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La meilleure réponse du Canada à l’agression de Donald Trump ? Le socialisme

4 février, par Christo Aivalis — , ,
Après 40 ans de néolibéralisme, nous devons inverser le mouvement en tablant sur une économie planifiée et une reprise en main de l'économie par l'État. Tiré de The Breach (…)

Après 40 ans de néolibéralisme, nous devons inverser le mouvement en tablant sur une économie planifiée et une reprise en main de l'économie par l'État.

Tiré de The Breach

Traduction Johan Wallengren

Le président qui arrive au pouvoir aux États-Unis, Donald Trump, a ces derniers temps réfléchi à voix haute à l'idée d'utiliser la « force économique » aux fins d'annexion du Canada. Cette menace est brandie avec une telle outrecuidance que bien de gens n'y voient que fanfaronnade, incapables qu'ils sont d'accepter qu'un président des États-Unis fasse planer une telle menace sur le sort de notre économie.

On aurait cependant tort de prendre ces propos à la légère, et Trump doit être traité comme un acteur hostile à la sécurité économique du Canada. Au niveau fédéral, le chef du NPD, Jagmeet Singh, a eu le mérite de chercher à rallier des partisans derrière son plan contre Trump, qui consiste à préparer des représailles à tous tarifs douaniers que Trump pourrait imposer et à veiller à restreindre l'accès des sociétés américaines aux richesses minières du Canada.

Mais ces mesures de rétorsion, aussi nécessaires soient-elles, éludent un problème majeur. Ce n'est pas avec des tarifs douaniers et des messages sur Twitter que nous parviendrons à nous tirer de ce bourbier. Nous devons plutôt nous débattre avec la dure réalité que ce sont 40 ans de capitalisme néolibéral au Canada qui nous ont placé dans une telle position de faiblesse qu'un président peut à lui seul ternir notre avenir économique.
Pour résister véritablement à l'agression américaine, nous avons besoin d'une solution axée notamment sur des nationalisations, une planification économique et une participation des travailleurs, solution qui passe en d'autres mots par le socialisme.

Le passé du Canada offre quelques leçons et idées pour nous rapprocher de cet objectif. Les gens de gauche au pays ont jadis promu la vision d'un État robuste et de syndicats forts, gages de la construction d'une société socialiste démocratique indépendante. Il est temps de redonner vie à cette vision.

La réappropriation, rempart contre l'empire américain

Une partie du problème réside dans la profonde intégration de l'économie canadienne à l'économie américaine.

Lorsque des capitaux américains et étrangers sont investis dans une part aussi importante de l'économie canadienne que maintenant, en particulier dans des secteurs stratégiques tels que l'énergie, l'exploitation minière et l'industrie lourde, il ne faut pas s'étonner qu'un président américain s'en serve comme d'un levier.

Il y a un peu moins de 60 ans, il a pu sembler que le Canada était sur la bonne voie pour construire une économie plus autonome. Sous l'impulsion d'intellectuels de gauche et de militants syndicaux au sein du NPD et à l'extérieur du parti, des efforts ont été déployés non seulement pour se pencher sur l'étendue et les effets de la mainmise économique américaine sur le Canada, mais aussi pour s'y opposer.

Dans le contexte de la publication du rapport Watkins, qui détaillait pour le gouvernement fédéral les implications de l'engagement étranger dans notre économie – révélant pour la première fois à quel point le Canada était contrôlé par l'étranger sur le plan économique – il y a eu un grand sursaut de la part d'organisations nationales de gauche.

Des voix se sont élevées dans le champ gauche pour faire pression sur le gouvernement libéral de Pierre Trudeau afin qu'il s'engage à exercer un contrôle accru sur l'économie canadienne, notamment par la nationalisation d'industries clés, au premier rang desquelles l'énergie. (Il faut reconnaître que ces nationalistes de gauche ont souvent, mais pas toujours, négligé l'importance des droits des autochtones et de l'autodétermination). Ils ont fini par remporter des succès, parmi lesquels la création de la société publique Petro-Canada, obtenue uniquement parce que le leader du NPD David Lewis en avait fait une condition dans une entente intervenue du temps du gouvernement minoritaire de Trudeau en 1972.

Mais ces progrès initiaux se sont rapidement estompés lorsque le Canada et la plupart des pays occidentaux ont adopté des politiques de privatisation et ont adhéré au capitalisme néolibéral. Les gouvernements Mulroney et Chrétien ont ouvert les bras aux capitaux américains et à l'entreprise privée ; et ce qui a joué un rôle encore plus déterminant est que l'approche initiale de Trudeau père était trop motivée par le souci de permettre aux capitalistes canadiens d'avoir les coudées franches.

Nous devons tirer les leçons de ces échecs historiques : Le Canada doit défier la domination américaine en veillant à donner à l'État un certain contrôle sur l'ensemble des ressources stratégiques et des moyens de production.

Pendant 40 ans, le Canada a joué la carte de la privatisation et de l'intégration dans l'économie américaine. Cela n'a pas permis d'assurer la sécurité économique de notre pays, comme le montrent avec limpidité les menaces de Trump.

C'est dans cet esprit que le NPD doit faire preuve de courage et commencer à dire clairement que le capitalisme nous a desservi. Le socialisme peut nous mettre sur une autre voie.

Relancer la planification économique

Il est clair que le Canada a besoin que l'État reprenne un certain contrôle sur l'économie et se dote d'une vision à long terme pour être en mesure d'écarter des menaces telles que celles que Trump s'est mis à diffuser.

Mais ce n'est pas en un claquement de doigts que ces objectifs pourront être atteints. Il faut une planification économique réfléchie pour remettre en cause la mainmise américaine sur notre économie.

En effet, c'est le NPD, à ses débuts dans les années 1960, qui a soutenu, aux côtés des syndicats, que faute de planifier notre avenir économique, nous serions incapables de tenir tête aux États-Unis le moment venu. Eh bien, le moment est venu, et nous sommes pris au dépourvu.

À l'époque, le NPD et les syndicats réclamaient non seulement des sociétés d'État comme Petro-Canada, mais aussi une société d'État centrale qui investirait dans des projets en échange d'une participation au capital et d'un contrôle par les Canadiens, qui pourraient faire valoir des objectifs économiques d'une manière que les capitalistes ne permettraient jamais.

Ceux-ci ont aussi mis de l'avant que cette planification permettrait de mieux construire une économie est-ouest afin de réduire la dépendance à l'égard du commerce avec les États-Unis. L'objectif n'a jamais été, bien sûr, d'éliminer le commerce avec nos voisins du sud, mais bien d'éviter le calvaire actuel.

Malheureusement, tout cela a été soit rejeté par les gouvernements libéraux et conservateurs, soit rapidement démantelé lors de la vague de vente d'actifs des gouvernements dans les années 1980.

Trump a menacé, par exemple, de couper l'accès du Canada au marché américain de la construction automobile. De nombreux composants du secteur sont fabriqués au Canada, puis expédiés au sud pour entrer dans le processus de fabrication. Si la production de bout en bout pouvait s'enraciner au Canada, cela réduirait la portée des menaces de Trump.
Des pays comme la Norvège ont été beaucoup plus prévoyants en créant des industries énergétiques nationalisées qui ont rendu leurs citoyens plus riches que les Canadiens tout en constituant des fonds pour mieux planifier leur avenir économique. Ici, en revanche, nous avons de façon répétée « laissé aller à vau-l'eau » les booms pétroliers*.

Reste que la solution n'est pas de céder aux capitalistes à saveur de sirop d'érable plutôt qu'aux Américains. Galen Weston ne protégera pas plus la classe ouvrière canadienne que le ferait un magnat du Texas.

Le NPD a pris des initiatives qui ont requinqué un peu la flamme en demandant des comptes à classe des milliardaires, traînant certains d'entre eux devant des commissions parlementaires pour les interroger sur les prix abusifs. Pour ce qui a été de sévir contre les capitalistes du milieu de l'épicerie canadienne, une récente enquête de la CBC qui a révélé que ceux-ci lésaient les Canadiens en pratiquant des prix excessifs dans le commerce de la viande a montré qu'il y avait lieu de prendre des mesures.

Mais les auditions des commissions parlementaires ne suffisent pas. Oui, nous devons nous attaquer aux entreprises qui vivent aux crochets de l'état en obtenant toutes sortes d'avantages**, mais nous devons aussi nous attaquer de front à la question des participations étrangères et de la planification économique.

Une vision socialiste audacieuse pour l'avenir

Une des idées fausses sur le socialisme est que sa doctrine est focalisée uniquement sur le contrôle de l'État.

Une plateforme socialiste doit comprendre le contrôle de l'industrie par les travailleurs, ce qui peut aller de la syndicalisation universelle à la propriété directe des moyens de production sur le lieu de travail et mener à la démocratie économique au sens le plus large possible. Cela recouvre la propriété collective des entreprises, un plus grand pouvoir des travailleurs et une participation réelle des citoyens aux décisions relatives au fonctionnement de notre économie.

Une démocratie solide qui ne se réduit pas à l'acte de voter lors d'échéances qui se succèdent à quelques années d'intervalle mais permet d'exercer un contrôle collectif au jour le jour est essentielle pour dresser des barrages susceptibles d'endiguer la domination américaine.

De nos jours, les gens de la classe ouvrière n'ont pas leur mot à dire sur les décisions prises relativement à leur travail ni concernant les produits et les bénéfices généré par celui-ci. De ce fait, les travailleurs canadiens ont peu de contrôle direct sur leur destin, que ce soit au plan national ou dans nos relations avec les États-Unis.

Ce n'est qu'en restructurant notre société de manière que les Canadiens puissent dans une certaine mesure s'approprier leur lieu de travail, leur économie et leur pays que nous pourrons construire un rempart contre les attaques de Trump.

Il est toutefois essentiel de ne pas perdre de vue que la résistance à la domination américaine via le nationalisme économique ne doit pas occulter la recherche de la justice pour les peuples des premières nations, qui doivent être des partenaires de premier plan dans la construction d'une société et d'une économie démocratiques, notamment en mettant fin à notre propre agression coloniale en tant que pays et en procédant à une véritable restitution des terres.

Le moment est venu pour le socialisme démocratique de briller à nouveau, ce qui pourrait donner une occasion au NPD de s'illustrer. Des sondages récents montrent qu'une majorité écrasante de Canadiens rejettent les projets de Trump, et les néo-démocrates s'y opposent presque unanimement.

Nombreux sont les partisans faisant partie de la base du parti conservateur qui souhaitent prendre la nationalité américaine et l'engagement du parti libéral en faveur du capitalisme néolibéral ne lui permet pas de réagir en proposant quelque plan cohérent au-delà de la perspective d'attendre qu'un président démocrate retourne à la Maison Blanche.
Dans l'immédiat, le NPD se trouve devant une opportunité inestimable, alors qu'un mouvement anti-Trump se dessine, une occasion de se porter à la défense des travailleurs et des emplois. Mais cela est loin d'être suffisant : le parti doit procéder à des changements structurels fondamentaux pour réellement et significativement embrasser une vision de gauche.

Le NPD doit devenir le champion d'un avenir socialiste audacieux.

* L'auteur fait allusion ici à des autocollants qui sont apparus sur des voitures dans l'ouest du pays, avec la formule (en anglais) suivante : « PLEASE GOD LET THERE BE ANOTHER OIL BOOM.I WILL NOT PISS IT AWAY THE SECOND TIME ».
** L'auteur parle en anglais de « corporate welfare bums » une expression dont l'histoire est retracée dans une vidéo et un article (en anglais) disponibles sur le même site que l'article, à l'adresse Web : https://breachmedia.ca/corporate-welfare-bums-its-payback-time/

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Trump : la fin du libre-échange, le retour du colonialisme

4 février, par Alain Deneault — , ,
Alors qu'il n'est pas encore entré en fonction, Donald Trump répète les « coups de menton », réitérant notamment sa volonté de faire du Canada le 51e État de la confédération (…)

Alors qu'il n'est pas encore entré en fonction, Donald Trump répète les « coups de menton », réitérant notamment sa volonté de faire du Canada le 51e État de la confédération américaine. Si ces velléités font d'abord sourire par leur démesure, leur répétition nous force à les prendre aujourd'hui au sérieux. Que signifient ces discours ? Doit-on craindre qu'ils se concrétisent ? Pour Alain Deneault, professeur de philosophie à l'Université canadienne de Moncton (Shippagan), ces déclarations du président des États-Unis montrent que le protectionnisme dont se revendique Donald Trump marque une régression : la protection de ses propres frontières n'empêchera pas Washington de franchir allègrement toutes celles qui le séparent des richesses convoitées par le milieu des affaires.

16 janvier 2025 | tiré du site d'Élucid
https://elucid.media/politique/trump-la-fin-du-libre-echange-le-retour-du-colonialisme-alain-deneault

Les coups de menton du président des États-Unis, Donald Trump, ne s'apparentent plus à de seuls coups de tête lorsqu'ils se répètent à l'identique. Une déclaration sur l'annexion du Groenland aux États-Unis apparaît insolite lorsqu'elle est faite une première fois en août 2019. Elle devient un projet lorsqu'elle est réitérée le 7 janvier 2025. On se met soudainement à rationaliser. Le réchauffement climatique et la fonte des glaciers restent synonymes pour M. Trump d'occasions d'affaires, un Eldorado même : les terres rares et autres éléments stratégiques pour l'industrie de pointe deviendront accessibles dans cette région nordique à la faveur du processus de dégel. Le phénomène climatique facilite aussi le transport maritime, à un carrefour que Washington entend régir.

Ici, rationaliser, c'est prendre la mesure de la déraison de la nouvelle administration américaine. « Beaucoup fantasment sur les ressources de l'île en minerais, en hydrocarbures ou en potentiel hydroélectrique. Ils minorent généralement la rudesse des conditions d'exploitation et les lourds investissements requis », a déjà écrit le journaliste Philippe Descamps dans Le Monde Diplomatique au terme d'un voyage sur l'île.

Il en va de même pour l'expression, répétée à l'envi en janvier 2025 par Donald Trump alors président désigné, voulant que le Canada soit le 51e État de la confédération américaine. Longtemps une métaphore pour dénoncer à gauche l'intégration du Canada aux dynamiques industrielles et commerciales états-uniennes, la voilà devenir subitement une lubie, voire un programme. Tout comme la dystopie voulant que l'armée des États-Unis prenne le contrôle de l'eau douce du Canada dans des années de sécheresse devient un plan. À l'image de l'immeuble de l'ambassade des États-Unis dans la capitale fédérale d'Ottawa, presque aussi grand que le parlement lui-même, voilà que cette représentation mentale prend un tour concret.

Le président Trump n'entend rien à l'humour. Mais c'est parce que d'ordinaire on n'entend rien à ceux qui n'entendent rien à l'humour que ces derniers parviennent, sous couvert d'humour, à avancer des revendications aux apparences invraisemblables. Ils profitent ainsi du temps gagné.

Ils le font d'autant mieux que, parfois, leurs sujets de prédilection se révèlent pathétiques. Que faire, sinon les parodier, lorsque Donald Trump, par exemple, suggère en 2017 que son visage figure à son tour sur la falaise du mont Rushmore ? Mais lorsque d'autres enjeux revêtent un caractère beaucoup plus grave, on le comprend trop tard. Dans un contexte mondial où le Président Trump voit d'un bon œil l'invasion de l'Ukraine par la Russie et trouve normal que l'État israélien se déchaîne cruellement en territoire palestinien, au Liban ou dans la Syrie dévastée, réduire ces déclarations à un simple jeu de bluff donne seulement l'illusion de reprendre la main. Force est de se rendre à l'évidence : avec Donald Trump, une meute de personnages intransigeants arrive en force à Washington et ne conçoit rien qui puisse résister à sa volonté.

Sans se perdre dans des débats sémantiques à savoir si le trumpisme est véritablement ou non un fascisme, bien des analogies s'imposent à l'esprit avec les précédents de l'Histoire lorsqu'on observe à Washington le déni des règles établies, l'arrogance de l'équipe ministérielle érigée en méthode, l'ignorance crasse de l'Histoire et le mépris de la culture retournés en valeur…

On écarquille les yeux en constatant par quelle rhétorique ordurière le futur secrétaire d'État, Elon Musk, répond au Premier ministre du Canada, lorsque celui-ci rappelle le statut politique souverain du Canada : « Ma nana, t'es plus le gouverneur du Canada. Ce que tu dis n'a aucune importance ».

Les analogies se vérifient aussi dans la façon qu'a l'environnement proche ou distant de plaire aux puissants. Il fallait voir en janvier 2025 les représentants des différents paliers de gouvernement du Canada s'empresser de se mettre en bouche des éléments de langage sur l'immigration, le commerce ou la souveraineté en Arctique, qu'on ne les avait jamais entendus partager, et ce, dans une tentative vaine de tempérer les ardeurs du président patibulaire.

C'est dans cet effet de cascades qu'on voit des acteurs sociaux influents de toute catégorie accepter l'augure du tyran huppé d'Amérique. On ne parle pas seulement des cadres et élus sceptiques du Parti républicain qui le suivent à tombeau ouvert dans ses dévalaisons, toute honte bue, après s'être opposés à lui, au premier chef le catholique James David Vance, maintenant vice-président, mais d'autres figures publiques, le dernier en lice étant le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg. Se découvrant soudainement viriliste, ce dernier a viré sa veste sans subtilité aucune en attribuant explicitement aux « récentes élections » sa décision de surseoir à toute velléité d'édition des contenus qui circulent sur les réseaux de son empire Meta.

Nous nous retrouvons dans l'ère des « rhinocéros », du nom de la pièce de théâtre qu'Eugène Ionesco avait écrite pour témoigner des basculements successifs de ses camarades antifascistes dans la rhétorique complotiste, suprémaciste et guerrière des nazis. Rare production historiquement significative de l'auteur d'un théâtre absurde, il s'en prenait aux « demi-intellectuels » des années 1920 et 1930, seulement capables de « succomber à des slogans supérieurs ».

La pièce Rhinocéros porte clairement sur la « nazification progressive » de cette engeance, déjà observée par l'auteur en Roumanie : « Nous étions un tas de gens qui étions contre le nazisme. Et puis, petit à petit, nous étions de moins en moins nombreux. Un moment donné, un de nos amis disait : “Certainement, les fascistes n'ont pas raison. Cependant, sur ce point…”, alors on savait tout de suite que, dès qu'ils disaient cela, ils étaient dans la machine, dans l'engrenage, et que c'était fini ». On ne les voyait plus aux réunions.

Ce dont la fin du libre-échange marque le début

La franchise avec laquelle cette volonté se déclare déroute ceux qui se sont formés dans les années obliques, rhétoriques et insidieuses de l'économie de marché néolibérale. La domination s'y exerçait selon des méthodes indirectes. Les politiques dites de développement suivant la Seconde Guerre mondiale, les plans d'ajustement structurels du Fonds monétaire international de la fin du XXe siècle ou la théorie de la « bonne gouvernance » les relevant ces dernières décennies, ont permis à une oligarchie principalement occidentale d'asseoir son hégémonie par le biais de mécanismes aux apparences autonomes. Le régime concurrentiel mondialisé qu'il s'est agi de promouvoir consistait à faire participer les différents acteurs sociaux à un jeu dans lequel les puissants maîtrisaient les règles.

Contrairement à un commerce malien, une coopérative malaisienne ou une société d'État brésilienne, une entreprise multinationale soutenue fiscalement, politiquement, voire militairement, par des États puissants, disposait de leviers infinis afin de s'adapter à toute conjoncture. Par le lobbyisme, sa force de négociation, ses capitaux financiers et aussi son pouvoir de corruption, elle pouvait obtenir d'une majorité d'États des droits de douane, des politiques fiscales, un aménagement du territoire, des subventions publiques et un encadrement sécuritaire valant pour règles communes, au détriment d'acteurs sociaux incapables de faire le poids.

Le syntagme de « libre-échange » a accompagné cette histoire moderne. Il a désigné plusieurs régimes différents de l'organisation commerciale mondiale, dont tous avaient pour finalité de consacrer un rapport de domination à travers des structures d'échange qui les normalisaient et les naturalisaient.

C'est aussi au nom de ce libre-échange qu'à la Conférence de Berlin de 1884-85, le souverain belge Léopold II convainc ses partenaires européens de lui accorder l'immense territoire congolais. Le Roi belge exercera d'abord à titre privé, plutôt qu'au nom de son État, une souveraineté politique sur le territoire. Il convaincra Allemands, Britanniques et Français de la lui reconnaître à la condition de créer un vaste espace de « libre-échange ». Il s'agissait de garantir un accès aux puissances industrielles dans cette très grande part du « gâteau africain ».

L'historien Henri Wessiling rappelle que le roi Léopold II avait pour livre de chevet l'ouvrage du bien nommé J. M. B. Money, Java. Or, How to Manage a Colony (1). C'est le grimoire utopiste de la colonisation à l'anglaise : des sociétés privées qui exploitent les richesses, un personnel administratif européen respecté, des colonisés admiratifs de l'autorité des Blancs, des chefs de clans incorporés ou neutralisés. On sait aujourd'hui qu'il n'en fut rien, et que le Congo belge fut sa souveraineté privée exerçant une cruelle domination sur des peuples asservis, notamment en ce qui concerne la filière du caoutchouc.

C'est aussi l'approche libre-échangiste que les États-Unis d'Amérique chercheront à faire triompher au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, au titre du « développement ». Les États européens seront amenés à abandonner leur tutelle politique et institutionnelle sur nombre de contrées du Sud et de l'Est, au profit d'une ouverture de ces régions aux entités privées convoitant leurs richesses naturelles (2). Cela aboutira à la fin du siècle à la mondialisation libérale, sous les auspices de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) favorisant l'abattement des tarifs douaniers dans le monde et la libre circulation des marchandises et des services.

Un regard superficiel sur le retour en force de l'État, que Donald Trump promeut, peut tromper ceux qui auraient été prompts à se dire de gauche il y a un demi-siècle. M. Trump parvient à les séduire en replaçant l'autorité publique au centre du jeu, prétend à la réindustrialisation et compte mettre fin à d'astreignantes guerres d'occupation en territoires lointains. Mais ce serait oublier que Washington ne compte faire respecter les frontières que lorsqu'il s'agit des siennes, et franchir allègrement toutes celles qui le séparent de richesses convoitées par le milieu des affaires dont il continue de faire partie, avec son gouvernement comprenant notamment 13 milliardaires.

Cette contestation du libre-échange mondial marque une régression. L'empire qui se veut « à nouveau grand » suppose, à l'ancienne, l'asservissement tutélaire d'espaces géopolitiques étrangers sur un monde conquérant et colonial. Se dire de nouveau « grand » ne s'est jamais résumé à la simple intendance des affaires intérieures. Les États-Unis d'Amérique ont longtemps eu leur chasse gardée en Amérique centrale et en Amérique du Sud, tout comme l'Europe ponctionnait les richesses de l'Afrique. Ils ont poursuivi sur un plan financier et industriel l'exploitation coloniale de ce vaste garde-manger agricole et réservoir de richesses énergétiques que le Canada constitue.

On est loin de la lutte populaire engagée contre le libre-échange qu'a provoquée le mouvement altermondialiste dans les années 1990, et qui a culminé à Seattle en novembre 1999 dans une neutralisation du sommet de l'OMC. À l'époque, l'autre mondialisation préconisée par la mouvance internationale visait à garantir des échanges justes entre les populations, sur la base du respect de normes sociales et écologiques. Le protectionnisme dont fait preuve désormais le pouvoir états-unien n'est le fait d'un repli que dans un premier temps.

Un Canada vulnérable

Les États-Unis n'ont pas attendu Donald Trump pour commettre de l'ingérence au Canada. On peut dire de celle-ci qu'elle est totalement intériorisée dans les affaires des deux États. Le dernier exemple en date concerne l'Outaouais rural, dans l'ouest du Québec. La multinationale Lomiko Metals entend saccager les terres aux abords du Lac-Simon pour y exploiter un minerai stratégique dans l'industrie de pointe, le graphite. Elle le fait, soutenue par les autorités fédérales canadiennes ainsi que par… le ministère de la Défense des États-Unis d'Amérique. Comme souvent, les Démocrates et le pouvoir politique canadien procèdent en douce pour effectuer ce que l'autoritarisme trumpiste se propose de mener frontalement.

À l'appui de sa déclaration de guerre commerciale, le redresseur de torts autoproclamé réitère qu'il imposera des tarifs douaniers de l'ordre de 25 % sur les produits d'importation canadiens, las de voir les États-Unis « subventionner » l'économie canadienne. Dans la novlangue trumpiste, une « subvention » américaine faite à un État est un coût qu'on doit payer lorsqu'on achète une marchandise plutôt que de se l'approprier par la force.

Le Canada est vulnérable à ce changement de paradigme étant donné que son fonctionnement industriel et financier dépend majoritairement de ces rapports commerciaux avec son voisin du sud. Selon l'agence de statistique du Canada, les biens et services qui font l'objet de relations commerciales de part et d'autre de la frontière séparant les deux pays représentaient quotidiennement 3,6 milliards de dollars canadiens en 2023. Près de 80 % des exportations canadiennes sont destinées aux États-Unis. Le pétrole sale des sables bitumineux en Alberta est raffiné au sud et Hydro-Québec fournit à la ville de New York l'électricité dont elle a besoin. Inversement, au Canada, près de la moitié des investissements directs de l'extérieur proviennent des États-Unis. Selon l'American Petroleum Institute, jusqu'à 90 % du pétrole raffiné dans l'est du Canada transite ou est produit par les États-Unis bon an mal an, tandis que « plus de 50 % du pétrole brut importé aux États-Unis provient du Canada, comparativement à 33 % en 2013 ».

Mais le Canada est d'autant plus fragile qu'il constitue lui-même dans son essence un avatar de l'idéologie libre-échangiste que l'administration Trump conteste. Il s'agit de la meilleure incarnation de l'utopie de J. W. Money. Le Canada moderne s'est déployé comme une colonie libérale moderne lorsqu'il a mis fin à l'apanage de la Compagnie de la Baie d'Hudson et autres sociétés à charte britanniques suivant la conquête anglaise de la Nouvelle-France. Ses bourses ultra-spéculatives et son gouvernement à la solde des investisseurs et banquiers en ont fait une colonie (officiellement un « Dominion ») essentiellement dédiée au soutien des multinationales et banques tournées vers l'exploitation de ses fourrures, céréales, minerais et énergies fossiles. Il n'a rien d'autre sur quoi s'appuyer pour exister.

Enfin, le Canada est un pays informe. Deux tiers de la population vit à moins de 100 kilomètres de la frontière américaine ; les Canadiens constituent une bande démographique le long d'un axe continental. D'un point de vue culturel, l'anglophonie canadienne, largement majoritaire, est depuis longtemps absolument absorbée par la production culturelle et médiatique américaine. C'est à la marge seulement que les « Canadians » fréquentent les artistes et intellectuels de leur pays. Le tsunami de propositions venant du sud s'exprimant dans leur langue, rien n'y résiste. Cela le prive de toute unité. Son histoire constitue un tout guère plus grand que la somme de ses annales. Ce n'est pas tant la carte du pays qui confère une unité à son territoire que le territoire qui injecte du sens dans la carte. La contrée se résume à une distribution de travailleurs dédiés à l'exploitation de sites étrangers sis le long de la frontière états-unienne.

Le Canada n'a jamais eu à cultiver d'attitude pugnace. Rarement distant de son voisin du sud sur un plan idéologique – un peu quant à Cuba à l'époque du père Trudeau, Pierre-Elliott, ou encore sur le conflit en Irak en 2003 –, le Canada s'est contenté depuis sa refondation de 1867 de marcher dans les plates-bandes de la plus grande puissance mondiale avec qui il partage un vaste espace continental, et d'en calquer les politiques. Son modèle social lui a longtemps permis de se distinguer des États-Unis, comme n'a pas manqué de le souligner à maintes reprises le sénateur « socialiste » Bernie Sanders ou encore le réalisateur progressiste Michael Moore (3).

Mais celui-ci périclite du fait de la pression que lui fait justement subir l'impératif de concurrence avec le modèle états-unien, notamment en raison de l'Accord de libre-échange nord-américain, au point où le modèle social canadien, quoique toujours meilleur, tend à ressembler aujourd'hui à celui en vigueur dans les États progressistes des États-Unis. Il est aussi sous-financé du fait des politiques fiscales canadiennes, qui ont favorisé l'intégration du pays aux paradis fiscaux de la Caraïbe britannique, qu'il a lui-même concouru à créer dans les années 1960 et 1970.

Non seulement cet ensemble de facteurs place le Canada en situation de vulnérabilité devant le voisin du Sud, mais il le laisse complètement pantois. Que faire ? Bomber le torse et rappeler l'ambassadrice, tout en boudant la cérémonie d'assermentation du nouveau Président ? C'est risible. S'essayer à un improbable sursaut national en réunissant dans une cellule de crise les Premiers ministres fédéral et provinciaux ainsi que leurs chefs de l'opposition respectifs ? La joute partisane et l'antagonisme parlementaire le rendent difficilement probable. Répliquer sur l'énergie puisque l'intendance énergétique est inextricable entre les deux pays ? Et ni l'Alberta en ce qui concerne le pétrole ni le Québec en ce qui regarde l'électricité n'ont intérêt à ce que des tarifs gênent leurs exportations. Alors, fédérer le peuple autour des droits culturels, en tous les cas en ce qui concerne les francophones ? La propagande fédérale a tout fait pour étouffer cet enjeu au fil des décennies.

Que se passera-t-il ?

Dans la conjoncture actuelle, depuis Israël, l'Europe de l'Est ou maintenant les États-Unis, seuls les stricts rapports de force semblent prévaloir. Aucun allié dans le monde n'est à même de soutenir le Canada de quelque façon dans quelque volonté de résistance.

Les pires scénarii continuent de dépasser l'entendement, comme une invasion pure et simple du Canada par les États-Unis dans le cadre d'une opération où l'armée américaine dirigerait ses blindés vers Ottawa et où l'aviation bombarderait la base militaire de Kingston. Mais on mesure déjà les effets tangibles d'un tel revirement du discours états-unien. Il devient soudainement probable que des représentants politiques, officines et médias fassent cas positivement de l'option du rattachement du Canada à la fédération américaine dans le débat public.

Le débat tournera autour de cette option. On fera l'inventaire des avantages d'une intégration, de sorte que ce faux débat devienne un enjeu central de la vie publique. On cherchera à traduit Anschluß en anglais (du français, il ne sera déjà plus question). Le représentant du Parti conservateur, Pierre Poilievre, proche de la mouvance trumpiste et pressenti pour devenir le prochain Premier ministre canadien, ne serait pas le plus à même de lui résister.

Moins une conquête, il se profilera un scénario plus attendu d'annexion, qui ne serait pas, lui non plus, sans rappeler quelques analogies. Avec son lot de résistants qui chercheront à être déterminants dans l'Histoire, au point peut-être de générer une autre forme politique au Canada, qui rompe positivement avec son fondement colonial.

Notes

(1) Henri Wesseling, Le Partage de l'Afrique. 1880-1914, Paris, Denoël, 1996, rééd. Gallimard, coll. Folio Histoire (1991), à propos de James William Bayley Money, Java : or, How to Manage a Colony, vol. 1, Londres, Hurst and Blackett, 1861.

(2) Gilbert Rist, Le Développement. Histoire d'une croyance occidentale, quatrième édition, Paris, Les Presses de Science Po, 2023.

(3) Michael Moore, Sicko, essai cinématographique, États-Unis d'Amérique, 2007.

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Le rapport Hogue contredit la majorité de nos journalistes

4 février, par Pierre Jasmin — , ,
En ce 28 janvier 2025, les Artistes pour la Paix remercient l'Honorable Marie-Josée Hogue d'avoir démenti les rumeurs affolées des réseaux sociaux, des médias et… de Pierre (…)

En ce 28 janvier 2025, les Artistes pour la Paix remercient l'Honorable Marie-Josée Hogue d'avoir démenti les rumeurs affolées des réseaux sociaux, des médias et… de Pierre Poilievre.

Tiré de Artistes pour la paix

28 janvier 2025
Par Pierre Jasmin, secrétaire général des Artistes pour la Paix

Le Rapport sur l'ingérence étrangère de la Commissaire Marie-Josée Hogue a déclaré nos élections au caractère démocratique à l'abri de l'ingérence étrangère russe et chinoise. Ce rapport va aussi loin que la position politique de la commissaire lui permet d'aller et nous la remercions, par conséquent, d'avoir en quelque sorte endossé nos propres conclusions allant à l'encontre de celles de nos journalistes, ceux qu'on n'hésite pas à qualifier d'« embedded » soumis à l'influence des réseaux sociaux dont la Commissaire exprime le danger immensément plus grand pour notre indépendance politique.
(...)
N'ayant jamais été appelés à témoigner, les Artistes pour la Paix envoient notre conclusion à M. Michael Tansey, Sr. Communications Advisor – Public Inquiry into Foreign Interference in Federal Electoral Processes and Democratic Institutions (traduction en français ???)
www.ForeignInterferenceCommission.ca Follow us on X (formerly Twitter).

PS Combien de temps encore avant que le gouvernement canadien réalise que X d'Elon Musk nourrit le problème aigu de l'ingérence étrangère qui met en péril nos mœurs démocratiques ? Il est urgent qu'il trouve un autre mode de communication.

(...) Pendant des mois, toute la classe politique et médiatique regardait dans la mauvaise direction. Son attention était focalisée sur les soupçons à l'endroit d'élus qui auraient « sciemment » collaboré avec des États hostiles. Or, pendant ce temps, une menace bien plus « existentielle » à notre démocratie prenait de l'ampleur : celle de la désinformation. Et paradoxalement, elle ne faisait pas, à proprement parler, partie du cœur du mandat de la commission Hogue. Et même si la désinformation ne faisait pas partie des cinq volets formels du mandat de la commissaire, Marie-Josée Hogue a pris soin de faire un détour pour tirer la sonnette d'alarme.

« À mon avis, il n'est pas exagéré de dire qu'à l'heure actuelle, la manipulation de l'information (qu'elle soit d'origine étrangère ou non), représente le plus grand risque pour notre démocratie. Il s'agit d'une menace existentielle. » Citation extraite du rapport final de Marie-Josée Hogue, commissaire à l'Enquête sur l'ingérence étrangère.
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2136012/ingerence-etrangere-commission-hogue-rapport
(...)

Dans un nouveau rapport, un groupe de réflexion issu du ministère fédéral de l'Emploi et du Développement social a déterminé quelles sont les « perturbations » les plus plausibles auxquelles le Canada, voire le monde entier, fait face. Intitulé Perturbations à l'horizon - Rapport 2024, le document, signé Horizons de politiques Canada, a recensé 35 perturbations mondiales, qu'ils ont partagées avec quelque 500 parties prenantes, collègues et expert.e.s en prospective au sein du gouvernement du Canada et au-delà.
En récoltant leurs commentaires – principalement sur la probabilité, l'impact et l'horizon temporel de ces perturbations –, le groupe de réflexion a pu circonscrire les menaces les plus criantes.
(...)
Le rapport Hogue contredit la majorité de nos journalistes, 28.01.2025,
Artistes pour la paix

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Quand l’argent pèse plus lourd que la santé : au tour du fédéral d’abandonner la population de Rouyn-Noranda

4 février, par Mères au front de Rouyn-Noranda — , , ,
Rouyn-Noranda (Québec), le 31 janvier 2025 - Les Mères au front de Rouyn-Noranda et de tout le Québec dénoncent la soumission du ministre de l'Environnement et du gouvernement (…)

Rouyn-Noranda (Québec), le 31 janvier 2025 - Les Mères au front de Rouyn-Noranda et de tout le Québec dénoncent la soumission du ministre de l'Environnement et du gouvernement fédéral qui ont rompu leur engagement envers l'ONU. Elles déplorent que le lobbyisme exercé dans les coulisses ait eu préséance sur la santé de la population.

L'article publié par Radio-Canada révèle que le ministre Steven Guilbeault a cédé aux pressions de la fonderie Horne malgré avoir reconnu les risques plus élevés que le niveau acceptable pour la santé. Conséquemment, le gouvernement a choisi de ne pas signer les amendements de la Convention de Bâle qui auraient renforcé le contrôle et la traçabilité des déchets dangereux, et protégé la santé humaine.

« La responsabilité du ministre de l'Environnement est de protéger l'environnement, pas les profits d'une entreprise multimilliardaire coupable de corruption, de violation de droits de l'environnement et de droits humains partout sur la planète ! » dénonce Laure Waridel, écosociologue et co-instigatrice de Mères au front.

Rappelons que les déchets électroniques traités à la fonderie Horne contribuent à l'émission de contaminants atmosphériques qu'on retrouve à Rouyn-Noranda à des concentrations qui outrepassent les normes québécoises. « Tous les gouvernements nous ont abandonnées ! N'y a-t-il aucune limite à l'indécence quand il s'agit de l'industrie minière au Canada ? " s'indigne Jennifer Ricard Turcotte, Mères au front de Rouyn-Noranda.

Le livre Zones sacrifiées, en librairie le 4 février, est né de cette lutte qui dure depuis près de 3 ans et dans laquelle de nombreuses personnes préoccupées font tout en leur pouvoir pour que la qualité de l'air à Rouyn-Noranda s'améliore. Zones sacrifiées porte les voix multiples de ces citoyen·nes qui vivent l'innommable.

Plusieurs événements se tiendront prochainement à Gatineau, Montréal, Sherbrooke, Rouyn-Noranda, dont une performance devant l'Assemblée nationale le 20 février (présent·e·s : Anaïs Barbeau-Lavalette, Véronique Côté, Steve Gagnon, Jennifer Ricard Turcotte et Isabelle Fortin-Rondeau).

Source et à propos de Mères au front | meresaufront.org

Avec plus de 30 groupes locaux principalement à travers le Québec, Mères au front est un mouvement décentralisé qui regroupe des milliers de mères, grand-mères et allié·e·s de tous les horizons qui s'unissent pour protéger l'environnement dont dépend la santé, le bien-être et le futur de nos enfants.

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Le mirage de TES Canada : une illusion coûteuse pour la Mauricie

4 février, par Dany Janvier — , ,
En cet hiver, où le froid saisit autant qu'il émerveille, une menace plane toujours sur nos régions rurales : le projet TES Canada. Sous des airs de modernité et de transition (…)

En cet hiver, où le froid saisit autant qu'il émerveille, une menace plane toujours sur nos régions rurales : le projet TES Canada. Sous des airs de modernité et de transition énergétique, cette initiative s'apprête à transformer nos paysages en zones industrielles, bouleversant la qualité de vie, l'économie locale et l'équilibre environnemental.

Il est fascinant de constater avec quelle ferveur Michel Angers, maire de Shawinigan, compare le projet TES Canada aux grandes réalisations qui ont façonné le Québec moderne. Mais que reste-t-il de ces beaux discours lorsqu'on gratte la surface ? Un projet ancré dans des promesses illusoires, qui menace de transformer la Mauricie en une zone industrielle défigurée, sous prétexte de transition énergétique.

D'abord, rappelons que le projet TES Canada ne se limite pas à l'érection de quelque 140 méga éoliennes industrielles. Il s'agit d'une vaste entreprise de production d'hydrogène vert et de gaz naturel synthétique. Une industrie lourde qui s'implanterait en plein cœur de nos territoires et dans le parc industriel Alice-Asselin, à Shawinigan, avec un impact environnemental et social dont les promoteurs taisent l'ampleur réelle.

Les chiffres : un écran de fumée

Éric Gauthier et Jean-Benoît Courchesne, figures de proue de TES Canada, brandissent des chiffres mirobolants : 5,6 milliards de retombées économiques sur 23 ans, des milliers d'emplois, et des millions en redevances annuelles. Mais d'où viennent ces données ? Elles émanent directement des promoteurs eux-mêmes, sans audit indépendant. La firme Mallette, qui a produit l'analyse économique, l'a admis : si les données changent, les conclusions changent aussi. En d'autres termes, on demande à la population d'avaler ces chiffres sans poser de questions.

Et pendant ce temps, le maire Angers qualifie l'opposition de « minorité bruyante », balayant du revers de la main les préoccupations des citoyens et des municipalités voisines. Où est le débat démocratique lorsque les interventions citoyennes lors des conseils sont réduites à 30 minutes ?

Un coût social et environnemental inacceptable

Le véritable prix de TES Canada ne se mesure pas seulement en milliards de dollars, mais en hectares de terres agricoles sacrifiées, en écosystèmes détruits et en communautés déstabilisées. Avec 140 éoliennes géantes, des lignes de transport d'énergie, un parc solaire et une usine industrielle, la Mauricie sera méconnaissable.

Ce projet illustre parfaitement le « greenwashing » : un vernis écologique appliqué sur une entreprise qui repose en réalité sur des technologies énergivores et polluantes. Produire de l'hydrogène vert et du gaz synthétique à une échelle industrielle exige une quantité astronomique d'énergie et d'eau. Où est la durabilité dans cette équation ?

Les dangers pour nos terres et nos citoyens

En plus des impacts écologiques, TES Canada représente un risque concret pour les propriétaires et usagers des territoires avoisinants. Les projections de glace des éoliennes en hiver constituent un danger majeur pour les sentiers, les chemins de terre et les zones de circulation agricole. Ces blocs de glace projetés à grande vitesse menacent la sécurité des travailleurs, des résidents et des visiteurs des centres récréotouristiques et agrotouristiques.

De plus, la réciprocité joue en défaveur des citoyens : les propriétaires de terrains voisins aux installations éoliennes voient leur droit de jouissance de leur propriété considérablement réduit en plus du bruit, de l'ombre portée et de la nuisance visuelle. Bien qu'ils reçoivent une compensation monétaire, celle-ci est minime et sans commune mesure avec la perte d'usage réelle de leur bien ni avec l'occupation du territoire qui leur est imposée. Ils subissent ainsi les méfaits de ces infrastructures sans en retirer aucun bénéfice réel. TES Canada impose un sacrifice à plusieurs familles et exploitants, sans leur offrir de véritable contrepartie et sans qu'ils aient leur mot à dire.

Michel Angers : visionnaire ou opportuniste ?

Le maire Angers voit dans TES Canada une chance de redorer le blason d'un parc industriel qui peine à attirer des projets depuis sa création. Mais à quel prix ? Faire de la Mauricie un laboratoire d'expérimentation pour des multinationales avides de profits n'a rien d'une « pertinence sociale ».

En réalité, TES Canada n'est qu'un mirage. Derrière ses promesses attrayantes se cache une vérité bien plus sombre : l'exploitation de nos ressources naturelles au profit de quelques-uns, au détriment de notre qualité de vie, de notre territoire, de nos agriculteurs et des générations futures.

Michel Angers oublie que les grands projets qu'il évoque sont nés de la nationalisation de l'électricité, un pilier fondamental du Québec moderne. Or, TES Canada menace de plein front cet héritage en mettant nos ressources énergétiques entre les mains d'intérêts privés. René Lévesque et Adélard Godbout doivent se retourner dans leur tombe, car ce projet représente une attaque directe contre notre trésor public.

Une alternative est possible

Nous devons refuser cette vision réductrice de l'avenir de la Mauricie. Plutôt que de vendre nos terres aux multinationales, investissons dans des projets qui respectent nos écosystèmes, soutiennent nos communautés locales et favorisent une véritable transition énergétique.

Le débat sur TES Canada ne doit pas se limiter aux chiffres, mais inclure une réflexion sur ce que nous voulons pour notre région et notre planète. La Mauricie mérite mieux qu'un avenir fait de béton et de pales d'éoliennes. Elle mérite un avenir ancré dans le respect, la résilience et la durabilité.

Dany Janvier, citoyen de St-Adelphe
Contre la privatisation du vent et du soleil dans Mékinac Des Chenaux(CPVSMDC),
Toujours Maîtres Chez Nous(TMCN), RVÉQ

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Une grosse épine au pied pour Rio Tinto

4 février, par Germain Dallaire — , ,
En 1928, 2 ans après la fermeture des vannes du barrage d'îles Malignes à l'embouchure du Lac St-Jean qui avait élevé le niveau moyen d'une dizaine de pieds, la région connaît (…)

En 1928, 2 ans après la fermeture des vannes du barrage d'îles Malignes à l'embouchure du Lac St-Jean qui avait élevé le niveau moyen d'une dizaine de pieds, la région connaît un printemps tardif suivi soudainement de chaleurs. Résultat, le Lac monte à un niveau jamais vu de mémoire d'humain.

À la demande de secours du maire de St-Méthode dont le village est entièrement inondé, le représentant d'Alcan répond : « Si voulez des secours, payez-vous en ! ». Pour Alcan, cette catastrophe est un « act of god". Bien sûr, il s'agissait d'un phénomène naturel mais est-ce que ce coup d'eau aurait eu le même effet sur un lac dix pieds plus bas ?

Poser la question, c'est y répondre.Quatre-vingt neuf ans plus tard au printemps 2017, la petite rivière Péribonka connaît une crue exceptionnelle. Depuis plusieurs années, les propriétaires de la Pointe Langevin a son embouchure constatent une érosion accélérée. Deux maisons ont été détruites, c'est bientôt le tour d'une autre et le reste (une vingtaine) voient une après l'autre leur valeur diminuée à 2 000$. Comme en 1928, Rio Tinto utilise le prétexte de « l'act of god" pour se déresponsabiliser de ce qui se passe.

Indépendamment de la crue exceptionnelle, comment ne pas voir que les problèmes à la Pointe Langevin sont directement liés au niveau élevé du lac (environ 10 pieds plus haut qu'avant 1926) ainsi qu'à la gestion du débit de la rivière Péribonka, particulièrement en hiver où il est environ le double d'avant la construction des barrages dans les années 60

Les problèmes autour de la Pointe sont en train de prendre des allures de gouffre sans fond, au sens propre comme au figuré. Au bout de la Pointe, la petite rivière Péribonka et la grande se rencontrent presque de plein fouet ce qui est en train de créer un gouffre au large qui, à terme va gruger l'ensemble de la Pointe. Le problème est même en train de s'étendre au village de Péribonka dont le quai a commencé à s'affaisser ainsi qu'une rue. Devant l'ampleur du problème, Rio Tinto a pris les jambes à son cou. Les autorités politiques quant à elles, regardent leurs souliers lorsque les propriétaires de la Pointe s'adressent à elles. Désespérés, ils en sont même venus à débourser 20 000$ de leurs poches pour financer une étude qui a confirmé leurs pires appréhensions.

L'ensemble du problème est éminemment politique. On a affaire à une multinationale qui jouit de la complicité active des autorités politiques et une population un peu trop habituée à se faire dire n'importe quoi.

Le monde a changé depuis 1926

Si Rio Tinto recycle les mêmes excuses imbuvables d'Alcan il y a cent ans, la conjoncture globale, elle, s'est considérablement transformée :

1- De générateur de richesse, la « puissance régnante » (entendre Alcan puis Rio Tinto) est passée au statut d'accro à l'aide publique. Les chiffres sont implacables : 12 000 emplois dans les années 60 et 2 700 aujourd'hui. Si on cumule l'avantage comparatif lié à la possession de leurs barrages, les exemptions d'impôt et le fait qu'ils sont exemptés d'amendes pour les GES, on arrive à une subvention publique de 1,2 milliard$ par année. Abusant de son pouvoir, Rio Tinto s'est même permis au cours des dernières décennies des congés de cotisation à la caisse de retraite de ses employé(e)s qui ont conduit à un manque à gagner de 2 milliards$ pour cette caisse. Aujourd'hui, les retraité(e)s syndiqué(e)s (plus de deux fois plus nombreux que les actifs) évaluent à plus de 30% leur perte de pouvoir d'achat. Plus pingre que jamais, Rio Tinto refuse de leur garantir le maintien de leur pouvoir d'achat… Accro à l'argent facile vous dites ? Rio Tinto a réalisé des profits de 11,8 milliards$ en 2023.

2- En 1926, lorsque le barrage d'îles Malignes a été inauguré, il y avait une certaine logique à utiliser le lac comme réservoir compte tenu du fait que l'électricité produite visait à alimenter des cuves d'électrolyse d'aluminium fonctionnant 24 heures sur 24 et ne souffrant aucun arrêt d'alimentation électrique. Aujourd'hui, avec 2 autres barrages sur le Saguenay et trois sur la rivière Péribonka, il n'y plus aucune raison de garder le lac à un tel niveau. Surtout que, contrairement à 1926, il ne manque pas d'alimentation électrique au Québec pouvant suppléer à un manque temporaire de production, ce qui n'était pas le cas en 1926. Et puis, comme rien ne se perd et rien ne se crée, un lac dix pieds plus bas fournira la même quantité d'eau au Saguenay.

3- C'est peu dire que le monde d'aujourd'hui est radicalement différent de celui d'autrefois. Au début du siècle passé, nous étions au début du développement industriel au Québec. Les gens voyaient la nature comme une ressource à exploiter sans limite. Au cours des dernières décennies, nous avons tou(te)s collectivement pris conscience que tout cela n'était qu'illusion et que nous devons radicalement changer notre façon de voir la nature. Plutôt que d'être une ressource qu'on exploite à l'infini, elle doit au contraire devenir une alliée qu'on respecte et conserve jalousement. Dans une telle optique, quel est le sens de maintenir un lac, de surcroît densément habité sur l'ensemble de ses rives, environ dix pieds plus haut que son niveau naturel alors que ses rives d'origine sont le résultat stable d'environ 10 000 ans d'histoire ? Là aussi, poser la question, c'est y répondre !
L'érosion accélérée de la Pointe Langevin est peut-être en train de devenir le Waterloo de Rio Tinto. Sa position est intenable parce que tout le monde sait que cette érosion est principalement liée au niveau élevé du lac et au débit élevé de la rivière Péribonka en hiver.

La base du problème est là. En se déresponsabilisant, Rio Tinto dit à la population de s'arranger avec le problème. Dans un certain sens, Rio Tinto a raison dans la mesure où la population était là avant Alcan et sera là après Rio Tinto. La souveraineté appartient au peuple ! À la population du Saguenay Lac Saint-Jean d'en tirer la conclusion en se prenant en main et en exerçant sa souveraineté.

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Opposition autochtone et écologiste contre un projet de gazoduc en Colombie-Britannique

4 février, par Bifan Sun — , , ,
Le pipeline PRGT, autorisé il y a dix ans mais toujours pas construit, fait aujourd'hui face à des poursuites intentées par plusieurs communautés autochtones. Plusieurs (…)

Le pipeline PRGT, autorisé il y a dix ans mais toujours pas construit, fait aujourd'hui face à des poursuites intentées par plusieurs communautés autochtones.

Plusieurs Premières Nations en Colombie-Britannique contestent le projet de gazoduc PRGT, estimant que le certificat d'évaluation environnementale et les accords qui datent de dix ans ne reflètent plus les engagements du gouvernement en matière de climat et de droits autochtones. Elles ont intenté des recours judiciaires contre le projet, ainsi que contre la Régie de l'énergie de la Colombie-Britannique, accusée d'avoir contourné ses propres exigences légales en autorisant le début des travaux.

23 janvier 2025 | tiré du site de Pivot | Illlustration : Arrière plan : Carte du tracé original du pipeline PRGT. Image : BCER et TC Energy. Montage : Pivot.
https://pivot.quebec/2025/01/23/opposition-autochtone-et-ecologiste-contre-un-projet-de-gazoduc-en-colombie-britannique/?vgo_ee=aIn3g6EcMQtgDxKewmhbPaLFZTco4tbjGl7Mpb1%2FY%2F4x%3AgwaRLNF7hWnA%2BbE60k9CgkF7vF8VUAtf

Depuis des mois, des membres de plusieurs Premières Nations dans le nord de la Colombie-Britannique, notamment les Gitanyow et les Gitxsans, ainsi que des groupes écologistes protestent fermement contre le gazoduc Prince Rupert Gas Transmission (PRGT), un pipeline de gaz naturel liquéfié de 900 kilomètres censé traverser leurs territoires, entre le nord-est de la province, lieu d'extraction du gaz, et un terminal d'exportation au nord-ouest, sur la côte.

Les communautés autochtones et les groupes écologistes soutiennent que le certificat d'évaluation environnementale du pipeline, approuvé il y a maintenant dix ans et qui arrive à échéance, ne doit pas être renouvelé. Ils ont déposé une poursuite contre PRGT et la Régie de l'énergie de la province, qui a autorisé le début des travaux de construction du gazoduc, ainsi qu'une autre poursuite contre le projet de terminal maritime qui doit accompagner le pipeline.

Ils estiment notamment que la production d'énergie fossile sous-tendue par ce projet mènerait la province à dépasser ses objectifs d'émissions de gaz à effet de serre (GES) et que le terminal pose un risque pour les saumons qui migrent dans le secteur.

Les Premières Nations rappellent aussi que les obligations des gouvernements en matière de consultations des peuples autochtones se sont accrues au cours de la dernière décennie et jugent donc que les consentements obtenus autrefois ne sont plus valables.

Gazoduc caduc ?

Ce projet de pipeline a été initié par TC Energy, la même compagnie qui a construit le pipeline controversé Coastal GasLink traversant le territoire Wet'suwet'en. Au printemps 2024, le projet PRGT a été vendu au gouvernement de la Première Nation Nisga'a et à Western LNG, une compagnie basée aux États-Unis.

En 2014, le gouvernement de la Colombie-Britannique avait accordé le certificat environnemental malgré la conclusion du Bureau d'évaluation environnementale selon laquelle le projet aurait des effets négatifs significatifs sur les caribous et les émissions de GES. Le certificat a ensuite été prolongé jusqu'au 25 novembre 2024.

Selon la Loi sur l'évaluation environnementale de la province, si la construction est « substantiellement démarrée » avant la date d'expiration du certificat, celui-ci peut être renouvelé indéfiniment sans nécessiter de nouvelles évaluations environnementales. Sinon, le certificat expire à la date prévue et le projet doit passer une nouvelle évaluation environnementale avant que toute activité de construction puisse reprendre.

« C'est une énorme faille qui permet de conserver le certificat indéfiniment sans jamais avoir à le mettre à jour. »
Tara Marsden, conseil des chefs héréditaires Gitanyow

En août 2024, des travaux de défrichage de l'emprise du pipeline ont débuté.
Les Gitanyow ont manifesté leur opposition en brûlant les accords qu'ils avaient signés il y a dix ans avec TC Energy et le gouvernement provincial et en installant des blocus le long de l'itinéraire prévu pour le pipeline.

Peu avant l'expiration du certificat, PRGT a soumis une demande au gouvernement de la Colombie-Britannique afin de déterminer si un « démarrage substantiel » de la construction avait eu lieu. Une décision de la ministre de l'Environnement de la province est attendue pour mars prochain.
En entrevue avec Pivot, Tara Marsden, directrice en durabilité du conseil des chefs héréditaires Gitanyow, indique qu'au cours des dix dernières années, PRGT n'a effectué que des travaux de défrichage, sur moins de 5 % de l'emprise du pipeline, pendant seulement deux mois et juste avant l'expiration du certificat d'évaluation environnementale.

Tara Marsden souligne que la détermination de démarrage substantiel « n'est pas un processus rigoureux ». En effet, « la législation à ce sujet ne précise pas la quantité de travail spécifique devant être accomplie pour qu'un démarrage soit considéré comme substantiel », explique-t-elle. « C'est très subjectif et considéré au cas par cas. Cela signifie qu'il s'agit d'une décision politique de ceux qui sont au pouvoir. »

« C'est une énorme faille qui permet de conserver le certificat indéfiniment sans jamais avoir à le mettre à jour », critique Tara Marsden.

Nouveaux défis environnementaux

« C'est très préoccupant, car nous avons un climat complètement différent en 2024 par rapport à 2014 », poursuit Tara Marsden.

« On a vu, très proches de notre communauté, des incendies de forêt majeurs », illustre-t-elle. « On a connu des sécheresses au moins quatre des dix dernières années, qui ont affecté la migration des saumons. On observe également davantage de maladies forestières causées par le changement du climat », énumère-t-elle.

De plus, PRGT a également demandé au Bureau d'évaluation environnementale de modifier le point d'aboutissement du pipeline pour qu'il débouche au terminal de Ksi Lisims. Ce projet de terminal flottant devant permettre de liquéfier et d'exporter douze millions de tonnes de gaz naturel liquéfié par année est lui aussi porté par la Première Nation Nisga'a, Western LNG ainsi que Rockies LNG, et il est lui aussi contesté par plusieurs communautés.

En effet, les chefs héréditaires Gitanyow ont intenté, en octobre dernier, une action judiciaire contre Ksi Lisims devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, dénonçant les menaces aux populations de saumons dans la rivière Nass, vitales pour les Gitanyow, et affirmant que leur peuple n'a pas été consulté de manière adéquate.

À cause d'une méfiance envers le processus d'évaluation environnementale mené par le gouvernement, les chefs héréditaires Gitanyow ont créé leur propre processus d'évaluation.
Les chefs ont évalué le projet de terminal en incluant des références aux émissions globales de GES du pipeline PRGT. « Nous avons constaté que l'ensemble des développements associés au pipeline, au terminal, à l'extraction de gaz et à l'hydroélectricité nécessaire pour alimenter le terminal va vraiment empêcher le gouvernement provincial d'atteindre ses objectifs de réduction des GES », affirme Tara Marsden.

Accords obsolètes

Les accords sur le pipeline PRGT ont été signés, il y a dix ans, par un mélange de conseils de bande et de chefs héréditaires des Premières Nations concernées.

Or, à l'époque, avant que la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones entre en vigueur en 2021, il n'y avait pas de reconnaissance officielle de la nécessité que les Autochtones offrent leur consentement libre, préalable et éclairé.

« Ces accords obsolètes ne reflètent pas le consentement libre, préalable et éclairé », affirme Tara Marsden. « On a dû se charger d'examiner les nouvelles informations, puis se demander si ce projet répond toujours à nos intérêts en 2024. »

« La nature de ces accords est si restrictive qu'on a dû attendre qu'ils expirent avec le certificat [d'évaluation environnementale en novembre dernier] et maintenant on est davantage en mesure de contester le projet légalement et publiquement. »

Tara Marsden déplore que l'adoption de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies n'a donné qu'une « impression de changement ».

« On ne devrait pas avoir à aller en cour ni à installer des blocus sur nos territoires pour que les gouvernements nous écoutent », dit-elle au sujet des luttes contre les pipelines PRGT et Coastal GasLink.
« C'est malheureusement ce qui se passe actuellement dans notre coin du monde. »

Le gouvernement donne le feu vert

Il ne serait pas possible pour PRGT de demander une détermination de « démarrage substantiel » des travaux si la Régie de l'énergie de la Colombie-Britannique (BCER) n'avait pas d'abord autorisé le début des travaux de défrichage.

Or, la BCER fait face, conjointement avec PRGT, à une poursuite intentée par la Skeena Watershed Conservation Coalition, Kispiox Valley Community Centre Association et la Bande de Kispiox (une communauté Gitxsan), qui l'accusent d'avoir contourné ses propres exigences légales à ce sujet.
« On ne devrait pas avoir à aller en cour ni à installer des blocus sur nos territoires pour que les gouvernements nous écoutent. »

Tara Marsden

En 2023, les permis émis par la BCER stipulaient que le titulaire ne devait pas commencer les travaux avant de recevoir une évaluation des effets cumulatifs du projet – c'est-à-dire non seulement des impacts directs du pipeline, mais aussi de la manière dont ils s'ajoutent aux impacts passés et futurs sur le territoire – réalisée par la Régie en consultation avec les nations autochtones concernées.
Le pipeline est divisé en sept sections. Cette condition était inscrite dans les permis pour chaque section.

Cependant, la BCER et PRGT ont scindé la section 5 en sections 5A et 5B. La section 5B traverse le territoire de la Première Nation Nisga'a, dont le gouvernement co-détient le pipeline. Par courriel, la BCER affirme que « cet amendement visait à répondre aux préoccupations des Nisga'as selon lesquelles certaines conditions du permis restreignaient leur droit d'utiliser leur territoire ».

Puis, la BCER a autorisé le début des travaux sur la section 5B en août 2024.

Au lieu d'effectuer sa propre évaluation des effets cumulatifs de l'ensemble du projet, en consultation avec d'autres Premières Nations situées sur l'itinéraire du pipeline, la BCER a compté sur les seules indications du gouvernement Nisga'a, qui a affirmé que l'évaluation des effets cumulatifs pour la section 5B avait déjà été réalisée à sa satisfaction dans le cadre des demandes de certificat d'évaluation environnementale pour le pipeline PRGT et pour le terminal de Ksi Lisims.

Par courriel, la BCER explique que « la condition relative aux effets cumulatifs s'applique au permis auquel elle est incluse et liée, comme toutes les autres conditions ». Autrement dit, selon la Régie, pour commencer les travaux sur la section 5B, il suffit de compléter l'évaluation pour cette section, plutôt que pour l'ensemble du projet.

La BCER ajoute que « les conditions pour les autres permis (sections), y compris l'exigence d'une évaluation des effets cumulatifs, n'ont pas été complétées pour le reste des sections ».
« Ils ont divisé le permis pour ne pas avoir à consulter les autres Premières Nations avant de commencer la construction », commente Tara Marsden. « Il s'agit d'une manœuvre très sournoise pour essayer de poursuivre leurs activités de construction, tout en étant conscients qu'il y a beaucoup d'opposition. »

Le Bureau d'évaluation environnementale de la Colombie-Britannique et la Première Nation Nisga'a n'ont pas répondu à nos demandes de commentaire au moment de publier.

Auteur·e

BIFAN SUN
Bifan Sun est journaliste spécialisée dans les enjeux de racisme et d'anti-racisme pour Pivot. Dans le cadre du projet « Différends : sur le terrain des luttes anti-racistes », soutenu par la Fondation canadienne des relations raciales, elle s'engage à faire entendre une pluralité de voix issues des communautés racisées sous-représentées dans la sphère médiatique francophone. Elle est titulaire d'une maîtrise en communication, pour laquelle elle a étudié la construction des récits de migration par un groupe de femmes migrantes marginalisées.

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La FIQ plaide pour un moratoire sur la coupe de 1,5 milliard $ dans le réseau de la santé

4 février, par Fédération Interprofessionnelle de la santé du Québec—FIQ — , ,
Québec, le 30 janvier 2025 — La Fédération Interprofessionnelle de la santé du Québec—FIQ accueille avec soulagement le changement de position du gouvernement du Québec, (…)

Québec, le 30 janvier 2025 — La Fédération Interprofessionnelle de la santé du Québec—FIQ accueille avec soulagement le changement de position du gouvernement du Québec, reconnaissant enfin l'impact réel des compressions sur l'offre et la qualité des soins.

Cependant, la FIQ considère que cette nouvelle approche ne va pas assez loin. La Fédération appelle le gouvernement à reporter immédiatement les coupes de 1,5 milliard $ prévues dans le budget de la santé, jusqu'à ce qu'une évaluation rigoureuse et approfondie des besoins réels du réseau de la santé et des services sociaux soit réalisée.

«

Le gouvernement doit reconnaître que les compressions budgétaires actuelles sont déjà en train de miner la qualité des services directs à la population. La situation devient critique : les équipes de soins sont insuffisantes, les patient-e-s souffrent des retards d'intervention et les établissements de santé sont à bout de souffle. Il est plus que jamais nécessaire de stopper les coupes et de permettre aux professionnelles en soins de travailler dans des conditions décentes

», indique Julie Bouchard, présidente de la FIQ.

Enfin le gouvernement réalise l'impact des compressions sur les services de soins. Toutefois, il est impératif de prendre des mesures concrètes pour soutenir les équipes de santé. La FIQ recommande que le réseau annule la directive de réduction du temps supplémentaire et permette à nouveau l'ouverture de lits additionnels, afin de maintenir une prise en charge adéquate des patient-e-s en fonction de la capacité des équipes de soins. La réalité des urgences et des listes d'attente en chirurgie ne peut plus être ignorée. L'ampleur de la crise nécessite que Santé Québec assure une couverture complète des équipes, qu'il s'agisse des soins à domicile, des soins hospitaliers, ou des services d'urgence.

Par ailleurs, la FIQ estime que l'une des pistes les plus urgentes pour améliorer la situation réside dans le renforcement de la première ligne de soins. Cela comprend un soutien accru aux soins à domicile, dont la réduction continue est inacceptable. «  Nos aîné-e-s, personnes en situation de handicap et citoyen-ne-s vulnérables méritent un service de qualité. Une approche sérieuse en matière de soins à domicile permettrait de désengorger les urgences et d'offrir des alternatives aux hospitalisations évitables. En réinvestissant dans ces services publics, le gouvernement pourra non seulement améliorer la qualité de vie des citoyen-ne-s, mais également alléger la pression sur nos hôpitaux et améliorer le parcours de soins des patient-e-s  », ajoute Mme Bouchard.

«

 Nous ne devons pas céder à l'improvisation. Santé Québec doit prendre le temps de bien évaluer les besoins en ressources humaines et matérielles avant d'appliquer des coupes. Il est impératif de garantir que la trajectoire de soins ne soit pas affectée négativement. Chaque décision doit être prise en tenant compte de son impact sur la population, en particulier les plus vulnérables. Le gouvernement a un rôle crucial à jouer pour protéger le système de santé québécois. La FIQ en appelle à la responsabilité collective, notamment des décideur-euse-s politiques, afin de garantir que la santé des Québécois-e-s ne soit pas sacrifiée au nom de l'austérité. La FIQ demeure disponible pour collaborer avec Santé Québec dès maintenant

», conclut Julie Bouchard.

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Le gouvernement doit retirer ses exigences de compressions et protéger le financement du réseau public

4 février, par Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) — , ,
Alors que les témoignages d'usager·ère·s et de personnes salariées affecté·e·s par les compressions budgétaires se multiplient, le ministre de la Santé, Christian Dubé, (…)

Alors que les témoignages d'usager·ère·s et de personnes salariées affecté·e·s par les compressions budgétaires se multiplient, le ministre de la Santé, Christian Dubé, commençait à lever le pied aujourd'hui sur les exigences imposées à Santé Québec. Pour l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), ce revirement partiel ne suffit pas. Le gouvernement doit retirer complètement ses demandes de compressions et garantir un financement stable et prévisible pour répondre aux besoins de la population.

« Le ministre Dubé prend acte des conséquences bien réelles de ces compressions, mais il continue d'exiger des réductions budgétaires qui mettent en péril les soins et services essentiels, dénonce Robert Comeau, président de l'APTS. Si le gouvernement veut réellement protéger le réseau public, il doit cesser d'imposer des choix financiers qui nuisent aux usager·ère·s et au personnel. Un budget, ça a deux colonnes : d'un côté, les dépenses, de l'autre, les revenus. Et si on réduit sans assurer un financement adéquat, c'est la population qui en paie le prix. »

Les effets des compressions sont déjà visibles, notamment en soins à domicile, où des usager·ère·s vulnérables voient leurs services réduits, mais également en santé mentale ou encore en imagerie médicale. L'APTS craint également des impacts majeurs sur d'autres secteurs du réseau, où le personnel espérait des renforts et non de nouvelles restrictions budgétaires.

« Nous devons briser ce cercle vicieux où les compressions affaiblissent le réseau, forcent le recours au privé et justifient ensuite d'autres réductions, ajoute Robert Comeau. C'est pourquoi l'APTS propose la mise en place d'un bouclier budgétaire qui assurerait un financement minimal du réseau public, à la hauteur des besoins réels de la population, et garantirait ainsi un réseau public de santé et de services sociaux sain et efficace. »

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MHN 2025 : Joignez-vous aux syndicats du Canada pour faire progresser la justice raciale et économique pour les travailleuses et travailleurs noirs

4 février, par Congrès du travail du Canada (CTC) — , ,
Les syndicats du Canada marquent le Mois de l'histoire des Noirs en soulignant le rôle crucial que jouent les syndicats dans la promotion de la justice raciale et économique (…)

Les syndicats du Canada marquent le Mois de l'histoire des Noirs en soulignant le rôle crucial que jouent les syndicats dans la promotion de la justice raciale et économique pour les travailleuses et travailleurs noirs. Le 18 février, nous tiendrons une conversation virtuelle en compagnie de leaders syndicaux noirs sur les défis auxquels sont confrontés les travailleuses et travailleurs noirs et le rôle important que peuvent jouer les syndicats.

Selon des données récentes, les travailleuses et travailleurs noirs sont le groupe racialisé le plus susceptible d'être protégé par un contrat syndical, la syndicalisation augmentant leur revenu annuel de plus de 3 000 $. Les personnes noires syndiquées bénéficient de meilleurs salaires dans l'ensemble, d'une sécurité d'emploi accrue et de protections contre la discrimination.

Cependant, des obstacles systémiques à l'emploi persistent, dont les effets néfastes se répercutent sur les travailleuses et travailleurs noirs de génération en génération. Malgré leurs taux de syndicalisation plus élevés et les avantages qui en découlent, les travailleuses et travailleurs noirs se heurtent toujours à d'importants obstacles au travail : le rapport révèle également que les travailleuses et travailleurs noirs subissent le deuxième plus grand écart salarial des groupes racialisés en raison de leur représentation disproportionnée dans les secteurs à bas salaires et de leur accès limité ou de leur exclusion aux secteurs à salaires plus élevés.

Les travailleuses et travailleurs noirs au Canada sont confrontés à une discrimination continuelle et au racisme systémique sur le marché du travail – de graves obstacles qui nuisent à leur accès à l'équité d'emploi, à l'avancement et à un traitement équitable au travail. Les effets du racisme anti-Noirs ont une vaste portée, posant des obstacles tenaces à l'avancement économique et à l'habilitation des communautés noires.

Une enquête nationale de 2023 sur les Noirs canadiens menée par l'Institut de recherche sociale de l'Université York, en partenariat avec la Fondation canadienne des relations raciales, indique que 75 % des répondants ont subi des actes de racisme au travail considérés comme grave ou très grave, et que les travailleuses et travailleurs noirs considèrent les lieux de travail comme des épicentres de discrimination et d'injustice raciales.

Ceci est inacceptable, et les syndicats ont un rôle crucial à jouer dans l'élimination des injustices systémiques, autant au travail que dans la société en général.

« Le mouvement syndical doit continuer à respecter sa mission fondamentale qui est de lutter pour l'équité, la justice et la dignité pour tous les travailleurs et travailleuses. Cela signifie que nous devons multiplier les efforts pour éliminer le racisme et la discrimination anti-Noirs dans les milieux de travail et les syndicats, négocier pour obtenir les mêmes possibilités, éduquer les membres et les dirigeants, amplifier les voix et le leadership des travailleurs noirs et encourager les travailleurs noirs à s'organiser pour obtenir de meilleurs emplois et salaires », déclare Larry Rousseau, vice-président exécutif du CTC.

Les syndicats peuvent être un puissant moteur de justice raciale et économique pour les travailleuses et travailleurs noirs, que ce soit au travail, dans le syndicat ou dans la société. N'oubliez pas de vous inscrire à notre webinaire le 18 février et de consulter notre nouvelle fiche d'information sur les travailleuses et travailleurs noirs et la syndicalisation. Vous pouvez également vous joindre à nous en ce Mois de l'histoire des Noirs et par la suite en textant MHN au 55255.

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La pensée libérale et l’idéologie de l’esclavage racial

4 février, par Alain Saint Victor — ,
Dans une remarquable étude sur le libéralisme, le philosophe italien Domenico Losurdo (1941-2018) montre clairement le lien existant entre la montée de l'idéologie libérale et (…)

Dans une remarquable étude sur le libéralisme, le philosophe italien Domenico Losurdo (1941-2018) montre clairement le lien existant entre la montée de l'idéologie libérale et l'institutionnalisation de l'esclavage racial à la fin du XVIIe siècle. Les principes fondamentaux du libéralisme considèrent comme inaliénables la liberté de l'individu, son droit à l'épanouissement et au bonheur.

L'auteur est historien.

Pour Losurdo, ces principes, qui allaient constituer le socle idéologique des révoltions française et américaine, servaient paradoxalement à « théoriser » l'esclavage racial : « L'autogouvernement de la société civile, explique Losurdo, triomphe sous le drapeau de la liberté et de la lutte contre le despotisme, alors qu'il entraine le développement de l'esclavage-marchandise sur une base raciale et creuse, un abîme insurmontable et sans précédent entre les Blancs et les peuples de couleur (1). » John Locke (1632-1704), par exemple, considéré comme l'un des pères du libéralisme, légitimait « l'esclavage racial qui s'affirme peu à peu dans la réalité politico-sociale de l'époque (2). » Le philosophe libéral traçait une ligne de démarcation raciale entre Blancs et Noirs, que ni la conversion au christianisme ni l'affranchissement ne pouvaient remettre en question.

De même Montesquieu (1689-1755), qui fait partie du courant philosophique des Lumières et qui est considéré également comme l'un des plus grands penseurs de l'organisation politique libérale, voit dans l'esclavage des « Nègres », le résultat naturel qui s'explique par le climat dans lequel ils vivent. Pour Montesquieu, il faut « borner la servitude naturelle à de certains pays particuliers » et qu'il « ne faut […] pas être étonné que la lâcheté des peuples des climats chauds les ait presque toujours rendus esclaves, et que le courage des peuples des climats froids les ait maintenus libres. C'est un effet qui dérive de sa cause naturelle (3). »

Tout au long du XVIIIe siècle, l'on ne cesse de poser des questions portant sur la place de l'homme dans la nature. Avec Buffon (1707-1788), une conception de l'homme se précise : celui-ci faisant partie de la nature est « considéré comme un tout et distinct de toutes les autres espèces par la nature de son entendement, la durée de son accroissement et de sa vie, […], par la complexité et la diversité des sociétés qu'il forme avec ses semblables (4) ». L'intention de séparer l'homme de la bête apparait comme une nécessité pour Buffon, mais cette séparation débouche aussi sur la nécessité anthropologique de différentier les humains selon des critères que le courant des Lumières prendra soin d'élaborer. Polygéniste avant la lettre, Voltaire (1694-1778) ne pouvait concevoir l'unité de l'espèce humaine, idée qu'il trouvait absurde vu les différences physiques entre les groupes d'humains, qui, à ses yeux, constituaient la preuve irréfutable de races différentes. Mais pour Voltaire, cette différence atteste également d'une hiérarchie naturelle : le Noir ne serait qu'un animal « qui a de la laine sur la tête, marchant sur deux pattes, presque aussi adroit qu'un singe, moins fort que les autres animaux de sa taille, ayant un peu plus d'idées qu'eux, et plus de facilités pour les exprimer », et, pour le philosophe, l'homme européen serait, dans cet ordre hiérarchique aussi différent des « nègres », que ces derniers « le sont aux singes, et comme les singes le sont aux huitres, et aux autres animaux de cette espèce (5). »

Certes on ne peut réduire toute la philosophie des Lumières à ces propos racistes de Voltaire, les écrits de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) illustrent une véritable critique de la société de son époque : pour Rousseau l'homme social occidental, héritier de son histoire, est corrompu et ne peut prétendre être supérieur au « sauvage », dont Rousseau exalte les qualités. Selon l'anthropologue et historienne Michèle Duchet, cette position de Rousseau est toutefois « loin d'être le refus de la socialité », elle en est plutôt « l'exaltation : l'homme y a véritablement vocation, à travers un procès de perversion mais aussi de perfection, à devenir ‘un être moral, un animal raisonnable, le roi des autres animaux, et l'image de Dieu sur la terre' ». Duchet en déduit que l'anthropologie de Rousseau ne consiste pas en fait à combattre la civilisation, « mais un état d'aliénation qui en est la négation même. La question qu'il invite à se poser n'est pas : comment se dé-civiliser ?, mais au contraire : qu'est-ce qu'une société civile digne de ce nom ? (6) ».

Au XVIIIe siècle, le discours ethnologique est confiné à l'intérieur de la philosophie. C'est en philosophes et non en scientifiques que les auteurs des Lumières pensent la possibilité d'un monde non européen. Et parce que le monde qui s'ouvre à eux provient de l'Histoire naturelle de Buffon qui lui-même dépend, pour élaborer son discours historique, des récits des voyageurs, marchands et aventuriers, les philosophes des Lumières ne pouvaient percevoir « la réalité du monde sauvage » qu'à travers leur propre culture. Pour eux, « l'homme sauvage » était en réalité « l'homme primitif », un être historique en qui « enfin l'homme européen peut se reconnaitre et apprendre à se connaitre (7) ».

Néanmoins, au cours du siècle des Lumières, ce « monde sauvage » n'est plus cet « objet de curiosité ou d'enquête » dont « s'émerveillaient les hommes de la Renaissance » : il devient le lieu de l'exploitation coloniale, de sorte que « les sauvages d'hier, réduits en esclavage, brutalement jetés dans le creuset des races et des civilisations, ont changé d'être et de visage (8). » Comme le montre Duchet, le courant encyclopédiste, bien que s'inscrivant dans la lutte antiesclavagiste, participe dans l'élaboration de l'idéologie justifiant l'exploitation coloniale : entre les administrateurs coloniaux, les économistes physiocrates et les philosophes il existe un « unique réseau de savoir-pouvoir » selon l'expression de l'historien des sciences Claude Blanckaert (9). Didier Diderot (1713-1784) lui-même ne prédisait-il pas la disparition des « sauvages », qui, à cause de « leur vie dure et disetteuse, la continuité de leurs guerres, les pièges sans nombre que nous ne cessons de leur tendre, on ne pourra s'empêcher de prévoir qu'avant qu'il ne soit écoulé trois siècles, ils auront disparu de la terre. […]. Les temps de l'homme sauvage ne seront-ils pas pour la postérité, ce que sont pour nous les temps fabuleux de l'Antiquité ? (10) ». Cette perception évolutionniste qui explique la disparition inéluctable du « sauvage » laisse entrevoir cette « disparition » comme une nécessité pour qu'émerge la « civilisation ».

Cette dernière, parce qu'elle est porteuse de « progrès », a le devoir de s'étendre, car en elle se trouve « l'avenir » de l'humanité. Michèle Duchet l'exprime bien dans un passage qui mérite d'être cité dans son intégralité. Elle écrit :

depuis […] le début du processus de colonisation, l'homme sauvage est objet, l'homme civilisé seul est sujet ; il est celui qui civilise, il apporte avec lui la civilisation, il la parle, il la pense, et parce qu'elle est le mode de son action, elle devient le référent de son discours. Bon gré mal gré, la pensée philosophique prend en charge la violence faite à l'homme sauvage, au nom d'une supériorité dont elle participe : elle a beau affirmer que tous les hommes sont frères, elle ne peut se défendre d'un européocentrisme, qui trouve dans l'idée de progrès son meilleur alibi. Elle a beau se défendre de consentir à l'ordre des choses, elle ne peut lui opposer, dans le meilleur des cas, qu'un réformisme humanitaire (11).

Cette pensée s'appuie également au dernier quart de XVIIIe siècle sur la théorie économique des physiocrates, doctrine selon laquelle les « lois naturelles » constituent le fondement des principes sociaux. Cette doctrine qui considère l'activité agricole comme la richesse de toute société voit également dans la propriété privée le résultat « naturel » de la richesse elle-même basée sur l'agriculture. C'est ainsi que l'un des plus grands adeptes de la physiocratie, l'économiste et théologien Nicolas Baudeau (1730-1792), perçoit dans « l'ordre naturel tout physique […] un développement nécessaire de l'ordre social physique, fondée sur la propriété foncière, qui nait de la culture, occasionnée par la nécessité physique de multiplier les objets propres à la subsistance, et au bien-être des hommes (12) ». Ce naturalisme économique que prônent les physiocrates est lié de façon constitutive à la valorisation du travail de la terre. Mais de cette conception découle également une certaine représentation de la société basée sur une perception évolutionniste. L'économiste marxiste néo-zélandais Ronald L. Meek analyse dans son ouvrage Science and the Ignoble Savage (1976), les théories socio-économiques de la fin du XVIIIe siècle comme une tentative de comprendre les sociétés à partir de leurs « modes de subsistance ». Pour lui, ces nouvelles théories perçoivent l'histoire comme universelle et constituée de quatre étapes : la chasse, le pâturage, l'agriculture et le commerce (13). Ces étapes qui se suivent de façon linéaire et évolutive représentent, dans l'esprit des économistes du XVIIIe siècle, le parcours « nécessaire » et « naturel » de toute société, et c'est ainsi « que se construit un principe explicatif qui se présente comme allant de soi ---et devant ainsi s'appliquer à tous. L'ordre dénommé « naturel » devient un « ordre pour tous » (14). » De plus, l'importance du travail, c'est-à-dire de l'être humain en tant que force productive, devient non seulement une notion consubstantielle à celle de la création de la civilisation et de son évolution, mais induit également une perception qui considère le « sauvage », empêtré dans sa « paresse », comme dépourvu d'humanité. Pour la pensée libérale, « quand la ‘paresse' devint une caractéristique ‘essentielle' des races sauvages, elle s'avéra un mode d'être imposé par la nature, et posé en contradiction avec la véritable humanité (15). » L'esclavage devient ainsi, comme d'ailleurs le percevait le philosophe Hegel, « un moment de l'éducation des peuples dégradés, ‘une sorte de participation à une vie éthique et culturelle supérieure (16)'. »

À la fin du XVIIIe siècle, l'idée de la supériorité de la civilisation occidentale et d'une perception évolutionniste des sociétés se renforcent et prennent forme dans les principaux courants intellectuels. Si le rationalisme, dans lequel se reconnaissent les Lumières, a permis de remettre en cause le dogmatisme religieux et l'absolutisme, rendre ainsi possible une certaine émancipation des idéologies de l'Ancien Régime, il est aussi à la base d'une certaine représentation du monde fondée sur l'inégalité. L'idéologie racialiste, qui se constitue au début du siècle, dénote une particularité : elle se démarque de plus en plus de la croyance religieuse pour prendre la forme d'une rationalité dont le XIXe siècle sera l'aboutissement. Le système esclavagiste, en particulier le développement des plantations sucrières, atteint son apogée au cours du XVIIIe siècle. Les questions portant sur la rentabilité et l'importance économique des colonies prennent une dimension jamais atteinte dans les métropoles, particulièrement pour les centres financiers et la bourgeoisie montante. Mais la légitimation de ce système, embryon du système-monde selon l'expression du sociologue Immanuel Wallerstein, n'allait pas de soi. Les Lumières portaient également en elles-mêmes l'exigence de l'égalité entre les êtres humains. Le mouvement abolitionniste qui naquit à la fin du siècle s'en inspira pour constituer son argumentation (17).

En somme, l'universalisme qui émerge avec les Lumières comporte une contradiction apparente qui, dans le contexte du XVIIIe siècle, semble impossible à surmonter : il incarne la raison, la morale basée sur un certain humanisme, mais il implique une rationalité réductionniste qui s'impose comme une vérité incontestée, rationalité développant une conception linéaire de l'histoire consistant à prendre l'Europe comme seul modèle paradigmatique de tout développement historique. Tout en mettant la liberté de l'individu au centre de son raisonnement, la pensée libérale, qui prend forme au cours de cette période, n'échappe pas à cette conception : pour elle, la civilisation telle qu'elle s'est développée en Europe est conçue comme universelle et doit être imposée à tous, même si cela suppose l'extermination des autres formes de civilisation. Cette pensée libérale qui remet en cause le dogmatisme religieux et l'absolutisme de l'Ancien Régime reprend à sa façon la croyance selon laquelle il existerait une hiérarchie entre les êtres humains, ou plus particulièrement entre les « races », croyance remplaçant graduellement celle du dogme religieux de la malédiction de Cham et qui allait trouver son aboutissement dans le biologisme racial du XIXe siècle, époque du rationalisme scientifique, de la deuxième phase de la Révolution industrielle et du nouveau colonialisme, inaugurant ainsi le triomphe du mode de production capitaliste.

Notes

1- Domenico Losurdo, Contre-histoire du libéralisme. Éditions La Découverte, Paris 2013, p.52

2- Ibid. p.56

3- Charles-Louis Montesquieu, De l'esprit des lois, 2 tomes, « folio », Gallimard, Paris 1995, XV,2. Cité par Domenico Lusordo, p.58

4- Michèle Duchet, Anthropologie et histoire au siècle des lumières, Buffon, Voltaire, Rousseau, Helvetius, Diderot, Flammarion, Paris 1977, p.185

5- Voltaire, Traité de métaphysique, p.191, cité dans Michèle Duchet, opi. cit., p.231

6- Michèle Duchet, Ibid. p.22

7- Ibid. p.18

8- Ibid. p.19

9- Voir Claude Blanckaert, Les archives du genre humain. Approches réflexives en histoire des sciences anthropologiques. Postface du livre de Michèle Duchet, Éditions Albin Michel, 1995

10- Didier Diderot, l'Histoire des Deux Indes, cité dans Michèle Duchet, Ibid. p.20

11- Michèle Duchet, opi. cit. p.20

12- Éphémérides du Citoyen, 1767, tome 1, p.112, cité dans Jacob, A. (1991). Civilisation/Sauvagerie. Le Sauvage américain et l'idée de civilisation. Anthropologie et Sociétés, 15(1), 13–35.

13- Voir : Ronald L. Meek, Social Science and the ignoble, Cambridge University Press 1976, 252 p.

14- Jacob, A. op. cit.

15- Claude Blanckaert, « La science de l'homme entre humanité et inhumanité », Des sciences contre l'homme, Volume I : Classer, hiérarchiser, exclure, Éditions Autrement, 1993 p.24

16- Ibid.

17- Voir : Olivier Pétré-Grenouilleau (sous la direction de), Abolir l'esclavage : Un réformisme à l'épreuve (France, Portugal, Suisse, XVIIIe-XIXe siècles), Presses universitaires de Rennes, 2015, 430 p.

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Les perdants de Jenny Cartwright

4 février, par Office national du film du Canada (ONF) — , ,
À l'affiche dès le 28 février « L'exercice de la démocratie se trouverait-il ailleurs que dans le processus électoral ? » — Jenny Cartwright Le 28 janvier 2025 – (…)

À l'affiche dès le 28 février

« L'exercice de la démocratie se trouverait-il ailleurs que dans le processus électoral ? »

— Jenny Cartwright

Le 28 janvier 2025 – Montréal – Office national du film du Canada (ONF)

Le long métrage documentaire Les perdants de Jenny Cartwright arrivera en salle au Québec le vendredi 28 février. Rappelons que le documentaire sera présenté en première mondiale et en ouverture de la 43e édition des Rendez-vous Québec Cinéma le 19 février prochain, en présence de l'équipe du film.

Les perdants suit trois personnes candidates aux élections provinciales québécoises de 2022 en jetant un regard caustique sur notre système électoral et ses nombreux dysfonctionnements.
BANDE-ANNONCE

Le point commun aux trois personnes candidates (Renaud Blais, Elza Kephart et Jean-Louis Thémis) présentées dans Les perdants ? Une défaite assurée. À travers leurs campagnes respectives et les propos de Francis Dupuis-Déri et de Catherine Dorion, entre autres, le film décortique les nombreux dysfonctionnements du système électoral : difficultés supplémentaires pour les femmes et les personnes racisées, mode de scrutin déficient, financement inéquitable, poids des médias et des sondages... Car le système politique n'offre pas les mêmes chances à toutes et tous. Si la course semble perdue d'avance pour une majorité des coureurs, c'est que nous sommes les perdants du jeu électoral.


À propos de la réalisatrice

Cinéaste primée de documentaires et de créations sonores, Jenny Cartwright allie poésie et manifestes dans l'exploration de thèmes comme l'autodétermination et les inégalités, avec un parti pris pour les personnes mises à l'écart. Ses documentaires sonores Debouttes ! (2020) et Création de richesse (2022) ont été récompensés aux prix NUMIX. Son film Je me souviens d'un temps où personne ne joggait dans ce quartier a remporté en 2022 le prix RÉAL, œuvre art et essai, décerné par l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec.

Carnaval

4 février, par Smith Prinvil — , ,
Port-au-Prince, le 27 janvier 2025- Dans les ruelles vibrantes d'Haïti, entre les échos des coups de feu et les cris d'espoir, une réalité troublante persiste : même en pleine (…)

Port-au-Prince, le 27 janvier 2025- Dans les ruelles vibrantes d'Haïti, entre les échos des coups de feu et les cris d'espoir, une réalité troublante persiste : même en pleine tourmente, la population rêve de danser le carnaval. Ce paradoxe est révélateur d'un peuple résilient, attaché à ses traditions et à sa culture, mais aussi d'une lutte intérieure entre la survie quotidienne et le désir de se libérer, ne serait-ce qu'un instant, des chaînes de la crise.

Le carnaval en Haïti n'est pas une simple fête. C'est un exutoire collectif, un espace où le peuple exprime sa joie, sa colère, ses frustrations et ses rêves à travers la musique, les costumes et les danses. Pour une société meurtrie par la violence des gangs, l'instabilité politique et une pauvreté accablante, le carnaval représente un moment suspendu, un instant où l'on peut oublier les luttes quotidiennes et se réapproprier sa dignité.
Mais ce rêve de carnaval prend une teinte particulière en période de crise. Pour beaucoup, il est un acte de résistance culturelle, une manière de dire que la vie continue malgré tout. Pourtant, il illustre aussi une réalité douloureuse : danser devient un luxe dans un pays où la sécurité, la nourriture et même l'eau potable manquent cruellement.

Les rues, autrefois remplies de chars colorés et de foules en liesse, sont aujourd'hui dominées par la peur. Les gangs armés contrôlent des quartiers entiers, kidnappant et terrorisant la population. Comment organiser un carnaval lorsque se rendre d'un point A à un point B peut être une entreprise mortelle ?

Pourtant, chaque année, des voix s'élèvent pour réclamer cette célébration. Certains y voient un moyen de résister à la terreur et de rappeler au monde qu'Haïti est bien plus qu'un pays en crise. Mais pour d'autres, danser le carnaval en pleine tourmente ressemble à une fuite en avant, une tentative désespérée de masquer des problèmes profonds qui continuent de s'aggraver.

Dans le contexte actuel, le carnaval pourrait être perçu comme un reflet de la société haïtienne elle-même : belle, forte et vibrante, mais brisée et en quête de rédemption. Les chansons carnavalesques, souvent empreintes d'humour et de critiques sociales, témoignent des défis quotidiens et des espoirs d'un peuple qui refuse de se résigner.
Cependant, la persistance du carnaval dans un environnement de chaos soulève une question essentielle : à quel prix le rêve de danser est-il maintenu ? Le carnaval, dans toute sa splendeur, peut-il réellement guérir les blessures d'un pays ou est-il simplement une distraction temporaire qui retarde l'inévitable confrontation avec la réalité ?

Le rêve de danser le carnaval, même en période de crise, est un témoignage poignant de l'esprit haïtien. Mais pour que ce rêve ne se transforme pas en illusion, il est impératif que les priorités nationales changent. La sécurité, la justice et les conditions de vie dignes doivent être placées au centre des préoccupations.

Danser le carnaval ne devrait pas être un acte de bravoure ou de défiance face à l'adversité. Cela devrait être une célébration libre et joyeuse, dans un pays où chaque citoyen peut se sentir en sécurité et espérer un avenir meilleur.
Aujourd'hui, alors que la crise s'intensifie, le rêve de danser n'est pas simplement un besoin de fête, mais un cri silencieux pour la paix, la stabilité et la dignité. Et si le carnaval est un rappel de la force d'Haïti, il doit aussi être une invitation à construire un avenir où ce rêve pourra enfin être dansé sans peur.

Smith PRINVIL

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La Fête des Pères

4 février, par Distribution alternative et recherche d'impact — ,
Coup de cœur du Mois de l'histoire des Noirs 2025, La Fête des Pères, de Ayana O'Shun (Le Mythe de la femme noire) sera présenté au Cinéma Le Clap le 5 février à 19h, en (…)

Coup de cœur du Mois de l'histoire des Noirs 2025, La Fête des Pères, de Ayana O'Shun (Le Mythe de la femme noire) sera présenté au Cinéma Le Clap le 5 février à 19h, en présence de la réalisatrice et en partenariat avec la Table de Concertation du Mois de l'histoire des Noirs de Québec.

La Fête des Pères traite de l'incidence de l'absence des pères dans les familles noires en Amérique du Nord, qui est près de deux fois plus élevée que dans l'ensemble de la population. Et de ses effets sur les filles (beaucoup moins étudiés que chez les garçons), les femmes qu'elles deviennent et les communautés. Les racines du phénomène pourraient remonter entre autres aux lois esclavagistes.

Dans La Fête des pères, Ayana O'Shun (Le Mythe de la femme noire) enquête sur le phénomène des pères absents dans les communautés noires, à travers son récit personnel et celui de femmes lumineuses et résilientes du Québec et de la Guadeloupe.

Nous vous invitons à suivre le film sur Facebook et sur Instagram.
https://www.facebook.com/people/La-Fete-des-Peres-Le-film/61571800530536/

https://www.instagram.com/lafetedesperes/

DISTRIBUTION ALTERNATIVE ET RECHERCHE D'IMPACT, cinéma documentaire d'auteur québécois

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« La Pie voleuse » de Robert Guédiguian

4 février, par Samra Bonvoisin — , ,
** Paris, le 29 janvier 2025 Tiré du Café pédagogique https://cafepedagogique.net/2025/01/29/cinema-la-pie-voleuse-de-robert-guediguian/ Cinéaste engagé, infatigable (…)

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Paris, le 29 janvier 2025
Tiré du Café pédagogique
https://cafepedagogique.net/2025/01/29/cinema-la-pie-voleuse-de-robert-guediguian/

Cinéaste engagé, infatigable pourfendeur de l'injustice sociale et des ravages du néolibéralisme, Robert Guédiguian nous revient avec une fable, simple et lumineuse, plus politique qu'il n'y paraît, « La Pie voleuse », son 24^ème long métrage, tourné à L'Estaque, le quartier de Marseille qui l'a vu naître. Conçue dès l'écriture avec Serge Valletti sous le signe de la musique, l'ouverture en l'occurrence de l'opéra de Rossini, la fiction glisse de la chronique ordinaire au drame, du fait divers potentiellement toxique à la fable minuscule, délicate et profonde, portée par une attention constante aux plus démunis.

*Maria, la ‘voleuse' de vie, de plaisir et de musique*

Voici donc Maria, auxiliaire de vie (Ariane Ascaride) auprès de personnes plus âgées et aisées qu'elle, enfermée dans une précarité financière chronique, accentuée par le train de vie de Bruno (Gérard Meylan), son mari depuis toujours, et incorrigible parieur aux cartes. Maria arrondit son modeste salaire en commettant de petits vols de billets ou de chèques au domicile de ces gens qui l'adorent et qu'elle accompagne avec un dévouement sincère et généreux.

L'héroïne de « La Pie voleuse » n'a pas vraiment conscience de commettre quelque larcin. En un sens, elle se paie ses heures supplémentaires. Mais ses besoins ne s'arrêtent pas à l'assurance de sa survie.

Maria vole à ceux qui ont les moyens de quoi s'offrir le plaisir de manger des huîtres en écoutant seule un concert ou d'offrir des leçons de piano à son petit-fils au talent naissant.

L'appétit de vivre, la capacité à jouir du présent, le goût manifeste pour l'observation aimante des êtres et la contemplation émue de la mer méditerranée sous le soleil, visible de la fenêtre de la maison commune aux meubles usés et à la petite piscine délabrée dessinent le portrait complexe d'une femme épatante de drôlerie, d'énergie traversée par un ‘grain de folie' à la fois dangereuse et communicative.
Ses riches ‘protégés' ne s'y trompent pas, lesquels réclament sa présence affectueuse et solaire, même en dehors des plages horaires réglementaires.

Ainsi de cette vieille femme seule terrorisée par une nuit d'orage que Maria appelée en urgence vient rassurer et consoler sans tarder. Ainsi de la complicité évidente qui relie Monsieur Moreau (Jean-Pierre Darroussin), coincé à bord d'un fauteuil roulant dans sa demeure cossue avec jardin arboré, capable de prouesses physiques et…d'une initiative peu orthodoxe pour renouer avec cette simple ‘assistante' de vie qu'il apprécie tant.

*« Les Pauvres Gens », la symphonie des sentiments pour une fable rebelle*

Nous ne révélerons pas les détails d'un engrenage conduisant au dépôt d'une plainte pour abus de faiblesse, transformant la chronique légère en récit avec suspense et surprises de l'amour. Un événement et ses suites vont tout bouleverser : le fragile équilibre de Maria, les rapports entre générations, les relations de jeunes couples alentour.

Laurent (Grégoire Leprince-Ringuet), responsable d'une agence immobilière, tenue stricte, air sérieux, et fils nanti de Monsieur Moreau, paraît en tout cas totalement dépourvu d'humour et …d'empathie envers la (petite) délinquante, coupable de quelques détournements de chèques paternels.

Et pourtant, dans ce conte délicat et dramatique, les flux et les reflux de la mémoire, des amours perdus aux fantômes du passé, se court-circuitent avec les effets en cascade d'un coup de foudre redistribuant les rôles et les places sur la carte du tendre.

Aussi sommes-nous à peine surpris de voir Monsieur Moreau descendre à grande vitesse en fauteuil roulant une route goudronnée jusqu'au centre-ville et réciter devant qui de droit le poème de Victor Hugo « Les Pauvres Gens ». Pour la bonne cause.

Sous nos yeux, dans le silence, modulé par la seule partition originale composée en amont par le musicien Michel Petrossian en accord avec Robert Guédiguian, se matérialisent des regards prolongés, des gestes tremblants, une brusque étreinte, un entremêlement des corps, dans l'évidence du coup de foudre entre deux jeunes personnes que tout oppose, Jennifer (Marilou Aussiloux), la fille de Maria et Laurent, le fils Moreau.

Une scène qui tient du miracle, voulue dès l'écriture par le réalisateur, comme il le confiait lors d'une avant-première, dans « le ressenti d'un film muet ». À plusieurs reprises la coexistence de la musique symphonique et de l'émergence de sentiments neufs ou d'affections profondes, sans paroles des personnages, nous permet d'accéder à leur humanité et à leur vulnérabilité.

Outre l'équipe fidèle de techniciens, la troupe d'acteurs (associant les ‘habitués' déjà cités et quelques nouvelles recrues comme Marilou Aussiloux, sans oublier Lola Naymarck, Robinson Stévenin, Thorvald Sondergaard) apporte son concours inventif à l'incarnation chaleureuse de « La Pie voleuse ». « Nous savons tous qu'il y a un film à trouver et nous le cherchons ensemble », précise Robert Guédiguian.
Et la fable minimaliste, concentrée sur le destin individuel de Maria, et de quelques autres dans un sillage affectif et un petit espace urbain ouvert sur l'immensité de la Méditerranée, nous donne à voir et à entendre l'ébauche d'une réparation de l'injustice sociale et l'esquisse d'une fraternité possible, sans barrières visibles.

Samra Bonvoisin, Le Café pédagogique, 2025-01-29

« La Pie voleuse », film de Robert Guédiguian - Sortie le 29 janvier 2025 en France.

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Au chevet de l’ONU

4 février, par Omar Haddadou — ,
( Après mûre réflexion, la Finance franchit le pas pour rendre visite à l'ONU hospitalisée ) – Je t'ai pris un assortiment. – Merci ! susurre l'ONU, d'une voix à peine (…)

( Après mûre réflexion, la Finance franchit le pas pour rendre visite à l'ONU hospitalisée )

Je t'ai pris un assortiment.
– Merci ! susurre l'ONU, d'une voix à peine audible, dévorant de ses yeux la boite de pâtisserie et les fleurs.
– Décale ta tête, j'vais t'arranger l'oreiller… ! Voiiilà !
( l'ONU a le visage hâve. Elle arrive, à grand peine, à tenir une conversation )

Pour changer, j'ai jeté mon dévolu sur les Hortensias et les Glaïeuls, dit la Finance, fringuée comme l'As de pique.
– Belle combinaison florale, s'émerveille l'Organisation, avec pénibilité.
– J'ai eu du mal à trouver l'établissement.

– T'es pas la seule.
– Pourquoi ils t'ont évacuée vers ce monobloc glauque de pestiférés ? s'enquit la Finance.

( L'ONU hausse les épaules )
- Et puis c'est crado partout. Oh, ma pauvre ! Je comprends. L'Hôpital franco-américain du XVI ème, c'est pas pour toi.
– Saturé ! Encore, t'as rien vu.
– Dis-moi tout, sans te fatiguer !
- On m'a changée de chambre au milieu de la nuit.

– Pourquoi ?
- Un cafard dodu, avec des antennes aussi hautes que les perches de Sergueï Bubka.

– Mon Dieu ! Une blatte qui doit avoir la connexion 9 G ? s'affole la Finance.
- L'infirmière m'a dit que c'était un « Cafard germanique ».

– Il se trouve qu'il eût été un espion. L'Allemagne cherche pourquoi elle vient de tomber dans le giron de l'extrême droite, soutenue par Musk.

– Je n'en sais rien. Tout m'échappe présentement !

- Parle-moi de ta santé ! Qu'est-ce qu'il a dit le Docteur, ce matin en passant.

– Il a pris ma tension, puis il m'a conseillé de ménager mes efforts, si je tenais à demeurer de ce monde.
– Aha ! La même formulation que je t'avais débitée.

– Un conseil ! Oui un conseil vital !
- Je t'avais prévenue : « ONU, tiens - toi à carreau ! T'es en train de filer du mauvais coton en me mettant les bâtons dans les roues ».
– C'est mon devoir, Finance.
– Ha, ha, ha ! Quel devoir ? Celui des Lymphocytes B, chargées de surveiller les corps étrangers ?
- Je veille au maintien de la Paix et de la Sécurité des Droits humains dans le monde.

– T'es à côté de la plaque, mon amie !
- Tu penses ? fait l'ONU, d'une voix presque inintelligible.

- La réalité t'a faussée compagnie ! grogne de but en blanc la Finance. Le monde t'échappe. Tu n'es qu'un acronyme en costume d'Eve, ONU ! Sans le chaos, le déblayage géopolitique et l'usage de la force, je ne serais pas là à te faire entendre raison.
( Mortifiée, l'ONU baisse la tête )
- Ecoute-moi bien, ONU !
- Oui.
– La guerre des intérêts ne recule devant aucune monstruosité. Celle de la spoliation et du nettoyage ethnique, ont font partie. Ou tu joues le jeu, ou tu la mets en veilleuse ! - Sous peine de … ?
- Mordre dans la poussière !

Teste et dessin : Omar HADDADOU Paris, fév. 2025

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Double variation sur le thème de l’oligarchie

4 février, par Gaétan Roberge — , ,
Thème A – Le spectre de la bêtise Dommage que la Colombie ait fait marche arrière ! Elle aurait été le premier pays à affirmer sa souveraineté, sa franche volonté de (…)

Thème A – Le spectre de la bêtise

Dommage que la Colombie ait fait marche arrière ! Elle aurait été le premier pays à affirmer sa souveraineté, sa franche volonté de résistance et son refus de ne pas manger de ce pain – de viande – là dans la main sale et corrompue de cet abominable maître chanteur psychopathe.

Cela est pour le moins inacceptable d'assister à tout cet aplaventrisme aux conséquences néfastes dont les têtes dirigeantes du monde actuel font preuve face à ces véritables déclarations de guerre, entre autres, envers le Panama, le Canada et le Danemark. Citizen Trump, ce chantre de la « destinée manifeste », entend non seulement démanteler les structures intérieures de son propre pays, mais en plus, il veut à la fois conquérir et rompre avec le reste du monde à force de menaces et de retraits des grands enjeux planétaires et tout en laissant le champ droit libre à sa clique de pourvoyeurs et d'oligarques, ces prophètes de l'Intelligence Artificielle, issus du complexe technologico-industriel pour saccager et piller la planète Terre … en passant par Mars. Non seulement veut-il aussi expulser des millions de migrants qu'il associe injustement à des criminels et pourtant tous savent que les Démocrates et les Républicains ont bâtis une large part de l'économie des États-Unis sur le dos douloureusement voûté de cette même immigration clandestine, mais en plus, il veut « faire le ménage », ou disons plutôt du nettoyage ethnique, en chassant les Palestiniens de la bande de Gaza vers l'Égypte et la Jordanie. SVP Descendez-le au plus tôt du bastingage avant car ce fou furieux se prend pour le Roi du monde … Donald Premier, tout comme le roi Louis XIV, vient de déclarer solennellement : « l'État c'est moi ». N'oublions surtout pas, comme l'affirmait Lord Acton : « Le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument ».

PS Si la connerie (bêtise humaine) se mesurait, il (Donald Trump) servirait de mètre étalon. Michel Audiard

Thème B – Attention ! Achtung !

Il s'attaque à la démocratie et instaure une dictature (aux institutions américaines et instaure une oligarchie), aux criminels et aux Juifs (aux criminels et aux immigrants) et tout ce qui n'est pas Allemand (les Programmes de diversité) ; il signe des Accords qu'il ne respecte pas, tel le Pacte de non-agression avec l'Union Soviétique (retrait de l'Accord de Paris et de l'OMS) ; il recourt à des camps de concentration (Guantanamo) ; il chasse les Juifs et les non Allemands (les immigrants et les clandestins) du territoire ; il revendique l'argent des Juifs (l'argent des tarifs) ; il nomme Goebbels (il met un « X » sur Musk) chef de la propagande ; il déclare que les Juifs (les Haïtiens) mangent des rats (des chiens et des chats) ; les Chemises brunes (les Proud Boys représentent les Sections d'assaut (SA) qui le soutiennent) ; l'incendie du Reichstag (l'assaut du Capitole) constitue le commencement de la terreur. Puis ce fut l'invasion de la Pologne (le Panama) ; l'invasion de la Norvège et de l'Europe (le Groenland) ; l'invasion de l'Union Soviétique (le Canada) afin d'étendre l'espace vital et établir la Grande Allemagne (la Grande Amérique - MAGA). Selon l'Encyclopédie du Musée mémorial de l'Holocauste des États-Unis, le Lebensraum d'Adolf Hitler (Donald Trump) était le « destin manifeste » de son Allemagne (Amérique) fantasmée et de la conquête impériale de l'Europe de l'Est (le Golf de l'Amérique). Hitler a comparé l'expansion nazie à l'expansion américaine vers l'Ouest, en disant : « il n'y a qu'un seul devoir : germaniser (américaniser) ce pays – la Russie – (le Canada) par l'immigration d'Allemands (d'Américains) et de considérer les indigènes (les Canadiens multiculturalisés) comme des Peaux-Rouges (des Nations Autochtones) ». Et de leur faire bouffer du pain de viande au Berghof (Mar-a-Lago) …

Coda

Certes, Citizen Trump n'est pas un Nazi à l'idéologie exterminatrice. Mais, il incarne tout de même un « narcissique malfaisant » aux visées expansionnistes, carburant aux menaces et représentant un péril pour l'humanité. Y a-t-il un Winston Churchill dans la place pour s'opposer et annoncer le commencement de la fin ?
Gaétan Roberge, 1er Février 2025

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L’achat seconde main ; une alternative économique, locale et environnementale

4 février, par Pascal Grenier — , ,
L'achat seconde main, de plus en plus disponible et populaire, est une alternative très économique. En effet, les objets d'occasions sont souvent offerts à moins de 35% de la (…)

L'achat seconde main, de plus en plus disponible et populaire, est une alternative très économique. En effet, les objets d'occasions sont souvent offerts à moins de 35% de la valeur des produits neufs dans la plupart des magasins vendant ce type de marchandise. Ceux-ci sont d'ailleurs présents dans la majorité des quartiers de nos villes et dans plusieurs villages. Ils sont souvent le fruit du travail en grande partie bénévole dans de nombreux organismes communautaires sans but lucratif.

Quand vous achetez un objet seconde main vous faites un achat local même si celui-ci a été fabriqué à l'origine à l'étranger. Si vous voulez favoriser les achats de produits du Québec plutôt que de biens venant de la Chine ou des États-Unis, en achetant seconde main vous atteignez cet objectif. En plus, vous aidez votre communauté à réutiliser les objets dont les gens n'ont plus besoin. En effet, les gens sont très volontaires pour donner leurs biens excédentaires à des organismes, mais il faut aussi des personnes pour les acheter. Actuellement, les organismes vendant des objets seconde main souffrent tous d'un même problème, soit le surplus de matériel qui entre par rapport à ce qui est vendu.

Finalement, l'achat seconde main est un geste positif pour l'environnement, car il évite la fabrication d'objets neufs avec ce que cela comporte d'exploitation des ressources et de dépense énergétique pour la fabrication ainsi que pour le transport jusqu'au client. Si les gens cherchaient d'abord dans la seconde main avant de tenter de trouver dans le neuf, ça pourrait représenter une vraie révolution du mode de consommation. La ressource potentielle est disponible, ne manque que la volonté populaire pour généraliser la réutilisation. Pour ceux qui souffrent d'éco-anxiété, pour les écologistes qui veulent réduire les gaz à effet de serre ou pour tous ceux qui veulent lutter contre les changements climatiques, l'achat seconde main est une solution environnementale simple et inespérée à la portée de tous.

En somme l'achat seconde main est bon à de multiples points de vue. Pour la planète mais aussi pour le porte-monnaie et pour la promotion de l'achat local.

Pascal Grenier, bénévole
Nos choses ont une deuxième vie

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Vote budget 2025

4 février, par Omar Haddadou — , ,
Bayrou déclenche le 49.3, Melenchon exclut les socialistes du NFP ! La France dans l'impasse ! Une 3ème dissolution du gouvernement n'est pas à exclure ! La Macronie continue (…)

Bayrou déclenche le 49.3, Melenchon exclut les socialistes du NFP !
La France dans l'impasse ! Une 3ème dissolution du gouvernement n'est pas à exclure ! La Macronie continue à miner la vie politique française. Le Premier ministre François Bayrou a eu recours, ce lundi, au 49.3, pour adopter le Budget 2025. Le Socialiste Olivier Faure refuse de voter la censure. Mélenchon le désavoue et l'exclut NFP.

De Paris, Omar HADDADOU

Elle a prévu le chaos politique en France, on en est plein dedans ! Au lendemain de sa dépossession de sa victoire aux Législatives, le 9 juin 2024, la Gauche, profondément blessée par les entourloupes assassines, avait conscience de l'intensité du cataclysme qui sourdait dans les soubassements de l'exécutif.

Elle observait ce 3ème acte comme continuum de la faillite gouvernementale où tous les voyants étaient au rouge. L'empressement des 3 B (Borne, Barnier et Bayrou) - éblouis par la hauteur de la responsabilité – à répondre à l'appel d'Emmanuel Macron, l'amusait. Mais cette Gauche vaillante, était loin de se figurer en son sein un (e) potentiel transfuge répondant au nom d'Olivier Faure, Secrétaire générale du Parti Socialiste (PS).

Le coup porté à ses camarades restera dans les annales. En effet, c'est avec une bienveillance tartufe, honteusement grisée par l'accès au sérail, que la girouette de la Gauche applaudira la manœuvre du naufragé Bayrou. Le locataire de Matignon a été acculé, ce lundi 3février, à recourir, à deux reprises, à l'Article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le Budget de l'Etat.

Fort de son apport tranchant, le Rassemblement National (RN) de Marine le Pen et Bardella, fera part de sa résolution demain (mercredi). Le perchoir du Premier ministre, est donc entre les mains de ses deux groupes.
Face à cette cabale politique, la France Insoumise est montée au créneau. D'où la déclaration sentencieuse, ce lundi, de Jean-Luc Mélenchon : « Le vote de non-censure par le Parti Socialiste, consomme son ralliement au gouvernement Bayrou. Le NFP est réduit d'un Parti ! Le PS quittait le Nouveau Front Populaire, après avoir décidé de ne pas sanctionner le gouvernement sur le budget ».
Demain, les Françaises et les Français seront fixés sur le vote ou rejet de la mention de censure.
Dans une déclaration à la presse, la Présidente de LFI, Mathilde Panot, a appelé tous les opposants à voter la censure : « Le budget qu'est en train de présenter Monsieur Bayrou est pire que le Budget présenté par Monsieur Barnier. Et donc mérite la censure ». La cheffe des Ecologistes, Marine Tondelier, se veut moins acerbe. Elle déplore le choix des Socialistes et appelle à l'Union : « Soit on a envie que le NFP meurt, et on répète que c'est la fin toute la journée, soit on décrète que c'est surmontable, et on le surmonte ». Pour l'ancien ministre (Droite), Jean-François Copé, le Président Macron « a joué avec le feu » déclare -t-il sur une chaîne à forte audience. Et de poursuivre : « On ne peut pas tenir comme ça jusqu'à 2027. On est tous victimes de cette dissolution dont on paye le prix aujourd'hui. Il faut organiser la présidentielle, au plus tôt ! ».

Résolue à faire tomber le gouvernement Bayrou, Mathilde Panot a mobilisé la Gauche pour voter 2 motions de censure !

Séquence émotions !

O.H

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Le futur président Donald J. Trump a appelé à la plus importante déportation de l’histoire ds Etats-Unis

4 février, par Solidarity — , ,
Le futur président Donald J. Trump a appelé au « plus grand programme de déportation de l'histoire américaine ». Il s'agit d'une crise sur plusieurs fronts pour des millions (…)

Le futur président Donald J. Trump a appelé au « plus grand programme de déportation de l'histoire américaine ». Il s'agit d'une crise sur plusieurs fronts pour des millions d'immigré·s et leurs familles, d'autant plus que Trump a élargi la catégorie des personnes « expulsables ». Il a même menacé de passer outre la Constitution américaine et de mettre fin à la citoyenneté de naissance, qui a été ajoutée à la Constitution après l'abolition de l'esclavage.

Tiré de NPA 29
30 janvier 2025
USA (Solidarity)

Photo El Gran Paro Americano (la grande grève américaine), Los Angeles, le 1er mai 2006, lorsque plus d'un million d'immigrant·es et leurs sympathisant·es ont protesté contre un projet de loi anti-immigrants au Congrès. De grandes manifestations ont eu lieu à Chicago, New York, Houston et dans de nombreuses autres villes. Le projet de loi n'a pas abouti.

États-Unis : Défendons les immigré·es !

Trump diabolise les immigrant·es, affirmant qu'ils empoisonnent, volent, assassinent et prennent les ressources des citoyens. Si les immigrant·es ont quitté leur pays pour diverses raisons, les récits révèlent le désespoir de ceux qui fuient la guerre, la violence, la pauvreté et les catastrophes climatiques.

De nombreux·ses Américain·es pensent que les immigré·es sans papiers devraient être expulsé·es parce qu'ils se sont faufilés hors de la file d'attente pour demander l'asile. Mais il n'y a pas de file d'attente ordonnée ! Le système est cassé, délibérément.

D'autres peuvent être gêné·es par le fait que le pays se diversifie de plus en plus. En 1965, moins de 5 % de la population était née en dehors des États-Unis, contre 15 % aujourd'hui. En outre, près de 90 % des immigrant·es proviennent de pays non européens. Ce pays a eu des frontières ouvertes pendant la majeure partie de son histoire, mais lorsque des Chinois ont été recrutés pour construire le chemin de fer transcontinental, des lois d'exclusion ont été mises en place.

Revendiquant un mandat, l'administration Trump mettra en œuvre une politique anti-immigration sévère dès le premier jour. Bien que les nouveaux responsables n'aient pas fixé d'objectif quant au nombre de personnes qu'ils prévoient d'expulser au cours de la première année, Stephen Miller, le chef de cabinet adjoint de Trump chargé de la politique, parle avec fermeté de fermer la frontière et de procéder à des déportations massives. Cela ne peut se faire qu'en annulant les différentes catégories dans lesquelles la plupart des immigré·es sans papiers bénéficient d'une protection minimale.

Trump utilisera également le commerce comme monnaie d'échange. Sa menace d'imposer des droits de douane de 25 % sur les produits mexicains et canadiens est sa première tentative pour effrayer les autorités canadiennes et mexicaines et les forcer à patrouiller à leur frontière avec les États-Unis. Un mois avant l'investiture de Trump, le gouvernement canadien a proposé 1,3 milliard de dollars canadiens (913,05 millions de dollars) pour renforcer la sécurité à la frontière, afin de se prémunir contre l'augmentation des droits de douane proposée. (Alors qu'un million de personnes tentent de franchir la frontière sud chaque année, moins de 20 000 franchissent la frontière nord). Pourtant, M. Trump continue d'exacerber la rhétorique en demandant que le Canada devienne le 51e État.

Aujourd'hui, sur les plus de 40 millions de résidents qui ont immigré aux États-Unis, environ 11 millions sont sans papiers. Sur ces 11 millions, près de 90 % travaillent, ce qui représente près de 5 % de la main-d'œuvre totale. De nombreux employeurs et secteurs d'activité cherchent déjà des « solutions de contournement » pour leurs employés, mais il existe un risque évident de lier les immigrant·es à un employeur spécifique.

Et malgré tous les discours sur la fermeture des frontières, deux tiers des 11 millions sont arrivés avec un visa d'étudiant, de travail ou de touriste et ont dépassé la durée de leur séjour.

L'héritage Biden

Alors que Trump a dénoncé le bilan de Biden en matière d'expulsions, la réalité est que Biden a expulsé plus de personnes chaque année de sa présidence que Trump. Au cours du premier mandat de Trump, environ 1,2 million de personnes ont été rapatriées.

Au début de la pandémie de grippe aviaire, Trump a ressuscité le titre 42 pour des raisons de santé, mettant fin à toute possibilité d'asile. Cet ordre général a été en vigueur de mars 2020 à mai 2023, chevauchant les administrations Trump-Biden. En fait, sur les 4 677 540 rapatriés sous Biden, 2 754 120 étaient en réalité exclus en vertu du Titre 42. Néanmoins, c'est Obama qui détient le titre de « Déporteur en chef » pour avoir déporté près de trois millions de personnes au cours de son premier mandat et près de deux millions au cours de son second mandat, pour un total d'un peu moins de cinq millions au cours de ses huit années de mandat.

Alors que l'administration Obama s'est concentrée sur l'expulsion des immigrants qui avaient été condamnés pour un crime, Trump a élargi le champ d'action à tous les immigrants sans papiers. Actuellement, environ 40 000 immigrant·es sont en détention, dont près de 80 % sont hébergés dans des prisons privées (principalement au Texas, dans le Mississippi ou en Californie). Thomas Homan, nommé par Trump pour être en charge de la sécurité des frontières, explique que l'administration commencera par déporter les « criminels ». En réalité, selon des chiffres récents, pas plus de 20 à 33% des personnes déportées sont condamnées pour un quelconque crime.

Si, sur le papier, la politique américaine professe des valeurs humanitaires, la nécessité de réunir les familles et encourage l'emploi, le système d'immigration n'a pas été mis à jour pour faire face à la nouvelle réalité des réfugié·es. Voici un aperçu de certaines de ces réalités.

Environ 1,6 million de demandeur·ses d'asile attendent que leur dossier soit examiné. Le temps d'attente moyen est de 4,3 ans. En vertu du droit international, l'asile devrait être accordé à ceux qui craignent de subir un préjudice crédible de la part de l'État s'ils sont renvoyés dans leur pays, mais le gouvernement américain rejette la plupart des demandes d'asile. En 2020, par exemple, l'administration Trump n'en a approuvé que 15 000.

Trois à quatre millions d'autres immigrant·es sont également en attente d'une audience. Lorsque les services de l'immigration et des douanes (ICE) jugent que ces personnes sont en sécurité, ils les remettent à leur famille ou les obligent à s'inscrire à des programmes de surveillance. Développés par l'industrie pénitentiaire privée, ces programmes comprennent les SmartLINKS et les moniteurs de cheville et de poignet.

Au moins 700 000 citoyen·nes de 17 pays différents ayant connu des guerres ou des catastrophes environnementales ont obtenu un statut de protection temporaire (TPS). Ce statut, d'une durée de six à dix-huit mois, est souvent renouvelé. Les demandeurs bénéficiant du TPS reçoivent un permis de travail et sont protégés contre l'expulsion. Si le secrétaire à la sécurité intérieure décide de ne pas renouveler le TPS pour un pays donné, les personnes concernées retrouvent leur statut antérieur. Quatorze des 17 pays devaient faire l'objet d'un renouvellement en 2025, mais M. Biden a reporté la date limite à 2026. Trump a qualifié plusieurs de ces pays, dont Haïti, de « pays de merde ».

Environ 530 000 jeunes sans-papiers qui sont arrivé·es aux États-Unis lorsqu'ils ou elles étaient enfants ont bénéficié d'une protection temporaire dans le cadre du programme DACA (Deferred Action for Childhood Arrivals, Action différée pour les arrivées d'enfants). Cette politique a été mise en œuvre par l'administration Obama en juin 2012 après plusieurs sit-in et manifestations impressionnants de jeunes immigrés. Comme le TPS, elle fournit une autorisation de travail et protège les bénéficiaires de l'expulsion. Pourtant, les bénéficiaires du DACA n'ont pas de statut légal ni de voie d'accès à la citoyenneté. En fait, il y a jusqu'à trois millions de « Dreamers » qui n'ont pas déposé de demande alors que le DACA acceptait encore des candidats. Bien que ce programme soit populaire auprès d'une majorité d'Américains, il pourrait être supprimé par une décision de la Cour suprême ou par Trump.

Déjà 1,3 million de personnes ont reçu des mesures d'éloignement, mais leur pays n'a pas accepté leur retour. L'équipe de Trump s'efforce de trouver des pays tiers disposés à les accueillir.

Le plan de l'administration entrante ciblera probablement les hommes immigrés – de préférence célibataires – dans les villes où ils peuvent être arrêtés et expulsés : Chicago, Denver, Houston, Los Angeles, Miami, New York, Philadelphie et Washington. L'objectif est de les expulser rapidement avant qu'ils ne puissent faire l'objet d'une action en justice. En 2013, l'ACLU a rapporté que 83 % des personnes expulsées n'avaient pas vu leur affaire entendue par un juge.

Mais même si l'administration Trump ne peut pas expulser toutes les personnes arrêtées, le gouvernement pourrait les retenir en développant rapidement le « soft housing » : Un ancien fonctionnaire a déclaré qu'ils pourraient préparer 25 grands magasins fermés avec des lits de camp, des Port-a-Potties et un approvisionnement alimentaire de base dans les 90 jours. Le gouvernement du Texas a déjà offert 70 terrains de football pour ce type d'hébergement.

Un autre problème auquel se heurte un plan d'expulsion gouvernemental est que les 4,6 millions d'immigrés sans papiers vivent dans des familles à « statut mixte ». Comme certains de leurs membres sont citoyens américains, ces familles ont plus de chances de contester l'expulsion. Une étude portant sur les communautés ayant subi des perquisitions massives sur leur lieu de travail a révélé un traumatisme important au sein de la communauté. Mais la réponse de Tom Homan à une question de CBS News sur la possibilité de procéder à des expulsions massives sans séparer les familles a été froide : « Les familles peuvent être expulsées ensemble ».

Le Conseil américain de l'immigration a estimé que « l'arrestation, la détention, le traitement et l'expulsion d'un million de personnes par an » coûterait 88 milliards de dollars par an. Le Conseil conclut également que les déportations massives réduiraient le PIB américain de 4,2 à 6,8 %, soit de 1,1 à 1,7 billion de dollars (en dollars de 2022) par an. (Le comité éditorial du New York Times a publié un long article soulignant que l'économie américaine a besoin de 1,6 million d'immigrant·es par an pour maintenir sa croissance économique. Il concentre ses suggestions sur un processus ordonné par lequel le monde fournirait aux États-Unis ses membres les plus jeunes et les plus résistants. Les rédacteurs du Timesont commencé l'article en appelant à un renforcement de la « sécurité » aux frontières).

D'après ce que nous savons des précédentes déportations massives dans les années 1930 et 1950, certains immigrant·es se sentiront si peu sûrs d'eux qu'ils s'expulseront d'eux-mêmes. Le Conseil américain de l'immigration estime que l'auto-déportation représente environ 20 % du total, mais je pense que le chiffre pourrait être beaucoup plus élevé – plus proche de 75 %. Une grande partie de la rhétorique de Trump à l'encontre des immigrés pourrait viser à les effrayer pour qu'ils partent.
La menace

Voici quelques-uns des moyens utilisés par le projet 2025 pour mettre en place un plan de déportation :

• La mise en place d'une machine à expulser à l'échelle nationale : Le projet prévoit d'autoriser l'ICE à recourir à l'« expulsion accélérée » contre les immigré·es trouvé·es n'importe où dans le pays. Outre les descentes sur les lieux de travail, il permettrait des descentes dans les écoles, les hôpitaux et les institutions religieuses. L'administration tentera d'utiliser l'Alien Enemy Act de 1798 pour mener à bien son projet, une absurdité puisque les États-Unis ne sont en guerre avec aucun autre pays et qu'il n'y a donc pas d'« étrangers ennemis ». Trump a également laissé entendre qu'il pourrait déclarer une urgence nationale.

• Militarisation des frontières : Le projet 2025 prévoit « l'utilisation de personnel et de matériel militaires » pour empêcher les passages aux frontières. Cela signifie davantage de surveillance et de murs. (Pour 2025, l'ICE dispose d'un budget de 350 millions de dollars, soit 30 millions de plus que l'année précédente. Mais ce budget est insuffisant pour le projet de Trump).

• L'expansion des centres de « détention » des immigrant·es : Le projet prévoit de plus que doubler le nombre d'immigré·es détenu·es alors qu'ils/elles sont menacé·ees d'expulsion. Actuellement, environ 50 000 d'entre eux et elles sont emprisonné·es, la plupart dans des centres privés, d'autres dans des prisons.

• Élimination de programmes : tels que les Programmes de Statut de Protection Temporaire pour les personnes venant de pays où il y a une catastrophe naturelle ou un conflit armé. Établi par le Congrès en 1990, il légalise actuellement le statut de personnes originaires de 16 pays différents pour une période de temps spécifique et renouvelable.

Les groupes les plus importants sont les suivants : 350 000 Vénézuélien·nes, 200 000 Haïtien·nes et 175 000 Ukrainien·nes. Ces personnes ont un statut légal et peuvent travailler tant que le programme est renouvelé. Trump a tenté de se débarrasser du programme au cours de son premier mandat, mais il en a été empêché par une action en justice de l'ACLU. Il ne fait aucun doute qu'il essaiera à nouveau. Le programme DACA pourrait être une autre cible. D'autres programmes pourraient être renforcés, comme les visas H-B1 qui permettent l'entrée de travailleurs étrangers qualifiés, les visas H-B2 qui couvrent les travailleurs à bas salaire, en particulier les travailleurs agricoles et les travailleurs de l'industrie hôtelière (tels que ceux utilisés par les entreprises Trump), ou les visas de regroupement familial. Des factions des partisans MAGA de Trump se disputent le programme HB-1.

• Rendre obligatoires les programmes de vérification du travail : Le projet 2025 étendrait E-Verify, un système mal organisé destiné à prouver que les employés ont le droit de travailler aux États-Unis. Les secteurs de l'agriculture, de la construction et de l'hôtellerie dépendent de la main-d'œuvre immigrée et cherchent déjà des exceptions pour pouvoir continuer à fonctionner.

• L'enchevêtrement des contrôles locaux et fédéraux : Le projet 2025 appelle à l'extension de la participation des polices locales et d'État à l'application des lois fédérales sur l'immigration. Ceux qui s'y refusent risquent de se voir refuser tout financement fédéral, y compris pour les écoles qui enregistrent et éduquent les enfants d'immigrés. Les villes, comtés et États « sanctuaires » qui coopèrent peu avec l'ICE seront sans aucun doute visés.

Que pouvons-nous faire ?

Il existe un certain nombre d'organisations et de syndicats dans tout le pays qui œuvrent depuis des années pour la justice envers les immigré·es. Les socialistes peuvent contribuer à la mise en place de campagnes de soutien à celles et ceux qui ont fui leur pays à cause de la guerre, de la violence – notamment sexuelle -, du manque de travail ou des ravages du changement climatique.

En particulier depuis que la communauté immigrée s'est mobilisée pour rejeter le projet de loi Sensenbrenner, entre 2006 et 2008, les syndicats soutiennent de plus en plus les droits des immigré·es. Les syndicats qui comptent un nombre important de travailleur·ses immigré·es sont notamment SEIU, HERE et UE, et ils ont aidé l'AFL-CIO à les soutenir également. Comme l'a fait remarquer Liz Shuler, présidente de l'AFL-CIO, « Un·e immigré·e ne s'interpose pas entre vous et un bon emploi, c'est un milliardaire qui le fait. C'est un milliardaire qui le fait ».

Les délégations syndicales au Congrès ont insisté sur le fait que la frontière est une distraction par rapport aux problèmes du lieu de travail. Elles soulignent que tous les travailleurs, quel que soit leur statut en matière d'immigration, devraient avoir accès à la pleine protection des lois sur le travail et l'emploi. C'est l'absence d'une telle protection qui crée une « économie souterraine », source d'exploitation et de conditions de travail dangereuses pour ceux qui n'ont pas de statut légal.

Voici quelques suggestions sur la manière dont nous pouvons protéger les personnes sans statut légal :

Les campagnes doivent indiquer clairement aux fonctionnaires que nous nous opposons à ce que les gouvernements locaux et nationaux collaborent avec les autorités fédérales pour mettre en œuvre leurs plans d'expulsion.

Nous devons soulever l'injustice du système d'immigration, qui est conçu pour « échouer », dans nos syndicats et nos organisations communautaires. Cela signifie des discussions individuelles, en soulevant la question de manière concrète lors de réunions et de conférences.

Début janvier, Labor Notes a organisé une réunion en ligne pour les syndicalistes, à laquelle ont participé plus de 200 personnes. Un article citait cinq façons d'aider les membres et incluait le guide du National Immigration Law Center à l'intention des employeurs pour prévenir la persécution des travailleurs, qui suggérait des demandes contractuelles concrètes que le syndicat pourrait proposer. Contrairement à la diabolisation des immigré·es par Trump, notre message de solidarité considère que nos voisins et nos collègues contribuent à construire une société plus forte et plus saine. Ils ont fui des conditions difficiles, souvent à cause des politiques de Washington.

Dans nos communautés, nous devons trouver des moyens de faire savoir aux sans-papiers que nous les soutenons.
Cela peut prendre la forme de « veilles communautaires », en s'assurant que leurs enfants sont protégés, et d'autres méthodes d'accompagnement.

Publié le 14 janvier 2025 par Solidarity

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Afrique du Sud, l’indignité d’une politique

4 février, par Paul Martial — , ,
Les autorités sud-africaines n'ont pas hésité à provoquer la mort de dizaines de personnes en assiégeant les mineurs clandestins. Tiré de NPA 29 « Vala Umgodi » est le (…)

Les autorités sud-africaines n'ont pas hésité à provoquer la mort de dizaines de personnes en assiégeant les mineurs clandestins.

Tiré de NPA 29

« Vala Umgodi » est le nom du projet du gouvernement sud-africain. En langue nguni, cela signifie « boucher les trous » et dans la réalité le projet vise avant tout les mineurs illégaux qui continuent d'exploiter des mines ­abandonnées parce que jugées non rentables.
Affamer les mineurs

Les forces de police se sont positionnées à l'entrée de la mine aurifère de Stillfontein dans le but d'arrêter les mineurs clandestins depuis août 2024. Ils étaient plusieurs centaines. Elles ont ainsi empêché le ravitaillement en nourriture et en eau des mineurEs par les habitantEs des townships ­environnants afin de les obliger à sortir.

Par peur d'être arrêtés, mais aussi sous la menace des gangs qui contrôlent la mine, les « zama zamas » (« ceux qui tentent leur chance » en zoulou) sont restés bloqués pendant des semaines. Les volontaires sont descendus dans la mine et ont expliqué que les mineurs étaient désormais bien trop faibles pour remonter à l'aide des cordages comme ils en avaient l'habitude. Ils ont aussi demandé que les morts puissent être évacués. Ces demandes se sont heurtées à l'intransigeance des autorités expliquant que ce n'était pas à la police de récupérer « les dépouilles des criminels ».

Certains responsables de l'ANC ont parlé d'enfumer les mineurs, la porte-parole du gouvernement Khumbudzo Ntshavheni déclarait : « Nous allons les asphyxier, ils vont remonter. Les criminels ne doivent pas recevoir d'aide, ils doivent être persécutés ». Il a donc fallu une décision de justice pour obliger le gouvernement à mettre en place un système de sauvetage pour extraire les travailleurs qui sont dans un état de faiblesse extrême, le 13 janvier. Le bilan est terrible puisque l'on décompte 87 morts.
Politique anti-ouvrière

Préférant mener une politique libérale, les dirigeants de l'ANC sont incapables de répondre aux besoins sociaux des populations. Ils n'hésitent pas alors à utiliser des boucs émissaires comme les populations immigrées ou criminaliser ceux qui luttent.

Une stratégie qui n'est pas nouvelle, puisque déjà le gouvernement en 2012 avait traité de hors-la-loi les mineurs grévistes de Marikana, justifiant une répression faisant 34 morts.

Les caciques de l'ANC se réfugient derrière le respect de la légalité, comme le ministre des Mines, Gwede Mantashe, en affirmant : « C'est un crime contre l'économie, c'est une attaque contre l'économie », pour justifier cette politique indigne, alors que la plupart sont éclaboussés par des scandales de corruption et de détournement de fonds.

Les « zama zamas » sont avant tout des travailleurs pauvres qui tentent de récupérer quelques minerais pour faire vivre leur famille.

La seule solution qui vaille est de régulariser cette activité, ce que d'ailleurs beaucoup de pays africains ont fait. Cela aurait l'avantage de soustraire ces travailleurs aux mafias locales en favorisant leur auto-organisation.

Paul Martial

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C’est la fin de la vendetta RNC contre la Coalition sortons les radios-poubelles

4 février, par La Coalition sortons les poubelles de Québec — , ,
RNC abandonne sa chasse aux fantômes. RNC Média, pourtant très pressée de se vanter de sa poursuite bidon et de ses recherches pointues pour nous trouver (ahem ahem) ne s'est (…)

RNC abandonne sa chasse aux fantômes. RNC Média, pourtant très pressée de se vanter de sa poursuite bidon et de ses recherches pointues pour nous trouver (ahem ahem) ne s'est pas félicitée de son fiasco.

Alors que le 30 janvier devait être une date pour préparer le procès, voilà que ce sont plutôt des désistements et règlements sans préjudice qui sont survenus la semaine précédente, sans tambour ni trompette.

Depuis juin 2021, l'entreprise médiatique persécutait judiciairement deux pauvres bougres qu'elle croyait liés à la Coalition ; par la suite, elle a ajouté 3 autres personnes tombées des nues.

RNC tentait de lever l'anonymat de la Coalition en instrumentalisant les tribunaux, croyant que ça ne serait qu'une formalité.

Mais les mesures de sécurité de la Coalition ont tenu le coup. La sauvegarde de notre identité est indemne.

C'est une bonne nouvelle pour la liberté et la démocratie. Ça signifie que de simples citoyens et citoyennes peuvent critiquer une entreprise à condition de prendre de solides précautions afin de se protéger.

Mais des personnes innocentes ont quand même vécu un important stress, et ont été prises en otage par les poursuites judiciaires de RNC.

Comme l'ont rappelé plusieurs juges, l'anonymat est une composante essentielle de l'exercice de la liberté d'expression.

La sécurité des membres de la Coalition était menacée. Depuis plus de 25 ans, la radio-poubelle met en danger les gens qui la dénoncent. Durant les années du harcèlement par Radio X, le lecteur de nouvelles Pierre Jobin a développé une grave dépression. Sophie Chiasson a perdu sa carrière et a tenté de se suicider. Encore aujourd'hui, les noms et adresses de boucs émissaires sont révélés en ondes, jetés en pâture aux laquais décérébrés et violents de la radio-poubelle.

Ce média n'a jamais été crédible ni fiable. On l'a toujours dit. Radio X, l'officine de RNC à Québec, n'a plus aucun garde-fou, aucune limite. C'est la base pour les porte-paroles et représentants des Trump, Poutine et autres dangers de ce monde.

Radio X n'est plus seulement une radio-poubelle, dans le contexte actuel, c'est une radio d'égout. Elle célèbre l'élection de leur président champion Donald Trump.

Mais leur fiesta reste ombragée par notre petite victoire.


La Coalition sortons les radio-poubelles de Québec

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L’organisation des anarchistes en Ukraine – le point de vue d’un activiste local

Présentation par Robert : Un document important qui nous vient d'un chercheur danois, Bjarke Friborg, travaillant sur le mouvement ouvrier, donne la parole ici à un militant (…)

Présentation par Robert :

Un document important qui nous vient d'un chercheur danois, Bjarke Friborg, travaillant sur le mouvement ouvrier, donne la parole ici à un militant libertaire ukrainien, dont l'identité n'est pas dévoilée. Il brosse un tableau de l'activité des groupes libertaires en soutien à leurs camarades soldats sur le front, qui appartiennent à la gauche anti-autoritaire et au syndicalisme indépendant. Ce témoignage fournit des éléments d'informations très intéressants sur la gauche ukrainienne en général. Au début du conflit il y avait une division entre les pacifistes, ceux qui soutenaient une démarche diplomatique et le soutien à une résistance armée contre l'envahisseur. Les pacifistes regardaient avec méfiance la militarisation du corps social, la déclarant porteuse de valeurs antidémocratiques. Mais le caractère même de l'offensive militaire du régime de Poutine a fait que les deux courants se sont unis pour se défendre par les armes, ou pour répondre ici aux besoins de leurs camarades montés au front.

Nous avions publié précédemment l'interview de Maxim Butkevitch , libertaire et antimilitariste, expliquant son évolution politique. Il expliquait d'ailleurs que, lorsque la guerre se terminerait, il ne manquera pas de revenir à ses options de militant libertaire. Si, dans le combat de l'opposition russe se manifeste, malgré le caractère dictatorial du régime, des voix qui pensent la Russie d'après Poutine, en Ukraine se dégagent aussi des forces qui posent la question de la reconstruction du mouvement ouvrier. Le militant parle de six à sept projets politiques de gauche, dont l'un envisageant la construction d'un parti de gauche.

Document

Les anarchistes ukrainiens sont parmi les plus actifs de l'aile gauche du pays. Dans cette interview, Ksusha de Kiev parle de ce que la guerre a signifié pour elle et pour le mouvement, et des perspectives d'avenir pour une Ukraine libre.

Tout d'abord, j'aimerais vous parler de mon parcours et de moi-même. Je m'appelle Ksusha et je suis un anarchiste d'Ukraine. Je vis actuellement à Kyiv, où je suis actif dans les collectifs de solidarité. Mon intérêt pour les idées anarchistes est né lors du soulèvement de Maïdan de 2013 et 2014 à Kharkiv, où je suis né et où je vivais à l'époque.

Dans la période post-Maïdan, lorsque la Russie a attaqué Louhansk et Donetsk – et en réponse à la première vague de réfugiés de la région – les anarchistes de Kharkiv ont entrepris de transformer un bâtiment occupé en résidence temporaire pour certains réfugiés. L'objectif était de les aider à se remettre sur pied et de pouvoir leur proposer rapidement un logement.

Un ami qui était membre d'un collectif anarchiste m'a invité à participer à la rénovation du bâtiment. C'est ainsi que je me suis impliqué dans les activités anarchistes. Dès lors, j'ai participé continuellement à des projets anarchistes et à diverses actions et manifestations contre l'État policier. Je suis également devenu membre d'un groupe éco-anarchiste qui luttait contre les projets de construction et la déforestation, participait à des actions contre la production de fourrure et organisait des marchés aux puces gratuits.

C'est ainsi que se sont déroulées les six années suivantes. Puis j'ai déménagé à Kiev, et mon activité anarchiste a diminué parce que je n'ai pas trouvé de collectif approprié. Lorsque la guerre à grande échelle a commencé en 2022, je n'avais toujours pas de liens actifs avec les anarchistes locaux. Ce n'est qu'environ un mois plus tard que j'ai pris contact avec un gars qui m'a présenté une initiative organisée par des anarchistes appelée Opération Solidarité. L'intention était de soutenir les camarades qui étaient allés au front.

Les personnes que nous soutenions appartenaient largement à la gauche anti-autoritaire, incluant des socialistes, des anarchistes, des punks, des antifascistes, des féministes – tous avec des opinions progressistes et de gauche. Ce fut le début de mon travail actif au sein du collectif. Plus tard, l'Opération Solidarité s'est scindée en deux, mais la plupart des militants se sont rapidement regroupés sous le nom de Collectifs de Solidarité.

Soutien aux anti-autoritaires et aux syndicalistes au front

Je voudrais maintenant vous parler un peu plus du groupe Collectifs Solidaires et de ses activités. Les collectifs de solidarité sont principalement constitués d'anarchistes et leurs activités sont divisées en trois domaines principaux.

Le premier axe est consacré au soutien militaire aux figures anti-autoritaires qui sont au front. Nous fournissons des vêtements, du matériel de premiers secours tactiques, des technologies comme des talkies-walkies et des lunettes de vision nocturne, ainsi que des tablettes, des ordinateurs portables, des voitures et même des avions et des drones coûteux – en bref, tout ce dont les soldats ont besoin mais que l'armée ne peut pas fournir.

L'armée souffre toujours d'importantes pénuries de fournitures pour les soldats, et une très grande partie de l'équipement de base nécessaire provient de volontaires civils. Les personnes qui soutiennent leurs amis, leur famille, leurs connaissances et leurs collègues qui participent à la guerre ont créé un vaste réseau d'entraide.

Collectifs Solidaires fait partie de ce réseau, mais avec la différence que nous soutenons exclusivement des individus anti-autoritaires. Nous soutenons actuellement 80 à 100 personnes, dont des anarchistes, des antifascistes, des punks, des éco-anarchistes, des féministes, des BZers, des personnes LGBTQ+ et des militants syndicaux. Le nombre de camarades que nous soutenons a considérablement augmenté au fil du temps.

Le deuxième domaine est l'aide humanitaire . Nous soutenons les personnes qui souffrent des conséquences directes de la guerre : celles qui ont perdu leur maison ou qui ne reçoivent pas d'aide de l'État pour leurs besoins de base, comme les médicaments ou l'équipement technique dont elles ont besoin.

Nous participons à des projets où nous réparons des maisons, par exemple dans la région de Kherson, où les inondations ont causé d'énormes dégâts après que les forces russes ont détruit le barrage de Kakhovka. Nous aidons les écoles dans les zones de guerre en leur fournissant, entre autres, des ordinateurs portables à usage éducatif. Chaque mois, nous visitons les zones proches des lignes de front pour aider les habitants d'une manière ou d'une autre.

Le troisième domaine est le travail médiatique . Le but de notre groupe média est de mettre en lumière les activités des anti-autoritaires pendant la guerre. Au lieu d'être marginalisés, nous voulons faire partie de la société, communiquer nos activités à l'extérieur, être en contact avec nos camarades de l'Ouest et rendre compte de notre travail.

Un réseau d'action pour la survie

Les Collectifs de Solidarité ne sont pas une entité centralisée. Il a toujours été important pour nous de fonctionner en réseau. Nous travaillons avec un large éventail de personnes.

Certains ont un potentiel politique et prévoient de créer une organisation ou un projet, tandis que d'autres ont déjà des projets politiques en cours. Certains ont déjà été actifs, par exemple en organisant des manifestations et en ouvrant des centres sociaux, mais dans cette situation de guerre, ils ont choisi de se concentrer sur leurs tâches immédiates. Nous ne sommes donc pas limités à soutenir uniquement les camarades politiquement actifs qui construisent actuellement quelque chose de social.

Ce qui est important pour nous, c'est l'action décentralisée, le soutien aux projets politiques et une saine volonté d'aider, mais nous n'excluons pas ceux qui ne sont pas actifs politiquement en ce moment ou qui ne planifient rien pour l'avenir. Nous avons été critiqués pour cela, mais notre priorité initiale était d'aider nos camarades à survivre à cette guerre.

Les collectifs de solidarité tentent d'obtenir des résultats en collaborant avec les syndicats. C'est un domaine sur lequel nous mettons particulièrement l'accent car le travail syndical n'est pas très populaire aujourd'hui. Avec les réformes néolibérales en Ukraine, l'ensemble du mouvement risque d'être réprimé, mais nous essayons de soutenir les projets restants et ceux qui sont actifs professionnellement.

Nous n'avons pas de ressources pour d'autres formes d'activités sociopolitiques. Cependant, toutes nos actions peuvent être considérées comme politiques. Lorsque nous soutenons les militants syndicaux, cela affecte la lutte pour les droits des travailleurs et constitue une manière d'entraver les réformes néolibérales qui prévalent actuellement en Ukraine. Mais l'entraide entre camarades au front et le soutien aux communautés locales sont certainement aussi politiques.

Les anarchistes dans l'armée

Je vais maintenant essayer de répondre à la question sur l'organisation des anarchistes dans l'armée ukrainienne.

Au début de la guerre à grande échelle, plusieurs camarades ont convenu de créer une organisation unifiée qui pourrait réunir tous les individus anti-autoritaires combattants en Ukraine en une seule unité, qu'il s'agisse d'un groupe, d'une entreprise ou de quelque chose de plus grand. Ces rêves existent toujours. Au moins un camarade travaille toujours activement à la réalisation de cette idée, et d'autres anarchistes l'espèrent également.

Cependant, après avoir discuté avec plusieurs camarades de l'armée, je suis arrivé à la conclusion qu'il est beaucoup plus durable d'avoir une centaine de camarades répartis sur une ligne de front de mille kilomètres. Ils ont lancé de petits projets dans différentes unités et plantent ainsi les graines de méthodes collaboratives anti-autoritaires partout où ils se trouvent.

Tout d'abord, c'est beaucoup plus sûr. Si une équipe anarchiste de près de 50 personnes était envoyée dans le combat le plus intense, il serait très probable que l'équipe entière soit anéantie.

Dans tous les cas, l'unité des camarades ferait partie de l'armée ukrainienne, car des unités indépendantes ne peuvent pas exister dans une guerre de cette nature, où nous nous défendons contre une invasion à grande échelle. Ce n'est pas une guerre de guérilla. Il n'est pas possible d'être une force armée dans cette guerre sans être sous le contrôle de l'armée ukrainienne.

Bien sûr, je ne suis pas contre une entité anti-autoritaire par principe – au contraire, cela semble fantastique. Mais lorsque l'unité a été créée au cours des premiers mois de la guerre à grande échelle, la plupart des anti-autoritaires et des anarchistes n'avaient qu'une expérience de la vie civile, et nous n'avions aucune formation militaire.

Presque aucun des fondateurs de l'unité anti-autoritaire n'avait d'expérience en matière de coopération avec l'armée ukrainienne ou d'organisation d'unités et d'opérations militaires. Il n'y avait aucun lien avec ce genre de structures. Dans l'ensemble, nous avions de mauvaises cartes en main. Quand la guerre a commencé, nous n'étions pas prêts.

L'unité anti-autoritaire n'a pu être créée que grâce à un commandant bienveillant, Youri Samoilenko. Il avait des liens avec les Forces de défense territoriale, qui organisaient des volontaires au sein des forces armées ukrainiennes. Au sein de ces forces, Samoilenko a réussi à organiser une sorte de sous-unité.

Cependant, le groupe a été entravé par l'attitude des hauts dirigeants de l'armée. Le groupe n'a pas pu développer ses compétences ni participer aux batailles, même si la majorité le souhaitait. Les gens ont donc commencé à se disperser dans différentes unités.

Germes anti-autoritaires

Maintenant que deux ans et demi se sont écoulés depuis le début de la guerre à grande échelle, nous avons environ trois projets prometteurs.

Je n'entrerai pas dans les détails sur où et comment ils ont été formés. Des camarades anti-autoritaires se sont établis dans les unités dont ils font partie. Ils ont des gens à différents niveaux dans l'armée, des relations, une compréhension des opérations de guerre et des connaissances sur la façon de travailler avec les gens dans l'armée. Une compréhension a été obtenue de ce qui peut être développé et de ce qui peut être dangereux. Dans l'ensemble, une combinaison de compréhension et d'expérience a été obtenue.

Les projets se développent progressivement et des individus antiautoritaires les rejoindront de plus en plus à l'avenir, y compris depuis l'étranger. Les projets ne sont pas aussi vastes que ceux que souhaitaient les fondateurs de l'entité anti-autoritaire, mais ils sont viables dans des conditions de guerre. Ce sont des modes d'organisation qui progressent lentement mais sûrement.

À mon avis, la pratique est plus importante qu'un plan politique ambitieux et bien ficelé. Les petits projets au sein de l'armée sont quelque chose qui nous est possible, et nous pouvons les développer avec les forces dont nous disposons.

En ce qui concerne les nuances des formations militaires anarchistes en Ukraine, il faut tenir compte du fait qu'au siècle dernier, l'Union soviétique a détruit toute la culture politique anarchiste par la répression, la terreur et la famine.

De plus, le mot « gauche » est aujourd'hui diabolisé en Ukraine. De gauche, rouge, communiste : pour beaucoup, tout est associé au communisme soviétique. Notre mouvement anarchiste est donc assez jeune comparé, par exemple, au mouvement anarchiste espagnol ou au mouvement de libération du Kurdistan.

L'activité anarchiste est liée à la gauche libertaire, qui en Ukraine n'existe que depuis 20 à 30 ans. Tout devait être reparti de zéro, et il n'était pas possible de s'appuyer sur un contexte existant ou sur des institutions fonctionnant depuis longtemps. Lorsque nous lançons des projets dans l'armée ou dans la société civile, nous sommes confrontés à une diabolisation de nos idées. Il y a de la méfiance à notre égard : « Les gauchistes, ce sont des communistes. Les communistes, c'est ça l'Union soviétique. Et l'Union soviétique est un grand traumatisme ».

C'est un véritable exploit que, malgré de tels obstacles, nous ayons aujourd'hui une centaine de personnes dans l'armée. Ce n'est pas un grand nombre, mais ils créent et développent des projets là-bas. Bien sûr, ce sont des projets qui sont encore beaucoup plus jeunes que le mouvement lui-même, mais j'ai confiance en leur potentiel car ils ont rapidement pris de l'ampleur. Au cours des deux dernières années, quelques groupes ont connu une évolution prometteuse.

Ce que la guerre nous a appris

Je voudrais vous parler un peu de ce que nous avons appris de l'époque d'avant la guerre. La situation est peut-être similaire à celle d'autres pays limitrophes de la Russie ou de la Biélorussie, comme la Finlande, les pays baltes et la Pologne.

Avant le début de cette guerre à grande échelle, la société ne comprenait pas que nous pourrions être attaqués avec une telle force. Personne n'aurait pu imaginer quelque chose d'aussi vaste et sanglant que l'attaque qui a débuté en 2022.

À mon avis, le mouvement de gauche de l'époque était divisé en deux camps. On prévoyait une certaine forme d'escalade militaire, mais pas une guerre à grande échelle. On pensait que la guerre à Louhansk et dans le Donbass pourrait s'étendre. Mais je ne pense pas que quiconque s'attendait à des attaques de missiles, à des sabotages d'infrastructures et à des attaques venant de toutes les directions. Ceux qui s'attendaient à un certain degré d'escalade mettaient en pratique des compétences tactiques et croyaient que la société devait investir dans la préparation à la guerre et que les gens devaient se préparer en acquérant des compétences militaires et de premiers secours.

L'autre camp, en revanche, considérait l'escalade comme peu probable et avait une attitude extrêmement négative à l'égard de tout ce qui ressemblait à une militarisation. Selon eux, la préparation militaire et la préparation militaire constituaient un soutien à des valeurs profondément antidémocratiques. Ce camp plus pacifiste voyait des traits autoritaires dans l'acquisition de compétences militaires. À leurs yeux, l'Ukraine ne doit pas être militarisée, car cela provoquerait en soi de la violence, et le mouvement ne doit pas s'orienter vers la capacité d'agir militairement.

Ce camp voulait se concentrer sur la résolution des problèmes internes de l'Ukraine – sur la lutte contre le néolibéralisme et contre l'extrémisme de droite.

De cette façon, le mouvement était caractérisé par deux ailes différentes jusqu'à ce que Poutine annonce qu'il utiliserait la force militaire contre l'Ukraine. C'est là que les deux groupes se sont réunis. La veille du début de l'invasion à grande échelle, une réunion conjointe a eu lieu sur la manière de procéder en cas d'attaque. Je dois dire que le mouvement s'est préparé assez tard au type de guerre à laquelle nous étions confrontés.

Tant ceux qui réclamaient une préparation que ceux qui s'y opposaient n'étaient pas préparés. Le groupe qui avait participé aux exercices avait peut-être des compétences militaires de base, mais il n'était pas préparé aux frappes aériennes et aux tirs d'artillerie. Les connaissances qu'ils avaient étaient peut-être plus adaptées à la guérilla.

Sur cette base, on peut peut-être conclure que dans les pays voisins de la Russie en Europe, où les gens vivent actuellement en paix, il est nécessaire de reconnaître que la Russie est un État impérialiste – un agresseur qui essaie de tout résoudre par la force plutôt que par la diplomatie. Il ne faut pas exclure la possibilité que le pays dans lequel on vit soit exposé au même terrorisme que l'Ukraine.

L'extrême gauche doit se préparer

Il est absurde de rêver d'une autodéfense par la démocratie et par des moyens diplomatiques lorsqu'il s'agit d'un État comme la Russie. Les histoires de pacifisme et de paix et les discours sur la nécessité d'éviter de provoquer la violence ne fonctionnent pas face à un agresseur violent.

S'il existe un intérêt pour l'autodéfense parmi les camarades en Finlande, dans les pays baltes ou en Pologne, je dirais qu'une certaine forme de préparation pratique et d'acquisition de connaissances théoriques peut avoir des effets positifs. La pratique des premiers secours, la participation à des cours de défense publique, la construction de drones et de nombreuses autres activités civiles peuvent créer une bonne base pour être prêt à agir en cas d'attaque.

Les militants de gauche en Ukraine, qui pratiquaient des compétences tactiques et suivaient des cours de premiers secours, n'étaient certainement pas préparés à l'attaque massive russe, mais ils avaient néanmoins une certaine expérience et une certaine préparation qui leur ont permis de rejoindre des unités militaires spécialisées. Ils avaient une longueur d'avance sur ceux qui rejoignaient la défense sans aucune connaissance ou compétence de base.

Ils étaient nombreux dans ce dernier groupe. Mais certains avaient déjà mis en pratique leurs compétences tactiques sur différents types de terrain. Des exercices comprenant le maniement des armes, les techniques de mouvement, le camouflage et d'autres compétences de base qui offraient certainement un avantage par rapport à l'absence de connaissances en combat armé.

Une certaine forme de préparation mentale peut également être utile. Si vous ne rejetez pas simplement la possibilité qu'une attaque puisse être dirigée contre vous, vos communautés et votre pays, vous pouvez vous préparer à l'avance à assumer un rôle qui n'est pas celui de la victime, du réfugié ou du destinataire passif. , mais plutôt quelqu'un qui participe à la résistance.

« Qu'as-tu fait pendant la guerre ? »

Certains camarades justifient leur participation à la guerre en arguant qu'elle nous donne des « points » sociaux qui nous prépareront mieux pour l'avenir. Nous pouvons dire que nous avons également participé à la guerre, et nous en serons reconnaissants.

Nous partons du principe que la guerre prendra fin un jour et que le temps viendra de promouvoir le changement social et de lancer des projets sociaux. On nous demandera : « Et qu'avez-vous fait pendant la guerre ? » « Quelle a été votre contribution ? »

Il se peut que dans la société d'après-guerre, des tendances désagréables apparaissent, selon lesquelles ceux qui ont participé aux activités militaires s'élèvent plus haut dans la hiérarchie et sont plus valorisés que les civils et les réfugiés.

L'idée selon laquelle nous participons à la guerre pour être visibles et obtenir le droit d'agir dans une société d'après-guerre repose sur l'hypothèse que l'Ukraine évoluera vers une direction plus hiérarchisée et militarisée. Je ne dis pas que cela n'arrivera pas, et je ne nie pas qu'aller à la guerre, soutenir les soldats et aider les civils qui souffrent pendant la guerre puisse, pour ainsi dire, fournir des arguments politiques pour des actions futures.

Mais pour moi, tant personnellement qu'en tant qu'anarchiste, c'est la pratique qui me motive : la pratique de la création de relations horizontales, la pratique du présent. Je considère personnellement l'entraide – même à plus petite échelle – comme une activité politique et une réalisation de la philosophie de l'anarchisme. Je ne veux pas m'enfermer dans des théories et des considérations sur ce qui est bien et ce qui est mal à faire dans cette situation.

Lorsque vous ressentez le besoin d'aider vos camarades et les personnes touchées par la guerre, il est très humain de vouloir participer à des activités de soutien et de décider de contrer les valeurs anti-humaines que représente le régime agresseur.

Espoir pour l'avenir

Je dirais que la petite réalité – les collectifs de solidarité – que nous créons actuellement et que nous avons expérimentés nous-mêmes en cours de route, peut grandir et se développer. Cela peut offrir de nouvelles opportunités pour des projets collectifs tels que des coopératives de drones, la réhabilitation des victimes de guerre, des projets culturels, des maisons occupées pour les réfugiés – c'est ce dont je rêve.

Ce sont des rêves qui peuvent se réaliser parce que nous avons un projet dans lequel les personnes impliquées font actuellement un effort énorme et qui, je crois, donne de bons résultats. En tant qu'anarchiste, c'est ma perspective centrale pour l'avenir.

Quand il s'agit de grands slogans, tendances et projets politiques, je dirais que construire un mouvement n'a jamais été une valeur absolue pour moi. Un mouvement se crée de lui-même lorsqu'il y a activité. À l'heure actuelle, il est créé de manière très décentralisée, mais avec une collaboration interfonctionnelle. D'après ce que je sais, il y a actuellement six ou sept projets de gauche en Ukraine.

Certains sont de petits groupes de trois ou quatre personnes, d'autres sont plus grands. L'un des groupes souhaite créer un parti de gauche en Ukraine. Nous avons donc des valeurs assez différentes, mais nous collaborons toujours. Les projets fonctionnent de manière indépendante, mais s'entraident d'une manière ou d'une autre.

Le processus de construction d'un mouvement ne peut pas être accéléré par la force, et de nouvelles ressources n'apparaissent pas de nulle part. On ne peut investir dans un projet et le développer qu'au stade où il se trouve à ce moment-là.

L'article est traduit de l'anglais par Bjarke Friborg du magazine en ligne finlandais Takku. Il a été publié plus tard en finnois dans le magazine Kapinatyöläinen n°1. 61 . L'auteur est anonyme. Les colonnes interstitielles sont celles de la rédaction.

https://solidaritet.dk/om-at-organisere-anarkister-i-ukraine-som-en-lokal-aktivist-ser-det/

Source : Aplutsoc. https://aplutsoc.org/2025/01/31/lorganisation-des-anarchistes-en-ukraine-le-point-de-vue-dun-activiste-local/

Illustration : Liberté pour l'Ukraine. 2022, l'année où Poutine s'est assis sur le dos du tigre. Illustration : Per Johan Svendsen.

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Nous sommes de grands combattants pour la liberté, affirme à Davos le président argentin Javier Milei, qui décide d’éliminer le féminicide du code pénal argentin

La semaine dernière, j'exprimais la tristesse profonde que je ressentais en apprenant que dans les premiers quinze jours de 2025, huit Nicaraguayennes avaient été tué par leur (…)

La semaine dernière, j'exprimais la tristesse profonde que je ressentais en apprenant que dans les premiers quinze jours de 2025, huit Nicaraguayennes avaient été tué par leur conjoint. Un fait qui ramenait immédiatement à ma mémoire des scènes de violence familiale dont j'avais été témoin lors de mes séjours annuels au Nicaragua, de 1995 à 2018, accompagnant la plupart du temps des étudiants et étudiantes du Collège Dawson. Des scènes tellement troublantes qu'elles resteront à jamais gravées dans ma mémoire.

À peine deux jours après que j'eus rédigé cet article, j'apprends un autre événement bouleversant. Le président argentin, Javier Milei, annonce qu'il va éliminer du code pénal le féminicide. Un crime qui ne fut ajouté à ce code qu'en 2012, et ce à la suite d'un très long et fort impressionnant combat des femmes en Argentine.

Fini, dit Milei, le temps où le féminisme fanatique faisait en sorte qu'on place la femme sur un piédestal en imposant une sentence plus sévère si c'était elle plutôt qu'un homme qui se faisait assassiner !

Quelques jours plus tôt, au Sommet de Davos où se réunissaient des délégués issus du monde des affaires, des gouvernements, de la société civile, des médias et du monde universitaire, le président argentin Milei prenait la parole.

L'année dernière, dit-il à son auditoire, je me sentais un peu seul ici.

Je ne me sens plus seul, car tout au long de cette année, j'ai pu trouver des camarades dans cette lutte pour les idées de liberté aux quatre coins de la planète », poursuit-il. « Du merveilleux Elon Musk à la féroce dame italienne, ma chère amie, Giorgia Meloni ; de Bukele au Salvador à Viktor Orbán en Hongrie ; de Benjamin Netanyahu en Israël à Donald Trump aux États-Unis. Lentement, une alliance internationale de toutes les nations qui veulent être libres et qui croient aux idées de liberté s'est formée.

De quelle liberté exactement parlez-vous, M. Milei ?

Le premier ministre d'Israël Benjamin Netanyahou, votre camarade dans cette lutte pour les idées de liberté, ne fait que resserrer l'étau d'une occupation brutale et illégale des terres ancestrales des Palestiniens et Palestiniennes. Au lieu de libérer le peuple palestinien d'une oppression qui dure depuis des décennies, il ne fait qu'accentuer celle-ci. Il vient de massacrer 48 000 Palestiniens à Gaza ; il en a blessé 112 000. La plupart enfants et femmes. Il a tué 18 000 enfants, dont 1 000 bébés. Dans son zèle pour faire augmenter la liberté d'expression dans le monde, il a libéré la planète d'un nombre record, en temps de guerre, de journalistes ; il a aussi libéré Gaza de journalistes étrangers, défendant à ceux-ci d'y faire des reportages. Il a non seulement libéré Gaza du plus grand nombre, en temps de guerre, d'employés de l'ONU mais il a eu le courage énorme de libérer Gaza, et de fait tous les autres territoires palestiniens occupés, de l'UNRWA, l'immense agence de l'ONU qui, depuis 1948, offre de l'aide humanitaire aux réfugiés palestiniens. Il a libéré 17 000 enfants de leurs parents – ils n'en ont plus ! –, et a libéré un nombre record d'enfants, en temps de guerre, d'un ou deux de leurs membres, les enfants ayant subi une amputation, souvent sans anesthésie aucune parce que votre camarade Netanyahou empêchait l'aide humanitaire d'entrer à Gaza. La Cour pénale internationale a d'ailleurs émis un mandat d'arrêt contre lui pour crimes contre l'humanité, et l'immense majorité de la population de la planète croit que l'invasion de Gaza fut génocidaire.

Votre autre grand camarade dans cette lutte pour les idées de liberté, Donald Trump, accueille, aujourd'hui 4 février, Netanyahou à la Maison Blanche. Il est le tout premier leader d'un pays invité par Trump.

Trump voudrait donner un coup de main au premier ministre d'Israël qui, malgré un effort impressionnant de destruction massive d'infrastructures – Gaza a été réduit à de pures décombres – n'a pas réussi à réaliser son grand objectif – libérer Gaza de ses quelques 2,3 millions de survivants. Ces derniers jours, presque un million de Gazaouis remontent courageusement au nord de Gaza, la plupart à pied. Ils restent obstinément sur leurs terres ancestrales, même si cela veut dire ne vivre que dans de simples tentes !

Que l'Égypte et la Jordanie et d'autres pays arabes accueillent les Gazaouis comme immigrants, affirmait Trump il y a quelques jours, alors qu'exactement au même moment, il procédait lui-même à l'expulsion de son propre pays de milliers d'immigrants, les retournant dans des avions militaires, souvent mains et biens menottés, dans leur pays d'origine !

Je vais utiliser Guantanamo, à Cuba – lieu de détention et de torture qui a fort terni la réputation des États-Unis en termes de droits humains – pour emprisonner les 30 000 immigrants sans papier qui sont extrêmement dangereux, affirme Trump, dans un style carrément fasciste ! Ainsi, dit-il, je ferai d'une pierre deux coups : se trouveront libérés de ces criminels à la fois mon pays et celui d'où ils proviennent !

M. Milei ! De quelle liberté parlez-vous ?

Votre camarade Trump vient de cibler, sans preuve aucune comme d'habitude, les minorités. Fonçant de l'avant comme un soldat courageux qui, dans cette lutte pour les idées de liberté que vous menez ensemble, n'a absolument peur de rien, il affirme que si soixante-sept personnes sont mortes après qu'un avion de ligne eut heurté un hélicoptère militaire en vol près de l'aéroport Ronald Reagan de Washington DC mercredi soir, 29 janvier, c'est à cause du « wokisme malsain » que vous avez eu le courage de dénoncer avec tant de vigueur à Davos. Au lieu d'embaucher une personne compétente comme contrôleur aérien, autrement dit un homme blanc normal, on avait embauché, dit Trump, et ce à cause des programmes de diversité, d'équité et d'inclusion mis en place dans les gouvernements antérieurs, un noir, un Latino, un gay, un musulman, etc.

Comme vous l'aviez déjà fait en Argentine, votre camarade Trump, en prenant le pouvoir, a aboli tous ces programmes ! La liberté progresse dans le monde ! Seront dorénavant libérées de leur emploi des milliers de personnes issues des minorités. Bravo chers combattants pour la liberté !

Juste avant de laisser le pouvoir après avoir imposé une dictature brutale de presque 17 ans, votre voisin, le Chilien Augusto Pinochet, avait pris soin, dans son combat pour le droit à la vie et à la liberté, de durcir considérablement la loi anti-avortement de son pays. L'avortement, stipule la loi No. 18.826 adoptée par Pinochet en 1989, sera interdit en toutes circonstances : Aucune action ne sera entreprise dans le but de provoquer un avortement.

Certes, la lutte de Pinochet pour défendre la liberté, la vie, et la propriété privée ne fut pas facile. Pour y arriver, votre précurseur dans cette voie du néolibéralisme radical que vous empruntez, a dû effectuer, comme votre camarade Netanyahou, des tâches difficiles. Il a dû relever courageusement des défis gigantesques.

Comme vous, M. Milei, Pinochet percevait le socialisme comme le cancer qui ronge l'âme judéo-chrétienne de son peuple. Pour restaurer cette âme, il a dû torturer quelques 27 000 Chiliens et Chiliennes, en emprisonner environ 250 000, soit dans le stade national ou dans des camps de concentration, et en tuer ou faire disparaitre plus de 3000.

J'oubliais un détail. Comme vous, M. Milei, Pinochet se scandalisait devant cette déviation culturelle qui amenait les femmes à porter des pantalons plutôt que des robes ; qui amenait les curés à croire à cette fausse idée qu'est la justice sociale, et à vivre avec et comme les pauvres dans les bidonvilles. Il a donc obligé les femmes à porter des robes et a carrément expulsé du Chili – non pas à Guantanamo, cependant ! – tous ces curés, sauf quelques-uns qu'il a torturés et tués.

Cependant, Pinochet a réussi à faire ce que vous tentez de réaliser présentement : une économie carrément néolibérale où santé, éducation, logement, eau, et même pension, etc. ne sont, comme nous l'indique le gros bon sens, que de simples marchandises à vendre sur le marché. Salvador Allende, que Pinochet a courageusement renversé du pouvoir, croyait à des idées complètement fausses ! Il pensait que tout cela représentait des droits fondamentaux ! Mais quelle stupidité !

M. Milei !

Je fais de mon mieux pour exprimer fidèlement votre pensée et votre vision du monde. Cependant, lectrices et lecteurs trouveront peut-être que je déforme quelque peu vos propos. Que je verse un peu trop dans l'ironie et le sarcasme....

Je vous laisse donc la parole, M. Milei. Vous êtes sans doute mieux placé que moi pour dire ce que vous voulez dire !

Extraits du discours du président argentin Javier Milei à Davos le 23 janvier dernier

Dans mon discours, ici, devant vous l'année dernière, je vous ai dit que c'était le début d'une nouvelle Argentine, que l'Argentine avait été infectée par le socialisme pendant trop longtemps et qu'avec nous, elle allait embrasser à nouveau les idées de liberté ; un modèle que nous résumions dans la défense de la vie, de la liberté et de la propriété privée. (...)

Et voilà qu'un an plus tard, l'Argentine est devenue un exemple mondial de responsabilité fiscale, de respect de nos obligations, de la façon de mettre fin au problème de l'inflation et aussi d'une nouvelle façon de faire de la politique, qui consiste à dire la vérité en face et à faire confiance aux gens pour qu'ils comprennent. (...)

Je suis venu ici aujourd'hui pour vous dire que notre bataille n'est pas gagnée, que si l'espoir renaît, il est de notre devoir moral et de notre responsabilité historique de démanteler l'édifice idéologique du wokisme malsain. Tant que nous n'aurons pas réussi à reconstruire notre cathédrale historique, tant que nous n'aurons pas réussi à faire en sorte que la majorité des pays occidentaux embrassent à nouveau les idées de liberté, tant que nos idées ne seront pas devenues la monnaie courante dans les couloirs d'événements comme celui-ci, nous ne pouvons pas abandonner car, je dois le dire, des forums comme celui-ci ont été les protagonistes et les promoteurs du sinistre agenda du wokisme qui cause tant de dommages à l'Occident. Si nous voulons changer, si nous voulons vraiment défendre les droits des citoyens, nous devons commencer par leur dire la vérité.

Et la vérité, c'est qu'il y a quelque chose de profondément erroné dans les idées qui ont été promues dans des forums comme celui-ci. (...) ...une grande partie du monde libre préfère encore le confort du connu, même si c'est la mauvaise voie, et s'obstine à appliquer les recettes de l'échec. Et la grande pierre d'achoppement qui apparaît comme le dénominateur commun des pays et des institutions qui échouent, c'est le virus mental de l'idéologie du wokisme. C'est la grande épidémie de notre époque qu'il faut soigner, c'est le cancer qu'il faut éliminer.

Cette idéologie a colonisé les institutions les plus importantes du monde, depuis les partis et les États des pays libres de l'Occident jusqu'aux organisations de gouvernance mondiale, en passant par les institutions non gouvernementales, les universités et les médias, et a façonné le cours de la conversation mondiale au cours des dernières décennies. Tant que nous n'aurons pas éliminé cette idéologie aberrante de notre culture, de nos institutions et de nos lois, la civilisation occidentale et même l'espèce humaine ne pourront pas retrouver la voie du progrès que notre esprit pionnier exige.

Il est essentiel de briser ces chaînes idéologiques si nous voulons entrer dans un nouvel âge d'or. (...) L'Occident représente l'apogée de l'espèce humaine, le terreau fertile de son héritage gréco-romain et de ses valeurs judéo-chrétiennes a planté les graines d'un événement sans précédent dans l'histoire. S'imposant définitivement face à l'absolutisme, le libéralisme a inauguré une nouvelle ère de l'existence humaine. Dans ce nouveau cadre moral et philosophique qui place la liberté individuelle au-dessus des caprices du tyran, l'Occident a pu libérer la capacité créatrice de l'homme, initiant un processus de création de richesses jamais vu auparavant.

Je m'excuse, M. Milei, de m'immiscer dans votre discours. Mon seul but, en résumant ici votre pensée, est de raccourcir un peu cet article.

Vous vantez, comme l'avait fait Adam Smith, les progrès immenses que permettait l'arrivée du capitalisme. PIB par habitant montant en flèche, 90% de la population mondiale qui sort de la pauvreté, etc. Et tout cela, vous dites, grâce à une convergence de valeurs fondamentales, le respect de la vie, de la liberté et de la propriété, qui a rendu possible le libre-échange, la liberté d'expression, la liberté de religion et les autres piliers de la civilisation occidentale.

Ensuite, faisant vôtre les idées de Milton Friedman, vous dénoncez l'arrivée du socialisme qui, sous le couvert d'un paradis égalitaire, s'est mis à distribuer la richesse en s'attaquant aux créateurs de cette richesse, les capitalistes, ce qui n'a mené qu'à l'appauvrissement. Peut-être plus dangereux encore que le socialisme, dites-vous, sont ces leaders qui disent adopter le capitalisme mais qui, en avançant des idées complètement erronées comme le droit fondamental à la santé, à l'éducation, au logement, etc. et un wokisme malsain – environnementalisme fanatique, féminisme radical, immigration de masse issue d'une fausse culpabilité, programmes de diversité, d'équité et d'inclusion – finissent par saper ce capitalisme, détruisant ainsi les fondements culturels de notre grande civilisation !

Je vous redonne la parole, M. Milei :

Poussant un programme socialiste, mais opérant insidieusement au sein du paradigme libéral, cette nouvelle classe politique a déformé les valeurs du libéralisme. Elle a remplacé la liberté par la libération, en utilisant le pouvoir coercitif de l'État pour distribuer la richesse créée par le capitalisme. Leur justification était l'idée sinistre, injuste et aberrante de justice sociale, complétée par des cadres théoriques marxistes visant à libérer l'individu de ses besoins. Et au cœur de ce nouveau système de valeurs, le principe fondamental de l'égalité devant la loi ne suffit pas, car il existe des injustices cachées à la base qui doivent être corrigées, ce qui représente une mine d'or pour les bureaucrates qui aspirent à la toute-puissance.

Chacun des piliers de notre civilisation a été transformé en une version déformée de lui-même par l'introduction de divers mécanismes de sa version culturelle. Des droits négatifs à la vie, à la liberté et à la propriété, nous sommes passés à un nombre artificiellement infini de droits positifs. Ce fut d'abord l'éducation, puis le logement et de là, à des choses dérisoires comme l'accès à l'internet, au football télévisé, au théâtre, aux soins esthétiques et à une foule d'autres désirs qui ont été transformés en droits humains fondamentaux, des droits que, bien sûr, quelqu'un doit payer.

Et qui ne peuvent être garantis que par l'expansion infinie et aberrante de l'État. En d'autres termes, du concept de liberté comme protection fondamentale de l'individu contre l'intervention du tyran, nous sommes passés au concept de libération par l'intervention de l'État. C'est sur cette base que s'est construit le wokisme, un régime de pensée unique, et soutenu par différentes institutions dont l'objectif est de criminaliser la dissidence. Féminisme, diversité, inclusion, égalité, immigration, avortement, environnementalisme, idéologie du genre : voilà autant de têtes d'une même créature dont l'objectif est de justifier l'avancée de l'État par l'appropriation et la déformation de nobles causes.

Examinons-en quelques-unes. Le féminisme radical est une distorsion du concept d'égalité et, même dans sa forme la plus bienveillante, il est redondant, puisque l'égalité devant la loi existe déjà en Occident. Tout le reste n'est que recherche de privilèges, et c'est bien là l'essence du féminisme radical : opposer une moitié de la population à l'autre alors qu'elles devraient être du même côté. Nous allons même jusqu'à normaliser le fait que, dans de nombreux pays prétendument civilisés, si vous tuez une femme, cela s'appelle un féminicide, et que cela entraîne une peine plus lourde que si vous tuez un homme, simplement en raison du sexe de la victime.

Légaliser, en fait, que la vie d'une femme vaut plus que celle d'un homme, c'est brandir l'étendard de l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes, mais lorsqu'on examine les données, il est clair qu'il n'y a pas d'inégalité pour une même tâche, mais que la plupart des hommes ont tendance à être mieux payés que la plupart des femmes. Toutefois, elles ne se plaignent pas que la plupart des prisonniers soient des hommes, que la plupart des plombiers soient des hommes, que la plupart des victimes de vols ou de meurtres soient des hommes, et encore moins que la plupart des personnes tuées à la guerre soient des hommes. (...)

Le wokisme se manifeste d'ailleurs par un sinistre environnementalisme radical et la bannière du changement climatique. Préserver notre planète pour les générations futures est une question de bon sens - personne ne veut vivre dans une décharge. Mais là encore, le wokisme a réussi à pervertir cette idée élémentaire de préservation de l'environnement pour le plaisir des êtres humains, et nous sommes passés à un environnementalisme fanatique où l'homme est un cancer qu'il faut éliminer, et où le développement économique n'est rien de moins qu'un crime contre la nature.

Toutefois, lorsqu'on affirme que la Terre a déjà connu cinq cycles de changements brusques de température et que, dans quatre d'entre eux, l'homme n'existait même pas, on nous traite de gens qui croient encore que la terre est plate. Ceci, afin de discréditer nos idées, et sans même tenir compte du fait que la science et les données nous donnent raison.

Ce n'est pas une coïncidence si ces mêmes personnes sont les principaux promoteurs de l'agenda sanguinaire et meurtrier de l'avortement, un agenda conçu sur la base du postulat malthusien selon lequel la surpopulation détruira la terre et que nous devons donc mettre en œuvre un mécanisme de contrôle de la population. En fait, ce principe a déjà été adopté, à tel point que le taux de croissance de la population sur la planète commence aujourd'hui à poser problème.

Quelle tâche ils se sont assignés avec ces aberrations de l'avortement ! Depuis ces forums, ils ont promu l'agenda LGBT, voulant nous imposer que les femmes sont des hommes et que les hommes ne sont des femmes que si c'est ainsi qu'ils se perçoivent, et ils ne disent rien lorsqu'un homme se déguise en femme et tue son rival sur un ring de boxe ou lorsqu'un prisonnier prétend être une femme et finit par violer toutes les femmes qui croisent son chemin en prison. (...) ...dans ses versions les plus extrêmes, l'idéologie du genre constitue une véritable maltraitance des enfants. Ce sont des pédophiles, je veux donc savoir qui cautionne ces comportements.

D'autre part, dans nos entreprises, nos institutions publiques et nos établissements d'enseignement, le mérite a été mis à l'écart par la doctrine de la diversité, ce qui implique une régression vers les systèmes nobiliaires d'antan. On invente des quotas pour toutes les minorités que les politiciens peuvent imaginer, ce qui ne fait que nuire à l'excellence de ces institutions. Le wokisme a également dénaturé la cause de l'immigration ; la libre circulation des biens et des personnes est au cœur du libéralisme, comme nous le savons, l'Argentine, les États-Unis et bien d'autres pays ont été rendus grands par les immigrants qui ont quitté leur patrie à la recherche de nouvelles opportunités.

Cependant, de la tentative d'attirer des talents étrangers pour promouvoir le développement, nous sommes passés à une immigration de masse motivée non pas par l'intérêt national, mais par la culpabilité. L'Occident étant la cause supposée de tous les maux de l'histoire, il doit se racheter en ouvrant ses frontières au monde entier, ce qui aboutit nécessairement à une colonisation à rebours, qui s'apparente à un suicide collectif.

C'est ainsi que nous voyons aujourd'hui des images de hordes d'immigrés abusant, violant ou tuant des citoyens européens qui n'ont commis que le péché de ne pas avoir adhéré à une religion particulière. Mais quand on s'interroge sur ces situations, on est taxé de raciste, de xénophobe ou de nazi. Le wokisme a imprégné nos sociétés si profondément, promu par des institutions telles que celle-ci, que l'idée même de sexe a été remise en question par l'infâme idéologie du genre. (...)

Car en dominant les chaires des universités les plus prestigieuses du monde, elle forme les élites de nos pays à contester et à nier la culture, les idées et les valeurs qui ont fait notre grandeur, endommageant encore davantage notre tissu social. Que reste-t-il pour l'avenir si nous enseignons à nos jeunes à avoir honte de notre passé ? « (...) Le marché étant un mécanisme de coopération sociale où les droits de propriété sont échangés volontairement, la prétendue défaillance du marché est une contradiction dans les termes. La seule chose qu'une intervention de l'État génère, ce sont de nouvelles distorsions du système des prix, qui à leur tour entravent le calcul économique, l'épargne et l'investissement, et finissent donc par engendrer plus de pauvreté ou un enchevêtrement immonde de réglementations, par exemple, comme celles qui existent en Europe, et qui tuent la croissance économique.

Pour cette même raison, puisque le wokisme n'est ni plus ni moins qu'un plan systématique de l'État-parti pour justifier l'intervention de l'État et l'augmentation des dépenses publiques, cela signifie que notre première croisade, la plus importante si nous voulons retrouver l'Occident du progrès, si nous voulons construire un nouvel âge d'or, doit être la réduction drastique de la taille de l'État. Non seulement dans chacun de nos pays, mais aussi dans tous les organismes supranationaux.

Le 1er février, le camarade de Milei, Donald Trump, impose un tarif de 25% sur tous les produits provenant du Canada (pour l'énergie, il sera de 10%) et du Mexique

Au moment même où, en Argentine, plus de deux millions de vos concitoyens et concitoyennes prenaient la rue, samedi 1er février, pour dénoncer les propos que vous teniez à Davos, M. Milei, votre camarade dans la lutte pour les idées de liberté, Donald Trump, annonçait une nouvelle mesure fracassante pour faire avancer cette liberté dans le monde.

Celui, dont l'élan pour une plus grande liberté dans le monde le poussait à affirmer qu'il allait, par une guerre commerciale, faire du Canada un autre état de son pays ; qu'il allait s'accaparer, par la force si nécessaire, le Canal de Panama et le Groenland, annonce, samedi 1er février, qu'à partir du 4 février prochain, il va imposer un tarif de 25% sur les produits provenant du Canada et du Mexique.

Mon tarif pour l'énergie provenant du Canada sera de 10%, poursuit-il.

Et si le gouvernement Trudeau ose riposter en imposant un tarif sur nos produits, je vais simplement augmenter encore plus le tarif sur les produits canadiens !

Le représentant du pays qui, depuis des décennies, a sans cesse prêché, et souvent imposé le libre échange aux autres pays, surtout les plus pauvres de la planète ; le Donald Trump dont la marque de commerce est de faire des ‘deals', et qui avait conclu avec le gouvernement Trudeau et le gouvernement mexicain le ‘deal' qu'est le libre-échange USA-Mexique-Canada ; le Donald Trump dont la grande spécialité, qu'il a perfectionnée pendant des années dans son émission de télévision The Apprentice, est de manipuler la population en lui faisant croire aveuglément au récit qu'il invente, plante un couteau tarifaire dans le dos du Canada et du Mexique.

Le Canada et le Mexique nous traitent très mal, annonce-t-il ! Notre déficit commercial avec eux est énorme. Et ils laissent entrer chez nous une immense quantité de fentanyl et d'immigrants illégaux !

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Derrière la guerre russe, le conflit de classes

4 février, par Volodimir Ichtchenko — , ,
Volodimir Ichtchenko est sociologue et collaborateur scientifique de l'Osteuropa-Institut [Institut de l'Europe orientale] à la Freie Universität [Université Libre] de Berlin. (…)

Volodimir Ichtchenko est sociologue et collaborateur scientifique de l'Osteuropa-Institut [Institut de l'Europe orientale] à la Freie Universität [Université Libre] de Berlin.

Texte original : The class conflict behind Russia's war
https://alameda.institute/publishing/dossier-ukraine/.
Traduction de Gérard Billy à partir de la version allemande (légèrement abrégée) parue dans SoZ 1 Januar 2025. avec vérification et compléments tirés du texte original.

Contraintes intrinsèques et contradictions du capitalisme rentier post-soviétique

À l'origine de l'invasion de l'Ukraine, il n'y a pas simplement l'expansionnisme de Vladimir Poutine. Il y a un projet du capitalisme russe, celui que lui-même et ses alliés mettent en œuvre depuis l'effondrement de l'Union Soviétique, écrit Volodimir Ichtchenko, dans un article qui se donne pour objectif « d'expliquer comment les fondements politiques et idéologiques de l'invasion reflètent les intérêts de la classe dominante ».

Poutine n'est pas un déséquilibré avide de pouvoir, pas plus qu'il n'est un exalté habité par une idéologie ni un malade mental. En faisant la guerre à l'Ukraine, il défend les intérêts collectifs rationnels de la classe dirigeante russe. Il n'est pas du tout inhabituel que les intérêts de classe collectifs ne se recoupent que partiellement avec ceux des représentants individuels de cette classe, ou même les contredisent. Mais quelle est en réalité la classe qui gouverne en Russie – et quels sont ses intérêts collectifs ?

Si on demande quelle classe est au pouvoir en Russie, à gauche, la réponse sera probablement la plupart du temps : des capitalistes. Dans l'espace post-soviétique, le citoyen moyen les traitera sûrement de voleurs, escrocs, ou mafieux. Une réponse se voulant légèrement plus intellectuelle sera : des oligarques. Il est facile d'écarter les réponses de ce type comme reflétant une fausse conscience. Cependant, une démarche analytique plus productive consisterait à se demander pourquoi les citoyens post-soviétiques soulignent l'aspect brigandage et l'interdépendance étroite entre le monde des affaires privées et l'État, qui est contenue dans le terme « oligarques ».

Nous avons besoin de nous attaquer sérieusement à la spécificité du monde post-soviétique.

Historiquement, l'« accumulation primitive » s'est faite dans et par le processus de désintégration centrifuge qui a emporté l'État et l'économie soviétiques. Le politologue Steven Stolnick a qualifié ce processus de « brigandage aux dépens de l'État ».

Les membres de la nouvelle classe dominante ont, ou bien privatisé la propriété étatique (et souvent pour « trois francs six sous »), ou bien saisi les occasions, nombreuses, de siphonner les profits provenant d'établissements formellement publics pour les faire aboutir dans les poches de personnes privées. Ils ont mis à profit leurs relations informelles avec des fonctionnaires de l'État et les possibilités légales, souvent ouvertes à cette seule fin, de fraude fiscale massive et de fuite des capitaux, tout en organisant simultanément des prises de contrôle hostiles sur les entreprises dans le but d'engranger à court terme des gains rapides.

L'économiste russe Ruslan Dzarasov a formalisé ces pratiques avec le concept de « rente d'initié » : grâce au contrôle qu'ils exercent sur les flux financiers des entreprises, les initiés, qui dépendent des relations qu'ils entretiennent avec les détenteurs du pouvoir, perçoivent des revenus qui ont un caractère analogue à celui d'une rente. On trouvera assurément des pratiques de ce genre aussi dans d'autres parties du monde, mais le rôle qu'elles jouent dans la formation et la reproduction de la classe dominante russe est bien plus important en raison des formes prises par la transformation post-soviétique à ses débuts, avec l'effondrement centrifuge du socialisme d'État et la reconsolidation politico-économique qui a suivi sur une base clientéliste.

D'autres chercheurs de premier plan, comme le sociologue hongrois Iván Szelényi qualifient ce genre de phénomène de « capitalisme politique ». À la suite de Max Weber, on pourrait dire que le capitalisme politique se caractérise par le fait d'utiliser l'occupation de fonctions politiques pour accumuler une richesse privée. Je dirais que les capitalistes politiques sont la fraction de la classe capitaliste dont le principal atout compétitif réside dans les privilèges qui lui sont octroyés de par ses liens avec l'État, par opposition aux capitalistes qui fondent leur supériorité sur des innovations technologiques ou le coût particulièrement bas de la force de travail.

On ne trouve pas des capitalistes politiques seulement dans les pays post-soviétiques, mais ils prospèrent principalement dans les régions où l'État joue traditionnellement un rôle dominant dans l'économie et a accumulé un capital immense qui est désormais à la disposition de l'exploitation privée.

Le concept de capitalisme politique est capital pour comprendre en quoi, lorsqu'il parle de « souveraineté » ou de « sphères d'influence », le Kremlin ne tient pas un discours irrationnel tissé de concepts périmés. En même temps, cette rhétorique n'exprime pas nécessairement l'intérêt national de la Russie, mais elle reflète directement les intérêts de classe des capitalistes politiques russes.

Si les privilèges accordés par l'État sont un facteur décisif pour accumuler de la richesse, ces capitalistes n'ont pas d'autre choix que de marquer avec précision les contours du territoire sur lequel ils exercent un contrôle monopolistique, contrôle qui ne peut être partager avec aucune autre fraction de la classe capitaliste.

Contradictions internes

Normalement, dans les États capitalistes, la bourgeoisie ne se mêle pas directement de la conduite de l'État. La bureaucratie étatique jouit en règle générale d'une large autonomie vis-à-vis de la classe capitaliste, qu'elle sert cependant en établissant et mettant en œuvre les règles qui profitent à l'accumulation capitaliste. Les capitalistes politiques, eux, ne sont pas demandeurs de règles générales, ils veulent en revanche pouvoir contrôler de près les décideurs politiques. Ou bien ils investissent eux-mêmes les postes de responsabilité politique et les mettent au service de leur enrichissement privé.

Un grand nombre des figures emblématiques classiques du capitalisme entrepreneurial ont profité de subventions de l'État, de réglementations fiscales avantageuses ou de mesures protectionnistes variées. Mais à l'inverse des capitalistes politiques, leur survie et leur expansion sur le marché ne dépendent que rarement du personnel politique affecté à telle ou telle fonction, de l'occupation du pouvoir par tel ou tel parti ou de tel ou tel type de régime politique. Le capital transnational pourrait tout à fait survivre et survivrait même sans les États-nations où il a son siège. Les capitalistes politiques ne peuvent s'en tirer dans la compétition mondiale s'ils ne disposent pas au moins d'un territoire où ils puissent récolter des rentes d'initiés sans immixtion extérieure.

La corruption est pour cette raison un problème endémique du capitalisme politique, même quand celui-ci est géré par une bureaucratie efficace, technocratique et autonome.

Le meilleur exemple d'un capitalisme politique qui a réussi, c'est la Chine. Mais en Russie, à la différence de la Chine, les institutions du PC soviétique se sont désintégrées, elles ont été remplacées par un régime qui s'appuie sur des réseaux clientélistes personnels qui ont faussé la façade formelle de la démocratie libérale pour la faire fonctionner à leur profit. Souvent, les initiatives visant à moderniser et professionnaliser l'économie s'en trouvent contrariées.

Mais, pour le dire sans fard, on ne peut pas sempiternellement voler aux mêmes endroits. Il devient nécessaire de muer pour aller vers un modèle différent de capitalisme pour maintenir le taux de profit, que ce soit par des investissements en capital ou en intensifiant l'exploitation de la force de travail – ou bien il faut s'étendre dans l'espace pour trouver de nouvelles sources d'extraction de la rente.

Réinvestissement et exploitation de la force de travail se heurtent l'un et l'autre à des entraves structurelles dans le capitalisme politique post-soviétique. D'un côté, beaucoup hésitent à se lancer dans des investissements à long terme, quand leur modèle d'entreprise et même la détention de leur titre de propriété dépendent fondamentalement de la présence de certaines personnes aux manettes du pouvoir. En général, il est apparu plus judicieux de placer simplement les gains obtenus sur des comptes offshore.

D'un autre côté, la main-d'oeuvre post-soviétique est urbanisée, bien formée et coûteuse. Les salaires relativement bas pratiqués dans la région ne sont possibles que parce qu'il subsiste une infrastructure matérielle développée et des institutions sociales que l'Union Soviétique a laissées en héritage. Celui-ci représente une lourde charge pour l'État, mais il n'est pas possible de s'en défaire sans saborder le soutien de secteurs-clés de l'électorat.

Aspirant à mettre fin aux rivalités entre capitalistes politiques qui étaient la marque des années 90, les dirigeants bonapartistes du type Poutine et autres autocrates post-soviétiques ont amorti la guerre de tous contre tous en servant les intérêts de certaines fractions de l'élite et en réprimant les autres – sans pour autant rien changer aux fondements du capitalisme politique.

En Ukraine

Quand l'expansion prédatrice a commencé à se cogner à ses limites internes, les élites russes ont tenté de la délocaliser, pour maintenir la rentabilité de leurs investissements en augmentant les dimensions de leur champ d'action. D'où l'intensification des projets d'intégration sous direction russe comme l'Union Économique Eurasienne. Celle-ci s'est heurtée à deux obstacles. Le premier était relativement secondaire : les capitalistes politiques locaux. En Ukraine, par exemple, ceux-ci étaient intéressés par l'énergie russe à bon marché, mais ils tenaient aussi à leur propre droit souverain de récolter les rentes d'initiés afférentes à leur territoire. Ils ont pu instrumentaliser le nationalisme antirusse pour légitimer leurs propres prétentions sur la partie ukrainienne de l'État soviétique en décomposition, mais sans réussir à mettre au point un projet propre de développement national.

L'alliance entre le capital transnational et les classes moyennes professionnelles dans l'espace post-soviétique, politiquement représentées par les sociétés civiles pro-occidentales en lien avec les ONG, a davantage bousculé en donnant une idée de ce qui pourrait pousser au milieu des ruines d'un socialisme d'État dégradé et désintégré. Pour l'intégration post-soviétique menée par la Russie, elle était un obstacle plus important. De là est né le principal conflit politique qui agite l'espace post-soviétique, lequel a culminé avec l'invasion de l'Ukraine.

La stabilisation bonapartiste décrétée par Poutine et autres dirigeants post-soviétiques a favorisé la croissance d'une classe moyenne professionnelle. Une fraction d'entre elle profite des avantages du système, p.ex. quand elle est employée dans l'appareil d'État ou dans des entreprises d'État stratégiques. Mais une grande majorité est néanmoins exclue du capitalisme politique.

Les plus importantes chances d'améliorer leurs revenus et de faire carrière, de même que de gagner en poids politique, sont liées à la perspective d'une intensification des relations politiques, économiques et culturelles avec l'occident. Ces personnes sont en même temps l'avant-garde du soft power occidental. L'intégration dans des institutions à direction européenne (UE) ou américaine (USA) représentent pour elles un projet de modernisation de substitution, pour entrer dans le « vrai » capitalisme aussi bien que dans le « monde civilisé » en général. Cela signifie par la force des choses une rupture avec les élites post-soviétiques, leurs institutions et la mentalité socialiste profondément enracinée des masses plébéiennes « arriérées » qui, après le désastre des années 90, tiennent au moins à une certaine stabilité.

Pour la plupart des Ukrainiens, cette guerre est une guerre d'autodéfense. Le reconnaître ne doit pas faire oublier l'abîme qui sépare leurs intérêts de ceux qui prétendent parler en leur nom.

Le caractère profondément élitiste du projet pro-occidental est la raison qui explique pourquoi celui-ci n'est parvenu dans aucun des pays post-soviétiques à devenir réellement hégémonique, même quand il était soutenu par un nationalisme antirusse historique. Même maintenant, la coalition négative qui s'est mobilisée contre l'invasion russe, ne signifie pas que les Ukrainiens sont unis autour d‘un agenda positif déterminé. Ceci explique aussi la neutralité sceptique du Sud global quand il est sommé de se solidariser, ou bien avec un prétendant au pouvoir mondial (la Russie), ou bien avec un candidat à l'intégration à l'occident (l'Ukraine), dont l'objectif n'est pas de lutter contre l'impérialisme, mais de s'associer à celui qui réussit le mieux.

Ce que signifie « lutte contre la corruption »

La discussion concernant le rôle de l'occident dans les enchaînements qui ont conduit à l'invasion russe se concentre en règle générale sur les gesticulations menaçantes de l'OTAN en direction de la Russie. Mais si on prend en considération la structure politique spécifique du capitalisme politique, on voit immédiatement pourquoi une intégration de la Russie à l'occident n'aurait jamais pu fonctionner sans une transformation politique radicale de celle-ci.

Il était totalement impossible d'intégrer les capitalistes politiques post-soviétiques dans des institutions dirigées par l'occident alors que le but explicite de celles-ci était de les éliminer comme classe en les privant de leur avantage concurrentiel le plus important : les privilèges sélectifs que leur accordaient les États post-soviétiques.

Ce qui s'appelle l'agenda anticorruption est un chapitre essentiel, sinon même le chapitre le plus important des projets forgés par les institutions occidentales pour l'espace post-soviétique. Ceux-ci sont repris dans leur ensemble par la classe moyenne pro-occidentale de la région. Mais pour les capitalistes politiques, l'aboutissement de cet agenda signifierait leur mort politique et économique.

Devant l'opinion publique, le Kremlin s'efforce de présenter la guerre comme une lutte pour la survie de la Russie comme nation souveraine. L'enjeu principal est néanmoins d'assurer la survie de la classe dominante russe et de son modèle de capitalisme politique. La restructuration « multipolaire » de l'ordre mondial résoudrait le problème pour un certain temps.

Voilà pourquoi le Kremlin tente de vendre son projet – qui n'a pour motivation que ses intérêts de classe – aux élites du Sud global en leur faisant miroiter qu'elles conserveraient leur propre « zone d'influence » souveraine, fondée sur leur droit à « représenter une civilisation ».

La crise du bonapartisme post-soviétique

Les intérêts contradictoires des capitalistes politiques post-soviétiques, des classes moyennes professionnelles et du capital transnational constituent la structure du conflit politique d'où a surgi en fin de compte la guerre actuelle. Mais la crise de l'organisation politique des capitalistes politiques a exacerbé les menaces qui pèsent sur elle.

Les régimes bonapartistes comme celui de Poutine ou d'Alexandre Loukachenko au Belarus reposent sur un soutien passif et dépolitisé et tirent leur légitimité du fait qu'ils ont surmonté le désastre de l'effondrement post-soviétique, et non d'un consentement actif qui garantirait l'hégémonie politique de la classe dirigeante. Ce type de régime autoritaire personnalisé est fondamentalement fragile en raison du problème de la succession. Il n'existe pas de règles ou de traditions claires pour transférer le pouvoir, pas d'idéologie articulée à laquelle un nouveau dirigeant devrait adhérer, et pas de parti ou de mouvement dans lequel celui-ci pourrait être socialisé. La question de la succession représente le point faible où les conflits internes au sein de l'élite peuvent s'échauffer dangereusement et par où les soulèvements d'en bas ont le plus de chances de réussir.

De tels soulèvements se sont multipliés à la périphérie de la Russie ces dernières années : non seulement l'Euromaidan ukrainien de 2014, mais aussi les révolutions en Arménie, la troisième révolution au Kirghizstan, le soulèvement raté de 2020 au Belarus et, plus récemment, le soulèvement au Kazakhstan. Dans les deux derniers cas, le soutien russe s'est avéré crucial pour assurer la survie du régime local.

En Russie même, les rassemblements « Pour des élections équitables » organisés en 2011 et 2012, ainsi que les mobilisations ultérieures inspirées par Alexei Navalny, n'ont pas été négligeables. À la veille de l'invasion, l'agitation sociale grossissait, tandis que les scrutins montraient une baisse de la confiance en Poutine et un nombre croissant de personnes souhaitant qu'il se retire. Il est à noter que l'opposition à Poutine était d'autant plus forte que les personnes interrogées étaient jeunes.

Aucune des dites révolutions de couleur post-soviétiques n'a représenté par elle-même une menace existentielle pour les capitalistes politiques post-soviétiques comme classe. Elles ont seulement amené au pouvoir d'autres fractions de la même classe, et ce faisant, aggravé la crise de la représentation politique à laquelle elles avaient tout d'abord été une réaction. C'est ce qui explique la fréquence de ce genre de protestation.

Les révolutions de couleur sont, comme le dit le politologue Beissinger, des révolutions citoyennes et citadines typiques de notre époque. En s'appuyant sur une énorme quantité de données statistiques, il montre que les révolutions citoyennes et urbaines, à la différence des révolutions sociales du passé, n'affaiblissent que passagèrement les dominations autoritaires et ne renforcent les sociétés civiles que provisoirement. Elles ne débouchent ni sur une organisation politique plus solide ou plus égalitaire, ni sur des transformations démocratiques durables.

Il est significatif que les « révolutions de couleur » s'étant déroulées dans les pays post-soviétiques aient affaibli l'État et rendu les capitalistes politiques locaux plus vulnérables face à la pression du capital transnational – tant directement qu'indirectement par l'intermédiaire des ONG pro-occidentales. En Ukraine, par exemple, après l'Euromaidan, FMI, G7 et société civile se sont opiniâtrement attachés à la mise en place d'institutions « anti-corruption » .

Les huit années qui se sont écoulées ensuite n'ont vu éclater aucun scandale de corruption d'une certaine ampleur. En revanche a été institutionnalisée la surveillance d'importantes entreprises étatiques et du système judiciaire par des citoyens d'États étrangers et des activistes anti-corruption, restreignant ainsi pour les capitalistes politiques autochtones les possibilités d'engranger des rentes d'initiés. Les capitalistes politiques russes ont de bonnes raisons de se sentir devenir nerveux en voyant les problèmes dans lesquels sont embarqués ces oligarques ukrainiens jadis si puissants.

La date de l'invasion, de même que l'erreur de pronostic de Poutine croyant à une victoire rapide et facile peuvent s'expliquer par plusieurs facteurs : ainsi l'avance temporaire de la Russie en matière d'armement hypersonique, la dépendance de l'Europe par rapport à l'énergie russe, la répression de l'opposition dite pro-russe en Ukraine, la stagnation du protocole de Minsk de 2015 après la guerre du Donbass, ou bien encore le fonctionnement défaillant des services de renseignement russes en Ukraine.

J'ai cherché à esquisser à grands traits le conflit de classe qui est à l'arrière-plan de l'invasion, à savoir entre les capitalistes politiques intéressés par l'expansion territoriale pour soutenir le taux de rente, d'une part, et le capital transnational allié aux classes moyennes professionnelles – qui ont été exclues du capitalisme politique – d'autre part.

Le concept marxiste d'impérialisme ne peut être utilement appliqué à la guerre actuelle que si nous pouvons identifier les intérêts matériels qui la sous-tendent. En même temps, le conflit ne concerne pas seulement l'impérialisme russe. Le conflit actuellement résolu en Ukraine par les chars, l'artillerie et les roquettes est le même que celui que les matraques de la police ont réprimé au Belarus et en Russie même.

L'aggravation de la crise d'hégémonie post-soviétique – l'incapacité de la classe dominante à mettre sur pied une direction politique, morale et intellectuelle stable – est la cause principale de l'escalade de la violence.

Conséquences contradictoires

La classe dirigeante russe n'est pas uniforme. Il y a des secteurs à qui les sanctions occidentales font subir de lourdes pertes. Mais la relative autonomie du régime russe par rapport à la classe dominante lui permet de défendre les intérêts collectifs de long terme indépendamment des pertes endurées par certains représentants ou certains groupes. En même temps, la crise qui, à la périphérie de la Russie,secoue des régimes analogues, alourdit les menaces existentielles qui pèsent sur la classe dominante russe prise dans sa totalité.

Les fractions plutôt souverainistes du capital politique russe ont pris l'avantage sur celles qui se prêteraient à des compromis, mais même ces dernières comprennent probablement qu'elles perdraient toutes à la chute du régime.

Avec cette guerre, le Kremlin a tenté de désamorcer ces menaces à l'horizon d'un avenir prévisible, en se donnant pour but ultime une restructuration « multipolaire » de l'ordre mondial. En dépit de son coût élevé, la guerre donne une légitimité au découplage de la Russie par rapport à l'occident et rend en même temps extrêmement difficile de revenir en arrière après l'annexion de nouveaux territoires ukrainiens.

En même temps, la clique russe au pouvoir élève l'organisation politique et la légitimité idéologique de la classe dominante à un niveau supérieur. Il y a déjà des signes indiquant une évolution vers un régime politique autoritaire renforcé, plus idéologique et volontariste, s'inspirant explicitement du modèle plus efficace du capitalisme politique chinois.

Pour Poutine, cela représente pour l'essentiel une nouvelle étape du processus de consolidation post-soviétique qu'il a démarré au début des années 2000 en mettant au pas l'oligarchie russe. Au récit un peu flou de la première phase, mettant en avant la prévention des catastrophes et le rétablissement de la « stabilité », succède un nationalisme conservateur plus nettement articulé, lequel prend pour cibles à l'étranger l'Ukraine et l'Occident, et à l'intérieur les « traîtres » cosmopolites. C'est à peu près le seul langage idéologique disponible dans le contexte de la crise idéologique post-soviétique.

Certains auteurs avancent que le renforcement d'une politique d'hégémonie par en haut peut favoriser la montée d'une politique contre-hégémonique plus vigoureuse par en bas. Si cela est exact, il se pourrait que le tournant du Kremlin en direction d'une politique idéologiquement plus marquée et se voulant plus volontaire, crée les conditions d'une opposition politique de masse mieux organisée, plus consciente et plus enracinée dans les classes populaires que n'en a jamais vu aucun pays post-soviétique, et ouvrir en fin de compte la voie à une nouvelle vague de révolution sociale.

Une évolution de ce genre pourrait à son tour modifier fondamentalement l'équilibre des forces sociales et politiques dans cette partie du monde, avec une possibilité de mettre fin au cercle vicieux dans lequel elle se débat depuis l'effondrement de l'Union Soviétique il y a à peu près trente ans.

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Le techno-féodalisme est un Léviathan de pacotille

4 février, par Cédric Durand — ,
Qu'exprime le retour au pouvoir de Donald Trump et plus spécifiquement son alliance avec Elon Musk et les patrons de Meta, Amazon, Google, etc. ? Une nouvelle étape dans (…)

Qu'exprime le retour au pouvoir de Donald Trump et plus spécifiquement son alliance avec Elon Musk et les patrons de Meta, Amazon, Google, etc. ? Une nouvelle étape dans l'ascension de seigneurs techno-féodaux, analyse icil'économiste Cédric Durand, qui s'interroge également sur la politique qu'il nous faudrait opposer à ce qui pourrait bien constituer un « grand événement de l'histoire universelle. »

3 février 2025 | tiré de contretemps.eu
https://www.contretemps.eu/techno-feodalisme-leviathan-trump-musk/

Dans, L'homme sans qualité, le grand Roman de Robert Musil qui se déroule à Vienne dans l'année qui précède la première guerre mondiale, le général Stumm fait à Ulrich, le personnage principal, une remarque dont le narrateur nous dit qu'elle est pleine de sagesse :

« Vois-tu, tu voudrais toujours qu'on soit clair (…). Certes, j'admire ce trait, mais si tu pensais historiquement, une fois ? Comment donc ceux qui participent immédiatement à un grand évènement pourraient-ils savoir à l'avance s'il sera un grand évènement ? Tout au plus en s'imaginant qu'il en est un ! Si tu me permets un paradoxe, j'affirmerai donc que l'histoire universelle est écrite avant de se produire : elle commence toujours par être des racontars ».

Les racontars du grand évènement en cours sont ceux qui entourent l'arrivée au pouvoir de Donald Trump et le vent glacial qu'a fait souffler la cérémonie d'investiture du 20 janvier 2025 sur la situation politique mondiale. Si l'avalanche de décrets [executive orders] – plus d'une centaine en une semaine – et d'agressions verbales étaient attendues, la mise en scène de la fusion entre le pouvoir politique et les géants de la Tech américaine fut une surprise.

Contrairement à l'usage qui veut que les premières places soient réservées aux anciens présidents et aux autres invités d'honneur, Mark Zuckerberg de Meta, Jeff Bezos d'Amazon, Sundar Pichai de Google et Elon Musk de Tesla étaient à proximité immédiate du président. Plus à l'arrière, Tim Cook d'Apple, Sam Altman d'Open AI et Shou Zi Chew de Tik Tok se trouvaient, mêlés dans la petite foule des dignitaires du nouveau régime, avec Barack Obama, Georges W. Bush, les Clinton et les ministres choisis par Trump lui-même.

Quelques heures plus tard, les deux saluts nazis d'Elon Musk adressés à la foule des supporter trumpistes ne faisait que conforter de la pire manière l'avertissement donné par Joe Biden au peuple étasunien au moment de quitter la maison blanche : “une oligarchie dotée d'une richesse, d'un pouvoir et d'une influence extrêmes est en train de prendre forme en Amérique et menace directement notre démocratie tout entière”. Ce constat du président sortant, trop tardivement lucide, ne mord pas.

D'abord parce que l'influence des plus riches aux États-Unis donne depuis longtemps un caractère oligarchique au régime politique. Ensuite, parce que ces milliardaires de la Tech furent très majoritairement, jusqu'à ces dernières années, des soutiens du parti démocrate et des adversaires déclarés de Donald Trump. Celui-ci ne manqua d'ailleurs pas de le souligner : “Ils l'ont déserté”. “Ils étaient tous avec lui, chacun d'entre eux, et maintenant ils sont tous avec moi.-”.

La question cruciale porte sur la nature de ce réalignement de la Tech : s'agit-il d'un simple revirement opportuniste, dans les mêmes grands paramètres systémiques, ou bien d'un moment de rupture digne de la qualification de grand évènement de l'histoire universelle ? Risquons-nous à cette seconde hypothèse.

Le contraire d'un absolutisme

Trump aime les hommages ostentatoires. Lorsque les puissants courtisans s'empressent auprès du souverain, « The great estate of Palm Beach », comme il appelle sa résidence de Mar el Lago, ne prend-il pas des airs de petit Versailles ? Mais Trump n'a rien d'un apprenti Louis XIV.

Loin d'une reprise en main centralisatrice du pays, son retour au pouvoir s'effectue sous le signe du rejet de l'interventionnisme et des restrictions imposées par l'administration Biden : si l'argent du fossile était acquis à Trump, le basculement de la tech et de la frange la plus mobilisée de la finance répond à la vigoureuse politique anti-trust menée par Lina Khan, à l'attitude défiante vis-à-vis des cryptos de Gary Gensler à la tête de la Security Exchange Commission et à l'orientation modérément progressiste des démocrates sur le plan de la fiscalité.

Autrement dit, le ralliement des entrepreneurs de la Tech à Trump s'effectue sous le signe de la réaction et vise à l'élargissement de leur champ d'action. Y compris sur la scène internationale où ils comptent sur l'activisme de la nouvelle administration, notamment en Europe, pour faire bouger les lignes réglementaires et fiscales en leur faveur.

Deux décrets signés par Donald Trump le jour même de son investiture ne laissent aucun doute sur l'orientation prise. Le premier révoque une décision de Joe Biden relative à la sécurité des systèmes d'intelligence artificielle qui obligeait “les développeurs de systèmes d'IA qui présentent des risques pour la sécurité nationale, l'économie, la santé ou la sécurité publique des États-Unis à partager les résultats des tests de sécurité avec le gouvernement américain”.

En somme, les autorités publiques gardaient un droit de regard sur les évolutions à la frontière de l'IA. Ce n'est plus le cas. On peut objecter que si les promesses de la Tech sont loin d'être toujours tenues, il doit en être de même pour les menaces existentielles que la foison de dystopies numériques envisage. Maigre consolation. S'agissant de la technologie la plus disruptive de notre époque, avec la volonté de se soustraire à toute forme de supervision publique, c'est l'intention qui compte.

L'autonomisation des Big Tech du fait de la dérégulation de l'IA se double d'une forme de subordination de la puissance publique. Dans la même rafale inaugurale, un second décret annonce la création du Department of Government Efficiency (DOGE service), dont la direction est confiée à Musk, sur la base de la réorganisation du US Digital Services (USDS).

L'USDS a été institué sous l'administration Obama pour mieux intégrer les systèmes d'information entre les différentes branches du gouvernement. Pour Richard Pierce, un professeur de droit à l'université George Washington, cette manière d'intégrer DOGE au gouvernement fédéral va fonctionner, c'est-à-dire qu'elle va « lui donner une plate-forme de surveillance et de projection de ces recommandations » . La nouvelle entité dispose en effet ainsi d'un accès illimité aux données non classifiées de toutes les agences gouvernementales.

Il est difficile de surestimer les potentielles conséquences de cette nouvelle situation. Mais la première mission confiée à DOGE ce même 20 janvier, permet d'imaginer ce que cela implique. Sous le label “reformer le processus fédéral de recrutement et rétablir le mérite dans la fonction publique », la nouvelle administration entend exercer un contrôle beaucoup plus étroit sur les fonctionnaires, notamment en ce qui concerne leur « engagement en faveur des idéaux, des valeurs et des intérêts américains » et leur volonté de « servir loyalement le pouvoir exécutif ».
A cette fin de surveillance politique, DOGE est convoqué de manière à “intégrer des technologies modernes pour soutenir le processus de recrutement et de sélection […et..] veiller à ce que les responsables des départements et des agences, ou les personnes désignées par eux, participent activement à la mise en œuvre des nouveaux processus et à l'ensemble du processus de recrutement ». En somme, Musk et ses machines se voient confier l'encadrement politique des fonctionnaires fédéraux, ce qui nourrit à juste titre les craintes de chasse aux sorcières et de politiques discriminatoires magnifiées par la puissance algorithmique.

Le fond de ces deux décisions ne souffre d'aucune ambiguïté : d'un côté, les entrepreneurs de la Tech se débarrassent de la supervision publique pour leurs applications les plus sensibles ; de l'autre, le cœur de ce qui fait l'État – la gestion des carrières de la bureaucratie – se soumet à leur dispositif de surveillance. Le nouveau trumpisme n'est donc pas un absolutisme car il ne vise pas à opérer l'unification politique des classes dominantes dans l'État fédéral. Son essence est au contraire d'émanciper la fraction la plus offensive du capital de toute contrainte sérieuse de la part de l'État fédéral tout en mettant l'appareil administratif sous son contrôle.

Il serait folie de ne pas prendre au sérieux l'affirmation au cœur de la principale puissance mondiale d'un projet aussi radical. Le grand évènement qui s'esquisse touche aux rapports entre Capital et État et pourrait affecter tant les rapports de classe que les relations internationales. C'est une velléité de techno-féodalisme aux visées hégémoniques globales qu'on peut décrire à grands traits.

A l'assaut de la puissance publique

Tout d'abord, il faut rappeler que si la transformation des rapports économiques associée au déploiement des technologies numériques rend possible le techno-féodalisme, cela ne résulte pas d'un déterminisme technique. En Chine où l'essor des Big Tech est, comme aux États-Unis, remarquable, les rapports entre celles-ci et l'État sont volatiles mais marqués par la persistance d'une capacité de la puissance publique à imposer un alignement du secteur avec des objectifs développementistes définis par le politique.

En Occident, l'exemple de la Libra offre une autre illustration du fait que le techno-féodalisme est résistible. En 2018, Facebook fut à l'initiative de ce projet de crypto monnaie. Pour les plus de 2 milliards d'utilisateurs de la plateforme cette crypto aurait eu l'avantage d'offrir un moyen pratique et bon marché de transférer de l'argent dans le monde entier. Pour le réseau social l'opportunité de profit était évidente : plus d'engagement des utilisateurs, plus de données grâce aux opérations commerciales et des revenus additionnels issus des commissions sur les transactions. Mais, en 2021, le verdict final des parlementaires, du département étasunien du Trésor et de la Fed est tombé : Niet. L'échelle du projet était telle qu'il représentait une menace en termes de risque financier systémique, de concentration de pouvoir économique, voire de fragilisation du dollar.

De l'autre côté de l'Atlantique, à la banque des règlement internationaux, Benoît Cœuré ne fait pas mystère de ce qui est en jeu : « la mère de toutes les questions politiques […] est l'équilibre des pouvoirs entre le gouvernement et les Big Tech dans l'élaboration de l'avenir des paiements et du contrôle des données qui y sont liés”. Face aux crypto-monnaies, il est essentiel que les autorités publiques développent des monnaies numériques de banques centrales.

Quatre ans plus tard, la première décision de Donald Trump en ce domaine prend l'exact contrepied de la position de Cœuré : d'un côté, il laisse le champ libre aux zélateurs des crypto-monnaies en appelant à la mise en place d'une régulation qui soutienne « l'innovation dans les actifs financiers numériques et les blockchains ». De l'autre, il lie les mains des banques centrales en exigeant “des mesures qui protègent les Américains des risques liés aux monnaies numériques des banques centrales (MNBC) (….), notamment en interdisant l'établissement, l'émission, la circulation et l'utilisation d'une telle monnaie dans la juridiction des États-Unis ”.

Moins d'État plus de Big tech. Ou plus tôt, une dislocation de l'autonomie du politique sous l'emprise du capital numérique telle est donc la première caractéristique du techno-féodalisme qui se met en place aux Etats-Unis. Le mouvement général est le suivant : 1) la monopolisation des connaissances va de pair avec la centralisation des moyens algorithmiques de coordination des activités humaines ; 2) en l'absence de contrepoids du côté de la puissance publique, elle donne lieu à déplacement du pouvoir d'organisation du social dans les mains des Big Tech ; 3) le corolaire est une capacité hors norme et croissante d'influence de ces acteurs privés sur les comportements individuels et collectifs.

La fragmentation de conversation publique par les réseaux sociaux, la volonté de capture du pouvoir monétaire par le biais crypto-monnaies et, plus fondamentalement, la tentative de centralisation de ce que Marx appela le général intellect par l'IA participent de ce même mouvement de déplacement du pouvoir politique un peu plus loin des institutions publiques.

La haine de l'égalité

La privatisation tendancielle du politique, c'est-à-dire l'affaiblissement des médiations des rapports entre classes et fractions de classe ouvre un abime de questions qu'on laissera de côté ici. Mais elle s'accompagne d'une pulsion antidémocratique qui renvoie à un second trait du techno-féodalisme : la haine de l'égalité.

Au début des années 1990, le manifeste Cyberspace and the American Dream [Le cyberspace et le rêve américain] était hanté par le radicalisme de l'icône libertarienne Ayn Rand. Son idéologie qui prône le droit des pionniers à enfreindre toute règle collective pour mener à bien leur action créatrice tend jusqu'à aujourd'hui un miroir complaisant dans lequel nombre d'entrepreneurs de la tech aiment se reconnaître. La sortie de Marc Zuckerberg plaidant pour davantage d'énergie masculine » n'est que la pointe émergée d'une culture sexiste omniprésente dans le secteur de la Tech qui manifeste la brutalité d'une passion pour l'inégalité.

Le culte randien de la performance et le mépris de ceux considérés comme faibles ou déviants – femmes, racisés, pauvres, trans…- sont les deux faces d'une même pièce. C'est ce socle qui a rendu possible le rapprochement rapide avec l'extrême droite. Et c'est lui encore que l'on trouve dans le dédain pour l'intégrité de la personnalité qu'exprime le refus de la régulation en matière numérique, c'est-à-dire le primat donné au droit à l'innovation des grandes firmes sur la protection des individus et du commun dans la gouvernementalité algorithmique.

Un régime prédateur

Le troisième caractère distinctif de ce régime émergent résulte de la substitution de la logique productiviste/consumériste du capitalisme par un principe de prédation et d'attachement. Si l'appétit de profit reste aussi vorace que dans les périodes précédentes du capitalisme, chez les Big Tech les ressorts de la recherche de profit ont changé. Quand le capital traditionnel investit pour baisser les coûts ou servir de nouveaux besoins solvables le capital techno-féodal investit pour prendre le contrôle de champs d'activité sociale de manière à créer des rapports de dépendance qu'il peut ensuite monétiser.

Les services que proposent les monopoles numériques ne sont pas des produits comme les autres. D'abord, ils constituent des infrastructures critiques : la panne géante de Microsoft à l'été 2024 a rappelé qu'un bug pouvait impacter significativement l'activité dans un grand nombre de secteurs tels que les aéroports, les hôpitaux, les banques, les administrations, la grande distribution….

Ensuite, en utilisant massivement leurs services, nous renforçons le pouvoir de ces géants américains, qui ne cessent d'apprendre sur la base des données que nous générons. Plus nous faisons appel à leurs services, plus Microsoft, Google, Amazon et l'empire de Musk renforcent leur avance commerciale et technologique, ce qui rend leurs services encore plus performants et ainsi la dépendance plus aiguë. Enfin, sur le plan économique, cette subordination se paye cash en termes de capture de valeur. La facture que règle les états et les entreprises aux Big Tech ne cesse d'enfler.

Dans le jeu à somme nulle qui s'installe, la contrepartie de l'accélération de l'accumulation dans les Big Tech, c'est la stagnation ailleurs. A l'échelle de l'économie mondiale, c'est une question de développement inégal, dont l'Europe est désormais aussi une victime, amenée dans ce domaine à rejoindre la totalité des autres pays, à l'exception de la Chine.

Au sein du capital, c'est une stratification qui se met en place dans laquelle une grande part des géants économiques des autre secteurs sont progressivement relégués au second plan à mesure qu'ils accroissent leur dépendance au cloud et à l'IA. Quand bien même l'engouement boursier pour l'IA a une dimension spéculative, synonyme d'instabilité, les mouvements de capital considérables autour de la Tech depuis une décennie correspondent à une réorganisation économique de grande ampleur dont la conséquence est une concentration et une centralisation extrême de l'accumulation du capital.

Au sein de la population, la logique est celle d'une polarisation aggravée, les inégalités corollaires à l'exploitation capitaliste étant redoublées par l'appropriation rentière de valeur par les monopoles intellectuels. Last but not least, le principe de prédation est aussi celui qui préside à la réification du vivant et au pillage de la nature. Les besoins effrénés de ressources que requiert le numérique se traduisent par des destructions écologiques qui, du point de vue des humains, sont aussi une perte de valeur d'usage donnant à la croissance ainsi générée a un caractère antiéconomique.

Chercher la contradiction

Pour la gauche, l'emprise directe sur les processus politiques des dirigeants de la Tech et l'alignement tendanciel de l'appareil d'État étasunien et de sa projection globale sur leurs intérêts posent des questions stratégiques épineuses. Quelle place donner au combat contre les Big Tech ? Comment l'articuler au combat anticapitaliste qui la définit, fonde son ancrage populaire et tisse le lien avec les mouvements sociaux ? Quel sens donner à l'internationalisme face à un adversaire techno-féodal qui déborde d'emblée les cadres nationaux ?

Il n'existe pas de réponses simples à ces questions. A un moment où, dans nombre de pays, notamment en Europe, la dégradation de l'emploi vient fragiliser un peu plus la situation d'un monde du travail déjà malmené par le choc inflationniste et où l'agenda de l'extrême droite progresse à grand pas, il n'est pas évident de définir la place à accorder à une menace moins immédiate et plus insaisissable.

Cette difficulté n'est pas sans rappeler celle qui se pose dans l'articulation des combats écologiques et pour la justice sociale. A la différence cependant qu'avec le tandem Trump-Musk, l'offensive techno-féodale prend la forme d'une agression ouverte face à laquelle vont rapidement se dessiner les figures classiques de la capitulation, de la collaboration et de la résistance. Or pour ce genre de configuration, la gauche historique dispose d'une riche expérience théorique et pratique, notamment dans le contexte de la lutte antifasciste et des mouvements de libération nationale.

On doit à Mao Tse-Toung, dans son texte classique De la contradiction (1937) une des manières les plus ramassées de saisir le problème. Et c'est le philosophe Slavoj Žižek qui nous en donne la quintessence :

La contradiction principale (universelle) n'est pas superposable à la contradiction qui doit être traitée comme dominante dans une situation particulière – la dimension universelle réside littéralement dans cette contradiction particulière. Dans chaque situation concrète réside une contradiction ‘particulière' distincte, au sens précis où, pour remporter la bataille de la résolution de la contradiction principale, il convient de traiter une contradiction particulière comm

e la contradiction prédominante à laquelle doivent être subordonnées toutes les autres luttes.

Dans le contexte actuel, la contradiction principale, universelle, reste celle née de l'exploitation capitaliste qui oppose de manière antagonique le capital au travail vivant. Mais l'offensive techno-féodale risque de déboucher rapidement sur une situation dans laquelle l'opposition aux Big Tech étasuniennes passerait au premier plan, devenant la contradiction prédominante, celle dont la résolution est un prérequis pour remporter la bataille principale. Lorsque nous en serons là, si nous n'y sommes pas déjà arrivés, les tâches de la gauche vont s'en trouver bouleversées.

Prenant l'exemple des guerres coloniales dont fut victime la Chine, Mao explique ainsi :

Quand l'impérialisme lance une guerre d'agression contre un tel pays, les diverses classes de ce pays, à l'exception d'un petit nombre de traîtres à la nation, peuvent s'unir temporairement dans une guerre nationale contre l'impérialisme. La contradiction entre l'impérialisme et le pays considéré devient alors la contradiction principale et toutes les contradictions entre les diverses classes à l'intérieur du pays (y compris la contradiction, qui était la principale, entre le régime féodal et les masses populaires) passent temporairement au second plan et à une position subordonnée.

Les conditions d'un front anti-techno-féodal

Dans la configuration qui nous intéresse, cette plasticité tactique implique d'être prêt à la constitution d'un front anti-techno-féodal qui inclurait, au-delà des forces de gauche, des forces démocratiques, y compris donc des fractions du capital en rupture avec les Big Tech.

Pour échapper au processus de colonisation numérique, son agenda devrait-être celui d'une politique numérique non-alignée avec pour objectif de créer un espace économique pour que les différentes couches constitutives alternatives aux Big Tech puissent se développer. Cette stratégie de souveraineté implique simultanément une forme de protectionnisme numérique – ou de démantèlement si l'on se situe aux États-Unis, et un nouvel internationalisme technologique fondé sur des coopérations à géométrie variable qui permettent d'opérer à des échelles suffisamment vastes.

Mais la perspective d'une telle alliance de circonstance ne doit pas créer d'illusions. D'abord, les contours de celle-ci sont aujourd'hui extrêmement incertains. La confusion idéologique résultant d'une situation qui se transforme à grande vitesse est bien sûr en cause, mais des raisons structurelles jouent aussi. Parce que le capitalisme contemporain se caractérise par des formes complexes d'interpénétration et d'articulation des différents capitaux entre les secteurs et les territoires, il est difficile de lire où et comment des fissures vont se former et s'élargir au point de devenir des oppositions et quels vont être les points institutionnels où il faudra appuyer pour les travailler.

Ensuite, parce que la mise en œuvre du programme qui la cimentera ne va pas de soi. Une des grandes leçons des expériences développementistes est que, souvent, la bourgeoisie nationale échoue. Faute de discipline suffisante, les capitaux domestiques adoptent une attitude rentière dans laquelle la puissance publique devient une vache-à-lait, meilleure à reproduire les inégalités existantes qu'à impulser la transformation structurelle qui permettrait de rompre la dépendance.

Enfin, parce que la puissance de la gouvernementalité algorithmique et l'impératif écologique de parcimonie obligent à anticiper les risques de capture bureaucratique. La résistance au techno-féodalisme doit avoir une dimension populaire. L'implication directe des masses dans la bataille passe par la question des usages et des outils numériques. Mais elle ne s'y limite pas. L'opposition au techno-féodalisme exige la construction de capacités administratives et de politiques industrielles pour orienter l'investissement. Les mettre sous tension démocratique implique d'y adjoindre des contre-pouvoirs et d'établir des formes de contrôle sur les ressources mobilisées afin de générer des boucles de rétroactions nécessaire pour soutenir la légitimité de l'action publique.

Les milliardaires de la Tech ne sont pas seulement des riches qui convoitent la proximité du pouvoir pour défendre leurs intérêts ploutocratiques. Ces capitalistes sont des seigneurs techno-féodaux en devenir, déterminés à saisir l'opportunité de leur alliance avec Trump pour abattre les derniers obstacles politiques à l'instauration d'un nouvel ordre social fondé sur la projection et la manipulation des algorithmies afin de centraliser la valeur produite par le travail et d'imposer leurs lubies millénaristes.

Cette ascension techno-féodale n'a rien d'inéluctable. L'étroitesse extrême de la base sociale sur laquelle elle repose, son aspiration à faire disparaître les médiations politiques ou encore les valorisations financières fictives auxquelles elle donne lieu en font un échafaudage vulnérable. La brutalité avec laquelle le projet avance garantit que la détestation qu'il suscite va aller croissant. Déjà, au sein même de la galaxie MAGA, Steve Bannon promet de combattre de toutes ses forces les tentatives de Musk « mettre en œuvre le techno-féodalisme à l'échelle mondiale ».

Sous les coups de boutoirs des prouesses numériques chinoises, le vernis des prétention suprématiste des géants de la côte ouest s'écaille, instillant le doute sur leur invincibilité. Le techno-féodalisme étasunien est un Leviathan de pacotille. Mais la nature de la coalition qui va l'abattre reste incertaine. Si la gauche est à sa tête, alors, vraiment, il faudra comme le général Stumm parler de grand évènement.

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Prendre au sérieux l’alliance des tours et des bourgs. Pour un antiracisme de classe

4 février, par Stathis Kouvelakis — , ,
Le weekend du 11 et 12 janvier se sont tenues à Pantin à l'appel de plusieurs organisations et collectifs, dont Contretemps, des journées de débat sur le thème « L'alliance des (…)

Le weekend du 11 et 12 janvier se sont tenues à Pantin à l'appel de plusieurs organisations et collectifs, dont Contretemps, des journées de débat sur le thème « L'alliance des tours et des bourgs ? Chiche ! ». Nous reprenons ici l'intervention de Stathis Kouvélakis. Les vidéos de ces journées sont disponibles ici, ici et ici.

28 janvier 2025 | tiré de contretemps.eu
https://www.contretemps.eu/alliance-tours-bourgs-antiracisme-classe/

Nous l'avions dit lors du meeting organisé en juillet dernier, dans la foulée des législatives : le sursaut qui a permis de mettre un coup d'arrêt à la marche vers le pouvoir de l'extrême droite n'est qu'un sursis. Il en faut bien davantage pour inverser la tendance, battre durablement l'extrême droite et propulser une véritable alternative de gauche, c'est-à-dire portée par une gauche de rupture. Sans minorer l'importance de la mobilisation multiforme qui a permis ce sursaut, il convient d'en souligner la fragilité et tenir un langage de vérité et non d'autosatisfaction ou d'optimisme forcé.

La percée de l'extrême droite dans les classes populaires

Voici donc quelques faits, sous forme de chiffres, qui devraient inciter à réflexion. Commençons par ceux justement des législatives. Il est vrai que, démentant tous les sondages, le NFP est arrivé en tête du second tour en termes de sièges, et le RN en 3e position seulement. Mais il n'en reste pas moins qu'en termes de suffrages, le RN se place nettement en tête, aussi bien au premier qu'au second tour, avec, respectivement, 1 million et 3 millions de voix de plus que le total de la gauche.

Cette avance inverse l'ordre d'arrivée des précédents scrutins nationaux. En 2022, la gauche avait en effet nettement devancé l'extrême droite aux deux tours des élections législatives, et fait jeu égal au premier tour de la présidentielle. Force est donc de constater que la dynamique électorale est aujourd'hui du côté de l'extrême droite. Celle-ci progresse à chaque scrutin, et franchit désormais nettement la barre des 30%, tandis que la gauche stagne autour d'un petit tiers des voix, soit un niveau d'une faiblesse inédite depuis plus d'un siècle. Elle ne parvient d'ailleurs même pas à atteindre cet étiage bas lorsqu'elle se présente rassemblée, ce qui, rappelons-le, ne s'était jamais produit pour un scrutin législatif avant 2022 et dément l'idée intuitive que l'unité débouche sur un total supérieur à la somme des parties.

La question qui se pose dès lors est celle des fondements de cette évolution différentielle. Allons directement au nœud du problème : le moteur de la dynamique de l'extrême droite se trouve dans la position dominante qu'elle a su au fil des années conquérir au sein des classes populaires, en particulier dans ce qu'on peut considérer comme leur épicentre, les ouvriers et les employés. Et rien n'indique que cette dynamique se soit atténuée ou, a fortiori, inversée. Regardons quelques données de sociologie électorale tirées d'enquêtes réalisées le jour du vote[1].

En 2017, au 1er tour de la présidentielle, l'extrême droite obtient 42% du vote des ouvriers, 39% de celui des employés, un groupe composé aux trois quarts de femmes. En 2022, au même tour de scrutin, les scores sont respectivement de 47% et de 39%. Au premier tour des législatives de juin dernier, ils dépassent les 50% et les 44% selon les instituts de sondages. Même en tenant compte de l'abstention, 31% des ouvriers et 28% des employés ont voté pour l'extrême droite, soit une proportion égale à celle de l'abstention, pourtant élevée dans ces catégories.

On ne peut donc plus dire, comme ce fut naguère le cas, que l'abstention est le premier parti chez les ouvriers et les classes populaires[2]. Si au fil des scrutins, l'extrême droite progresse dans toutes les catégories de la population, sa progression la plus importante continue de s'opérer au sein des classes travailleuses. Ce phénomène apporte également un démenti flagrant aux théories dominantes chez les politologues selon lesquelles les classes moyennes diplômées sont le socle de toute stratégie électorale gagnante.

L'évolution du vote du gauche est une image inversée de ce qui précède : dans ces mêmes catégories elle se situe dans les scrutins présidentiels autour de sa moyenne nationale, à savoir un petit tiers. Les trois quarts environ de cette part revient au vote en faveur de Jean-Luc Mélenchon, seul candidat de gauche à obtenir des résultats un tant soit peu significatifs parmi les ouvriers et les employés. Dans le scrutin législatif de mai dernier les scores du NFP sont particulièrement faibles dans ces catégories, ce qui renvoie à une abstention sensiblement supérieure à la moyenne, et qui semble avoir touché davantage l'électorat de LFI que celui de la gauche dite « modérée ». A l'inverse, la gauche, et surtout cette gauche « modérée », obtient des scores supérieurs à sa moyenne nationale dans le salariat dit intermédiaire et les cadres et professions intellectuelles, des catégories par ailleurs moins touchées par l'abstention.

Que viennent faire dans ce tableau les « tours » et les « bourgs » ? La réponse réside dans une lecture spatiale, ou géospatiale, de ces résultats. Il apparaît en effet clairement que le vote RN progresse en proportion inverse de la taille de l'agglomération. A l'inverse, le vote de gauche, en particulier celui de LFI, est nettement polarisé vers les grandes agglomérations. Lors de la dernière présidentielle, Mélenchon est arrivé en tête dans les villes de plus de 30 mille habitants, et Le Pen en 3e position, l'écart étant presque de 1 à 3 pour les villes de plus de 100 mille habitants.

À l'inverse, la candidate d'extrême droite était nettement en tête dans les bourgs de moins de 3500 habitants, l'écart variant du simple au double pour les communes de moins de 1000 habitants. Plus préoccupant encore, dans ces petites communes, le score de Mélenchon est en recul par rapport à 2017, alors qu'au niveau national il progresse de plus de deux points. Lors des dernières législatives, le RN devance de nouveau nettement la gauche dans les agglomérations de moins de 50 mille habitants, l'écart s'approchant du simple au double pour celles de moins de 10 mille habitants.

De là vient naturellement l'image des « tours » et des « bourgs », avec sa part de vérité mais aussi d'illusion. Car ce qui apparaît comme une question territoriale renvoie en fait à une double fracture : tout d'abord une fracture de classe. Ces différentiels de comportement électoral ne renvoient pas à des qualités intrinsèques aux espaces en question mais avant tout à la projection spatiale d'une polarisation de classe. Chassées par la spéculation immobilière, les classes populaires quittent les grandes agglomérations, en particulier les centres-villes, et investissent massivement les espaces qu'on appelle « périurbains » et « ruraux », eux-mêmes très diversifiés. A l'inverse, dans les villes se concentre une population plus jeune, plus diplômée et la très grande majorité de l'emploi de cadres (dont 45% est concentré en Ile de France). Dit autrement, le différentiel s'explique avant tout par la différence de composition sociale entre ces espaces[3].

Mais une deuxième ligne de fracture intervient aussitôt, qui comporte elle une projection spatiale, à savoir la fracture raciale. Les fractions racisées des classes travailleuses se retrouvent davantage dans les grandes agglomérations, en particulier dans leurs banlieues populaires, ou même dans les poches populaires subsistantes des centres-villes, tandis que les classes travailleuses blanches les quittent, ou bien demeurent dans des espaces périphériques où se maintient un tissu industriel, souvent dégradé. Ce que désigne donc la métaphore des tours et des bourgs, qui n'est une métaphore à manier avec précaution, c'est l'enchevêtrement de cette double fracture, en d'autres termes la dynamique de racisation de la fracture de classe de la société française.

Trois écueils pour une politique antiraciste

Qui dit racisation dit racisme car c'est bien le racisme qui produit les races et non l'inverse. Aussi bien l'expérience ordinaire de la réalité sociale que le travail militant et les multiples travaux sociologiques consacrés à cette question nous informent que le racisme est bien au cœur de l'adhésion croissante à l'extrême droite, une force politique dont le racisme constitue la colonne vertébrale idéologique. Ceci étant dit, qui nous semble peu prêter à controverse, plusieurs écueils se présentent, qui entravent la compréhension du phénomène et empêchent le déploiement de stratégies aptes à le combattre.

Premier écueil, l'idée selon laquelle le racisme serait l'apanage de l'électorat d'extrême droite, présenté de la sorte comme une excroissance pathologique de la société française. Cela revient à nier le fait massif que le racisme est un phénomène structurant de ladite société, qu'il est enraciné dans son histoire longue, notamment coloniale, dans ses institutions et dans son fonctionnement économique. Il serait absurde de penser que celles et ceux qui ne votent pas pour l'extrême droite en seraient préservés. Et pourtant, l'extrême droite est restée politiquement marginale jusqu'au début des années 1980. Il a fallu donc le basculement dans une conjoncture nouvelle, à la fois sur le plan économique, social et politique pour que le racisme préexistant se traduise sur le champ politique par la percée électorale et idéologique d'une formation d'extrême droite.

Les éléments de cette conjoncture ont été analysés maintes fois, je ne ferai donc que les énumérer rapidement : contre-réforme néolibérale et liquidation du compromis social de l'après-guerre. Ralliement de la gauche dite de gouvernement à ces politiques néolibérales, donc trahisons répétées des attentes qu'elle a pu susciter. Transformation des partis, en particulier des partis de gauche, en simples machines électorales et rétrécissement spectaculaire de leur base sociale, détachée de sa composante ouvrière et populaire au profit des classes moyennes et diplômées.

Affaiblissement dramatique du tissu syndical, associatif, culturel, qui, malgré ses lacunes et ses biais, notamment raciaux, a assuré pendant plus d'un siècle la présence concrète de la gauche dans le quotidien des classes populaires et permis de déjouer au moins partiellement leur fracturation. Renforcement de cette exclusion du champ politique par la dépossession démocratique impulsée par la mondialisation du capitalisme néolibéral, orchestrée en France et dans cette région du monde par l'Union européenne. En parallèle, ralliement de la droite et de la gauche de gouvernement au consensus raciste et autoritaire, fait de discours et de politiques anti-immigration, islamophobes et de plus en plus axées sur la répression.

C'est dans ce contexte qu'émerge ce que les sociologues ont appelé la « conscience triangulaire » à savoir le fait que les classes populaires se définissent par opposition aux élites qui les dominent mais aussi à celles et ceux qui se trouvent « en-dessous » d'elles, à savoir les minorités racisées. Celles-ci leur apparaissent comme d'autant plus menaçantes qu'elles représentent à la fois une forme de déchéance contre laquelle il s'agit de se défendre, par la revendication de blanchité et de francité, mais aussi un concurrent.

Un concurrent d'autant plus redoutable que les avantages de cette blanchité nationale sont perçues comme fragiles, remises en causes par des mécanismes échappant à leur contrôle, que ce soit la mondialisation, le retrait de l'Etat social et de sa logique d'universalité des droits, l'arrogance des élites politiques et intellectuelles ou les transformations d'un marché du travail structuré de façon croissante par le capital scolaire et la logique des diplômes. C'est dans cette conscience triangulaire que réside la mentalité de qu'on appelle parfois de « petit blanc », pour désigner le racisme ordinaire des classes populaires blanches, avec le risque d'énonciation à partir d'une position de surplomb que comporte ce vocable et qui ne peut, à mon sens, que reconduire le problème qu'il est censé mettre à distance.

La politisation du racisme qui est le carburant de la montrée de l'extrême droite renvoie donc à un ensemble de tendances lourdes qui traversent la société française et sans doute la plus grande partie du monde. Le racisme est intrinsèquement une façon globale d'organiser et de percevoir des questions d'ordre matériel, qui relèvent de la division sociale du travail, du logement, du système scolaire, du mode de vie. Et aussi, j'y reviens dans un instant, une façon de se situer sur le plan symbolique, au premier lieu celui de l'appartenance nationale, l'ensemble s'inscrivant dans la logique des rapports capitalistes qui structurent l'ensemble du monde social. C'est pourquoi il est parfaitement trompeur, pour ne pas dire pathétique, de le présenter comme un problème de « valeurs », d'ordre simplement moral ou culturel, ce qu'on désigne parfois comme « le sociétal ».

Cette façon de voir se décline de deux façons : l'une relève du mainstream libéral, l'autre imprègne cette gauche qui s'obstine à contourner la question du racisme. Dans la vision libérale, les classes populaires sont perçues comme frustes et culturellement arriérées, donc, s'agissant des classes populaires blanches, comme plus ou moins naturellement ou spontanément racistes. On se retrouve alors face au choix suivant : l'adaptation à cette vision, et c'est la version conservatrice qui incite à en rabattre sur les « valeurs progressistes ». Ou alors, c'est la version morale et « humaniste », le pari qu'une bonne pédagogie permettra à ces couches de s'ouvrir aux valeurs « universalistes » prétendument portées par les classes moyennes éduquées.

Pour la gauche qui se veut colorblind, disons, pour aller vite, celle que représente François Ruffin, le racisme n'est qu'une fausse conscience, un voile d'illusions appelé à se dissoudre dès lors que les « vrais » problèmes, d'ordre socioéconomique, sont mis en avant, moyennant un discours adéquat. Cette approche pêche d'une part par son économisme, à savoir la croyance que des revendications économiques, pour cruciales qu'elles soient, suffisent en elles-mêmes à dépasser la fragmentation produites par le jeu des petites différences matérielles et symboliques, redoublées par les effets des discours racistes qui saturent la sphère publique.

Cette croyance économiciste s'accompagne, d'autre part, de la confiance dans les vertus d'une bonne petite pédagogie humaniste, celle que François Ruffin désigne, je le cite dans le texte, comme son « laïus, mille fois répété : ‘Devant la justice, la police, la santé, l'éducation, qu'importe notre religion, notre couleur de peau, nous devons être tous et toutes égaux' ». On peut effectivement lui accorder que ce n'est qu'un laïus, c'est-à-dire, selon la définition du Larousse un « discours vague, creux et emphatique ». Un laïus qui remplit pourtant une fonction précise, à savoir l'idée parfaitement illusoire que pour détacher les classes populaires de l'emprise de l'extrême droite il faut renoncer à combattre le racisme.

À ce premier écueil vient s'ajouter un second, qui est en quelque sorte son symétrique inversé. Non pas contourner le problème, ou penser qu'on peut s'en tirer à peu de frais, voire en lui cédant une part de terrain, mais le considérer comme un fait intangible. Donc faire une croix sur les secteurs populaires qui sont tombés dans l'orbite de l'extrême droite, en les considérant comme irrécupérables car imprégnés de racisme. Le combat antiraciste se ramène ainsi à une dénonciation permanente des « racistes » qui « votent mal » et grossissent les rangs de l'électorat d'extrême droite. Alors qu'elle en perçoit la fonction sociale et politique, cette conception du racisme aboutit paradoxalement à une attitude moralisatrice semblable à celle de la vision libérale.

L'issue résiderait-elle alors dans un secteur de la société qui serait plus ou moins préservé de la contamination raciste, qu'il faudrait chercher parmi les « abstentionnistes » ? Mais les abstentionnistes ne sont pas un groupe nettement séparé du corps des votants. L'abstentionnisme n'est pas une sécession définitive mais le résultat d'une participation électorale intermittente.

Ainsi, au cours d'une année électorale combinant scrutin présidentiel et législatif, seuls 14% des inscrits n'ont participé à aucun scrutin. Bien entendu, cette participation est inégale selon l'âge et les catégories sociales : elle varie du simple au double entre ouvriers et cadres et du simple au triple entre les jeunes et les plus âgés. Sa constante progression est un élément central de l'exclusion politique des classes populaires qui caractérise l'ère néolibérale à l'échelle internationale. Il va donc de soi que l'élargissement de la base de la gauche, et tout particulièrement de la gauche de rupture, passe par une mobilisation accrue de la jeunesse et des classes populaires, racisées ou non.

Mais l'abstentionnisme est un agrégat hétérogène tant socialement que sur le plan idéologique. Du fait justement de l'intermittence croissante de la participation, on y retrouve les mêmes grandes tendances que parmi les votants. C'est pourquoi le RN s'est également révélé capable d'y puiser des forces, d'autant que sa position dominante parmi les classes populaires, combinée à son absence de toute expérience de pouvoir, en fait le réceptacle privilégié d'un vote de défiance. La conclusion qui me semble s'imposer est qu'au vu de l'état actuel des rapports de forces, la gauche ne peut retrouver une dynamique majoritaire, donc une possibilité de victoire, sans gagner une partie substantielle des classes populaires blanches actuellement sous l'emprise de l'extrême droite.

Quelle stratégie pour l'antiracisme ?

Comment saper la base populaire du bloc d'extrême droite et unifier les classes travailleuses et populaires, telle est la question stratégique que nous devons affronter de toute urgence. Une autre réponse se présente ici, c'est celle qui passe par les affects, ressort indispensable de la constitution de tout groupe. Son point fort est qu'elle place la focale sur le facteur subjectif. Il est en effet certain que les sujets racistes sont d'abord soudés par l'affect. Ils partagent des stéréotypes qui les constituent en communauté et produisent en miroir la communauté de leurs cibles.

Pourtant, s'il constitue un puissant ciment, l'affect ne suffit pas en lui-même à constituer le groupe. Les affects n'existent pas à l'état pur, dans une sorte de communion intersubjective sans autre condition que leur propre circulation. Les affects durables et partageables sont structurés par un ensemble de représentations et de discours. Disons pour faire vite qu'ils s'encastrent dans une idéologie. Et pour agir à une échelle de masse, une idéologie doit communiquer, fut-ce de façon biaisée, avec des expériences réelles, c'est-à-dire avec les intérêts matériels des groupes sociaux antagonistes.

L'affect raciste a donc besoin d'une grille d'interprétation de la réalité, qui comporte plusieurs niveaux d'élaboration, qui vont du langage ordinaire et de ses clichés jusqu'aux visions d'ensemble systématisées, qui se donnent mêmes les apparences d'une connaissance savante du monde. Dans une configuration partiellement refoulée de nos jours, les discours racistes s'adossaient à la pseudo-science coloniale fondée sur l'idée d'une hiérarchie naturelle des races. Aujourd'hui, ils relèvent davantage d'un essentialisme culturaliste et d'une sociologie de bazar. Leur objectif est de « démontrer » le lien entre immigration, chômage et délinquance, ou l'incompatibilité entre islam et République, ou encore l'existence d'un « grand remplacement », dans un retour explicite au bon vieux racisme biologique qui n'était de toute façon jamais bien loin.

Allons au plus pressé : la médiation idéologique fondamentale du discours raciste est celle de la nation. Les groupes racisés ne sont pas tant perçus comme des étrangers, des éléments extérieurs à la société, mais bien davantage comme des « étrangers de l'intérieur », c'est-à-dire comme des faux nationaux, des nationaux toujours en manque de la véritable essence nationale. Être racisé en France aujourd'hui c'est avant tout subir un « déni de francité » pour reprendre l'expression de Patrick Simon et de Vincent Tiberj. C'est pourquoi du reste l'islamophobie est le nom actuellement dominant du racisme même si l'« islam » ne renvoie pas en tant que tel à une race, tout comme d'ailleurs le terme d'« immigré ». Le fantasme raciste consiste alors à restituer l'intégrité supposée perdue ou menacée de la nation en la débarrassant d'une façon ou d'une autre de cet élément dissolvant. Le conflit de classe est ainsi déplacé en conflit racial, toujours présenté comme une forme de purification nationale.

Mais, aussi désirable et radicale qu'elle puisse paraître, l'exclusion des « ennemis de l'intérieur » ne suffit pas. Elle demande à être complétée par des mesures d'inclusion à destination des « bons nationaux », ou du moins par une promesse de telles mesures. A défaut de résoudre le chômage et la misère par l'économie de guerre et l'expansion territoriale, à l'instar du fascisme des années 1930, l'extrême droite actuelle promet du protectionnisme et une forme de redistribution interne aux classes populaires, consistant à déshabiller les uns pour soi-disant mieux vêtir les autres. Certes, ce programme social est vague et criblé de contradictions. Il n'en constitue pas moins un ingrédient constitutif du projet d'ensemble, car indispensable au maintien de sa base populaire, comme on le voit par exemple par le fait que le RN continue de défendre, au moins formellement, l'abrogation de la réforme des retraites, la baisse de certaines taxes frappant la consommation populaire et même, malgré son aversion des fonctionnaires, certains services publics.

Plutôt que de se livrer à des diatribes morales, qui ne font que conforter son image de donneuse de leçons, la gauche ferait donc mieux de s'attacher à déconstruire sans relâche ce programme social et montrer en quoi les classes populaires blanches n'ont rien de substantiel à gagner de son application. En d'autres termes, que les avantages symboliques et les micro-privilèges matériels de la blanchité sont dérisoires comparées aux ravages d'un cadre capitaliste néolibéral que l'extrême droite ne ferait que radicaliser si elle parvenait au pouvoir, notamment en écrasant toute contestation. Si elle n'est pas suffisante en elle-même, cette partie de la démonstration me semble essentielle : on ne gagnera jamais une partie quelconque des classes populaires durement frappées par des décennies de saccage social, et tout particulièrement les classes travailleuses blanches, si on ne les convainc pas qu'elles ont quelque chose à gagner matériellement en se tournant vers la gauche.

Le deuxième volet de cette même démonstration est que pour gagner véritablement quelque chose, il faut le prendre aux vrais possédants, et non aux plus proches, et orienter vers cette cible les affects négatifs qui surgissent de la situation d'injustice et d'oppression. On ne peut donc séparer, même à ce niveau, l'économique de l'idéologique, l'affect de l'intérêt matériel. Et l'efficacité de cette démonstration d'ensemble dépend largement de sa possibilité d'être portée sur le terrain, par un travail d'enracinement militant et de reconstitution d'un maillage de proximité aujourd'hui déficient.

Dialectiser le rapport à la nation

Mais cela n'est qu'une partie de la réponse. L'autre partie se joue sur le terrain qui apparaît comme celui privilégient l'extrême droite, et, plus généralement, les forces conservatrices et réactionnaires, à savoir le terrain de la nation. La thèse que je soutiens est la suivante : oui, la nation est l'opérateur nécessaire du racisme, la manière dont le conflit de classe est nié, neutralisé, ou rendu invisible. Mais la nation est aussi un terrain contesté, celui où peut se construire un peuple nouveau, dépassant la fracture raciale, celui où peut se construire une volonté collective de transformation sociale, celui qui n'enferme pas dans des frontières mais se conçoit comme la médiation nécessaire à la mise en œuvre d'un projet émancipateur qui les dépasse. Dans le Manifeste du parti communiste, Marx et Engels écrivaient que « comme le prolétariat de chaque pays doit en premier lieu conquérir le pouvoir politique », il doit « s'ériger en classe dirigeante de la nation, devenir lui-même la nation ». En d'autres termes, la nation est le terrain où se joue la capacité de direction, celle de l'hégémonie d'une classe et du bloc social qu'elle rassemble autour d'elle.

Aujourd'hui, dans les mouvements populaires qui ont éclaté un peu partout dans le monde au cours des dernières décennies, de l'Amérique latine aux printemps arabes, et des occupations des places espagnoles ou grecques aux Gilets jaunes, on a vu surgir en masse les drapeaux nationaux, et eux seuls. Ce message venant d'en bas, des peuples insurgés contre l'injustice, n'était nullement celui du nationalisme et du racisme mais celui, démocratique et égalitaire, qui disait : « nous sommes le peuple », « le pays est à nous », « nous avons le droit de décider de notre devenir collectif ». C'était également une telle volonté qui a majoritairement animé le non français de 2005 au TCE, et aussi celle qui a fait triompher en 2011 le non du peuple grec aux diktats de la Troïka européenne, des votes que les élites politiques des deux pays se sont empressées de fouler aux pieds.

Cette notion de souveraineté populaire n'a comme seul cadre d'exercice concret, du moins dans un premier temps, que le cadre national. En l'assumant, elle renoue avec la conception révolutionnaire de la nation, celle de 1789 et de 1793, celle aussi de la Commune de Paris, qui se dressait contre une bourgeoisie qui préférait capituler devant Bismarck plutôt que de céder au peuple, comme elle préféra par la suite Hitler au Front populaire. Cette souveraineté est émancipatrice et internationaliste à condition d'assumer aussi la part obscure de l'histoire nationale, les réalités de la colonisation et de l'impérialisme, pour mener à son terme un travail de décolonisation des pratiques, des institutions et des esprits. Cette « reconquête de la souveraineté populaire » dont parle Houria Bouteldja dans son dernier ouvrage rejoint la construction de cette « nouvelle France » qu'évoque Jean-Luc Mélenchon. Une France désoccidentalisée, multiraciale, solidaire des peuples du Sud, à commencer par le peuple palestinien. Seule une telle vision de la nation peut porter un projet contre-hégémonique, une alternative de pouvoir en mesure de battre le fascisme et de mettre fin à la longue nuit néolibérale.

Pantin, 11 janvier 2025.

Notes

[1] Chiffres des sondages jour du vote IPSOS.

[2] Comme le soulignait notamment Annie Collowald, un constat encore valide au début des années 2000, quand le score national du FN se situait entre 18% (présidentielle de 2002) et 10,4% (présidentielle de 2007).

[3] Cf. notamment les analyses d'Olivier Bouba-Olga ici et ici. Cf. également les données de l'INSEE montrant l'accroissement des disparités sociales entres quartiers dans la plupart des grandes villes.

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Grossesse forcée : Les politiques oppressives du régime iranien à l’égard des femmes

En Iran, les femmes sont confrontées à une discrimination systémique inscrite dans le cadre juridique du pays. Tiré de Entre les lignes et les mots (…)

En Iran, les femmes sont confrontées à une discrimination systémique inscrite dans le cadre juridique du pays.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/01/28/grossesse-forcee-les-politiques-oppressives-du-regime-iranien-a-legard-des-femmes/?jetpack_skip_subscription_popup

Le régime iranien a mis en œuvre et appliqué une série de politiques oppressives qui violent les droits des femmes, allant des lois sur le hijab obligatoire aux grossesses forcées, en passant par les restrictions à l'avortement, les mariages d'enfants, la violence domestique et le féminicide.

Cet article se penche sur ces questions et souligne que les femmes iraniennes sont soumises à certaines des lois les plus répressives au monde. Nous nous penchons sur l'impact de ces lois sur la vie des femmes en Iran.

Les lois misogynes du régime iranien

Le régime iranien a une longue histoire de promulgation de lois qui suppriment les droits des femmes. L'une de ces lois est la « Loi sur la protection de la famille et la croissance démographique des jeunes », adoptée le 16 octobre 2021 et promulguée par le président Ebrahim Raïssi, aujourd'hui décédé, le 19 novembre 2021.

Cette loi vise à accroître la population en encourageant les naissances, souvent au détriment de la santé et de l'autonomie des femmes. En vertu de cette loi, les professionnels de la santé qui pratiquent des avortements de manière répétée sont qualifiés d'« ennemis de Dieu », une accusation passible de lourdes peines.

La loi interdit également les avortements thérapeutiques pour les fœtus de plus de quatre mois, même lorsque la grossesse met en danger la santé de la mère ou que le fœtus est gravement malformé.

En outre, tous les établissements de santé et les laboratoires sont tenus d'enregistrer et de communiquer des informations sur les femmes enceintes, en particulier celles qui demandent un avortement, afin que l'État puisse les surveiller et éventuellement les punir.

Grossesses forcées et restrictions en matière de contraception

Des informations récentes émanant de femmes iraniennes âgées de 25 à 35 ans confirment l'existence d'un « comportement policier » dans les centres de soins de santé en ce qui concerne la grossesse. Ces femmes rapportent que les professionnels de la santé subissent des pressions pour promouvoir la grossesse et décourager l'utilisation de contraceptifs. La situation est encore plus désastreuse dans les zones rurales pauvres comme Ghal'e Ganj, dans le sud-est de l'Iran.

Un agent de santé de cette région a révélé qu'il y a 3 ans, les autorités locales lui ont ordonné de cesser d'enseigner les méthodes de contraception, de retirer toutes les fournitures contraceptives et de ne promouvoir que les « grossesses saines ». Lorsqu'elle s'est inquiétée des difficultés économiques rencontrées par ces familles, elle a été menacée d'être réaffectée dans une région frontalière reculée entre les provinces de Kerman et de Sistan-Balouchestan, des zones connues pour leurs conditions de vie difficiles.

Les experts décrivent la « loi sur la protection de la famille et la croissance démographique des jeunes » comme l'une des lois les plus discriminatoires à l'égard des femmes en Iran. Cette loi prévoit des incitations financières pour encourager la natalité, notamment des subventions pour investir dans le marché boursier, une augmentation des prêts immobiliers et un accès prioritaire aux produits subventionnés par le gouvernement. Toutefois, ces promesses sont restées largement lettre morte et n'ont pas convaincu de nombreuses femmes.

La loi interdit également la distribution de contraceptifs et interdit aux médecins d'en recommander l'utilisation. Même le dépistage génétique visant à prévenir la naissance d'enfants souffrant de handicaps congénitaux a été limité, mais pas entièrement supprimé. L'objectif du régime semble être de forcer les femmes à avoir autant d'enfants que possible, sans tenir compte de leur situation ou de l'impact potentiel sur leur santé.

Le mariage des enfants : Une réalité tragique

Le mariage des enfants est un autre problème grave en Iran, où les filles peuvent être légalement mariées à un très jeune âge, souvent sans leur consentement. La loi sur la protection de la famille et la croissance démographique des jeunes encourage explicitement le mariage des enfants, en particulier dans les zones rurales et pauvres. De nombreuses jeunes filles sont mariées de force par leur père, souvent à des hommes beaucoup plus âgés qu'elles. Ces filles sont privées de leur enfance et subissent de graves traumatismes physiques et psychologiques en raison des grossesses précoces et des responsabilités de la vie conjugale.

Dans la ville de Machhad, au nord-est du pays, des fillettes de 10 ans ont été retirées de l'école pour épouser des hommes qu'elles ne connaissaient pas. Ces filles souffrent souvent de graves problèmes de santé dus à des complications lors de l'accouchement, et certaines restent handicapées à vie. La cause première de cette pratique est l'aggravation de la pauvreté en Iran, qui pousse les familles à marier leurs filles en échange d'une aide financière.

Le sort des femmes iraniennes mariées à l'étranger

L'absence de protection juridique pour les femmes iraniennes mariées à des ressortissants étrangers est un autre problème alarmant. Ces mariages impliquent souvent la vente de jeunes filles à des hommes originaires de pays voisins comme l'Afghanistan, le Pakistan et l'Irak.

Ces mariages sont rarement enregistrés légalement, laissant les femmes et leurs enfants sans droits légaux ni citoyenneté. Beaucoup de ces hommes sont déportés ou tués dans les conflits, laissant leurs femmes comme de jeunes veuves sans aucun moyen de subsistance. Le régime iranien ne reconnaît pas ces enfants comme des citoyens iraniens, les laissant apatrides et sans accès aux droits fondamentaux.

Les femmes iraniennes sont soumises à certaines des lois les plus oppressives au monde, des lois qui les privent de leur autonomie, de leur dignité et de leurs droits humains fondamentaux.Du hijab et de la grossesse forcés au mariage des enfants et à l'apatridie, le cadre juridique du régime iranien est profondément ancré dans la misogynie. La communauté internationale doit reconnaître la gravité de ces violations et défendre les droits des femmes iraniennes, qui continuent de souffrir sous un régime qui leur refuse justice et égalité.

https://wncri.org/fr/2025/01/25/grossesses-forcees/

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Les femmes résistantes méconnues débarquent enfin sur Wikipédia

Après plusieurs rejets de la plateforme pour « manque de sources », le musée de la Résistance en Morvan organise des ateliers pour la rédaction de fiches Wikipédia sur les (…)

Après plusieurs rejets de la plateforme pour « manque de sources », le musée de la Résistance en Morvan organise des ateliers pour la rédaction de fiches Wikipédia sur les femmes méconnues de la Résistance.

Tiré de l'Humanité
https://www.humanite.fr/politique/histoire/les-femmes-resistantes-meconnues-debarquent-enfin-sur-wikipedia
Publié le 28 janvier 2025
Emma Meulenyser
photo © Rafael Henrique / SOPA Images / SPUS / ABACA

Le musée de la Résistance en Morvan organise des ateliers ouverts à tous, pour la rédaction de fiches Wikipédia sur les femmes résistantes méconnues du grand public.

Une belle initiative pour donner plus de visibilité aux femmes qui ont fait l'histoire. Le musée de la Résistance en Morvan propose au grand public des ateliers de rédaction de fiches Wikipédia pour mettre en avant des femmes ayant résisté contre le nazisme, dont les noms ont disparu de la mémoire collective.

La région, qui fût elle-même un haut lieu de résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, a perçu la légitimité qu'une fiche Wikipédia confère à qui en est l'objet et s'est ainsi fixé l'objectif de rendre hommage à toutes ces femmes comme Janette Colas, Lise Le Bournot, Yvonne Moreau ou encore Louise Aubin, méconnues du grand public.

L'idée est partie d'un simple constat : une adhérente du musée a souhaité rédiger une fiche Wikipédia sur Lise Le Bournot, mais celle-ci fut rejetée par la plateforme pour « manque de sources », explique l'historienne Aurore Callewaert à France Inter. L'implication du musée a ainsi permis de multiplier ces sources et rendre enfin leur légitimité à certaines des nombreuses femmes de la Résistance.

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La nouvelle législation belge sur la prostitution : Distinguer la réalité de la fiction

4 février, par nordicmodelnow.org — ,
En lisant les récents titres tels que « Les travailleuses du sexe belges bénéficient d'un congé de maternité et d'une pension en vertu d'une loi inédite », on pourrait penser (…)

En lisant les récents titres tels que « Les travailleuses du sexe belges bénéficient d'un congé de maternité et d'une pension en vertu d'une loi inédite », on pourrait penser que la Belgique est en train de réaliser une avancée positive sans précédent pour les femmes. Mais la réalité est quelque peu différente.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/12/18/la-nouvelle-legislation-belge-sur-la-prostitution-distinguer-la-realite-de-la-fiction/?jetpack_skip_subscription_popup

Une législation similaire est en place en Allemagne et en Nouvelle-Zélande depuis des années. Mais essayer de faire entrer une pratique fondamentalement exploiteuse et dangereuse dans le cadre du droit du travail ne la transforme pas en quelque chose de sain et de respectueux, à l'instar du métier de serveuse ou des soins de santé. Croire le contraire est un symptôme de pensée magique qui serait attachante chez un enfant en bas âge mais qui est férocement irresponsable chez un adulte.

Mais, la BBC a dit qu'elle allait assurer la sécurité des femmes, leur permettre de refuser des « clients » et leur accorder des avantages et des pensions. La BBC – la BBC ! – ne peut pas s'être trompée à ce point ? Mais en vérité, il y a une longue histoire de médias grand public qui se laissent convaincre par les intérêts particuliers. Il suffit de penser à la façon dont les barons du tabac et de l'amiante ont longtemps trompé la vigilance de tant de personnes. Et la BBC aurait-elle un dossier équilibré sur cette question ?

L'industrie de la sexploitation fait fortune. Non pas pour les femmes qui en sont la matière première, mais pour des tiers – proxénètes, trafiquants, tenanciers de maisons closes et grands sites web qui inondent les ondes de pornographie violente, misogyne et raciste et d'immenses catalogues de femmes que les hommes peuvent louer pour en user et en abuser sexuellement.

Tout comme les barons du tabac et de l'amiante, les proxénètes se sont emparés des institutions, des gouvernements et même des agences des Nations unies. Les organismes de financement, comme l'Open Society Foundation et ses filiales, la Fondation Bill et Melinda Gates, Mama Cash, la Fondation Ford et de nombreuses filiales des Nations unies, exigent souvent un soutien à la « décriminalisation du travail du sexe » comme condition d'obtention du financement.

En conséquence, les organisations de femmes qui ne soutiennent pas ce principe sont privées de financement et celles du Sud, en particulier, n'ont souvent pas les ressources nécessaires pour créer un site web et sont donc plus ou moins inconnues au niveau international. Les lobbyistes de l'industrie du sexe peuvent donc affirmer, sans sourciller, que « toutes les organisations dirigées par des travailleuses du sexe » soutiennent la « décriminalisation du travail sexuel ». Mais ils n'expliquent évidemment pas qu'ils entendent par là : la dépénalisation de l'ensemble de l'industrie, y compris les proxénètes et les tenanciers de maisons closes (aujourd'hui redéfinis comme « gérants »), la publicité et les clients. Ils pourraient dire haut et fort que, bien sûr, le trafic sexuel serait illégal, mais pas qu'ils l'ont redéfini de telle sorte que la plupart des trafiquants de sexe passeraient à travers les mailles du filet sans être inquiétés.

Malgré tous ces avantages – médias dociles, mainmise sur les principales institutions, financement généreux des fantassins, etc. -, les proxénètes ont essuyé de sérieux revers ces dernières années.

En septembre 2023, le Parlement européen a voté en faveur d'une résolution qui définit la prostitution comme une forme de violence, à la fois cause et conséquence de l'inégalité persistante entre les femmes et les hommes, et qui encourage les États membres à adopter une approche fondée sur le modèle nordique.

Cette année, Reem Alsalem, rapporteuse spéciale des Nations unies sur la violence à l'égard des femmes, a présenté aux Nations unies un rapport novateur qui définit également la prostitution comme une forme de violence et plaide en faveur du modèle nordique. Elle a ensuite rédigé un excellent document de synthèse sur la lutte des femmes pour sortir de la prostitution et sur le soutien dont elles ont désespérément besoin.

Cette année encore, la Cour européenne des droits de l'homme a statué que la loi française sur le modèle nordique ne violait pas la Convention européenne des droits de l'homme.

Cette décision a évidemment porté un coup dur aux proxénètes et à ceux qui les encouragent, qui ont l'habitude de dominer le discours. Mais leurs problèmes remontent à plus loin. Il fut un temps, il y a une quinzaine d'années, où ils présentaient l'Allemagne comme le modèle que tous les pays devraient suivre.

Mais l'Allemagne, avec ses méga-bordels propres et efficaces et son million d'hommes payant pour des actes sexuels chaque jour, s'est révélée n'être pas si propre que cela. Il s'est avéré que ces méga-bordels étaient remplis de femmes migrantes, la plupart victimes de la traite des êtres humains depuis les régions les plus pauvres d'Europe de l'Est et d'Afrique subsaharienne, qui subissent des horreurs inimaginables, et qu'il existe une clandestinité rampante largement contrôlée par des syndicats du crime organisé et des gangs de motards. Les problèmes pour les femmes et pour la société étaient trop difficiles à ignorer, et les proxénètes ont donc changé leur fusil d'épaule.

L'Allemagne a une législation, ont-ils dit, ce qui signifie, comme l'a expliqué Franki Mirren, la meneuse de claques de l'industrie du sexe, que « le travail sexuel est contrôlé par le gouvernement et n'est légal que dans certaines conditions spécifiées par l'État ». Ce qui est vraiment le mieux pour les « travailleuses du sexe », insistent les proxénètes, c'est la décriminalisation qui, selon Mirren, implique « la suppression de toutes les lois spécifiques à la prostitution », comme cela a été mis en œuvre en Nouvelle-Zélande en 2003. Cela convenait au lobby des proxénètes, car la faible population de la Nouvelle-Zélande et son isolement géographique font qu'il est difficile pour le lobby de l'abolition de la prostitution, beaucoup moins bien financé, de contester les affirmations hyperboliques de son succès.

Mais nous avons contesté ces affirmations et un nombre croissant de femmes néo-zélandaises qui ont vécu l'expérience du système ont courageusement commencé à parler de sa réalité (voir les liens à la fin de cet article pour des exemples). Peu à peu, la prise de conscience du fait que le système néo-zélandais était lui aussi loin d'être parfait a commencé à se répandre.

Les abolitionnistes allemands·e ont compilé des données sur le nombre d'homicides commis par des proxénètes et des parieurs, sur des femmes impliquées dans la prostitution sous différents régimes. Nous avons dressé un tableau de ces données qui montre clairement que le nombre d'homicides est beaucoup plus élevé en Nouvelle-Zélande, avec son système décriminalisé, en Allemagne et aux Pays-Bas, avec leur système légalisé, qu'en Suède, en Norvège et en France, qui ont adopté le modèle nordique.

Il serait tentant de suggérer sur cette base que le modèle nordique est plus sûr pour les femmes. Mais la vérité est que la prostitution est l'activité la plus dangereuse au monde et que rien ne peut la rendre sûre. Ce que fait le modèle nordique, lorsqu'il est bien appliqué, c'est de réduire la taille de l'industrie, le nombre de femmes impliquées et le nombre d'hommes qui achètent des services sexuels, ce qui, heureusement, entraîne une diminution du nombre de meurtres.

En résumé, les proxénètes avaient un sérieux problème de relations publiques.

Leur solution ? La Belgique !

En 2022, la Belgique a dépénalisé la prostitution en fanfare : Le premier pays européen à dépénaliser la prostitution ! Le début d'une révolution européenne éclairée ! Et ainsi de suite.

Mais un peu plus d'un an plus tard, la Belgique a adopté une nouvelle législation sur le « travail du sexe » – la législation qui vient d'entrer en vigueur dans les articles triomphants de la BBC et d'autres. Mais attendez une minute – la caractéristique principale de la décriminalisation totale n'est-elle pas qu'il ne devrait pas y avoir de lois spécifiques à la prostitution ? Cela ne signifie-t-il pas que la Belgique n'a plus de décriminalisation et qu'elle a maintenant une légalisation Tout à fait. Mais qu'est-ce qui est gênant entre les proxénètes et leurs partisan·es ? S'ils disent que c'est la dépénalisation, alors c'est la dépénalisation, d'accord ?

Espace P, une organisation belge qui apporte son soutien aux « travailleuses du sexe », a utilement publié le texte de la nouvelle législation en anglais. Elle prévoit des contrats de travail légaux, qui donnent accès aux prestations de sécurité sociale habituelles des employé·es, ainsi qu'à certaines protections spéciales. Cela signifie que le gouvernement belge reconnaît désormais la prostitution comme un travail normal, même s'il nécessite quelques garanties supplémentaires.

L'une des principales garanties est que les « employeurs » ne peuvent pas obliger les « travailleuses du sexe » à « avoir des relations » avec un « client » spécifique ou à se livrer à une pratique spécifique, et qu'un tel refus ne peut pas être considéré comme une « rupture du contrat de travail et ne doit pas entraîner de conséquences négatives pour la “travailleuse du sexe” sur le plan de l'emploi ». Toutefois, si elle exerce ce droit de refus plus de dix fois en six mois, la loi prévoit des services de médiation pour aider à la résolution du problème.

Il reste à voir comment cela fonctionnera dans la pratique. Esther, survivante de la prostitution et experte politique du NMN, est sceptique. La loi ignore les forces du marché et la coercition causée par les exigences des acheteurs, et la manière dont cela se répercutera sur ce que les propriétaires de maisons closes considèrent comme des services normaux. Les femmes qui refusent certaines pratiques (comme la pénétration anale ou le fisting) risquent de ne plus trouver beaucoup d'acheteurs une fois que ces pratiques seront considérées comme des services normaux. Comment les propriétaires de maisons closes réagiront-ils à cette situation ? Pourront-ils même se maintenir à flot si les femmes refusent les actes sexuels dangereux popularisés par le porno en ligne ?

C'est un peu comme les femmes sur OnlyFans contraintes de faire des choses de plus en plus extrêmes à cause de la concurrence et de leur besoin de gagner de l'argent. Les trafiquants seront moins chers que les maisons closes en contraignant les femmes qu'ils contrôlent, qui n'auront pas de contrat de travail. Cela conduira soit à un système à deux vitesses (l'une des principales choses dont se plaignent les proxénètes et leurs meneurs dans le cadre de la « légalisation »), soit les propriétaires de maisons closes utiliseront leur pouvoir de persuasion pour s'assurer que les femmes qu'ils emploient ne refusent jamais une pratique, comme ils le font en Nouvelle-Zélande, ainsi qu'en a témoigné Chelsea Geddes.

Esther a résumé la situation : « Une femme seule avec un acheteur pourra-t-elle refuser un acte sexuel pour ces raisons ? Les personnes qui rédigent ces lois n'ont aucune idée de la manière dont la coercition et cette industrie fonctionnent réellement ».

Un autre problème est que, selon le système de sécurité sociale belge, vous n'avez pas droit aux allocations de chômage si vous quittez volontairement un emploi ou si vous refusez d'en accepter un qui vous est proposé. Quelles sont les conséquences de cette situation, maintenant que la prostitution est officiellement acceptée comme un travail normal ? Les chômeuses seront-elles contraintes d'accepter un emploi dans une maison close ? Les femmes qui quittent une maison close se verront-elles refuser les allocations de chômage et seront-elles donc contraintes de rester dans la prostitution contre leur gré ? Que signifierait le « droit » de refuser des actes sexuels spécifiques dans ces circonstances ? Nous supposons que cela ne signifie pas qu'elle peut refuser d'avoir des « relations » avec n'importe quel client tout en étant payée.

Dans cet article, nous n'avons abordé que quelques-unes des contradictions inhérentes à tout système de prostitution régularisé, que les proxénètes et leurs pom-pom girls préféreraient que nous ne soulignons pas. Esther a beaucoup écrit sur de nombreuses autres contradictions et sur le fait que la prostitution ne pourra jamais se conformer aux normes modernes de santé et de sécurité, aux réglementations en matière d'emploi et à la législation sur l'égalité. Prétendre que c'est le cas risque d'avoir des conséquences négatives pour les autres travailleurs et travailleuses et de conduire à un affaiblissement des normes, en particulier pour les femmes. Si une « travailleuse du sexe » fait des fellations dans le cadre de son contrat de travail, qu'est-ce qui empêcherait le patron de n'importe quelle autre entreprise d'inclure dans la description de votre travail le fait de faire des fellations à des clients importants et à des cadres ?

En définitive, ce nouveau développement est très éloigné de la prétendue libération proclamée si bruyamment. En réalité, elle inscrit dans la loi le droit des hommes à l'accès sexuel aux femmes et place les femmes dans une position de subordination par rapport aux hommes. Cela n'est pas compatible avec les aspirations d'une société démocratique moderne et égalitaire. C'est pourquoi nous demandons l'adoption du modèle nordique.

Témoignage des femmes néo-zélandaises
La réalité du commerce sexuel dépénalisé en Nouvelle-Zélande

Sur #DECRIM : Chelsea Geddes sur le système de prostitution dépénalisé de la Nouvelle-Zélande

Jennifer

« Je rêvais souvent de quelque chose de mieux, mais au fond de moi, j'ai toujours su que c'était un rêve
»
« Je crois que la prostitution légalisée renforce et enhardit les attitudes misogynes chez les hommes
»
Sara Smiles : Mon histoire dans le monde du viol rémunéré.

Ally-Marie Diamant

Michelle Mara

Chelsea Geddes

https://nordicmodelnow.org/2024/12/11/belgiums-new-prostitution-legislation-separating-fact-from-fiction/
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

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