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Le coup de baguette maléfique de la spéculation immobilière

20 février 2024, par Jean-François Delisle — , ,
La crise du logement bat son plein et bien de gens peinent à payer leur loyer. À présent, même des employés convenablement rémunérés une fois leur loyer acquitté, doivent (…)

La crise du logement bat son plein et bien de gens peinent à payer leur loyer. À présent, même des employés convenablement rémunérés une fois leur loyer acquitté, doivent fréquenter des supermarchés à rabais pour s'approvisionner, comme les Dollarama.

Avec raison, on a beaucoup dénoncé les "rénovictions", c'est-à-dire des gens à modeste et faible revenu chassés de leur appartement transformé ensuite en condo ou logement de luxe, à un prix inabordable. De vieilles usines abandonnées sont aussi livrées à la spéculation qui les fait muer, comme par un coup de baguette magique, en condos.

Il y a là une dimension de l'embourgeoisement des quartiers centraux jamais dénoncée. Ces usines désaffectées pourraient (ou auraient pu) devenir des HLM, des coopératives ou des logements à prix abordable. On l'a souvent souligné, et avec justesse. Mais l'aspect historique du problème paraît échapper à l'attention des militants et militantes communautaires du secteur de l'habitation.

En effet, des générations d'ouvriers et d'ouvrières ont bossé dans ces établissements souvent pour des salaires de misère. Montréal doit à cette main d'oeuvre bon marché une forte partie de sa puissance et de son statut de métropole du Québec (et autrefois du Canada). De plus, ces gens habitaient souvent à proximité de leur lieu de travail, dans des blocs appartements aujourd'hui "condoïsés¨ dans la plupart des cas.

Or, ces lieux "revampés" et mis au goût du jour sont aujourd'hui envahis par les nouvelles élites depuis que les spéculateurs immobiliers les ont transformés en condos. Ces gens y mènent une vie confortable alors qu'autrefois les accidents de travail se signalaient par leur fréquence. Les spéculateurs et les propriétaires de condos s'en fichent éperdument, si même ils en sont conscients. Il s'agit d'une sorte de scandale moral de nature historique. Murs refaits auxquels sont fréquemment accrochés des tableaux de maître (ou plus fréquemment leurs reproductions), planchers en bois verni, belles fenêtres panoramiques, mobilier sophistiqué... Tout un contraste avec la réalité d'autrefois !

Là où circulaient les ouvriers et ouvrières en habits de travail souvent couverts de poussière et effectuant un boulot suant, les nouveaux occupants des lieux sont des membres de ce qu'on appelle parfois la classe moyenne supérieure : des gestionnaires financiers, des administrateurs privés et publics, des patrons, des politiciens, parfois des professeurs d'université ; ils sont tous élégamment vêtus et sirotent durant leurs loisirs un verre de rouge ou une tasse de café importé. Ils y circulent avec aisance. Ce sont des profiteurs.

C'est donc sans complexe qu'ils s'approprient des locaux d'anciennes manufactures, comme si ça allait de soi.

Il faut donc garder à l'esprit cette dimension historique quand on passe à côté d'une usine transformée en condo.

Jean-François Delisle

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Souveraineté : La répartition des sacrifices

20 février 2024, par Jean-François Delisle — , ,
J'ai déjà évoqué dans un texte précédent la longue et difficile période de transition qui suivrait un OUI majoritaire à la souveraineté lors d'un hypothétique troisième (…)

J'ai déjà évoqué dans un texte précédent la longue et difficile période de transition qui suivrait un OUI majoritaire à la souveraineté lors d'un hypothétique troisième référendum. Les indépendantistes, même ceux et celles de gauche, n'abordent jamais cette question difficile. Il suffit de relire l'ensemble des textes soutenant l'option souverainiste pour le constater du premier coup d'oeil.

On y parle abondamment de libérer le Québec de sa "soumission" au pouvoir fédéral, on y valorise la notion de "république sociale", on y lie souveraineté à émancipation de la nation québécoise en général et de ses travailleurs en particulier. Toutes ces idées se défendent certes et sont en partie fondées.

Cependant, un problème central est toujours escamoté : la répartition des sacrifices nécessaires à la réalisation du rêve indépendantiste. Même Québec solidaire n'y fait pas allusion, un parti qui s'est pourtant donné comme mission première de défendre les travailleurs et travailleuses, ce qui n'augure rien de bon pour ceux-ci en cas de victoire souverainiste.

Si cette hypothèse devenait réalité, les pressions financières, commerciales et politiques d'Ottawa sur Québec seraient énormes, lourdes et étouffantes. Concrètement, l'accession du Québec à son indépendance nécessiterait une détermination sans failles tant de la part de ses dirigeants que d'une majorité de la population.

Des compressions budgétaires majeures deviendraient inévitables de la part du gouvernement souverainiste, qu'il soit péquiste ou solidaire, ou encore une coalition parlementaire des deux. C'est ici que la dimension sociale serait incontournable . Qui en écoperait le plus ? Comment acquérir la certitude que le gouvernement indépendantiste respecterait les intérêts des travailleurs en général, et ceux des secteurs mous de l'économie, qui concentrent les plus démunis d'entre eux, c'est-à-dire des moins organisés et des plus vulnérables, là où la résistance se révélerait la plus faible face à une politique restrictive venant des pouvoirs publics ?

Une adhésion majoritaire de l'électorat à l'indépendance provoquerait inévitablement une forte instabilité économique et financière, ce qui frapperait durement un marché de l'emploi déjà ébranlé à l'heure actuelle. Les exclus n'ont aucune garantie que le gouvernement du Québec protégerait leurs intérêts économiques, même les plus minimaux.

Bien au contraire. Le cabinet péquiste n'aurait d'autre possibilité pour retenir au Québec d'indispensables compétences comme les administrateurs publics et le plus possible de gestionnaires privés, des architectes, des techniciens en tout genre et des ouvriers spécialisés que de ménager leurs intérêts en priorité, et ce d'autant plus que d'importantes et influentes associations professionnelles et syndicales défendent leurs intérêts. Ce n'est pas le cas des travailleurs non syndiqués et des exclus comme les chômeurs et les prestataires de la Sécurité du revenu (aide sociale). Pareil pour les régions les moins développées dont le cabinet négligerait les intérêts au profit d'autres plus favorisées. On peut aussi parler des retraités dont on ne ne sait trop quelle ligne de conduite Ottawa adopterait à leur égard. Se livrerait-il à du chantage sur leur dos contre le gouvernement "séparatiste" québécois dans l'espoir qu'ils le laissent tomber et le pressent de regagner le bercail fédéraliste ?

Le processus de transition vers la souveraineté, même s'il devait réussir, accentuerait des divisions déjà profondes au sein de la société québécoise. La majorité en faveur du OUI serait nécessairement assez faible. L'importante minorité qui aurait voté NON ne désarmerait pas facilement et on peut s'attendre à une alliance active et même agressive de son côté avec le gouvernement d'Ottawa contre les "séparatistes". Le débat fédéralisme-indépendance concerne moins le Canada anglais que le Québec français lui-même. C'est ici que les divisions, voire les déchirements qui accompagnent toute accession d'une nation à sa souveraineté se feraient le plus sentir.

Ces considérations sont encore spéculatives bien sûr, mais elles ont au moins le mérite de suivre le chemin de la vraisemblance. Pour la gauche sociale, il importe de talonner les formations indépendantistes à ce sujet. Elle le doit d'abord pour veiller aux intérêts fondamentaux de ceux et celles qu'elle défend : les travailleurs non syndiqués, les chômeurs, assistés sociaux et locataires à faible revenu.

Jean-François Delisle

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La Saint-Valentin : un douloureux rappel pour les personnes assistées sociales

20 février 2024, par Front commun des personnes assistées sociales du Québec, Rose du Nord — , ,
Québec, le 14 février 2024 – ROSE du Nord a répondu à l'appel à la signature massive de la pétition : Modernisation de la notion de vie maritale pour les prestataires de l'aide (…)

Québec, le 14 février 2024 – ROSE du Nord a répondu à l'appel à la signature massive de la pétition : Modernisation de la notion de vie maritale pour les prestataires de l'aide sociale lancé par son regroupement provincial le Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ).

Depuis plusieurs années, notre organisme dénonce l'application des dispositions entourant la vie maritale pour les personnes assistées sociales. « La journée de la Saint-Valentin est une date symbolique pour notre regroupement et ses membres puisque les personnes assistées sociales n'ont pas le même droit à l'amour que le reste de la population à cause d'obstacles dans la loi de l'aide sociale. » mentionne Mélanie Ratté, militante impliquée au sein du FCPASQ.

Le statut de vie maritale à l'aide sociale, c'est lorsque deux personnes sont considérées être en couple aux yeux de la Loi. Lorsque ce statut est appliqué, pour la majorité des prestataires, les prestations sont amputées de 25% et une seule personne peut percevoir la prestation pour le couple.

Plusieurs conséquences aberrantes découlent de ce statut : atteinte à l'autonomie financière, risque de subir des violences de toutes sortes, enquêtes très intrusives, cumul de dettes injustifiées, choix à faire entre son histoire d'amour et ses prestations d'aide sociale, déménagement forcé avec une personne plus rapidement que prévu, être forcé.e de vivre seul.e, etc. « Ces dispositions sont un véritable frein à l'amour et à l'entraide. Plusieurs personnes choisissent de vivre seules plutôt que de devoir vivre dans une anxiété constante de se faire couper leurs prestations parce qu'elles sont considérées en couple. Et tout ça en pleine crise du logement ! », mentionne Mélanie Ratté. La militante impliquée ajoute qu' « à l'inverse, d'autres personnes sont forcées de rester dans une situation parce qu'elles n'ont pas de prestation pour pouvoir quitter. »

ROSE du Nord appui et porte la pétition lancée par le comité femmes du FCPASQ le 14 décembre dernier, visant à revendiquer la modernisation des dispositions entourant la vie maritale. Cette pétition s'inscrit dans une série d'actions organisées en vue de s'assurer que la ministre Chantal Rouleau inclut les revendications du regroupement dans la réforme de l'aide sociale qui est à paraître au printemps 2024. Quatre revendications sont mises de l'avant :

● D'administrer un chèque par personne et que celui-ci puisse couvrir les besoins de base en établissant les prestations sans tenir compte du revenu de la personne conjointe ;
● D'établir le statut de vie maritale seulement lorsque les personnes se déclarent conjointes et abolir les critères tels que l'entraide et la commune renommée ;
● De cesser la surveillance accrue des personnes ;
● D'abolir rétroactivement toutes les dettes en lien avec le statut de vie maritale en concordance avec les dispositions ci-haut.

Cette pétition, portée par le député de Laurier-Dorion Andrés Fontecilla, est disponible sur le site de l'Assemblée nationale jusqu'au 14 mars 2024. Mélanie Ratté conclut : « il est primordial que cet enjeu soit discuté à l'Assemblée nationale. Pour ce faire, nous avons besoin de récolter le plus de signatures possible. Allez signer la pétition, parlez-en autour de vous, faites-la circuler ! »

À propos :
ROSE du Nord est un collectif de femmes vivant en situation de pauvreté. Nous défendons solidairement les droits des femmes sans emploi ou à statut précaire et militons activement pour améliorer leurs conditions de vie dans une approche féministe-conscientisante.

Le Front commun des personnes assistées sociales du Québec regroupe des organismes de défense des droits des personnes assistées sociales partout au Québec. La principale mission du FCPASQ et de ses groupes membres est la promotion des droits économiques, sociaux et culturels des citoyen.ne.s du Québec exclu.e.s du marché du travail et qui vivent dans la pauvreté

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Action féministe : De l’indignation à l’action

20 février 2024, par Collectif 8 mars — , ,
Les diverses crises, inégalités et violences qui font obstacle à l'atteinte de l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi qu'entre les femmes elles-mêmes ont été au cœur (…)

Les diverses crises, inégalités et violences qui font obstacle à l'atteinte de l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi qu'entre les femmes elles-mêmes ont été au cœur des discussions entre le Collectif 8 mars et la ministre responsable de la Condition féminine, Martine Biron, lors d'une rencontre organisée dans le cadre des activités entourant la Journée internationale des droits des femmes.

Tiré de Ma CSQ cette semaine.

La ministre a reconnu la pertinence du thème « Ça gronde ! », choisi cette année pour souligner la journée du 8 mars, et la nécessité de manifester notre indignation.

En tant que membre du Collectif 8 mars, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) a participé à cette rencontre. Celle-ci a été l'occasion de faire un état des lieux des enjeux vécus par les femmes aujourd'hui encore. La ministre Biron en a profité pour exprimer sa volonté d'agir afin de faciliter l'accès à l'avortement et de lutter contre la violence conjugale.

« Nous comptons sur la ministre pour sensibiliser son collègue, Jean Boulet, ministre du Travail, afin qu'il ajoute, au projet de loi no 42 présentement à l'étude, la mise en place d'une banque de 10 jours d'absence rémunérés pour les victimes de violence conjugale », a dit la porte-parole du Collectif 8 mars, Virginie Mikaelian.

La réalité des femmes en situation d'itinérance a aussi été mise de l'avant lors de la rencontre. Exacerbée par l'actuelle crise du logement, l'itinérance touche les femmes de manière disproportionnée et spécifique, selon le Collectif, qui affirme que les solutions pour y remédier sont connues. « Il faut s'attaquer à la racine du problème, notamment en accélérant la construction d'un plus grand nombre de logements sociaux. Il s'agit d'une mesure structurelle pour contrer l'itinérance », avance Virginie Mikaelan.

La question du maintien de services publics accessibles et de qualité a également été abordée lors de la rencontre avec la ministre. Le Collectif a fait valoir que ce sont les femmes, en tant que travailleuses et utilisatrices des services publics, qui ressentent le plus les effets lorsque la qualité des soins de santé et des services sociaux et de l'éducation est fragilisée. « Nous aurions voulu lui parler plus longuement de la dégradation des services publics et de nos préoccupations concernant les récentes réformes adoptées en éducation et en santé et services sociaux », a dit la porte-parole du Collectif.

La ministre responsable de la Condition féminine a été très réceptive aux informations qui lui ont été présentées. Le Collectif 8 mars l'encourage fortement à utiliser tous les leviers à sa disposition à titre de ministre pour intervenir sur l'ensemble des enjeux touchant les femmes, que ce soit l'économie, l'environnement, l'habitation ou la santé et les services sociaux. Ses membres souhaitent poursuivre le dialogue et continueront de proposer des pistes de solutions pour veiller à la défense des droits de toutes les femmes au Québec.

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FFQ : Un petit tour d’horizon

20 février 2024, par Fédération des femmes du Québec — , ,
Voici un extrait du message de la présidente de la FFQ publié dans l'infolettre de la Fédération des Femmes du Québec. Tiré de L'infolettre Chères membres et personnes (…)

Voici un extrait du message de la présidente de la FFQ publié dans l'infolettre de la Fédération des Femmes du Québec.

Tiré de L'infolettre

Chères membres et personnes alliées,

C'est avec grand plaisir que je saisis l'occasion pour m'adresser à vous aujourd'hui. Comme vous le savez sûrement, depuis mon arrivée en poste au printemps dernier, les événements se sont enchaînés les uns après les autres. L'équipe de travail et le conseil d'administration n'ont pas chômé ! Plusieurs enjeux nous ont interpelées dans les derniers mois, notamment, l'annonce de la ministre responsable de la condition féminine concernant la possibilité de légifération du droit à l'avortement. Heureusement, grâce à nos pressions et celles de plusieurs autres organisations féministes, celle-ci a fait volte-face à ce sujet, ce qui est une victoire majeure pour le respect des droits des femmes et leur accès aux services d'avortement.

D'autre part, il y a eu d'importantes mobilisations du Front commun du secteur public au cours de l'automne dernier. Cette lutte nous concerne toutes, étant donné les discriminations évidentes envers les femmes qui occupent majoritairement les emplois de ces secteurs, la sous-valorisation de leurs savoir-faire, de l'apport essentiel qu'elles offrent à toute la population. Nous avons donc soutenu activement le Front commun pour les secteurs publics dans leurs négociations avec le gouvernement.

De plus, il y a eu une augmentation de violence et des propos haineux envers les communautés LGBTQIA2s+, particulièrement envers les personnes trans et non binaires. Nous nous sommes donc mobilisées avec le Comité des pas-sages pour lancer un appel à soutenir un manifeste pour l'abolition du supposé « Comité des sages » mis en place par la Coalition Avenir-Québec. Je vous invite fortement à suivre leurs actions et à les soutenir.

Plusieurs autres sujets nous ont préoccupées, je vous les évoque rapidement, sachant que chacun de ces sujets est très important et demanderait un texte complet. Entre autres, la réforme de la santé proposée par le ministre Dubé et adoptée en décembre dernier aura certainement des impacts majeurs sur la pratique sage-femme et sur la santé des femmes plus globalement. Aussi, la crise humanitaire et le génocide qui se déroulent en ce moment, et ce depuis des mois, en Palestine sont alarmants. Nous devons continuer à dénoncer cela et continuer à soutenir la Palestine.

(....)

Au plaisir de vous voir sous peu et bonne lecture !

Sylvie
Présidente de la FFQ

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Motion de solidarité avec le peuple palestinien

20 février 2024, par Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale (Portneuf-Ouébec-Charlevoix) — , ,
Le RGF-CN et ses groupes membres, réunies en assemblée générale le 15 février 2024, joint sa voix aux soulèvements mondiaux en support au peuple palestinien. Nous exigeons (…)

Le RGF-CN et ses groupes membres, réunies en assemblée générale le 15 février 2024, joint sa voix aux soulèvements mondiaux en support au peuple palestinien.

Nous exigeons la fin de l'attaque génocidaire de celui-ci par le gouvernement sioniste israélien. Nous ne reconnaissons pas ce qui se passe à Gaza comme étant un conflit. Nous reconnaissons plutôt qu'il s'agit d'une phase avancée d'une opération d'extermination et de colonisation.

En date du 12 février, plus de 28 340 personnes ont été tuées à Gaza, depuis le 7 octobre 2023. Les femmes et les enfants représentent 70% des victimes. Ces mortes ne peuvent être considérées comme des dommages collatéraux puisque les cibles des bombardements sont des mosquées, des hôpitaux, des marchés, des écoles transformées en abri, des camps de réfugié.e.s et des zones résidentielles.

Nous dénonçons les violences sexistes et sexuelles envers les femmes et les filles commises de part et d'autre. La situation déjà désastreuse en Palestine, accentuée par ces violences, par l'absence de soins obstétricaux et de tout soins de santé, puis par l'insécurité alimentaire font des femmes et des filles les premières victimes de ce conflit.

Nous tenons à condamner tout amalgame haineux antisémite qui peut être fait à l'égard des communautés juives, dont d'ailleurs bon nombre s'oppose à l'occupation de la Palestine par Israël. Nous scandons notre honte vis-à-vis le refus du gouvernement du Québec d'exiger un cessez-le-feu permanent, qui aurait le potentiel d'empêcher la mort et le traumatisme de milliers de personnes palestiniennes.

Nous dénonçons l'armement et l'appui financier d'Israël par le Canada. Nous dénonçons le silence des médias québécois et canadiens sur les actions entreprises par le mouvement de solidarité avec le peuple palestinien qui s'organise sans relâche depuis l'intensification des violences contre celui-ci.

En tant que regroupement féministe portant des valeurs décoloniales, antiracistes et antipatriarcales, nous dénonçons en plus du génocide des Palestiniennes et Palestiniens, les systèmes coloniaux dans leur ensemble, qui volent les terres, saccagent les corps, les territoires, les identités collectives et les lignées de transmission culturelle. Nous croyons qu'une des raisons de l'inaction des pays occidentaux face à de telles tragédies et celles qu'il s'agit d'un reflet de leurs propres agissements historiques et contemporains en tant que colonisateurs des Premiers Peuples.

Inspirée de la déclaration de la TGFBSL et adaptée

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Action de visibilité : un troisième féminicide en 2024

20 février 2024, par Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale (Portneuf-Ouébec-Charlevoix) — , ,
Québec, 14 février 2024 – Le Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale (RGF-CN) a organisé une action de visibilité suite à l'annonce du (…)

Québec, 14 février 2024 – Le Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale (RGF-CN) a organisé une action de visibilité suite à l'annonce du troisième féminicide de l'année 2024.

Lorraine Marsolais a été tuée par son conjoint le 12 février dernier à L'Épiphanie. L'action, qui a réuni plusieurs militantes au coin des rues St-Vallier et Marie-de-l'Incarnation sur l'heure du midi, visait à briser le silence, exprimer notre colère, visibiliser les féminicides et exiger du gouvernement de faire de la lutte aux violences faites aux femmes et aux enfants une priorité.

Les féminicides : des violences banalisées et normalisées

Les meurtres des femmes et des enfants par un proche comme, cette fois-ci, par un conjoint, font partie d'un continuum de violences conjugales normalisées et banalisées. Ces violences sont le fruit d'un rapport de domination des hommes sur les femmes que la société tolère et banalise.

Les femmes aux intersections de plusieurs systèmes d'oppression tels les femmes âgées, les femmes immigrantes, les femmes autochtones, celles en situation de handicap, les jeunes femmes, les femmes des communautés LGBTQIA, en situation d'itinérance, en situation de dépendance économique, et les femmes que la société racise sont parmi les plus à risque de subir une ou plusieurs formes de violences, elles sont surreprésentées dans les victimes de féminicides.

Pas une de plus

Il faut refuser de baisser les bras et d'accepter que d'autres femmes et enfants soient agressées, violentées, tuées. Des solutions pour mettre fin à la violence conjugale, il en existe ! Ça passe notamment par l'augmentation du financement en prévention, en accompagnement et en hébergement des femmes victimes de violences conjugales, sexuelles et genrées, par des formations obligatoires et continues sur la violence conjugale pour tous les acteurs et les actrices qui interviennent auprès des femmes et des enfants, par des changements en profondeur de la culture de notre système de justice où les agresseurs peuvent récidiver en attente de leur procès, par une éducation à la sexualité axée sur des modèles de relations positifs basés sur l'égalité entre les femmes et les hommes. Les solutions sont multiples et doivent dénoncer le caractère inacceptable et criminel de la violence envers les femmes et renforcer la confiance des victimes et du public dans l'administration de la justice.

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Des nazis aux astrocapitalistes : l’histoire anti-écologique de la conquête spatiale

20 février 2024, par Vincent Lucchese — ,
Dans « Une histoire de la conquête de l'espace », Irénée Régnauld et Arnaud Saint-Martin décortiquent les assauts spatiaux de l'humanité. Et montrent les biais idéologiques (…)

Dans « Une histoire de la conquête de l'espace », Irénée Régnauld et Arnaud Saint-Martin décortiquent les assauts spatiaux de l'humanité. Et montrent les biais idéologiques mortifères qui motivent les États et les milliardaires.

Tiré de Reporterre
8 février 2024

Par Vincent Lucchese

Il y a quelque chose de fondamentalement toxique dans la conquête spatiale. En remontant aux racines philosophies et industrielles de l'épopée spatiale, Irénée Régnauld, chercheur associé à l'université de technologie de Compiègne et Arnaud Saint-Martin, sociologue au CNRS, déroulent le fil d'un récit aussi fascinant qu'inquiétant. Dans leur récent livre, Une histoire de la conquête spatiale. Des fusées nazies aux astrocapitalistes de New Space (La Fabrique), on découvre la puissance et la constance d'une vision du monde empreinte de mysticisme. Une conception qui a structuré l'ensemble des projets spatiaux et dont les conséquences délétères continuent de nous toucher.

La contribution décisive du régime nazi à l'émergence de l'histoire spatiale est connue. Les ingénieurs du IIIᵉ Reich ont conçu les premières « bombes volantes » puis les premiers missiles balistiques, les V2, qui ont notamment frappé Paris et Londres à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Dès 1945, les Alliés s'arrachèrent ces spécialistes allemands de la balistique. L'enjeu était avant tout militaire, puisqu'il s'agissait de maîtriser au plus vite cette nouvelle technologie que constituaient les missiles. Mais ceux-ci ont rapidement été convertis en fusées, permettant d'envisager le développement des vols spatiaux. L'URSS, la France, le Royaume-Uni et bien sûr les États-Unis exfiltrèrent massivement des ingénieurs allemands, dont l'iconique Wernher von Braun, principal concepteur des V2, qui deviendra étasunien et développera les fusées Saturn V du programme Apollo.

À gauche, Wernher von Braun tenant une maquette de V2 en 1955. À droite, Joseph Goebbels (au milieu) et Albert Speer (à droite) assistant à un lancement de V2 depuis Peenemünde les 16 et 17 août 1943. Domaine public / Nasa via Wikimedia Commons ; Bundesarchiv, Bild 146-1992-093-13A / Hubmann, Hanns / CC-BY-SA 3.0

Ce que soulignent les auteurs, c'est que la parfaite acclimatation de ces savants allemands — dont bon nombre furent des nazis convaincus — aux bases militaires et spatiales étasuniennes, n'a rien d'un hasard. Les influences étaient fortes entre les deux côtés de l'Atlantique : le fordisme et le taylorisme étasuniens suscitèrent dès le début du XXᵉ siècle un fort engouement en Allemagne où ils servaient de modèle de rationalisation du travail et d'efficacité économique.

L'organisation autoritaire du travail dans les usines de Ford, lui-même antisémite, raciste, nationaliste et décoré par Hitler en 1938, symbolise la porosité entre les cultures managériales des deux mondes. Les ingénieurs nazis importés aux États-Unis y trouvèrent donc un terrain favorable pour y implanter leur organisation, décrite comme un « ordre féodal » centré sur le culte du chef charismatique, du « seigneur - ingénieur en chef ».

La « matrice organisationnelle » de tout le secteur aérospatial serait ainsi durablement marquée par ses racines allemandes. Sa philosophie et ses objectifs en sont également imprégnés. Wernher von Braun avait pour vision une colonisation de l'espace par l'humanité en quatre étapes : développer d'abord des navettes, puis une station spatiale, puis conquérir la Lune, puis Mars. Ce « paradigme von Braun » perdure jusqu'à aujourd'hui dans le discours de la Nasa et des États-Unis.

Étendre l'humanité au nom de Dieu

La mission de coloniser l'espace est une obsession qui transcende elle aussi les époques. Elle est teintée d'une forme de religiosité qui a précédé le régime nazi. Dès le XIXᵉ siècle, la science-fiction émergente qui imaginait la conquête de l'espace est bourrée de renvois à la religion, à l'instar du précurseur De la Terre à la Lune et de toute une partie de l'œuvre du « très chrétien Jules Verne », notent les auteurs.

La « destinée manifeste » de l'espèce humaine à s'étendre imprègne aussi l'idéologie calviniste, écrivent-ils, qui a confié aux États-Unis d'Amérique la « mission divine » d'expansion de la civilisation vers l'Ouest. Cette foi dans l'appel de Dieu à « bâtir un nouvel Israël dans un Nouveau Monde » serait ainsi un inépuisable moteur théologique, convoqué de la colonisation de l'Afrique à celle de la Lune, en passant par le mythe étasunien de la Frontière.

Le livre nous rappelle comment tout une élite savante, porteuse d'un fort tropisme occidental, masculin et techniciste, a religieusement entretenu et assuré la transmission de cet imaginaire messianique. Y compris via la mise en place de cérémonials quasi liturgiques autour des lancements de fusée et de l'adulation des astronautes. Un climax de cette évangélisation cosmique étant la lecture d'un extrait de la Génèse depuis l'orbite lunaire, par les astronautes de la mission Apollo 8, diffusée dans une émission de télé massivement écoutée le soir de Noël 1968.

Même les voyages sur la Lune se déroulent dans une optique colonisatrice, d'appropriation des ressources et de compétition avec les autres puissances. Nasa via Unsplash

Les mêmes désirs de « dissémination céleste » de l'humanité pour la sauver de l'extinction se retrouvent en Russie, sous la plume notamment de Constantin Tsiolkovski. Adepte du « cosmisme » russe, il est l'un des pères de la cosmonautique et auteur de la célèbre maxime expansionniste, devenu poncif pour start-uper en mal d'inspiration : « La Terre est le berceau de l'humanité, mais qui a envie de passer sa vie dans son berceau ? »

L'enracinement profond de cette foi dans le destin cosmique de l'humanité permet de mieux comprendre l'hubris et les délires démiurgiques des nouveaux milliardaires de l'aérospatial, dont les figures de proue Jeff Bezos et Elon Musk ne cessent de promettre des cités spatiales géantes et la colonisation de Mars.

« Celui qui contrôle l'espace contrôle la Terre »

L'autre pilier essentiel de l'industrie spatiale, incontournable pour comprendre les colossaux efforts financiers et techniques déployés depuis près d'un siècle, c'est la militarisation de l'espace. Après 1945, le potentiel de ces nouveaux missiles balistiques, associés aux bombes nucléaires, a incarné la menace ultime. États-Unis et URSS se lancèrent dans une course aux armements : pour éviter d'être anéanti par une pluie de missiles balistiques nucléaires, chacune des deux superpuissances devant rester à la pointe de la technologie pour assurer un sinistre équilibre de la terreur.

Or, une fusée est avant tout un missile, martèlent les auteurs dans leur ouvrage, à l'instar de cette filiation directe entre V2 allemandes et programmes lunaires. Tous les programmes spatiaux, façonnés par les États, sont passés par le prisme militaire de cette priorité stratégique.

Le fil directeur de décennies de conquête spatiale tient au concept « d'astrodéterminisme ». L'idée que « celui qui contrôle l'espace, contrôle la Terre » hante la course à l'espace et la course à la Lune entre les deux blocs. La crainte très actuelle d'une arsenalisation de l'espace, faiblement freinée par le droit, et l'utilisation massive de satellites espions, sont les catalyseurs du développement d'un « État sécuritaire global hypertrophié », « ivre de son hubris technophile », insistent les auteurs en citant Kristie Macrakis, l'une des historiennes des sciences convoquées dans leur démonstration.

Un long-termisme anti-écologique

Au-delà du danger sécuritaire et militaire immédiat, le projet du « complexe militaro-industriel-spatial » est aussi mortifère d'un point de vue purement ontologique, au travers de son discours mystique. Car il sous-tend une relativisation de l'importance de préserver la planète. Vu par le fantasme prométhéen de colonisation du cosmos, le « vaisseau spatial Terre » n'est plus si irremplaçable. Cela s'incarne notamment dans l'engouement pour le long-termisme, en vogue dans la Silicon Valley et dans le monde anglo-saxon.

Ce courant philosophique prétend défendre les intérêts du long terme de l'humanité par un calcul utilitariste : la vie de dix humains vaut plus que la vie d'un seul. Donc si 99 % des humains sont encore à naître — si l'on fait en sorte que l'espèce survive encore de nombreux millénaires —, ce plus grand nombre confère à leur bien-être plus de valeur qu'à celui des humains d'aujourd'hui. D'où une relativisation de la crise écologique : même si la catastrophe est immense, l'humanité devrait y survivre. Mieux vaut donc placer les efforts dans la lutte contre les menaces vraiment existentielles, en investissant dans les artefacts technologiques afin de rendre notre espèce multiplanétaire et donc immortelle.

Si l'Humanité s'étend à travers la galaxie, alors préserver l'habitabilité d'une planète - la Terre - n'est plus si important, raisonnent les promoteurs d'une conquête spatiale infine. Nasa via Unsplash

L'argumentaire colle parfaitement au récit des acteurs capitalistes du New Space. Les auteurs rappellent à ce titre que ces entreprises, à l'instar de l'emblématique SpaceX d'Elon Musk, sont largement subventionnées par les États, notamment par la Nasa aux États-Unis, et sont les héritières d'une longue histoire industrielle, loin du storytelling de l'acteur génialement disruptif surgi de terre ex nihilo.

Ces acteurs du New Space prolongent le projet presque centenaire du complexe militaro-industriel-spatial, tout en incarnant l'ultime étape du capitalisme : sur un monde aux ressources finies et qui s'épuisent, l'espace fait figure de dernière échappatoire pour garantir la poursuite de l'accumulation du capital. Tant du point de vue du discours (les promesses très incertaines d'exploiter des ressources minières de la Lune et des astéroïdes) que par l'ouverture plus concrète de nouveaux marchés, dans les télécommunications surtout, via les projets de mégaconstellations de satellites.

Ambitions fragiles et alternatives cosmosocialistes

La relecture de l'histoire spatiale qu'offrent Irénée Régnauld et Arnaud Saint-Martin est dense et convaincante. Elle échappe heureusement au fatalisme en soulignant que la poursuite du projet prédateur et mystique de l'« astrocapitalisme » repose sur des bases fragiles.

L'enthousiasme pour les startups du New Space ressemble d'une part à une énorme bulle spéculative qui pourrait bien éclater. Le modèle économique de SpaceX, dont est fortement dépendante la Nasa, est d'autre part lui aussi vacillant. L'entreprise poursuivrait une vertigineuse fuite en avant dans les investissements pour rentabiliser le développement de sa mégaconstellation de milliers de satellites. Or, pour se déployer à l'échelle et à un coût abordable, le projet dépend de l'arrivée du Starship, plus grande fusée du monde en devenir. Celle-ci prend du retard, a encore explosé en vol test fin 2023 et Elon Musk a lui-même dramatisé les enjeux existentiels de la réussite de ce projet pour son entreprise.

Surtout, les auteurs rappellent qu'une autre culture spatiale est possible. La science, souvent mise en avant de manière fallacieuse pour justifier l'hubris de conquête, reste une excellente raison d'explorer l'univers, mais questionne l'intérêt des coûteux vols habités face aux progrès de la robotique. La science du climat, par ailleurs, et toutes celles qui permettent de mieux comprendre et surveiller l'écologie terrestre, dépendent de données extrêmement précieuses récoltées par les satellites, qu'il s'agirait de pérenniser et prioriser face aux risques de saturation de l'orbite terrestre générés par les mégaconstellations.

Préserver l'orbite terrestre de la pollution et se débarrasser des œillères de « l'esprit de conquête », forme pour certains scientifiques la base d'une « éthique de l'espace ». Nasa via Unsplash

Face au discours hégémonique qui tend à naturaliser le concept de conquête spatiale, plusieurs récits alternatifs sont ainsi d'ores et déjà mobilisables. De plus en plus d'astronomes se fédèrent pour contester la pollution visuelle et l'appropriation du ciel par SpaceX et ses concurrents. L'astronomie elle-même peut réorienter sa mythologie et s'employer à tourner notre regard vers la Terre, comme nous le proposait l'astronome Frédéric Boone l'an dernier.

La montée des critiques, notamment face aux pollutions diverses, dans le ciel et sur les bases de lancement, rend de plus en plus audible le travail de chercheurs sur une « éthique de l'espace ». La prise en compte des cosmologies non occidentales, le remplacement de l'esprit de conquête par un mélange d'exploration et de contemplation astronomiques sont autant de pistes pour explorer d'autres astrocultures.

Une vision communaliste de la science astronomique, stimulée par la quête de connaissances littéralement universelles, pourrait même préfigurer l'avènement d'une nouvelle forme de socialisme cosmique, ose le chercheur Peter Dickens.

L'utopie peut faire sourire. Mais elle n'est probablement pas moins irréaliste que la promesse astrocapitaliste de mégapoles flottant dans le vide spatial. Et elle est, assurément, moins délétère.

Une histoire de la conquête spatiale. Des fusées nazies aux astrocapitalistes du New Space, d'Irénée Régnauld et Arnaud Saint-Martin, aux éditions La Fabrique, février 2024, 282 p., 20 euros.

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Une histoire intellectuelle de la laïcité

20 février 2024, par Jean Baubérot — , ,
Un livre important vient de paraitre, aux PUF. Consacré à une Histoire intellectuelle de la laïcité de 1905 à nos jours, il rompt, de façon heureuse, avec les débats (…)

Un livre important vient de paraitre, aux PUF. Consacré à une Histoire intellectuelle de la laïcité de 1905 à nos jours, il rompt, de façon heureuse, avec les débats politico-médiatiques passionnels sur la laïcité pour l'investiguer comme un « objet de réflexion et non comme [un] éternel sujet polémique ». Ce livre permet notamment de comprendre pourquoi il existe, en France, une grande distorsion entre la célébration de la laïcité et la réticence à accepter un savoir sur elle, spécialement sur la loi de 1905 (on préfère, chaque année, faire du 9 décembre, jour de sa promulgation, la « Journée de la laïcité », plutôt que de la bien connaitre).

Tiré du blogue de l'auteur.

Il est donc intéressant de présenter cet ouvrage de façon un peu substantielle. Après cette présentation, un PS reviendra sur les réactions suscitées par ma Note du 6 février : « Israël-Palestine, notre responsabilité ».

Cette Histoire intellectuelle de la laïcité de 1905 à nos jours à pour auteur Vincent Genin, historien des idées, déjà estimé dans les milieux académiques pour ses travaux sur l'helléniste Marcel Détienne et sur Max Weber. Genin est belge, précision pas inintéressante car la Belgique comporte un fort courant laïque ( ce pays s'est, par exemple, opposé à l'inscription de « racines chrétiennes » dans feu le projet de Constitution européenne) ; de plus, comme l'a souligné en son temps Monsieur de La Palice, la Belgique… n'est pas la France, mais possède une frontière commune avec elle et une partie de ses habitants sont francophones.

C'est donc un regard qui mêle distance et proximité que Genin porte sur l'étude de la laïcité en France depuis plus d'un siècle. L'auteur propose « un voyage dans la laïcité de ceux qui la travaillent ». Pour cela, il a lu attentivement un nombre impressionnant d'ouvrages et d'articles. Il a également découvert et dépouillé plusieurs archives.

Un résultat frappant de son étude est la mise en lumière de l'absence (sauf très rares exceptions), jusqu'à une période fort récente (significativement, celle de la « nouvelle laïcité » prônée par François Baroin en 2003), de travaux académiques sur la laïcité, par des universitaires agnostiques ou athées et, d'autre part, le fait que les historiens de la politique française contemporaine n'ont pas intégré l'histoire de la laïcité, spécialement le « moment 1905 », dans l'histoire de la République. Précisons ce dernier point.

Certes, Genin le rappelle, le premier travail qui, dès 1909, aborde l'histoire du processus conduisant à la loi séparant les Églises de l'État, provient d'un historien, professeur en Sorbonne, qui ne cachait pas son anticléricalisme, Antonin Debidour. Celui-ci effectue son approche dans le cadre d'une étude sur L'Eglise catholique et l'Etat de 1889 à 1906 ; ce qu'il écrit sur la laïcité est donc surdéterminé par une histoire politique du catholicisme (et non de la République). De plus, après la guerre 1914-1918, Debidour n'a pas de postérité intellectuelle et ses travaux sont mis au rencart. À mon avis, cette carence provient du fait que la « France anticléricale » a voulu oublier le fait d'avoir dû beaucoup « prendre sur soi » lors de la séparation, tandis que, dans l'autre camp, on ne faisait confiance qu'aux historiens catholiques pour écrire l'histoire de « l'Église » (sans épithète !).

À ce moment-là, le spécialiste de la laïcité est le chanoine Capéran, recteur du grand séminaire de Toulouse, auteur d'une Histoire contemporaine de la laïcité française, en trois tomes, publiés de 1957 à 1960, travail précédé d'un ouvrage, datant de 1935, L'invasion laïque. De l'avènement de Combes au vote de la séparation. « L'invasion laïque »… : le chanoine annonce clairement la couleur ! Néanmoins, il fait preuve d'une grande érudition et étudie bel et bien la laïcité en tant que telle, preuve en est : il cite beaucoup de textes de la libre-pensée, textes absents de l'œuvre de Debidour (mais c'est, bien sûr, pour les dénoncer).

Capéran va donc constituer une source pour les historiens, alimenter d'érudition la mémoire collective et la biaiser. Cela induit la perspective légendaire, encore présente (cf. mes Notes du 6 septembre 2023 et du 22 janvier 2024) d'une séparation ayant constitué une mise au pas du catholicisme. Genin écrit : « En 1935, dans L'invasion laïque, c'est bien la ligne argumentative de la ‘laïcité dévoyée' qui est soutenue par Capéran. Ce topos de la falsification reviendra souvent dans ses travaux sur la laïcité ».

Un autre historien, fils de rabbin et agnostique, Georges Weill, avait pourtant écrit auparavant, en 1925, une Histoire de l'idée laïque en France au XIXe siècle, mais cet ouvrage, indique notre auteur, n'a « pas connu une grande postérité historiographique ». Weill n'appartenait ni au camp clérical ni au camp anticlérical et, souligne Genin, il rattachait l'histoire de la laïcité à celle du catholicisme social.

De fait, ni les historiens de l'école des Annales, ni ceux qui ont abordé tel ou tel aspect de l'histoire de la République et/ou de l'histoire politique de la France n'ont effectué de recherches sur la laïcité, excepté Mona Ozouf sur l'école laïque et Antoine Prost sur l'histoire de l'enseignement. Mais l'événement structurant de la loi de 1905 n'est, lui, jamais l'objet d'un travail universitaire. Aucune étude de Maurice Agulhon, Gilles Candar, Christophe Charle, Gérard Noiriel, Pierre Nora, Pascal Ory, Madeleine Rebérioux, Pierre Rosanvallon, Jean-François Sirinelli, Michel Vovelle, etc, etc. Chacun.e a ses raisons, la convergence d'ensemble apparait très significative d'un malaise récurrent devant cet objet historique.

Quant à l'historien, spécialiste par excellence de la République, Claude Nicolet, il « ne traite pas de ‘l'idée laïque', remarque Genin, mais bien de ‘l'idée républicaine', à laquelle elle semble se substituer, quitte à ‘escamoter' la laïcité. » Notre auteur cite alors Nicolet lui-même se justifiant de dégager en touche : « la laïcité est trop connue pour qu'on y insiste longtemps », et Genin de commenter : « La non-objectivation de la laïcité en devient un lieu commun » car, qu'est-ce qui est trop connu : l'histoire de la laïcité ou sa mémoire ? Nicolet, précise l'historien belge, « propose une démarche qui relève avant tout de la mémoire. [Or] comme le dit Pierre Nora, à cette époque, l'histoire laïcise et la mémoire sacralise. » Très éclairant paradoxe !

La laïcité, chez les historiens du politique dans la France contemporaine, a été de l'ordre de la mémoire et de la conviction sacralisantes, non de la démarche historienne objectivante. Genin le montre bien à propos d'un homme de haute stature (que j'ai beaucoup apprécié par ailleurs), Maurice Agulhon. Très laïque de conviction, il ne s'est pourtant pas aventuré à traiter le sujet en historien, et cela s'avère d'autant plus notable qu'Agulhon, remarque Genin, « dans le deuxième volume de son Histoire vagabonde, [retrace] très bien la double sacralisation dont la France en tant que nation [a] fait l'objet depuis 1789, qu'elle vienne de gauche (les principes de 1789), ou de droite (la communauté terrienne). »

Significativement, encore en 2017, les mille pages de L'Histoire mondiale de la France de Patrick Boucheron n'en comporte aucune sur la laïcité.

Devant les critiques, un chapitre (dense mais trop bref) a été rajouté, « 1905. Une laïcité à la française ? », lors de la réédition (p. 752-757). Mon hypothèse, que Genin ne formule pas explicitement, mais que les matériaux qu'il livre contribuent à rendre plausible, est que la façon dont s'est effectuée la séparation apparait trop dérangeante pour la manière dont on raconte la République. Le rapport Etat-citoyen tel que l'analyse, par exemple, Rosanvallon (pour le critiquer), ou d'une autre façon Nicolet (pour s'en réjouir), colle bien avec l'anticléricalisme d'Etat de Waldeck-Rousseau ou d'Emile Combes, mais elle ne fonctionne plus si on met en lumière Aristide Briand et les points saillants de la séparation. Du coup, cela a été : « cachez cette séparation que je ne saurais étudier » !

Face à cette désertion, à ce déni historiographique récurrent, l'étude de la laïcité s'est trouvée, du coup, l'apanage de milieux intellectuels catholiques. Genin attire l'attention sur le séminaire de René Rémond à Sciences-Po, au tournant des années 1950-1960. Rémond ne cache pas son optique et notre auteur le cite : la laïcité a « retenu une grande part de mon attention comme historien, comme citoyen, et […] comme chrétien. »

Genin précise, à propos de ce séminaire : « Son référentiel catholique relève d'une histoire très récente. 1924, 1941 et 1952 sont l'objet des réflexions du moment. On cherchera en vain des séances consacrées à la loi de 1905, aux lois Ferry ou à la Révolution. » Une citation du politiste donnée par Genin, très postérieure celle-là, puisqu'elle figure dans L'invention de la laïcité de 1789 à demain, livre publié en 2005, montre, en outre, que Rémond reste dépendant de la légende noire à laquelle Capéran a donné des lettres d'érudition (sinon de noblesse !) : l'« application [de la loi de séparation] a été conduite, écrit le prof de Sciences-Po, avec une brutalité qu'aucun gouvernement aujourd'hui n'oserait exercer contre n'importe quelle catégorie sociale. »

Quelle que soit la stature intellectuelle de Rémond (pendant longtemps véritable ‘pape' de Sciences-Po !), j'ose affirmer qu'il n'a certainement pas effectué un nécessaire travail de première main car son assertion est fausse. Le troisième tome de mon étude sur La loi de 1905 n'aura pas lieu (qui paraitra mi-mars) montre, que l'application de la loi par le gouvernement de la République a été, au contraire, on ne peut plus conciliante.

En effet, Pie X a non seulement interdit aux catholiques de se conformer à la loi de 1905 (le fait est connu), mais (plus grave aux yeux de Briand, de Clemenceau et d'autres) le pape leur a également défendu de se conformer à la loi de 1881 sur la liberté des réunions publiques, pourtant élargie pour être adaptée aux conditions particulières de la tenue des messes (ce qui est beaucoup moins connu). Même rejet, ensuite, des trois lois adoptées ( janvier, mars 1907 et avril 1908) tout exprès pour que le culte catholique puisse s'effectuer dans la tranquillité, malgré le refus de ses membres d'« obéir » aux lois de 1905 et de 1881. La conséquence logique de ces vétos successifs était la fermeture des églises.

Or, le titre du troisième tome de mon étude reprend un mot d'ordre qui circulait dans la gauche républicaine (et que Briand a utilisé devant le Parlement à quatre reprises, sans en être l'auteur) : rendre L'Eglise catholique ‘légale malgré elle'. Effectivement, contrairement à ce que tout le monde prévoyait (y compris à droite), les églises (propriété publique) sont restées « ouvertes », confiées à des curés « sans titre juridique ».

J'avais oublié, pour ma part, cette affirmation de Rémond sur la « brutalité ». Il n'est guère étonnant, quand quelqu'un d'aussi prestigieux sur la scène intellectuelle française énonce une telle contrevérité, que des personnalités politiques, des éditorialistes, des journalistes, des publicistes, et même des professeurs, véhiculent ensuite des idées aberrantes sur la loi de 1905. Cela me parait grave scientifiquement et pas du tout neutre politiquement.

Alors bien sûr, quand Rémond écrit cela, il a en tête des choses précises : la crise des inventaires, l'expulsion des évêques de leurs Palais épiscopaux, des séminaristes de leurs séminaires. Seulement, il est, lui aussi, dans la mémoire et non dans l'histoire car il fait comme si ces événements étaient des conséquences de la loi de 1905. Or c'est faux.

Les heurts des inventaires sont dus au fait que des catholiques ne voulaient pas que la loi s'applique avant que le pape ne se soit prononcé (et, de plus, des fake news circulaient), les expulsions provenaient du fait que les catholiques s'étaient mis dans l'illégalité. La transmission des biens ecclésiastiques, notamment, était rendue impossible, faute de la formation d'associations cultuelles catholiques.

Vraiment très bonne fille, la République a réussi à trouver un autre biais permettant de donner 40% de ces biens à des mutuelles de prêtres ; or le pape a interdit la création de ces mutuelles. Sélective et déformante, la mémoire, la légende noire catholique (qui est également une légende dorée républicaine) confond la loi de 1905 avec les conséquences induites par les quatre refus pontificaux empêchant les catholiques de se conformer aux lois françaises.

Revenons à Genin. Quoi qu'il en soit, faute de l'intérêt des historiens de la République, le séminaire de Rémond à Sciences-Po a été la matrice de la réflexion contemporaine sur la laïcité, ce qui a, bien sûr, orienté son interprétation. Très vite, le relai est pris par d'autres catholiques proches de la revue Esprit, et notamment le jeune (à l'époque) historien Jean-Marie Mayeur qui, rappelle Genin, estimait beaucoup Capéran et qui, pourtant, en travaillant sur une partie des débats parlementaires[1], a mis la figure conciliatrice d'Aristide Briand au centre du processus. En 1966, Mayeur opère une révolution historiographique, en étant, poursuit notre auteur, « convaincu que cette laïcité [de 1905] est théologiquement compatible avec le catholicisme. »

Certes, près de soixante ans plus tard, la révolution historiographique effectuée par Mayeur peut paraitre relative. Son ouvrage s'intitule La Séparation de l'Eglise [et non des Eglises] et de l'Etat (les éditions postérieures ajouteront le « s » sans changer le contenu) ; le refus de la loi de 1881 aménagée est traité de façon si allusive que personne ne peut comprendre ce dont il s'agit (l'historien se borne à écrire : « Pie X interdit ainsi d'entrer dans le jeu du gouvernement » !). De même la solution qui aurait permis la sauvegarde de 40% des biens ecclésiastiques est traitée en quelques lignes rendant l'affaire incompréhensible. Cela est d'autant plus troublant que Mayeur a fait sa thèse de doctorat sur l'abbé Lemire, prêtre qui fut au cœur de cette tentative d'accommodement (c'est lui qui a eu l'idée des mutualités de prêtres).

En fait il subsiste, chez Mayeur, un ultime verrou : l'impossibilité de désavouer un pape (selon l'historien, son « intransigeance » fut « féconde » ; ce que tous les faits contredisent). Mais cela ne doit pas faire oublier la réaction de « surprise » manifestée par beaucoup de lecteurs devant l'étude de Mayeur. De manière heureuse, Genin insiste sur ce point. Ainsi, l'ancien ministre, Edmond Michelet, démocrate-chrétien devenu gaulliste, est très étonné, à la lecture du livre, de percevoir « un Jaurès si compréhensif ». Bref, avec Mayeur, la légende noire en prend un sacré coup et il opère un salutaire changement.

Deux autres historiens catholiques rédigent des travaux qui vont dans le même sens, le Britannique Maurice Larkin (Church and State after the Dreyfus Affair. The Separation Issue in France, 1974), qui, selon Genin, « invite en creux les historiens français à décentrer leur regard » et Emile Poulat : ce dernier publie en 1987, Liberté-laïcité. La guerre des deux France et le principe de la modernité. En 2003, il soulignera à nouveau, dans Notre laïcité publique (Genin le cite) que le passage du « principe de catholicité » au « principe de laïcité » induit l'abandon « de la reconnaissance du monopole de la vérité » (détenu par le catholicisme) pour faire place au « pluralisme des systèmes de conviction ».

J'ajouterai un commentaire plus personnel : j'ai moi-même qualifié ces trois auteurs (Mayeur, Larkin, Poulat) de « dream team » et j'estime beaucoup leur oeuvre. Cependant, si la démarche historienne est objectivante, aucun historien ne prétend être dans une absolue objectivité. Habituellement, la pluralité convictionnelle de la communauté historienne amène chacun à opérer des ajustements.

La défection des historiens de la République a fait que, dans ce cas précis, cela n'a pas été le cas et si l'optique s'est scienficisée (excusez le néologisme), elle est restée, dans une large mesure, cathocentrée. A lire, et relire, ces historiens, il me semble que leurs travaux s'articulent autour de la question : « Qu'est-il arrivée à l'Eglise catholique avec la loi de séparation ? » Leur grand mérite consiste à sortir d'une histoire ‘victimaire' toujours présente (nous venons de le voir) chez Rémond. Ils ont donc fait leur boulot ! Mais, une question essentielle est restée sans réponse (et c'est pourquoi je m'y suis attelé) : « Qu'a fait la République en séparant les Eglises de l'Etat ? »

Je viens seulement de rendre compte des trois premiers chapitres de cette Histoire intellectuelle de la laïcité[2], les cent premières pages d'un ouvrage qui en compte 345, mais poursuivre m'amènerait à commenter ce que Genin écrit de mes propres études – j'apparais à partir du troisième chapitre et l'auteur montre, notamment, qu'avant même d'être titulaire, en 1991, de la chaire « Histoire et sociologie de la laïcité » à l'EPHE, j'avais déjà orienté certains de mes travaux en ce sens. En le lisant, je me suis rendu compte à quel point, des années 1980 à maintenant, mes recherches m'ont fait évoluer : en fait, il a fallu me défaire progressivement de l'état des connaissances acquises (de leurs biais, de leurs angles morts) pour découvrir les horizons insoupçonnés qui ressortaient de l'analyse de multiples sources.

Une autre raison me fait arrêter là mon compte-rendu : ne pas court-circuiter la lecture de ce livre passionnant en résumant sa totalité. Vous devrez donc vous contenter de connaitre le titre des chapitres suivants (en espérant que cela vous mettra l'eau à la bouche !) : « Les années d'incubation 1985-1988 » ; « Les années électriques 1988-1992 » ; « Internationalisation et réflexivité 1992-2005 » ; « Fausse unanimité et ‘inflexion sécuritaire' 2005-2016 » ; « Le nouvel avatar du nationalisme depuis 2016 » ; et enfin « Considérations finales. La République du même ».

Il est question dans ces chapitres, entre autres, d'Elisabeth Badinter, de Régis Debray, Caroline Fourest, Marcel Gauchet, Catherine Kintzler, Jacqueline Lalouette (oubliée dans l'index, mais présente dans le livre), Henri Pena-Ruiz, Philippe Portier, Dominique Schnapper, Jean-Paul Willaime, Valentine Zuber, …, de juristes naturellement, et aussi d'un certain Emmanuel Macron.

L'analyse du rapport de Baroin en 2003, transformant la laïcité en une « valeur de la droite », les titres et le contenu des derniers chapitres et de la conclusion, tout cela indique la thèse soutenue, in fine, par l'auteur : « dans son ultime détournement », le « mot totémique » de « laïcité » est devenu aujourd'hui, en France, de façon dominante, « le nouveau visage du nationalisme ». Un bel ouvrage à méditer.

***

PS : Un dernier mot sur ma Note « Israël-Palestine, notre responsabilité ». Naturellement, comme un lecteur me le rappelle, en publiant des notes sur Mediapart, je m'expose à des critiques et je les accepte à l'avance ( j'ajouterai : tant qu'elles respectent les principes contenus dans le préambule de la Constitution qui constituent notre lien politique). C'est effectivement le cas des remarques, même dures, qui ont été faites. OK. Néanmoins, puisque certain.e.s lectrices/lecteurs se sont déclaré.e.s « déçu.e.s » par ma Note, j'ai le droit égal de leur dire que, moi-même, j'ai été déçu par plusieurs réactions (pas toutes, loin de là). Il y a, me semble-t-il, certainement un malentendu et, peut-être, une divergence.

Le malentendu provient du fait que des personnes ont estimé que je sortais indument de mon champ de compétence. Le fait que j'écrive ce que j'ai écrit, tout en m'affirmant « ami des Palestiniens » a même étonné. Or mon point de vue est, en partie, ancré dans mon histoire personnelle. Dans les années 1970, j'ai été un des conseillers politiques du représentant de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) en France, Azzedine Al Kalak, qui, par ailleurs, était un ami très cher. Il s'interdisait de fonder une famille tant que la guerre avec Israël durait et aimait donc passer des soirées chez moi, jouer avec mes jeunes enfants. J'ai dirigé l'hebdomadaire Palestine-Information, organe officieux de l'OLP, j'ai édité le discours de Yasser Arafat à l'ONU, en novembre 1974 (« Je suis venu tenant d'une main un rameau d'olivier et de l'autre un fusil de combattant de la liberté »), j'ai reçu de façon récurrente des menaces de mort et j'ai même participé à une opération de fedayin, à partir de la Jordanie, en Palestine occupée. Or j'ai toujours considéré que la lutte contre l'antisémitisme était l'autre face de ce combat. Pendant mes venues à la Bibliothèque nationale, je me suis documenté sur la question, j'ai pu ainsi contribuer à faire connaitre l'ampleur et la pesanteur historique de l'antisémitisme en Europe à des dirigeants palestiniens, et j'ai même subi à cause de cela certains désagréments en Irak (Saddam Hussein, alors ministre de l'Intérieur, dirigeait déjà, de fait le pays).

Je n'insiste pas davantage car je raconte ces années de ma vie dans mon livre autobiographique Une si vive révolte. L'important, pour le sujet qui nous occupe, consiste à savoir que j'ai été extrêmement affecté par le meurtre d'Azzedine, assassiné en 1978, par deux Palestiniens partisans du « Front du refus » (je connaissais l'un des deux). Depuis lors, il me semble que les Palestiniens extrémistes desservent la cause palestinienne. Si je suis toujours sympathisant de cette cause, depuis cette douleur et ce choc politique, je n'en suis plus militant. Voilà, pour reprendre une expression post-soixante-huitarde, « d'où je parle ».

Cela suffit-il à mieux me faire comprendre ? Je ne sais. Il m'a semblé que certains commentaires me faisaient dire tout autre chose (voire, parfois, le contraire) de ce que j'avais écrit. Je ne crois pas avoir minimisé ce que subissent actuellement les Palestiniens avec la politique criminelle de Benjamin Netanyahu. Cependant, mes Notes n'ont pas du tout la prétention de donner un tableau complet où serait repris ce que l'on peut lire ailleurs. Non, je focalise sur tel ou tel point où il me semble que je peux apporter un petit peu de neuf, sans prétendre rendre compte de toute la réalité. Donc, je persiste et signe : le sionisme est une conséquence historique de l'antisémitisme occidental (et, non, on ne peut pas s'en exonérer facilement en prétendant que c'étaient seulement les « classes dominantes » : il a existé un antisémitisme socialiste) et il me semble important de le rappeler aujourd'hui, afin de contribuer à éviter tout amalgame.

Les amalgames, je les combats quand les Arabes et/ou les musulmans en sont victimes. Je les combats également quand les juifs en sont la cible. Eh oui, au vu de l'histoire, je crains, en France, un développement de l'antisémitisme, et je souhaite -goutte d'eau dans l'Océan- contribuer autant que faire se peut à le prévenir. La lutte contre l'antisémitisme est légitime en soi, et elle n'a pas besoin de justification. On peut, cependant, ajouter que l'antisémitisme, et même le moindre manque d'empathie envers les juifs, dessert la cause palestinienne, puisque le discours de dirigeants israéliens consiste à prétendre que, hors d'Israël, les juifs ne vivraient pas en paix. Bref, la question « comment ne pas minimiser ce que subissent les Palestiniens […] sans que nos propos contribue, même indirectement, à un développement de l'antisémitisme en France ? » continue de me tarauder en même temps que la souffrance du sort des Palestiniens. Désolé, mais c'est ainsi. Je ne puis autrement.

Voilà, pour ce qui me concerne, je clos le débat par cette mise au point.

Notes

[1] Mayeur arrête son étude à l'article 8 d'une loi qui en comporte 44. De plus, au risque de paraitre prétentieux, les presque 10 ans de recherche que je viens d' effectuer (sur une loi que je croyais pourtant déjà bien connaitre !) m'ont convaincu que personne n'avait lu la totalité des débats parlementaires portant sur le processus de préparation, de fabrication et d'application de la loi de 1905. En effet, des aspects capitaux, liés à ces débats, ne sont jamais évoqués.

[2] « Archéologie des traditions politique et philosophique » ; « Une cristallisation sous les auspices d'un catholicisme de gauche 1956-1966 » ; « Eclipse et rebond 1966-1985 ».

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La prise de conscience de l’extractivisme tout-électrique au Québec

20 février 2024, par Marc Bonhomme — , ,
« Le Canada déclasse la Chine en tant que meilleur endroit au monde où bâtir une chaîne d'approvisionnement pour les batteries aux ions de lithium, selon un classement publié (…)

« Le Canada déclasse la Chine en tant que meilleur endroit au monde où bâtir une chaîne d'approvisionnement pour les batteries aux ions de lithium, selon un classement publié mardi dernier par la firme de recherche stratégique BloombergNEF », entre autres à cause « des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) » mais aussi par suite de « [l]'intégration de l'industrie canadienne avec le secteur automobile américain ». Est-ce ce succès néolibéral qui en réaction entraîne une prise de conscience des milieux écologiques du Québec que l'extractivisme tout-électrique ne nous sort nullement du pétrin de l'extractivisme des hydrocarbures. On le constate dans l'évaluation que font quatre médias du récent rapport de « L'état de l'énergie 2024 » des HEC qui reste cependant dans le cadre de l'économie de marché. Heureusement, ce biais est quelque peu corrigé par l'analyse percutante de l'IRIS sur la puissance de l'industrie automobile contre lequel des femmes de science esquissent timidement les prémisses d'une société sans « char ».

De direLe Devoir qui trace un panorama de la situation :

La croissance de la production d'électricité souhaitée par le gouvernement Legault est loin d'être une panacée, selon ce qui se dégage de la 10e édition de l'État de l'énergie au Québec. Au contraire, cette ruée vers de nouveaux projets risque de stimuler notre surconsommation énergétique, alors que nous devrions réduire la demande en transformant nos modes de transport centrés sur l'auto solo, mais aussi en révisant les tarifs résidentiels. […] « Cette grande consommation s'explique en partie par la consommation industrielle liée à l'hydroélectricité, qui a attiré ici des secteurs industriels énergivores, mais aussi par une consommation énergétique, dans les transports et les bâtiments (résidentiels et commerciaux), supérieure à celle de pays européens dont le niveau de vie est comparable ou supérieur », précise le document […] en raison notamment de l'augmentation du parc automobile et de la superficie de l'espace à chauffer dans les secteurs résidentiel, commercial et institutionnel. Sans oublier le manque de progrès en matière de « performance énergétique » des industries, où pas moins de 60 % de l'énergie consommée est perdue. […]
Selon lui, la baisse de la demande énergétique dans le secteur des transports devrait d'ailleurs être une priorité. Pour y parvenir, la recette est bien connue : « mettre en place des incitatifs au télétravail, au transport actif, au transport en commun, au covoiturage et à l'autopartage ». Bref, mettre en oeuvre la politique de mobilité durable du Québec. Dans son plus récent rapport, le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat plaidait lui aussi pour une révolution dans le secteur des transports qui passerait par l'aménagement des villes, afin de « permettre les déplacements en transports collectifs, mais aussi à pied ou à vélo ». […] Mais avant de songer à « construire des infrastructures controversées qui alimenteraient notre surconsommation », Pierre-Olivier Pineau plaide pour la mise en oeuvre de solutions « moins dispendieuses », mais possiblement plus difficiles à mettre en place sur les plans social et politique. Il cite comme exemple le besoin de rénovations des bâtiments pour des raisons d'efficacité énergétique, mais aussi la nécessité de permettre l'« autoproduction » pour les consommateurs industriels.

Avec le Canada anglais et les ÉU, le Québec est champion mondial de la consommation d'énergie par habitant… et la volonté de la CAQ d'augmenter de 50% la production d'électricité va en faire un champion hors catégorie. Le bât blesse dans tous les secteurs, transport, bâtiments et industrie, pour cause de plus gros bolides, de plus grosses maisons et d'inefficacité industrielle. Il y a de quoi effarer n'importe quel écologiste bon teint engoncé dans le marché pour qui productivité et compétitivité sont l'alpha et l'oméga. Il lui suffira d'en appeler à la technocratique « politique de mobilité durable » dans une ville conviviale, à la rénovation des bâtiments financée par Dieu-sait-qui et à « l'autoproduction » énergétique des industries. Pour réduire drastiquement la consommation d'énergie, ne faudrait-il pas plutôt interdire maisons individuelles et attenantes et véhicules privés en faveur d'un urbanisme densifié avec espace vert et sans étalement urbain ? La transformation écologique des bâtiments nécessitera une planification et un financement publics tout comme la production d'énergie un contrôle public.

De mettre en évidence La Presse le bon marché de l'électricité :

Hydro-Québec devrait vendre son kilowatt au coût de production d'aujourd'hui aux entreprises qui veulent s'établir en territoire québécois pour profiter d'une source d'énergie fiable et verte. […] Le Québec est déjà un champion mondial de la consommation d'électricité et il risque de conserver ce titre encore longtemps en voulant attirer les entreprises qui veulent se décarboner avec ses bas tarifs d'électricité. « On a toujours fait du développement économique avec l'électricité au Québec et on peut certainement devenir les fournisseurs du monde pour certains produits, mais je préférerais qu'on travaille par ailleurs à améliorer la performance énergétique », dit le professeur [Pineau], ce qui passe notamment par une augmentation du prix de l'électricité qui inciterait à mieux l'utiliser. […] Selon le professeur, Hydro-Québec devrait idéalement facturer l'électricité au coût de production d'aujourd'hui, soit son coût marginal, à tous ses clients pour assurer une utilisation efficace de la ressource. […] « Non seulement on a la plus faible productivité énergétique [soit la richesse créée par unité d'énergie consommée] parmi les pays du monde auxquels on aime se comparer, comme l'Allemagne ou la Norvège, mais on est celui qui a le moins progressé », déplore-t-il. […]
La part des produits pétroliers dans le total de l'énergie consommée est restée la même et le gaz naturel a maintenu sa part et le parc automobile continue d'augmenter. « J'aurais aimé voir les émissions de gaz à effet de serre diminuer, comme on l'avait prévu dans la politique énergétique de 2015, mais clairement, on n'en est pas là », dit le professeur. […] La voiture continue de reculer face aux véhicules utilitaires sport (VUS) et aux camions légers, constate encore L'état de l'énergie. […] « Le même phénomène affecte les véhicules électriques : les ventes de camions électriques dépassent désormais celles des voitures électriques. Ce déclin de la voiture au profit de véhicules plus gros et plus lourds est problématique à plusieurs égards : les consommateurs achètent des véhicules qui coûtent davantage et consomment plus d'énergie que des alternatives disponibles » […] La Chaire en énergie de HEC Montréal note qu'il n'est plus question de pipelines ou d'exploitation d'hydrocarbures. Les projets d'hydrogène vert, en revanche, émergent un peu partout sur le territoire […lequel] nécessite énormément d'électricité.

Ce point de vue néolibéral écologiquement éclairé, pourrait-on dire, se prononce contre l'électricité bradée pour les entreprises en faveur d'une politique de prix de marché au coût marginal. Sans compter que ce bradage nous vaut une faible productivité électrique et qu'il ne fait en rien reculer notre dépendance pétrolière et gazière et encore moins la déviance vers les VUS électriques et l'hydrogène soi-disant vert. Malgré ces correctifs, cependant, la politique énergétique reste prisonnière des intérêts des multinationales, québécoises ou étrangères peu importe, qui s'en tiendront au sillon tout-électricité même si une part plus importante de la rente hydroélectrique reviendrait à l'État québécois et peut-être des peccadilles pour le peuple québécois. Et ça ne changerait en rien la tendance aux VUS et à l'hydrogène dit vert pour laquelle « [l]es entreprises qui veulent produire leur propre électricité, comme TES Canada, sont déjà prêtes à payer le coût de production d'aujourd'hui, soit le double du tarif industriel d'Hydro-Québec, dit-il. »

L'article de Radio-Canada attire notre attention sur les trop grandes maisons :

Il n'y a jamais eu autant d'espaces vides dans les habitations du Québec. Un paradoxe, en pleine crise du logement. C'est aussi un enjeu de surconsommation d'électricité, à une époque où elle se fait plus rare […] Il y a de plus en plus de gens qui ont des résidences secondaires, qui ont de plus grands logements. Tout ça fait des mètres carrés en plus à construire, à chauffer, à climatiser... » […] Dans tout le débat sur la crise du logement, personne ne semble parler de la crise des pièces vides, remarque M. Pineau.
« Nous sommes devenus une société qui cultive les espaces vides et ne songe qu'à construire plus encore, plutôt qu'à mieux répartir ce qui existe. » […] La superficie de plancher à chauffer a continué d'augmenter plus vite que la population, note le rapport. […]
La surface moyenne de plancher augmente non seulement parce que les logements habités sont plus grands, mais aussi parce que le parc de maisons unifamiliales et attenantes croît plus rapidement que celui des appartements, y compris les condos. En plus d'être de plus petite taille, les appartements requièrent 28 % moins d'énergie par mètre carré, par année, qu'une maison unifamiliale. Cela fait en sorte qu'un ménage vivant en appartement consomme près de 44 % moins d'énergie qu'un ménage occupant une maison unifamiliale. […] Ultimement, il faudra des bâtiments performants pour avoir une bonne efficacité énergétique. Le gouvernement du Québec a déposé un projet de loi pour améliorer la performance énergétique des bâtiments, mais ça ne concerne pas les plex ni les maisons, comme en France. […]
Le rapport démontre que plus les Québécois sont riches et plus ils consomment de l'électricité. C'est problématique, selon Pierre-Olivier Pineau, car on ne devrait pas subventionner des ménages à revenu élevé qui ont de plus en plus de mètres carrés. […] Selon lui, une possibilité serait de faire payer l'électricité selon son revenu. « Je n'ai pas de pitié, parce que ce ne sont pas les gens pauvres qui ont des espaces vides, ce sont les gens riches. Je préférerais que tout le monde paie un prix plus élevé, mais qu'on fasse des programmes ciblés pour des gens à faible revenu, explique-t-il. C'est ce qu'on a fait avec la TPS-TVQ, tous la paient, mais en dessous d'un certain revenu, vous avez un retour d'impôts du gouvernement. » M. Pineau évoque même une écofiscalité pénalisant les mètres carrés au-delà de 50 mètres carrés par personne, ce qui créerait un incitatif à la location/colocation, en plus de générer des fonds pour du logement social.

Les couches riches et sans doute aussi les dite « classes moyennes » consomment trop de surface plancher en grande partie à cause de la prolifération des maisons individuelles et attenantes. Voilà qui est clair, et qui devrait être souligné à double trait, même pour les écolos patentés. En plus, les programmes d'efficacité énergétique gouvernementaux les ignorent. Même l'écologie néolibérale, tout en restant prisonnière de sa théorie des prix, doit quand même préconiser une politique de différentiation des prix de l'électricité en fonction du revenu (ou de la consommation par personne) et même une pénalisation pour orgie de surface plancher. Pourquoi pas une interdiction de la construction de maisons unifamiliales et attenantes, une politique de densification des banlieues pavillonnaires à la fois coercitive et incitative, et surtout un programme obligatoire de « négawatts » gagnant-gagnant financé publiquement pour tous les bâtiments existants qui ne méritent pas d'être démolis. Et enfin une politique d'électricité gratuite pour l'indispensable énergie de base doublée de tarifs élevés et très élevés pour l'énergie supplémentaire.

La revue web Pivot a concentré son attention sur la gaspilleuse industrie :

…si on regarde du côté de la consommation par habitant·e, on constate que l'industrie québécoise est beaucoup plus énergivore que celle des pays comparables. Même qu'avec ses 65 gigajoules (GJ) par habitant·e, le secteur industriel d'ici est plus gourmand que la consommation totale de tous les secteurs confondus, en moyenne par pays à l'échelle de la planète (54 GJ par habitant·e) et il se compare à la consommation totale de la Chine (69 GJ par habitant·e). L'industrie québécoise se retrouve très loin derrière celle de l'Allemagne, championne dans le domaine (28 GJ par habitant·e) et même derrière celles de l'Ontario (39 GJ par habitant·e) et des États-Unis (37 GJ par habitant·e).
Cette situation s'explique en partie parce que la grande disponibilité de l'hydroélectricité a attiré au Québec des entreprises qui consomment beaucoup d'énergie, comme des alumineries, mais aussi parce que les industries d'ici ont peu d'incitatifs à optimiser leur consommation d'énergie. Si bien que près de 60 % de l'énergie consommée par le secteur industriel québécois serait perdue sans générer aucune valeur ajoutée, selon le rapport. Pour le chercheur, une bonne façon de renverser la tendance serait de mettre des mesures en place pour encourager les entreprises québécoises à adopter la norme ISO 50001, qui témoigne du respect des meilleurs standards en matière d'efficacité énergétique.
C'est notamment ce que l'Allemagne a fait il y a quelques années en liant l'obtention de la norme à certains crédits d'impôt, si bien qu'elle compte aujourd'hui 5523 entreprises certifiées, comparativement à seulement cinq au Québec.

Hydro-Québec, donc l'État québécois qui en est l'actionnaire unique, attire comme un aimant les industriels énergivores du monde non seulement par le bon marché de son hydroélectricité qu'il ne leur vend pas au coût marginal mais au coût moyen mais aussi, argument historique nouveau, par le caractère GES quasi zéro de celui-ci, en plus sans aucune contrepartie de valeur ajoutée et de création d'emplois. Il faudrait au moins qu'Hydro-Québec, commente l'écologiste féru du marché, impose aux entreprises la norme internationale ISO sur l'énergie provenant d'une ONG émanant du monde industriel capitaliste. Mais au-delà de l'enjeu de compétitivité mondiale, n'y a-t-il pas un enjeu plus fondamental de choix démocratique d'une structure nationale industrielle basée sur une
société de sobriété solidaire qui mettrait l'accent sur la sobriété et l'efficacité énergétiques, l'énergie renouvelable, le logement social collectif, le transport public collectif et actif et l'agriculture biologique et une matrice industrielle correspondante d'entrants et d'extrants minimisant les frais de transport ?

De conclure l'IRIS sous l'angle de tout autre éclairage sur l'épine dorsale du transport :

La survie de l'industrie automobile dans une planète en transition dépend de sa capacité à créer et entretenir le mythe de la voiture électrique verte. À ce jour, l'industrie peut crier victoire, comme en témoigne au Québec la pluie de fonds publics que reçoit la filière batterie […] Le poids économique de l'industrie automobile mondiale est considérable. Elle compte pour 3,65% du PIB mondial. […] Le processus d'électrification de l'industrie automobile donne à voir la capacité historique de ce secteur à se ménager un cadre fiscal hautement favorable. À elles seules, les usines de batteries de Volkswagen et de Northvolt, affiliée à Volvo, cumuleront des subventions publiques de près de 25 milliards $. […] Les impôts impayés [dus à l'évitement fiscal] de cette industrie s'ajoutent à tous les manques à gagner fiscaux qui découlent de la diminution de moitié du taux d'imposition des entreprises au Canada depuis les années 1980. Cette tendance amenuise la capacité financière des États à investir dans des infrastructures de transition, par exemple des projets de transport en commun structurants. […] les subventions à l'achat de voitures électriques […] grimpent à 12 000 $ en comptant la part du palier fédéral. […]
La voiture représente beaucoup plus qu'un moyen de transport. Elle renvoie à une planification spécifique de nos milieux de vie tout en symbolisant la réussite pour qui parvient à se procurer le modèle dernier cri. Les publicités qui assaillent l'espace public et médiatique en chantent les louanges et participent à sa diffusion et à sa légitimité. Le triomphe de l'automobilité se vérifie par le taux de voitures par habitant au Québec, qui a presque triplé depuis les années 1970. À l'inverse, la part modale du transport en commun plafonne ou diminue, ce qui affecte son développement. On dénombre par exemple 7 fois moins de départs d'autocars interurbains privés au Québec en 2023 qu'en 1981, l'offre ayant fondu de 85%. […] L'évolution récente de l'industrie automobile montre que celle-ci a les coudées franches pour créer des modèles de véhicules toujours plus sophistiqués et profitables, mais non moins dommageables pour l'environnement : le poids médian du parc automobile du Québec est 30% plus élevé qu'en 1990 ; la proportion des voitures de luxe du parc automobile est passée de 2% à 7,1% depuis l'an 2000 ; les « avancées » technologiques proposées par les départements de recherche et développement des fabricants automobiles, telles que la voiture sans conducteur ou l'introduction de l'intelligence artificielle comme façon de « redéfinir notre relation avec la voiture », ne rencontrent aucune limite. Le contrôle politique de cette industrie est absent,
L'industrie de la voiture électrique est en plein essor et entend bien enfermer les systèmes de mobilité du monde dans l'automobilité pour un siècle supplémentaire. L'Agence internationale de l'énergie prévoit qu'en 2030, 90 % des batteries produites dans le monde alimenteront des automobiles individuelles et seulement 3,5 % propulseront des autobus. La voiture électrique n'est toutefois pas plus durable. Sa production requiert trois fois plus de ressources naturelles que la voiture à essence. Les minéraux rares et polluants à extraire ainsi que les usines de batteries entraînent des problèmes écologiques tout aussi préoccupants que le réchauffement planétaire. De plus, 71% de la production mondiale d'électricité est toujours issue de sources non renouvelables.

L'étalement urbain des banlieues pavillonnaires de maisons surdimensionnées jusqu'aux campagnes se transformant en exburbs bloquant les trajets courts de l'agriculture de proximité est l'envers de la médaille du complexe auto-pétrole, colonne vertébrale du mode de production capitaliste jusqu'à naturaliser, boosté par sa publicité machiste, un mode de vie paraissant sans alternative. L'électrification de l'auto-solo, y inclus la prolifération des VUS, le fait muer en un alter ego complexe auto-électronique dont « la ruée minière au XXIe siècle » qui fait de la transition énergétique un mensonge. C'est ce mensonge que dénonce le billet de l'IRIS. L'IRIS aurait pu ajouter que contrairement aux recommandations de TRANSIT, l'alternative du transport en commun ne doit pas se financer sur le dos des automobilistes, ce qui générerait une révolte populaire anti-écologie, mais sur le dos des transnationales du complexe auto-pétrole-finance.

En finir avec ce fléau du XXe siècle soutenu près cinq fois plus par les gouvernements

Cette auto solo, à essence ou électrique, pour reprendre le diagnostic des conférencières du bar des sciences sur la place de la voiture du 11 février de l'émission Les années-lumière de Radio-Canada, gruge le budget des ménages, multiplie les accidents, détruit la nature et est dévoreuse d'espace et de ressources. Son message publicitaire de liberté ou de puissance agonise dans les bouchons de circulation. La solution à ce fléau du XXe siècle réside dans une politique versatile de transport actif et collectif combiné à l'autopartage. Cette révolution nécessite un revirement de la politique du gouvernement qui en ce moment pour un dollar de frais des ménages pour l'auto solo en dépense 5.77$ contre un ratio d'un dollar pour 1.31$ pour le transport en commun. En découle les lignes directrices d'un plan climat suivant :

• Non pas un Canada financier, pétrolier et de « Quebec bashing » mais un Québec indépendant socialisant finance, énergie, transport et ressources naturelles ;

• Non pas l'énergie fossile ou le tout-électrique mais une réduction drastique d'énergie par personne à bien-être égal transitant par l'efficacité énergétique et l'énergie propre ;

• Non pas le choix entre véhicules à essence et ceux électriques mais le transport actif et en commun avec un complément d'autopartage de véhicules communautaires ;

• Non pas les banlieues pavillonnaires mais leur densification et l'habitation collective écoénergétique et une transition de bâtiments existants rendus écoénergétiques ;

• Non pas une urbanisation tentaculaire hydrocarbonée ou tout-électrique mais une ville de quartiers 15 minutes avec agriculture urbaine et parcs nature ;

• Non pas une agro-industrie-foresterie ou une « nouvelle agriculture » carnée mais une souveraineté alimentaire biologique, végétarienne captant du carbone et à circuit court ;

• Non pas une consommation de masse, même circulaire, mais durable sans mode ni publicité et avec garanti de réparation ou de remplacement accessible et bon marché ;

• Non pas un transport lourd de marchandises par camions, à essence ou électrique, mais par trains électriques et navires à énergie renouvelable, et un transport léger électrique ;

• Non pas une politique financière internationale néolibérale mais une de remboursement de la dette écologique telle qu'établie par une commission pluraliste ;

• Non pas une politique d'immigration restreinte mais une de frontières ouvertes combinée à une politique d'accueil, de francisation et de plein emploi priorisant le « prendre soin ».

Ce plan sera guidé non pas par le profit mais par la planification démocratique combinée à l'autogestion. Cette mue sociale peut se faire en 10 ans comme le Québec capitaliste de la « révolution tranquille » a mué d'une société traditionnelle à une moderne. Le secret de cette mue est d'arracher le pouvoir à cette bourgeoisie dont celle des transnationales financiarisées est le noyau dur, soit à ce 1% s'appuyant sur le 10% responsables des émissions de GES en trop qui empêchent l'atteinte de l'objectif du GIEC-ONU de ne pas dépasser 1.5°C de réchauffement de la terre d'ici 2100… dépassé dans chacun des 12 derniers mois.

Traduction du graphique :
• Titre (en bas) : Figure ES.3 – Émissions de CO2 pour la consommation par personne par année, par groupe de revenu, 1990, 2019 et 2030, Source : Oxfam / SEI

• Axe X : le 50% le plus pauvre, le 40% du milieu, le 10% le plus riche, le 1% le plus riche, le 0.1% le plus riche

• Axe Y : Tonnes d'émissions de CO2 par personne par année

• Libellés de la colonne de droite dans le graphique lus de haut en bas :

Nombre de fois que l'empreinte carbone de 2019 est plus grosse que celle de 2030 compatible avec l'atteinte du plafond de 1.5°C d'ici 2100, soit 2.8 tonnes de CO2 par personne par année
Scénario basé sur les promesses actuelles des gouvernements
Scénario compatible avec le niveau pour ne pas dépasser le 1.5°C d'ici 2100

Marc Bonhomme, 16 février 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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