Recherche · Dossiers · Analyses
Toujours au devant

Les médias de gauche

Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG)

Derniers articles

Marxisme et question nationale, de Marx à Eric Hobsbawm

3 décembre 2024, par Michael Löwy — ,
L'articulation entre internationalisme et question nationale, entre revendications démocratiques et révolution, est l'enjeu d'un débat entre marxistes depuis le milieu du 19e (…)

L'articulation entre internationalisme et question nationale, entre revendications démocratiques et révolution, est l'enjeu d'un débat entre marxistes depuis le milieu du 19e siècle, débat dont Michael Löwy raconte l'évolution.

23 novembre 2024 | tire du site d'Inprecor, numéro 726, novembre 2024 | Photo : Rosa Luxemburg au Congrès socialiste international d'Amsterdam.

Marx et Engels n'ont proposé ni une théorie systématique de la question nationale, ni une définition précise du concept de « nation », ni une stratégie politique générale pour les socialistes dans ce domaine. Leurs articles sur le sujet étaient, pour la plupart, des déclarations politiques concrètes relatives à des cas spécifiques. En ce qui concerne les textes théoriques proprement dits, les plus connus et les plus influents sont sans doute les passages assez sibyllins du Manifeste concernant les communistes et la nation. Ces passages ont la valeur historique de proclamer de manière audacieuse et intransigeante la nature internationaliste du mouvement prolétarien, mais ils ne sont pas toujours exempts d'un certain économisme et d'un surprenant optimisme libre-échangiste. Cela se voit notamment dans la suggestion que le prolétariat victorieux poursuivra simplement la tâche d'abolir les antagonismes nationaux qui a été commencée avec « le développement de la bourgeoisie, le libre-échange, le marché mondial », etc. Cette idée est cependant contredite dans d'autres textes de la même époque, dans lesquels Marx souligne que « tandis que la bourgeoisie de chaque nation conserve encore des intérêts nationaux particuliers, la grande industrie créa une classe dont les intérêts sont les mêmes dans toutes les nations et pour laquelle la nationalité est déjà abolie » 1.

Dans ses écrits ultérieurs (notamment sur la question de l'Irlande), Marx a montré que non seulement la bourgeoisie tend à entretenir les antagonismes nationaux, mais qu'elle tend même à les accroître, car : 1. la lutte pour le contrôle des marchés crée des conflits entre les puissances capitalistes ; 2. l'exploitation d'une nation par une autre produit l'hostilité nationale ; 3. le chauvinisme est un des outils idéologiques qui permettent à la bourgeoisie de maintenir sa domination sur le prolétariat.

Marx et Engels ont souligné avec force l'internationalisation de l'économie par le mode de production capitaliste : l'émergence du marché mondial qui « a enlevé à l'industrie sa base nationale » en créant « une interdépendance généralisée des nations ». Cependant, il y a une tendance à l'économisme dans son idée que « l'uniformité de la production industrielle et les conditions d'existence qu'ils entraînent » aide à dissoudre les barrières nationales (Absonderungen) et les antagonismes, comme si les différences nationales pouvaient être assimilées à de simples différences dans le processus de production2.

Des principes généraux

Si le Manifeste communiste a jeté les bases de l'internationalisme prolétarien, il n'a guère donné d'indications sur une stratégie politique concrète par rapport à la question nationale. Une telle stratégie n'a été développée que plus tard, notamment dans les écrits de Marx sur la Pologne et l'Irlande (ainsi que dans la lutte qu'il a menée au sein de l'Internationale contre le nationalisme libéral-démocrate de Mazzini et le nihilisme national des Proudhoniens). Marx et Engels ont soutenu la Pologne non seulement au nom du principe démocratique général de l'autodétermination des nations, mais surtout en raison de la lutte des Polonais·es contre la Russie tsariste, le principal bastion de la réaction en Europe et la bête noire des pères fondateurs du socialisme scientifique.

Les écrits sur l'Irlande, en revanche, ont une application beaucoup plus large et énoncent, implicitement, certains principes généraux sur la question des nations opprimées. Dans une première phase, Marx était favorable à l'autonomie de l'Irlande au sein d'une union avec la Grande-Bretagne et pensait que la solution à l'oppression des Irlandais (par les grands propriétaires terriens anglais) passerait par une victoire de la classe ouvrière (chartiste) en Angleterre. Dans les années 1860, en revanche, il considère la libération de l'Irlande comme la condition de la libération du prolétariat anglais. Ses écrits sur l'Irlande à cette époque développent trois thèmes qui seront importants pour le développement futur de la théorie marxiste de l'autodétermination nationale, dans sa relation dialectique avec l'internationalisme prolétarien :

1. Seule la libération nationale de la nation opprimée permet de surmonter les divisions et les antagonismes nationaux et permet à la classe ouvrière des deux nations de s'unir contre leur ennemi commun, les capitalistes ;

2. La libération de la nation opprimée est une condition préalable à la libération du prolétariat anglais. L'oppression d'une autre nation contribue à renforcer l'hégémonie idéologique de la bourgeoisie sur les travailleurs de la nation opprimée : toute nation qui en opprime une autre forge ses propres chaînes ;

3. L'émancipation de la nation opprimée affaiblit les bases économiques, politiques, militaires et idéologiques des classes dominantes de la nation opprimée, ce qui contribue à la lutte révolutionnaire de la classe ouvrière de cette nation.

Les positions de Friedrich Engels sur la Pologne et l'Irlande étaient largement similaires à celles de Marx. Toutefois, on trouve dans ses écrits un curieux concept théorique, la doctrine des « nations non historiques » – une catégorie dans laquelle il inclut, pêle-mêle, les Slaves du Sud (Tchèques, Slovaques, Croates, Serbes, etc.), les Bretons, les Écossais et les Basques. Selon Engels, « ces survivances d'une nation impitoyablement piétinée par la marche de l'histoire, comme le dit Hegel, ces “déchets de peuples” deviennent chaque fois les soutiens fanatiques de la contre-révolution, et ils le restent jusqu'à leur extermination et leur dénationalisation définitive ; leur existence même n'est-elle pas déjà une protestation contre une grande révolution historique ? » 3.

Engels a développé cet argument métaphysique pseudo-historique dans un article de 1855, qui affirmait que « le panslavisme est un mouvement qui s'efforce d'effacer ce qu'ont créé mille ans d'histoire, et qui ne peut se réaliser sans rayer de la carte la Turquie, la Hongrie et la moitié de l'Allemagne » 4.

Paradoxalement, le même Engels, dans un article de la même époque (1853), avait souligné que l'Empire turc était destiné à se désintégrer à la suite de la libération des nations balkaniques, ce qui ne l'étonnait nullement car, en bon dialecticien, il admirait dans l'histoire « les changements éternels de la destinée humaine [...] où rien n'est stable que l'instabilité, rien n'est immobile, que le mouvement » 5.

Pour la défense d'Engels, on pourrait avancer qu'il s'agissait d'articles de journaux, dépourvus du caractère rigoureux d'un travail scientifique, et qu'ils avaient donc un statut différent de celui de ses écrits théoriques proprement dits.

Le débat marxiste classique au sein de la IIe Internationale : la question nationale au tournant du siècle

C'est à la fin du 19e siècle et au début du 20e que se déroule la discussion la plus importante sur la question nationale parmi les marxistes de la Deuxième Internationale. Des contributions intéressantes traitent de questions spécifiques : la question juive – du bundiste Vladimir Medem au sioniste Ber Borochov – ou la question irlandaise, avec James Connolly. Mais les réflexions théoriques les plus générales sont celles des marxistes des Empires austro-hongrois et russe (tsariste) multinationaux : Otto Bauer, Rosa Luxemburg, Staline, Lénine, Trotsky.

La gauche radicale contre le séparatisme national : Rosa Luxemburg, Léon Trotsky

Le courant de la « gauche radicale » (Linksradikale) représenté par Luxemburg, Pannekoek, Trotsky (avant 1917) et Strasser se caractérisait, à des degrés divers et sous des formes parfois très différentes, par son opposition au séparatisme national, au nom du principe de l'internationalisme prolétarien. Si les marxistes occidentaux Pannekoek et Strasser ont eu peu d'influence, il n'en va pas de même pour la marxiste polonaise Rosa Luxemburg.

En 1893, Rosa Luxemburg fonde le Parti social-démocrate du Royaume de Pologne (PSDK), avec un programme marxiste et internationaliste, pour contrer le Parti socialiste polonais (PPS), dont l'objectif est de lutter pour l'indépendance de la Pologne. Dénonçant le PPS (avec une certaine justesse) comme un parti social-patriotique, Rosa et ses camarades du SDKP étaient résolument opposés au slogan de l'indépendance de la Pologne et soulignaient, au contraire, le lien étroit entre les prolétariats russe et polonais et leur destin commun.

En 1896, Luxemburg représenta le SDKP au congrès de la Deuxième Internationale. Les positions qu'elle défendit dans son intervention furent exposées dans un article ultérieur : « la libération de la Pologne est aussi utopique que la libération de la Tchécoslovaquie, de l'Irlande ou de l'Alsace-Lorraine […]. La lutte politique unificatrice du prolétariat ne doit pas être supplantée par une “série de luttes nationales stériles” ». 6.

Les bases théoriques de cette position seront fournies par les recherches qu'elle a effectuées pour sa thèse de doctorat, Le développement industriel de la Pologne (1898). Le thème central de ce travail était que, du point de vue économique, la Pologne était déjà intégrée à la Russie. Seules la petite bourgeoisie et les couches précapitalistes nourrissaient encore le rêve utopique d'une Pologne unie et indépendante.

Sa déclaration la plus controversée sur la question nationale (que Lénine, en particulier, a attaquée) est la série d'articles publiés en 1908 sous le titre « La question nationale et l'autonomie » dans le journal du Parti social-démocrate polonais (devenu le SDKPiL, après l'adhésion d'un groupe marxiste lituanien). Les principales idées avancées dans ces articles sont les suivantes : 1. le droit à l'autodétermination est un droit abstrait et métaphysique, comme le soi-disant « droit au travail » prôné par les utopistes du 19e siècle ; 2. Le soutien au droit de sécession de chaque nation implique en réalité le soutien au nationalisme bourgeois : la nation en tant qu'entité uniforme et homogène n'existe pas – chaque classe de la nation a des intérêts et des « droits » conflictuels ; 3. l'indépendance des petites nations en général, et de la Pologne en particulier, est utopique du point de vue économique et condamnée par les lois de l'histoire. Pour Luxemburg, il n'y a qu'une seule exception à cette règle : les nations balkaniques de l'Empire turc (Grecs, Serbes, Bulgares, Arméniens). Ces nations avaient atteint un degré de développement économique, social et culturel supérieur à celui de la Turquie, empire décadent dont le poids mort les opprimait.

Pour étayer son point de vue sur le manque d'avenir des petites nations, Luxemburg utilise les articles d'Engels sur les « nations non historiques » (bien qu'elle les attribue à Marx : leur véritable paternité n'a en fait été établie qu'en 1913, avec la découverte de lettres inédites de Marx/Engels) (6).

Des approches concrètes

Comme on le sait, en 1914 Luxemburg fut l'une des rares dirigeant·es de la IIe Internationale à ne pas succomber à la grande vague de social-patriotisme qui submergea l'Europe avec l'avènement de la guerre. Emprisonnée par les autorités allemandes pour sa propagande internationaliste et antimilitariste, elle rédigea en 1915 et fit sortir clandestinement de prison son célèbre Brochure de Junius. Dans ce texte, Luxemburg adopte dans une certaine mesure le principe de l'autodétermination : « le socialisme reconnait à chaque peuple le droit à l'indépendance et à la liberté, à la libre disposition de son propre destin ». Cependant, pour elle, cette autodétermination ne pouvait être exercée au sein des États capitalistes existants, en particulier les États colonialistes. À l'ère de l'impérialisme, la lutte pour « l'intérêt national » est une mystification, non seulement par rapport aux grandes puissances coloniales, mais aussi pour les petites nations qui ne sont « que des pions sur l'échiquier impérialiste des grandes puissances ». 7

Toutefois, dans un article, Luxemburg expose le problème dans des termes très proches de ceux de Lénine : l'introduction de 1905 au recueil La question polonaise et le mouvement socialiste. Dans cet essai, Luxemburg distingue soigneusement le droit indéniable de chaque nation à l'indépendance (« qui découle des principes élémentaires du socialisme »), qu'elle reconnaît, et l'opportunité de cette indépendance pour la Pologne, qu'elle nie. C'est aussi l'un des rares textes où elle reconnaît l'importance, la profondeur et même la justification des sentiments nationaux (tout en les traitant comme un simple phénomène « culturel »), et où elle souligne que l'oppression nationale est « l'oppression la plus intolérable dans sa barbarie » et ne peut que susciter « hostilité et rébellion »…8

Les écrits de Léon Trotsky sur la question nationale avant 1917 peuvent être qualifiés d'« éclectiques » (terme utilisé par Lénine pour les critiquer), occupant une position à mi-chemin entre Luxemburg et Lénine. C'est surtout après 1914 que Trotsky s'est intéressé à la question nationale. Il l'aborde dans sa brochure La guerre et l'Internationale 9 ouvrage polémique dirigé contre le social-patriotisme, sous deux angles différents, voire contradictoires :

1. Une approche historique et économique. La guerre mondiale est le produit de la contradiction entre les forces productives, qui tendent vers une économie mondiale, et le cadre contraignant de l'État-nation. Trotsky annonçait donc « la destruction de l'État-nation en tant qu'entité économique indépendante », ce qui, d'un point de vue strictement économique, était une proposition justifiable. Mais il en déduit l'« effondrement » et la « destruction » de l'État-nation dans son ensemble ; l'État-nation en tant que tel, le concept même de nation, ne pourra plus exister à l'avenir que comme « fait culturel, idéologique et psychologique ».

2. Une approche politique concrète. Contrairement à Luxemburg, Trotsky proclame explicitement le droit des nations à l'autodétermination comme l'une des conditions de la « paix entre les nations », qu'il oppose à la « paix des diplomates ». En outre, il soutient la perspective d'une Pologne indépendante et unie (c'est-à-dire libérée de la domination tsariste, autrichienne et allemande) ainsi que l'indépendance de la Hongrie, de la Roumanie, de la Bulgarie, de la Serbie, de la Bohême, etc. C'est dans la libération de ces nations et leur association dans une fédération balkanique qu'il voyait la meilleure barrière contre le tsarisme en Europe. En outre, Trotsky défendait une relation dialectique entre l'internationalisme prolétarien et les droits nationaux : la destruction de l'Internationale par les social-patriotes était un crime non seulement contre le socialisme, mais aussi contre « l'intérêt national, dans son sens le plus large et le plus correct », puisqu'elle dissolvait la seule force capable de reconstruire l'Europe sur la base des principes démocratiques et du droit des nations à l'autodétermination.

Après 1917, Trotsky adopte la conception léniniste de la question nationale, qu'il défend à Brest-Litovsk (1918) en tant que commissaire du peuple aux affaires étrangères.

Les austro-marxistes et l'autonomie culturelle

L'idée principale des austro-marxistes – Karl Renner et Otto Bauer – par rapport à la question nationale, notamment dans le contexte de l'Empire austro-hongrois, est l'autonomie culturelle dans le cadre d'un État plurinational, par le biais de l'organisation des nationalités en corporations juridiques publiques, dotées de toute une série de pouvoirs culturels, administratifs et juridiques. Ils souhaitaient à la fois reconnaître les droits des minorités nationales et maintenir l'unité de l'État austro-hongrois.

Le grand ouvrage d'Otto Bauer, La question des nationalités et la social-démocratie (1907), partageait le postulat fondamental de Karl Renner et des autres austro-marxistes : la préservation de l'État plurinational, en accordant une autonomie nationale culturelle aux différentes communautés ethniques…

La particularité de l'analyse de Bauer réside dans la dimension psycho-culturelle de sa théorie sur la question nationale, construite sur la base du concept de « caractère national », défini en termes psychologiques : « la diversité des objectifs, le fait qu'un même stimulus peut provoquer des mouvements différents et qu'une même situation extérieure peut conduire à des décisions différentes ». Ce concept d'origine néo-kantienne a été sévèrement critiqué par les adversaires marxistes de Bauer (Kautsky, Pannekoek, Strasser, etc.) 10

L'œuvre de Bauer a une valeur théorique indéniable, notamment en ce qui concerne le caractère historiciste de sa méthode. En définissant la nation comme le produit d'un destin historique commun, comme « l'aboutissement jamais achevé d'un processus constant », comme une cristallisation d'événements passés, un « morceau d'histoire figé », Bauer se place résolument sur le terrain du matérialisme historique et en opposition frontale avec les mythes réactionnaires de la « nation éternelle » et de l'idéologie raciste. Cette approche historique confère au livre de Bauer une réelle supériorité méthodologique sur la plupart des auteurs marxistes de l'époque, dont les écrits sur la question nationale avaient souvent un caractère abstrait et rigide. Dans la mesure où la méthode de Bauer impliquait non seulement une explication historique des structures nationales existantes, mais aussi une conception de la nation comme un processus, un mouvement en perpétuelle transformation, il a pu éviter l'erreur d'Engels en 1848-49 : le fait qu'une nation (comme les Tchèques) « n'ait pas eu d'histoire » ne signifie pas nécessairement qu'elle n'aura pas d'avenir. Le développement du capitalisme en Europe centrale et dans les Balkans ne conduit pas à l'assimilation mais à l'éveil de nations « non historiques » 11.

Il convient d'ajouter que le programme d'autonomie culturelle de Bauer avait une valeur significative en tant que complément – et non alternative – à une politique fondée sur la reconnaissance du droit à l'autodétermination. En effet, la première Constitution de l'Union soviétique intégrait en quelque sorte le principe de l'autonomie culturelle des minorités nationales.

Lénine, Staline et le droit à l'autodétermination

Staline a été le premier dirigeant bolchevique à écrire sur la question nationale. C'est Lénine qui l'a envoyé à Vienne pour étudier la question et, dans une lettre adressée à Gorki en février 1913, il a parlé du « merveilleux Géorgien qui s'est fait connaître dans le monde entier » 12. Mais une fois l'article de Staline « Le marxisme et la question nationale » 13 terminé, il ne semble pas que Lénine ait été particulièrement enthousiaste à son sujet, car il ne le mentionne dans aucun de ses nombreux écrits sur la question nationale, à l'exception d'une brève référence entre parenthèses dans un article daté du 28 décembre 1913. Il est évident que les idées principales de l'œuvre de Staline sont celles du parti bolchevique et de Lénine. Cela dit, la suggestion de Trotsky selon laquelle l'article a été inspiré, supervisé et corrigé « ligne par ligne » par Lénine semble discutable 14.

Au contraire, sur un certain nombre de points assez importants, l'ouvrage de Staline diffère implicitement et explicitement des écrits de Lénine, voire les contredit.

1. Le concept de « caractère national », de « constitution psychologique commune » ou de « particularité psychologique » des nations n'est pas du tout léniniste. Cette problématique est un héritage de Bauer, que Lénine a explicitement critiqué pour sa « théorie psychologique ». 15 En affirmant sans ambages que « ce n'est que lorsque toutes ces caractéristiques [langue commune, territoire, vie économique et formation psychique] sont réunies que nous avons une nation », Staline a donné à sa théorie un caractère dogmatique, restrictif et rigide que l'on ne retrouve jamais chez Lénine. La conception stalinienne de la nation était un véritable lit de Procuste 16 idéologique. Selon Staline, la Géorgie d'avant la seconde moitié du 19e siècle n'était pas une nation car elle n'avait pas de « vie économique commune », étant divisée en principautés économiquement indépendantes. Selon ce critère, l'Allemagne, avant l'Union douanière, n'aurait pas été une nation non plus… On ne trouve nulle part dans les écrits de Lénine une « définition » aussi rigide et arbitraire de la nation.

2. Staline a explicitement refusé d'admettre la possibilité d'une unité ou d'une association de groupes nationaux dispersés au sein d'un État multinational : la question se pose de savoir s'il est possible d'unir en une seule union nationale des groupes qui sont devenus si distincts. Est-il concevable, par exemple, que les Allemands des provinces baltes et les Allemands de Transcaucasie puissent être « réunis en une seule nation » ? La réponse donnée, bien sûr, était que tout cela n'était « pas concevable », « pas possible » et « utopique » 17.

Lénine, en revanche, défendait vigoureusement la « liberté d'association, y compris l'association de toutes les communautés, quelle que soit leur nationalité, dans un État donné », citant précisément en exemple les Allemands du Caucase, de la Baltique et de la région de Petrograd. Il ajoutait que la liberté d'association de toute nature entre les membres de la nation, dispersés dans différentes parties du pays ou même du globe, était « indiscutable et ne pouvait être contestée que du point de vue bureaucratique et borné » 18.

3. Staline ne faisait aucune distinction entre le nationalisme oppressif tsariste grand-russe et le nationalisme des nations opprimées. Dans un paragraphe très révélateur de son article, il rejette d'un même souffle « la vague de nationalisme belliqueux, partie d'en haut, tout une suite de répressions de la part des “détenteurs du pouvoir” » et la « vague de nationalisme montant d'en bas, qui se transformait parfois en un grossier chauvinisme » des Polonais, des juifs, des Tatars, des Géorgiens, des Ukrainiens, etc. Non seulement il ne fait aucune distinction entre les nationalismes « d'en haut » et « d'en bas », mais il adresse ses critiques les plus sévères aux sociaux-démocrates des pays opprimés qui n'ont pas « tenu bon » face au mouvement nationaliste.

Lénine, la question nationale et la stratégie

Le point de départ de Lénine pour élaborer une stratégie sur la question nationale était le même que pour Luxemburg et Trotsky : l'internationalisme prolétarien. Cependant, contrairement à ses camarades de la gauche révolutionnaire, il insiste sur la relation dialectique entre l'internationalisme et le droit à l'autodétermination nationale. Il estime, premièrement, que seule la liberté de faire sécession rend possible l'union libre et volontaire, l'association, la coopération et, à long terme, la fusion entre les nations. Deuxièmement, seule la reconnaissance par le mouvement ouvrier de la nation oppressive du droit de la nation opprimée à l'autodétermination peut contribuer à éliminer l'hostilité et la suspicion des opprimé·es et à unir le prolétariat des deux nations dans la lutte internationale contre la bourgeoisie.

D'un point de vue méthodologique, Lénine se distingue de la plupart de ses contemporains par sa tentative de « mettre la politique aux commandes », c'est-à-dire par sa tendance obstinée et inébranlable à saisir et à mettre en évidence l'aspect politique de chaque problème et de chaque contradiction. En ce qui concerne la question nationale, alors que la plupart des autres auteurs marxistes voyaient principalement la dimension économique, culturelle ou « psychologique » du problème, Lénine estimait que la question de l'autodétermination « appartient entièrement et exclusivement [au domaine de la démocratie politique] »19, c'est-à-dire au domaine du droit à la sécession politique et à l'établissement d'un État-nation indépendant.

Il va sans dire que l'aspect politique de la question nationale pour Lénine n'est pas du tout celui dont se préoccupent les gouvernements, les diplomates et les armées. Que telle ou telle nation ait un État indépendant ou que les frontières soient entre deux États lui est totalement indifférent. Son objectif est la démocratie et l'unité internationaliste du prolétariat, qui passent toutes deux, selon lui, par la reconnaissance du droit des nations à disposer d'elles-mêmes. De plus, précisément parce qu'elle se concentre sur l'aspect politique, sa théorie de l'autodétermination ne fait aucune concession au nationalisme. Elle se situe uniquement dans la sphère de la lutte démocratique et de la révolution prolétarienne.

Le principal défaut de la conception léniniste de la question nationale est que l'accent exclusif mis sur le choix entre l'unification et la sécession laisse peu de place à des alternatives telles que l'autonomie nationale et culturelle. Mais dans la pratique, Lénine et les bolcheviks y auront recours, par exemple en ce qui concerne les communautés nationales telles que les juifs en URSS.

Réflexions contemporaines, Benedict Anderson, Eric Hobsbawm

Dans les décennies qui ont suivi la Révolution russe d'octobre 1917, la plupart des discussions sur la question nationale ont porté sur des problèmes nationaux spécifiques. En 1922, Lénine et Staline se sont affrontés sur la question de l'autonomie de la Géorgie soviétique – un conflit décrit par l'historien Moshe Lewin comme Le dernier combat de Lénine. Dans les années 1930, Léon Trotsky écrit sur le droit à l'autodétermination de l'Ukraine soviétique. La question juive continue de susciter des controverses, avec, entre autres, la contribution d'un jeune disciple de Trotsky, Abraham Leon. Plusieurs marxistes noirs publient d'importantes analyses sur la minorité afro-américaine aux États-Unis (W.E.B. Du Bois, CLR James). En 1935, le marxiste catalan Andreu Nin a publié un livre sur les mouvements d'émancipation nationale, mais il s'agit essentiellement d'un résumé du débat classique, de Marx et Engels aux révolutionnaires russes. Bien entendu, il existe une vaste littérature marxiste sur les mouvements coloniaux de libération nationale.

Ce n'est qu'à la fin du 20e siècle que de nouvelles réflexions théoriques marxistes générales sur la question nationale ont vu le jour. Deux d'entre eux sont les plus influents : Benedict Anderson et Eric Hobsbawm.

Dans son livre novateur de 1983, Imagined Communities Reflections on the Origin and Spread of Nationalism (L'imaginaire national : réflexions sur l'origine et l'essor du nationalisme), Benedict Anderson définit la nation comme « une communauté politique imaginée ». Il explique qu'une nation « est imaginée parce que les membres de la plus petite nation ne connaîtront jamais la plupart de leurs confrères, ne les rencontreront jamais, ni même n'entendront parler d'eux, mais dans l'esprit de chacun d'eux vit l'image de leur communion ». Les membres de la communauté ne connaîtront probablement jamais chacun des autres membres face à face ; cependant, ils peuvent avoir des intérêts similaires ou s'identifier comme faisant partie de la même nation.

Enfin, une nation est une communauté parce que, « indépendamment de l'inégalité et de l'exploitation réelles qui peuvent prévaloir dans chacune d'elles, la nation est toujours conçue comme une camaraderie profonde et horizontale. En fin de compte, c'est cette fraternité qui a permis, au cours des deux derniers siècles, à tant de millions de personnes, non pas tant de tuer, mais de mourir volontairement pour des objectifs aussi limités ».

Selon Anderson, la langue joue un rôle important dans la consolidation des « communautés imaginées » nationales. Commençant avec une petite élite cultivée, la langue devient de plus en plus importante avec la généralisation de l'imprimé après le 18e siècle et, après le 19e siècle, avec la diffusion de la langue à travers l'éducation publique et l'administration. – On peut considérer que l'accent mis par Anderson sur l'imaginaire est trop unilatéral, mais son livre est sans aucun doute l'une des contributions les plus novatrices à la réflexion marxiste sur la question nationale.

Le livre d'Eric Hobsbawm en 1991, Nations and Nationalism since 1780 (Nations et nationalismes depuis 1780 : programmes, mythe et réalité) est peut-être l'étude la plus importante de la question après les grands classiques de la Deuxième Internationale. En examinant les différents critères proposés pour définir une nation, tels que la langue, l'ethnicité, le territoire, etc., il conclut que ces définitions « objectives » ont échoué, car il y a toujours des exceptions évidentes. En outre, les critères adoptés à cette fin sont eux-mêmes changeants et ambigus. Il propose donc une attitude d'« agnosticisme » et refuse toute définition a priori de ce qui constitue une nation. La seule définition qu'il accepte comme hypothèse de travail initiale pour son livre est que « tout ensemble suffisamment important de personnes dont les membres se considèrent comme membres d'une “nation” sera traité comme tel ». Bien sûr, il reste la question du « seuil » : qu'est-ce qu'un « groupe suffisamment important » ? Au 19e siècle, comme le montre Hobsbawm, seules les grandes nations étaient considérées comme lebensfähig (viables) : non seulement les libéraux, mais même Marx et Engels considéraient les petits peuples comme des survivances du passé et des obstacles au progrès historique…

Pour Hobsbawm, les nations sont des formations modernes, c'est-à-dire relativement récentes, produites par l'idéologie nationaliste et par « l'invention de la tradition » – un concept qui n'est pas sans similitude avec les « communautés imaginées » de Benedict Anderson. Hobsbawm est d'accord avec le spécialiste (non marxiste) du nationalisme Ernest Gellner pour dire que les nations comportent un élément d'artefact, d'invention et d'ingénierie sociale, et il cite le commentaire ironique suivant de cet anthropologue britannique : « Les nations en tant que moyen naturel, donné par Dieu, de classer les hommes, en tant que destin politique inhérent, sont un mythe ; le nationalisme, qui parfois prend des cultures préexistantes et les transforme en nations, parfois les invente… : c'est une réalité ». Mais il n'est pas d'accord avec Gellner sur l'accent unilatéral qu'il met sur la modernisation nationale par le haut, en ignorant les développements populaires « par le bas » 20

Internationaliste impénitent, Eric Hobsbawm est sceptique quant au principe wilsonien d'autodétermination nationale : la tentative (après le traité de Versailles) de faire coïncider les frontières de l'État avec les frontières de la nationalité et de la langue. Il estime que cette politique, visant à créer des États ethniquement homogènes, a conduit, inévitablement, à l'expulsion massive ou à l'extermination des minorités : « Telle était et telle est la réduction meurtrière à l'absurde du nationalisme dans sa version territoriale, bien que cela n'ait pas été pleinement démontré avant les années 1940 » 21.

L'analyse historique de Hobsbawm est remarquable, mais sa conclusion selon laquelle, à la fin du 20e siècle, la nation et le nationalisme sont de moins en moins importants est douteuse. Si l'on peut admettre avec lui que l'État-nation a perdu une grande partie de son importance économique, il est beaucoup moins évident que, comme il l'affirme, « le nationalisme n'est plus un vecteur majeur du développement historique » et qu'il a une « signification historique déclinante ». Les exemples qu'il donne pour illustrer son argumentation, au moment où il écrit son livre (1988-89), ont été démentis par le cours des événements dans les années qui ont suivi. Ainsi, il souligne que les tensions nationales en Yougoslavie « n'ont pas encore fait un seul mort » et, à propos de la montée des groupes nationalistes xénophobes tels que le Front national en France, il insiste sur leur « instabilité et leur impermanence » 22.

Si l'internationalisme est la seule perspective cohérente, d'un point de vue marxiste, pour considérer la question nationale, cela ne doit pas conduire, comme cela a souvent été le cas, à sous-estimer la force, l'influence et la capacité de nuisance des nations et du nationalisme.

Le 21 mai 2024

Bibliographie

B. Anderson, L'imaginaire national : réflexions sur l'origine et l'essor du nationalisme, La Découverte, 1996, 212 pages ; réédition poche 2006.

O. Bauer, La question des nationalités et la social-démocratie, Paris, EDI, 1987, vol. 1 ; La question des nationalités, éditions Syllepse, 660 pages, 2017

F. Engels, « The Magyar Struggle » (1848), in Marx, Engels, The Revolutions of 1848, Londres, Penguin 1973.

F. Engels, « What is to Become of Turkey in Europe ? » New York Daily Tribune, 1853, et « Deutschland und der Panslawismus », Neue Oder Zeitung, 1855, dans Marx, Engels Werke, Berlin, Dietz Verlag, 1968, vol. XI.

E. Hobsbawm, Nations et nationalismes depuis 1780 : programmes, mythe et réalité, Gallimard, 1992, édition poche 2001.

V.I. Lénine, « The National Program of the RSDLP », Collected Works, Moskow, Progress, 1958, Vol. 19 ; V.I. Lénine, « The Right of Nations to Self-Determination », et « Critical Remarks on the National Question » in Collected Works, Vol. 20 ; V.I. Lénine, « The Socialist Revolution and the Right of Nations to Self-Determination », Collected Works, Vol. 22 ; V.I. Lénine, Collected Works, Vol. 35. En ligne sur marxists.org : « La révolution socialiste et le droit des nations à disposer d'elles-mêmes ».

M. Löwy, « Marxists and the National Question », New Left Review, Londres, avril 1976.

R. Luxemburg, « Thèses sur les tâches de la social-démocratie internationale » (1915), « La Brochure de Junius, La guerre et l'Internationale », Œuvres complètes, Tome IV, Agone, 256 pages.

R. Luxemburg, « Die Polnische Frage auf dem Internationalen Kongress in London », (1896), « Vorwort zu dem Sammelband “Die polnische Frage und die sozialistische Bewegung” » (1905), « Nationalität und Autonomie » (1908), in Internationalismus und Klassenkampf, Berlin, Luchterhand, 1971 (Rosa Luxemburg, la Question nationale et l'autonomie, Le temps des cerises, 2001 - épuisé).

K. Marx, F. Engels, L'idéologie allemande, 1845.

R. Rosdolsky, Friedrich Engels et les peuples « sans histoire », 384 pages, Syllepse, 2018.

J. Staline, Le marxisme et la question nationale.

L. Trotsky, Les Bolcheviks et la paix mondiale.

L. Trotsky, Staline, Syllepse, 2021, 1008 pages.

Notes

1. Marx, F. Engels, L'idéologie allemande, 1845, .
2. K.Marx, F. Engels, Manifeste du Parti communiste, 1848.
3. F. Engels, La Nouvelle Gazette Rhénane, 13 janvier 1849.
4. F. Engels, “Deutschland und der Panslawismus”, Neue Oder Zeitung, 1855, cité par R. Rosdolsky, Friedrich Engels et les peuples « sans histoire », Syllepse, 2018.
5. F. Engels , “What is to Become of Turkey in Europe ?”, New York Daily Tribune, 1853, cité par R. Rosdolsky, op.cit. p. 174.
6. R. Luxemburg, “Die polnische Frage auf dem Internationalen Kongress in London”, 1896, Internationalismus und Klassenkampf, Berlin, Luchterhand, 1971, pp. 142-143 et pp. 236, 239.
7. R. Luxemburg, La Brochure de Junius, La guerre et l'Internationale, Œuvres complètes, Tome IV, Agone.
8. R. Luxemburg, voir note 6, pp. 192, 217-218).
9. Trotsky, Der Krieg und die Internationale (1914) Zürich, Verlag der Grütlibuchhandlung, 1918, pp. 21, 230-231.
10. O. Bauer, La question des nationalités et la social-démocratie, Paris, EDI, 1987, vol. 1, p. 139, réédité par Syllepse en 2017.
11. Otto Bauer, 1987, vol. 1, p. 149, voir note 10.
12. Lénine, édition 1958, vol.35:84.
13. Staline, 1913.
14. Trotsky, Staline, édition 1969:233.
15. Lénine, édition 1958, vol. 20:31.
16. ans la mythologie grecque, Procuste (littéralement « celui qui martèle pour allonger ») est le surnom d'un brigand de l'Attique connu pour ne vouloir héberger chez lui que des personnes d'une taille donnée : il contraignait les voyageurs à s'allonger sur un lit ; il leur coupait les membres trop grands et qui dépassaient le lit, et étirait les pieds de ceux qui étaient trop petits. On parlait couramment de « lit de Procuste » pour désigner les tentatives de contraindre les choses à un seul modèle, une seule façon de penser ou d'agir, en référence aux pratiques de ce personnage.
17. Staline, Le marxisme et la question nationale, édition 1953 : 306-7, 309, 305, 339.
18. Lénine, 1958, 19 : 543 et Lénine, 1958, 20 : 39, 50.
19. Lénine, « La révolution socialiste et le droit des nations à disposer d'elles-mêmes », édition 1958, 22:145.
20. Hobsbawm, édition 1991 : 8-11.
21. Hobsbawm, édition 1991 : 133.
22. Hobsbawm, édition 1991 : 163, 170, 173,

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

Le méga-courant de l’Atlantique pourrait s’effondrer plus tôt que prévu

3 décembre 2024, par Vincent Lucchese — ,
L'affaiblissement des courants dans l'Atlantique aura des effets « dévastateurs et irréversibles » sur de nombreux pays. La fonte rapide des glaciers arctiques pourrait (…)

L'affaiblissement des courants dans l'Atlantique aura des effets « dévastateurs et irréversibles » sur de nombreux pays. La fonte rapide des glaciers arctiques pourrait précipiter leur effondrement.

Tiré de Reporterre
25 novembre 2024

Par Vincent Lucchese

On le compare parfois à un titanesque tapis roulant. Un ensemble complexe de courants océaniques qui traversent l'Atlantique — dont le fameux Gulf Stream — et qui charrient environ18 millions de m³ d'eau par seconde, soit plus de dix fois le débit cumulé de tous les fleuves du monde. Appelé « circulation méridienne de retournement de l'Atlantique », ou Amoc selon son acronyme anglophone, ce système joue un rôle crucial pour réguler le climat.

Une inquiétude grandit cependant depuis quelques années dans la littérature scientifique : nous aurions sous-estimé son affaiblissement, voire son effondrement à venir. La dernière étude en date, publiée le 18 novembre dans la revue Nature Geoscience par des chercheurs de l'université australienne de Nouvelle-Galles du Sud, conclut que l'Amoc pourrait perdre 30 % de sa puissance dès 2040, soit vingt ans plus tôt que les précédentes estimations.

« Cela pourrait entraîner de gros changements pour le climat et les écosystèmes, dont un réchauffement accéléré dans l'hémisphère sud, des hivers plus rigoureux en Europe et un affaiblissement des moussons tropicales dans l'hémisphère nord », préviennent les auteurs.

La fonte des glaciers perturbe l'océan

En 2023, une étude publiée dans Nature Communicationsestimait quant à elle que l'Amoc avait carrément une probabilité de 95 % de s'effondrer d'ici 2095. Et le 21 octobre dernier, une quarantaine de chercheurs issus de nombreux pays signaient une lettre ouvertealertant les pays du Conseil nordique du risque que nous ayons « grandement sous-estimé » la possibilité d'un affaiblissement, voire d'un effondrement de l'Amoc, lequel aurait des impacts « dévastateurs et irréversibles » pour de nombreux pays.

Dans son sixième rapport d'évaluation, publié en 2021 et résumant l'état de la science en la matière, le Giec [1] notait pourtant, avec un degré de confiance « moyen », que l'Amoc ne s'effondrerait pas d'ici 2100. Mais une « confiance moyenne » laisse planer un risque inquiétant, soulignent les scientifiques dans leur lettre ouverte. Et les recherches récentes publiées depuis tendent à faire remonter ce risque à la hausse, écrivent-ils.

À l'heure actuelle, la communauté scientifique peine à faire émerger une analyse consensuelle de la situation. Il est généralement admis que lechangement climatiquedevrait affaiblir l'Amoc. Mais à quelle échéance et avec quelle intensité ? Les incertitudes et divergences de vues sur cette question sont à la mesure de l'extrême complexité du phénomène étudié.

Revenons, pour le comprendre, sur le fonctionnement schématique de l'Amoc. L'un de ses moteurs est la plongée vers les abysses des eaux de surface, dans les hautes latitudes. Lorsque les courants chauds venus des tropiques rencontrent les masses d'air froides dans le nord, une partie de l'eau de mer gèle, laissant son sel derrière elle. L'eau restante voit ainsi sa concentration en sel augmenter. L'eau plus froide et plus salée étant plus dense, elle coule, entraînant le « tapis roulant » de l'Amoc. Cette eau profonde retourne ensuite boucler la boucle vers le sud, où elle remonte et chauffe de nouveau à la surface.

On voit, sur ce schéma de l'Amoc, en rouge les courants de surface, chauds, et en bleu les courants froids circulant en profondeur. © NOAA

Ce système joue un rôle crucial pour redistribuer la chaleur sur le globe, via les échanges entre l'océan et l'atmosphère, et contribue également à la santé des écosystèmes, en transférant des nutriments, du carbone et de l'oxygène à travers l'Atlantique. Le changement climatique perturbe tout cela, notamment en entraînant la fonte massive des glaciers arctiques, au Groenland et au Canada. En se déversant dans l'océan, ce surcroît d'eau douce réduit la salinité, donc la densité et enraye ce moteur de l'Amoc qu'est la plongée des eaux froides en profondeur.

Or, les modèles climatiques actuels ne prennent pas en compte cette fonte additionnelle provoquée par les activités humaines et peinent à reproduire le comportement observé de l'Amoc. C'est en intégrant cette fonte à leur modèle que les chercheurs australiens prétendent aujourd'hui obtenir de meilleures estimations.

D'inquiétantes incertitudes

Plusieurs chercheurs interrogés par Reporterre sont toutefois sceptiques quant aux conclusions péremptoires de cette étude, dont la méthodologie pourrait manquer de rigueur, notamment dans l'estimation du volume d'eau douce issu de la fonte à venir des glaciers. Les travaux de 2023 étaient de même loin de faire l'unanimité.

« Il est très probable que le changement climatique ralentisse l'Amoc au cours du siècle, mais cet affaiblissement est estimé de -10 à -70 % selon les modèles, l'incertitude est énorme », rappelle Didier Swingedouw, directeur de recherche au CNRS, qui étudie de près ces courants atlantiques.

Les simulations numériques modélisant le futur de l'Amoc sont d'autant plus délicates que l'on n'arrive toujours pas à bien représenter le comportement « normal » du phénomène, sans prendre en compte le changement climatique. « L'Amoc résulte d'un équilibre très subtil entre de nombreuses influences. Les zones de mélange entre les eaux chaudes et froides sont en soi difficiles à modéliser. Il faut aussi réussir à représenter les vents qui vont influer sur cette convection, les précipitations et les niveaux d'évaporation qui jouent aussi un rôle sur les caractéristiques de ces eaux », nous liste Didier Swingedouw.

Les facteurs évoluant, il existe une « cascade d'incertitudes ». Pexels/CC/Laura Otte

Pour anticiper le futur, il faut ajouter au défi de la modélisation l'évolution de ces facteurs : comment les tropiques de plus en plus chauds vont augmenter l'évaporation et donc la salinité des eaux chaudes, comment les précipitations vont évoluer aux hautes latitudes et faire à leur tour varier la salinité… « Une cascade d'incertitudes », soupire le chercheur.

Le simple fait de savoir si l'Amoc a d'ores et déjà commencé à ralentir n'est pas établi. D'après la modélisation de l'étude australienne, l'affaiblissement serait de 20 % depuis 1950. Mais ces résultats sont le fruit de reconstitutions numériques : les observations in situ ne sont possibles que depuis 2004, et aucune tendance claire ne s'en dégage. « À partir des observations directes de l'Amoc, ce que nous mesurons est uniquement une forte variabilité saisonnière, interannuelle et interdécennale », mais aucun signal clair lié au climat n'est identifié souligne Sabrina Speich, océanographe au Laboratoire de météorologie dynamique.

Menaces sur l'Afrique et l'Europe

Reste que la tendance semble aller vers des estimations de plus en plus pessimistes. « Avant, on était sur une “confiance forte” que l'Amoc ne s'effondrerait brutalement pas d'ici 2100. Le dernier rapport du Giec est passé à une “confiance moyenne”. Et puis s'arrêter à 2100 est arbitraire. L'Amoc pourrait s'effondrer en 2150. C'est un système lent, son temps d'effondrement est probablement de l'ordre du siècle », souligne Didier Swingedouw, signataire de la lettre ouverte publiée en octobre.

L'enjeu est donc moins aujourd'hui de comprendre si l'Amoc s'affaiblira drastiquement, mais quand il le fera exactement. Dans tous les cas, cela pourrait considérablement refroidir le nord de l'Europe, encerclé par des régions, elles, toujours plus chaudes, conduisant à des « climats extrêmes sans précédent », interpelle la lettre des scientifiques. Cela pourrait « potentiellement menacer la viabilité de l'agriculture du nord-ouest de l'Europe ».

« Les pays de l'Afrique de l'Ouest seraient surtout en première ligne, s'inquiète Didier Swingedouw. Le Sahel pourrait devenir un désert, avec jusqu'à 30 % de baisse de précipitations, et la zone aujourd'hui plus verte au sud du Sahel deviendraient sahéliennes. »

Il y a doublement urgence : à limiter autant que possible l'ampleur du changement climatique, mais aussi à s'y adapter. Pour l'instant, les catastrophes liées à l'Amoc et ses conséquences sur nos sociétés ne sont aujourd'hui ni anticipées ni même sérieusement évaluées, déplorent les auteurs de la lettre ouverte.

La prise de conscience montera peut-être à mesure que les projections climatiques s'affineront à propos de ces phénomènes. Les chercheurs plaident unanimement pour l'accumulation de données et travaux supplémentaires. Les principaux systèmes de mesure in situ de l'Amoc impliquent massivement des instituts de recherches étasuniens, dont l'avenir est suspendu à l'investiture de Donald Trump. Le président étasunien élu envisage de démanteler les agences environnementales, dont la NOAA, l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Naomi Klein : « Nous avons besoin d’un populisme écologique »

3 décembre 2024, par Naomi Klein — , ,
Naomi Klein, activiste et intellectuelle canadienne, explique la victoire de Trump par l'incapacité de la gauche et des écologistes à parler des problèmes concrets des gens. (…)

Naomi Klein, activiste et intellectuelle canadienne, explique la victoire de Trump par l'incapacité de la gauche et des écologistes à parler des problèmes concrets des gens. Elle plaide pour un « écopopulisme ».

Tiré de Reporterre

15 novembre 2024

Naomi Klein : « Nous avons besoin d'un populisme écologique »

La journaliste et essayiste canadienne Naomi Klein, connue pour avoir publié No Logo et La Stratégie du choc (Actes Sud, 2001 et 2008) vient de sortir un nouveau livre : Le Double — Voyage dans le monde miroir, toujours chez Actes Sud. Dans cet entretien, elle fait le procès de la gauche étasunienne : « Nous devons nous concentrer sur des politiques écologiques qui soient aussi des politiques de redistribution économique. »

Reporterre — Comment analysez-vous la victoire de Donald Trump ?

Naomi Klein — La droite se rapproche des classes populaires avec plus de facilité que la gauche ou les libéraux. Cela devrait être un véritable signal d'alarme et nous faire réfléchir à la façon dont le discours progressiste est perçu : élitiste, déconnecté et sans plan pour aider les gens. J'ai toujours cru qu'il était possible de concevoir une stratégie politique qui s'attaque à la crise écologique et à l'aggravation des inégalités. Mais ce n'est pas comme cela que la gauche a façonné sa politique climatique. Nous assistons à un ras-le-bol des travailleurs qui ont l'impression que ces questions sont un luxe dont ils ne peuvent pas se préoccuper.

La gauche sociale-démocrate n'accepte pas de s'engager dans cette voie et de parler aux gens ?

C'est un échec de la gauche dans sa globalité. Pas seulement du Parti démocrate qui n'est pas la gauche, mais représente l'establishment. L'aile du Parti démocrate affiliée à Bernie Sanders a été totalement marginalisée. Bernie essaie toujours de trouver un terrain d'entente. C'est sa stratégie politique : « Qu'est-ce qui peut unir la coalition la plus large possible ? » À cause de son absence, la gauche s'est divisée en petites factions très agressives qui s'attaquent les unes les autres. Elle n'a pas créé un mouvement bienveillant capable d'attirer les travailleurs, ce qu'a réussi la campagne de Trump : elle a attiré beaucoup de gens de gauche, qui travaillent et ont besoin d'un espoir économique.

« La gauche est devenue très académique et élitiste. Son discours n'est pas en phase avec le peuple. » © Cha Gonzalez / Reporterre

C'est un paradoxe parce que le monde de Trump est celui des hyper riches, d'Elon Musk et de nombreux milliardaires.

Le Parti démocrate est perçu comme plus élitiste que le Parti républicain, qui est un mélange de riches volontiers grossiers et d'autres plus accessibles, en contact avec les classes populaires. Elon Musk échange avec les utilisateurs de Twitter, alors que les riches démocrates ne parlent à personne en dehors de leurs cercles. En 2016, j'ai écrit que le Parti démocrate ressemble à une fête à laquelle vous n'avez pas été invité. C'est une super élite qui a mis en scène un spectacle et pensait que les travailleurs s'y joindraient. Mais les gens se sentaient insultés et exclus. C'est ainsi qu'ils ont élu Trump.

« Le Parti démocrate est une super élite »

Bien sûr, le Parti républicain est au service de l'argent. Il n'a pas été pour autant condescendant envers les travailleurs comme a pu l'être le Parti démocrate. En outre, les expulsions massives promises par Trump ne sont pas seulement une politique raciste, mais aussi une politique économique dans le sens où il promet une redistribution des richesses à la classe ouvrière, de la même manière que les fascistes ont présenté l'antisémitisme comme une redistribution des richesses. C'est ce que dit Trump aux électeurs noirs et latinos : « Ces immigrés prennent votre travail, nous allons les éliminer pour que vous ayez plus d'emplois. » C'est horrible, mais il est important de comprendre qu'il y a une logique économique derrière ce vote.

Quelle doit être la stratégie de la gauche et des écologistes ?

Il faut commencer par examiner honnêtement la façon dont nous sommes perçus. Nous devons nous concentrer sur des politiques écologiques qui soient aussi des politiques de redistribution économique, qui montrent très concrètement qu'il n'est pas nécessaire de choisir entre l'environnement, sa famille et son portefeuille. Nous devrions nous battre pour la gratuité des transports en commun municipaux et pour des pompes à chaleur pour tous qui réduisent la consommation d'énergie et permettent de chauffer et rafraîchir les maisons. Nous pouvons avoir des politiques vertes qui soient des politiques qui rendent la vie beaucoup plus abordable. Nous avons besoin d'un populisme écologique, d'un écopopulisme.

Le problème, c'est qu'il faut une redistribution, mais qu'elle semble absolument bloquée. Les gens savent qu'il y a de grandes inégalités mais ne pensent pas qu'il soit possible de la changer. Le fatalisme domine.

La meilleure façon de lutter contre le fatalisme est d'être stratégique. Choisissez 2 ou 3 projets sur lesquels vous pouvez gagner et gagnez-les ! Alors les gens reprendront espoir. On ne peut pas convaincre un fataliste avec seulement des arguments. Il faut lui démontrer que c'est possible.

Comment ?

Aux États-Unis, Trump est en charge de tout au niveau fédéral, mais les Démocrates sont aux commandes dans des États comme la Californie et dans des grandes villes comme New-York. Il y a beaucoup de critiques à adresser à Joe Biden sur le climat, mais il a réussi à faire passer le texte législatif de l'Inflation Reduction Act (IRA) [un plan d'investissement de 370 milliards de dollars sur dix ans pour engager la transition énergétique]. J'espère donc que la révolution des énergies renouvelables est suffisamment avancée pour qu'elle se poursuive sans politique fédérale. Joe Biden doit débloquer cet argent avant la fin de son mandat pour que les projets soient mis en œuvre sur le terrain. Certains gouverneurs républicains affirment déjà ne pas vouloir se débarrasser de l'IRA parce qu'il leur procurera des financements dont ils ont besoin.

Une autre difficulté est que Trump et l'extrême droite assument totalement de mentir, les faits ne sont plus des éléments sur la base desquels on peut discuter.

Personne n'est complètement attaché à la vérité. Nous choisissons tous nos fantasmes. Le poids de la réalité écologique, économique et militaire rend l'époque très difficile à supporter. Donc nous vivons tous dans nos bulles et nous projetons sur nos adversaires tout ce que nous ne supportons pas chez nous.

« La droite a détruit l'écosystème de l'information »

Mais c'est vrai qu'il y a une approche de plus en plus créative des faits par le Parti républicain. Nous subissons les effets d'une stratégie menée depuis cinquante ans par la droite, qui a détruit l'écosystème de l'information. C'est la raison pour laquelle je parle de choses comme le transport en commun, le prix du chauffage, celui des produits alimentaires... Moins nous sommes dans des débats abstraits sur les causes du changement climatique, mieux c'est.

Quand on parle de populisme écologique, qui est un mot très fort, est-ce que ça veut dire qu'il faut prendre les armes de l'adversaire, sa rhétorique, voire être plus brutal ?

Pour moi, le populisme n'est pas un gros mot.

En France, le populisme est un stigmate utilisé pour vous décrédibiliser.

Nous parlons d'une politique de redistribution et de la volonté de rencontrer les gens là où ils en sont. La gauche est devenue très académique et élitiste. Son discours n'est pas en phase avec le peuple. Quand vous parlez de commerce du carbone, les gens ne comprennent pas de quoi vous parlez. Il est très facile pour vos adversaires de déformer vos concepts. Ce que la droite fait souvent est de prendre un terme académique, comme la théorie du genre, et d'en faire sa propre interprétation. Ils en sont capables parce que les gens ne savent pas ce qu'est la théorie du genre. Alors que dire « j'aime les transports en commun gratuits », c'est facile.

Comment définiriez-vous le populisme ?

Le populisme doit être redistributif, en réponse directe aux besoins économiques des gens. Bernie Sanders est un populiste économique parce qu'il parle de redistribuer les richesses, en se concentrant sur l'augmentation des salaires, sur les soins de santé universels, sur des services qui vont répondre directement aux besoins des gens. Cela est tourné en dérision par le centre comme étant populiste. Je pense que nous devrions au contraire embrasser ces concepts. C'est bien d'être populiste !

Au début des années 2000 il y a eu des Forums mondiaux, comme à Porto Alegre au Brésil. Est-il imaginable d'essayer de faire une remise à zéro de la situation, en partant de l'écologie ? Comment faire renaître un grand mouvement populaire ? Est-ce un rêve ?

Ce n'est pas un rêve si lointain. Il peut y avoir une autre vague qui capture et dirige cette énergie. Les gens sont en colère. Ils comprennent que leurs conditions de vie sont de plus en plus difficiles et stressantes. Ils ont le sentiment que le système est truqué. Un populisme de droite prend cette colère et la dirige vers les personnes les plus vulnérables, en pointant les immigrés comme bouc émissaire. Le populisme de gauche tente de diriger l'énergie populaire contre les entreprises et les élites. Mais cette énergie a été cooptée par les Steve Bannon [ancien bras droit de Donald Trump], Giorgia Meloni [présidente du Conseil italien, d'extrême droite], Marine Le Pen...

La menace militaire semble monter partout dans le monde. Comment y faire face ?

Trump va la nourrir. Il veut davantage de dépenses européennes dans l'armement. C'est aussi une invitation à la gauche pour que nous investissions dans la santé et le logement au lieu du militarisme. C'est un choix difficile. Allons-nous construire des bombes ou des hôpitaux ?

« Nous pouvons investir dans une économie qui donne un espoir de paix avec la Terre et entre nous. » © Cha Gonzalez / Reporterre

Quelle serait la réponse de la gauche à cette question ? Devrions-nous augmenter nos dépenses militaires ?

Non, mais nous pouvons investir dans une économie qui donne un espoir de paix avec la Terre et entre nous. Trump fait miroiter un monde où nous investissons dans les armes offensives et dans un dôme de fer mondial. Nos frontières seraient ainsi protégées contre les effets de nos politiques et de l'immigration de masse... Il pourrait y avoir une autre vision pour la gauche populiste, axée sur la guerre climatique et l'injustice économique.

L'intelligence artificielle est devenue le moteur du capitalisme. Comment va-t-elle changer le paysage politique et quelle devrait être la réponse de la gauche et des écologistes ?

Nous devons identifier les failles dans la coalition bricolée par la droite, qui a beaucoup de vulnérabilités. L'une d'entre elles est que Trump parle déjà d'investir dans l'intelligence artificielle, mais c'est en contradiction avec ce que dit Bannon et des figures de la nouvelle droite qui parlent d'un effondrement spirituel. La gauche n'a pas été douée pour parler de ce sentiment que le monde se déshumanise. Il s'agit d'une question de climat, de droits du travail, mais aussi d'une question spirituelle dont nous devons parler davantage.

. Le Double — Voyage dans le Monde miroir, de Naomi Klein, aux éditions Actes Sud, octobre 2024, 496 p., 24,80 euros.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Traité mondial sur le plastique : « Il faut baisser la production de 75 % »

3 décembre 2024, par Fabienne Loiseau — ,
Les Nations unies se réunissent jusqu'au 1ᵉʳ décembre à Busan, en Corée du Sud, pour tenter d'aboutir à un traité sur la pollution plastique. Henri Bourgeois-Costa, de la (…)

Les Nations unies se réunissent jusqu'au 1ᵉʳ décembre à Busan, en Corée du Sud, pour tenter d'aboutir à un traité sur la pollution plastique. Henri Bourgeois-Costa, de la Fondation Tara Océan, plaide pour un texte ambitieux.

Mise à jour : "Après une semaine de négociations ardues, les 170 pays réunis à Pusan en Corée du Sud n'ont pas réussi à s'entendre sur un premier traité mondial contre la pollution plastique. Les discussions vont reprendre à une date ultérieure. Des délégués accusent un petit groupe d'États producteurs de pétrole d'avoir fait dérailler le sommet par leur obstruction. "(R-C /01-12-2024)

25 novembre 2024 | tiré de reporterre.net

175 pays, plus de 2 000 négociateurs et observateurs, 7 jours de discussions… Après Bakou et la COP29, toute l'attention se tourne cette semaine vers Busan, en Corée du Sud. S'y déroule un autre sommet crucial pour l'avenir de notre planète, celui devant aboutir à un Traité international sur la pollution plastique.

Cette cinquième session du Comité intergouvernemental de négociation (INC-5) devrait en théorie être la dernière. Au cours des deux dernières années, les pays des Nations unies se sont déjà retrouvés à Nairobi, Paris puis Ottawa.

Si rien n'est fait, la production de plastique triplera d'ici à 2060, selon l'OCDE. La Fondation Tara Océan, qui travaille depuis des années à sensibiliser grand public et décideurs sur l'ampleur du fléau que représente la pollution plastique, sera présente à Busan. Henri Bourgeois-Costa, son directeur des affaires publiques, a répondu à nos questions avant son départ pour la Corée du Sud.

Reporterre — Pouvez-vous nous rappeler les enjeux principaux de cette semaine de négociations qui s'ouvre à Busan ?

Henri Bourgeois-Costa — Pour le moment, on a un brouillon de texte — un « draft » — issu de la précédente session de négociations à Ottawa. Ce document énorme comprend un peu toutes les options possibles puisque l'essentiel du texte ne fait pas l'objet d'un accord, et présente donc des visions assez radicalement opposées entre, d'un côté, les pays de la coalition de Haute ambition pour mettre fin à la pollution plastique [1] et, de l'autre, les « Like minded countries » (« les pays qui pensent pareil »), représentant les intérêts pétroliers. On est donc face à un texte qui dit un peu tout et son contraire.

Le président du comité, Luis Vayas Valdivieso, a tenté de proposer une nouvelle voie avec ce qu'il a appelé un « non-paper », c'est-à-dire un document dans lequel il a essayé de synthétiser les choses et de poser les fondamentaux de ce que pourrait être un texte. Mais il l'a fait sans mandat particulier. Ainsi à Busan, les discussions se feront soit sur le texte officiel, soit à partir de ce « non-paper ». Mais certains États pourraient très bien demander à ce que ce dernier soit jeté à la poubelle, puisque officieux.

Que pensez-vous de ce « non-paper » sur le fond ?

Nous sommes beaucoup d'ONG, mais pas uniquement, à souligner son manque d'ambition. L'idée du président, c'est évidemment de rassembler largement. Sauf qu'à vouloir rassembler trop largement, il n'y a plus beaucoup de contenu. Ce texte traite essentiellement des aspects déchets, recyclage, prévention et mécanismes financiers. Mais il n'aborde pas du tout ce qui crispe, à savoir les enjeux de réduction de la production, la question des toxiques et encore moins celle du carbone qui reste un tabou absolu. Même notre ministre a estimé que ce texte méritait d'être largement enrichi.

Un consensus semble impossible en l'état des positions.

Par nature, il ne peut pas y en avoir. Mais je ne pense pas qu'il faille en tirer une conclusion négative. Quand il y a consensus, soit on se retrouve avec des textes ambitieux, mais pas forcément déclinables sur le terrain parce que l'application est laissée au bon vouloir de chacun, soit on aboutit à un texte contraignant, mais dont l'ambition est extrêmement faible. On imagine difficilement que des États dont l'économie est 100 % basée sur le pétrole ou quasiment — je pense aux pays du Golfe en particulier — signeraient un texte ambitieux.

Pour nous, embarquer l'ensemble des pays n'est pas forcément une finalité en soi. L'enjeu, c'est d'embarquer les pays qui sont pertinents, structurants sur la question des pollutions plastiques, à savoir les pays occidentaux qui entraînent cette consommation. Et puis aussi la Chine. Même si elle ne fait pas partie des pays moteurs, l'espoir est encore permis car c'est un pays qui transforme le plastique, pas un pays qui en produit. L'enjeu est moins crucial pour elle que pour un État pétrolier.

Quant aux États-Unis, ils nous ont apporté une énorme bouffée d'espoir juste avant les élections, avec un vrai changement d'attitude de l'administration et des négociateurs, et des prises de parole très encourageantes. Désormais, la proximité du futur président avec les intérêts de la pétrochimie risque clairement de nous compliquer les choses.

Quels sont les sujets qui achoppent aujourd'hui ?

La réduction de la production. Une étude du laboratoire de Berkeley publiée récemment modélise les résultats des différentes options de réduction qui pourraient être prises à Busan. Elle montre bien qu'une politique qui serait axée uniquement autour du recyclage et de l'amélioration de la collecte n'apporterait pas du tout de résultats suffisants. Pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris sur le climat [limiter la hausse des températures bien en dessous de 2 °C], elle évalue qu'il faudrait baisser la production de 75 %.

Plusieurs hypothèses économiques montrent que 50 % de réduction de la production serait déjà tout à fait possible à atteindre, ne serait-ce parce que notre production a complètement explosé. Le Pérou et le Rwanda se sont fixés un objectif de réduction de 40 % à l'horizon 2040. Ce sont les seuls qui ont posé un élément chiffré pour bousculer un peu la discussion, à Ottawa. 40 % de réduction d'ici 2040, c'est revenir à la production de l'année... 2015. Nous appuyons cette proposition, non pas qu'elle soit satisfaisante en elle-même, mais elle nous semble un point de départ intéressant de discussion.

Que craignez-vous si aucun accord n'était trouvé ?

Notre grande crainte, c'est plutôt qu'on se laisse piéger par la tentation d'un texte à tout prix. Le secrétariat des Nations unies nous donne des signes un peu inquiétants d'une volonté allant dans ce sens. Or, un traité arraché à Busan risque d'être un peu pauvre, de ne pas traiter la problématique tout au long de la chaîne, de l'extraction pétrolière jusqu'au consommateur.

Aujourd'hui, toutes les hypothèses sont encore sur la table : de l'échec complet et de la fin des négociations à une poursuite des discussions, avec, par exemple, le lancement d'une sixième session. Autre hypothèse intéressante : avoir une négociation multilatérale en dehors du cadre onusien, avec des pays qui concentreraient leurs efforts à convaincre la Chine sur un texte plus ambitieux, plutôt que de perdre du temps avec des pays qui, de toute façon, ne voudront rien entendre sur les sujets principaux.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

Ni double ni triple ni quadruple peine pour les femmes étrangères !

Dans le cadre de la campagne pour la loi intégrale, le réseau des associations de femmes des quartiers populaires propose plusieurs recommandations liées spécifiquement aux (…)

Dans le cadre de la campagne pour la loi intégrale, le réseau des associations de femmes des quartiers populaires propose plusieurs recommandations liées spécifiquement aux besoins des femmes étrangères et immigrées face aux violences répétées qu'elles subissent tout au long de leur parcours.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Pour une Loi intégrale sur les violences sexistes et sexuelles

Appel du réseau associations de femmes des quartiers populaires d'Ile de France femmes étrangères,

Nous, associations de femmes des quartiers populaires, demandons qu'enfin une loi intégrale incluant les besoins de TOUTES les femmes vivant sur le sol français, soit votée au plus vite et soutenue ensuite par des mécanismes de mise en œuvre efficaces.

Nous rappelons que les violences sexistes et sexuelles qui saccagent les vies de millions de femmes, loin d'être éliminées, sont redoublées sur les plus vulnérables par les institutions ayant autorité. Nous rappelons que le rôle d'un Etat démocratique est de protéger et défendre les personnes qui vivent sur son sol, et non pas d'ajouter une violence institutionnelle aux violences sexistes et sexuelles déjà subies.

Pourquoi une quadruple peine ?

1. L'agression, le viol, les coups, les mutilations, la soumission, l'humiliation, la réduction au statut d'objet : voici un échantillon de ce que vivent les femmes victimes de violences

2. Les séquelles physiques et le traumatisme à vie résultant de l'effraction psychique (opérée) commise par l'agresseur

3. La plainte traitée avec négligence, mépris, soupçon, disqualifiée ou refusée par l'entourage et/ou les institutions supposées la recevoir (refuges, commissariats, services sociaux, …)

4. L'augmentation de la vulnérabilité, déjà immense du fait des peines précédentes, par les blocages et les silences administratifs les livrant au dénuement total et à l'insécurité, pour les femmes étrangères

Soit : prévoir des rendez-vous spécifiques, accélérer les procédures d'obtention du titre de séjour, le renouveler systématiquement en cas de violences, ne pas exiger l'ordonnance de protection pour le renouvellement dès lors qu'une plainte est déposée, faciliter les régularisations,

Evincer systématiquement le conjoint violent du domicile conjugal en veillant à mettre le bail au nom de la victime si elle n'y figure pas
Ne pas ordonner d'OQTF aux femmes victimes de violences après qu'elles aient porté plainte
L'Etat français, en signant la Convention sur l'élimination des discriminations à l'égard des femmes des Nations Unies et la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, a pris la responsabilité de la protection de TOUTES les femmes vivant sur son sol : nous demandons donc qu'il l'assume enfin. Rejoignez-nous !

Nous recommandons donc d'accorder aux femmes étrangères les mêmes droits et la même dignité qu'aux femmes françaises, en prenant en compte leur statut spécifique. Ce qui signifie en accompagnement de la loi cadre intégrale, veiller à :

Créer un programme d'aide juridique pour les femmes étrangères victimes de violences.
Ne pas conditionner les ordonnances de protection à la présence du mari
Garantir l'indépendance économique des femmes étrangères en leur permettant de travailler sans ordonnance de protection
Séparer les dossiers des femmes de leurs maris (et donc ne pas retirer le récépissé de demande de titres de séjour aux femmes dont le mari est violent)
Imposer aux commissariats de recevoir les plaintes sans que le titre de séjour soit un critère
Prendre en compte les demandes de renouvellement des titres de séjour dans le parcours de sortie de violences.

Associations signataires :

Africa-93
Citoyenneté Possible
Djamma Djigui
Excision parlons-en !
Femmes Entraide Autonomie
Femmes de Franc Moisin
Rêv ‘elle toi
Rougemont solidarité
Sunshine
Maison des femmes de Paris
Maison des femmes Thérèse Leclerc
Voix de femmes

https://blogs.mediapart.fr/fonds-pour-les-femmes-en-mediterranee/blog/251124/ni-double-ni-triple-ni-quadruple-peine-pour-les-femmes-etrangeres

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

Les violences sexistes et sexuelles sous relation d’autorité ou de pouvoir : Agir contre ce fléau trop longtemps ignoré

3 décembre 2024, par Cabinet de la Secrétaire d'Etat à l'Egalité — , ,
Rapport remis au gouvernement le 18 novembre 2024 Tiré de Entre les lignes et les mots https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/11/29/les-violences-sexistes-et-se

Rapport remis au gouvernement le 18 novembre 2024

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/11/29/les-violences-sexistes-et-sexuelles-sous-relation-dautorite-ou-de-pouvoir-agir-contre-ce-fleau-trop-longtemps-ignore/?jetpack_skip_subscription_popup

Depuis 2017, de nombreuses réformes législatives visant à mieux lutter contre les violences sexistes, sexuelles, conjugales, intrafamiliales, ont abouti : allongement des délais de prescription, présomption de non-consentement, ordonnances de protection, création de nouveaux délits…

Le Grenelle des violences conjugales a permis des avancées majeures dans la lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales.

Sept ans après #MeToo, force est de constater la persistance des faits de violences sexistes et sexuelles sous relation d'autorité ou de pouvoir malgré les efforts déjà mis en œuvre pour les prévenir.

Plus de 1,4 million de femmes a déclaré avoir subi des violences sexistes et sexuelles hors cadre familial en 2021. Parmi elles, seules 2% des victimes ont porté plainte auprès des forces de l'ordre. Le sexisme et l'emprise se nichent de façon insidieuse dans certaines relations de pouvoir, d'autorité, de subordination, bien au-delà des relations de travail. A titre d'exemple : militants d'un parti politique, élus ou bénévoles au sein d'associations…

Les mécanismes de domination sont les mêmes dans le monde de l'entreprise, du sport, de la santé, des institutions politiques, de la fonction publique ou de la culture et se retrouvent dans l'ensemble des situations où existe un rapport d'autorité.

Au terme de près de 70 auditions, nous pouvons affirmer que les violences sexistes et sexuelles sous relation d'autorité ou de pouvoir sont encore malheureusement un fléau qui s'étend bien au-delà des lieux de travail.

Téléchargements
Télécharger le PDF | Synthèse du rapport PDF – 443.76 Ko
Télécharger le PDF | Tome 1 Rapport PDF – 3.27 Mo
Télécharger le PDF | Tome 2 Rapport : les contributions des personnes auditionnées PDF – 41.21 Mo
Télécharger le PDF | Lettre de mission interministérielle du 22 mars 2024 PDF – 194.15 Ko
Télécharger le PDF | Les 41 recommandations, dont 3 recommandations prioritaires dans le domaine de la santé, du sport et des institutions politiques et 1 recommandation prioritaire dans le domaine de la culture. PDF – 222.38 Ko

Les 15 recommandations prioritaires :

Prévenir :

Étendre la conditionnalité des aides publiques (Etat-collectivités publiques) dans tous les secteurs, y compris les partis politiques, à la mise en œuvre effective de mesures de prévention des violences sexistes et sexuelles (formation, communication…).

Créer un label Agir contre les violences sexistes et sexuelles pour distinguer les structures qui mettent en œuvre des outils de formation et de prévention adaptés.

Confier à un organisme indépendant la certification et le contrôle des organismes de formation sur les violences sexistes et sexuelles et de ceux réalisant les enquêtes internes.

Expliquer les différentes formes de violences sexistes et sexuelles, éduquer sur ce qu'est un rapport de pouvoir, les risques de l'emprise, notamment lors de formations diplômantes, à l'entrée dans l'emploi ou dans le cadre du service national universel.

Rendre la formation aux violences sexistes et sexuelles obligatoire pour toute personne en position d'autorité ou de responsabilité et tous les professionnels intervenant dans la prise en charge des cas de violences sexistes et sexuelles.

Pérenniser et spécialiser les enquêtes de victimation en lien avec les violences sexistes et sexuelles sou rapport d'autorité ou de pouvoir.

Evaluer la loi Rixain du 24 décembre 2021 relative aux grandes entreprises et la loi du 19 juillet 2023 relative à la fonction publique pour atteindre l'objectif d'égalité fixé dans les instances dirigeantes et exécutives et dans les instances disciplinaires.

Repérer :

Généraliser les structures d'écoute et de signalement dont la compétence et l'indépendance sont requises pour briser l'entre soi et susciter la confiance.

Sanctionner :

Permettre aux victimes de violences sexistes et sexuelles hors cadre conjugal de solliciter une ordonnance de protection.

Inciter et mieux accompagner les organisations dans la réalisation d'enquêtes internes avec sanctions administratives ou disciplinaires, équitables, rapides et dissuasives, sans attendre l'issue des procédures judiciaires, avec publication annuelle d'un rapport quant aux mesures prises.

Expérimenter dans les juridictions la création de pôles spécialisés sur les violences sexistes et sexuelles dans le cadre de relations de travail, qui confèrent au juge des compétences tant pénales que prud'homales.

Accompagner et réparer :

Permettre l'octroi de l'aide juridictionnelle dès le dépôt de plainte.

Améliorer la formation des experts judiciaires psychologues ou psychiatres et augmenter le nombre d'experts spécialisés dans l'évaluation des conséquences physiques et psychologiques des violences sexistes et sexuelles.

Augmenter les conditions de prise en charge par les assurances ou les mutuelles des frais liés à une action judiciaire et aux soins des victimes de violences sexistes ou sexuelles.

Enfin, afin de continuer à lutter contre les violences sexistes et sexuelles, certains dispositifs seront mis en place : le lancement d'un Grenelle des violences sexistes et sexuelles, une campagne de communication grand public et la création d'une commission de suivi des recommandations.

Les membres de la Mission interministérielle sur les violences sexistes et sexuelles sous relation d'autorité et de pouvoir :

Christine ABROSSIMOV, administratrice de l'Etat
Christine CALDEIRA, secrétaire générale de l'ANDRH
Angélique CAUCHY, sportive de haut niveau, présidente de l'association Rebond
Bariza KHIARI, ancienne sénatrice de Paris et vice-présidente du Sénat
Marie-France OLIERIC, gynécologue obstétricienne, chef de pôle Femme mère enfant du CHR de Metz-Thionville et présidente de l'association Donner des ELLES à la santé
Rachel-Flore PARDO, avocate au Barreau de Paris et activiste féministe

Contact :

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

Violences : dépasser l’indignation

La lutte contre les violences faites aux femmes est multiple. Les dénonciations des actes sexistes ici et ailleurs fleurissent. Ce sont des bonnes nouvelles. En même temps, la (…)

La lutte contre les violences faites aux femmes est multiple. Les dénonciations des actes sexistes ici et ailleurs fleurissent. Ce sont des bonnes nouvelles. En même temps, la montée en puissance d'un masculinisme politique explose.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Comment expliquer ce vase communiquant ? Comment le combattre ? Identifier et nommer les différents types de violences, les croiser avec l'ensemble des systèmes de domination, devient impératif pour ne pas fondre sous l'ignorance délibérée produite par les dominants.

L'actualité internationale nous le montre tous les jours. Les violences faites aux femmes sont réelles [1], matérielles, physiques ou psychologiques et pas uniquement symboliques [2]. Leur liste, non exhaustive, est elle-même violente, obscène et archaïque : féminicides, violences sexuelles dont incestes, violences conjugales, harcèlement, trafic/prostitution, violences médicales (accouchement, endométriose, règles, douleur…), violences juridiques…

Ces violences sont concomitantes et imbriquées avec des violences produites par le racisme, le classisme, le validisme, l'âgisme. De nos jours, il vaut mieux être un homme quadra blanc riche hétérosexuel et bien portant qu'une jeune femme racisée lesbienne et malade ou handicapée… personne que nous désignerons ici avec le terme « invisible ».

Ces violences s'accompagnent de violences verbales, de langage, de vocabulaire, d'imaginaire, d'interprétation, de représentations et descriptions de savoirs et connaissances dominantes (clichés, poncifs, stéréotypes, mythes), ensemble qui est appelé les violences épistémiques [3].

Arrêtons-nous sur ces violences épistémiques. Il en existe plusieurs types. Par exemple, il est courant d'exclure ou de rire des invisibles. On ne les prend pas au sérieux, on ne les croit pas, on les décrédibilise ou on ridiculise ce qui n'est pas dans la norme, un peu partout, à la maison, dans les émissions de tv, sur les réseaux sociaux, dans les assemblées, dans les commissariats, dans les tribunaux, dans les hôpitaux…

Il est également courant de rendre ces invisibles coupables de leur sort, qu'elles soient malades, opprimées, agressées : elles ne prennent pas bien soin d'elles, sont influençables, n'ont pas de volonté, ne se mettent pas en avant, s'habillent mal, ou au contraire aguichent, provoquent, cherchent à nuire…

Il est encore courant de les inviter à se corriger individuellement : positiver, prendre soin de soi, augmenter son estime de soi, faire le deuil d'une rupture, d'une agression, d'une maladie, investir son développement personnel…

Il est toujours courant de les inviter à mériter un meilleur sort : si on veut on peut. C'est la méritocratie : si chacune ne se bat pas dans son coin pour sortir de l'impasse, elle restera seule responsable des violences qu'elle subit.

Il est aussi courant de transformer les invisibles en objets (de violence) versus sujets (de lutte). Les femmes, et en particulier les femmes racisées pauvres, seraient des victimes « par essence » [4], par nature moins fortes et moins endurantes que les hommes, moins volontaires, avec des humeurs changeantes, parfois hystériques, se plaignant pour rien…

Il est enfin courant d'entendre que les hommes eux aussi des victimes car visés par des injonctions constantes à la masculinité ou au virilisme. Pourtant, la comparaison avec l'oppression des femmes est aberrante, disproportionnée.

Toutes ces violences épistémiques servent à mieux oblitérer les vrais coupables : bien évidemment les hommes violents et leurs complices mais aussi, par leur intermédiaire mais pas seulement, le patriarcat, le libéralisme, les politiques sécuritaires, culturelles, sportives, éducatives, de santé…

Ces violences épistémiques sont le résultat d'une hiérarchie des savoirs : entre femmes et hommes, entre riches et pauvres, entre racisé·es et « Blancs », entre jeunes et aînés, entre bien portants et malades. Elles sont héritées de différents systèmes de domination dont la mondialisation, l'occidentalisation, le capitalisme et antérieurement l'impérialisme, le colonialisme, ce que désigne la colonialité du pouvoir [5]. Ces systèmes ont besoin de produire de l'aliénation, de la ségrégation, de l'oppression, des hiérarchie sociales, de l'ignorance, pour se maintenir. Hannah Arendt avait prévenu : « Pour s'implanter, le totalitarisme a besoin d'individus isolés et déculturés, déracinés des rapports sociaux organiques, atomisés socialement et poussés à un égoïsme extrême. » [6]

Les offensives masculinistes

Nous comprenons mieux pourquoi, dans ce contexte, les discours populistes, masculinistes et traditionalistes se durcissent. Ils sont extrêmement présents dans la sphère politique au point de construire un masculinisme politique [7], pour ne pas dire un masculinisme d'État. En France, le hashtag #ReversDeLaMédaille, créé en 2021 par les « mascus », comme ils se nomment eux-mêmes, de l'« Armée des Médailles », a pour but d'alimenter « le combat » entre féministes et masculinistes [8]. Leur tactique de cyberharcèlement consiste à créer de faux hashtags incitant des féministes à les alimenter, puis à révéler qu'ils sont en réalité des hommes pour mieux les humilier. Partout dans le monde, des hommes politiques, au plus haut niveau de l'échelle du pouvoir, tels Donald Trump [9], Javier Milei [10] ou encore Viktor Orbán [11], et en leurs temps Jair Bolsonaro [12] ou Jacob Zuma [13], diffusent de fausses informations sur leurs adversaires, appellent au surarmement et au maintien au pouvoir par la force, dans le but d'assoir leur électorat et de consolider leur rhétorique xénophobe, anti-avortement, misogyne, antiféministe, homophobe hypermasculiniste, populiste autoritaire. Ces intrusions délibérées sont l'expression d'un désarroi politique à l'échelle internationale, désarroi lié au sentiment accru de perte de légitimité tant institutionnelle locale qu'internationale. La quête de légitimité s'opère de fait sur le terrain de l'affirmation d'une forte identité sexuelle masculine (y compris chez les femmes en position de pouvoir), en tant que seule force possible, seule expression de puissance possible.

Les contrepoints féministes

Quels sont alors les contrepoints possibles aux systèmes de domination ? Nous en connaissons déjà beaucoup. Sur internet, depuis quelques années, des hashtags, des médias ou des podcasts féministes ont largement fait surface dans le but de dénoncer les violences. Pour ne citer que quelques exemples, prenons #metoo, #BalanceTonPorc, simonemedia, madmoizelle, Un podcast à soi, Les couilles sur la table. Leurs contenus s'articulent autour de récits intimes, de paroles d'expert·es, de textes littéraires et de réflexions personnelles sur l'inceste, le harcèlement sexuel, le travail domestique, la prostitution, les violences obstétricales, la religion, les masculinités… Les hashtags en particulier permettent, par l'ampleur de la mobilisation qu'ils produisent, d'engager des procès, d'aggraver des charges pour agressions sexuelles, d'ouvrir des enquêtes, de prendre la parole. Les exemples là aussi sont nombreux : procès pour viol du producteur de cinéma Harvey Weinstein, dénonciation des violences dans les arts et la culture, dans les grandes écoles en France et ailleurs. Plus militants, les hashtags #decolonisonslefeminisme ou #feminismedecolonial permettent de dénoncer l'intersectionnalité des agressions sexuelles et d'articuler le racisme avec l'augmentation des interventions policières et carcérales de l'État.

Toutes ces actions expriment des luttes qui naissent du quotidien, là où le vécu inspire des femmes, là où l'imagination, stimulée par l'urgence, reprend le pouvoir. Nous assistons à une forme de confrontation, par laquelle ces militantes de la dénonciation sortent de l'isolement. Elles mettent en exergue le silence ou les mensonges des coupables et la complicité sociale dont ils bénéficient. Elles créent du collectif et excluent l'individuel, l'égocentrisme, l'entre-soi ou encore le ponctuel isolé. D'autres manifestent leur fragilité liée aux agressions multiples (de classe, de race, de genre, validiste, homophobe…) [14], s'insurgent contre la « racialisation » dans le travail ou les arts, contre la « culture de l'effacement » (de l'esclavage, de la colonisation, des violences sexuelles…).

L'indignation, nécessaire, est-elle suffisante ?
Parmi les personnes qui prennent la parole, certaines prolongent la dénonciation dans la rue, sur les murs, au parlement, dans les médias traditionnels, dans les palais de justice. Elles interpellent les pouvoirs publics, continuent leur travail de repérage, organisent des formations ou stimulent des pistes de recherche, se mobilisent pour le matrimoine, boycottent des interventions à forte prévalence sexiste et publient des livres, des photos ou illustrations, produisent des reportages ou documentaires sonores ou filmés.

Cette production de connaissances me semble impérative, sans quoi le risque de proroger le mépris consacré aux invisibles demeure effectif.

Plus encore, au-delà de la victimisation, de la demande de protection ou d'écoute, des doléances ou des revendications, voire même de la critique, il me semble essentiel que des personnes se mettent en action mais aussi qu'elles diffusent leurs connaissances et cela en invalidant le féminisme washing, lui aussi très courant et contreproductif. Le plus important me semble de tisser des liens entre les violences faites aux femmes et les violences multiples produites dans le monde par le capitalisme fondé sur le patriarcat : guerres, génocides, mouvements anti-écologie, populismes.

L'objectif est de transformer les langages, les expressions, les représentations, le vocabulaire du quotidien, de rompre avec les évidences. Quand nous nous engageons sur cette route, nous entrons en résistance contre les dominants car nous politisons le contexte où les savoirs non dominants sont produits. Nous redonnons de la signification au politique. Nous posons, à très grande échelle, la question de la lutte contre la production délibérée d'ignorance et celle de la maîtrise des connaissances, qui demandent à être produites par, et non simplement fournies pour, les femmes, pauvres, racisées…

Par effet retour, les invisibles deviennent conscientes de leur pouvoir effectif, de leur potentiel [15]. Elles écartent les notions d'inégalités (entre les sexes, les races, les classes, les âges, les validités), partie émergée des différentes dominations, pour mieux identifier ce qui les structurent : hiérarchie, hégémonie, oppression, coercition, aliénation [16].

Aussi Écrivons ! Dessinons ! Filmons ! Enregistrons ! Diffusons ! Transmettons ! Mais surtout croisons les dominations en tissant des liens entre violences faites aux femmes et racisme, classisme, validisme, âgisme, militarisation, destruction de la planète, masculinisme, fascisme ! Veillons à créer un langage critique radical de l'oppression ! Rompons ainsi avec l'impunité des vrais coupables et avec la banalité du mâle ! Nous pourrons alors parler de radicalité qui sert une transgression active.

Joelle Palmieri, 25 novembre 2024
https://joellepalmieri.org/2024/11/25/violences-depasser-lindignation/

[1] Nicole Claude-Mathieu évoque le terme oppression pour définir les violences exercées par les hommes sur les femmes et insiste sur l'idée de « violence exercée, d'excès, d'étouffement ». N. Claude-Mathieu, « Des déterminants matériels et psychiques de la conscience dominée des femmes et de quelques-unes de leurs interprétations en ethnologie », L'anatomie politique, catégorisations et idéologies du sexe, Éditions Côté-femmes, 1991
[2] Pierre Bourdieu considère que la domination masculine place les femmes « dans un état permanent d'insécurité corporelle ou, mieux, de dépendance symbolique ». P. Bourdieu, La Domination masculine, Paris, Éditions du Seuil, 1998.
[3] Gayatri C. Spivak, In Other Worlds : Essays in Cultural Politics, New York, Routledge, 1988, 336 p.
[4] F. Collin, « Le philosophe travesti ou le féminin sans les femmes », communication présentée dans le cadre du Colloque : Les formes de l'anti féminisme contemporain, qui s'est tenu au Centre Georges-Pompidou à Paris en décembre 1991.
[5] A. Quijano, « Colonialité du pouvoir et démocratie en Amérique latine », Multitudes « Amérique latine démocratie et exclusion, Quelles transitions à la démocratie ? », juin 1994.
[6] H. Arendt, The Origins of Totalitarianism, 3 volumes, New York : Harcourt Brace & Co., 1951.
[7] J. Palmieri, « Afrique du Sud : le traditionalisme et le masculinisme au secours du pouvoir politique », Revue Africana Studia, n°30, Edição do centro de estudos africanos da universidade do Porto, 2019, p.169-191
[8] A. Gayte, « #ReversDeLaMedaille : dans les coulisses d'une opération de cyberharcèlement masculiniste », numerama, 3 mars 2021,
https://www.numerama.com/politique/692328-reversdelamedaille-dans-les-coulisses-dune-operation-de-cyberharcelement-masculiniste.html, consulté le 18 octobre 2022.
[9] P. A. Dignam & D. A. Rohlinger, “Misogynistic Men Online : How the Red Pill Helped Elect Trump”, Journal of Women in Culture and Society, n° 44 (3), 2019, p. 589-612 ; A. Smith & M. Higgins, “Tough guys and little rocket men : @Realdonaldtrump's Twitter feed and the normalization of banal masculinity”, Social Semiotics, n°30 (4), 2020, p. 547-562.
[10] S. Cartabia et P. Lenguita, « Le programme de Milei est une offensive contre les femmes et les personnes LGBTQI+ », Contretemps, 30 avril 2024,
https://www.contretemps.eu/milei-offensive-femmes-lgbtqi/, consulté le 25 novembre 2024.
[11] Z. Szebeni & V. Salojärvi, “Authentically” Maintaining Populism in Hungary – Visual Analysis of Prime Minister Viktor Orbán's Instagram”, Mass Communication and Society, 2022.
[12] R. F. Mendonça & R. Duarte Caetano, “Populism as Parody : The Visual Self-Presentation of Jair Bolsonaro on Instagram”, The International Journal of Press/Politics, n°26 (1), 2021, p. 210-235.
[13] C. Van Der Westhuizen, “100% Zulu Boy” : Jacob Zuma And The Use Of Gender In The Run-up To South Africa's 2009 Election, Women's Net, 2009,
https://za.boell.org/2014/02/03/100-zulu-boy-jacob-zuma-and-use-gender-run-south-africas-2009-election-publications, consulté le 25 novembre 2024.
[14] Le courant victimaire des « snowflakes » (flocons de neige) désigne des étudiant·es hyper-sensibles qui se sentent agressé·es à tout propos et qui surenchérissent les interdictions. Par exemple, iels exhortent les campus à ne pas applaudir des professeur·es pour ne pas heurter les malentendant·es. S. Perez, « Ici Londres, les étudiants parlent aux étudiants », L'Incorrect, n° 26, décembre 2019, p. 26.
[15] Selon Hannah Arendt, la domination « de l'homme sur l'homme » est une version falsifiée et falsifiante du pouvoir. La philosophe dissocie la domination – rapport de commandement basé sur la violence – et le pouvoir, qui renvoie à l'expérience de la liberté. Ainsi le pouvoir présente-t-il, à l'inverse de la relation de domination, plus un potentiel commun à un groupe qu'un caractère hiérarchi­que. H. Arendt, « Sur la violence », Du mensonge à la violence. Essais de politique contemporaine, traduction française, Paris, Calman-Lévy, 1972, p. 105-208.
[16] I. Théry, « Hiérarchie/inégalité, autorité/pouvoir, domination », Annuel de l'APF, n°2017 (1), 2017, p. 111-130.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

La prison est une courroie de transmission des systèmes d’oppression

3 décembre 2024, par Alicia Alonso Merino, Gabriela Moncau , Helena Zelic — ,
L'avocate et militante féministe parle de la lutte anticarcérale dans le monde et des violations subies par les femmes emprisonnées Tiré de Entre les lignes et les mots (…)

L'avocate et militante féministe parle de la lutte anticarcérale dans le monde et des violations subies par les femmes emprisonnées

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/11/24/la-prison-est-une-courroie-de-transmission-des-systemes-doppression/?jetpack_skip_subscription_popup

« D'abord, le féminisme m'a conduit dans les prisons, les prisons, à l'abolitionnisme, et de là à unir le féminisme et la lutte anticarcérale », résume l'avocate et militante espagnole Alicia Alonso Merino. Elle avait déjà participé depuis sa jeunesse à des collectifs féministes dans sa ville, Valladolid, lorsqu'à l'âge de 35 ans elle a commencé à animer des ateliers de médiation sur la violence à l'égard des femmes dans les prisons féminines. « Aller en prison m'a fait voir tout l'abandon des femmes par le système, la discrimination, le fait qu'elles n'étaient pas prises en compte. J'ai donc commencé à dénoncer ces discriminations, en travaillant avec différentes organisations », raconte-t-elle.

Alicia a également vécu en Argentine et au Chili, et vit actuellement en Italie. Partout où elle va, elle s'engage avec des organisations de défense des droits humains et collabore pour que les personnes emprisonnées connaissent leurs droits. Selon elle, l'inutilité de la prison pour répondre aux conflits sociaux est commune à tous les pays : « la prison produit beaucoup plus de dommages sociaux, personnels et individuels, et ne résout aucun des problèmes pour lesquels les gens y sont enfermés », conclut-elle.

L'interview ci-dessous a été accordée au Capire et au journal Brasil de Fato quand Alicia était à São Paulo pour promouvoir l'édition brésilienne de son livre Féminisme anticarcéral : le corps comme résistance

Quelle est la relation entre les luttes féministes et anticarcérales ? Pourquoi considérez-vous que le corps est au cœur de la résistance ?

La prison t'enlève ton autonomie. En prison, tout est réglementé. Elle t'infantilise. Tu ne peux rien décider, ni l'heure à laquelle tu te lèves, ni l'heure à laquelle tu peux parler au téléphone, ni l'heure à laquelle tu peux te doucher, ni l'heure à laquelle tu manges. Tu dois demander la permission pour tout. Lorsque nous n'avons aucune autonomie pour quoi que ce soit, le peu qui nous reste est notre propre corps. Et c'est avec le corps que beaucoup de femmes expriment leur douleur. Se blessant, par exemple. Souvent pour apaiser une douleur plus grande, comme être loin de ce qu'elles comprennent comme leurs devoirs de soins, loin des enfants, elles ont besoin de ressentir une douleur physique pour faire taire la douleur de l'âme.

Souvent, le seul instrument de lutte politique pour attirer l'attention est la grève de la faim. Le corps devient un lieu de résistance. Donc, l'une des critiques que nous faisons au système carcéral est que, en tant que féministes, nous voulons l'autonomie sur nos vies et nos corps.

Cela se fait activement à travers ce qu'on appelle des programmes de rééducation, qui reproduisent souvent les rôles de genre, avec des cours de coiffure, de nettoyage et d'hôtellerie, de sorte que lorsque nous partons, nous continuons avec nos mêmes rôles. Et cela se fait aussi au moyen de sanctions, lorsque les prisonnières désobéissent. La recherche que j'ai faite a trait à la politique de sanctions. Les femmes en prison sont proportionnellement plus punies que les hommes, même si les profils criminologiques sont totalement différents. Les femmes emprisonnées commettent généralement des crimes de pauvreté. Il y a rarement de la violence, il y a principalement du micro-trafic et des vols. Cela est lié à la situation économique. On pourrait penser qu'elles sont beaucoup plus dangereuses parce qu'elles sont plus sanctionnées, mais ce qui se passe, c'est que le système est aussi patriarcal, donc il tolère moins leur désobéissance que celle des hommes.

Je vois le système carcéral comme une courroie de transmission pour les systèmes d'oppression. Il y a une surreprésentation des femmes racialisées, diversifiées et autochtones. Cela a à voir avec la sélectivité criminelle, avec le populisme punitif.

Quelles sont les similitudes et les différences du système carcéral dans le Nord et le Sud du monde ?

Je vois que c'est pareil. On peut dire que les différences sont esthétiques. Elles sont importantes, car ce sont les conditions matérielles qui provoquent plus de surpopulation, plus de violence, plus d'arrestations préventives. Mais dans toutes les régions du monde, la pauvreté est incarcérée et il y a une surreprésentation des populations majoritaires qui sont traitées comme des minorités. Ceci est pareil dans le monde entier. Dans l'État espagnol, par exemple, la plupart des femmes arrêtées sont des immigrées et des Roms, qui sont des femmes racialisées. Au Brésil, il y a une majorité de femmes noires.

Il est également courant presque partout dans le monde que la plupart soient emprisonnées pour deux délits : le micro-trafic et les crimes contre les biens. Il s'agit d'une surprotection générale du droit de propriété, qui est en rapport avec les origines des codes pénaux en France à partir de 1800 et qui ont rapidement été copiés dans le reste du monde. C'était une époque où la propriété devait être protégée de manière forte et ceux qui ont créé ces lois étaient ceux qui avaient le pouvoir de les appliquer aux autres, jamais à eux-mêmes. D'une certaine manière, cela n'a pas changé.

La prison est la prison partout : elle génère de la douleur, sépare les familles et ne résout pas les conflits sociaux. Au contraire, elle reproduit les inégalités et les oppressions.

Vous êtes Espagnole, vous avez été au Chili, en Argentine, en Italie. Quels mouvements anticarcéraux vous trouvez intéressants dans ces lieux ?

Ce qui m'intéresse le plus et ce que j'admire, ce sont les mouvements féministes anti-prisons en Amérique latine, qui sont des groupes différents dans différents pays. Ils sont maintenant en réseau et ont récemment tenu une réunion en Équateur. Il y a des femmes du Chili, d'Argentine, de Colombie, d'Équateur, du Mexique. Ce sont des femmes qui ont commencé à travailler dans les prisons en faisant des ateliers féministes. Ce qu'elles font, c'est diluer les murs qui séparent l'intérieur et l'extérieur. Les camarades qui partent finissent par s'intégrer dans ces organisations, donc ce ne sont pas celles de l'extérieur qui travaillent avec celles de l'intérieur, mais plutôt l'union de réalités différentes qui finissent par dériver dans la lutte anticarcérale. Je pense que c'est l'une des choses les plus intéressantes et que j'admire beaucoup.

Il existe de petits réseaux en Italie, comme le mouvement « Pas de prison ». Dans l'État espagnol, nous essayons maintenant de construire un réseau anti-punitif et il existe des groupes anticarcéraux qui travaillent pour dénoncer les conditions des personnes emprisonnées. Il est très difficile d'articuler un réseau entre ces groupes.

Et le fait est que le féminisme anticarcéral est composé de deux mots très inconfortables pour le mouvement féministe plus institutionnalisé et aussi pour le mouvement anticarcéral, où parfois le mot « féminisme » fait du bruit. C'est donc compliqué, ces deux mots ensemble génèrent une certaine résistance, mais ils sont aussi une provocation.

Vous soutenez que pour lutter contre le système pénal et la culture de la punition, il ne suffit pas d'abolir les prisons, mais de penser à des formes de justice préventives ou transformatrices. Pouvez-vous commenter des exemples d'expériences que vous trouvez intéressantes ?

D'une part, il s'agit de travailler à réduire autant que possible la prison, avec des propositions émanant du réseau de désinscription, abordant les quatre piliers qui soutiennent le système pénitentiaire : culturel, juridique, politique et économique. Je crois que le pilier culturel est le plus compliqué, car il est enraciné dans la culture de la punition que nous avons si intériorisée et qui nous amène à nous tourner vers la police face à tout problème. C'est aussi dans ce sens de vengeance et de punition que nous avons profondément inculqué.

Il y a, de plus, les propositions de justice transformatrice, qui sont liées à la construction communautaire. Dans des sociétés très individualistes, il est nécessaire de construire des communautés fortes qui sont responsables des conflits. Ne vivons pas le conflit comme quelque chose d'individuel, mais comme la responsabilité de chacun pour les dommages générés et la réponse nécessaire. Que la sécurité soit également créée pour que la personne qui a subi une blessure se sente en sécurité et avec des garanties de non-répétition.

Dans la justice communautaire des peuples autochtones – sans idéaliser, mais plutôt à la recherche d'éléments qui peuvent être sauvés, en particulier en Amérique latine – il y a des expériences très intéressantes d'auto-organisation et de réponse communautaire. D'autre part, il y a la justice transformatrice, qui a des expériences en particulier aux États-Unis, où les communautés fortement criminalisées et réprimées ne peuvent pas recourir à la police, car la police les criminalise. Ces communautés ont donc dû trouver des moyens de résoudre leurs conflits et les dommages sociaux.

Comment voyez-vous le mouvement de privatisation des prisons ces derniers temps ? Quelle est la relation entre la prison et le néolibéralisme ?

Il y a ceux qui sont experts dans l'analyse du complexe industriel-militaire-carcéral aux États-Unis et comment ils en ont fait une entreprise qui les a amenés à être le pays avec le plus grand nombre de personnes emprisonnées. Garder les gens incarcérés est un business, ce qui est une aberration.

Mais la relation entre capitalisme et prison remonte au tout début de l'histoire des prisons. Il y a deux auteurs italiens, Melossi et Pavarini, qui ont un livre intitulé Prison et usine [The prison and the factory], dans lequel ils racontent comment les prisons sont nées pour discipliner les masses de vagabonds, des gens qui ne faisaient rien et qui, par la solitude et le travail, pouvaient être « réformés » pour devenir de « bons citoyens ». Dans le cas des femmes, cette origine est également marquée par la religion, la gestion des prisons pour femmes étant assurée par des ordres religieux.

Cette docilisation visait à enseigner les métiers domestiques afin que les femmes puissent être fidèles et bonnes servantes de la bourgeoisie et des élites locales par la prière et le travail. Dès le début, il y a une relation étroite avec le capitalisme, comme moyen de discipliner les masses laborieuses, et aujourd'hui c'est devenu un business, avec de nombreuses personnes qui gagnent de l'argent grâce aux prisons – non seulement celles qui y travaillent directement, mais aussi les juges, avocats et entreprises qui profitent du travail semi-esclave effectué dans les prisons.

Quelle banque gère le pécule ? Le pécule est l'argent des prisonniers, qui n'utilisent pas d'argent liquide, mais ont une sorte de compte, avec une banque gérant tout cela. Quelle est cette banque ? En Espagne, c'est la banque Santander. Il existe également un monopole sur les appels téléphoniques et la vente de marchandises à l'intérieur de la prison. Il y a des entreprises qui profitent de tout cela. Cela ne suit pas le modèle du complexe militaro-industriel des États-Unis, mais c'est aussi une entreprise pour de nombreuses personnes.

Il n'y a actuellement aucun moyen de parler des prisons sans parler des attaques brutales de la Palestine et d'Israël et de ses diverses formes d'arrestations, de persécutions et de violations des droits humains. Nous aimerions que vous nous fassiez part de vos commentaires à ce sujet.

Avant le 7 octobre de l'année dernière, la situation était déjà terrible à tous les niveaux. Premièrement, parce que les Palestiniens n'ont pas les garanties judiciaires du reste des citoyens en Israël. Ils sont persécutés, détenus et jugés par l'armée, traités par des tribunaux militaires, même s'ils sont des civils.

Le Groupe de détention arbitraire de l'ONU stipule que les civils ne peuvent pas être jugés par l'armée. Ces détentions, outre administratives, fondées sur les lois de l'époque de la colonie britannique, sont également arbitraires. Il y a des milliers de personnes en détention arbitraire en Palestine, et qui, en plus, sont expulsées de leurs lieux d'origine et emmenées dans des prisons dans ce qu'on appelle maintenant l'État d'Israël. Cela viole toutes les normes internationales qui stipulent que vous ne pouvez pas transférer des personnes de votre territoire. Cela viole la quatrième convention de Genève. Ainsi, Israël viole de façon permanente les droits humains des personnes qu'il détient en Palestine.

Depuis le 7 octobre dernier, tout a empiré. Il est évident qu'un peuple entier est exterminé sans qu'il y ait de la pression internationale. Israël n'autorise pas non plus la presse internationale à entrer. D'après le peu qui en sort, on voit qu'il y a des camps de concentration. On parle de milliers de personnes « kidnappées » par Israël, on ne sait pas dans quelles conditions. Certaines photos montrent une sorte de « Guantánamos », comme on les appelle.

Les conditions de détention des prisonniers à Gaza et en Cisjordanie se sont aggravées. Ils incarcèrent sans discernement. Si auparavant il y avait une politique de faute professionnelle médicale, maintenant elle s'est intensifiée. Des gens meurent par manque de soins. Certains sont blessés et, incarcérés, on les laisse mourir, ce qui reste impuni. À cela s'ajoutent les mauvais traitements, les agressions sexuelles, la surpopulation et l'absence de conditions de vie minimales. Avant c'était déjà grave, c'était déjà dénonçable. Mais maintenant, la situation s'est aggravée de manière alarmante. Nous devons continuer à parler de la Palestine parce qu'ils veulent rayer la Palestine de la carte.

Quelles réponses devons-nous apporter à cette situation, à partir du féminisme et de la lutte anticarcérale ?

Nous sommes conscients que pour abolir les prisons, le droit pénal et la culture de la punition, nous devons abolir le monde tel que nous le connaissons. Construire un autre monde. Il n'y a pas d'autre remède pour avancer que de s'impliquer dans cette dénonciation. C'est tellement aberrant, tellement impuni ce qui se passe, que nous ne pouvons pas rester silencieuses. En tant que féministes anticarcérales, anticolonialistes, antiracistes, nous devons être également impliquées dans cette lutte contre la colonisation et le sionisme.

Interview réalisée par Gabriela Moncau et Helena Zelic
Traduit du portugais par Andréia Manfrin Alves
https://capiremov.org/fr/entrevue/alicia-alonso-merino-la-prison-est-une-courroie-de-transmission-des-systemes-doppression/

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

« Pour un accompagnement feministe et abolitionniste des personnes victimes de la prostitution »

3 décembre 2024, par Genevieve Duche , Francine Sporenda, Marie-Hélène Franjou — , ,
Interview de Genevieve Duche et Marie-Helene Franjou par Francine Sporenda Tiré de Entre les lignes et les mots Geneviève Duché et Marie-Hélène Franjou (anciennes (…)

Interview de Genevieve Duche et Marie-Helene Franjou par Francine Sporenda

Tiré de Entre les lignes et les mots

Geneviève Duché et Marie-Hélène Franjou (anciennes présidentes et actuellement membres du CA) viennent de publier « Pour un accompagnement féministe et abolitionniste des personnes victimes de la prostitution, une violence sexuelle et sexiste » (publication Amicale du Nid, octobre 2024). Le livre est préfacé par Ernestine Ronai (membre du CA et responsable de l'Observatoire des violences envers les femmes de Seine Saint Denis). En lecture gratuite sur le site de l'Amicale du Nid [1].

FS : Pourquoi n'est-il pas possible d'accompagner efficacement les femmes qui veulent sortir de la prostitution hors d'un cadre d'intervention féministe ?

GD et MHF : Evidemment il faut ajouter « abolitionniste » à « féministe » comme dans notre titre puisque certains groupes se disent féministes et non abolitionistes.

La très mauvaise estime d'elles-mêmes des femmes en situation de prostitution, résultat des violences subies souvent avant et par la prostitution, ne doit pas rencontrer de propos culpabilisants ou infantilisants ou renforçant l'idée que c'est un moyen de gagner de l'argent comme un autre. Accompagner une personne prostituée c'est lui proposer d'analyser avec elle les épisodes de sa vie ayant conduit à la situation de prostitution, le comment elle s'est retrouvée dans cette situation, c'est permettre l'abandon de la culpabilité pour retrouver la confiance en soi nécessaire au franchissement de nombreux obstacles à la sortie de la prostitution. C'est aussi permettre la prise de conscience d'être victime d'un système prostitutionnel lui-même produit par le système patriarcal. Nous développons dans le livre l'importance du statut de victime de violences sexuelles et sexistes qui n'est pas passivité mais au contraire moyen de se battre et de faire valoir ses droits fondamentaux. Nous voyons bien aujourd'hui avec le mouvement #Me Too combien il faut de ténacité, de force, de courage aux victimes qui dénoncent les violences sexuelles subies et les hommes qui les ont perpétrées contre elles. L'intervention féministe, c'est aussi faire se rencontrer les personnes ayant vécu les mêmes humiliations et dominations pour avoir le support des paires. C'est une solidarité mise en œuvre, une égalité, et non un accueil surplombant entre quelqu'une qui est en position de demande d'aide et quelqu'une qui est en position de savoir aider. L'intervention féministe rend possible le questionnement sur les violences qui font souvent peur aux intervenantes sociales trop peu encore formées dans ce domaine et les implique dans leur propre cheminement et lutte contre l'oppression masculine. Ce sont des féministes qui ont mis à jour, dénoncé l'omniprésence des violences sexuelles et sexistes dans les sociétés patriarcales, qui ont analysé leurs mécanismes (domination, emprise, égotisme masculin etc.) et leurs effets sur la santé physique, psychique (stress post traumatique etc.) et sexuelle des victimes, qui ont dit les violences subies, qui ont écouté et entendu leurs sœurs.

MH F : « Parole de médecine… les atteintes à la santé sont majeures dans la prostitution, nous avons développé cet aspect dans notre livre. Le droit à la santé, selon l'OMS est le droit de jouir « du meilleur état de santé physique et mental qu'il soit possible d'atteindre ». Ce droit concerne l'accès aux services de santé mais aussi à l'attention à porter à tous les facteurs qui ont un impact sur la santé. Les femmes en situation de prostitution subissent quotidiennement des violences sexistes et sexuelles qui ont toutes sortes de conséquences négatives sur leur santé psychique, physique et sexuelle et sont de graves atteintes à leurs droits fondamentaux ».

GD : » L'accompagnement féministe d'une personne prostituée n'est pas un enrôlement, c'est lui permettre, en apportant des clés de compréhension et en rompant sa solitude par de la solidarité, de se mettre sur son propre chemin pour la reprise en main de sa vie. Le risque d'un accompagnement non féministe et non abolitionniste est de réduire cet accompagnement à quelques droits – évidemment essentiels aussi – mais sans donner les moyens réels aux victimes de prostitution de sortir de cette situation. Certains accueils ou accompagnements de personnes prostituées qui ne considèrent pas la prostitution comme une violence mais comme une activité, les maintiennent dans leurs souffrances. Une violence ne s'aménage pas mais se combat. Par ailleurs comme pour le mouvement #Me Too ce qui est important c'est le dire, un dire des violences subies entendu, partagé et cru. Et « le dire c'est agir » écrit Chloé Delaume dans « Mes bien chères sœurs » ».

FS : Vous dites que la passe est « un moment de domination pure » : il ne s'agit pas pour les clients de sexualité mais d'appropriation virilisante du corps des femmes. Pouvez-vous commenter ?

GD et MHF : Oui payer avec de l'argent ou autre chose pour utiliser un corps à sa guise et pour sa propre jouissance, c'est un acte de domination, ce ne peut être une relation. C'est la négation de l'humanité de la personne prostituée, c'est l'anéantissement de l'autre en tant que sujet. C'est bien un effet de l'appropriation du corps des femmes par les hommes, appropriation privée et collective.

Mais il semble que beaucoup d'hommes construisent leur sexualité ou leur recherche de jouissance et nourrissent leurs fantasmes sur la passivité des femmes (corps drogués, sédatés de femmes violées. Cf. procès Pelicot), sur leur avilissement (insultes, coups, tortures). Dans le système de domination masculine persistant les hommes sont construits sur ce qu'on appelle « un égocentrisme légitime comme principal ressort de la masculinité ».

Nous reprenons à notre compte les paroles et les analyses d'Andrea Dworkin : « Ce que les hommes demandent aux femmes c'est de consentir à leur propre humiliation, à leur propre anéantissement en tant que personnes ; non seulement d'y consentir mais de la demander et même d'y prendre plaisir, pour être « une vraie femme » ». Pour elle comme pour nous, la prostitution ressemble plus à un viol collectif qu'à quoi que soit d'autre ; la prostitution est un viol tarifé.

FS : Vous parlez des assassinats de prostituées, assez fréquents (voir les statistiques allemandes à ce sujet) et vous dites que l'assassin se perçoit, et est socialement perçu, comme un nettoyeur, un purificateur. Pouvez-vous expliquer ?

GD et MHS : Les personnes prostituées sont souvent perçues comme des tentatrices dangereuses et sans dignité, à l'écart de la société. Aller les voir, c'est franchir un interdit, les hommes peuvent s'en glorifier auprès de leurs pairs mais ils ne s'en vantent pas à la maison. Ils se persuadent qu'ils sont en droit d'aller les voir car « ils ont des besoins sexuels impérieux » et qu'ils paient « la prestation » et que ce sont elles qui « se prostituent » et qui offrent « leurs services ». Quand elles disparaissent après un assassinat, peu de monde sinon personne se soucie d'elles car elles ne le méritent pas, leur vie était indigne et sale. Pourtant il s'agit de féminicides qu'il faut inclure dans les statistiques de ces crimes contre les femmes.

Cette stigmatisation des personnes prostituées est d'autant plus forte que la société est puritaine. Elles incarnent le péché et la tentation. Du côté des chrétiens catholiques, la prostitution a très tôt été considérée comme un réseau d'égout et l'éjaculation comme une vidange organique. Il est alors préférable d'organiser la vidange et la satisfaction des besoins masculins dans des bordels éloignés des familles où les rapports sexuels ne devaient avoir qu'une fonction, la reproduction. Comparer une personne (la femme prostituée) à un égout et l'assigner à une fonction d'assainissement urbain sont des atteintes profondes à sa dignité et provoque la stigmatisation. Est-il dit autre chose aujourd'hui par les réglementaristes qui affirment que la prostitution est « un mal nécessaire » à organiser ?

FS : La prostitution est inséparable de la pédocriminalité. Pouvez-vous nous parler de la prostitution des mineur/es, de l'âge d'entrée en prostitution, de comment les jeunes y sont recruté/es, des préférences pédophiles des clients ?

GD et MHF : La question des mineur·es en situation de prostitution et la législation actuelle font l'objet d'un chapitre dans notre livre.

Les diagnostics de la prostitution effectués par l'Amicale du Nid dans plusieurs départements retrouvent toujours des mineur·es, d'âge divers, le plus souvent autour de 14-17 ans mais des enfants de 11 ans peuvent être capté·es par le système prostitutionnel. Il existe une écrasante majorité de filles, souvent françaises, ayant été vulnérabilisées par des violences antérieures, pas toujours de milieux défavorisés. Parmi elleux, il y a aussi les mineur·es non accompagné·es – MNA – dont le trajet depuis le pays d'origine et en France a été et est très difficile….

Les mineur·es ne s'identifient pas vraiment en situation de prostitution et vont parler « d'escorting » ou de « michetonnage ». L'effet Zahia a sans doute été renforcé par la sortie du film « une fille facile » en 2019. Elles ont pu être entrainées par une copine ou abordées par un « loverboy » qui les a peu à peu mises sous emprise affective, être attirées par l'argent et par la possibilité d'acheter un téléphone, un sac ou un vêtement. Elles s'imaginent adultes et autonomes et disent qu'elles « gèrent » mais vont s'apercevoir assez vite que le « lover boy » ou celui qui est le « patron » du réseau veut de plus en plus d'argent et lui en donne de moins en moins, violences à l'appui si nécessaire à l'encontre de toute rébellion (viols, coups, chantage aux « nudes » …)

N'en pouvant plus des agressions sexuelles qu'elle subit, la très jeune femme de 15 ans du film « Noémie dit oui » l'exprime clairement, « son fantasme à elle, c'est de tuer un homme pendant qu'il la baise ». Le « client-prostitueur » trouve ce propos très excitant, ne veut pas voir qu'elle n'est qu'une enfant, ne lui demande pas pourquoi elle est là et ne manifeste aucun intérêt à rechercher ce qu'elle vit.

Les « pédocriminels » qui achètent des actes sexuels à des mineur·es ne sont pas seulement des agresseurs et des violeurs d'enfants, ils soutiennent avec leur argent le proxénétisme et le trafic d'êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle. La loi doit s'appliquer pleinement.

Les « clients » de la prostitution sont à 99% des hommes, de tous âges, le plus souvent mariés ou en couple et ils ont des enfants. Lorsqu'ils s'expriment sur leur comportement, ils disent considérer comme normal de pouvoir satisfaire leurs besoins sexuels sans encourir de problèmes conjugaux. Ils ne reconnaissent ni la souffrance des personnes qu'ils prostituent, ni le fait, le cas échéant, qu'ils savaient leur minorité. Pourtant c'est ce qu'ils cherchent.

Une expérience en « live » a été faite à Montpellier par une salariée de l'Amicale du Nid : lancement d'un faux avis de jeune fille disponible sur les réseaux. En quelques instants, des hommes répondent, nombreux…

Pédocriminels certes, mais aussi tous les autres, attirés par la plus grande vulnérabilité des mineur·es et qui deviennent pédocriminels par opportunité… Ils diront après si on les interroge qu'ils ne savaient pas qu'iels étaient mineur·es.

Les proxénètes des mineur·es sont de jeunes majeur·es, le plus souvent des hommes, qui peuvent agir seuls ou comme « petite main » d'un patron. Des filles peuvent aussi être proxénètes après avoir été victimes, une façon de sortir de la prostitution dans un milieu qui les enferme…

Les mineur·es sont contacté·es dans la rue, aux abords des gares, des établissements scolaires ou de la protection de l'enfance mais aussi et de plus en plus via les sites d'annonces et les réseaux sociaux. Les lieux de prostitution sont divers, appartements BNB, caves, squats, forêt, bois ou autres extérieurs…

Les procédés d'emprise sont les mêmes que ceux, bien observés dans les violences faites aux femmes, notamment conjugales : la victime, qu'elle soit majeure ou mineure est isolée, dévalorisée, humiliée. On lui fait croire qu'elle a choisi sa situation et qu'elle en est responsable, ce qui inverse la culpabilité. Le ou la mineur·e souhaite un nouveau smartphone, on lui offre mais iel en a accepté la contrepartie. L'acheteur d'acte sexuel ne s'intéresse pas à la personne qu'il soumet à son désir, aux raisons qui expliquent sa situation, à ce qu'elle peut vivre ou ressentir. C'est pour elle le règne de la honte et de la peur. A-t-elle un proxénète, elle doit faire un nombre défini de passes dans sa journée, impératif à respecter sous peine de représailles violentes. Mais le client est lui aussi violent, en atteste les « mesures de protection » mises en place par le proxénète et qui ne sont pas toujours efficaces. Pour verrouiller le secret, une menace peut être faite de mettre sur les réseaux sociaux des photos de « nudes ».

A noter, la plus grande fragilité des mineur·es face à la dureté et à la violence de la prostitution, leur captation plus facile par les drogues, et les mêmes atteintes, graves et multiples, à leur santé et à leur vie. On pense aux infections sexuellement transmissibles et au Sida, mais il ne faut pas oublier les multiples humiliations, les coups, les grossesses imposées, les interruptions de grossesse ordonnées, les dépressions, le stress post-traumatique. Et aussi la très grande difficulté à établir des relations affectives stables et confiantes…

En France, le nombre des adultes en prostitution est estimé à 40 000, celui des mineur·es à 10 000-15 000. Sur le terrain, sans chiffre précis, on perçoit une augmentation continue des situations de prostitution chez les mineur·es. Il est urgent d'agir pour les protéger et les sortir de cette situation qui la plupart du temps se prolonge à l'âge adulte.

Depuis 2010, l'Amicale du Nid attire l'attention sur la prostitution des mineur·es (et jeunes adultes notamment en université), fait de la prévention en milieu scolaire, soutient les professionnel·les pour leur prise en charge. Plus récemment, ce sont des diagnostics spécifiques faits dans plusieurs départements, une adaptation du service de formation et l'ouverture progressive de services mineur·es dans 9 départements grâce au premier plan national de lutte contre la prostitution des mineur·es établi en novembre 2021.

FS : Vous citez les chiffres de la CIIVISE (une personne sur 10 en France victime d'inceste, dans 9 cas sur 10 par un homme, 160 000 mineur/es par an victimes de violences sexuelles). Vos commentaires ?

MHF médecine de PMI : « Je me souviens d'un petit garçon accueilli dans un foyer de l'enfance par décision de justice après la révélation de ce qu'il vivait à la maison. Il avait questionné sa psychologue pour savoir si elle aussi faisait l'amour avec son papa et sa maman…

Je me souviens encore de cette femme d'une cinquantaine d'années qui, il y a bien longtemps, osait pour la première fois parler du désastre produit sur sa vie par les viols vécus pendant son enfance. Elle s'était levée, très digne, très droite malgré l'émotion visible, au milieu de ces centaines de femmes réunies dans un amphi pour parler des violences faites aux femmes ».

Les chiffres de la CIIVISE – Commission Indépendante sur l'Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants – sont terribles et d'autant plus terribles qu'ils sont plus ou moins les mêmes que ceux entendus lors d'une réunion internationale sur la protection de l'enfance à Montréal en 1982. Les interventions sur les violences sexuelles faites aux enfants y étaient nombreuses… De retour en France, des responsables de services du ministère des Affaires Sociales de l'époque ont voulu savoir ce qui se passait en France et ont questionné tous les départements. Evidemment les violences sexuelles à enfants, et en grand nombre, existaient aussi en France… et depuis pas grand-chose n'a été fait !

Les conséquences sont dramatiques : des vies de souffrance, des vies détruites et parfois des défenses mises en place en s'identifiant aux agresseurs (les hommes), des vulnérabilités entrainant des mises en danger répétées (les femmes). Les violences sexuelles dont l'inceste peuvent faciliter la survenue future d'autres violences sexuelles dont la prostitution…

Il s'agit bien là de la plus terrible composante de la domination masculine.

GD : « Même si elle craque ici ou là, grâce à la parole et au courage des victimes devenues adultes, la résistance des institutions religieuses et politiques à voir et à prendre en compte ces violences sexuelles contre les enfants est un scandale. Le comportement des pouvoirs publics français face aux travaux et au rapport de la CIIVISE et les tentatives d'amoindrissement des faits, de contournement ou d'oubli de la parole des victimes sont insupportables. Il y a bien une omerta tenue par les hommes de pouvoir, assistés de quelques femmes, pour conserver ce « terrain » de violence et de prédation, ce pouvoir de soumission d'êtres fragiles et agir à l'ombre de l'irresponsabilité de tous les hommes ou presque qui ne disent rien ».

Contre toutes ces violences la loi doit être appliquée mais aussi la prévention doit être présente partout et faire l'objet d'une réelle politique d'Etat. Nous y reviendrons dans la question sur la loi de 2016.

FS : Vous dites que, vu le nombre croissant de femmes qui élèvent seules leurs enfants (mamans solos), la prostitution redevient, comme au 19ème siècle, le seul moyen pour des femmes pauvres de nourrir leurs enfants. Pouvez-vous nous en parler ?

GD et MHF : Dans tous les départements où travaille l'Amicale du Nid, il en est de même ailleurs, des femmes sortent de maternité avec leur enfant dans les bras et se retrouvent à la rue !!! Pas assez de places dans les centres maternels et pas de places ailleurs non plus. Ces femmes sont souvent étrangères… Que peut faire une femme, particulièrement vulnérabilisée, dans cette situation ?

Demain, les mineur·es françaises en situation de prostitution auront des enfants nés de viols tarifés… Que feront-elles ? Comment sortir de la prostitution sans formation ? Où trouver le courage de se battre pour en sortir en ayant une si mauvaise image de soi, en ayant de si nombreux problèmes de santé ?

Et puis il y a les autres femmes pauvres, celles sans emploi ou en emploi peu rémunérateur que le compagnon abandonne bien qu'il soit le père des enfants. Oui, comme au 19ème siècle et avant, les femmes qui avaient des métiers très peu payés, les lavandières par exemple, étaient amenées à accepter leur mise en exploitation par les prostitueurs (proxénète compagnon ou pas, et clients) pour avoir un peu plus d'argent pour survivre. Nous ne faisons pas mieux et la situation s'aggrave du côté des emplois de service mal rémunérés et des mères qui élèvent seules leurs enfants.

Les mécanismes et logiques combinés du système économique et des rapports sociaux de sexe créent des inégalités et des vulnérabilités qui renforcent le système prostitutionnel.

FS : Les personnes prostituées qui sont invitées sur les plateaux télé n'en disent invariablement que du bien. Le livre d'Emma Becker, « La maison », qui en donnait (à première vue) une image favorable a bénéficié d'une importante couverture médiatique. Pourquoi n'entend-on jamais un autre son de cloche dans les médias ?

GD et MHF : La réponse pourrait être lapidaire : parce que la société et donc les acteurs et actrices des médias qui en sont issu·es considèrent la prostitution comme une activité légitime pour répondre à des besoins masculins, quasiment une activité du « care » qui permet aux femmes d'exercer leur « agentivité » en gagnant leur vie ainsi. Le côté un peu sulfureux peut faire de l'audience.

La violence, l'exploitation qu'est la prostitution sont encore largement ignorées ou cachées. Et le monde de la Culture, on le constate, est particulièrement transmetteur de ce déni et producteur de violences sexistes et sexuelles.

Les femmes en situation de prostitution ont du mal à témoigner de la violence et de la coercition subies parce qu'elles sont sous emprise, parce qu'elles risquent des représailles, parce qu'elles sont étrangères, très souvent soumises à la traite et ne maîtrisent pas très bien la langue française. Certaines arrivent à témoigner et dire la réalité de leur situation publiquement mais souvent dans l'anonymat.

Pourtant il y a un mouvement international des survivantes de la prostitution et les femmes qui en font partie témoignent, disent et écrivent. Nous avons à diffuser leur parole. Parmi elles certaines sont parfois obligées d'arrêter leur pratique du témoignage parce que les effets du trauma subi ressurgissent avec les souffrances du stress post traumatique.

Une femme en situation de prostitution répondant à la question du témoignage public disait : quand on est en situation d'être obligée de faire de l'argent avec des passes, on ne peut pas dire du mal des clients, alors on dit que tout va bien !

A propos du système prostitutionnel, nous interrogeons dans notre livre les deux notions de consentement et de liberté.

Mais le problème n'est pas que les personnes prostituées disent ceci ou cela dans les media c'est qu'en face on attende du glamour et de la justification d'un monde où les femmes sont réifiées et soumises aux désirs masculins.

La question suivante apportera un complément de réponse.

FS : Pouvez-vous nous expliquer pourquoi des femmes prostituées (en début de « carrière ») se sentent vengées et « renarcissisées » (« putes et fières de l'être ») par le fait de faire payer les hommes pour l'accès sexuel à leur corps ?

GD et MHF : Nous ne dirions pas « carrière », même si certaines peuvent le dire… Ce n'est pas un métier et il n'y a pas de « carrière », c'est un esclavage et un déni d'humanité, une atteinte profonde à la dignité humaine.

Quand une femme a vécu des violences sexuelles pendant son enfance et son adolescence, que ce soit au sein de sa famille ou par des proches, elle en garde de profondes blessures et les humiliations ressenties ont détruit son estime de soi. Lorsqu'elle se trouve en situation (par un proxénète ou seule), à « faire payer » pour d'autres violences, elle se sent moins passive, ressent peut-être même de la fierté à réclamer de l'argent à celui qui veut accéder à son corps, à faire payer ce qui lui a été volé avant. On retrouve cela dans les témoignages de femmes qui disent avoir choisi de se prostituer après avoir subi des viols (incestueux ou pas).

Un groupe de survivantes écrit : « quand notre estime de soi a vraiment été fracassée au point qu'on ne s'accorde aucune valeur, le fait que des gens soient prêts à payer, à nous accorder une valeur monétaire pour accéder à nos corps, peut faire illusion de réparation narcissique ».

Qui accepte au fond d'être traitée comme une chose, qui ne va pas chercher une justification à sa situation, qui ne va pas chercher à combattre la honte qui ronge, qui ne va pas chercher à transformer un tant soit peu cette situation en rôle positif, en service de plaisir pour les hommes, en capacité de se débrouiller seules … le fameux empowerment (notion et impératif de comportement que nous critiquons dans le livre) ?

Des personnes qui se nomment travailleuses du sexe parlent de fierté : « oui nous sommes des putes et fières de l'être ». C'est un retournement de l'injure assez classique quand on commence à se redresser. Il s'agit de vider l'insulte de sa charge d'humiliation… et le public dont les journalistes (la plupart) font tout pour ne pas le voir ou le comprendre !

FS : Pouvez-vous nous parler de l'application de la loi de 2016. Pouvez-vous nous donner quelques chiffres à ce sujet, nous dire ce qui est positif et ce qui ne marche pas, fait obstacle à l'application de cette loi ?

GD et MHF : Cette loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées est abolitionniste et non prohibitionniste, elle dépénalise les personnes prostituées et les considère comme des victimes auxquelles il faut proposer un accompagnement vers la sortie de la prostitution quand elles le souhaitent ; interdit l'achat d'acte sexuel ; accroit la lutte contre le proxénétisme ; renforce le rôle de la prévention.

Rappelons que la prostitution des mineurs est interdite depuis la loi n°2002-305 du 4 mars 2002 renforcée par la loi n°2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineur·es des crimes et délits sexuels et de l'inceste. Les peines sont lourdes (prison et lourdes amendes) mais jusqu'à présent la loi de 2002 reprise dans la loi de 2016 est, hélas, peu appliquée.

Un premier bilan de la loi du 13 avril 2016 a été fait par l'Amicale du Nid et d'autres associations de terrain en novembre 2021, rapport FACT-S (Fédération des acteurs et actrices de terrain et des survivantes). On pourra le lire en ligne.

Dans ce rapport FACT-S nous faisions cinq recommandations :

Une alternative à la prostitution pour toutes les personnes prostituées (quand elles le souhaitent, il faut donc pouvoir le proposer à toutes)

Une grande campagne nationale pour un changement de regard de la société (comme celles que l'on a pu voir sur les violences conjugales, trop peu nombreuses encore)

Pas d'impunité pour les prostitueurs, clients et proxénètes

Généraliser la prévention pour assurer un avenir sans marchandisation du corps pour les jeunes,

Un effort financier à la hauteur de 2,4 milliards d'euros pour 10 ans.

Cette loi a des effets positifs lorsqu'elle est pleinement appliquée. Le problème réside dans la volonté politique de l'appliquer et des moyens attribués aux différents services d'Etat (police et justice notamment mais aussi ministère de solidarités et de l'égalité femmes/hommes) et aux associations spécialisées pour y parvenir. L'instabilité politique et la courte durée des ministres de l'égalité F/H n'arrangent pas les choses.

Les parcours de sortie de la prostitution : ils sont encore insuffisants en nombre, les préfet·ètes jouent un rôle important dans l'organisation des réunions permettant l'étude des dossiers de demande de PSP et les résultats selon leurs attitudes vis-à-vis de l'immigration.

Il ne faut pas oublier que l'accompagnement à la sortie de la prostitution ne date pas de la loi de 2016 mais de la politique sociale d'Etat de lutte contre la prostitution des années 1960. En plus des PSP, l'Amicale du Nid a accompagné en 2022, 1 304 autres personnes en accompagnement social global intégrant toutes les dimensions du processus d'émancipation du système prostitutionnel. Par ailleurs 4 798 personnes ont été accueillies dont 23% d'enfants accompagnant leur mère… Et bien d'autres actions qu'on peut retrouver sur le site.

Les PSP exigent un engagement de la personne à sortir de la prostitution, donnent droit à une allocation d'insertion sociale de 449,23 euros (que nous jugeons insuffisante) et à la possibilité d'obtenir une autorisation provisoire de séjour notamment pour pouvoir travailler, ce qui concerne beaucoup de personnes accompagnées étrangères et souvent soumises à la traite des êtres humains.

A l'Amicale du Nid, on observe une nette amélioration des taux d'accord pour l'obtention des Parcours de Sortie de Prostitution (PSP) depuis 2017 mais qui cache :

Une sélection des dossiers par les salarié·es face au faible nombre de demandes de nouveaux parcours pouvant être présentées dans certaines commissions, ou le nombre insuffisant de réunions de commissions.

Une insuffisance des financements dédiés aux accompagnements des parcours, malgré le fait qu'il s'agisse d'accompagnements socio-éducatifs et d'insertion très soutenus. »

Au total depuis 2017, 1 747 personnes ont bénéficié ou bénéficient toujours d'un PSP qui peut durer 24 mois. C'est trop peu mais tellement important pour les personnes qui ont pu y accéder.

A noter que l'Amicale du Nid accompagnait en 2023, 275 personnes en PSP vs 209 en 2022 (25% en plus). En France, en 2023 une personne sur trois accompagnée en PSP l'était par l'Amicale du Nid.

Au 31 décembre 2023, les départements qui totalisent le plus de PSP en cours sont le Rhône, la Seine Saint-Denis, les Bouches du Rhône, l'Isère et Paris. L'Amicale du Nid est agréée dans ces cinq départements et est la seule à l'être en Seine Saint-Denis. A la même date, 35 départements n'avaient aucun PSP en cours et 65 en avaient moins de 5…

La lutte contre la traite et le proxénétisme se renforce selon l'OCRTEH, structure policière spécialisée. En 2023, l'OCRTEH a démantelé 53 réseaux soit 1 000 mis en cause et 1 051 victimes identifiées. Les infractions constatées avec condamnations pour TEH sont moins nombreuses que celles pour proxénétisme, plus faciles à détecter mais produisant des sanctions plus légères. En 2023, 254 victimes mineur·es ont été identifiées dans le proxénétisme de proximité (rappel de 10 000 à 15 000 mineur·es en situation de prostitution). Par ailleurs les réseaux latino-américains sont en train de se développer rapidement et de supplanter les réseaux d'Europe de l'Est et africains.

Le nombre de clients sanctionnés, les clients sont ceux qui engendrent la prostitution, qui créent le marché : depuis 2016 moins de 500 par an sont condamnés (dans le cas de prostitution de majeur·es) au paiement d'une amende prévue pour les contraventions de 5ème classe (au maximum 1 500 euros et 3 750 euros en cas de récidive). C'est largement insuffisant, et le niveau de la sanction nous parait trop faible. La police n'est pas vraiment engagée dans la recherche des clients même lorsqu'il s'agit de prostitueurs-clients de mineur·es. Volonté, formation et moyens en effectif manquent. Mais quand on voit comment sont traités les viols par la justice française : 94% des affaires de viol ont été classées sans suite en 2021, une statistique effarante qui souligne l'échec des dispositifs actuels à répondre à ce problème social massif, on ne peut s'étonner de la résistance à trouver et à sanctionner les prostitueurs-clients. Cela ne réduit pas la colère !

La prévention (à savoir l'éducation dès les premiers âges) est indispensable pour faire bouger les mentalités et les attitudes. Mais elle est largement insuffisante puisqu'elle s'appuie sur l'obligation pour l'l'Education nationale d'une éducation à la sexualité qui n'est pas respectée. De plus participent à cette prévention souvent sous-traitée par les établissements, des associations pro-prostitution ou non abolitionnistes.

Comment dans un bain de culture du viol peut-on arriver à réduire, à faire disparaître les violences sexuelles et sexistes ?

GD : « une anecdote parlante et alarmante : j'ai été invitée à présenter mon livre : « Non au système prostitutionnel » dans un institut de formation de travail social. Dans ma salle il y avait quelques personnes (6 ou 7) ; à côté une salle était pleine d'étudiant·es pour une conférence sur l'assistanat sexuel … »

Il est très positif que plus de 40 associations et organisations se réunissent en ce moment en France pour rédiger et exiger une grande loi cadre de lutte contre toutes les formes de violences sexuelles sexistes et que la prostitution et la pornographie soient incluses dans ces violences. Enfin !

FS : « Une violence ne s'aménage pas » dites-vous. Pourquoi la notion de prostitution réglementée et éthique n'a-t-elle pas plus de sens que celle d'« esclavage éthique » ?

GD et MHF : La personne humaine est son corps. Le corps à protéger n'est pas un objet patrimonial. L'appropriation du corps de l'autre pour en user comme un objet et le marchandiser est une atteinte profonde à la dignité humaine qui occupe la première place dans la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, par exemple. Comment alors rendre éthiques la prostitution et la pornographie, ces actes de violence sexuelle ? Par des horaires garantis, des draps de soie, un salaire minimum, un gel lubrifiant de qualité, des sourires ? Non ! comme pour l'esclavage et la GPA, une violence qui transforme le corps de femmes vulnérables en machine reproductive, la prostitution n'a rien à voir avec une éthique quelconque, elle est le produit de la domination masculine et par l'argent.

Aucune égalité réelle entre les femmes et les hommes ne peut exister si la société considère que le corps des femmes est un corps disponible à approprier et sans égalité il n'y a ni justice, ni démocratie réelle.

[1] Les chapitres :

Les personnes prostituées et les prostitueurs, proxénètes, trafiquants et clients
D'où nait la prostitution ? l'imbrication des systèmes et des violences à l'origine du système prostitutionnel, sa définition
Les régimes de la prostitution et l'abolitionnisme français, une politique publique de lutte contre la prostitution, l'application de la loi Olivier-Coutelle de 2016
Prévenir la prostitution des mineur·es, repérer les mineur·es en situation de prostitution et les accompagner pour en sortir
L'accompagnement féministe dans une association féministe centrée sur les violences sexuelles et sexistes, éléments de réflexion
https://revolutionfeministe.wordpress.com/2024/11/17/pour-un-accompagnement-feministe-et-abolitionniste-des-personnes-victimes-de-la-prostitution/

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

Une mobilisation importante, une justice partiale. La lutte des ouvrières de Kairouan continue

3 décembre 2024, par Comité pour le respect des libertés et des droits de l'homme en Tunisie — , ,
Soutien aux ouvrières de Kairouan et à Jamel Cherif : défendre les droits syndicaux et la dignité humaine Tiré de Entre les lignes et les mots (…)

Soutien aux ouvrières de Kairouan et à Jamel Cherif : défendre les droits syndicaux et la dignité humaine

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/11/25/une-mobilisation-importante-une-justice-partiale-la-lutte-des-ouvrieres-de-kairouan-continue/

Le Comité pour le respect des libertés et des droits de l'homme en Tunisie (CRLDHT) salue la mobilisation massive qui a permis d'obtenir la libération de Jamel Cherif, secrétaire général de l'Union locale du travail de Sbikha (UGTT), ainsi que de trois ouvriers de l'usine de chaussures Ritun, condamnés avec des peines de prison avec sursis. Le 21 novembre 2024, le tribunal de Kairouan a rendu son verdict, marquant une étape importante dans une lutte qui a été rendue possible grâce à la détermination des ouvrières, premières en ligne dans ce combat pour des conditions de travail dignes et la défense des droits syndicaux.

Depuis le début de cette affaire, les ouvrières de l'usine Ritun ont été au centre des mobilisations, bravant la répression pour défendre leurs droits face à des conditions de travail injustes et précaires. Parmi les 27 licenciés, nombreuses sont les femmes qui ont payé le prix fort pour avoir tenté de créer un syndicat, un droit pourtant garanti par la loi. Malgré les pressions, elles n'ont jamais cessé de revendiquer la justice et la dignité pour elles-mêmes et pour tous les travailleurs.

Le CRLDHT tient à rendre hommage au courage de Jamel Cherif, un syndicaliste exemplaire qui a fait face à une situation syndicale extrêmement difficile. Son engagement, dans un contexte de répression croissante, a été une source d'inspiration pour tous les travailleurs et travailleuses de Kairouan. Grâce à son leadership, la mobilisation a pris de l'ampleur, rassemblant les syndicats, les enseignants et de nombreux citoyens solidaires.

La condamnation de Jamel Cherif et des trois ouvriers avec des peines de prison avec sursis, après des accusations fallacieuses de perturbation de la production, est une tentative claire de criminaliser l'action syndicale. Ce verdict, bien que moins sévère qu'attendu grâce à la pression populaire, reste inacceptable. Il démontre la fragilité des droits syndicaux en Tunisie et l'urgence de les défendre face aux tentatives de répression.

Le CRLDHT souligne le rôle indispensable des syndicats, particulièrement celui de l'UGTT, dans cette lutte. Grâce à la solidarité exprimée par le Syndicat de l'enseignement secondaire de Kairouan, qui a appelé à une journée de grève, la pression sur les autorités a permis d'obtenir des concessions. Les syndicats jouent un rôle clé pour garantir la justice sociale et la dignité des travailleurs, en particulier des ouvrières, souvent en première ligne de la lutte contre la précarité et les abus.

Le CRLDHT réaffirme que la lutte n'est pas terminée. Nos exigences restent claires :

* L'annulation totale des condamnations de Jamel Cherif et des trois ouvriers. La justice ne doit pas être un outil de répression.

* La réintégration immédiate des 27 ouvrières et ouvriers licenciés, avec des garanties contre toute forme de représailles.

* Le respect intégral des droits syndicaux, incluant la liberté de se syndiquer, de manifester et de négocier, conformément à la Constitution tunisienne et aux conventions internationales ratifiées par la Tunisie.

* Des conditions de travail dignes pour toutes et tous, en mettant l'accent sur les droits des femmes ouvrières, qui sont les premières touchées par la précarité et la discrimination.

* Une enquête indépendante et impartiale sur les pratiques de l'usine Ritun, pour faire la lumière sur les violations des droits des travailleuses et travailleurs.

* Un dialogue social sincère entre les syndicats, les employeurs et les autorités, pour éviter que de telles situations ne se reproduisent.

Le CRLDHT appelle la communauté internationale, les organisations de défense des droits humains et les syndicats du monde entier à poursuivre leur soutien aux ouvrières et ouvriers de Kairouan. Cette lutte pour la justice sociale et les droits syndicaux ne s'arrête pas aux frontières tunisiennes. La solidarité internationale reste cruciale pour faire en sorte que les droits des travailleurs soient respectés et pour faire reculer les tentatives de répression. Nous appelons à des actions concrètes : campagnes de sensibilisation, soutien financier et moral et pressions diplomatiques pour défendre la liberté syndicale en Tunisie.

Le CRLDHT continuera à suivre de près l'évolution de ce conflit social et à soutenir toutes les initiatives en faveur des droits des ouvrières et des ouvriers. Nous restons aux côtés des syndicats, des militants et des citoyens engagés pour construire une Tunisie où la dignité humaine, la justice sociale et les droits syndicaux prévalent sur la répression et l'injustice. La mobilisation reste notre meilleure arme face aux abus. Nous continuerons à nous battre pour une société plus juste pour toutes et tous.

CRLDHT
21ter rue voltaire
75011 Paris

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

Victoire de la gauche au Botswana

3 décembre 2024, par Paul Martial — ,
La victoire électorale de la gauche suscite des espoirs d'une rupture avec la politique inégalitaire qui prévaut depuis l'indépendance du pays. Tiré de Afrique en Lutte 25 (…)

La victoire électorale de la gauche suscite des espoirs d'une rupture avec la politique inégalitaire qui prévaut depuis l'indépendance du pays.

Tiré de Afrique en Lutte
25 novembre 2024

Par Paul Martial

Les élections au Botswana, pays d'Afrique australe de 2,6 millions d'habitantEs situé au-dessus de l'Afrique du Sud, ont eu lieu le 30 octobre. Fait inattendu, la victoire écrasante de l'opposition classée à gauche imposant une alternance inédite depuis l'indépendance du pays en 1966.

Diamants pour quelques-uns

Plus qu'une défaite, c'est une déroute. L'Umbrella for Democratic Change (Coalition pour un changement démocratique) remporte 36 sièges et obtient la majorité absolue, et par là même son leader Duma Boko devient président de la République. Quant au Botswana Democratic Party, l'ancien parti au pouvoir, il ne compte plus que quatre députés. Le Botswana n'a pas failli à sa réputation de pays démocratique, Mokgweetsi Masisi, le président sortant, a reconnu sa défaite et a engagé une passation de pouvoir loyale. Pour le pays, il s'agit bien d'un évènement historique qui ne s'explique pas seulement par l'usure du pouvoir.

La relative prospérité du Botswana tient à ses mines de diamants. Il est le second exportateur mondial de diamants qui représentent 90 % des exportations de son économie. Masisi s'est contenté de gérer cette manne sans jamais amorcer une diversification économique, alors que la concurrence se fait rude avec la production de diamants de synthèse utilisés notamment dans l'industrie. Cette crise ne fait que renforcer un taux de chômage élevé, notamment parmi la jeunesse. À ce tableau peu reluisant s'ajoute la dérive autoritaire du pouvoir avec une élite dirigeante profondément divisée.

Misère pour les autres

Le sondage réalisé par Afrobarometer mettait en relief qu'une large majorité des habitantEs considère l'entourage de la présidence comme corrompu et critique Masisi pour son népotisme et son mépris du parlement.

Le système électoral de scrutin majoritaire à un tour imposait à l'opposition traditionnellement divisée de s'unir. À partir de 2012 s'est créé l'UDC dont l'épine dorsale est le Botswana National Front, un parti se réclamant de la social-démocratie dont est issue Duma Boko, les gains électoraux réguliers consacrent la pérennité de cette unité. Les autres éléments décisifs sont les thèmes sociaux de la campagne de l'UDC se déclinant autour de l'emploi des jeunes et comme l'indique le média The Voice Botswana : « un régime national d'assurance maladie qui garantira à chacun l'accès à des soins de santé de qualité, pris en charge par le gouvernement et leur garantissant une vie et des moyens de subsistance décents ». Dans un pays où la prospérité bénéficie à une minorité une telle proposition fait mouche. Le Botswana compte près de 2500 millionnaires et est considéré comme un des pays le plus inégalitaire au monde. Le financement de cette mesure nécessitera un nouveau partage des richesses au détriment de l'élite fortunée du pays. L'UDC sera-t-il prêt à le faire ? Les mobilisations populaires seront un élément décisif pour imposer cette nouvelle politique sociale.

Paul Martial

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

En Namibie, un vent de contestation inédit plane sur les élections

3 décembre 2024, par Courrier international — , ,
L'opposition a annoncé qu'elle ne reconnaîtrait pas les résultats du scrutin qui s'est déroulé fin novembre et qui s'annonce comme le plus disputé depuis l'indépendance du (…)

L'opposition a annoncé qu'elle ne reconnaîtrait pas les résultats du scrutin qui s'est déroulé fin novembre et qui s'annonce comme le plus disputé depuis l'indépendance du pays. Le vote a été marqué par de multiples problèmes logistiques dus à la forte affluence ainsi que par des irrégularités.

Tiré de Courrier international.

“Libres ? Peut-être. Équitables ? C'est douteux. Crédibles ? Clairement pas !” Dans un éditorial au vitriol, le quotidien The Namibian dresse un réquisitoire accablant contre la commission électorale namibienne. Un vent de contestation inédit plane sur les élections législatives et présidentielle qui se sont achevées samedi 30 novembre après quatre jours de vote en Namibie. L'opposition a déjà annoncé qu'elle ne reconnaîtrait pas les résultats du scrutin, marqué par des problèmes logistiques et une forte affluence dans les bureaux de vote.

Samedi, le candidat des Patriotes indépendants pour le changement (IPC), le principal parti d'opposition, Panduleni Itula, a dénoncé des irrégularités “flagrantes, indéniables et inacceptables”, rapporte le quotidien namibien New Era. La commission électorale elle-même a reconnu l'existence d'“une série de problèmes, résume le site sud-africain News24, notamment une pénurie de bulletins de vote en raison d'un taux de participation plus élevé que prévu et la surchauffe des tablettes utilisées pour vérifier [l'identité des] électeurs”.

Certains bureaux de vote ont également fermé alors que des électeurs attendaient encore de voter. Dépassée par cette multitude de problèmes, la commission électorale a prolongé du 29 au 30 novembre le scrutin dans certains bureaux de vote, semant un peu plus le chaos.

“Chaos généralisé dans les bureaux de vote”

Cette élection, qui s'annonce la plus serrée depuis l'indépendance de la Namibie vis-à-vis du régime d'apartheid sud-africain, en 1990, menace la domination jusque-là incontestée de la Swapo, le parti historique au pouvoir depuis trente-quatre ans.

“Les autorités électorales ont aggravé la situation en rouvrant quelques bureaux, en supprimant la publication des résultats dans les bureaux de vote et en refusant avec arrogance d'impliquer l'ensemble des principales parties prenantes dans leurs décisions”, juge The Namibian.

“Que les résultats annoncent une victoire, un second tour ou une défaite, nous chercherons à annuler cette élection devant les tribunaux”, a annoncé sur le réseau social X Panduleni Itula, cité par le compte X du Windhoek Times. Il a rapidement été rejoint par d'autres partis d'opposition. “L'IPC a lancé la procédure de contentieux et nous le suivrons”, a notamment déclaré le secrétaire général du Mouvement démocratique populaire, Manuel Ngaringombe, repris par The Namibian.

Les élections n'ont été “ni libres ni équitables”, estiment également plusieurs experts interrogés par l'hebdomadaire namibien Windhoek Observer. “Compte tenu du chaos généralisé dans les bureaux de vote, on ne peut que déduire qu'il s'agissait soit d'un chaos chorégraphié, soit d'une incompétence flagrante, ou d'une combinaison des deux”, juge l'analyste politique Rui Tyitende, toujours dans les pages du Windhoek Observer.

“La Swapo a perdu sa domination incontestée”

Ignorant ces critiques, la commission électorale a commencé à annoncer les résultats alors que les bulletins avaient été dépouillés dans un peu plus de la moitié des circonscriptions électorales. Le 2 décembre au matin, la Swapo rassemblait officiellement 59,5 % des voix, contre 25,5 % pour son principal concurrent, l'IPC.

Analysant les résultats provisoires, le politologue Henning Melber note que la Swapo, si elle semble en voie de remporter officiellement les élections, a “perdu sa domination incontestée”. Alors que le parti règne encore sur le nord du pays, dans les centres urbains, “les électeurs ont tourné le dos à l'ancien mouvement de libération”, explique le professeur dans les colonnes du Windhoek Observer.

Un phénomène qui traverse toute une partie de l'Afrique australe, comme le suggère le Daily Maverick : au cours des derniers mois, plusieurs partis issus des mouvements de libération de la région ont vu s'éteindre leur suprématie sur le paysage politique alors qu'arrive une nouvelle génération d'électeurs plus sensibles aux problèmes économiques qu'à l'héritage des luttes d'indépendance.

En dépit des résultats officiels, qui lui sont pour le moment favorables, la Swapo “aurait intérêt à garantir sa légitimité et sa confiance sur la base d'élections véritablement libres et équitables”, souligne Henning Melber.

“[L'organisation de nouvelles élections serait] la voie de sortie la plus évidente afin de regagner l'image d'une société démocratique.”

“En l'absence d'équité et de crédibilité, nous ne pouvons imaginer d'autres options que la tenue de nouvelles élections”, pense également The Namibian, qui met en garde : “Quelque chose de radical doit être fait pour empêcher la Namibie de s'engager sur la pente glissante de l'illégitimité comme nous l'avons vu au Zimbabwe et dans d'autres pays.”

Courrier international

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Tunisie : non à la criminalisation de la solidarité avec les migrants

3 décembre 2024, par Comité pour le respect des libertés et des droits de l'homme en Tunisie — , ,
En solidarité avec Abdallah Said - dont l'arrestation semble principalement liées à son engagement humanitaire en faveur des enfants réfugiés et abandonnés - un ensemble (…)

En solidarité avec Abdallah Said - dont l'arrestation semble principalement liées à son engagement humanitaire en faveur des enfants réfugiés et abandonnés - un ensemble d'associations demande sa libération immédiate ainsi que celle de tous les détenus poursuivis pour leur engagement humanitaire et la fin des persécutions contre les organisations solidaires envers les migrants.

Tiré du blogue de l'auteur.

Le 12 novembre 2024, Abdallah Said, activiste et président de l'Association Enfants de la Lune de Médenine, a été placé en garde à vue par la cellule d'enquête financière tunisienne. Après un long interrogatoire, les charges retenues contre lui restent floues, mais semblent principalement liées à son engagement humanitaire en faveur des enfants réfugiés, migrants et abandonnés dans la région de Médenine.

Cet événement s'inscrit dans un contexte préoccupant de criminalisation de la solidarité en Tunisie, qui s'est intensifié depuis mai 2024. À cette époque, la répression avait déjà ciblé plusieurs figures de proue et organisations humanitaires soutenant les migrants, notamment avec l'arrestation de Saadia Mosbah, présidente de l'association Mnemty, et de Sherifa Riahi, ancienne directrice de Tunisie Terre d'Asile, ainsi que des membres du Conseil Tunisien pour les Réfugiés et d'autres militants et militantes en lien avec la solidarité avec les migrants *. Ces arrestations illustrent une dérive autoritaire visant à réduire au silence toute critique des politiques gouvernementales ou de l'aide humanitaire en lien avec les migrants subsahariens.

Cette répression a coïncidé avec des campagnes de haine et des discours racistes, alimentés par des déclarations officielles, au plus haut niveau de l'Etat. Tunisien, décrivant les migrants subsahariens comme une "menace" pour l'identité nationale tunisienne. Cette rhétorique a eu des conséquences dévastatrices : expulsions forcées, déportations collectives vers le désert libyen et la répression ciblée contre ceux et celles qui s'opposent à ces pratiques racistes et inhumaines.

Abdallah Said : un nouvel exemple de la criminalisation de la solidarité

Abdallah Said, citoyen tunisien d'origine tchadienne, milite depuis des années pour la défense des droits humains et la protection des enfants migrants et réfugiés. Dans le cadre de son association les enfants de la lune, il s'est toujours occupé des enfants tunisiens handicapés et des migrants. Son seul “crime” est son engagement en faveur des plus vulnérables, dans le strict respect des lois tunisiennes, avec une reconnaissance locale et internationale.

Son arrestation est encore un exemple d'une stratégie répressive visant celles et ceux qui défendent les droits humains et soutiennent les migrants.

Cette politique, amorcée en Tunisie sous prétexte d'une "urgence migratoire" fabriquée, s'est traduite par des arrestations arbitraires*, des campagnes de haine sur les réseaux sociaux et une criminalisation croissante du travail des organisations humanitaires.

Nous soulignons le caractère politique de l'arrestation de Abdallah Saïd, en contradiction avec les engagements internationaux de la Tunisie. Nous demandons :

La libération immédiate d'Abdallah Said et de tous les détenus poursuivis pour leur engagement humanitaire. *

La fin des persécutions contre les organisations et individus solidaires envers les migrants.

Le respect des droits humains, de la dignité et des normes juridiques internationales, notamment envers les réfugiés, demandeurs d'asile et migrants.

Nous appelons toutes les organisations maghrébines, françaises, européennes et internationales partageant les valeurs de solidarité et de droits humains à dénoncer cette dérive répressive et à soutenir activement ceux qui, comme Abdallah Said, sont persécutés pour leur engagement solidaire avec les migrants.

Dignité pour les réfugiés, les migrants.

*Sherifa Riahi, Ancienne directrice de "Terre d'asile Tunisie" (2016-2021/2022), placée en garde à vue le 8 mai 2024 pour des soupçons de blanchiment d'argent. Dans la foulée, deux autres personnes ont été arrêtées dans le cadre de la même affaire : Iyadh Bousselmi, directeur actuel de "Terre d'asile Tunisie", et Mohamed Jouou, responsable financier.

*Saadia Mosbah , Militante antiraciste et présidente de Mnemty, arrêtée début mai 2024 et poursuivie pour blanchiment d'argent, dans un contexte de répression des associations critiques.

*Mustafa Jamali, président du Conseil tunisien pour les réfugiés, et Abdelrazek Krimi, chef de projet au sein du même conseil, ont été arrêtés en mai 2023, accusés d'héberger illégalement des étrangers et de recevoir des financements étrangers.

*Abdallah Saïd, fondateur de "Les Enfants de la Lune", a été arrêté le 12 novembre 2024 et transféré au pôle antiterroriste, accusé de recevoir des fonds étrangers pour aider des migrants. (2 responsables de l'association ont également été arrêtés dans la foulée).

Premiers signataires

Organisations Internationales

Migreurop
Euromed Rights
Fédération Internationale des droits de l'Homme
Réseau Euromed France (REF)
Coordination maghrébine des organisations de droit de l'Homme (CMODH)

Syndicats

Confédération générale du Travail (CGT)
Confédération française démocratique du travail (CFDT)
Fédération syndicale unitaire (FSU)
Union nationale des syndicats autonomes (UNSA)
Union syndicale solidaires (SUD)

Organisations maghrébines, françaises européennes et internationales

Action Jeunesse – Maroc
Association des citoyens originaires de Turquie (ACORT)
Association de défense des droits de l'Homme au Maroc (ASDHOM)
Association marocaine des droits de l'Homme (AMDH)
Association des Marocains en France (AMF)
Association N'aoura – Bruxelles
Association des refoulés d'Afrique-centrale au Mali (ARACEM) - Mali
Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF)
Association des médecins français pourla prévention de la guerre nucléaire (AMFPGN) (membre de l'IPPNW, prix Nobel de la paix)
Associazione Ricreativa Culturale Italiana - Association italienne de loisirs et de culture (ARCI) - Italie
Aswat Media Network – Libya – Aswat réseau de médias - Libye
Attac France
Cédetim / IPAM
The Centre for Peace Studies – Zagreb - Le Centre d'études pour la paix – Zagreb
Centre Lixus pour les jeunes chercheurs – Maroc
Coalition internationale des sans-papiers et migrants (CISPM)
Collectif des communautés subsahariennes au Maroc (CCSM)
Collectif Sans papiers 75 (CSP-75)
Collectif associatif pour l'observation des élections (CAOE) - Maroc
Collectif régional pour la Coopération Nord-Sud – Hauts de France (CORENS)
Comité de soutien à la Ligue algérienne de defense des droits de l'homme
(CS-LADDH) - Algérie
Centre national de coopération et développement belge (CNCD-11.11.11)
Droit aux Logements (DAL)
Droit ici et là-bas (DIEL)
Egyptian Front for Human Rights (EFHR) - Front égyptien pour les droits de l'homme (EFHR) - Egypt
E-joussour portail de la société civile maghrébine/Machrek - Maroc
Ensemble Vivre Travailler et Coopérer de Saint Denis (EVTC)
Femmes plurielles
Fondation Copernic
Fondation Frantz Fanon (FFF)
Forum des alternatives Maroc (FMAS) - Maroc
Forum France Algérie (FFA)
France Fraternité (FF)
Groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI)
HuMENA for Human Rights and Civic Engagement to the statement in the MENA -HuMENA pour les droits de l'homme et l'engagement civique au Moyen Orient
Iridia-center for the defense of human rights - Barcelona – Espana
Ligue des droits de l'Homme (LDH)
Migration, Asylum, Racism Discrimination and Trffiking (KISA-Cyprus) - Chypre
Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP)
New Woman Foundation - Egypt
Observatoire Marocain des libertés publiques (OMLP) - Maroc
Observatoire Marocain de la protection sociale - Maroc
Organisation pour les libertés d'information et d'expression (OLIE) Hatim - Maroc
People in Need, Czech Republic - Personnes dans le besoin, République Tchèque
Pour une Alternative Démocratique en Algérie (PADA)
Réseau Féministes « Ruptures »
Riposte Internationale (RI)
Statewatch – Londres - UK
SOS migrants – Belgique
SOS Racisme
We at Libya Crimes Watch (LCW) – Libye

Partis

Europe écologie les verts (EELV)

Ensemble

Pour une Ecologie Sociale et Populaire (PEPS)

NPA -l'Anticapitaliste

Personnes

Pierre Khalfa, économiste,

Michelle Guerci, journaliste, militante féministe antiraciste.

À l' initiative de :

Association Démocratique des Tunisiens en France (ADTF)

Union des travailleurs immigrés tunisiens (UTIT)

Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR)

Le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l'Homme en Tunisie (CRLDHT)

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

À New Delhi, les enfants respirent un air mortel

3 décembre 2024, par Côme Bastin — , ,
La « capitale la plus polluée au monde » fait face à un terrible épisode de pollution aux particules fines. La santé des enfants, notamment des plus pauvres, est fortement (…)

La « capitale la plus polluée au monde » fait face à un terrible épisode de pollution aux particules fines. La santé des enfants, notamment des plus pauvres, est fortement affectée alors que cet « airpocalypse » devient la norme.

Tiré de Reporterre

New Delhi (Inde), correspondance

Aparna Agarwal revient tout juste de l'Himalaya où elle a fui avec sa fille de 6 ans et son fils de 3 ans. « Depuis l'arrivée du smog sur New Delhi, ils toussent comme jamais. Ma fille est victime de maux de tête constants. Il leur est impossible de se concentrer ou même de s'amuser. Alors, nous sommes partis dans les montagnes pour éviter d'aggraver ces problèmes respiratoires », raconte cette mère de 35 ans qui vit à Noida, une banlieue à l'est de New Delhi.

Après quelques jours au contact de l'air pur, les symptômes de ses enfants ont diminué, mais pour combien de temps ? « Les habitants de New Delhi se réjouissent dès que la pollution a un peu baissé, mais les niveaux restent extrêmement élevés ! », s'inquiète Aparna Agarwal. Il y a une semaine, la pollution aux particules fines2,5 (inférieures à 2,5 microns) était 60 fois supérieure aux seuils fixés par l'Organisation mondiale de la santé à New Delhi. Elles sont aujourd'hui « seulement » 30 fois au-dessus des normes…

Maladies chroniques mortelles

L'air est vicié toute l'année à New Delhi, mais cette pollution explose en novembre. Le froid hivernal, les fêtes hindoues célébrées avec des pétards polluants, l'agriculture sur brûlis des régions alentour, les usines et chantiers de la capitale : tout concourt pour créer un cocktail mortel. Les mesures gouvernementales timides, telles que la fermeture des écoles ou les solutions fantasques comme les tours antipollution, sont impuissantes face à la catastrophe.

La revueLancet a attribué à la mauvaise qualité de l'air la mort de 1,67 million d'Indiens en 2019. À Delhi, les experts s'inquiètent des conséquences pour les plus jeunes. « Les enfants continuellement exposés alors que leurs poumons se développent sont extrêmement vulnérables », explique le docteur Nikhil Modi, pneumologue. « En quinze ans, j'ai vu les cas d'asthme et d'allergies exploser. Cet hiver, les consultations ont été multipliées par trois. » Seule l'élite a les moyens, comme Aparna Agarwal, d'éloigner temporairement ses enfants de l'air empoisonné.

Ces maladies chroniques sont une bombe en puissance. « L'espérance en vie des enfants diminue alors qu'on les voit développer des maladies mortelles de fumeurs : cancer des poumons, attaques cardiaques, AVC », alerte ce spécialiste en pédiatrie pour qui cette année est une des pires jamais vues à New Delhi. « Cela affecte aussi les familles, avec des heures de travail perdues pour les parents, qui viennent ajouter à la précarité économique de beaucoup de familles. »

Les plus pauvres sans solutions

Bhavreen Khandari, à la tête de Warriors Moms, une association de mères militants contre la pollution, ne décolère pas. « De qui se moque-t-on en faisant croire que fermer les écoles est une solution ? Il n'y a que 3 % de la population qui dispose de grands appartements et purificateurs d'air. Les enfants vont s'entasser dans une pièce polluée où l'on se chauffe parfois au charbon ! » Aparna Agarwal, elle, « empêche ses enfants de gambader dehors et leur fait suivre des cours en ligne », mais se lamente pour ceux « à qui on donne le choix entre la faim ou la toux, car le repas de midi à l'école est fondamental pour les plus pauvres ».

« Les industriels devraient être jetés en prison »

Les associations de défense des enfants ont déposé de nombreuses plaintes auprès d'institutions comme la Cour suprême. Cette dernière appelle régulièrement à des mesures ponctuelles, comme, récemment, le contrôle des véhicules polluants. Des mesures rarement suivies d'effets sur le terrain. « La seule solution, c'est de combattre pour de vrai la pollution de l'air, juge Bhavreen Khandar. On perd espoir car, chaque année, on nous fait des promesses vides. Les industriels et responsables devraient être jetés en prison car ils tuent nos enfants ! »

https://reporterre.net/

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

Pourquoi il nous faut un parti ?

3 décembre 2024, par Édouard Soulier, Fabienne Dolet — , ,
La situation sociale, politique, écologique du monde montre plus que jamais que nous avons besoin de mutualiser nos expériences de lutte, de réfléchir ensemble pour gagner (…)

La situation sociale, politique, écologique du monde montre plus que jamais que nous avons besoin de mutualiser nos expériences de lutte, de réfléchir ensemble pour gagner l'ensemble de notre classe à la transformation sociale. Reste à déterminer la forme d'organisation nécessaire.

Novembre 2024 | tiré de la Revue l'Anticapitaliste no 161| Photo : Manifestation à Angoulême, 9 setembre 2024. © Photothèque Rouge / Aurore C. / CC0.
https://lanticapitaliste.org/actualite/politique/pourquoi-il-nous-faut-un-parti
section débats

« Pourquoi tout le monde crée des mouvements et plus personne ne crée de partis », s'interrogeait Galaad Wilgos dans Slate en 20171. Depuis un peu plus d'une dizaine d'années, avec l'horizontalité permise par les réseaux sociaux, le discrédit des politiques de gauche et de droite alignées sur le « No alternative » thatchérien, un consensus avait surgi : il y aurait une désaffectation historique pour la forme « parti ». Pourtant, à l'heure où résonnent les bruits de bottes partout en Europe, le « mouvement » ou le « réseau » suffisent-ils encore ? En quoi un parti peut-il être utile ?

De la rue aux partis politiques : une rupture

Faute de victoires significatives des mouvements sociaux ces quinze dernières années, d'autres formes de contestation, souvent complémentaires, parfois vues comme remplaçant l'action des partis et des syndicats ont émergé : le mouvement des places, Nuit Debout en 2016, black blocs et politique appeliste, Gilets jaunes en 2018, etc. Dans ces mouvements s'exprime souvent la peur de l'endoctrinement et la volonté de conserver une certaine indépendance de pensée. S'exprime aussi l'envie d'une démocratie ponctuelle, horizontale, d'une action politique exemplaire. La spontanéité est valorisée par rapport à la lourdeur des partis, vus comme bureaucratisés ou prisonniers des enjeux de pouvoir.

La désaffection pour les partis semble avoir atteint un pic qui s'accompagne d'ailleurs d'une abstention record aux élections. Ainsi, seul·es un tiers des Français déclarent être membres d'une association, d'un syndicat ou d'un parti politique2. Pour la participation active, seul·es 2 % des Français·es déclarent être membre d'un parti et y participer activement, 4 % d'un syndicat et enfin 9 % d'une association qui « défend une cause ». Ces chiffres traduisent donc un désengagement pour l'organisation collective, au-delà de la forme « parti ».

De l'impuissance à l'action directe

Si les partis politiques sont souvent vus comme des outils obsolètes, c'est parce qu'ils se fixent des objectifs politiques lointains ou ne répondent pas suffisamment dans le cadre institutionnel aux revendications.

Au cours de la dernière décennie, le déclin numérique des organisations politiques militantes (on ne parle évidemment pas des partis d'élus de la droite) a coïncidé avec une diminution de la lutte organisée et de masse notamment au plan syndical. Ce recul entraîne des frustrations devant l'impuissance, avec à la clé résignation, désaffection mais aussi de nouvelles formes de mobilisation. Ces mobilisations ont privilégié l'action immédiate, qui donne des résultats tangibles rapidement. Cette idée résonne particulièrement avec les luttes écologiques : de Notre-Dame-des-Landes à Greta Thunberg, du barrage de Sivens à Sainte-Soline. L'écologie radicale a trouvé à s'exprimer en France autour des Soulèvements de la Terre.

Du « parti » aux mouvements : recul de la conscience de classe

La faiblesse des organisations politiques traditionnelles suit par ailleurs une tendance au long court : la méfiance à l'égard de toute organisation politique quelle qu'elle soit. Les partis politiques traditionnels de la gauche ont donné une image ambivalente : l'émancipation était souvent soumise aux enjeux de pouvoir. Ainsi, la tradition stalinienne, qui réunissait des organisations de militants obéissant aveuglément ou presque, a produit des courants politiques dans la dynamique post-Mai 68 qui ont cherché d'autres manières de faire de la politique, comme la Ligue communiste, devenue ensuite LCR (Ligue communiste révolutionnaire). Les partis d'élu·es de la social-démocratie en France dans les années 1980-1990 pouvaient utiliser les militants comme des faire-valoir et servir de petites mains à des barons locaux ou ministériels.

De la peur de la récupération politique à la déconnexion totale entre la rue et les partis de gouvernement sous François Hollande, en passant par l'inventaire post-1989, la forme « parti » a pris un coup dans l'aile au profit d'organisations basées sur le mouvement. Les partis d'élus de la gauche institutionnalisés, menant des politiques social- libérales, ont achevé de discréditer les partis. La macronie est le fruit de cette décomposition. Elle s'est d'ailleurs organisée elle aussi en mouvement… évoqué par le nom même lui-même : « En marche ! », pour faire moderne ! La bourgeoisie a contribué à vider de sa substance la forme « parti », mais aussi la forme « mouvement », pour promouvoir… des hommes forts. Macron est l'incarnation de ce processus. D'abord, parce que sa politique l'a mené à discréditer les « corps intermédiaires », puis à mépriser les partis représentés à l'Assemblée nationale, et enfin les députés et l'Assemblée elle-même avec l'usage réitéré de l'article 49.3… Sans même parler du déni de démocratie de la dissolution et des législatives anticipées.

Tout cela éclaire l'offensive idéologique et matérielle du libéralisme économique. Depuis 2008, et la crise des subprimes, les milliardaires se sont enrichis, et les plus pauvres se sont appauvris. Les droits sociaux et les services publics issus du consensus d'après-guerre ont été attaqués de plus en plus à l'échelle européenne. Le capitalisme libéré de toute entrave politique affaiblit les liens collectifs et sociaux, voire il a intérêt à les détruire au profit d'une société d'individus producteurs à bas coût, d'une part, et de consommateurs enragés, d'autre part. Les individualismes ont aussi tendance à accentuer le repli sur soi et la baisse de l'engagement.

En conséquence, il existe des sauts générationnels avec rupture de transmission d'expérience dans les partis et une difficulté à aborder les changements de paradigme historique et politique. Tout cela, alors que s'organiser, réfléchir ensemble, résister ont rarement été aussi nécessaires.

Un parti pour comprendre et résister

Pour faire face à un capitalisme débridé, à bout de souffle, archi-subventionné, comme le dit David Harvey, pour faire face à l'autoritarisme, nous avons besoin d'une organisation, pas seulement ponctuelle, pas seulement tournée vers l'action immédiate, pas seulement tournée vers des victoires institutionnelles… Une organisation qui n'est pas la somme des individus qui la composent mais qui est et qui a une force de penser et d'agir.

Une organisation politique, telle que nous la concevons, se donne à la fois des objectifs stratégiques (la transformation révolutionnaire de la société) et tactiques (gagner des luttes pour renforcer les travailleuses et les travailleurs). Or, ce socle commun, ce programme, est transmis, construit et retravaillé dans des pratiques à la fois formatrices et démocratiques. Un parti permet de mutualiser et de lutter contre l'idéologie dominante. C'est aussi un cadre collectif pour assimiler des expériences organisationnelles et politiques. C'est un lieu de formation pour comprendre le monde. Parce qu'il n'y pas homogénéité entre les luttes et la conscience de classe, il y a nécessité d'un outil collectif pour assimiler les expériences de la classe et agir. Le parti sert à comprendre mais aussi à conserver la mémoire des luttes et à les intégrer. On apprend bien sûr de ses erreurs, si on peut ensemble en tirer les bilans.

Un parti pour agir

Le parti permet de transmettre la mémoire des luttes mais aussi des bonnes pratiques. Pour toute tentative de lutte d'émancipation, nous avons besoin d'une organisation solide politiquement tournée vers l'action. Nous entrons dans une période où la satisfaction des revendications même les plus élémentaires nécessite un rapport de forces supérieur à celui d'il y a trente ans, cela nécessite donc de s'unir. Un groupe avec des habitudes militantes développées en commun – habitudes de discussion, reconnaissance et confiance créées pendant la lutte – est une force pour organiser des actions. Et il faut savoir sur quelles forces on peut compter pour les organiser.

Une organisation est utile pour être ensemble, pour préparer et intégrer différentes idées/méthodes, etc. Il est évident que la répression ne s'abat pas de la même manière sur des individus ou sur un collectif. Ce collectif permet aussi de donner la confiance nécessaire contre cette répression. Tous ces éléments montrent l'importance du collectif pour la lutte.

Ainsi une organisation doit être un outil utile pour les luttes. Cette idée générale de base repose sur le parti qui est un outil face à une classe dirigeante impitoyable et organisée. On imagine mal la police venir sans leur matériel pour réprimer en manif. Il est indispensable de se coordonner pour être efficace dans une lutte. Cette nécessité de s'organiser, notre camp social l'a naturellement lors d'affrontements avec la classe dirigeante. Lorsque c'est nécessaire, il y a des AG qui s'organisent des comités de mobilisation, etc. Mais lorsque la lutte reflue, il est plus difficile de maintenir l'activité locale. C'est pour cette raison que puisque la lutte de classes est permanente, l'organisation politique et militante doit l'être aussi.

Le parti aujourd'hui

La situation du monde est pleine de potentiel pour des luttes révolutionnaires, et les rapports de classe sont si tendus que les revendications qui s'expriment ne peuvent trouver satisfaction dans le cadre du capitalisme. Elles posent la question du pouvoir : qui décide et pourquoi ?

C'est pour cette raison qu'il faut envisager que l'organisation de notre classe, au-delà de la discussion sur la forme « parti », implique une forme de plasticité. Comme l'exprime Daniel Bensaïd : « Dans toute crise révolutionnaire, il faut chercher la forme d'organisation dans laquelle peuvent s'exprimer le plus directement et plus clairement les rapports de forces ; dans laquelle peuvent se modifier les rapports entre les masses et leurs organisations traditionnelles ; par laquelle la rupture entre les masses et ces directions peut s'opérer sans provoquer des divisions accrues du mouvement de masse lui-même. Autrement dit, un cadre où les aspirations unitaires pèsent un maximum, où la radicalisation de la base, qui va dans ces circonstances beaucoup plus vite que celle des appareils, même intermédiaires, se reflètent le mieux et le plus fidèlement. »3

1. Galaad Wilgos, Pourquoi tout le monde crée des mouvements et plus personne ne crée de partis, Slate.fr, 31 juillet 2017.

2. Adelaïde Zulfikarpasic, Les Français et l'engagement, Fondation Jean Jaurès, 22 juillet 2021

3. Daniel Bensaïd, Stratégie et parti, Les Prairies ordinaires, 2016, page 85.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

Né-e-s ici ou venu-e-s d’ailleurs, l’égalité des droits, c’est pour toutes et tous !

3 décembre 2024, par ATTAC-France — , ,
Appel : Nous ne voulons pas d'une société raciste. Nous voulons pour nos voisin-e-s, collègues de bureau, d'atelier, nos camarades d'amphi, pour notre médecin, notre (…)

Appel :

Nous ne voulons pas d'une société raciste. Nous voulons pour nos voisin-e-s, collègues de bureau, d'atelier, nos camarades d'amphi, pour notre médecin, notre boulanger-e, pour la copine ou le copain de classe de nos filles, de nos garçons… une réelle égalité des droits.

Nous vivons ensemble, et ne concevons pas la société autrement que dans le respect de ce qui nous lie. La fraternité est aux côtés de la liberté et de l'égalité sur le fronton de nos édifices publics. Ces grands principes doivent se traduire par l'accès effectif à tous les droits, pour toutes et tous ; par l'accueil et la valorisation de la diversité qui fait la richesse de notre pays, de tout pays ; par le développement des solidarités pour et avec celles et ceux qui en ont besoin.

Travailleuses et travailleurs étrangers, personnes exilées, étudiantes et étudiants internationaux… qu'ils et elles soient arrivés hier ou il y a 20 ans, toutes et tous se retrouvent la cible de politiques migratoires qui voient en l'étranger un criminel en puissance, un « indésirable ».

La loi immigration de janvier 2024 et le Pacte Asile & Immigration de l'Union européenne ont encore radicalisé des politiques répressives et brutales, généralisant la maltraitance administrative. Les politiques publiques sont aujourd'hui dévoyées et utilisées comme des outils pour surveiller, arrêter, enfermer, expulser… C'est sur cette toile de fond que prospèrent au quotidien la xénophobie, la stigmatisation et les discriminations.

Les mers ramènent sur nos côtes les corps de celle et ceux que le choix politique d'une « Europe forteresse » a condamné-e-s ; des exilé-e-s venu-e-s chercher la protection à laquelle elles et ils ont droit sont renvoyé-e-s vers d'atroces destins dans des pays qui violent les droits fondamentaux autant que le droit international ; des enfants et des adolescents sont abandonnés par les institutions qui devraient les protéger ; des personnes qui travaillent, étudient, vivent avec nous sont harcelées et traitées comme des délinquants faute de recevoir les documents qui légaliseraient et pérenniseraient leur séjour ; des résident-e-s de longue date rencontrent des difficultés indues pour la prolongation de leur titre de séjour, et se retrouvent de ce fait plongé-e-s dans une dramatique spirale, perdant leur travail, leur logement, leurs droits sociaux et leur couverture médicale.

L'extrême droite développe le fantasme d'une population « étrangère » présentée comme trop nombreuse et « inassimilable ». Elle attise auprès de la population le rejet des « étrangers » qui – selon elle – seraient la cause de tous les maux socio-économiques endurés par la société. En écho, le gouvernement instrumentalise cette peur de l'autre et prépare une énième loi toujours plus répressive qui pourrait s'affranchir, cette fois, du cadre de l'Etat de droit. Cette surenchère, contraire à nos valeurs d'humanité et de solidarité à la base de notre pacte social, abîme profondément nos sociétés.

Il faut réagir ! Nous sommes déjà nombreuses et nombreux à le faire au quotidien, en dépit des menaces qui pèsent sur nos militant-e-s syndicaux et associatifs qui s'engagent auprès de celles et ceux qui sont privé-e-s de leurs droits et de leur dignité pour une couleur de peau, une religion ou le simple fait d'être né-e ailleurs.

Des millions de citoyennes et de citoyens pensent comme nous et sont prêts à faire retentir la puissante voix de la solidarité !

Le 14 décembre, manifestons partout en France pour défendre le respect de la protection et des droits des travailleuses et travailleurs migrants, de leurs familles et de toutes les personnes exilées !

Et le 18 décembre, Journée internationale des migrants, en meeting unitaire à Paris et dans d'autres initiatives en régions, réaffirmons plus encore l'impérieuse nécessité de l'égalité des droits pour toutes et tous, né-e-s ici ou venu-e-s d'ailleurs !

Un appel à l'initiative de la LDH (Ligue des droits de l'Homme), Amnesty International France, Attac France, Centre de recherche et d'information pour le développement (Crid), La Cimade, Confédération générale du travail (CGT), Emmaüs France, Fédération syndicale unitaire (FSU), Femmes égalité, Groupe accueil et solidarité (Gas), Intercollectif de sans-papiers, Médecins du monde, Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap), Oxfam France, SOS Racisme, Syndicat des avocats de France (Saf), Syndicat de la magistrature (SM), Union syndicale Solidaires, Utopia 56.

Autres signataires :

Association nationale des villes et territoires accueillants (Anvita), Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF), Fédération des Tunisiens citoyens des deux rives (FTCR), Femmes Egalité, Réseau d'actions contre l'antisémitisme et tous les racismes (RAAR)

Les organisations qui souhaitent signer l'appel « Né-e-s ici ou venu-e-s d'ailleurs, l'égalité des droits, c'est pour toutes et tous ! » peuvent remplir CE FORMULAIRE.

https://www.ldh-france.org/ne-e-s-ici-ou-venu-e-s-dailleurs-legalite-des-droits-cest-pour-toutes-et-tous/

https://france.attac.org/se-mobiliser/contre-la-repression-et-le-racisme-pour-les-libertes-publiques/article/ne-e-s-ici-ou-venu-e-s-d-ailleurs-l-egalite-des-droits-c-est-pour-toutes-et

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

Trump et les droites européennes : des rapports attraction-répulsion qui n’annoncent rien de bon…

3 décembre 2024, par Yorgos Mitralias — ,
*Que penser du retour de Trump à la Maison Blanche ? Pour les bourgeoisies européennes et leurs partis, la réponse devrait être et a été positive et même enthousiaste. Pourquoi (…)

*Que penser du retour de Trump à la Maison Blanche ? Pour les bourgeoisies européennes et leurs partis, la réponse devrait être et a été positive et même enthousiaste. Pourquoi ?

Mais, en raison de l'intention très clairement exprimée de Trump d'appliquer des politiques réactionnaires, anti-syndicales, anti-ouvrières, antisociales et pro-capitalistes que les droites européennes voudraient bien mettre en œuvre chez elles aussi, afin de “pacifier” leurs propres sociétés pour une période aussi longue que possible. Signe infaillible de cette euphorie capitaliste : les bourses européennes pavoisaient le lendemain de la victoire électorale de Trump…*

Évidemment, les partis et autres forces d'extrême droite ont tout à fait raison d'exulter plus que tout autre, s*ûr*s que la victoire de Trump ne peut que leur profiter dans leur marche -pour le moment inarrêtable- vers le pouvoir de plusieurs pays, y inclus des plus grands de l'Union Européenne comme la France et l'Allemagne. Ayant déjà le vent en poupe depuis une dizaine d'années, ces partis d'extrême droite et même néofascistes, deviennent maintenant, grâce a Trump, encore plus attrayants pour les ailes et les tendances ultra-droitières déjà existantes au sein des grands partis de la droite traditionnelle. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, les hémorragies électorales et les scissions que vont subir ces partis de la droite traditionnelle européenne en faveur d'une extrême droite plutôt très radicale et sympathisante de Poutine, risquent de redessiner le paysage politique de toute l'Europe, changeant radicalement le rapport de forces également à l'intérieur de la Commission de l'Union Européenne !...

Cependant, force est de constater qu'il y a aussi l'autre face de la médaille des conséquences européennes du retour de Trump à la Maison Blanche. C'est pourquoi la liesse initiale des bourgeoisies européennes qui a suivi le triomphe électoral de Trump a été de courte durée. Pourquoi ? Mais, parce qu'il y a dans tout ça un hic de taille : le protectionnisme agressif et l'ultra-nationalisme de Trump. C'est ainsi qu'au fur et à mesure que Trump multiplie, jour après jour, les déclarations concrétisant son intention d'imposer même à ses alliés et amis des tarifs douaniers exorbitants qui vont frapper durement leurs économies, la satisfaction initiale est remplacée par l'inquiétude, l'anxiété et même la peur. Il s'agit une vraie douche froide qui a comme résultat non seulement de calmer leurs enthousiasmes mais aussi de changer profondément l'humeur et les dispositions des bourgeoisies, des médias et des droites européennes envers Trump.

En somme, ce qui se dessine à l'horizon seulement un mois après sa victoire électorale, c'est que* les droites et les bourgeoisies **européennes** sont presque **condamnées* *à* *développer** des rapports * *d'attraction-répulsion** avec **Trump** et son administration !* D'un coté l'attraction provoquée par la proximité idéologique et la haine commune de ceux d'en bas. Et de l'autre, la répulsion provoquée par les profondes divergences géostratégiques et surtout, par le protectionnisme très agressif de Trump. Un protectionnisme qui pourraient bien mettre le feu aux poudres dans les sociétés du vieux continent et au-delà (par exemple en Chine, aux Indes, au Mexique et même au Canada) et déstabiliser ultérieurement leurs systèmes politiques déjà fragilisés, en raison du marasme social et du chômage record résultant de la faillite des pans entiers de leurs economies et de la probable perte des millions de postes de travail...

Il va de soi, que de tels rapports si contradictoires ne peuvent pas durer éternellement et que les bourgeoisies européennes ainsi que leur personnel politique ne pourront pas être tiraillés éternellement entre l'attirance et la répulsion pour Trump. Tôt ou tard la balance va pencher en faveur de l'attraction et de la coexistence plus ou moins pacifique ou de la répulsion qui pourrait conduire à des drames. Si évidemment ces drames ne sont pas empêchés par l'entrée en jeu des forces sociales et politiques capables de stopper et de battre tant les uns que les autres. Ceci étant dit, on ne peut pas exclure que des inconditionnels ou même des clones politiques de Trump se tournent contre lui si leurs conflits d'intérêts s'exacerbent outre mesure. D'ailleurs, les premières manifestations de tels changements sont déjà perceptibles quand par exemple la Première ministre italienne, la meta-fasciste Mme *Meloni *ou son ami raciste et islamophobe d'extrême droite, le hollandais M. *Wilders* dénoncent le protectionnisme de Trump et font front avec leurs autres partenaires européens contre les tarifs douaniers qu'il veut imposer sur les produits de leurs pays.

Mais, ce qui semble inquiéter le plus les Européens sont les traits pour le moins atypiques du caractère de Trump, qui le rendent totalement imprévisible et incontrôlable.(1) Et cela d'autant plus qu'il décide seul de tout, car il a fait le vide autour de lui et il n'y a plus de garde-fous et des soupapes de sécurité institutionnelles pour l'empêcher de faire n'importe quoi, des folies. Comme par exemple de choisir seul un casting de son gouvernement, que la presse européenne s'est empressée de qualifier d ' « extravagant » ou d'« effroyable », tout en prévoyant que la prochaine administration américaine sera « chaotique ».

Et la gauche européenne dans tout ça ? Que pense-t-elle et que fait-t-elle en ce moment si critique de l'histoire ? La réponse pourrait se résumer dans ces mots : elle fait peu de choses. D'abord, sa social-démocratie jadis puissante mais aujourd'hui déconsidérée et faible, ne fait plus que subir les événements sans réagir, comme par exemple en Allemagne où elle s'attend à essuyer une défaite historique aux élections de février prochain, avec un résultat qui pourrait ne pas dépasser la moitié du résultat de l'extrême droite dure !

Quant à la gauche plus combative et radicale, elle a une influence et des forces assez limitées pour pouvoir peser sur la social-démocratie et les événements qui font trembler notre monde. A l'exception évidemment de la France à cause de l'existence du Nouveau Front Populaire (pourtant assez fragilisé) ainsi que des syndicats ouvriers qui ont fait encore récemment la preuve de leur combativité. Toutefois, cette gauche plus radicale est confrontée à un problème de taille dans sa lutte contre l'extrême droite : l'existence d'une gauche qui « hésite » et évite de dénoncer clairement Trump comme ennemi mortel des syndicats, des mouvements ouvriers, féministes, écologiques et de tout ce qui fait la gauche. Et pire, elle est confrontée à un courant de cette gauche « hésitante », lequel sympathise avec Trump, lui attribuant des vertus... « anti-systèmiques », qui le rendent un allié potentiel de ceux que cette « gauche » appelle des « anti-impérialistes ».

Ce n'est pas surprenant que la grande majorité de ceux qui découvrent en Trump un activiste anti-système, sont aussi des sympathisants de Poutine. Comme il n'est pas surprenant et sans précédents historiques de voir des gens de gauche adopter de telles positions qui dérivent vers l'extrême droite. En réalité, les actuels sympathisants et admirateurs de Trump et de Poutine ne font que perpétuer un triste, ou plutôt criminel, phénomène de l'entre-deux guerres qui a vu même des éminents représentants du mouvement ouvrier et de la gauche, comme par exemple l'Italien *Nicola Bombacci *ou le Français *Jacques Doriot* (1) reconnaître en...Mussolini et Hitler des « champions de la paix », des « révolutionnaires anti-impérialistes » et des « unificateurs de l'Europe » !

Notre conclusion ne peut être que (très) provisoire, car tout le monde est dans l'attente de la suite des événements pour se faire une idée plus claire de ce que va représenter pour l'Europe et pour le monde la deuxième présidence de Donald Trump. Cependant, une chose est déjà plus que sûre : Il faudra mobiliser tout ce qui est mobilisable de par le monde d'abord pour résister bec et ongles et ensuite pour battre l'extrême droite et l'Internationale Brune en gestation, qui constitue actuellement la plus grande menace mortelle pour ce qui reste de notre humanité, de nos droits et de notre planète…

Notes

1. <https://www.pressegauche.org/Et-mai...> https://www.pressegauche.org/Et-maintenant-l-humanite-face-au-fleau-Trump <https://www.pressegauche.org/Et-mai...> *

2. Fondateur et dirigeant avec son ami Gramsci du Parti Communiste Italien (PCI), le très populaire Nicola Bombacci* a été emprisonné et déporté à plusieurs reprises par le régime fasciste dont il était l'ennemi juré, avant de se rapprocher petit à petit à lui et d'adhérer finalement à la *Repubblica di Salò*. Arrêté et fusillé avec Mussolini par les partisans, il est mort le poing levé et criant « *Viva il So**c**ialismo ».

Numéro 2 dans les années ‘30 du Parti Communiste Français, le très populaire parmi les ouvriers *Jacques Doriot* passe en 1936 à l'extrême droite, dont il devient un des leaders. Collaborateur des occupants nazis, dirigeant du *P**arti Populaire* fasciste et créateur de la* Légion* des nazis Français, il combat avec la Wehrmacht en Russie et meurt en Allemagne en 1945 à la fin de la guerre.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

France-dossier. Vague de suppressions d’emplois : sur l’autel de la « compétitivité » et du profit

3 décembre 2024, par A l'encontre — , ,
Le quotidien Le Monde du 28 novembre constate : « A l'accumulation des faillites s'ajoutent les annonces de restructurations en dehors de toute procédure judiciaire. Mercredi (…)

Le quotidien Le Monde du 28 novembre constate : « A l'accumulation des faillites s'ajoutent les annonces de restructurations en dehors de toute procédure judiciaire. Mercredi 27 novembre, la CGT [Confédération générale du travail] a indiqué avoir recensé 286 plans de suppressions d'emplois depuis septembre 2023, estimant qu'entre 128 250 et 200 330 emplois directs, indirects et induits sont supprimés ou menacés. Sa secrétaire générale, Sophie Binet, a appelé les salariés à “se mettre en grève et occuper leurs usines” face à cette “saignée”. »

Nous reproduisons ci-dessous : 1° le bilan établi par la CGT ayant trait aux Plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) – officiellement le PSE « vise à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement économique est inévitable » ! – et 2° « les mesures d'urgence » proposées par la CGT, publiés le 27 novembre. (Réd. A l'Encontre)

28 novembre 2024 | alencontre.org
https://alencontre.org/europe/france/france-dossier-vague-de-suppressions-demplois-sur-lautel-de-la-competitivite-et-du-profit.html

286 PSE : près de 300 000 emplois menacés ou supprimés

Dans un contexte où les entreprises s'enrichissent toujours plus, les vagues de suppressions d'emplois dans l'industrie se multiplient et impactent durement la France. Mercredi 27 novembre, la CGT a présenté à la presse ses propositions pour répondre à l'urgence sociale. Elle organisera des actions sur l'ensemble du territoire, pour l'emploi et l'industrie le 12 décembre.

La CGT dénombre près de 300 plans de licenciement
Depuis plusieurs mois, la CGT alerte sur la situation industrielle désastreuse. En mai dernier, la CGT a présenté une liste de 130 plans de suppressions d'emplois afin de dénoncer ce processus de désindustrialisation. En octobre, lorsqu'elle est présentée au Premier Ministre [Michel Barnier] par la CGT, cette liste atteint les 180 plans de licenciement.

Et moins de 6 mois après notre première liste, la CGT recense aujourd'hui 286 plans de suppressions d'emplois depuis septembre 2023.

Entre 128 250 et 200 330 emplois menacés ou supprimés depuis septembre 2023 recensés par la CGT
Une tendance globale à l'accélération du rythme de mise en œuvre de plans de suppressions d'emplois se dégage, avec plus de 120 plans concentrés sur la période juillet-novembre 2024, dont 89 sur la seule période septembre/novembre.

Les secteurs le plus impactés par les suppressions d'emploi sont :

la métallurgie : 13 000 emplois directs supprimés ou menacés,
le commerce : plus de 10 000 emplois directs supprimés,
le secteur public et associatif : plus de 7 000 emplois supprimés,
les banques et assurances : plus de 6000 emplois supprimés ou menacés
la chimie : plus de 7000 emplois directs supprimés

Si on cumule le total des emplois supprimés ou menacés (70 586) et le potentiel d'emplois indirects et induits dans l'industrie (57 664 hypothèse basse, 129 744 hypothèse haute), on arrive donc à l'évaluation globale d'un impact négatif compris entre 128 250 et 200 330 emplois depuis septembre 2023 recensés par la CGT.

Il donc permis de penser que ce sont plusieurs dizaines de milliers d'emplois supplémentaires menacés qui peuvent être ajoutés à ceux recensés par la CGT.

Le recensement de la CGT documenté est donc cohérent avec les évaluations qui ont pu circuler récemment, notamment celle du cabinet Altares [entreprise intervenant dans le domaine de la « Data Intelligence »] portant sur 300 000 emplois menacés du fait de la vague de défaillances d'entreprises.

Au-delà des ravages sociaux avec la destruction d'emplois directs et indirects, la désindustrialisation entraîne aussi des ravages territoriaux avec la désertification impactant tout le tissu économique et les services publics français.

Chaque emploi supprimé entraîne des effets domino sur les sous-traitants, les prestataires de services et tout l'écosystème économique local. Ces plans de licenciements n'effacent pas seulement des emplois, ils vident des régions de leur attractivité, de leur commerce de proximité…

Des vies brisées, des familles dans l'incertitude : derrière les chiffres c'est un drame humain qui se joue
Il n'y a pas pire violence sociale que le chômage, ces suppressions d'emplois plongent également des familles dans l'incertitude. Ces annonces peuvent être effectuées en visio ou par SMS en un temps extrêmement court, sans prendre en compte les conditions de vie des salarié·es et leurs chances de retrouver un emploi, notamment s'ils et elles sont en fin de carrière.

Ces plans de licenciements entraînent des impacts sociaux profonds, des difficultés financières jusqu'à la perte de logement, fragilisant le tissu social dans de nombreux territoires.

Des conséquences environnementales sont inévitables

La délocalisation de nos productions vers des pays où les normes environnementales sont faibles, voire inexistantes, amplifie l'impact écologique de ces choix.

A cela s'ajoute un paradoxe, les productions exportées à l'étranger reviendront manufacturées dans notre pays, alourdissant encore plus le bilan carbone de la délocalisation. La souveraineté de notre pays est, quant à elle, menacée.

En externalisant ces pans entiers de sa capacité productive, la France perd non seulement des emplois, mais aussi le contrôle sur des secteurs clés de son économie. Cette situation alimente une dépendance accrue à l'égard d'autres pays.

De l'argent public distribué sans contrepartie aux entreprises qui licencient et délocalisent

Face à cela, l'État ne joue pas son rôle de garant, et au contraire, il aggrave la situation. L'argent public est massivement versé dans des aides et subventions aux entreprises qui, sans contrepartie, licencient et délocalisent.

En juillet 2023, la Cour des comptes estime à 260,4 milliards d'euros le soutien financier total aux entreprises, y compris les prêts garantis et le report du paiement des cotisations sociales. Aucun contrôle ni mécanisme coercitif n'empêchent ces pratiques qui affaiblissent notre tissu industriel et nos emplois.

Ces fermetures d'entreprises et d'usines sont les conséquences directes de la politique de l'offre menée par Emmanuel Macron depuis son premier mandat.

Sa seule boussole a été d'attirer des investisseurs étrangers, qui une fois sur le territoire, pillent les savoirs et les brevets avant de repartir ouvrir des usines à bas coûts dans d'autres pays.

L'État doit impérativement agir pour restaurer la souveraineté industrielle de la France et mettre en place une véritable politique industrielle ambitieuse. Cela passe par l'arrêt des délocalisations et par une relocalisation des productions.

Il est également essentiel de lutter contre le dumping social qui exploite les travailleur·ses sous-payés dans d'autres pays, tout en détruisant les emplois locaux. Une véritable stratégie industrielle est donc indispensable afin de garantir un avenir durable pour la France.

La CGT demande à l'Etat de prendre ses responsabilités et de lancer en urgence des assises pour l'industrie afin de relancer notre outil productif et agir pour les emplois en France.

La CGT organise des actions pour l'emploi et l'industrie, le 12 décembre.

***

Les mesures d'urgence de la CGT pour endiguer les PSE

Face à la gravité de la saignée industrielle, il faut agir, sans attendre, sur trois aspects :

Un plan d'urgence pour l'emploi et l'industrie

  • Un moratoire sur les licenciements et un renforcement des dispositifs garantissant la recherche effective d'un repreneur
  • Un plan national de maintien et de relocalisation des outils et emplois industriels, piloté par un État assumant un rôle d'acteur central de l'industrie
  • Permettre un retour immédiat aux tarifs réglementés de vente de l'électricité et du gaz

Des assises de l'industrie et une grande loi pour réindustrialiser le pays et répondre au défi environnemental

  • Planifier et protéger notre industrie
  • Donner la possibilité aux travailleurs d'intervenir sur les orientations stratégiques des entreprises
  • Mettre en place une Sécurité Sociale professionnelle et environnementale
  • Responsabiliser les donneurs d'ordre par rapport aux sous-traitants
  • Mettre l'industrie au service de l'intérêt général
  • Investir pour préparer l'avenir

Réorienter la politique européenne

  • Renforcer les normes sociales et environnementales et protéger notre industrie
  • Mettre en place un plan d'investissement européen, à rebours des politiques d'austérité
  • Sortir du dogme de la concurrence libre et non faussée

*****

Par l'Union syndicale Solidaires

L'Union syndicale Solidaires est inquiète et en colère face à la multiplication des annonces de plans de licenciements.

Inquiète pour l'avenir des dizaines de milliers de salarié·es concerné·es qui risquent de perdre brutalement leur emploi, et de subir le chômage.

En colère, car ce sont des vies qui sont détruites, des couples qui parfois perdent simultanément leurs emplois.

En colère, car les gouvernements successifs et le patronat ne cessent de s'attaquer à l'Assurance-chômage pour en durcir les règles. Le cynisme patronal est décidément sans limite alors qu'en même temps il licencie en masse.

En colère, car les politiques des gouvernements successifs nous ont menés à cette situation et aujourd'hui le gouvernement joue le théâtre de l'impuissance.

“Moderniser” le marché du travail, inverser la hiérarchie des normes, faciliter les licenciements (loi El Khomri de 2016), soutien financier massif aux entreprises (CICE, CIR, exonérations de cotisations…) : la politique de l'offre appliquée depuis des années n'a abouti qu'à engraisser les grands groupes.

Bien qu'effectuant des bénéfices et reversant des milliards de dividendes, ces grandes entreprises licencient pour préserver voire augmenter leurs marges au mépris des salarié·es et de leurs sous-traitants.

Michelin qui avance des raisons économiques à ces licenciements se garde bien de rappeler que le groupe a encore réalisé des bénéfices records de plus de 3 milliards d'euros en 2023 !

Auchan annonçait quasi concomitamment 2400 licenciements dans ses magasins français malgré un chiffre d'affaires de plus de 16 milliards d'euros en 2023 et 1 milliard de dividendes versés !

Casino, Saunier-Duval, Bosch, Valeo, Adrexo-Milee, Lecas, Don't Nod, People Doc, Exxon Mobil, Stellantis, Nexity, Sanofi, Batimetal… autant de groupes qui licencient. La liste ne cesse de s'allonger.

Pour arrêter le massacre, il faut des mesures d'urgence. Solidaires revendique l'interdiction des licenciements pour les entreprises qui font des bénéfices, un droit de veto des CSE sur les licenciements et le remboursement des aides publiques !

Face à la multiplication des annonces, l'heure est à se coordonner pour frapper plus fort ensemble.

L'Union syndicale Solidaires travaille à la construction d'une riposte unitaire. Pour l'interdiction des licenciements, la défense de l'emploi et un statut du salarié plus protecteur qui garantisse la continuité des droits des salarié·es. (18 novembre 2024)

*****

Mettre un coup d'arrêt aux fermetures de sites et aux licenciements

Par Robert Pelletier (L'Anticapitaliste)

Après les premières suppressions d'emplois et de fermetures annoncées par Sanofi, Michelin et Auchan, de nouvelles annonces de suppression d'emploi tombent chaque semaine, presque chaque jour.

La filière automobile est la plus touchée. Dans le cadre d'une situation au moins européenne les restructurations engagées chez Renault, les baisses de production continues chez Stellantis tentent de répondre à la concurrence exacerbée, à la stagnation voire aux baisses des ventes notamment dans l'électrique qui s'inscrivent dans la durée.

Dans toutes les branches, toutes les régions

Les mesures décidées ou envisagées impactent d'ores et déjà plusieurs sous-traitants ou équipementiers que ce soit Valeo (Normandie, Sarthe, Isère), Amis (Montluçon), Dumarey et Novarex en Alsace, et en contrecoup, Michelin. Dans la chimie, la fermeture de Vencorex (Isère) et celle de WeylChem Lamotte (Oise) pourraient bien n'être que l'amorce d'une séquence importante de suppressions d'emplois dans ce secteur. Et au-delà de ces exemples qui ont plus ou moins franchi le mur du silence médiatique ce sont des dizaines (centaines) de milliers d'emplois qui sont condamnés dans les mois qui viennent dans de multiples branches (sidérurgie, alimentation, habillement). L'expérience montre qu'à ces milliers de suppressions de postes de travail dits « directs » il convient d'ajouter 3 à 4 fois plus de suppressions d'« indirects » que ce soit dans le commerce, les transports et même les services publics. Même si certaines régions comme le Nord, l'Est ou l'Ouest sont particulièrement impactées, tous les territoires risquent de connaître ces situations désespérées.

Et pendant ce temps-là le gouvernement regarde ailleurs

À la question du journal les Échos, le 22 novembre, « la multiplication des annonces de plans de licenciement augure-t-elle selon vous d'un retournement du marché du travail ?? », la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, ose répondre : « ?Non. Des tensions mais pas un retournement. Il faut être lucides et mobilisés, sans verser dans le catastrophisme ». Osera-t-elle aller tenir ce discours à Cholet, Vannes ou dans l'Isère ? Même le très officiel OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) se montre nettement plus pessimiste pour la fin de l'année, mais surtout pour 2025 avec 143 000 emplois en moins et un taux de chômage qui se hausserait à 8% en fin d'année prochaine. Pour le gouvernement, il semble n'y avoir pas de sujet, tout juste l'occasion de mesures de répression contre celles et ceux qui comme à Cholet tentent de défendre leurs moyens de vivre : sept ouvriers, dont un militant de la CGT, étaient convoqués au tribunal d'Angers vendredi dernier à la demande de Michelin qui se permet d'invoquer sa « liberté » du travail avec l'appui de l'appareil judiciaire à défaut de pouvoir dans l'immédiat assumer politiquement une intervention des forces de police contre le piquet de grève.

Élargir la riposte
Sur de nombreux sites, la mobilisation se construit. Mais on est encore « chacun dans son coin » et bien souvent sur la revendication d'un « départ digne ». Devant l'ampleur de la purge annoncée, entamée, c'est plus que jamais un « tous ensemble » qu'il faut construire. Dans les filières, dans les régions. En lien avec la défense de l'emploi public lui aussi violemment attaqué. L'interdiction des licenciements, la suppression des aides au patronat accordées tant par les gouvernements de droite que de gauche, la réduction du temps de travail ne seront pas obtenues lors de batailles parlementaires. Plusieurs dates de mobilisation dans le public comme dans le privé sont au calendrier de décembre. Nous devons nous en saisir pour amplifier les mobilisations encore trop éparses pour faire reculer patronat et gouvernement. (28 novembre 2024)

*****

Contre les fermetures et les licenciements : ce combat doit devenir celui de tous !

Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière, 25 novembre, Bulletins d'entreprise)

Que nous soyons ouvriers, employés, salariés du public ou du privé, le gouvernement et le grand patronat ne nous laissent aucun répit. Après le vol de deux années de retraite et la brutale flambée des prix, voici les licenciements de masse !

200 fermetures d'usines seraient déjà annoncées. Et on ne compte pas les centaines de petits fournisseurs et sous-traitants entraînés dans la chute des plus grosses entreprises. 150 000, voire 200 000 suppressions d'emplois seraient à prévoir dans l'automobile, la chimie, la sidérurgie, la grande distribution… C'est une attaque d'ampleur.

Mais elle n'a rien d'une fatalité. Car les responsables, les Michelin, Auchan, Bosch, Valeo…, sont des groupes richissimes dont les actionnaires sont assis sur des montagnes de capitaux. Ils ont les moyens financiers d'assurer les emplois et les paies de tous leurs salariés. Ils peuvent répartir les productions entre les dizaines, voire les centaines d'usines qu'ils possèdent dans le monde et préserver tous les emplois.

Cela leur coûterait de l'argent ? Oui ! Cela diminuerait leur taux de rentabilité ? Également. Mais où est-il inscrit qu'ils doivent faire 8, 10 ou 15% de marge ? L'année dernière, Michelin a réalisé deux milliards de profits et a distribué 900 millions à ses actionnaires. Eh bien, qu'il prenne sur ces dividendes !

Les fortunes des grands actionnaires, les familles Michelin, Mulliez ou Peugeot, se comptent en dizaines de milliards. Qu'ils ne touchent pas de dividendes pendant quelques années ne les privera de rien. Ils continueront de survoler la planète en jet privé, de peupler les palaces de luxe et de claquer des milliers d'euros en une soirée.

Mais à Cholet, si Michelin ferme et que le chômage fait rage, combien de travailleurs ne pourront plus rembourser leur crédit, plus payer les études de leurs enfants, plus se chauffer ? Combien se retrouveront avec des retraites de misère ? Misère qui frappera aussi les artisans, les commerçants et les petits agriculteurs déjà étranglés par la baisse de la consommation et par les crédits contractés pendant le Covid.

Les industriels se disent en « crise ». Celle-ci serait provoquée par la faiblesse des ventes de voitures électriques en Europe, par la concurrence chinoise et le prix élevé de l'énergie. Et de fait, la bourgeoisie européenne est secouée par ses concurrents chinois et aussi américains.

Mais dans cette crise, le grand patronat n'a encore rien perdu. C'est pour ne pas perdre un centime qu'il se retourne contre des centaines de milliers de travailleurs. C'est aussi pour cela qu'il réorganise son système productif en délocalisant ou en retirant ses capitaux des affaires jugées pas assez rentables. Alors, il n'y a pas à se laisser attendrir par ce grand patronat. Non seulement il pleure la bouche pleine, mais il a déclaré la guerre à l'ensemble du monde du travail !

Ne nous laissons pas berner par ceux qui promettent de lutter contre la concurrence « déloyale » et de faire du protectionnisme. La concurrence est toujours jugée déloyale par les perdants, en particulier les plus petits, qui finissent toujours dévorés par plus gros qu'eux. Le problème, c'est le principe même de la concurrence, parce que c'est la loi de la jungle.

Cette jungle économique, le grand patronat la défend bec et ongles. Il en est le principal acteur et profiteur. Parce qu'avec la propriété privée des entreprises, la concurrence est à la base du capitalisme. Pour les groupes les plus puissants, c'est une source d'enrichissement sans fin et le moyen de mettre les travailleurs du monde entier en compétition pour les exploiter toujours plus.

Les discours politiciens sur la réindustrialisation et le protectionnisme ne sont que démagogie. Les capitalistes jouent nos emplois et nos vies au casino mondial de la finance pour leurs seuls intérêts de parasites. Notre seule protection, c'est notre colère, notre combativité et notre organisation.

Il y a des luttes, des débrayages et des grèves dans certaines usines menacées de fermeture. Les ouvriers qui se battent pour leur emploi et leur salaire ont raison. Mais il ne faut pas les laisser seuls. Les licenciements frappent tant de secteurs et de régions que nous en subirons tous les conséquences. Alors, ce combat doit devenir celui de tous les travailleurs !

La mobilisation générale ne se décrète pas, surtout après des années de recul. Mais le grand patronat ne nous laisse pas le choix. Il faut nous battre avec la conviction que nous ne sommes pas condamnés à subir les diktats d'une minorité de rapaces. Tout est une question de rapport de force. Et parce que le monde du travail produit tout et fait tout tourner dans la société, il peut et doit s'imposer !

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

France : Fermeture d’usines à ArcelorMittal : la grève s’étend à l’ensemble des sites du pays

3 décembre 2024, par Lino Lussu — , ,
Alors que les travailleurs de Reims et Denain se mobilisent depuis la semaine dernière contre la fermeture de leurs usines, les 6 autres sites du pays ont rejoint le mouvement (…)

Alors que les travailleurs de Reims et Denain se mobilisent depuis la semaine dernière contre la fermeture de leurs usines, les 6 autres sites du pays ont rejoint le mouvement ce mardi à l'appel de l'Intersyndicale. Une jonction progressiste qu'il s'agit d'amplifier et de généraliser.

27 novembre 2024 | tiré de Révolution permanente | Photo : Crédit photo : Union Locale CGT Onnaing et Environs

Suite à l'annonce de la fermeture de leurs usines, les salariés d'ArcelorMittal Centres de Services de Reims et de Denain se sont mis en grève la semaine dernière. Ce mardi 26 novembre, à l'appel de l'Intersyndicale (CGT, CFDT, FO, CFE-CGC), le mouvement s'est étendu à l'ensemble des 8 sites français. Même s'ils ne sont pas directement concernés par les licenciements en cours, de nombreux travailleurs ont souhaité se mettre en grève en solidarité avec leurs collègues, alors qu'ils pourraient également être les prochains sur la liste.

En effet, rien ne porte à croire que la direction du deuxième producteur mondial d'acier va s'arrêter là. Au contraire, dans leur course effrénée au profit, le plus probable est une progressive délocalisation de toute la production vers des pays où la main d'œuvre est « meilleur marché ». En ce sens, les patrons d'ArcelorMittal viennent de geler les investissements sur les projets de décarbonation de l'acier français, et exhorte l'Union Européenne à les protéger de « la concurrence extra-européenne déloyale ». Un discours teinté de protectionnisme qui cherche à justifier les licenciements.

Travailleur sur le site de Woippy, Thomas* nous explique : « c'est toujours pareil, la direction essaye toujours de nous monter contre les travailleurs allemands ou chinois, alors que pendant ce temps-là ils font des milliards de profits ! ». Tout comme Michelin, Auchan ou encore Stellantis, ArcelorMittal s'apprête à licencier alors qu'il a versé près de 9 milliards d'euros à ses actionnaires entre 2020 et 2022.

Alors qu'une vague de licenciements frappe la France depuis plusieurs mois, laissant souvent les salariés visés dans l'isolement, l'initiative d'élargir la grève à l'ensemble des sites français va dans le bon sens. En effet, comme le rappelait dans notre précédent article David Blaise, délégué syndical central CGT, « il est clair que la solidarité entre tous les travailleurs, peu importe leur secteur ou leur branche, est essentielle. On ne peut pas se permettre de rester isolés chacun de notre côté à mener des luttes séparées. C'est en unissant nos forces qu'on pourra réellement peser. ».

De plus, l'offensive patronale en cours concerne en réalité l'ensemble des travailleurs du pays. En supprimant des centaines de milliers d'emplois, c'est tous les salaires qui vont être tirés vers le bas. Le monde du travail dans sa globalité aurait donc intérêt à se mobiliser autour de revendications fortes telles que l'interdiction des licenciements et l'embauche en CDI des salariés avec contrats précaires. De ce point de vue, l'appel de la CGT à une « convergence des mobilisations, avec débrayages et grèves en région pour l'emploi et l'industrie » le 12 décembre est un premier pas. Si cette journée peut constituer un point d'appui pour que différents secteurs se coordonnent, il faudra que la mobilisation dépasse la logique de journées de grèves isolées et sans lendemain si l'on souhaite construire un rapport de force suffisant pour mettre un frein à l'offensive patronale. Pour faire face à une bourgeoisie radicalisée seul un véritable plan de bataille construisant crescendo un mouvement de grève dure à dimension nationale, organisé par la base dans chaque entreprise, pourrait permettre d'imposer l'interdiction des licenciements.

*prénom modifié

Volodymyr Ishchenko : « En Ukraine, le désir réel de se sacrifier pour l’État est très faible »

3 décembre 2024, par Philippe Alcoy, Volodymyr Ishchenko, Sasha Yaropolskaya — , , ,
Cette entrevue ne ne reflète pas nécessairement les positions de Presse-toi à gauche ! Révolution Permanente s'est entretenu avec Volodymyr Ishchenko, sociologue ukrainien, (…)

Cette entrevue ne ne reflète pas nécessairement les positions de Presse-toi à gauche !

Révolution Permanente s'est entretenu avec Volodymyr Ishchenko, sociologue ukrainien, au sujet du conflit qui ravage le pays. Il nous donne sa vision de la guerre, des rivalités au sein de la bourgeoisie ukrainienne et du rôle de la classe ouvrière. Philippe Alcoy et Sasha Yaropolskaya et Volodymyr Ishchenko

25 novembre 2024 | tiré de Révolution permanente
https://www.revolutionpermanente.fr/Volodymyr-Ishchenko-En-Ukraine-le-desir-reel-de-se-sacrifier-pour-l-Etat-est-tres-faible

Sasha Yaropolskaya et Philippe Alcoy ont interviewé Volodymyr Ishchenko, sociologue ukrainien qui a milité et pris part dans plusieurs initiatives des milieux de gauche en Ukraine avant de déménager en Allemagne en 2019. Ishchenko travaille actuellement à la Freie Universität de Berlin et poursuit ses recherches sur les révolutions ukrainiennes, la gauche et la violence politique de l'extrême-droite qu'il étudie depuis 20 ans.

Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, il a également beaucoup écrit dans plusieurs médias internationaux sur différents aspects de celle-ci. Il nous livre ici sa vision sur le cours de la guerre, les évolutions des sentiments de la population ukrainienne à l'égard du conflit, les luttes internes au sein des classes dominantes nationales, le renforcement de l'extrême-droite souvent relativisé par les médias dominants en Occident et enfin la situation de la classe ouvrière et de la gauche ukrainienne.

Ici, en Occident, de nombreux reportages ont tendance à parler de l'enthousiasme des Ukrainiens à défendre leur pays. Mais aujourd'hui, nous voyons des images de jeunes hommes qui désertent ou refusent de servir dans l'armée. Pouvez-vous nous expliquer quel est le sentiment de la population ukrainienne aujourd'hui face à la situation de la guerre contre la Russie ?

Il n'y a pas d'enthousiasme ou du moins cet enthousiasme est limité à un groupe de personnes beaucoup plus restreint qu'il ne l'était en 2022. À l'époque, l'enthousiasme était occasionné non pas seulement par une réaction à l'invasion russe, mais aussi par le fait que le plan d'invasion initial avait échoué en quelques jours. Il n'y avait pas seulement l'indignation que la Russie ait attaqué notre pays, mais aussi d'immenses espoirs de victoire au printemps, et encore plus après la contre-offensive ukrainienne de septembre 2022 et les attentes d'un plus grand succès de la contre-offensive en 2023. Comme nous le savons maintenant, la campagne ukrainienne de l'année dernière a échoué et n'a atteint aucun de ses objectifs. Au lieu de cela, nous avons assisté à l'avancée relativement réussie des forces russes.

Cela a des conséquences sur la façon dont les gens ressentent la guerre. Dans l'opinion publique en particulier, il y a des tendances claires : lorsque la situation sur la ligne de front était bonne pour l'Ukraine avec des chances d'amélioration, le soutien aux négociations était très faible, mais lorsque la situation s'est détériorée et les espoirs que l'Ukraine pourrait gagner la guerre se sont amenuisés, le soutien aux négociations a augmenté, alors que le soutien au compromis et la confiance en Zelensky ont diminué.

Il y a de multiples indications qui laissent à penser que l'enthousiasme de 2022 était assez fragile ; ce n'est pas la première fois que l'on voit ce genre de dynamique. Après la « Révolution Orange » de 2004 et la révolution EuroMaidan de 2014, les gens ont eu de grandes attentes qui ont laissé rapidement place à la déception. Une dynamique similaire s'est produite après l'élection de Zelensky en 2019, puis en 2022. L'une des lignes d'interprétation est que ces événements étaient la manifestation de la montée de la nation ukrainienne avec une dynamique quasi-théologique, en tant qu'aboutissement ultime de la lutte de libération nationale.

Vous avez parlé de désertion. Le nombre de personnes qui tentent de s'échapper par la frontière est élevé. Une statistique encore plus parlante est que la majorité des hommes soumis au service militaire, âgés de 18 à 60 ans, n'ont pas mis à jour leurs coordonnées auprès du bureau de recrutement militaire. Ceci avait été exigé afin de rendre la conscription ukrainienne un peu plus efficace et de ne pas recourir à cette méthode assez brutale qui consiste à capturer les gens dans la rue, mais d'essayer de collecter les données de tous les conscrits potentiels pour ensuite commencer à les mobiliser de manière plus efficace. S'ils ne mettent pas à jour les données, ils seront punis d'une amende élevée et si les gens ne paient pas cette amende, il y aura encore plus de complications dans leur travail et leur vie. Il s'agit d'une question très sérieuse et, malgré tout, la majorité des hommes ukrainiens n'ont pas tenu compte de cette exigence. Et pour ce qui est des hommes ukrainiens à l'étranger, selon les estimations, seuls quelques-uns d'entre eux ont mis à jour leurs données, alors que tout le monde était tenu de le faire. Cela signifie que le désir réel de se sacrifier pour l'État est très faible.

La conscription militaire devient de plus en plus brutale en Ukraine. Des vidéos ont émergé d'arrestations publiques de conscrits militaires, et d'affrontements entre des policiers et des militaires d'un côté, et des citoyens témoins de la scène de l'autre. Y a-t-il un parallèle à faire avec la situation en Russie sur la question de la conscription militaire ? Et est-ce un sujet de crainte pour l'État de pousser à une large conscription qui pourrait entraîner un mécontentement social comme en Russie, où depuis des années il y a un mouvement des familles des conscrits, notamment des épouses et des mères, qui se mobilisent pour soutenir leurs maris et leurs fils ? En Russie, le régime craignait de lancer un vaste effort de conscription et il a essayé de trouver différents moyens d'éviter de grandes vagues de conscription militaire. Mais j'ai le sentiment que l'Ukraine, en particulier lorsque les approvisionnements en provenance des États-Unis étaient faibles, n'a pas eu le choix et a abaissé l'âge de la conscription, ce qui s'est accompagné d'une grande brutalité de la part de la police. Y a-t-il des protestations sociales potentielles qui pourraient découler de cette situation ?

Il y a beaucoup à dire à ce sujet. Contrairement à la Russie, la conscription a toujours existé en Ukraine. Ce n'est donc pas une seule vague de conscription comme celle que que Poutine a annoncée en septembre 2022 en réponse à la contre-offensive ukrainienne. L'armée ukrainienne se procurait ses soldats principalement par le biais de la conscription. Les volontaires ne constituent pas la majorité de l'armée ukrainienne, et leur nombre est devenu négligeable à partir de 2022. Toutes ces méthodes brutales de mobilisation sont le résultat d'un faible désir de se porter volontaire pour l'armée.

Pourquoi est-il si faible ? L'explication la plus généreuse pour l'État ukrainien, et également celle qui est répétée dans certains cercles, est que c'est simplement parce que les États-Unis n'ont pas fourni suffisamment d'armes. Cet argument implique une idée très précise de la manière dont la guerre pourrait être gagnée. Mais il n'est pas certain que si toutes les armes et fournitures avaient été livrées en 2022, une victoire décisive aurait été remportée sur la Russie. Je n'entrerai pas dans des spéculations, mais je ne pense pas qu'il s'agisse d'une analyse consensuelle parmi les experts militaires. Le revers de la médaille est que l'envoi d'armes est conditionné à l'efficacité de la mobilisation ukrainienne. Ainsi, la modification de la loi sur la conscription cette année était liée à l'envoi d'armes par les États-Unis. C'est ce qu'ont confirmé de nombreux hommes politiques ukrainiens. Les États-Unis attendaient de l'Ukraine qu'elle rende la conscription plus efficace. Aujourd'hui, la question la plus urgente est de réduire l'âge de la conscription. Il a déjà été ramené de 27 à 25 ans, et il y a maintenant une forte pression pour l'abaisser encore plus, à 22 ans, voire à 18 ans.

Il y a un argument important contre cela. Il s'agit de la cohorte démographique la plus fertile de la population ukrainienne, et c'est aussi l'une des plus petites. En fait, si vous envoyez ces jeunes gens mourir dans un massacre, la capacité de la population ukrainienne à se régénérer après la guerre diminuera encore plus. Selon les dernières prévisions de l'ONU concernant la population ukrainienne, d'ici la fin du siècle, celle-ci ne comptera plus que 15 millions d'habitants, contre 52 millions en 1992, après la désintégration de l'URSS. Et il ne s'agit même pas du scénario le plus pessimiste ; il repose sur l'hypothèse plutôt optimiste que la guerre prendra fin l'année prochaine et que des millions de réfugiés, en particulier des femmes fertiles, reviendront et pourront contribuer à la reproduction de la population ukrainienne, ce qui n'est pas certain, c'est le moins que l'on puisse dire.

Il s'agit d'un choix impossible. Tout au long de l'histoire, de nombreuses nations ont mené de longues guerres contre des conquêtes impériales – pas nécessairement des conquêtes impériales d'ailleurs : prenons l'exemple de la France révolutionnaire. Après 1789, la France a pu vaincre la coalition des plus grandes puissances européennes jusqu'en 1812, lorsque Napoléon a été vaincu en Russie. Pendant deux décennies, la France a vaincu toute l'Europe. Tel était le pouvoir de la révolution. Après 1917, la Russie révolutionnaire a pu vaincre la coalition des puissances impérialistes les plus fortes grâce au pouvoir de la révolution et à la capacité de construire une armée rouge efficace, nombreuse et victorieuse. Lors de la guerre du Vietnam, les Vietnamiens ont vaincu la France et les États-Unis sur une période de plusieurs décennies. L'Afghanistan a vaincu l'URSS et les États-Unis dans une guerre qui a duré de 1979 à 2021. Théoriquement, on peut penser qu'une petite nation peut vaincre un ennemi beaucoup plus grand, mais cela nécessite une stature sociale et une politique différentes.

Toutes ces guerres ont donc été menées par des pays disposant d'une importante population paysanne capable de se mobiliser dans des guerres révolutionnaires ou de guérilla de grande ampleur. Ainsi, au Vietnam, la démographie s'est maintenue au fil des décennies malgré les génocides perpétrés par les États-Unis au Vietnam, même si l'équilibre des forces était disproportionné. Mais c'était là le pouvoir de la révolution. L'Ukraine post-soviétique est un pays très différent. Sa structure démographique est très différente, pas comme au Vietnam, pas comme en Afghanistan, pas même comme en Ukraine il y a cent ans, qui était un pays essentiellement paysan avec de multiples armées révolutionnaires, l'Armée rouge, l'armée de Makhno, les divers seigneurs de guerre nationalistes qui bénéficiaient de la démographie de la paysannerie. Aujourd'hui, l'Ukraine est une société urbaine modernisée avec une démographie en déclin, elle ne pourra pas mener la guerre pendant des décennies.

Par ailleurs, il n'y a pas de changements révolutionnaires. Paradoxalement, les trois révolutions ukrainiennes de 1990, 2004 et 2014 n'ont pas créé un État révolutionnaire fort capable de mettre en place un appareil efficace pour mobiliser l'armée et l'économie. L'idée qui sous-tend ces révolutions est que l'Ukraine est censée s'intégrer dans l'ordre mondial des États-Unis comme une sorte de périphérie. Ce type d'intégration ne profiterait qu'à une étroite classe moyenne, à certains oligarques opportunistes et au capital transnational.

L'Ukraine discute toujours de l'augmentation des taxes, assez modérée, après deux ans et demi de guerre, ce qui en dit long sur la confiance potentielle des Ukrainiens envers l'État et sur leur désir de défendre leur État. La question des classes sociales était très importante, car les conscrits venaient principalement des classes inférieures, des villages. Il s'agit principalement de pauvres gens qui n'ont pas pu soudoyer les officiers de recrutement pour qu'ils les laissent partir et de personnes qui n'ont pas trouvé le moyen de fuir le pays.

Zaloujny, le chef des forces armées ukrainiennes, et Kuleba, le ministre des Affaires étrangères, ont été limogés cette année. Est-ce que vous pourriez revenir la question des luttes politiques au sein de la bourgeoisie ukrainienne ?

Zaloujny est un adversaire politique potentiel de Zelensky. Il était dangereux pour lui de voir un général populaire se transformer en politicien. C'est l'une des idées qui a motivé l'envoi de Zaloujny en tant qu'ambassadeur au Royaume-Uni. Avec Kuleba, il y avait aussi un problème de confiance. Nous pouvons analyser cela comme la construction d'un pouvoir vertical, une manière informelle de consolider l'élite et de gouverner le pays en utilisant des institutions formelles, comme la Constitution démocratique et le Parlement, mais aussi par le biais de mécanismes informels.

Tous les présidents ukrainiens ont essayé de construire ce pouvoir informel. Le pouvoir vertical de Zelensky a commencé à se construire avant l'invasion, mais la guerre a offert plus d'opportunités et son chef de cabinet, Andri Yermak, est considéré comme la deuxième personne la plus puissante du pays avec un énorme pouvoir informel et la capacité de construire une structure informelle efficace qui consolide le pouvoir autour du bureau présidentiel.

La dynamique de ces conflits qui éclatent parfois dans la sphère publique reste pour l'essentiel hors de portée du public. Elle est principalement liée aux résultats de la ligne de front et aux développements militaires. En cas de mauvais développement pour l'armée ukrainienne, ces conflits s'intensifieraient et certains nationalistes radicaux, voire certains oligarques, pourraient relever la tête, etc.

Beaucoup de choses dépendent de la position des États-Unis et de l'UE et de la stratégie que Trump va choisir. À moins que Zelensky ne soit en mesure de mettre fin à cette guerre d'une manière qui pourrait être présentée au public ukrainien comme une victoire, avec l'obtention de l'adhésion à l'UE ou à l'OTAN ou de certains programmes de financements généreux pour l'Ukraine par exemple, même si elle perd du territoire. Avec une issue qui serait perçue comme une défaite, Zelensky n'aurait probablement pas beaucoup de perspectives après la guerre.

Quel est le rôle de l'extrême droite en Ukraine ? Ce sujet a été très discuté dans les médias occidentaux tout au long de la guerre. Certains médias occidentaux libéraux tentent également de présenter l'extrême droite ukrainienne comme étant moins dangereuse que l'extrême droite occidentale parce qu'elle se bat du bon côté de l'histoire en présumant que la Russie est l'ennemi le plus important. Le régime Zelensky a tenté de s'adresser à ces secteurs de l'extrême droite en organisant des cérémonies officielles pour le bataillon Azov ou en célébrant l'anniversaire de Stepan Bandera, nationaliste et sympathisant nazi. Il est difficile de suivre depuis la France l'évolution de cette dynamique au fur et à mesure que la guerre progresse. L'extrême droite est-elle un petit segment mais puissant en raison de son implantation dans l'armée, ou gagne-t-elle en popularité en dehors des secteurs traditionnels de l'extrême droite ? L'extrême droite joue-t-elle un rôle important dans le paysage politique ukrainien ou est-elle exagérée par les médias ?

Lorsque les Occidentaux discutent de l'extrême droite ukrainienne, je pense qu'ils se trompent de point de comparaison. Par exemple, en France, l'extrême droite, principalement le Rassemblement national, le parti de Le Pen, est bien moins extrême que les mouvements dont nous parlons en Ukraine. Le parti de Le Pen n'utilise probablement pas de symboles nazis et a une attitude plus sophistiquée à l'égard de la collaboration avec Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils essaient de se désintoxiquer. Ce n'est pas le cas en Ukraine.

Vous avez mentionné Stepan Bandera, qui est glorifié ouvertement, et plus encore la Waffen-SS, en particulier par les membres du bataillon Azov. Le degré d'extrémisme de l'extrême droite ukrainienne est bien plus élevé que celui de l'extrême droite occidentale. Récemment, une conférence internationale, « Nation Europa », s'est tenue à Lviv, la plus grande ville de l'Ukraine occidentale, où ont été invités des groupes tels que le Dritte Weg d'Allemagne, CasaPound d'Italie et d'autres groupes néo-nazis similaires de nombreux pays européens. En Ukraine, toutes les grandes organisations d'extrême droite y ont participé, y compris le parti Svoboda et des membres éminents d'Azov/Corps national. Ces partis, organisations et unités militaires ukrainiens sont généralement appelés « extrême droite », mais ils entretiennent des relations internationales avec des groupes occidentaux bien plus extrêmes et violents que les partis d'extrême droite dominants. D'ailleurs, la plupart des unités militaires ukrainiennes qui ont participé à cette conférence ont des liens avec les services de renseignement militaire ukrainiens (HUR).

La capacité de violence politique approuvée idéologiquement par l'« extrême droite » ukrainienne est bien plus grande que celle des partis d'extrême droite dominants en Occident. Ils disposent de beaucoup plus d'armes et de mouvements paramilitaires construits autour d'unités militaires capables de violence politique. Contrairement aux principaux partis d'extrême droite occidentaux qui cherchent à obtenir un statut parlementaire, le pouvoir de l'extrême droite ukrainienne a toujours reposé sur sa capacité de mobilisation dans la rue et sur la menace de la violence. Ils n'ont pas été capables de devenir des élus populaires, à l'exception des élections de 2012, lorsque le parti d'extrême droite Svoboda a remporté plus de 10 % des voix (bien qu'ils aient également été capables d'obtenir une représentation beaucoup plus significative et d'avoir les factions les plus importantes dans de nombreux conseils locaux de l'Ukraine occidentale). Toutefois, la principale source de pouvoir provenait de leur capacité de mobilisation extraparlementaire, contrairement aux partis oligarchiques ou aux faibles libéraux.

Les nationalistes ukrainiens peuvent s'appuyer sur une tradition politique qui remonte à l'Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN), qui appartenait à une famille de mouvements fascistes dans l'Europe de l'entre-deux-guerres. Les nationalistes ukrainiens post-soviétiques se sont souvent inspirés littéralement de l'OUN. Cette tradition s'est maintenue dans la diaspora ukrainienne, en particulier en Amérique du Nord. Le public canadien ne découvre que maintenant le nombre de fascistes ukrainiens que son gouvernement a accueillis après la Seconde Guerre mondiale. Les autres segments politiques ukrainiens post-soviétiques n'ont pas cet avantage de tradition politique préservée.

Aujourd'hui, les membres d'Azov sont devenus très légitimes en tant que héros de la guerre, ils bénéficient d'une attention extraordinaire de la part des médias, ils se présentent comme une unité d'élite, une affirmation qui est confirmée par les médias. De nombreux orateurs d'Azov sont devenus des célébrités. Ils ont également bénéficié d'un certain blanchiment dans les médias occidentaux qui, avant 2022, les qualifiaient de néo-nazis. Aujourd'hui, ils oublient facilement cette partie de l'histoire.

Enfin, nous devons réfléchir non seulement à l'extrême droite elle-même, mais aussi à la complicité des élites ukrainiennes et occidentales dans le blanchiment de l'extrême droite ukrainienne et de l'ethnonationalisme. Non seulement en Ukraine, mais aussi en Occident, discuter de ce sujet aujourd'hui peut immédiatement conduire à l'ostracisation. Par exemple, Marta Havryshko, une historienne ukrainienne qui s'est installée aux États-Unis, continue d'écrire des articles critiques sur les nationalistes ukrainiens, les politiques ethno-nationalistes ukrainiennes, l'extrême droite ukrainienne, et elle reçoit des milliers de menaces, des menaces de mort, des menaces de viol.

Azov est pour vous la principale force de l'extrême droite ukrainienne ? Elle a été fortement affaiblie par la bataille de Marioupol et de Bakhmout. Pensez-vous qu'elle jouera encore un rôle important à l'avenir, dans la recomposition de l'extrême droite ?

Au contraire, ils se sont développés, formant désormais deux brigades – la 3ᵉ brigade d'assaut et la brigade Azov de la Garde nationale – en plus d'une unité spéciale, le Kraken, subordonnée à la HUR. Leur attrait politique et leur publicité dans les médias se sont considérablement accrus. Leur légitimité s'est également accrue, de sorte qu'ils ne sont pas affaiblis, mais renforcés. Contrairement au mythe populaire, ils ne se sont pas dépolitisés.

Craignez-vous qu'après la guerre, l'extrême droite, et en particulier celle qui a combattu au front, soit la seule à avoir un projet idéologique suffisamment cohérent pour l'Ukraine d'après-guerre, compte tenu de l'absence d'idéologie du projet néolibéral pour l'Ukraine et de la faiblesse de la gauche ?

Cela dépend totalement de l'issue de la guerre, et l'éventail des résultats est encore très large. Une guerre nucléaire est une issue possible, même si l'on espère qu'elle n'est pas la plus probable. Dans ce cas, tout ce dont nous discutons aujourd'hui n'aura plus d'importance. Un cessez-le-feu durable est également possible, mais peu probable. La radicalisation de l'extrême droite ukrainienne dépendra de la stabilité du gouvernement de Zelensky et de la stabilité de l'économie ukrainienne. En cas de désintégration des institutions de l'État et d'économie défaillante, les nationalistes auront de bonnes chances d'asseoir leur pouvoir, car ils constituent une force politique très légitime, très connue et militarisée.

Quelle est la situation du mouvement ouvrier ? Il y a eu quelques grèves mineures en Ukraine depuis le début de la guerre, en particulier dans le secteur de la santé. Mais il est difficile de savoir quelle est la situation réelle de la classe ouvrière en Ukraine. Quelle est la situation et la capacité de la classe ouvrière à s'organiser et peut-être à jouer un rôle ou au moins à contrebalancer la montée de l'extrême droite dans le pays ?

La classe ouvrière ne peut jouer aucun rôle dans la situation actuelle. Le mouvement ouvrier en Ukraine était faible bien avant la guerre. La dernière grève politique vraiment massive a eu lieu en 1993 au sein des mineurs du Donbass. Ils réclamaient l'autonomie du Donbass et des relations plus étroites avec la Russie, ironiquement. Mais même cette grève était liée aux intérêts des « directeurs rouges » des entreprises soviétiques qui avaient beaucoup de pouvoir dans les années post-soviétiques immédiates. Ils ont utilisé la grève pour obtenir certaines concessions de la part du gouvernement. Finalement, la grève a conduit à des élections anticipées et à un changement de gouvernement. Mais depuis lors, il n'y a pas eu de grève à grande échelle.

Pendant trois décennies, nous n'avons vu que des grèves à petite échelle, généralement limitées à des entreprises spécifiques, au mieux à certains segments de l'économie, et très rarement politisées. D'ailleurs, c'est précisément l'incapacité à lancer une grève politique lors de la révolution EuroMaidan de 2014 qui a conduit à l'escalade violente, faute de pouvoir peser sur un gouvernement qui ne voulait faire aucune concession aux manifestants. Cela a donné l'occasion aux nationalistes radicaux de promouvoir la stratégie violente des manifestations. Et donc oui, après cette invasion à grande échelle, les grèves sont interdites. Les grèves qui ont eu lieu sont probablement des grèves informelles.

Ce qui se passera après la guerre dépend encore beaucoup de la façon dont elle se terminera. Mais d'après ce que nous savons, l'autonomisation du mouvement ouvrier nécessiterait une certaine croissance économique afin que les travailleurs ne soient pas licenciés. Cela nécessite une reconstruction réussie de l'économie ukrainienne. Dans certains scénarios très optimistes – mais pas nécessairement probables – les soldats ukrainiens qui reviendraient dans l'économie ukrainienne pourraient exiger davantage du gouvernement, ce qui s'est effectivement produit après certaines guerres, en particulier après la Première Guerre mondiale. Mais cela reste aujourd'hui de l'ordre de la spéculation. Des scénarios beaucoup plus sombres semblent désormais plus probables…

Pour ce qui est de la situation et les positions de la gauche ukrainienne ; au début de la guerre, beaucoup d'articles et de textes présentaient le point de vue de militants de gauche ukrainiens et expliquaient à quel point la gauche occidentale fait preuve d'aveuglement en ne soutenant pas davantage les livraisons d'armes de l'OTAN. Dans vos articles, vous essayez d'avoir un point de vue plus nuancé sur la guerre. Comment les positions de la gauche ukrainienne, et même de la gauche organisée, mais aussi des intellectuels, ont-elles évolué après deux ans d'invasion ? La gauche adopte-t-elle une position plus critique à l'égard du gouvernement ukrainien et du rôle joué par l'OTAN dans le conflit ?

La gauche ukrainienne a toujours été très diverse. Ironiquement, le plus grand parti de gauche en Ukraine, le Parti communiste ukrainien, a soutenu l'invasion russe. Le parti communiste d'Ukraine était un parti très important jusqu'à la révolution EuroMaidan. Il était le parti le plus populaire du pays dans les années 1990. Le candidat du parti communiste a obtenu 37 % des voix lors des élections présidentielles de 1999. Même à la veille de la révolution EuroMaidan, le parti communiste a obtenu 13 % des voix. Même si son soutien a diminué, il disposait d'une représentation significative au Parlement et soutenait efficacement le gouvernement de Viktor Ianoukovytch. Après EuroMaidan, il a

perdu son bastion électoral dans le Donbass et en Crimée. Ils ont également été victimes de répression en raison des politiques de décommunisation, le parti a été suspendu et, en 2022, il a été définitivement interdit, tout comme une série d'autres partis dits pro-russes. Petro Symonenko, le leader du parti, qui n'a pas changé depuis 1993, depuis la création du parti, s'est enfui en Biélorussie en mars 2022. Depuis la Biélorussie, il a soutenu l'invasion russe comme une opération antifasciste contre le « régime de Kiev ». Les organisations communistes des zones occupées ont fusionné avec le Parti communiste de la Fédération de Russie et ont participé aux élections locales organisées par la Russie en 2023, entrant même dans certains conseils locaux. La même fusion s'est produite avec les syndicats officiels ukrainiens dans les zones occupées.

Voilà donc la part du lion de ce que l'on a appelé la gauche en Ukraine. Dans le même temps, il existait des groupes de gauche beaucoup plus petits et plus jeunes. Ils ont toujours critiqué les communistes et se sont mieux intégrés aux socialistes démocratiques et à la gauche libérale en Occident. Ils avaient également une base sociale très différente de celle des communistes – plus proche de la « société civile » pro-occidentale ONGisée de la classe moyenne en Ukraine. Après le début de l'invasion, ils ont pu communiquer leur position de manière beaucoup plus efficace à l'Occident grâce à une sorte de politique identitaire : « Nous sommes la gauche ukrainienne. La gauche occidentale, stupide et arrogante, ne comprend rien à ce qui se passe dans le pays ». Bien entendu, cette position a été très problématique, c'est le moins que l'on puisse dire, dès le début. À titre de comparaison, le Parti communiste comptait 100 000 membres détenteurs d'une carte en 2014. Le jeune milieu de gauche ne comptait pas plus de 1 000 militants et sympathisants dans l'ensemble du pays, même dans les meilleures années de son développement, et leur nombre a diminué depuis lors, après l'Euromaïdan. Parmi la gauche, la plupart ont soutenu l'Ukraine, beaucoup se sont portés volontaires pour l'armée, mais ils n'ont pas été capables de créer une unité militaire de gauche comparable aux unités d'extrême droite, même à une échelle beaucoup plus réduite. Beaucoup ont également participé aux initiatives humanitaires.

Aujourd'hui, certains d'entre eux ont tendance à revoir leurs positions sur la guerre, en particulier en réponse à la conscription brutale. Il est vraiment difficile d'affirmer que la guerre est toujours une sorte de « guerre populaire » si la majorité des Ukrainiens ne veulent pas se battre. La mesure dans laquelle ils sont prêts à exprimer cette position dépend également de leur crainte de la répression. Il est difficile de dire cela dans la sphère publique ukrainienne, ce type de critique existe surtout dans les conversations privées, les comptes Facebook « réservés aux amis » et ainsi de suite, et n'est articulé que très prudemment dans les publications.

Il y a aussi des critiques sur l'ethno-nationalisme qui vient de ce milieu parce qu'il est devenu trop difficile d'ignorer comment l'Ukraine a changé en deux ans avec l'extension de la discrimination des russophones et des politiques d'assimilation ethnique. Par exemple, le russe n'est plus enseigné dans les écoles ukrainiennes, même en tant qu'option, même dans des villes massivement russophones comme Odessa où probablement 80 à 90 % des enfants ukrainiens parlent russe avec leurs parents. Un projet de loi récemment présenté pourrait interdire de parler russe dans les écoles, non seulement en classe avec les enseignants, mais aussi pendant les pauses, dans les conversations privées des élèves entre eux. Le projet de loi a déjà été approuvé par le ministre de l'Éducation.

Le troisième segment de la gauche ukrainienne est marxiste-léniniste, et fait partie de ce que j'appelle le « renouveau néo-soviétique » qui se produit dans de nombreux pays post-soviétiques. Ils sont généralement organisés en krushki – ce qui signifie littéralement « cercles », mais qui sont des organisations proto-politiques, quelque chose de plus que de simples groupes de lecture marxistes-léninistes. Ils sont beaucoup plus populaires en Russie, où ils sont capables de créer des chaînes YouTube comptant des centaines de milliers d'abonnés. En Russie, au Belarus et en Asie centrale, les krushki peuvent impliquer des milliers de jeunes qui n'ont pas vécu un seul jour dans l'URSS, mais qui critiquent la réalité sociale et politique de leur pays et qui trouvent dans le léninisme marxiste orthodoxe des instruments pour faire face à cette réalité. Ils existent et se sont même développés en Ukraine également, malgré la décommunisation et la montée du nationalisme anti-russe et des attitudes anticommunistes. Presque dès le départ, ces groupes se sont opposés aux deux gouvernements et ont adopté une position défaitiste révolutionnaire. Dans cette situation, on peut se demander si une révolution sociale est même possible, comme ce fut le cas il y a cent ans, également en Ukraine, dans l'Empire russe qui s'effondrait. Néanmoins, dès le début, ces groupes ont critiqué la conscription forcée, ont appelé à l'internationalisme et n'ont pas essayé de légitimer les actions de l'État ukrainien.

Les interviews publiées sur le journal de Révolution Permanente ne reflètent pas nécessairement les positions de notre organisation.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

Pour la liberté de l’Ukraine et la nôtre !

3 décembre 2024, par Bulletin du Réseau syndical de solidarité avec l'Ukraine — , , ,
tiré du Bulletin d'information syndicale (Ukraine, octobre-novembre 2024, numéro 13) Pour lire l'ensemble du Bulletin cliquez sur ce lien Les temps sont durs pour le (…)

tiré du Bulletin d'information syndicale (Ukraine, octobre-novembre 2024, numéro 13)

Pour lire l'ensemble du Bulletin cliquez sur ce lien

Les temps sont durs pour le syndicalisme en Ukraine et dans le monde entier. La victoire de Trump à l'élection présidentielle américaine a ouvert un scénario plus sombre et plus complexe de montée de la menace de la droite et de l'extrême droite. Pour les travailleurs et les pauvres, les réponses “faciles” standard offertes par le capitalisme débridé et irresponsable sont de garder la tête baissée et de continuer à travailler (si nous avons un emploi ou si nous pouvons en trouver un) et de continuer à consommer (s'il nous reste de l'argent après avoir payé le loyer et les factures).

En période de crise, cette “normalité” s'apparente à un effort pour tromper, détourner et amortir la colère qui grandit face à la dégradation des conditions de vie et de travail, à l'urgence climatique, aux cancers de la xénophobie et de la haine raciale et à la montée du militarisme.

L'Ukraine, tout comme l'attaque du gouvernement israélien contre Gaza et le Liban, reste au centre de l'attention de l'Europe et du monde. La situation militaire s'aggrave, étant donné la réponse inadéquate en armes et en munitions que le gouvernement ukrainien reçoit depuis longtemps de la part de ceux qui se vantent de “soutenir l'Ukraine jusqu'à la victoire”.

La victoire de Trump et le spectre d'un accord conclu avec Poutine aux dépens de l'Ukraine rendent l'impasse sur le champ de bataille encore plus inquiétante. Elle est également aggravée par la politique du gouvernement ukrainien lui-même, qui, comme l'explique Oleksandr Kyselov du Mpuvement social, “suggère un choix délibéré des élites dirigeantes de transférer le fardeau de la résistance à l'agression sur les gens ordinaires”.

En réponse, le mouvement Iabour de solidarité avec l'Ukraine doit redoubler d'efforts pour une victoire ukrainienne. La troisième année de guerre ne sera probablement pas comme les précédentes : soit des progrès sont réalisés sur le front de bataille en vue d'une victoire sur l'envahisseur et des avancées sont réalisées à l'intérieur du pays pour restaurer la valeur réelle des salaires et des droits du travail et arrêter le glissement de millions de personnes dans la pauvreté, soit le revers qui en résultera se répercutera dans toute l'Europe.

La tâche immédiate du mouvement syndical soutenant l'Ukraine est de répondre à l'appel urgent de leurs frères et sœurs ukrainiens pour une aide humanitaire afin de faire face à l'hiver, tout en défendant le rôle du mouvement syndical ukrainien en tant qu'interlocuteur - et acteur social - face à un gouvernement déterminé à les marginaliser. Quelle est la meilleure façon d'y parvenir ? D'abord, en alertant les adhérents de nos syndicats sur les enjeux de la bataille qui se déroule en Europe et dont les caractéristiques rappellent la période qui a précédé la Seconde Guerre mondiale. Après avoir installé la dictature en Allemagne, Hitler a préparé sa machine de guerre devant la passivité de l'Occident dit démocratique, l'Angleterre et la France ayant d'abord abandonné la République espagnole à la dictature militaire de Franco, puis s'étant entendues avec Hitler et Mussolini pour dépecer la Tchécoslovaquie.

Si, à notre époque, Poutine parvient à acquérir un cinquième ou un quart de l'Ukraine grâce à l'aide de Trump et à l'inaction européenne, qui peut être sûr que ce ne sera pas le prélude à une nouvelle guerre, plus étendue, avec des répercussions dans le monde entier, mais surtout en Europe ? Le Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine appelle les syndicats solidaires de l'Ukraine à se mobiliser pour soutenir les campagnes d'aide d'urgence pour l'hiver proposées par la Fédération des syndicats d'Ukraine (FPU) et la Confédération des syndicats libres d'Ukraine (KVPU), dont les détails sont disponibles aux pages 5 à 8.

Cette campagne devrait être dirigée à la fois vers les membres et les sympathisants des syndicats individuels, mais aussi pour exiger le soutien du gouvernement à tous les niveaux.

L'ENSU demande également aux parlements, aux groupes parlementaires et aux partis - en particulier ceux qui se réclament de la gauche et défendent le droit à l'autodétermination nationale - d'exiger du gouvernement (1) que l'Ukraine reçoive les armes dont elle a besoin pour gagner, et (2) que de véritables sanctions soient imposées aux entreprises russes et autres qui soutiennent l'agression de Poutine et tirent profit de la guerre. En particulier, comme l'explique l'éditorial de notre dernière Newsletter, le mouvement syndical devrait s'approprier la campagne visant à réduire fortement les importations de combustibles fossiles russes en vue de leur suppression complète (voir la couverture de la campagne aux pages 9 à 13).

Troisièmement, les syndicats doivent continuer à défendre les droits des travailleurs et des syndicats en Ukraine, par le biais de leurs propres déclarations et de celles qu'ils peuvent parrainer dans les parlements nationaux et régionaux et les organes gouvernementaux locaux, en prenant soin de communiquer leur position à la présidence, au gouvernement et au parlement ukrainiens, ainsi qu'aux principaux organes syndicaux ukrainiens (voir les coordonnées à la page 8). Trump La victoire de Donald Trump dramatise les enjeux de la lutte pour une victoire ukrainienne.

Comme l'explique Colin Long dans sa contribution en page 66, le spectre de la destruction des droits démocratiques, sociaux et syndicaux se profile de plus en plus lorsque deux des puissances dominantes du monde sont dirigées par des autoritaires déterminés à “rendre leur pays grand à nouveau”.

L'ENSU estime que le moment est venu pour le mouvement syndical de s'engager dans une défense internationale unie des droits démocratiques et syndicaux contre cette menace croissante de l'extrême droite, en commençant par l'Ukraine. Soulevons d'urgence ce besoin au sein de chaque syndicat en Europe, en commençant par ceux qui apportent déjà leur soutien à l'Ukraine, en promouvant une discussion collective sur la manière de développer une action commune, unie, visible et audacieuse contre ces forces qui considèrent le travail organisé comme leur plus grand ennemi.

Nous proposons d'ouvrir ce débat par cet éditorial. Tout d'abord, bien sûr, nous pensons que ce sont les syndicats ukrainiens, la FPU et la KVPU, qui doivent voir l'utilité et la possibilité de s'approprier cette proposition, de la conduire, de l'orienter pour répondre aux besoins qu'ils considèrent comme les plus urgents. S'ils sont d'accord, il faut agir. Une action qui pourrait déboucher sur une grande délégation internationale à la veille du troisième anniversaire de la guerre en février prochain, avec des délégués des organisations syndicales les plus importantes qui se réuniraient pour établir des plans d'aide concrets en faveur de la résistance de l'Ukraine et de sa reconstruction présente et future.

Donc, réflexion collective puis action collective. En attendant, commençons par répondre aux listes de besoins urgents de la FPU et de la KVPU. ¡No pasarán !

Alfons Bech, coordinateur syndical du RESU

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

Le point sur les frappes ukrainiennes sur sol russe.

3 décembre 2024, par Antoine Rabadan — , ,
On parle beaucoup, à juste titre, des frappes de missiles Atacms ou de Storm Shadows, fournis respectivement par les Américains et les Britanniques et qui font mal à la (…)

On parle beaucoup, à juste titre, des frappes de missiles Atacms ou de Storm Shadows, fournis respectivement par les Américains et les Britanniques et qui font mal à la logistique russe du côté de Koursk et alentour. Les cibles visées : des aérodromes, des dépôts de munitions mais aussi des centres de commandements. Mais on sait moins que les Ukrainiens, ayant acquis une autonomie certaine en matière de frappes aériennes, utilisent avec succès leurs drones kamikazes, toujours plus performants, pouvant aller jusqu'à 2000 km dans la profondeur russe.

28 novembre 2024 |

La vidéo ci-jointe (https://www.youtube.com/watch?v=8YtRaUd-Aak&t=287s) récapitule les diverses attaques ukrainiennes de ce type menées ces derniers jours combinant drones et missiles : de toute évidence elles affaiblissent les opérations menées par les Russes pour récupérer le territoire occupé dans l'oblast de Koursk et, à ce titre, elles neutralisent, au moins pour partie, l'avantage qu'escomptait Poutine de l'arrivée de troupes nord-coréennes dans ce secteur. Lesquelles troupes ont particulièrement été visées par ces attaques avant même qu'elles aient pu monter au front. Façon d'envoyer le message au dictateur nord-coréen du coût humain mais aussi politique de la mesure insensée dans laquelle il engage son pays. D'une gifle militaire à plusieurs portées, deux magistraux coups politiques ont été assénés au prestige espéré, par ces deux satrapes meurtriers, de l'accroissement de leurs folies meurtrières. La suite de la mise en oeuvre de cette boîte à gifle ne devrait pas, malgré les menaces irresponsables du néofasciste du Kremlin, se faire attendre !

Drones et missiles constituent désormais par leur combinaison inédite un atout important pour les Ukrainiens, chacun permettant de jouer de ses avantages (les drones portent plus loin, 2000 km pour ceux qui ont été utilisés ces derniers jours, les missiles ne pouvant, pour l'heure, dépasser les 300 km) et de compenser les désavantages de l'autre (les drones ont une charge explosive bien moindre que celle des missiles : dans ce cas 75 kg contre 227 kg).

Quant à la situation sur le front, la note aujourd'hui du Ministère français des Armées constate que "les Forces Armées de la Fédération de Russie (FAFR) ont nettement diminué le rythme de leur progression et semblent se réarticuler sur tous les fronts en vue de relancer leurs efforts. Les avancées FAFR les plus notables s'observent sur le front Sud.

Les Forces Armées Ukrainiennes (FAU) maintiennent leurs dispositifs de défense ferme et tentent des contre-attaques localisées."

Le point le plus chaud, ce 28 novembre, se situe du côté de Koupiansk (oblast de Kharkiv, ville de 27 000 habitants réduite à 3500 aujourd'hui) où les Russes auraient réussi à franchir la rivière Oskil, jusqu'ici un obstacle infranchissable (1). A suivre mais, ces temps-ci, les contre-attaques ukrainiennes, souvent soutenues par des drones, se font plus nombreuses et reprennent du terrain à plusieurs endroits en continuant à infliger des pertes énormes à l'ennemi. Exemple du côté de la petite commune de l'oblast de Donetsk Velyka Novosilka (300 habitants avant la guerre), un verrou ukrainien important, que l'on nous annonçait, l'avant-veille, sur le point de tomber : https://www.youtube.com/watch?v=4dHm1EqsO38

(1) On lit dans le Grand Continent : "Dimanche 24 novembre, l'armée russe — après avoir essuyé des échecs suite à des tentatives d'assaut en direction de Koupiansk — a réussi à établir une tête de pont sur la rive ouest de la rivière Oskil au niveau de Novomlynsk, un village situé à environ 5km au nord-est de Dvorichna.

Les forces russes revendiquent désormais le contrôle d'une zone d'environ 6km2 sur cette rive. Faute de pouvoir installer des pontons afin d'y acheminer des véhicules blindés, la poche russe est composée uniquement d'infanterie.

• Malgré la saturation de la ligne de front par des drones FPV et autres moyens de reconnaissance, la traversée par bateau a été rendue possible par la faible largeur de l'Oskil à cet endroit (environ 40 mètres) et l'absence de fortifications ukrainiennes.

• Longtemps considérée comme constituant une « frontière naturelle » séparant les deux forces depuis la contre-offensive ukrainienne de l'automne 2022, contre les forces russes.

Le principal objectif de Moscou sur ce secteur du front est d'établir une tête de pont stable avant de progresser en direction de Koupiansk. Selon Yuriy Fedorenko, le commandant du bataillon ukrainien Achille appartenant à la 92e brigade mécanisée séparée, cette précondition n'est pas encore remplie. Les forces ukrainiennes sont toujours en mesure de localiser et détruire avec des tirs d'artillerie ou des frappes de drones les pontons que l'armée russe tente d'utiliser pour faire traverser des véhicules et du matériel.

Le secteur de Koupiansk illustre la persistance de l'asymétrie des ressources humaines disponibles pour les deux armées. Selon un officier ukrainien chargé de la défense du front dans cette zone, seulement 10 à 20 % des combattants russes tentant de traverser l'Oskil survivent. Ce taux est légèrement plus élevé lorsque ces derniers peuvent utiliser des véhicules .

• L'armée russe subit des pertes colossales sur toute la longueur du front. Celles-ci se sont davantage alourdies ces dernières semaines : l'État-major ukrainien estime que 1 950 combattants russes ont été blessés ou tués au cours de la journée du 12 novembre.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

Appel à désarmer l’empire Bolloré !

3 décembre 2024, par Désarmer Bolloré — , ,
Alors que l'Arcom étudie ce lundi 15 juillet la réattribution des fréquences TNT pour la chaîne Cnews, une centaine d'organisations syndicales, antiracistes, féministes et (…)

Alors que l'Arcom étudie ce lundi 15 juillet la réattribution des fréquences TNT pour la chaîne Cnews, une centaine d'organisations syndicales, antiracistes, féministes et écologistes lancent une campagne d'action contre le groupe Bolloré. Si l'on peut se réjouir provisoirement que le Rassemblement National n'ait finalement pas réussi à l'emporter lors de ces élections, celui-ci compte bien poursuivre sa conquête des territoires et des imaginaires. Nous devons, sans attendre de prochaines échéances électorales, unir nos force contre les vecteurs de fascisation de la société.

Tiré de Désarmer Bolloré.

Nous appelons en ce sens à mener partout bataille contre Bolloré : parce que c'est un acteur du ravage écologique, de l'exploitation néo-coloniale mais aussi parce qu'il est devenu en quelques années un levier majeur de la conquête du pouvoir par l'extrême droite.

Bolloré, directeur de la propagande

Bolloré met un ensemble toujours plus grand de médias de masse à disposition d'une politique ouvertement raciste. Sur des chaînes, les Éric Zemmour, Pascal Praud et autres commentateurs radicalisés disent qu'ils œuvrent pour une mission « civilisationnelle ». Leur projet est clair : nourrir le fantasme d'une nation pure en organisant la grande remigration. Ce projet glaçant suit un plan précis dont Bolloré est devenu l'aiguille et le fil à coudre. Qui Éric Ciotti va-t-il voir avant d'appeler à l'alliance du RN et de LR ? Qui met Cnews, Europe 1 et Hanouna au service de cette « union des droites » ? Vincent Bolloré 1 . C'est une question d'habitude pour le milliardaire déjà mis en cause pour la manipulation de plusieurs scrutins présidentiels en Afrique 2. Au-delà du déluge xénophobe,la bollosphère fait chaque jour la promotion de discours sexistes et homophobes légitimant les violences contre les femmes et les personnes LGBTQI+. Elle alimente la négation de la crise climatique et oeuvre sans relâche à ce qu'il ne soit pas fait obstacle à ceux qui tirent profit de la dévastation écologique. Bolloré est en guerre pour l'hégémonie culturelle, la conquête des imaginaires et la fabrique du consentement au pire. Si le RN est passé tout prêt de gagner les élections et prendre le pouvoir, c'est en partie son œuvre 3. Il est la cheville ouvrière de l'union des droites, de l'alliance objective entre le bloc libéral et le bloc néo-fasciste. Cette alliance colle parfaitement à ses intérêts de classe et à ses convictions politiques.

Bolloré, un empire industriel climaticide, néo-colonial et sécuritaire

Pour tirer les ficelles, il faut s'en donner les moyens. Avant de se révéler propagandiste en chef, Bolloré est bien un capitaine d'industrie. Il dirige un groupe international aux multiples filières dont les activités se divisent en plusieurs branches.

La plus connue est la branche « communication » avec Vivendi et Universal. En 20 ans, Bolloré a patiemment construit sa machine à communiquer et façonner les esprits. Journaux gratuits, institut de sondage, groupes publicitaires, puis chaînes de télévisions, radios, magazines et maisons d'édition. Avec la brutale prise de contrôle de Canal + et Europe 1, les licenciements massifs à I-Télé et la montée de CNews, ce puissant appareil s'est mis de plus en plus ouvertement mis au service des idées les plus réactionnaires. Les sanctions financières de l'ARCOM, (instance de régulation de l'espace audiovisuel), suite aux appels à la haine, aux visées monopolistiques, et à la partialité des médias du groupe se multiplient, mais n'ont fait jusqu'alors ni chaud ni froid à Bolloré 4. Mais en ce moment même, les autorisations de diffusion sur la TNT de CNEWS et C8 (et d'autres chaines) sont examinées 5. On peut imaginer que des mobilisation populaires fassent pression pour que chaines soient rayés de la TNT. Il possédera aussi bientôt l'édition de la moitié des livres de poche et plus de 70% des livres scolaires du pays. L'impact possible sur ce secteur en cas de ministre de l'éducation d'extrême droite est tout simplement alarmant.

La branche historique est la branche industrielle, qui se concentre autours de Bolloré Energy, qui détient plusieurs dépôts pétroliers, vend du fuel domestique, et de Blue qui rassemble des activités liées aux flux de déplacements et de données. Il est sans surprise un acteur majeur de diverses entreprises qui ont pour point commun le développement et l'automatisation des moyens de surveillance en tous genres : automatisation du contrôle d'accès et de la gestion des flux (Automatic Systems), sécurisation de l'espace public (Indestat), puces RFID et tracking (Track & Trace), conseil en numérique au service de la ville connectée (Polyconseil)...

Sa branche logistique en a fait un des poids lourd du fret aérien, maritime et routier mondial, organisant le transport de marchandises aux dépends des productions locales, des conditions de travail comme du climat. La vente récente de ce pôle à CMA CGM patrons pour leur part de BFM-TV et RMC, a offert à Bollore les moyens d'influencer considérablement la politique française.

Enfin, une grande partie des profits de Bolloré se fait depuis sa branche « agricole ». Il a bâti sa fortune sur la culture et la vente de tabac en Afrique. Outre ses domaines viticoles de prestige en France, il est le second actionnaire de la holding luxembourgeoise Socfin qui contrôle environ 390 000 ha de concessions de palmiers à huile et d'hévéa en Afrique et en Asie. Déforestation, spoliation des terres, mauvais traitement des populations riveraines, conditions de travail inhumaines, etc. Malgré la procédure judiciaire en cours pour ces violations répétées des droits humains sur ses plantations6, malgré la reconnaissance formelle de ces violations par diverses institutions financières 7, malgré des missions d'évaluation commanditées par Socfin auprès de la Earthworm Foundation pour "réfuter ces accusations" mais qui n'ont pu que constater et prendre acte de la réalité de ces violations, Socfin n'en continue pas moins de prospérer en toute impunité.

Bolloré est de tous les ravages. C'est un groupe fondé sur un système colonial qui perpétue sciemment des pratiques esclavagistes. C'est un industriel qui fait son profit des logiques extractivistes les plus dévastatrices. C'est un expropriateur de terres. Un patron menant pour ses employé·es de violentes politiques de casse sociale et de terreur managériale. Son empire est tentaculaire. Mais pour celleux qui estiment qu'il est temps d'y mettre fin, cela signifie une chose. Il est possible de nous rassembler en un large front à la fois syndical, social, écologiste, féministe, décolonial, antifasciste et international.

Désarmer le groupe Bolloré

Ses dernières années, sur le terrain des luttes écologiques, des campagnes d'actions internationales contre des industriels comme Lafarge-Hocim ou Total ont vu le jour. Des collectifs antifascistes, présents dans de nombreuses villes, quartiers populaires et territoires ruraux, mènent une résistance de terrain. Les derniers mouvements sociaux ont démontré qu'un syndicalisme combatif existe toujours. De larges mobilisations féministes et LGBTQI+ prennent les rues.Des mouvements dévalidistes nous appellent à substituer une culture du soin au culte de la force. De mouvements antiracistes et décoloniaux luttent au quotidien dans les quartiers populaires. Des réseaux de solidarité œuvrent à maintenir des territoires d'accueil pour les personnes exilées. Bolloré est une menace pour nous tous.tes. Mais ensemble, nous sommes fort.es d'une immense expérience de lutte. Nous appelons donc à une campagne commune - dans les prochaines, semaines, mois et années - pour démanteler l'empire Bolloré. Alors qu'il baillonne la critique de ses activités dans ses propres médias 8, nous appelons à enquêter minutieusement sur son empire, à regrouper des témoignages, à ce que des infos fuitent en son sein et à les regrouper, à afficher partout ses crimes, dans les rues, sur les réseaux et dans ses entreprises. Son agenda politique s'attaque aux vies de millions de personnes. Nous y répondrons dorénavant par des mobilisations, de masse ou décentralisées, qui pointent le groupe et l'impactent concrètement. Bolloré ne s'incruste pas seulement dans nos cerveaux, il est souvent présent matériellement - avec ses bureaux et entrepôts - à côté de chez nous. De multiples actions sont possibles si nous les menons ensemble. Bloquons ses plateaux télés, occupons ses dépôts pétroliers, soutenons les luttes syndicales à l'intérieur de ses entreprises et médias, vendangeons ses vignes, redistribuons son fuel domestique à celleux qui galèrent à se chauffer, traquons le traceur, tissons des alliances internationales, organisons des boycotts, virons ses chaînes de la TNT et soutenons la création et l'assise de contre-pouvoirs médiatiques puissants !

L'extrême droite croît sous perfusion de Bolloré, ensemble coupons-lui les vivres !

Premières organisation signataires

Action Justice Climat
Action Non-Violente COP21 (ANV-COP21)
Action antifasciste paris - banlieue
Alternatiba
Association Handi-Social
Association L'Offensive
Attac France
Avis de Tempête
BLOOM
Collectif Vietnam Dioxine
Contre-attaque
Decolonial Film Festival
Extinction Rebellion France
fédération SUD-Rail
Front de la jeunesse en lutte
Ingénieurs Sans Frontières France
Le Printemps du CARE
Les Soulèvements de la terre
Makery.info
Média Solidaires
Palestine Action France
PEPS (pour une écologie populaire et sociale)
ReAct Transnational
Riposte Alimentaire
Scientifiques en rébellion
SNJ-CGT
Sud Culture
Survie
Terres de luttes
Tsedek !
Union Syndicale Solidaires
Urgence Palestine
Vous N'êtes Pas Seuls (VNPS)

Organisations, groupes ou collectifs locaux

Action Antifasciste Deux Sevres
Action Antifasciste La Roche-Banlieue et Bastyon de Résistance
Action Antifasciste Tolosa
Alerte Pesticides Haute Gironde
Assemblée Populaire d'Auxerre
ATTAC 17 (Association locale de Charente Maritime )
Attac 33
Attac 85 et GP2ï (Grands Projets Irresponsables et Imposés)
Bibliothèque Fahrenheit 451
CNT 34 ESS
CNT-STAF29
CNT66
Collectif Alsace des luttes paysannes et citoyennes
Collectif Bassines Non Merci 79
Collectif transitions périgord noir
Cristal
Émancipation 17
Exctinction Rebellion Poitiers
Extinction Rebellion Foix et alentours
Groupe la sociale fédération anarchiste de rennes
Je dis en scène !
L'Antivol
La Carmagnole (Montpellier)
La Gang de La Boisselière
Mort aux rats !
Nous Toutes 35 Rennes
Sainté Debout
Section Antifasciste Montreuil Bagnolet & Alentours (SAMBA 93)
Stop Fessenheim
SUD Education 17
UNION LOCALE CGT NANTES
UNION syndicale Solidaires 44
Université Populaire Pour La Terre Tours
Vie Pays Environnement

Comités locaux des Soulèvements de la terre

Comité SDT 89
Comité SDT An Oriant
Comité SDT Annecy (74)
Comité SDT Bruxelles
Comité SDT Chalon sur Saône &+ (71)
Comité SDT Corrèze
Comité SDT Corrèze
Comité SDT Creusois 23
Comité SDT de l'Allier (03) - l'Allier se soulève
Comité SDT Doué-Montreuil Bellay
Comité SDT du Layon
Comité SDT du Pays de Redon
Comité SDT Forez
Comité SDT Gers
Comité SDT Grenoblois
Comité SDT IDF
Comité SDT Indre 44
Comité SDT Irwazh
Comité SDT Kerne Quimper
Comité SDT Lillois
Comité SDT Limoges
Comité SDT Local alsacien
Comité SDT Loire 49
Comité SDT Mayenne
Comité SDT Montpellier
Comité SDT Nantes
Comité SDT Nevers (58)
Comité SDT Paris Sud
Comité SDT Pontarlier
Comité SDT Quimperlé-Concarneau
Comité SDT Rennais
Comité SDT Rochelais
Comité SDT Romans
Comité SDT Saint Nazaire. Estuaire
Comité SDT Saumur
Comité SDT St Cere
Comité SDT Sud 77
Comité SDT Sud Vilaine
Comité SDT Sud-Grésivaudan-Royans-Vercors
Comité SDT Tours

Groupe locaux d'Extinction Rebellion

Extinction Rebellion Angers
Extinction Rebellion Aude
Extinction Rebellion Auxerre
Extinction Rebellion Chambery
Extinction Rebellion Foix et alentours
Extinction Rebellion Grenoble
Extinction Rebellion Mont Blanc
Extinction Rebellion Montagne Noire
Extinction Rebellion Poitiers
Extinction Rebellion Quimper
Extinction Rebellion Strasbourg

Notes

1- Comment Eric Ciotti a orchestré avec Vincent Bolloré l'annonce de son ralliement au RN, Le Monde, 13 juin 2024

2- https://www.arretsurimages.net/articles/sur-cnews-pascal-praud-milite-avec-ferveur-pour-lunion-des-droites

3- https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/06/16/legislatives-2024-comment-les-medias-de-vincent-bollore-orchestrent-l-alliance-du-rn-et-de-la-droite_6240508_823448.html

4- https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/05/24/retrouvez-toutes-les-sanctions-de-l-arcom-contre-c8-et-cnews_6223105_4355771.html
et
https://www.francetvinfo.fr/elections/legislatives/legislatives-2024-l-arcom-met-en-demeure-europe-1-pour-manque-de-mesure-et-d-honnetete-dans-l-emission-de-cyril-hanouna_6629991.html

5- le mardi 9 juillet pour C8 et le 15 juillet pour CNEWS. Article sur le site de l'ARCOM

6- https://www.asso-sherpa.org/bollore-victoire-associations-huiledepalme-camerounaise

7- https://www.farmlandgrab.org/post/31767-en-suisse-les-grands-fonds-de-pensions-publics-placent-bollore-sur-liste-noire

8- https://www.asso-sherpa.org/wp-content/uploads/2018/01/CP-poursuites-baillons_mis-en-page-PDF-24-janvier-2018.pdf

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Appel à des journées d’actions contre l’empire Bolloré du 29 janvier au 2 février 2025

3 décembre 2024, par Désarmer Bolloré — , ,
Au lendemain des élections législatives, une centaine d'organisations ont lancé un appel à désarmer l'empire Bolloré. Elles y pointaient la menace grave que représente une (…)

Au lendemain des élections législatives, une centaine d'organisations ont lancé un appel à désarmer l'empire Bolloré. Elles y pointaient la menace grave que représente une telle omnipotence financière et médiatique. Alors qu'un gouvernement très provisoire s'aligne déjà sur les vœux du Rassemblement National, des collectifs s'organisent pour pirater les visées de Bolloré. Du 29 janvier au 2 février 2025, une première grande vague d'actions est annoncée !

Tiré du blogue de l'auteur.

Au lendemain des élections législatives, une centaine d'organisations ont lancé un appel à désarmer l'empire Bolloré. Elles y pointaient la menace grave que représente une telle omnipotence - financière et médiatique - mise au service de la fascisation des esprits. Elles appelaient à agir contre un ensemble de dispositifs dédiés à la conquête du pouvoir par l'extrême droite.

Depuis, de l'autre côté de l'océan, E. Musk, un autre milliardaire, a su peser de tout son poids - fortune de Tesla et contrôle haineux des algorithmes de X - pour redonner les rênes de la première puissance mondiale à Donald Trump.

Ici, alors qu'un gouvernement très provisoire s'aligne déjà sur les vœux du Rassemblement National, des collectifs s'organisent pour pirater les visées de Bolloré.

Tandis qu'il publie le livre de Jordan Bardella, après avoir mis brutalement la main sur Fayard et placé à sa tête l'éditrice de Zemmour, les syndicats de cheminots refusent de voir sa propagande affichée dans les gares et forcent au respect des règles concernant l'espace publicitaire.

Une centaine de librairies se relient pour appeler à escamoter les éditions Bolloré/Hachette des rayons. Une opération d'insertion massive de marque-pages s'engage pour les fêtes afin d'inviter au boycott et à soutenir les éditions indépendantes.

Le 9 décembre, des collectifs franciliens se donnent rendez-vous pour perturber l'assemblée générale qui doit acter, manœuvre boursière, la scission en quatre entités de Bolloré/Vivendi, aux Folies Bergères en plein cœur de Paris3.

Et du 29 janvier au 2 février 2025, une première grande vague d'actions coordonnées contre l'empire Bolloré est annoncée !

Ce que l'on nomme empire Bolloré est l'expression d'un projet industriel, financier et politique aussi glaçant qu'absolument cohérent. Il se déploie sous diverses formes et firmes qui se nourrissent d'un renforcement autoritaire de l'ordre économique mondial autant qu'elles l'appuient :

De la poursuite de l'entreprise coloniale de pillage des autres continents via le pouvoir logistique (historiquement Bollore Logistics) ou les énergies fossiles Bollore Energy) à la fabrication d'outils de contrôle des accès et de renforcement des frontières (EASIER, IER).

De la mise sous tutelle de la recherche publique pour des desseins privés (Universités de Nantes, Grenoble, Collège de France, La Sorbonne…) au maintien à tout prix des profits capitalistes via une "transition énergétique" basée sur un extractivisme dévastateur (batteries au lithium de Blue Solutions)

De l'accaparement des vignobles et oliveraies par des puissances financières spoliant les travailleur.euses de la terre aux déforestations climaticides sur des surfaces immenses pour les plantations d'huile de palme (Socfin) en Afrique et en Asie

De la quête d'appropriation hégémonique des moyens médiatiques et culturels de diffusion de la pensée (Hachette, Canal, Europe 1, ses radios, journaux et télés en France mais aussi en Afrique avec Multichoice) au perfectionnement des technologies de surveillance et de répression (Automatic systems, IER, Indestat).

Des pratiques esclavagistes, viols et passages à tabac sur les employé.es de ses plantations au Cameroun ou au Liberia (Socfin – Socapalm) à la répression syndicale brutale et aux purges à Canal ou Itélé5.

De l'orchestration de la campagne de désinformation contre Reporters Sans Frontières (via Progressif media)6 à la récente reprise de l'École Supérieure de Journalisme de Paris avec un conglomérat d'autres milliardaires réactionnaires.

De la multiplication de ses agences de conseil, de pub' (Havas, Havas creative et toutes leurs filiales) et instituts de sondage (CSA) à la mise au pouvoir de gouvernements suffisamment autoritaires et discriminants pour répondre aux besoins dévorants des plus riches, dans un monde où les ressources ne cessent de se raréfier (via des processus de corruption au Togo et en Guinée...et bientôt en France ?)

Il se trouve que l'une ou l'autre des ramifications de ce royaume tentaculaire est probablement implantée non loin de chez vous. Bien au-delà d'une figure toxique et d'un dessein personnel, la bollosphère est avant tout un système, avec ses agents zélés, ses dispositifs clés, ses maillons, ses points faibles. Il est d'intérêt public de faire obstacle à son développement. Nous devons pour cela nous rassembler en un large front à la fois social, syndical, écologiste, antiraciste, féministe, décolonial et international.

Nous pouvons nous allier localement

pour nouer des solidarités avec les employé.es, journalistes, technicien.nes qu'il entend contrôler, pour les aider à retourner la peur contre leur patron et à reprendre le contrôle de leur outil de travail.

pour faire des apéros-palettes au pied de ses entrepôts, des bals populaires dans ses bureaux et sur ses plateaux.

pour redistribuer les biens qu'il nous a spoliés, le fuel de ses dépôts à ceux qui n'ont pas de quoi se chauffer, pour remettre ses boites au service des biens communs.

pour zbeuler les AG de ses actionnaires, leur faire payer les mesures d'austérité et le dérèglement bio-climatique.

pour faire avec Zaho des « fucks mais vraiment gros gros fucks » à Bolloré dans ses salles de concerts, ses disques, ses livres, etc.

pour qu'il se tape l'affiche sur les murs des quartiers qu'il voudrait mettre au pas, et qu'il sente bien ce qu'il inspire de dégoût sur les terres où il se croit chez lui.

pour qu'il reste avec ses semblables dans sa villa fortifiée en plein Paris et nous lâche la grappe.

pour couler ses yachts, lui reprendre à la voile l'accès à son île finistérienne, réserve à néo-nazis, et pouvoir retourner y observer les oiseaux.

pour leaker toutes les crapuleries qu'il veut tellement planquer et donner la parole à celles et ceux qu'il croit pouvoir bâillonner.

pour aller redécorer, bloquer, occuper, désarmer ses infrastructures les plus toxiques ... jusqu'à la chute de l'empire Bolloré.

Des collectifs partout dans le pays appellent à organiser des soirées d'information et des mobilisations en ce sens.

Sur le site desarmerbollore.net, vous trouverez :

une carte collaborative des différentes implantations de l'empire Bolloré au plus près de chez vous

une carte détaillée de ses maisons d'éditions, médias, réseaux sociaux, points de diffusion

des fiches de synthèse sur ses différentes activités auxquelles contribuer par des enquêtes de terrain et envois d'infos.

un espace de relais des actions, mobilisations, tribunes, appels, affiches, marque-pages...

Pour tous contacts, envois d'annonces et de récits des mobilisations en lien avec la campagne Bolloré : desarmerbollore@riseup.net

Ici l'appel initial à désarmer l'empire Bolloré publié en juillet et signé par une centaine d'organisations syndicales, antifascistes, féministes et écologistes : https://desarmerbollore.net/appel)

Rendez-vous du 29 janvier au 2 février ! Et par la suite !

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

« Montréal s’attaque aux itinérants au lieu de s’attaquer à l’itinérance »

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/12/Still-2024-12-02-131323_1.10.1-scaled-e1733194188645-1024x474.jpg3 décembre 2024, par Comité de Montreal
La police a violemment détruit un campement d'itinérants à Montréal, suscitant l'indignation et un appel à un moratoire sur de tels démantèlements. L’article « Montréal (…)

La police a violemment détruit un campement d'itinérants à Montréal, suscitant l'indignation et un appel à un moratoire sur de tels démantèlements. L’article « Montréal s’attaque aux itinérants au lieu de s’attaquer à l’itinérance » est apparu en premier sur L'Étoile du Nord.

Nicaragua : de plus en plus affaibli, le régime Ortega-Murillo modifie la constitution pour assurer une succession dynastique

L'Assemblée nationale au Nicaragua vient d'approuver une réforme constitutionnelle dont l'objectif évident est de permettre au régime Ortega-Murillo de s'assurer une succession (…)

L'Assemblée nationale au Nicaragua vient d'approuver une réforme constitutionnelle dont l'objectif évident est de permettre au régime Ortega-Murillo de s'assurer une succession dynastique.

Ovide Bastien
Ex-coordonnateur des Études Nord-Sud du Collège Dawson, qui a séjourné chaque année au Nicaragua de 1995 à 2018, et auteur de Nicaragua 2018 : Racines de la crise (2018)

Étant de plus en plus affaibli et rejeté, non seulement par la population mais aussi par un nombre croissant de ses plus proches collaborateurs, le régime doit accentuer son caractère répressif et dictatorial en l'institutionnalisant.
Avant de préciser quelques éléments de cette réforme, voici un rappel historique qui en facilitera la compréhension.

Rappel historique

C'est le 3 janvier 2012. Je me trouve à El Espino, petite communauté paysanne dans le nord montagneux du Nicaragua, assis dehors avec mon ami nicaraguayen devant la résidence de ses parents. Il est venu rendre visite à ces derniers, nous prenons tranquillement une bière tout en contemplant le très beau paysage montagneux qui nous entoure, et cela fait presque deux heures que nous jasons.
« Tu sais qui a ordonné le limogeage, hier, de Manuel Calderón, notre maire bien apprécié de León ? » me confie-t-il soudain, de toute évidence, profondément troublé par ce qui vient d'arriver à un ex-leader fort réputé de la révolution sandiniste.

« C'est Rosario Murillo.
« La constitution actuelle ne permet pas à Daniel Ortega de se présenter à nouveau à la présidence, et Rosario avait l'intention de se présenter à ce poste. Comme plusieurs hauts placés du parti sandiniste la détestent et trouvent que cela serait une grave erreur, ils ont développé une stratégie pour que Daniel puisse se représenter à la présidence, bien que cela soit en théorie inconstitutionnel. C'est Calderón qui a élaboré et mis en œuvre cette stratégie.
»

Ce commentaire de mon ami ne m'étonne guère.

Lorsque je lisais La revolución perdida (2004) d'Ernesto Cardenal, j'avais noté à quel point ce prêtre catholique, poète renommé et ministre de la Culture durant la révolution sandiniste des années 80, déteste Murillo. À maintes fois dans son livre, il souligne l'arrogance et l'ambition qu'il a vues chez cette femme lorsqu'il collaborait avec elle durant la révolution.

Aussi et surtout, je savais par quel chemin tortueux et peu reluisant Murillo avait réussi à se tailler une place d'honneur avec son conjoint à la direction du Nicaragua.
En 1998, Zoilamérica Narváez, âgée de 30 ans, fait la une dans tous les médias du Nicaragua. Cette fille de Rosario Murillo, issue d'une relation antérieure et adoptée à l'adolescence par son beau-père Daniel Ortega, annonce que ce dernier l'a abusé sexuellement depuis l'âge de 11 ans, et présente un témoignage dévastateur de 48 pages contenant les détails de cet abus.

« Il me disait qu'il avait besoin de cela pour réduire l'énorme tension qu'il vivait à diriger la révolution, » explique Zoilamérica.

Au lieu d'appuyer sa fille, qui vient de poser un geste pénible qui demande un courage énorme, Murillo se range immédiatement du côté de son conjoint.

« Zoilamérica ne fait que mentir, » déclare-t-elle.

Ce désaveu éhonté et scandaleux de Murillo permet à Ortega de sauver sa carrière politique, qui, autrement, se serait sans doute effondrée comme un château de cartes. Cependant, elle rend aussi Ortega fort dépendant de Murillo, ce dernier devenant dorénavant comme un chien attaché avec une puissante laisse psychologique.
Ortega pour sa part nie carrément les accusations.

Et, dans les mois qui suivent, il conclut un pacte astucieux, mais on ne peut plus crasse, avec son grand ennemi politique conservateur Arnoldo Alemán.

Comme Ortega, ce dernier, qui préside le Nicaragua depuis 1996, se trouve dans une situation fort embarrassante. À la suite de l'Ouragan Mitch qui, à l'automne 98, causait d'immenses dégâts au Nicaragua, Alemán empochait une partie substantielle de l'aide financière internationale qu'on acheminait d'urgence à son pays. Comme la preuve de cela vient de sortir au grand jour, Alemán se trouve formellement accusé et sera bientôt condamné à 20 ans de prison.

Le pacte avantage les deux, car il leur assure un siège à l'Assemblée nationale pour les deux prochains mandats, ce qui leur confère automatiquement l'immunité parlementaire et leur permet d'échapper aux poursuites judiciaires.

Ortega reçoit aussi éventuellement un coup de pouce d'un juge sandiniste qui classe définitivement l'affaire Zoilamérica, déclarant que le délai de prescription a expiré.
Le mouvement des femmes, qui est devenu beaucoup plus fort et autonome au Nicaragua qu'ailleurs en Amérique latine à cause de la révolution sandiniste, est profondément outré par cette tournure des évènements. Partout où Ortega se rend pour des évènements, on voit toujours de nombreuses femmes en train de manifester, tout en brandissant des pancartes. On dénonce haut et fort le fait qu'un abuseur sexuel d'une mineure, grâce à son énorme pouvoir, puisse échapper à la justice.

Lorsque Daniel Ortega est reconduit à la présidence lors des élections de 2006, Sofía Montenegro, une grande féministe qui a joué un rôle important dans le renversement de la dictature de Somoza, continue à exprimer ouvertement et sans relâche son soutien à Zoilamérica et sa colère et indignation par rapport à l'injustice flagrante dont celle-ci souffre. Elle dénonce aussi avec force l'opportunisme politique crasse utilisé par Ortega durant la campagne électorale.

Afin de neutraliser l'opposition traditionnelle de l'Église catholique au FSLN et accroitre ses chances d'être élu, Ortega soutient, dans l'Assemblée nationale, la motion présentée par le parti au pouvoir, une motion qui rend tout avortement, même thérapeutique, illégal et criminel.

Un tel geste opportuniste, d'un parti qui se dit progressiste et même révolutionnaire, enragent Montenegro et tout le mouvement des femmes. Jusqu'à 2006, l'avortement thérapeutique avait toujours été légal et donc permis au Nicaragua. Même sous la longue dictature de la famille Somoza, il était permis !

De même que Rosario Murillo était venue au secours de son conjoint en déclarant menteuse sa propre fille, elle lui vient à nouveau au secours, et toujours d'une façon peu digne et honorable.

Sofía Montenegro, écrit Murillo dans la revue qu'elle dirige, est une agente de la CIA. Elle et le mouvement des femmes qu'elle dirige reçoivent leur financement des ONGs situées dans les pays capitalistes et impérialistes.

Et que voit-on apparaître par la suite, et ce pendant des mois, sur la page d'accueil du site Web du bureau du président Ortega ? Le titre ‘Un agent nommé Montenegro' dont l'hyperlien renvoie à l'article rédigé par Murillo !

Peu étonnamment, Rosario Murillo prend une place de plus en plus prépondérante dans le gouvernement Ortega inauguré officiellement en janvier 2007. Bien que non élue, elle agit, à toutes fins pratiques, comme porte-parole officiel du gouvernement.

Chaque midi, du lundi au vendredi, elle prend la parole dans les médias - radio et télévision - pour commenter l'actualité, vanter les projets mis de l'avant par le gouvernement, annoncer les fêtes, etc. Elle fait disparaître complètement la distinction entre FSLN et gouvernement, associe constamment Ortega aux forces divines et à Jésus, et elle-même à la Sainte vierge Marie. Et elle s'acharne à discréditer, à la Trump, toute personne qui ose critiquer le gouvernement « chrétien, socialiste, et solidaire ».

Les médias dans lesquels elle s'adresse tous les midis à la nation deviennent d'ailleurs, et ce, de plus en plus, la propriété de sa propre famille. Cela est possible grâce au $500, 000 d'aide, sous forme de pétrole, provenant du Venezuela chaque année. Une aide qui ne va pas au gouvernement du Nicaragua comme tel, comme ce serait normalement le cas, mais plutôt directement au FSLN. Étant donné que Daniel Ortega a graduellement transformé, au cours des années, le FSLN de parti politique à simple outil de dynastie familiale, il est relativement facile pour la famille Ortega-Murillo d'acheter la plupart des médias au Nicaragua.

Le pouvoir de Rosario Murillo ne se limite pas, cependant, à la seule propagande. Il s'étend aussi aux municipalités où des groupes de Sandinistes, dont de nombreux jeunes, sont mis sur pied, agissant, sous la direction de Murillo, comme une espèce de pouvoir parallèle aux élus municipaux.

De plus, Murillo préside toutes les réunions à Managua auxquelles sont convoqués, tous les deux lundis, les maires du pays.

J'apprenais ce dernier détail en janvier 2008. Je devais me rendre de Las Pozas, où j'accompagnais des stagiaires étudiants du programme Études Nord-Sud du Collège Dawson, jusqu'à Managua, afin de régler des affaires financières de notre stage. Comme le maire de la municipalité de Santo Tomas del Norte, qui se trouve à quelques kilomètres de Las Pozas, se rendait à Managua pour assister à une réunion de maires, il m'offre de voyager avec lui. Je connais bien ce maire de cette zone rurale montagneuse du nord du Nicaragua, car notre programme a souvent financé des petits projets dans sa municipalité – bourses aux étudiants et étudiantes du secondaire provenant de familles extrêmement pauvres, eau potable, ordinateurs pour écoles, etc.

« C'est Rosario Murillo qui préside toutes nos réunions, » m'expliquait-il, alors que nous nous dirigions vers Managua.

En 2016, lors du congrès du FSLN, Ortega annonce que sa conjointe, Murillo, sera sa candidate à la vice-présidence pour les élections de cette année-là. Et même si, normalement, la constitution ne lui permet pas de se présenter à nouveau à la présidence, il a recours à son pouvoir sur les tribunaux pour contourner les limites des mandats constitutionnels. De plus, il ne se gêne pas pour se servir de ces mêmes tribunaux afin d'empêcher ses rivaux les plus populaires de se présenter. Peu étonnamment, Ortega-Murillo gagnent facilement les élections. Et peu étonnamment, aussi, plusieurs enfants de la famille Ortega-Murillo se voient assignés des postes clés au gouvernement.

Extrait de mon journal au Nicaragua le 31 janvier 2017

Le chauffeur de taxi qui nous a emmenés au Bufé Laprado aujourd'hui pour notre dîner était fort intéressant.
« Je me suis battu avec les sandinistes pour renverser Somoza. Pourquoi nous sommes-nous battus ? Parce que Somoza utilisait la fraude pour gagner des élections. Parce qu'il possédait une partie considérable des terres et de nombreuses grandes entreprises au Nicaragua. Parce qu'il contrôlait la garde nationale et se situait au-dessus de toutes les lois. Parce qu'il utilisait la force pour écraser toute opposition.
« Et qu'avons-nous présentement ? Le leader avec lequel nous nous sommes battus pour libérer le Nicaragua de la dictature de Somoza – une guerre qui a fait quelque 40 000 morts – fait maintenant la même chose que Somoza. Il utilise de la fraude massive pour gagner les élections. Il est propriétaire de nombreuses grandes entreprises au Nicaragua, notamment de la plupart des stations de télévision et de radio. Il contrôle la Cour suprême et le Conseil électoral suprême. Il utilise la force pour écraser toute opposition. Si un ami de Daniel Ortega décide qu'il veut ta maison, tu vas avoir des problèmes. Il y a peu de choses que tu peux faire pour empêcher ça. Ce n'est pas la règle de droit dans le Nicaragua actuel.

Soulèvement populaire d'avril 2018

Le soulèvement populaire qui, sous l'initiative d'étudiants universitaires, éclate en avril 2018 au Nicaragua, devient rapidement massif et tout à fait historique. Non seulement s'étend-il rapidement au pays entier, mais il dure pendant des mois.
Comme elles le faisaient lorsqu'elles se soulevaient contre la dictature de Somoza dans les années 70s, les foules inondent les rues du pays, érigeant dans celles-ci des barricades afin de se protéger de la répression policière. Et, comme au moment de la révolution sandiniste, ce qu'elles veulent, ce n'est pas seulement que cessent répression, favoritisme et corruption dans les plus hautes sphères du gouvernement. Ce qu'elles veulent - et cela devient de plus en plus clair au fur et à mesure que s'intensifient les manifestations, c'est que le gouvernement Ortega-Murillo démissionne, et que soient organisées le plus rapidement possible de nouvelles élections. Des élections, cette fois, transparentes et véritablement démocratiques, et non pas frauduleuses.

En 1989, le FSLN, après avoir dirigé une révolution pendant dix ans, initialement fructueuse mais éventuellement de plus en plus problématique, surtout à cause de la longue guerre lancée par la Contra avec l'appui de Washington, perd les élections.
Cette fois, cependant, le régime Ortega-Murillo, même contesté par un soulèvement populaire historique, est déterminé que cela ne se produira plus jamais.

Pendant les premiers jours du soulèvement, le président Daniel Ortega ne souffle mot, Rosario Murillo, cependant, se met immédiatement à l'œuvre. Elle envoie un courriel à ses subordonnés politiques, les convoquent pour une réunion d'urgence, et lors de celle-ci, leur ordonne :

¡Vamos con todo ! No vamos a dejar que nos roben la revolución.i
« Fonçons avec toute notre force. Nous n'allons pas les laisser voler notre révolution, » affirme-t-elle.

On sait ce qui est arrivé par la suite. Des paramilitaires cagoulés, recrutés d'urgence d'un peu partout au pays, qui se promènent en camionnettes, tirant sur les foules, souvent avec des fusils de guerre, agissant, de toute évidence, avec la complicité de la police. Plus de 320 morts, de milliers de blessés, de centaines de milliers de Nicaraguayens et Nicaraguayennes, surtout des jeunes, qui s'expatrient.

Les quelques médias indépendants que compte encore le Nicaragua, comme Confidencial et 100% Noticias, font leur possible pour raconter le plus fidèlement possible les évènements historiques qui se déroulent. Et leur cote d'écoute monte en flèche alors que celles des médias devenus quasi-monopoles de la famille Ortega-Murillo chute.

Assez rapidement, cependant, le régime ferme un après l'autre tous les médias indépendants, sous le prétexte que leurs reportages violent le droit du pays à paix et stabilité, et qu'ils constituent des traîtres de l'État. Plus de 278 journalistes se voient obligés de s'expatrier afin de poursuivre, généralement sur Internet, leurs reportages sur leur pays.

Les prisons se remplissent de prisonniers politiques, et plusieurs sont soumis à maltraitance, et parfois, torture.

Le régime expulse du Nicaragua plus de 450 politiciens, hommes d'affaires, journalistes, intellectuels, militants des droits de l'homme et membres du clergé, dont certains évêques. La plupart sont également déchus de leur nationalité.

Qualifiés de traitres de la patrie et complices d'une tentative de coup d'État en avril 2018 – c'est ainsi que le régime Ortega-Murillo qualifie le soulèvement historique contre lui – plusieurs de ces expatriés voient le régime confisquer tous leurs biens et possessions au Nicaragua.

Identifiant les ONGs à puissances capitalistes et impérialisme étatsunien, le gouvernement ferme aussi la plupart des ONGs qui œuvraient jusqu'alors au Nicaragua, inventant milles prétextes pour le faire : mauvaise gestion de la comptabilité, lavage d'argent, et quoi encore. ONGs œuvrant pour femmes, enfants handicapés, pour aider financièrement les pauvres à fréquenter l'école, etc. La très réputée université fondée par les Jésuites, UNAM, une université progressiste qui appuyait la révolution sandiniste, est nationalisée, nombre de professeurs prestigieux perdant leur emploi ou démissionnant tout simplement.
On estime présentement que depuis avril 2018, plus de 5 000 ONGs, dont des groupes religieux, auraient été fermées Nicaragua.

Les qualificatifs qu'utilisait Rosario Murillo, dans ses discours quotidiens à la télévision et la radio, pour dépeindre les personnes qui assumaient le leadership du soulèvement historique d'avril 2018, dépassent en couleur et agressivité, et de beaucoup, ceux qu'utilisait Donald Trump pour dépeindre les démocrates lors de la récente campagne électoral étatsunienne : putschistes, terroristes, criminels, pyromanes, pilleurs, tortionnaires, violeurs, forces sataniques, empoisonnés, et j'en passe.

Quelques éléments de la réforme constitutionnelle

En gros, la réforme adoptée ne fera qu'inclure dans la constitution, et donc institutionnaliser, le comportement adopté depuis plusieurs années, mais surtout depuis le soulèvement populaire d'avril 2018, par le régime Ortega-Murillo.

Le rappel historique ci-haut illustre de façon assez éloquente comment Rosario Murillo a pu se hisser au sommet de la direction du Nicaragua. Or la réforme la fait grimper encore plus : de vice-présidente, elle devient co-présidente.

Au lieu d'organiser des élections tous les cinq ans, on ne le fera dorénavant que tous les six ans.

Les événements décrits plus haut montrent que le régime Ortega-Murillo contrôle non seulement le parti, devenu simple outil de la dynastie familiale, mais aussi le pouvoir législatif, judiciaire et électoral. La main très forte et contrôlante de Rosario Murillo, comme illustré plus haut, est partout présente non seulement dans toutes les réunions des maires mais aussi dans toutes les affaires municipales. Or la réforme ne fait que miroiter et institutionnaliser tout cela. Des institutions qui, selon la constitution actuelle, doivent être indépendantes du gouvernement, par exemple le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire, le pouvoir électoral, et le pouvoir municipal, deviennent, dans la constitution réformée, de simples organes que coordonnent directement le couple présidentiel Ortega-Murillo.
La constitution actuelle défend formellement toute torture. Cette clause disparaît de la nouvelle réforme. On peut difficilement voir d'un bon œil une telle disparition, même si, en incluant le respect de la Charte universelle des droits de l'homme, la réforme semble reconnaître, au moins par ce biais, la défense de la torture.

Dans le rappel historique, je soulignais que le couple Ortega-Murillo persiste à propager le mensonge évident que le soulèvement populaire d'avril 2018 n'était qu'une tentative de coup d'État, appuyé par des manifestants « traitres de l'État », et dont plusieurs furent pour cette raison expulsés du pays et déchus de leur nationalité. Or l'article 134 de la réforme constitutionnelle stipule que sont inéligibles à la présidence de la République ceux qui financent un coup d'État, ceux qui ont acquis une autre nationalité, les fonctionnaires en activité et ceux qui « violent ou ont violé les principes fondamentaux prévus par la Constitution ». En d'autres termes, ceux qui, selon le gouvernement, commettent des infractions contre la « paix et la sécurité ».

Dans ce même rappel historique, j'ai mentionné que les biens et possessions de centaines de personnes, qualifiées par le régime de « traitres de l'État », furent confisqués par le gouvernement. Or, à l'article 46 de la réforme sur l'interdiction de la confiscation des biens, la clause stipulant que « les fonctionnaires qui enfreignent cette disposition auront toujours à répondre des dommages subis, et ce à partir de leurs propres biens » a été supprimée.
De même, au dixième alinéa de l'article 24 de la réforme, il est établi que « les Nicaraguayens ont le droit de circuler et d'établir leur résidence dans n'importe quelle partie du territoire national ». Cependant, la liberté des Nicaraguayens « d'entrer et de sortir librement du pays », qui est pourtant inscrite à l'article 31 de la Constitution actuelle, est supprimée.

Pour réprimer les médias indépendants au Nicaragua, le régime Ortega-Murillo a eu recours à l'argument selon lequel ces médias, par leurs reportages sur les manifestations, violent le droit de la communauté à la sécurité, la paix, et le bien-être. Or la réforme adoptée modifie la clause de la constitution actuelle qui porte sur la liberté d'expression. Cette clause stipule que les Nicaraguayens ont le droit « d'exprimer librement leurs pensées en public ou en privé, individuellement ou collectivement, oralement, par écrit ou par tout autre moyen ». Cependant, la réforme rend le respect de cette clause conditionnel : à la condition, précise la réforme, « qu'elle ne viole pas le droit d'une autre personne, de la communauté, et les principes de sécurité, de paix et de bien-être ».

Note
1. Wilfredo Mirando Aburto, “Vamos con todo” : filtración desvela que Rosario Murillo ordenó aplastar las protestas en Nicaragua, Univisón noticias, le 21 novembre 2018. Consulté le 2 décembre 2024.
*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

Le Droit à la Santé en Haiti : Un droit ignoré et piétiné par les Dirigeants de l’État

3 décembre 2024, par Organisme de Défense des Droits de l'Homme en Haiti ECCREDHH — ,
L'Organisme de Défense des Droits de l'Homme en Haiti ECCREDHH exprime sa préoccupation face l'éradication des droits fondamentaux en Haiti. Ces droits sont violés au jour le (…)

L'Organisme de Défense des Droits de l'Homme en Haiti ECCREDHH exprime sa préoccupation face l'éradication des droits fondamentaux en Haiti. Ces droits sont violés au jour le jour sous les yeux des autorités en place. Ce qui implique qu'Haiti est devenue un État de non droit. Ces droits constituent un ensemble de droits et libertés ayant un aspect important pour l'être humain. Mais, l'état de droit et la démocratie sont en fait les conditions indispensables pour une pleine et entière jouissance de ces droits.

Port au Prince, Haiti 1/12/2024

En effet, l'Organisme de Défense des Droits de l'Homme en Haiti ECCREDHH constate que les droits fondamentaux en Haïti ne veulent rien dire, notamment le droit à la santé qui est gravement piétiné, galvaudé et ignoré par l'État dans ses différentes politiques publiques. C'est-à-dire, aucune priorité en termes de gouvernance politique n'est mise en place pour aborder la question de santé publique dans le pays. Dans un contexte complexe et compliqué que le pays est plongé le nombre de personnes touchées par balle ou blessées se sont multipliées et presque pas de centre hospitalier disponible pour apprécier la situation sans compter les cas existants laissés pour compte.

Or la charte des nations unies a proclamé leur foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'Egalité des hommes et des femmes (...). Cela étant dit, ces actions constituent le fondement même de la liberté, de la Justice et de la paix. C'est un idéal commun à atteindre. Par-là, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) en ses premiers articles stipule que " Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et
en droits (...). Elle poursuit à l'article 3 que " Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne " conformément à l'article 19 de la Constitution Haïtienne.

En outre, pratiquement à Port-au-Prince et ses zones périphériques 80 % des hôpitaux publics et/ou centres hospitaliers seraient fermés ou dysfonctionnels. Le seul Hôpital de la Paix qui essaie de répondre, mais dépassé par les affluences des personnes blessées et aussi d'autres cas. Il faut le rappeler, à l'hôpital de la paix des accouchements se font à même le sol sur les céramiques froides.

C'est extrêmement grave d'énoncer cela en plein 21ème siècle. Mais c'est un fait pour démontrer qu'aucune priorité n'est en aucun cas accordée au droit à la santé dans le pays. À cause de ces actes de violences, plus de 18 institutions sanitaires ne sont pas fonctionnelles dans l'aire métropolitaine de Port-au-Prince. Parmi elles, on peut citer « l'Hôpital de l'Université d'État d'Haïti, le Centre de santé Aurore du Bel-air, le Centre de santé Saint-Martin 2(rue Saint Martin), le Centre de santé Saint-Martin 1 (Delmas 18 et Delmas 3), l'hôpital Dash Delmas 18, la Maternité

ENSEMBLE DES CITOYENS COMPÉTENTS À LA RECHERCHE DE L'ÉGALITÉ DES DROITS DE L'HOMME EN HAITI (ECCREDHH).
Rue Théodate # 27 Tabarre, Haïti, W.I Tel : (509) 36203405 / 36513668 / 48364348
Email:eccredhh12@gmail.com
Adresse : Rue Theodate # 27 Tabarre - Tels : +50936203405 / 36513668 / 48364348. E-mail : Eccredhh12@gmail.com

Isaïe Jeanty de Chancerelles, l'hôpital Saint-François de Sales, le sanatorium (Carrefour-Feuilles), l'hôpital communautaire de Bon-Repos, l'hôpital communautaire de Beudet, le centre de santé de la Croix-des-Bouquets etc. »

Si la situation est si compliquée pour les hôpitaux de la capitale qu'en est-il pour ceux en région ? En fait, malgré l'existence des traités internationaux, des accords, des conventions signées et ratifiées par Haïti et les lois nationales relatives en la matière, le droit à la santé est piétiné par les dirigeants de l'État appelés à faire appliquer les lois de la République. Donc, il est inacceptable voire inconcevable qu'Haiti devienne une république dirigée par des nuls qui ne comprennent même pas le sens de l'État et de la gouvernance publique. Konbyen kretyen vivant Souf yo etenn akòz pa gen lopital osnon lopital fèmen ?

L'État est créé pour assister sa population et non pour assurer son assassinat. Soit ces dirigeants sont là pour servir l'État et sa population ou soit ils se font prendre par les pieds, car c'est révoltant. On peut même se demander pourquoi continuer à payer des inutiles qui ne garantissent aucun respect de nos droits ?

La population doit être plus exigeante envers ses décideurs parce qu'ils ont pleine et entière responsabilité pour garantir le respect des droits et les libertés. Ils ont cette obligation, donc nous devons les contraindre.

Vive la Démocratie !!!

Vive le Respect des Droits Humains !!!

Vive une société Juste !!!

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

Une activité des Journées Québécoises de Solidarité Internationale témoigne de l’impact de l’extractivisme au Honduras au Guatemala et au Chiapas

3 décembre 2024, par Carolina Dominguez Restrepo — , ,
La présence des entreprises transnationales sur les territoires en Amérique centrale entraîne une détérioration des droits humains des communautés vivant dans les zones (…)

La présence des entreprises transnationales sur les territoires en Amérique centrale entraîne une détérioration des droits humains des communautés vivant dans les zones d'exploitation des ressources, en particulier au Honduras, au Guatemala et au Chiapas. Il existe toutefois une résistance issue de la population locale. Les interventions lors de l'assemblée « Mobilisation pour les droits et les territoires » du 19 novembre dernier en témoignaient.

26 novembre 2024 | tiré d'alterquébec
https://alter.quebec/une-activite-des-jqsi-temoigne-de-limpact-de-lextractivisme-au-honduras-au-guatemala-et-au-chiapas/?utm_source=Cyberimpact&utm_medium=email&utm_campaign=JdA-PA-2024-11-27

Le Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL) et le Centre international de solidarité ouvrière (CISO), avec la collaboration de Déveloement et Paix et de Solidarité Laurentides Amérique centrale (SLAM) ont pris l'initiative de tenir une rencontre à Montréal dans le cadre des Journées québécoises de la solidarité internationale (JQS).

Trois perspectives qui s'entrecroisent

L'activité réunissait Ervin Hernandez, un journaliste hondurien qui a exposé les injustices causées par l'extractivisme ; Leocadio Jucaran, un activiste guatémaltèque qui a travaillé pour la régularisation des personnes déplacées dans une perspective contre-hégémonique ;

et Libertad, une éducatrice populaire qui s'est consacrée à la dénonciation de la diplomatie criminelle et des liens paraétatiques qui favorisent l'investissement étranger au Chiapas. Au cours de la réunion, chaque personne a caractérisé le mode de fonctionnement de l'intervention étrangère et a décrit la résistance qui s'exerce à partir de la base sociale. Les trois perspectives s'entrecroisent : l'articulation du capital étranger, des réseaux de corruption de l'État et du crime organisé. Elles caractérisent les obstacles quotidiens qui oppriment les communautés et entravent la résistance.

Honduras

Dans le cas du Honduras, les investissements se concentrent sur deux types d'activités productives : l'exploitation des terres par l'extractivisme et les monocultures, ainsi que l'industrie de fabrication de tissus pour des entreprises canadiennes telles que GILDAN. Ces activités économiques et l'importance que leur accordent certaines entités étatiques entraînent le déplacement des populations qui habitent ces territoires, ainsi que la précarisation des travailleuses et des travailleurs de cette industrie.

Cependant, les actions collectives qui résistent à ces dynamiques d'exploitation font face à des défis, tels que la persécution politique des activistes qui luttent pour la souveraineté de leurs territoires, l'interventionnisme de l'État qui exerce une violence systémique à travers ses appareils, et la criminalisation de la mobilisation. Ce dernier défi représente une contrainte significative dans la lutte pour le territoire et sa diffusion, car la criminalisation provient non seulement des opérateurs légaux, mais aussi des médias et de l'opinion publique. Ceux-ci cherchent à polariser et à atomiser l'organisation afin de faire de la place aux intérêts étrangers, en plus de donner peu de visibilité à la situation.

Guatemala

Au Guatemala et au Honduras, la reconnaissance de l'autonomie territoriale et le droit de la population à être consultée au préalable de la réalisation d'un projet ont pris du retard. C'est au Guatemala qu'il a progressé et qui fut abordé sous l'angle de la nature ancestrale originelle des espaces territoriaux qui ont été appropriés par les communautés. L'autogestion exercée sur ces localités et menée par les organisations de base repose sur le principe de la solidarité globale Nord-Sud décolonisatrice. C'est pourquoi les plans d'action mis en œuvre encouragent la participation aux assemblées territoriales et prévoient une assistance juridique.

Chiapas, Mexique

Au Mexique, et plus précisément au Chiapas, on observe une intensification des effets négatifs de l'interventionnisme attribué à la présence de bandes armées, étant donné qu'il s'agit d'un lieu important sur les routes de la migration irrégulière. Ce facteur aggravant compromet non seulement les conditions de vie des communautés, mais démontre également que la configuration du territoire est au service du capital mondial et de la criminalité qui exerce un contrôle sur ces zones. L'État, ses entités et l'interlocution diplomatique entre le Nord et le Sud sont complices de cette situation.

Face à cette réalité, le Canada a une position marquée par l'absence de politiques qui limitent et contrôlent les dommages causés par les activités productives des transnationales canadiennes sur l'environnement. Celles-ci détériorent également les moyens de subsistance des communautés et des populations dans les territoires du Sud global. Dans ce contexte, la solidarité internationale prend tout son sens et devrait chercher à intégrer des piliers démocratiques dans les processus et les décisions qui affectent les communautés latino-américaines.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

Donald Trump et Elon Musk prônent un antihumanisme

3 décembre 2024, par Scandola Graziani — , ,
Donald Trump et Elon Musk prônent un antihumanisme décomplexé, géré par l'intelligence artificielle et « vidé de ses corps », explique le philosophe Éric Sadin. Une idéologie (…)

Donald Trump et Elon Musk prônent un antihumanisme décomplexé, géré par l'intelligence artificielle et « vidé de ses corps », explique le philosophe Éric Sadin. Une idéologie déjà à l'œuvre en France.

Éric Sadin est philosophe spécialiste de la critique du numérique et de son monde. Ses nombreux ouvrages, dont La Siliconisation du monde (2016), L'Ère de l'individu Tyran (2020) ou La Vie spectrale (2023), abordent les conséquences de l'avènement des nouvelles technologies, notamment de l'intelligence artificielle (IA), sur l'organisation de nos sociétés.

27 novembre 2024 | tiré de reporterre.net | Photo : Le président élu Donald Trump et Elon Musk assistent au lancement du sixième vol d'essai de la fusée Starship, de SpaceX, au Texas, le 19 novembre 2024. - © Brandon Bell / Getty Images North America / Getty Images via AFP
https://reporterre.net/Trump-et-Musk-nous-menent-vers-un-monde-glacial-domine-par-l-IA

Reporterre — Le milliardaire Elon Musk a été nommé par Donald Trump au ministère de « l'efficacité gouvernementale ». Que cela révèle-t-il ?

Éric Sadin — Elon Musk incarne le mythe de l'entrepreneur visionnaire qui a tout saisi de la vérité de l'époque. Sa figure fait penser à celle de John Galt, le héros de La Grève, le fameux roman d'Ayn Rand publié en 1957, devenu depuis la référence majeure du courant libertarien. John Galt est un ingénieur, caractérisé par sa puissance inventive, qui décide d'organiser une fronde de grands entrepreneurs contre l'inertie de l'État. Ensemble, ils brandissent la menace de cesser leur activité, affirmant que le pays finira alors exsangue. C'est exactement ce à quoi nous avons affaire avec Elon Musk : l'image d'un génie semblant dorénavant indispensable à la bonne santé économique de la nation. Donald Trump a récemment déclaré à son propos : « C'est un super génie, il faut qu'on les protège, nous n'en avons pas tant que ça. »

Quelle est l'idéologie derrière cette figure de « l'entrepreneur visionnaire » ?

Cette idéologie, à l'œuvre depuis une trentaine d'années dans la Silicon Valley, est fondée sur le postulat que Dieu n'a pas parachevé la création. Le monde est truffé de défauts et l'humain étant fondamentalement imparfait, il en est le premier vecteur. Toutefois, un miracle a lieu désormais : les technologies dites de « l'exponentiel », qui sont vouées à racheter toutes nos insuffisances. C'est là que l'intelligence artificielle donne corps à ce projet, en réalisant de façon infiniment plus rapide, prétendument plus fiable et à moindre coût, un nombre sans cesse extensif de tâches.

L'humain étant alors appelé à être évacué des affaires qui le regardent, pour n'être plus réduit qu'à une cible continuellement marchande, assaillie par des offres automatisées et hyperpersonnalisées. Voit-on l'antihumanisme radical à l'œuvre ? Celui cherchant à instaurer une société hygiéniste, délivrée de tout défaut, et une marchandisation intégrale de la vie.

Comment cette idéologie prônée par Elon Musk et la Silicon Valley trouve-t-elle un écho auprès de Donald Trump ?

Trump et Musk se rejoignent dans une sorte d'iconoclasme radical et décomplexé. Leur point commun est le refus des intermédiaires, des instances centrales, supposés être des facteurs d'inertie. C'est pour cela que Musk a vite été un adepte des cryptomonnaies, ambitionnant de se débarrasser de tous les maillons de régulation de la valeur. Du côté de Trump, les intermédiaires, ce sont l'État fédéral, Washington, les institutions, le prétendu « État profond », et les élites qu'il entend renverser, au profit d'un lien plus direct avec les Américains. C'est aussi le fantasme d'une parfaite transparence.

« Un monde glacial, vidé de ses corps »

On parle de possibles conflits d'intérêts, des contrats publics d'Elon Musk, de sa cotation en bourse qui a grimpé depuis l'élection de Trump… Ce n'est pas le plus important. Ce qui compte, c'est qu'ils trouvent dans cette alliance la certitude que leur vision du monde va s'appliquer sans aucune limite.

Concrètement, que compte faire Elon Musk à ce poste de « l'efficacité gouvernementale » ?

Je donnerais un autre nom à ce poste : celui de « l'automatisation des affaires publiques ». Il existe aujourd'hui des systèmes d'intelligence artificielle capables de gérer quantité de dossiers administratifs et publics, à un point que l'on n'aurait plus besoin d'autant d'humains dans ces domaines. Elon Musk risque d'y aller à la hache. Et celle-ci va s'appuyer sur un levier principal : l'automatisation par l'IA. Des systèmes se substitueront à l'humain.

Le paradoxe, c'est qu'en voulant éradiquer la bureaucratie, on en arrive à des effets d'hyper bureaucratie, semblables aux récits kafkaïens, où personne ne sait où se trouvent les interlocuteurs. On s'imagine que l'IA va fluidifier les choses, en réalité c'est l'opposé ! Ce sera le règne de la « technocratie algorithmique ». Un monde glacial, vidé de ses corps.

Dans un entretien accordé au Monde en 2020, vous déclariez : « Il est probable qu'un fascisme d'un nouveau genre émerge dans les années post-coronavirus. » Sommes-nous arrivés à cela ?

Les dictateurs entendent asseoir leur pouvoir en muselant et en contrôlant les populations. Ici, il ne s'agit pas de cela. Ce n'est pas « big brother » ou le « crédit social » chinois. En revanche, ce qui vient, c'est le bannissement de l'humain des affaires qui le regardent. C'est ce que j'avais appelé dans La Silicolonisation du monde le « soft-totalitarisme numérique », à savoir que les algorithmes prévalent sur l'humain dans l'organisation de la société. C'est la fin du politique.

D'ailleurs, en encourageant l'automatisation des affaires humaines, le monde politique scie la branche sur laquelle il est assis ! Les États-Unis sont avant-coureurs d'une situation appelée, à terme, à devenir globale.

Où en est-on en France ?

Cette automatisation est en vigueur depuis une dizaine d'années en France. Le fait que le ministre de la Fonction publique Guillaume Kasbarian ait salué la nomination d'Elon Musk n'est pas anodin. Le projet porté par Emmanuel Macron est exactement le même que celui de Musk et Trump, mais à la française, c'est-à-dire un cran en dessous. Il a twitté pour se réjouir de l'installation d'un bureau à Paris du géant de l'IA générative, OpenAI.

Macron est un adepte du technopositivisme, qui a pour ennemi l'inertie, et doit conduire vers un monde conçu comme une horloge parfaitement réglée. Lui aussi honnit les corps intermédiaires, qui empêchent supposément la rapidité et l'efficacité de l'action…

« Il suffit d'ouvrir le capot de ses Tesla pour voir que c'est de l'esbroufe totale »

Cette idéologie est déjà à l'œuvre dans la plupart des démocraties libérales, avec le distinguo qu'elle n'est pas encore radicale. Avec Trump et Musk, ce projet prendra forme de façon totalement décomplexée.

Quels effets cela aura-t-il sur l'environnement ?

Les technologies numériques, plus encore l'intelligence artificielle et les IA génératives, entraînent de gigantesques conséquences énergétiques. Le besoin en électricité est tel qu'Amazon et autres Big Tech entendent alimenter leurs serveurs avec de petits réacteurs nucléaires. Il y a une forme de dissonance cognitive troublante d'un côté, avec la question écologique de plus en plus présente et, de l'autre, l'usage sans cesse extensif par des milliards d'individus de systèmes numériques.

Elon Musk est-il aussi dans cette dissonance cognitive ?

Oui, comme tous les gourous du numérique. Prenez sa voiture électrique prétendument vertueuse pour le climat. Il suffit d'ouvrir le capot de ses Tesla pour voir que c'est de l'esbroufe totale ! En réalité, ses véhicules sont aux antipodes de l'écologie. Ils vont encourager les transports, et le recyclage des batteries n'est pas encore possible. Un pragmatisme écologique consisterait tout simplement à ne concevoir ni voiture ni fusée, mais d'œuvrer à d'autres formes d'organisation — réellement vertueuses et écologiques — en commun.

« Allons interroger les salariés dans les entrepôts d'Amazon »

Il y a quelques années, les grands patrons de la Silicon Valley se disaient préoccupés par la question climatique, et soutenaient plutôt le camp démocrate…

Nous sommes naïfs. Nous accordons beaucoup trop d'attention à ce que disent ces personnes. Regardez la place qu'ils ont dans la presse, ces entrepreneurs et ingénieurs du numérique : elle est outrageusement importante ! Ce ne sont pas leurs discours qu'il faut écouter, il faut observer les conséquences de leurs systèmes. Ce n'est pas eux qu'on devrait interroger dans les médias : mais ceux qui subissent les conséquences de ce qu'ils font.

Allons interroger les salariés dans les entrepôts d'Amazon, là où des systèmes d'IA instaurent des modes managériaux indignes, réduisant des humains à des robots de chair et de sang. Allons interroger les professeurs dans les écoles publiques qui subissent de plein fouet les effets de la numérisation à marche forcée. Allons voir dans l'hôpital public l'implantation des systèmes d'IA qui coûtent une fortune et ne servent à rien, alors qu'on s'est rendu compte pendant le Covid que ce n'était pas d'IA dont on avait besoin, mais de personnel et de matériel élémentaire, de respirateurs, etc. En faisant cela, nous aurions une tout autre compréhension des phénomènes, et la société serait davantage transparente à elle-même.

Aujourd'hui, le discours d'Elon Musk flirte avec le climatoscepticisme. Comment expliquer ce revirement ?

Selon lui, ceux qui travaillent sur les questions environnementales se perdent dans des négociations sans fin, pour déboucher sur des projets d'accord, tels ceux de la COP, qui ne feraient rien avancer. Tout ceci peut donner l'impression d'être laborieux et surtout élitiste. Pour Musk, c'est une manne ! Ça lui permet de dire : « Nous, on va faire de la véritable écologie. Des systèmes vont résoudre la crise climatique. » Autrement dit, la solution viendra de la technologie : fini les discussions, la contradiction, la pluralité de points de vue, tout cela n'étant que de la perte de temps et des dépenses inutiles.

Quelles alternatives à la vision d'Elon Musk pouvons-nous proposer ?

La solution, c'est d'être partie prenante des affaires qui nous regardent. C'est un projet de société : que tout le monde ait la chance de pouvoir vivre d'autres modalités d'existence plus vertueuses, s'il le souhaite. Avec des relations entre les êtres plus équitables, et l'usage de matériaux qui ne bafouent pas la biosphère.

Nous devrions pouvoir expérimenter des modes d'organisation — via la mise en place de collectifs — dans le soin, l'éducation, l'artisanat, l'architecture… Pour l'instant, ces expériences sont marginales, presque héroïques. Il faudrait que la puissance publique soutienne ces projets, qu'ils puissent essaimer ! C'est ce que j'appelle le « printemps des collectifs ».

Je ne vois pas d'autre solution que de défendre le vivant. Celui des éléments, mais aussi celui qui est en nous et qui ne demande qu'à s'épanouir. Appelons cela un puissant et joyeux désir de vie ; contre la pulsion de mort qui, aujourd'hui, semble être devenue notre monnaie bien trop courante.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d'aide financière à l'investissement.

De Biden à Trump, la fin à l’aide militaire à Israël n’est pas à l’ordre du jour

3 décembre 2024, par Dan La Botz — , ,
La semaine dernière, le sénateur Bernie Sanders a présenté au Sénat trois résolutions visant à mettre un terme aux transferts d'armes américaines vers Israël. Ces résolutions (…)

La semaine dernière, le sénateur Bernie Sanders a présenté au Sénat trois résolutions visant à mettre un terme aux transferts d'armes américaines vers Israël. Ces résolutions visant à mettre fin au soutien des États-Unis à la guerre génocidaire menée par Israël contre les PalestinienNEs de Gaza ont toutes reçu entre 18 et 19 voix de la part des démocrates et aucune des républicains.

Hebdo L'Anticapitaliste - 731 (28/11/2024)

Par Dan La Botz

Crédit Photo
DR

Bien que ce vote n'engage pas même 20 % des 100 sénateurs, il reflète une division croissante au sein du parti démocrate et démontre une opposition significative au président Joe Biden et à la majorité des démocrates qui soutiennent fermement l'État juif. Selon les sondages, les deux tiers des démocrates souhaiteraient arrêter complètement l'aide militaire à Israël ou la conditionner à un cessez-le-feu.

Les démocrates autour de Biden inébranlables

Le Parti démocrate ayant échoué à ce test politique et moral, la CPI (Cour pénale internationale) a lancé des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, comprenant la famine comme méthode de guerre, les attaques intentionnelles contre des civils, « le meurtre, la persécution et d'autres actes inhumains ».La CPI a également délivré un mandat d'arrêt à l'encontre du commandant du Hamas, Ibrahim al-Masri.

Biden a condamné les actions de la CPI en déclarant : « La délivrance par la CPI de mandats d'arrêt à l'encontre de dirigeants israéliens est scandaleuse. Permettez-moi d'être clair une fois de plus : quoique la CPI puisse laisser entendre, il n'y a aucune équivalence – aucune – entre Israël et le Hamas. Nous nous tiendrons toujours aux côtés d'Israël contre les menaces qui pèsent sur sa sécurité ».

Au même moment, au Conseil de sécurité de l'ONU, les États-Unis ont été les seuls à voter contre une proposition appelant à un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza, opposant ainsi leur veto à la résolution par 14 voix contre 1. « Nous ne pouvions pas soutenir un cessez-le-feu inconditionnel qui ne permettait pas de libérer les otages », a déclaré Robert A. Wood, ambassadeur américain aux Nations unies. C'est la quatrième fois que les États-Unis bloquent une résolution de cessez-le-feu au Conseil de sécurité.

La semaine précédente, le Bureau des droits de l'homme des Nations unies a condamné le massacre de civilEs lors de la guerre à Gaza, affirmant que 70 % des victimes étaient des femmes et des enfants. Il a indiqué que 43 300 personnes avaient été tuées, mais que de nombreux autres morts étaient enterrés sous les bâtiments bombardés. Volker Türk, chef des droits de l'homme des Nations unies, a déclaré que « ce niveau sans précédent de meurtres et de blessures de civilEs est une conséquence directe du non-respect des principes fondamentaux du droit humanitaire international ».

Soutien à Israël et répression accrue sous Trump

Alors que le soutien de M. Biden à Israël est resté inébranlable, l'administration de Trump sera encore pire. Lors du débat présidentiel qui a précédé l'abandon de Biden à l'élection présidentielle, Trump a demandé à Netanyahou de « finir le travail à Gaza ». Au cours de son premier mandat présidentiel (2016-2020), Trump a soutenu le gouvernement de Netanyahou, en faisant déplacer l'ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, appuyant les revendications israéliennes sur le plateau du Golan et en Cisjordanie, en réduisant l'aide aux PalestinienNEs. Le nouvel ambassadeur de Trump en Israël, Mike Huckabee, est un sioniste chrétien qui ne reconnaît pas l'existence du peuple palestinien.

Les manifestations contre le soutien des États-Unis à Israël et contre la guerre d'Israël contre la Palestine se sont poursuivies. Bien que le mouvement sur le campus ait été réprimé conduisant à la suspension, l'expulsion ou l'emprisonnement d'étudiantEs, en dehors du campus, les activités se poursuivent. À la base aérienne de Travis, dans le nord de la Californie, une cinquantaine de manifestantEs ont bloqué l'entrée de la base et 28 personnes ont été arrêtées. Un militant a posté sur X : « Les Américains veulent la paix ! ARRÊTEZ DE TUER LES ENFANTS ! Embargo du peuple ! Arrêtez de financer Israël et les crimes de guerre ».

Sous Trump, les manifestantEs feront l'objet d'une surveillance accrue, d'enquêtes, d'accusations fallacieuses d'être des agents étrangers ou des terroristes, avec la menace de la déportation pour les immigréEs. Les antisionistes seront accusés d'antisémitisme et pourront être inculpés d'incitation à la haine. La résistance à Trump va nécessiter une nouvelle stratégie de la part de la gauche.

Dan La Botz, traduit par la rédaction

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

7438 résultat(s).
Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG)

gauche.media

Gauche.media est un fil en continu des publications paraissant sur les sites des médias membres du Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG). Le Regroupement rassemble des publications écrites, imprimées ou numériques, qui partagent une même sensibilité politique progressiste. Il vise à encourager les contacts entre les médias de gauche en offrant un lieu de discussion, de partage et de mise en commun de nos pratiques.

En savoir plus

Membres