste.

Notes

[1] Je remercie Stathis Kouvelakis pour ses remarques formulées lors de l'édition de ce texte.

[2] Séminaire « Appropriation étatique et développement », MSH Paris-Nord, 26 avril 2024.

[3] Voir par exemple les différentes classifications faites par Lénine dans son ouvrage L'impérialisme, stade suprême du capitalisme (et dans ses notes préparatoires appelées ‘Cahiers sur l'impérialisme') ainsi que par Trotski qui écrit dans son Histoire de la révolution russeque « La Russie payait ainsi (par sa participation à la guerre du côté franco-anglais, C.S.) le droit d'être l'alliée de pays avancés, d'importer des capitaux et d'en verser les intérêts, c'est-à-dire, en somme, le droit d'être une colonie privilégiée de ses alliées ; mais, en même temps, elle acquérait le droit d'opprimer et de spolier la Turquie, la Perse, la Galicie, et en général des pays plus faibles, plus arriérés qu'elle-même » (souligné par moi) .

[4] Je développe ce point dans la conclusion d'Un monde en guerres.

[5] La coopération des pays dominants dans la mise en œuvre des mesures antiouvrières est un des rôles assigné aux institutions internationales, financières (FMI, Banque mondiale) et commerciales (OMC).

[6] Claude Serfati (2022), L'Etat radicalisé. La France à l'ère de la mondialisation armée, La fabrique, Paris.

[7] Voir par exemple le rapport de Pierre-Yves Collombat, « Commission d'enquête sur les mutations de la Haute fonction publique et leurs conséquences sur le fonctionnement des institutions de la République », Sénat, 4 octobre 2018.

[8] Ellen Meiksins-Wood (1995), Democracy Against Capitalism, Verso, Londres et New York.

[9] Chez les marxistes, ce débat fut relancé dans les années 1960 par les hypothèses d'Althusser. Celui-ci, selon Jean-Marie Vincent conçoit « un procès de production sans sujets, ni fins, c'est-à-dire un ensemble de structures en interaction » alors qu'au contraire pour Marx, « la structure sans les rapports sociaux et sans les supports (humains et matériels) de ces rapports n'a pas de sens », voir Jean-Marie Vincent « Le théoricisme et sa rectification » dans Contre Althusser, 10/18, 1974, disponible en ligne. http://jeanmarievincent.free.fr/spi...

[10] J'ai critiqué ces points de vue dans Claude Serfati, « The new configuration of the capitalist class », in Leo Panitch, Gregory Albo et Vivek Chibber (dir.), Registering Class, Socialist Register 2013.

[11] Voir par exemple « 2022 France Spencer Stuart Board Index ».

[12] Pour un accès en ligne, voir la version anglaise.

[13] Dans le même texte, Marx réfute avec la même vigueur l'hypothèse faite par certains économistes que la machine serait devenue « une source de valeur indépendante du temps de travail ».

[14] Marx y décrit en particulier la situation des femmes et des enfants et les effets provoqués par la législation du travail.

[15] Lewis Mumford (1934) , Technics and Civilisation, New York, Harcourt, p.426.

[16] Karl Marx et Friedrich Engels, La Sainte-famille, https://www.marxists.org/francais/marx/works/1844/09/kmfe18440900r.htm

[17] Défenseure des droits, « Technologies biométriques : l'impératif respect des droits fondamentaux », 2021

[18] Voir mon article « L'alliance périlleuse de l'IA et du militaire » La vie de la recherche scientifique, (revue du Syndicat national des chercheurs scientifiques et du SNEsup), 2024, 437 (juin-juillet-août).

[19] Cédric Durand et Razmig Keucheyan (2024), Comment bifurquer. Les principes de la planification écologique, La Découverte, Zones.

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En Amazonie bolivienne, les autorités dépassées par des feux incontrôlables

8 octobre 2024, par Marion Esnault — , ,
La Bolivie a décrété l'état de catastrophe nationale le 30 septembre face aux incendies qui ravagent l'Amazonie. Dépassées, les autorités locales attendent l'aide (…)

La Bolivie a décrété l'état de catastrophe nationale le 30 septembre face aux incendies qui ravagent l'Amazonie. Dépassées, les autorités locales attendent l'aide internationale, qui peine à arriver.

3 octobre 2024 | tiré du site de reporterre.net | Photo : Un pompier volontaire combattant les incendies de forêt dans les environs de Santa Cruz, en Bolivie, le 11 septembre 2024. - © Handout / Bolivian Civil Defense / AFP
https://reporterre.net/En-Amazonie-bolivienne-rien-ne-peut-arreter-les-megafeux

Chili, correspondance

Maux de tête, difficultés respiratoires, démangeaisons des yeux... Les symptômes s'accumulent pour les habitants de l'est de la Bolivie, qui vivent depuis trois mois sous un épais nuage de fumée, provoqué par les incendies de forêt incontrôlables. Selon les autorités locales de la région de Santa Cruz, la plus peuplée et la plus dévastée par les flammes, plus de 7 millions d'hectares de l'Amazonie ont brûlé, soit la surface de l'Irlande. C'est huit fois plus que les grands incendies de 2022 en Europe.

« Santa Cruz est passée d'un paradis à l'enfer », a déclaré Jhonny Rojas, coordinateur des opérations d'urgence de cette région bolivienne. Les fumées ont atteint plusieurs villes du pays, comme Cochabamba ou La Paz, où la qualité de l'air a été qualifiée de « très mauvaise », obligeant les écoles à fermer pour protéger la santé des élèves. Les pompiers, qui manquent de moyens, luttent quotidiennement pour éloigner les flammes des maisons, et sont rejoints par des habitants qui prêtent main-forte, souvent sans équipement ni protection.

« Depuis trois mois, nous luttons contre les feux avec nos propres forces, en mettant nos vies en danger avec des moyens limités. Ça n'a pas été suffisant, nous sommes débordés », indique la communauté autochtone Monte Verde, l'un des territoires assiégés par les feux. La moitié de leurs terres ancestrales a brûlé et plusieurs familles ont perdu leur maison, leur bétail, leur potager et ont dû être évacuées. C'est cette communauté qui, le 25 septembre dernier, a exigé du président Luis Arce qu'il déclare l'état de catastrophe nationale, un décret qui facilite le transfert de ressources économiques du gouvernement vers les régions, et l'appui de l'aide internationale.

Des spécialistes sont venus du Brésil, du Chili ou encore de France pour aider à définir la stratégie de combat des feux, mais les autorités restent dépassées par l'ampleur des incendies. Le gouverneur régional de Santa Cruz, Mario Aguilera, appelle à « une action plus puissante », car la Bolivie, pays le plus pauvre d'Amérique du Sud, manque de « spécialistes et d'équipements pour endiguer ces incendies ».

Début septembre, à La Paz, capitale bolivienne perchée à 3 600 mètres d'altitude dans les Andes, des communautés indigènes et organisations environnementales se sont réunies pour manifester contre la pratique des brûlis, qui serait à l'origine des incendies. Ces brûlages (supposément) contrôlés sont utilisés sur les propriétés agricoles et forestières pour brûler la terre avant les semences.

« Si la sécheresse aggrave la propagation des incendies, la plupart des feux sont d'origine criminelle », a affirmé une manifestante. En réponse à cette crise, le gouvernement de Luis Arce a suspendu pour une durée indéterminée la loi qui autorise les brûlis, en déclarant une « pause écologique ».

D'autres pays de la Région, comme le Brésil et le Pérou, font face à des incendies de grande ampleur, provoqués par de mauvaises pratiques agricoles et les effets du dérèglement climatique. Selon l'Observatoire régional de l'Amazonie, au cours des cinq dernières années, le feu a détruit près d'un demi-million d'hectares de la plus grande forêt tropicale de la planète.

Les organisations environnementales sud-américaines considèrent que les dommages sur la faune et la flore sont irréversibles. Selon l'observatoire européen Copernicus, ces incendies ont entraîné une forte augmentation des émissions de gaz à effet de serre depuis l'Amazonie, la plus importante depuis vingt ans.

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Comment les multinationales organisent un « hold-up sur les semences » en Afrique

8 octobre 2024, par Fanny Pigeaud — , ,
Les paysans de Zambie s'opposent à un projet de loi qui menace leur liberté de disposer de leurs semences. Derrière ce texte : des multinationales, la Fondation Gates et des (…)

Les paysans de Zambie s'opposent à un projet de loi qui menace leur liberté de disposer de leurs semences. Derrière ce texte : des multinationales, la Fondation Gates et des États occidentaux, en pleine offensive sur l'Afrique.

3 octobre 2024 | tiré de reporterre.net | Photo : Ce travailleur d'une ferme à Kaumba, en Zambie, regarde vers le ciel nuageux, en janvier 2020, après une sécheresse sévère. - © GUILLEM SARTORIO / AFP

« Nous sommes collectivement indignés. » La Zambia Alliance for Agroecology and Biodiversity (Zaab), un réseau zambien d'organisations de paysans, d'activistes et de citoyens, est en campagne pour dénoncer la « vague de pressions » qui pousse les pays africains à limiter les droits de propriété des paysans sur les semences, un enjeu crucial.

Elle s'oppose dans son propre pays, la Zambie, à l'adoption d'un projet de modification de la loi en vigueur, qui va, selon elle, essentiellement bénéficier à l'industrie semencière et mettre en péril les petits producteurs. Et ce, alors que ces derniers produisent la majeure partie de la nourriture de la Zambie.

Ce projet de législation sur les droits des obtenteurs de végétaux (« Plant Breeders Rights » en anglais) a été rendu public en avril 2024 par l'autorité de certification des semences du pays, le Seed Control and Certification Institute. Une annonce réalisée dans un contexte dramatique, le pays étant confronté à l'une des pires sécheresses de son histoire.

Le texte vise à aligner le cadre légal zambien sur une convention réglementant les droits de propriété sur les variétés végétales adoptée en 1991 par l'Union internationale pour la protection des obtentions végétales (Upov). In fine, il s'agit de faire en sorte que la Zambie devienne membre de cette organisation intergouvernementale, fondée en 1961 par des pays européens et basée à Genève.

Jusqu'ici, sept des cinquante-quatre États du continent africain sont directement membres de l'Upov (Afrique du Sud, Egypte, Ghana, Kenya, Maroc, Tanzanie, Tunisie), et dix-sept autres le sont à travers leur appartenance à l'Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) — soit tous les pays de la zone franc, les Comores, la Guinée et la Mauritanie.

Privatisation des semences

Le gouvernement zambien défend l'idée que la nouvelle loi permettra de moderniser l'agriculture du pays, car elle donnera la possibilité d'utiliser de « nouvelles variétés végétales améliorées », qui serait le gage de meilleurs rendements.

Du point de vue des paysans et de leurs soutiens, l'Upov constitue un grand danger car elle œuvre à la privatisation des semences, à l'encontre des pratiques actuelles. En Zambie et dans de nombreux autres pays africains, 80 à 90 % des semences sont produites par les paysans qui les sélectionnent, les multiplient dans leurs champs et les échangent ou se les vendent entre eux.

Privatiser aura pour effet d'ouvrir la voie aux semences produites par l'industrie, de restreindre le droit des agriculteurs à réutiliser les semences, tout en rendant ces derniers dépendants de fournisseurs industriels d'intrants — les semences « améliorées » (OGM et hybrides) des industriels nécessitant l'utilisation accrue de pesticides et devant être rachetées chaque année.

Un « hold-up sur les semences »

La convention de l'Upov interdit ainsi aux paysans « de conserver, de multiplier, de planter, d'échanger ou de vendre librement les semences protégées par des certificats d'obtention végétale », déplorait en 2021 un collectif de 300 organisations et réseaux dans le monde.

« L'Upov est la plus claire expression de la guerre menée contre les paysans », ont résumé les ONG Alianza Biodiversidad et Grain, parlant de « hold-up sur les semences ». Pour preuve, « au fur et à mesure de l'expansion de l'Upov, le marché mondial des semences a été récupéré par un cartel de sociétés agrochimiques », dont Bayer, Corteva, Syngenta et BASF, expliquait Grain en 2022.

Sans surprise, le projet de loi en Zambie a justement été initié « par des multinationales semencières soutenues par leurs gouvernements dont la seule motivation est l'argent à gagner en contrôlant et en possédant les diverses semences de Zambie (et d'Afrique) », dénonçait la Zaab dès avril.

Pressions occidentales

Le scénario est toujours le même : afin de les pousser à appliquer les règles de l'Upov, les pays africains, dont plus des deux tiers des habitants vivent de l'agriculture, sont soumis à des pressions « principalement exercées par les États-Unis, l'Union européenne, les pays de l'Association européenne de libre-échange (Aele), et par le Japon pour ce qui est de l'Asie, autrement dit par les pays qui ont une forte industrie semencière », détaille auprès de Reporterre Karine Peschard, chercheuse associée à l'académie de Genève.

Ces grandes puissances passent notamment par les accords de coopération, comme ceux conclus par l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), les accords économiques et commerciaux, pour imposer leur volonté, précise-t-elle.

Une femme à vélo devant un champ de blé en Zambie, non loin de la capitale Lusaka. JohannekeKroesbergen /CC BY-SA 4.0 / Wikimedia Commons

L'Upov fait elle-même un « lobbying intense » auprès des gouvernements des pays du Sud global, souligne Karine Peschard, qui est également coautrice d'un rapport sur le droit aux semences en Afrique publié en 2023.

Dans le cas zambien, cela apparaît flagrant : le projet de loi a été transmis par le gouvernement zambien aux parties prenantes sous la forme d'un document Word dont l'auteur était ni plus ni moins que le secrétariat de l'Upov à Genève — et qui contenait encore des commentaires et des recommandations de l'Upov — selon l'Association for Plant Breeding for the Benefit of Society, basée en Suisse. Reporterre a sollicité une réaction du secrétariat de l'Upov qui n'a pas donné suite.

L'industrie semencière utilise quant à elle ses organisations nationales pour faire pression : « La Semae [l'interprofession des semences et plants], en France, fait par exemple activement la promotion de l'Upov en Afrique de l'Ouest », indique Karine Peschard. Les multinationales réussissent aussi à s'immiscer dans les organes de décision des pays visés, comme l'a exposé la chercheuse Clare O'Grady Walshe à propos du Kenya.

Dans ce pays, elles ont ainsi siégé dans les instances chargées d'élaborer une loi adoptée en 2012, qui s'est avérée calquée sur l'Upov et hyper répressive — elle condamne le fait de partager, d'échanger, de vendre, produire ou multiplier des semences non certifiées à une peine allant jusqu'à deux ans de prison et/ou 7 000 euros d'amende.

Banque mondiale et fondations privées à la manœuvre

Interrogée par Reporterre sur le rôle qu'elle a pu jouer dans l'élaboration du projet de loi zambien et son appréciation du texte actuel, la société Syngenta, qui a des bureaux à Lusaka, la capitale de la Zambie, a répondu avoir décidé, « après mûre réflexion », « de ne pas faire de déclaration ni de commentaire sur cette question à ce stade », tout en disant « apprécier » l'intérêt de Reporterre pour ce nouveau Plant Breeders Rights, un « sujet important ». D'autres multinationales (Bayer, BASF et Corteva) contactées par Reporterre n'ont pas répondu.

Autres acteurs importants s'activant en faveur de l'Upov en Afrique : « Les fondations philanthro-capitalistes, comme la Fondation Gates », rappelle Karine Peschard. Une enquête récente de l'Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA) révèle comment la controversée Alliance pour une révolution verte en Afrique (Agra), financée par la Fondation Gates et très active en Zambie, influence les politiques agricoles des États, en plaçant par exemple des consultants dans des organes publics stratégiques. Jointe par Reporterre au sujet de sa présumée action en faveur du projet de loi zambien, l'Agra n'a pas réagi.

Les institutions financières internationales jouent aussi un rôle de premier plan : la Banque mondiale a accordé à la Zambie un prêt de 300 millions de dollars en demandant, entre autres conditions, que le pays adhère à l'Upov.

« La nouvelle loi pourrait criminaliser la conservation et le partage de semences »

Résultat, « la nouvelle loi pourrait potentiellement criminaliser la conservation et le partage de semences pour toutes les cultures, à l'exception d'une courte liste. Cela signifie que, si elle est adoptée, les agriculteurs zambiens seront surveillés et traduits en justice pour avoir fait ce qu'ils ont toujours fait », s'insurge la Zaab. Pourtant, la Zambie respecte déjà les principaux traités internationaux sur les droits des obtenteurs de variétés végétales, fait-elle valoir.

Les paysans zambiens et leurs soutiens sont d'autant plus révoltés par ce coup de force que la privatisation et l'uniformisation des semences sont en incohérence avec la nécessité de protéger la biodiversité, de lutter contre l'insécurité alimentaire et de s'adapter au changement climatique — les semences paysannes sont réputées plus résistantes aux aléas climatiques que celles des industriels.

« Ce n'est pas le type d'agriculture qui bénéficiera à la Zambie ou à l'Afrique »

« L'Upov est conçue pour les monocultures extractives à grande échelle qui nécessitent des intrants chimiques coûteux et constituent une catastrophe climatique. Ce n'est pas le type d'agriculture qui nourrira ou bénéficiera à la Zambie, ou à l'Afrique en général », objecte la Zaab, faisant aussi remarquer que l'Upov est incompatible avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales.

La coalition peut compter sur la solidarité d'autres communautés paysannes qui ont bataillé ou bataillent encore contre l'Upov. Au Kenya, par exemple, une quinzaine de paysans, appuyés par Greenpeace Africa, contestent depuis deux ans, devant la justice, la constitutionnalité de la loi de 2012.

La Zaab espère encore arriver à convaincre les autorités de renoncer à leur projet. Elle a engagé des discussions avec des commissions et groupes parlementaire et eu des réactions positives, indique à Reporterre Mutinta Nketani, sa coordinatrice nationale. « À notre connaissance, aucune date n'a été fixée pour le dépôt du projet de loi au Parlement. Initialement, le Seed Control and Certification Institute avait prévu d'accélérer le processus et de le déposer en 2024, mais il a depuis mis ces plans en veilleuse et autorisé une consultation plus approfondie des parties prenantes. Nous nous réjouissons de cette décision qui donne plus de temps aux différents acteurs concernés pour comprendre le projet de loi et ses implications », précise-t-elle.

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Déclaration : La junte du Myanmar exécute des civils, et notamment des militant.e.s pro-démocratie et des femmes qui défendent les droits humains

8 octobre 2024, par Réseau des femmes pour la paix — , ,
Le Réseau des femmes pour la paix (Women's Peace Network, WPN) condamne résolument les exécutions arbitraires de Maung Kaung Htet et Chan Myae Thupar l'armée birmane , (…)

Le Réseau des femmes pour la paix (Women's Peace Network, WPN) condamne résolument les exécutions arbitraires de Maung Kaung Htet et Chan Myae Thupar l'armée birmane , aujourd'hui, le 23 septembre, à 4 heures du matin (heure du Myanmar).

tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/09/26/declaration-la-junte-du-myanmar-execute-des-civils-et-notamment-des-militant-e-s-pro-democratie-et-des-femmes-qui-defendent-les-droits-humains/

Les militaires les ont arbitrairement arrêtés et inculpés pour leur implication présumée dans l'attentat à la bombe perpétré le 19 octobre 2022 à la prison d'Insein à Yangon, sans respecter les procédures légales et leur droit à un procès équitable. Chan Myae Thu, qui était l'épouse de Maung Kaung Htet, est maintenant la première femme à avoir été exécutée par l'armée depuis sa tentative de coup d'État du 1er février 2021.

Il est particulièrement inquiétant de constater que ces exécutions arbitraires ont eu lieu trois semaines après la visite au Myanmar du président du Comité international de la Croix-Rouge, organisme reconnu pour le soutien qu 'il apporte aux détenu.e.s et à leurs familles. En juillet 2022, la junte a pendu quatre militants pro-démocratie – Ko Jimmy, Phyo Zeya Thaw, Aung Thura Saw et Hla Myo Aung – après les avoir traduits devant un tribunal militaire.

WPN appelle maintenant à une action urgente pour arrêter les prochaines exécutions arbitraires prévues par la junte de cinq activistes engagé.e.s en faveur de la démocratie – Kaung Pyae Sone Oo, Zeyar Phyo, Hsann Min Aung, Kyaw Win Soe, parmi lesquels se trouve une femme, Myat Phyo Myint – demain, le 24 septembre. Les militaires birmans les ont arrêté.e.s arbitrairement le 3 septembre 2021 à Yangon, pour leur participation présumée à une fusillade dans un train un mois plus tôt. Le 18 mai 2023, le juge de district du canton d'Ahlone les a condamné.e.s à de multiples peines, dont la peine de mort, au cours d'une audience à huis clos et sans respect des procédures légales. Depuis maintenant plus de trois ans, les militant.e.s arrêté.e.s sont détenu.e.s dans des conditions épouvantables et sont soumis.e. s à la torture, incluant les violences sexuelles, sans avoir accès à une assistance juridique fiable.

Plus la junte assassine de personnes, plus elle se sentira encouragée à exécuter les plus de 120 autres détenu.e.s, également condamné.e.s arbitrairement à la peine de mort. La plupart d'entre eux sont des activistes et des défenseurs des droits de l'homme, et on compte au moins 15 femmes engagées dan la défense des droits de l'homme (DDH). Au cours des deux dernières semaines, on a appris que les geôliers du régime avaient déjà relevé le poids et le tour de cou d'un grand nombre de ces détenus dans les prisons d'Insein, de Tharyarwaddy et de Pathein, sans doute en vue de leur pendaison à court terme.

Pour mettre fin aux exécutions arbitraires de civils commises par la junte – y compris d'activistes pro-démocratie et de défenseuses des droits humains – le WPN exhorte la communauté internationale à demander des comptes à l'armée birmane pour l'arrestation et la détention arbitraires de plus de 27 000 personnes, ainsi que pour la perpétration de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide, un pas en avant décisif vers la fin de l'impunité au Myanmar.

23 septembre 2024

Traduction pour ESSF de Pierre Vandevoorde.
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article72030
Statement : Myanmar junta's sham executions of civilians, including pro-democracy activists and woman human rights defenders
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article72028

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Pour une véritable sécurité sociale de la menstruation

« La précarité menstruelle ne naît pas seulement du manque d'argent, c'est un problème global : une société dans laquelle l'hôpital est attaqué, où s'étendent les déserts (…)

« La précarité menstruelle ne naît pas seulement du manque d'argent, c'est un problème global : une société dans laquelle l'hôpital est attaqué, où s'étendent les déserts médicaux, où les soins sont de plus en plus chers ».

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/09/30/pour-une-veritable-securite-sociale-de-la-menstruation/

Un collectif d'autrices et militantes appelle à la création d'une sécurité sociale de la menstruation : « Il faut resocialiser la santé hormonale et menstruelle, en faire une affaire de santé publique, relevant du droit et non du marché »

Une des mesures fortes attendues pour cette rentrée 2024 est le remboursement des protections périodiques réutilisables pour les moins de 26 ans, sur présentation de la carte vitale en pharmacie, sans ordonnance. Annoncée en mars 2023, cette mesure était censée entrer en vigueur en septembre 2024 [1]. Nous l'attendons toujours. Et nous nous questionnons sur sa portée.

En effet, cette mesure est très limitée car elle ne concerne que les moins de 26 ans – comme si on cessait d'avoir des menstruations, ou d'être précaire au-delà de cet âge. En réalité, les besoins liés au cycle menstruel et à la santé gynécologique deviennent de plus en plus importants avec le temps : ils augmentent, par exemple, suite à un accouchement ou à l'occasion de la ménopause. En outre, il n'y a pas que les jeunes qui subissent la précarité menstruelle : l'étude utilisée par le gouvernement pour soutenir sa mesure [2] montre que les catégories les plus touchées sont les étudiant·es, mais aussi les mères célibataires.

De plus, cette mesure ne propose rien aux personnes n'ayant pas de carte vitale – celles qui viennent d'arriver en France, celles qui sont en situation d'exclusion administrative, celles qui sont au régime de l'AME et non de la sécurité sociale. Ni non plus, aux personnes qui, du fait de leurs conditions de travail ou de vie, ne peuvent utiliser d'absorbants réutilisables.

Enfin, au-delà des absorbants, qu'en est-il des consultations médicales – la gynécologie médicale étant la spécialité pratiquant le plus fort taux de dépassement d'honoraires ? Des antalgiques ou autres médications prescrites contre les effets des cycles hormonaux au quotidien ? Des informations et savoir-faire nécessaires pour utiliser ces produits, et comprendre ce que sont le cycle menstruel, la santé gynécologique, la ménopause ?

Qu'en est-il du temps de repos ? C'est aussi une ressource nécessaire pour certaines personnes, car les cycles hormonaux ont, tout au long de la vie, des conséquences considérables sur le travail et sa pénibilité. Une partie de cette pénibilité a été brièvement débattue en début d'année 2024, suite à deux propositions de loi pour un « congé menstruel » (déposées, l'une par le PS au Sénat et l'autre par les écologistes à l'Assemblée Nationale). Sans surprise, ces propositions de loi ont été rejetées par le gouvernement, arguant de différents prétextes : du coût de la mesure pour les finances publiques (sans se préoccuper du coût individuel pour les personnes concernées) à sa redondance (les modalités actuelles de prise de congé suffiraient [3]), en passant par la présomption d'abus qu'en feraient les femmes (on sait pourtant que le présentéisme touche particulièrement les femmes).

Ces propositions auraient pu être de petites avancées pour le bien-être d'une minorité de personnes menstruées – celles qui ont des règles « incapacitantes ». Or, les cycles hormonaux et la procréation peuvent avoir d'autres effets, souvent difficiles à concilier avec l'école, le travail, le quotidien : syndrome pré-menstruel, effets des traitements hormonaux, démarches d'aide médicale à la procréation dont les effets sont incomparables entre hommes et femmes, prises de pilule du lendemain, retours de couches, allaitements, premiers mois de grossesse sous silence, pré à post-ménopause… Les propositions de loi nécessitaient un voire plusieurs justificatifs médicaux dans l'année, frein administratif majeur et obligation d'évaluation par un corps médical qui fait preuve de défiance vis-à-vis de la parole des femmes. Enfin, la pénibilité de la vie hormonale est toujours considérée indépendamment de toute autre pénibilité genrée (violences sexistes et sexuelles, souffrance au travail particulière des femmes [5], inégalités de revenus, de pouvoir, etc). Celles-ci participent pourtant à l'épuisement de la moitié de la population qui s'efforce tant bien que mal, dans le silence des tabous, de concilier la vie hormonale et procréative avec la vie active.

Face à ces manquements, nous défendons une véritable sécurité sociale de la menstruation inconditionnelle [6] et démocratique : garantissant l'accès à un congé hormonal et menstruel sans justificatif médical et à des produits menstruels conventionnés, pour toute personne qui en fait la demande, par le biais des cotisations sociales. Ce sujet relève du droit et du service public, car c'est de santé qu'il s'agit, et la santé ne peut être laissée aux lois du marché, ni aux politiques discriminatoires et anti-migrant·es dont les récents gouvernements se sont rendus coupables. Nous demandons des absorbants, mais aussi de bonnes informations, des espaces et des temps de repos, des infrastructures sanitaires (eau, WC, gestion des déchets), des soins gratuits et plus généralement des conseils et échanges autour des cycles hormonaux et de leur évolution au cours de la vie, loin des représentations hygiénistes, sexistes et âgistes sur lesquelles les industries menstruelles ont fondé leur communication. La « précarité menstruelle » ne naît pas seulement du manque d'argent, c'est un problème global : une société dans laquelle l'hôpital est attaqué, où s'étendent les déserts médicaux, où les soins sont de plus en plus chers, où la recherche publique et le travail social sont sous-financés, où l'information non publicitaire est rare, produit aussi de la précarité menstruelle.

Il faut resocialiser la santé hormonale et menstruelle, en faire une affaire de santé publique, relevant du droit et non du marché. On pourra alors parler de justice menstruelle.

Premières signataires :

Annabel Brochier, ergonome et psychologue, spécialisée en santé des femmes au travail
Jeanne Guien, chercheuse indépendante, autrice d'Une histoire des produits menstruels
Lanja Andriantsehenoharinala, médecin généraliste, impliquée en santé gynécologique et sexuelle
Élise Thiébaut, autrice de Ceci est mon sang. Histoire des règles, de celles qui les ont et de ceux qui les font
Cécile Thomé, chercheuse, spécialisée en sociologie de la contraception, Sciences po, Centre de sociologie des organisations
Aurore Koechlin, chercheuse, spécialisée en sociologie de la gynécologie
Marion Coville, co-organisatrice du festival Les Menstrueuses
Héloïse Morel, co-organisatrice du festival Les Menstrueuses
Stéphanie Tabois, co-organisatrice du festival Les Menstrueuses
Laetitia Della Bianca, sociologue, Université de Lausanne
Camille Frémont, experte CSE – Santé au travail
L'association Pour une M.E.U.F. (Pour une Médecine Engagée, Unie et Féministe)

Cette tribune pour une Sécurité Sociale de la Menstruation est ouverte. Si vous souhaitez la signer, merci d'écrire à l'adresse :
tribunessm@proton.me

[1] En mars 2023, E. Borne avait annoncé cette mesure pour « l'année prochaine ». Par la suite, des publications gouvernementales ont annoncé une entrée en vigueur « courant 2024 », tandis que des publications de professionnels du secteur (mutuelles, forum AMELI) annonçaient septembre.
[2] Règles Élémentaires et Opinion Way, Les protections périodiques, un luxe pour 44 millions de femmes en France. Enquête exclusive sur la précarité menstruelle, février 2023.
[3] « Aucun chiffrage fiable du coût d'une telle mesure n'a été réalisé. Cependant, la simple suppression du jour de carence pour les arrêts de travail menstruels liés à l'endométriose coûterait environ 100 millions d'euros par an à la Sécurité sociale. Un congé menstruel de deux jours par mois, accordé à toutes les femmes souffrant de dysménorrhées, se chiffrerait donc en milliards d'euros. C'est malheureusement inenvisageable, au vu de l'état actuel de nos finances sociales. » Débats sénatoriaux du 15 février 2024 – Santé et bien-être des femmes au travail.
[4] « Notre réflexion médicale est sexiste et raciste : une étude sur les urgences montre des discriminations dans la prise en charge des malades », France 3 Région, janvier 2024. ; « La douleur des femmes est sous-estimée par le corps médical, et ce n'est pas sans conséquence », Sciences et avenir, septembre 2024.
[5] « Le travail est plus souvent un milieu défavorable à la santé physique et psychique pour les femmes. » Des inégalités de santé persistantes entre les femmes et les hommes, Santé publique France, mars 2024.
[6] L'expression, ainsi qu'un certain nombre de principes économiques, sont empruntés au mouvement pour la Sécurité sociale de l'alimentation. À ce sujet voir « Encore des patates ? », brochure publiée par le Collectif pour une sécurité sociale de l'alimentation, ou L'Atelier paysan, Reprendre la terre aux machines. Manifeste pour une autonomie paysanne et alimentaire, Seuil, coll. « Anthropocène », Paris, 2021.

https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/260924/pour-une-veritable-securite-sociale-de-la-menstruation

Bonjour

Merci de nous avoir fait parvenir vos textes.

Voici le lien de la publication

https://www.pressegauche.org/La-marche-mondiale-des-femmes-une-force-feministe-pour-transformer-le-monde

https://www.pressegauche.org/Reaction-des-associations-feministes-a-la-nomination-du-gouvernement

N'hésitez pas à nous en faire parvenir d'autres

Merci de collaborer avec Presse toi à gauche

Ginette
rédaction Presse toi à gauche

Le nombre de cas de violences liées au genre a doublé au Soudan en raison de la crise humanitaire

Le conflit au Soudan a un impact disproportionné sur les femmes et les filles soudanaises, dont 5,8 millions ont été déplacées en raison des affrontements en cours, selon un (…)

Le conflit au Soudan a un impact disproportionné sur les femmes et les filles soudanaises, dont 5,8 millions ont été déplacées en raison des affrontements en cours, selon un nouveau rapport de l'agence ONU Femmes publié vendredi.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Le nombre de personnes nécessitant des services liés à la violence sexiste a doublé depuis le début de la crise, atteignant 6,7 millions en décembre 2023, assure ONU Femmes, ajoutant que ce chiffre, selon ses estimations, est plus élevé encore aujourd'hui.

Si les hommes et les garçons sont aussi victimes de violences basées sur le genre, la plupart de ces cas concernent des femmes et des filles. La violence en cours, en particulier à Khartoum, au Darfour et au Kordofan, a exacerbé les risques pour les femmes et les filles, et l'on signale des cas de plus en plus nombreux de violences sexuelles, d'exploitation et d'abus sexuels liés aux conflits.

Les quelque 5,8 millions de femmes et de filles déplacées à l'intérieur du pays sont particulièrement vulnérables, et de nombreux abus ne sont pas signalés en raison d'un manque de soutien adéquat et des craintes de stigmatisation et de représailles.

Insécurité alimentaire, manque d'eau potable et d'accès à l'éducation

Le Soudan est en outre confronté au pire niveaux d'insécurité alimentaire aiguë jamais enregistré dans le pays. Dans dix États, 64% des ménages dirigés par des femmes se trouvent en situation d'insécurité alimentaire, contre 48% des ménages dirigés par des hommes. Dans les foyers, les femmes et les filles mangent le moins et s'alimentent en dernier.

L'accès aux services de santé représente aussi un défi : 1,63 million de femmes en âge de procréer ne bénéficient pas de services adéquats. Parmi elles, plus de 160 000 sont enceintes et 54 000 devraient accoucher au cours des trois prochains mois.

Selon la même alerte d'ONU Femmes, les femmes et les filles continuent également d'être touchées de manière disproportionnée par le manque d'eau, d'assainissement et d'hygiène sûrs, facilement accessibles et abordables.

Au moins 80% des femmes déplacées à l'intérieur du pays ne sont pas en mesure d'obtenir de l'eau potable pour des raisons de coût, de sécurité et de distance.

La crise de l'éducation au Soudan est une autre conséquence dévastatrice du conflit. Plus de 2,5 millions de filles, soit 74% des filles en âge d'être scolarisées, ne vont pas à l'école, ce qui augmente leur risque d'être soumises à des pratiques néfastes telles que le mariage des enfants et les mutilations génitales féminines.

Appel au soutien international

« Les femmes et les filles au Soudan sont confrontées à des défis inimaginables, mais leur force et leur résilience continuent de nous inspirer. Nous ne pouvons pas laisser la crise du Soudan tomber dans l'oubli. Aujourd'hui plus que jamais, la communauté internationale doit s'unir pour soutenir ces femmes, en veillant à ce qu'elles disposent des ressources et de la protection dont elles ont besoin pour survivre et reconstruire leur vie », a déclaré Hodan Addou, Directrice régionale par intérim du bureau d'ONU Femmes pour l'Afrique de l'Est et l'Afrique australe.

ONU Femmes préconise des mesures urgentes pour assurer la protection physique des femmes et des filles ainsi qu'un accès sûr à la nourriture, à l'eau potable et aux services de santé sexuelle et reproductive. L'agence soutient des initiatives communautaires, en partenariat avec des organisations dirigées par des femmes, pour renforcer la résilience et garantir l'accès aux services humanitaires essentiels pour les femmes, les hommes, les filles et les garçons touchés par la crise.

L'agence onusienne exhorte la communauté internationale, les donateurs et les partenaires humanitaires à accorder la priorité à la protection et à l'autonomisation des femmes et des filles soudanaises, notamment en augmentant le financement des organisations locales dirigées par des femmes, qui n'ont reçu que 1,63% des ressources financières du Fonds humanitaire pour le Soudan en 2023.

« ONU Femmes se tient aux côtés du peuple soudanais pendant cette crise humanitaire qui s'aggrave et appelle à l'arrêt immédiat de la guerre et à un retour à la table des négociations pour les dialogues de paix », concluent les dirigeants de l'agence.

https://news.un.org/fr/story/2024/09/1149246

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CFWIJ dénonce la répression judiciaire ciblant les femmes journalistes en Turquie

8 octobre 2024, par Coalition pour les femmes dans le journalisme (Coalition For Women In Journalism – CFWIJ) — , ,
LIBERTE DE LA PRESSE. La Coalition pour les femmes dans le journalisme (Coalition For Women In Journalism – CFWIJ) dénonce la percussion des femmes journalistes en Turquie où (…)

LIBERTE DE LA PRESSE. La Coalition pour les femmes dans le journalisme (Coalition For Women In Journalism – CFWIJ) dénonce la percussion des femmes journalistes en Turquie où celles travaillant pour les médias kurdes sont les plus visées.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Women Press Freedom a un rapport récent mettent en lumière la répression judiciaire de la presse indépendante en générale et des journalistes kurdes en particulier en Turquie. CFWIJ signale que « Parmi toutes les femmes journalistes harcelées et détenues par la justice turque, celles qui travaillent dans la presse kurde sont celles qui subissent le traitement le plus dur. Les journalistes qui traitent des questions kurdes sont régulièrement arrêtées et accusées de délits de terrorisme de haut niveau. Le journalisme n'est pas du terrorisme, et cette tentative délibérée des autorités turques de réprimer la presse kurde constitue une violation flagrante de la liberté de la presse », ajoutant que cette répression « doit cesser ».

Voici quelques extraits du rapport publié sous le titre de « L'instrumentalisation des tribunaux : Erdoğan intensifie la répression judiciaire contre les femmes journalistes »

Les journalistes sont souvent empêtrés dans des batailles juridiques qui durent des années , soumis à des détentions provisoires prolongées et à des interdictions de voyager lorsqu'ils deviennent la cible de harcèlement judiciaire. Nos données sur les procès et les enquêtes contre les femmes journalistes mettent en évidence les stratégies délibérées utilisées pour étouffer la presse dans le pays.

Les lois antiterroristes sont les outils les plus fréquemment utilisés contre les femmes journalistes, plus de la moitié des cas de harcèlement judiciaire impliquant des accusations liées au terrorisme. Les poursuites pénales pour « insulte à la nation » ou au président sont également couramment utilisées par les procureurs pour intimider les femmes dans les médias. En plus des poursuites pénales, des poursuites en diffamation, en particulier des SLAPP (Strategic Lawsuits Against Public Participation), sont régulièrement intentées par des personnalités publiques et des personnes faisant l'objet d'enquêtes par des journalistes.

Il ressort de notre analyse que le gouvernement turc a pour habitude de qualifier d' extrémiste et de criminel tout journalisme auquel il s'oppose. Les journalistes inculpés sont souvent contraints de subir de multiples audiences qui s'éternisent pendant des années, et les dossiers sont rouverts même après l'acquittement. Ce processus épuisant non seulement frustre les journalistes, mais porte également atteinte à la crédibilité du système judiciaire turc.

Les procureurs turcs semblent très politisés, ouvrant rapidement des affaires pénales contre les journalistes qui enquêtent sur la corruption et les abus, mais ne montrant que peu d'intérêt à poursuivre les conclusions de ces enquêtes. Les changements constitutionnels de 2017 ont encore renforcé le contrôle de l'exécutif sur le pouvoir judiciaire, après la révocation d'un quart des juges et des procureurs après la tentative de coup d'État manquée. Depuis lors, les autorités turques ont adopté des pratiques de plus en plus autoritaires, réduisant au silence ceux qui critiquent les politiques de l'État. Cette tendance révèle que la priorité du gouvernement n'est pas la justice, mais plutôt l'intimidation et la répression de ceux qui dénoncent les méfaits.

Parmi toutes les femmes journalistes harcelées et détenues par la justice turque, celles qui travaillent dans la presse kurde sont celles qui subissent le traitement le plus dur. Les journalistes qui traitent des questions kurdes sont régulièrement arrêtées et accusées de délits de terrorisme de haut niveau . Le journalisme n'est pas du terrorisme, et cette tentative délibérée des autorités turques de réprimer la presse kurde constitue une violation flagrante de la liberté de la presse. Elle doit cesser.
(…)

Assimiler le journalisme au terrorisme

Depuis 2016, la Turquie est de facto sous le régime de l'état d'urgence, même après son abolition officielle en 2018. Le gouvernement a rendu ce régime permanent par une série de réglementations, l'utilisant pour intensifier la répression contre les journalistes. Au cœur de cette stratégie se trouve la loi antiterroriste n°3713, qui est définie de manière large et vague, permettant au gouvernement de qualifier les journalistes de « délinquants terroristes » en raison de leurs reportages critiques.

Cette situation a conduit à une augmentation du nombre d'enquêtes et de poursuites visant les journalistes. Les données de Women Press Freedom sur les violations commises contre les femmes journalistes dans le pays montrent que 54% de toutes les affaires judiciaires concernent des accusations de terrorisme.

Les chefs d'accusation les plus fréquemment retenus sont « l'appartenance à des organisations terroristes » et « la diffusion de propagande terroriste ». Ces deux chefs d'accusation sont passibles de plusieurs années de prison. Des journalistes ont été jugés et condamnés pour avoir partagé des messages sur les réseaux sociaux concernant des sujets d'actualité, notamment liés aux questions kurdes ou aux critiques de l' armée turque, et pour avoir publié des enquêtes sur des actes répréhensibles commis par des représentants de l'État. La presse kurde est de loin le groupe le plus visé, mais les médias et les journalistes de gauche sont également persécutés de manière disproportionnée.
(…)

Accusations d'« insulte »

Les données de Women Press Freedom révèlent que les accusations d'« insulte » sont fréquemment utilisées pour cibler les journalistes critiques, ce qui représente 16% de tous les cas de harcèlement judiciaire recensés en Turquie. Ces accusations donnent souvent lieu à des amendes ou à des peines avec sursis, ce qui s'appuie sur des lois vagues et vagues pour réprimer les voix dissidentes et promouvoir l'autocensure.

Les journalistes peuvent être empêtrés dans ces affaires pendant des années, et subir de nombreuses audiences. Le cas de Nurcan Baysal illustre ce combat. Après près de huit ans de bataille juridique, Baysal a été acquittée le 25 janvier 2024. Initialement accusée d'avoir « insulté publiquement la nation turque » pour son reportage de 2016 sur des graffitis sexistes à Cizre, sa condamnation a été annulée après son recours fructueux devant la Cour constitutionnelle. Son calvaire montre le chemin long et difficile que doivent parcourir les personnes accusées d'« insulte ».

L'article 301 du Code pénal turc vise les insultes contre la « turquicité », la République turque et ses institutions. Il prévoit une peine d'emprisonnement de six mois à deux ans pour quiconque dégrade publiquement la nation turque, l'État, la Grande Assemblée nationale, le gouvernement ou le système judiciaire.

Depuis son adoption en 2005, l'article 301 cible les journalistes, les intellectuels et les universitaires qui critiquent des questions sensibles, comme les droits des Kurdes . Malgré un amendement de 2008 exigeant l'approbation du ministre de la Justice pour engager des poursuites – ce qui a conduit à une diminution du nombre de cas – les femmes journalistes continuent d'être visées par des accusations d'insultes, et il existe un risque que les poursuites augmentent si les futurs ministres changent de position.
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Persécution de la presse kurde

Les journalistes kurdes et ceux qui couvrent les questions kurdes sont la cible disproportionnée de harcèlement judiciaire de la part des autorités turques. Depuis 2019, 54% de tous les cas de harcèlement juridique contre des femmes journalistes recensés par Women Press Freedom concernaient des reporters kurdes ou des personnes couvrant les questions kurdes. Sur les 87 femmes journalistes accusées d'infractions liées au terrorisme, 78% travaillaient pour des médias kurdes ou couvraient les questions et la politique kurdes. Cela révèle une réalité inquiétante : les autorités ont assimilé le journalisme sur les questions kurdes au terrorisme , utilisant ces accusations comme une arme pour les réduire au silence.

Depuis l'échec des négociations de paix entre le gouvernement turc et la minorité kurde en 2015 et le conflit en cours dans le sud-est de la Turquie, de nombreux journalistes kurdes sont poursuivis pour « propagande terroriste ». Ces accusations sont souvent contraires aux normes internationales en matière de liberté d'expression.

Les journalistes qui couvrent les questions kurdes, les partis d'opposition ou les opérations militaires sont souvent confrontés à ces fausses accusations liées au terrorisme , la loi étant appliquée de manière large et souvent arbitraire. Même les journalistes qui protestaient contre la persécution de leurs collègues kurdes ont été poursuivis, comme en 2023, lorsque six femmes journalistes ont été inculpées pour avoir protesté contre l'arrestation de reporters kurdes.

Les journalistes kurdes, ceux qui travaillent dans les médias kurdes et même ceux qui les soutiennent sont régulièrement criminalisés simplement pour avoir fait leur travail.
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Rapport (en anglais) à lire ici :
Weaponizing the Courts : Erdoğan's Escalating Legal Repression of Women Journalists

https://kurdistan-au-feminin.fr/2024/09/20/cfwij-denonce-la-repression-judiciaire-ciblant-les-femmes-journalistes-en-turquie/

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