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Manif du 26 janvier 2025 : « Israël doit être arrêté ! »

Un cessez-le-feu est actuellement en vigueur à Gaza, mais personne ne doit se leurrer quant à son caractère permanent. Un cessez-le-feu est actuellement en vigueur à Gaza, (…)

Un cessez-le-feu est actuellement en vigueur à Gaza, mais personne ne doit se leurrer quant à son caractère permanent.

Un cessez-le-feu est actuellement en vigueur à Gaza, mais personne ne doit se leurrer quant à son caractère permanent. Le premier ministre criminel et génocidaire israélien Netanyahou a déjà exprimé son scepticisme quant à la prolongation du cessez-le-feu au-delà de cette première phase de six semaines, et il reste à voir si même cette première phase sera mise en œuvre comme elle le devrait. Une fois les otages israéliens libérés par Hamas, il est fort probable que les criminels à Tel-Aviv bombardent Gaza à nouveau.

Entre l'annonce et le début de la trêve, le gouvernement israélien a tué des centaines de Palestiniens à Gaza et a étendu sa campagne de génocide à la Cisjordanie occupée, où des colons juifs zélotes soutenus par les forces d'occupation israéliennes ont assassiné des centaines de Palestiniens depuis des mois et se concentrent maintenant sur le massacre des Palestiniens dans le camp de réfugiés de Jénine avec l'aide des forces de sécurité de l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, qui assume un rôle similaire à celui assumé par le gouvernement de Vichy lors de l'occupation allemande de la France pendant la 2e guerre mondiale.

Le nettoyage ethnique des Palestiniens n'a pas cessé, et il ne cessera pas à moins que les gouvernements occidentaux, y compris le gouvernement canadien, ne cessent d'armer et de financer le régime d'apartheid d'Israël.

Au cours des 15 derniers mois, le gouvernement israélien a détruit la plupart du système de santé de Gaza, les terres agricoles, l'accès à l'eau potable, des infrastructures et d'autres conditions nécessaires au maintien de la vie. Même si les Palestiniens de Gaza sont autorisés à reconstruire sans être bombardés, ils ne peuvent pas revenir aux conditions intolérables qui existaient avant octobre 2023, y compris les années de blocus illégal et déshumanisant de Gaza, un blocus ayant comme véritable objectif de voler le gaz naturel qui existe dans les eaux territoriales palestiniennes près de la côte de Gaza, ce qu''Israël fait depuis 2009.

La Cour internationale de justice a statué que le gouvernement israélien devait payer des réparations aux Palestiniens et mettre fin à son occupation illégale des territoires palestiniens, notamment Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est.

Pourtant Israël, cet état paria, continue d'agir dans toute illégalité avec impunité car des gouvernements tel que celui à Ottawa lui donne cette impunité et ainsi sont complices du génocide qui continue en dépit d'apparence du contraire.

Il faut arrêter Israël. Il faut cesser de lui envoyer des armes. Il faut désinvestir de cet état d'apartheid. Il faut que la Caisse de Dépôt et Placements du Québec désinvestisse des milliards qu'elle investit actuellement dans des compagnies liées à Israël ; il faut que le gouvernement du Québec ferme son bureau commercial à Tel Aviv, ce qui s'avère un soutien commercial au génocide ; il faut que le Fonds de Solidarité FTQ désinvestisse d'Israël car il le fait avec des fonds des Québécois et des Québécoises. Il faut que des clients de la Banque Scotia songent à changer d'institution financière, car Scotia a investi 500 millions dans la compagnie militaro-industrielle israélienne Elbit Systems qui fabrique ces drones qui détruisent des vies à Gaza. Il faut que le gouvernement du Canada cesse d'envoyer des armes à Israël. Il faut que les criminels à Tel Aviv qui gèrent ce génocide soient arrêtés et amenés à La Haye où ils seront jugés pour acte de génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité dont ils sont responsables.

Nos propres élus sont imputables pour toute action qu''ils entament qui s'avérerait un soutien au génocide et crimes de guerre d'Israël, en se rappelant du fait qu'il n'y a pas de prescription pour un acte du génocide, crimes de guerre ou crimes contre l'humanité, ni pour les auteurs de ces actes, ni pour ceux et celles qui les soutiennent.

Un dernier commentaire : il n'est pas antisémite de s'opposer à l'agression criminelle et inhumaine d'Israël ; c'est une obligation morale. Ne nous laissons pas détourner par un groupe au nombre restreint de manipulateurs qui se targuent de parler pour tous les Juifs du monde, et qui utilisent la diffamation de l'antisémitisme pour faire taire les critiques de l'apartheid israélien.
Justice avant tout. Vive la Palestine libre !

Bruce Katz est membre fondateur et co-président de Palestiniens et Juifs. PAJU est membre de la Coalition Québec Urgence. Palestine. (https://urgencepalestine.quebec/)

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Redonner le goût de Saint-Roch !

4 février, par Gilles Simard — , ,
N'en déplaise aux jovialistes et aux porteurs de lunettes roses, Saint-Roch est malade. Très. Déconcerté et dépossédé. Voilà comment je me sens quand j'arpente ce (…)

N'en déplaise aux jovialistes et aux porteurs de lunettes roses, Saint-Roch est malade. Très.

Déconcerté et dépossédé.

Voilà comment je me sens quand j'arpente ce centre-ville de Québec qui est le mien depuis plus de soixante ans.

J'ai beau nicher à un battement d'aile de l'endroit, je ne vais plus au Parc Jean-Paul L'Allier, ce véritable poumon urbain au cœur de la basse-ville, précieuse oasis de verdure et de fraîcheur où il faisait si bon respirer avant. Pire, moi, un inconditionnel de Saint-Roch, un ancien « bum » même, j'évite maintenant le parvis de l'église et j'ai beaucoup moins de plaisir à aller flâner entre les rayons de la nouvelle bibliothèque Gabrielle-Roy, si belle et si lumineuse soit-elle. N'en déplaise aux jovialistes et aux porteurs de lunettes roses, Saint-Roch est malade. Très.

Trop de pollution, d'îlots de chaleur et pas assez de canopée ; trop de chantiers et d'encombrements dans les rues et sur les trottoirs ; trop de commerces qui ferment et trop de franchises insipides qui prennent le relais en anglais : Uppercut barber shop, Holy choco, Midnight blue, Grizzly fuzz, etc. ; trop de peinturlurages et de gribouillages sur les murs des maisons et des édifices ; trop de crachats, de souillures et de cochonneries dans les allées, les plates-bandes et sur les bancs des espaces publics ; trop de délabrement, de cris, de hurlements et d'incivilités de toutes sortes. Trop de trop !

C'est comme si partout le laid voulait l'emporter sur le beau. L'immonde et l'avilissant sur le net et l'authentique. C'est comme un magma de décrépitude qui sourd des bas-fonds. Ça suinte et ça dégouline. Mon centre-ville est cassé et souffrant. Il étouffe. Il suffoque…
Mais au fait, qu'est-ce qui a tant changé depuis avant la pandémie ? Quel est cet éléphant dans la pièce que nous avons si peur de nommer et qui est venu bousculer l'ensemble ? Eh oui… Une population itinérante accrue, avec en prime la maladie mentale et la dépendance aux drogues bon marché. Un combo de comorbidité devenu un vortex de détresse humaine qui tourne et stagne au-dessus de la basse-ville et ses alentours ; un gros nuage noir qui enfume tout le reste... Flâner librement sur la rue, musarder et lécher les vitrines en toute quiétude, rêvasser devant la fontaine, les petites joies urbaines quoi.

La faute à qui tout ça ?

Un soir, cet été, au parc Jean-Paul L'Allier, en voyant un forcené décapiter rageusement un pauvre amélanchier avec un bâton de hockey, j'ai compris (sans nécessairement excuser le geste) qu'au fond, la colère et la violence de cet homme ne faisaient que refléter notre propre colère à nous, les « normaux » … Nous qui nous sentons de plus en plus impuissants, délaissés et résignés par la grosse machine d'état, le système de santé, les institutions et tous les services que le gouvernement n'est plus à même de nous fournir. Veut veut pas, normaux et poqués, nous sommes tous dans le même goulot d'entonnoir. Et ce n'est qu'en agissant ensemble que nous allons trouver moyen d'en sortir.

Cela dit, est-ce la faute aux itinérants, aux « multipoqués » et aux désaffiliés, si l'ambiance sociale s'est ainsi plombée en ville ? Est-ce leur faute s'il manque de logements sociaux, d'argent frais, de personnel et de locaux disponibles pour un ajout de centres de crise et de haltes chaleur ? Est-ce leur faute si les paliers municipaux et provinciaux mettent plus d'énergie à se crêper le chignon qu'à mener des actions pérennes et concrètes ? Leur faute, si pour des raisons d'austérité Legault et Carmant réduisent l'aide en santé mentale et poussent l'absurde jusqu'à fermer une institution aussi utile et bien implantée que le « 388 Saint-Vallier » dans Saint-Sauveur ?

Un projet à échelle humaine plutôt qu'une tour-hôtel de vingt étages

Certes, la Ville fait des efforts louables en matière d'itinérance et autres, le travail des organismes communautaires sur le terrain est toujours aussi admirable et l'implication citoyenne au centre-ville est remarquable. Mais ce n'est pas assez et la patience et la résilience d'un peu tout le monde ayant ses limites, il faudra beaucoup plus que ça pour tirer Saint-Roch vers le haut. Et beaucoup plus aussi que les sérénades sur la bienveillance et le serinage à n'en plus finir sur la cohabitation harmonieuse et tout le tintouin. L'élastique est étiré au maximum. L'heure est grave. Il faut un électrochoc majeur, un élément clé, un geste fort, quelque chose qui pourrait servir de liant aux actions concertées de « toute » la communauté. Quelque chose, une mesure d'envergure qui pourrait fort bien ressembler à ce que fut l'avènement du parc Jean-Paul L'Allier pour le renouvellement du vieux « Saint-Roch Plywood », au temps de la guerre des motards et de la morosité économique des années 90.

Un événement majeur donc, qui pourrait être n'importe quoi sauf le projet discordant et disproportionné de tour-hôtel de vingt étages des frères Trudel à l'Îlot Dorchester en basse-ville. On ne règle pas un problème en faisant de la fuite par en avant. Two wrongs don't make a right, n'est-ce pas ?

Et pour redynamiser le quartier, pour redonner le goût du centre-ville à tout le monde, pourquoi pas un projet de développement de l'Îlot Dorchester qui serait à échelle humaine et qui pourrait s'inspirer de celui que le regretté architecte et militant Marc Boutin avait présenté en 2015 ? Ça, ou n'importe quel chantier d'aménagement urbain majeur s'inspirant de ce que l'on s'apprête à construire à l'Îlot Saint-Vincent-de-Paul suite aux longues luttes de terrain des différents groupes et comités de citoyens locaux ?
Pour sûr, ça ramènerait Saint-Roch et son chien à la surface, et ça nous redonnerait le goût du centre-ville. Le goût de Saint-Roch.

Gilles Simard, auteur et citoyen de Québec.

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D’une Survivante à l’autre. . .

4 février, par Éliette Anderson Rioux — , ,
Impétueuse, l'œuvre d'une Québécoise de 86 ans qui est atteinte d'Alzheimer depuis dix ans. Éliette Anderson Rioux se considère une femme tout à fait ordinaire. Cependant, (…)

Impétueuse, l'œuvre d'une Québécoise de 86 ans qui est atteinte d'Alzheimer depuis dix ans. Éliette Anderson Rioux se considère une femme tout à fait ordinaire. Cependant, l'immense courage dont elle fait preuve tout au long de sa vie à combattre oppression et injustice, surtout celles subies par les femmes, démontre qu'elle est, en fait, une personne tout à fait extraordinaire.

Impétueuse rassemble son récit de vie, ses articles et ses poèmes. Des textes qui, par l'intensité de sa verve et de son écriture, nous interpellent.

L'histoire d'Éliette illustre ce qu'était, dans les années 1950, la vie au fin fond de la vallée de la Matapédia d'une famille québécoise tellement pauvre qu'ostracisée par curé et villageois. Et, aussi et surtout, elle illustre le parcours fort difficile mais tellement impressionnant d'une militante du féminisme au Québec, dénonçant l'injustice subie par toutes les femmes depuis des millénaires, et, en particulier, les lesbiennes.

De son enfance et adolescence dans un rang de la vallée de la Matapédia comme aînée de 13 enfants, et des mois après son arrivée à Montréal à 18 ans, Éliette nous parle de misères et humiliations, mais aussi de sa détermination à vivre et de sa curiosité pour le vivant. Après avoir vécu une dépression sévère à Montréal, la vie d'Éliette reprend sens, à travers sa démarche en thérapie et lorsqu'elle décide de recommencer ses études, interrompues à 12 ans, et qu'elle s'inscrit plus tard au Cégep. Elle se lance alors dans un militantisme féministe radical, en s'exprimant par poésie et rédigeant de nombreux articles percutants dans Les Têtes de pioche, le journal des femmes qu'elle cofondait avec d'autres militantes en 1976.

Ce texte a été publié en 1978, par une revue féministe française, « Sorcières ». Les éditrices françaises voulaient sortir un numéro spécial consacré à la littérature féministe québécoise. C'est dans ce cadre qu'Éliette a été sollicitée pour leur envoyer un texte. Elle a écrit un vibrant hommage à sa mère, plein de colère pour sa vie difficile et débordant d'amour filial.

Veille de Noël 1954, il n'y a plus de nourriture dans la maison. L'père veut pas descendre au village. Il est honteux, car le crédit que nous accorde le marchand en attendant le chèque d'allocations familiales dépasse de loin ce montant... Et c'est toi m'man, toi et moi. Toi enceinte pour la neuvième fois… moi avec mes quatorze ans. Nous deux ensemble dans la carriole tirée par la jument empruntée au voisin, qui nous dit :

« Ne la faites pas courir, car elle pourrait prendre froid en revenant. »

Huit miles à parcourir au pas, avec un froid de moins 20 degrés Fahrenheit, de vieilles couvertures pour nous protéger un peu. Nos narines se pincent, nos bouches se contractent, tous nos muscles raidis par l'effet de froidure, à peine osons-nous ouvrir la bouche, laissant passer quelques mots emportés par le vent.

Nous sommes parties vers sept heures et ce n'est qu'aux environs de minuit que nous sommes rentrées à la maison. Transies des pieds à la tête. Tout le long du trajet il nous avait fallu souffler dans nos mains et se frotter le nez et les joues pour empêcher les engelures. Nous avions obtenu la nourriture au prix d'une honteuse patience, et de l'humiliation encore une fois endurée pour que toute la famille puisse se nourrir. Nous étions des « presque mendiantes ».

Tu t'souviens comme on jasait sur notre compte, on les avait tous sur notre dos. Tout un village jasant sur nous autres. On pouvait quasiment dire que nous avions de
l'importance !

Seulement voilà, tout ça est passé, c'était en 54... Depuis il y avait eu certains changements à ta condition de servante. Tes neuf filles et tes trois garçons avaient grandi. Quelques-unes et uns firent comme les autres et se marièrent ! Les deux dernières demeuraient avec toi. Toi tu avais laissé tomber ton bonhomme… et tu t'en trouvais bien ! Jusqu'à ce 25 avril...

Écoute m'man, pourquoi t'es partie si vite ? J'savais que t'étais pas éternelle... mais j'arrivais pas à m'en faire une idée. C'est pour ça que lorsque je te rendais visite je n'osais pas te parler de certaines choses du passé. J'me disais que j'avais l'temps, plus tard, une autre fois... J'oubliais que si moi, j'avais l' temps, toi, c'était moins sûr ! pis ta vie me faisait mal. Ta vie te faisait mal. J'pouvais pas te poser des questions sur ce qui m'était arrivée à l'âge de neuf ans, tu t'rappelles le black-out que j'ai eu à ce moment-là ?

Dont je ne connais pas la raison et que toi seule en possédait le secret. Aujourd'hui c'est trop tard. T'as même pas eu l'temps de me dire bonjour : « Bonjour ma fille, j'm'en vas ailleurs… j'suis tannée d'être ici. » Tu devais être ben fatiguée car ça pas été une traînerie ! C'soir là, tu ne m'as pas parlé, tu m'as envoyé des petits signaux de détresse que j'n'ai compris qu'après.

Ce 25 avril 1977. Six heure trente du soir (déjà un mois hier !), assise sur le pied de ton lit, tu es tombée, foudroyée, fauchée, sans un mot, sans pouvoir dire ton mal... tu ne disais jamais ta souffrance m'man. J'ne suis pas allée t'voir c'soir-là, tu étais si présente, en moi, autour de moi. J'me suis assise sur le vieux sofa et j'ai pleuré en pensant à toi, à ta vie plus encore qu'à ta mort… ta mort c'est à moi qu'elle faisait mal. Ta vie c'est à toi qu'elle a dû faire mal.

Ta vie de femme, escamotée, volée par les autres. Tu n'étais qu'une grande peine ! Que je n'osais pas toucher… C'était tout renfermé là, au plus creux de toi, de ton cœur qui attrapait le plus gros des coups, cœur fatigué, stop, s'est arrêté. J'te sentais... la dernière fois que j't'ai vue j'me suis sentie inquiète. Nous avions soupé toutes les deux et nous avons jasé de choses et d'autres, ensuite nous avons regardé la télé, et comme d'habitude tu t'es endormie... Ton visage s'était détendu. J'pouvais voir toutes les marques, les petits sillons de souffrance autour des yeux et de la bouche.

Les soucis creusaient sur ton front des tirets pas effaçables. J'ai pensé : « M'man a l'air fatigué », et ça m'a pincé le cœur.

Après ce soir-là, je ne t'ai plus revue vivante… j'tai revue à cet endroit, tu sais, là où « ils font d'l'argent avec ceux qui meurent ! » Ça m'a révoltée. J'me suis dit : « Ils font d'l'argent avec nos vies de femmes et avec notre mort ! » Ça m'écœure. T'as vu, ils t'ont envoyé beaucoup d'fleurs… ben plus que quand t'étais en vie ! Y en a parmi eux qui t'aurais même pas fait cadeau d'un sourire, quand tu les rencontrais… Des qui t'ont même pas offert un peu d'chaleur, un peu d'compréhension, un peu d'aide durant tes années de misère de vie. Là, c'était pas pareil… « Faut faire semblant, pis ça paraît bien, pis ça occupe les regards, et les esprits ! » « Pis-c'est-ti-beau, elle a reçu beaucoup de fleurs, hein ! »

J'm'en sacre pas mal, j'suis sûre que toi aussi tu t'en sacres ben maintenant… si ça les amuse…

Moi je te regarde. Je te touche. Je te murmure des mots tout pleins de tendresse, pleins à ras-bord d'amour pour toi m'man. J'suis folle m'man, j'te caresse les mains, j'te communique ma chaleur, j'ai mal m'man... j'ai le goût de lâcher un grand cri, pour les faire partir… j'voudrais être seule avec toi. Tes mains, tes mains rondes de travail, jamais pour toi. Travail pour les autres, toujours. Gestes de toutes ces journées répétées, répétées jusqu'à la fin.

ILS ne t'ont pas joint les mains… une chance, j'les aurais pas laissé faire ! ILS n'avaient pas le droit ! j'tai regardée attentivement pour la dernière fois. Tu avais comme, un p'tit sourire... le sourire d'une femme satisfaite d'avoir stoppé ce cercle infernal de « la vie vécue pour les autres. » M'man tu es partie, emportant avec toi des grands bouts de ma vie.

C'est comme si on m'volait quelque chose. Ça fait mal en d'dans... ça tire de partout dans mon corps m'man. J'pleure en déjeunant, toute seule au bout de la table, les yeux regardant du côté où t'habitais. Larmes rondes, chaudes se déroulant lentement, suspendues un instant au bord des cils, au bout du nez. Larmes irrépressibles, incontenables.

J'ose te demander ton aide : « Aide-moi, j'suis une femme m'man, comme toi. Tu sais ce que ça veut dire, être une femme ! Tu sais c'que j'vis... c'que nous vivons toutes. Cette merde qui nous entoure, nous écrase, nous engloutit.

Alors aide-moi à continuer, car parfois j'en peux plus. V'là deux semaines, j'me traînais de désespoir, j't'ai demandé : « Viens m'chercher, j'serais ben avec toi, on se comprenait si bien toutes les deux. Pis j't'ai entendue, ta voix disait :

« Il faut vivre ma fille, vivre pour toi, ne fais pas comme moi ne te laisses pas faire. »

J'ai eu honte un peu, j'ai repris mon espérance de femme et je continue.

Si j't'écris tout ça aujourd'hui, c'est que c'est essentiel, nécessaire et vital pour ma vie.
Ça fait quelques jours que j'en avais envie, mais j'étais trop collée à ma peine. J'suis contente de t'avoir dit tout ça. Tu sais la rue Masson... cette rue où tu te rendais acheter tes provisions, ben à chaque fois que je m'y retrouve il me semble que je vais t'apercevoir, c'est plus fort que moi. J'te vois un peu partout.

L'autre jour, j'ai vu une femme qui t'ressemblait tellement que j'suis restée figée quelques instants. Ce n'était pas toi. Je ne te verrai plus. Je regarde les photos que j'ai de toi et je pleure. Depuis ta mort je me rends compte que je suis portée à regarder les femmes qui ont ton âge comme si j'voulais retrouver un peu de toi et aussi parce que leurs vies me rappellent la tienne.

Des vies de femmes sacrifiées, mutilées, oubliées, dont le regard me cogne comme un coup de massue sur la tête. Même lorsqu'elles rient, y a quelque chose qui sonne le fêlé… la fêlure enfouie au creux du corps, au plus creux du cœur. J'entends le bruit sourd, unique, universel de l'asservissement des femmes et j'ai peur. Ce grand silence de la vie de toutes les femmes parfois m'anéantit. J'oubliais de te dire que le matin quand on s'est retrouvé à l'église (toi qui ne voulais pas ça !) … le curé idiot comme peuvent l'être des curés… marmonnant ces inutiles prières, m'a fait sauter sur mon banc quand il a dit : « Accueillez dans la maison du Père votre servante ! »

J'pensais à toi placée à côté de nous et j' t'imaginais avec un grand rire rempli de moquerie et de révolte disant : « Ça va faire, j'ai eu assez d'vous torcher et de vous servir toute ma vie, vous pensez toujours pas que j'vas continuer l'autre bord, non. » Pis la maison du Père tu l'as assez vu… J'espère que t'as trouvé une maison de la Mère, ça serait légitime, hein m'man ! J't'ai assez jasé pour aujourd'hui, on s'reprendra une autre fois. Puisque maintenant on a tout not'temps. . J't'embrasse, à bientôt Antoinette, à la prochaine m'man. Ta fille Éliette qui a ben d'là difficulté à croire que c'est ben vrai que t'es plus là !

Éliette Rioux
Rioux Éliette. D'une survivante à l'autre. Sorcières : les femmes vivent, n°14, 1978. La jasette. pp. 32-34 ;
https://www.persee.fr/doc/sorci_0339-0705_1978_num_14_1_4295

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Amazon c’est du capitalisme sauvage !

4 février, par Jim Stanford — , ,
Voici des extraits de l'article de Jim Stanford. Jim Stanford est un économiste de gauche qui travaille au Center for future work de Vancouver. Vous trouverez l'article (…)

Voici des extraits de l'article de Jim Stanford. Jim Stanford est un économiste de gauche qui travaille au Center for future work de Vancouver. Vous trouverez l'article intégral sur le site de Canadian Dimension . Traduction et extraits choisis par Jean-Pierre Daubois avec la permission de l'auteur.

Avec 30,000$ de profit estimé pour chacun de ses 45,000 employés canadiens,c'est évident « qu'on comprend » qu'Amazon n'a pas les moyens d'accepter qu'un syndicat demande de meilleurs salaires et conditions de travail. La décision d'Amazon de fermer ses 7 entrepôts au Québec c'est du terrorisme économique.

« Le terrorisme est défini comme un acte de violence, blessant généralement des innocents, un acte motivé par un objectif politique ou idéologique. »

« La vie des 1 700 travailleurs qui perdent leur emploi sera profondément affectée ; certains ne s'en remettront jamais. La douleur sera partagée par leurs familles et leurs communautés. »

« Ces travailleurs étaient clairement innocents dans la chaîne d'événements qui a conduit aux fermetures. Un syndicat a été formé et accrédité l'année dernière dans un entrepôt de Laval. Les travailleurs des six autres entrepôts sont des victimes collatérales dans la guerre d'Amazon contre la syndicalisation. »

« Le droit constitutionnel et le droit du travail canadiens reposent depuis longtemps sur le principe que les travailleurs doivent avoir la possibilité de se regrouper librement au sein de syndicats afin de pouvoir négocier collectivement avec leurs employeurs. Cela est nécessaire pour compenser, au moins partiellement, le déséquilibre inhérent au pouvoir entre les travailleurs et leurs employeurs surtout quand l'employeur est une multinationale toute-puissante. »
(…)

« Ce déséquilibre de pouvoir entre les travailleurs et les employeurs, commun à l'ensemble du capitalisme, est extrême dans le cas d'Amazon. Amazon est le deuxième plus grand employeur privé au monde : en 2024, l'emploi mondial a atteint plus de 1,5 million de travailleurs. »
(…)

« Amazon était motivée en partie pour éviter les augmentations des coûts de main-d'œuvre découlant d'un nouveau contrat à Laval (et, par la suite, dans d'autres sites). Mais son objectif principal était d'envoyer un message idéologique puissant et effrayant aux travailleurs de tous ses autres sites - pas seulement au Québec ou au Canada, mais partout - en attaquant 1 700 travailleurs innocents au Québec. Ne pensez même pas à réclamer de meilleurs salaires et de meilleures conditions. Nous vous ferons taire et nous détruirons votre vie. »
(…)

« Le jour même de l'annonce des fermetures au Québec, le cours de l'action d'Amazon a atteint le record historique de 235 $US. Cela implique une capitalisation boursière de 2,5 billions de dollars, également un record, qui place l'entreprise au quatrième rang mondial des entreprises les plus riches. Deux jours avant la fermeture, le président et principal actionnaire d'Amazon, Jeff Bezos, était assis au premier rang lors de l'investiture de Trump, applaudissant le manifeste antidémocratique de ce dernier (y compris ses menaces contre la souveraineté et le territoire du Canada et d'autres pays). »

« Dans les 80 jours qui ont suivi l'élection de Trump, la capitalisation boursière d'Amazon a augmenté de 20 % (soit 420 milliards de dollars américains). La part personnelle de 9 % de Bezos dans l'entreprise a gagné 36 milliards de dollars en valeur, ce qui fait qu'il vaut maintenant 210 milliards de dollars. La capitalisation boursière d'Amazon vaut désormais 1,6 million de dollars pour chacun de ses 1,5 million de travailleurs dans le monde, mais l'entreprise est déterminée à empêcher chacun d'entre eux de récupérer ne serait-ce qu'un peu de ce surplus capitalisé. »

« Amazon ne communique pas de données financières sur ses activités au Canada. Elle publie un « rapport d'impact » annuel qui vante ses bonnes actions et ne mentionne même pas les termes « revenus » ou « bénéfices ». Sur la base de la part supposée du Canada (calculée au prorata du PIB relatif) dans l'ensemble du segment nord-américain d'Amazon, j'estime que l'entreprise a généré plus de 700 000 dollars de revenus et 30 000 dollars de bénéfices d'exploitation pour chacun de ses 45 000 employés canadiens. »
(…)

« Les liens entre l'oligarchie américaine, le monopole des entreprises …, l'érosion de la démocratie et de la souveraineté et les attaques contre le niveau de vie des travailleurs sont on ne peut plus clairs. Les actions d'Amazon montrent clairement que les problèmes des travailleurs au Canada proviennent du pouvoir des entreprises, et non des faux boucs émissaires : le prix du carbone, l'immigration, en passant par le « wokeness » tel que propagés par la droite populiste. »

« Les fermetures d'Amazon constituent une attaque flagrante, cruelle et antidémocratique contre tous les travailleurs, qui exige une réponse forte de la part des syndicats et des mouvements sociaux dans toutes les régions du Canada. »

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Appel de Jim Stanford à la lutte pancanadienne contre Amazon

4 février, par Marc Bonhomme — , ,
L'IRIS vient de publier en français la prise de position de Jim Stanford, renommé économiste de gauche, dans la revue Canadian Dimension où, fort à propos, il traite de « (…)

L'IRIS vient de publier en français la prise de position de Jim Stanford, renommé économiste de gauche, dans la revue Canadian Dimension où, fort à propos, il traite de « terroriste économique » l'entreprise Amazon qui vient de sauvagement fermer ses sept entrepôts et centres de distribution du Québec pour punir son peupletravailleur d'avoir syndiqué, à Laval, le premier et seul lieu de travail de l'entreprise au Canada.

Dans cet article, Stanford tout en soulignant le pouvoir exorbitant de monopsone vis-à-vis ses employé-e-s (et ses fournisseurs) montre la relative vulnérabilité d'Amazon due non seulement à la législation québécoise du travail par rapport à celles des ÉU et à maintes provinces canadiennes mais aussi sa dépendance à rester localisé au Québec pour servir sa clientèle, d'où sa stratégie du marteau-pilon pour fermer la porte à toute syndicalisation en traînée de poudre.

Pour y arriver à ses fins, dit-il, Amazon mise sur une myriade de sous-traitants embauchant des travailleur-se-s « à la tâche », donc difficile à syndiquer. Comme parades, Stanford propose « la certification [syndicale] automatique des soustraitants qu'Amazon prévoit embaucher » ou « à mobiliser la loi sur les décrets de convention collective du Québec. Il s'agit d'une disposition de longue date qui permet de négocier des conventions collectives (généralement par plusieurs employeurs et un ou plusieurs syndicats) et de les étendre à plusieurs lieux de travail dans une industrie ou une région spécifique. » La moindre des choses de la part des gouvernements, ajoute-il, serait de priver l'entreprise de toute subvention ou contrat.

Enfin, Stanford rappelle que l'alliance stratégique de Bezos (y compris son entreprise billionnaire) et de ses copains milliardaires avec Trump qui de son côté, aurait-il pu compléter, se livre à un terrorisme politico-économique vis-à-vis le peuple-travailleur surtout racisé étatsunien tout comme celui des pays dit alliés. Finalement, l'auteur appelle à « une réponse forte de la part des syndicats et des mouvements sociaux dans toutes les régions du Canada [et pourquoi pas aussi des ÉU]. » C'est certainement plus pertinent que les compréhensibles mais inefficaces réponses individuelles de boycott qui s'épuiseront rapidement. Stanford n'appelle pas à une réouverture des entrepôts et centres de distribution fermés. Cette revendication, en plus de paraître perdante dans un face-à-face compagnie mouvement syndical qui commence à peine à remonter la pente, permet difficilement la politisation de l'affrontement, ce que facilitent les suggestions de Stanford impliquant des modifications législatives.

Cette confrontation à l'encontre d'un géant nord-américain et mondial dépasse en effet la seule CSN — mais il faudrait son initiative — qui en plus d'être minoritaire au Québec même, et quasi absente en dehors, syndique principalement dans les secteur public. Voilà une chance inouïe d'unité pancanadienne. Même nordétatsunienne, du mouvement syndical et encore plus. Et il faudrait effectivement une « réponse forte » comme le dit Stanford ce qui commence sans doute par de grandes manifestations mais les dépassent. Ce qui alimenterait la colère sousjacente tout-à-fait nécessaire à la mobilisation de cette ampleur serait la combinaison de la lutte anti-Amazon à celle plus générale anti-Trump. Assurer la viabilité de cette combinaison nécessiterait cependant un approfondissement des revendications proposées par Stanford.

Pour reprendre les termes de la partie finale d'un article précédent, l'alternative au crypto-fascisme trumpien s'imposant au Québec et au Canada suite à leur dépendance financière et commerciale envers les ÉU, cristallisée par l'ACEUM, est la solidaire décroissance matérielle. Celle-ci coupe court tant au sauvetage des transnationales anciennes liées au traditionnel extractivisme pétro gazier de l'Ouest canadien qu'à celui des transnationales ascendantes du nouvel extractivisme toutélectrique-électronique des économies manufacturières et minières de l'Ontario et du Québec. Cette solidaire décroissance matérielle, qu'on peut abstraitement qualifié d'écosocialisme en y associant la planification démocratique balaie la prééminence du marché sous le joug du capital financier. Elle laisse toute la place aux services publics écoféminisés devant s'élargir au logement social écoénergétique, à généraliser à tout le monde, et au transport public à substituer à l'auto solo.

Amazon roule à la très matérielle consommation de masse, carburant à l'obsolescence programmée, qu'elle amplifie par ses promotions et à l'abus de l'individualisation du transport des marchandises qu'elle généralise. En plus de réclamer seulement la seule syndicalisation et réglementation du secteur de la distribution des marchandises — ne faudrait-il pas exiger le retour du monopole de Poste Canada banquerouté par le secteur privé ! — pourquoi ne pas réclamer aussi que les gouvernements imposent à Amazon une amende salée, et même une taxe compensatoire, pour financer le recyclage de ses ex-employés dans les services publics qui en ont rudement besoin. Après tout, Amazon ne renonce à aucune vente. C'est là un privilège, ce n'est pas un droit, qui se paie.

Marc Bonhomme, 1er février 2025
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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Qui y-a-t-il à attendre de Pierre Poilievre ?

4 février, par John Clarke — , ,
Sous P. Poilievre, les Conservateurs pourraient bien nous donner le plus réactionnaire et dangereux gouvernement de l'histoire du Canada John Clarke, Canadian Dimension, 14 (…)

Sous P. Poilievre, les Conservateurs pourraient bien nous donner le plus réactionnaire et dangereux gouvernement de l'histoire du Canada

John Clarke, Canadian Dimension, 14 janvier 2025
Traduction, Alexandra Cyr

Ce serait à peine faire preuve d'un pessimisme sans fondement que de conclure que l'accablante possibilité de l'élection d'un gouvernement conservateur sous la direction de Pierre Poilievre lors de la prochaine élection fédérale soit réelle. Les sondages le confirment clairement et sans relâche. Ipsos leur accorde maintenant une avance de 25 points devant les Libéraux. Ce qui reflète le fait que la démission fracassante de Chrystia Freeland a encore empiré la situation.

La décision inévitable mais toujours reportée de Justin Trudeau de quitter à regret la direction de son parti ne peut être considérée que comme une opération salvatrice. Il fallait le remplacer mais comme c'est un tant soit peu improvisé de sélectionner un.e remplaçant.e le processus donne un semblant de justification pour la prorogation du Parlement jusqu'en mars. Mais rien de tout cela ne va tirer les Libéraux d'affaire. Cela ne permettra que la reprise des travaux du Parlement pour quelques mois. Il est très peu probable que le nouveau chef ou la nouvelle cheffe, choisi.e parmi un groupe discrédité, puisse arriver à renverser l'avance déterminante des Conservateurs, même de proche. Se débarrasser de Justin Trudeau pourra assurer aux Libéraux le rôle d'opposition officielle, mais même cela est loin d'être certain.

Depuis le début, les reportages montrent que P. Poilievre n'a aucune intention d'être accommodant et qu'il se saisira de toutes les occasions pour s'assurer que l'impopularité de J. Trudeau soit reportée sur la personne qui le remplacera. Après une décennie de gouvernements libéraux de plus en plus discrédités, ce ne sera peut-être pas une tâche difficile. J. Trudeau est parti mais le Parti conservateur a toujours le vent dans les voiles.

Les Libéraux ont fait leur temps comme gouvernement mais leur déclin se situe dans une tendance internationale : les Partis centristes ont de plus en plus de mal à se maintenir au pouvoir devant les défis que leur apporte la droite populiste. L'incapacité de l'administration Biden-Harris à offrir une alternative à D. Trump en est un exemple manifeste. Les Conservateurs canadiens vont pouvoir bénéficier de la victoire de D. Trump.

À l'attaque !

Un régime dirigé par P.Poilievre sera sûrement déterminé à imposer des politiques d'extrême droite. Durant la course à la chefferie conservatrice en 2022, j'ai écrit un article pour Counterfire au Royaume Uni. J'y soutenait que le « couronnement de P. Poilievre à la tête du Parti est l'accumulation de luttes pour son contrôle entre une aile modérée qui voulait préserver le rôle du capitalisme canadien comme organisateur politique calme et fiable et un autre courant de droite prêt à accommoder la colère réactionnaire qui grandit à la base et la périphérie du Parti ». Aujourd'hui, au bord du pouvoir, les Conservateurs se préparent à leur rôle longuement anticipé, celui de l'attaque. P. Poilievre voudra à tous prix prouver qu'il est décidé à agir fortement. Il voudra agir vite défiant les oppositions et mettant en place des mesures solides comme D. Trump le fait au sud de la frontière.

Récemment, la presse canadienne rapportait l'entrevue qu'un bien connu de la droite « intellectuelle publique », Jordan Peterson a tenu avec P. Poilievre. Immédiatement, E. Musk, ce riche et obscène entrepreneur de l'extrême droite internationale, s'est empressé de les féliciter. Par ailleurs il a publié une annonce depuis : « une base chrétienne luttant contre l'avortement en Indiana et qui cherche à protéger « les enfants non encore nés.es ».

Au cours de cette longue entrevue, P. Poilievre a démontré comment son conservatisme est différent de celui relativement contenu et prudent de sa période antérieure. Aucun vocabulaire conciliant eut égard au changements climatiques et à l'environnement. Au contraire, il a critiqué les grandes compagnies qui ont cédé devant les soit disant environnementalistes libéraux débridés. Il s'est engagé à donner aux compagnies du secteur des énergies fossiles toute liberté et ainsi : « provoquer un énorme boom de ressources dans notre pays ».

Il a accusé J. Trudeau de se servir d'une « idéologie extrêmement radicale » et d'imposer au Canada « un socialisme autoritaire ». Une telle rhétorique échevelée où le libéralisme est présenté comme une forme de radicalisme extrême est la marque de commerce de D. Trump et ces ressemblances dans leurs approches ne sont pas une coïncidence.

Note, ici le texte rapporte une intervention de Paris Marx sur X je ne traduis pas. N.d.t.

Pointant des coupes importantes, des reculs dans les politiques sociales et des dérégulations tout azimut, il promet de « couper dans la bureaucratie, les contrats de consultation, l'aide étrangère et des avantages des grandes corporations. Nous allons utiliser les sommes ainsi épargnées pour diminuer le déficit et les taxes et libérer le système de libre entreprise ». Il a aussi assuré que son programme d'austérité serait accompagné « de la plus grande répression du crime de l'histoire canadienne, une répression massive ».

Durant cette entrevue, P. Poilievre a présenté un programme dit « Canada First qui mettrait de côté la race, cette obsession que le wokisme a remis à l'ordre du jour ». Il est clair que comme d'autres gouvernements autoritaires d'extrême droite cette approche a pour objectif d'intensifier les injustices et les inégalités qui sont générées par le racisme tout en niant les problèmes existants.

Au plan international, nous pouvons nous attendre à ce qu'un programme de droite soit en vigueur et exécuté avec zèle sous sa direction. Ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne Israël. Rien des atrocités pratiquées contre les Palestiniens.nes ne fera tergiverser P. Poilievre et nous pouvons nous attendre à une remontée importante de l'intimidation et de la lutte contre le mouvement de solidarité avec la Palestine.

Nous devrions aussi nous intéresser à l'influence que l'administration Trump va avoir sur les politiques canadiennes durant la période à venir. Le gouvernement Trudeau a déjà renforcé les « mesures de sécurité à la frontière, renforcé notre système d'immigration qui contribuent à assurer un futur prospère au Canada ». Sans aucun doute, P. Poilievre est disposé à poursuivre dans cette direction. Parmi une vaste quantité d'enjeux politiques, les initiatives que prendra l'administration Trump feront ressortir le pire d'un gouvernement Poilievre. Et on peut ajouter que le fédéralisme fera ressortir le pire pour les provinces.

Résister

Il y aura sans aucun doute des tentatives d'arrêter les Conservateurs en chemin ou tout au moins de minimiser l'étendue de leur victoire. Mais il n'est pas risqué de penser qu'une fois la poussière retombée le nombre de leurs députés.es sera plus élevé que celui de tous leurs rivaux réunis. Donc, devant la venue de ce probable gouvernement extrêmement destructeur et dangereux, il faut que nous nous intéressions à la manière dont nos syndicats et notre mouvement social doivent y répondre. Le manque apparent de préparation actuel est profondément inquiétant.

Je me souviens de la sidération qui a marqué les premiers mois du dur gouvernement conservateur Harris en 1990, en Ontario. Certaines des mesures les plus nuisibles ont été adoptées sans opposition pour ainsi dire. Il y a quelques leçons à tirer de cette expérience particulièrement parce que les Conservateurs vont pavoiser en prenant des directions dans la lignée de D. Trump, au cours de leurs premiers jours au pouvoir. P. Poilievre proclame qu'il ne fera aucune concession ni compromis. C'est la meilleure raison pour le priver de toute période de grâce où il pourrait affecter négativement les travailleurs.euses et les communautés. Pour que la résistance soit efficace, nous devons avoir une classe ouvrière forte et unie, capable de développer et mobiliser une puissante coalition de forces opposées aux Conservateurs.

Mais, alors que nous ne sommes pas du tout préparés.es à contrer P. Poilievre comme nous le devrions, ce n'est pas une raison pour nous résigner. Il est très possible de convenir d'un plan de rencontres nationales, provinciales et locales pour développer un plan d'action afin de confronter ce qui sera un des gouvernements les plus réactionnaires et dangereux de notre histoire.

Avec le retour de D. Trump à la Maison blanche et P. Poilievre qui attend dans son ombre ici au Canada, les travailleurs.euses et les communautés vulnérables des deux côtés de la frontière ont à affronter des attaques majeures. À défaut de s'équiper d'une contre-offensive très solide, nous ferons face à des défaites douloureuses. La capacité de riposter sera primordiale. Dans la perspective de cette lutte de classe ouverte et immodérée, la question vitale est de savoir si nous pouvons lancer un mouvement capable de vider les lieux de travail et de remplir les rues.

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La meilleure réponse du Canada à l’agression de Donald Trump ? Le socialisme

4 février, par Christo Aivalis — , ,
Après 40 ans de néolibéralisme, nous devons inverser le mouvement en tablant sur une économie planifiée et une reprise en main de l'économie par l'État. Tiré de The Breach (…)

Après 40 ans de néolibéralisme, nous devons inverser le mouvement en tablant sur une économie planifiée et une reprise en main de l'économie par l'État.

Tiré de The Breach

Traduction Johan Wallengren

Le président qui arrive au pouvoir aux États-Unis, Donald Trump, a ces derniers temps réfléchi à voix haute à l'idée d'utiliser la « force économique » aux fins d'annexion du Canada. Cette menace est brandie avec une telle outrecuidance que bien de gens n'y voient que fanfaronnade, incapables qu'ils sont d'accepter qu'un président des États-Unis fasse planer une telle menace sur le sort de notre économie.

On aurait cependant tort de prendre ces propos à la légère, et Trump doit être traité comme un acteur hostile à la sécurité économique du Canada. Au niveau fédéral, le chef du NPD, Jagmeet Singh, a eu le mérite de chercher à rallier des partisans derrière son plan contre Trump, qui consiste à préparer des représailles à tous tarifs douaniers que Trump pourrait imposer et à veiller à restreindre l'accès des sociétés américaines aux richesses minières du Canada.

Mais ces mesures de rétorsion, aussi nécessaires soient-elles, éludent un problème majeur. Ce n'est pas avec des tarifs douaniers et des messages sur Twitter que nous parviendrons à nous tirer de ce bourbier. Nous devons plutôt nous débattre avec la dure réalité que ce sont 40 ans de capitalisme néolibéral au Canada qui nous ont placé dans une telle position de faiblesse qu'un président peut à lui seul ternir notre avenir économique.
Pour résister véritablement à l'agression américaine, nous avons besoin d'une solution axée notamment sur des nationalisations, une planification économique et une participation des travailleurs, solution qui passe en d'autres mots par le socialisme.

Le passé du Canada offre quelques leçons et idées pour nous rapprocher de cet objectif. Les gens de gauche au pays ont jadis promu la vision d'un État robuste et de syndicats forts, gages de la construction d'une société socialiste démocratique indépendante. Il est temps de redonner vie à cette vision.

La réappropriation, rempart contre l'empire américain

Une partie du problème réside dans la profonde intégration de l'économie canadienne à l'économie américaine.

Lorsque des capitaux américains et étrangers sont investis dans une part aussi importante de l'économie canadienne que maintenant, en particulier dans des secteurs stratégiques tels que l'énergie, l'exploitation minière et l'industrie lourde, il ne faut pas s'étonner qu'un président américain s'en serve comme d'un levier.

Il y a un peu moins de 60 ans, il a pu sembler que le Canada était sur la bonne voie pour construire une économie plus autonome. Sous l'impulsion d'intellectuels de gauche et de militants syndicaux au sein du NPD et à l'extérieur du parti, des efforts ont été déployés non seulement pour se pencher sur l'étendue et les effets de la mainmise économique américaine sur le Canada, mais aussi pour s'y opposer.

Dans le contexte de la publication du rapport Watkins, qui détaillait pour le gouvernement fédéral les implications de l'engagement étranger dans notre économie – révélant pour la première fois à quel point le Canada était contrôlé par l'étranger sur le plan économique – il y a eu un grand sursaut de la part d'organisations nationales de gauche.

Des voix se sont élevées dans le champ gauche pour faire pression sur le gouvernement libéral de Pierre Trudeau afin qu'il s'engage à exercer un contrôle accru sur l'économie canadienne, notamment par la nationalisation d'industries clés, au premier rang desquelles l'énergie. (Il faut reconnaître que ces nationalistes de gauche ont souvent, mais pas toujours, négligé l'importance des droits des autochtones et de l'autodétermination). Ils ont fini par remporter des succès, parmi lesquels la création de la société publique Petro-Canada, obtenue uniquement parce que le leader du NPD David Lewis en avait fait une condition dans une entente intervenue du temps du gouvernement minoritaire de Trudeau en 1972.

Mais ces progrès initiaux se sont rapidement estompés lorsque le Canada et la plupart des pays occidentaux ont adopté des politiques de privatisation et ont adhéré au capitalisme néolibéral. Les gouvernements Mulroney et Chrétien ont ouvert les bras aux capitaux américains et à l'entreprise privée ; et ce qui a joué un rôle encore plus déterminant est que l'approche initiale de Trudeau père était trop motivée par le souci de permettre aux capitalistes canadiens d'avoir les coudées franches.

Nous devons tirer les leçons de ces échecs historiques : Le Canada doit défier la domination américaine en veillant à donner à l'État un certain contrôle sur l'ensemble des ressources stratégiques et des moyens de production.

Pendant 40 ans, le Canada a joué la carte de la privatisation et de l'intégration dans l'économie américaine. Cela n'a pas permis d'assurer la sécurité économique de notre pays, comme le montrent avec limpidité les menaces de Trump.

C'est dans cet esprit que le NPD doit faire preuve de courage et commencer à dire clairement que le capitalisme nous a desservi. Le socialisme peut nous mettre sur une autre voie.

Relancer la planification économique

Il est clair que le Canada a besoin que l'État reprenne un certain contrôle sur l'économie et se dote d'une vision à long terme pour être en mesure d'écarter des menaces telles que celles que Trump s'est mis à diffuser.

Mais ce n'est pas en un claquement de doigts que ces objectifs pourront être atteints. Il faut une planification économique réfléchie pour remettre en cause la mainmise américaine sur notre économie.

En effet, c'est le NPD, à ses débuts dans les années 1960, qui a soutenu, aux côtés des syndicats, que faute de planifier notre avenir économique, nous serions incapables de tenir tête aux États-Unis le moment venu. Eh bien, le moment est venu, et nous sommes pris au dépourvu.

À l'époque, le NPD et les syndicats réclamaient non seulement des sociétés d'État comme Petro-Canada, mais aussi une société d'État centrale qui investirait dans des projets en échange d'une participation au capital et d'un contrôle par les Canadiens, qui pourraient faire valoir des objectifs économiques d'une manière que les capitalistes ne permettraient jamais.

Ceux-ci ont aussi mis de l'avant que cette planification permettrait de mieux construire une économie est-ouest afin de réduire la dépendance à l'égard du commerce avec les États-Unis. L'objectif n'a jamais été, bien sûr, d'éliminer le commerce avec nos voisins du sud, mais bien d'éviter le calvaire actuel.

Malheureusement, tout cela a été soit rejeté par les gouvernements libéraux et conservateurs, soit rapidement démantelé lors de la vague de vente d'actifs des gouvernements dans les années 1980.

Trump a menacé, par exemple, de couper l'accès du Canada au marché américain de la construction automobile. De nombreux composants du secteur sont fabriqués au Canada, puis expédiés au sud pour entrer dans le processus de fabrication. Si la production de bout en bout pouvait s'enraciner au Canada, cela réduirait la portée des menaces de Trump.
Des pays comme la Norvège ont été beaucoup plus prévoyants en créant des industries énergétiques nationalisées qui ont rendu leurs citoyens plus riches que les Canadiens tout en constituant des fonds pour mieux planifier leur avenir économique. Ici, en revanche, nous avons de façon répétée « laissé aller à vau-l'eau » les booms pétroliers*.

Reste que la solution n'est pas de céder aux capitalistes à saveur de sirop d'érable plutôt qu'aux Américains. Galen Weston ne protégera pas plus la classe ouvrière canadienne que le ferait un magnat du Texas.

Le NPD a pris des initiatives qui ont requinqué un peu la flamme en demandant des comptes à classe des milliardaires, traînant certains d'entre eux devant des commissions parlementaires pour les interroger sur les prix abusifs. Pour ce qui a été de sévir contre les capitalistes du milieu de l'épicerie canadienne, une récente enquête de la CBC qui a révélé que ceux-ci lésaient les Canadiens en pratiquant des prix excessifs dans le commerce de la viande a montré qu'il y avait lieu de prendre des mesures.

Mais les auditions des commissions parlementaires ne suffisent pas. Oui, nous devons nous attaquer aux entreprises qui vivent aux crochets de l'état en obtenant toutes sortes d'avantages**, mais nous devons aussi nous attaquer de front à la question des participations étrangères et de la planification économique.

Une vision socialiste audacieuse pour l'avenir

Une des idées fausses sur le socialisme est que sa doctrine est focalisée uniquement sur le contrôle de l'État.

Une plateforme socialiste doit comprendre le contrôle de l'industrie par les travailleurs, ce qui peut aller de la syndicalisation universelle à la propriété directe des moyens de production sur le lieu de travail et mener à la démocratie économique au sens le plus large possible. Cela recouvre la propriété collective des entreprises, un plus grand pouvoir des travailleurs et une participation réelle des citoyens aux décisions relatives au fonctionnement de notre économie.

Une démocratie solide qui ne se réduit pas à l'acte de voter lors d'échéances qui se succèdent à quelques années d'intervalle mais permet d'exercer un contrôle collectif au jour le jour est essentielle pour dresser des barrages susceptibles d'endiguer la domination américaine.

De nos jours, les gens de la classe ouvrière n'ont pas leur mot à dire sur les décisions prises relativement à leur travail ni concernant les produits et les bénéfices généré par celui-ci. De ce fait, les travailleurs canadiens ont peu de contrôle direct sur leur destin, que ce soit au plan national ou dans nos relations avec les États-Unis.

Ce n'est qu'en restructurant notre société de manière que les Canadiens puissent dans une certaine mesure s'approprier leur lieu de travail, leur économie et leur pays que nous pourrons construire un rempart contre les attaques de Trump.

Il est toutefois essentiel de ne pas perdre de vue que la résistance à la domination américaine via le nationalisme économique ne doit pas occulter la recherche de la justice pour les peuples des premières nations, qui doivent être des partenaires de premier plan dans la construction d'une société et d'une économie démocratiques, notamment en mettant fin à notre propre agression coloniale en tant que pays et en procédant à une véritable restitution des terres.

Le moment est venu pour le socialisme démocratique de briller à nouveau, ce qui pourrait donner une occasion au NPD de s'illustrer. Des sondages récents montrent qu'une majorité écrasante de Canadiens rejettent les projets de Trump, et les néo-démocrates s'y opposent presque unanimement.

Nombreux sont les partisans faisant partie de la base du parti conservateur qui souhaitent prendre la nationalité américaine et l'engagement du parti libéral en faveur du capitalisme néolibéral ne lui permet pas de réagir en proposant quelque plan cohérent au-delà de la perspective d'attendre qu'un président démocrate retourne à la Maison Blanche.
Dans l'immédiat, le NPD se trouve devant une opportunité inestimable, alors qu'un mouvement anti-Trump se dessine, une occasion de se porter à la défense des travailleurs et des emplois. Mais cela est loin d'être suffisant : le parti doit procéder à des changements structurels fondamentaux pour réellement et significativement embrasser une vision de gauche.

Le NPD doit devenir le champion d'un avenir socialiste audacieux.

* L'auteur fait allusion ici à des autocollants qui sont apparus sur des voitures dans l'ouest du pays, avec la formule (en anglais) suivante : « PLEASE GOD LET THERE BE ANOTHER OIL BOOM.I WILL NOT PISS IT AWAY THE SECOND TIME ».
** L'auteur parle en anglais de « corporate welfare bums » une expression dont l'histoire est retracée dans une vidéo et un article (en anglais) disponibles sur le même site que l'article, à l'adresse Web : https://breachmedia.ca/corporate-welfare-bums-its-payback-time/

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Trump : la fin du libre-échange, le retour du colonialisme

4 février, par Alain Deneault — , ,
Alors qu'il n'est pas encore entré en fonction, Donald Trump répète les « coups de menton », réitérant notamment sa volonté de faire du Canada le 51e État de la confédération (…)

Alors qu'il n'est pas encore entré en fonction, Donald Trump répète les « coups de menton », réitérant notamment sa volonté de faire du Canada le 51e État de la confédération américaine. Si ces velléités font d'abord sourire par leur démesure, leur répétition nous force à les prendre aujourd'hui au sérieux. Que signifient ces discours ? Doit-on craindre qu'ils se concrétisent ? Pour Alain Deneault, professeur de philosophie à l'Université canadienne de Moncton (Shippagan), ces déclarations du président des États-Unis montrent que le protectionnisme dont se revendique Donald Trump marque une régression : la protection de ses propres frontières n'empêchera pas Washington de franchir allègrement toutes celles qui le séparent des richesses convoitées par le milieu des affaires.

16 janvier 2025 | tiré du site d'Élucid
https://elucid.media/politique/trump-la-fin-du-libre-echange-le-retour-du-colonialisme-alain-deneault

Les coups de menton du président des États-Unis, Donald Trump, ne s'apparentent plus à de seuls coups de tête lorsqu'ils se répètent à l'identique. Une déclaration sur l'annexion du Groenland aux États-Unis apparaît insolite lorsqu'elle est faite une première fois en août 2019. Elle devient un projet lorsqu'elle est réitérée le 7 janvier 2025. On se met soudainement à rationaliser. Le réchauffement climatique et la fonte des glaciers restent synonymes pour M. Trump d'occasions d'affaires, un Eldorado même : les terres rares et autres éléments stratégiques pour l'industrie de pointe deviendront accessibles dans cette région nordique à la faveur du processus de dégel. Le phénomène climatique facilite aussi le transport maritime, à un carrefour que Washington entend régir.

Ici, rationaliser, c'est prendre la mesure de la déraison de la nouvelle administration américaine. « Beaucoup fantasment sur les ressources de l'île en minerais, en hydrocarbures ou en potentiel hydroélectrique. Ils minorent généralement la rudesse des conditions d'exploitation et les lourds investissements requis », a déjà écrit le journaliste Philippe Descamps dans Le Monde Diplomatique au terme d'un voyage sur l'île.

Il en va de même pour l'expression, répétée à l'envi en janvier 2025 par Donald Trump alors président désigné, voulant que le Canada soit le 51e État de la confédération américaine. Longtemps une métaphore pour dénoncer à gauche l'intégration du Canada aux dynamiques industrielles et commerciales états-uniennes, la voilà devenir subitement une lubie, voire un programme. Tout comme la dystopie voulant que l'armée des États-Unis prenne le contrôle de l'eau douce du Canada dans des années de sécheresse devient un plan. À l'image de l'immeuble de l'ambassade des États-Unis dans la capitale fédérale d'Ottawa, presque aussi grand que le parlement lui-même, voilà que cette représentation mentale prend un tour concret.

Le président Trump n'entend rien à l'humour. Mais c'est parce que d'ordinaire on n'entend rien à ceux qui n'entendent rien à l'humour que ces derniers parviennent, sous couvert d'humour, à avancer des revendications aux apparences invraisemblables. Ils profitent ainsi du temps gagné.

Ils le font d'autant mieux que, parfois, leurs sujets de prédilection se révèlent pathétiques. Que faire, sinon les parodier, lorsque Donald Trump, par exemple, suggère en 2017 que son visage figure à son tour sur la falaise du mont Rushmore ? Mais lorsque d'autres enjeux revêtent un caractère beaucoup plus grave, on le comprend trop tard. Dans un contexte mondial où le Président Trump voit d'un bon œil l'invasion de l'Ukraine par la Russie et trouve normal que l'État israélien se déchaîne cruellement en territoire palestinien, au Liban ou dans la Syrie dévastée, réduire ces déclarations à un simple jeu de bluff donne seulement l'illusion de reprendre la main. Force est de se rendre à l'évidence : avec Donald Trump, une meute de personnages intransigeants arrive en force à Washington et ne conçoit rien qui puisse résister à sa volonté.

Sans se perdre dans des débats sémantiques à savoir si le trumpisme est véritablement ou non un fascisme, bien des analogies s'imposent à l'esprit avec les précédents de l'Histoire lorsqu'on observe à Washington le déni des règles établies, l'arrogance de l'équipe ministérielle érigée en méthode, l'ignorance crasse de l'Histoire et le mépris de la culture retournés en valeur…

On écarquille les yeux en constatant par quelle rhétorique ordurière le futur secrétaire d'État, Elon Musk, répond au Premier ministre du Canada, lorsque celui-ci rappelle le statut politique souverain du Canada : « Ma nana, t'es plus le gouverneur du Canada. Ce que tu dis n'a aucune importance ».

Les analogies se vérifient aussi dans la façon qu'a l'environnement proche ou distant de plaire aux puissants. Il fallait voir en janvier 2025 les représentants des différents paliers de gouvernement du Canada s'empresser de se mettre en bouche des éléments de langage sur l'immigration, le commerce ou la souveraineté en Arctique, qu'on ne les avait jamais entendus partager, et ce, dans une tentative vaine de tempérer les ardeurs du président patibulaire.

C'est dans cet effet de cascades qu'on voit des acteurs sociaux influents de toute catégorie accepter l'augure du tyran huppé d'Amérique. On ne parle pas seulement des cadres et élus sceptiques du Parti républicain qui le suivent à tombeau ouvert dans ses dévalaisons, toute honte bue, après s'être opposés à lui, au premier chef le catholique James David Vance, maintenant vice-président, mais d'autres figures publiques, le dernier en lice étant le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg. Se découvrant soudainement viriliste, ce dernier a viré sa veste sans subtilité aucune en attribuant explicitement aux « récentes élections » sa décision de surseoir à toute velléité d'édition des contenus qui circulent sur les réseaux de son empire Meta.

Nous nous retrouvons dans l'ère des « rhinocéros », du nom de la pièce de théâtre qu'Eugène Ionesco avait écrite pour témoigner des basculements successifs de ses camarades antifascistes dans la rhétorique complotiste, suprémaciste et guerrière des nazis. Rare production historiquement significative de l'auteur d'un théâtre absurde, il s'en prenait aux « demi-intellectuels » des années 1920 et 1930, seulement capables de « succomber à des slogans supérieurs ».

La pièce Rhinocéros porte clairement sur la « nazification progressive » de cette engeance, déjà observée par l'auteur en Roumanie : « Nous étions un tas de gens qui étions contre le nazisme. Et puis, petit à petit, nous étions de moins en moins nombreux. Un moment donné, un de nos amis disait : “Certainement, les fascistes n'ont pas raison. Cependant, sur ce point…”, alors on savait tout de suite que, dès qu'ils disaient cela, ils étaient dans la machine, dans l'engrenage, et que c'était fini ». On ne les voyait plus aux réunions.

Ce dont la fin du libre-échange marque le début

La franchise avec laquelle cette volonté se déclare déroute ceux qui se sont formés dans les années obliques, rhétoriques et insidieuses de l'économie de marché néolibérale. La domination s'y exerçait selon des méthodes indirectes. Les politiques dites de développement suivant la Seconde Guerre mondiale, les plans d'ajustement structurels du Fonds monétaire international de la fin du XXe siècle ou la théorie de la « bonne gouvernance » les relevant ces dernières décennies, ont permis à une oligarchie principalement occidentale d'asseoir son hégémonie par le biais de mécanismes aux apparences autonomes. Le régime concurrentiel mondialisé qu'il s'est agi de promouvoir consistait à faire participer les différents acteurs sociaux à un jeu dans lequel les puissants maîtrisaient les règles.

Contrairement à un commerce malien, une coopérative malaisienne ou une société d'État brésilienne, une entreprise multinationale soutenue fiscalement, politiquement, voire militairement, par des États puissants, disposait de leviers infinis afin de s'adapter à toute conjoncture. Par le lobbyisme, sa force de négociation, ses capitaux financiers et aussi son pouvoir de corruption, elle pouvait obtenir d'une majorité d'États des droits de douane, des politiques fiscales, un aménagement du territoire, des subventions publiques et un encadrement sécuritaire valant pour règles communes, au détriment d'acteurs sociaux incapables de faire le poids.

Le syntagme de « libre-échange » a accompagné cette histoire moderne. Il a désigné plusieurs régimes différents de l'organisation commerciale mondiale, dont tous avaient pour finalité de consacrer un rapport de domination à travers des structures d'échange qui les normalisaient et les naturalisaient.

C'est aussi au nom de ce libre-échange qu'à la Conférence de Berlin de 1884-85, le souverain belge Léopold II convainc ses partenaires européens de lui accorder l'immense territoire congolais. Le Roi belge exercera d'abord à titre privé, plutôt qu'au nom de son État, une souveraineté politique sur le territoire. Il convaincra Allemands, Britanniques et Français de la lui reconnaître à la condition de créer un vaste espace de « libre-échange ». Il s'agissait de garantir un accès aux puissances industrielles dans cette très grande part du « gâteau africain ».

L'historien Henri Wessiling rappelle que le roi Léopold II avait pour livre de chevet l'ouvrage du bien nommé J. M. B. Money, Java. Or, How to Manage a Colony (1). C'est le grimoire utopiste de la colonisation à l'anglaise : des sociétés privées qui exploitent les richesses, un personnel administratif européen respecté, des colonisés admiratifs de l'autorité des Blancs, des chefs de clans incorporés ou neutralisés. On sait aujourd'hui qu'il n'en fut rien, et que le Congo belge fut sa souveraineté privée exerçant une cruelle domination sur des peuples asservis, notamment en ce qui concerne la filière du caoutchouc.

C'est aussi l'approche libre-échangiste que les États-Unis d'Amérique chercheront à faire triompher au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, au titre du « développement ». Les États européens seront amenés à abandonner leur tutelle politique et institutionnelle sur nombre de contrées du Sud et de l'Est, au profit d'une ouverture de ces régions aux entités privées convoitant leurs richesses naturelles (2). Cela aboutira à la fin du siècle à la mondialisation libérale, sous les auspices de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) favorisant l'abattement des tarifs douaniers dans le monde et la libre circulation des marchandises et des services.

Un regard superficiel sur le retour en force de l'État, que Donald Trump promeut, peut tromper ceux qui auraient été prompts à se dire de gauche il y a un demi-siècle. M. Trump parvient à les séduire en replaçant l'autorité publique au centre du jeu, prétend à la réindustrialisation et compte mettre fin à d'astreignantes guerres d'occupation en territoires lointains. Mais ce serait oublier que Washington ne compte faire respecter les frontières que lorsqu'il s'agit des siennes, et franchir allègrement toutes celles qui le séparent de richesses convoitées par le milieu des affaires dont il continue de faire partie, avec son gouvernement comprenant notamment 13 milliardaires.

Cette contestation du libre-échange mondial marque une régression. L'empire qui se veut « à nouveau grand » suppose, à l'ancienne, l'asservissement tutélaire d'espaces géopolitiques étrangers sur un monde conquérant et colonial. Se dire de nouveau « grand » ne s'est jamais résumé à la simple intendance des affaires intérieures. Les États-Unis d'Amérique ont longtemps eu leur chasse gardée en Amérique centrale et en Amérique du Sud, tout comme l'Europe ponctionnait les richesses de l'Afrique. Ils ont poursuivi sur un plan financier et industriel l'exploitation coloniale de ce vaste garde-manger agricole et réservoir de richesses énergétiques que le Canada constitue.

On est loin de la lutte populaire engagée contre le libre-échange qu'a provoquée le mouvement altermondialiste dans les années 1990, et qui a culminé à Seattle en novembre 1999 dans une neutralisation du sommet de l'OMC. À l'époque, l'autre mondialisation préconisée par la mouvance internationale visait à garantir des échanges justes entre les populations, sur la base du respect de normes sociales et écologiques. Le protectionnisme dont fait preuve désormais le pouvoir états-unien n'est le fait d'un repli que dans un premier temps.

Un Canada vulnérable

Les États-Unis n'ont pas attendu Donald Trump pour commettre de l'ingérence au Canada. On peut dire de celle-ci qu'elle est totalement intériorisée dans les affaires des deux États. Le dernier exemple en date concerne l'Outaouais rural, dans l'ouest du Québec. La multinationale Lomiko Metals entend saccager les terres aux abords du Lac-Simon pour y exploiter un minerai stratégique dans l'industrie de pointe, le graphite. Elle le fait, soutenue par les autorités fédérales canadiennes ainsi que par… le ministère de la Défense des États-Unis d'Amérique. Comme souvent, les Démocrates et le pouvoir politique canadien procèdent en douce pour effectuer ce que l'autoritarisme trumpiste se propose de mener frontalement.

À l'appui de sa déclaration de guerre commerciale, le redresseur de torts autoproclamé réitère qu'il imposera des tarifs douaniers de l'ordre de 25 % sur les produits d'importation canadiens, las de voir les États-Unis « subventionner » l'économie canadienne. Dans la novlangue trumpiste, une « subvention » américaine faite à un État est un coût qu'on doit payer lorsqu'on achète une marchandise plutôt que de se l'approprier par la force.

Le Canada est vulnérable à ce changement de paradigme étant donné que son fonctionnement industriel et financier dépend majoritairement de ces rapports commerciaux avec son voisin du sud. Selon l'agence de statistique du Canada, les biens et services qui font l'objet de relations commerciales de part et d'autre de la frontière séparant les deux pays représentaient quotidiennement 3,6 milliards de dollars canadiens en 2023. Près de 80 % des exportations canadiennes sont destinées aux États-Unis. Le pétrole sale des sables bitumineux en Alberta est raffiné au sud et Hydro-Québec fournit à la ville de New York l'électricité dont elle a besoin. Inversement, au Canada, près de la moitié des investissements directs de l'extérieur proviennent des États-Unis. Selon l'American Petroleum Institute, jusqu'à 90 % du pétrole raffiné dans l'est du Canada transite ou est produit par les États-Unis bon an mal an, tandis que « plus de 50 % du pétrole brut importé aux États-Unis provient du Canada, comparativement à 33 % en 2013 ».

Mais le Canada est d'autant plus fragile qu'il constitue lui-même dans son essence un avatar de l'idéologie libre-échangiste que l'administration Trump conteste. Il s'agit de la meilleure incarnation de l'utopie de J. W. Money. Le Canada moderne s'est déployé comme une colonie libérale moderne lorsqu'il a mis fin à l'apanage de la Compagnie de la Baie d'Hudson et autres sociétés à charte britanniques suivant la conquête anglaise de la Nouvelle-France. Ses bourses ultra-spéculatives et son gouvernement à la solde des investisseurs et banquiers en ont fait une colonie (officiellement un « Dominion ») essentiellement dédiée au soutien des multinationales et banques tournées vers l'exploitation de ses fourrures, céréales, minerais et énergies fossiles. Il n'a rien d'autre sur quoi s'appuyer pour exister.

Enfin, le Canada est un pays informe. Deux tiers de la population vit à moins de 100 kilomètres de la frontière américaine ; les Canadiens constituent une bande démographique le long d'un axe continental. D'un point de vue culturel, l'anglophonie canadienne, largement majoritaire, est depuis longtemps absolument absorbée par la production culturelle et médiatique américaine. C'est à la marge seulement que les « Canadians » fréquentent les artistes et intellectuels de leur pays. Le tsunami de propositions venant du sud s'exprimant dans leur langue, rien n'y résiste. Cela le prive de toute unité. Son histoire constitue un tout guère plus grand que la somme de ses annales. Ce n'est pas tant la carte du pays qui confère une unité à son territoire que le territoire qui injecte du sens dans la carte. La contrée se résume à une distribution de travailleurs dédiés à l'exploitation de sites étrangers sis le long de la frontière états-unienne.

Le Canada n'a jamais eu à cultiver d'attitude pugnace. Rarement distant de son voisin du sud sur un plan idéologique – un peu quant à Cuba à l'époque du père Trudeau, Pierre-Elliott, ou encore sur le conflit en Irak en 2003 –, le Canada s'est contenté depuis sa refondation de 1867 de marcher dans les plates-bandes de la plus grande puissance mondiale avec qui il partage un vaste espace continental, et d'en calquer les politiques. Son modèle social lui a longtemps permis de se distinguer des États-Unis, comme n'a pas manqué de le souligner à maintes reprises le sénateur « socialiste » Bernie Sanders ou encore le réalisateur progressiste Michael Moore (3).

Mais celui-ci périclite du fait de la pression que lui fait justement subir l'impératif de concurrence avec le modèle états-unien, notamment en raison de l'Accord de libre-échange nord-américain, au point où le modèle social canadien, quoique toujours meilleur, tend à ressembler aujourd'hui à celui en vigueur dans les États progressistes des États-Unis. Il est aussi sous-financé du fait des politiques fiscales canadiennes, qui ont favorisé l'intégration du pays aux paradis fiscaux de la Caraïbe britannique, qu'il a lui-même concouru à créer dans les années 1960 et 1970.

Non seulement cet ensemble de facteurs place le Canada en situation de vulnérabilité devant le voisin du Sud, mais il le laisse complètement pantois. Que faire ? Bomber le torse et rappeler l'ambassadrice, tout en boudant la cérémonie d'assermentation du nouveau Président ? C'est risible. S'essayer à un improbable sursaut national en réunissant dans une cellule de crise les Premiers ministres fédéral et provinciaux ainsi que leurs chefs de l'opposition respectifs ? La joute partisane et l'antagonisme parlementaire le rendent difficilement probable. Répliquer sur l'énergie puisque l'intendance énergétique est inextricable entre les deux pays ? Et ni l'Alberta en ce qui concerne le pétrole ni le Québec en ce qui regarde l'électricité n'ont intérêt à ce que des tarifs gênent leurs exportations. Alors, fédérer le peuple autour des droits culturels, en tous les cas en ce qui concerne les francophones ? La propagande fédérale a tout fait pour étouffer cet enjeu au fil des décennies.

Que se passera-t-il ?

Dans la conjoncture actuelle, depuis Israël, l'Europe de l'Est ou maintenant les États-Unis, seuls les stricts rapports de force semblent prévaloir. Aucun allié dans le monde n'est à même de soutenir le Canada de quelque façon dans quelque volonté de résistance.

Les pires scénarii continuent de dépasser l'entendement, comme une invasion pure et simple du Canada par les États-Unis dans le cadre d'une opération où l'armée américaine dirigerait ses blindés vers Ottawa et où l'aviation bombarderait la base militaire de Kingston. Mais on mesure déjà les effets tangibles d'un tel revirement du discours états-unien. Il devient soudainement probable que des représentants politiques, officines et médias fassent cas positivement de l'option du rattachement du Canada à la fédération américaine dans le débat public.

Le débat tournera autour de cette option. On fera l'inventaire des avantages d'une intégration, de sorte que ce faux débat devienne un enjeu central de la vie publique. On cherchera à traduit Anschluß en anglais (du français, il ne sera déjà plus question). Le représentant du Parti conservateur, Pierre Poilievre, proche de la mouvance trumpiste et pressenti pour devenir le prochain Premier ministre canadien, ne serait pas le plus à même de lui résister.

Moins une conquête, il se profilera un scénario plus attendu d'annexion, qui ne serait pas, lui non plus, sans rappeler quelques analogies. Avec son lot de résistants qui chercheront à être déterminants dans l'Histoire, au point peut-être de générer une autre forme politique au Canada, qui rompe positivement avec son fondement colonial.

Notes

(1) Henri Wesseling, Le Partage de l'Afrique. 1880-1914, Paris, Denoël, 1996, rééd. Gallimard, coll. Folio Histoire (1991), à propos de James William Bayley Money, Java : or, How to Manage a Colony, vol. 1, Londres, Hurst and Blackett, 1861.

(2) Gilbert Rist, Le Développement. Histoire d'une croyance occidentale, quatrième édition, Paris, Les Presses de Science Po, 2023.

(3) Michael Moore, Sicko, essai cinématographique, États-Unis d'Amérique, 2007.

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Le rapport Hogue contredit la majorité de nos journalistes

4 février, par Pierre Jasmin — , ,
En ce 28 janvier 2025, les Artistes pour la Paix remercient l'Honorable Marie-Josée Hogue d'avoir démenti les rumeurs affolées des réseaux sociaux, des médias et… de Pierre (…)

En ce 28 janvier 2025, les Artistes pour la Paix remercient l'Honorable Marie-Josée Hogue d'avoir démenti les rumeurs affolées des réseaux sociaux, des médias et… de Pierre Poilievre.

Tiré de Artistes pour la paix

28 janvier 2025
Par Pierre Jasmin, secrétaire général des Artistes pour la Paix

Le Rapport sur l'ingérence étrangère de la Commissaire Marie-Josée Hogue a déclaré nos élections au caractère démocratique à l'abri de l'ingérence étrangère russe et chinoise. Ce rapport va aussi loin que la position politique de la commissaire lui permet d'aller et nous la remercions, par conséquent, d'avoir en quelque sorte endossé nos propres conclusions allant à l'encontre de celles de nos journalistes, ceux qu'on n'hésite pas à qualifier d'« embedded » soumis à l'influence des réseaux sociaux dont la Commissaire exprime le danger immensément plus grand pour notre indépendance politique.
(...)
N'ayant jamais été appelés à témoigner, les Artistes pour la Paix envoient notre conclusion à M. Michael Tansey, Sr. Communications Advisor – Public Inquiry into Foreign Interference in Federal Electoral Processes and Democratic Institutions (traduction en français ???)
www.ForeignInterferenceCommission.ca Follow us on X (formerly Twitter).

PS Combien de temps encore avant que le gouvernement canadien réalise que X d'Elon Musk nourrit le problème aigu de l'ingérence étrangère qui met en péril nos mœurs démocratiques ? Il est urgent qu'il trouve un autre mode de communication.

(...) Pendant des mois, toute la classe politique et médiatique regardait dans la mauvaise direction. Son attention était focalisée sur les soupçons à l'endroit d'élus qui auraient « sciemment » collaboré avec des États hostiles. Or, pendant ce temps, une menace bien plus « existentielle » à notre démocratie prenait de l'ampleur : celle de la désinformation. Et paradoxalement, elle ne faisait pas, à proprement parler, partie du cœur du mandat de la commission Hogue. Et même si la désinformation ne faisait pas partie des cinq volets formels du mandat de la commissaire, Marie-Josée Hogue a pris soin de faire un détour pour tirer la sonnette d'alarme.

« À mon avis, il n'est pas exagéré de dire qu'à l'heure actuelle, la manipulation de l'information (qu'elle soit d'origine étrangère ou non), représente le plus grand risque pour notre démocratie. Il s'agit d'une menace existentielle. » Citation extraite du rapport final de Marie-Josée Hogue, commissaire à l'Enquête sur l'ingérence étrangère.
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2136012/ingerence-etrangere-commission-hogue-rapport
(...)

Dans un nouveau rapport, un groupe de réflexion issu du ministère fédéral de l'Emploi et du Développement social a déterminé quelles sont les « perturbations » les plus plausibles auxquelles le Canada, voire le monde entier, fait face. Intitulé Perturbations à l'horizon - Rapport 2024, le document, signé Horizons de politiques Canada, a recensé 35 perturbations mondiales, qu'ils ont partagées avec quelque 500 parties prenantes, collègues et expert.e.s en prospective au sein du gouvernement du Canada et au-delà.
En récoltant leurs commentaires – principalement sur la probabilité, l'impact et l'horizon temporel de ces perturbations –, le groupe de réflexion a pu circonscrire les menaces les plus criantes.
(...)
Le rapport Hogue contredit la majorité de nos journalistes, 28.01.2025,
Artistes pour la paix

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Quand l’argent pèse plus lourd que la santé : au tour du fédéral d’abandonner la population de Rouyn-Noranda

4 février, par Mères au front de Rouyn-Noranda — , , ,
Rouyn-Noranda (Québec), le 31 janvier 2025 - Les Mères au front de Rouyn-Noranda et de tout le Québec dénoncent la soumission du ministre de l'Environnement et du gouvernement (…)

Rouyn-Noranda (Québec), le 31 janvier 2025 - Les Mères au front de Rouyn-Noranda et de tout le Québec dénoncent la soumission du ministre de l'Environnement et du gouvernement fédéral qui ont rompu leur engagement envers l'ONU. Elles déplorent que le lobbyisme exercé dans les coulisses ait eu préséance sur la santé de la population.

L'article publié par Radio-Canada révèle que le ministre Steven Guilbeault a cédé aux pressions de la fonderie Horne malgré avoir reconnu les risques plus élevés que le niveau acceptable pour la santé. Conséquemment, le gouvernement a choisi de ne pas signer les amendements de la Convention de Bâle qui auraient renforcé le contrôle et la traçabilité des déchets dangereux, et protégé la santé humaine.

« La responsabilité du ministre de l'Environnement est de protéger l'environnement, pas les profits d'une entreprise multimilliardaire coupable de corruption, de violation de droits de l'environnement et de droits humains partout sur la planète ! » dénonce Laure Waridel, écosociologue et co-instigatrice de Mères au front.

Rappelons que les déchets électroniques traités à la fonderie Horne contribuent à l'émission de contaminants atmosphériques qu'on retrouve à Rouyn-Noranda à des concentrations qui outrepassent les normes québécoises. « Tous les gouvernements nous ont abandonnées ! N'y a-t-il aucune limite à l'indécence quand il s'agit de l'industrie minière au Canada ? " s'indigne Jennifer Ricard Turcotte, Mères au front de Rouyn-Noranda.

Le livre Zones sacrifiées, en librairie le 4 février, est né de cette lutte qui dure depuis près de 3 ans et dans laquelle de nombreuses personnes préoccupées font tout en leur pouvoir pour que la qualité de l'air à Rouyn-Noranda s'améliore. Zones sacrifiées porte les voix multiples de ces citoyen·nes qui vivent l'innommable.

Plusieurs événements se tiendront prochainement à Gatineau, Montréal, Sherbrooke, Rouyn-Noranda, dont une performance devant l'Assemblée nationale le 20 février (présent·e·s : Anaïs Barbeau-Lavalette, Véronique Côté, Steve Gagnon, Jennifer Ricard Turcotte et Isabelle Fortin-Rondeau).

Source et à propos de Mères au front | meresaufront.org

Avec plus de 30 groupes locaux principalement à travers le Québec, Mères au front est un mouvement décentralisé qui regroupe des milliers de mères, grand-mères et allié·e·s de tous les horizons qui s'unissent pour protéger l'environnement dont dépend la santé, le bien-être et le futur de nos enfants.

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