Presse-toi à gauche !
Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...

Ukraine : appel à des changements qui empêcheront la défaite de l’Ukraine

Les politiques prédatrices du président américain nouvellement élu rendent impossible une paix durable pour les Ukrainiens. Le refus de l'Ukraine de signer un accord minier élaboré en fonction des intérêts des capitaux américains a démontré la volonté de l'État ukrainien d'éviter la dépendance coloniale.
5 mars 2025 | tiré d'entre les lignes entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/03/05/ukraine-appel-a-des-changements-qui-empecheront-la-defaite-de-lukraine/#more-91393
Les politiques prédatrices du président américain nouvellement élu rendent impossible une paix durable pour les Ukrainiens. Le refus de l'Ukraine de signer un accord minier élaboré en fonction des intérêts des capitaux américains a démontré la volonté de l'État ukrainien d'éviter la dépendance coloniale.
En même temps, nous sommes en guerre non seulement contre l'agresseur russe et l'expansionnisme américain, mais aussi contre des obstacles internes : l'injustice économique, la corruption et l'influence oligarchique. La guerre exige une cohésion sociale maximale et l'utilisation de toutes les ressources pour gagner.
Mais alors que des millions de citoyens donnent leur dernier pour l'armée, de grosses sommes d'argent continuent de se multiplier entre les mains des oligarques.
Nous offrons notre voie !
- Que faut-il faire ?
- Audit du sous-sol et des terres afin d'identifier leurs propriétaires et le bénéfice public de leur utilisation ;
- Mise en place d'un contrôle étatique sur les entreprises des secteurs stratégiques de l'économie et mise en place d'une production de masse pour les besoins de la ligne de front ;
- Révision des résultats de la privatisation prédatrice ;
- Dénoncer tout accord de double imposition avec Chypre, les îles Vierges et d'autres juridictions offshore ;
- Introduction de l'impôt progressif et de la taxe de luxe ;
- Mise en place d'un contrôle des travailleurs dans les entreprises en tant qu'outil d'audit interne efficace et forme de société auto-organisée ;
- Abandon de la pratique antérieure de sous-financement de l'éducation et de la science ;
- Monopole d'État sur les exportations ;
- Rétablir les relations avec l'Europe en ce qui concerne le sort des actifs russes ;
- Augmenter le prestige social du personnel militaire.
La véritable indépendance passe par la souveraineté économique !
Le gouvernement et le peuple ukrainien doivent maintenant décider s'ils veulent défendre le pays ou les oligarques.
Il y a les millions des oligarques – pour le bien-être et la défense !
***
Les politiques prédatrices du président américain nouvellement élu empêchent les Ukrainiens de parvenir à une paix durable. Le refus de l'Ukraine de signer un accord minier rédigé en fonction des intérêts du capital américain a démontré la volonté de l'État ukrainien d'éviter la dépendance coloniale. Cela ouvre la possibilité de trouver un modèle de relations plus égalitaires entre l'Ukraine et les États d'Europe, d'Asie et du reste du monde, sous le signe de la résistance à l'oppression impérialiste. Si les approches actuelles sont maintenues, à court terme, l'Ukraine risque également de voir l'assistance militaire des États-Unis s'arrêter ou se réduire de manière significative.
Cette assistance n'a jamais été opportune ou suffisante. Cependant, sa réduction complète aura des conséquences.
Si l'État ukrainien a l'intention de faire la guerre jusqu'à ce que les territoires soient désoccupés ou que l'agresseur soit vaincu de manière décisive, il doit choisir les méthodes appropriées. À notre avis, la défense de l'Ukraine pourrait être renforcée par une transition vers une politique de « socialisme de guerre », qui consisterait à mobiliser suffisamment de capitaux au service de l'État par la confiscation et l'abandon de la régulation de l'économie par le marché. Une telle politique, combinée à l'introduction d'une redistribution des richesses, réduirait le fardeau de la guerre pour les couches les plus pauvres du peuple ukrainien.
La communauté européenne a déjà répondu aux déclarations de Trump en augmentant les budgets de défense et l'aide militaire à l'Ukraine. Il convient de noter que depuis l'invasion massive, le gouvernement a fait beaucoup pour renforcer ses propres capacités de défense, relocaliser la production occidentale, relancer les programmes de missiles et de drones. Toutefois, l'Ukraine dispose encore d'un important potentiel de mobilisation des ressources nationales.
Depuis des années, le Sotsialniy Rukh insiste sur la nécessité de ces mesures, mais aujourd'hui, la capacité de l'Ukraine à se défendre en dépend de manière cruciale. L'obstacle à une mobilisation efficace des ressources est constitué par les politiques néolibérales qui privilégient la propriété privée par-dessus tout, encourageant la liberté de faire des profits et de se les approprier.
Tant que les villes ukrainiennes sont occupées et que l'agresseur russe dispose d'un potentiel offensif, tous les secteurs de l'économie doivent fonctionner de manière coordonnée et avec une efficacité maximale pour la défense. La grande majorité des ressources financières doit être con-centrée entre les mains de l'État et investie dans le secteur de la défense, tandis que les capitaux privés doivent être soumis à une taxation progressive pour alimenter le budget de l'État. Le renforcement de la défense est inextricablement lié à des investissements à grande échelle dans la sphère sociale : création d'emplois (en particulier dans les secteurs d'infrastructures critiques), amélioration des services de soins notamment pour permettre aux femmes d'accéder au marché du travail, et amélioration de l'accès aux services sociaux (soins de santé, logements temporaires, réhabilitation). Il est nécessaire d'augmenter le niveau des garanties sociales pour le personnel militaire, en particulier pour ceux qui défendent l'Ukraine depuis 2022.
La spécificité de la situation de l'Ukraine est que le démantèlement du capitalisme oligarchique est devenu plus que jamais possible dans le contexte d'une guerre à grande échelle et qu'il a une profonde justification sociale. Tout d'abord, une grande partie des services socialement importants qui déterminent la résilience de l'Ukraine appartiennent déjà à l'État (chemins de fer, poste, soins de santé, éducation, banques). Deuxièmement, de nombreuses entreprises (principalement celles associées aux oligarques russes) ont été nationalisées et la part du PIB redistribuée par le biais du budget a augmenté. Troisièmement, les oligarques ukrainiens ont perdu une partie de leur richesse et de leur influence, cédant de plus en plus à celle de l'État.
***
1. L'audit du sous-sol et des terres afin d'identifier leurs propriétaires et le bénéfice public de leur utilisation. La transparence dans le contrôle des richesses de la nation est nécessaire non pas pour en faire un commerce hâtif, mais pour comprendre la base sur laquelle la croissance du bien-être général est possible. Cela motivera les gens à se battre davantage pour leur patrie et ses perspectives so-ciales.
2. L'établissement d'un contrôle de l'État sur les entreprises dans les secteurs stratégiques de l'économie et la mise en place d'une production de masse pour les besoins de la ligne de front. L'industrie doit travailler dans l'intérêt de la défense, et et non se soumettre l'évolution des conditions du marché. Le retour des structures cruciales et des infrastructures critiques dans le giron de l'État. L'accès aux biens de base ne doit pas devenir une auge pour les oligarques et un moyen de siphonner les bénéfices de l'État dans les poches des monopoleurs.
Le maintien de DTEK [entreprise ukrainienne du secteur énergétique] dans les mains de Rinat Akhmetov ou des compagnies régionales de distribution d'électricité dans celles de Vadym Novynskyi est une générosité injustifiée de l'État en faveur des oligarques !
3. Examiner les résultats de la privatisation prédatrice. Les entreprises achetées pour une bouchée de pain devraient être restituées à l'État ou la différence avec le prix réel du marché devrait être compensée. En premier lieu, les entreprises des secteurs de l'exploitation minière, de la construction de machines et de l'industrie chimique, qui sont essentielles pour la défense, devraient être placées sous le contrôle de l'État. Cesser de grappiller de l'argent grâce à des dons – faire payer les oligarques !
4. Dénoncer tout accord visant à éviter la double imposition avec Chypre, les îles Vierges et d'autres juridictions offshore. La valeur ajoutée créée grâce au sous-sol, aux infrastructures et à la main-d'œuvre ukrainienne devrait être taxée ici et uniquement ici.
5. Introduction d'un impôt progressif et d'une taxe de luxe. La défense repose sur l'héroïsme et le sacrifice des paysans, des travailleurs et des petits entrepreneurs ukrainiens. Pour préserver le pays, les plus riches devraient sacrifier leur richesse proportionnellement à l'influence qu'ils avaient avant la guerre – le taux d'imposition le plus élevé devrait atteindre 90 % des revenus. Sans activisme fiscal, l'Ukraine tombera dans un profond gouffre d'endettement (en 2025, la dette extérieure pourrait approcher 100% du PIB).
6. Mise en place d'un contrôle des travailleurs dans les entreprises en tant qu'outil d'audit interne efficace et forme de société auto-organisée. Depuis les premiers jours de la guerre jusqu'à aujourd'hui, le pays est en proie à des scandales de corruption impliquant l'utilisation abusive de fonds. Le contrôle permanent des syndicats et des conseils du travail est la garantie d'une plus grande transparence des actes de gestion et de la prévention de la corruption. Il est possible de corrompre des individus, mais il est impossible de corrompre toute une équipe. L'octroi de pouvoirs de contrôle effectif aux syndicats servira d'incitation au développement d'un véritable mouvement syndical.
7. Abandonner la pratique antérieure consistant à sous-financer l'éducation et la science. La haute sophistication technologique de la guerre moderne rend la figure de l'ingénieur et du travailleur qualifié tout aussi importante que celle du soldat. Malgré l'inertie éducative de l'époque précédente, la culture technique massive de la population ukrainienne a permis de concevoir, de fabriquer et de maîtriser une multitude de moyens techniques modernes qui nous procurent des avantages sur le champ de bataille. Nous ne pouvons plus compter sur l'inertie des époques précédentes. Des investissements importants dans l'éducation et la science étaient hier nécessaires.
Sans le développement de la sphère sociale, l'Ukraine sera confrontée à une émigration massive et à une crise démographique qui ne permettra pas de reconstituer les pertes humaines.
8. Monopole d'État sur les exportations. En 2024, les exportations de produits agricoles ont atteint le chiffre record de 24,5 milliards de dollars, bien que les bénéfices continuent d'aller dans des poches privées.
9. Rétablir les discussions avec l'Europe sur le sort des actifs russes. Une fois l'Ukraine débarrassée des vestiges de l'influence oligarchique, elle sera libérée de la corruption, ce qui permettra de discuter du transfert des avoirs russes gelés pour les besoins de l'Ukraine.
Actuellement, environ 200 des 300 milliards de dollars américains d'origine russe se trouvent dans des pays européens.
10. Accroître le prestige social de l'armée. En renflouant le budget de l'État, il sera possible de verser une rémunération décente aux soldats blessés qui souhaitent reprendre du service. Il est nécessaire de rétablir la pratique consistant à préserver le salaire moyen des travailleurs mobilisés, ce qui permettra aux forces armées de disposer des ressources humaines nécessaires.
***
La mise en œuvre de ces mesures est impossible si se maintient un fossé avec les dirigeants du pays, les grandes entreprises et leurs agents d'influence. Si au moins certaines de ces mesures sont mises en œuvre, la confiance de la population dans le gouvernement s'en trouvera renforcée. Le renforcement des liens au sein de la société est la véritable garantie de la sécurité de l'Ukraine. Et vice versa, les autres pays ne nous aideront pas si nous ne montrons pas notre volonté de faire passer les intérêts de la défense avant ceux du marché. Et à l'occasion de la 34e année de son indépendance, l'Ukraine devra apprendre à vivre sans les capitalistes oligarchiques.
Tant que l'Ukraine dispose d'importantes ressources financières, industrielles et humaines, ce serait une grave erreur de ne pas s'engager sur la voie de leur socialisation.
Le gouvernement ukrainien a maintenant une chance unique de déclarer en pratique ce qu'il est prêt à sacrifier : le pays ou les oligarques. Si nous mettons fin au gâchis néolibéral qui creuse le fossé entre les riches et les pauvres, nous unirons le peuple et deviendrons une force unificatrice de classe mondiale ! Si nous reconstruisons l'économie sur une base sociale, nous résisterons à la lutte et jetterons des bases solides pour la reconstruction !
Les millions des oligarques – pour le bien-être et la !
Pour une Ukraine sans oligarques ni occupants !
Pour protéger le pays, pas les oligarques. Un appel pour des changements qui empêcheront la défaite de l'Ukraine
Sotsialniy Rukh – 3 mars 2025
Publication du comité français du RESU
✉ ukrainesolidaritefrance@gmail.com
https://www.facebook.com/profile.php?id=100087563586225
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Avec l’Ukraine, contre le militarisme

Dans cet entretien percutant, Catarina Martins, figure de proue de la gauche portugaise et députée européenne, propose une analyse lucide qui transcende les clivages simplistes sur la guerre en Ukraine. Elle démontre comment la résistance légitime du peuple ukrainien s'inscrit dans une lutte plus large contre l'exploitation néolibérale et les intérêts des multinationales qui cherchent à profiter de la reconstruction.
Martins articule une vision de gauche cohérente qui reconnaît à la fois le droit des Ukrainiens à se défendre et la nécessité d'aller au-delà d'une réponse purement militaire. Elle expose comment les créanciers internationaux et les oligarques, tant russes qu'occidentaux, instrumentalisent la crise pour leurs propres intérêts, au détriment des travailleurs ukrainiens.
À travers son expérience au Portugal, où son parti a combattu l'austérité et défendu les services publics, elle montre qu'une autre voie est possible : celle d'une solidarité internationale basée sur la justice sociale, le logement public et la défense des droits des travailleurs. Une lecture essentielle pour comprendre comment construire une paix durable fondée sur la justice sociale.
5 mars 2025 | tiré du site inprecor.org Catarina Martins
https://inprecor.fr/node/4599
Catarina Martins était la coordinatrice nationale du Bloc de Gauche, un parti politique socialiste démocratique au Portugal, de 2012 à 2023. Elle a été élue députée européenne lors des élections européennes de 2024 et siège au sein du groupe de la Gauche au Parlement européen — GUE/NGL. Catarina a une formation en linguistique et une carrière dans le théâtre.
Le Bloc de Gauche est l'un des initiateurs de la nouvelle coalition progressiste de gauche dans l'UE, l'Alliance européenne de la Gauche pour le Peuple et la Planète. Le parti exprime sa solidarité avec le peuple ukrainien face à l'invasion russe. En novembre 2024, Catarina Martins, accompagnée de deux autres députés européens et d'autres délégués des partis de gauche européens, s'est rendue en Ukraine. Nous nous sommes entretenus avec elle pour parler de la position de la Gauche sur l'Ukraine et de l'expérience politique portugaise, ainsi que des leçons urgentes pour notre pays dans le contexte de la crise économique.
Denys : Votre visite en Ukraine a été courte, mais très intense. Vous avez rencontré de nombreux représentants de différents mouvements de diverses sphères. Qu'est-ce qui vous a frappé lors de cette visite à Kiev ?
Catarina : J'ai beaucoup lu sur la guerre et sur la situation, donc j'avais déjà certaines informations. Mais c'est très différent quand on écoute les gens qui la vivent, car nous ne sommes pas uniquement gouvernés par la raison : il y a une partie émotionnelle. Je savais qu'il y avait beaucoup de détermination, mais c'est impressionnant quand on l'entend de personnes si différentes. J'ai rencontré des ONG qui travaillent avec le gouvernement, et j'ai rencontré des gens très critiques envers le gouvernement, et ceux qui travaillent avec le gouvernement tout en étant également critiques envers lui. Toutes ces personnes très différentes étaient déterminées à repousser Poutine. Cette détermination était vraiment impressionnante. Une autre chose qui m'est apparue était à quel point Poutine avait sous-estimé l'Ukraine.
Je savais que vous étiez déterminés, je savais que l'Ukraine était, bien sûr, une nation et que le fait qu'il y ait des Ukrainiens russophones ne signifiait pas qu'ils voulaient appartenir à la Russie. Par exemple, j'ai rencontré des gens qui défendaient que le russe était leur langue et ils m'ont dit : « Je suis un Ukrainien russophone ». L'Ukraine est une société plurilingue comme tant d'autres. Ce sont des choses que je savais avant, mais c'était différent quand j'ai entendu les gens le dire.
D'un côté, bien sûr, c'est impressionnant de voir comment l'Ukraine reste organisée tout au long de la guerre. Mais quand vous parlez à ceux qui travaillent avec les personnes déplacées, dans les soins de santé, dans le soutien en première ligne, vous voyez qu'il n'y a pratiquement pas d'État là-bas. C'est un exemple lucide des dangers du néolibéralisme, c'est clair. Prenez par exemple la situation du logement : il n'y a aucune perspective d'un programme public de logement pourtant nécessaire.
Ou un autre exemple des soins de santé : nous avons visité une association qui fait des soins palliatifs. Neuf femmes faisant un travail incroyable avec l'idée que s'il n'y avait pas elles, il n'y aurait personne. Et puis quand nous avons parlé aux infirmières, il était clair que ce n'était pas une exagération de l'ONG. C'était vraiment comme ça. Ou le processus d'évacuation en première ligne — il est principalement effectué par des ONG. Bien sûr, je comprends que les ressources de l'État sont fortement consommées par la guerre. Mais il est également évident que ces problèmes existaient même avant la guerre. L'Ukraine manque d'un État avec une structure aidant les citoyens pour les choses essentielles. C'est quelque chose que j'ai appris.
Vous représentez le Bloc de Gauche au Portugal tandis que vos collègues députés européens dans la délégation, Li Andersson et Jonas Sjöstedt, sont issus des partis de gauche nordiques. Non seulement vos forces politiques ont été assez claires à gauche dans leur soutien au peuple ukrainien dans cette guerre, mais aussi en général, tant dans les pays nordiques qu'au Portugal, si je ne me trompe pas, les sondages d'opinion montrent un niveau élevé de soutien et de solidarité envers le peuple ukrainien. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce qui se cache derrière ?
Je pense qu'il y a diverses raisons à cela. Les pays nordiques, parce qu'ils sont près de la frontière russe, et ils ont peur de la guerre. Au Portugal, je crois que c'est parce que nous avons une importante communauté ukrainienne, donc nous nous sentons très proches. Nous avons tous des gens qui sont venus d'Ukraine dans les années 90 ou maintenant. C'est la deuxième plus grande communauté au Portugal actuellement, après les Brésiliens.
Ce qui est en fait négligé par beaucoup de ceux qui affirment leur soutien à l'Ukraine, et ce qui est mis en évidence par les gens de gauche, tant en Ukraine qu'à l'extérieur de l'Ukraine, ce sont les défis sociaux et économiques auxquels le peuple ukrainien est confronté en temps de guerre. Et je pense que nous avons aussi cette expérience commune avec le cercle vicieux de la dette et le problème de la dette extérieure. Le Portugal a connu cette histoire avec la Troïka1, avec l'étouffement par les créanciers, faisant face à la pression des institutions financières internationales. La question de la dette peut-elle aider à construire une solidarité plus large entre les pays, entre les peuples qui ont été soumis à ce fardeau de la dette et au diktat de ces institutions, que ce soit l'Ukraine, le Portugal, la Grèce ou les pays d'Afrique, d'Amérique latine, d'Asie ? Que pouvons-nous faire pour construire cette solidarité ?
Je pense que la question de la dette publique et de son annulation est celle dont nous devons discuter et autour de laquelle nous devons construire la solidarité. Pour le Portugal, ce n'est pas un énorme problème maintenant comme ça l'a été, mais cela a des coûts importants. Et pour un pays qui subit la destruction de la guerre, c'est catastrophique de supporter également le coût de la dette publique. Il y a un point concernant le néolibéralisme que les gens devraient intérioriser : les créanciers prétendent aider l'Ukraine, mais en réalité ils ne le font pas. Ils font des affaires avec le malheur de l'Ukraine. Et ces accords sont payés par les contribuables et les travailleurs ukrainiens. C'est parce qu'au lieu d'un soutien explicite, une aide prétendue est utilisée une fois puis transformée en dette que l'Ukraine sera obligée de rembourser. Nous devrions faire l'inverse : contrairement à la dette que vous êtes obligé de rembourser plus tard, un soutien à grande échelle devrait être réel. L'Ukraine doit être soutenue parce que c'est important et l'annulation d'une partie de la dette en est une composante — pas l'accumulation de dettes.
Et l'autre chose est la privatisation de secteurs énormes de la reconstruction de l'Ukraine, et les intérêts multinationaux qui y sont liés. Ce n'est pas parce qu'ils [les multinationales] sont généreux, c'est parce qu'ils veulent contrôler l'Ukraine en tant qu'État avec d'immenses possibilités économiques. Votre pays est très important en raison de sa situation géographique, c'est-à-dire de vos richesses naturelles, de votre agriculture. Il y a beaucoup de raisons pour lesquelles vous êtes une très bonne affaire. L'enjeu est que vous devriez avoir un bon accord pour le peuple ukrainien, pas pour quelques entreprises multinationales. Pas pour ceux qui viennent en proclamant leurs intentions d'aider à reconstruire et qui restent ensuite pour opérer là-bas, en payant de bas salaires, en faisant ce qu'ils veulent et en drainant l'argent hors d'Ukraine.
Et évidemment, vous voyez dans ces forums internationaux qui sont consacrés à la reconstruction de l'Ukraine que tout tourne autour des investisseurs. Donc, qu'il s'agisse du capital oligarchique ukrainien ou des multinationales, tout tourne autour des affaires. On ne parle presque pas du travail, de ceux qui en Ukraine souffrent réellement et paient le coût de la guerre.
C'est pourquoi je pense que la gauche devrait également aider à l'idée de renforcer et de maintenir les biens publics de l'Ukraine. Une chose dont nous avons discuté est la nécessité de travailler ensemble sur un projet de financement du logement public en Ukraine. Si cela n'est pas fait, un constructeur européen ou américain viendra en Ukraine pour reconstruire des maisons et s'enrichir.
Ou un promoteur ukrainien, qui est probablement aussi un oligarque très corrompu.
En effet, les villes pourraient être propriétaires des maisons, pourquoi pas ? Vous avez cinq millions et demi de personnes déplacées internes. C'est vraiment impressionnant pour un pays de 40 millions d'habitants. Certains réfugiés sont à l'étranger maintenant, néanmoins il y en a environ 5 millions encore dans le pays. Et certains de ceux qui sont hors du pays pourraient vouloir revenir. Ce serait bon pour la reconstruction de l'Ukraine si certains d'entre eux revenaient. Ils ont besoin d'un endroit où vivre, donc l'Ukraine a besoin d'un programme de logement public. Vous n'avez pas besoin de remplir les poches d'une poignée de constructeurs.
En parlant du néolibéralisme et de toutes ces politiques d'austérité, le Portugal a payé l'un des pires prix en Europe après la crise de 2008. Mais au moins quand votre parti et les communistes surveillaient le gouvernement socialiste d'António Costa après les élections de 2015, c'était le gouvernement le moins néolibéral de l'UE à cette époque2.
C'était aussi le gouvernement le plus populaire que le Portugal ait eu en ce siècle. Nous avons construit des logements publics, augmenté les salaires et les retraites. Nous avons introduit le droit aux livres dans les écoles, car au Portugal les familles devaient payer les livres scolaires, donc après ce droit, elles ne le faisaient plus. En résumé, nous avons agi conformément à des politiques sociales universelles.
C'était important. Mais ensuite nous avons eu des élections, et en raison de la sympathie des gens pour le gouvernement, les socialistes ont reçu plus de votes. Ainsi, lorsque les socialistes sont devenus moins dépendants des autres forces de gauche — le Parti communiste portugais et le Bloc de Gauche — qu'ils ne l'avaient été auparavant, ils ont commencé à faire ce que tous les socialistes font autour du monde : ils ont introduit des politiques néolibérales. C'était un problème. Nous aurions dû faire beaucoup plus, mais je crois que ces quatre années ont prouvé que si vous faites quelque chose de différent, l'économie ira mieux. L'austérité n'est pas une réponse.
L'austérité ne fait qu'aggraver les problèmes.
Oui. Au Portugal, il y avait une discussion selon laquelle le salaire minimum ne devait pas être augmenté, car cela tuerait l'économie. Au contraire, nous avons augmenté le salaire minimum chaque année. Et, vous voyez, parce que nous avons prouvé que cette politique n'avait pas tué l'économie, depuis lors le salaire minimum a été augmenté chaque année au Portugal. Je ne dis pas que tout va bien : il est encore bas. Mais l'argument selon lequel nous ne pouvions pas augmenter le salaire minimum parce que l'économie ne pouvait pas le supporter : c'est un argument que personne ne pouvait plus utiliser. Nous l'avons changé, nous avons prouvé que l'austérité ne fonctionnait pas. Les salaires ont fonctionné pour l'économie.
Mais maintenant vous avez un gouvernement de droite au Portugal après les élections de 2024 qui ont également montré la montée en flèche du parti d'extrême droite Chega. Quels sont les principaux défis selon vous pour le Bloc de Gauche et pour la gauche en général au Portugal en ce moment ? Comment pouvons-nous combattre ces forces de droite ?
Nous avons un problème parce que nous avons soutenu le gouvernement du Parti socialiste qui à un certain moment a décidé de ne plus coopérer avec les forces à sa gauche. Et il n'y a pas eu un jour où tout le monde a reconnu que cela se produisait. Donc les gens associaient encore ce que le Parti socialiste a fait après 2019 [quand il ne dépendait plus du soutien parlementaire du Bloc de Gauche et a dilué ses politiques sociales] avec la gauche. Avec le COVID et l'inflation post-2019, le gouvernement socialiste a décidé de maintenir les taux de déficit bas comme priorité principale. Ils n'ont fait aucun investissement dans les services publics, donc ces derniers se sont beaucoup affaiblis à cause de l'inflation. Puis le COVID, et toujours pas d'investissement. C'était une décision terrible. En même temps, le travail n'était pas non plus aussi protégé par la loi qu'il aurait dû l'être. Donc, les entreprises n'ont pas augmenté les salaires comme elles auraient dû le faire face à l'inflation. Au final, les gens ont associé ce manque d'investissement dans les services publics, et la façon dont leurs salaires n'ont pas suivi l'inflation avec les politiques de gauche. Mais ce n'était pas les forces de gauche. C'était un parti socialiste faisant la même chose que ce que les partis de droite avaient fait à travers l'Europe. Par conséquent, les gens ont cessé de soutenir ce qu'ils percevaient comme des politiques de gauche et ont commencé à faire confiance à la droite, espérant qu'elle pourrait apporter des changements.
Et donc nous avons maintenant un gouvernement de droite qui gagne du terrain. Nous avons une droite montante, mais cela a probablement à voir avec ces déceptions et ces espoirs, ainsi qu'avec le moment international. Je crois que ces espoirs se révéleront malheureusement faux. Tout cela est difficile, car les forces de droite sont bien financées. De plus, il y a une communication entre elles sur la scène internationale qui va de Bolsonaro à Poutine et Trump. Et bien sûr, le Portugal a des liens solides avec le Brésil. Tout cela rend la situation difficile et compliquée. Au Portugal, comme dans d'autres pays, les partis de droite gagnent des voix en s'appuyant sur des mensonges et sur des politiques destructrices.
Je crois que la gauche doit avoir de bonnes idées solides pour la classe ouvrière. Précisément pour la classe ouvrière telle qu'elle est. Parce que la classe ouvrière n'est pas uniquement composée d'hommes blancs hétérosexuels, mais plutôt de toute la diversité. Les femmes, les travailleurs non-blancs et immigrants sont plus exploités que tous les autres. Sachant cela, la gauche doit avoir des idées mobilisatrices efficaces qui, je crois, seront centrées sur l'inflation et les salaires. Aussi le logement, parce que ce n'est pas seulement l'Ukraine qui a un problème de logement. Je ne compare pas. Bien sûr, votre situation est différente, mais la tendance pénètre l'Europe : les gens ne peuvent pas se permettre une maison avec les salaires qu'ils gagnent.
Le Portugal était l'un des rares pays d'Europe qui n'avait pas de parti d'extrême droite ouvertement présent au parlement. Il semble qu'après la Révolution des Œillets qui a renversé la dictature de droite dure, ces idées ont été complètement discréditées, même parmi ceux de droite qui ont commencé à se nommer sociaux-démocrates comme le PSD. Alors que s'est-il passé, comment ces idées sont-elles devenues plus tolérables et l'extrême droite a-t-elle gagné une telle popularité ?
C'est un mélange de deux facteurs. Bien sûr, il y a des jeunes qui sont très éloignés des débats antifascistes, et ils sont très influencés par les réseaux sociaux. Particulièrement les jeunes garçons qui subissent l'influence du contenu propageant une masculinité toxique. C'est terrible. Mais ce qui est plus important, c'est que nous avons toujours eu ces figures de droite au Portugal, elles n'avaient simplement pas de parti. Et puis, le parti est apparu, donc ce public a gagné une force politique pour laquelle voter. Ils ont toujours été là, les racistes et les misogynes, se cachant dans certains partis conservateurs et partis traditionnels de droite. Parmi eux, même ceux qui ont la nostalgie de la dictature, de l'idée de l'Empire colonial portugais. Cela a toujours existé, bien qu'il n'y ait pas eu de parti pour les représenter. Maintenant, la scène internationale a fourni les moyens pour une construction de parti.
Il y a des gens qui font des comparaisons entre le Portugal de Salazar et la Russie moderne. Vous avez donc eu un dictateur de droite vieillissant, déconnecté de la réalité, essayant de mener des guerres coloniales pour préserver l'empire. Que pensent les gens au Portugal en général de la nature du régime russe ? Parce qu'il semble qu'au moins dans ce Parti communiste portugais suranné, beaucoup de gens pensent encore que la Russie est une sorte d'héritière de l'Union soviétique et que c'est encore une force antifasciste réelle.
Je ne pense pas qu'ils voient la vraie image. Je suis très critique sur la façon dont le Parti communiste traite ces choses. Ce qu'ils croient, c'est le monde divisé. Vous avez l'impérialisme nord-américain qui est très fort, qui a des moyens économiques et militaires qu'aucune autre force n'a sur notre planète, et c'est vrai. Et donc ce qu'ils croient, c'est que les forces qui sont contre l'impérialisme nord-américain peuvent donner une sorte d'équilibre. Je pense que c'est faux, parce que la Russie aujourd'hui est un capitalisme agressif et néolibéral avec des objectifs impérialistes, tout comme la Chine. Au Portugal, je pense qu'il est bon de rappeler que les grands alliés de Poutine sont toujours de droite.
La droite a créé le système des visas dorés que les oligarques utilisent pour obtenir la citoyenneté dans les pays de l'UE. C'étaient les ministres de droite qui sont allés en Russie dans le but de vendre ces visas dorés à l'oligarchie. Donc n'oubliez jamais que les vrais liens avec Poutine sont maintenus par la droite et, bien sûr, l'extrême droite. Par exemple, André Ventura de l'extrême droite Chega a une grande amie Marine Le Pen qui en une seule année a reçu un prêt de 9 millions d'euros de Poutine pour faire une campagne. Ou Salvini portant un t-shirt avec le visage de Poutine. N'oublions pas qui sont leurs amis.
Mais je suppose aussi que l'histoire traumatique suivante joue son rôle : que la dictature portugaise était un membre fondateur de l'OTAN et que les États-Unis soutenaient en fait les guerres coloniales que le Portugal menait.
C'est la raison pour laquelle il est très dangereux que quelqu'un croie que l'OTAN a quelque chose à voir avec la démocratie. Ce n'est pas le cas. Par exemple, l'OTAN a des pays qui suppriment la démocratie, comme la Turquie. Ceux qui freinent l'autodétermination des peuples : pensez aux Kurdes. L'OTAN a bombardé des pays contre le droit international sans aucune justification, les États-Unis en tant que force dirigeante ont menti sur les armes de destruction massive en Irak. Oui, le Portugal était membre fondateur de l'OTAN quand nous étions sous la dictature et néanmoins nous avions des guerres coloniales. Donc ce n'est pas une question de démocratie mais d'influence nord-américaine dans le monde. Je pense que tout le monde doit comprendre que l'OTAN est votre ami tant que vos intérêts s'alignent sur ceux des États-Unis. Sinon, l'OTAN pourrait attaquer.
Je pense qu'il faut être prudent quand les gens croient que l'OTAN est une bonne force démocratique qui défend la démocratie. Même les pays qui ont la démocratie utilisent l'armée principalement pour des raisons économiques et géostratégiques. Ils ne l'utilisent pas à des fins de démocratie. Si c'était le cas, l'OTAN serait en Israël pour sauver les Palestiniens. Est-elle là-bas ?
Et je pense que l'histoire des Kurdes syriens au Rojava était très révélatrice de la façon dont les États-Unis les ont abandonnés après qu'ils ont effectivement sauvé la région de l'EI.
C'était un bon exemple parce que les Kurdes étaient alliés de l'OTAN et quand cette dernière n'avait plus besoin d'eux, ils les ont simplement laissés tomber. En effet, les Kurdes syriens sont dans une position extrêmement mauvaise actuellement, étant attaqués de tous côtés. Personne ne les défend3.
Quand nous revenons à cette situation générale, vous représentez ces courants dans la gauche internationale qui reconnaissent effectivement les dangers de chaque impérialisme. Récemment, le Bloc de Gauche a été l'un des initiateurs de la nouvelle Alliance européenne de la Gauche pour le Peuple et la Planète. Parlez-moi de cette initiative et si vous voulez étendre l'union des forces à travers l'Europe ou peut-être au-delà de l'Europe, y compris le Mouvement Social/Sotsialnyi Rukh en Ukraine. Que pensez-vous des perspectives de cette nouvelle alliance ?
Nous ne sommes qu'au début et nous devons discuter et élargir. Cela ne fait que commencer. Je vous ai dit que la gauche a besoin d'un projet pour les travailleurs dans leur diversité, et c'est aussi quelque chose que nous avons en commun dans la nouvelle alliance. Parce que nous reconnaissons que la lutte anticapitaliste et antinéolibérale est en même temps féministe et antiraciste aussi. Alors que nous n'avons pas non plus de double standard concernant l'état de droit international et les droits humains.
Tout cela est très important dans le cas des questions environnementales et climatiques. L'un des énormes problèmes pour la sécurité des populations à travers le monde est que les gens continuent à ne rien faire concernant le climat. Et actuellement au Portugal — mais aussi en Espagne — tant de gens sont morts à cause du climat.
Le processus de formation de la nouvelle union de gauche n'a pas commencé non plus à cause de l'Ukraine ou de la Palestine. Nous travaillions ensemble sur toutes ces questions avant. Mais sans doute les nouvelles escalades sont l'une des questions importantes. Pas de double standard ! Je crois que nous pouvons avoir la gauche partageant des projets communs, parce qu'aujourd'hui, chaque gouvernement et chaque pays doit faire mieux.
Notre lutte est à la fois internationale et européenne. Ainsi, nous devons articuler nos luttes et nos forces pour avoir des projets mobilisateurs qui peuvent vaincre l'extrême droite et apporter l'espoir. Parce que la démocratie est une question d'espoir, c'est l'idée que vous pouvez construire quelque chose ensemble. L'extrême droite et les néolibéraux vivent de la peur : soit vous acceptez tout, soit ça deviendra pire. Donc, nous avons besoin d'un espace pour la gauche active dans la société, ayant des projets et des campagnes communes qui apporteraient l'espoir. C'est exactement ce que nous voulons faire.
Nous avons sept membres de parti pour l'instant, et donc nous commençons avec ça. Je pense que nous devrions avoir des membres observateurs qui pourraient être extérieurs à l'Union européenne. Par observateurs, je veux dire qu'ils n'ont pas à être des partis mais peuvent être aussi des mouvements. Je crois qu'un dialogue avec la gauche en Ukraine, qui est très important, est également nécessaire. Je pense que peut-être nous pouvons commencer à travailler avec le Mouvement Social en Ukraine. Voyons comment cela se passe. Cela vient juste de commencer mais je pense que ce serait très important.
Merci beaucoup. Peut-être avez-vous quelques remarques de conclusion. Souhaitez-vous adresser quelque chose aux Ukrainiens ?
Nous n'avons pas parlé des armes. Pour moi, c'est normal de savoir que la gauche a différentes positions sur les armes. Mais je crois que tout le monde reconnaît que l'Ukraine a le droit de résister à l'agression et de se défendre.
Et c'est important. On ne peut pas résister sans armes. Je pense qu'une autre discussion est de savoir si nous nous concentrons uniquement sur les armes ou si nous utilisons aussi les moyens financiers et diplomatiques pour arrêter la guerre. Prenez par exemple le problème de la flotte fantôme qui exporte toujours du carburant. Le manque de pression financière et d'efforts diplomatiques est problématique car au final il y a des généraux qui ne parlent que d'armes pour l'Ukraine et ne parlent de rien d'autre. Pourtant ce ne sont pas eux qui meurent.
Je crois qu'il est important de soutenir l'Ukraine, mais aussi de s'opposer à l'idée qu'on ne devrait avoir aucun projet contribuant à la fin de la guerre excepté concernant les armes. Parce qu'au final l'Ukraine sera totalement détruite, et quelqu'un aura gagné beaucoup d'argent en vendant des armes. Je suis sûre qu'il est vraiment important d'arrêter la guerre et cela présuppose également des sanctions et d'autres politiques. Cela doit être.
Et finalement, c'est aussi une question de donner du pouvoir à l'Ukraine en interne. Rendre l'économie ukrainienne équitable.
Oui, bien sûr. Les Ukrainiens prennent les décisions de ce qu'ils veulent faire de leurs vies. Les Ukrainiens doivent décider ce qu'ils veulent faire. Et je crois que les Ukrainiens devraient avoir leur mot à dire sur ce qu'ils veulent pour leur avenir.
Interview par Denys Pilash, traduction Adam Novak pour ESSF.
Notes
1. La Troïka est un terme utilisé pour désigner le groupe de décision unique créé par trois entités, la Commission européenne (CE), la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI).
2. Le Parti socialiste de Costa a réussi à obtenir une vaste majorité au parlement par lui-même en 2022 et n'avait donc plus besoin du soutien externe des forces de gauche plus radicales (Le Bloc de Gauche et le Parti communiste portugais). Le PS s'était retiré de l'accord avec eux, n'avait pas pu gérer la crise du logement et s'était enlisé dans plusieurs scandales ministériels. Après les élections législatives anticipées de 2024, le gouvernement a été formé par le centre-droit, appelé là-bas Parti social-démocrate.
3. L'interview avait été menée au moment où le régime d'Assad était renversé, et où la faction militante de premier plan Hay'at Tahrir al-Sham avait déclaré sa tolérance envers le dialogue avec toutes les communautés, y compris la kurde. Néanmoins, l'Armée nationale syrienne pro-turque soutenue par les autorités d'Erdoğan a lancé à plusieurs reprises des attaques contre les Forces démocratiques syriennes pro-kurdes.
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Comment financer la défense européenne (et comment ne pas le faire)

Les États-Unis abandonnant l'Ukraine, pays qui constitue désormais la dernière ligne de défense de la sécurité européenne, l'UE n'a d'autre choix que d'agir de manière déterminée. Assurer sa propre protection n'est plus une question de débat, c'est une nécessité incontestable. La vraie question est maintenant de savoir si l'UE, et en particulier la gauche, a un programme concret pour faire face à cette crise. Si elle se contente de continuer à déplorer la militarisation sans proposer de solutions aux menaces très réelles auxquelles nous sommes tous confrontés en matière de sécurité, elle désertera complètement la politique, abandonnant la société au profit de sa propre pureté idéologique et de son autosatisfaction.
26 février 2025 | tiré d'Europe solidaire sans frontières
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article73898
L'approche la plus dangereuse et la plus négative consisterait à réduire les dépenses sociales pour financer l'augmentation des dépenses militaires. C'est la voie que les néolibéraux proposent déjà : réduire les budgets de la santé, de l'éducation, des retraites et de la protection sociale pour réaffecter les fonds à la défense. Cependant, il est évident que l'affaiblissement de la protection sociale aggraverait les inégalités, alimenterait les tensions sociales et, en fin de compte, déstabiliserait les démocraties. À l'heure où le populisme d'extrême droite gagne du terrain, imposer l'austérité renforcerait rapidement les forces antidémocratiques. Étant donné le soutien manifeste de la Russie et des États-Unis à ces forces, une telle mesure est exactement ce qu'espèrent Trump et Poutine.
Une autre solution consisterait à augmenter les impôts des ultra-riches et des multinationales. Ceux qui ont le plus profité de la démocratie devraient contribuer le plus à sa défense. La mise en place d'impôts progressifs sur la fortune, d'impôts sur l'énergie et d'une réglementation plus stricte de l'impôt sur les sociétés pourrait générer des recettes sans nuire aux citoyens ordinaires. Cependant, une telle stratégie nécessite une coordination pour empêcher la fuite des capitaux, car les milliardaires et les grandes entreprises tenteraient sans aucun doute de se délocaliser dans des régions où la fiscalité est plus faible. La récente annonce par Trump de visas dorés réservés aux ultra-riches indique qu'il se prépare déjà à un tel scénario, en faisant des États-Unis un refuge pour les fraudeurs fiscaux. La Suisse, quant à elle, n'est pas dans l'UE pour cette raison même : elle cherche à rester un paradis fiscal. Ce n'est pas nouveau. Au cours du siècle dernier, lorsque certains pays ont augmenté leurs impôts pour financer leurs efforts de guerre, la Suisse a accueilli des milliardaires à bras ouverts et, par conséquent, est devenue indécemment riche. Elle pourrait à nouveau utiliser la même tactique opportuniste.
Une autre option consiste à confisquer les 300 milliards d'euros d'actifs gelés de la banque centrale russe et à les utiliser pour financer la défense de l'Ukraine et renforcer la sécurité européenne. Cela permettrait de faire porter à la Russie la responsabilité financière de ses crimes de guerre tout en évitant de faire peser des charges supplémentaires sur les citoyens européens. Cependant, les autorités européennes craignent qu'une telle mesure ne crée un précédent qui pourrait rendre leurs systèmes financiers moins fiables aux yeux de ceux qui envahissent des États souverains et commettent des crimes de guerre. En effet, la justice est une notion dangereuse dans un système fondé sur la protection des intérêts des riches et des puissants. Si nous devions tenir compte de normes morales dans la conduite politique et économique, nous risquerions de mettre en péril les fondements mêmes du capitalisme. C'est en effet un scénario impensable pour ceux qui profitent de ses injustices.
Si les partis de gauche veulent rester crédibles, ils doivent adopter une position claire sur les questions de défense. Ignorer la sécurité militaire ne ferait que permettre aux forces de droite de dominer le débat, en présentant la gauche comme naïve ou faible, et en l'occurrence, ils n'auraient pas tort.
La gauche doit rejeter le faux choix entre justice sociale et sécurité nationale. La sécurité ne doit pas avoir pour prix la réduction des retraites ou des dépenses de santé, mais doit être assurée par une contribution équitable des milliardaires et des multinationales. La gauche doit se battre pour la justice fiscale, en supprimant les possibilités de fraude fiscale dont bénéficient les entreprises et en prenant des mesures contre les paradis fiscaux, y compris la Suisse.
Aucun pays européen ne peut se défendre seul. Au lieu que chaque nation augmente massivement son propre budget militaire, l'UE devrait renforcer ses mécanismes de sécurité collective. La sécurité énergétique doit être considérée comme faisant partie de la stratégie militaire : en réduisant la dépendance aux combustibles fossiles russes, nous pouvons empêcher un futur chantage économique de la part de ce pays. Par-dessus tout, la gauche doit faire pression de toute urgence pour la confiscation des actifs de l'État russe. Retarder cette décision par crainte de la réaction des élites financières ne fait qu'encourager les agresseurs.
Hanna Perekhoda
Abonnez-vous à la Lettre de nouveautés du site ESSF et recevez par courriel la liste des articles parus, en français ou en anglais.
P.-S.
Page Facebook d'Hanna Perekhoda
https://www.facebook.com/share/15qoS3VzyT/
Traduit pour ESSF par pierre Vandevoorde avec l'aide de DeepLpro
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

28 février : Une mobilisation impressionnante qui aura des conséquences politiques

La force montrée dans les rues par les ouvriers, les masses populaires et la jeunesse, avec l'énorme participation aux manifestations organisées dans toutes les grandes villes, ainsi que dans beaucoup de petites villes du pays, était vraiment impressionnante. Cependant, la force dans les rues n'était que la partie émergée de l'iceberg.
4 mars 2025 | tiré de Viento sur
https://vientosur.info/28-de-febrero-una-movilizacion-impresionante-que-tendra-consecuencias-politicas
Le 28 février, il y a eu une grève majeure qui a déplacé l'action dans tous les lieux de travail. Le confinement a été imposé partout : des grandes usines aux services d'emploi de masse, en passant par les supermarchés et les petits magasins des quartiers, et même dans les boîtes de nuit et les académies privées. Cette fois-ci, les mécanismes patronaux et tous les défenseurs de la stabilité n'ont pas osé s'opposer de manière décisive à une dynamique qu'ils pensaient de toute façon s'imposer de manière explosive.
Le gouvernement a tenté de trouver un antidote par la répression, mais la police anti-émeute, les gaz lacrymogènes, les grenades assourdissantes et les canons à eau, au lieu de semer la peur, ont multiplié l'indignation.
En ce sens, le 28 février devient une étape importante comparable à d'autres moments de mobilisation qui, dans le passé, ont changé le cours des événements politiques, tels que la grande grève et les gigantesques manifestations qui ont fait échouer la réforme du système de retraite de Yannitsis, mettant fin au gouvernement social-libéral des modernisateurs de Simitis. Ou comme les grandes grèves et manifestations de l'époque de la lutte anti-mémorandum, qui ont ouvert la voie à la chute du gouvernement Samaras-Venizelos.
De toute évidence, la comparaison n'a pas pour but d'évaluer ou de mesurer les événements, mais de montrer l'analogie : la résistance sociale d'en bas, lorsqu'elle dépasse un certain seuil de grandeur, devient un facteur politique très influent.
Au cœur de cette grande mobilisation populaire et ouvrière se trouvent, évidemment, les événements de Tempi. La prise de conscience que la privatisation du chemin de fer a non seulement conduit à l'effondrement du système ferroviaire, mais aussi à un mépris criminel pour la sécurité des passagers. La prise de conscience que ceux qui nous pointent du doigt en exigeant l'obéissance à la loi et à l'ordre sont de vulgaires hypocrites qui, en même temps, couvrent les activités les plus illégales et dangereuses des conglomérats capitalistes et qui, après deux ans, continuent de prétendre qu'« il n'est pas facile » d'élucider un crime qui a coûté la vie à 57 personnes.
Mais Tempi résume une expérience sociale plus large. La politique de privatisation affecte les écoles, les hôpitaux, les ports, les aéroports, etc., de manière tout aussi dramatique. L'inflation érode gravement les revenus des citoyens et des travailleurs, tandis que la rentabilité des capitalistes continue de battre des records et que les recettes fiscales de l'État dépassent, année après année, les attentes budgétaires. L'autoritarisme et la corruption sont devenus des caractéristiques essentielles de l'appareil gouvernemental dans tous ses points de contact avec les besoins des travailleurs et du peuple.
L'explosion sociale à l'occasion du deuxième anniversaire de la tragédie de Tempi marque un nouveau point de départ pour la résistance de masse dans le but de changer, face à ce que l'on pourrait appeler le modèle de 2011, c'est-à-dire la nouvelle vague de réformes néolibérales contre les travailleurs et la société.
Le point clé pour la poursuite du 28 février est la demande d'inverser la privatisation des chemins de fer. La demande de renationalisation de l'Organisation des chemins de fer grecs (OSE) 1, sans compensation pour FdSI (Ferrovie dello Stato Italiane), et le transfert du système ferroviaire à un régime de contrôle public, démocratique et ouvrier. Cette démarche a une dimension politique immédiate. Après le crime, le gouvernement Mitsotakis a fait tout son possible pour exonérer FdSI de toute responsabilité. Syriza, le parti qui a signé la privatisation d'OSE, a marmonné quelque chose à propos de la « renégociation » du contrat avec l'entreprise italienne. El Paso a proposé la dénonciation du contrat avec FdSI, mais avec un nouvel appel d'offres de vente, insistant sur la privatisation.
Tout cela est pratique pour de nombreuses raisons : les élites grecques, qui ont approuvé un programme de dépenses militaires colossal, n'ont alloué que 0,75 % des fonds disponibles pour le développement au système ferroviaire, tandis que la Bulgarie en a alloué 12,5 % et la Roumanie 17,5 %. Maintenant, on ne sait pas si Mitsotakis sera en mesure de sauver l'accord avec les Italiens ou s'il sera obligé de le rompre pour sauver la privatisation.
Cependant, toutes ces options et leurs variantes intermédiaires doivent être balayées par la demande de la classe ouvrière et du peuple pour une solution conforme aux besoins sociaux. Et cette solution ne peut être autre que la renationalisation sous contrôle démocratique, social et ouvrier.
Mitsotakis sort affaibli de cette confrontation. La remise en cause de son hégémonie, entamée après les élections européennes de 2023 (« 41 % n'existe plus... »), s'est accélérée qualitativement. Sa domination au sein de la droite est remise en question par la montée de courants plus radicaux à sa droite qui, bien que ridicules et indignes de confiance, restent dangereux. Son leadership au sein de son propre parti également, avec des oppositions au sein de la Nouvelle Démocratie oscillant entre un possible retour au social-libéralisme ou une dérive vers de nouvelles directions inspirées par Trump. Même sa crédibilité au sein de la classe dirigeante commence à être remise en question : le sentiment qu'elle se dégonfle et qu'elle ne sera pas en mesure de fournir aux prochaines élections un centre autonome de stabilité gouvernementale alimente la recherche d'alternatives.
Par-dessus tout, Mitsotakis est maintenant reconnu par de larges couches des travailleurs et du peuple comme un ennemi dangereux et détestable. L'expression de ce sentiment, avec des slogans multiples et divers le 28 février dans tous les coins du pays, est un grand avertissement que sa fin a commencé.
Nous n'en sommes pas encore là et cela ne se produira pas au Parlement. Les motions de censure et les demandes de commissions d'enquête n'auraient de sens que comme formes secondaires et complémentaires d'une campagne politique d'opposition visant à renverser le gouvernement. Mais ni Poasok ni Syriza ne peuvent le faire. Parce qu'en réalité, Famelos (leader de Syriza) et Androulakis (leader du Pasok) sont coincés dans les mêmes limites que Mitsotakis : l'accord-cadre de l'accord de 2018 entre l'élite grecque, l'UE, la BCE et le FMI, l'accord qui a été faussement présenté comme une « sortie des mémorandums ».
Mitsotakis tombera à cause de sa confrontation avec l'opposition sociale d'en bas. Le torrent qui a émergé le 28 février se poursuivra. En exigeant la fin de la politique de Mitsotakis à des moments critiques de son programme économique et social, ils écrivent les termes de sa propre chute et de celle de son gouvernement. La tâche cruciale de la gauche dans la période à venir sera de lier ce processus de crise politique et d'instabilité à des conquêtes claires pour notre peuple, avec des revendications qui répondent aux grands besoins des travailleurs et du peuple.
Une foule sans précédent a brisé le récit de Mitsotakis !
Certaines personnes croyaient que la mobilisation de masse d'en bas était terminée pour de bon. Que leur trône gouvernemental était inébranlable et qu'ils pouvaient parler sans conséquences. Malheureusement pour eux, mais heureusement pour nous, ils se sont complètement trompés le 28 février.
Aujourd'hui, officiellement, cette date est gravée dans la mémoire collective non pas comme un jour de deuil silencieux, mais comme un jour de justification et de lutte. Ce qui s'est passé le dernier jour de février est sans précédent dans l'histoire récente de la Grèce : plus d'un million de personnes sont descendues dans les rues du pays, tandis que des dizaines de milliers de personnes ont manifesté dans des villes à l'étranger. Il est clair que le gouvernement Mitsotakis a perdu toute légitimité.
Partout et pour tout le monde
Les chiffres des concentrations étaient impressionnants. Rien qu'en Grèce, il y a eu plus de 260 appels dans les villes et villages. Alors que les manifestations de masse à Athènes, Thessalonique, Patras, Volos et Héraklion ont mis le gouvernement en échec, les manifestations dans ces régions ont également provoqué un tremblement de terre politique. D'Evros à la Crète, dans chaque ville et village, des banderoles ont été hissées pour exiger justice et punition pour les responsables. Des syndicats, des associations étudiantes, des communautés scolaires et des organisations locales ont envahi les rues partout au pays. Le commerce s'est arrêté, les magasins ont fermé avec des panneaux sur leurs portes les informant qu'ils n'ouvriraient pas en solidarité avec les familles des victimes de Tempe. Des petits enfants avec leurs parents aux personnes âgées avec des cannes, les rues et les places étaient bondées, transformant la demande de justice en une clameur populaire dans tous les sens du terme.
Des images similaires arrivaient simultanément de l'étranger. Il y a eu des mobilisations presque partout sur la planète, de Tokyo à New York et d'Akureyri en Islande à Buenos Aires. Plus de 120 rassemblements ont eu lieu dans des villes en dehors de la Grèce, avec une participation de masse sans précédent. Dans toute l'Europe, des étudiants, des travailleurs et des enfants de migrants grecs ont manifesté sur les places centrales et devant les ambassades grecques, exposant le pays à la communauté internationale, tout comme le craignaient Adonis Georgiadis, Afroditi Latinopoulou et Aris Portosalta. Des médias mondiaux tels que CNN, BBC, Reuters et The Guardian ont mis en lumière les manifestations en Grèce contre le crime survenu à Tempi il y a deux ans. Pendant ce temps, les hauts responsables d'extrême droite du gouvernement, qui pendant des jours ont provoqué la population, attaqué les proches des victimes et défendu des politiques basées sur la cupidité et le sang, sont restés cachés sans oser s'exprimer.
Énergie et vitalité
Ceux d'entre nous qui ont participé aux manifestations n'oublieront pas facilement ce jour-là, qui a marqué un tournant dans une période d'apathie politique et de mobilisation sociale réduite. Une fois de plus, les gens ont envahi les rues avec une unanimité sans précédent. À Athènes, la police a tenté de minimiser la foule, l'estimant à 170 000 personnes, alors que la manifestation s'étendait de Syngrou à l'avenue Alexandras et du Hilton à Monastiraki. Il n'est pas exagéré de dire qu'à Athènes, environ un million de personnes se sont rassemblées tout au long de la journée. Il a fallu environ une heure pour parcourir la distance entre la statue de Kolokotronis et la rue Mitropoleos, ce qui reflète la densité de la foule et sa détermination à être présente à Syntagma au moment le plus important. Mais il y avait tellement de monde que nous ne pouvions pas tenir sur la place. Malgré l'interdiction par les autorités d'utiliser des drones pour capturer l'ampleur de la manifestation, certains pilotes ont réussi à enregistrer des images choquantes. Même dans les prises de vue panoramiques, la foule était impossible à capturer dans son intégralité.
Des centaines de banderoles de syndicats, d'associations étudiantes et d'organisations politiques remplissaient l'espace. Des enfants brandissant des pancartes réclamant justice, des parents demandant des comptes au gouvernement et des citoyens exigeant la démission de Mitsotakis ont créé une atmosphère de dynamisme différente de celle des manifestations de janvier. Il ne s'agit plus seulement de solidarité avec les familles des victimes ; Maintenant, c'était une lutte active contre le gouvernement du crime et de l'impunité. Malgré les tentatives de dépolitisation de la mobilisation, cela n'a pas été possible. Des dizaines de drapeaux palestiniens, de bannières féministes, de slogans antifascistes et de messages sur le massacre de Pylos accompagnaient les principales revendications. Ce n'est pas une coïncidence si, en plus des proches des victimes, Magda Fyssa et la mère de Kyriaki Griva étaient également présentes. Un réseau de solidarité, d'expression collective et de lutte s'est déroulé devant le parlement.
Masse et détermination
Il n'est pas exagéré de dire que le commerce a été paralysé ce jour-là et que la société a repris vie. Des grandes boîtes de nuit sur la côte aux petits magasins de migrants à Acharnae, tout a fermé. Dans le même temps, des chauffeurs de taxi bénévoles transportaient gratuitement les manifestants vers le centre, car les gares débordaient et plusieurs convois étaient nécessaires pour que les gens montent à bord. Même les employeurs et les multinationales les plus intransigeants ont été contraints de faire des gestes symboliques de solidarité, tandis que le nombre de travailleurs qui ont rejoint la grève a battu des records historiques. Il est devenu clair que la propagande de Georgiadis et de Vorizis sur de prétendues émeutes et une déstabilisation imminente du pays n'a pas réussi à instiller la peur ; Au contraire, la population afflua sans hésiter. S'il y a bien une chose qui est claire ce jour-là, c'est que la peur a changé de camp.
Et quand la carotte ne fonctionne pas, le fouet arrive. Après les discours, la police a de nouveau déchaîné sa brutalité pour disperser et discréditer le message du jour. Des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes ont été lancés dans la foule, faisant plus d'une centaine d'arrestations et de détentions sans discrimination. Des journalistes ont été attaqués tandis que les pratiques paramilitaires des unités anti-émeute rappelaient l'époque où le système craignait la colère populaire. Cependant, malgré la violence, la foule résista et retourna à Syntagma, qui était devenue un champ de bataille. Le point culminant de la répression a été l'utilisation de canons à eau contre des manifestants pacifiques devant le mémorial du Soldat inconnu, une action si disproportionnée que même le présentateur Nikos Evangelatos s'est demandé en direct pourquoi cela se produisait. Les gens ont réagi de la meilleure façon possible : ils sont restés sur la place jusqu'à 23h20, heure exacte de la collision des trains à Tempé. Ainsi s'est terminée une journée qui a changé à jamais le paysage politique du pays.
La nécessité de continuer
Il est crucial que le 28 février ne reste pas une simple catharsis d'un jour, mais qu'il se transforme en une lutte consciente et organisée. Le gouvernement Mitsotakis est acculé et paie le prix de ses crimes, de son incompétence et de ses politiques néolibérales impitoyables. L'image artificielle d'une Grèce prospère avec 41 % de soutien, soi-disant exempte des pathologies gauchistes du passé, s'est effondrée comme un château de cartes. Mitsotakis est piégé dans ses propres contradictions.
Il est vital que les processus sociaux d'en bas génèrent un contenu politique, impliquent ceux qui cherchent à s'exprimer et revitalisent la scène politique avec une orientation de gauche radicale. L'expression « Je n'ai pas d'oxygène », que l'on entendait à l'intérieur des wagons de l'horreur, résonne maintenant dans tous les foyers du pays. La société réclame désespérément un répit de liberté et d'espoir dans un contexte de répression et de politiques néolibérales étouffantes. Il est du devoir de la gauche radicale d'écouter, de parler et de se connecter avec ceux qui sont descendus dans la rue le 28 février. Il est de notre responsabilité de reprendre le fil de la lutte, de la vérité et de la justice.
Nikolas Kolitas (Membre de la rédaction de Rproject, DEA)
Notes
1. l'entreprise publique qui gérait auparavant le réseau ferroviaire du pays. En 2017, dans le cadre des privatisations exigées par les créanciers internationaux, la filiale de transport de passagers et de marchandises d'OSE, TrainOSE, a été vendue à Ferrovie dello Stato Italiane (FdSI). Cependant, OSE est toujours responsable de l'infrastructure ferroviaire (voies, gares, signalisation, etc.), tandis que TrainOSE (maintenant appelé Hellenic Train) exploite les trains.
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

« Avec ces attaques de Trump sur tous les fronts, les gens, les militantEs sont désorientéEs »

Entretien. À l'approche du 8 mars, l'Anticapitaliste a interviewé Kay, militante dans le Milwaukee et membre du Comité national de Solidarity.
6 mars 2024 | tiré de l'Hebdo L'Anticapitaliste - 744
Trump vient de commencer son deuxième mandat. Quelles sont les conséquences pour les droits des femmes et des personnes LGBTI ?
Trump n'a pas de convictions sur l'avortement. D'une part, il veut montrer aux forces anti-avortement qu'il est de leur côté, mais de l'autre il ne veut pas se mettre à dos celles et ceux qui sont pour le droit à l'avortement. Et il y en a beaucoup chez les Républicains, notamment chez les femmes. Néanmoins, les forces anti-avortement, qui visent une interdiction nationale, sentent qu'elles ont le vent en poupe avec son élection.
À l'été 2023, la Cour suprême a renversé la décision de Roe vs. Wade, de 1973. Aujourd'hui, la base de Trump, très anti-avortement, attend qu'il aille plus loin. Il dit être fier d'avoir nommé les trois juges qui ont permis de renverser l'arrêt Roe vs. Wade.
Concernant les LGBTI c'est très différent. Il était frappant pendant la campagne de voir les Républicains dépenser des centaines de millions de dollars dans les publicités pour attaquer les trans. Un terrain préparé depuis des années avec le passage de lois anti-trans dans des États comme le Texas ou la Floride. En Floride, on dit « Don't say gay » : il ne faut pas prononcer le mot gay dans les écoles primaires. Pour les enfants, on ne peut pas parler de sexualité, d'orientation sexuelle. Et surtout pas d'identité sexuelle. Pendant la campagne, Trump a déclaré qu'il n'y a que deux sexes.
Il s'est passé une chose terrible à Stonewall, à New York, qui a été en 1969 le centre du soulèvement gay et lesbien (comme on disait à l'époque). Ce mouvement a été mené par deux femmes trans, de couleur — une Portoricaine et une femme noire. Il y avait un monument fédéral où était gravé LGBTQ dans une pierre, comme dans un cimetière. La semaine dernière, ils ont enlevé le T et le Q. Il y a maintenant LGB, comme si le T (les trans) n'existait pas.
Est-ce que, dans la population, les gens se sont sentis autorisés à être agressifs ?
Absolument, parce qu'une fois que ça vient d'en haut, ça ouvre les possibilités. Il y a aussi un changement dans les grandes sociétés qui étaient beaucoup plus « progressistes » sur les questions LGBTI, comprenant qu'il faut être ouvert à la diversité.
En 2021, en Caroline du Nord, un État réactionnaire du Sud, la Chambre des députéEs avait introduit un projet de loi pour bannir les trans des toilettes correspondant à leurs identités. Le projet avait été retiré car l'association sportive, la NCAA, qui organise 500 000 athlètes universitaires, avait menacé d'arrêter les championnats dans l'État si le projet passait. Des associations disaient la même chose. Mais il y a eu un tournant. Le lendemain du jour où Trump a dit que les trans ne peuvent pas faire de sport, la NCAA a exclu les athlètes trans.
Parmi les 500 000 athlètes universitaires, il y a entre 10 et 40 athlètes trans. C'est un nombre très faible, entre 1 % et 2 % de la population et pas d'organisations trans fortes. On commence avec eux et elles et puis on passe aux autres. Ainsi en 2023, Clarence Thomas, l'un des juges réactionnaires, a invité le procureur à revenir sur le mariage gay acquis depuis des années. C'est le début d'attaques plus générales.
Est-ce qu'il y a des mobilisations en réaction à ces attaques ?
Le lendemain de l'intronisation de Trump en 2017, il y a eu d'énormes mobilisations : un million de gens à l'appel des organisations de femmes à Washington, et plus encore partout aux États-Unis. C'était un peu flou sur les mots d'ordre parce que c'était une défense générale de l'avortement mais ça montre le potentiel de mobilisation.
Le problème, c'est le recul de tous les mouvements. Après les grandes mobilisations dans les années 1970, le mouvement des droits civiques, celui des femmes s'est détourné vers les campagnes électorales avec l'idée de passer des lois au niveau de chaque État et au niveau fédéral.
Le meilleur exemple, c'est le projet d'amendement à la Constitution, le ERA (amendement des droits égaux). C'est très difficile parce qu'il faut qu'il passe dans 75 % des États et par une majorité des deux tiers à la Chambre de députéEs et au Sénat. Ils ont fait une grosse campagne. Mais ce n'était pas une campagne dans les rues. C'était des lobbies, des courriers, des rencontres avec des députéEs. Ce mouvement très institutionnel a détourné le mouvement de la rue et démobilisé.
Maintenant, il y a une ou deux générations qui ne savent pas vraiment lutter de cette façon. Ça reviendra mais on a perdu la culture des luttes de masse. De même pour le mouvement des droits civiques. Le mouvement des NoirEs dans les années 1950-1970, c'était extraordinaire avec des acquis supers. La plupart sont en train d'être perdus, comme le droit de vote : au niveau des États, des mesures vont rendre l'accès aux urnes plus difficile pour les étudiantEs, les gens marginalisés, qui n'ont pas le permis de conduire ou bien pas une carte d'identité d'un certain type.
Sur l'avortement, au-delà de la question du droit, en France, demeure le problème de l'accès réel à l'avortement. Qu'en est-il aux USA ?
L'extrême droite anti-avortement avait comme stratégie de bloquer l'accès des cliniques. Actuellement, la Cour suprême est en train de débattre d'une loi qui garantirait une zone de sécurité devant les cliniques. On va voir ce qui se passe avec ça…
Une autre question est celle des pilules abortives à base de mifepristone (connues sous le nom de RU-486). Il y a une bataille pour savoir si on a le droit de l'envoyer dans un État où il est interdit. Dernièrement, le procureur général du Texas, un vrai réactionnaire, a demandé l'extradition d'un médecin d'un État où l'avortement est toujours légal, qui avait envoyé à une femme ces pilules de mifepristone. Cette répression est faite pour intimider. À peu près 50 % des avortements sont faits avec ce genre de pilule, donc ceux qui veulent empêcher les avortements doivent viser ces pilules car beaucoup d'avortements ne se passent plus dans les cliniques.
Comment préparez-vous le 8 mars ?
Avec ces attaques sur tous les fronts, les gens, les militantEs sont désorientéEs. Où mettons-nous les forces ? La vision des gens et les luttes sont très éparpillées, le mouvement populaire très déstabilisé. En 2017, il y avait un million de personnes à Washington, la plus grande manifestation que j'ai jamais vue. Et puis plus rien. Il y aura une réponse mais je pense qu'on est tous un peu confus. Et j'avoue, il y a de la peur. Peur de manifester mais surtout une peur plus globale. La répression n'est pas très forte pour l'instant car il n'y a pas beaucoup de mobilisations. Rappelons que pendant le premier mandat, Trump voulait que l'armée intervienne pendant les manifestations de Black Lives Matter. Le général Marc Miley en refusant a mis Trump en colère, et il a été limogé. Lui et sa famille reçoivent des menaces des amis de Trump qui le qualifie de « traître ». Il peut y avoir de la répression. Il y a eu des mobilisations en solidarité avec la Palestine dans les universités qui ont subi une répression féroce. Les procès se multiplient contre les militantEs, étudiantEs et les soutiens. Il y a une identification de l'antisionisme à de l'antisémitisme : attaquer l'État d'Israël ou montrer de la solidarité avec la population de Palestine ou même appeler au cessez-le-feu peut être qualifié d'antisémitisme. Au total, les mobilisations sont difficiles.
Mais les grandes mobilisations de Black Lives Matter, des luttes syndicales de grande envergure comme dans l'automobile et l'enseignement, et les campements et manifestations pro-Palestine de ces dernières années serviront d'inspiration et de point de référence pour les mobilisations et luttes à venir.
Propos recueillis par Elsa Collonges
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Etats-Unis : « Trump apprécie ce que fait Poutine », déclare Bernie Sanders dans une interview exclusive

Alors que l'Ukraine entre dans la quatrième année de l'invasion à grande échelle de la Russie, l'évolution de la dynamique politique aux États-Unis menace d'influencer le cours de la guerre. Le président américain Donald Trump a plusieurs fois déformé les origines de la guerre, exclu l'Ukraine des négociations initiales et préconisé ce que beaucoup considèrent comme un accord abusif qui obligerait l'Ukraine à céder des ressources nationales en « remboursement » de l'aide américaine.
La rhétorique de Trump soulève des questions urgentes sur l'engagement à long terme de l'Amérique à aider l'Ukraine.
Dans une interview accordée au Kyiv Independent, le sénateur américain Bernie Sanders partage ses inquiétudes concernant l'alignement croissant de Trump sur la Russie et d'autres régimes autoritaires, ce qu'une éventuelle alliance américano-russe signifierait pour le peuple américain, le rôle des milliardaires comme Elon Musk dans l'élaboration du discours politique national et international, et pourquoi défendre l'Ukraine est crucial pour l'avenir de la démocratie mondiale.
Cette interview a été modifiée pour des raisons de longueur et de clarté.
5 mars 2025 \ tiré de entre les lignes entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/03/05/etats-unis-trump-apprecie-ce-que-fait-poutine-declare-bernie-sanders-dans-une-interview-exclusive-articles-de-peter-hudis-et-de-brad-mehldau/
The Kyiv Independent : Récemment, un certain nombre de républicains ont hésité à dire franchement que la Russie a envahi l'Ukraine. En même temps, Donald Trump n'a pas seulement qualifié le président Volodymyr Zelensky de dictateur – il a parlé en termes de plus en plus favorables du président russe Vladimir Poutine. Que se passe-t-il avec l'état actuel du Parti républicain ?
Bernie Sanders : Ce qui est extraordinairement préoccupant pour la majorité du peuple américain, c'est que nous avons maintenant un président qui a de très fortes tendances autoritaires et qui, à bien des égards, fait évoluer les États-Unis, la démocratie la plus ancienne au monde, vers une société de style autoritaire.
À bien des égards, Trump apprécie ce que fait Poutine. Poutine n'autorise pas la liberté de la presse. Poutine tue ses opposants. Poutine n'autorise pas la dissidence – et c'est une sorte de modèle que Trump apprécie.
Pour la première fois de l'histoire moderne, nous avons un président qui s'aligne sur des gouvernements autoritaires partout dans le monde, non seulement la Russie mais aussi l'Iran, la Biélorussie, plutôt que sur les gouvernements démocratiques en Europe et en Ukraine. C'est un moment très préoccupant.
Dans le cadre de ce mouvement vers l'autoritarisme, vous avez des gens comme Elon Musk, l'homme le plus riche du monde, qui dit aux républicains que si vous ne faites pas ce que le président américain veut que vous fassiez, nous allons dépenser des sommes illimitées pour vous battre (lors de votre prochaine élection) – alors vous feriez mieux de vous mettre au pas.
Évidemment, tout le monde en Amérique sait que la Russie a commencé cette guerre. Mais vous avez des républicains qui ont trop peur de s'exprimer contre Trump. C'est une triste situation.
The Kyiv Independent : Imaginons le pire scénario où les intérêts étrangers américains s'alignent sur ceux de la Russie. Comment cela affecterait-il la vie des Américains moyens ?
Bernie Sanders : Eh bien, pour commencer, cela saperait ce que les États-Unis ont représenté pendant 250 ans. L'Amérique est la démocratie la plus ancienne au monde. Pendant tant d'années, elle n'a pas été parfaite. Dieu sait que la démocratie américaine n'est pas parfaite et que notre politique étrangère au fil des ans a eu de nombreux, nombreux défauts. Mais la vérité est que les pays en développement regardent vers les États-Unis, vers notre constitution, vers notre Déclaration d'Indépendance, vers notre appréciation de la liberté humaine et de la démocratie et disent que cela a du sens.
Et maintenant, pour nous, passer à des alliances avec des brutes autoritaires et des meurtriers comme Poutine ou le gouvernement saoudien ou d'autres oligarchies est extrêmement préoccupant pour la grande majorité du peuple américain.
The Kyiv Independent : Pensez-vous que l'histoire considérera favorablement la dernière décennie d'aide militaire et humanitaire à l'Ukraine ?
Bernie Sanders : Je pense que l'histoire montrera qu'un pays a été envahi par une grande nation autoritaire avec une armée puissante qui pensait pouvoir conquérir un autre pays en quelques jours. Mais ce pays, l'Ukraine, a riposté avec un courage extraordinaire et en a terriblement souffert. Ses alliés européens, des nations démocratiques, ont tenu tête à Poutine et sont venus à leur aide.
« Défendre l'Ukraine, c'est défendre la démocratie
et la justice partout dans le monde. »
Et jusqu'à présent, les États-Unis et le peuple américain ont également soutenu l'Ukraine. À une époque où la démocratie dans le monde entier est menacée, lorsque nous voyons un pouvoir accru pour les oligarques et les autoritaires, je pense que défendre l'Ukraine, c'est défendre la démocratie et la justice partout dans le monde.
The Kyiv Independent : Nous voyons des personnalités comme Musk travailler aux côtés de Trump tout en diffusant régulièrement de la désinformation russe en ligne. Que peuvent faire les États-Unis pour mieux combattre la propagande russe ?
Bernie Sanders : C'est une question à laquelle nous réfléchissons et sur laquelle nous travaillons chaque jour. Et je vais vous donner un autre exemple. Ce n'est pas seulement Musk et son pouvoir en tant que propriétaire de Twitter, qui est extraordinaire. Il a une portée extraordinaire. Et soit dit en passant, ne pensez pas que c'est juste l'Ukraine qu'il vise.
En termes de politiques nationales, nous avons adopté ici une législation importante. Musk a menti sur cette législation et a incité les républicains à la rejeter il y a quelques mois. Mais ce n'est pas seulement Musk.
Le deuxième homme le plus riche du pays, Jeff Bezos, a décidé de transformer le Washington Post, l'un de nos principaux journaux, d'un journal que je qualifierais de centriste modéré en une page éditoriale de droite.
Il l'a rendu public hier. C'est donc un moment difficile pour mon pays, pour les personnes qui croient en la démocratie et qui ne croient pas en l'oligarchie. Et nous faisons de notre mieux, non seulement en ce qui concerne l'Ukraine, mais dans de nombreux, nombreux autres domaines, pour affronter Musk et son énorme pouvoir, ainsi que Trump.
Mais je tiens à dire – en tant que quelqu'un qui a parcouru le pays – je veux que le peuple ukrainien sache que la majorité du peuple américain ne croit pas Trump. Trump est un menteur pathologique, et la plupart des Américains le savent. La plupart des Américains savent que la Russie a commencé la guerre, pas l'Ukraine.
La plupart des Américains savent que Poutine est le dictateur, pas Zelensky. La plupart des Américains savent que dans des conditions terribles, l'Ukraine a vaillamment riposté et est admirée et respectée par des personnes du monde entier. Je veux que vous le sachiez tous.
The Kyiv Independent : Que peut faire l'Américain moyen dans ces semaines et ces mois d'incertitude à venir pour montrer son soutien à l'Ukraine ?
Bernie Sanders : Je pense que nous devons nous lever et dénoncer Trump pour le menteur qu'il est. L'idée qu'il proposerait, au milieu d'une terrible guerre où vous avez perdu des dizaines et des dizaines de milliers de personnes – (parmi elles) des hommes, des femmes et des enfants – des extractions de minéraux rares de l'Ukraine alors qu'elle lutte tant est tout à fait scandaleuse.
Ce que nous faisons (ici aux États-Unis), c'est parcourir tout le pays. Nous voyons un grand nombre de personnes qui se manifestent et qui disent que le trumpisme, l'autoritarisme et l'oligarchie ne sont pas ce que représentent les États-Unis. Nous avons des raisons d'être fiers d'être la démocratie la plus ancienne au monde, et nous avons l'intention de le rester.
Interview par Kate Tsurkan
Kate Tsurkan est journaliste au Kyiv Independent et écrit principalement sur des sujets liés à la culture en Ukraine, au Belarus et en Russie. Sa lettre d'information Explaining Ukraine with Kate Tsurkan, qui se concentre spécifiquement sur la culture ukrainienne, est publiée chaque semaine par le Kyiv Independent. L'éditeur américain Deep Vellum a publié sa co-traduction du Journal d'un gréviste de la faim de l'auteur ukrainien Oleh Sentsov en 2024. Certains de ses autres écrits et traductions ont été publiés dans The New Yorker, Vanity Fair, Harpers, The Washington Post, The New York Times, The Los Angeles Review of Books et ailleurs. Elle est cofondatrice d'Apofenie Magazine.
Note de l'autrice :
Ce fut un grand honneur pour moi de parler au sénateur américain Bernie Sanders, un politicien que j'ai admiré toute ma vie d'adulte. Entendre des personnes comme lui dire la vérité sur la menace de l'autoritarisme mondial et l'importance de continuer à soutenir l'Ukraine dans sa lutte contre la guerre d'anéantissement total de la Russie est plus important que jamais. Si vous avez apprécié la lecture de cette interview, veuillez envisager de soutenir The Kyiv Independent.
https://kyivindependent.com/us-senator-bernie-sanders-trump-likes-what-putin-does/
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article73830
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Quand la science est attaquée, la démocratie vacille

Depuis son arrivée au pouvoir, l'administration Trump II poursuit une croisade anti-scientifique sans précédent et multiplie les coupes budgétaires, interdictions et répressions. Une menace qui pèse lourdement sur la recherche américaine et fait écho aux restrictions des libertés académiques à l'échelle internationale : en réaction, la communauté scientifique s'organise ce 7 mars au sein du mouvement « Stand Up for Science », visant à défendre le rôle essentiel de la recherche.
7 mars 2025 \ tiré d'AOC media
https://aoc.media/opinion/2025/03/06/quand-la-science-est-attaquee-la-democratie-vacille/
Depuis son arrivée au pouvoir, l'administration Trump II poursuit une croisade anti-scientifique sans précédent et multiplie les coupes budgétaires, interdictions et répressions. Une menace qui pèse lourdement sur la recherche américaine et fait écho aux restrictions des libertés académiques à l'échelle internationale : en réaction, la communauté scientifique s'organise ce 7 mars au sein du mouvement « Stand Up for Science », visant à défendre le rôle essentiel de la recherche.
Depuis la réélection du président Trump, les institutions scientifiques et académiques sont la cible d'attaques sans précédent, menaçant les fondements mêmes de la liberté et de la démocratie.
L'administration Trump a licencié des milliers de chercheurs au sein des agences de recherche telles que les National Institutes of Health (NIH), la National Science Foundation (NSF) et la NASA. Des financements fédéraux essentiels à la recherche ont été gelés, notamment 1,5 milliard de dollars destinés à la recherche médicale. Les programmes scientifiques menés par les agences fédérales sont paralysés. Une liste de concepts interdits, pourtant indispensables à la prévention des risques, a été publiée, tels que « femme », « handicap », « personnes âgées », « genre », « biais », « discrimination », « inclusion », « victime ». Cette censure digne de la Chine maoïste vise à effacer des pans entiers de la connaissance et à inciter à l'autocensure parmi les chercheurs. Des milliers de pages web contenant des données scientifiques cruciales ont été supprimées des sites des agences fédérales, notamment celles traitant du changement climatique et des questions de genre.
Ce sont maintenant les universités qui sont la cible d'actions d'intimidation et de discours violents, mêlant condamnations morales, chantages financiers, menaces de répression policière. Dans un message posté le 4 mars sur le réseau Truth Social, le président Trump déclarait qu'en cas de manifestations sur les campus universitaires, « les agitateurs seront emprisonnés ou renvoyés définitivement dans leur pays d'origine. Les étudiants américains seront expulsés définitivement ou, selon le délit, arrêtés ». Il menaçait de couper les financements fédéraux aux établissements autorisant ces « protestations illégales ». Dans la foulée, la secrétaire à l'Éducation, Linda McMahon, a engagé un bras de fer avec les universités d'élite, lançant une revue complète des fonds fédéraux qui leur sont alloués. L'administration Trump a explicitement ciblé l'Université Columbia, menaçant de suspendre 51 millions de dollars de contrats fédéraux.
Cette offensive n'est pas surprenante. Elle est préparée de longue date. Les universités d'élite, considérées comme les temples de la pensée « woke » et des bastions de la reproduction des élites libérales, constituent depuis longtemps la bête noire de la base nationale-conservatrice. JD Vance est l'un des idéologues virulents alimentant la guerre culturelle contre les universités. Dès 2021, lors de la National Conservatism Conference, il appelait à une offensive radicale contre le milieu universitaire, accusé de propager tromperies et mensonges. Il exhortait à « attaquer honnêtement et agressivement les universités de ce pays », avant de conclure, citant Nixon : « les professeurs sont l'ennemi ».
Ainsi, la colère du camp trumpiste accompagne une vague sans précédent d'attaques contre les universités, alimentée par les nombreux séides de l'extrême-droite américaine, comme Charles Kirk, Steve Bannon, Laura Loomer ou Ron DeSantis. Leur objectif assumé est la destruction des institutions qui ont accompagné et nourri intellectuellement le mouvement de libéralisation culturelle de la société américaine depuis les années 60, contre les valeurs traditionnelles de la société américaine, blanche, patriarcale et religieuse.
Conséquence de ces attaques brutales, la peur a envahi les esprits sur les campus universitaires. Si la gauche démocrate semble tétanisée, la société tente néanmoins de répliquer. Le mouvement « Stand Up for Science 2025 », lancé par un petit groupe de doctorants, appelle les citoyens américains à manifester leur soutien à la science contre les mensonges et mystifications véhiculées par le nouveau président.
La science est un enjeu existentiel des sociétés démocratiques. Elle permet aux citoyens de débattre sur la base de faits et de prendre des décisions éclairées. Elle libère des opinions préconçues, des mythes et des théories bidons véhiculées par les apôtres du complot. Mais admettons-le : elle fait aussi l'objet d'une défiance croissante dans une partie de la population, sensible à la rhétorique populiste du « bon sens », terreau fertile pour propager l'anti-intellectualisme, diffuser des idées extrêmes et attiser les peurs.
Défendre la science n'est pas l'affaire des seuls chercheurs. Cela concerne les institutions culturelles, les médias, les plateformes numériques, les responsables politiques et même les acteurs économiques. Tous ont un rôle à jouer pour défendre l'esprit critique et renforcer la confiance dans les connaissances validées. Le combat pour la science est une question politique. Il doit être mené dans l'espace public. Il engage tous les citoyens.
Face à l'autoritarisme qui s'abat sur les États-Unis, les pays européens ont une occasion unique de constituer un espace de défense des sciences. Nos universités doivent demeurer des lieux dédiés à la production du savoir et protégés des pressions politiques croissantes. Elles ont désormais l'opportunité de renforcer leur attractivité pour les chercheurs du monde entier.
Cela suppose d'être conscient des risques qui pèsent sur nos institutions académiques et de recherche, et d'agir en conséquence :
Protéger la liberté académique : Les universités doivent se mobiliser pour défendre leur autonomie, essentielle pour le maintien de l'esprit critique et le progrès des connaissances.
Renforcer les moyens des universités : Il est crucial d'accroître les financements pour développer une science de qualité et attirer les plus grands chercheurs, à l'opposé des politiques de réduction des budgets observées ces dernières années.
Accueillir les scientifiques menacés : L'Europe doit lancer un programme d'accueil des scientifiques souhaitant quitter les États-Unis en raison des pressions politiques, renforçant ainsi son rôle de refuge pour la liberté académique.
Combattre le populisme anti-scientifique : Il est urgent de lutter contre les discours des partis extrémistes qui cherchent à instaurer un anti-élitisme d'atmosphère, s'inspirant du modèle MAGA pour dénigrer les sciences, attaquer les universités, pour mieux promouvoir une vision autoritaire de notre société.
La science est aujourd'hui en danger. Elle doit être protégée et défendue. Elle est la condition d'une société libre, prospère et démocratique.
Olivier Nay
Politiste, Professeur à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Guantánamo : entre isolement et fouilles humiliantes, des immigrés dans le “trou noir”

De premiers témoignages révèlent les conditions dégradantes de détention dans la base militaire des États-Unis à Cuba, où le gouvernement Trump envoie des immigrés qu'il présente comme “criminels”. La justice a été saisie pour bloquer ces transferts “arbitraires”.
6 mars 2025 | tiré de Courrier international | Photo : Les premiers immigrés emmenés vers Guantánamo depuis les États-Unis, le 4 février 2025.. DHS/REUTERS
https://www.courrierinternational.com/article/etats-unis-guantanamo-entre-isolement-et-fouilles-humiliantes-des-immigres-dans-le-trou-noir_228424
“Rouler à vélo du mauvais côté de la chaussée. Traverser à pied le Rio Grande. Voler à l'étalage [au supermarché] Target. Voilà quelques-uns des antécédents des 178 immigrés vénézuéliens détenus en février à Guantanamo Bay, la base de la marine américaine à Cuba, tristement célèbre pour avoir servi à emprisonner des suspects de terrorisme en lien avec le 11 septembre 2001. D'autres semblent n'avoir aucun casier judiciaire”, écrit The Miami Herald.
Lire aussi :États-Unis. “Un cauchemar logistique” : Trump veut envoyer jusqu'à 30 000 sans-papiers à Guantánamo

Le gouvernement Trump prétend envoyer à Guantánamo “le pire du pire” des immigrés, des “criminels” souvent membres de gangs. “Cette caractérisation est de toute évidence fausse. Elle est aussi hors sujet sur le plan légal”, dénonce l'Union américaine des libertés civiles.
Dans sa plainte déposée le 1er mars, citée par The New York Times, la grande association de défense des droits et libertés individuelles demande à la justice de bloquer des transferts “capricieux et arbitraires”.
“C'est reparti”
Après les Vénézuéliens, renvoyés depuis dans leur pays d'origine, “le gouvernement s'est mis à transporter là-bas par vols successifs, à partir du 23 février, de nouveaux migrants, venus de divers autres pays : Honduras, Colombie, Salvador, Guatemala et Équateur”, selon un document consulté par le New York Times. Certains sont détenus “dans un genre de dortoir” ; d'autres, réputés “à haut risque”, logent “dans une prison de l'époque de la ‘guerre contre le terrorisme' appelée ‘Camp 6'”.
Lire aussi :États-Unis. Guantánamo ou le “goulag américain” : Trump traite les migrants comme des terroristes
“Depuis son ouverture par George W. Bush, en 2002”, la prison militaire extraterritoriale “est synonyme de torture, d'isolement, de détention à durée indéfinie et du mépris de garanties constitutionnelles élémentaires”, rappelle un éditorial du Washington Post. “Et désormais, c'est reparti.”
“Une fois de plus, à Cuba, les prisonniers se retrouvent dans ce que des juristes qualifient de ‘trou noir légal'.”
Au Venezuela,trois migrants passés par Guantánamo ont décrit au journal“comment certains d'entre eux ont été gardés menottés dans des cages sans fenêtre, privés de lumière naturelle et autorisés à sortir seulement une heure par semaine. Ils ont été soumis, déshabillés, à des fouilles invasives humiliantes, sans qu'on leur permette d'accéder à un avocat ni d'appeler leurs proches, résume l'éditorial. Isolés, certains criaient de longues heures durant ; d'autres menaçaient, voire tentaient, de se suicider.”
Lire aussi : Société. Les migrants des États-Unis tentent de gagner le Canada, malgré une sécurité renforcée
“Nous avons tous pensé à nous tuer”, confie José Daniel Simancas, resté dix jours, qui a lui-même voulu se trancher les veines. Il n'avait, selon le Washington Post, aucun antécédent, pas plus que les deux autres témoins du journal.
Une odyssée pour rien
Le Miami Herald a également recueilli de premiers témoignages au Venezuela. Dont celui de Yoiner Jose Purroy Roldan. Quittant un pays en plein marasme, il a entrepris en 2023 le périlleux voyage à travers la jungle du Darién et jusqu'au Rio Grande, pour se retrouver finalement détenu au Texas. Le 7 février dernier, on l'a réveillé et mis dans un avion pour Miami, puis Guantánamo.
Lire aussi :Témoignages. Bloqués au Panama : le calvaire des migrants vénézuéliens sur le chemin du retour
“Purroy Roldan est l'un des hommes que le gouvernement fédéral a publiquement désignés, sans preuve, comme membre du gang [vénézuélien] Tren de Aragua. Lui et sa famille contestent avec véhémence l'accusation”, relate le journal de Floride.
“Des familles de détenus se sont demandé si leurs proches n'ont pas été ciblés pour leurs tatouages ou simplement parce qu'ils sont vénézuéliens.”
En effet, “beaucoup de ces hommes avaient des tatouages qui ne sont pas liés à des gangs, selon leurs familles”, bien que les autorités américaines les associent de longue date au Tren de Aragua.
À Guantánamo, raconte le même Vénézuélien, les repas “ne remplissaient même pas la moitié de l'estomac”. Les lumières, selon lui, étaient allumées en continu, et la surveillance des caméras et des soldats était permanente. “Ces conditions ont conduit les détenus à entamer une grève de la faim”, ajoute le Miami Herald, qui l'a interrogé.
Lire aussi :Réfugiés. Le désespoir de demandeurs d'asile expulsés par Trump et enfermés dans un hôtel au Panama
Revenu à Caracas, Yoiner Jose Purroy Roldan dit apprécier d'être parmi les siens et retrouver de la sérénité. “Nous avons immigré pour offrir une vie meilleure à nos familles”, confie-t-il au journal. “Mais la vérité, c'est qu'ils nous ont pris beaucoup de choses, nous traitant comme des criminels.”
Gabriel Hassan
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Soutenir les forces occupantes : voilà la logique de la politique étrangère de D. Trump

En expédiant des armes à Israël en même temps qu'il met les ventes d'armes à l'Ukraine sur pause, le Président Trump soutient les nations qui « occupent des nations plus faibles ».
Jonah Valdez, The Intercept, 4 mars 2025
Traduction, Alexandra Cyr
À la suite de la rencontre houleuse entre le Président Trump et le Vice-président Vance avec le Président ukrainien V. Zelensky dans le bureau ovale vendredi dernier, la Maison blanche a décrété lundi soir, qu'elle cessait les envois d'armes à l'Ukraine.
Un porte-parole officiel a déclaré que le Président Trump « se concentre sur la paix », qu'il a besoin pour cela que ses alliés « soient également en phase avec cet objectif ». Selon plusieurs rapports, et se référant à l'Ukraine encore, il a ajouté : « Nous faisons une pause pour réviser notre aide et pour nous assurer que cela contribue à une solution ».
Le Président américain avait servi un ultimatum au Président Zelensky à la fin de la rencontre dans le bureau ovale : « acceptez un cessez-le-feu avec la Russie « ou nous nous retirons ».
Cette pause dans la livraison d'armes à l'Ukraine était un virage attendu de l'administration Trump. Même avant qu'il soit sélectionné comme colistier de D. Trump, J.D. Vance plaidait pour que les pays européens soient responsables pour leur propre sécurité et pour la fin de l'aide militaire à l'Ukraine : l'Europe doit se tenir sur ses deux jambes (et) ne pas continuer à se fier sur les États-Unis pour la soutenir » En même temps, D. Trump s'est ouvertement rapproché du Président russe, Vladimir Poutine proclamant qu'il était intéressé à la paix malgré le fait que son pays soit l'agresseur dans cette guerre qui se continue et qui a tué plus de 12,000 civils.es ukrainiens.nes.
L'administration Trump a pivoté dans sa politique envers l'Ukraine et la Russie rendant ainsi ses alliés moins confiants quant à son soutien pour leur sécurité, elle ne s'est pas appliquée à tous. Voyez Israël, un allié qui continue de bénéficier inébranlablement de l'éternel soutien américain.
Quelques heures après la rencontre avec le Président Zelensky, le Département d'État a avisé le Congrès que l'administration avait approuvé un nouveau contrat de vente d'armes à Israël pour la somme d'environ 3 mille milliards de dollars. Cette vente a été conclue alors que le Premier ministre israélien, B. Netanyahu a violé les termes du traité de cessez-le-feu à Gaza en bloquant l'entrée de l'aide humanitaire dans la bande. Cette décision prétendait forcer le Hamas à accepter une nouvelle entente que l'envoyé spécial américain, Steve Witkoff, défendait et qui contenait des crédits en faveur de développeurs immobiliers américains et du gouvernement des États-Unis. Ce gel de l'entrée de l'aide alimentaire et d'autres biens vitaux à Gaza a soulevé les critiques des Nations Unies, des pays arabes et des groupes humanitaires. Ils ont condamné cet agissement du Premier ministre israélien et l'ont traité de punition collective imposée au peuple palestinien et de violation de la loi internationale.
À propos de cette nouvelle vente d'armes, le Secrétaire d'État américain a déclaré : « L'administration Trump va utiliser tous les outils disponibles pour tenir les engagements américains de longue date envers la sécurité d'Israël ce qui inclut les moyens de contrer les menaces à cette sécurité ».
Cette vente passe outre à l'approbation du Congrès, auquel sont soumises les ventes d'armes à l'étranger. Pour le faire, le Président Trump s'est servi d'une exception d'urgence qui autorise la Maison blanche à se passer de la révision des élus.es. Et ça n'est rien de nouveau. L'administration Biden en a fait autant à de multiples reprises pour vendre des armes à Israël depuis le 7 octobre 2023 pour une valeur de 200 millions en tanks, obus, bombes et autres équipements militaires.
Au cours de la première année de cette guerre, l'administration Biden a expédié des armes à Israël pour une valeur de 17,9 mille milliard de dollars selon l'Institut Watson pour les affaires internationales et publiques de l'université Brown. Depuis que D. Trump a pris la Présidence, la Maison blanche a approuvé environ 12 mille milliard de dollars d'armement à Israël selon le Département d'État.
Matt Duss, vice-président exécutif du Centre pour les politiques internationales, (un groupe de réflexion progressiste) estime « qu'il y a malheureusement une grande continuité entre les deux administrations. J'aurais voulu que les Démocrates se soient exprimés antérieurement, je voudrais qu'ils le fassent maintenant. Il s'agit d'une catastrophe humanitaire absolue qui aura des conséquences horribles maintenant et dans le futur pour la sécurité américaine ».
Le contrat actuel de l'administration Trump transférera 2,04 milliards de dollars à Israël en munitions dont 4,000 ogives Predator, 35,000 MK-84 et bombes BLU-117 appelées bombes de 2,000 livres. Israël les utilise de manière routinière dans les parties urbaines densément peuplées de Gaza. Un nombre incalculable de civils.es ont été tués.es par ces bombes et des hôpitaux et d'autres infrastructures ont été endommagés. Durant sa première semaine de mandat, le Président Trump a mis fin à un embargo installé par l'administration Biden en mai dernier sur ces bombes. L'actuel contrat de vente ajoute 600 millions de dollars en munition et des bulldozers Caterpillar pour une valeur de 300 millions de dollars. L'armée israélienne les utilise pour détruire les routes durant ses opérations
Le professeur de sociologie, de la Mount Royal University et analyste politique à Al-Shabaka, Muhannad Ayyash, estime pour sa part que les motivations du Président Trump sont claires : ce sont des intérêts économiques : « Il n'aide pas, il investit. L'argent entre en Israël avec le titre « d'aide » mais revient subito presto dans les poches des firmes américaines qui développent et fabriquent des armes et s'enrichissent grassement avec ce processus. Le Président Trump ne voit pas d'avantages économiques en Ukraine ».
La majorité de l'aide américaine à Israël a la forme de de subventions qu'il peut dépenser en achetant de nouvelles armes directement des compagnies américaines ce qui aide à soutenir cette industrie. Ce que l'Ukraine a reçu, est au contraire tiré des réserves d'armes existantes au Département de la défense. Tout au long de ces cinq années de guerre, elle a reçu pour une valeur de 4,65 mille milliards de dollars d'armement neuf selon le Département d'État. L'aide à Israël a dépassé ce montant de plus de deux mille milliards de dollars durant la seule première année de la guerre génocidaire à Gaza.
Dans une entrevue en face à face avec Sean Hannity sur Fox News, le Vice-président J.D. Vance a clarifié à quel point les intérêts financiers motivent les décisions de politiques d'affaires étrangères de ce gouvernement. Commentant le désir de l'Ukraine de prévenir une autre invasion russe, il déclare : « la meilleure garantie de sécurité est de donner aux États-Unis la main haute sur son économie dans le futur ». Les deux pays ont pensé antérieurement à un accord sur les minéraux cruciaux qui permettrait aux Américains de les exploiter pour effacer ainsi le coût de l'aide versée. Il n'est plus certain que cette proposition soit encore d'actualité après la suspension de l'aide américaine.
Ms Duss et Ayyash s'inquiètent des implications américaines de la politique étrangère de soutien militaire sans faille à Israël, spécialement quand le Premier ministre Netanyahu menace les chances d'un cessez-le-feu permanent et que l'armée israélienne augmente ses offensives sur la Cisjordanie. Au lieu de passer à la deuxième phase du cessez-le-feu qui comporte le retrait des troupes israéliennes de la bande de Gaza et un engagement de mettre fin à la guerre, B. Netanyahu a mis le Hamas devant une entente alternative qui aurait étendu la première phase de l'accord pour 40 jours de plus. Le Hamas a rejeté ce plan. L'Égypte et le Qatar, négociateurs du plan original, ont décrié cette proposition de dernière minute. En réponse, le Premier ministre israélien a blâmé le Hamas pour non-respect de l'entente et a bloqué l'aide humanitaire à l'entrée de Gaza.
Durant la première phase du cessez-le-feu des milliers de Palestiniens.nes dépacés.es ont pu regagner leur lieux d'habitation au nord de Gaza pour entreprendre le nettoyage de des gravats et la recherche des corps qui y sont enfouis. Avec son sursis, B. Netanyahu continue à rassurer sont cabinet d'extrême droite que la guerre contre le Hamas se continue. D. Trump avance faussement que les États-Unis s'empareraient de Gaza, en expulseraient les Palestiniens.nes durant la reconstruction. Cette semaine, les pays arabes se sont rencontré et offert un contre plan de reconstruction sans expulsion des habitants.es et qui mènerait à une solution de deux pays, la Palestine et Israël.
M. Ayyash estime que le Premier Netanyahu et Israël « n'ont jamais été sérieux au sujet de ce cessez-le-feu et voilà que maintenant nous pouvons voir qu'ils n'ont jamais tenté de négocier la deuxième phase. Leur but est encore qu'un nombre aussi grand que possible de Palestiniens.nes sortent de Gaza pour en coloniser le maximum possible et mettre fin à la résistance palestinienne. En fin de compte ils veulent comme ils le disent, qu'Israël ait la souveraineté exclusivement juive, du fleuve (le Jourdain) à la mer (la Méditerrannée), avec un minimum de population palestinienne sur le territoire ».
Commentant la situation ukrainienne, M. Duss estime : « qu'un tel échec de cessez-le-feu est précisément ce qui donne au Président Zelensky un moment de réflexion face à l'entente de paix négociée entre les États-Unis et la Russie. Si, de fait, l'administration Trump appuie le Premier ministre Netanyahu dans sa décision de stopper le cessez-le-feu, c'est qu'il est aussi d'accord avec le Hamas. Cela ne donne aucune raison aux Ukrainiens.nes d'être confiants.es que les États-Unis pourraient soutenir vraiment quelque cessez-le–feu que ce soit intervenu avec V. Poutine. Le minimum en lequel les Ukrainiens.nes doivent avoir confiance c'est que les États-Unis sont d'accord pour obliger la Russie à s'en tenir aux termes du cessez-le-feu intervenu ; mais en ce moment, la position du Président Trump avec le Premier ministre israélien n'en est pas garante ».
Malgré que l'administration Biden est clairement échoué à faire respecter ses lignes rouges face aux violations des droits humains par Israël, elle s'est quand même opposée à l'invasion russe (en Ukraine) et a critiqué ses crimes de guerre allégués. Les avocats.es et experts.es des droits humains parlent d'un double standard, d'une contradiction. Mais ce tournant positif envers la Russie rend la politique étrangère américaine plus claire idéologiquement : maintenant, les États-Unis soutiennent les pays aux ambitions impérialistes qui font face à des accusations d'atrocités, de crimes de guerre.
M. Duss ajoute : « L'administration Trump semble maintenant se tenir aux côtés des puissants qui occupent des peuples plus faibles. Je préférerais que les États-Unis mettent fin à ce double standard en promouvant le respect des lois internationales par tous, amis ou ennemis. D. Trump fait le choix de résoudre les tensions autrement ».
Nos deux interlocuteurs, M. Duss et Aayash demandent aux élus.es américains.es et à la communauté internationale d'intervenir pour que soit restaurées les lois internationales mises en place après la deuxième guerre mondiale qui ont été défiées et érodées durant ces deux dernières guerres.
M. Duss exprime aussi son inquiétude quant aux Américains.es qui pourraient payer le prix de ces décisions en politique étrangère : « Pas besoin de regarder bien loin en arrière dans l'histoire pour trouver des exemples en ce sens ; vous n'avez qu'à penser au 11 septembre ».
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

« Une déclaration de guerre contre le peuple américain » – Ralph Nader commente le discours de Trump au Congrès

Le président Donald Trump a prononcé mardi soir le plus long discours présidentiel à une session conjointe du Congrès de l'histoire moderne, exposant sa vision pour les quatre prochaines années tout en défendant les nombreuses mesures qu'il a prises par décret afin de démanteler de grands pans du gouvernement fédéral.
Pendant une heure et quarante minutes, Trump n'a cessé de mentir et d'exagérer ses réalisations et les échecs de ses adversaires, déployant un langage raciste et déshumanisant pour décrire les immigrés, les personnes LGBTQ et ses détracteurs. Trump a fait l'éloge du milliardaire Elon Musk et de ses efforts pour supprimer des agences gouvernementales entières. Le discours était « une déclaration de guerre contre le peuple américain, y compris les électeurs de Trump, tandis que la part belle était faite aux super-riches et aux entreprises géantes », a déclaré Ralph Nader, défenseur de longue date des consommateurs, critique de la grande entreprise et ex-candidat à l'élection présidentielle.
Transcription
Ceci est une traduction de la version la plus immédiate de la transcription, qui pourrait ne pas être finale.
AMY GOODMAN (journaliste) : Nous commençons l'émission d'aujourd'hui avec Ralph Nader, défenseur de longue date des consommateurs, critique de la grande entreprise et ex-candidat à la présidence. Ralph Nader est le fondateur du journal Capitol Hill Citizen. Le dernier article qu'il a publié dans le numéro du journal Capitol Hill Citizen qui vient de sortir s'intitule « Parti démocrate : S'excuser auprès de l'Amérique pour avoir ramené Trump au pouvoir ». Il est également l'auteur du livre à paraître Let's Start the Revolution : Tools for Displacing the Corporate State and Building a Country That Works for the People (« Commençons la révolution : des outils pour remettre à leur place les entreprises qui s'immiscent dans l'État et construire un pays qui fonctionne pour le peuple » – notre traduction).
Medicaid, la sécurité sociale, Medicare, toute une série de programmes... Ralph Nader, comment réagissez-vous globalement à ce discours du président Trump au Congrès, bel et bien le plus long de l'histoire moderne.
RALPH NADER : Eh bien, c'était aussi une déclaration de guerre contre le peuple américain, y compris les électeurs de Trump, visant à favoriser les super-riches et les entreprises géantes. Ce que Trump a fait hier soir, ça a été de battre tous les records en matière de mensonges, de fantasmes délirants, de promesses non tenues en devenir – une répétition de son premier mandat –, de vantardises quant à des progrès non existants. En définitive, il a lancé une guerre commerciale. Il a lancé une course aux armements avec la Chine et la Russie. Il a perpétué et même aggravé le soutien génocidaire contre les Palestiniens. Il ne les a pas mentionnés une seule fois, les Palestiniens. Et il a surenchéri par rapport aux politiques génocidaires de Biden en exigeant leur évacuation de Gaza.
Mais dans l'ensemble, Amy, les dictionnaires n'ont pratiquement pas de mots pour décrire ce que nous voyons ici. Ce que font Trump, Musk, Vance et les Républicains sans colonne vertébrale, c'est installer une dictature intérieure impériale et militariste qui finira par devenir un État policier. On peut voir que les personnes qu'il nomme sont des béni-oui-oui déterminés à supprimer les libertés civiles et les droits civiques. On peut le voir rompre le statu quo, après plus de 120 ans, en annonçant vouloir conquérir le canal de Panama. Il a dit en substance que, d'une manière ou d'une autre, il allait s'emparer du Groenland. Il ne veut pas simplement exercer un contrôle impérial sur des pays étrangers ou renverser leur gouvernement ; il est aussi question de s'emparer de leurs terres. En ce qui concerne le Groenland, c'est une province du Danemark, un pays membre de l'OTAN. À toutes fins pratiques, Trump est prêt à conquérir une partie du Danemark en violation de l'article 5 de l'OTAN, tout en affichant un soutien sans faille à un dictateur communiste pur et dur, Vladimir Poutine, qui a commencé sa carrière au sein la version russe de la CIA sous l'Union soviétique et qui a maintenant plus de 20 ans de dictature communiste sous la ceinture. Ce dernier étant secondé, bien sûr, par un certain nombre d'oligarques formant une sorte de kleptocratie. Et les Républicains avalent ça tout rond au Congrès. Il s'agit d'un renversement complet de tout ce que les républicains ont défendu face aux dictateurs communistes. C'est un revirement complet par rapport à ce que les Républicains ont professé jusqu'ici, eux qui ont été arc-boutés contre les dictateurs communistes.
On est en somme en présence d'un soi-disant programme d'efficacité gouvernementale qui met en pièces les programmes prévus pour les citoyens. L'attaque contre la sécurité sociale est du jamais vu et prétendre qu'il y a des millions de personnes âgées de 110, 120 ans qui reçoivent des chèques de sécurité sociale est totalement mensonger. C'est une attaque sans précédent. Pendant son premier mandat, Trump n'a pas touché à la sécurité sociale, mais aujourd'hui, il s'y attaque. Ce qu'ils vont faire, donc, c'est réduire Medicaid et d'autres filets de sécurité sociale pour financer une nouvelle réduction d'impôts pour les super-riches et la grande entreprise, et c'est sans compter l'absence d'impôt sur les pourboires et sur les prestations de sécurité sociale, ce qui, bien sûr, fera augmenter davantage le déficit et démentira ses prétentions selon lesquelles il veut un budget équilibré.
Nous avons donc affaire à un menteur pathologique dérangé et instable, qui s'en tire à bon compte. Et la question qui se pose est la suivante : comment peut-il s'en tirer, année après année ? Cela vient de ce que le parti démocrate s'est dans les faits effondré. Ces gens ne savent pas comment faire face à un criminel récidiviste, à une personne qui a embauché des travailleurs sans papiers et les a exploités, face à une personne qui abhorre les immigrés, y compris des immigrés légaux qui effectuent des tâches absolument essentielles dans les domaines des soins à domicile, de la transformation de la volaille, de la viande… la moitié des ouvriers du bâtiment au Texas sont des travailleurs sans papiers. Le tyran qu'il est ne s'en prend pas à l'industrie du bâtiment au Texas, il cible plutôt une catégorie d'individus.
J'ai trouvé que la chose la plus honteuse, Amy, hier, était la façon qu'il a de marcher sur la tête des malheureux qui souffrent et se soutiennent les uns les autres. Autant de colifichets dont il se sert pour couvrir son comportement contradictoire. Ainsi, il a fait l'éloge de la police hier, mais il a gracié plus de 600 personnes qui ont attaqué violemment la police le 6 janvier et qui ont été condamnées et emprisonnées en conséquence, et il les a laissées sortir de prison. À mon avis, le plus…
JUAN GONZÁLEZ (journaliste) : Ralph ? Ralph, je…
RALPH NADER : … la chose la plus déchirante, c'est cet enfant de 13 ans, qui voulait devenir policier à l'âge adulte, que son père a soulevé deux fois… Il était tellement déconcerté par ce qui se passait. L'instrumentalisation de ces personnes par Trump est totalement répréhensible et devrait être publiquement condamnée.
Maintenant, plus fondamentalement, les véritables inefficacités du gouvernement, ils les ignorent, parce que ce sont des kleptocrates. Ils passent sous silence les agissements criminels du monde des affaires contre Medicaid, Medicare – des dizaines de milliards de dollars chaque année pigés dans les caisses de Medicare, issus du vol de contrats gouvernementaux, tels que les contrats de défense. Il ignore les centaines de milliards de dollars d'aides sociales aux entreprises, y compris celles accordées à Elon Musk – subventions, dons, cadeaux, renflouements, et j'en passe. Et il fait peu de cas du budget militaire pléthorique, alors qu'il soutient les Républicains dans leur volonté d'augmenter le budget militaire au-delà de ce que les généraux ont demandé. C'est la révélation...
JUAN GONZÁLEZ : Ralph ? Ralph, si je… Ralph, si je peux vous interrompre ? J'ai juste besoin de…
RALPH NADER : … à laquelle les démocrates doivent donner suite.
JUAN GONZÁLEZ : Ralph, je voulais vous poser une question sur Medicaid et Medicare spécifiquement. Vous avez mentionné les coupes dans ces programmes de protection sociale. Qu'en est-il de Medicaid, en particulier de la crise des soins de longue durée dans ce pays ? Que voyez-vous arriver dans cette administration Trump, en particulier avec la majorité républicaine au Congrès ?
RALPH NADER : Eh bien, ils vont sabrer… ils vont prendre des mesures pour élaguer Medicaid, qui verse des prestations à 71 millions de personnes, y compris des millions d'électeurs de Trump, qui devraient reconsidérer leur vote au fil des jours, parce qu'ils sont exploités dans les États rouges, les États bleus, partout, aussi. Oui, ils sont à la veille de grever Medicaid de dizaines de milliards de dollars par an pour défrayer la réduction d'impôts. C'est l'étape numéro un. Et maintenant, ils s'attaquent à la sécurité sociale. Qui sait quelle sera la prochaine étape, ce qui arrivera à Medicare ? Ils laissent les Américains complètement sans défense en sabrant dans les lois sur l'inspection de la viande et de la volaille, sur l'inspection des aliments et sur la sécurité automobile. Ils exposent les gens à la violence climatique en mettant la hache dans la FEMA, l'agence fédérale de gestion des situations d'urgence. Ils suppriment les gardes forestiers qui s'occupent des incendies de forêt. Ils réduisent les protections contre les pandémies et les épidémies en écharpant, en ravageant et en supprimant la liberté d'expression dans les milieux scientifiques, comme le CDC, le centre de contrôle des maladies et les NIH, instituts nationaux de la santé. Ils laissent le peuple américain sans défense.
Et où sont les démocrates face à tout ceci ? Regardez comment a réagi la sénatrice Slotkin. Ce n'était que redite typique d'une réfutation faible et anémique des démocrates. Elle n'a pas pu se résoudre, pas plus que les démocrates en 2024, qui ont pavé la voie à la victoire de Trump… ils ne peuvent pas se résoudre, Juan, à parler spécifiquement et authentiquement de l'augmentation du salaire minimum, de l'expansion des soins de santé, de la répression des escrocs du monde des entreprises qui saignent les travailleurs américains et les pauvres déjà sous pression. Ils n'arrivent pas à parler de l'augmentation des budgets de la sécurité sociale gelés depuis 50 ans, que 200 démocrates étaient d'accord pour augmenter, mais Nancy Pelosi les a empêchés, lorsqu'elle était présidente de la Chambre, de présenter le projet de loi de John Larson à la Chambre des représentants. C'est pour ça que ce sont des perdants. Regardez son discours. Il était tellement vague et général. Ils l'ont choisie parce qu'elle faisait partie de l'appareil d'État à la sécurité nationale. C'est une ancienne de la CIA. Ils l'ont choisie parce qu'ils voulaient promouvoir la version perdante du parti démocrate, au lieu de choisir Elizabeth Warren ou Bernie Sanders, la personnalité politique la plus populaire des États-Unis aujourd'hui. C'est le choix qu'ils ont fait. Ainsi, tant que les démocrates auront une position de monopole dans l'opposition et écraseront les efforts des tiers pour les pousser vers des sphères plus progressistes, la déclaration de guerre des républicains, des ploutocrates, de Wall Street et de la machine de guerre contre le peuple américain sera suivie d'effet. Nous nous dirigeons vers la crise la plus grave de l'histoire américaine. C'est du jamais vu.
AMY GOODMAN : Ralph Nader, nous allons devoir en rester là, mais, bien sûr, nous allons continuer à couvrir ces questions. Je voulais aussi vous souhaiter, Ralph, un joyeux 91e anniversaire. Ralph Nader…
RALPH NADER : Je souhaite que les gens se procurent le Capitol Hill Citizen, qui leur explique ce qu'ils peuvent vraiment faire pour retrouver la démocratie et la justice. Donc, pour cinq dollars – ou plus, si vous souhaitez faire un don plus conséquent –, vous pouvez aller sur le site de Capitol Hill Citizen et vous faire envoyer immédiatement une version imprimée par courrier accéléré – à moins que vous n'en vouliez plusieurs exemplaires pour votre cercle, pour résister et protester et l'emporter sur cette dictature de Trump.
AMY GOODMAN : C'était Ralph Nader, défenseur de longue date des consommateurs, critique de la grande entreprise, quatre fois candidat à l'élection présidentielle et fondateur du journal Capitol Hill Citizen.
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :