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Les médias de gauche

Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG)

Derniers articles

Cela a commencé avant ma naissance

30 novembre 2024, par Sheri Pranteau

L’abolition de la prison

30 novembre 2024, par Yves Bourque

Une image non peinte : à propos de Prison Abolition d’Yves Bourque

30 novembre 2024, par Sheena Hoszko
Cet essai examine Prison Abolition (1988) d'Yves Bourque, tiré de la première édition du Journal of Prisoners on Prisons (1988). En retraçant l'écriture et la pratique créative (…)

Cet essai examine Prison Abolition (1988) d'Yves Bourque, tiré de la première édition du Journal of Prisoners on Prisons (1988). En retraçant l'écriture et la pratique créative de Bourque en relation avec le mouvement plus large de justice pour les prisonnier·ères au Québec et au Canada pendant les années 70 et 80, l'essai met en lumière l'influence de la pensée politique écrite par les prisonnier·ères dans les luttes abolitionnistes contemporaines.

Mettre la clé sous la porte. L’expérience de la désinstitutionnalisation pour penser les ruptures abolitionnistes

30 novembre 2024, par Delphine Gauthier-Boiteau, Aurélie Lanctôt
En examinant le continuum juridico-psychiatrique québécois, cet article propose de considérer l’expérience de la désinstitutionalisation psychiatrique en tant que précédent (…)

En examinant le continuum juridico-psychiatrique québécois, cet article propose de considérer l’expérience de la désinstitutionalisation psychiatrique en tant que précédent abolitionniste. L’histoire des institutions psychiatriques québécoises est traversée par des mouvements de résistance et de recul de la carcéralité, en particulier face au modèle asilaire et par l’antipsychiatrie. Cette histoire est également marquée par une expérience concrète de désinstitutionalisation (ou « déshospitalisation »), entendu comme un mouvement de fermetures massives et définitives d’institutions d’hébergement et d'hôpitaux psychiatriques, qui prend place dans les années 1950-1970. À l’échelle nord-américaine, et dans le contexte du tournant néolibéral, cette expérience de désinstitutionalisation des personnes psychiatrisées et en situation de handicap est présentée à tort comme l’une des causes de l’explosion de l’itinérance et de l’incarcération de masse des personnes psychiatrisées. Nous soutiendrons que cette expérience constitue néanmoins un précédent abolitionniste pouvant être (ré)investi dans une perspective émancipatrice. Au-delà de l’abolition comme processus de transformation sociale ou comme superposition de réformes non-réformistes, nous soutiendrons que cette expérience permet d'intégrer la notion de rupture institutionnelle à la théorie et à la praxis abolitionniste.

La justice transformatrice pour une politique préfigurative de l’abolition

30 novembre 2024, par Will V. Bourgeois, Julian Beyer
Ce texte explore comment la justice transformatrice contribue à la lutte pour l’abolition des prisons et de la police en offrant des alternatives révolutionnaires à la violence (…)

Ce texte explore comment la justice transformatrice contribue à la lutte pour l’abolition des prisons et de la police en offrant des alternatives révolutionnaires à la violence étatique. En retraçant des exemples aux États-Unis et au Québec, ainsi qu'au Rojava, et au Chiapas, il illustre comment des pratiques communautaires peuvent répondre aux violences et aux conflits sans recourir aux systèmes judiciaires punitifs. Les auteur-ices soulignent la nécessité de soutenir les initiatives autochtones et de connecter avec les initiatives de justice réparatrice, en prônant une culture collective de soin et de responsabilité. Iels proposent de créer des structures locales et régionales, inspirées de modèles révolutionnaires, pour soutenir la responsabilisation collective, le soin et la médiation, dans une démarche fondée sur l'amour et la solidarité.

Postes Canada retire les assurances d’une travailleuse atteinte d’un cancer

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/11/138945-e1732920764151-1024x520.jpg29 novembre 2024, par Comité de Montreal
Postes Canada coupe les assurances de grévistes, mettant en péril la vie de travailleurs malades comme Sylvie, atteinte d’un cancer. L’article Postes Canada retire les (…)

Postes Canada coupe les assurances de grévistes, mettant en péril la vie de travailleurs malades comme Sylvie, atteinte d’un cancer. L’article Postes Canada retire les assurances d’une travailleuse atteinte d’un cancer est apparu en premier sur L'Étoile du Nord.

De la lutte antiraciste à la lutte étudiante

29 novembre 2024, par Marc Bonhomme — ,
Le Devoir d'aujourd'hui met à la une de sa page web l'article « Une association étudiante réclame la « destitution » de Pauline Marois à l'UQAM ». L'article nous informe que « (…)

Le Devoir d'aujourd'hui met à la une de sa page web l'article « Une association étudiante réclame la « destitution » de Pauline Marois à l'UQAM ». L'article nous informe que « l'Association facultaire étudiante des sciences humaines (AFESH) de l'UQAM, qui a publié une lettre sur sa page Facebook mercredi soir pour faire état de son « désarroi » face à cette nomination… » De dire cette lettre :

Le gouvernement Marois, entre 2012 et 2014, a mis en place une politique xénophobe, austéritaire et antisociale […] Entre autres, le gouvernement Marois a ouvert la porte aux débats sur la « laïcité judéo-chrétienne » avec la mise en place de la « Charte des valeurs québécoise ». Ce morceau de législation hautement islamophobe et raciste aboutira, sous le gouvernement Legault, à l'adoption de la loi 21 bannissant les femmes et les personnes portant le hijab de la fonction publique et de l'éducation. L'AFESH, à l'époque, s'est opposée à l'adoption de cette charte [… et] à l'indexation des frais de scolarité…

La lettre ajoute que « [c]e lobbying politique n'a pas sa place à l'UQAM ni dans aucune institution d'éducation » et que ce poste symbolique devrait être aboli. En réaction à cette lettre, le porte-parole homme de Québec solidaire, sollicité par Le Devoir, a répondu que « les publications d'une association étudiante de l'UQAM. Ça ne m'intéresse pas beaucoup » en précisant qu'il y a des sujets plus importants comme la crise du logement et les centres de la petite enfance. De conclure que « si vous me demandez si Pauline Marois est xénophobe, la réponse est non ».

Pour l'ancien dirigeant étudiant du Printemps érable de 2012, la courageuse et pertinente dénonciation de la xénophobie du PQ et de la CAQ par une des associations étudiantes les plus militantes en 2012 et encore aujourd'hui — elle a fait grève et participé aux activités pro palestiniennes de la CRUES la fin de semaine dernière — est « circulez, il n'y a rien à voir ». Par rapport aux enjeux sociaux, pour le porte-parole Solidaire, la lutte contre le racisme et la xénophobie est de la petite bière. Un double reniement en si peu de mots est une performance politicienne à se souvenir.

Rien d'étonnant que le député Haroun Bouazzi soit sur la touche. La gauche critique du parti qui a consenti à voter avec la direction du parti lors du dernier congrès cette contre-vérité « que QS ne soutient pas et n'a jamais soutenu que l'Assemblée nationale et ses membres sont racistes » n'a pas à être fière d'elle-même.

Marc Bonhomme, 29 novembre 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

Diglossie maudite (Part One)

29 novembre 2024, par Marc Simard
Certains mots peu connus décrivent pourtant des réalités quotidiennes des plus courantes. C’est le cas de « diglossie ». Nommer des réalités permet de mieux les appréhender. (…)

Certains mots peu connus décrivent pourtant des réalités quotidiennes des plus courantes. C’est le cas de « diglossie ». Nommer des réalités permet de mieux les appréhender. Ainsi du terme diglossie, qui vient du préfixe di⁠-, ‘deux’, glosso⁠-, ‘langue’, et du suffixe -⁠ie, ‘le fait de’. Ce mot (…)

Budgets militaires ou budgets sociaux

29 novembre 2024, par Par Guy Roy
Des choix nouveaux qui s’offrent à nous et à nos organisations

Des choix nouveaux qui s’offrent à nous et à nos organisations

La gestion de l’offre mise à mal par le Canada anglais

29 novembre 2024, par Par Gabriel Ste-Marie
Le Sénat émascule le projet de loi du Bloc Québécois

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Un pas de plus vers un Québec bilingue

29 novembre 2024, par Par Charles Castonguay
L’estimation délirante de la demande de services en anglais

L’estimation délirante de la demande de services en anglais

Postes Canada investit massivement, vend des actifs rentables, puis crie au déficit

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/11/2024-11-18-16.19.34_1-e1732837466585-1024x537.png28 novembre 2024, par West Coast Committee
Deux semaines après le début de leur grève, les travailleurs de Postes Canada continuent de sonner l'alarme au sujet de la mauvaise gestion et la privatisation. En janvier de (…)

Deux semaines après le début de leur grève, les travailleurs de Postes Canada continuent de sonner l'alarme au sujet de la mauvaise gestion et la privatisation. En janvier de cette année, la société d'État a vendu ses services informatiques et logistiques pour se restructurer, invoquant des (…)

Nouvelles prisons, mêmes enjeux ?

28 novembre 2024, par Ligue des droits et libertés

Retour à la table des matières Droits et libertés, printemps / été 2024

Nouvelles prisons, mêmes enjeux?

Mathilde Chabot-Martin, candidate à la maîtrise, École de travail social, UQAM Karl Beaulieu, doctorant, École de travail social, UQAM
[caption id="attachment_17085" align="alignright" width="393"] Établissement de détention Leclerc de Laval. Les femmes y sont incarcérées, dans des conditions maintes fois dénoncées, depuis la fermeture de la Maison Tanguay en 2016. Le gouvernement du Québec a annoncé six ans plus tard, en 2022, la construction d’une nouvelle prison d’ici 2030 au coût de 400 millions de dollars.[/caption]
Nombre de voix se sont élevées ces dernières années pour dénoncer les violations des droits humains et les conditions de détention délétères qui continuent de régner au sein des prisons et pénitenciers au Québec et au Canada. Personnes (ex-) incarcérées, chercheuses et activistes participent à remettre de l’avant une réflexion collective sur la pertinence de la prison comme institution1. Par leurs prises de parole, elles démontrent comment l’institution carcérale fonctionne selon une logique punitive, individualisant des problématiques pourtant structurelles. Ainsi, la prison contribue à la reproduction des inégalités sociales et enferme de manière disproportionnée les personnes marginalisées dans un cycle sans fin d’injustice et d’exclusion. Ces constats, mis de l’avant dans de multiples rapports et ouvrages publiés récemment2, devraient interpeller et préoccuper nos décideurs politiques et les autorités des services correctionnels. Or, ils sont plutôt accueillis par un mutisme inquiétant et une récupération politique préoccupante. En effet, la prison profite d’une légitimité et d’un appui politique aveugle qu’aucune recherche ne semble pouvoir ébranler, ni  même  minimalement  remettre  en question. Dans ce contexte, quel avenir pour la prison, et comment comprendre son actuelle expansion, malgré les critiques qui émanent de nos mobilisations ?
[…] cet usage de l’inclusivité au sein des discours officiels s’inscrit dans l’idéologie d’une nouvelle carcéralité. En effet, les critiques relatives à la surreprésentation et aux spécificités de certains groupes sont, ici, instrumentalisées pour mieux enfermer plutôt que de désincarcérer.

Des prisons inclusives ?

Pour justifier les plus récentes expressions de l’expansion carcérale, celle de la construction de nouvelles prisons et du réaménagement d’espaces carcéraux, à laquelle nous assistons, plusieurs discours récents réfèrent à une volonté d’inclusivité. Effectivement, les services correctionnels québécois ont annoncé à la fin de l’année 2022 la construction d’une nouvelle prison pour femmes, la plus grosse qui soit au Québec. Cette nouvelle prison, nous dit-on, « pourra leur offrir de meilleures perspectives de réinsertion sociale grâce à un meilleur accès aux programmes et aux services dont elles ont besoin3 ». Au niveau fédéral, des millions de dollars ont récemment été alloués pour aménager des espaces traditionnels autochtones au pénitencier Archambault de Sainte-Anne-des-Plaines. À nouveau, les autorités soutiennent que ces espaces vont permettre de « répondre davantage aux besoins culturels de la clientèle autochtone »4. D’autres annonces promettent aux prisonnier-ère-s trans d’être incarcéré-e-s de manière conforme à leur identité de genre, embrassant un discours inclusif des personnes trans (Trans rights are human rights)5. On met ainsi l’accent sur l’inclusivité, afin de mieux enfermer des populations ciblées. Nous soutenons que cet usage de l’inclusivité au sein des discours officiels s’inscrit dans l’idéologie d’une nouvelle carcéralité. En effet, les critiques relatives à la surreprésentation et aux spécificités de certains groupes sont, ici, instrumentalisées pour mieux enfermer plutôt que de désincarcérer. Cette nouvelle carcéralité présente le risque évident que les prisons deviennent des espaces où les personnes marginalisées pourraient finalement obtenir l’accès aux soins et aux services dont elles ont besoin. Si la mise en place et l’investissement dans des programmes ciblés et adaptés sont souhaitables, nous partageons l’idée bien répandue selon laquelle ceux-ci doivent avoir lieu en amont de l’incarcération. C’est notamment ce que suggérait l’Enquêteur correctionnel du Canada au moment de l’annonce des réaménagements culturels au pénitencier Archambault, rappelant l’échec des programmes fédéraux pour les personnes autochtones incarcérées et demandant plutôt la redirection de ces fonds vers les communautés autochtones. En somme, cette idée de faire des prisons plus inclusives nous ancre dans un cycle répressif où les gens doivent être punis pour obtenir des soins au sein de notre société. Considérant l’ampleur des conséquences liées à un passage en prison, dont la stigmatisation et les conséquences sur l’entourage des personnes incarcérées, nous devons plutôt investir dans les soins en amont. Autrement, nous continuons à nourrir un cycle d’enfermement des personnes marginalisées, coûteux sur le plan économique et dévastateur sur le plan social. Les prisons sont des institutions intrinsèquement exclusives, elles ne peuvent pas être inclusives.

Plus sécuritaires… pour qui ?

Un deuxième enjeu nommé par les autorités pour justifier l’expansion carcérale a trait à la sécurité – sécurité qui semble ne jamais pouvoir être complètement atteinte. Plusieurs analyses soutiennent que la prison est un environnement hostile où les personnes incarcérées sont à risque de subir des violences physiques, psychologiques et sexuelles6. L’environnement carcéral produit et exacerbe de nombreux problèmes de santé affectant l’intégrité physique et mentale des personnes incarcérées. Tel que présenté dans l’article Quand la prison fait mourir de ce dossier, un récent rapport révèle une hausse de 87 % des décès dans les prisons entre 2009-2010 et 2021-2022, d’autant plus marquée en ce qui concerne les suicides. Toutefois, il semble que les critiques à propos des mauvaises conditions de détention des personnes incarcérées deviennent encore une fois des leviers justifiant l’expansion carcérale. Par exemple, le ministère de la Sécurité publique (MSP) a promis le « plus gros investissement jamais accordé dans la sécurité de nos prisons »7 en réponse, notamment, aux enjeux liés aux conditions de détention des personnes incarcérées8. Les problématiques humanitaires dans les prisons sont donc abordées sous le prisme de la sécurité, ce qui n’est pas un choix anodin. Ce cadrage sécuritaire des conditions de détention des personnes incarcérées est révélateur des priorités du MSP et pose la question : de la sécurité de qui parlons-nous exactement ? En effet, en répondant à des problématiques de nature sociale par des investissements dans la sécurité des lieux, les autorités démontrent un manque de considération pour le bien-être des personnes incarcérées. Par ailleurs, l’augmentation des mesures de sécurité dans les prisons, entendues ici comme plus de surveillance et de répression, ouvre non seulement la porte à plus d’abus envers les personnes incarcérées, mais elle voile également l’enjeu des conditions de détention et violations de droits dont il est question au sein des multiples rapports. Il semble donc qu’on parle strictement d’une sécurité qui exclut celle des personnes incarcérées lorsqu’on promet plus d’investissements dans le béton. Comment peut-on expliquer que les mauvaises conditions de détention et la violence qui règnent au sein des prisons soient résolues par des mesures soutenant une répression et un contrôle encore plus étroits ?

Pas une solution

De nouvelles prisons plus inclusives et toujours plus sécuritaires ne sont pas la solution. Il faut plutôt voir ces récents investissements comme un réflexe social d’entêtement carcéral, nous empêchant de réfléchir collectivement à des pistes de sortie de la carcéralité. Les personnes de la diversité sexuelle et de genre, les personnes autochtones, noires, et vivant dans la pauvreté sont surreprésentées au sein des prisons. Or, si nous nous enfermons socialement dans le paradoxe de la prison inclusive, les prochaines années pourraient faire place à une exacerbation des inégalités en matière d’enfermement. Lorsque les problèmes causés par les prisons sont pointés du doigt, les discours officiels nous amènent à penser que ce sont des prisons dont nous devons prendre soin, plutôt que des personnes qui s’y trouvent. Là est le problème. Face au cycle d’enfermement sans fin dans lequel nous sommes engagés, il faut mettre fin à la construction de nouvelles prisons. Si nous souhaitons véritablement avoir une société plus juste et assurer une sécurité réelle pour les groupes marginalisés, agissons tout de suite, avant les premières pelletées de terre pour la construction de la nouvelle prison pour femmes de Montréal. Bien qu’il faille continuer de porter attention aux problèmes concernant les conditions de détention qui règnent à l’intérieur des prisons, il faut également, en amont,investir dans des programmes agissant au sein de nos communautés et refuser l’expansion carcérale. Les prisons sont des endroits mortifères où les violations de droits et les dénis de soins sont des réalités quotidiennes pour les personnes incarcérées : elles ne sont pas une solution comme le rappelle la Ligue des droits et libertés. Ce dossier nous rappelle l’importance d’imaginer et de bâtir autour d’initiatives locales, humaines, ancrées dans nos communautés, étant porteuses de principes de bienveillance et ayant à cœur le respect des droits humains. Ces solutions existent et continuent à émerger autour de nous. Il suffirait qu’on leur porte collectivement notre attention pour que nos communautés se portent mieux.

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La prison comme institution coloniale

28 novembre 2024, par Ligue des droits et libertés

Retour à la table des matières Droits et libertés, printemps / été 2024

Qu’en est-il des systèmes carcéraux et des abolitionnismes?

Entrevue avec Cyndy Wylde, professeure en travail social à l’Université d’Ottawa, ancienne professionnelle à Service correctionnel Canada Propos recueillis par Alexia Leclerc, finissante à la maîtrise en science politique et membre du comité de rédaction de la revue et du comité Enjeux carcéraux et droits des personnes en détention de la Ligue des droits et libertés
Originaire de la communauté Pikogan située dans le nord-est de l’Abitibi- Témiscamingue, Cyndy Wylde est Anicinape et Atikamekw. Elle a étudié la criminologie, la toxicomanie, la santé mentale et elle s’intéresse aux enjeux et réalités des peuples autochtones. Pendant plus de 25 ans, elle a évolué professionnellement au Service correctionnel Canada ; plus précisément dans les Initiatives autochtones. Jusqu’à mars 2019, elle était membre de l’équipe de recherche de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec : écoute, réconciliation et progrès (Commission Viens), à titre d’experte pour le service public des Services correctionnels du Québec. Elle a également été conseillère politique auprès de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL) et elle est aussi consultante sur différents enjeux autochtones. Elle est aujourd’hui professeure en travail social à l’Université d’Ottawa.

Pouvez-vous décrire votre parcours ?

J’ai travaillé au service correctionnel fédéral pendant 25 ans. J’ai décidé de prendre ma retraite du milieu en 2019 et de continuer mes études au doctorat. J’ai travaillé pour la Commission Viens comme experte sur le système correctionnel, avant de devenir professeure à l’Université d’Ottawa à l’École de travail social. Je termine actuellement ma thèse de doctorat sur la surreprésentation carcérale des femmes des Premières Nations au Québec. Je veux connaître la perception qu’elles ont de leur traitement. Voici mes trois objectifs. Je vise : à documenter la perception des femmes des Premières Nations incarcérées en regard du traitement qu’elles reçoivent dans le système carcéral au Québec; à identifier les causes et les mécanismes de la discrimination vécue par les femmes des Premières Nations incarcérées ; et à mieux comprendre la manière dont les femmes des Premières Nations perçoivent les effets de l’accès à des services spirituels ou traditionnels dans leur cheminement. C’est important pour moi, car lorsque je travaillais dans le système correctionnel fédéral, j’ai vu beaucoup de femmes de l’Ouest être incarcérées ici pour de la gestion de population. Cela réfère à des prises de décisions qui visent à gérer des personnes incarcérées sans vraiment prioriser leurs besoins et ceux de leurs familles.

Pouvez-vous relater votre expérience dans le système correctionnel fédéral en ce qui concerne les initiatives autochtones ? Selon votre expérience, est-ce que c’est un moyen efficace pour contrer la surreprésentation carcérale des Autochtones ?

J’ai commencé comme commis de gestion de cas, un poste administratif au sein de Service correctionnel Canada. Mon objectif était de devenir agente correctionnelle. On m’a appelée vers 1999-2000 pour m’annoncer que la boîte des initiatives autochtones était lancée et qu’on avait besoin de mettre en place les initiatives locales. J’ai ainsi occupé le premier poste d’agente de développement régional auprès de la collectivité autochtone, le premier poste dédié à ces initiatives et je suis devenue la coordonnatrice de cette équipe-là. Ça remonte à 1992, lorsque la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition a été modifiée. Les initiatives pour adapter nos politiques et nos façons de faire pour contrer la surreprésentation carcérale des Autochtones dans notre système sont survenues plus tard. Quand les initiatives autochtones ont commencé, la population carcérale autochtone était de 17 % dans le système carcéral fédéral, ce qui était beaucoup à l’époque, car la population autochtone dans l’ensemble du Canada était de 3 %. Aujourd’hui, 30 % de la population carcérale est autochtone, et on parle de 50 % pour les femmes autochtones. Les jeunes autochtones suivent également cette courbe-là qui augmente.
« Le cœur me battait quand j’allais visiter des centres dans l’Ouest pour prendre connaissance des initiatives mises en place là-bas. J’y croyais tellement, mais j’ai été désillusionnée. L’institution est plus grande que moi, même si je ne suis pas toute seule à m’être battue. »
J’ai beaucoup cru aux initiatives autochtones dans le milieu carcéral. Le cœur me battait quand j’allais visiter des centres dans l’Ouest pour prendre connaissance des initiatives mises en place là-bas. J’y croyais tellement, mais j’ai été désillusionnée. L’institution est plus grande que moi, même si je ne suis pas toute seule à m’y être si engagée. En mettant un chapeau de fonctionnaire à tous les jours, je me suis rendu compte que j’étais confrontée à mes valeurs culturelles et celles de ma nation. Ça a été drainant, il y avait beaucoup de répétitions, de confrontation et de résistance. Le système carcéral est un système colonial et paternaliste, il y a peu de place pour remettre en question les façons de faire. Je me suis buttée à une organisation rigide. Ça été difficile d’implanter des initiatives et de se faire respecter. En plus, alors que je travaillais dans le système correctionnel fédéral, le gouvernement Harper a coupé le financement, a instauré des mesures punitives encore plus sévères, a diminué les ressources pour la relation d’aide et la réinsertion sociale, la nourriture pour les détenu-e-s et les employé-e-s. Tout a été coupé, mais on disait qu’il fallait contrer la surreprésentation des Autochtones. Le gouvernement envoyait donc quand même des enveloppes pour les initiatives autochtones, ce qui a été perçu comme un deux poids deux mesures. Il n’y avait pas d’éducation par rapport à l’enjeu de la surincarcération. Ça a été mal compris par les employé-e-s, mal reçu par les détenu-e-s qui trouvaient que les détenu-e-s autochtones avaient des passe-droits. Ces programmes sont donc retombés sur les épaules des employé-e-s autochtones qui devaient les mettre en place, mais qui n’avaient pas de pouvoir décisionnel. Par exemple, la première fois qu’on a essayé de permettre aux détenu-e-s de smudger, soit de pratiquer une cérémonie de purification par la fumée, on a dû aller en cour contre nos collègues qui alléguaient que la fumée les rendait malades. Il y avait plein de microagressions contre les détenu-e-s qui smudgeaient. On organisait également des cérémonies qui finissent toujours par des festins, durant lesquels il y a un partage de nourriture incluant des dons de viande sauvage offerte par la communauté. J’ai remarqué que les détenu-e-s non-Autochtones s’identifiaient comme Autochtones pour avoir accès à la nourriture. Je ne voulais pas être la police du statut autochtone, mais j’ai observé cela même chez les employé-e-s que j’étais censée former. Je ne les formais pas à travailler, mais plutôt à être Autochtones. J’étais également chargée de former mes collègues agent-e-s de libération conditionnelle concernant les principes de l’arrêt Gladue (1999), qui stipule que les juges doivent considérer une sentence substitutive et analyser les antécédents sociaux de la personne jugée en prenant compte des facteurs systémiques coloniaux. Le but était de favoriser d’autres traitements que l’emprisonnement. Les services correctionnels ont également été tenus de considérer les principes de l’arrêt Gladue. Toutefois, il y avait beaucoup de formation à faire aux agent-e-s pour qu’ils puissent faire une analyse cohérente des dossiers. Dans les faits, l’examen des antécédents sociaux des détenu-e-s leur nuisait au lieu de les aider. Par exemple, si le taux de criminalité de la communauté d’un détenu était très élevé, l’agent-e recommandait que la ou le détenu-e ne retourne pas dans sa communauté, plutôt que d’essayer de comprendre les causes de ce taux de criminalité élevé (tel que l’éloignement et la dépossession). Les agent-e-s considéraient ces informations comme des éléments de contexte plutôt que comme des éléments contributifs.

En quoi le système de justice pénale colonial canadien est-il fondamentalement différent des traditions juridiques autochtones en matière de Justice ?

Les notions éthiques des Premières Nations et des Inuit portent une conception des valeurs et de la justice complètement différentes de celles coloniales. Si on regardait les notions éthiques de ces peuples, on comprendrait bien des choses, mais on ne le fait pas beaucoup même si on est censé le faire depuis le rapport Gladue. Par exemple, dans le système colonial, on te considère comme innocent jusqu’à preuve du contraire. On doit donc essayer de donner le moins d’informations possible pour obtenir la plus petite sentence, les meilleures conditions, et une cote sécurité minimale. Ce sont toutefois des notions étrangères et inutiles pour un ou une détenu-e autochtone. Dans les conceptions autochtones, c’est complètement un affront si tu as fait quelque chose et que tu ne peux pas en parler ; les Autochtones et les Inuit vont reconnaître leur responsabilité tout de suite. Aussi, être incarcéré, c’est complètement se dispenser de sa responsabilité à réparer ce que la ou le détenu-e autochtone a fait. On l’enlève de sa communauté, mais pour lui, il doit y retourner pour aller réparer ce qu’il a fait, dédommager la victime et sa famille.

Quelles seraient, selon vous, les pistes de solution pour contrer la surincarcération des Autochtones?

Il y a des initiatives prometteuses dans tout le pays. Le problème majeur est que ces programmes souffrent souvent d’un manque de pérennité. Le programme est bon pour un certain temps, mais on ne dispose pas du temps nécessaire pour évaluer ses retombées, et ensuite il n’y a plus d’argent pour le poursuivre. En matière de justice, par exemple, le Centre Waseskun a une délégation du fédéral qui lui permet de garder des détenu-e-s qui ont une cote de sécurité minimale. Toutefois, le Centre Waseskun est assujetti à toutes les directives du commissaire et du service correctionnel. Je l’ai vécu de l’intérieur, il y tellement un choc de culture et de valeurs. Il y a aussi le Centre résidentiel communautaire Kapatakan qui fonctionne bien, mais qui doit continuellement naviguer à travers un mode de gouvernance tripartite avec des délégations du provincial et fédéral. Les initiatives autochtones, c’est positif, car ça permet de renouer avec sa culture. Renouer avec sa culture permet d’aller à l’intérieur de soi, et renouer avec des choses de ton passé et réfléchir sur des choses qui t’ont blessé-e. C’est important. Mais ce n’est pas suffisant. Pour contrer la surreprésentation des Autochtones dans le système carcéral, il faut aller plus loin que mettre en place des initiatives autochtones au sein du système carcéral, ou déléguer certains services aux communautés : il faut procéder à un transfert des responsabilités et du financement aux communautés autochtones en matière de justice. Il faut que les peuples autochtones puissent exercer leur droit à l’autodétermination dans tous les domaines, incluant la justice. La nouvelle loi fédérale C-921 est d’ailleurs un parallèle très inspirant à faire. Depuis que la nation atikamekw d’Opitciwan a sa propre loi en matière de protection de la jeunesse, il n’y a plus de cas judiciarisés dans le système de protection de la jeunesse du Québec, ce qui veut dire qu’il y a plein d’enfants qui restent dans leur famille et au sein de leur nation. La Loi C-92, c’est vraiment un bel exemple. J’espère qu’elle va ouvrir la voie à d’autres formes de gouvernance en matière de justice. La surreprésentation des Autochtones en milieu carcéral, surtout la surreprésentation des femmes autochtones, c’est une tragédie nationale. Je suis une abolitionniste et je pense qu’on devrait recommencer à zéro. C’est utopique, mais il faut radicalement changer les choses.

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Le transport collectif, pilier essentiel pour une transition écologique durable

28 novembre 2024, par Marc Simard
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L’autoroute 20, comme de nombreux projets routiers, illustre bien les choix de développement qui, depuis le milieu du XXe siècle, ont perpétué le recours à la voiture et le déploiement massif d’infrastructures routières au détriment d’alternatives. L’extension de la 20 dans le Bas-Saint-Laurent (…)

La Géorgie, l’éternel recommencement

28 novembre 2024, par Sacha Dessaux
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Sacha Dessaux, correspondant en stage Depuis la dislocation de l’URSS en 1991, les différentes républiques socialistes ayant gagné leur indépendance peinent à la conserver. Elles oscillent entre une volonté de se rapprocher de l’Occident et une influence russe qui n’accepte pas de perdre ses (…)

Grève chez Postes Canada

27 novembre 2024, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Depuis le vendredi 15 novembre, les travailleurs et travailleuses de Postes Canada au Bas-Saint-Laurent, comme dans (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Depuis le vendredi 15 novembre, les travailleurs et travailleuses de Postes Canada au Bas-Saint-Laurent, comme dans d’autres régions du pays, sont en grève. Ce mouvement social fait suite à l’échec des négociations entre la direction de (…)

FSMÉT 2024 en Colombie : le rendez-vous des économies populaires, sociales et solidaires

27 novembre 2024, par Mario Gil Guzman
Mario Gil Guzman, correspondant Les économies transformatrices sont des territoires autogérés, des relations cordiales et amoureuses entre l les êtres humains et la nature, des (…)

Mario Gil Guzman, correspondant Les économies transformatrices sont des territoires autogérés, des relations cordiales et amoureuses entre l les êtres humains et la nature, des échanges de besoins, de complémentarités et de solidarités. Ce sont des économies qui placent la vie, la santé (…)

Une activité des JQSI témoigne de l’impact de l’extractivisme au Honduras au Guatemala et au Chiapas

26 novembre 2024, par Carolina Dominguez Restrepo
Carolina Dominguez Restrepo, collaboration spéciale La présence des entreprises transnationales sur les territoires en Amérique centrale entraîne une détérioration des droits (…)

Carolina Dominguez Restrepo, collaboration spéciale La présence des entreprises transnationales sur les territoires en Amérique centrale entraîne une détérioration des droits humains des communautés vivant dans les zones d’exploitation des ressources, en particulier au Honduras, au Guatemala et (…)

Une austérité mal déguisée menace le transport en commun, selon les travailleurs

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/11/Autobus_STS-1024x626.webp26 novembre 2024, par Comité de Montreal
Les travailleurs des sociétés de transport dénoncent un audit de Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT​​​​​​​) comme une manœuvre politique. Commandé par la ministre des (…)

Les travailleurs des sociétés de transport dénoncent un audit de Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT​​​​​​​) comme une manœuvre politique. Commandé par la ministre des Transports, le rapport publié au début de novembre recommande une sous-traitance massive pour économiser des millions, une (…)

Gaza, Israël, USA : angle mort de l’acclamée lauréate du prix Pulitzer 2024 Anne Applebaum

26 novembre 2024, par Ovide Bastien — , ,
Penguin Random House, juillet 2024 Je viens de terminer la lecture de ce livre récent fort intéressant et bien documenté. Plus j'avançais dans ma lecture de ce bestseller, (…)

Penguin Random House, juillet 2024
Je viens de terminer la lecture de ce livre récent fort intéressant et bien documenté.
Plus j'avançais dans ma lecture de ce bestseller, cependant, plus je sentais que l'analyse de l'autrice, si impressionnante soit-elle, souffrait d'une lacune.

Ovide Bastien

Et non pas une lacune quelconque. Une immense lacune, qui, dans le contexte du génocide présentement perpétré par Israël à Gaza, et ce, avec l'appui indéfectible de son grand allié étatsunien, invalide, à toutes fins pratiques, une bonne partie de la thèse principale de son livre.

La thèse principale du livre Autocracy, Inc.

De nos jours, affirme Applebaum, les autocraties sont dirigées par des réseaux sophistiqués s'appuyant sur des structures financières kleptocratiques, un ensemble de services de sécurité - militaires, paramilitaires, policiers - et des experts technologiques qui assurent la surveillance, la propagande et la désinformation.

Et quelles sont, selon elle, ces autocraties ? Parmi elles, on trouve des régimes qui ont des racines historiques et objectifs fort différents. Le communisme chinois et le nationalisme russe, par exemple, diffèrent non seulement l'un de l'autre mais aussi du socialisme bolivarien du Venezuela, du Juche de la Corée du Nord ou du radicalisme chiite de la République islamique d'Iran. Et ces derniers diffèrent tous des monarchies arabes et autres autocraties - Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Vietnam - qui, pour la plupart, ne cherchent pas à saper le monde démocratique. Ils se distinguent également des autocraties plus douces et des démocraties hybrides - Turquie, Singapour, Inde, Philippines, Hongrie - qui tantôt s'alignent sur le monde démocratique et tantôt non.

Ce groupe d'autocraties, poursuit Applebaum, ne fonctionne pas comme un bloc mais plutôt comme une agglomération d'entreprises, liées non pas par une idéologie mais plutôt par la ferme et unique détermination de préserver richesse personnelle et pouvoir.
Les membres de ces réseaux sont connectés non seulement entre eux au sein d'une autocratie donnée, mais aussi avec des réseaux d'autres pays autocratiques, et parfois aussi avec certaines démocraties. Entreprises corrompues que contrôle l'État d'une dictature font affaire avec entreprises corrompues que contrôle l'État d'une autre dictature. La police d'un pays arme, équipe et forme la police d'un autre pays. Le propagandiste d'un dictateur partage ses ressources, fermes à trolls et réseaux médiatiques avec un autre dictateur. Et même le message à propager est partagé : les autocraties représenteraient ordre et stabilité, alors que les démocraties ne représenteraient que dégénérescence et instabilité, et Washington le mal incarné.

Au lieu d'idées, les hommes forts qui dirigent la Russie, la Chine, l'Iran, la Corée du Nord, le Venezuela, le Nicaragua, l'Angola, le Myanmar, Cuba, la Syrie, l'Azerbaïdjan et peut-être trois douzaines d'autres pays, ont en commun la volonté de priver leurs citoyens de toute influence réelle ou de toute voix publique, affirme Applebaum. Ils s'opposent à toute forme de transparence ou de responsabilité et répriment toute personne, dans leur pays ou à l'étranger, qui ose les défier.

Ces autocrates partagent également une approche brutalement pragmatique par rapport à la richesse. Contrairement aux dirigeants fascistes et communistes du passé, qui étaient soutenus par les machines du parti et ne faisaient pas étalage de leur cupidité, ces autocrates structurent ouvertement une partie importante de leur collaboration comme entreprises à but lucratif et ne montrent souvent aucune gêne à vivre dans des résidences opulentes. Ce sont des accords ou ‘deals', et non pas des idées, qui cimentent les liens entre eux et avec leurs amis du monde démocratique. Des accords visant à atténuer les sanctions, à échanger des technologies de surveillance, et à s'entraider pour s'enrichir.
Les autocrates collaborent aussi pour se maintenir au pouvoir, poursuit Applebaum. On sait que depuis 2008, les États-Unis, le Canada et l'Union européenne renforcent les sanctions contre le Venezuela en réponse à la brutalité du régime et ses liens avec le trafic de drogue et le crime organisé international. Cependant, les amis autocrates du régime Maduro lui viennent au secours, neutralisant l'impact de ces sanctions. La Russie lui accorde des prêts et investit, comme l'Iran d'ailleurs, dans l'industrie pétrolière vénézuélienne. Une entreprise biélorusse assemble des tracteurs au Venezuela. La Turquie facilite le commerce illicite de l'or vénézuélien. Cuba fournit, et ce depuis longtemps, des conseillers en sécurité et des technologies de sécurité à ses homologues de Caracas. La Chine fournit à Maduro canons à eau, bombes lacrymogènes et boucliers qui seront utilisés pour écraser les manifestants de rue à Caracas en 2014, et à nouveau en 2017. La Chine fournit aussi au Venezuela la technologie de surveillance nécessaire pour surveiller la population. Pendant ce temps, les hauts placés du régime Maduro, grâce au trafic international de stupéfiants, continuent d'être bien approvisionnés en Versace et en Channel.

Cette étroite collaboration internationale fait en sorte que même si des autocrates comme Alexandre Loukachenko en Biélorussie, ou Nicolas Maduro au Venezuela, sont largement méprisés dans leurs pays respectifs ; même si tous deux seraient perdants face à des élections libres, si jamais de telles élections avaient lieu ; et même si tous deux font face à de puissants mouvements d'opposition qui pourraient normalement les renverser, ils demeurent néanmoins solidement ancrés au pouvoir.

Car ces mouvements d'opposition ne luttent pas seulement contre les autocrates de leur propre pays, poursuit Applebaum. Ils luttent contre les autocrates du monde entier qui contrôlent des entreprises publiques qui peuvent venir à l'aide de leurs amis autocrates en procédant à des investissements à coup de milliards de dollars ; en leur vendant caméras de sécurité et robots de fabrication chinoise. Aussi et surtout, ils combattent des autocrates qui ont appris, et ce depuis longtemps, à se foutre éperdument des sentiments et opinions de leurs compatriotes, ainsi que des sentiments et opinions du monde entier. Le groupe de pays autocratiques offre à ses membres non seulement argent et sécurité ; il lui offre aussi quelque chose de moins tangible mais sans doute encore plus important : l'impunité.

Autrefois, poursuit Applebaum, les autocraties s'inquiétaient beaucoup de la façon qu'elles étaient perçues sur le plan international. C'était le cas, par exemple, de l'Union soviétique, l'autocratie la plus puissante de la seconde moitié du XXe siècle. Aujourd'hui cependant, ce n'est plus le cas. Les autocrates actuels les plus radicaux se foutent éperdument de l'opinion des autres nations. Ils croient que l'opinion internationale n'a aucune importance et qu'aucun tribunal de l'opinion publique ne les jugera jamais. Les dirigeants de l'Iran ignorent avec assurance les opinions des infidèles occidentaux ; ceux de Cuba et du Venezuela considèrent les critiques de l'étranger comme la preuve d'un vaste complot impérial organisé contre eux. Et ceux de la Chine et de la Russie ont passé une décennie à contester le langage des droits de l'homme utilisé par les institutions internationales, réussissant à convaincre de nombreuses personnes dans le monde que les traités et les conventions sur la guerre et le génocide - et des concepts tels que « libertés civiles » et « État de droit » - incarnent des idées occidentales qui ne s'appliquent pas à eux, affirme Applebaum.

Arguments du livre qui semblent valides

On peut difficilement nier la validité de plusieurs aspects de la thèse présentée dans Autocracy, Inc. Cela explique sans doute pourquoi il est rapidement devenu un best-seller.
En voici quelques-uns.

Depuis le soulèvement populaire massif d'avril 2018 contre le régime Ortega-Murillo au Nicaragua, je suis devenu de plus en plus critique d'une certaine gauche radicale qui persiste à qualifier ce gouvernement de progressiste, socialiste et révolutionnaire. Et qui fait sienne le narratif du régime selon lequel la droite nicaraguayenne, financée et orchestrée par le méchant impérialisme étatsunien, aurait orchestré une tentative de coup d'État contre lui.

Ayant séjourné pendant plus de 18 ans consécutifs au Nicaragua, la plupart du temps accompagnant un groupe d'étudiants du Collège Dawson lors de leur stage d'un mois ; ayant donné chaque année aux futures stagiaires un cours de 45 heures sur le Nicaragua, je connais fort bien ce pays.

Voir la répression brutale utilisée par le régime Ortega-Murillo pour écraser les immenses manifestations qui secouaient pendant des mois le pays entier, une répression qui faisait plus de 320 morts et de milliers de blessés ; voir comment le régime éliminait systématiquement toute presse indépendante, emprisonnait, et soumettait à la maltraitance et souvent à la torture tous les dissidents, même d'anciens héros sandinistes avec lesquels Daniel Ortega avait collaboré étroitement pour vaincre la dictature de Somoza ; voir comment Cuba, le Venezuela, la Russie, la Chine, et l'Iran offraient immédiatement leur appui à Ortega-Murillo : tout cela me secouait et m'ébranlait profondément, me plongeant dans une crise émotionnelle.

Une crise émotionnelle qui, pour moi, était d'autant plus déchirante que la plupart des Nicaraguayens et Nicaraguayennes avec lesquelles j'avais collaboré pendant ces 18 ans – campesinos, enseignants, maires, médecins, membres d'ONGs, etc. - étaient des adeptes du gouvernement Ortega-Murillo, et que j'avais développé avec eux une profonde amitié.
Afin de voir plus clair, afin de me retrouver dans tout cela, j'ai donc entamé une recherche dans laquelle je tentais de présenter, le plus objectivement possible, le point de vue des masses nicaraguayennes qui se soulevaient contre le régime Ortega-Murillo, et celui de ce dernier, qu'appuyait fermement une partie la gauche internationale, surtout en Amérique latine.

À l'automne 2018, je publiais le résultat de cette recherche dans Racines de la crise : Nicaragua 2018.

La crise nicaraguayenne, et ma démarche pour la décortiquer, m'amenaient à affirmer l'urgence, pour une certaine gauche plus radicale, de sortir de son aveuglement. Comment peut-on continuer à qualifier de progressiste et révolutionnaire un gouvernement, qui, pour se maintenir au pouvoir, n'hésite pas à écraser impitoyablement le peuple ? Comment peut-on présenter comme anti-impérialiste et espoir pour les marginalisés de la planète, un gouvernement qui penche de plus en plus vers l'autocratie, voire la dictature, et qui est dirigé par un homme et sa conjointe, lesquels octroient à leurs nombreux enfants les postes clés du gouvernement et deviennent rapidement la famille la plus riche du pays ?

Lorsque la Russie envahissait l'Ukraine le 24 février 2022, je vivais un autre questionnement difficile. Plusieurs de mes amis dans la gauche, surtout des Latino-américains, avaient tendance à placer le gros du blâme, non pas sur l'esprit impérialiste et colonialiste de Poutine, mais carrément sur l'expansion de plus en plus menaçante de l'OTAN, une expansion propulsée surtout par Washington. Même si ce point de vue me paraissait avoir un certain fondement, je trouvais qu'on exagérait carrément le pouvoir de Washington dans tout cela, et qu'on ignorait, à toutes fins pratiques, la volonté à maintes fois exprimée par la population des pays qui s'étaient graduellement joints à l'OTAN. Le fait qu'une partie de l'extrême droite, surtout chez les Républicains aux Etats-Unis, adoptait le même point de vue que cette gauche qui focalisait sur l'OTAN, ne faisait qu'accroitre mes doutes à cet égard.

En décembre 2022, je n'étais pas du tout étonné de voir que, sur 195 pays membres, le régime Ortega-Murillo, la Syrie, la Corée du nord, et la Biélorussie étaient les seuls à voter contre la motion de l'Assemblée générale de l'ONU condamnant l'annexion par la Russie des quatre territoires qu'elle venait d'envahir en Ukraine.

Applebaum dénonce le caractère autocratique, répressif, et corrompu du régime Maduro au Venezuela. La fraude monumentale que nous avons tous vu dans les dernières élections vénézuéliennes, une fraude qui est même reconnue par de nombreux pays latinoaméricains progressistes, semble lui donne raison.

Applebaum dénonce la répression brutale par la Chine des Ouighours. Elle dénonce l'Iran pour son oppression des femmes, pour sa répression brutale des dissidents, pour ses actions terroristes, en particulier ses assassinats de dissidents.
Ce n'est qu'un petit échantillon d'une abondance de faits troublants que documente fort bien Autocracy, Inc.

L'angle-mort de la lauréate du prix Pulitzer 2024

Tout cela étant reconnu, j'en viens maintenant à ce qui m'amenait, plus j'avançais dans ma lecture, à douter de plus en plus de la validité de la thèse principale du livre. À percevoir que celle-ci souffrait d'un angle-mort. Non seulement d'une lacune quelconque, mais d'une lacune qui, en quelque sort, remettait en question sa validité.

En lisant Autocracy, Inc., il devient vite évident que, selon Applebaum, les puissances occidentales, et bien sûr les États-Unis, représentent État de droit, libertés civiles, ordre international fondé sur les règles, respect des droits humains, respect des Nations unies, respect des traités et conventions sur la guerre et le génocide, etc.

Par ailleurs, Applebaum ne cesse de nous rappeler tout au long du livre que les pays qu'elle qualifie d'autocraties ne reconnaissent pas ces mêmes valeurs. Qu'ils les rejettent même, les qualifiant d'idées purement occidentales.

Le 20 novembre 2024, le Conseil de sécurité des Nations unies tenait une autre réunion sur Gaza. Celle-ci fut convoquée, à la demande, cette fois, des onze membres élus de ce conseil. Une motion de cessez-le-feu, élaborée pendant des semaines, et adoucie pour plaire aux Etats-Unis, fut proposée. Il était question d'imposer des sanctions à Israël si elle n'acquiesçait pas au cessez-le-feu. Par esprit de compromission, on accepte d'enlever cette clause que rejetait Washington.

La motion demande à la fois un cessez-le-feu inconditionnel et permanent à Gaza et la libération par le Hamas de tous les otages israéliens.

Aucun des 15 membres s'abstient, et tous, sauf le grand allié indéfectible d'Israël, les États-Unis, votent en faveur.

Depuis l'invasion israélienne de Gaza, qui en est maintenant à son 412ième jour, c'est la quatrième fois que Washington utilise son véto pour empêcher l'adoption d'une motion de cessez-le-feu !

Au moment où Applebaum publiait Autocracy, Inc. en juillet dernier, certains experts en santé publique estimaient que si on tient compte des effets indirects d'une guerre – épidémies, absence de soins médicaux, destruction de l'infrastructure permettant la production, etc. - l'assaut israélien de Gaza qui débutait en octobre 2023 finirait par tuer, même si cette guerre se terminait immédiatement en juillet, au moins 180 000 Palestiniens et Palestiniennes.i

Environ 70 % des victimes – au 24 novembre il y en a plus de 44 000 – sont, selon le ministère de Santé du Hamas, des enfants et femmes, dont plus de 700 bébés. Ce que semble confirmer le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH) dans le rapport qu'il publiait le 8 novembre, après avoir vérifié 8 119 des plus de 34 500 personnes qui auraient été tuées au cours des six premiers mois de la guerre. Dans l'ensemble, affirme ce rapport, 44 % des victimes étaient des enfants, la catégorie la plus importante étant celle des 5 à 9 ans, suivie de celle des 10 à 14 ans, puis de celle des 4 ans et moins. Ce qui se passe à Gaza, poursuit le rapport, revêt toutes les caractéristiques d'un génocide.ii

Le nombre de blessés à Gaza dépasse présentement 104 000. Les bombardements sans relâche d'Israël ont obligé l'immense majorité des 2 millions de survivants de se déplacer à plusieurs reprises dans une bande de Gaza devenu inhabitable, et où on n'observe un peu partout que décombres et ordures. Depuis plus de 40 jours, Israël se sert de plus en plus de la faim comme arme de guerre, surtout dans le nord de Gaza. Une stratégie militaire que dénonce de façon répétée les Nations unies, ainsi que toutes les ONGs. En janvier, la Cour internationale de justice estimait plausible qu'un génocide avait lieu à Gaza et entamait une enquête.

Dans une situation aussi apocalyptique, où, chaque jour sur nos écrans on voit en direct des scènes déchirantes, où on voit le peuple palestinien s'enfoncer de plus en plus dans un enfer qui dépasse l'entendement, le représentant étatsunien au Conseil de sécurité de l'ONU, Robert Wood, prend la parole pour expliquer pourquoi son pays rejette, pour la quatrième fois consécutive, la motion de cessez-le-feu.

« Selon nous, affirme Wood, la motion est inacceptable. Il aurait fallu que le cessez-le-feu soit conditionnel à la libération des otages israéliens. »

Une astuce sémantique digne d'un monstre impérialiste qui veut que le carnage se poursuive ! Même les familles des otages réclament depuis des mois un cessez-le-feu ! C'est pourquoi ils manifestant massivement dans les rues de Tel Aviv.

Quelques jours plus tôt, Washington avait recours à une autre astuce sémantique afin de permettre à Israël de poursuivre sa campagne de destruction et de tuerie.

On sait que la Maison Blanche écrivait une lettre étonnante à Israël le 13 octobre dernier. Sans doute pour donner un petit coup de pouce à Kamala Harris, qui risquait de perdre le vote du secteur plus progressiste, et surtout arabe, du parti démocrate, on permettait que cette lettre, grâce à une fuite, devienne publique. Dans cette lettre, Washington exprime une profonde inquiétude au sujet de la situation humanitaire de plus en plus catastrophique à Gaza ; elle dénonce l'absence d'aide humanitaire et accorde à Israël 30 jours (comme par hasard, exactement quelques jours après la tenue des élections étatsunienne !) pour remédier à la situation, précisant même une série de mesures qu'Israël doit prendre pour augmenter substantiellement l'aide humanitaire, la plus spectaculaire de celles-ci étant un minimum de 350 camions d'aide entrant à Gaza chaque jour ; enfin, Washington menace de couper de façon substantielle son soutien militaire à Israël si elle n'accomplit pas ce qui est demandé.

Grande surprise, un mois plus tard, le 13 novembre... Même si Israël, dans le délai qui lui a été accordé, n'a permis que 57 camions d'aide en moyenne entrent à Gaza quotidiennement ; même si tous les ONGs ainsi que les Nations Unies voient bien qu'Israël n'a pas du tout augmenté de façon substantielle l'aide humanitaire à Gaza et nous avertissent que la plupart des Gazaouis, surtout dans le nord, font face à une famine imminente...

Que fait l'administration Biden ?

Elle a recours à une astuce sémantique pour justifier la poursuite de son soutien militaire à Israël.

« Nous constatons que toutes les mesures exigées n'ont pas été parfaitement respecté » affirme-elle. « Cependant, nous sommes satisfaits du progrès réalisé dans l'accroissement de l'aide humanitaire ! »

Autrement dit, le président Biden accorde encore une fois le feu vert à son allié...
Que se poursuive la campagne de carnage et destruction !

Au lendemain de la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU, soit le 21 novembre, la Cour pénale internationale émet un mandat d'arrêt contre le premier ministre d'Israël, Benjamin Nétanyahou, et son ex-ministre de la Défense, Yoav Gallant (aussi contre un leader du Hamas qu'Israël aurait supposément déjà assassiné). Les deux sont accusés de crimes contre l'humanité, notamment de l'utilisation de la famine comme arme de guerre, de meurtre, et d'autres actes inhumains. La cour estime aussi qu'il existe des motifs raisonnables de penser que le siège israélien de Gaza « a créé des conditions de vie calculées pour entraîner la destruction d'une partie de la population civile ».

Cela veut dire que si ces deux leaders israéliens se rendent dans un des 124 pays qui reconnaissent la Cour pénale internationale, ils risquent d'être immédiatement détenus et soumis à un procès devant cette cour.

La réaction du Premier ministre Nétanyahou à ces mandats d'arrêt : mensonges éhontés, pur antisémitisme !

La réaction de Washington va dans le même sens :

« Ces mandats d'arrêt sont révoltants, » déclare le Président Joe Biden. « Quoi que la CPI puisse laisser entendre, il n'y a absolument pas d'équivalence entre Israël et le Hamas. Nous défendrons toujours Israël contre les menaces qui pèsent sur sa sécurité ».

J'en reviens maintenant à ce que je qualifie d'énorme angle-mort dans le livre Autocracy, Inc. Un angle-mort à mon sens impardonnable.

Dans son livre, Applebaum mentionne l'attaque brutale d'Israël par le Hamas le 7 octobre 2023, se réfère souvent à l'Iran et aux proxys de ce dernier : le Hamas à Gaza, le Hezbollah au Liban, et les Houthis au Yémen. Tous, selon elle, seraient horriblement terroristes, et tous seraient étroitement liés à l'ensemble des autocraties.

À la page 155 de son livre, Applebaum écrit :
« Les autocraties suivent les défaites et les victoires des uns et des autres, programmant leurs propres actions pour créer un maximum de chaos. À l'automne 2023, l'Union européenne et le Congrès américain se sont trouvés dans l'incapacité d'envoyer de l'aide à l'Ukraine parce que des minorités ayant des liens profonds avec la Russie, dirigées respectivement par Victor Orban en Hongrie et par une poignée de Républicains Maga au Congrès, agissant sous les instructions de Donald Trump, ont bloqué la majorité et retardé l'aide. Un récit promouvant la « fatigue de l'Ukraine » s'est répandu sur Internet, poussé par des mandataires russes et des médias chinois en plusieurs langues. C'est à ce moment précis que les militants du Hamas, soutenus par l'Iran, ont lancé une attaque brutale contre Israël. Dans les semaines qui ont suivi, les militants houthis soutenus par l'Iran ont commencé à tirer sur des pétroliers et des cargos en mer Rouge, perturbant le commerce mondial et détournant l'attention des États-Unis et de l'Europe de la guerre en Ukraine. »
Tout semble donc se passer, selon Applebaum, comme si l'attaque d'Israël par le Hamas était une chose orchestrée. « C'est à ce moment précis, » dit-elle. Idem pour les attaques par les militants houthis de pétroliers et cargos en mer Rouge. Orchestrée par une bonne partie des autocraties, y inclus « une poignée de Républicains Maga au Congrès », qui veulent détourner l'attention de la guerre en Ukraine.

Tout semble se passer comme si Israël, partie intégrale des pays démocratiques occidentaux, devenait soudainement la cible des méchantes autocraties à tendance terroriste. Rien de plus.

J'avais remarqué que si Applebaum se permettait, à un moment donné, de lancer une flèche contre le gouvernement archi-conservateur de Nétanyahou, laissant entendre que ce dernier ignorait parfois les droits humains, elle faisait cependant sienne le narratif sioniste selon lequel Israël, dans son développement historique, se comportait de façon tout à fait démocratique. Les troubles, elle laissait entendre, avaient commencé avec l'attaque brutale du Hamas, mouvement religieux fanatique et fondamentalement terroriste, qui agissait de concert avec les autocraties.

Je n'ai pas vu un seul mot dans son livre au sujet de la guerre génocidaire qui se déroule à Gaza. Je n'ai pas entendu un seul mot non plus au sujet de cette guerre dans les conférences qu'elle donnait sur son livre dans les semaines suivant sa publication en juillet dernier. Du moins pas celles que j'ai moi-même écoutées sur YouTube.

Il n'y a pas un seul mot dans son livre sur l'oppression coloniale et on ne peut plus brutale dont souffre le peuple palestinien depuis des décennies, oppression qui a donné naissance au PLO, au Hamas, au Hezbollah, et qui explique pourquoi les militants houthis tiraient sur des pétroliers et cargos en mer Rouge. Pas un seul. Et ce, malgré le fait qu'Applebaum est une historienne, journaliste et écrivaine à la fois fort réputée et admirée.

Ignorant complètement le fait que l'attaque d'Israël par le Hamas le 7 octobre avait lieu dans un contexte où de nombreux pays arabes concluaient des accords de normalisation avec Israël qui laissait complètement tomber la cause palestinienne, le prochain sur le point de le faire étant l'Arabie Saoudite ; ignorant le fait qu'Israël imposait depuis plus de 16 ans un siège illégal et inhumain à Gaza, qualifié par plusieurs observateurs de plus grande prison ouverte du monde entier, soumettant les Gazaouis à pauvreté, malnutrition, marginalisation et absence de future, dans un des territoires le plus densément peuplé du monde entier, où la moitié de la population a moins de 18 ans ; ignorant le fait que de milliers de Palestiniens sévissaient dans des prisons israéliennes depuis des années, souvent après avoir été détenu sans accusation et possibilité de procès...

Ignorant complètement tout cela, Applebaum interprète l'attaque d'Israël par le Hamas non pas pour ce qu'elle est – une action brutale issue d'années de frustration croissante, de souffrances inimaginables sous une occupation brutale et illégale, un cri de désespoir visant à secouer le monde arabe et à vrai dire aussi le monde entier, visant à les faire sortir de leur apathie et indifférence – mais plutôt selon ce qui fait son affaire. Plus précisément, elle lui accorde le sens qui correspond à la thèse principale qu'elle défend dans son livre.
Les autocraties, affirme Applebaum, programment « leurs propres actions pour créer un maximum de chaos ». D'abord, la Hongrie sous Victor Orban et les Républicains Maga sous Trump bloquent l'aide à l'Ukraine. Ensuite, les Russes et les Chinois répandent sur Internet le récit de la « fatigue de l'Ukraine ». Après, c'est « à ce moment précis que les militants du Hamas, soutenus par l'Iran, » lancent « une attaque brutale contre Israël », poursuit Applebaum. Enfin, les militants houthis jouent leur rôle dans cette grande programmation autocratique. Dans les semaines qui suivent, affirme-t-elle, « les militants houthis soutenus par l'Iran » commencent « à tirer sur des pétroliers et des cargos en mer Rouge, perturbant le commerce mondial et détournant l'attention des États-Unis et de l'Europe de la guerre en Ukraine. »

La preuve est faite. L'attaque d'Israël par le Hamas fait partie d'une série d'actions coordonnées par les autocraties !

Rien de plus normal, dès lors qu'Israël, pays démocrate, entre en action pour se défendre contre ce terrorisme qu'appuient les autocraties !

Chose étrange, si la lauréate du Prix Pulitzer 2024 ne semble pas du tout consciente de l'épouvantable drame dont souffre depuis des décennies le peuple palestinien, presque tous les pays du monde le sont. Refusant de réduire l'attaque du Hamas à du simple terrorisme, ils dénoncent sans relâche les barbaries qu'Israël est en train de commettre présentement.

Depuis l'éclatement de la guerre à Gaza, j'ai passé d'innombrables heures à écouter les discours des représentants de nombreux pays lors des séances de l'Assemblée générale de l'ONU et du Conseil de sécurité de l'ONU. Des pays d'Afrique, des pays du Moyen-Orient, des pays de l'Amérique latine.

Les propos qu'ils tenaient au sujet de Gaza et du conflit Israël-Palestine m'étonnaient. M'émouvaient profondément, même... Au point que qu'il m'arrivait parfois d'en avoir des larmes aux yeux.

La plupart de ces pays étaient d'anciennes colonies des grandes puissances, et plusieurs figurent dans la liste de ce qu'Applebaum qualifie d'autocraties. Ils ont souffert de ce dont souffre présentement le peuple palestinien. Ils savent, en chair et en os, ce que veut dire souffrir de l'oppression d'un empire.

Et lorsque j'écoutais les propos de la Chine, de l'Iran, et de la Russie au sujet de ce qui se passe à Gaza, j'étais encore agréablement étonné de voir leur degré de compréhension de la situation. Même si je sais parfaitement bien que ces pays soient loin d'être des saints au niveau des droits humains, leurs propos m'étonnaient néanmoins, car ils étaient fort similaires à ceux de la grande majorité des pays. Comme ces derniers, ils semblaient comprendre en profondeur la souffrance du peuple palestinien et l'injustice historique qu'il subit.

Je ne pouvais pas en dire autant, par ailleurs, des propos tenus par plusieurs puissances occidentales. Surtout pas des propos du Royaume Unie et des États-Unis.
À la page 139 de son livre, Applebaum souligne le fait que les autocraties assassinent souvent leurs dissidents, en particulier les journalistes. Et je sais qu'elle a parfaitement raison d'affirmer cela. Cependant, elle ne mentionne pas une seule fois dans son livre les assassinats par Israël de leaders palestiniens, même si on sait que le nombre de ces assassinats est inouï. Elle ne mentionne pas une seule fois non plus les journalistes tués par Israël à Gaza depuis octobre 2023. Pourtant, leur nombre est ahurissant et historiquement sans précédent. De plus, les militaires israéliens les ciblent souvent directement. Silence total aussi par rapport aux innombrables hôpitaux, écoles, universités, mosquées, édifices de l'ONU, résidences, etc., bombardés, et souvent complètement pulvérisés par Israël à Gaza.

Les pays autocratiques offrent à leurs membres non seulement argent et sécurité, affirme Applebaum. Aussi et surtout, ils leurs offrent une chose moins tangible mais sans doute plus importante : l'impunité.

Après avoir vu les États-Unis utiliser leur véto au Conseil de sécurité de l'ONU pour bloquer une motion de cessez-le-feu à Gaza, et cela pour la quatrième fois depuis l'invasion israélienne de Gaza en octobre 2023, cette dernière affirmation d'Applebaum m'a frappée comme un coup de masse.

Pourquoi la plus grande puissance militaire au monde, qui se prétend la leader internationale de la démocratie, qui affirme défendre un ordre international fondé sur les règles, etc., accorde-t-elle à son grand allié israélien cette impunité totale ? Pourquoi offre-t-elle à Israël argent, soutien militaire à coup de dizaines de milliards de dollars, et sécurité ? Pourquoi rejette-t-elle le jugement de la Cour internationale de la justice qui estime plausible un génocide à Gaza et entame une enquête ? Pourquoi rejette-t-elle catégoriquement l'action de la Cour pénale internationale qui vient d'émettre un mandat d'arrêt contre le Premier ministre d'Israël Benjamin Nétanyahou et son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant pour crimes contre l'humanité ?

L'argument d'Applebaum selon lequel seules les autocraties ne respectent pas l'ordre international fondé sur des règles et les traités et convention sur le génocide tient-il vraiment la route ?

Notes
1.Counting the dead in Gaza : difficult but essential, The Lancet, le 10 juillet 2024. Consulté le 23 novembre 2024.
2.Nearly 70 percent of deaths in Gaza are women and children : UN, Al Jazeera, le 8 novembre 2024. Consulté le 23 novembre 2024.

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Visa le pouvoir, tua le pays

26 novembre 2024, par Sébastien Robert — , ,
Après la défaite du référendum de 1995, Jacques Parizeau allait dans son discours faire porter la responsabilité de la défaite indépendantiste sur « L'argent, puis des votes (…)

Après la défaite du référendum de 1995, Jacques Parizeau allait dans son discours faire porter la responsabilité de la défaite indépendantiste sur « L'argent, puis des votes ethniques ». En six mots, il avait réussi à aliéner à la cause de l'indépendance une bonne partie des québécois issus de l'immigration.

Par Sébastien Robert, Syndicaliste, conseiller municipal et ex-candidat de Québec solidaire

Dans les années qui ont suivi, l'austérité péquiste menée par Lucien Bouchard a mené à l'aliénation au PQ des Québécois progressistes, issus des classes populaires et des jeunes. Avec beaucoup d'autres de ma génération, c'est me faire gazer pendant une fin de semaine complète au Sommet des Amériques, sous le gouvernement de Bernard Landry, qui m'a convaincu que le PQ travaillait contre mes idées et moi.

J'ai néanmoins toujours été pour que le Québec devienne un pays. Avec d'autres, j'ai participé à fonder l'UFP, puis Québec solidaire. Dans les 25 dernières années, j'ai rencontré beaucoup de personnes qui étaient devenues énormément réticentes à l'indépendance parce que l'idée était associée au PQ, un parti qui les avait trahis ou maltraité énormément dans le passé.

Avec énormément d'effort, on a réussi à construire des ponts et rebâtir la confiance avec ces Québécois et on a réussi à leur montrer qu'ils avaient une place dans le mouvement indépendantiste. Certaines de ces personnes, comme Ruba Ghazal, Andres Fontecilla, Haroun Bouazzi et Alejandra Zaga-Mendez, sont maintenant députés indépendantistes à l'Assemblée nationale.

Cette semaine, après avoir vu le PQ mener la charge contre Haroun Bouazzi et Québec solidaire, beaucoup de ces personnes vont conclure qu'ils n'auraient pas leur place dans un pays du Québec. On peut difficilement leur reprocher quand c'est un message qui leur est régulièrement transmis par le PQ depuis bientôt 30 ans.

La stratégie de Paul St-Pierre-Plamondon est de devenir premier ministre du Québec en 2026 et d'appeler le Québec à un référendum sur l'indépendance en 2027 ou 2028. Cette semaine, je me suis surpris à me demander ce que j'allais faire si la stratégie du PQ se concrétisait. Est-ce que j'allais donner le mandat d'écrire la Constitution de mon pays à ceux qui disent que je suis un « woke antidémocratique » ?

J'ai encore le temps de réfléchir à la question et, dans ma situation, je crains peu pour ma sécurité et celle de ma famille dans un pays du PQ. Je ne peux pas en dire autant pour tous les québécois issus de l'immigration, qui vive de la précarité ou qui font partie de groupes régulièrement discriminés. Pour eux, c'est réellement inquiétant de donner les clés du pays à un parti qui les prend régulièrement comme boucs-émissaires et qui les présente comme des menaces à la nation québécoise. Vous pensez que le Oui obtiendra la majorité des votes si le pays du Québec qui en résulte fait peur à la majorité des Québécois ?

Blâmer les immigrants et les wokes pour tous les maux de la société, c'est le discours que Trump a utilisé pour prendre le pouvoir. En adoptant le même discours dans le but de prendre le pouvoir à la CAQ, le PQ est en train de tuer les chances que le Québec devienne un jour un pays. Paul St-Pierre-Plamondon et les péquistes n'auront qu'eux-mêmes à blâmer si les résultats d'un éventuel référendum en 2027-2028 sont similaires à ceux des référendums de 1980 ou 1995. Les personnes que le discours actuel du PQ aura poussé vers le fédéralisme n'auront alors que protégé leur sécurité et celle de leur famille. Peut-on vraiment les en blâmer ?

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TES Canada : la nouvelle idole

26 novembre 2024, par Gaston Rivard — , ,
Nous avons eu droit mercredi dernier, à la Cité de l'énergie, à la première célébration de la dernière idole des GENS D'AFFAIRES. En plus des officiants, quelques fidèles (…)

Nous avons eu droit mercredi dernier, à la Cité de l'énergie, à la première célébration de la dernière idole des GENS D'AFFAIRES.

En plus des officiants, quelques fidèles étaient présents. Tous participaient au culte du jour, tous communiaient avec la même ferveur à la table des redevances de TES Canada, l'hostie ostentatoire capable d'apaiser les pires tourments de l'âme et de faire taire les pires remords engendrés par la culpabilité de céder à l'intérêt personnel.

Certes, le prochain n'est pas totalement oublié par ces gens d'affaires malgré la ferveur qui les transporte. Seuls les citoyens égarés, qui tournent le dos à leur idole, ne trouvent pas place dans leur cœur. Mais ils sont peu nombreux selon leurs dires. Un groupuscule d'opposants ! Malheureusement, ils menaceraient la majorité des fidèles, pacifique, silencieuse et invisible qui aimerait manifester sa foi ouvertement.

Ils seraient dangereux, ces opposants. Vindicatifs, aux dires des fidèles interrogés, ils seraient prompts à lancer des pierres aux apôtres du nouveau culte. Voilà la raison pour laquelle ces derniers ont tant attendu avant d'affirmer leur foi vacillante. Mais voilà, c'est chose du passé. Leur courage a crû parce que les débordements des opposants seraient aujourd'hui moindres.

Mais qui sommes-nous, nous qui nous opposons au projet de TES Canada ?

Nous ne sommes pas contre les éoliennes, mais nous sommes contre les éoliennes en milieu habité.

Nous ne sommes pas contre la transition énergétique, mais contre le fait que l'urgence climatique puisse servir à excuser toutes manœuvres, plus intéressées par le profit que par des solutions réelles capables d'en enrayer la progression.

Le gouvernement actuel agit dans la précipitation, progresse « de risques calculés » en « risques calculés » et abuse de son pouvoir pour contourner les mesures élémentaires de prudence. On peut penser à l'abolition du BAPE dans le cas de Northvolt qui non seulement n'agit pas contre le dérèglement climatique, mais provoque celui du climat social.

D'autres solutions existent et sont proposées par plusieurs experts, mais le gouvernement semble vouloir poursuivre une mission pour laquelle il n'a pas obtenu le mandat lors de son élection. À qui obéit notre gouvernement et qui sert-il ?

La panique, à laquelle il semble obéir, le conduit à proposer un remède qui risque d'engendrer des maux pires que le mal qu'il veut guérir. Ces parcs éoliens ont des impacts et même TES Canada le reconnaît puisqu'il consent à indemniser les résidents demeurant à moins de 1000 mètres de ses éoliennes. Mais TES Canada ne reconnaît pas tous les impacts. Il a même le culot, si ce n'est le ridicule, d'en enjoliver certains ou d'en présenter d'autres comme des mythes. Selon ses dires, les éoliennes « ajoutent une touche de modernité au paysage ». TES Canada pense-t-il qu'en ridiculisant les faits et maquillant la réalité, il abolira le réel ? Un parc éolien n'améliore pas un paysage, il le dénature. La nuisance sonore et les risques indirects susceptibles d'affecter la santé sont bien réels, la dévaluation foncière est bien réelle, les impacts sur la faune et la biodiversité sont bien réels, sinon pourquoi TES Canada entend-il « minimiser » les impacts ?

Ces parcs éoliens en milieu habité, construits sous le prétexte de sauver la planète, de nous sauver, font de nous de nouvelles victimes de ce dérèglement climatique. Ils ajoutent des victimes aux victimes.

Il faut cesser de nous présenter les GENS D'AFFAIRES et les PROMOTEURS comme des philanthropes magnanimes et généreux. Il s'en trouve sûrement, mais c'est l'exception, non la règle. Ils pensent avant tout à leur propre intérêt : « faire des AFFAIRES ». S'ils sont utiles à la bonne marche de l'économie, ils ne sont qu'un rouage d'une politique qui doit trouver ailleurs ses lumières. On oublie trop facilement qu'une politique dominée par l'argent accouche toujours d'un monstre.

M. Angers, maire de Shawinigan, par un grossier subterfuge, substitue la « pertinence sociale » à « l'acceptabilité sociale ». Il biffe ainsi cette notion capitale sur laquelle insistent tous les documents officiels du gouvernement. Cette condition préalable et indispensable à tout projet de société, supprimée par M. Angers, est un bel exemple de l'humanisme de certains GENS D'AFFAIRES.

Il n'y a pas que les gens d'affaires qui font passer leur intérêt avant le bien-être de leur voisinage et de leur environnement.

Le témoignage poignant d'une propriétaire terrienne, qui accepta de signer une entente pour accueillir une éolienne, est apporté pour illustrer la mansuétude dont peut faire preuve TES Canada. Eh oui, TES accepta de modifier l'emplacement choisi pour son éolienne parce que la dame ne la voulait pas à cet endroit sur sa terre. Elle devait craindre la trop grande proximité de l'éolienne par rapport à sa résidence, le bruit ou la détérioration du paysage, bref des raisons légitimes de demander cette modification. Tous les voisins de tous ces propriétaires ayant signé des ententes avec TES Canada n'auront pas cette chance de se faire entendre.

Gaston Rivard
Citoyen de Saint-Adelphe

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Contre l’OTAN, contre le militarisme et pour la libération des peuples

26 novembre 2024, par collectif « Désinvestir pour la Palestine » — , , ,
Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale de l'ONU sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, a soutenu dans son plus récent (…)

Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale de l'ONU sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, a soutenu dans son plus récent rapport que l'on assiste actuellement au « premier génocide colonial diffusé en direct »

. Depuis octobre 2023, Israël bombarde la bande de Gaza de manière indiscriminée et la population est privée de toutes ressources essentielles. Parallèlement, l'indifférence de la communauté internationale et la complicité de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN), dont le soit-disant Canada fait partie, est consternante.

Israël a le statut d'allié majeur non-membre de l'OTAN, qui lui offre un accès prioritaire et quasi illimité aux technologies militaires les plus avancées des États-Unis et de l'Europe. Le génocide en cours est donc loin d'être un événement soudain, mais s'inscrit dans une stratégie d'effacement du peuple palestinien qui perdure depuis des décennies grâce à l'appui occidental inconditionnel offert à l'État sioniste, notamment via des outils de contrôle et de surveillance à la fine pointe de la technologie militaire primée par l'OTAN. Gaza est connue depuis longtemps comme la plus grande prison à ciel ouvert de la planète grâce à un sytème complexe de murs-frontières composés de grillages de métal, de béton armé, de caméras de surveillance, de drones et de tourelles où opère la milice sioniste. À ces barrières physiques s'ajoutent la cybersurveillance, la reconnaissance faciale et l'espionnage constant. La Palestine est donc un laboratoire pour l'industrie militaire et technologique israélienne, soutenue logistiquement et financièrement par les membres de l'OTAN.

Les pays membres de l'alliance se servent ensuite de ces expérimentations pour mieux réprimer leurs propres citoyen-nes. Par exemple, en 2012, les balles de plastique de la Sûreté du Québec (SQ) qui ont crevé les yeux et défiguré les militant·es étudiant·es avaient d'abord été testées par les forces sionistes.

Nous devrions aussi nous inquiéter de la volonté de l'OTAN à renforcer son appui indéfectible à Israël par des interventions militaires directes. Le think tank NATO Watch a publié un briefing faisant la promotion d'une intervention de l'OTAN pour « stabiliser la région » en s'appuyant notamment sur le « succès »​​​ des missions de stabilisation en ex-Yougslavie à la fin des années 1990. Pourtant, si l'on pose un regard critique sur les missions passées de l'OTAN au Kosovo, en Afghanistan ou en Libye, on comprend très bien ce que « stabilisation » ou « maintien de la paix » veut dire : détruire tout sur son passage, y compris des lieux de refuges des populations civiles puis quitter après avoir semer l'instabilité politique et le chaos.

Militarisme et capitalisme : un duo destructeur

Au moment d'écrire ce texte, nous sommes encore à digérer l'élection de Donald Trump. Largement soutenu par les puissants lobbys du complexe militaro-industriel, ses politiques autoritaires et bellicistes posent de réels dangers pour la paix mondiale. Qu'on nous comprenne bien, on n'aurait pas applaudi l'élection de son adversaire ! À une ère de multiplication de conflits armés d'une violence inédite, nous devons nous préoccuper de la montée de l'extrême-droite aux États-Unis, pilier central de l'OTAN.

Les politiques capitalistes de nos gouvernements maintiennent des pans complets de la population dans la précarité et la vulnérabilité. Maintenus à l'écart de toute possibilité de mobilité sociale, ces groupes deviennent un bassin de recrutement inépuisable pour les armées occidentales. Ce sont donc les corps de notre jeunesse qui se feront mutiler physiquement et psychologiquement pour aller massacrer des peuples entiers afin de préserver les intérêts coloniaux et impérialistes des élites économiques et politiques, le tout sous couvert de sauvetage et de sécurité mondiale.

La situation ne s'améliorera pas avec le gouvernement canadien qui cède à des années de pression des États-Unis pour augmenter son budget militaire à hauteur de 2% de son PIB, ce qui devrait représenter 82 milliards de dollars en 2032-2033.

Alors que les budgets militaires ne cessent de croître, on nous dit que des programmes sociaux essentiels comme le transport collectif et le logement social ne sont pas rentables.

Appel à se mobiliser contre l'OTAN

Pour s'engager activement pour la paix, il est crucial de contester le rôle de l'OTAN dans la militarisation du monde et son soutien à des politiques autoritaires et colonialistes. Alors que Tiohtià:ke/ Montréal accueillera la prochaine assemblée parlementaire de l'OTAN du 22 au 25 novembre, il est temps de faire entendre nos voix. Nous appelons la population à manifester le 22 novembre à 17h30, Place des Arts. Montrons notre rejet du militarisme aveugle et de la domination exercée par l'OTAN. Construisons une solidarité active entre tous les peuples et refusons que la mémoire des victimes des guerres serve à légitimer d'autres conflits. Unissons-nous pour une paix durable, libérée de toute forme de colonialisme, d'impérialisme et de militarisme !

Lettre de Désinvestir pour la Palestine

Co-signée par :
Actions contre les armes / Actions against arms
Collectif UdeM pour la Palestine
Convergence des luttes anticapitalistes
Femmes de diverses origines / Women of diverse origins
Groupe de recherche et de formation sur la pauvreté au Québec
Organisation révolutionnaire anarchiste
Palestiniens et Juifs Unis (PAJU)
Syndicat Industriel des Travailleuses et Travailleurs — Industrial Workers of the World (SITT – IWW)

*********************
Manifestation du 22 novembre

*Le Collectif Désinvestir pour la Palestine dénonce les violences policières et la complicité de l'OTAN dans le génocide colonial en Palestine*

*Tiohtià:ke/Mooniyang/Montréal, le 24 novembre 2024 *— Le collectif Désinvestir pour la Palestine dénonce fermement les tentatives malhonnêtes des politicien-nes de détourner le message politique porté par la manifestation du 22 novembre contre l'OTAN et le génocide colonial en Palestine. Nos gouvernements, qui offrent un soutien indéfectible et honteux à Israël depuis des décennies, se sont empressés de détourner les messages anti-militaristes, anti-impérialistes et anticolonialistes portés par les manifestant-es en lançant de fausses accusations d'antisémitisme.

Il s'agit d'accusations mensongères qui visent à délégitimer le mouvement de solidarité avec la libération de la Palestine et qui nuisent à la lutte contre l'antisémitisme. Soyons clairs : incendier une poupée à l'effigie d'un chef d'État visé par deux mandats d'arrestation de la Cour pénale internationale (CPI) n'a rien d'un acte d'antisémitisme. Cela relève de l'expression légitime d'une colère collective face à l'indifférence politique au coeur d'un génocide colonial.

De plus, le Collectif dénonce fermement les violences policières contre la foule qui manifestait contre la complicité des membres de l'OTAN dans les guerres impérialistes et le génocide du peuple palestinien. Les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ont fait un usage excessif de gaz lacrymogène et ont asséné des coups de matraques et de boucliers aux manifestant·es lors de manœuvres de dispersion dangereuses.

Au moins quatre personnes ont dû être évacuées d'urgence par ambulance afin d'être hospitalisées. Parmi les blessé·es, une personne matraquée à la tête a subi des lésions sérieuses. En attente de l'ambulance, la personne blessée a été assistée par des secouristes qui ont été violemment agressé-es par des policiers <https://we.tl/t-aBizBSmaWJ> . Parmi les personnes hospitalisées, un photographe a été blessé après avoir été atteint à l'œil par un projectile lancé par la police, puis aspergé de poivre de cayenne. Une autre personne a subi une fracture au bras suite à des coups de matraque, sans compter les malaises chez plusieurs manifestant-es suivant une surexposition dangereuse aux irritants chimiques.

Le Collectif est atterré : la répression brutale envers des manifestant-es est non seulement tolérée, mais applaudie par les mêmes politicien-nes qui appuient la campagne génocidaire d'Israël contre le peuple palestinien. Le Collectif dénonce l'hypocrisie de ces représentant-es qui disent défendre la loi, tout en soutenant des violations graves, répétées et documentées du droit international en Palestine depuis des décennies.

Le message du Collectif à l'OTAN et aux gouvernements complices de l'oppression des peuples à travers le monde reste le même : on ne construit pas la paix par les armes et la répression. On la construit par la solidarité entre les peuples et la résistance à l'oppression et la colonisation sous toutes ses formes.

*Citation *

« La manifestation du 22 novembre nous a montré une fois de plus le vrai visage de nos institutions. Plutôt que de mettre fin à leur complicité avec le génocide colonial en Palestine, leur réponse est celle de la répression. Cependant, la solidarité ne se brise pas à coups de matraque. Ce que nous avons vu lors de la manifestation, c'est que la violence policière n'a fait que renforcer la détermination du mouvement à lutter jusqu'à la libération de la Palestine et de tous les peuples opprimés et colonisés » déclare Benoît Allard, porte-parole du collectif Désinvestir pour la Palestine.

*Collectif Désinvestir pour la Palestine*

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Adoption du projet de loi 71 - « Ne reste-t-il donc personne à l’Assemblée nationale pour défendre les droits des personnes assistées sociales ? »

26 novembre 2024, par Collectif pour un Québec sans pauvreté — ,
Le titre de ce communiqué du Collectif pour Québec sans pauvreté n'est pas sans nous poser de multiples questions ? Où était donc Québec solidaire pour s'opposer au projet de (…)

Le titre de ce communiqué du Collectif pour Québec sans pauvreté n'est pas sans nous poser de multiples questions ? Où était donc Québec solidaire pour s'opposer au projet de loi 71 ? Pourquoi notre députation n'a-t-elle été convaincu par les représentations des groupes de défenses des personnes asistées sociales ? Quand Québec solidaire expliquerait-il les fondements d'une attitude qui est appuru comme un refus d'appui par ces groupes de défense ? La transparence exige une explications sérieuse. (PTAG)

Sans surprise, le projet de loi 71 de la ministre Chantal Rouleau vient d'être adopté par l'Assemblée nationale. Ce qui est toutefois surprenant pour le Collectif pour un Québec sans pauvreté, c'est l'unanimité qu'a su faire le projet de loi parmi les député-es. Comment cela est-il possible quand on sait que la « réforme » de la ministre ne prévoit aucune augmentation des prestations des personnes assistées sociales et comporte même des reculs pour des dizaines de milliers d'entre elles ?

« C'est un jour triste pour les personnes assistées sociales et toutes les organisations qui, depuis plus de 50 ans, se battent pour défendre leurs droits, se désole le porte-parole du Collectif, Serge Petitclerc. Qu'un projet de loi s'attaque aux acquis des personnes les plus mal prises, c'est malheureux, mais c'est dans l'ordre des choses avec un gouvernement qui depuis six ans se préoccupe davantage d'enrichir les plus riches que d'améliorer le sort des plus pauvres. Que personne n'ose se lever en chambre pour dire non à ce projet de loi est cependant inconcevable et autrement révélateur. Ne reste-t-il donc personne à l'Assemblée nationale pour défendre les droits des personnes assistées sociales ?

« Depuis le dépôt du projet de loi le 11 septembre dernier, nous avons tenté de faire entendre notre point de vue avec des dizaines d'autres organisations. Nous avons manifesté, produit un mémoire, participé aux auditions publiques, rencontré les partis d'opposition. Nous nous expliquons mal que notre message n'ait été compris ni par le parti au pouvoir, ni par les autres partis.

Deux problèmes majeurs

« Un des problèmes avec le projet de loi 71 est que, malgré quelques assouplissements, il ne prévoit aucune augmentation des prestations d'assistance sociale, rappelle Serge Petitclerc. Il est évident, par exemple, que c'est une bonne chose que le délai de prescription pour l'établissement de certaines catégories de dettes passe de 15 à 5 ans. Cela simplifiera probablement la vie de quelques personnes, mais ne change absolument rien au problème de fond : la nette insuffisance des revenus, et ce, peu importe le programme d'assistance sociale.

« Faut-il rappeler que les personnes qui touchent l'aide sociale de base disposent d'un revenu annuel de 11 245 $, de quoi couvrir à peine 46 % des besoins de base définis par la Mesure du panier de consommation ? Même au Revenu de base, le programme le plus généreux qui s'adresse aux personnes avec des contraintes de santé de longue durée, les gens ne reçoivent de quoi couvrir que 87 % de leurs besoins.

« L'autre problème majeur avec le projet de loi 71 est qu'il vient réduire le nombre de motifs donnant droit à une allocation pour contraintes temporaires. Parmi les personnes qui se verront touchées par cette modification, notons les familles monoparentales comptant un enfant à charge de moins de 5 ans (environ 8000 personnes actuellement) et les personnes de 58 ans et plus (environ 30 000 personnes actuellement). Il est spécifié dans le projet de loi que les personnes qui touchent actuellement cette allocation y auront droit tant qu'elles demeureront à l'assistance sociale. Mais toutes les nouvelles personnes qui arriveront au nouveau programme d'Aide de dernier recours en seront privées. L'allocation pour contraintes temporaires est présentement de 161 $ par mois.

« Quand on connaît l'insuffisance des prestations d'assistance sociale, surtout au programme d'Aide sociale, cet aspect du projet de loi de la ministre Rouleau nous semble particulièrement inhumain. Pour une personne dans cette situation, 161 $ de plus ou de moins par mois, ça fait toute la différence du monde. »

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Du berceau de l’humanité au dépotoir-cercueil !

26 novembre 2024, par Serge Proulx — ,
D'une COP à l'autre, sur la biodiversité ou sur les changements climatiques, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres ne cesse de s'époumoner sur le fait que l'être (…)

D'une COP à l'autre, sur la biodiversité ou sur les changements climatiques, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres ne cesse de s'époumoner sur le fait que l'être humain est seul coupable. Mais quand et comment cet être humain sera-t-il enfin responsable ? Comment faire en sorte que ces exercices des COP deviennent contraignants et efficaces ? À l'inverse de bien d'autres précédemment, Serge Proulx, membre GMob, trace ici un bilan non jovialiste de la situation de la biodiversité (COP 16) pour mieux la lier aux changements climatiques (COP 29).

Tiré de GMob

Serge Proulx, biologiste, M. Sc. (Hydrologie forestière)

La Convention sur la Diversité Biologique (CDB) est un traité international adopté lors du sommet de la Terre, à Rio de Janeiro, en 1992. Son objectif est de développer des stratégies nationales pour la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique.

Les trois buts principaux de la CDB sont :

  • la conservation de la biodiversité ;
  • l'utilisation durable de ses éléments ;
  • le partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques. l'exploitation des ressources

Trente-deux ans plus tard, nous venons de vivre la COP16 dont les objectifs étaient de s'entendre sur les moyens à prendre d'ici 2030 pour respecter les engagements pris en décembre 2022 lors de la COP15 à Montréal (Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal), soit protéger 30 % des milieux naturels de la planète (terrestres et marins), freiner l'extinction des espèces, réduire les risques liés aux pesticides et financer au moins 200 milliards de dollars par an pour aider les nations plus pauvres à préserver les écosystèmes.

D'ici 2030, il ne reste que 5 ans, et pourtant, seulement 17,6 % des terres et des eaux intérieures (Canada 13,7 % en 2023) et 8,4 % des océans et zones côtières (Canada 9,1 % en 2023) se trouvent dans des zones « protégées » et aucune entente pour les fonds considérés comme nécessaires, soit 200 milliards par année, n'a été obtenue.

Comme ordre de grandeur, rappelons les profits pour le dernier trimestre de trois des GAMAM (Google, Apple, Meta, Amazon et Microsoft) : Google gagne désormais 26 milliards de dollars par trimestre, Microsoft, 25 milliards, et Meta, 15 milliards. Donc, les profits pour trois trimestres de ces trois compagnies seulement sont l'équivalent du besoin pour la planète entière. Et on ne parle pas ici des actifs de ces 5 compagnies dont la valeur combinée dépasse maintenant les 10 000 milliards de dollars. Rappelons aussi que selon le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), le total des dépenses militaires mondiales s'élève à 2 443 milliards de dollars en 2023, soit une augmentation de 6,8 % par rapport à 2022. Juste l'augmentation des dépenses militaires se rapproche du 200 milliards jugé nécessaire. Le pire est que l'orgie de destruction qui se trouve derrière ces chiffres est souvent vendue comme le moteur de notre « croissance économique », par ces usines qui produisent l'armement et la reconstruction ensuite.

Pendant ce temps, le gouvernement du Canada se vante sur son site de faire preuve de leadership et d'ambition à l'échelle internationale en matière de protection de la nature et de la biodiversité en annonçant à Cali « un financement total de 62 millions de dollars pour sept projets visant à protéger la biodiversité partout dans le monde ». À titre de comparaison du « leadership et de l'ambition » du Canada, rappelons qu'un simple tronçon de 11 km de l'autoroute 20 (de Cacouna à L'Isle-Verte) a couté 69 millions de dollars en 2011. Du côté du Québec, il est le premier État fédéré au monde à avoir contribué au Fonds-cadre de la biodiversité à hauteur de 2 millions de dollars… soit environ 300 mètres d'autoroute, valeur de 2011.

Notons aussi que seulement 44 pays ont remis leur stratégie nationale sur la biodiversité, et 119 autres n'ont remis que de grands objectifs, sur les 195 parties membres de la COP. Mais le bilan de ces feuilles de route et objectifs, ainsi que la façon de les suivre dans le temps, n'ont pas fait l'objet d'accords qui, de toute manière, sont généralement non contraignants. Autre exemple risible, par rapport aux besoins : dans un communiqué, huit gouvernements ont annoncé des promesses de contributions portant à quelque 400 millions de dollars la dotation du fonds mondial pour la biodiversité, soit 2 millièmes des besoins annuels. Les 23 000 participants annoncés à cette COP ont donc probablement plus contribué au réchauffement planétaire qu'à la conservation de la biodiversité.

Comment s'en étonner alors que sur les 15.000 participants, on trouvait seulement 12 chefs d'État et 103 ministres de l'environnement, mais plus de 1.000 journalistes du monde entier ? Les 196 pays présents peuvent bien, depuis le 21 octobre, avoir tenté d'accorder leurs positions pour les objectifs définis de 2030, mais en l'absence générale des décideurs politiques, les délégations sont restées sur leurs mandats. Par exemple, le Canada n'y a envoyé aucun représentant parlementaire, tous les partis étant probablement plus préoccupés des enjeux parlementaires que du sort de la biodiversité et de la planète, tout comme pour notre ministre de l'environnement du Québec, Benoit Charette, absent lui aussi. Ils ont donc oublié, comme beaucoup d'entre nous d'ailleurs, que l'oxygène de chacune de nos respirations a été produit par les plantes, qu'elles soient terrestres ou marines comme le phytoplancton, et que chaque bouchée de notre alimentation provient de cette nature. Les mandats portaient probablement pour la plupart sur la défense des intérêts nationaux, intérêts qui se concentrent surtout sur la croissance économique, si l'on se fie aux discours que l'on entend ici, autant aux niveaux fédéral que provinciaux.

Si l'évolution biologique est indissociable du fait que des espèces disparaissent et que de nouvelles apparaissent, jamais la perte de biodiversité n'a été aussi massive et fulgurante que ces deux derniers siècles : de 10 à 1000 fois plus rapide que le rythme naturel, ce qui nous fait entrer de plain-pied dans une 6e extinction de masse, capable de mener à l'effondrement de nombreux écosystèmes de manière irrémédiable et d'être une menace pour la « civilisation », menace « existentielle », comme l'a dit à Cali le secrétaire général de l'ONU António Guterres.

Ce qui a changé ces deux cents dernières années ? La pression de l'Homme, la première et la seule cause directe de cet effondrement fulgurant de la biodiversité ! L'espèce humaine ne représente pourtant que 0,01% de l'ensemble du poids de tout le monde vivant sur la terre. Mais notre impact sur les écosystèmes est démesuré et ne cesse de s'accroître. D'ailleurs, même lorsque l'on regarde l'ensemble de la biomasse des mammifères, l'humain (n'oublions jamais que nous sommes des mammifères) représente 36% de cette biomasse ; les mammifères que nous élevons (surtout les bovins) en représentent 58%. Le reste de tous les autres mammifères, ce que l'on appelle la nature « sauvage », ne représente que 6% du total (2% terrestre et 4% marin, principalement les baleines). Si l'on considère les oiseaux, la biomasse pour toute la planète Terre de nos oiseaux d'élevage, principalement le poulet, compte pour 75% du total. Côté végétal, 38% des espèces d'arbres sont maintenant inscrites sur la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui répertorie les espèces en fonction de leur risque de disparition.

En 2019, un effort gigantesque d'inventaire à l'échelle mondiale a permis d'identifier 435 000 espèces de plantes (2 sur la planète, dont 36,5 % étant qualifiées de « rares » (observées moins de cinq fois), et 28,3 % « d'extrêmement rares » (observées moins de trois fois). Le drame est que les zones où se concentrent ces plantes rares sont généralement les zones les plus impactées par les changements provoqués par l'homme, directement (urbanisation, développement de l'agriculture intensive et déforestation) ou indirectement via les changements climatiques. De plus, au-delà de 30 % des espèces végétales mondiales sont natives des îles, comme à Madagascar, un trésor de biodiversité, qui arrive en tête de cette liste, avec pas moins de 9 318 espèces végétales qui ne se trouvent nulle part ailleurs. Pour les plus petites îles, les menaces aux écosystèmes sont multiples, mais les principales actuellement sont les événements climatiques extrêmes qui se multiplient et sont de plus en plus intenses, et, évidemment, la hausse du niveau des océans, conséquence directe et irréversible pour plusieurs milliers d'années du réchauffement planétaire que nous provoquons. Pour revenir à notre exemple, c'est aussi à Madagascar que la proportion d'espèces menacées d'arbres est la plus élevée (59%). En mars 2023, le territoire malgache n'est plus qu'à environ 10% recouvert de forêt, contrairement à environ 50% au début des années ‘70.

Concernant la biodiversité, nous sommes très loin de tout connaître. Selon MUSÉUM, « à ce jour, environ 2 millions d'espèces ont été inventoriées, mais on estime qu'il en existe entre 8 et 20 millions ! » Toujours pour Madagascar, des chercheurs ont découvert récemment dans ce 10% résiduel sept nouvelles espèces de grenouilles arboricoles, qu'ils ont nommées d'après les noms des capitaines de Star Trek en raison de leurs sifflements uniques et fantastiques. Combien d'autres sont disparues avec les forêts avant même d'être connues ? Mais avec l'échec à la COP16 des négociations sur le financement, la mise en place d'aires protégées y est problématique, comme partout ailleurs dans les pays en développement.

Comme si ce n'était pas maintenant évident, à Cali, Greenpeace a tenu à alerter sur le lien entre la crise de la biodiversité et la crise climatique. La COP29 se tient cette année à Bakou, capitale de l'Azerbaïdjan et de son gouvernement autocratique, autre haut lieu du dieu pétrole, et pour laquelle l'ONG Transparency International et le collectif Anti-corruption data collective nous rappellent que « La corruption et la kleptocratie menacent aussi l'intégrité des conférences sur le climat, y compris la prochaine COP29 à Bakou ». Selon eux, il y a un risque sérieux que la COP29 soit cooptée par les élites politiques azerbaïdjanaises, les compagnies pétrolières et gazières, et les lobbyistes pour promouvoir une industrie profossile, situation déjà dénoncée par des organisations non gouvernementales à l'occasion de la COP 28 de Dubaï. Rien pour être optimiste, autant pour la lutte au réchauffement planétaire que pour la préservation de la biodiversité et l'atténuation des crises sociales, trois enjeux très interreliés, mais toujours traités en silo, autant par les instances internationales que par nos gouvernements.

Si elles ont toujours existé, les nombreuses menaces qui pèsent sur le monde vivant sont de plus en plus aggravées par nos activités humaines. Les activités généralement mentionnées sont les changements d'usage des milieux naturels et leur morcellement, les différents types de pollutions de plus en plus planétaires, la surexploitation des ressources (l'extractivisme débridé de notre supposée « transition ») et l'introduction exacerbée par la mondialisation d'espèces invasives. À présent, le réchauffement planétaire est déjà considéré par plusieurs comme l'une des raisons principales de la disparition des espèces, car l'intensité et la rapidité des changements climatiques mettent en péril la faculté d'adaptation de nombreuses espèces animales et végétales.

Pire, une étude récente menée par des chercheurs du NIOZ Royal Netherlands Institute for Sea Research et des universités d'Utrecht et de Bristol montre que le doublement des niveaux de CO2 atmosphérique pourrait augmenter la température moyenne de la Terre de 7 à 14 degrés Celsius. Ces valeurs sont nettement supérieures aux estimations du GIEC sur le réchauffement planétaire. Ironiquement (mais ce n'est pas drôle), une vingtaine de régions du Québec ont connu leur journée d'Halloween 2024 la plus chaude jamais enregistrée, avec des températures atteignant jusqu'à 26 °C.

Concernant l'impact du réchauffement planétaire, le 8e rapport de la revue médicale The Lancet montre que 10 des 15 indicateurs mesurant l'impact des changements climatiques sur la santé ont enregistré de nouveaux records en 2023. Fruit du travail d'une centaine de chercheurs du monde entier, ce document est publié chaque année depuis l'Accord de Paris en 2015. Ces impacts ne se font pas uniquement sentir sur les humains, mais aussi sur toute la faune et la flore qui, eux, n'ont pas de climatiseurs. Nous savons que pendant près de deux mille ans, la température moyenne à la surface du globe est restée stable. Au maximum, celle-ci a pu varier de quelques dixièmes de degré. Mais depuis le début de la révolution industrielle, le consensus scientifique est clair : l'activité humaine a un impact direct sur le climat, car en émettant des gaz à effet de serre, l'humanité réchauffe la planète.

Au Nord, les écosystèmes et les réseaux trophiques sont bouleversés, le caribou migrateur agonise, espèce centrale dans les modes de vie traditionnels des habitants du nord. Plus au sud, ici même au Québec, le caribou des bois est au bord de l'extinction, principalement par la perte de son habitat, les forêts anciennes, elles aussi écosystèmes menacés, qui sont détruites pour le crédo de la nécessité de préserver nos emplois dans l'exploitation forestière alors que rien n'a été fait pendant toutes les dernières décennies pour diversifier l'économie des communautés concernées et sans réponses positives de notre ministère de l'environnement quant aux demandes des premières Nations d'y créer des aires protégées.

Ailleurs, conséquences aussi du réchauffement planétaire, les forêts brûlent (Canada, Sibérie, Amazonie) ou se dessèchent (Portugal, Grèce, etc.), devenant des sources de carbone au lieu d'être des puits, ce qui évidemment bouleverse aussi les écosystèmes de ces milieux. Les événements climatiques extrêmes sont aussi localement très destructeurs pour les écosystèmes. Les pluies torrentielles dans la région de Valence en sont un dramatique exemple. Le « Protected Planet Report 2024 » rapporte que malgré que des progrès aient été réalisés pour ce qui est d'accroître la couverture des aires protégées et conservées (progrès très maigres d'ailleurs), ces progrès doivent être considérablement accélérés si l'on veut atteindre l'objectif de 30% d'ici 2030.

Mais l'accélération de la couverture doit aller de pair avec des efforts encore plus importants pour répondre aux autres éléments de la cible, soit de s'assurer de la qualité des systèmes des zones protégées et conservées. D'autres aspects importants à considérer lors de l'expansion des zones protégées et conservées sont d'inclure le respect des engagements de la cible en matière de droits de la personne, une gouvernance équitable et la reconnaissance des territoires autochtones et traditionnels. Mais que signifie une « aire protégée » quand, par exemple, le gouvernement albanais, pays signataire de toutes les conventions, autorise la construction d'un aéroport à l'intérieur des limites de l'aire protégée Vjosë-Nartë en Albanie, paradis des oiseaux migrateurs de l'Europe en bordure de la mer Adriatique, et que Jared Kushner, neveu d'un certain Donald Trump, y planifie un grand complexe hôtelier aussi à l'intérieur du parc ? Objectif : soutenir l'industrie touristique qui explose en Albanie. Que signifie « le respect des engagements de la cible en matière de droits de la personne, et la reconnaissance des territoires autochtones et traditionnels » quand, en Colombie, pays hôte de la COP16, 361 défenseurs de l'environnement y ont été assassinés ces six dernières années, révèle l'ONG colombienne Fondation Paix et Réconciliation (PARES) ?

À la lueur de ces constats, nous n'avons que peu de choix : obliger toutes les instances politiques - municipales, provinciales et fédérales - à tenir compte de l'existence de ces situations dramatiques et à poser des gestes concrets pour y faire face. Nous, individuellement, avons tous des gestes à poser envers nos élu.e.s. Nous devons tous et toutes être vigilant.e.s et mettre l'épaule à la roue afin qu'ils et elles posent les gestes nécessaires, et que ce ne soit pas des gestes d'écoblanchiment ou contradictoires l'un par rapport à l'autre.

Ces gestes doivent répondre aux enjeux de justice sociale, de respect de l'environnement et de lutte contre les changements climatiques, conséquences du réchauffement planétaire. Ces gestes sont d'autant plus nécessaires et urgents suite aux récents résultats de l'élection américaine. À n'écouter que les discours et comptes-rendus qui ne mettent pas de l'avant les vrais enjeux, à savoir la survie de l'humanité, nous oublions que de nous préoccuper que de la fin du prochain mois nous condamne à en vivre des centaines qui viennent qui ne seront que pires. Cette fameuse fixation pour la fin de mois semble avoir aussi dominé les élections américaines, et nous en vivrons tous et toutes les conséquences.

GMob, GroupMobilisation, a mis de l'avant un plan d'action GOUVERNEMENTAL, MUNICIPAL et CITOYEN, le Plan de la DUC, pour s'attaquer à la réduction des gaz à effet de serre. Ce plan devrait servir de base à nos actions et être adapté afin de devenir des réponses de résilience et de sauvegarde de nos environnements de vie et des écosystèmes.

Des objectifs de décroissance, ou mieux d'un autre type de croissance (le PIB n'étant pas le meilleur indicateur de la santé des économies et des sociétés), donc des objectifs pouvant mesurer l'équité et la résilience devraient être mis de l'avant dans différents secteurs d'activité humaine (j'évite volontairement les mots « secteurs économiques » qui justifient toutes sortes de dérives) et à différentes échelles, comme les biorégions.

Faisons pression sur tous les élu-e-s, à tous les niveaux, pour qu'ils cessent de ne se préoccuper que de la fin de leur mandat (leur « fin de mois » à eux et elles), et s'attaquent aux enjeux existentiels auxquels nous faisons tous face ! Au travail, parce qu'il y a urgence !

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L’instrumentalisation de la peur juive, de Tel-Aviv à Amsterdam

L'Agence Média Palestine propose une traduction de cet article d'Em Hilton, écrivaine et militante juive basée à Londres, initialement publié par le média +972. Em Hilton est (…)

L'Agence Média Palestine propose une traduction de cet article d'Em Hilton, écrivaine et militante juive basée à Londres, initialement publié par le média +972. Em Hilton est directrice pour le Royaume-Uni et la politique de Diaspora Alliance, cofondatrice de Na'amod : British Jews Against Occupation, et siège au comité directeur du Center for Jewish Non-Violence.

Tiré d'Agence médias Palestine.

La rhétorique des « pogroms » et de la « chasse aux juifs » vise à masquer la réalité en générant une hystérie de masse, qui peut ensuite être utilisée pour faire avancer un programme d'extrême droite.

« Demain, il y a 86 ans, avait lieu la Nuit de Cristal, une attaque contre des Juifs simplement parce qu'ils étaient Juifs, sur le sol européen. Elle est de retour aujourd'hui ; nous l'avons vue hier dans les rues d'Amsterdam. Il n'y a qu'une seule différence : entre-temps, l'État juif a été créé. Nous devons y faire face. »

Il y a beaucoup à analyser dans cette déclaration du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu sur les troubles et les violences qui ont entouré le match de football de la semaine dernière entre le Maccabi Tel Aviv et l'Ajax. Ces événements ont commencé avant le match, lorsque les supporters du club israélien ont parcouru la ville en arrachant les drapeaux palestiniens des fenêtres des appartements, en attaquant un chauffeur de taxi et en scandant « Que Tsahal gagne et que les Arabes aillent se faire foutre » (à leur retour en Israël, ils ont également été filmés en train de scander « Pourquoi l'école est-elle fermée à Gaza ? Parce qu'il n'y a plus d'enfants là-bas »). Pendant les heures qui ont suivi la fin du match, jeudi soir, une série d'attaques a été menée contre les supporters du Maccabi par des riverains, dont certains portaient des drapeaux palestiniens et criaient des slogans pro-palestiniens, faisant une trentaine de blessés et cinq personnes hospitalisées.

De nombreux médias de premier plan et des dirigeants du monde entier se sont empressés d'affirmer que les troubles étaient un cas flagrant de violence antisémite. Le président israélien Isaac Herzog n'a pas hésité à parler de « pogrom ». Geert Wilders, chef du parti d'extrême droite « Parti pour la liberté », actuellement le plus grand parti de la Chambre des représentants des Pays-Bas, a parlé d'une « chasse aux juifs ». Le roi des Pays-Bas a déclaré à M. Herzog : « Nous avons failli la communauté juive des Pays-Bas pendant la Seconde Guerre mondiale, et cette nuit, nous avons encore failli. »

Les médias sociaux ont été inondés des parallèles les plus grossiers que l'on puisse imaginer – y compris des mèmes montrant Anne Frank portant un maillot du Maccabi Tel Aviv – portant à un niveau supérieur l'avilissement de la mémoire de la persécution des Juifs aux mains des nazis et de leurs alliés. Quelle sombre ironie que ces événements aient éclipsé l'anniversaire de la Nuit de Cristal, à un moment où les conséquences de la violence raciste soutenue par l'État semblent si pertinentes.

Dans le sillage du 7 octobre, les spécialistes de l'antisémitisme, du génocide et de l'histoire juive ont mis en garde contre la manière dont des épisodes particulièrement traumatisants de l'histoire juive ont été évoqués pour justifier l'assaut d'Israël sur Gaza et réprimer ceux qui le critiquent. Comme l'a clairement expliqué Brendan McGeever, spécialiste de l'antisémitisme, l'incident d'Amsterdam, bien que brutal et troublant, n'était pas un pogrom, terme qui désigne une attaque contre un groupe opprimé avec le soutien des autorités. La prolifération de ce terme et d'autres semblables à la suite des violences n'a servi qu'à obscurcir la réalité de ces événements en créant une hystérie de masse.

Il s'agit, bien entendu, d'une tactique courante de l'extrême droite : générer le chaos et la peur pour réaffirmer sa vision du monde. L'effacement de la violence raciste des supporters du Maccabi Tel Aviv par la négligence de la plupart des grands médias n'a fait que l'accélérer dans ce cas précis. À une époque où le véritable antisémitisme est en hausse et où les Juifs se sentent particulièrement menacés dans le monde entier, cette instrumentalisation de la peur des Juifs est particulièrement choquante.

La question que nous devons nous poser à la suite de ces événements et du discours qui les entoure est la suivante : quel type de politique cela sert-il ? Il est certainement dans l'intérêt du gouvernement israélien de présenter les violences comme étant uniquement motivées par le racisme antijuif, et donc d'étouffer tout effort visant à les relier à la guerre génocidaire de Gaza.

Les dirigeants israéliens sont déterminés à renforcer le principe sioniste fondamental selon lequel Israël est le seul endroit sûr pour les Juifs et que les musulmans et les Arabes représentent une menace existentielle pour nous, où qu'ils se trouvent. Nous effrayer, c'est nous maintenir dans le droit chemin – sinon, comment continueront-ils à obtenir le consentement à la guerre ?

Plus l'assaut sur Gaza se poursuit, plus il est probable que l'hostilité envers les Israéliens à l'étranger continue à déboucher sur la violence et que le débordement de l'hostilité anti-israélienne en antisémitisme devienne de plus en plus difficile à contenir. Nous l'avons d'ailleurs constaté à Amsterdam, lorsque des personnes ont crié « kanker jood » (juif cancéreux) lors d'attaques contre des supporters du Maccabi.

Il s'agit là d'une illustration claire et terrifiante de l'incapacité d'Israël à être ce qu'il a toujours professé : la réponse à la question de la sécurité des Juifs. Lorsqu'il déclare continuellement qu'il fait la guerre aux Palestiniens au nom de la sécurité des Juifs et qu'il reçoit le soutien enthousiaste de grandes organisations juives du monde entier, il semble inévitable qu'il y ait un glissement entre l'hostilité anti-israélienne et l'antisémitisme. En outre, l'incapacité de la communauté internationale à demander des comptes à Israël n'a fait qu'exacerber les théories du complot sur le pouvoir juif, qui détournent l'attention des mécanismes de l'impérialisme occidental.

Cela ne rend pas acceptable la violence contre les Juifs au nom de la rage contre Israël, loin de là. Mais pour la combattre, nous devons reconnaître que les actions d'Israël rendent les Juifs du monde entier moins en sécurité et chercher à mettre de la distance entre les Juifs de la diaspora et les machinations d'un État-nation totalement désintéressé par notre sécurité.

Les serviteurs de l'extrême droite

Pourtant, le cœur du problème n'a toujours pas été abordé. Nous ne sommes pas en 1938, mais en 2024. Ce qui s'est passé à Amsterdam n'est pas, pour l'essentiel, une histoire d'antisémitisme, mais plutôt une histoire d'islamophobie et de racisme en rapide escalade en Europe. L'horrible vérité est que moins d'un siècle après avoir été pourchassés et exterminés par les nazis et leurs alliés dans toute l'Europe, le prétendu souci des Juifs sert aujourd'hui de serviteur aux ambitions de l'extrême droite, qui brandit nos peurs comme une arme contre les musulmans, les Arabes et les immigrés du Sud.

Ces batailles politiques régressives ont été pleinement affichées depuis le 7 octobre, justifiées par le récit – que les dirigeants israéliens et les organisations juives de droite du monde entier ont encouragé – selon lequel le soutien à la Palestine représente une menace directe pour la sécurité et le bien-être des juifs. La réaction des autorités néerlandaises aux événements de la semaine dernière a été alarmante à cet égard : Wilders a déclaré qu'Amsterdam était devenue « la bande de Gaza de l'Europe » et a promis d'expulser « les Marocains qui veulent détruire les Juifs ». Et il n'est pas le seul à nourrir cette ambition : le gouvernement néerlandais dans son ensemble envisage la possibilité de retirer leur nationalité aux personnes ayant une double nationalité et condamnées pour « antisémitisme ».

Ces mesures sont le résultat inévitable de la rhétorique extrême contre les critiques d'Israël qui s'est développée au cours de l'année écoulée. Qu'il s'agisse de qualifier les manifestations pro-palestiniennes de « marches de la haine », de créer des paniques morales à propos des « zones interdites » aux Juifs ou de procéder à de violentes arrestations de manifestants pacifiques, nous assistons à l'effondrement de l'antisionisme en une forme de terrorisme et d'anti-européanisme. La « lutte contre l'antisémitisme » est devenue de plus en plus synonyme de maintien du pouvoir de l'État, notamment de son pouvoir de punir et de surveiller d'autres minorités.

Il existe une myriade de cas, au cours de l'année écoulée, dans lesquels le nationalisme européen a été invoqué pour aligner la lutte contre l'antisémitisme sur un programme xénophobe et anti-immigrés. En France, par exemple, la première « Marche contre l'antisémitisme et pour la République » a été menée par Marine Le Pen, leader du Rassemblement national, qui a ensuite réussi à pousser le gouvernement français actuel à adopter une législation anti-immigration draconienne qui cible spécifiquement les personnes de couleur. Autrefois persécutés en tant qu'ennemis de l'État, les Juifs ont été transformés en une minorité modèle au nom de laquelle la France exclut et attaque les communautés musulmanes.

Des changements politiques similaires ont eu lieu en Grande-Bretagne, où les événements de l'année dernière ont donné naissance à une nouvelle situation dans laquelle le soutien à la communauté juive en est venu à représenter une sorte de valeur britannique au sein de l'élite politique, tandis que le soutien à la Palestine est considéré comme une importation étrangère. Les lois sur l'immigration et la lutte contre le terrorisme ont été utilisées pour cibler les partisans de la Palestine ; dans un cas, un ancien ministre du Parti conservateur est intervenu personnellement dans le processus de révocation du visa d'un étudiant étranger qui avait pris la parole lors d'une manifestation pro-palestinienne. En août, des leaders d'extrême droite comme Tommy Robinson ont galvanisé les émeutes raciales à travers le Royaume-Uni, invoquant la nécessité de reprendre les rues au « Hamas ».

En Allemagne, la police a interdit et réprimé des manifestations pro-palestiniennes avec une extrême violence, y compris contre des Juifs allemands et des Israéliens qui protestaient contre les actions d'Israël à Gaza. Il y a deux semaines à peine, le Bundestag a adopté une résolution controversée sur l'antisémitisme, proposée pour la première fois à la suite du 7 octobre, qui supprime le financement public de toute organisation appelant au boycott d'Israël. Une autre loi adoptée au début de l'année exige que les nouveaux citoyens allemands reconnaissent le « droit à l'existence » d'Israël.

De Netanyahou à Wilders en passant par Robinson et Le Pen, il est dans l'intérêt des dirigeants d'extrême droite d'enrôler les Juifs comme fantassins dans la guerre qu'ils mènent contre ceux qu'ils méprisent le plus. Alors qu'ils s'efforcent de plus en plus de brouiller la frontière entre l'antisémitisme et l'antisionisme, nous devons résister à cet amalgame tout en soutenant les communautés juives contre la menace très réelle que représente l'antisémitisme débridé.

Mais les Juifs, aussi, devraient se rappeler que l'extrême droite n'est pas notre alliée. Même si nous ne sommes pas les cibles actuelles de leur colère, l'antisémitisme a toujours alimenté le nationalisme blanc et la suprématie blanche. Permettre que les craintes des Juifs soient utilisées comme un bélier contre d'autres minorités ne fait qu'accroître notre insécurité ; nous devons de toute urgence chercher de nouvelles voies pour la sécurité des Juifs en solidarité avec d'autres communautés marginalisées plutôt qu'en opposition avec elles.

Des groupes juifs de gauche comme Oy Vey Amsterdam, le Jewish Bloc à Londres, Jews for Racial and Economic Justice à New York, et bien d'autres, sont les fers de lance de ce type d'organisation, construisant des coalitions solidaires qui peuvent servir d'inspiration à d'autres. Il est inquiétant de voir que ces efforts sont vertement réprimandés par l'establishment communautaire juif.

En outre, nous devons faire face au fait que, face à plus de 400 jours de génocide, de destruction et de mort aux mains de l'armée israélienne à Gaza, le soutien à Israël en Europe vise en fin de compte à consolider un projet politique d'extrême droite à l'intérieur du pays. Nous ne devons pas laisser l'histoire des désordres d'Amsterdam se répéter de manière à renforcer l'islamophobie de longue date de l'extrême droite et son projet d'escalade anti-migrants.


Traduction : JB pour l'Agence Média Palestine

Source : +972

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Trump : quelque chose comme un « coup de force de basse intensité »

26 novembre 2024, par Daniel Tanuro — ,
Les individus nominés par Trump aux postes clés de l'administration US font apparaître une réalité encore plus effrayante que ce qu'on pouvait craindre. Tiré de Gauche (…)

Les individus nominés par Trump aux postes clés de l'administration US font apparaître une réalité encore plus effrayante que ce qu'on pouvait craindre.

Tiré de Gauche anticapitaliste
17 novembre 2024

Par Daniel Tanuro

Un gouvernement d'illuminé·es fanatiques

Robert Kennedy Jr, qui est confirmé comme ministre de la Santé, est un antivax et antiscience notoire, adversaire déclaré du droit a l'avortement (même en cas d'inceste ou de viol).

Personne ne s'attendait a la nomination de Tulsi Gabbard, transfuge du parti démocrate, fidèle amie de Vladimir Poutine et de Bachar Al Assad. Militante anti-woke, Gabbard a relayé les pires mensonges poutiniens (e.a. sur les « 30 labos secrets de création d'armes chimiques-bactériologiques US en Ukraine ») et rendu une visite amicale a Al Assad (après qu'il ait usé d'armes chimiques contre son propre peuple). Qu'elle soit chargée de diriger les services de renseignement étasuniens (CIA, FBI, NSA) est vraiment hallucinant.

Personne ne s'attendait non plus a ce que Trump choisisse un présentateur de Fox News, Pete Hegseth, comme secrétaire a la défense. Le type a certes servi dans l'armée (contrairement a Trump, qui a su éviter le Vietnam !), mais avec un grade intermédiaire et il n'a aucune connaissance des enjeux géostratégiques. Anti-« wokiste » virulent, Hegseth s'est illustré récemment en déclarant qu'il fallait saquer dans l'état-major (il vise en particulier les Noirs et les femmes). Il a plaidé a plusieurs reprises pour que l'armée soit chargée de la déportation massive des migrant·es, promise par Trump. Un boutefeu incompétent et ignare en charge de la plus puissante armée du monde : voilà ou en est l'impérialisme étasunien !

Cette déportation, et la gestion des frontières, est confiée a Tom Homan. Son plan est prêt : Homan est en effet un des auteurs du chapitre que le « Project 2025 » de la Heritage Foundation consacré a ce sujet. On lui a demandé récemment comment éviter des drames humains en reportant des « illégaux » qui ont des enfants aux USA (ceux-ci ont donc le droit d'y résider). Réponse : « c'est simple, on déporte toute la famille »… Voila ce que ce quasi-fasciste appelle une « solution humaine ».

Une autre énorme et scandaleuse surprise (la plus scandaleuse, peut-être ?) est la nomination de Matt Gaetz comme attorney General (ministre de la justice). Le mec, ouvertement et crapuleusement misogyne (« seules les femmes laides » se battent pour l'avortement), consommateur de drogues, est connu pour ses agressions sexistes et pour l'achat de services sexuels a des mineures (il a échappé de justesse a une condamnation, un témoin ne s'étant pas présenté, mais une enquête du comité d'éthique du Sénat US est en cours a son sujet). Gaetz n'a travaillé que quelques mois comme avocat. Dans une interview, il a traité les fonctionnaires du département de la justice de « cafards ».

Marco Rubio, le futur secrétaire d'État (ministre des affaires étrangères) parait presque « normal » au milieu de cette bande d'illuminé·es fanatiques. Mais, là aussi, les choses sont claires : Rubio, de même que le nouvel ambassadeur US en Israël, n'évoque jamais la Cisjordanie : pour lui, il s'agit de la Judée et de la Samarie… La Palestine, pour ces salauds, n'existe pas davantage que les Palestinien·nes. Mais qu'on ne s'y trompe pas : ils sont aussi violemment antisémites que pro-sionistes (leurs récits complotistes sur le rôle de Soros en témoignent).

En attendant la nomination d'un·e climato-négationniste à la politique énergétique (tiens ! Pourquoi pas cette cinglée de Marjorie Taylor Green ?!), la cerise sur le gâteau est évidemment la désignation de Vivek Ramaswamy et d'Elon Musk comme responsables de la simplification de l'État. Les deux capitalistes ultra libertariens ont l'intention de déréguler à tout va et de couper à la hache, voire de supprimer des administrations qui emmerdent les patrons (notamment l'agence de protection de l'environnement, EPA). Et de se servir au passage ! Musk a mis plus de 100 millions de dollars dans le trumpisme, il en attend un « retour sur investissement ».

Le symptôme de la décomposition de la classe dominante

Voila le ramassis de canailles avides et fanatiques qui prétend contrer « le déclin » afin de « make America great again ». En réalité, ce panier de crabes (prêts a s'entre-dévorer à la moindre occasion) illustre plutôt l'incroyable « déclin » nihiliste d'une classe dominante tellement intoxiquée par sa propre idéologie fantasmagorique et rapace qu'elle ne semble même plus capable de « dominer » intelligemment ni le monde, ni la société, ni ses propres instincts les plus vils.

Normalement, toutes ces nominations doivent passer par le Sénat, mais Trump invoque un article de la constitution qui rend possible de passer outre (en cas de relâche du Sénat) pour une période d'un an renouvelable, au nom de l'urgence. Plusieurs responsables républicains se sont empressés de donner servilement leur accord avec cette procédure. On verra… Rappelons de toute manière que la Cour suprême a offert à Trump l'immunité pour les actes commis dans le cadre de sa fonction.

Ce « gouvernement » de copains et de coquins (en fait, une kleptocratie oligarchique), est rassemblé autour de la loyauté au Chef putschiste et à ses mensonges, d'une « pensée » réactionnaire catholique et de quelques objectifs assez clairs : utiliser la justice pour se blanchir, blanchir ses amis, et se venger de ses adversaires ; soutenir le bandit Netanyahou sans la moindre limitation, y compris les projets d'annexion pure et simple de Gaza et de la Cisjordanie ; conclure un deal avec son autre ami Poutine sur le dos du peuple ukrainien et des ses droits démocratiques ; attaquer brutalement les syndicats, les droits des femmes et des LGBTQ, le mouvement pour l'environnement ; faire diversion en flattant des penchants réactionnaires et en organisant des rafles contre les migrant·es, accusé·es de tous les maux. Mais ce sont pour ainsi dire des objectifs au coup par coup, ils ne définissent pas une stratégie de long terme pour l'impérialisme US.

Il faudra suivre attentivement l'évolution des réactions dans la classe dominante et dans son appareil d'État. Profitant de la crise du système bipartisan, Trump s'est approprié le parti républicain pour en faire un instrument national-populiste-autoritaire, lié a l'extrême-droite (plusieurs fachos authentiques dans son équipe, comme S. Miller). Sur la base de son triomphe électoral, il tente maintenant une sorte de « coup de force de basse intensité ». Il le fait avec le soutien militant d'une fraction de la bourgeoisie très active (Musk, Koch et les autres 5 grandes fortunes qui ont finance le Project 2025…). Le grand capital voit évidemment d'un bon œil nombre de ses projets (baisse des impôts, dérégulation…) Mais de nombreux secteurs semblent réservés, au moins sur certains aspects. Le coté kleptocratique du trumpisme (1) inspire de la méfiance – Trump, c'est un mélange d'Al Capone et de Barry Goldwater au pouvoir. Surtout, la puissante caste militaire est certainement inquiète. Pour des raisons géostratégiques évidentes, mais aussi parce que l'aventurisme trumpiste met en danger le consensus autour de son rôle comme bras armé impérialiste censé ne pas faire de politique ( la « grande muette »).

Les tâches de la gauche

En attendant, l'heure est très grave. On n'en serait sans doute pas la si les puissants mouvements sociaux (féministes, antiracistes, environnementaux, syndicaux) qui se sont dressés contre Trump lors de son premier mandat s'étaient structurés et coordonnés pour tenir sur la durée. Au lieu de cela, ils ont majoritairement choisi de miser sur l'opposition démocrate au parlement, puis sur le soutien au gouvernement Biden. Erreur. On voit bien aujourd'hui qu'il n'y a d'autre moyen que de reprendre le chemin des luttes, de la démocratie dans les luttes et de leur convergence. Aux États-Unis et de ce coté-ci de l'Atlantique !

Crédit photo : Licence Creative Commons

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« Affaire Bouazzi » : La pensée unique nationaleuse

26 novembre 2024, par Benoît Tanguay — , ,
Derrière la charge contre Bouazzi se trouve une charge contre toute la gauche. Leur objectif est de la faire taire, et de s'arroger le droit de dire ce qu'ils veulent. (…)

Derrière la charge contre Bouazzi se trouve une charge contre toute la gauche. Leur objectif est de la faire taire, et de s'arroger le droit de dire ce qu'ils veulent.

Photo Crédit : André Querry
Tiré de Révolution Communiste

Dans la République de bananes du Québec, le politburo règne en maître. Depuis les bureaux du Journal de Montréal, celui-ci détermine le cadre du débat politique acceptable. Quiconque ose sortir des limites de la pensée unique est immédiatement désigné ennemi public numéro un et attaqué par tous les médias et toutes les institutions au service du régime.

Voilà le sort qui est tombé sur Haroun Bouazzi, qui a commis le crime le plus grave qui soit : insinuer que l'Assemblée nationale est raciste.

Il ne lui restait plus de choix que de faire son autocritique et d'être humilié par tout l'establishment politico-médiatique.

Sous la pression de la direction de Québec solidaire, qui s'est tortillée devant les journalistes comme des vers sous le soleil, il a dû présenter ses excuses. « Je ne considère pas que l'Assemblée nationale et ses membres sont racistes ». « Le fond de mon propos […] n'a jamais consisté à cibler des personnes ».

Oubliez ce que j'ai dit, aucune institution ni aucune personne n'est raciste au Québec, passons au prochain sujet !

Le cirque des derniers jours est absolument délirant. Cette indignation chorégraphiée apparaît encore plus ahurissante quand on considère que les politiciens et chroniqueurs québécois enchaînent les déclarations grossières contre les immigrants et les musulmans depuis des décennies.

Où était l'indignation quand le ministre Jean Boulet a déclaré que 80% des immigrants n'adhèrent pas aux valeurs québécoises ? Où était l'indignation quand François Legault a affirmé que lesimmigrants temporaires sont à 100%la cause de la crise du logement ? Où était l'indignation quand Jean-François Lisée a dit qu'il y avait « des hijabs partout » autour de nos enfants ?

Ceux qui veulent clouer Haroun Bouazzi sur le pilori pour avoir osé parler du racisme à l'Assemblée nationale sont les mêmes qui défendaient bec et ongles leur droit à dire le « mot en N » au nom de la liberté d'expression.

Dans ce contexte, c'était une erreur pour Bouazzi de s'excuser, et c'est absolument pathétique et déplorable de la part de la direction de QS d'avoir plié sous la pression.

Chaque capitulation face à ces chiens enragés ne fait que les encourager. Chaque recul de la part de QS et de la gauche en général confirme à la droite qu'elle domine le terrain politico-médiatique et qu'elle peut déterminer le cadre du débat public.

Les députés solidaires, alors qu'ils se faisaient attaquer de toutes parts, ont fait des pieds et des mains pour réitérer leur respect de la sacro-sainte Assemblée nationale et de leurs « collègues » des partis du statu quo.

Ce que le leadership du parti semble incapable de comprendre, c'est que QS ne sera jamais accepté par l'establishment.

Le parti sera constamment sous la pression des médias et des partis bourgeois pour aseptiser son discours, se conformer aux règles du jeu. Et ce ne sera jamais assez.

Sans surprise, les excuses de Bouazzi d'hier n'ont pas fait taire la meute.

En réalité, derrière la charge contre Bouazzi se trouve une charge contre toute la gauche. Leur objectif est de la faire taire, et de s'arroger le droit de dire ce qu'ils veulent.

Il est temps que la gauche se dote d'une colonne vertébrale et passe à l'offensive.

Mais cela ne peut se faire qu'avec une perspective de classe. Si les politiciens de droite réussissent à faire taire la gauche ainsi, c'est que celle-ci s'accroche depuis des années à une perspective libérale discréditée. Quand la gauche se concentre sur des mesures purement symboliques, des changements de langage, et des condamnations moralistes de comportements individuels, elle se rend facile à caricaturer par la droite.
L'ensemble de la classe dirigeante québécoise, qui contrôle tout l'appareil politico-médiatique, n'a aucune solution aux problèmes que le capitalisme engendre. Elle ne peut pas régler la crise du logement, la crise des services sociaux, la crise du coût de la vie, car cela nécessiterait de s'attaquer à ses propres intérêts de classe. Elle a donc besoin de se servir des immigrants, des musulmans et autres minorités comme boucs-émissaires.

Seule une perspective de classe peut démasquer ces clowns comme des ennemis des immigrants et des travailleurs québécois en général. Une telle perspective de classe permet de recadrer le débat vers la source réelle des problèmes : les patrons et leur système en banqueroute. Tant que QS n'offrira rien de tel, ils se feront passer sur le corps comme c'est le cas depuis une semaine, incapables de répondre aux attaques des partis de l'establishment.

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