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Tout comme Trump, Milei annonce le retrait de l’Argentine de l’Organisation mondiale de la santé

11 février, par Rédaction de Brasil de fato — , ,
Le président argentin Javier Milei a annoncé le retrait du pays de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), selon le porte-parole présidentiel Manuel Adorni lors d'une (…)

Le président argentin Javier Milei a annoncé le retrait du pays de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), selon le porte-parole présidentiel Manuel Adorni lors d'une conférence de presse mercredi (5), pour des raisons de "souveraineté sanitaire".

https://www.brasildefato.com.br/2025/02/05/assim-como-trump-milei-anuncia-saida-da-argentina-da-organizacao-mundial-da-saude

05 février 2025

La décision, selon Milei, "est basée sur les profondes divergences concernant la gestion de la santé, en particulier la pandémie de Covid-19", a ajouté le porte-parole.

"Nous, Argentins, ne permettrons pas à une organisation internationale d'interférer dans notre souveraineté, et encore moins dans notre santé", a-t-il souligné.

Le porte-parole a également déclaré que "cela donne au pays une plus grande flexibilité pour mettre en œuvre des politiques adaptées au contexte d'intérêts dont l'Argentine a besoin, ainsi qu'une plus grande disponibilité des ressources, et réaffirme notre cheminement vers un pays souverain en matière de santé".

La décision du gouvernement argentin va dans le sens du décret signé par le président américain Donald Trump pour que les États-Unis quittent l'OMS et, dans le même temps, gèlent les financements américains pour les programmes de lutte contre le sida dans les pays en développement.

Le départ des États-Unis, le plus grand contributeur de l'organisme international de santé, a forcé l'OMS à revoir ses programmes et ses priorités, a déclaré l'agence onusienne.

Le porte-parole du gouvernement d'extrême droite a également fait valoir que l'Argentine "ne reçoit pas de financement" de l'OMS et a expliqué que "pour cette raison, [le retrait] du pays ne représente pas une perte de fonds ou de qualité des services [de santé]" offerts par l'État.

"Cela donne également au pays une plus grande flexibilité pour adopter des politiques et réaffirme la voie de la souveraineté en matière de santé", a-t-il ajouté. "Les décisions argentines doivent être prises par les Argentins", a-t-il réaffirmé.

L'Argentine est l'un des 194 membres de l'OMS, ainsi qu'un membre du Conseil exécutif de l'organisation, en raison de ses politiques de santé publique et de sa participation historiquement active au sein de l'OMS.

*Avec l'aide de Leandro Melito (AFP)

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Pour la défense de la souveraineté nationale mexicaine face aux agressions impérialistes de Donald Trump !

11 février, par Movimiento Socialista del Poder Popular - IVe Internationale — , ,
L'imposition, par le gouvernement impérialiste de Donald Trump, de droits de douane de 25 % sur les exportations du Mexique et du Canada vers les États-Unis et de 10 % sur la (…)

L'imposition, par le gouvernement impérialiste de Donald Trump, de droits de douane de 25 % sur les exportations du Mexique et du Canada vers les États-Unis et de 10 % sur la Chine – sous l'argument d'une ingérence caractérisée que ces pays ne font rien pour arrêter le flux de fentanyl vers le marché nord-américain – n'est qu'un prétexte pour rompre les accords de libre-échange avec ces nations et imposer de nouvelles règles commerciales en leur faveur.

3 février 2025 tiré de inprecor.fr
https://inprecor.fr/node/4553

C'est le début d'une guerre commerciale mondiale visant à enrayer le déclin d'un impérialisme qui ne peut plus supporter seul une course folle aux armements, le coût de ses agressions militaires contre les différents peuples du monde, le paiement de sa dette publique colossale et, surtout, le maintien de son hégémonie dans le domaine scientifique et technologique.

Comme à la fin de l'Empire romain, les États-Unis cherchent à maintenir leur position de « nation la plus puissante du monde », au prix de l'imposition d'énormes tributs et de la soumission des autres peuples du monde à leurs desseins.

Cette guerre commerciale s'accompagne d'un programme politique d'extrême droite qui cherche à détruire les droits du travail, le droit des femmes à disposer de leur corps, à victimiser la dissidence fondée sur le genre, à nier l'existence du changement climatique et à annuler les réductions de gaz à effet de serre, à encourager la haine, le racisme et la xénophobie à l'égard des travailleur·ses migrant·es. Il n'est pas étonnant que la cérémonie d'investiture de Donald Trump se soit terminée par un salut fasciste du milliardaire Elon Musk.

Il n'est pas exagéré de dire que Donald Trump et toute la bande d'extrémistes de droite qui l'accompagnent sont une menace pour l'humanité.

Nous saluons la réponse ferme de la présidente Claudia Sheinbaum Pardo, qui a dénoncé comme hypocrites les accusations selon lesquelles le gouvernement mexicain serait lié au trafic de drogue et a imposé des sanctions réciproques sur les importations de produits fabriqués aux États-Unis, mais nous considérons qu'il est nécessaire de promouvoir un front des nations progressistes d'Amérique latine et des Caraïbes pour arrêter l'offensive impérialiste menée par Donald Trump et pour construire un Front national antifasciste qui promeuve des mobilisations pour la défense de notre souveraineté, de nos travailleurs migrants et pour la solidarité internationaliste avec tous les peuples du monde, y compris la classe ouvrière des États-Unis et du Canada.

Le fascisme ne passera pas !

Mexico, le 2 février 2025, traduit par Fabrice Thomas.

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En Colombie, la présidence de Petro : une agitation interne, un choc et un bouleversement social

Avec près de trente mois de mandat (depuis août 2022), la présidence de Gustavo Petro a été la première expérience historique d'un projet de gauche populaire en Colombie, (…)

Avec près de trente mois de mandat (depuis août 2022), la présidence de Gustavo Petro a été la première expérience historique d'un projet de gauche populaire en Colombie, proposé comme alternative au pouvoir de l'ancienne et puissante oligarchie foncière, financière, commerciale et bureaucratique, détentrice d'immenses privilèges.

https://rebelion.org/petro-conmocion-interior-timonazo-y-estallido-social/

28/01/2025

Les contextes et les formes politiques ne sont pas figés, comme voudraient peut-être le faire croire ceux qui sont chargés ou contaminés par des préceptes idéologiques désuets et anhistoriques. Il y en a, et ils pullulent dans tous les espaces responsables des configurations sociales, économiques, culturelles et politiques, avec la prépondérance des infrastructures technologiques qui soutiennent aujourd'hui la communication humaine.

Tout bouge sans cesse, tout change et s'écoule dans la dialectique perpétuelle de la nature, qui embrasse les multiples dimensions de la vie sociale dans une mutation fiévreuse et irrépressible.

L'ultra-droite colombienne, tout en jouant à bloquer et à détruire la ligne de rupture, dirigée et promue par le président Gustavo Petro, planifie dans un avenir proche (2026) son retour dans les espaces du gouvernement, dont elle a été évincée par un puissant mouvement social (avril 2021), placé en mode d'explosion géologique qui a secoué les parties les plus profondes de la société nationale jusqu'à ce qu'il fasse levier sur la montée du pouvoir populaire jusqu'aux points centraux du gouvernement.

Avec près de trente mois de mandat (depuis août 2022), la présidence de Gustavo Petro a été la première expérience historique d'un projet de gauche populaire en Colombie, proposé comme alternative au pouvoir de l'ancienne et puissante oligarchie foncière, financière, commerciale et bureaucratique, détentrice d'immenses privilèges.

Trente mois de turbulences et de conflits politiques aigus ont permis à la résistance et au bloc populaire d'accéder à de nouveaux espaces et à de nouvelles ressources politiques en faveur des droits de millions de Colombiens, même s'ils ne sont pas aussi complets qu'ils le souhaiteraient, comme dans le cas de la paix, de la réforme agraire, des changements professionnels, de l'épuration militaire/policière, de la garantie du droit à la vie (massacres et assassinats de dirigeants sociaux), du monopole des pieuvres médiatiques, de l'utilisation irréprochable des fonds environnementaux et de la transparence dans la gestion des budgets (Unité de risque, Agence foncière, redevances, Sena, Sae, infrastructures éducatives, etc.).

Compte tenu de l'écart de voix enregistré lors de l'élection présidentielle de 2022, la formation du gouvernement et des équipes ministérielles avec la participation de représentants des groupes traditionnels, associés aux fractions bureaucratiques du clientélisme bipartisan, nommés ministres et directeurs à des postes élevés dans l'appareil d'état, peut s'expliquer, Toutefois, leur influence excessive a suscité la perplexité, la critique et le scepticisme des grands groupes populaires régionaux et sectoriels qui n'ont pas apprécié les concessions bureaucratiques et budgétaires accordées aux mafias et aux clans reconnus dans les bureaux des gouverneurs et des maires, qui continuent à piller les deniers publics en complicité avec des fractions et des agents du camp progressiste.

De même, il y a absence notable d'une stratégie plus cohérente pour le dialogue et l'action partagée avec les expressions des modes de production des petites économies qui impliquent des millions de personnes dans la production de produits laitiers, de sucre, de café, de riz, de panneaux, d'avocats et de détail, bien que le gouvernement se prépare (par le biais du Département pour la prospérité sociale) à canaliser d'importantes allocations budgétaires pour soutenir les économies populaires liées à l'innovation sociale et à l'esprit d'entreprise.

Mais là où de grandes difficultés sont apparues, c'est pour faire face à la violence invétérée de la Colombie, qui est un héritage colonial et bipartisan, ancré dans les profondeurs de la nation ; c'est un phénomène multiforme qui, malgré de multiples études et analyses, n'a pas été éradiqué une fois pour toutes.

C'est ce qu'a tenté de faire le président Petro avec son programme de paix totale, avec l'approbation d'une loi (loi 2272 de 2022) et l'organisation de tables rondes de dialogue et de négociation avec les principaux agents de la violence politique (acteurs de la guérilla) et de la violence criminelle (néo-paramilitaires d'Urabeños et gangs urbains).

L'une de ces tables rondes, celle formée très tôt avec l'ELN, a montré dès le départ un développement plausible avec l'organisation d'un plan de travail, d'une méthodologie et d'un corps thématique pertinent qui a pratiquement assumé et lucidement recueilli plus de 30 ans de rencontres et de désaccords de cette organisation révolutionnaire avec l'État oligarchique colombien. Le sujet le plus élaboré, dans ce scénario avec plusieurs cycles de réunions, a été celui de la démocratie et de la participation populaire, qui a réussi à construire un document historique dans la perspective de l'éradication de l'ancien État d'exclusion, qui a encouragé la violence contre la société et les secteurs populaires à travers ses appareils militaires/policiers, bureaucratiques et judiciaires.

Malheureusement, le manque d'expertise ou les préjugés excessifs (voire la mauvaise foi) d'importants gestionnaires officiels de la paix ont conduit à la faillite d'un tel mécanisme de concertation. La non-application du précepte établissant l'exécution immédiate des pactes (afin de dissiper la méfiance populaire naturelle à l'égard d'un État menteur et trompeur comme le nôtre) sur des questions telles que la pleine reconnaissance de la nature politique et rebelle - et non criminelle - des forces de guérilla et la protection humanitaire des populations assiégées par le néo-paramilitarisme des Urabeños a miné jusqu'à la ruine cet effort de paix louable et audacieux.

Aujourd'hui, la violence augmente sur tout le territoire national, avec le Catatumbo comme épicentre, avec des liens géopolitiques forts en raison de l'implication d'autres États et d'autres conflits à l'échelle continentale, que l'ultra-droite veut manipuler (en promouvant et en exigeant l'invasion militaire de Caracas) pour faciliter son offensive mondiale en agitant le drapeau de la sécurité, qui sera utilisé par le fascisme pour manipuler électoralement les citoyens au cours des 18 prochains mois jusqu'à l'élection présidentielle colombienne de juin 2026, où les risques pour le bloc populaire sont extrêmement élevés, compte tenu du retour de Trump aux commandes de l'État impérialiste américain et de la guerre cybernétique massive (avec l'intelligence artificielle à bord) pour tromper et submerger la foule.

L'exacerbation de la violence dans sa version actuelle (dans le troisième cycle de ce phénomène), avec des situations dramatiques comme celle du Catatumbo, qui entraîne des déplacements massifs et de nombreux morts (mais pas à l'échelle de ce qui se passe à Gaza avec le peuple palestinien, qui révèle la « polpotisation » des démocraties libérales occidentales), a évidemment provoqué l'intervention du président Gustavo Petro, pour contenir les dommages au tissu social local et redresser la gestion de la paix.

Comme pour donner un « coup de barre » nécessaire au scénario qui se dessine (et à celui qui a pris forme ces derniers mois avec la crise fiscale et budgétaire due au blocage parlementaire de l'ultra-droite), Petro a pris la décision de recourir à un instrument que lui offre la Constitution pour faciliter la gestion de processus perturbateurs aux tendances très explosives pour son action gouvernementale.

En ce sens, le chef de la Casa de Nariño a eu recours à la Conmoción interior, institutionnalisée par l'article 213 de la Constitution et réglementée par la loi 137 de 1994, pour résoudre les problèmes qui altèrent gravement l'ordre public et la citoyenneté dans le Catatumbo et le département de Cesar, et qui affectent également le fonctionnement financier du gouvernement central, soumis à un blocus fiscal par l'ultra-droite saboteuse, retranchée dans les pouvoirs législatif, judiciaire et médiatique.

L'utilisation de la Conmoción interior et de l'exceptionnalité démocratique par un dirigeant de gauche dans des fonctions présidentielles ne correspond pas aux schémas autoritaires et militaristes avec lesquels l'ultra-droite fasciste utilise cette figure, qui a été adoptée pour soi-disant corriger l'arbitraire qui accompagnait l'état de siège permanent décrété à partir de 1950 jusqu'en 1991.

Le bouleversement interne en cours pourrait bien atteindre les niveaux d'un « vide signifiant » qui servira pour la direction nationale populaire à synthétiser un dispositif stratégique dans le conflit avec l'ultra-droite, qui anticipe une victoire écrasante lors de la succession présidentielle de 2026.

C'est un dispositif qui peut contribuer à réorganiser et à relancer la stratégie de paix, à recomposer les relations avec le gouvernement bolivarien de Caracas (qui a déjà fait un pas important avec le dialogue entre les deux présidents et la réunion des ministres de la défense à San Cristóbal), de donner de nouveaux canaux au potentiel d'une éventuelle « explosion sociale » (avril 2021) dans les termes de ce qui a été dit à Cali par Fabio Arias, le président de la CUT, et de promouvoir un nouveau système d'alliances latino-américaines face aux manifestations agressives de l'impérialisme rapace de Trump, qui mène déjà une vaste offensive contre la population migrante aux États-Unis et se propose d'annexer le Canada, le Groenland, de reprendre le canal de Panama, de tirer parti de l'hégémonie de l'État terroriste d'Israël au Moyen-Orient et d'entrer librement au Mexique, en déclarant terroristes au préalable les cartels de drogue de ce pays, tout en contestant la voie de l'intégration de Taïwan par l'État central chinois, la présence russe dans l'est de l'Ukraine pour contenir l'expansionnisme fasciste de l'OTAN et les prétentions légitimes du Venezuela sur la Guyane.

En résumé, le bouleversement interne et ses décrets réglementaires (pour faire les arrangements fiscaux nécessaires et protéger les libertés démocratiques contre les risques de militarisme), dans l'administration du président Petro, devraient permettre un « coup d'opinion » (https://rebelion. org/29-meses-del-gobierno-petro-entre-agrio-y-dulce/ ) qui canalisera une éventuelle explosion sociale de la même manière qu'en avril 2016, récupérera le chemin de la paix et consolidera la transition politique démocratique dans les termes du schéma façonné par les puissantes mobilisations pour la paix et contre le despotisme d'ultra-droite en 2016, 2019, 2020 (drapeaux rouges), 2019, 2020 (drapeaux rouges), dans la révolte populaire historique d'avril 2021 et la défaite électorale de l'ultra-droite fasciste aux élections présidentielles de 2022.

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De quelle défaite Milei est-il le nom ?

Un an après la formation du gouvernement de Javier Milei, son projet politique commence à se préciser. L'ajustement fiscal le plus drastique de l'histoire récente et la (…)

Un an après la formation du gouvernement de Javier Milei, son projet politique commence à se préciser. L'ajustement fiscal le plus drastique de l'histoire récente et la passivité sociale face à cet ajustement marquent la fin d'un cycle qui avait commencé en 2001. Bien que Milei ait capitalisé sur le mal-être social, son programme autoritaire a ouvert une confrontation qui n'a pas encore été résolue.

Martin Mosquera, éditeur principal de Jacobin América Latina revient ici sur cette situation de défaite pour les classes populaires et dresse quelques perspectives pour y remédier.

5 février 2025 | tiré de contretemps.eu
https://www.contretemps.eu/argentine-defaite-exteme-droite-milei-gauche-antifascisme/

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Les contradictions et les tensions du nouveau cycle politique ouvert par l'élection de Javier Milei il y a un an se sont accrues ces derniers mois avec une intensité sans précédent. Le pays hypermobilisé que nous avons connu au cours des deux dernières décennies, sous le nom de « blocus populaire de l'ajustement » (Piva, 2015) ou d'« impasse hégémonique » (Rosso, 2022), a cédé la place à une nouvelle réalité. Selon le Financial Times, l'Argentine subit actuellement « l'ajustement fiscal le plus drastique jamais vu dans une économie en temps de paix ». Ce qui est surprenant, c'est que non seulement ce processus se soit déroulé sans explosion sociale, que beaucoup attendaient, mais aussi que le gouvernement ait réussi à maintenir un niveau de popularité élevé et à consolider son pouvoir. Quelque chose de fondamental a donc changé.

Comme le souligne Adrián Piva (2024a), la classe ouvrière argentine subit une défaite sociale silencieuse, « un ralenti », sans qu'un événement catastrophique l'ait jusqu'ici consolidée, mais dont les effets graduels permettent de comprendre la situation actuelle. Cette dynamique marque la fin du long cycle ouvert en 2001. Suite à la crise et à l'explosion sociale de cette année-là, un « blocus populaire à l'ajustement et à la restructuration » s'est formé, avec des rapports de force partiellement favorables qui, pendant des années, ont empêché la mise en œuvre intégrale des réformes économiques exigées par les classes dirigeantes. Aujourd'hui, la passivité sociale face à l'ajustement de Milei marque la fin de ce cycle politique.

Le gouvernement Milei s'inscrit dans une stratégie politique qui s'appuie sur les contradictions et les crises actuelles. Il réussit à se lier à des secteurs de la population qui se sentent frustrés et anxieux face à la détérioration économique, au désordre social et au sentiment que les élites politiques traditionnelles sont devenues incapables d'offrir des solutions. Milei a compris la gravité de la crise sociale et politique et a réussi à capitaliser sur ce malaise et à se positionner comme étant le seul capable de « faire quelque chose » et, surtout, de « faire quelque chose de différent ».

Milei, cependant, ne propose pas seulement d'appliquer un programme d'ajustement économique sévère ; il cherche aussi à exacerber le rapport de force actuel, en prenant des risques qui pourraient soit redéfinir les limites de ce qui est politiquement possible en Argentine, soit provoquer une réaction sociale qui freinerait sa politique. Son projet va au-delà d'un plan classique de stabilisation ou de restructuration de l'activité productive visant à surmonter la stagnation de la dernière décennie. Il aspire bien davantage à une rupture profonde qui modifierait structurellement les relations de pouvoir et la dynamique du capitalisme argentin. Dans ce contexte, le caractère autoritaire de son projet prend tout son sens.

Ce projet, cependant, est encore loin de se concrétiser, et une issue définitive ne semble pas imminente. Face à la tentation de tomber dans des interprétations trop pessimistes, fréquentes en période de recul, il est important de se convaincre que l'avancée de l'autoritarisme n'en est qu'à ses débuts et que son succès est loin d'être garanti. Sa consolidation dépendra de la lutte sociale et politique toujours en cours dont l'issue reste indéterminée. Nous ne sommes pas face à un « équilibre hégémonique », mais nous ne sommes pas non plus face à une défaite stratégique. La confrontation se déroule dans un scénario à la définition encore incertaine et dans une tension constante.

« Il n'y a pas d'alternative »

Contrairement à d'autres événements historiques, la défaite sociale que nous avons subie n'a pas pris une forme classique, celle d'une crise économique catastrophique aux effets régulateurs – dans le style des hyperinflations des années 1980 en Amérique latine, y compris celle de 1989 en Argentine – ou celle d'une défaite ouvrière de grande ampleur – comme celle des mineurs britanniques sous le thatchérisme ou celle des contrôleurs aériens sous l'administration Reagan –, pour ne citer que quelques exemples emblématiques.

Dans le contexte actuel, la défaite sociale est le produit d'une combinaison de facteurs moins visibles : une décennie de stagnation économique avec ses effets négatifs sur l'action collective (travail informel, travail au noir, démoralisation, etc.), une inflation élevée et persistante qui a épuisé et désemparé la population, et l'inquiétude politique générée par l'échec du dernier gouvernement péroniste, qui a laissé derrière lui un profond sentiment de frustration et de désorientation (Piva, 2024a). La classe ouvrière, affaiblie, fragmentée et épuisée par ces processus, doit maintenant faire face à l'attaque autoritaire et ultra-libérale de Javier Milei, dont l'objectif est de donner à cette défaite encore partielle une dimension stratégique de grande envergure.

Il faut souligner l'importance du moment politique de cette séquence. Le gouvernement d'Alberto Fernández est un exemple paradigmatique de la manière dont une administration dite progressiste, confrontée à une crise structurelle, est parvenu à démoraliser son propre camp social. Cela ne s'explique pas fondamentalement par des problèmes de compétence personnelle ou des conflits internes au sein de la coalition au pouvoir, mais principalement par les défis structurels auxquels était alors confrontée l'économie argentine, qui n'ont pas permis de reproduire le cycle kirchneriste qui avait précédé.

Dans un texte écrit avec Adrián Piva après la victoire du péronisme en 2019, nous avons analysé les limites structurelles auxquelles le nouveau gouvernement péroniste serait confronté et averti qu'il pourrait avoir un impact démoralisateur et ouvrir la voie à une défaite sociale qui ne résulterait pas d'une offensive directe de la droite. En référence à un précédent proche, nous avons comparé cette situation à la fin du long cycle « antilibéral » en France de 1995 à 2010.

Tout comme dans notre situation actuelle, en l'absence de victoires sociales, l'attente encore vigoureuse de changement s'est alors reportée sur le terrain électoral et a provoqué la défaite de Sarkozy et le triomphe du Parti socialiste avec un discours d'opposition « à l'austérité et à la finance ». Et lorsque le nouveau gouvernement socialiste de Hollande a montré qu'il était déterminé à poursuivre fondamentalement la politique tracée par la droite, il a provoqué une démoralisation politique qui a clos le cycle qu'avait ouvert la démobilisation sociale. En d'autres termes, ce n'est que par l'action successive des deux forces politiques opposées qu'a pu être refermé le « cycle antilibéral » français : d'abord une droite agressive, puis une social-démocratie continuiste, qui a fait sien le there is no alternative thatchérien et démoralisé son propre camp social.

D'une manière plus générale, c'est ce scénario qui, comme le souligne à juste titre Piva, a caractérisé le changement de cycle politique en Europe dans les années 1980. Alors que, en Amérique latine, les dictatures militaires ont été nécessaires pour y parvenir, en Europe, la montée des classes populaires à la fin des années 1960 a été stoppée par une convergence de facteurs moins brutaux : une stagnation économique prolongée avec des caractéristiques inflationnistes et la mise en œuvre de politiques d'ajustement par des gouvernements de gauche provoquant la démoralisation et la désaffection du bloc social qui avait soutenu le pacte de l'après-guerre. François Mitterrand et l'Union de la gauche en France, le Compromis historique et le PS de Benito Craxi en Italie, le PSOE en Espagne et le PASOK en Grèce en sont des exemples représentatifs.

Le socialisme européen a fini par devenir l'exécuteur ultime de la prescription selon laquelle « il n'y a pas d'alternative », un héritage condensé dans la célèbre phrase de Margaret Thatcher à propos de son plus grand succès politique : Tony Blair et le New Labour.

L'ensemble de ces processus a produit une inflexion négative de la situation politique, en générant un sentiment d'impasse, de perplexité et d'épuisement qui a ouvert la voie à l'offensive néolibérale. Contrairement à certaines interprétations réductrices des analyses de Gramsci, selon lesquelles tout projet sociopolitique ne peut progresser et se stabiliser que s'il devient hégémonique avant ou pendant sa mise en œuvre, l'offensive néolibérale en Europe occidentale ne s'est pas appuyée sur un consensus majoritaire, ni même passif (le cas de l'Europe de l'Est est différent). L'hégémonie n'est venue qu'après la défaite de la classe ouvrière et la restructuration de la société sur des bases néolibérales. La force de son offensive n'était pas fondée sur un large consentement populaire, mais sur la détérioration des relations de pouvoir et l'érosion du champ social qui avait sous-tendu le pacte de classe de l'après-guerre. Les travaux de Stuart Hall et de Bob Jessop mettent clairement en évidence le caractère non hégémonique du populisme autoritaire de Thatcher.

Droitisation d'un côté, résignation de l'autre

L'attention se concentre généralement sur les conséquences de l'impasse sociale sur la force relative de la classe ouvrière, ce qui conduit souvent à négliger la manière dont le « blocage populaire », « l'impasse hégémonique », a également eu un impact positif sur la base sociale de la droite. Plus de deux décennies de « blocus » n'ont pas seulement alimenté l'impatience des classes dirigeantes, mais ont également profondément marqué leur base sociale, en particulier les classes moyennes anti-populistes. Ce phénomène est essentiel pour comprendre la droitisation autoritaire de ce secteur social.

Même si des politiques orthodoxes ont été appliquées dans certaines circonstances, les classes dirigeantes et les partis traditionnels ont dû faire face à une forte résistance sociale au cours de cette période. En fait, la stagnation économique prolongée est le signe d'une situation non résolue dans le domaine des rapports de classe. Le kirchnerisme et le « gradualisme » de Macri, chacun à sa manière, ont fini par en prendre acte et à s'adapter à ces rapports de force. Cette dynamique a généré une radicalisation croissante de la base électorale de l'anti-péronisme, qui a perçu le « blocus populaire » comme un veto anti-démocratique.

Macri a capitalisé sur ce sentiment en accusant le péronisme de bloquer tout gouvernement issu de l'opposition. Même si en de nombreuses occasions, le péronisme a contribué à assurer la gouvernabilité et s'est peu impliqué dans les mobilisations sociales, le lien entre la protestation de rue et le principal parti d'opposition a servi la politique de Macri, qui n'a pas manqué de dénoncer en maintes occasions les « actions violentes » qui entraveraient le fonctionnement normal d'un gouvernement non péroniste. La dénonciation des « tonnes de pierres » jetées sur la police lors des manifestations de masse contre la réforme des retraites de 2017 en est un exemple emblématique.

Ces mobilisations ont marqué un tournant pour le gouvernement de Macri, qui n'a pas réussi à s'en remettre. Mais elles ont également renforcé dans sa base sociale l'idée que des mesures plus drastiques et répressives étaient nécessaires pour venir à bout de ce blocage « corporatif », politiquement intéressé.

Comme l'explique Javier Balsa dans son livre ¿Por qué ganó Milei ? (2024), Macri a sans attendre saisi l'opportunité de justifier l'échec de son gouvernement, ce qui lui permettait en même temps d'ouvrir la porte à un second mandat beaucoup plus radical. Macri a considéré qu'il avait échoué parce qu'il avait été trop prudent dans la mise en œuvre des réformes nécessaires (« gradualisme ») et parce que le péronisme et la mobilisation sociale l'avaient empêché de mettre en œuvre son programme. Son nouveau programme et sa nouvelle stratégie en ont donc résulté naturellement : la nécessité d'une « thérapie de choc » néolibérale et d'un affrontement répressif direct avec ceux qui l'empêcheraient de gouverner. Macri est allé jusqu'à déclarer publiquement qu'il était prêt à assumer qu'il puisse y avoir des victimes lors des affrontements. Au-delà de son échec, il a pu mettre en place les conditions conceptuelles d'une radicalisation autoritaire de sa base électorale, assuré qu'il pourrait l'exploiter, lui ou son candidat. Mais c'est Milei qui, candidat sans lien avec les partis traditionnels, a incarné le plus fidèlement ce programme.

L'anti-progressisme et la « culture woke »

La montée de l'extrême droite à l'échelle mondiale a coïncidé avec une réaction virulente contre ce que ces courants appellent « l'idéologie du genre » ou « la culture woke ». Il ne faut pas y voir seulement une résistance aux avancées du féminisme : c'est aussi une stratégie efficace de l'extrême droite pour canaliser et politiser divers mécontentements sociaux, en particulier dans l'électorat jeune masculin.

Les résultats des élections de 2023 en Argentine reflètent l'efficacité de cette stratégie : les hommes de moins de 30 ans ont joué un rôle décisif dans la victoire de Milei. Si cette tranche d'âge avait voté comme le reste de la société, l'extrême droite n'aurait pas gagné (Balsa). Cette droitisation « anti-woke » des hommes jeunes semble devenir un phénomène mondial (Main, 2018).

Cela ne signifie pas que le féminisme soit responsable de la montée de l'extrême droite, comme ont commencé à l'insinuer certains milieux aux nostalgies sexistes et conservatrices évidentes mais aussi certains secteurs progressistes, avec une vision simpliste qui ne s'appuie sur aucun argument fondé et ne prend pas en compte les aspects fondamentaux du processus historique en cours : la détérioration des conditions de vie, le désordre économique, la frustration politique. Or les grands événements historiques sont souvent le résultat de l'interaction complexe de multiples facteurs, et il est essentiel de tirer les leçons du rôle joué par la gauche et les mouvements sociaux ces dernières années, y compris le féminisme.

Je m'attarderai sur un aspect. En 2018, alors que Javier Milei était un inconnu sur la scène politique, Agustín Laje, pionnier de la droite alternative en Argentine, a déclaré que « la révolte de la jeunesse la conduira à s'opposer à l'idéologie du genre » et que celle-ci « représente le statu quo, quelque chose de contraire à ce que signifie être jeune ». Ces déclarations, pratiquement ignorées à l'époque, révèlent déjà une sensibilité à une tendance latente et à une stratégie possible : celle d'exploiter le malaise de secteurs de la jeunesse masculine qui, sous l'effet de crises matérielles et symboliques, commençaient à voir dans la montée du féminisme la source d'un mal-être croissant.

En réalité, Laje a repris les arguments politiques savamment élaborés depuis des années par l'alt-right américaine, qui a compris très tôt qu'il existait une série de mécontentements dans la population masculine qui n'étaient pas pris en compte et propices à une politisation réactionnaire. Milo Yiannopoulos, l'une des figures les plus influentes de l'alt-right anglo-saxonne, a comparé la montée en puissance de ce courant à la rébellion de la jeunesse de mai 68, mais à l'envers : alors que cette jeunesse se révoltait contre la morale conservatrice de la gauche, l'alt-right se présente comme une nouvelle droite portée par une résistance à la prétendue moralisation qui accompagne le politiquement correct et la culture woke (Reguera, 2018). Selon Yiannopoulos, dans un contexte où les attentes matérielles des nouvelles générations ne sont pas satisfaites, la jeunesse se rebelle à la fois contre ses conditions de vie et contre les contraintes morales d'une culture oppressive perçue comme faisant partie du même système social. La réaction antiféministe actuelle de la jeunesse pourrait ainsi être interprétée comme une version inversée de 68.

Comme je l'ai souligné dans un texte précédent, « si le fascisme diffère d'autres mouvements réactionnaires ou autoritaires en ce qu'il appelle à la révolte (contre les politiciens, la finance, les élites, etc.), ce qui lui permet de capitaliser sur les frustrations sociales de différentes natures (situation économique, normes culturelles répressives…) et de se revendiquer d'un programme libérateur », alors « la tendance gauchiste-libérale à la moralisation et à une conception punitive de la vie sociale lui prépare le terrain » (2018). En ce sens, une moralisation excessive émanant des secteurs progressistes peut être contre-productive, car elle transforme les conflits sociaux en batailles dont l'enjeu est l'affirmation de vertus individuelles. Non seulement cela fragmente les mouvements populaires en réduisant leur potentiel unificateur, mais cela contribue également à ce que des secteurs mécontents, en particulier parmi les jeunes, voient dans l'extrême droite un moyen de résister à un discours qu'ils perçoivent comme excessivement condamnatoire ou coercitif.

Qu'est-ce que l'extrême droite ?

La nature de l'extrême droite fait l'objet d'un débat intense dans le monde entier. Selon une interprétation largement répandue, il s'agit d'une version légèrement plus radicale du conservatisme classique, conçue essentiellement comme une prise de contrôle politique d'une droite traditionnelle en crise et sans intention réelle de remettre en question les fondements de la démocratie libérale conventionnelle. Des exemples tels que Giorgia Meloni, qui a une affiliation fasciste directe mais gouverne comme une conservatrice plus ou moins traditionnelle, sont des références clés pour cette interprétation.

Les gouvernements Trump et Bolsonaro ont également joué un rôle dans le renforcement de l'idée que l'extrême droite ne représente pas une nouveauté radicale sur la scène politique. La première administration Trump, après la panique déclenchée par sa victoire, a buté sur le caractère fortement anti-césarien du système politique américain, qui, libéral au sens le plus « contre-majoritaire » du terme, utilise ses fameux « poids et contre-poids » pour empêcher toute incursion politique d'interférer avec les objectifs stratégiques de l'État américain et de la classe dirigeante.

Diverses raisons ont enrayé l'avancée autoritaire dans des cas tels que Trump et Bolsonaro, outre, évidemment, les résistances politiques. Cependant, je voudrais en souligner une qui est restée ignorée : la pandémie. Paradoxalement, la crise sanitaire a « protégé » contre d'éventuelles impulsions autoritaires. Malgré le débat libéral sur l'autoritarisme numérique et étatique lié aux restrictions sanitaires – qui a eu des échos même à gauche (souvenez-vous des déclarations extravagantes d'Agamben à l'époque) – cette crise a affecté tous les gouvernements et les a obligés à concentrer leurs politiques publiques pendant deux ans.

L'absence de mesures efficaces contre la pandémie, un crime humanitaire en tout état de cause, a eu son corrélat politique dans l'impossibilité d'aggraver significativement les mesures autoritaires. La pandémie a érodé le capital politique des gouvernements Trump et Bolsonaro, dans la mesure où l'urgence sanitaire a débouché sur une impasse politique. Cela étant, à la fin du premier mandat de Trump, le sentiment était que le système démocratique en était, dans l'ensemble, sorti indemne. De même, le gouvernement Bolsonaro, qui semblait augurer du retour du fascisme, n'a pas réussi à progresser de façon significative vers un régime autoritaire. Cela a conduit, dans ces deux cas, à privilégier l'idée que l'extrême droite ne représente pas une menace réelle et que les barrières institutionnelles continuent à jouer leur rôle de frein.

Mais cette analyse reste superficielle et limitée à des phénomènes politiques spécifiques et mal compris. Au cours de la dernière décennie, les expériences autoritaires se sont multipliées avec succès dans un certain nombre de pays, en particulier de la périphérie : la Turquie, l'Inde, la Hongrie, la Pologne, la Russie, les Philippines, l'Égypte, ou encore le Salvador. Pour comprendre la nature de ces processus, il ne faut pas se limiter à l'analyse des formes politiques propres au fascisme classique, avec son parti unique et son État corporatiste-totalitaire. À ne considérer que deux catégories, la démocratie libérale et le fascisme, on retrouvera les termes de certains débats sur l'extrême droite, où les opinions sont polarisées entre ceux qui voient des signes de fascisme dans toute forme d'autoritarisme et ceux qui minimisent les risques autoritaires parce que les institutions démocratiques libérales restent actives.

L'extrême droite n'est plus vraiment une nouveauté, et des catégories plus précises, telles que « autoritarismes compétitifs » ou « régimes hybrides » (Levitsky et Way, 2004 ; Diamond, 2004), ont été proposées dans des études universitaires pour décrire certains des phénomènes contemporains dont nous avons discuté. Il s'agirait d'une subversion intrinsèque de la démocratie libérale, qui maintiendrait l'apparence extérieure d'un régime fondé sur des élections mais sous une forme partiellement manipulée (au moins partiellement). Ces concepts se réfèrent à des systèmes politiques qui conservent des caractéristiques démocratiques formelles, telles que des élections périodiques et le multipartisme, mais dans lesquels les appareils de pouvoir limitent au maximum les libertés politiques, sociales et civiles. Le régime électoral existe, mais il est contrôlé par en haut, avec des dispositions répressives qui le privent de toute substance véritablement démocratique. Le meilleur exemple d'un tel régime politique est sans doute la « démocratie illibérale » d'Orban qui, après sa victoire en 2010, a procédé au démantèlement progressif des éléments démocratiques du système politique.

On trouve là un écho du concept d'« étatisme autoritaire » formulé par Poulantzas dans les années 1970. Même si Poulantzas se référait alors à un État fort en tant que centre de la reproduction capitaliste dans le cadre de l'État-providence, son concept acquiert une pertinence renouvelée dans le contexte actuel. Auteur d'une analyse remarquable des « régimes d'exception », tels que le fascisme ou les dictatures militaires, Poulantzas considérait que ce type de régime était susceptible de se stabiliser sous la forme d'un régime politique « normal » et d'aller au-delà d'un régime temporaire face à une situation de crise. L'étatisme autoritaire, comme les régimes hybrides qu'évoquent les études contemporaines,n'implique pas nécessairement la dissolution des institutions démocratiques, mais se caractérise par un renforcement de l'appareil d'État et une concentration du pouvoir politique autour d'une figure forte. Cela se traduit, selon Poulantzas, par le recours croissant aux méthodes répressives, le contrôle des médias, la manipulation des élections et la prééminence de l'exécutif sur le législatif, avec pour objectif de stabiliser le régime politique sur des bases autoritaires, sans remettre en cause en apparence la démocratie libérale.

La progression de l'autoritarisme, on le voit, est généralement un processus graduel. Cette caractérisation s'oppose aux représentations, souvent mythifiées, d'événements passés où le changement de régime politique passait nécessairement par un processus de rupture radicale. C'était le cas des dictatures militaires où, du jour au lendemain, les militaires ont pris le contrôle de l'État, suspendu la constitution, imposé l'état de siège, etc. Les représentations de l'effondrement de la République de Weimar, souvent mythifiées, soulignent la rapidité avec laquelle les nazis ont réussi à s'imposer et à instaurer leur dictature.

Le fascisme italien offre, à l'inverse, une variante significative. Mussolini a gouverné pendant un certain temps en coalition avec les partis traditionnels, avec déjà des ministres fascistes dans son gouvernement, tout en instaurant progressivement un régime autoritaire. Les études actuelles sur le fascisme parlent ainsi souvent de « processus de fascisation » (Ugo Palheta, 2021) et soulignent qu'il ne s'agit pas d'un régime qui s'instaure du jour au lendemain, mais d'un processus graduel, qui connaît des sauts et des ruptures, et dont le développement s'étend généralement sur toute une période.

Le projet 2025 de la fondation Heritage Foundation pro-Trump présente un scénario explicite visant à transformer le gouvernement américain en un régime de ce type pendant la seconde mandature de Trump. Contrairement à ce que l'on croit souvent, le système politique américain, avec son caractère libéral contre-majoritaire, comporte de nombreux mécanismes d'exclusion politique qui pourraient faciliter une telle transformation. Il s'agit notamment de la faible participation électorale, d'un système bipartite extrêmement restrictif qui interdit pratiquement toute incursion démocratique d'une nouvelle formation politique, de la normalisation des méthodes brutales de répression et du recours à des lois d'exception inscrites dans les institutions telles que le Patriot Act, adopté en 2001 et toujours en vigueur, et d'autres politiques sécuritaires mises en œuvre sous le prétexte de lutter contre le terrorisme.

Il n'est pas certain que Trump parvienne à imposer un changement de cette ampleur et il peut en aller de même pour d'autres expériences d'extrême droite. Le résultat final sera déterminé par la lutte politique. Mais que la mobilisation politique contre une menace autoritaire puisse la faire échouer ne veut pas dire que cette menace n'existait pas.

En sciences sociales, ces conceptions sont qualifiées de « prédiction suicidaire ». La « prédiction suicidaire » se réfère à des situations dans lesquelles l'acte même de prédire un phénomène social influence son développement de telle manière qu'il finit par l'empêcher de se produire. Un exemple récent est celui de la pandémie : la courbe ascendante des infections et des décès a fait augurer d'une catastrophe sanitaire potentielle et conduit les gouvernements à mettre en œuvre des mesures préventives qui ont fait que la prédiction ne s'est pas réalisée. Ne considérant que le résultat final, comme dans le cas de la pandémie, et ignorant la catastrophe qui s'annonçait, certains secteurs soutiennent que la menace était inexistante. Si nous envoyons un signal d'alarme clair et que nous parvenons à déclencher une mobilisation politique adéquate, nous pouvons réussir à provoquer « l'auto-destruction » de cette prédiction. On ne doit pas être surpris que ce négationnisme s'enracine dans des secteurs de gauche.

Le gouvernement de Milei doit être considéré comme un projet autoritaire en devenir dans la perspective d'un autoritarisme compétitif. Il suffit d'observer comment, avec un pouvoir politique limité et dans un contexte économique défavorable, il a réalisé des avancées rapides et significatives dans le renforcement autoritaire de l'État. La persécution judiciaire des mouvements sociaux et territoriaux, qui en quelques mois ont été réduits à leur plus simple expression minimale ; le « protocole antipiqueteros », qui restreint radicalement la possibilité de manifester ; la déclaration d'« essentialité » dans certains secteurs, qui annule en pratique le droit de grève ; les pouvoirs législatifs délégués à l'exécutif, qui permettent un exercice césarien du pouvoir ; le projet de réforme restrictive du système électoral ou encore l'intensification de la répression contre les mobilisations sont des signes clairs d'une transformation à l'œuvre.

La « bataille culturelle »

On peut dire qu'il existe deux grands types d'extrême droite dans le monde. Même si de nombreuses nuances en distinguent les diverses déclinaisons nationales, pour les besoins de l'argumentation nous retiendrons que l'extrême droite prend deux formes fondamentales.

La première, la plus ancienne, a aujourd'hui perdu de son importance au niveau mondial : son principal représentant est le Rassemblement national de Marine Le Pen en France. La stratégie de Le Pen pourrait être considérée, dans un sens assez strict, comme un « gramscianisme d'extrême droite ». Elle est fondée sur une lutte politico-culturelle prolongée visant à gagner des positions dans tous les domaines de la société française, en s'appropriant par mimétisme l'histoire et les valeurs nationales (la république, la laïcité, etc.) tout en « lepénisant » peu à peu la France. Le lien que le lepénisme établit avec les traditions culturelles nationales s'apparente d'assez près à un schéma gramscien, voire laclausien [de Ernest Laclau – NdT] : il s'agit d'une réarticulation réactionnaire des thèmes conventionnels (les « signifiants vides ») du sens commun national, où la république et la laïcité sont réinterprétées et instrumentalisées dans la dénonciation raciste du « communautarisme » d'une minorité musulmane.

Il y a d'autre part l'extrême droite que l'on pourrait qualifier de « trumpiste » : c'est une extrême droite plus « bolchevique » que « gramscienne ». Elle vise à quitter les marges pour investir par la force le centre, par une guerre de mouvement rapide et, de ce point de vue, s'apparente davantage au fascisme historique. Par des manœuvres rapides, profitant d'un contexte d'instabilité et de crise générale, portée par une vague de colère sociale, elle parvient à s'emparer du pouvoir en peu de temps.

Cette extrême droite s'appuie sur deux stratégies complémentaires pour affronter la « bataille culturelle ». D'une part, elle cherche à galvaniser sa propre base sociale fortement sur-conditionnée idéologiquement, ce qui lui permet de s'enraciner durablement dans un électorat de masse, même si cette base n'est pas suffisamment large pour conformer une majorité électorale. Tant dans l'opposition qu'au gouvernement, elle se renforce dans une logique de polarisation qui élargit sa base à chaque confrontation, quelle qu'en soit l'issue. C'est plus l'impact idéologique de l'affrontement que son résultat concret qui importe le plus souvent. Pour consolider une majorité sociale et électorale, elle se donne pour objectif d'obtenir dans le domaine économique et managérial des résultats qui ne laissent aucun doute quant à la nature de l'idéologie qui a réussi à s'imposer et à offrir une issue à la situation. Cette construction polarisante présente des similitudes avec les néo-populismes latino-américains, qui s'appuient pour la plupart sur une « minorité intense » et une base électorale majoritaire acquise par les succès économiques.

C'est de cette deuxième forme que relève Milei. Même si son administration souligne souvent l'importance de la « bataille culturelle » et va jusqu'à utiliser des clichés gramsciens, son approche s'inscrit clairement dans la stratégie « trumpiste ». Le principal « appareil d'hégémonie », voire le seul, est Milei lui-même, qui proclame en permanence, haut et fort, son intention de rompre avec un siècle de collectivisme économique. Quand son administration obtient certains succès économiques, sa stratégie vise à montrer clairement, dans chaque cas, à quelle idéologie est dû ce succès.

Mileinomics

Je me limiterai à quelques remarques sur les possibilités de réussite économique de Milei, car c'est un sujet qui nécessiterait un texte distinct. Sa stratégie économique repose sur un modèle qu'a déjà connu l'Argentine : une appréciation artificielle de la monnaie nationale et un processus de déréglementation et d'ouverture aux importations visant à réduire l'inflation et à générer un « effet de richesse ». La relève des taux de change facilite un flux permanent de dollars dans la « sphère financière » et la spéculation à court terme. Cette politique a pour double effet de discipliner politiquement, d'une part, par le déclin des secteurs industriels non compétitifs et l'affaiblissement des syndicats, tout en essayant par ailleurs de maintenir un climat de stabilité économique à court terme. Il s'agit d'une politique par essence temporaire, qui est conduite à déboucher sur des crises aiguës, prenant la forme d'une récession, de dévaluations brutales et d'une aggravation des conflits sociaux.

Le facteur temps joue ici un rôle clé. La première fois que cette stratégie a été appliquée, par le ministre Martínez de Hoz, pendant les dernières années de la dictature militaire, elle a duré moins de trois ans et n'a servi qu'à prolonger la durée de vie du régime pendant une courte période, avant de conduire à une dévaluation brutale et à l'explosion des mobilisations syndicales. En revanche, sous le régime de Menem, une stratégie similaire a pu être développée pendant une décennie entière, ce qui a permis de consolider la défaite stratégique de la classe ouvrière et de remodeler la société selon les canons du néolibéralisme. En 2016 et 2018, bien qu'avec moins d'intensité, le gouvernement Macri a également tenté, pendant une brève période, de recourir à une appréciation du taux de change, ce qui a provoqué une panique bancaire et s'est soldé par une forte dévaluation de la monnaie.

Milei sera-t-il Martínez de Hoz, Menem ou Macri ? La possibilité de disposer du temps nécessaire pour reproduire un processus similaire au menemisme dépendra à la fois de l'afflux de dollars et de la capacité à empêcher ou à contourner une résistance sociale importante. Toute cette stratégie repose sur la possibilité de stabiliser la situation par un afflux constant de dollars. Dans les années 1990, les privatisations et l'endettement ont permis cette stabilisation mais aujourd'hui la marge est beaucoup plus étroite, en raison d'un endettement élevé et de l'absence d'actifs publics importants à privatiser. Les nouveaux gisements de gaz, de pétrole et de minerais pourraient peut-être générer un apport de devises suffisant pour prolonger le régime. De même un prêt du FMI, préconisé par l'administration Trump, serait essentiel pour gagner du temps et s'affranchir du contrôle des capitaux.

Le facteur temps ne conditionne donc pas seulement la durée de la période de stabilité, mais aussi la capacité du gouvernement à tirer parti du contexte (effet richesse, discipline monétaire, stabilité) pour imposer des transformations structurelles qui affaiblissent la capacité de réaction des forces sociales. Le véritable enjeu n'est pas seulement de savoir combien de temps peut durer une telle stratégie, mais si elle marquera durablement les relations sociales et économiques avant que ce modèle économique ne s'épuise ou ne cède la place à un modèle plus durable.

Enfin, bien qu'il ne soit plus fait référence à la dollarisation depuis la fin de la campagne électorale, elle conserve un poids symbolique et politique important. Initialement présentée comme une solution définitive aux problèmes économiques du pays, la dollarisation a évolué vers un modèle de « concurrence monétaire », similaire à celui du Pérou et du Venezuela, dans lequel circulent plusieurs monnaies ayant cours légal, avant tout la monnaie locale et le dollar. Au-delà de sa faisabilité technique, cette proposition témoigne aussi de l'univers mental du gouvernement. La dollarisation n'est pas seulement une stratégie économique, elle représente l'idéal post-politique et post-démocratique d'une économie autogérée. Elle suppose que l'économie peut fonctionner de manière autonome, libérée de toute interférence politique, comme une machine autorégulée qui se libère de toute nécessité de prise de décision démocratique. La perte du contrôle de la monnaie laisserait le pays à la merci, sous une forme particulièrement brutale, de ce que Marx décrivait comme la « contrainte muette des rapports économiques » (une formule qui donne son titre au récent ouvrage de Søren Mau). C'est une conception de nature autoritaire dans la mesure où elle vise à soustraire l'économie à toute forme de contrôle démocratique.

Cette stratégie post-démocratique de dollarisation est en résonance avec la situation de la zone euro, où les politiques économiques sont largement déterminées par des institutions transnationales, loin de tout contrôle démocratique au niveau national. La dollarisation est donc sous-tendue par un projet de dépolitisation radicale, le rêve d'une économie qui fonctionne automatiquement, sans intervention collective ni décision politique. Autrement dit, on a là une version concrète et prosaïque de l'extravagante utopie anarco-capitaliste d'un marché sans État.
La gauche continue de sous-estimer le danger de l'extrême droite

Au vu de ces éléments d'analyse des processus politiques en cours, on doit constater que, pour l'essentiel, la gauche a sous-estimé et mal interprété la montée fulgurante de l'extrême droite.

Une première erreur a été de supposer que le soutien électoral à Milei n'était que l'expression d'un vote de protestation, comme si l'agitation sociale pouvait être canalisée par n'importe quel camp et que la captation de cette agitation par l'extrême droite n'était que contingente et éphémère. Cette interprétation ne prend pas en compte le processus de reconfiguration idéologique et sociale qui a précédé sa brusque irruption, un processus qui montrait des signes alarmants depuis au moins 2019.

Par ailleurs, la gauche, en majorité, a pensé que, même en cas de victoire électorale, Milei ne parviendrait pas à élargir son assise minoritaire tant parlementaire qu'institutionnelle. C'était négliger les conditions de gouvernabilité offertes par le régime hyperprésidentiel argentin, ainsi que la prédisposition transversale de la classe politique à soutenir des réformes économiques impopulaires que personne n'avait été en mesure de mettre en œuvre au cours de la décennie précédente, mais qui bénéficiaient d'un soutien profond au sein des élites politiques et économiques.

Une autre erreur a été de supposer que, s'il parvenait à se stabiliser sur le plan institutionnel, la mise en œuvre du programme de Milei l'amènerait rapidement à se confronter à sa propre base électorale. Cette analyse ignorait le processus de droitisation qui avait conduit de larges secteurs sociaux, y compris dans les couches populaires, à accepter des sacrifices au nom d'un changement perçu comme inévitable et nécessaire pour rétablir l'ordre dans la société. Cette tendance a été confirmée par des enquêtes d'opinion très sérieuses (Balsa, 2024), qui montrent comment le mécontentement et la crise ont été utilisés pour légitimer des politiques d'ajustement et d'autoritarisme par la promesse d'un retour à la normale.

Enfin, certains secteurs de la gauche n'ont pas compris que ce qu'ils ont appelé « l'impasse hégémonique » (Rosso 2015, Dal Maso, 2023) se caractérisait par une instabilité intrinsèque. Non seulement elle ne peut se prolonger indéfiniment, mais sa dynamique même sape progressivement ses fondements, créant ainsi les conditions de son dépassement. L'émergence d'un leadership autoritaire qui parvient à débloquer la paralysie politique est l'une des voies typiques de ce dépassement. C'est à cette logique que Gramsci se réfère lorsqu'il qualifie une telle conjoncture de « catastrophique ». Ce concept de « situation dans laquelle les forces en lutte s'équilibrent de façon catastrophique » contribue à expliquer l'émergence de leaders césariens. Toute analyse qui invoque le concept d'impasse catastrophique de Gramsci, mais omet les dynamiques d'auto-érosion qu'il décrit, ne fait qu'utiliser ce concept de façon superficielle et prétentieuse, sans en saisir le sens (Mosquera, 2023a).

En synthèse, ces erreurs d'analyse ont conduit à l'illusion que les politiques d'ajustement déclencheraient une réaction populaire plus ou moins immédiate. Un tel pronostic ignorait pourtant à la fois la démobilisation et la démoralisation sociales engendrées par l'épuisement du cycle politique précédent et la droitisation autoritaire croissante d'une partie considérable de la société. Or cette radicalisation n'affecte pas seulement les classes moyennes historiquement anti-populistes, mais commence également à imprégner, bien que de manière encore limitée, les secteurs populaires.

Si une partie de l'opinion publique progressiste semble aujourd'hui commettre l'erreur inverse en se laissant impressionner par la force conjoncturelle de Milei et en considérant comme déjà perdue une lutte qui se poursuit, ce qui est surprenant c'est que la gauche marxiste, elle, ne semble pas avoir évolué dans sa caractérisation du phénomène. Comme Karl Popper l'a souligné à propos des discours pseudo-scientifiques, il est toujours possible de recourir à des arguments ad hoc pour valider l'hypothèse centrale, à savoir, ici, la non-viabilité du gouvernement Milei. À gauche, cela revient généralement à postuler un report temporaire où l'effondrement du capitalisme, la rupture des masses avec le réformisme – pour citer les exemples classiques – ou, dans le cas présent, la réaction sociale à la politique d'ajustement, sont perçus comme des processus qui prennent simplement « plus de temps que prévu ».

Il y a aussi une autre façon d'introduire une hypothèse salvatrice ad hoc, très courante dans la gauche trotskiste : s'il n'y a pas de grandes mobilisations, c'est du fait des directions politiques ou syndicales qui les bloquent. Les masses veulent en découdre, mais ce sont les directions qui freinent. Cette argumentation largement répandue pose de nombreuses questions. Il est difficile en effet de comprendre qu'elle soit toujours défendue si ce n'est, selon les termes de Jonathan Haidt, que ce genre de croyance perdure par sa capacité à renforcer la cohésion de groupe de ceux qui la défendent plutôt que par son rapport à la réalité (2012). Pourquoi, en d'autres circonstances, avec les mêmes directions, les luttes parviennent-elles à se développer ? Les directions bureaucratiques bloquent-elles et se positionnent-elles toujours à la droite de leur base ? La nature contradictoire de la bureaucratie syndicale qui, comme le souligne E. Mandel, se nourrit du blocage mais aussi de la défense partielle des revendications des travailleurs, ne la pousse-t-elle pas à agir dans certaines circonstances ? Et la passivité de la bureaucratie n'est-elle pas aussi un indicateur du niveau d'activité et d'auto-organisation de la base et de sa prédisposition à la lutte ? Comme l'écrit justement D. Bensaïd (1995) :

Si les conditions objectives sont si favorables, comment expliquer que les conditions d'une solution à la crise de direction n'aient pas été résolues, ne serait-ce que partiellement ? L'explication dérive inévitablement vers une représentation policière de l'histoire hantée par la figure récurrente de la trahison, quand les conditions les plus propices sont sabotées par des « directions traîtres » et que l'allié le plus proche est toujours, potentiellement, le pire ennemi (1995).

Cette tendance à se cramponner à ses propres hypothèses, malgré l'absence de vérification par les faits, conduit la gauche à adopter une attitude qui, à l'instar de Pannekoek dans sa critique de Kautsky, pourrait être décrite comme une forme de « radicalisme passif ». Elle fait de la politique, pour reprendre l'expression par laquelle Sartre caractérisait le trotskisme dans les années 1950, un « art de l'attente ». Il s'agit d'une attitude passive qui s'en remet à l'événement rédempteur, au lieu de concevoir la politique comme une pratique d'intervention consciente et stratégique, capable de s'ajuster au rythme réel et incertain de la lutte des classes.

Quelle stratégie ?
Antécédents historiques

Dans les années 1930, Trotsky a écrit certaines de ses pages les plus brillantes à propos de l'Allemagne, « dont la qualité d'étude concrète d'une conjoncture politique est inégalée dans les analyses se réclamant du matérialisme historique » selon les termes de Perry Anderson. Dans ces textes, Trotsky défend la politique du « front unique » pour affronter le fascisme, dans la continuité des concepts élaborés par l'Internationale communiste au cours de la décennie précédente. Dans des conditions d'isolement comparables – l'un déporté sur une île turque, l'autre emprisonné dans une prison fasciste – Trotski et Gramsci ont fait partie des quelques voix qui, comprenant la menace de la montée du fascisme, se sont opposées au cours sectaire imposé par le stalinisme qui a finalement facilité l'accès au pouvoir d'Hitler en Allemagne.

Ces écrits continuent d'offrir de précieuses leçons. En premier lieu, ils analysent correctement la menace représentée par l'extrême droite et le danger d'une défaite historique qui pourrait détruire physiquement et institutionnellement les organisations du mouvement ouvrier. De là résulte l'urgence de mettre en œuvre une politique unitaire qui rassemble tous les courants de la classe ouvrière pour faire face à cette menace. Ensuite, ils soulignent l'importance de ne pas subordonner la lutte antifasciste à la bourgeoisie libérale, dont la politique alimente souvent les causes dont se nourrit l'extrême droite (comme l'illustre, dans un cas contemporain, le retour de Trump après le bref intermède de Biden). Enfin, ils insistent sur la nécessité de maintenir l'indépendance des militants révolutionnaires dans les cadres unitaires.

Les écrits de Trotsky sur l'Allemagne sont de véritables joyaux politiques et rhétoriques, propres à émouvoir tout militant conscient des bifurcations historiques et des urgences de l'action. Ses lettres à un « ouvrier social-démocrate » et à un « ouvrier communiste » sont un condensé de sa perception aiguë de la crise politique et de son appel à l'action, à quoi s'ajoute la virtuosité littéraire d'écrits conçus dans un but éminemment pratique. En revanche – comme l'a souligné Perry Anderson – ses analyses de l'Espagne et de la France témoignent d'un certain sectarisme à l'égard de la petite bourgeoisie et de ses partis, un défaut de lucidité en comparaison avec ses écrits sur l'Allemagne.

Cette politique unitaire se fondait sur le diagnostic qu'une révolution socialiste se profilait à l'horizon. Pour Trotsky, la lutte contre le fascisme était indissociable de l'objectif de renversement du capitalisme dans un avenir relativement proche. Il ne s'agissait pas d'adopter une politique sectaire « classe contre classe » – comme celle des staliniens – mais de reconnaître la nécessité d'unifier la classe ouvrière pour bloquer l'offensive fasciste, de réaliser une unité capable de canaliser cette force dans une contre-offensive contre la bourgeoisie, dans un contexte où l'acuité de la crise offrait encore la possibilité d'une issue révolutionnaire. Tout comme pour Lénine pendant la Première Guerre mondiale, l'action politique consiste à transformer la lutte contre le symptôme en une lutte contre la cause, à transformer la guerre impérialiste en guerre civile et en révolution sociale. Trotsky a appliqué ce raisonnement à l'analyse du fascisme, qui était à ses yeux la manifestation exacerbée de la crise ultime du capitalisme. Pour le révolutionnaire russe, la crise politique aiguë de l'époque était porteuse aussi bien de la possibilité d'une révolution que d'une contre-révolution, un dilemme qui exigeait une intervention stratégique résolue.

On peut se demander si cette analyse était tout à fait juste dans son contexte historique. Certains ouvrages d'auteurs de l'École de Francfort, tels que Ouvriers et employés à la veille du Troisième Reich d'Erich Fromm ou Études sur la personnalité autoritaire d'Adorno, montrent que l'influence de l'autoritarisme au sein de la classe ouvrière était plus profonde qu'on ne le pensait à l'époque. Pour Otto Bauer le fascisme n'était pas dirigé contre une révolution qui était déjà vaincue, mais contre le socialisme réformiste – syndicats, démocratie, droits du travail – qui existait encore. Angelo Tasca a défini le fascisme comme une « contre-révolution posthume et préventive » : posthume, parce qu'elle était consécutive à la défaite des tentatives révolutionnaires de la classe ouvrière ; préventive, parce que la classe ouvrière, bien qu'affaiblie, restait une menace potentielle à neutraliser définitivement.

Le fascisme visait à transformer une défaite partielle de la classe ouvrière en une défaite totale aux conséquences catastrophiques. Trotsky, comme le révèle une lecture attentive, fait montre d'une compréhension lucide de cette dynamique même si son optimisme quant à la capacité de réaction du mouvement ouvrier ait finalement été exagéré. Les lectures postérieures, qui exagèrent la parité dans l'équilibre des forces entre le fascisme et le mouvement ouvrier, ne rendent pas pleinement compte de la complexité et de la richesse de son analyse.

Perspectives actuelles

Entre la situation des années 1930 et notre réalité actuelle, il y a une discontinuité radicale qui a eu des conséquences politiques. Après la défaite du socialisme au XXe siècle, notre horizon historique a changé. La situation actuelle ne reflète pas la polarisation des années 1930, quand la confrontation entre la gauche révolutionnaire et l'extrême droite était plus équilibrée. Aujourd'hui, l'initiative et la radicalisation sont incontestablement du côté de l'extrême droite, tandis que la gauche et les secteurs populaires sont sur la défensive, se limitant, au mieux, à résister à l'offensive réactionnaire. Dans ce contexte, penser que la gauche anticapitaliste peut rivaliser avec l'extrême droite sur le terrain de l'« anti-système » est une erreur stratégique (Canary, 2024). Il n'existe pas d'« espace commun anti-système », politiquement abstrait ou instable, comme cela aurait pu être le cas dans certaines conjonctures de polarisation politique exacerbée.

L'un des effets de l'absence d'une telle polarisation est que, loin de provoquer l'effondrement des formations de la gauche classique au profit d'options plus radicales, la progression de l'extrême droite tend à renforcer les organisations réformistes traditionnelles telles que le PSOE en Espagne, le PT au Brésil ou le Parti démocratique en Italie, et à isoler la gauche radicale. Il ne faut pas s'en étonner : confrontés à l'urgence de freiner politiquement l'extrême droite, les secteurs populaires se protègent avec les instruments politiques les mieux positionnés pour accomplir cette tâche, quelles que soient leurs limites. Ainsi, l'irruption de l'extrême droite a mis fin aux processus de « pasokisation » du centre-gauche et le PASOK a même réussi à se relever après le désastre de Syriza.

Cela signifie-t-il, comme le veut le bon sens libéral, que la gauche devrait se tourner vers le centre pour gagner les secteurs modérés et tenter d'isoler l'extrême droite ? En aucun cas : c'est cette stratégie qui nous a conduits là où nous en sommes.

Une gauche qui se subordonne aux politiques néolibérales finit par éroder le lien fragile qui existe encore entre le mouvement syndical et les vestiges de la culture de gauche. Pour faire face à l'extrême droite, nous ne pouvons pas nous soumettre aux politiciens néolibéraux responsables du désastre actuel. Ce n'est pas une alliance entre la gauche et le « centre » libéral qui permettra de vaincre l'extrême droite. Au-delà d'accords temporaires pour faire barrage à des personnalités comme Trump, Le Pen ou Bolsonaro lors d'échéances électorales déterminées, une alliance durable ne ferait que renforcer les éléments sociaux et politiques dont se nourrit l'extrême droite.

Dès lors, comment équilibrer de façon cohérente la critique de la capitulation néolibérale de la gauche et le scepticisme à l'égard de la stratégie consistant à disputer à l'extrême droite la « rébellion anti-establishment » ?

Il existe, dans les rangs de la gauche, une explication simple et populaire de la montée de l'extrême droite, liée à la prise de conscience que nous traversons une période de grande agitation sociale, fruit de décennies de politiques néolibérales. En s'adaptant au consensus néolibéral ou en se positionnant comme un allié subordonné et modérément critique de l'« extrême centre », la gauche a perdu ses liens avec sa base sociale. Dans ce scénario, l'extrême droite, avec un discours fort et une image d'extériorité au système politique néolibéral, a capitalisé sur le mécontentement en occupant l'espace acquis à la gauche, mais laissé vide quand elle a renoncé à incarner l'agitation et de la rébellion. D'où la « rébellion de droite » à laquelle nous assistons aujourd'hui. Il suffirait alors à la gauche de se repositionner comme porte-parole du mécontentement pour regagner, petit à petit, les marges sociales attirées par l'extrême droite. Il faudrait opposer au radicalisme de la droite un radicalisme symétrique de la gauche, en rejetant toute « politique du moindre mal » et toute alliance avec des secteurs réformistes partisans du statu quo néolibéral.

Si cette argumentation contient des éléments de vérité, notamment en ce qui concerne les effets de la capitulation néolibérale de la gauche institutionnelle, elle soulève malheureusement aussi des problèmes insurmontables. Une partie de son impact réside dans son caractère rassurant quand elle situe le problème sur un terrain familier pour la gauche. Il suffirait de « récupérer » le radicalisme perdu. C'est faire peu de cas du fait que ceux qui sont tentés par cette analyse sont, en général, ceux qui n'ont jamais renoncé à cette radicalité et qui, pourtant, ne sont clairement pas sortis de la marginalité alors que l'extrême-droite progresse fortement partout dans le monde. Le radicalisme de gauche n'a pas le même rendement politique que le radicalisme de droite.

Cette analyse se heurte aussi à un problème empirique particulièrement évident dans le cas de Milei. En Argentine, il existe depuis plus d'une décennie une gauche radicale ayant une influence parlementaire et une présence dans les médias. C'est le cas du Front de gauche et des travailleurs – Unité (FITU). Alors que Milei était encore un inconnu, la gauche trotskiste argentine jouait déjà un rôle important dans le paysage politique. On peut donc se demander pourquoi la crise tant attendue du péronisme ne lui a pas apporté de bénéfices électoraux ou politiques significatifs et a plutôt favorisé l'extrême droite.

Une autre question élémentaire se pose inévitablement : alors que le peuple disposait d'une gauche radicale plus forte et plus structurée que l'extrême droite, pourquoi cette dernière est-elle parvenue à accéder au gouvernement tandis que la gauche trotskiste se maintient à des pourcentages électoraux oscillant entre 3 % et 6 % et qu'elle a même subi un revers lors des dernières élections ? L'argument qu'avancent certains, comme quoi cette gauche se serait modérée ou parlementarisée, ne résiste pas à l'analyse la plus élémentaire. Au-delà des difficultés liées à des tactiques ultra-gauches et sectaires, il s'agit de courants combatifs et sincères, clairement opposés au consensus néolibéral dominant (Mosquera, 2023b). La gauche trotskiste semblait idéalement placée pour exploiter un vote de protestation. Pourtant, non seulement elle n'y est pas parvenue, mais elle a même régressé.

Cette caractérisation repose aussi sur une ambiguïté fondamentale quant au concept de « gauche ». Il est vrai que les partis dominants – progressistes, réformistes et modérés – ont généré une profonde frustration qui a facilité la progression de l'extrême droite. Mais cette gauche n'a jamais été radicale et n'a pas vocation à l'être, et sa politique gouvernementale dans le passé n'a pas nécessairement conduit à la montée de l'extrême droite. En revanche, la gauche vraiment radicale existe, mais reste marginale. Que faire alors ?

Il faut donc affiner la tactique et l'analyse du contexte. Il faut comprendre que le processus politique évolue dans une direction différente et pose des problèmes différents. Il n'y a pas de mal-être ou de radicalisme qui soit politiquement vide. Jusqu'à un certain point, on peut apporter une réponse sociologique en identifiant les secteurs sociaux radicalisés, principalement la classe moyenne historiquement anti-péroniste. Tenter de devenir l'aile gauche de ce radicalisme ne mène qu'à l'isolement ou, pire, à la capitulation devant la droite. Les exemples ne manquent pas, tel le PSTU au Brésil pour n'en citer qu'un.

La montée de l'extrême droite traduit une période de reflux, encore partiel et limité, marqué par la démobilisation et la démoralisation du camp progressiste, alors que la radicalisation du camp de la droite s'accentue. Il ne s'agit pas de polarisations liquides et instables, ni d'agitation qui seraient en dispute. La stratégie pour faire face à cette nouvelle période historique passe obligatoirement par la reconnaissance de cette réalité fondamentale.

La caractérisation classique du fascisme par Angelo Tasca comme « contre-révolution posthume et préventive » nous offre une analogie pour saisir le processus que nous voulons caractériser. À l'instar du fascisme qui n'a pas attaqué frontalement la révolution, mais est venu parachever le processus quand les menaces révolutionnaires avaient déjà régressé, l'ultra-droite ne cherche pas ici à rompre avec l'« équilibre hégémonique », mais parvient à s'imposer parce que la situation était déjà en « déséquilibre » et qu'il fallait quelqu'un pour mener le processus à son apogée.

Bien qu'il s'agisse à première vue d'une différence mineure, on a bien deux conceptions substantiellement différentes : celle qui considère que l'autoritarisme naît de la faiblesse des classes dirigeantes face à la résistance populaire, ce qui les oblige à recourir en urgence à des mesures extrêmes et celle qui considère qu'il est le produit du fait que les classes dirigeantes connaissent une situation de force relative qui leur permet de parachever ce qu'elles avaient déjà entrepris. Dans le premier cas, nous sommes confrontés à une situation typique de polarisation, où la progression de l'extrême droite peut paradoxalement être le signe d'une opportunité pour la gauche. Dans le second, il s'agit d'une phase ultra-défensive, avec le danger d'une évolution réactionnaire et des risques physiques autant qu'institutionnels pour la gauche et les classes populaires. Les tâches qui découlent de chacun de ces scénarios sont donc très différentes.

Conclusion

Notre analyse qui reste générale ne permet pas de définir avec précision l'architecture concrète d'une tactique politique qui exigerait une évaluation aussi bien des acteurs que des opportunités et des risques dans une conjoncture donnée. Nous pouvons cependant proposer une caractérisation générale et suggérer une direction à suivre. Si, comme je le soutiens ici, nous traversons un moment défensif, il est essentiel de donner la priorité à l'action coordonnée et unifiée des classes populaires, au-delà des divergences politiques et de la concurrence entre les courants politiques. C'est une position que partagent, sur le plan des principes et même sur le plan théorique, les organisations même les plus sectaires, tout en restant généralement réticentes à la mettre en pratique.

Nous devons, en tant que socialistes, nous fixer l'objectif de battre le gouvernement Milei dans la rue, par une mobilisation populaire d'où émergeraient des rapports de force plus favorables. Mais si un tel scénario ne se concrétise pas, l'affrontement politique se déplacera inévitablement sur le terrain électoral. Et, si nous écartons toute vision délirante du rapport de force actuel, il est clair que la gauche socialiste n'a aucune chance de vaincre Milei avec ses seules forces sur ce terrain. C'est précisément ici que s'inscrit le débat sur la position à adopter face à l'opposition néo-populiste qu'incarne le kirchnerisme.

Le péronisme semble, quant à lui, semble prêt à s'adapter à ces novelles contingences en proposant la formation d'un « front démocratique » très large incluant des secteurs de la droite traditionnelle. Si de tels accords peuvent éventuellement permettre d'obtenir une victoire électorale temporaire, ils compromettent fortement la possibilité de saper les bases sociales de l'extrême droite. Le cas du gouvernement actuel de Lula en est un exemple éloquent : bien qu'extrêmement populaire durant son second mandat, grâce à l'impact significatif des politiques de redistribution que permet une conjoncture économique favorable, le Lula modéré d'aujourd'hui, contraint par ses alliances, ouvre la voie à un possible retour de l'extrême droite brésilienne comme en témoignent les résultats défavorables des récentes élections municipales.

La gauche doit donc être à la fois indépendante et unie. S'intégrer ou s'adapter au péronisme conduit à une perte d'accumulation politique et à un brouillage stratégique qui mettrait en danger la construction d'un projet anticapitaliste de masse et en reléguerait la gauche au rôle de partenaire mineur des forces politiques gravitant vers l'« extrême centre ».

Il est essentiel de dénoncer simultanément les tournants droitiers du péronisme et ses alliances avec les secteurs conservateurs. Le péronisme occupe conjoncturellement une place centrale, qu'on le veuille ou non, dans la possibilité de parvenir à une éventuelle défaite électorale de l'extrême droite. Mais plus il penche à droite, plus il est probable que son programme finisse par être une version modérée des réformes de Milei, sans leur composante autoritaire. Le plus grand danger de cette dynamique est de recréer les conditions d'un retour de l'extrême droite, comme le suggèrent plusieurs expériences contemporaines.

Si une mobilisation sociale se dével

Lula devrait visiter un campement dans le Minas Gerais et annoncer des mesures pour la réforme agraire

Le président de la République, Luiz Inácio Lula da Silva (PT), devrait visiter un campement du Mouvement des travailleurs sans terre (MST) dans le Minas Gerais le 25 février, (…)

Le président de la République, Luiz Inácio Lula da Silva (PT), devrait visiter un campement du Mouvement des travailleurs sans terre (MST) dans le Minas Gerais le 25 février, d'où il fera des annonces qui auront un impact sur l'agenda de la réforme agraire. L'information a été confirmée par des sources du pouvoir Exécutif.

https://www.brasildefato.com.br/2025/02/06/lula-deve-visitar-acampamento-em-mg-e-anunciar-medidas-para-a-reforma-agraria

06 février 2025

Parmi ces annonces figure la signature de décrets d'expropriation de cinq zones symboliques pour le MST, où des familles attendent une régularisation depuis plus de dix ans. Au total, les campements totalisent 9 400 hectares et sont situés dans les États de Minas Gerais, Pará, Goiás, Paraná et Rio Grande do Sul. L'annonce a été faite par le ministre du développement agraire (MDA), Paulo Teixeira, à la fin du mois de décembre de l'année dernière.

Une autre promesse du ministre qui devrait enfin être annoncée par le président Lula est le programme Desenrola Rural, qui vise à garantir l'effacement de 80 % de la dette actuelle des travailleurs ruraux, ainsi qu'un plan de paiement échelonné du reste de la dette.

Le MST a rencontré le président Lula et ses ministres au cours des derniers mois et a exprimé son mécontentement quant au peu d'avancement du programme de réforme agraire au sein de son gouvernement.

Parmi les principales revendications du mouvement figurent l'extension du programme d'acquisition de nourriture (PAA), qui permet aux écoles et aux institutions publiques d'acheter de la nourriture directement auprès des établissements ruraux, ainsi qu'un plan visant à installer les 65 000 familles qui campent à travers le pays d'ici la fin de ce mandat présidentiel.

Ceres Hadich, dirigeante nationale du mouvement, estime que les livraisons sont encore en deçà des attentes des travailleurs sans terre. Cependant, elle pense que la visite du président et les annonces qui seront faites sont des signes importants de la reprise de la réforme agraire dans le pays.

"Nous avons beaucoup discuté avec lui [le président Lula] de son intention de faire des annonces à la population. Les livraisons sont encore peu nombreuses, nous le lui avons dit lors de la dernière réunion, mais le symbolisme de la reprise du processus d'acquisition de zones pour la réforme agraire, de la création de nouvelles colonies, de la reprise des politiques publiques pour les colonies, est très important", a-t-il déclaré.

Campo Grande Quilombo

Selon les interlocuteurs du MST, le site choisi était le Campo Grande Quilombo, situé dans la municipalité de Campo do Meio, dans le sud du Minas Gerais. La zone appartenait à la Companhia Agropecuária Irmãos Azevedo (Capia), l'ancien administrateur de Usina Ariadnópolis Açúcar e Álcool S/A. L'entreprise a fait faillite dans les années 1990 sans payer les droits du travail de ses employés, qui ont décidé d'occuper la zone et de la revendiquer dans le cadre de la réforme agraire.

"Ce sera une joie d'accueillir le président dans notre camp et une occasion de dialoguer avec lui sur l'agenda agraire dans le Minas Gerais et les défis auxquels nous sommes confrontés pour surmonter ce gouverneur Zema, qui est un revirement et un ennemi des travailleurs. Nous espérons que l'agenda sera confirmé. Nous allons préparer une grande fête pour l'accueillir", a déclaré le dirigeant national du MST dans le Minas Gerais, Silvio Netto. En octobre 2024, la Cour supérieure de justice (STJ) a décidé que l'entreprise ne pouvait pas être réorganisée judiciairement, ce qui a été célébré par le MST. « Cette décision de justice montre que le gouverneur Zema, en plus d'être un lâche et un menteur, n'a pas respecté la loi en promouvant une expulsion illégale, ce qui a conduit à un procès contre l'État de Minas Gerais devant la Commission interaméricaine des droits de l'homme, en raison de sa lâcheté contre son propre peuple », a déclaré Netto à Brasil de Fato MG, faisant référence à l'une des 11 tentatives d'expulsion dont le camp a fait l'objet en 27 ans.

En août 2020, en pleine pandémie de Covid-19, la police militaire de MG a procédé à une violente tentative d'expulsion, qui s'est soldée par la destruction des cultures et d'une école construite par les travailleurs. Brasil de Fato a contacté le bureau du gouverneur du Minas Gerais pour connaître sa position sur l'expropriation imminente de la zone et la responsabilité de l'administration actuelle dans la tentative d'expulsion de 2020, mais n'a pas reçu de réponse.

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Les dirigeants latino-américains s’opposent à Trump

11 février, par Cruz Bonlarron Martinez — ,
La belligérance de Donald Trump à l'égard des dirigeants latino-américains soulève la possibilité d'une résistance régionale plus concertée, qu'un bloc populaire de gauche (…)

La belligérance de Donald Trump à l'égard des dirigeants latino-américains soulève la possibilité d'une résistance régionale plus concertée, qu'un bloc populaire de gauche serait bien placé pour mener.

https://jacobinlat.com/2025/02/los-lideres-latinoamericanos-estan-oponiendose-a-trump/

3 février 2025

Les premiers jours du mandat de Donald Trump ont démontré que sa précédente rhétorique isolationniste n'était qu'une façade. Ses déclarations sur la conquête du Groenland, la « reconquête » du canal de Panama et l'invasion du Mexique ont fait les gros titres, et il semble que l'administration Trump ait laissé tomber les formalités de l'impérialisme « léger » pour embrasser pleinement la version surdimensionnée de Trump. Mais comme tous les gloutons, il a peut-être avalé plus qu'il ne pouvait mâcher.

Dimanche, Trump s'est engagé dans une querelle verbale avec le président colombien de gauche, Gustavo Petro, qui a refusé d'accepter un avion militaire américain transportant des immigrants colombiens enchaînés. Alors que le contenu des messages de Trump et de Petro sur les médias sociaux faisait le tour des médias américains, la plupart d'entre eux ont proclamé que Trump était le vainqueur de l'échange et sont rapidement passés au scandale suivant. Cependant, si les médias avaient décidé d'être un peu plus attentifs, ils auraient vu que le défi public lancé par Petro à Trump a fonctionné, que l'administration Trump a accepté de permettre aux immigrants de rentrer chez eux dans la dignité et a décidé de ne mettre en œuvre aucune des sanctions dont Trump les avait menacés. Le lendemain, les mêmes Colombiens qui avaient été enchaînés précédemment sont arrivés à Bogota sans menottes à bord de l'avion présidentiel colombien.

Les journalistes se sont précipités pour les interviewer dès leur descente de l'avion sur le tarmac. Les histoires qu'ils ont racontées témoignaient de la cruauté de l'administration Trump et de la déshumanisation des migrants qui a caractérisé la politique américaine au cours de l'année écoulée. Alors que de nombreuses personnes se précipitaient devant les caméras, une femme avec un enfant dans les bras s'est arrêtée pour raconter son histoire. Elle a expliqué qu'elle avait traversé le désert de Sonoran avec son enfant lorsqu'elle a été volée par des coyotes et menacée de mourir de faim, avant d'être rattrapée par l'Immigration and Customs Enforcement (ICE) et forcée de rester en détention. En conclusion, elle a dénoncé les détentions et les disparitions, une expression qui rappelle certaines des périodes les plus sombres de l'histoire de l'Amérique latine, lorsque les dictatures militaires et les paramilitaires faisaient disparaître de force des éléments « indésirables » de la société, qu'il s'agisse de gauchistes, de syndicalistes, d'homosexuels, de toxicomanes, de travailleurs du sexe ou simplement de pauvres gens qui se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment.

Un autre homme, José Erick, demandeur d'asile, a été interviewé par des journalistes dans le hall de l'aéroport et a raconté une histoire similaire : il a traversé le désert et a été contraint de subir une privation de sommeil pendant sa détention par l'ICE, une pratique que la journaliste colombienne Diana Carolina Alfonso considère comme une forme de torture, interdite par le droit international. Erick a ensuite raconté comment il avait demandé l'asile pour rejoindre le reste de sa famille aux États-Unis et échapper à la violence, un problème qui, en Colombie, est alimenté par des armes fabriquées aux États-Unis. Un autre homme a été invité à répondre aux accusations de Trump selon lesquelles les personnes à bord étaient des criminelles. Je suis ingénieur en mécatronique », a-t-il répondu, “Trump a besoin de meilleures informations sur les personnes qui étaient à bord de cet avion”.

Le retour très médiatisé des migrants, dans des conditions plus humaines, a mis en lumière, pour l'Amérique latine et les Caraïbes, les horreurs de la politique intérieure et étrangère de Trump. Pour M. Petro, il s'agit d'une victoire morale.

Le président Petro a également jeté les bases d'une coalition régionale capable de surmonter les divisions idéologiques et d'unir la majeure partie de l'Amérique latine autour d'un programme commun contre les menaces de l'administration Trump, y compris les tarifs douaniers. Cela a pris la forme d'une réunion d'urgence de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) convoquée au Honduras par la présidente de ce pays, Xiomara Castro. Bien que la réunion ait été annulée après que la Colombie et les États-Unis soient parvenus à un accord, d'autres dirigeants ont manifesté leur mépris pour le traitement réservé par Trump à leurs citoyens.
Claudia Sheinbaum, la présidente mexicaine de gauche, a également fait les gros titres pour sa réponse ironique à M. Trump, notamment en ce qui concerne sa proposition de renommer le golfe du Mexique « golfe de l'Amérique ». Elle a répondu en proposant que le continent nord-américain soit rebaptisé « Amérique mexicaine », citant pour preuve une carte espagnole de l'époque coloniale.

En réponse à la récente approbation par Google du changement de nom proposé par Trump, le ministère mexicain des affaires étrangères a envoyé une plainte officielle à l'entreprise, lui rappelant qu'il s'agissait d'une violation du droit international. Toutefois, malgré une brève période de rejet d'un vol d'expulsion la semaine dernière, le Mexique a fait preuve de diplomatie quant à ses projets d'accueil des migrants. Néanmoins, si les choses s'enveniment, il pourrait refuser à l'administration Trump l'utilisation de son espace aérien, ce qui rendrait ses vols d'expulsion vers d'autres pays extrêmement coûteux.

L'administration Trump n'a pas perdu de temps pour s'aliéner des alliés régionaux potentiels mis à part les gouvernements d'extrême droite du Salvador et de l'Argentine. Même le président de centre-droit du Panama, José Raúl Mulino, s'est retrouvé dans une position inconfortable après que M. Trump s'en soit pris au pays en affirmant faussement que le canal de Panama était aux mains des Chinois et que les États-Unis pourraient devoir le « reprendre ». M. Mulino a clairement indiqué que ces déclarations violaient les traités Torrijos-Carter, qui ont rendu la souveraineté du canal au peuple panaméen en 1999 après près d'un siècle d'occupation américaine.

Le fait que Trump ait attaqué certains des alliés traditionnels des États-Unis dans la région pourrait pousser leurs dirigeants à renforcer leurs relations avec la Chine, la Russie et l'Europe, donnant ainsi un élan à une nouvelle vague d'intégration latino-américaine. La perspective d'une réponse concertée de l'Amérique latine à l'administration Trump, au-delà des divisions entre la gauche et la droite, reste peu probable, mais l'agression récente des États-Unis et un bloc de gauche populaire dans la région la rendent beaucoup moins éloignée. Ce bloc pourrait à lui seul exercer une pression significative sur l'administration américaine actuelle. Même lorsqu'il y aura alternance des partis au pouvoir dans ces pays, les récentes actions américaines mettront du temps à être oubliées.

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Les racines du conflit en RDC

11 février, par Nicolas de Bellefeuille — , ,
Les protestations ayant secoué Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo ces dernières semaines, ont mis en lumière plus que jamais la plus récente crise que (…)

Les protestations ayant secoué Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo ces dernières semaines, ont mis en lumière plus que jamais la plus récente crise que traverse le pays depuis bientôt quatre ans. Considérée par Médecins sans frontières (MSF) comme une « crise négligée » du public ou des médias, ce sont plus de sept millions de personnes qui ont dû fuir leur foyer depuis 1994, dont 500 000 personnes depuis janvier 2025.

Tiré d'Alter Québec.

En 2023, MSF rapporte avoir pris en charge 25 000 victimes de violences
sexuelles. Entre janvier et mai 2024, le Nord-Kivu comptait 70 % du nombre de
ces violences sur un total de 17 000. Quant à la famine, elle atteint 25 millions de
personnes selon l'ONU autour des Grands Lacs, dont 6,2 uniquement dans l'est
du Congo.

Le présent article revient sur l'histoire de la violence dans cette région
de l'Afrique. Il fut rédigé avant l'entrée en vigueur du cessez-le-feu annoncé par
le M23, le 4 février dernier.

Percée des rebelles

Dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, les rebelles effectuent des percées majeures en matière de territoire. Les bandes armées ont annoncé, le 27 janvier dernier, avoir capturé Goma, chef-lieu du Nord-Kivu et troisième ville au pays, après une avancée rapide forçant l'évacuation de 178 000 personnes en deux semaines, rapporte l'Associated Press.

Le président Félix Tshisekedi accuse notamment le Rwanda, partageant une frontière avec les deux provinces, de financer les actions du M23, qui compte environ trois mille combattant.es. Le groupe armé reçoit l'assistance des forces rwandaises, au nombre de trois mille à quatre mille.

Malgré un processus initié par l'Angola, appelé « processus de Luanda », au sein duquel un cessez-le-feu fut signé entre Kigali et Kinshasa en août 2024, le M23 reprend ses offensives. Par la suite, dans le cadre de ce même processus, les deux pays avaient tenté, lors d'un sommet en décembre 2024, de trouver un terrain d'entente face à la situation, en vain.

Ce processus « fait face à des obstacles, notamment la difficulté de faire respecter les engagements pris pendant les séances de négociation », affirme Marie-Joelle Zahar, professeure titulaire de science politique à l'Université de Montréal, spécialisée dans les conflits armés, la résolution des conflits et la consolidation de la paix.

Un retour aux racines du conflit

Cette crise d'une ampleur sans précédent s'inscrit dans un contexte historique entre la République démocratique du Congo et certains de ses pays voisins, en particulier le Rwanda. Rappelons que le génocide de 1994 dans ce pays a contraint des habitant.es d'origine hutue de trouver refuge chez leur voisin.

En 1996, commence ce qu'on va appeler la première guerre du Congo, d'une durée de six mois, initiée par le Rwanda afin de piller les camps de la population hutue réfugiée dans les deux provinces du Kivu. Mobutu est destitué et son successeur, Laurent-Désiré Kabila, prend les commandes. Il contraint les réfugiés hutus à retourner au Rwanda, ce qui attise la colère du peuple tutsi.

C'est ce qui déclenche la deuxième guerre du Congo en 1998, avec un objectif qui se rapproche des idées qu'ont les rebelles tutsis aujourd'hui : contrôler des ressources minières. « Il y a un intérêt économique pour le Rwanda, les minerais rares ont toujours permis aux groupes armés de la région de se fournir des armes et de créer des alliances », explique madame Zahar.

Elle se terminera en 2002 et aura causé la mort de cinq millions de personnes, principalement de famine, ce qui en fait le conflit le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale. Cette guerre est marquée par l'assassinat du président Kabila, en janvier 2001.

Des rebelles hutus décident ensuite de s'allier avec le Congo contre les rebelles tutsis congolais ou rwandais, bien que le génocide au Rwanda soit chose du passé. Puis, après des élections démocratiques en 2006 remportées par Joseph Kabila, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), un groupe armé tutsi qui attise ces tensions entre les deux populations, voit le jour.

Un accord de paix entre les groupes rwandais et congolais est conclu le 23 mars 2009, mettant fin à près de trente-deux mois de conflits. Au cours de cette période, environ 400 000 personnes sont déplacées, portant le nombre global à 1,2 million de réfugié.es au pays.

Le nom « M23 », le successeur du CNDP, fait référence à cette date du 23 mars. Formé en 2012, il se constitue en majeure partie de ces mêmes rebelles tutsis, qui sont en minorité, comparés aux forces hutues. Même si leurs actions cessent en 2013, les conséquences de leurs 19 mois d'activités ont des répercussions désastreuses. Entre mars 2013 et octobre 2023, trois millions de personnes ont dû fuir leur domicile uniquement à l'intérieur des provinces de l'Est, passant de 2,6 à 5,6 millions de déplacés internes.

Quelle solution pour le pays ?

Pour Marie-Joelle Zahar, l'intervention militaire, à l'image d'autres conflits, n'est pas une issue : « La victoire militaire ne fait qu'approfondir la haine, et retarder l'éclatement d'un nouveau cycle de violence ».

Le président Tshisekedi qui ne désirait plus voir la mission de l'ONU dans l'Est, au risque d'une escalade, « changera peut-être d'idée à ce sujet, étant donné l'importance que les camps de l'Organisation vouent à la protection des civils dans la région », pense madame Zahar.

Elle pose, en revanche, la question d'un accord pour la région du Kivu : « Comme les accords précédents n'ont pris en compte que la réalité globale du pays, faut-il plutôt négocier un accord qui porte sur les problématiques spécifiques de la région ? », conclut-elle. Ces réponses aux enjeux locaux sont certainement une exigence nécessaire pour qui veut une réconciliation durable dans cette région de l'Afrique, qui n'est toutefois pas à portée de main.

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Afrique du Sud : Donald Trump prend le parti de l’apartheid

11 février, par Boubacar Sanso Barry — , ,
Le président américain a annoncé suspendre les financements vers Pretoria après la promulgation par son homologue sud-africain de la loi d'expropriation foncière. Le média (…)

Le président américain a annoncé suspendre les financements vers Pretoria après la promulgation par son homologue sud-africain de la loi d'expropriation foncière. Le média guinéen “Le Djely” estime que cette décision de Donald Trump, proche d'Elon Musk, révèle son “racisme”.

Tiré de Courrier international. Article publié à l'origine dans ledjely.com

Décidément, le fameux slogan “America First” peut aussi se traduire par “Les amis d'abord”, voire même “Les Blancs d'abord”. Autrement, on ne voit pas en quoi la loi que vient de promulguer Cyril Ramaphosa menace les intérêts américains si prétendument chers à Trump. Voilà qui révèle peut-être une facette moins avouable du leader républicain : le racisme. Alors même que certains, y compris en Afrique, se bornaient à ne voir chez lui qu'un certain patriotisme exubérant ou décomplexé.

Bien sûr, personne n'a envie de revivre une réforme agraire aussi bâclée que celle que l'ancien président Robert Mugabe [1987-2017] avait opérée au Zimbabwe. Une réforme conduite sur fond de violence et de populisme qui, au-delà d'exacerber les tensions raciales, peut ruiner certains acquis du pays, notamment dans le secteur agricole.

4 % des terres appartiennent à des Noirs

Mais il n'est pas non plus envisageable de faire l'impasse sur les fortes disparités qui minent la société sud-africaine en rapport avec la propriété foncière. Derrière la réputation de puissance économique du continent africain, l'Afrique du Sud cache des inégalités qu'elle se doit de régler impérativement. Et le cas du foncier est symptomatique des écarts que certains assimilent plutôt légitimement à de l'injustice.

En effet, selon les chiffres issus du Land Audit Act (2017), plus de vingt-cinq ans après l'apartheid, aboli en 1991, “seulement 4 % des terres arables appartiennent à des Noirs, alors qu'ils représentent 81 % de la population. À l'inverse, 72 % des terres sont détenues par 36 000 fermiers blancs, alors que les Blancs ne représentent guère plus de 8 % de la population.” Comment voudrait-on qu'un tel statu quo soit maintenu en l'état ?

Correction ou confiscation ?

Certes, la question est à aborder avec tact et délicatesse, les équilibres étant fragiles. Mais il est évident que ces disparités doivent être corrigées. Sauf que, manifestement, le président Donald Trump ne veut pas de cette correction. C'est pourquoi, usant de la manipulation dont il est coutumier, il prétend déjà que c'est d'une confiscation de terres dont il s'agirait. Ce que Cyril Ramaphosa a démenti, en assurant qu'il s'agit plutôt d'une “procédure légale qui garantit l'accès à la terre d'une manière juste et équitable, conformément à la Constitution”.

Des explications qui risquent de ne pas suffire pour convaincre Donald Trump. Le président américain devenu très proche d'Elon Musk, dont le salut nazi, le 20 janvier dernier, dans le sillage de l'investiture du 47e président, n'était pas sans rappeler qu'à sa naissance, [à Pretoria] en 1971, l'Afrique du Sud vivait sur le régime de ségrégation raciale de l'apartheid. Ceci pourrait donc expliquer cela.

Boubacar Sanso Barry

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Mayotte : Après la tempête

11 février, par Human Rights Watch — , ,
Un terrible cyclone - le pire depuis près d'un siècle - a ravagé la région. Il a rasé des maisons et détruit des infrastructures. Au lendemain de la tempête, les autorités (…)

Un terrible cyclone - le pire depuis près d'un siècle - a ravagé la région. Il a rasé des maisons et détruit des infrastructures. Au lendemain de la tempête, les autorités n'ont pas réagi assez vite pour aider les survivants, qui avaient même du mal à trouver de l'eau potable. Les gens étaient désespérés. Les gens étaient traumatisés.

Tiré d'Afrique en lutte.

Le président du pays est alors arrivé sur place. Il s'est présenté devant une foule et, dans un langage offensant, a déclaré avec colère aux habitants qu'ils avaient de la chance d'être là où ils se trouvaient. En France.

Les problèmes de Mayotte n'ont pas commencé lorsque le cyclone Chido a frappé l'archipel en décembre. L'ancienne colonie française était déjà le département le plus pauvre de France et l'une des régions les plus mal loties de l'Union européenne sur presque tous les indicateurs sociaux. Cela fait bien longtemps que les autorités françaises n'assurent pas aux habitants de Mayotte un accès adéquat à l'eau potable et à l'assainissement.

Le cyclone a aggravé une situation déjà inacceptable.

Des efforts de reconstruction sont désormais en cours. Les élèves retournent enfin à l 'école cette semaine, même si de nombreux établissements scolaires restent très endommagés par la tempête.

Mais la vraie question qui se pose aujourd'hui est la suivante : les autorités françaises vont-elles se contenter d'un travail de reconstruction minimal ? Ou saisiront-elles l'occasion de répondre enfin aux besoins urgents des habitants ?

L'insulte du président Macron à la population de Mayotte au lendemain du cyclone n'était pas un bon début. Et ce n'était pas le seul mauvais présage.

Plutôt que de faire face aux conséquences de décennies de sous-investissement de la France à Mayotte ou de prendre en compte comment des événements météorologiques extrêmes comme celui-ci deviendront probablement plus fréquents avec le changement climatique, certains responsables politiques cherchent plutôt quelqu'un à blâmer.

Et, comme c'est souvent le cas, apparemment partout ces jours-ci, les migrants sont le bouc émissaire favori. Selon les estimations, près d'un tiers de la population de Mayotte est sans papiers, bien que ce chiffre puisse être surestimé.

Les autorités françaises, y compris le président Macron, ont laissé entendre que les mesures officielles pour répondre aux impacts du cyclone sur Mayotte comprendraient une répression de l'immigration clandestine. Ces mesures anti-immigration devraient faire partie d'un nouveau projet de loi qui sera présenté par le gouvernement français dans les semaines à venir.

Il est difficile de voir comment la diabolisation des migrants permettra de remédier à l'insécurité et aux mauvaises conditions sanitaires à Mayotte. Ce n'est pas à cause de personnes migrantes pauvres et impuissantes que la France n'est pas parvenue à améliorer le logement, la santé, l'éducation et d'autres services de base à Mayotte depuis des décennies.

Le gouvernement français est en situation de pouvoir et de responsabilité. Il devrait cesser de s'en prendre aux plus démunis et s'atteler à la tâche pour que les conditions de vie à Mayotte atteignent au moins le niveau de celles de la France métropolitaine.

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Viol et esclavage sexuel dans le conflit au Soudan

11 février, par Human Rights Watch — , ,
La guerre civile au Soudan, marquée par des atrocités, fait rage, semant la souffrance et la terreur depuis maintenant 20 mois. Nous avons déjà parlé de certains des crimes (…)

La guerre civile au Soudan, marquée par des atrocités, fait rage, semant la souffrance et la terreur depuis maintenant 20 mois. Nous avons déjà parlé de certains des crimes horribles perpétrés par les parties belligérantes. Dans le conflit qui oppose les Forces armées soudanaises (SAF) aux Forces de soutien rapide (RSF) et leurs milices alliées, nous avons observé des atrocités commises par les deux camps.

Tiré d'Afrique en lutte.

Aujourd'hui, nous allons nous concentrer sur les RSF. Nous savons qu'elles sont responsables de pillages et d'incendies criminels, de meurtres et de viols, d'attaques contre des infrastructures civiles essentielles, comme des hôpitaux et des marchés, de la destruction de quartiers entiers et de nettoyage ethnique dans la région du Darfour.

Aujourd'hui, de nouvelles preuves indiquent que les combattants des Forces de soutien rapide et leurs milices alliées ont violé des dizaines de femmes et de filles, dont certains cas dans des conditions d'esclavage sexuel.

Belkis Wille d HRW est revenue récemment d'une enquête de terrain dans l'État soudanais du Kordofan du Sud, où elle a documenté ces atrocités, ainsi que d'autres rapportées la semaine dernière.

« Les survivantes ont décrit avoir subi des viols collectifs, devant leur famille ou pendant de longues périodes, y compris alors qu'elles étaient détenues comme esclaves sexuelles par des combattants RSF »

Belkis a recueilli des preuves auprès de survivantes et d'autres témoins, révélant qu'environ 79 filles et femmes, âgées de 7 à 50 ans, ont déclaré avoir été violées. Le nombre réel est certainement plus élevé. La plupart d'entre elles vivaient dans des campements informels pour personnes déplacées dans la région des monts Nouba, dans l'État du Kordofan du Sud.

Les survivantes et les témoins ont déclaré que les agresseurs étaient tous des membres des RSF en uniforme ou des membres de milices alliées. Certains incidents ont eu lieu dans une base des RSF.

Les lois de la guerre sont claires sur ce type d'atrocités.

Les violences sexuelles dans les conflits constituent une violation grave du droit international humanitaire et un crime de guerre. Les violences sexuelles peuvent constituer des crimes contre l'humanité lorsqu'elles sont commises dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique contre une population civile. Lorsque des personnes sont détenues dans des conditions d'esclavage et soumises à des violences sexuelles, il s'agit d'esclavage sexuel.

Les pays membres des Nations unies et de l'Union africaine devraient agir de toute urgence. Trois choses au moins sont désespérément nécessaires.

Premièrement, ils devraient aider les survivantes. Jusqu'à présent, les victimes n'ont pratiquement pas eu accès à des services.

Deuxièmement, ils devraient protéger les autres femmes et filles contre de telles atrocités.

Troisièmement, ils devraient faire en sorte que justice soit rendue pour ces crimes odieux. Cela implique de recueillir davantage de preuves et de prendre des mesures pour punir les auteurs de ces crimes.

Les Nations unies et l'Union africaine devraient déployer d'urgence une mission de protection des civils au Soudan. Cette mission devrait être chargée, entre autres, de lutter contre les violences sexuelles, afin de pouvoir contribuer à la réalisation de ces trois objectifs. Et elle devrait disposer des ressources nécessaires pour y parvenir.

Le monde doit reconnaître l'ampleur des violences sexuelles au Soudan et agir rapidement.

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