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Moyen-Orient. « Transférer » les Palestiniens : quand Donald Trump réactive un vieux fantasme de l’extrême droite israélienne

L'idée de Donald Trump n'est pas vraiment originale. Voilà des décennies que l'éventualité d'une expulsion massive des Palestiniens de Gaza, mais aussi de Cisjordanie, est (…)

L'idée de Donald Trump n'est pas vraiment originale. Voilà des décennies que l'éventualité d'une expulsion massive des Palestiniens de Gaza, mais aussi de Cisjordanie, est caressée par certaines franges de la classe politique israélienne.

Tiré d'Europe solidaire sans frontière.

Le 25 janvier, Donald Trump exprimait son souhait de « nettoyer » la bande de Gaza, devenue d'après lui « un véritable chaos » :

  • « Il s'agit littéralement d'un chantier de démolition. Presque tout est détruit et les gens meurent là-bas. Je préfère m'impliquer avec certaines nations arabes et construire des logements dans un endroit différent où ils pourront vivre un jour en paix. »

Le président américain ajoutait s'être entretenu avec le roi Abdallah II de Jordanie pour le presser d'accepter sur son territoire des millions de Palestiniens, et comptait prendre attache avec le président égyptien Abd al-Fattah al-Sissi en vue de formuler la même demande.

Quelques jours plus tard, lors d'une visite du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou à Washington pour discuter de la deuxième phase du cessez-le-feu à Gaza, Trump réitérait ses propos en précisant que les États-Unis déploieraient des troupes pour faire de la petite enclave méditerranéenne leur « propriété » et « la Côte d'Azur du Moyen-Orient ».

Après ces déclarations choc, il importe de recontextualiser cette idée de « transfert » des Palestiniens, illégale du point de vue du droit international mais, en réalité, déjà ancienne dans la longue chronologie de ce conflit.

Entre sidération, indignation et acclamations

Les réponses à la proposition faite par la nouvelle administration américaine d'une évacuation des populations palestiniennes furent immédiates et, bien entendu, prévisibles.

Le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas s'est dit scandalisé et a rejeté avec virulence tout projet d'occupation, d'annexion et de déplacement, tandis qu'un communiqué du Hamas soutenait que « les habitants de Gaza ont enduré la mort et ne quitteront leur patrie sous aucun prétexte ». Quant au Djihad islamique, qui, rappelons-le, avait pris part aux tueries du 7 octobre 2023, il fustigeait dans les termes les plus forts « la déportation des Palestiniens hors de leur terre », ajoutant que ce projet relevait d'une négation pure et simple de l'identité palestinienne.

L'Égypte et la Jordanie, mais également ces « nations arabes » dont Trump avait suggéré qu'elles pourraient accueillir des millions de réfugiés palestiniens, s'opposaient tout autant à cette option, notamment l'Arabie saoudite, pour qui la seule issue possible et acceptable reste la solution à deux États.

Désemparée, la communauté internationale se retrouvait quant à elle dans un état de sidération face à ce virage pris par Washington, à savoir celui d'une neutralisation de la « question palestinienne » dans ce Moyen-Orient en pleine reconfiguration.

Et sans surprise, les représentants de l'extrême droite israélienne, favorables depuis le début de la guerre à une recolonisation de Gaza, se réjouissaient de cette annonce, le ministre des Finances Bezalel Smotrich, chef du parti sioniste religieux Mafdal, la qualifiant d'« excellente idée ».

Transfert : les racines anciennes d'un concept

Quoique cet aspect soit peu mentionné, voire tabou devant le déchaînement de passions qui a entouré la relance et l'escalade meurtrière des hostilités entre Israéliens et Palestiniens, il faut aller chercher les origines de cette notion de « transfert » dans les premières années du nazisme et la réponse alors développée par certaines organisations sionistes.

Le 25 août 1933, sur fond de persécutions grandissantes, est en effet signé entre, d'une part, l'Allemagne nazie et, d'autre part, les autorités juives et sionistes déjà établies en Palestine, essentiellement commandées par l'Agence juive, l'accord dit « Haavara » (« transfert » en hébreu), qui prévoit la migration de 50 000 à 60 000 Juifs allemands vers la Palestine, alors sous mandat britannique. Cet accord est loin de faire l'unanimité et provoque de nombreuses résistances, au sein même du courant sioniste comme parmi la communauté juive élargie. Il n'en reste pas moins perçu par ses promoteurs comme l'unique recours face à un environnement de plus en plus hostile, en Allemagne comme ailleurs sur le continent européen.

L'idée d'un transfert des Juifs d'Europe vers la Palestine a très tôt mué en un concept inscrit au cœur même du « Nouveau Yichouv » (« peuplement » en hébreu), ce mouvement d'implantation d'un certain nombre de Juifs en Palestine entre la seconde moitié du XIXe siècle et 1948, qu'il convient de distinguer du « Vieux Yichouv », qui désignait la présence juive dans la Palestine alors encore sous domination ottomane, soit les anciennes communautés juives historiques. Au moment de la partition de 1947, on recense près de deux millions d'habitants, dont 630 000 Juifs et 1 340 000 Arabes, dont plus de la moitié vivant dans les frontières du futur État juif qui se proclamera bientôt indépendant.

Tout au long de la première moitié du XXe siècle, les nouveaux arrivants juifs entretiennent avec ces populations arabes établies en Palestine des relations fluctuantes – entre indifférence, coexistence précaire et sentiment de supériorité.

La « question arabe » ne cessera de constituer un obstacle aux yeux de ceux qui aspirent à la création d'une nation juive majoritaire – comme il a été souligné, jusqu'en 1947 les Palestiniens représentaient encore l'écrasante majorité des habitants et possédaient aussi la plupart des terres. L'idée d'un transfert de ces autochtones vers les États arabes alentour, que Theodor Herzl adoubait lui-même explicitement dans ses écrits, progresse ainsi dans les esprits, surtout celui du père fondateur de l'État d'Israël, David Ben Gourion.

Après le 7 Octobre, la réactualisation d'une idée

Les modalités pratiques d'un tel plan n'ont cependant jamais fait l'objet d'un consensus parmi les élites israéliennes et la rhétorique actuelle fait plutôt écho aux positions les plus dures qui avaient été adoptées avant 1948 par le Fonds national juif notamment, une organisation fondée à Bâle en 1901 dont la raison d'être était l'achat de terres en Palestine et la préparation des premiers « pionniers » juifs. Cet organisme considérait en effet que la réalisation du rêve d'un État juif devrait nécessairement passer par le contrôle le plus extensif possible du territoire.

À défaut d'un transfert complet et définitif des Palestiniens au cours de la Nakba (« catastrophe » en arabe, terme employé pour désigner l'exode de centaines de milliers de Palestiniens à la suite de la défaite des armées arabes face à Israël lors de la première guerre israélo-arabe de 1948), ce sont des transferts locaux et des déplacements internes qui ont eu lieu, conduisant une partie des Palestiniens à opter pour le ralliement à l'État hébreu dont ils sont depuis des citoyens (aujourd'hui, près de 20 % des citoyens d'Israël sont arabes).

Or, l'idée d'un transfert plus massif des populations arabes de Palestine, telle qu'envisagée dès les années 1930 par la frange extrême du mouvement sioniste, n'a jamais fondamentalement disparu, resurgissant à chaque nouvelle guerre qui opposa Israël à ses adversaires locaux et régionaux, puis en réaction aux actions terroristes palestiniennes.

C'est cette violence qui a fini par convaincre de larges pans de la société israélienne qu'aucune paix durable ne serait jamais possible avec les Arabes et que la fondation d'un État palestinien indépendant et souverain aux portes d'Israël serait bien plus une menace existentielle qu'un gage de sécurité. Tragiquement, les événements du 7 Octobre sont venus renforcer cette conviction et éclairent sans doute aussi pourquoi une grande partie des Israéliens considèrent avec bienveillance le plan proposé par Donald Trump pour Gaza.

Trump réalisera-t-il son projet pour Gaza ?

Toute la question consiste dès lors à savoir si le président américain fraîchement investi a réellement l'intention, et plus encore les moyens, de cette stratégie de la table rase dans un Proche-Orient où, in fine, l'insoluble question palestinienne n'en serait plus une.

Depuis les annonces faites par le nouvel occupant de la Maison Blanche, ses conseillers s'emploient comme ils le peuvent à éteindre l'incendie en modérant ses propos et en indiquant qu'il ne s'agirait que d'un transfert « temporaire » des Gazaouis, le temps de la reconstruction des villes dévastées au cours des quinze derniers mois de guerre. Depuis le Guatemala, le secrétaire d'État Marco Rubio est allé jusqu'à évoquer « une offre généreuse » destinée à reconstruire Gaza et à la débarrasser de ses gravats, mines et autres munitions non explosées pour en faire un espace de nouveau vivable.

Du côté des principaux intéressés, les Palestiniens, après une guerre inédite par sa violence et qui a totalement anéanti leur habitat suivant une logique d'authentique urbicide, il va sans dire que la perception est radicalement différente et que ces affirmations intempestives font davantage craindre le scénario d'une seconde Nakba dont ils risqueraient de ne jamais se remettre. Le pire leur semble d'autant plus crédible que la colonisation de la Cisjordanie s'est accélérée et intensifiée ces derniers mois, hypothéquant toute perspective à court ou moyen terme d'un État palestinien.


Myriam Benraad, Responsable du Département International Relations and Diplomacy, Schiller International University - Enseignante en relations internationales, Sciences Po

• The Conversation. Publié : 8 février 2025, 13:18 CET.

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l'article original.

Myriam Benraad, Sciences Po" class="spip_out" rel="external">Myriam Benraad est politologue, docteure en science politique de l'Institut d'études politiques de Paris (Sciences Po) et professeure en relations internationales, géopolitique et négociation. Elle dirige notamment le département International Relations and Diplomacy à l'Université internationale Schiller à Paris.

Ses travaux récents portent sur la problématique de la vengeance et des émotions dans leurs rapports à la violence politique et aux transformations internationales. Elle est l'auteure, entre autres publications, de L'Etat islamique est-il défait ? (CNRS Editions, 2023) ; L'Irak par-delà toutes les guerres. Idées reçues sur un Etat en transition (Paris, Cavalier Bleu, 2023) ; Terrorisme : les affres de la vengeance. Aux sources liminaires de la violence (Paris, Cavalier Bleu, 2021) ; Géopolitique de la colère. De la globalisation heureuse au grand courroux (Paris, Cavalier Bleu, 2020). Adresse électronique : myriam.benraad@schiller.edu

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Appel │ SIGNEZ et MARCHEZ pour un avenir juste et égalitaire

10 février, par Fédération des femmes du Québec — , ,
Depuis 25 ans, la Marche mondiale des femmes porte les centaines de milliers de voix de celles et ceux qui exigent, partout dans le monde, des changements réels et durables (…)

Depuis 25 ans, la Marche mondiale des femmes porte les centaines de milliers de voix de celles et ceux qui exigent, partout dans le monde, des changements réels et durables pour les femmes.

Cette année, avec le Collectif 8 mars nous nous unissons à la Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes - CQMMF pour rappeler que nous sommes :

🔥ENCORE EN LUTTE pour mettre fin aux violences faites aux femmes.

🔥 ENCORE EN LUTTE contre la pauvreté vécue par les femmes.

🔥 ENCORE EN LUTTE pour la justice climatique féministe.

Signez la lettre de soutien aux orientations de la CQMMF et montrez que vous aussi, vous êtes ENCORE EN LUTTE !

Pour signer 👉 https://bit.ly/417D6MR

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Appuyons les licencié-es et boycottons Amazon !

8 février, par QS Intersyndicale — ,
Soyons nombreux dans les rues de Montréal le samedi 15 février en appui aux 4500 travailleurs et travailleuses licenciés par Amazon et ses sous-contractants. Le 22 janvier (…)

Soyons nombreux dans les rues de Montréal le samedi 15 février en appui aux 4500 travailleurs et travailleuses licenciés par Amazon et ses sous-contractants. Le 22 janvier dernier Amazon, annonçait son intention de fermer ses sept centres de distribution au Québec en guise de représailles à la syndicalisation de son entrepôt de Laval.

Cette décision brutale est contraire à nos lois du travail et démontre tout le mépris qu'à cette multinationale et son grand patron Jeff Bezos, allié de Donald Trump, envers les travailleurs et travailleuses du Québec. Nous devons riposter énergiquement en boycottant les produits d'Amazon et en exigeant que tous les paliers de gouvernement et toutes les institutions publiques cessent de s'approvisionner auprès de cette multinationale.

L'intersyndicale de Québec solidaire invite tous les membres du parti à se joindre à ce grand mouvement de boycottage et à le populariser dans leurs communautés. C'est une lutte ouvrière et une résistance populaire à l'impérialisme trumpiste !

Suivez le mouvement de boycottage ICI, ON BOYCOTTE AMAZON
https://www.facebook.com/boycottamazon.ca

Le projet de loi du gouvernement de la CAQ sur l’intégration nationale reste aveugle sur l’essentiel

5 février, par Bernard Rioux — ,
Le 30 juin dernier, le ministre de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration, Jean-François Roberge, déposait un projet de loi sur l'Intégration nationale (PL84). « (…)

Le 30 juin dernier, le ministre de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration, Jean-François Roberge, déposait un projet de loi sur l'Intégration nationale (PL84). « Ce projet de loi a pour objet d'établir le modèle québécois d'intégration nationale, lequel favorise la vitalité et la pérennité de la culture québécoise en tant que culture commune et vecteur de cohésion sociale ; une culture dont la langue française est le principal véhicule et qui permet l'intégration à la société québécoise des personnes immigrantes et des personnes s'identifiant à des minorités culturelles ». Le ministre s'est engagé à évaluer toutes les options pour renforcer le sentiment d'appartenance des personnes immigrantes à la culture commune du Québec : mise à jour du test des valeurs québécoises, bonification des activités d'intégration du ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration (MIFI), renforcement de la laïcité dans les écoles, opposition à l'entrisme religieux dans toutes les sphères de la société, définancement des activités culturelles qui ne respectent pas la culture commune … Le projet de loi, lui, en reste à de grands principes, mais il est important de discuter les fondements de ces derniers d'une part et d'expliciter les raisons de cette initiative gouvernementale d'autre part.

1. Les réactions des organisations syndicales, populaires et démocratiques au projet de loi 84 (PL84)

La CSN déplore que le projet de loi ait été déposé sans qu'aucun processus de consultation préalable n'ait été mis en place. La CSD résume bien le sens des critiques de ces organisations : « Le projet de loi propose des principes abstraits et des intentions, mais rien n'est mis au jeu pour voir comment réellement, concrètement, on améliorera l'accueil, la francisation et l'intégration des personnes immigrantes au Québec ». La FTQ dénonce les inconséquences du gouvernement qui prétend favoriser l'intégration des personnes migrantes alors qu'elles coupent les services en francisation. Les organisations syndicales n'ont pas de difficulté à multiplier les exemples des inconséquences à ce niveau. Mais des analyses de la part de ces organisations sur les fondements politiques et idéologiques de ce projet de loi restent à produire.

La Ligue des Droits et Libertés dans un communiqué intitulé Droits et libertés menacés pour la population québécoise, présente une analyse plus développée. Elle dénonce le fait que le PL84, fasse « porter aux personnes immigrantes le fardeau individuel de leur intégration à la société québécoise (…) et dénonce le fait que le PL84 vise à imposer les valeurs de la majorité plutôt qu'à ouvrir un dialogue respectueux des droits culturels de toutes et tous, souligne le fait que le projet de loi 84 fasse de la Loi 21 l'un des socles de sa politique » qui est « une loi discriminatoire, adoptée sous bâillon, sans l'unanimité de l'Assemblée nationale et en utilisant de manière préemptive et mur à mur les clauses dérogatoires de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et de la Charte canadienne des droits et libertés » et que le PL84 ne fasse « nulle part référence au droit des peuples autochtones à l'autodétermination, pourtant inscrit dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. »

2. Critiques des fondements du PL84

Malheureusement, jusqu'ici les critiques ne discutent pas les fondements politiques et idéologiques de ce projet de loi. C'est la notion d'intégration nationale qu'il faut d'abord discuter pour déconstruire le discours porté par le PL84.

Comme l'écrit Saïd Bouamama, le discours dominant sur « la question de l'intégration est de substituer l'alternative intégration / non-intégration à l'alternative intégration dominée / intégration égalitaire. Autrement dit, la place réelle de l'immigration et de ses enfants est un processus reflétant l'état d'une société, la place sociale qu'elle assigne à ses nouveaux membres, les réactions de luttes de ceux-ci pour obtenir une place plus égalitaire. Il s'agit bien de conflits entre une assignation dominée et le refus de celle-ci par les premiers concernés, et non d'adaptabilité, de « distance culturelle » ou de « volonté individuelle ». (…) Le paradigme culturaliste et intégrationniste réduit le réel social complexe en scission binaire, et permet ainsi une dépolitisation des questions analysées. (...). Le paradigme intégrationniste est le cadre idéologique, aujourd'hui quasi hégémonique, permettant cette évacuation des déterminants sociaux. ».

Le PL84 pose l'intégration nationale essentiellement sur le plan culturel et linguistique. De plus, il présente cette dernière avant tout comme un devoir des personnes migrantes, même si l'État est appelé à faciliter cette intégration. Le PL84 néglige ainsi les dimensions économiques, sociales, civiques et politiques de l'intégration.

Micheline Labelle rappelle les différentes dimensions de l'intégration. « Il y a intégration économique lorsqu'il y a participation active au marché du travail et que le travail accompli est en phase avec les compétences acquises et la reconnaissance des diplômes. Dans le cas contraire, la déqualification ou le chômage constituent un obstacle à l'intégration. (…) Oublier ce fait et mettre l'accent exclusivement sur la dimension culturelle revient à négliger les véritables obstacles à l'intégration qui constituent un terreau fertile pour l'adoption de postures antagonistes face à la société québécoise. » La non-reconnaissance des diplômes, les statuts spéciaux en matière de droit au travail et à la syndicalisation, les contrats fermés qui lient les travailleurs et travailleuses migrants temporaires à un employeur, les discriminations économiques de toutes sortes touchant les personnes migrantes et les communautés culturelles sont des exemples de ces obstacles à l'intégration, sans parler du racisme systémique dont le gouvernement de la CAQ, comme le PQ d'ailleurs, refuse de reconnaître la réalité.

L'intégration civique et politique est aussi exclue du projet du PL84. « L'intégration civique et politique signifie que les citoyens de toutes origines puissent participer dans les affaires publiques de la société d'accueil ; le vote, l'engagement dans les partis politiques nationaux, municipaux, les mouvements sociaux, la présence dans les instances municipales, etc. Cet engagement n'empêche en rien la participation dans les dossiers et débats concernant le pays d'origine, par le biais des réseaux transnationaux des immigrants. »(Micheline Labelle). Pourtant, les droits politiques, comme le droit de vote, sont déniés aux personnes migrantes, les constituant ainsi comme un secteur de la population séparé du reste de la société québécoise au niveau de droits politiques essentiels.

La conception culturaliste et individualiste de l'intégration mise de l'avant par le PL84 fait abstraction de l'égalité économique et se refuse à définir ce que serait une inclusion véritable à ce niveau. Elle refuse de prendre en compte le fait qu'une part de plus en plus importante de la population, constituée par les personnes migrantes, n'a pas les mêmes droits sociaux et politiques et en fait des citoyens et des citoyennes de deuxième classe. Le PL84 ne se donne nullement les moyens d'une véritable intégration. En ne tenant pas compte des conditions économiques, sociales et politiques de la population migrante, frappée par diverses discriminations, le PL84 évite d'identifier les réels fondements d'une véritable intégration qui ne peut passer par une égalité économique, sociale et politique. Plus encore, en refusant de reconnaître la réalité pluriculturelle et multinationale de la société québécoise, le PL84 risque de déboucher sur des ultimatums au vivre ensemble sans remettre en question l'assignation des personnes migrantes à vivre dans des positions subalternes dans la société québécoise.

3. Le gouvernement de la CAQ, moins préoccupé d'intégration nationale que de rente électorale

Pourquoi le gouvernement de la CAQ dépose-t-il un tel projet de loi en ce moment ? C'est qu'il juge qu'agiter le thème identitaire permettra de reconstruire sa base électorale. Il a connu un recul dans les intentions de vote au bénéfice du Parti québécois depuis des mois maintenant. Les sondages rappellent que la confiance de la population à son égard s'étiole. Et cela s'explique aisément. Des secteurs importants de la population souffrent de la crise du logement. Le gouvernement Legault s'est montré incapable de répondre aux attentes de la population en matière de santé et d'éducation. Plus, il multiplie les coupures dans les services publics. L'échec de Northvolt et son refus d'agir sérieusement sur le terrain de la lutte aux changements climatiques contribuent également à le discréditer. Sans ajouter que les coupures en matière de francisation démontrent une incohérence avec ses prétentions à vouloir défendre la langue française. La démagogie contre les immigrant-es, tenu-es responsables de tous les maux de la société québécoise, est une excuse facile pour cacher son désastreux bilan. La PL84 s'inscrit dans une politique de diversion.

4. Jeter les bases d'une véritable inclusion de toutes les composantes de la société québécoise

Une véritable politique d'inclusion des personnes migrantes et d'intégration à la société québécoise passera par une politique d'égalité sociale et d'extension des droits économiques, sociaux et politiques. Elle exigera : a) le rejet d'une vision ethniquement homogène de la société québécoise et le rejet du projet nationaliste d'homogénéisation culturelle ; b) une politique s'attaquant aux discriminations et le refus de l'existence de secteurs de la société privés de droits ; c) la liberté de circulation et d'installation de tous les migrant-es ; d) l'éradication du racisme systémique qui touche tant les nations autochtones que les autres secteurs racisés de la population ; e) le rejet des discours qui font des minorités les seules porteuses de l'inégalité des femmes dans la société ; f) par une politique linguistique qui refuse de faire des personnes immigrantes la cause du manque d'attractivité de la langue française ; et enfin, par g) le rejet d'une laïcité identitaire qui essentialise la réalité de la nation.

Il faut éviter de diviser le Québec entre un « nous » défini sur une base généalogique et culturelle et un « eux » qui en serait exclu. Partir sur cette base, c'est créer les conditions de l'approfondissement des divisions ethniques au sein de la société québécoise. La société québécoise doit se définir non pas comme un « nous » dont la substance se construit autour de certaines valeurs partagées. Elle se construit par l'apport de tous et de toutes dans un processus reflétant le nouveau contexte dans lequel toutes les personnes de la société sont appelées à vivre.

Toutes les personnes vivant au Québec, toutes celles qui y œuvrent et qui participent à la création de la richesse commune (et pas seulement économique) font partie de la société et contribuent à son destin national. Pour assurer une véritable inclusion des personnes migrantes, on ne peut accepter que des personnes se trouvant sur un même territoire et dans un même ordre juridique soient traitées différemment ou discriminées. Le principe d'égalité des droits implique donc la libre circulation, mais aussi une série d'autres droits, dont notamment : le droit de s'installer durablement, le droit au travail, le droit de recevoir un salaire égal, le droit d'acquérir la nationalité, le droit de vivre en famille, le droit de vote, le droit à la sécurité sociale, le droit d'avoir accès aux différents services publics, etc. La lutte pour l'égalité des droits doit être la tâche de tous les mouvements sociaux qui visent l'égalité sociale et la fin des discriminations (mouvement syndical, mouvement des femmes, des jeunes, mouvement populaire, mouvement antiraciste, …) Le combat contre les discriminations et l'égalité des conditions et des droits sont à la base de la convergence des différentes composantes de la majorité populaire.

Voilà quelques pistes, qu'il faudra approfondir. Mais elles marquent une rupture radicale avec le nationalisme étroit et d'exclusion que promeut le gouvernement de la CAQ et son projet de loi sur l'Intégration nationale.

Trump 2.0 : Radicalisation de la droite ici et ailleurs dans le monde. Quelle réponse de la gauche québécoise ?

4 février, par Révolution écosocialiste — , ,
L'organisation Révolution écosocialiste vous invite à participer à une discussion portant sur la montée de la droite. Quelle analyse peut-on en faire ? Quelles sont les (…)

L'organisation Révolution écosocialiste vous invite à participer à une discussion portant sur la montée de la droite.

Quelle analyse peut-on en faire ? Quelles sont les perspectives possibles ?

Face aux menaces de Trump sur la hausse des tarifs et de la fermeture des frontières, face aux mesures d'austérité caquiste, qu'elle doit être la réponse solidaire ?

Lieu : Centre St-Pierre, 1212 Panet, salle #304, Montréal et en diffusion virtuelle (coordonnées à venir, jeudi soir)
21 février 19h
Prix : Contribution volontaire

Diffuser largement et confirmer votre présence sur facebook : https://www.facebook.com/events/904234935230421/?active_tab=discussion

Panel

Le panel sera composé de :

André Frappier, animateur de la rencontre et intervenant pour Révolution écosocialiste, est militant à QS Maurice-Richard et syndicaliste au STTP à la retraite.

Amir Khadir, ex-député de Québec solidaire et ancien de porte-parole du parti.

Karine Cliche, candidate de QS dans Ste-Rose lors des dernières élections et membre initiatrice du Parti de la Rue.

Andres Fontecilla, député de Québec solidaire dans Laurier-Dorion

Josée Chevalier, militante syndicale à la CSN et candidate de QS dans Laval-des-Rapides lors des dernières élections.

Des États généraux du mouvement populaire et progressiste québécois !

4 février, par Pierre Mouterde — ,
Dans le sillage de l'intronisation présidentielle de Trump et de la cascades d'annonces brutales et chaotiques qu'il a depuis proférées, beaucoup d'entre nous auront pu (…)

Dans le sillage de l'intronisation présidentielle de Trump et de la cascades d'annonces brutales et chaotiques qu'il a depuis proférées, beaucoup d'entre nous auront pu expérimenter une sorte de stupeur ou mieux dit encore, d'état de "sidération" absolu. Comme si on se retrouvait soudainement devant quelque chose d'inoui : une inversion carnavalesque de toutes nos valeurs et coutumes, conduisant à ce que « le politiquement abject », avec ses grossièretés, son ressentiment et ses sourdes colères ou son racisme décomplexé, ait définitivement pris le pas sur « le politiquement correct » et son souci vertueux des apparences et des bonnes manières ; au point même d'être perçue par certains –comble de l'illusion—comme une véritable victoire sur les élites du monde globalisé !

3 février 2025

Peu d'entre nous, ont cependant fait ressortir les raisons profondes qui sont à l'origine d'un tel renversement, et surtout ont cherché à sonder les moyens qu'on pourrait mettre de l'avant pour en confronter les dangers, en déjouer les lubies mortifères. Comment se protéger de l'autoritarisme crasse et narcissique de tels individus, et surtout comment stopper la montée politique de la droite-extrême dont ils sont l'expression même, tout en redonnant au passage à la gauche —au camp des progressistes— la force collective qui lui manque dramatiquement pour inverser le cours de l'histoire présente ?

En toute lucidité, il faut pourtant le reconnaître : cette arrivée de la droite-extrême fascisante au gouvernement des USA comme sa présence aux portes du pouvoir dans bien des pays du monde (y compris au Canada), tiennent aussi à l'incapacité de la gauche institutionnelle à s'y opposer fermement, et plus particulièrement aux choix politiques entérinés par la vaste nébuleuse progressiste qui a eu pignon sur rue ces dernières années en Occident et a fini par se rallier –corps et âme— au capitalisme néo-libéral et à sa démocratie libérale de basse intensité.

Un malaise social grandissant

C'est ainsi que cette dernière s'est montrée incapable de saisir les conséquences funestes de l'épuisement du cycle d'expansion et de renouveau initié après la seconde guerre mondiale. Et qu'elle est passée à côté non seulement des inégalités socio-économiques qui n'ont cessé de déchirer en profondeur le tissus social, mais aussi du malaise grandissant qui s'installait dans de larges secteurs de la population à la suite des multiples crises qui, depuis le début du millénaire se sont amplifiées puis combinées les unes aux autres : économique, sanitaire, écologique, politique, culturelle, etc.

Incapable dans ce contexte, de contre-proposer aux sourdes inquiétudes collectives qui s'exprimaient chaque fois plus, un projet politique globalisant, positif et pacifiant, susceptible de contrecarrer le repli identitaire et les logiques du bouc-émissaire brandies par la droite, la gauche institutionnelle n'a pu opposer à l'extrême-droite montante qu'un front désuni, fragmenté, en tous points déconnecté des enjeux réels et des angoisses vécues de larges secteurs de la population.

En ce sens, il faut oser se le dire : comprendre ce qui nous arrive avec Trump, c'est aussi prendre acte de tout ce qui nous revient en propre —nous qui avons rêvé au Québec dans le sillage de la révolution tranquille à plus d'égalité sociale — et qui nous a conduit à nous retrouver en position défensive, enfermés plus souvent qu'autrement dans les seules logiques de l'indignation.

Il n'est pourtant pas trop tard pour réagir et nous montrer à la hauteur des formidables enjeux qui se dressent devant nous. Il est temps de rebondir, d'échapper tant au découragement qu'au cynisme ou encore au repli sur soi. Aux USA bien sûr, mais aussi au Canada et au Québec. Comme récemment l'écrivait Françoise David dans Le Devoir : « Opposons au défaitisme une mobilisation sociale et politique nationale, rassembleuse et forte (...) Ne nous contentons pas de peu. On n'est plus nés pour un p'tit pain ! ». En sachant.. cependant que cette mobilisation si nécessaire ne peut être —tant les défis qui se dressent devant nous sont vastes— que sociale et politique, le fait autant des mouvements sociaux que des courants politiques qui se reconnaissent de la gauche et de la lutte pour l'égalités sociale : syndicats, mouvements communautaires, mais aussi forces politiques de gauche.

Des États généraux ?

Pourquoi ne pas alors organiser au Québec des États généraux du mouvement populaire et progressiste québécois ? Des États généraux, pour nous donner les moyens depuis le progressisme, de comprendre ce qui est en train de nous bousculer si tragiquement, et pour nous permettre d'y faire face en nous mobilisant enfin autour de mêmes objectifs sociaux et politiques partagés. Car il ne suffit plus aujourd'hui de manifester devant le parlement afin de faire connaître en toute civilité nos mécontentements respectifs auprès des gouvernements en place. Il faut réapprendre à redevenir une force collective qui compte et puisse avoir enfin prise sur l'ordre des choses, peser en somme dans les batailles à venir !

N'est-ce pas en ces temps difficiles, ce à quoi nous devrions occuper nos efforts ?

Pierre Mouterde
Sociologue et essayiste
Québec, le 2 février 2025

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États-Unis : Trumpisme et fascisme

4 février, par Daniel Tanuro — ,
Trump est un fasciste et il y a clairement de nombreux fascistes dans ses collaborateurs. Outre Elon Musk et son salut nazi, on rappellera en particulier les pédigrées (…)

Trump est un fasciste et il y a clairement de nombreux fascistes dans ses collaborateurs. Outre Elon Musk et son salut nazi, on rappellera en particulier les pédigrées inquiétants d'individus comme Steve Bannon, Stephen Miller et Laura Loomer, entre autres. La situation est gravissime, il ne faut pas la banaliser. Cependant, les USA n'ont pas basculé dans LE fascisme. Ils risquent de le faire, nuance. Trump agira pour qu'un basculement de ce type survienne (ce qui ne signifie pas la répétition a l'identique du fascisme historique), mais il y a loin de la coupe aux lèvres.

Tiré d'Europe Solidaire Sans Frontières
28 janvier 2025

Par Daniel Tanuro

Le fascisme comme rupture

Le fascisme se caractérise par la destruction des droits démocratiques et l'atomisation sociale. Cela implique la destruction des mouvements sociaux, notamment des syndicats, la transformation de l'appareil judiciaire en instrument de la tyrannie du Chef et l'abolition de toute forme de liberté de la presse, de liberté d'expression en général et du droit de grève. On n'en est pas là.

Il faut éviter les raisonnements simplistes, ils mènent à des conclusions fausses. Par exemple : la démocratie bourgeoise est une fausse démocratie, qui dissimule la dictature du Capital. C'est exact, mais il n'en découle pas que le capitalisme produirait inévitablement le fascisme. Il n'en découle pas davantage qu'un candidat despote comme Trump pourrait faire passer facilement les USA de la démocratie bourgeoise au fascisme. Ce passage est un saut qualitatif , il requiert une rupture brutale.

La caractéristique clé du fascisme dans sa lutte pour le pouvoir (ce qui le distingue d'un « simple » coup d'État militaire) est qu'il opère cette rupture en s'appuyant sur un mouvement de masse extraparlementaire de la petite bourgeoisie et du lumpenproletariat, à l'aide de troupes de choc terroristes, mobilisées à grands renforts de mensonges, de haine et de démagogie nationaliste pseudo-socialiste.

Il saute aux yeux que tous ces éléments sont présents dans une certaine mesure dans le trumpisme : MAGA comme mouvement de masse, la démagogie sociale, le mensonge systématique, la haine, les Prou boys et Oath keepers comme bandes violentes. Le danger fasciste est donc très très réel, il faut insister la-dessus. Mais il faut insister aussi sur le fait que la rupture n'a pas eu lieu. Elle pourrait intervenir, elle n'est pas derrière nous.

Forces et faiblesses de Trump

Et elle n'aura pas lieu si facilement, cette rupture. On le voit dans les tempêtes de réactions indignées causées par le pardon général que Trump a accordé aux émeutiers impliqués dans l'attaque violente contre le Capitole, en janvier 2021. On le voit en particulier dans les réactions virulentes de juges qui ont dénoncé ce pardon et contesté catégoriquement que les bénéficiaires seraient prémunis contre toute reprise des poursuites.

Trump roule des mécaniques, mais il est plus faible qu'il n'y paraît. Il a dû renoncer à la nomination scandaleuse de Matt Gaez comme Attorney général (ministre de la justice). Un Américain sur 10 seulement soutient son choix de nommer Pete Hegseth ministre de la défense (trois sur 10 sont contre, et Hegseth a failli être écarté par le vote au Sénat !). MAGA est un mouvement de masse, mais pas (encore ?) un parti de combat discipliné, comparable à ceux d'Hitler ou de Mussolini.

Trump a évidemment des atouts : la Cour suprême dominée par ses partisans lui a donné l'immunité, le parti républicain est à sa botte, et les mouvements sociaux (qui avaient manifesté en masse contre sa nomination, en 2016-2017) semblent cette fois tétanisés, effrayés par l'ampleur de sa victoire. Trump exploite cette conjoncture pour donner l'impression d'une marche triomphale que rien ne peut arrêter. En réalité, les obstacles accumulés devant lui sont considérables. L'un d'eux est la contradiction béante entre les promesses populistes faites à la base MAGA, d'une part, et la réalité politique d'un gouvernement de kleptocrates et de milliardaires qui se fichent de ces promesses, d'autre part.

Cette contradiction entre populistes et milliardaires est typique du fascisme. Elle traversait aussi le parti nazi. Hitler l'a « résolue » en assassinant quelque deux cents dirigeants de l'aile fasciste-populiste, les chefs des S.A. (c'est « la nuit des longs couteaux », juin 1934). Mais à ce moment sa dictature était solidement établie depuis plus d'un an. Celle de Trump ne l'est pas. Or, le fossé entre MAGA et les milliardaires à commencé à s'ouvrir avant même l'inauguration, quand Bannon et Musk se sont violemment affrontés sur la question des migrant·es. L'historien Timothy Snyder pronostique l'approfondissement de ces tensions. Il a fort probablement raison. Petit exemple : un syndicat de flics qui a appelé à voter pour « la loi et l'ordre » rompt avec Trump suite a la libération des émeutiers qui ont piétiné « la loi et l'ordre » en attaquant le Capitole…

Stratégie du choc

La démocratie bourgeoise étasunienne est profondément corrompue par l'argent, mais elle est solidement enracinée dans un vaste réseau d'institutions et de contre-pouvoirs attachés aux principes constitutionnels. Dans ce contexte, il faudrait un choc majeur pour opérer une rupture décisive vers le fascisme. Hitler a établi son pouvoir absolu en tirant prétexte de l'incendie du Reichstag (27/2/33), un mois à peine après sa nomination comme chancelier. Trump cherche sans doute quelque chose de ce genre en décrétant l'état d'urgence contre « l'invasion » à la frontière, ou en menaçant le Panama. Mais sa base MAGA à voté pour lui essentiellement en espérant qu'il abaissera les prix des biens de consommation courante. La traque aux migrants (dont l'économie US ne peut se passer dans l'agriculture, la construction, la restauration) n'y contribuera pas, les tarifs douaniers non plus, au contraire !

La difficulté pour Trump est d'aller vite vers la dictature, avant que ses électeurs ne réalisent la supercherie, que le bluff de sa « stratégie du choc » se dégonfle et que les mouvements sociaux se réveillent. Leur passivité est en fait son plus grand atout. L'absence de luttes de masse encourage le grand capital à « oser le fascisme » à la Trump. Sans cette passivité, la lâcheté ignoble des élus républicains qui avalent sans broncher accorder le pardon aux émeutiers de janvier 2021 – qui avalent donc, en fait, sous-entendu que la tentative de coup d'État n'a pas eu lieu, et qui avalent en plus donner l'autorisation aux voyous fascistes de faire le coup de poing chaque fois que le Chef aura besoin d'eux ! – serait politiquement intenable.

On peut objecter que le grand capital US n'a pas besoin de bandes fascistes. Musk et Cie ne sont pas menacés par les luttes sociales, le syndicalisme est faible, la démocratie bourgeoise semble un bien meilleur moyen de servir leurs intérêts. Que veulent les grands patrons ? La relance des énergies fossiles, des investissements dans l'intelligence artificielle, une série de dérégulations… A priori, rien de tout cela ne semble requérir un régime fasciste… Alors, pourquoi le trumpisme, et dans quelle mesure est-il fasciste ? La question mérite d'être posée. Selon moi, le paradoxe s'éclaire quand on prend en considération le contexte de catastrophe écologique dans lequel l'impérialisme étasunien lutte pour sauver son hégémonie.

L'hégémonie à tout prix

C'est un fait : le capitalisme chinois est à ce point dominant dans le secteur des technologies « vertes » que les responsables politiques occidentaux, s'ils veulent respecter l'accord de Paris, n'ont d'autre choix que d'acheter chinois, donc de renforcer Pékin au détriment de l'impérialisme US. Inacceptable pour Trump-Musk. Leur riposte : garder l'hégémonie en misant à fond sur l'intelligence artificielle. Mais celle-ci demande d'énormes ressources énergétiques et la mainmise impérialiste sur quantité de ressources minérales. Donc le recours massif aux fossiles et le retour à la politique de la canonnière (Groenland, Panama…). Donc le climatonégationnisme et le mensonge systématique. Donc le mépris le plus absolu pour les menaces terribles que la catastrophe écologique fait peser sur la vie de centaines de millions d'êtres humains qui n'en sont pas responsables. Donc la haine de celles et ceux qui résistent, l'exaltation viriliste de la force comme moyen de garantir aux États-Unis leur « espace vital » (jusque sur Mars…) et la volonté de vassaliser l'Europe. La cohérence est assez nette.

Le projet Trump-Musk n'est pas « isolationniste ». C'est un projet radicalement, sauvagement impérialiste, pour l'hégémonie à tout prix. Son application cohérente, dans une perspective de long terme, nécessite un régime politique brutal et cynique, capable d'assumer impitoyablement une barbarie malthusienne sans précédent dans l'Histoire. Quelque chose dans le genre Netanyahou – dont Trump est un partisan inconditionnel – mais à l'échelle planétaire. Il s'agit de rompre avec les idéaux de justice, de démocratie, d'égalité entre tous les humains ; avec l'éthique humaniste, avec la rationalité des Lumières ; et même avec les valeurs morales des religions monothéistes. L'esprit de cette rupture hante le trumpisme. Il faut être reconnaissant à l'évêque de Washington, Marianne Budde, de l'avoir mis à nu, à sa manière, dans son plaidoyer public face à Trump.

Crier trop vite « le fascisme est au pouvoir » présente deux risques : le risque de voir des masses de gens se dire que « le fascisme », tous comptes faits, n'est pas si terrible qu'on le dit, d'une part ; et le risque de voir des gens plus conscients se dire que tout est foutu, voire se cacher de peur d'être emmenés dans un camp de concentration, d'autre part. Ces deux risques font précisément le jeu des fascistes.

No pasaran !

En même temps, la menace fasciste est très réelle, le trumpisme l'incarne et lui donne un terrible coup d'accélérateur mondial. Les fascistes progressent partout. Mais ils n'ont pas gagné. Ils peuvent être arrêtés. Pas par l'alliance avec la droite soi-disant « démocratique » à la Liz Cheney. Par la mobilisation de masse. Pour les droits démocratiques, les droits sociaux, contre le mensonge et les inégalités, contre le racisme, contre le soutien aux génocidaires, pour les droits des femmes et des personnes LGBT. Sans oublier la mère de toutes les batailles : la lutte pour la sauvegarde de la seule planète vivable du système solaire. La lutte contre les criminels capitalistes prêts à la faire crever pour sauver leurs profits et leur hégémonie.

Relevons la tête, soyons capables non seulement de dénoncer mais aussi d'analyser. Indignons-nous, mobilisons-nous, organisons-nous. No pasaran !

Daniel Tanuro

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Auschwitz, la faillite de l’idée du progrès et la réhabilitation de la dimension utopique du socialisme

4 février, par Yorgos Mitralias —
Pourquoi republier un texte sur Auschwitz et sa signification, écrit en grec au siècle dernier ? Mais parce que, relu aujourd'hui, à une époque profondément marquée non (…)

Pourquoi republier un texte sur Auschwitz et sa signification, écrit en grec au siècle dernier ? Mais parce que, relu aujourd'hui, à une époque profondément marquée non seulement par le génocide des Palestiniens et la destruction de Gaza, mais aussi par le retour en force de la menace fasciste - et de la guerre - à l'échelle mondiale, incarnée par le duo Trump-Musk, ce texte prend une signification et une actualité accrues.

Car, comme le dit Ernest Mandel dans son très important écrit Prémisses matérielles, sociales et idéologiques du génocide nazi, souvent cité dans notre texte, «

Pour mieux combattre le néofascisme et le racisme biologique aujourd'hui, il faut comprendre la nature du fascisme d'hier. La connaissance scientifique est aussi une arme de combat et de survie de l'humanité, et non un exercice purement académique. Refuser d'utiliser cette arme, c'est faciliter l'avènement de nouveaux candidats assassins de masse, c'est contribuer à ce qu'ils commettent de nouveaux crimes. Expliquer les causes du fascisme et de l'holocauste, c'est renforcer le potentiel de rejet, d'indignation, d'hostilité, d'opposition totale et irréductible, de résistance et de révolte, contre la remontée toujours possible du fascisme et d'autres doctrines et pratiques de déshumanisation. C'est une œuvre de salubrité politique et morale élémentaire et indispensable ».

Véritable produit de notre temps et de son « modernisme » capitaliste, Auschwitz et sa machine industrielle-bureaucratique d'extermination massive d'êtres humains, nous interpelle en cette période charnière entre deux siècles pour au moins trois raisons principales :
(a) parce qu'il ne renvoie pas à un prétendu retour à des barbaries ancestrales ;
(b) parce qu'il constitue une rupture profonde dans la civilisation et dans la manière d'envisager l'idée de progrès ; et
(c) parce que ses leçons sont aujourd'hui - et continueront d'être - plus utiles et plus pertinentes qu'elles ne l'étaient il y a 55 ans.

Ainsi, si l'histoire se divise aujourd'hui entre un avant et un après Auschwitz, ceci est dû tant à « l'unicité » des chambres à gaz nazies qu'au fait que rien n'est plus pareil après elles. Si Auschwitz est à la fois « unique » et « moderne », ce n'est pas parce que d'autres manifestations de la barbarie humaine ayant fait encore plus de victimes (par exemple l'extermination massive et le génocide des populations indigènes du « Nouveau Monde » ou de l'Afrique par les conquérants et les colonialistes européens) ne l'ont pas précédé. En réalité, ce qui fait que Auschwitz ne ressemble à rien d'autre, qu'il n'est pas une simple répétition - peut-être encore plus meurtrière - des barbaries passées et, par conséquent, qu'il ne s'explique pas par une prétendue tendance « métaphysique » ou « innée » au retour à une autre époque (par exemple à ce Moyen Âge si vilipendé), c'est le fait qu'il aurait été impossible et impensable en dehors du capitalisme triomphant et de sa société bourgeoise !

DE LA RATIONALITÉ PARTIELLE À L'IRRATIONALITÉ TOTALE

Produit du monde occidental moderne et de son industrie développée, Auschwitz - selon Ernest Mandel - "fut une entreprise industrielle et non artisanale d'extermination. Voilà toute sa différence avec les pogromes traditionnels. Cette entreprise exigeait la production en masse du gaz Zyklon B, de chambres à gaz, de tuyauteries, de fours crématoires, de baraquements, de l'intervention massive des chemins de fer, sur une échelle telle qu'elle était irréalisable au XVIIIe siècle et dans la majeure partie du XIXe siècle, pour ne pas parler d'époques antérieures". Et Mandel poursuit : « Dans ce sens, l'holocauste est aussi (pas seulement, mais aussi) un produit de l'industrie moderne échappant de plus en plus au contrôle de la raison humaine et humaniste, c'est-à-dire de l'industrie capitaliste moderne propulsée par la concurrence exacerbée devenue incontrôlable ».

Mais, il y en a plus. Cette monstrueuse usine de mort a été rendue possible et a pu fonctionner dans cette période historique déterminée parce que seul l'État bourgeois développé lui a offert une autre de ses préconditions : la nécessaire mentalité bureaucratique, la « rationalité » quotidienne à courte vue de ses centaines de milliers d'exécutants directs et indirects. C'est à dire l'obéissance et la soumission aveugles au tout-puissant et « sacré » État-maitre, qui se traduisent par l'éventail bien connue d'attitudes allant de la autolimitation acritique de chaque individu à ses "devoirs" partiels et fragmentés (« je fais juste mon travail et tout le reste ne me concerne pas ») à la transformation des citoyens actifs en serviteurs involontaires de la doctrine « bon ou mauvais, c'est l'État » et mon pays...

Nous voici donc au cœur du monstre moderne puisque la question cruciale se pose légitimement à nous : si c'est bien notre époque qui a rendu Auschwitz possible, alors qu'est-ce qui nous garantit que nous n'assisterons pas à sa répétition ou même à quelque chose encore pire ? Malheureusement, la réponse est à la fois simple et tragique. Absolument rien ! Après Auschwitz, tout est désormais possible et nier cela catégoriquement ne peut que relever de l'irresponsabilité politique ! Ou, comme nous avertit Brecht : « Le ventre est encore fécond, d'où a surgi la bête immonde » !

Non, il ne s'agit plus seulement du monstre fasciste dont parlait Bertolt Brecht. Auschwitz n'est pas seulement l'exemple le plus extrême de la barbarie moderne. Dans son essence, il est avant tout une expression presque typique et exemplaire des tendances destructrices qui ont existé et continuent d'exister (et même, elles se développent toujours plus) au sein de nos sociétés bourgeoises à ce stade du capitalisme tardif. Si Auschwitz est à la fois une coupure et un symbole de l'ère capitaliste-impérialiste moderne, c'est parce qu'aucun autre « événement fondateur » de notre époque n'a mis en évidence aussi puissamment sa caractéristique dominante et sa contradiction suprême : la combinaison du rationalisme partiel le plus parfait avec l'irrationalisme total absolu. Le mariage de la plus grande rationalité des moyens avec la plus extrême irrationalité des fins !

Après tout, qu'est-ce que Auschwitz sinon cette « rationalité partielle mortifère » de l'organisation moderne du travail et de la technologie au service des objectifs les plus absurdes et les plus irrationnels, c'est-à-dire de l'entreprise cruelle et barbare d'extermination totale d'êtres humains uniquement parce qu'ils ont commis - en tant que Juifs et en tant que Tziganes - la « faute » ...d'exister ? Il ne s'agit même pas d'un objectif totalement « immoral », comme celui du Goulag stalinien, où des millions de Zek (prisonniers) ont été transformés en une force de travail trop bon marché pour la construction (forcée) de l'économie « socialiste ». Ici, nous sommes passés à un autre niveau de barbarie, qualitativement différent, qui ne peut s'expliquer ni par certains objectifs économiques des bourreaux, ni par leur haine raciste. Les Juifs, en tant qu'êtres humains condamnés exclusivement à l'extermination, ne peuvent évidemment même pas travailler comme esclaves, ni continuer à jouer le rôle de bouc émissaire que leur réserve l'antisémitisme traditionnel !

L'IDÉE DU PROGRÈS HISTORIQUE ET LA DESTRUCTION PLANÉTAIRE

« Indicible » et l'« impensable » d'Auschwitz ne se situent donc ni dans l'ampleur du crime odieux des nazis, ni dans les dimensions monstrueuses de leur antisémitisme, mais plutôt dans cette véritable cassure civilisationnelle, sans précédent dans l'histoire, qu'implique le mépris et l'abolition de fait de toutes les règles et tabous séculaires de la solidarité et de la coexistence les plus élémentaires des êtres humains. Étant donné le précédent d'Auschwitz (et d'Hiroshima), l'humanité peut affronter son avenir laissant la porte ouverte à toute éventualité, même celle de son anéantissement total !

Malheureusement, ce qui était autrefois une simple prémonition des plus perspicaces anatomistes de la réalité pitoyable d'aujourd'hui (Walter Benjamin, Léon Trotski, Ernest Bloch, ...) devient aujourd'hui plus ou moins un truisme qui tend à être adopté, même si c'est par fragments, par des millions de personnes dans tous les coins de la planète. Le dilemme de Rosa Luxemburg « socialisme ou barbarie » n'est plus d'actualité depuis longtemps, car nous vivons déjà dans la barbarie ! Par contre, un nouveau, encore plus tragique dilemme existentiel prend sa place, et est imposé comme inévitable : socialisme ou destruction de la planète et extinction de l'espèce humaine ! Maintenant, il ne s'agit plus « seulement » de la vague de génocides achevés ou inachevés qui déferle sur notre époque (Rwanda, Tchétchénie, Timor de l'est) et de l'épuration ethnique en ex-Yougoslavie, ni de l'horreur des 45 millions d'enfants du tiers-monde qui meurent tous les quatre ans de malnutrition et de manque de médicaments et d'eau potable, ni même de toute cette humanité martyrisée qui est sacrifiée sur l'autel de la maximisation effrénée du taux de profit. Il ne s'agit plus de tout cela, ni même de l'existence de la civilisation humaine, mais de quelque chose de plus, de qualitativement supérieur, de la destruction totale déjà promise et préparée par la cauchemardesque « irrationalité totale » capitaliste à l'air que nous respirons, à l'atmosphère, aux forêts, aux mers et aux terres que nous habitons, bref, à notre planète elle-même et aux hommes qui s'obstinent à y vivre !

Nouveaux problèmes, nouveaux dilemmes, nouveaux cauchemars universels qui bouleversent de fait les anciennes certitudes et les croyances traditionnelles. La première et la meilleure d'entre elles est la croyance aveugle dans l'inéluctabilité du progrès à laquelle l'espèce humaine serait « condamnée ». Alors que le vingtième siècle s'éteint, laissant derrière lui d'innombrables ruines matérielles et surtout spirituelles, il est aujourd'hui parfaitement justifié de constater, avec Daniel Bensaid, que « deux guerres mondiales, la barbarie des camps et du goulag, la croissance exponentielle des forces destructives ont depuis malmené ces croyances. L'effondrement des régimes bureaucratiques à l'Est, la prise de conscience que les ressources ne sont pas inépuisables et gratuitement offertes par la nature, le vertige devant les possibilités ouvertes par la biologie en matière de procréation ou de génie génétique, le brouillage des frontières entre la vie et la mort portent de nouveaux coups : les ailes d'ange du Progrès sont criblées de plomb ».

Oui, après tout, c'est l'idée même du long, linéaire et « inévitable » progrès historique de l'espèce humaine qui ne peut perdurer et doit être relativisée, voire fondamentalement révisée, à l'heure où la survie même de l'homme sur Terre est désormais en question, où « l'Apocalypse cesse d'être une vision prophétique pour devenir une menace tout à fait tangible ». Si à Auschwitz, ce sont les Juifs, les Tziganes, les homosexuels et quelques autres catégories d'« Untermenschen » (c'est-à-dire les « sous-hommes » auxquels les nazis refusaient tout statut humain) qui ont été offerts comme « matière première » à la machine dévoreuse d'êtres humains qui fonctionnait grâce à la coopération et à la convergence du racisme biologique, de la science-technologie moderne et de l'industrie capitaliste, maintenant c'est l'humanité tout entière qui est offerte comme cobaye pour l'expérimentation de l'énorme pouvoir destructeur que ce capitalisme tardif brutal a accumulé.

POUR LE SOCIALISME VISIONNAIRE DE LA NOUVELLE QUALITÉ DE VIE

Critique et révision de l'idée de « l'inéluctabilité du progrès », c'est aussi critique et révision d'un certain marxisme ! Un marxisme qui, même s'il cherche à remplacer la loi du profit par la satisfaction des besoins de l'humanité, "n'entend nullement bouleverser les fondements de la société identifiés à l'industrie, à la technique, à la science et au progrès ».

Jamais plus qu'aujourd'hui, ce marxisme déterministe, prosaïque et économiciste des « étapes » de l'évolution historique n'a été aussi irréaliste, inutile et surtout inefficace. Et jamais il n'est entré en collision aussi frontale avec le marxisme révolutionnaire émancipateur, visionnaire et humaniste qui ne se contente pas de « dépasser » la civilisation occidentale, mais cherche à renverser - ou plutôt à mettre à l'envers - le cours que cette civilisation occidentale a suivi pendant des siècles.

Il n'a donc rien à voir avec le marxisme vulgaire ankylosé qui dédaigne de voir le cours de l'histoire du point de vue des « perdants » qui sont condamnés ex-cathedra à n'être que... des « poussières de l'histoire » (comme c'était le cas autrefois, par exemple[u1] avec les Indiens « incivilisés » ou avec les petits peuples « historiquement arriérés », et bien plus récemment avec les ex-Yougoslaves ethniquement nettoyés ), et qui refuse obstinément de l'approcher à travers la possibilité d'une (imminente) catastrophe totale. Et bien sûr, rien à voir avec le marxisme bureaucratique de tant d'« épigones » qui croit toujours aveuglément à l'automatisme prétendument progressiste du développement des forces productives et à l'encore plus redoutée « domestication » de la nature (forcément hostile) par l'homme et la technologie « miraculeuse ».

Non, ce n'est pas un hasard si ce marxisme stalinien et social-démocrate « oublie » en permanence de proposer une vision stratégique, de réhabiliter l'utopie révolutionnaire, de proposer "une civilisation radicalement différente, une nouvelle qualité de vie, une nouvelle hiérarchie des valeurs, un autre rapport à la nature, des rapports d'égalité entre les sexes, les nations et les « races », des rapports sociaux de solidarité et de fraternité entre les peuples et les continents", un nouveau rapport radicalement différent (discriminations positives) entre le monde riche et le monde sous-développé. Et bien sûr, ce n'est pas un hasard - comme le souligne Bensaid - s'il adopte aveuglément « l'idée de progrès (qui) n'est que la forme plate, dévalorisée et embourgeoisée de cette capacité d'aller de l'avant, conduisant imperceptiblement à l'abandon de l'action politique au profit des automatismes techniques et marchands ».

Les dés sont jetés. La révolution ne peut plus être simplement - comme autrefois - « la locomotive de l'histoire », parce que rien ne justifie et n'impose sa nécessité historico-existentielle, autant que, plus que tout autre, elle seule doit tirer - comme le disait Walter Benjamin - le « frein d'urgence » qui arrête la course folle du train vers la destruction ! Désormais, le dilemme n'est plus le socialisme ou la régression de l'humanité. C'est le socialisme en tant que nouvelle civilisation ou la destruction de l'humanité ! Et qu'on ne vienne pas nous dire qu'il s'agit là d'une tâche extrêmement ambitieuse pour la révolution socialiste. N'oublions pas, en effet, que « on renonce d'abord à l'impossible, ensuite à tout le reste ».

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Proche-Orient. La paix selon Donald Trump : déstabiliser pour dominer

4 février, par Catherine Tricot — ,
Donald Trump n'est pas un homme de paix. Il dessine un projet de nettoyage ethnique et de déstabilisation de la région. Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières 28 janvier (…)

Donald Trump n'est pas un homme de paix. Il dessine un projet de nettoyage ethnique et de déstabilisation de la région.

Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
28 janvier 2025

Par Catherine Tricot

Un danger gigantesque point.

On commence à comprendre ce qu'est la paix selon Donald Trump. Certes elle ne passe pas par une d'intervention militaire américaine. Mais au proche Orient, il ne s'agit nullement de rétablir un ordre basé sur un accord entre les parties et le respect des droits des peuples. Pour Donald Trump, la paix entre Palestiniens et Israéliens ne relève ni d'un moyen ni d'un objectif pour le retour à une vie conjointe des deux peuples. Le président américain a tordu le bras au pouvoir Israélien pour que le cessez-le-feu soit signé. Mais il ne s'agit que d'une étape dans une autre perspective : celle d'une nouvelle dispersion du peuple Palestinien, de l'ampleur de celle de 1967. Il emploie le mot ordurier de « nettoyage » au sujet de la bande de Gaza. Donald Trump a évoqué samedi l'idée d'un plan visant à « faire le ménage », disant vouloir envoyer les Palestiniens de Gaza vers l'Égypte et la Jordanie.

Le Hamas et l'Autorité palestinienne ont évidemment rejeté et condamné ce projet. Mahmoud Abas déclare « le peuple palestinien ne renoncera pas à sa terre et à ses lieux saints. Nous ne permettrons pas que se répètent les catastrophes qui ont frappé notre peuple en 1948 et en 1967, (…) notre peuple ne partira pas ».

Dès dimanche, l'Égypte a refusé tout déplacement forcé des Palestiniens et a rejeté « toute atteinte à ces droits inaliénables, qu'il s'agisse de colonisation, d'annexion de terres, de dépeuplement de ces terres par déplacement, d'encouragement au transfert ou de déracinement des Palestiniens de leur territoire, que ce soit de manière temporaire ou permanente ». De son côté, la Jordanie qui accueille près de 3 millions de Palestiniens déplacés (plus de 25% du nombre d'habitants de la Jordanie, réfugiés avec de très faibles droits sociaux et sans droits politiques), a réaffirmé la position de son pays, celle d'une solution à deux États pour parvenir à la paix et son « rejet du déplacement forcé ». La Jordanie se fait pressante : « la résolution de la question palestinienne est une solution palestinienne : la Jordanie pour les Jordaniens et la Palestine pour les Palestiniens ». Le royaume de Jordanie pointe un enjeux qui apparait chaque jour de plus en plus central, celui de la redéfinition des frontières au Proche-Orient. Sont concernés : le Liban, la Jordanie, la Syrie et l'Égypte au travers du désert du Sinaï.

Donald Trump entend destiner Gaza à de mirifiques projets immobiliers en bord de méditerranée. Il veut affaiblir encore et encore les Palestiniens en les divisant physiquement, en rendant impossible leur capacité politique. Il veut les couper d'une mémoire ancrée dans les paysages, les villes et les maisons, leur mémoire matérielle, celle qui donne forme aux cultures. La Ligue arabe a raison de parler d'un projet de « nettoyage ethnique ».

L'enjeu est bien sur celui du devenir des Palestiniens en tant que peuple. Mais c'est aussi celui d'une région que Trump promet au dessein de Netanyahou. Ne vient-il pas de livrer les lourdes bombes demandées par le pouvoir d'extrême-droite israélien et retenues jusqu'alors par Biden ? Il apporte dès son arrivée son soutien aux suprématistes et nomme un ambassadeur de cette eau ?

Pour s'assurer qu'il n'y aura aucune résistance des pays arabes, il tord le bras à son meilleur allié, l'Arabie Saoudite et exige d'elle une baisse des cours du pétrole et qu'elle investisse 1000 milliards aux Etats-Unis comme il vient de le déclarer à Davos.

Trump ne veut pas la paix. Il veut inquiéter tout le monde pour le dominer.

Catherine Tricot

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Lettre ouverte en réaction à la hausse du salaire minimum

4 février, par Illusion Emploi de l'Estrie , Table d'action contre l'appauvrissement de l'Estrie (TACAE) — , ,
Plus tôt aujourd'hui, le ministre du Travail, M. Jean Boulet, annonçait que la prochaine hausse du salaire minimum sera de 0,35 $, le faisant passer de 15,75 $ à 16,10 $ dès le (…)

Plus tôt aujourd'hui, le ministre du Travail, M. Jean Boulet, annonçait que la prochaine hausse du salaire minimum sera de 0,35 $, le faisant passer de 15,75 $ à 16,10 $ dès le 1er mai. Illusion Emploi de l'Estrie et la Table d'action contre l'appauvrissement de l'Estrie (TACAE) dénoncent cette augmentation complètement déconnectée de la réalité des travailleuses et travailleurs en situation de précarité.

Une claque au visage

Selon le ministre du Travail, Jean Boulet, ce nouveau taux (16,10 $) permettrait d'atteindre un « bon équilibre » entre la préservation du pouvoir d'achat de ces travailleuses et travailleurs et la capacité de payer des PME. Mais dans quel monde vit-il ? Rappelons qu'en 2022, M. Legault a reconnu qu'il devait être difficile pour une personne de vivre avec un salaire horaire de 18 $. Trois ans plus tard, son gouvernement a le culot d'annoncer un salaire minimum en dessous de ce seuil et de nous dire que ça permet l'atteinte d'un « bon équilibre » ?!

Le Tribunal administratif du logement (TAL) vient de suggérer une hausse de loyer de 5,9%. Il s'agit de la plus importante hausse de loyer depuis 30 ans au Québec, qui viendra s'additionner aux hausses de loyer indécentes et à l'inflation galopante des dernières années. Ce sont les familles les plus vulnérables qui en paient le plein prix. Entre 2020 et 2024, le salaire minimum a augmenté de 20% alors que les loyers pour les logements disponibles ont augmenté de 44% à Sherbrooke pendant cette même période. L'augmentation du salaire minimum d'à peine 2,2% est définitivement plus proche d'une claque au visage que d'un « bon équilibre ».

Résultat : les personnes qui travaillent à temps plein au salaire minimum au Québec sont contraintes à vivre dans la précarité. Dans plusieurs cas, ces personnes doivent cumuler plusieurs emplois, avoir recours aux services des banques alimentaires ou simplement couper dans leurs besoins de base. Selon le Bilan-Faim 2024, le nombre de demandes d'aide auprès des banques alimentaires a augmenté de 55 % par rapport à 2021. Certains organismes en dépannage alimentaire, dont Moisson Estrie, sonnent l'alarme : la clientèle qui augmente le plus dans les demandes de services est celle des travailleuses et travailleurs à bas salaire ! Cette année, c'est une bénéficiaire sur 5 dans nos banques alimentaires qui ont un revenu de travail. Clairement, une décision comme celle du ministre Boulet maintient nos travailleuses et travailleurs à bas salaire dans la pauvreté et les force à avoir recours à nos banques alimentaires.

Année après année, nous voyons les populations en situation de précarité augmenter. Pendant ce temps, le fossé des inégalités ne cesse de se creuser et ce sont des ministres gagnant 230 000$ par année qui déterminent la situation financière des plus vulnérables de notre société. Le 2 janvier 2025, les PDG les mieux rémunérés de la province avaient déjà gagné l'équivalent du salaire annuel moyen (60 000$). Il faudrait presque deux ans à une personne au salaire minimum pour gagner ce que ces PDG font en une dizaine d'heures seulement.

Laisser des personnes vivre dans la pauvreté alors que d'autres monopolisent toutes les ressources est d'une violence inouïe, et cette violence s'intensifie et se perpétue par les constantes décisions politiques des gouvernements, dont celle de refuser d'adopter un salaire minimum décent.

Table d'action contre l'appauvrissement de l'Estrie (TACAE) et Illusion Emploi de l'Estrie

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