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Etats-Unis. « Sept propositions et demie pour le journalisme à l’ère Trump »

6 mai, par Nan Levinson — , ,
Ce n'est pas une bonne période pour être journaliste aux Etats-Unis. Ni pour être lecteur de la presse états-unienne. Ni même pour jeter un œil aux gros titres qui défilent sur (…)

Ce n'est pas une bonne période pour être journaliste aux Etats-Unis. Ni pour être lecteur de la presse états-unienne. Ni même pour jeter un œil aux gros titres qui défilent sur les écrans de téléphone.

Tiré de A l'Encontre
30 avril 2025

Par Nan Levinson

Donald Trump attaque en justice les groupes de presse et s'en prend à des journalistes sur les réseaux sociaux. Le service de presse de la Maison Blanche joue à la chaise musicale lors de ses conférences de presse et refuse de diffuser les comptes rendus de presse qui lui déplaisent. Les républicains au Congrès ont appelé les chaînes publiques à se prémunir contre les « contenus systématiquement biaisés » et tentent de leur retirer leur financement. Les grands journaux choisissent d'adapter leurs articles pour rester dans les bonnes grâces du gouvernement, et les plus petits sont contraints de faire de même. Les informateurs sont de plus en plus réticents à s'exprimer officiellement et la violence visant des journalistes est devenue monnaie courante. Même les journaux étudiants n'échappent pas aux menaces (The Boston Globe, 4 avril 2025).

Dans la catégorie « jusqu'où peut-on descendre dans la mesquinerie ? », les responsables de la Maison Blanche ont refusé de répondre aux questions des journalistes qui utilisent des « pronoms identitaires » [1]. « Tout journaliste qui choisit d'indiquer ses pronoms préférés dans sa biographie se moque clairement de la réalité biologique ou de la vérité et ne peut donc pas être considéré comme fiable pour écrire un article honnête », a écrit la porte-parole Karoline Leavitt dans un courriel adressé au New York Times (8 avril 2025) (Parfois, je me dis que si je roule encore plus souvent les yeux, ils vont finir par sortir de leurs orbites.)

Il est probablement peu charitable de s'en prendre aux journalistes alors qu'ils sont attaqués par tant de forces puissantes et maléfiques, mais il est néanmoins nécessaire de veiller à ce que les médias d'information restent fidèles à leur mission.

Mauvaises nouvelles

Ce n'est pas comme si nous n'avions pas été prévenus. Les chercheurs qui étudient les autocrates notent que l'une de leurs premières cibles lorsqu'ils accèdent au pouvoir est presque toujours une presse indépendante et libre. Trump a clairement fait savoir lors de sa deuxième campagne présidentielle qu'il considérait les journalistes comme ses ennemis et, maintenant qu'il est de retour à la Maison Blanche, il continue de dénigrer, d'ignorer ou de manipuler les médias traditionnels. Ce qui est nouveau, c'est la volonté de trop nombreux groupes de presse de se plier aussi lâchement.

Avant même que Trump ne remporte les élections, le Washington Post et le Los Angeles Times avaient donné le mauvais exemple en censurant des éditoriaux déjà rédigés en faveur de Kamala Harris. On pourrait dire qu'ils ne faisaient que couvrir leurs arrières s'ils n'avaient pas ensuite instauré de nouvelles politiques éditoriales clairement discutables. Le propriétaire du Washington Post, le milliardaire Jeff Bezos, a recentré la section opinion de son journal sur la défense des « libertés individuelles et du libre marché », tandis que le propriétaire du LA Times, le milliardaire Patrick Soon-Shiong, a licencié la rédaction de son journal et instauré un système de « notation politique » généré par l'IA (intelligence artificielle) pour sa section opinion. Depuis, les deux journaux ont perdu de nombreux abonnés et des journalistes très estimés.

Je ne comprends pas pourquoi certains ont été surpris que Bezos ait trahi l'indépendance éditoriale du Washington Post. Bien qu'il ait fait preuve de retenue par le passé, il s'est montré très agressif dans la direction d'Amazon, son activité principale, qui a fait l'objet d'attaques été attaquée lors du premier mandat de Trump [2]. Le Post était essentiellement pour Bezos un passe-temps, et les passe-temps sont facilement mis de côté lorsqu'ils deviennent gênants. Apparemment, les principes aussi !

Le fait que d'autres grands médias aient récemment capitulé devant les poursuites judiciaires que Trump, comme l'un de ses passe-temps, a intentées ou menacé d'intenter n'aide pas. En décembre dernier, ABC News a passé un accord, lors d'un procès en diffamation impliquant le présentateur vedette George Stephanopoulos pour avoir décrit le procès pour abus sexuels de Trump, en présentant des excuses et en versant 15 millions de dollars à une fondation liée à Trump. En janvier, Meta a fait de même lors d'un procès datant de 2021 concernant la suspension des comptes de Trump sur les réseaux sociaux à la suite de l'assaut du Capitole le 6 janvier 2021. La firme a accepté de lui verser 25 millions de dollars et, par coïncidence (bien sûr), a abandonné toutes ses initiatives en matière de diversité, d'équité et d'inclusion. Récemment, la société mère de CBS, Paramount Global, a accepté une médiation dans le cadre d'un procès intenté par Trump à la suite de décisions éditoriales prises lors de la diffusion d'une interview de Kamala Harris dans l'émission 60 Minutes. (Il a ensuite porté sa demande à 20 milliards de dollars de dommages et intérêts.) Dans les trois cas, les arguments juridiques de Trump ont été jugés faibles, mais les entreprises ont préféré ne pas les tester devant les tribunaux.

Bien sûr, vous ne serez pas surpris d'apprendre que Trump n'était pas satisfait d'une telle soumission. Il ne le sera jamais. (Il a récemment renouvelé ses pressions sur la Commission fédérale des communications pour qu'elle retire la licence de CBS News.) Son besoin de domination, qui fait passer les maniaques du contrôle ordinaires pour des mauviettes, le pousse à exiger toujours plus de déférence. Prenez, par exemple, sa réaction à la décision de l'Associated Press (AP) de continuer à appeler « golfe du Mexique » la mer qu'il a rebaptisée « golfe d'Amérique ». Il a immédiatement interdit aux journalistes de l'AP de couvrir la plupart de ses événements officiels. Même après que l'AP eut gagné un procès en invoquant le premier amendement et que le juge chargé de l'affaire, un proche de Trump, ait ordonné à la Maison Blanche de lever toutes les restrictions imposées à l'agence de presse, un journaliste et un photographe de l'AP ont encore été interdits d'accès à une conférence de presse à la Maison Blanche, le jour même où la décision de justice devait entrer en vigueur !

L'AP, une coopérative vieille de 178 ans qui compte quatre milliards de lecteurs quotidiens dans près de 100 pays, avait les moyens de poursuivre le gouvernement fédéral en justice. Ce n'est pas le cas de nombreux petits organes de presse.

Encore plus de mauvaises nouvelles

Même si Donald Trump surestime ses capacités, il est passé maître dans l'art de manipuler les médias. Son instinct, son talent, son habileté – je ne sais pas exactement comment l'appeler – lui permettent de jauger son auditoire avec une précision remarquable, et son auditoire se réduit de plus en plus à ses partisans. Il a passé des décennies à courtiser et à dénigrer la presse, tout en affinant son sens inné de ce qui fait l'actualité. On pourrait penser qu'après tout ce temps, les journalistes auraient trouvé comment couvrir le sujet Donald Trump. Ce n'est pas le cas.

Ce n'est pas faute d'avoir essayé. A l'époque où les journaux livraient les nouvelles une ou deux fois par jour, les reporters « travaillaient sur un article », en le complétant avec le plus de détails possible, avant la date limite. Aujourd'hui, avec un cycle d'information continu, des médias numériques et une multitude de distractions, lorsque l'actualité tombe, les journalistes publient rapidement un article provisoire – quelques phrases sur un site web ou un blog en direct – puis le complètent au fur et à mesure que l'histoire évolue et qu'ils la comprennent mieux. Il en résulte des informations servies par petites doses, faciles à digérer mais rarement satisfaisantes. Parallèlement, les médias souffrent d'une version journalistique du FOMO (fear of missing out on a scoop – la peur de passer à côté d'un scoop), qui peut les conduire à se lancer à la poursuite d'informations douteuses, avec des conséquences parfois inquiétantes, comme lorsque plusieurs médias ont repris une fausse information sur X concernant les droits de douane imposés par Trump, ce qui a fait monter en flèche le marché boursier avant de lui faire « perdre » 2400 milliards de dollars en une demi-heure (NPR, 7 avril 2025).

Trump prospère dans un tel contexte en semant le chaos et en créant un cycle continu de titres contradictoires. Son ancien conseiller Steve Bannon semblait amusé lorsqu'il a suggéré en 2018 que le moyen de rendre les médias fous était « d'inonder la zone de merde ». C'est une pratique que Trump, qui manque cruellement d'humour, a adoptée avec ferveur.

Il suffit de regarder la mise en scène de la révélation de sa politique tarifaire pour en trouver un excellent exemple. Tel un bonimenteur de foire criant « Approchez, mesdames et messieurs, pour le plus grand spectacle tarifaire au monde ! », Trump a fait monter le suspense pendant des mois sur les droits de douane à venir, baptisant le 2 avril « Jour de la libération » et promettant de dévoiler leur contenu ce jour-là. Le jour J est arrivé et les pourcentages, déterminés selon une formule aussi sophistiquée que quelque chose griffonné au dos d'une enveloppe, ont été révélés en grande pompe et largement relayés par la presse. Quelques jours plus tard, certains de ces droits de douane ont été imposés. Quelques jours après, beaucoup ont été suspendus, puis certains ont été retirés, d'autres laissés en suspens ou brandis comme une menace, et ainsi de suite. La politique changeant d'heure en heure, les justifications changeaient elles aussi, laissant les médias courir sans fin pour essayer de suivre le rythme.

Alors que l'économie mondiale plongeait en réaction, les médias ont consciencieusement rapporté les justifications du jour, notamment l'évaluation du secrétaire au Trésor Scott Bessent selon laquelle il fallait « beaucoup de courage » à Trump pour « maintenir le cap » aussi longtemps qu'il l'avait fait. (La plupart des droits de douane réciproques ont duré environ 12 heures !) Mais le ton général des reportages a changé, comme si les médias avaient soudainement senti qu'ils pouvaient enfin dire haut et fort que l'empereur en herbe n'avait aucune idée de ce qu'il faisait. Je suppose donc que c'est bien « l'économie, idiot » (pour citer l'assistant du président Bill Clinton, James Carville), et non les libertés civiles, les soins de santé, la sécurité de l'emploi, l'exactitude historique ou tout autre élément fondamental qui, dans ma stupidité, aurait pu faire pencher le balancier de l'information.

Une bonne nouvelle

Aussi tentant que cela puisse paraître, les médias ne peuvent ignorer les propos d'un président. Il serait contraire à l'éthique professionnelle d'encourager l'ignorance du public. C'est également dangereux pour la démocratie. Une population mal informée est facilement manipulable et, dans les régions dépourvues de source d'information locale – en 2024, il y avait 206 « déserts médiatiques » aux Etats-Unis, touchant près de 55 millions d'Américains –, il est difficile de maintenir un sentiment de communauté ou de s'organiser pour lutter contre la mauvaise gestion. Pourtant, malgré le chaos et la cruauté de l'administration Trump, les médias ne sont pas sans défense. Ses efforts incessants pour les discréditer témoignent de leur pouvoir et de leur importance. Etant de nature pragmatique, j'ai rassemblé quelques idées provenant de plusieurs sources sur la manière d'utiliser ce pouvoir et j'y ai ajouté quelques-unes de mes propres réflexions pour aboutir à sept propositions et demie pour un journalisme de qualité à l'ère de Donald J. Trump.

1. Relater les faits correctement

Quand on y réfléchit, la seule chose qui joue en faveur des journalistes, c'est que les gens les croient. Sans cela, leur utilité cesse d'exister. Il est donc important (en particulier à l'ère Trump) qu'ils dénoncent les mensonges et les tromperies dans un langage clair, précis, exact et direct, y compris dans les titres. Par exemple, le désir de Trump de transformer Gaza en terrain de golf est un nettoyage ethnique, et non un « plan de reconstruction » de Gaza, et les droits de douane sont des « taxes à l'importation », et non une incitation à la réindustrialisation des Etats-Unis. Il est également nécessaire de répéter sans cesse la vérité face aux mensonges : les immigrants, par exemple, sont beaucoup moins susceptibles d'être emprisonnés pour des crimes que les personnes nées aux Etats-Unis (même si vous ne le sauriez certainement pas en écoutant Trump et son équipe). Et le retrait des financements aux universités vise autant à lutter contre l'antisémitisme que le Covid visait à nettoyer nos sinus.

2. Fournir des informations significatives, du contenu contextuel, des proportions et des conclusions

Les journalistes et les analystes ont pour tâche essentielle de séparer le substantiel du futile, le significatif du sensationnel, les réflexions aléatoires des faits établis, puis de rendre compte de manière exhaustive des véritables enjeux, de les maintenir au premier plan dans le tourbillon de l'actualité et d'expliquer pourquoi ils sont importants. Pour commencer, il faudrait accorder moins d'attention aux décrets présidentiels de Trump – qualifiés à juste titre par un professeur de droit de « simples communiqués de presse avec un papier plus joli » – et davantage aux répercussions des politiques qu'il met en œuvre. Et si les réflexions de Trump méritent d'être notées, elles pourraient apparaître, non pas à la une, mais plutôt à la page 11 (ou son équivalent en ligne), là où le Boston Globe a relégué son reportage sur la manifestation locale « Hands Off ! » qui a rassemblé 100 000 personnes.

3. Prêter attention au cadrage

Les articles d'actualité sont un instantané d'un moment précis, souvent éphémère, au cours duquel les journalistes décident ce qu'ils vont inclure, ce qu'ils vont omettre et ce qu'ils vont mettre en avant. Le problème survient lorsque la pensée conventionnelle et l'instinct grégaire solidifient ces choix comme étant les seuls possibles. Il n'y a peut-être que deux partis politiques dominants aux Etats-Unis, par exemple, mais d'autres forces politiques sont à l'œuvre dans le pays et nous gagnerions tous à ce qu'elles ne soient pas principalement présentées comme des nuisances (référence au courant The Democratic Socialists of America) ou des menaces. Et si les fluctuations du marché boursier ont leur importance, elles importent moins à la plupart des gens que les fluctuations de leur loyer ou de leur hypothèque, de leurs factures d'alimentation ou de leurs perspectives de retraite.

4. Résistez aux euphémismes, aux circonlocutions et à la normalisation de l'anormal

Le terme « sanewashing » (littéralement « blanchiment de la santé mentale »), qui désigne le fait de rapporter les déclarations loufoques de Trump comme s'il s'agissait de réflexions ou de commentaires lucides, n'est plus très utilisé depuis la fin de la campagne présidentielle de 2024. Il a été remplacé par la tendance du journalisme mainstream à renforcer le statu quo, comme lorsque le PDG de CNN (Mark Thompson) a demandé à ses employé·e·s d'omettre toute mention des crimes de Trump et de ses deux procédures de destitution dans leur couverture de l'investiture. Ou peut-être cette option a-t-elle été intégrée à la tâche journalistique qui consiste à essayer de donner un sens aux événements – ce que le rédacteur en chef de The Atlantic, Jeffrey Goldberg, a qualifié de « biais vers la cohérence » –, ce qui a abouti à présenter les insultes enfantines sur les droits de douane échangées entre les conseillers de Trump, Elon Musk et Peter Navarro, comme s'il s'agissait de discussions politiques sérieuses.

5. Faire preuve d'empathie

Ce n'est pas pour rien qu'on appelle cela des « faits divers ». Même si le journalisme qui tire sur la corde sensible peut être jugé facile, les lecteurs, les auditeurs et les téléspectateurs s'intéressent aux histoires qui parlent de personnes, surtout lorsqu'elles leur ressemblent. Ainsi, si le fait que des employés de l'USAID se soient retrouvés enfermés hors de leurs bureaux par le DOGE (Department of Government Efficiency) d'Elon Musk ne touche pas beaucoup d'Américains, par contre les parents dont les enfants ont été privés de crèche parce que son financement a été supprimé par Musk – un milliardaire père de peut-être plus d'enfants qu'il ne peut en compter – seront sans doute plus sensibles à cette histoire.

6. Contrôler le message

Voici le message central à retenir à propos de Trump : il est remarquablement doué pour s'emparer de n'importe quel thème, de n'importe quel sujet qu'il aborde, et pour le garder sous son emprise. Cela signifie que les médias, dont la relation avec les politiciens devrait être intrinsèquement contradictoire, se mettent trop souvent sur la défensive lorsqu'ils tentent de lui faire rendre des comptes sur ses paroles et ses actes. Bien sûr, il ne s'excuse jamais, n'assume jamais la responsabilité de quoi que ce soit, n'écarte jamais rien et n'admet jamais ses erreurs ou ses échecs. Au contraire, lorsqu'il tient des propos extravagants et qu'on le lui fait remarquer, il redouble d'efforts et envoie ses sbires répéter et embellir ses propos. Les médias amplifient et discutent ensuite ces propos, comme s'il s'agissait d'une véritable mesure gouvernementale, plutôt que de propos incohérents, de lubies ou de gesticulations théâtrales. Nous avons donc droit à des articles sur les propos de Trump, puis à des articles sur les articles consacrés à ses propos, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il trouve une nouvelle diversion !

7. Soyez créatifs, audacieux et réfléchis. Soutenez-vous toujours les uns les autres

Ce n'est pas la première fois que la presse s'affronte à l'hostilité du gouvernement. Les médias américains luttent depuis des années pour surmonter le scepticisme et gagner la confiance d'un public exigeant. Les publications spécialisées, les podcasts, les newsletters et d'autres médias indépendants et alternatifs comblent certaines lacunes et contribuent à mobiliser des publics moins visibles, mais résister au pouvoir peut relever d'une tâche très solitaire. A une époque où même la sénatrice républicaine Lisa Murkowski (Alaska) admet avoir peur (« We are all afraid », New York Times, 18 avril 2025), l'autocensure peut sembler un choix trop séduisant. Il est donc essentiel que les autres journalistes s'unissent pour résister aux restrictions injustes imposées à tout journaliste, comme l'ont fait y compris Newsmax et Fox News contre le traitement réservé par Trump à l'AP. Les journalistes peuvent également saluer le courage de leurs collègues pour leur faire savoir qu'ils ne sont pas seuls.

Bien sûr, tout ce qui précède a un coût, c'est pourquoi mon dernier appel ne s'adresse pas aux journalistes, mais à ceux d'entre nous qui accordent de la valeur au journalisme de qualité. Soutenez vos médias locaux et nationaux comme vous le pouvez et, en tant que parties prenantes, exhortez-les à faire mieux. Malgré toutes les critiques méritées aux médias américains, ceux-ci restent l'un des piliers les plus solides de ce qui reste de la démocratie à une époque qui est tout sauf favorable au premier amendement. Nous ne pouvons pas nous permettre de les laisser s'effondrer. (Article publié par Tom Dispatch le 29 avril 2025 ; traduction rédaction A l'Encontre)

Nan Levinson est journaliste et professeure. Elle a publié divers ouvrages dont War Is Not a Game (Rutgers University Press, 2014) brossant le portrait de soldats vétérans issus de la classe ouvrière qui ont refusé d'être considérés comme de simples victimes tragiques ou des héros du front et qui se sont regroupés pour devenir les dirigeants d'une organisation nationale.


[1] Expression renvoyant à : « Ils/elles : les personnes qui s'identifient comme non binaires ou genderqueer, ou pour les personnes dont le sexe est inconnu ou non spécifié. » (Réd.)

[2] The Independent du 16 décembre 2024 écrivait : « M. Bezos, qui possède également le Washington Post, est devenu une cible fréquente des attaques de M. Trump en raison des reportages du journal, récompensés par le prix Pulitzer, au cours de son premier mandat. Le président de l'époque s'est souvent insurgé contre ce qu'il décrivait comme le “Washington Post d'Amazon” sur son compte Twitter (aujourd'hui X), et il a été accusé d'être intervenu pour empêcher Amazon de remporter un énorme contrat d'informatique en nuage (cloud) du Pentagone. Mais ces derniers mois, Bezos a pris des mesures pour apaiser ses relations autrefois tendues avec Trump. » (Réd.)

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Etats-Unis. « Démanteler le gouvernement tout en renforçant le Pentagone »

6 mai, par William D. Hartung — , ,
Sous prétexte d'efficacité, l'administration Trump s'attaque à des programmes et des agences essentiels qui constituent l'épine dorsale du gouvernement civil américain. La (…)

Sous prétexte d'efficacité, l'administration Trump s'attaque à des programmes et des agences essentiels qui constituent l'épine dorsale du gouvernement civil américain. La suppression quasi totale de l'Agence américaine pour le développement international (U.S. Agency for International Development – USAID) [1] et les plans de fermeture du ministère de l'Education ne sont que les exemples les plus visibles d'une campagne qui comprend le licenciement d'experts budgétaires, de responsables de la santé publique, de scientifiques et d'autres personnels essentiels dont le travail sous-tend le fonctionnement quotidien du gouvernement et fournit les services de base nécessaires aux entreprises, aux familles et aux particuliers. Bon nombre de ces services sont aptes à opérer une distinction entre la solvabilité et pauvreté, santé et la maladie, voire, dans certains cas, entre la vie et la mort pour les populations fragiles.

Tiré de A l'Encontre
25 avril 2025

Par William D. Hartung

Drone subsonique de la firme Anduril.

La rapidité avec laquelle les programmes et les agences civiles sont supprimés sous ce deuxième mandat Trump révèle le véritable objectif du Département de l'efficacité gouvernementale (DOGE). Dans le contexte du régime Musk-Trump, « l'efficacité » est un prétexte pour une campagne idéologique motivée par la cupidité visant à réduire radicalement la taille du gouvernement sans se soucier des conséquences humaines.

Jusqu'à présent, la seule agence qui semble avoir échappé à la colère du DOGE – ne soyez pas surpris ! – est le Pentagone. Après que des titres trompeurs ont laissé entendre que son budget serait réduit annuellement de 8% pendant les cinq prochaines années dans le cadre de cette prétendue campagne d'efficacité, le véritable plan a été rendu public : trouver des économies dans certaines divisions du Pentagone pour investir ensuite l'argent ainsi économisé dans d'autres programmes militaires, sans aucune réduction réelle du budget total du département. Puis, lors d'une réunion à la Maison Blanche avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, le 7 avril, Trump a annoncé que « nous allons approuver un budget, et je suis fier de dire qu'il s'agit en fait du plus important que nous ayons jamais consacré à l'armée… 1000 milliards de dollars. Personne n'a jamais vu une telle somme. »

Jusqu'à présent, les coupes budgétaires destinées à financer de nouveaux types d'investissements militaires se sont limitées au licenciement d'employé·e·s civils du Pentagone et au démantèlement d'un certain nombre de départements stratégiques et de recherche internes. Les activités qui rapportent de l'argent aux fabricants d'armes n'ont pratiquement pas été touchées, ce qui n'est guère surprenant étant donné que Musk lui-même préside une importante entreprise sous-traitante du Pentagone : SpaceX.

La légitimité de son rôle devrait bien sûr être remise en question [2]. Après tout, il s'agit d'un milliardaire non élu qui bénéficie d'importants contrats gouvernementaux et qui, ces derniers mois, semble avoir acquis plus de pouvoir que l'ensemble du cabinet. Or, les membres du cabinet sont soumis à la confirmation du Sénat, ainsi qu'à des règles de divulgation financière et de conflit d'intérêts. Ce n'est pas le cas de Musk. Non seulement il n'a pas été contrôlé par le Congrès, mais il a été autorisé à conserver son rôle au sein de SpaceX.

Un gouvernement fantoche ?

Le dépouillement du gouvernement civil par Trump et Musk, tout en maintenant le budget du Pentagone à des niveaux extrêmement élevés, signifie que les Etats-Unis sont en passe de devenir le « État garnison » contre lequel le président Dwight D. Eisenhower avait mis en garde dans les débuts de la guerre froide [entretien publié le 14 mai 1953]. Et attention, tout cela est vrai avant même que n'aient agi les faucons républicains du Congrès, comme le président de la commission des forces armées du Sénat, Roger Wicker [sénateur républicain du Mississippi, Président de la Commission des forces armées], qui demande 100 milliards de dollars supplémentaires pour le budget du Pentagone par rapport à ce que ses responsables ont demandé.

L'enjeu dépasse toutefois largement la manière dont le gouvernement dépense son argent. Après tout, ces décisions s'accompagnent d'une atteinte aux droits constitutionnels fondamentaux tels que la liberté d'expression et d'une campagne d'expulsions massives qui touche même des personnes ayant le droit légal de résider aux Etats-Unis. Sans parler des intimidations et du chantage financier exercés sur les universités, les cabinets d'avocats et les grands médias pour les contraindre à se plier aux volontés politiques de l'administration.

En fait, les deux premiers mois de l'administration Trump-Musk représentent sans aucun doute la prise de pouvoir la plus flagrante de l'exécutif dans l'histoire de cette république, une mesure qui mine notre capacité à préserver, et encore moins à étendre, les droits fondamentaux qui sont censés être les principes fondateurs de la démocratie américaine. Ces droits ont bien sûr été violés à un degré ou à un autre tout au long de l'histoire de ce pays, mais jamais de cette manière. La répression actuelle menace d'effacer les victoires durement acquises par les mouvements pour les droits civiques, les droits des femmes, les droits des travailleurs et travailleuses, les droits des immigré·e·s et les droits des LGBTQ, qui avaient permis à ce pays de se rapprocher de ses engagements déclarés en faveur de la liberté, de la tolérance et de l'égalité.

En 2019, Steve Bannon, populiste d'extrême droite et ami de Trump, a déclaré à la chaîne PBS Frontline que la clé d'une victoire future était d'augmenter la « vitesse initiale » des changements politiques radicaux, afin que les opposants au mouvement MAGA ne sachent même pas ce qui leur arrive. « Tout ce que nous avons à faire, a-t-il déclaré alors, c'est d'inonder la scène. Chaque jour, nous leur assénons trois coups. Ils mordront à l'appât, et nous aurons fait tout ce que nous avions à faire. Bang, bang, bang. Ces types ne s'en remettront jamais, jamais. Mais nous devons commencer par la rapidité de mise en œuvre. »

L'administration Trump/Musk met actuellement en œuvre une stratégie de ce type de manière stupéfiante.

Epargner le Pentagone

Malgré un certain bruit autour des gains d'efficacité réalisés au Pentagone grâce au DOGE, le Pentagone a en effet été épargné du sort réservé à des organismes civils tels que l'Agence pour le développement international (USAID) et le ministère de l'Education, qui ont été soit décimés, soit voués à disparaître complètement.

Une proposition visant à licencier 60 000 employés civils du Pentagone aura des conséquences dramatiques pour ceux qui s'attendent à perdre leur emploi. Mais cela ne représente que 5% des effectifs du département, qui compte 700 000 fonctionnaires et plus d'un demi-million de personnes sous contrat. En revanche, les effectifs de l'USAID, qui apportait une aide pacifique à des pays du monde entier, ont été rapidement réduits de 10 000 à moins de 300.

En outre, les licenciements de scientifiques et d'experts en santé publique pourraient avoir des conséquences désastreuses à l'avenir en réduisant la capacité du gouvernement à prévenir ou à réagir face à des maladies infectieuses et d'éventuelles pandémies, telles que liées à de nouveaux variants du Covid ou à la grippe aviaire. Pour aggraver le problème, l'administration a ordonné le licenciement d'un employé sur cinq des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC-Centers for Disease Control and Prevention) et fait désormais pression sur cette agence pour qu'elle résilie plus d'un tiers de ses contrats externes.

Ed. Bold Type Books, à paraître en novembre 2025.

En outre, le licenciement quasi instantané, au début du second mandat de Trump, des inspecteurs généraux indépendants chargés de surveiller le gaspillage, la fraude et les abus au sein du gouvernement n'augure rien de bon pour le contrôle d'une administration déjà en proie à de nombreux conflits d'intérêts. Pire encore, la suspension par le ministère de la Justice des poursuites judiciaires en matière de droits civiques permettra à l'injustice raciale de prospérer sans la moindre opposition juridique significative.

A cela s'ajoutent les projets de l'administration Trump et des républicains de la Chambre des représentants visant à réduire les programmes de Medicaid [couverture médicale à des personnes à faibles revenus ou handicapées], de la sécurité sociale et de l''aide alimentaire d'urgence, qui bénéficient à des dizaines de millions d'Américains. En outre, des réductions de personnel ont déjà eu cours au sein de l'administration de la sécurité sociale, et des mesures ont été prises pour rendre plus difficile l'accès aux prestations. Et ce n'est sans doute qu'un début. A l'avenir, des coupes directes dévastatrices pourraient être opérées dans un programme qui bénéficie à plus de 70 millions d'Américains. Et ces programmes essentiels pourraient, à leur manière, finir par être supprimés, en partie pour faire place à une réduction d'impôts de plusieurs milliers de milliards de dollars destinée principalement – vous ne serez sans doute pas surpris de l'apprendre – à aider les personnes les plus aisées.

En bref, l'objectif est de rendre l'Amérique plus inégalitaire grâce à un programme expansif qui pourrait faire passer pour ridicules les niveaux actuels d'inégalité qui dépassent déjà ceux atteints pendant l'« âge d'or » de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.

L'exception du Pentagone

Alors que la plupart des agences gouvernementales sont assiégées ou craignent de l'être dans un avenir relativement proche, une agence a largement échappé aux coupes budgétaires : le Pentagone. En 2024, cette agence (y compris les travaux sur les ogives nucléaires réalisés par le ministère de l'Energie) a déjà reçu la somme astronomique de 915 milliards de dollars, soit plus de la moitié du budget discrétionnaire du gouvernement fédéral pour cette année-là.

Dans le même temps, comme l'a récemment montré une analyse du New York Times (4 mars 2025), les revenus des principaux entrepreneurs du secteur de l'armement n'ont pratiquement pas été touchés. Jusqu'à présent, General Dynamics, avec une perte de moins de 1%, et Leidos [entre autres systèmes informatiques], avec une perte de 7%, sont les seules entreprises parmi les dix premiers fournisseurs d'armes à avoir subi une baisse de leurs revenus suite aux efforts du DOGE.

Au sein du Pentagone un compromis possible pourrait consister à abandonner les grandes « infrastructures » telles que les porte-avions et les avions de combat pilotés pour se tourner vers des systèmes plus rapides, plus agiles et plus faciles à produire, basés sur des applications d'intelligence artificielle, notamment des essaims de drones. Elon Musk critique depuis longtemps l'avion de combat F-35 de Lockheed Martin, qu'il a qualifié de « pire rapport qualité-prix militaire » de l'histoire des achats du Pentagone. Sa solution, cependant, consiste en des drones encore plus perfectionnés, probablement produits par ses alliés de la Silicon Valley.

Mais il existe une autre possibilité : le Pentagone pourrait augmenter encore son budget afin de financer des systèmes de toutes tailles, alimentant ainsi à la fois les grands entrepreneurs et les entreprises émergentes dans le domaine des technologies militaires. Après tout, malgré les critiques de Musk, le président a récemment annoncé que Boeing produirait un nouvel avion, le F-47 (le « 47 » étant, vous l'avez deviné, en l'honneur du 47e président des Etats-Unis).

S'il y a une tendance à trouver des compromis entre les systèmes existants et les nouvelles technologies, les deux camps disposeront d'un poids considérable en matière de lobbying. Après tout, la Silicon Valley est littéralement implantée dans l'administration Trump, de Musk au vice-président J.D. Vance, un protégé de Peter Thiel, le fondateur de l'entreprise de technologie militaire Palantir. Peu après avoir obtenu son diplôme de la faculté de droit de Yale, J.D.Vance a été embauché chez Mithril, une société de capital-risque appartenant à Thiel. Lorsque Vance a quitté cette entreprise en 2019 pour se présenter au Sénat dans l'Ohio, il l'a fait avec le soutien financier de Peter Thiel, à hauteur de 15 millions de dollars.

Et Thiel n'est qu'un parmi les magnats de la technologie qui soutiennent Vance. Une analyse de CBS News a révélé que : « Vance, un nouveau venu dans la politique nationale, a assidûment courtisé les milliardaires et les tycoons de la Silicon Valley pour financer son ascension improbable, passant du statut d'auteur à succès d'un libre autobiographique sur le désespoir, la drogue et la pauvreté générationnelle dans les Appalaches à un poste qui pourrait le placer à deux doigts de la présidence. »

Le journal conservateur New York Post a résumé la situation dans un article publié en juillet 2024 : « La Silicon Valley salue le choix de Vance alors que de plus en plus de milliardaires de la tech soutiennent Trump. » Et n'oubliez pas que Musk et Vance ne sont pas les seuls défenseurs du secteur militaro-technologique au sein de l'administration Trump. Stephen Feinberg, numéro deux du Pentagone, a travaillé pour Cerberus Capital, une société d'investissement qui a déjà investi dans les industries des armes à feu et de la défense. Et Michael Obadal, directeur principal chez Anduril, a été sélectionné pour occuper le poste de secrétaire adjoint à l'Armée (Under Secretary of the Army). Une analyse récente de Bloomberg a en effet révélé que « plus d'une douzaine de personnes liées à Thiel – notamment des employés actuels et anciens de ses entreprises, ainsi que des personnes qui ont contribué à gérer sa fortune ou qui ont bénéficié de ses investissements et de ses dons caritatifs – ont été intégrées à l'administration Trump ».

De leur côté, les cinq grands fabricants d'armes, emmenés par Lockheed Martin, ont toujours une ferme emprise sur le Congrès, après avoir versé des millions de dollars en contributions électorales, employé des centaines de lobbyistes au sein de commissions qui influencent les dépenses et la stratégie militaires, et implanté leurs installations dans la majorité des Etats et des circonscriptions du pays. Même si certains membres du Pentagone tentaient de supprimer progressivement le F-35, le Congrès pourrait bien ajouter des fonds à la demande budgétaire de cette institution afin de sauver le programme.

Les récentes décisions en matière d'acquisitions suggèrent que le Congrès et l'administration Trump pourraient souhaiter financer à la fois les entrepreneurs traditionnels et les entreprises technologiques émergentes. Les deux annonces les plus importantes récemment faites dans le cadre de ce programme – la sélection de Boeing comme principal fournisseur de l'avion de combat de nouvelle génération F-47 et l'engagement du président Trump en faveur d'un système de défense « Golden Dome » censé protéger l'ensemble des Etats-Unis contre les missiles ennemis – offriront de nombreuses perspectives aux entreprises d'armement traditionnelles et aux entreprises technologiques militaires émergentes. La phase de lancement du programme F-47 pourrait coûter jusqu'à 20 milliards de dollars, mais comme l'a fait remarquer Dan Grazier du Stimson Center, ces 20 milliards ne seront qu'un « capital de départ ». A terme, le coût total s'élèvera à plusieurs centaines de milliards de dollars. Parallèlement, General Atomics et Anduril sont en concurrence pour construire des drones « wingmen » [drones subsoniques et animés par l'IA] qui fonctionneraient en coordination avec les futurs F-47 en situation de combat.

A ce stade, le « Golden Dome » [par référence du « Iron Dome » israélien] du président Trump n'est pas encore un concept abouti, mais une chose est sûre : pour atteindre son objectif d'une défense complète et étanche contre les missiles, il faudra construire un grand nombre d'intercepteurs et de nouveaux satellites militaires reliés entre eux par des systèmes de communication et de ciblage avancés, pour un coût potentiel de plusieurs centaines de milliards de dollars à terme. Et si les grandes firmes d'armement ont peut-être une longueur d'avance dans la construction du matériel nécessaire au « Golden Dome », les entreprises technologiques émergentes sont mieux placées pour produire les composants logiciels, de ciblage, de surveillance et de communication du système.

Le « Golden Dome » est sur le point d'être mis en œuvre bien que, comme l'a affirmé Laura Grego de l'Union of Concerned Scientists, « il est depuis longtemps admis que la défense contre un arsenal nucléaire sophistiqué est techniquement et économiquement irréalisable ». Mais cette réalité n'empêchera pas l'afflux massif de fonds publics dans ce projet, aussi irréaliste soit-il, car les profits tirés de sa production seront bien trop réels.
Une résistance grandissante ?

Des signes d'une résistance croissante à l'agenda de Musk et Trump se manifestent, qu'il s'agisse de poursuites judiciaires, de rassemblements contre l'oligarchie menés par le sénateur Bernie Sanders (Indépendant du Vermont) et la représentante Alexandria Ocasio-Cortez (AOC, démocrate de New York) [3], ou encore d'un boycott des voitures Tesla de Musk. Ces actions devraient être appuyées par l'engagement de millions de personnes supplémentaires, y compris les partisans de Trump qui ont été touchés par ses coupes dans des programmes essentiels qui les aidaient à rester à flot financièrement. L'issue de tout cela est incertaine, mais les enjeux sont tout simplement colossaux. (Article publié sur le site Tom Dispatch le 22 avril 2025 ; traduction rédaction A l'Encontre)


[1] Les financements d'USAID ont été réduits à hauteur de 83%. USAID, lancé par Kennedy, participait d'une opération de soft power des Etats-Unis, suite à la révolution cubaine. Cette initiative s'articule avec les opérations de la CIA, pour faire court. La part humanitaire dans le budget a une place significative et étaye le travail de nombreuses ONG. (Réd. A l'Encontre)

[2] Elon Musk vient d'annoncer le recentrage de ses activités, au-delà de désaccords ponctuels au sein de l'administration, vers son entreprise Tesla, dont l'action a reculé de 431 dollars le 27 décembre à 284 le 22 avril. Du point de vue de Tesla, le succès de la voiture autonome semble décisif par rapport aux modèles traditionnels qui datent de cinq à sept ans. (Réd. A l'Encontre)

[3] La campagne contre l'oligarchie initiée par Bernie Sanders a reçu une audience importante dans de très nombreuses villes, réunissant des milliers de participants et traduisant un potentiel d'opposition au plan social et démocratique. La participation d'AOC s'inscrit certes dans un projet de relance du Parti démocrate, comme force bourgeoise historique. (Réd. A l'Encontre)

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Etats-Unis. « Diktats, DOGE, dissidence et démocrates en déroute à l’ère Trump »

Analyser les différentes offensives et attaques de la guerre éclair sans précédent menée par Trump demanderait beaucoup de recherches. Nous laisserons ici à d'autres le soin (…)

Analyser les différentes offensives et attaques de la guerre éclair sans précédent menée par Trump demanderait beaucoup de recherches. Nous laisserons ici à d'autres le soin d'examiner les aspects importants de la réorganisation de l'empire américain. Je limiterai mon analyse à quelques points centraux qui indiquent les limites et l'étendue des bulldozers de Trump ainsi que les sources de l'opposition.

Tiré de A l'Encontre
2 mai 2025

Par Kim Moody

(Photo : Sarah Jane Rhee)

Le point d'achoppement ultime des plans de Trump et des efforts des démocrates pour les bloquer ou les minimiser, sans parler de proposer une véritable alternative, réside dans l'état à long terme du capitalisme, surtout aux Etats-Unis et dans les autres économies développées.

Commerce, droits de douane et coût de la vie

Trump a insufflé une nouvelle vie à la conquête impériale. Son intérêt pour le Panama, le Groenland et même le Canada peut sembler purement fou sur le plan politique ou militaire, mais il n'est pas totalement irrationnel sur le plan économique. En effet, la ruée vers les terres rares et les métaux nécessaires à l'intelligence artificielle et aux technologies connexes, ainsi que la concurrence pour les parts de marché dans l'Arctique, font partie des nouvelles rivalités impérialistes actuelles.

La réappropriation du canal de Panama donnerait aux Etats-Unis un contrôle significatif sur le commerce océanique et ses coûts ; l'acquisition du Groenland et, plus absurdement encore, l'annexion du Canada donneraient à la Grande Amérique la domination sur les voies maritimes arctiques en expansion du passage du Nord-Ouest. Une alliance avec la Russie renforcerait considérablement la présence des Etats-Unis dans le passage nord-est de l'Arctique, complétant ainsi deux grandes routes interocéaniques nordiques. Ces deux éléments réduiraient considérablement le temps de transport océanique. [1]

Il existe déjà quelque 200 ports libres de glace sur les différentes routes maritimes de l'Arctique, dont au moins vingt au Groenland. [2] A mesure que la calotte polaire fond, les possibilités deviennent, disons, non pas infinies – car elles nous rapprocheront la catastrophe climatique –, mais en attendant, il y a de l'argent à gagner !

Bien sûr, les cibles de ce fantasme colonial résisteront et il y a des problèmes de droit international. Plus que la possession, il est probable que Trump souhaite obtenir des accords similaires à celui conclu avec le Panama.

Dans ce pays, la société hongkongaise Panama Ports Company a vendu 90% de ses parts à un consortium états-unien dirigé par le géant du capital-investissement BlackRock. Ce qui lui donne le contrôle des ports situés à l'entrée du canal sur l'Atlantique et le Pacifique. En outre, le président du Panama a accepté de rejeter les initiatives chinoises « Belt and Road » (Nouvelle route de la soie) au Panama. [3] Un coup de maître pour Trump.

Peut-être le Groenland sera-t-il persuadé de donner la préférence aux transporteurs maritimes états-uniens dans les ports de l'Arctique, ainsi que les droits sur les terres rares et autres métaux que Trump convoite tant. Une telle réorganisation des routes commerciales perturberait toutefois les chaînes d'approvisionnement mondiales actuelles, car certains transporteurs de la côte Est des Etats-Unis et d'Europe passeraient d'un trafic vers l'est à un trafic vers l'ouest, ce qui modifierait les itinéraires et perturberait les principales chaînes d'approvisionnement.

Les droits de douane sont censés générer des recettes pour compenser la réduction des impôts sur les riches, mais leur objectif principal est d'encourager les entreprises à investir dans l'industrie manufacturière aux Etats-Unis en augmentant le coût des importations. Les droits de douane et les taxes représentent environ 3% des recettes fédérales des Etats-Unis. Trump les a augmentés à 3,65% lors de son premier mandat et Biden les a légèrement réduits. Si les droits de douane beaucoup plus élevés qu'il propose aujourd'hui augmenteraient quelque peu les recettes, ils réduiraient également les importations, limitant ainsi les nouvelles recettes provenant des droits de douane.

Quoi qu'il en soit, si des droits de douane élevés augmenteront considérablement les coûts pour les consommateurs, ils ne devraient pas compenser les importantes réductions d'impôts. Comme l'indique une étude de la Maison Blanche sous Biden, « il est mathématiquement improbable qu'un droit de douane général puisse jamais remplacer les recettes provenant de l'impôt sur le revenu des particuliers » [4].

Bien que la production manufacturière états-unienne ait connu une certaine reprise ces dernières années, la principale raison pour laquelle une augmentation des droits de douane n'est pas susceptible d'entraîner une relance importante de ce secteur réside dans l'état de l'économie des Etats-Unis et de la plupart des pays développés depuis la grande récession de 2008-2010.

Cette situation se caractérise non seulement par la tendance à la baisse et à l'instabilité des taux de profit et par l'extrême inégalité de la répartition des profits aux Etats-Unis, mais aussi par une quinzaine d'années de faible productivité dans le secteur manufacturier – qui ne montre aucun signe d'amélioration –, ainsi que par une croissance économique relativement lente dans l'ensemble, associée à une tendance inflationniste.

En conséquence, les droits de douane que Trump a imposés, puis suspendus, puis réinstaurés jusqu'en avril, sur le Mexique et le Canada, ainsi que les droits de douane surprise de 50% sur l'acier et l'aluminium canadiens, qui s'ajoutent à ceux imposés à la Chine, vont accélérer la tendance inflationniste déjà existante. [5]

L'industrie automobile en est un exemple flagrant. Environ 40% des véhicules vendus aux Etats-Unis par Stellantis [Groupe PSA et Fiat Chrysler Automobiles], 30% par Ford et 25% par GM sont fabriqués au Canada ou au Mexique. Nissan, Honda et Volkswagen produisent également des voitures au Mexique pour les exporter vers les Etats-Unis. Il est évident qu'un droit de douane de 25% entraînerait une augmentation significative des prix de vente. Mais même les voitures et les camions « fabriqués aux Etats-Unis » dépendent de pièces importées.

Une étude récente de l'OCDE montre que les pièces importées du Mexique et du Canada représentent en moyenne 10% du coût des voitures fabriquées aux Etats-Unis, tandis que les pièces chinoises ajoutent 5,4% supplémentaires. [6] Il est évident que des droits de douane élevés sur ces intrants, non seulement dans l'industrie automobile mais dans l'ensemble du secteur manufacturier, entraîneront une hausse générale des prix, même au-delà des tendances inflationnistes sous-jacentes du capitalisme contemporain.

Une estimation des droits de douane proposés jusqu'à présent, y compris ceux sur le Mexique, le Canada et la Chine, prévoit une augmentation des coûts de 600 milliards de dollars. [7] Cela constituera un sérieux problème pour Trump, qui a remporté en partie la campagne électorale victoire en promettant de contrôler le coût de la vie.

Réduction de l'Etat ou nettoyage politique et ethnique ?

Aujourd'hui, l'Etat fédéral emploie environ 3 millions de fonctionnaires civils, contre un pic de 3,4 millions en 1990, sans aucune réduction budgétaire. Ce chiffre a augmenté sous Reagan [1981-1989], a légèrement baissé sous Clinton [1993-2001] et Obama [2009-2017], puis a augmenté sous Trump et Biden. Mais il n'est jamais descendu en dessous de 3 millions au cours des cinquante dernières années. Ses dépenses n'ont pas non plus diminué de manière significative au cours des dernières décennies. [8]

Elon Musk affirme que son DOGE (Department of Government Efficiency) a supprimé 200 000 emplois fédéraux. Cela ramènerait le nombre d'emplois au niveau de 2016 sous Obama, ce qui est loin d'être suffisant pour financer les cadeaux proposés par Trump aux plus riches. Face aux critiques venant de toutes parts, Musk affirme que les chefs d'agence feront le reste du sale boulot et qu'il passera à la redigitalisation des systèmes déjà numérisés des agences. [9]

Cependant, le DOGE a déjà rencontré des problèmes provenant de diverses origines, notamment les tribunaux et, bien sûr, les fonctionnaires fédéraux et leurs syndicats. Il n'est donc pas certain que ces réductions soient permanentes. Si, en revanche, elles sont maintenues et même renforcées, le gouvernement sera plus susceptible de faire face à des perturbations et à des fermetures qu'à des gains d'efficacité.

Cela peut convenir à Trump, à Musk et à leurs collègues milliardaires, mais les citoyens touchés par ces mesures ne seront pas ravis, et ils seront nombreux, y compris parmi les partisans actuels de MAGA. En outre, un nombre croissant d'entreprises qui ont des contrats avec le gouvernement ou dépendent de son agrément ont exprimé dans leurs derniers rapports trimestriels leur inquiétude face au chaos créé par le DOGE. [10]

Outre l'expulsion inhumaine prévue de millions d'immigrants, l'une des mesures envisagées qui risque d'avoir les conséquences sociales les plus immédiates et de susciter une vive réaction est la réduction proposée du programme Medicaid [couverture des frais médicaux de personnes à très faible revenu ou handicapées]. Les républicains à la Chambre des représentants ont déjà proposé, dans leur résolution budgétaire, de réduire de 880 milliards de dollars le budget de Medicaid sur dix ans. Cela représenterait une part importante des 660 milliards de dollars que coûte actuellement Medicaid chaque année.

Si Medicaid est toujours considéré comme un programme destiné aux pauvres, 72 millions de personnes bénéficient en réalité de ses prestations. De telles coupes toucheraient davantage les circonscriptions démocrates, car celles-ci se trouvent dans des Etats qui ont étendu Medicaid dans le cadre de l'Affordable Care Act [Loi sur la protection des patients connue sous le nom d'Obamacare], mais de nombreuses circonscriptions républicaines seraient également touchées. Dans la circonscription du président républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson [Louisiane], par exemple, un tiers de la population bénéficie de l'aide de Medicaid. Certains représentants républicains ont exprimé leurs inquiétudes quant aux conséquences électorales de telles coupes. [11]

Des coupures importantes dans le programme Medicaid affaibliraient également les hôpitaux et les maisons de retraite dans les circonscriptions les plus touchées. Medicaid et Medicare [couvrant les frais médicaux des personnes âgées] représentent ensemble près d'un tiers des revenus des hôpitaux. A lui seul, Medicaid fournit environ 14% de ces revenus, et davantage pour les maisons de retraite. Les coupes budgétaires proposées entraîneraient la fermeture de certains services de santé, ainsi que des licenciements de personnel. Ainsi, les communautés les plus touchées par les coupes budgétaires et déjà confrontées à des services médicaux insuffisants verraient leurs établissements de soins se raréfier.

Ces coupes auront également un impact sur les budgets des Etats en général, puisque les fonds fédéraux et étatiques destinés à Medicaid représentent en moyenne 28% des recettes des Etats. [12] L'opposition aux coupes dans Medicaid a déjà pris la forme de recours judiciaires intentés par une alliance de procureurs généraux des Etats démocrates.

La plupart des coupes budgétaires effectuées jusqu'à présent visent non seulement à réduire ou à supprimer les agences qui aident les personnes pauvres et les classes populaires aux Etats-Unis et à l'étranger, mais aussi à affirmer le pouvoir présidentiel et le contrôle de l'exécutif sur tous les aspects de la bureaucratie administrative.

Sept mille employés du programme USAID ont été licenciés ou mis en congé, 1700 du Bureau de protection financière des consommateurs, trois hauts fonctionnaires de la Commission pour l'égalité des chances en matière d'emploi et deux du Conseil national des relations du travail (National Labour Relations Board-NLRB), perpétuellement en sous-effectif.

Les nouveaux responsables des agences de Trump ont également procédé à des purges politiques au sein du département d'Etat, du Conseil national de sécurité, du Bureau de la démocratie, des droits de l'homme et du travail, et de deux comités consultatifs économiques du département du Commerce. Le licenciement des 18 inspecteurs généraux qui supervisent toutes les grandes agences fédérales – c'est-à-dire la suppression de tout contrôle objectif et de toute transparence – est un signe clair du renforcement du pouvoir et de la liberté d'action du président.

Trump/Musk ont également licencié plus d'une douzaine de procureurs fédéraux qui enquêtaient sur les activités criminelles de Trump. [13] Et ainsi de suite.

Depuis que Woodrow Wilson [1913-1921] a ségrégué une grande partie de la bureaucratie fédérale, aucun président n'avait pris de mesures aussi ouvertement racistes à l'encontre des fonctionnaires fédéraux. L'une des premières mesures prises par Trump a été de mettre fin à tous les programmes DEI (diversité, équité et inclusion). Cette mesure a été suivie par le licenciement ou la mise en « congé » du personnel lié à la DEI dans l'ensemble du gouvernement.

A la mi-février, cela concernait notamment les anciens combattants (Veterans Affairs), l'EPA (Environmental Protection Agency), l'éducation (département de l'Education), l'EEOC (Equal Employment Opportunity Commission) et même les garde-côtes. [14] Avec l'expulsion prévue de millions d'immigrants, c'est un pas de plus dans la volonté de Trump de « rendre l'Amérique blanche à nouveau », ce qu'elle n'a jamais été. Des manifestations ont déjà éclaté pour s'opposer à ce racisme flagrant et d'autres sont à prévoir.

Pour couronner son nettoyage ethnique du gouvernement au profit de la ploutocratie, voire de l'oligarchie, Trump a nommé pas moins de 13 milliardaires et un nombre supplémentaire de multimillionnaires à des postes de haut niveau dans son administration. Certains sont des amis de Donald Trump, beaucoup travaillent dans la finance, le capital-investissement ou l'immobilier. Ensemble, ils pèseraient 380 milliards de dollars.

Cela ne tient pas compte d'Elon Musk, dont la fortune, estimée à plus de 400 milliards de dollars, dépasse celle de tout le groupe, du moins jusqu'à ce que le cours de l'action Tesla se soit effondré en mars. [15] C'est un sacré casting pour un soi-disant populiste.

Les obstacles à la MAGAnomics, les racines de la résistance

Les obstacles à la réalisation du rêve de Trump d'une « forteresse américaine » fondée sur une économie manufacturière florissante et les racines de la résistance croissante résident en partie dans la situation économique de longue date des Etats-Unis et du monde. Je dis « en partie » parce que l'action sociale des êtres humains n'est jamais le simple reflet des conditions économiques.

Trump ira à contre-courant de l'économie aussi longtemps que possible, et l'inflation et la résistance populaire contre les expulsions contribueront à l'émergence d'un nombre croissant de leaders et d'organisations de base, y compris potentiellement la croissance des syndicats, mais ne la garantiront pas. Comme beaucoup d'autres, j'ai souvent plaidé en faveur de la nécessité d'une « minorité militante » de la classe laborieuse, consciente et bien organisée, telle qu'elle a émergé dans les années 1930, pour diriger une résistance de masse.

Il est désormais presque universellement reconnu que le capitalisme dans les économies avancées, avec les Etats-Unis au centre et la Chine qui rattrape son retard, a ralenti jusqu'à presque s'arrêter au cours de la dernière décennie et devrait continuer à ce rythme. Même le Fonds monétaire international et la Banque mondiale le confirment. Comme l'a déclaré l'année dernière la directrice du FMI, Kristalina Georgieva, le reste de la décennie s'annonce « morose et décevant » et « sans correction de cap, nous nous dirigeons vers une décennie 2020 tiède ». [16] Si cette réalité fait débat, d'un point de vue marxiste, le déclin général des taux de profit, avec quelques hauts et bas, a limité les investissements dans les secteurs productifs de l'économie.

De plus, même si les super-riches dépensaient moins leurs nouveaux abattements fiscaux dans les cryptomonnaies, les actions et autres spéculations financières (contre l'avis de Trump), le succès serait certainement limité. L'économie des Etats-Unis a été déformée par des investissements disproportionnés dans le développement des infrastructures gigantesques (très coûteuses et désastreuses sur le plan écologique) nécessaires à l'intelligence artificielle générative (IA) et aux technologies connexes. Une grande partie de ces investissements aura probablement peu d'utilité industrielle pratique, même si Musk en absorbera une partie pour refondre l'Etat.

Les énormes capitaux absorbés par ce secteur de l'IA ont, à leur tour, contribué à saper la productivité dans le reste de l'économie, en particulier dans la production et la circulation des biens. Dans le but d'augmenter leurs profits, les entreprises ont augmenté leurs prix et contribué à l'inflation. Ensemble, ces tendances laissent présager une période de « stagflation » analogue à celle des années 1970 plutôt qu'un nouvel « âge d'or ». [17]

Aux Etats-Unis, les profits non financiers ont augmenté d'année en année, mais leur répartition a empêché une période de croissance générale. D'un côté, des centaines de milliards pour l'IA et un petit groupe de grandes entreprises (principalement les « Magnificent Seven » de la technologie) ; de l'autre, des entreprises « zombies » en déclin, avec peu ou pas de bénéfices, qui représentent 20 à 30% de toutes les entreprises ces dernières années, et celles du milieu qui tombent en dessous du seuil de rentabilité. [18]

La répartition des profits est illustrée par le fait que, mesurées en termes de taux de marge net, les entreprises du secteur des technologies de l'information affichent un taux de profit deux fois supérieur à la moyenne. Etant donné qu'autant d'entreprises affichent un faible retour sur investissement, les taux de profit moyens ont de nouveau baissé depuis 2022. [19]

En outre, l'idée que l'IA générative va entraîner une renaissance de l'industrie manufacturière est une autre utopie technologique. Comme le souligne Daron Acemoglu, expert de renom en IA, fin 2024, « seules 5% environ des entreprises aux Etats-Unis ont déclaré utiliser l'IA ». Il ajoute : « L'IA est une technologie de l'information. Elle ne fera pas votre gâteau ni ne tondra votre pelouse. Elle ne prendra pas non plus le contrôle des entreprises ou de la recherche scientifique. Elle peut plutôt automatiser une série de tâches cognitives qui sont généralement effectuées dans les bureaux ou devant un ordinateur. » [20]

Une étude récente de la Brookings Institution est arrivée à la même conclusion : « L'IA n'est pas susceptible de perturber beaucoup le travail physique, routinier et manuel, à moins d'une percée technologique dans le domaine de la robotique. » [21] Cette dernière n'a pas eu d'impact sur la productivité de l'industrie manufacturière ou des transports depuis plus d'une décennie, malgré quelques nouveaux développements.

Une enquête réalisée en 2025 par le Pew Research Center a révélé que près de 80% des travailleurs et travailleuses n'utilisent pas l'IA ou n'en ont jamais entendu parler sur leur lieu de travail. En outre, ceux qui l'utilisent sont concentrés dans quelques « zones métropolitaines hautement qualifiées », à savoir San Jose, San Francisco, Durham, New York et Washington DC, et non dans les grandes villes industrielles.

L'IA pourrait bien accélérer et éliminer de nombreux emplois, mais ceux-ci ne concerneront pas principalement la production et le transport de marchandises ni la plupart des services qui exigent un effort physique et des déplacements, c'est-à-dire la majorité des emplois de la classe laborieuse. [22]

Enfin, l'inflation va très certainement compromettre les plans de Trump et, dans le même temps, susciter une résistance accrue parmi un plus grand nombre de travailleurs. Cela risque d'encourager à la fois la militance syndicale et la création de nouvelles organisations, malgré l'affaiblissement de la NLRB par Trump et le fanatisme anti-syndical général.

La faible productivité, combinée à la stagnation à long terme des salaires réels et à l'augmentation des marges bénéficiaires (même si elles sont inégalement réparties), tend à pousser les prix à la hausse et à alimenter l'inflation. Après avoir légèrement reculé à partir de février 2024, l'inflation a de nouveau augmenté entre septembre et janvier 2025 pour atteindre 3% sur l'ensemble des biens, avant de retomber légèrement à 2,8% en février, en raison presque exclusivement de la baisse des prix des billets d'avion et des voitures – une baisse qui ne durera pas longtemps avec les droits de douane imposés par Trump.

Dans l'ensemble, Goldman Sachs prévoit que les droits de douane de Trump feront augmenter l'inflation d'un point de pourcentage en 2025. [23] La croissance réelle du PIB a chuté à 2,3% au cours de cette période et le chômage est resté autour de 4%. Malgré la hausse des profits, les investissements fixes ont baissé et les faillites d'entreprises ont augmenté, ce qui laisse présager une « stagflation », c'est-à-dire une croissance lente combinée à une hausse des prix. [24]

Les grèves ne concernent bien sûr pas uniquement les salaires, les questions liées aux conditions de travail étant souvent encore plus importantes. Et là aussi, il y a lieu de s'attendre à une résistance, car les employeurs cherchent à augmenter leurs taux de profit en baisse en intensifiant le travail, souvent sous l'impulsion des technologies numériques.

Toutefois, à l'heure actuelle, début 2025, on ne constate pas de recrudescence des grèves. Comme le rapporte le Labor Action Tracker de l'Institute for Labor Research (ILR), le nombre de grèves est passé de 471 en 2023 à 359 en 2024, tandis que le nombre de grévistes est tombé de 539 000 à 293 000. Ces niveaux restent toutefois bien supérieurs à ceux de 2022 et 2021. Néanmoins, début mars de cette année, seules 36 grèves ont été enregistrées par l'ILR, ce qui est nettement inférieur aux trois années précédentes. [25]

Le nombre de grévistes en 2023 a été soutenu par d'importantes négociations collectives, notamment celles des 160 000 acteurs de la SAG-AFTRA (Screen Actors Guild ?American Federation of Television and Radio Artists), les 75 000 membres du SEIU (Service Employees International Union) chez Kaiser Permanente [consortium de soins intégrés] et les 65 000 enseignants de Los Angeles. [26] Deux raisons peuvent expliquer ce recul des actions de grève : le ralentissement de la hausse des prix à la consommation pendant la majeure partie de l'année 2024 et le nombre moins élevé qu'en 2023 de contrats arrivant à expiration, moment où la plupart des grèves ont lieu.

Toutefois, en ce qui concerne les grèves importantes impliquant 1000 travailleurs ou plus, leur nombre a augmenté, avec 31 grèves mobilisant 271 500 travailleurs, soit plus de 90% du total, à partir de 2024. Le nombre de grèves importantes a été bien supérieur à celui de toutes les années depuis 2000, tandis que le nombre de grévistes a également été supérieur à celui de la plupart des années depuis 2000, à l'exception de 2023 et de la vague de grèves des enseignants des « Etats rouges » [républicains] en 2018-2019.

L'éducation et les services de santé ont été les principaux secteurs touchés par les grèves, et l'Ouest a été le théâtre de la majorité d'entre elles, reflétant les changements au sein de la classe ouvrière. [27] Une grande partie des contrats expirant en 2025 concernent l'éducation et les services de santé, ce qui laisse présager un nombre important de grèves de grande ampleur.

D'autre part, la syndicalisation s'est quelque peu accélérée en 2024 grâce à l'amélioration du NLRB et à des tactiques plus audacieuses, même si cela reste loin de ce qui est nécessaire pour que le mouvement syndical se développe réellement par cette voie. Selon les estimations du Bureau of Labor Statistics (BLS), le nombre d'adhérents aux syndicats n'a pratiquement pas changé, augmentant à peine de 31 000 personnes, grâce uniquement aux secteurs de l'éducation et de la santé. [28] Cependant, les premières victoires, même partielles, remportées par les Teamsters chez Amazon et les grèves « transplants » [horizontales dans des secteurs de plusieurs firmes] de l'UAW pourraient annoncer une percée majeure, avec ou sans l'aide de la NLRB.

Dans le même temps, les mouvements réformateurs de ces dernières années ont poussé à plus de démocratie et d'action dans un certain nombre de syndicats, notamment l'United Auto Workers (UAW), les Teamsters, les syndicats ferroviaires, l'United Food and Commercial Workers, les Theatrical and Stage Employees, les Professional and Technical Engineers et la National Association of Letter Carriers.

Suivant l'exemple des Teamsters chez UPS en 2023, davantage de travailleurs se sont engagés dans des campagnes actives pour obtenir des contrats et rejeter ceux qui leur étaient proposés, obtenant souvent des gains importants grâce à une menace de grève sérieuse. [29] Ces éléments indiquent que, même si le niveau des grèves et l'intensification de la syndicalisation restent faibles par rapport aux normes historiques, les nouvelles tactiques et la plus grande implication de la base suggèrent que la « majorité militante » est en train de croître.

Il sera encore plus difficile de remporter des victoires par des moyens conventionnels en 2025, non seulement parce que Trump fera tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher les victoires, briser les syndicats et s'attaquer aux travailleurs immigrés qui jouent un rôle clé dans de nombreux secteurs, mais aussi en raison du problème sous-jacent de la rentabilité. Outre les faibles bénéfices de nombreuses entreprises, les coûts de production ont déjà augmenté, comme le montre la hausse de l'indice des prix à la production du BLS, et les employeurs s'opposeront aux gains importants obtenus ces deux dernières années. [30]

Dans le même temps, cependant, la hausse du coût de la vie encouragera les travailleurs à se mobiliser. Il est impossible de prédire laquelle de ces forces contradictoires l'emportera, mais le conflit sous-jacent s'est intensifié. Les signes de résistance se multiplient, tant dans les négociations collectives que dans l'opposition aux expulsions massives de travailleurs immigrés.

Le syndicat des enseignants de Chicago, par exemple, tente de constituer une coalition de syndicats locaux prêts à lutter contre les initiatives de Trump. Stratégiquement, en s'appuyant sur les succès remportés depuis environ un an par les Teamsters et d'autres, une percée significative chez Amazon ou d'autres entreprises très rentables pourrait modifier considérablement les rapports de forces entre classes.

Des démocrates désorientés, en déclin et en désarroi

Le Parti démocrate est l'un des rares lieux où la résistance est notablement absente. Des anciens et actuels responsables politiques aux stratèges et experts sympathisants, en passant par les consultants associés, les chroniqueurs de journaux et les grands donateurs, tous sont désabusés et divisés quant à la défaite électorale du parti, à la perte de son électorat traditionnel, à son avenir et à la marche à suivre.

Trop « woke » ou pas assez « woke » [« réveillé »] ? S'opposer ou coopérer (lorsque c'est possible) ? « Faire le mort » (James Carville – conseiller en stratégie du Parti démocrate) ou « attendre et voir » (Hakeem Jeffries – chef de la minorité démocrate à la Chambre). Ou peut-être le vieux refrain : « C'est l'économie, idiot ». Si l'on assiste soudainement à quelques dénonciations rhétoriques des milliardaires, il n'y a pas de véritable remise en question des politiques économiques ou sociales susceptibles de rallier les électeurs et électrices.

Tout le monde semble s'accorder sur un point : s'il y a beaucoup de candidats à l'investiture présidentielle de 2028, ce parti manque de leaders et de leadership. De plus, selon les politiciens et les experts, le problème réside dans le « message » et l'« image de marque » du parti. [31]

C'est le langage de la publicité, pas celui de la politique ou des politiques publiques, et encore moins celui d'une organisation populaire. C'est le cadre analytique d'un parti qui dépense des milliards en publicité, en consultants et en bureaucratie, qui manque de membres et de base organisée, et qui dépend de la générosité des donateurs. Sa base électorale est un public individualisé, qu'il perd de plus en plus.

Cela n'a pas toujours été le cas. Quelle que soit l'opinion que l'on ait sur les limites de la New Deal Coalition [qui soutenait le Parti démocrate en 1932] qui s'est effondrée il y a plusieurs décennies – certes nombreuses –, elle était enracinée dans les quartiers urbains grâce à ses anciennes machines électorales, aussi corrompues fussent-elles, avec leurs organisations départementales, leurs systèmes de clubs politiques et, après 1937, leurs syndicats industriels actifs. Dans les années 1970 ont disparu les machines, privées de clientèle en raison de l'évolution démographique urbaine, les clubs abandonnés et les organisations départementales vidées de leur substance. [32]

Même avant la disparition des emplois industriels et le déclin des syndicats, ces derniers, qui adoptaient de plus en plus le syndicalisme d'entreprise, avaient perdu leur capacité à mobiliser leurs membres pour l'action politique. La politique et les soutiens politiques, tout comme la négociation collective, étaient devenus l'apanage des directions. Sur le lieu de travail, les litiges étaient de plus en plus souvent réglés au plus haut niveau et les délégués syndicaux ainsi que les comités se voyaient réduits à un travail social légalisé plutôt qu'à la mobilisation et à l'action, économique et politique.

Ainsi, après une brève augmentation à 80% contre Goldwater en 1964 [Lyndon B. Johnson obtient 61,1% des votes et Barry Goldwater 38,5%], sans résistance organisée à la « réaction blanche » de la fin des années 1960, le vote des ménages syndiqués démocrates et des membres blancs des syndicats s'est effondré depuis longtemps. Depuis lors, le pourcentage de ménages syndiqués votant démocrate est resté bloqué entre 55% et 60%, à l'exception de 1976, après huit ans de Nixon, sans jamais se redresser, même après quatre ans de Trump. [33]

A leur place, à partir des années 1970, sont apparus les PAC d'entreprise [assurant le financement des campagnes], suivis par de riches donateurs, des consultants coûteux et des comités de parti de haut niveau de plus en plus bien financés et dotés en personnel.[34] En 2024, les trois principaux comités nationaux du Parti démocrate, sans compter les fonds levés par les PAC, les candidats individuels et les partis des Etats, ont dépensé à eux seuls plus de 2 milliards de dollars, contre 620 millions en 2000, dont une grande partie a été consacrée aux médias et aux consultants. [35]

Sur le plan politique, les centristes qui contrôlent aujourd'hui ces comités du parti n'ont aucun projet pour changer cela, ni aucune politique économique pour modifier la perception selon laquelle les démocrates sont le parti du statu quo (ancien et insatisfaisant).

Le principal problème actuel de la hiérarchie démocrate est l'érosion de sa base électorale, qui s'est manifestée en 2024 par la perte de six millions de voix par rapport à 2020, notamment le déclin continu du vote des hommes noirs et la chute brutale du vote latino. [36]

Au cours des deux dernières décennies, le nombre d'électeurs inscrits se déclarant pleinement démocrates est passé de 37-40% à 33% en 2024. La situation n'était pas meilleure dans les scrutins régionaux, où le pourcentage de parlementaires démocrates est devenu minoritaire, à 44%, pour la première fois en plus de cent ans. [37]

Les conditions économiques évoquées ci-dessus, combinées à l'incapacité de taxer les revenus élevés, à la richesse individuelle obscène et aux profits exorbitants des géants de la finance et des hautes technologies en raison de la dépendance des démocrates à leur égard, ainsi qu'à l'idéologie de la plupart des responsables politiques et des titulaires de fonctions officielles, empêchent les démocrates de plaider en faveur d'une redistribution significative des richesses.

C'est pourquoi la couverture médicale universelle, la garantie de l'emploi, les logements à bas prix, l'augmentation du salaire minimum, le contrôle des prix sous toutes ses formes, le développement massif des énergies renouvelables, etc. ne sont pas sérieusement envisagés.

De plus, les élections de 2024 ont encore plus centré le parti national. A la Chambre des représentants, le Squad [Alexandria Ocasio-Cortez, Ilhan Omar, Ayanna Pressley, Rashida Tlaib et d'autres] a perdu deux membres et le Progressive Caucus n'a enregistré aucun gain net. En revanche, 23 des 33 démocrates nouvellement élus à la Chambre ont rejoint la New Democratic Coalition (New Dems), un groupe centriste qui est désormais de loin le plus important de la Chambre.

Comme si cela ne suffisait pas, les New Dems ont choisi le conservateur Brad Schneider (Illinois), membre du Blue Dog [caucus fort modéré du Parti démocrate], comme président. Tout espoir que ce groupe mène une lutte sérieuse contre Trump ou améliore les politiques économiques et sociales du parti relève de l'utopie.

Les démocrates pourraient reprendre le Congrès en 2026 en raison de la réaction contre les excès de Trump. Cette bataille se livrera toutefois dans un peu plus de 40 circonscriptions (sur 435) qui sont réellement disputables. Beaucoup d'entre elles se trouvent dans des circonscriptions suburbaines disproportionnellement aisées, où le « message » sera modéré, ce qui exclut tout glissement vers la gauche. Les candidats « de première ligne » triés sur le volet par le parti pour défendre les circonscriptions démocrates disputées sont toujours des New Dems modérés à une écrasante majorité.

Cela signifie la poursuite d'un cycle où le centre l'emporte sur la droite à la Chambre, ou pire, la montée de la droite avec ou sans Trump, plutôt que l'espoir d'une évolution progressiste. A moins que l'opposition populaire ne se développe rapidement et que la gauche ne prenne au sérieux son propre discours sur la construction d'un parti des travailleurs, même s'il ne s'agit que de quelques expériences dans ce sens en 2026. (Article publié sur le site Against the Current, mai-juin 2025 ; traduction rédaction A l'Encontre)

Kim Moody a fondé le réseau syndical Labor Notes en 1979. Il est l'auteur de nombreux ouvrages. Il enseigne actuellement à l'University of Westminster, Londres.

Notes

1. Nordregio.org., Sea Routes and Ports in the Arctic, Nordregio.org., January 2019, https://nordregio.org/maps/sea-routes-and-ports-in-the-Arctic/

2. Guardian Staff, “US firm to take control of ports on Panama canal in $14bn deal,” The Guardian, March 5, 2025 : 2.

3. White House, Tariffs as a Major Revenue Source : Implications for Distribution and Growth, White House, July 12, 2024, https://bidenwhitehouse.archives.gov/cea/written-materials/2024/07/12/tariffs-as-a-major-revenue-source-implications-for-distribution-and-growth/ ; Felix Richter, “Tariffs Are Not a Meaningful Source of Government Revenue, Statista, November 12, 2024, https://www.statista.com/chart/33464/us-government-receipts-in-fy-2023-by-source/

4. BLS, Manufacturing : NAICS 31-33, Industries at a Glance, February 19, 2025. See below.

5. Kana Inagati, et al. “How the car industry is exposed to Donald Trump's tariffs, “ Financial Times, November 29, 2024, https://www.ft.com/content/3d21261d-6c58-4487-9191-1c848df9fde9

6. Michale Roberts, “”Trump's ‘little disturbance',” Michael Roberts Blog, March 5, 2025.

7. USAFacts, How many people work for the federal government ? USAFacts, December 19, 2024, https://usafacts.org/Arcticles/how-many-people-work-for-the-federal-government/

8. Elixabeth Dwoskin, Faoz Siddiqui, and Emily Davies, “Turmoil within DOGE spills into public view as Musk's group confronts a PR crisis,” The Washington Post, March 10, 2025. https://www.washingtonpost.com/technology/2025/03/10/doge-musk-rebrand-trump-conflicts/

9. Douglas MacMilan, Aaron Schaffer and Daniek Gilbert, “Companies warn investors that DOGE's federal cuts might hurt business,” The Washington Post, March 9, 2025.

10. Michael Kinnucan, “Republicans Want to Gut Medicaid. They Might Regret It,” New York Times, February 28, 20205, https://www.nytimes.com/2025/02/28/opinion/medicaid-republicans.html ; Margot Sanger-Katz and Alicia Parlapiano, “What Can House Republicans Cut Instead of Medicaid ? Not Much,” New York Times, February 25, 2025, https://www.nytimes.com/2025/02/25/upshot/republicans-medicaid-house-budget.html

11. Jenny Yang, “Hospital Revenue share in the U.S. as of 2021, by payer mix,” Statista, July 15, 2024, https://www.statista.com/statistics/1029719/composition-of-hospital-revenue-by-payer-contribution-in-the-us/#:~:text=In%202021%2C%20Medicare%20payments%20contributed%20to%2018.9%20percent,notified%20via%20email%20when%20this%20statistic%20is%20updated ; Kinnucan ; and Sanger-Katz and Parlpiano.

12. Amy Schoenfeld, et. al., “Where Trump, Musk and DOGE Have Cut Federal Workers So Far,” New York Times, February 11, 2025, https://www.nytimes.com/interactive/2025/02/11/us/politics/trump-musk-doge-federal-workers.html ; Reuters, “Trump administration disbands two expert panels on economic data,” Reuters, March 5,2025, https://www.reuters.com/world/us/trump-administration-disbands-two-expert-panels-economic-data-2025-03-05/

13. Schoenfeld, op cit.

14. Peter Charalambous, et. al., “Trump has tapped an unprecedented 13 billionaires for his administration. Here's who they are,” ABC News, December 18, 2024, https://abcnews.go.com/US/trump-tapped-unprecedented-13-billionaires-top-administration-roles/story?id=116872968 ; The Economic Times, News, “Billionaires in Trump 2.0 team worth over $380 bn, exceeding 172 countries' GDP,” January 3, 2025, https://economictimes.indiatimes.com/news/international/global-trends/billionaires-in-trump-2-0-team-elon-musk-vivek-ramaswamy-warren-stephens-linda-mcmahon-jared-isaacman-howard-lutnick-steven-witkoff-doug-burgum-scott-bessent-worth-over-380-bn-exceeding-172-countries-gdp/Articleshow/116919672.cms?utm_source=contentofinterest&utm_medium=text&utm_campaign=cppst

15. Michael Roberts, “The Tepid Twenties,” Michale Roberts Blog, April 14, 2024.

16. Ascension Mejorado and Manuel Roman, Declining Profitability and the Evolution of the US Economy : A Classical Perspective, New York : Routledge, 2024 ; Michael Roberts, The Long Depression : How It Happened, Why It Happened, and What Happens Next, Chicago : Haymarket Books, 2016 ; Anwar Shaikh, Capitalism : Competition, Conflict, Crises, New York : Oxford University Press, 2016 ; Michael Roberts “Blog” which is cited in places below. For shifting logistics and falling productivity see Kim Moody, “The End of Lean Production & What Lies Ahead for Labor : The US Experience,” Capital & Class, forthcoming.

17. Mejorado and Roman : 14, passim ; Michale Roberts, “From the Magnificent Seven to the Desperate Hundreds,” Michael Roberts Blog, April 7, 2024.

18. Full:ratio, Profit Margin by Industry, March 2025, https://fullratio.com/profit-margin-by-industry ; Michael Roberts, “Profits : margins and rates,” Michael Roberts blog, March 18, 2024.

19. Daron Acamoglu, “America is Sleepwalking into an Economic Storm,” New York Times, October 17, 2024, https://www.nytimes.com/2024/20/17/opinion/economy-us-aging-work-force-ai.html

20. Molly Kinder, et. al., “Generative AI, the American worker, and the future of work,” Brookings Institution, October 10, 2024.

21. Mark Muro, et. al., The Geography of generative AI's workforce impacts will likely differ from those of previous technologies,” Brookings Institution, February 19, 2025.

22. Robert Kuttner, “Trump's Stagflation,” The American Prospect, March 12, 2025.

23. BLS, Consumer Price Index-February 2025, USDL-25-0332, March 12, 2025 ; BLS, Employment Situation-February 2025 USDL-25-0296, March 7, 2025 ; BEA, Gross Domestic Product, 4th Quarter and Year 2024, BEA 25-05, February 27, 2025 ; Michael Roberts, “A whiff of stagflation,” Michael Roberts Blog, February 17, 2025.

24. Deepa Kylasam Lyer, et. al., Labor Action Tracker : Annual Report 2024 : 3-4, 11.

25. Jenny Brown, “Big Strikes, Bigger Gains,” Labor Notes 538, January 2024 : 8-10.

26. BLS, Major Work stoppages in 2024, USDL-25-0226, February 20, 2025 ; BBLS, Work Stoppages, Annual work stoppages involving 1,000 or more workers, 1947 – Present, February 20, 2025.

27. BLS, Union Members 2024, USDL-25-0105, January 28, 2025.

28. See Jenny Brown, “Strikes and Organizing Score Gains, but Storm Clouds Loom, “ Labor Notes 550, January 2025 : 8-10.

29. BLS, Producer Price Indexes-January 2025, USDL-25-0176, February 13, 2025.

30. Citations for this would take up pages, but the major sources are New York Times, Washington Post, Politico, The Hill, Jacobin, HuffPost.

31. Steven P. Erie, Rainbow's End : Irish-Americas and the Dilemmas of Urban Machine Politics, 1840-1985,Berkeley : University of California Press, 1988 ; Dennis R. Judd and Todd Swanstrom, City Politics : The Political Economy of Urban America ; Iro Katznelson, City Trenches : Urban Politics and the Patterning of Class in the United States, Chicago : University of Chicago Press, 1981.

32. For a few analyses of this see : Mike Davis, Prisoners of the American Dream : Politics and Economy in the History of the US Working Class, Verso, 1986 ; Kim Moody, US Labor in Trouble and Transition : The Failure of Reform From Above, The Promise of Revival From Below, London : Verso, 2007.

33. There are many accounts of this, but for a recent look at the rise of money, despite its misleading title : Ryan Grim, We've Got People : From Jesse Jackson to Alexandria Ocasio-Cortez, the End of Big Money and the Rise of a Movement, Washington DC : Strong Arm Press, 2019 ; also Kim Moody, Breaking the Impasse : Electoral Politics, Mass Action & The New Socialist Movement in the United States, Chicago : Haymarket Books, 2022.

34. OpenSecrets.com, Political Parties, 20204, 2000.

35. For more detail on this see : Kim Moody, “The Democrats' Path to Defeat,” Against the Current #234, February 2025 : 14-18 ; Howie Hawkins, “A Political Paradox : A Progressive-Leaning Public Elects A Far Right President,” New Politics Vol. XX No 2, Winter 2025 : 3-16.

36. Pew Research Center, “The partisanship and ideology of American voters,” Pew Research Center, April 9, 20204 ; Ballotpedia, “Democrats lost 92 state legislative seats during the Biden presidency,” Daily Brew, March 10,2025.

37. Michael Li and Gina Feliz, “The Competitive Districts that Will Decide Control of the House,” Brennan Center for Justice, October 24, 2024, https://www.brennancenter.org/our-work/analysis-opinion/competitive-districts-will-decide-control-house

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L’accord sur les minéraux de Trump est-il une extorsion au profit des énergies fossiles ?

6 mai, par Democracy now ! — , , ,
L'administration Trump a signé un accord avec l'Ukraine accordant aux États-Unis une participation à long terme dans les ressources pétrolières, gazières, charbonnières et (…)

L'administration Trump a signé un accord avec l'Ukraine accordant aux États-Unis une participation à long terme dans les ressources pétrolières, gazières, charbonnières et minérales du pays, dans le cadre d'un fonds d'investissement commun avec Kyiv. Le président Trump a présenté cet accord comme une forme de remboursement de l'aide militaire américaine fournie à l'Ukraine depuis le début de l'invasion russe en février 2022. Nous nous entretenons avec la journaliste d'investigation Antonia Juhasz, qui qualifie cet accord de « prise » de ressources « sans précédent », permettant à Trump de rouvrir l'accès des États-Unis au pétrole et au gaz russes, lesquels peuvent transiter par les infrastructures énergétiques ukrainiennes.

1er mai 2025 | tiré du site de Democracy now !
https://www.democracynow.org/2025/5/1/ukraine_minerals_trump_zelensky

AMY GOODMAN : Vous écoutez Democracy Now !, democracynow.org, le Journal de la guerre et de la paix. Je suis Amy Goodman, avec Nermeen Shaikh.

NERMEEN SHAIKH : Des responsables américains et ukrainiens ont signé un accord octroyant aux États-Unis une participation dans les réserves de minerais de l'Ukraine, dans le cadre d'un fonds d'investissement conjoint avec Kyiv. Les détails de l'accord n'ont pas encore été rendus publics, mais, selon le Financial Times, il ne comprend pas de garanties de sécurité explicites de la part des États-Unis. Trump a tenté de présenter cet accord comme un remboursement de l'aide militaire américaine depuis l'invasion russe de février 2022. Le Parlement ukrainien devra encore ratifier l'accord. Le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, s'est exprimé après la signature.

SCOTT BESSENT, SECRÉTAIRE AU TRÉSOR : L'accord d'aujourd'hui envoie un message clair à la direction russe : l'administration Trump est engagée dans un processus de paix centré sur une Ukraine libre, souveraine et prospère à long terme. Il est temps que cette guerre cruelle et insensée prenne fin.

AMY GOODMAN : Nous sommes rejoints par Antonia Juhasz, journaliste d'investigation qui a reçcu de nombreux prix pour ses recherches, spécialisée depuis longtemps dans le domaine du pétrole et de l'énergie. En mars, Antonia a publié un article dans Rolling Stone intitulé : « L'accord minier de Trump est-il une extorsion fossile ? » Elle a également couvert le démantèlement par l'administration Trump des réglementations environnementales et climatiques. Elle nous rejoint depuis Washington D.C. Antonia, bienvenue à nouveau sur Democracy Now !

ANTONIA JUHASZ : Merci de m'accueillir. Bonjour.

AMY GOODMAN : Pouvez-vous nous parler de cet accord signé hier entre les responsables ukrainiens et américains ? Cet accord sur les minerais dits « rares » ? Que contient-il, et que représente-t-il selon vous ?

ANTONIA JUHASZ : Bien sûr, et encore merci de m'avoir invitée. Bonjour.

Il s'agit en fait d'un fonds d'investissement pour la reconstruction mis en place entre les États-Unis et l'Ukraine. On le surnomme depuis un moment l'« accord sur les minerais », ce qui est un peu un abus de langage. L'idée originale de l'accord remonte à plusieurs années, après la première invasion russe, lorsque Zelensky cherchait à convaincre le Congrès républicain de continuer à financer l'aide militaire à l'Ukraine sous l'administration Biden, en leur proposant, en gros : « Si vous continuez à nous soutenir, nous vous donnerons une part de l'économie ukrainienne. »

Sous l'administration Trump, cela s'est transformé en une véritable prise de contrôle des ressources naturelles ukrainiennes — certaines pourraient inclure des terres rares, mais l'intérêt principal concerne surtout le pétrole, le gaz, le charbon, donc les énergies fossiles, avec une ouverture à l'investissement américain, mais aussi, selon moi, au contrôle russe. L'objectif principal de Poutine est la levée des sanctions, pour rouvrir la Russie aux compagnies pétrolières américaines.

L'accord signé hier a été modifié depuis la version initiale présentée fin février. C'était d'ailleurs l'objet de la visite de Zelensky à la Maison-Blanche. Cette rencontre, mise en scène par JD Vance et Trump, visait à humilier Zelensky, à lui montrer que Trump avait pris parti pour la Russie et qu'il devrait se soumettre s'il voulait obtenir quoi que ce soit. L'accord devait être signé ce jour-là. Ce ne fut pas le cas. Depuis, des négociations ont eu lieu. L'accord présenté hier est, je dirais, meilleur que celui de février, mais reste problématique à plusieurs égards.

NERMEEN SHAIKH : Pouvez-vous expliquer certains de ces problèmes ? Lors de la rencontre très publique et tendue de février, Zelensky avait déclaré que le projet d'accord revenait à, je cite, « vendre son pays ». Quels étaient alors les obstacles, et qu'est-ce qui a été modifié dans la version actuelle — qui doit encore être ratifiée par le Parlement ukrainien ?

ANTONIA JUHASZ : Oui. D'abord, clarifions bien les choses. On parle d'un « accord minier », mais l'Ukraine ne possède pas nécessairement beaucoup de minerais. Elle produit du titane et du graphite. Elle pourrait avoir du lithium, et peut-être d'autres terres rares — douze métaux essentiels à l'énergie renouvelable. Il y a un intérêt à développer cette filière, d'autant plus que cela permettrait de réduire la dépendance aux énergies fossiles russes.

Mais l'accord inclut toutes les ressources naturelles de l'Ukraine — pétrole, gaz, charbon — et aussi ses infrastructures : les gazoducs qui traversent le pays, les ports, les installations de stockage, les raffineries, les centrales nucléaires. L'accord crée un fonds dans lequel iraient tous les futurs profits de ces ressources. Les États-Unis y contribueraient aussi, mais sans précision sur les montants. L'accord initial laissait entendre que les États-Unis auraient un contrôle majoritaire sur l'utilisation de ces ressources et des fonds, sans réellement injecter de l'argent — un « remboursement » pour l'aide militaire passée, selon Trump.

Aujourd'hui, on parle d'un partage 50/50 dans les décisions, et non plus d'un remboursement de l'aide militaire passée, mais d'un apport basé sur les aides futures. Cela reste problématique, car ce type d'accord n'a aucun précédent. Les États-Unis financent généralement la reconstruction via des dons ou prêts, ou investissent par des contrats. Il est inédit de lier une telle prise de contrôle aux ressources d'un pays en échange d'une poursuite de l'aide militaire. Même lors de l'occupation américaine de l'Irak, il n'y avait pas de disposition aussi explicite.

L'autre problème, c'est que Trump présente cet accord comme un échange : la paix en Ukraine contre la perte de la Crimée et des territoires occupés depuis 2014 et 2022, qui contiennent justement les plus riches réserves de pétrole, gaz et charbon de l'Ukraine, notamment dans le Donbass. Si Trump lève les sanctions, les compagnies américaines pourraient revenir en Russie.

AMY GOODMAN : Dix secondes, Antonia.

ANTONIA JUHASZ : Oui, pardon. Si Trump supprime les sanctions, tout le marché russe du pétrole et du gaz redevient accessible aux entreprises américaines.

AMY GOODMAN : Merci beaucoup, Antonia Juhasz, journaliste d'investigation primée, spécialiste de l'énergie. Nous mettrons en lien votre article pour Rolling Stone, « L'accord minier de Trump est-il une extorsion fossile ? » et vous inviterons à nouveau pour parler du bilan environnemental de Trump.

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“C’est le chaos” : comment les chercheurs américains font face aux assauts contre la science

Financements réduits, bourses annulées, fonctions supports supprimées… Les sanctions du gouvernement Trump contre les institutions scientifiques accablent les chercheurs. (…)

Financements réduits, bourses annulées, fonctions supports supprimées… Les sanctions du gouvernement Trump contre les institutions scientifiques accablent les chercheurs. Certains, parmi ceux que le quotidien californien “San Francisco Chronicle” a rencontrés, redoutent que ces mesures ne privent les États-Unis de futurs prix Nobel.

30 avril 2025 | tiré de Courrier international
Lien de l'article : https://www.courrierinternational.com/article/c-est-le-chaos-comment-les-chercheurs-americains-font-face-aux-assauts-contre-la-science_229441 | Lien de l'image : https://focus.courrierinternational.com/2025/04/25/0/0/2400/1600/1280/0/60/0/ffed034_sirius-fs-upload-1-c6ju57nbw3vy-1745587010722-clone-schmitz.jpg |PhotoDessin de Stephan Schmitz paru dans « Science Magazine », Washington

Le gouvernement Trump a bloqué les financements fédéraux, réduit les ressources des universités et mis fin aux programmes liés à la diversité, à l'égalité et à l'inclusion, ce qui compromet les bourses en cours. Le “département de l'efficacité gouvernementale” (Doge) d'Elon Musk a également entrepris une campagne de licenciements dans les institutions scientifiques, en prétendant que cela permettra de limiter les budgets surdimensionnés.

À lire aussi : Recherche. La suppression des politiques de diversité heurte de plein fouet les scientifiques aux États-Unis

Ces mesures radicales ont semé le chaos dans les laboratoires et les établissements de recherche en Californie. “Nous éprouvons un sentiment de frustration, déclare Needhi Bhalla, chercheuse en biologie moléculaire, cellulaire et du développement à l'université de Californie (UC) à Santa Cruz, à propos de la précarité de la situation. Et nous nous demandons pourquoi ce qui a bénéficié du soutien des deux partis pendant soixante-dix ans se retrouve aujourd'hui pris pour cible.”

Chiffre
Un bon retour sur investissement
On estime que chaque dollar investi dans la recherche et le développement, aux États-Unis, rapporte au moins 5 dollars en moyenne, rapporte The Atlantic. Soit un gain de plusieurs milliards de dollars par an. Depuis des décennies, “la science a prospéré, transformant l'investissement du gouvernement en innovation technologique et en croissance économique”, insiste le magazine américain.En outre, rappelle de son côté la revue britannique Nature, les universités américaines créent chaque année plus de 1 100 start-up scientifiques. Elles donnent naissance à d'innombrables produits qui ont sauvé et amélioré des millions de vies. Par exemple des médicaments pour le cœur, contre le cancer ou les vaccins à ARN messager. Courrier International

Les États-Unis ont longtemps été à la pointe de la recherche scientifique et de l'innovation, mais les spécialistes redoutent que cette destruction aléatoire des infrastructures n'ait des conséquences négatives, généralisées et durables.

Dès le mois de janvier, le gouvernement a pris des mesures pour limiter les National Institutes of Health (NIH) et la National Science Foundation (NSF), qui financent la recherche dans tout le pays à hauteur de dizaines de milliards de dollars chaque année.

Durant l'exercice 2024, la Californie a reçu 5,2 milliards de dollars [environ 4,6 milliards d'euros] des NIH et 1 milliard de la NSF. En ce moment, les scientifiques se heurtent à de multiples obstacles pour obtenir des fonds – même l'argent qui avait été attribué avant le début du mandat de Trump.

“Le mal est fait”

D'autres étapes essentielles de la recherche scientifique sont perturbées. La procédure de demande de bourse auprès des NIH est interrompue à cause de l'annulation brutale des réunions d'évaluation des projets, au cours desquelles étaient recommandées les attributions de financements.

Les NIH au tribunal
Les NIH (Instituts nationaux de la santé), qui se consacrent à la recherche biomédicale, sont les mieux dotées de toutes les agences fédérales scientifiques. Ils mènent leurs propres travaux et soutiennent des projets au sein des universités.Mais depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, ils ont dû annuler des centaines de bourses, retarder l'attribution de nouvelles et tenter de réduire drastiquement les sommes allouées aux coûts indirects qui permettent notamment d'assurer le bon fonctionnement des laboratoires.“Mais les chercheurs ne se laissent pas faire”, assure Nature. Cinq poursuites sont en cours, intentées par des organismes scientifiques, des universitaires et des procureurs, contre les NIH et leur organisme de tutelle, le ministère de la Santé américain. Courrier International

“C'est tout simplement le chaos”, commente Gary Karpen, professeur de biologie moléculaire et cellulaire à l'UC Berkeley. L'incertitude règne dans le domaine de la planification des travaux et dans les programmes de recrutement, ajoute-t-il.

Randy Schekman, professeur de biologie moléculaire et cellulaire et chercheur auprès du Howard Hughes Medical Institute, craint que le blocage des fonds n'ait des répercussions qui dureront même plus longtemps que la pandémie. “Peut-être que ça sera rectifié dans les mois qui viennent, mais le mal est fait”, souligne Randy Schekman. Les scientifiques craignent en particulier que ces mesures n'affectent les étudiants, les doctorants et les postdoctorants.

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À la fin du mois de janvier, le gel d'une grande partie des financements a suscité l'angoisse de la communauté scientifique. Bien qu'un juge fédéral ait bloqué la décision et que la directive ait été abrogée [une procédure d'appel est en cours], son effet a été traumatisant, disent les chercheurs, qui en ressentent encore l'onde de choc.

L'incertitude qui entoure le financement fédéral a incité le programme doctoral de sciences biologiques de l'UC San Diego à n'accepter que 17 étudiants pour l'année universitaire qui démarre l'automne prochain – nettement moins que les 25 qui sont admis d'ordinaire, indique Kimberley Cooper, qui enseigne la biologie cellulaire et du développement dans cette université.

Une génération touchée

Selon Randy Schekman, lauréat du prix Nobel de physiologie (ou médecine) en 2013, le département de biologie moléculaire et cellulaire de Berkeley accepte lui aussi moins d'étudiants pour son programme de l'an prochain. Ce recul est un nouveau coup dur pour les jeunes générations de chercheurs, qui ont aussi dû surmonter la pandémie. Il déplore :

“J'ai peur que nous ne perdions des gens qui pourraient être de futurs nobélisés.”

Les postdoctorants, qui ont pour objectif de s'établir et de prendre la direction de nouveaux laboratoires, font eux aussi face à un avenir incertain. Les postes sont limités, et des institutions comme Stanford ont gelé les embauches. Et même quand un jeune chercheur trouve effectivement un poste, à cause de la fragilité du financement fédéral, il peut être difficile de développer un programme de recherche.

“Je pense qu'à ce stade beaucoup de gens commencent pour cette raison à regarder ailleurs qu'aux États-Unis”, constate Isaac Lichter Marck, postdoctorant de la NSF qui travaille à l'Académie des sciences de Californie.

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Les scientifiques sont par ailleurs confrontés à des difficultés de financement à la suite de la suppression par le gouvernement Trump des programmes de diversité, d'égalité et d'inclusion (DEI). Un décret daté du 20 janvier [le jour de l'investiture du nouveau président] a annulé ces programmes dans toute l'administration, et les institutions de recherche en ont subi le contrecoup.

Les agences fédérales s'efforcent de se conformer au décret. La NSF, par exemple, passe actuellement en revue des bourses déjà attribuées en fonction de termes associés à la DEI, comme “égalité des chances” et “femmes”.

Les programmes qui aident les étudiants issus de milieux sous-représentés ont disparu. Ceux qui visaient à optimiser le développement des étudiants et leur accès à des carrières dans la recherche ont par exemple fermé en février 2025, soit onze mois plus tôt que prévu.

Des larmes et du travail jeté à la poubelle

Fabiola Avalos-Villatoro, diplômée du département de biologie moléculaire et cellulaire de l'UC Santa Cruz, a vu un financement potentiel lui échapper à cause de la purge anti-DEI. Sous la direction de Needhi Bhalla, elle a passé des semaines à préparer une demande pour des fonds spécifiquement destinés aux stagiaires venant de milieux sous-représentés, comme elle – Latino-Américaine et diplômée universitaire de première génération. Ce programme n'existe plus, il a été supprimé quelques jours avant qu'elle n'effectue sa demande. “Un mois de travail pour rien”, déplore-t-elle.

Fabiola Avalos-Villatoro étudie la ségrégation et la recombinaison des chromosomes, des travaux qui pourraient permettre de mieux comprendre l'infertilité, les fausses couches et les maladies génétiques. “J'ai pleuré pendant quelques jours”, avoue-t-elle. Needhi Bhalla prévoit de la financer à l'aide d'autres fonds. Mais cela pourrait empêcher le laboratoire de recruter d'autres étudiants à l'avenir, craint-elle.

Le programme Research Experiences for Undergraduates [REU, Expériences de recherche pour les étudiants] de la NSF pourrait également connaître des difficultés. Ce programme, qui finance des stages d'été dans des laboratoires dans tout le pays, est ouvert aux étudiants de premier cycle. Certains programmes sont spécifiquement conçus pour offrir aux étudiants issus de groupes sous-représentés des expériences pratiques en laboratoire.

“C'est toujours une formidable bouffée d'air frais d'accueillir tous ces jeunes”, assure Matthew Tiscareno, chercheur de l'Institut Seti, un organisme de recherche à but non lucratif situé à Mountain View, et directeur d'un programme REU. Selon lui, rien ne garantit que certains programmes REU continuent à être financés. Or les candidatures pour les programmes d'été affluent. Il s'inquiète que les étudiants ne se retrouvent sur la touche si les programmes REU restent ouverts aux candidatures pour s'apercevoir en fin de compte qu'ils n'ont plus de financement. “Ce serait du jamais-vu”, lâche-t-il.

Les coûts indirects plafonnés

Le gouvernement Trump a également tenté de réduire les fonds des NIH en s'attaquant aux “coûts indirects” associés aux bourses. Contrairement aux “coûts directs” de la recherche, les coûts indirects désignent les frais généraux, incluant par exemple les installations et l'administration.

Cela concerne le personnel universitaire qui gère les bourses et les infrastructures nécessaires pour assurer le bon fonctionnement des laboratoires et des équipements. Les taux de recouvrement des coûts indirects, négociés avec les institutions, correspondent en moyenne à 27 % ou 28 % du montant requis pour les coûts directs ; ils peuvent atteindre 50 % ou 60 %.

Le 7 février, les NIH ont ordonné que les coûts indirects des bourses, les nouvelles et celles qui sont en cours, soient plafonnés à 15 %. Une réduction du financement des bourses en cours serait synonyme de difficultés financières considérables pour les universités.

Celle de San Diego pourrait ainsi faire face à une réduction de ses fonds de 150 millions de dollars par an, à en croire Pradeep Khosla, chancelier de l'établissement. Loin de viser à améliorer l'efficacité, ces mesures semblent n'être qu'un moyen de nuire au système éducatif et aux infrastructures de recherche, estime Gary Karpen, de Berkeley.

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Un juge fédéral a bloqué l'entrée en vigueur des réductions budgétaires, pour l'instant du moins. Mais chez les chercheurs, l'inquiétude persiste. Needhi Bhalla affirme que si les baisses des coûts indirects sont mises en œuvre, des gens vont perdre leur emploi.

“Il y a toute une infrastructure, en ce qui concerne le personnel et les ressources, qui a pour mission de garantir que les étudiants qui rejoignent mon laboratoire puissent se concentrer sur la recherche, explique-t-elle. Tous ces emplois dépendent des coûts indirects.”

Le plafonnement des bourses pourrait avoir des conséquences importantes pour des villes comme Santa Cruz, dont l'université est le principal employeur du comté.

Vingt-deux États, dont la Californie, ont intenté une action en justice contre le gouvernement Trump au sujet du plafond de 15 %. “Une réduction de cette ampleur est tout simplement catastrophique pour d'innombrables Américains qui dépendent des avancées scientifiques de l'université de Californie pour sauver des vies et améliorer les soins de santé”, assure Michael Drake, président de l'université de Californie, dans un communiqué en soutien de l'action en justice.

“Une véritable tragédie”

Les scientifiques craignent que les changements de ces dernières semaines n'aient des conséquences durables sur la recherche scientifique aux États-Unis, ainsi que sur l'économie. Needhi Bhalla prévient :

“Souvent, dans le cas de la recherche publique financée par le gouvernement fédéral, il faut attendre des décennies avant que les résultats soient perceptibles.”

Les avancées scientifiques, comme le vaccin à ARNm contre le Covid-19, qui a sauvé des vies, nécessitent des années de recherche fondamentale.

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Du point de vue de Bruce Alberts, biochimiste à l'UC San Francisco et président de l'Académie nationale des sciences de 1993 à 2005, les changements qui touchent les chercheurs vont engendrer un “gaspillage massif”, quand des laboratoires vont fermer et que des scientifiques vont quitter le pays. “C'est une véritable tragédie de voir les États-Unis s'affaiblir au profit de nos concurrents mondiaux”, regrette-t-il dans un courriel.

“Une machine bien huilée sabotée par l'administration Trump”
Mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le système de financement de la recherche académique a permis aux États-Unis de devenir – et de demeurer – le leader mondial de la découverte scientifique et de l'innovation technologique. Il repose sur “un partenariat visionnaire entre les secteurs public et privé”, indique Nature.Le gouvernement fédéral finance des agences de recherche thématique – comme la Nasa pour l'espace ou les NIH pour la santé – qui elles-mêmes reversent des subventions aux universités pour des projets de recherche. Ces sommes font effet de levier et permettent d'attirer d'autres sources de financement via des collaborations industrielles, des organisations caritatives, des ONG, des administrations locales, etc.En 2023, ces fonds externes ont permis de faire passer les 60 milliards de dollars versés par les agences à 109 milliards de dollars au total pour la recherche universitaire. Celle-ci débouche ensuite sur des technologies, des brevets et la création d'entreprises qui stimulent l'économie du pays. “Mais, aujourd'hui, cette machine bien huilée est victime de sabotage de l'administration Trump, déplore la revue scientifique. Les coupes budgétaires généralisées sont en train de démanteler les infrastructures qui ont justement contribué à faire des États-Unis une superpuissance scientifique.” Courrier International

Au beau milieu de ce chaos, des milliers de chercheurs font part de leurs inquiétudes sur des réseaux sociaux comme Bluesky et organisent des manifestations. Abby Dernburg, professeure de biologie moléculaire et cellulaire à Berkeley, est une des organisatrices du rassemblement Stand Up for Science [“Debout pour la science”] qui a eu lieu à San Francisco le 7 mars, une des 32 manifestations orchestrées dans tout le pays.

“L'objectif de Stand Up for Science est entre autres de rappeler à quel point nous sommes tous tributaires de la science et à quel point elle a une influence positive sur nos vies, indique-t-elle. Tout ça dépend d'énormes investissements dans la recherche. Ça ne se fait pas tout seul.”

Jack Lee
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Cachemire. Pourquoi le conflit entre l’Inde et le Pakistan ?

L'attentat de Pahalgam, dans la vallée de Baisaran, au Jammu-et-Cachemire, qui a tué 25 touristes indiens et un népalais, le 22 avril 2025, a relancé les hostilités entre (…)

L'attentat de Pahalgam, dans la vallée de Baisaran, au Jammu-et-Cachemire, qui a tué 25 touristes indiens et un népalais, le 22 avril 2025, a relancé les hostilités entre l'Inde et le Pakistan. Il a été revendiqué par l'organisation islamiste le Front de résistance, lié au groupe djihadiste Lashkar-e-Taiba qui prospère au Pakistan.

Tiré d'Orient XXI.

Sans surprise, le gouvernement indien voit dans ce massacre la main d'Islamabad, mais n'apporte aucune preuve. De leur côté, les autorités pakistanaises démentent et proposent une « commission d'enquête internationale », mais restent muettes sur les liens entre ces mouvements djihadistes.

L'affrontement pakistano-indien sur la question du Jammu-et-Cachemire n'en est pas à ses premières salves. Dès août 1947, quand l'empire britannique des Indes est démantelé sur une base religieuse, entre l'Inde à majorité hindoue et le Pakistan majoritairement musulman, s'est posée la question du rattachement de l'État princier du Cachemire coincé entre les deux. Cette vaste région montagneuse s'était vu octroyer l'indépendance un an plus tôt. Mais son maharaja était hindou alors que la majorité de la population était musulmane. « L'élite du futur Pakistan considérait que le Jammu-et-Cachemire faisait “naturellement” partie du lot pakistanais », explique Christophe Jaffrelot (1). Dès octobre 1947, elle a ouvert les hostilités. Les deux pays se sont affrontés militairement pendant près de deux ans.

Trois guerres, trois confrontations

À l'issue de cette première guerre, le Cachemire est divisé en deux le long d'une ligne de 770 kilomètres, aujourd'hui encore appelée « Ligne de contrôle », faute de frontière dûment reconnue : 37 % du territoire revient au Pakistan, le reste à l'Inde.

Au total, l'ancien territoire est éclaté entre l'Azad Cachemire (le « Cachemire libre ») et le Gilgit-Baltistan, administrés par le Pakistan (soit 86 000 km2 et 6,4 millions d'habitants) ; le Jammu-et-Cachemire géré par l'Inde (92 440 km2 et 12,5 millions d'habitants) ; et l'Aksai Chin conquis par la Chine en 1962 ainsi que la vallée de Shaksgam cédée par le Pakistan. New Delhi, quel que soit le pouvoir en place, revendique avec constance la souveraineté sur l'ensemble ; le Pakistan sur le Jammu-et-Cachemire.

Depuis, New Delhi et Islamabad ont mené deux autres guerres (en 1965 et en 1971). Sans aller jusqu'à un conflit total, ils ont également fait parler la poudre trois fois (en 1999, en 2000-2001, en 2019), tuant des dizaines de milliers de personnes (entre 50 000 et 100 000 morts selon les sources).

Bordé à l'est par la Chine, dont la frontière avec l'Inde n'est toujours pas stabilisée ; à l'ouest par le frère ennemi pakistanais, lié à Pékin dans le cadre des Nouvelles routes de la soie ; au nord par l'Afghanistan à l'avenir incertain, le Cachemire représente en effet un enjeu stratégique. Au cœur de l'Himalaya, il assure aussi les réserves en eau.

Cependant le défi indien est aussi politique. Mis à part une courte période au début des années 2000, New Delhi a fait régner un ordre colonial et autoritaire sur la population cachemirienne musulmane (assassinats, détention arbitraire, discrimination…). Si certains mouvements contre ce régime d'exception militent pour un rattachement au voisin pakistanais, la majorité des opposants luttent pour une autonomie réelle de l'État sinon pour l'indépendance.

Hindouisation accélérée

Depuis août 2019, une chape de plomb supplémentaire s'est abattue sur la population. Le premier ministre Narendra Modi a lancé son plan d'hindouisation à marche forcée, supprimant l'article 370 de la constitution indienne qui garantissait l'autonomie de l'État. Pour assurer son autorité, il coupe le territoire en deux entre le Jammu-et-Cachemire et le Ladakh (moitié bouddhiste tibétain et moitié musulman).

L'article 35A qui interdisait aux non-Cachemiriens d'y acheter des terres est également supprimé — de quoi faciliter les projets immobiliers et touristiques pour transformer l'État en « riviera de l'Asie du Sud » selon l'expression à la mode. Et, progressivement, réduire la part des musulmans au profit des hindous acquis à New Delhi. En attendant, la répression demeure — arrestation d'avocats, de journalistes, détention sans procès, retraits de passeports — faisant le lit des attaques violentes ou djihadistes.

À défaut d'en finir avec cette politique, Narendra Modi va-t-il choisir la fuite en avant dans un nouveau conflit armé avec le Pakistan ? Les escarmouches se multiplient le long de la ligne de contrôle, les troupes s'amassent des deux côtés. Rien ne saurait être exclu.

Vers une guerre de l'eau ?

Mais le plus inquiétant vient, sans doute, de la menace proférée par le premier ministre indien de « couper l'eau de l'Indus ». Depuis l960, un traité signé sous l'égide de la Banque mondiale garantit un accès équitable au fleuve pour tous : l'Inde contrôle trois affluents à l'Est, et le Pakistan les deux affluents plus à l'Ouest. Même dans les crises les plus virulentes entre les deux ennemis, nul n'a touché à ce partage des eaux.

Certes, Modi ne peut stopper le fleuve d'un coup de baguette magique, comme on ferme un robinet. Mais il pourrait se servir de ce prétexte pour accélérer ses projets de barrage visant à sécuriser les ressources énergétiques : plus de deux cents sont prévus ou en cours sur le Gange, le Brahmapoutre ou l'Indus ; déjà ses voisins comme le Bangladesh en souffrent. Il n'est d'ailleurs pas le seul : la Chine voit également les barrages dans l'Himalaya comme solution d'avenir.

Les menaces de Modi sonnent-elles le début d'une guerre de l'eau ?

Notes

1- L'Inde contemporaine de 1950 à nos jours, Fayard, 2019.

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Le Yémen sous les bombes de Donald Trump

Le conflit yéménite est entré dans une nouvelle phase avec l'arrivée au pouvoir du président étatsunien. Régionalisé dès ses débuts en 2015, avec l'implication de l'Iran et de (…)

Le conflit yéménite est entré dans une nouvelle phase avec l'arrivée au pouvoir du président étatsunien. Régionalisé dès ses débuts en 2015, avec l'implication de l'Iran et de l'Arabie saoudite, la guerre se révèle de plus en plus internationalisée. Outre la stratégie militaire de Washington, qui multiplie les raids contre les infrastructures houthistes, la Russie semble désormais en embuscade — mais sûrement pas au bénéfice des civils.

Tiré d'Orient XXI.

Le 15 mars 2025, parallèlement à son classement des rebelles houthistes en tant qu'organisation terroriste, le président étatsunien Donald Trump a lancé une offensive aérienne d'ampleur sur le territoire yéménite sous le nom de code Rough Rider (« Cavalier brutal »). En un mois et demi, plus de 800 frappes ont été menées. L'incident surnommé « Signalgate », qui a entraîné la fuite d'informations militaires à un journaliste de The Atlantic, ajouté par erreur à un groupe de discussion par le conseiller à la sécurité intérieure étatsunien, Mike Waltz, a fait grand bruit, illustrant l'amateurisme de la nouvelle administration (1). Mais les effets de cette stratégie et ses implications, notamment pour les civils yéménites, demeurent largement ignorés. Pourtant, l'intervention américaine parait toujours plus éloigner le Yémen du règlement pacifique d'un conflit qui perdure depuis plus d'une décennie. L'approche de Trump constitue également une prise de risque pour la diplomatie américaine.

Une communication habile des houthistes

L'implication directe des États-Unis, appuyée par Londres et Tel-Aviv, s'inscrit dans la mise sous pression de l'Iran et de ses alliés. Elle est plus précisément censée répondre à l'escalade lancée en mer Rouge par les houthistes depuis novembre 2023, en soutien aux habitants de Gaza. Leurs plus de 150 attaques contre les navires commerciaux, puis contre les frégates et porte-avions occidentaux protégeant les voix de navigation, ont indéniablement transformé le conflit yéménite. Celui-ci est un temps réapparu sur les radars, affectant cette voie maritime qui relie la Méditerranée et l'Océan indien et par laquelle circule en temps normal près de 20 % du commerce maritime international. Cet engagement est venu incarner la capacité d'action de portée mondiale des houthistes.

La communication du mouvement yéménite, habile, a servi à leur assurer une notoriété régionale. Les houthistes sont, de fait, le mouvement armé aujourd'hui le plus engagé en faveur de la Palestine. Leurs drones ou missiles ont à plusieurs reprises également atteint le territoire israélien, y compris jusque dans le nord, à Haïfa, comme le 23 avril 2025, sans cette fois faire de dégâts.

Face à la propagande houthiste et afin de ne pas apparaître comme des supplétifs des Israéliens, les Saoudiens se sont mis en retrait. Mais ils ont surtout veillé à maintenir leur volonté de s'extraire du bourbier yéménite. Depuis 2022, un pacte de non-agression implicite s'est institué entre eux et les houthistes. En dépit des pressions américaines (gageons que celles-ci seront renouvelées au cours de la visite de Donald Trump à Riyad prévue à la mi-mai) l'armée saoudienne — comme échaudée par l'échec de son engagement au Yémen débuté en 2015, reste à bonne distance.

Le prix payé par les civils

Depuis la première sortie aérienne américaine dans le cadre de l'opération « Rough Rider », les victimes civiles se sont multipliées. Les houthistes sont aussi prompts à les cacher pour ne pas apparaître en situation de faiblesse qu'à les rendre publiques pour souligner la violence de l'agression « américano-sioniste ». Ainsi, ont-ils largement dénoncé le bombardement du 17 avril 2025 qui aurait fait 80 morts et plus de 150 blessés dans le nord de la Tihama, puis celui du 28 avril sur un centre de détention pour migrants non loin de la frontière saoudienne et qui aurait entrainé le décès d'au moins 68 civils, largement originaires d'Afrique de l'Est. Un rassemblement tribal a également été visé lors du premier jour de l'Aïd, le 30 mars.

Le retour des bombardements massifs constitue, après trois années d'accalmie liée au retrait de facto des Saoudiens, une source d'angoisse pour les Yéménites, tout particulièrement dans les zones du nord-ouest, contrôlées par les houthistes. À Sanaa, mais aussi à Saada — berceau du mouvement rebelle —, et dans la plaine côtière de la Tihama, les destructions sont nombreuses. Les attaques répétées sur le port de Ras Issa menacent également d'affecter l'approvisionnement en aide humanitaire, essentielle pour la survie de 60 % des Yéménites.

Les groupes anti-houthistes yéménites, bien que divisés, ont communiqué sur l'opportunité que représente l'engagement étatsunien. Dans une impasse, le gouvernement reconnu par la communauté internationale souhaite ainsi généralement reprendre l'offensive au sol. Les positions militaires de Tareq Saleh, neveu de l'ancien président Ali Abdallah Saleh, dans le sud de la Tihama pourraient notamment être mobilisées. Ainsi une offensive contre la ville de Hodeïda, port principal d'entrée des biens (et potentiellement des armes) en zone houthiste et quatrième ville du pays, pourrait-elle être rapidement lancée. Les houthistes s'y préparent, creusent des tranchées et renforcent leurs positions défensives. En 2018, le risque humanitaire posé par une telle bataille avait déjà amené la communauté internationale à faire pression sur la coalition emmenée par l'Arabie Saoudite. Celle-ci avait alors consenti à accepter les accords de Stockholm et renoncé à l'offensive.

Rétrospectivement, ce recul est fréquemment perçu par les anti-houthistes comme une erreur qui a prolongé la guerre et renforcé leurs ennemis. Il conviendrait donc de leur point de vue de dorénavant reprendre le travail inachevé. Mais à quel prix pour les civils ?

Par-delà l'engagement militaire de Washington, le classement par Trump des houthistes en tant qu'organisation terroriste fragilise l'économie, en particulier le système bancaire. Au risque de voir les transferts interrompus, les institutions financières sont sommées de se désaffilier de la banque centrale tenue par les houthistes qui avait pourtant réussi à stabiliser la monnaie et limiter l'inflation. Les flux commerciaux, tout comme l'action des acteurs humanitaires, sont également potentiellement suspendus. L'intervention des ONG internationales dans les zones houthistes, qui impose par exemple une coordination avec le Croissant rouge yéménite, pourrait être assimilée, en droit étatsunien, à un soutien à un groupe terroriste.

Un piège implacable

En revanche, contrairement aux menaces bravaches de Donald Trump sur les réseaux sociaux, les dirigeants houthistes semblent encore largement hors de portée des bombardements. Si l'assassinat de Yahya Al-Hamran, responsable houthiste de la sécurité à Saada, a été reconnu fin avril 2025, les rumeurs concernant la mort de Muhammad Ali Al-Houthi, figure charismatique et président du Comité révolutionnaire, restent à confirmer. Le leader du mouvement, Abdulmalik Al-Houthi, a multiplié les interventions vidéo ces dernières semaines, menaçant ses ennemis, mais veillant à déployer un discours nationaliste, qui occulte à la fois le lien du mouvement avec l'Iran, mais aussi la logique confessionnelle propre de l'exercice de son pouvoir. Il mobilise aussi dans ses discours un argumentaire qui s'appuie volontiers sur le droit international et la nécessité de protéger les Palestiniens d'un génocide. Pointant du doigt la faiblesse de la réponse du monde arabe face à Israël, il a dans le même temps veillé à faire apparaître les opérations militaires houthistes comme des représailles aux offensives de l'armée israélienne, respectant donc les moments de trêve à Gaza.

Si des fantassins houthistes semblent mourir en nombre sous les bombes américaines, la capacité de nuisance du mouvement yéménite demeure. Le porte-avion Harry Truman a été la cible de tirs répétés. Le territoire israélien, certes protégé par toute une série de systèmes de sécurité, continue à être visé, notamment à travers l'envoi de nouveaux missiles nommés Palestine-2. En outre, il a fallu l'intervention de la marine française le 18 avril 2025 pour abattre un drone armé.

Cet engagement militaire a un coût qui n'est pas négligeable. Seize drones Reaper américains (d'une valeur individuelle avoisinant, selon les sources, soit 100 millions, soit 30 millions de dollars) ont été abattus par les houthistes depuis leur engagement en mer Rouge en novembre 2023, dont sept depuis le 15 mars 2025. La facture est non seulement d'ordre financier, mais également stratégique. Deux porte-avions américains sur les onze en service sont notamment engagés sur la zone. Pour l'armée des États-Unis, l'intervention contre les houthistes mobilise du matériel très sophistiqué qui n'est pas aisément remplaçable et qui pourrait bien venir à manquer ailleurs.

Ainsi, des missiles stationnés dans la région indo-pacifique ont été transférés, selon le New York Times, vers la mer Rouge, fragilisant potentiellement les positions de défense de Taïwan (2). Les accusations portées par les États-Unis contre la Chine, soupçonnée de fournir des informations sensibles aux houthistes via les satellites de la société Chang Guang, signalent combien le piège tendu par les houthistes est implacable et dépasse dorénavant le cadre régional. La Chine réévalue sa place au Proche-Orient et la crise yéménite pourrait constituer un levier. En effet, alors même que les produits fabriqués dans les usines chinoises à destination de l'Europe transitent en grande partie par la mer Rouge, ses navires ont été épargnés par les attaques houthistes depuis 2023.

La Russie en embuscade

Parallèlement, le dossier semble de plus en plus investi par la Russie. Tout comme la Chine, celle-ci s'était longtemps tenue à l'écart de la question yéménite, notamment parce qu'il convenait de préserver des relations cordiales avec l'Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis engagés militairement contre les houthistes. Une forme de neutralité faisait dès lors sens. Toutefois, les derniers mois semblent avoir marqué une inflexion. Les Saoudiens sont eux-mêmes en quête d'un apaisement des relations avec l'Iran afin d'affirmer leur rôle de médiateur. Ainsi Khaled Ben Salman, ministre de la défense, s'est-il rendu mi-avril 2025 à Téhéran, où il a rencontré le Guide Ali Khamenei. Pour la Russie, intervenir dans le jeu yéménite n'implique donc plus automatiquement de se brouiller avec les Saoudiens.

Dès lors, les initiatives, discrètes, se sont multipliées. Fin 2024, une délégation houthiste de haut rang s'est rendue à Moscou. Au même moment, des filières de recrutement de Yéménites envoyés par les Russes sur le front en Ukraine ont été mises au jour. Celles-ci concerneraient plusieurs centaines de combattants dont certains ont témoigné à leur retour (3). Les experts en armement de l'Organisation des Nations unies (ONU) relèvent aussi l'utilisation par les houthistes de nouveau matériel russe. Enfin, selon des données en sources ouvertes analysées par le média d'investigation Bellingcat, du blé ukrainien saisi par la Russie en Crimée aurait été débarqué à Hodeïda. Il aurait été revendu via l'Iran, en échappant aux contrôles de l'ONU (4). Ces éléments illustrent combien les houthistes, entrés en confrontation directe avec les États-Unis, émergent en tant que levier mobilisé — à moindre coût —, par diverses puissances pour bouleverser les équilibres mondiaux. De ce jeu qui leur échappe, bien des Yéménites sont plus que lassés.

Notes

1- Jeffrey Goldberg, « The Trump Administration Accidentally Texted Me Its War Plans », The Atlantic, 24 mars 2025.

2- Edward Wong et Eric Schmitt, « U.S. Commanders Worry Yemen Campaign Will Drain Arms Needed to Deter China », The New York Times, 8 avril 2025.

3- Kersten Knipp et Safia Mahdi, « Yemenis forcefully recruited to fight for Russia in Ukraine », Deutsche Welle (DW), 12 juillet 2024

4- Bridget Diakun et Yörük Işık, « Ukraine ‘Outraged' at Yemen Grain Shipment From Occupied Crimea », Bellingcat, 18 décembre 2024.

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Iran : deuil et colère le 1er Mai suite à la catastrophe de Bandar Abbas

6 mai, par Afchine Alavi — , ,
La journée de la fête du Travail en ce 1er mai en Iran a été assombrit par le deuil. Alors que les travailleurs du monde entier célèbrent leurs droits et leur dignité, le (…)

La journée de la fête du Travail en ce 1er mai en Iran a été assombrit par le deuil. Alors que les travailleurs du monde entier célèbrent leurs droits et leur dignité, le peuple iranien est toujours sous le choc de la tragédie, cinq jours après l'explosion meurtrière survenue au port de Rajaï à Bandar Abbas.

Tiré du blogue de l'auteur.

La journée de la fête du Travail en ce 1er mai en Iran a été assombrit par le deuil. Alors que les travailleurs du monde entier célèbrent leurs droits et leur dignité, le peuple iranien est toujours sous le choc de la tragédie, cinq jours après l'explosion meurtrière survenue au port de Rajaï à Bandar Abbas. L'émotion se mêle à une colère profonde contre un régime accusé de négligence criminelle, de dissimulation et de mise en danger de la population civile.

Une détonation qui secoue toute une nation

Le samedi 26 avril, une explosion d'une rare intensité a frappé le terminal de conteneurs de Rajaï, principal port commercial d'Iran. Le souffle a dévasté une partie des infrastructures, embrasé des centaines de conteneurs, libéré des fumées toxiques pendant plusieurs jours, et ravagé les zones résidentielles voisines, dont la totalité d'un village.

Selon des chiffres officiels partiels, au moins 70 personnes ont perdu la vie, et plus de 1 200 ont été blessées, dont de nombreux cas graves. Mais les sources indépendantes, notamment issues de la résistance iranienne, parlent de plusieurs centaines de morts. « On ne peut pas voir ces images, entendre les cris dans les hôpitaux, et croire à leurs chiffres », témoigne un habitant de Bandar Abbas joint par messagerie sécurisée.

Du perchlorate de sodium à proximité des zones civiles

Rapidement, des éléments ont émergé sur l'origine probable du drame. Une explosion dû à des produits chimique. Après enquête le Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI) a pu établir que c'est un entrepôt de conteneurs enfermant du perchlorate de sodium, un composé utilisé pour la production de propergol solide dans les missiles balistiques, aurait explosé.

Ce produit peut exploser suite à une erreur de stockage ou de manipulation, sous l'effet de l'impact, de l'inflammation ou de la chaleur. L'entrepôt appartenait à la société Banagostar, filiale d' Sepehr Energy, elle-même liée au ministère de la Défense et de la Logistique des forces armées (MODAFL) du régime. "Sepehr Energy" a été sanctionné par le Trésor américain le 30 novembre 2023 :

« Ce sont des matériaux de guerre stockés comme de simples marchandises, sans protocole de sécurité, au milieu de la population » selon un expert.

L'information a été relayée par l'agence de presse iranien ISNA, le 28 avril, avant d'être supprimée quelques heures plus tard. ISNA révélait que la cargaison importée, victime d'une explosion et d'un incendie au port de Rajaï samedi, ne comportait aucun numéro de covoiturage ni déclaration douanière, et que le navire et sa cargaison n'étaient pas en possession des douanes.

Un port stratégique paralysé

Le port de Rajaï, situé dans le détroit d'Hormuz, est un maillon essentiel de l'économie iranienne : il concentre 80 % du trafic conteneurisé du pays, assure l'approvisionnement en nourriture, matières premières et produits de première nécessité. Sa paralysie risque de provoquer une crise logistique et sociale majeure.

Les écoles ont été fermées, l'air est resté irrespirable pendant deux jours, et le trafic maritime a été suspendu dans plusieurs zones. Des familles cherchent encore des disparus, sans réponse des autorités.

Le silence d'État et les accusations de dissimulation

Face à la colère grandissante, le régime tente de minimiser la catastrophe. Le porte-parole du ministère de la défense du régime iranien, Reza Talaeinik, a nié toute présence de matériel militaire, qualifiant les informations diffusées par les médias étrangers de « guerre psychologique ». Pourtant, le PDG de Sina Marine – sous-traitant de Banagostar – a reconnu que certaines cargaisons « extrêmement dangereuses » avaient été introduites sans documents douaniers ni étiquetage conforme.

« C'est un mensonge d'État de plus », dénonce un membre du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI). « Le régime islamiste stocke des explosifs dans des ports civils, puis cache les conséquences lorsqu'ils tuent des innocents. »

Une comparaison avec Beyrouth 2020

Pour Maryam Radjavi, présidente élue du CNRI, le parallèle avec la catastrophe du port de Beyrouth est évident. « Comme au Liban, la dictature religieuse a stocké des explosifs au mépris des vies humaines. Le résultat est le même : des morts, des blessés, des ruines, et aucune justice. »

https://www.maryam-rajavi.com/fr/condoleances-aux-habitants-bandar-abbas-pour-lexplosion-devastatrice/

De son côté, le porte-parole des Moudjahidine du Peuple a accusé directement les Gardiens de la révolution d'avoir importé illégalement ces matériaux. Ce carburant provenait de Chine et avait été acheminé vers l'Iran par deux navires, comme l'avait révélé le Financial Times en janvier.

Même au sein du régime, des voix discordantes émergent. l'ancien député Heshmatollah Falahatpisheh a évoqué une faille catastrophique dans la chaîne de sécurité civile.

Le journal Etemad constate que l'explosion a révélé une grave mauvaise gestion au port de Rajaee, allant du stockage de matières dangereuses dans des conditions dangereuses au non-respect des normes de sécurité élémentaires.

Une fête du Travail sous le signe du deuil et de la révolte

En ce 1er mai, alors que le pays traverse une grave crise sociale et économique, le peuple iranien ne manifeste pas pour plus de droits sociaux : il cherche ses disparus, enterre ses morts, soigne ses blessés, et réclame des comptes.

« Le port de Rajaï est devenu un cimetière à ciel ouvert », écrit un travailleur portuaire sur Telegram. « Ce régime n'honore ni les vivants ni les morts. Il sacrifie tout à sa survie. »

Dans les villes de Bandar Abbas, Chiraz, Kerman et Ahvaz, des rassemblements spontanés ont été signalés, malgré la censure et les arrestations. Sur les réseaux sociaux, la solidarité avec les travailleurs à Bandar Abbas se pultiplient.

Focus sur les conditions des travailleurs iraniens

De nombreux syndicats ouvriers et des confédérations syndicales à travers le monde expriment leurs solidarités et dénoncent les conditions de vie et de travail insupportables des ouvriers iraniens.

Des syndicats australiens ont énuméré ces conditions désastreuses :

94 % des travailleurs sont employés sous des contrats à durée déterminée ou informels, ce qui les prive de toute sécurité d'emploi et de tout avantage, selon les journaux Jahan-e Sanat et Resalat.

95 % des travailleurs ne reçoivent pas de copie de leur contrat de travail, ce qui permet aux employeurs de les licencier à leur guise sans indemnité.

Le régime ne reconnaît pas les syndicats indépendants. Il impose plutôt des entités contrôlées par l'État, comme les « Conseils islamiques du travail », qui ne représentent pas les intérêts des travailleurs.

Le salaire minimum iranien pour 2025 a récemment été fixé à 10 millions de tomans par mois, alors que le coût de la vie dépasse 35 millions de tomans, selon les médias d'État. Des millions de familles sont ainsi privées des produits de première nécessité.

Le quotidien Arman Emrooz a noté en 2023 que certains travailleurs ne pouvaient pas se permettre de manger de la viande plus de trois fois par an.

Selon le quotidien Kar o Kargar (Travail et Travailleur), environ 40 travailleurs meurent chaque semaine des suites d'accidents du travail, souvent dans des mines et sur des chantiers dangereux et dépourvus de contrôle réglementaire.

Un rapport de Farhikhtegan de 2021 a révélé que 20 % des femmes actives ont perdu leur emploi en une seule année, soulignant une grave discrimination fondée sur le sexe dans l'emploi.

À l'heure où les travailleurs iraniens peinent à vivre dignement, où les syndicats indépendants sont muselés et interdits, et où les libertés fondamentales sont bafouées, cette tragédie du 26 avril apparaît comme le symbole d'un système à bout de souffle. Un régime qui, aux yeux de millions d'Iraniens, n'a plus ni légitimité ni avenir. Une fois le deuil passé, la colère d'un peuple tout entier pourrait bien porter un coup fatal à l'ensemble du régime.

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Battant tous les records, la censure des médias israéliens atteint des sommets sans précédents

En 2024, la censure militaire israélienne a interdit la publication de 1 635 articles et en a partiellement censuré 6 265 autres, dans le cadre d'une offensive plus large (…)

En 2024, la censure militaire israélienne a interdit la publication de 1 635 articles et en a partiellement censuré 6 265 autres, dans le cadre d'une offensive plus large contre la liberté de la presse.

Tiré d'Agence médias Palestine.

En 2024, la censure militaire en Israël a atteint son niveau le plus extrême depuis que le magazine +972 a commencé à collecter des données en 2011. Au cours de l'année, la censure a complètement interdit la publication de 1 635 articles et en a partiellement censuré 6 265 autres. En moyenne, la censure est intervenue dans environ 21 reportages par jour l'année dernière, soit plus du double du précédent pic d'environ 10 interventions quotidiennes enregistré lors de la dernière guerre à Gaza en 2014 (opération Bordure protectrice), et plus de trois fois la moyenne en temps de paix, qui est de 6,2 par jour.

Ces chiffres ont été fournis par la censure militaire en réponse à une demande conjointe du magazine +972 et du Mouvement pour la liberté d'information en Israël, à l'approche de la Journée mondiale de la liberté de la presse.

Bien que la censure militaire ne divulgue pas les raisons de chaque intervention, la guerre de destruction que mène actuellement Israël à Gaza, ainsi que ses conflits au Liban, en Syrie, au Yémen et en Iran, sont probablement la principale raison de cette augmentation record de la censure.

Cette escalade se reflète non seulement dans le volume considérable des activités de la censure, mais aussi dans le taux plus élevé de rejet des documents soumis et dans la fréquence accrue des interdictions totales (par opposition aux expurgations partielles).

En vertu de la loi israélienne, tout article relevant de la catégorie largement définie des « questions de sécurité » doit être soumis à la censure militaire, et les équipes éditoriales sont chargées de décider, selon leur propre jugement, quels articles soumettre.

Les médias n'ont pas le droit d'indiquer qu'il y a eu censure lorsque le censeur intervient, ce qui signifie que la plupart de ses activités restent cachées au public. Aucune autre « démocratie occidentale » ne dispose d'une institution comparable.

Il convient de noter qu'en vertu de cette loi, le magazine +972 est légalement tenu de soumettre ses articles à examen. Pour en savoir plus sur notre position concernant la censure militaire, cliquez ici.

« Le public a le droit de savoir ce qui lui a été caché »

En 2024, les organes de presse israéliens ont soumis 20 770 articles à la censure militaire pour examen, soit près du double du total de l'année précédente et quatre fois plus qu'en 2022. La censure est intervenue dans 38 % des cas, soit sept points de pourcentage de plus que le précédent pic enregistré en 2023. Les rejets purs et simples d'articles entiers ont représenté 20 % de toutes les interventions, contre 18 % en 2023. Au cours des années précédentes, la moyenne n'était que de 11 %.

Le média israélien i24 a rapporté dimanche que le brigadier général Kobi Mandelblit, chef de la censure militaire, avait demandé au procureur général d'enquêter sur des journalistes israéliens qui auraient contourné la loi sur la censure en partageant des informations confidentielles avec des médias étrangers. Le procureur général a rejeté cette demande.

La censure militaire n'est pas tenue par la loi de répondre aux demandes d'accès à l'information et a fourni les chiffres ci-dessus de son plein gré. Cependant, elle a refusé de fournir les données supplémentaires que nous avions demandées, notamment : un détail des données par mois, par média et par motif d'intervention ; des précisions sur les cas où elle a ordonné de manière proactive à des médias de supprimer des contenus qui n'avaient pas été soumis à examen ; et toute trace de procédures administratives ou pénales engagées pour violation de la censure. (À notre connaissance, aucune mesure coercitive de ce type n'a été prise à ce jour.)

En outre, alors que la censure militaire fournissait auparavant des données sur la censure dans les livres — généralement ceux écrits par d'anciens membres des services de sécurité israéliens —, elle refuse désormais de communiquer ces informations. Au cours de la dernière décennie, elle a également examiné et est intervenue dans les publications en ligne des Archives nationales. Dans certains cas, elle a même bloqué la publication de documents qui avaient déjà été jugés inoffensifs par les experts en sécurité des archives et qui étaient auparavant accessibles au public. Cet acte de « recensure » a suscité de nombreuses critiques.

L'année dernière, les Archives nationales ont soumis 2 436 documents à la commission de censure. Bien que celle-ci ait déclaré que « la grande majorité » d'entre eux avaient été approuvés pour publication sans modification, elle refuse systématiquement de divulguer le nombre de documents d'archives qu'elle a « recensurés ».

Or Sadan, avocat du Mouvement pour la liberté d'information et directeur de la Freedom of Information Clinic au Centre d'études universitaires en gestion, a déclaré à +972 que, bien qu'il ne soit pas surpris par la recrudescence de la censure l'année dernière, il espérait que « la publication de ces données contribuerait à réduire l'utilisation des outils de censure qui, bien que parfois nécessaires, sont également dangereux lorsqu'il s'agit de l'accès du public à l'information ».

« Même si certaines informations ne peuvent être publiées en cas d'urgence, le public a le droit de savoir ce qui lui a été caché », a-t-il expliqué. « La censure signifie la dissimulation d'informations qu'un journaliste estime que le public a le droit de connaître. En temps de guerre, beaucoup de gens ont déjà le sentiment qu'on ne leur dit pas tout, et il est donc approprié de réexaminer rétrospectivement les décisions de censure. »

Une guerre contre la liberté de la presse

Au-delà de la recrudescence sans précédent de la censure militaire, la Journée mondiale de la liberté de la presse de cette année marque une étape sombre pour le journalisme israélien. En 2024, Israël occupait la 101e place sur 180 (soit une baisse de 4 places par rapport à l'année précédente) dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières ; ce classement a encore reculé depuis, passant à la 112e place. Cette évaluation ne reflète que la situation du journalisme en Israël, sans tenir compte des massacres de journalistes à Gaza.

Selon le Comité pour la protection des journalistes, au moins 168 journalistes et professionnels des médias palestiniens ont été tués à Gaza par l'armée israélienne pendant la guerre, soit plus que dans tout autre conflit violent enregistré au cours des dernières décennies. D'autres organisations estiment ce nombre à 232. Dans le cadre d'enquêtes menées en collaboration avec Forbidden Stories, +972 a révélé que des journalistes de Gaza étaient régulièrement tués par l'armée ou attaqués par des drones de l'armée alors qu'ils étaient clairement identifiés comme membres de la presse. En outre, Israël considère les journalistes travaillant pour des médias affiliés au Hamas comme des cibles militaires légitimes et a affirmé à plusieurs reprises que d'autres journalistes qu'il avait tués étaient liés au Hamas, généralement sans présenter de preuves.

Mais les journalistes à Gaza ne doivent pas seulement faire face à la menace constante de la mort sous les bombardements israéliens, ils souffrent aussi souvent de la faim, de la soif et du déplacement. Ils sont également victimes de la répression du Hamas lui-même, qui fait pression sur les journalistes qui critiquent l'organisation ou couvrent les manifestations contre elle. Israël a aggravé cette situation déjà dramatique en interdisant à tous les journalistes étrangers d'entrer dans la bande de Gaza pendant plus d'un an et demi, une mesure confirmée par la Cour suprême israélienne et condamnée par de nombreux journalistes à travers le monde comme un coup dur porté à la liberté de la presse et une tentative délibérée de dissimuler ce qui se passe à Gaza.

Dans le même temps, Israël a systématiquement arrêté et emprisonné des journalistes palestiniens de Gaza et de Cisjordanie, souvent sans inculpation, en guise de punition pour leurs reportages critiques. Cette répression s'est accélérée pendant la guerre, comme en témoigne l'interdiction d'exercer en Israël de médias tels qu'Al-Mayadeen et Al-Jazeera.

Le gouvernement s'en est pris simultanément à la presse libre israélienne : il a pris des mesures pour fermer la chaîne publique « Kan », étrangler financièrement le quotidien libéral Haaretz et affaiblir délibérément des médias établis de longue date, tout en finançant avec des fonds publics de nouveaux médias pro-gouvernementaux tels que Channel 14. Au-delà de cela, le gouvernement a imposé de sévères restrictions à la publication de l'identité des soldats soupçonnés de crimes de guerre, et l'incitation continue à la violence contre les journalistes par des législateurs et des personnalités publiques affiliés au gouvernement Netanyahu a conduit à plusieurs attaques violentes contre des reporters.

Et pourtant, le coup le plus dur porté au journalisme israélien n'est pas venu de la censure gouvernementale, mais de la trahison par les rédactions de leur mission fondamentale : informer le public de la vérité sur ce qui se passe autour d'eux. Les journalistes israéliens, y compris ceux qui avaient autrefois exprimé des remords de ne pas avoir couvert les événements à Gaza lors des guerres précédentes, ont délibérément occulté les hôpitaux bombardés, les enfants affamés et les fosses communes que le monde voit chaque jour.

Au lieu de témoigner de la vérité sur la guerre ou d'amplifier la voix des journalistes basés à Gaza (sans parler de leur solidarité avec leurs collègues pris pour cible par l'armée de leur pays), la plupart des journalistes israéliens se sont engagés dans la propagande de guerre, allant jusqu'à rejoindre les troupes de combat et à participer activement à la démolition de bâtiments, et diffusent librement des appels directs au génocide, à la famine et à d'autres crimes de guerre. Ce n'est pas de la coercition, c'est de la complicité. Ce n'est pas la censure qui a effacé les horreurs de Gaza des écrans israéliens, ce sont les journalistes et les rédacteurs en chef.


Une version de cet article a été publiée pour la première fois en hébreu sur Local Call. Vous pouvez le lire ici.

Haggai Matar est un journaliste et militant politique israélien primé, et directeur exécutif du magazine +972.

Traduction : JB pour l'Agence Média Palestine

Source : +972 Magazine

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« Conquérir Gaza » : le nouveau plan israélien d’expansion de sa campagne génocidaire

Le cabinet de sécurité du Premier ministre Benjamin Netanyahu a approuvé à l'unanimité des plans visant à mobiliser les réservistes et à confier à l'armée israélienne la (…)

Le cabinet de sécurité du Premier ministre Benjamin Netanyahu a approuvé à l'unanimité des plans visant à mobiliser les réservistes et à confier à l'armée israélienne la responsabilité de l'approvisionnement en nourriture et autres produits de première nécessité des 2,3 millions de personnes qui souffrent du blocus imposé par Israël sur le territoire palestinien.

Tiré d'Agence médias Palestine.

Hier, le chef de l'armée israélienne Eyal Zamir annonçait son intention de mobiliser des dizaines de milliers de réservistes pour intensifier encore son offensive contre la bande de Gaza assiégée. Ces déclarations précédaient une réunion du conseil de sécurité de Benjamin Netanyahu, qui a cette nuit approuvé un nouveau plan d'expansion de la campagne militaire en cours à Gaza depuis maintenant 576 jours. Dans cette campagne génocidaire, Israël a déjà assassiné plus de 52 567 Palestinien·nes et en a blessé 118 610 autres.

Ce nouveau plan diffère des précédents en ce qu'il explicite la volonté d'Israël de « conquérir Gaza » : selon des sources officielles israélienne, le nouveau plan comprend le « contrôle de territoires » de l'enclave et la promotion du « départ volontaire des Gazaouis » du territoire palestinien. La volonté affichée ne serait donc plus la libération des otages ni même une victoire sur le Hamas, mais bien l'annexion.

Le ministre des finances israélien Bezalel Smotrich, ministre d'extrême-droite fervent défenseur de la colonisation, a déclaré lors d'une conférence qu'Israël ne se retirerait pas de la bande de Gaza, « même dans le cadre d'un accord sur les otages ». « Nous allons conquérir la bande de Gaza une fois pour toutes. Nous cesserons d'avoir peur du mot « occupation » », a-t-il déclaré. « Nous capturerons le territoire et nous y resterons. »

Le Premier ministre israélien a publié une nouvelle vidéo en hébreu sur X cet après-midi, dans laquelle il aborde le plan approuvé par le cabinet pour étendre l'offensive sur Gaza et confirme l'intention d'occupation. Selon des extraits traduits rapportés par Reuters, Netanyahu a déclaré que la population palestinienne de Gaza « sera déplacée, pour sa propre protection », ajoutant que les soldats israéliens n'entreraient pas dans Gaza pour lancer des raids puis s'en retirer par la suite : « l'intention est tout le contraire ».

« Contrôle total de l'aide humanitaire »

Le plan approuvé cette nuit prévoit également le contrôle de l'aide humanitaire. Là aussi, Smotrich affirme clairement la volonté d'Israël d'un « contrôle total de l'aide humanitaire, afin qu'elle ne se transforme pas en ravitaillement pour le Hamas » : « Nous voulons que nos soldats se battent contre un ennemi fatigué, affamé et épuisé, et pas face à un ennemi qui a de l'aide et des produits qui arrivent de l'extérieur de l'enclave ».

Israël interdit entièrement depuis le 2 mars l'acheminement d'aide humanitaire dans la bande de Gaza. Depuis un mois et 3 jours donc, aucune nourriture, aucun médicament, aucune fourniture essentielle n'a pu pénétrer dans l'enclave. Un blocus cruel qui a déjà causé la mort d'au moins 57 Palestinien·nes et menace des milliers d'enfants atteints de malnutrition, et qui aggrave encore la situation des hôpitaux gazaouis, déjà au bord de l'effondrement après 18 mois de bombardements israéliens.

C'est pour remédier à cette situation qu'il a lui-même volontairement créée qu'Israël présente donc son plan de « contrôle total de l'aide humanitaire ». Citant un responsable israélien anonyme, le Times of Israel a déclaré que le nouveau plan israélien impliquerait « des organisations internationales et des sociétés de sécurité privées [distribuant] des colis alimentaires » aux familles de Gaza. Les soldats israéliens assureraient « une sécurité extérieure aux entreprises privées et aux organisations internationales qui distribuent l'aide ».

L'équipe humanitaire de campagne (HCT), un forum qui regroupe des agences des Nations unies, a déclaré dimanche que les responsables israéliens cherchaient à obtenir son accord pour acheminer l'aide par le biais de ce qu'elle a qualifié de « centres israéliens soumis aux conditions fixées par l'armée israélienne, une fois que le gouvernement aura accepté de rouvrir les points de passage ». Dans un communiqué, la HCT a déclaré qu'un tel plan serait dangereux et « contraire aux principes humanitaires fondamentaux et semblait destiné à renforcer le contrôle sur les produits vitaux comme moyen de pression, dans le cadre d'une stratégie militaire ».

La coalition a déclaré que l'ONU ne participerait pas à ce projet, car il ne respecte pas les principes humanitaires mondiaux d'humanité, d'impartialité, d'indépendance et de neutralité. Cette position a été saluée par le Hamas, qui a qualifié lundi de « chantage politique » les projets d'Israël visant à prendre le contrôle de l'aide humanitaire : « Nous rejetons l'utilisation de l'aide comme outil de chantage politique et soutenons la position de l'ONU contre tout arrangement qui viole les principes humanitaires », a déclaré le groupe armé dans un communiqué, insistant sur le fait qu'Israël est « entièrement responsable » de la « catastrophe humanitaire » à Gaza. Jan Egeland, le chef du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC), a affirmé de son côté que le plan israélien est « fondamentalement contraire aux principes humanitaires ».

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