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Négociation dans les secteurs public et parapublic

7 décembre 2023, par Yvan Perrier — , ,
Dans la présente ronde de négociation dans les secteurs public et parapublic nous assistons par moment à une véritable offensive idéologique verbale du côté du gouvernement (…)

Dans la présente ronde de négociation dans les secteurs public et parapublic nous assistons par moment à une véritable offensive idéologique verbale du côté du gouvernement caquiste autour des chiffres. La cagnotte totale avancée est énorme, considérable même. À un certain point, il peut même être question d'un montant pharaonique ( « 9 milliards récurrents, à terme »). Mais quand on regarde les choses d'un peu plus près, cette somme colossale à première vue vaut fort peu de choses pour la personne qui touchera à la fin sa part, sa toute petite part.

Le milliard du Conseil du trésor

Dans un communiqué rendu public le 6 décembre 2023 par le cabinet de la ministre responsable de l'Administration gouvernementale et présidente du Conseil du trésor il est mentionné ceci :

« Le gouvernement du Québec annonce le dépôt d'une nouvelle offre aux tables centrales qui hausse les paramètres salariaux à 12,7 %, sur cinq ans. L'offre globale, quant à elle, passe à 16,7%.

C'est donc plus d'un milliard supplémentaire de l'argent des contribuables que le gouvernement ajoute sur la table l'offre globale actuelle représentant ainsi plus de 9 milliards récurrents, à terme ».


De 1 milliard $ annuellement à… 32$ par semaine !

Il serait intéressant de connaître les détails des calculs du Conseil du trésor qui sont à la base des chiffres qu'il fait circuler présentement. Ces milliards de dollars vont-ils être versés uniquement du côté des salarié.e.s syndiqué.e.s ou y a-t-il une partie qui sera dirigée du côté de l'enveloppe salariale des cadres, des député.e.s et des médecins ? Nous avons écrit à ce sujet aux responsables des communications du Conseil du trésor. En attendant leur réponse, demandons-nous ce que peut bien représenter concrètement un milliard de dollars pour chacune et chacun des 600 000 salarié.e.s syndiqué.e.s ?

1 000 000 000$ divisé par 600 000 = 1 666$

Pour chaque milliard que le gouvernement prétend ajouter annuellement dans la masse salariale des salarié.e.s syndiqué.e.s cela leur met individuellement dans leur porte-monnaie, en moyenne, 1 666 $, soit environ 32$ par semaine.


Conclusion

La cruelle réalité que se cache derrière les chiffres est triste à regarder car une fois le montant total réparti sur chacune et chacun des salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic il s'agit d'une très faible bonification de l'augmentation salariale. Une offre ridiculement basse pour les 600 000 personnes salarié.e.s, qui sont à environ 75% des femmes, surtout si elle ne couvre pas l'inflation annuelle et si elle ne permet pas non plus un véritable rattrapage salarial avec ce qui est observé dans les autres administrations publiques.

Morale de cette histoire

Il ne faut surtout pas se laisser intimider par une succession de zéro.

Yvan Perrier

6 décembre 2023

23h45

yvan_perrier@hotmail.com

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De 9% à 10,3 à 12,7% sur 5 ans… (Texte 2)

6 décembre 2023, par Yvan Perrier — , ,
Le gouvernement du Québec vient tout juste de faire connaître sa troisième proposition d'augmentation salariale à ses 600 000 salariées.es syndiqué.es qui sont à environ 75% (…)

Le gouvernement du Québec vient tout juste de faire connaître sa troisième proposition d'augmentation salariale à ses 600 000 salariées.es syndiqué.es qui sont à environ 75% des femmes. Cette offre est passée, depuis le 15 décembre 2022, de 9% (décembre 2022), à 10,3% (octobre 2023), à 12,7% (décembre 2023), pour une période de 5 ans.


Les prétentions du gouvernement Legault

Cette offre de hausse salariale est conforme, selon le gouvernement Legault, aux prévisions de l'inflation pour 2023 et les quatre années suivantes. Il faut noter ici que cette proposition ne tient aucunement compte de la forte inflation de l'année 2022, année où se sont échues nos conventions collectives dans les secteurs public et parapublic. L'année 2022 a connu une très forte hausse des prix à la consommation, de 6,7%. Différents paramètres fiscaux, les rentes de retraite du Québec et les allocations de dépenses des député.e.s ont été indexées en 2023 pour corriger l'inflation réelle de 2022.


La réaction syndicale ne s'est pas fait attendre

Selon les dirigeantes du Front commun intersyndical CSN-CSQ-FTQ-APTS, les prévisions de l'inflation à partir de l'année 2022 et les quatre années suivantes s'élèvent à 18,1 %. La réponse des dirigeants.es syndicaux à la nouvelle proposition présentée par la présidente du Conseil du trésor, madame Sonia lebel, a été rejetée sur le champ.

Dans le communiqué syndical, mis en ligne sur les réseaux sociaux, nous pouvons lire ceci :

« Cette offre (de 12,7% sur cinq ans YP) aura toujours pour effet d'appauvrir les travailleuses et les travailleurs du secteur public. Sans une clause garantissant la protection du pouvoir d'achat et un enrichissement permettant un rattrapage salarial, il ne sera pas possible d'en arriver à une entente ».

Petit rappel au sujet des demandes salariales du Front commun

Les demandes d'augmentations salariales du Front commun, pour un contrat de travail d'une durée de 3 ans, se détaillent comme suit :

2023 : Indice des prix à la consommation (IPC) +2 %
2024 : CPI +3 %
2025 : IPC +4 %


Petit rappel au sujet d'un traitement d'augmentation salariale différentielle

Rappelons en terminant que le gouvernement caquiste a accordé des bonifications substantielles de 30 % aux élus.es de l'Assemblée nationale (avec une clause remorque en lien avec ce qui sera appliqué aux salarié.es des secteurs public et parapublic) ;

une hausse de 49,7 % aux juges de paix magistrats ;

et une hausse de 21% sur cinq ans aux policières et aux policiers de la Sûreté du Québec. Offre, doit-on le rappeler, qui a été rejetée par les membres de l'Association des policières et des policiers provinciaux du Québec (APPQ).

Yvan Perrier

6 décembre 2023

18h15

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Les plus récents développements aux tables de la FAE et de la FSE-CSQ (Texte 1)

6 décembre 2023, par Yvan Perrier — , ,
Nous sommes manifestement dans ce qui a pour nom la dernière grande étape de la présente ronde de négociation dans les secteurs public et parapublic. La présidente du Conseil (…)

Nous sommes manifestement dans ce qui a pour nom la dernière grande étape de la présente ronde de négociation dans les secteurs public et parapublic. La présidente du Conseil du trésor, madame Sonia Lebel, a présenté à la FAE, (lundi le 4 décembre 2023 et le lendemain à la FSE-CSQ) une « proposition verbale d'entente sectorielle de principe exploratoire » accompagnée d'une annexe d 'une page et demi.


Les réactions syndicales

La présidente de la FAE, madame Mélanie Hubert, n'a pas encore commenté le contenu de la « proposition verbale exploratoire » portant sur les enjeux normatifs (organisation du travail, statut à l'emploi, tâche, affectations, etc.), alors que la présidente de la FSE-CSQ, madame Josée Scalabrini, a publiquement exprimé sa déception devant les pistes envisagées, à ce moment-ci, par le Conseil du trésor pour arriver à une entente de principe. Il s'agit, pour la présidente de la FSE-CSQ, d'une offre qui est loin de répondre aux attentes des enseignantes et des enseignants qu'elle représente. Bien qu'insuffisante pour déboucher sur un projet d'entente formelle, les ponts ne sont pas pour autant coupés entre les parties. La FSE-CSQ considère le « dépôt exploratoire » comme correspondant à un signal positif pour poursuivre les échanges avec le gouvernement.

En dernière heure, nous apprenons que le gouvernement du Québec doit présenter aux porte-parole du Front commun CSN-CSQ-FTQ et APTS une offre salariale bonifiée cet après-midi autour de 15h

Yvan Perrier

6 décembre 2023

13h45

Sources :

https://www.lafae.qc.ca/actualites/actu-proposition-verbale . Consulté le 6 décembre 2023.

https://www.facebook.com/search/top?q=fse-csq . Consulté le 6 décembre 2023.

Lexique

FAE : Fédération autonome de l'enseignement, environ 66 000 membres en grève générale illimitée.

FSE-CSQ : Fédération de syndicats de l'enseignement affilié à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ). La FSE-CSQ négocie en ce moment avec l'Association provinciale des enseignantes et des enseignants du Québec (APEQ-QPAT). Ces deux regroupements comptent environ 100 000 membres et font partie du Front commun CSN-CSQ-FTQ et APTS.

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PROJET DE GAZODUC ÉNERGIR / MÉGADÉPOTOIR WM de Ste-Sophie, une opération en voie de passer comme une lettre à la poste ?

5 décembre 2023, par Collectif — , , ,
Ce deuxième gazoduc (Papier Rolland#1) est un projet inutile et essentiellement destiné à des intérêts privés. Il se ferait au détriment de milieux humides et d'importants (…)

Ce deuxième gazoduc (Papier Rolland#1) est un projet inutile et essentiellement destiné à des intérêts privés. Il se ferait au détriment de milieux humides et d'importants risques pour les aquifères environnants.

Ce projet avaliserait pour encore 20 ans le pire mode de gestion des matières résiduelles, le méga-enfouissement pêle-mêle de la matière organique. Il ferait de Ste-Sophie et de la MRC de la Rivière-du-Nord, la poubelle du Québec, avec près de 20 % de tous ses déchets annuels et 400 camions qui chaque jour déferlent sur cette localité.

Une plainte formelle à l'Office de la protection du consommateur a récemment été déposée contre Énergir pour « représentations fausses ou trompeuses » notamment sur la question du prétendu gaz naturel renouvelable, le « GNR ».

Une consultation publique et une enquête du BAPE ont été obtenues du ministère de l'Environnement par des citoyens, des citoyennes et des organismes environnementaux de la région.

POSER UNE QUESTION À ÉNERGIR, C'EST POSÉ UN GESTE CITOYEN POUR LA PROTECTION DE L'EAU, DES MILIEUX HUMIDES ET DU CLIMAT !

La première partie de cette consultation se tiendra les 5 et 6 décembre. Elle est destinée aux questions sur le projet. Elle est ouverte à tous et à toutes, en présentiel ou en virtuel.

(La deuxième partie des audiences, celle des opinions/mémoires débutera le 16 janvier 2024.)

Consultez cette liste, une suggestion de questions sélectionnées pour intervenir sur place ou virtuellement. (https://docs.google.com/document/d/1rjDynp2B3JhwmysAn7u59My8huPgueZQpMZI_xih4bI/edit?usp=sharing )

QUAND : mardi le 5 décembre dès 19h. et mercredi le 6 décembre 2023, dès 13h30 (19h = à confirmer)

OÙ : Salle Le Tapis Rouge, 348 rue St-Georges, J7Z 5A5 au centre-ville de Saint-Jérôme

Infos du BAPE sur le projet de gazoduc d'Énergir avec le mégadépotoir WM Ste-Sophie
https://www.bape.gouv.qc.ca/fr/dossiers/raccordement-complexe-valorization-biogaz-biomethanisation-ste-sophie-mirabel

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Un manifeste pour l’écosocialisme

5 décembre 2023, par Clémentine Autain — , ,
C'est une somme, et elle est passionnante. Mon ami Hendrik Davi, à la fois biologiste, ancien syndicaliste et aujourd'hui député LFI, vient de publier Le capital c'est nous, un (…)

C'est une somme, et elle est passionnante. Mon ami Hendrik Davi, à la fois biologiste, ancien syndicaliste et aujourd'hui député LFI, vient de publier Le capital c'est nous, un manifeste pour une justice sociale et écologique. Aussi érudit qu'accessible dans l'écriture, abstrait que concret, cet essai dresse les défis d'aujourd'hui pour un projet d'émancipation et prend à bras-le-corps la question stratégique. Un pari audacieux qui a le mérite de nous éclairer dans ces temps obscurcis…

5 novembre 2023 | tiré du site de la gauche écosocialiste
https://gauche-ecosocialiste.org/6343-2/

Tout au long de la lecture, j'ai été frappée par la proximité d'idées que je peux avoir avec cet animateur de la Gauche écosocialiste, avec ce qu'il analyse et ce qu'il propose comme chemin – et pourtant, nous n'y arrivons pas toujours avec les mêmes références, et nous n'avons pas le même parcours. Je retiendrai ici seulement quelques points saillants, en vous invitant à plonger dans le détail de son dense récit. Ce livre ne règle évidemment pas toutes les questions qui sont devant nous mais il débroussaille l'horizon et la méthode.

Capitalocène

D'abord, je signe et contresigne l'assertion première : la tension sur laquelle nous devons nous appuyer pour créer des dynamiques révolutionnaires, des « points de basculement des pouvoirs », c'est « la contradiction entre la préservation de la planète et la société de consommation ». Pour décrire la période actuelle, Hendrik Davi préfère parler de « capitalocène » que d' « andropocène ». Car « le régime d'accumulation capitaliste est responsable de l'ampleur qu'ont pris les désordres écologiques ». Il est donc nécessaire de dépasser le capitalisme pour retrouver de l'équilibre dans les rapports entre la nature et l'humanité, ce qui suppose de « transformer en profondeur notre appareil de production et nos modes de consommation ». Or ce changement est impossible « dans un monde où la logique d'accumulation du capital surdétermine les décisions économiques ». Cela ne veut pas dire que le capitalisme, vert, ne puisse pas résoudre une partie des défis environnementaux. Mais, comme le capitalisme va de pair avec la société de consommation, qui représente une base matérielle sur laquelle réaliser des profits, il existe une « contradiction insoluble » entre l'expansion infinie du capital et la résorption de la crise écologique.

Écosocialisme

Opposé à la logique d'effondrement qui supposerait que tout est perdu, partisan de la planification écologique, Davi s'attache à redéfinir la valeur monétaire d'une marchandise, dans une formule apparemment complexe : « temps de travail social incluant le capital constant et le capital variable, multiplié par l'empreinte écologique, inversement proportionnel à l'utilité social ». Autrement dit, le jeu de l'offre et de la demande sont aujourd'hui biaisés par le marketing et la publicité qui créent des besoins artificiels. Il ne permet pas, seul, de fournir le niveau d'utilité sociale de la marchandise. Davi propose donc d'inclure à la fois la valeur sociale du travail accompli et l'empreinte écologique : « plus une marchandise requiert de travail social, plus son empreinte écologique est forte, moins son utilité sociale est élevée, plus elle doit être chère ». Sage et juste proposition qui donne à voir l'articulation nécessaire entre le social et l'écologie et qui dit combien les règles communes, l'État, la loi peuvent décider de ne plus laisser le champ libre aux normes du marché.

Boussoles éthiques

Comme « les principes moraux guident les actions », Davi s'attache par ailleurs à fonder le projet émancipateur sur une éthique et des fondements philosophiques : il en va de notre « boussole ». L'auteur, qui cherche à réinsuffler du matérialisme dans le raisonnement de Kant, écrit : « le choix moral n'a d'intérêt social que s'il a une conséquence en acte ». Nous voici ramenés à une pensée qui m'est très chère, et depuis fort longtemps : l'existentialisme sartrien, « où les hommes et les femmes ne se construisent que par leurs actes », et j'ajouterai pour ma part gorzien, tant André Gorz fut un maître d'œuvre remarquable de cette théorie. Davi pose alors quatre principes pour fonder une éthique émancipatrice : un rapport apaisé et durable avec la biosphère (Gaïa), un développement harmonieux des sociétés humaines (égalité), la nécessaire réciprocité des engagements entre humains (solidarité), l'objectif de liberté matérielle et intellectuelle pour toute existence (émancipation).

Utilité de la démocratie

Pour parvenir à ces objectifs, tout au long de l'ouvrage, Davi déploie une panoplie d'arguments pour la démocratie. Au fond, il la prend très au sérieux, non pas comme un poncif ou un simple parti pris théorique mais davantage comme une méthode indispensable, pragmatique, pour parvenir à nos fins. Car, nous dit-il, « l'idéal démocratique part d'une hypothèse qui me semble juste : plus nous sommes nombreux à réfléchir à un problème, plus nous avons de chances de trouver les solutions les plus appropriées ». La multiplication des points de vue et la liberté de penser sont des forces, à condition que toujours plus de citoyens aient toujours davantage accès à l'éducation et à l'information : « plus le caractère démocratique est important, plus la décision est donc lente à prendre, mais elle a plus de chances d'emporter l'adhésion du plus grand nombre, ce qui accroît son efficacité ». Par ailleurs, Davi affirme ce qui peut sembler une évidence mais qui en réalité n'est pas si simple : « la transformation radicale de la société ne doit pas avoir lieu contre la majorité de la population ».

Éloge de la théorie et la dialectique

La seconde moitié du livre de Davi est consacrée aux stratégies révolutionnaires, avec pour question : « comment reprendre collectivement le volant d'un bolide fonçant dans un mur, à un conducteur ivre mort et shooté à la cocaïne ? ». La difficulté majeure est d'affronter les classes dominantes dont les intérêts sont liés aux modes de production et de consommation en place. Or, par définition, même si la bourgeoisie porte en elles des contradictions à saisir, celles-ci dominent idéologiquement, économiquement et politiquement. Pour nous orienter dans l'affrontement inéluctable avec ces classes dominantes, nous avons besoin de théorie politique. Davi la distingue de l'idéologie, cette « élaboration et reproduction d'un corpus fixe d'idées qui cassent le ressort idéologique », en rappelant que « ce que nous enseigne la trahison stalinienne, c'est aussi qu'une théorie de l'émancipation doit penser les garde-fous qui permettront d'éviter un retour de l'orthodoxie et une fossilisation de la théorie ». Face à la complexité du monde et à ses réalités mouvantes, nous avons donc besoin de « flexibilité radicale selon la situation ». C'est ainsi que Davi nous livre un éloge de la dialectique, qui doit s'ancrer dans la praxis. Permettant de « sans cesse redéfinir les concepts à la lumière des situations », la dialectique va à l'encontre d'une vision figée des choses. La tâche des dialecticiens, c'est à la fois de permettre de mieux démasquer les mécaniques d'imposture des classes dominantes, qui consistent notamment à dévier le sens des mots, et de produire un imaginaire commun alternatif, reposant sur des pratiques concrètes, des gisements de communisme au sein même de la société capitaliste – « en prouvant la faisabilité d'un autre monde, ils le rendent tangibles ».

Médiations et forme parti

En lisant ce livre, j'ai découvert que je partageais avec Davi une attention majeure pour les médiations. Syndicats, partis, associations doivent faire l'objet d'une réflexion approfondie sur leur mode de fonctionnement et sur leurs relations. Se prémunir des processus de bureaucratisation et de la captation des pouvoirs par un petit nombre n'est pas facile mais essentiel.

Si Davi développe sur les indispensables mobilisations sociales et sur le rôle des syndicats, je m'arrête ici sur son approche de la formation politique dont nous avons besoin. Défendant la forme du parti plutôt que le gazeux, il nous met en garde contre le caractère anti-démocratique d'un mouvement informel : l'un des avantages du parti sur celui-ci, c'est que le choix de la direction peut être décidé démocratiquement. La structuration donne moins libre cours aux mécanismes de domination et de captation des pouvoirs, à condition d'être « le lieu d'une véritable révolution permanente » avec des outils démocratiques tels que la rotation et le non-cumul des mandats.

Davi aborde avec justesse la place de l'intellectuel organique qu'il conçoit dans un mouvement de va-et-vient avec les militants : celui-ci doit « pouvoir nourrir l'organisation politique d'un arrière-plan théorique qui donne de la consistance, tant à la construction de l'horizon émancipateur qu'aux stratégies révolutionnaires. À travers la praxis, il est lui-même nourri par l'expérience collective ». S'il existe bien une séparation entre le travail intellectuel et le travail pratique, il ne doit pas y avoir de « séparation de classe » avec, d'un côté, « ceux qui collent les affiches », et de l'autre, « ceux qui rédigent les positions » de fond ou stratégiques : il faut des allers-retours entre les deux. Davi ajoute : « la formation intellectuelle est nécessaire mais elle ne peut se substituer à la formation par l'action militante et le débat démocratique ».

Par ailleurs, la prise du pouvoir central ne peut se concevoir sans imaginer aussi des moyens de prendre des positions dans les collectivités locales : « l'ancrage territorial est un autre élément clé de notre stratégie révolutionnaire ». À condition de se prémunir de la tendance des militants politiques qui participent aux institutions, locales ou nationales, à « faire corps avec l'idéologie dominante qui les imprègne ».

Au total, Davi plaide pour la reconstruction d'un « grand parti de masse apte à entretenir des relations confraternelles avec les autres organisations de gauche, les syndicats et des myriades d'associations. (…) Il faut éviter la subordination des autres forces qui composent notre écosystème de l'émancipation. Nous devons aussi approfondir le fonctionnement démocratique ». Et de rappeler que « la fossilisation stalinienne a limité la capacité du PCF à se transformer de l'intérieur en acceptant les critiques formulées par des générations de communistes : une démocratie vivace et la possibilité de faire vivre le pluralisme sont des conditions essentielles à la réussite d'une nouvelle force politique ».

Se préparer au jour d'après la victoire

Défenseur de la Nupes, surtout dans le cadre de la tripartition politique, Davi précise qu'« il nous faut toujours trouver le bon compromis entre le rassemblement le plus large possible et la clarté des revendications ou du programme. Nous l'avons vu dans de nombreux pays, gagner des élections sur un programme trop flou et avec une volonté politique trop molle, qui accompagne le capitalisme sans l'affronter, conduit à la démobilisation, notamment des classes populaires. » Davi nous met aussi en garde sur le jour d'après la victoire, qui ne peut être un impensé, notamment au vu des nombreux échecs de la gauche au pouvoir, en France et ailleurs. Il nous faut donc « nous préparer très minutieusement à l'affrontement qui vient ». Il en va de notre capacité à mettre en œuvre des solutions transitoires face à l'offensive des marchés, de notre rapport aux hauts fonctionnaires qui « organisent toujours avec le même zèle la casse des services publics » ou du débordement du gouvernement par le mouvement social et la rue, « condition pour que la lutte des classes avance dans la bonne direction ».

Rien d'exhaustif dans ma lecture ici livrée de ce manifeste pour une justice sociale et écologique. Conscient du caractère « périlleux » de son projet d'écriture et persuadé que « les meilleures synthèses sont collectives », Davi pose des jalons stimulants pour dégager le chemin de la victoire d'une gauche digne de ce nom.

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Andreas Malm s’attaque à la pensée de Latour et Descola

5 décembre 2023, par Nicolas Celnik — ,
Dans son dernier essai, le géographe suédois Andreas Malm, ardent défenseur du sabotage, critique l'abolition de la distinction entre nature et culture, qui n'est pas en mesure (…)

Dans son dernier essai, le géographe suédois Andreas Malm, ardent défenseur du sabotage, critique l'abolition de la distinction entre nature et culture, qui n'est pas en mesure de nourrir « une haine de classe écologique ».

Tiré de Reporterre
3 novembre 2023

Par Nicolas Celnik

(La traduction française de l'essai Avis de tempête du géographe suédois Andreas Malm vient d'être publié. Brandon Bell/Getty Images vis AFP)

C'est un intellectuel de premier plan qui n'a pas voulu voir l'évidence en face : en 1938, Sigmund Freud fut l'un des derniers à comprendre la menace de l'arrivée des nazis à Vienne. Il fallut l'exfiltrer d'Autriche au dernier moment, et plusieurs membres de sa famille payèrent le prix de son aveuglement. « L'analogie avec l'urgence climatique actuelle est évidente : quand on ne panique pas de façon appropriée, on ne peut pas prendre de mesures radicales en conséquence », écrit le géographe suédois Andreas Malm dans un essai daté de 2020 et traduit cette année en français, Avis de tempête — Nature et culture dans un monde qui se réchauffe (La Fabrique). Il s'agit donc, selon lui, de faire deux choses : paniquer, et le faire bien.

Andreas Malm a été érigé, un peu trop vite, en intellectuel de référence des Soulèvements de la Terre parce qu'il développait dans Comment saboter un pipeline (La Fabrique, 2020) une théorie justifiant le recours au sabotage et l'abandon du principe de non-violence par le mouvement écologiste. S'il continue d'affirmer qu'au vu de l'urgence, « il faut saboter », il prend cette fois le temps de clarifier le rôle que doit occuper la théorie dans le mouvement climat. Et selon lui, la théorie « peut faire partie du problème » si elle ne contribue pas à rendre clairs les objectifs. Un impératif qu'il traduit ainsi : « Toute théorie adaptée à l'état de réchauffement doit avoir comme point de repère pratique […] la lutte pour la stabilisation du climat — dont la première étape nécessaire est la destruction de l'économie fossile. Une telle théorie doit dégager des marges d'action et de résistance. »

« La première étape : la destruction de l'économie fossile »

Première étape de cette clarification : contredire les courants de pensée que l'auteur d'Avis de tempête juge contreproductifs dans la lutte pour la stabilisation climatique. L'intellectuel suédois désigne avant tout ceux qui affirment que la « nature » n'existe pas : soit parce qu'elle serait aujourd'hui trop artificialisée par les humains (c'est le constructionnisme du géographe britannique Neil Smith) ; soit parce qu'elle serait hybridée à la culture (c'est ce que défend le philosophe français Bruno Latour) ; soit parce qu'elle aurait une « puissance d'agir » qu'il s'agit de reconnaître (on retrouve là aussi Bruno Latour).

En visant ces courants de pensée, Malm s'attaque à un double patronage devenu central dans les sciences humaines françaises, celui de Bruno Latour et celui de l'anthropologue Philippe Descola. Tous deux appellent à penser Par delà nature et culture (d'après le titre de l'ouvrage de Philippe Descola, paru en 2005) afin de changer d'ontologie, c'est-à-dire de manière de se représenter le monde. Selon eux, ce changement est crucial pour arrêter de se penser maîtres et possesseurs de la nature. Ce « tournant ontologique » dans les sciences humaines a eu une influence considérable sur tout un pan des pensées de l'écologie. Il a donné naissance à la « philosophie du vivant » aujourd'hui animée par de nombreuses personnes, dont Baptiste Morizot, Nastassja Martin ou encore Vinciane Despret.

Andreas Malm bat en brèche la philosophie du vivant, tel que développée par Morizot ou Despret. © Mathieu Génon / Reporterre

Sauf que pour Malm, ce cadre de pensée « ne peut être que de très mauvais conseil » dans les circonstances actuelles : pour lui, « la tâche vitale de la théorie [est de] maintenir la distinction analytique afin de dégager la façon dont les propriétés de la société s'entremêlent avec celles de la nature ». Autrement dit, ce que les intellectuels doivent faire, c'est rendre claire la responsabilité des élites à la tête de l'économie fossile dans la catastrophe qui s'annonce.

Sans le citer, Malm reprend ce qu'écrivait Kant du « lieu commun » : « Il se peut que ce soit juste en théorie, mais en pratique, cela ne vaut rien. » Ainsi, quand Latour défend l'idée qu'« il n'existe pas un seul cas dans lequel il serait utile de distinguer entre ce qui est “naturel” et ce qui “n'est pas naturel” », Malm propose un exercice de pensée. Imaginons, écrit-il, une entreprise qui déverse une marée noire dans le delta d'une rivière. Plutôt que de se poser une question latourienne abstraite du genre « qui du pétrole ou de l'eau a englouti l'autre ? », comme Malm s'amuse à le penser, il faut étudier les « propriétés spécifiques » de la biodiversité du delta d'un côté (avec ses dauphins, oiseaux migrateurs, chaîne alimentaire, etc.), et, de l'autre, « les procédures opérationnelles de l'entreprise, les rouages de la recherche du profit, le niveau de concurrence dans l'industrie pétrolière », le premier terme étant bien évidemment « naturel » quand le second ne l'est pas.

« Nous avons ardemment besoin d'une haine de classe écologique »

Maintenir cette distinction analytique entre nature et culture est alors un enjeu stratégique : en bon écomarxiste, le Suédois soutient que rien ne vaut la dialectique pour séparer le bon grain de l'ivraie : « ExxonMobil dans un coin, et le pergélisol, vulnérable, dans un autre — et ensuite, passer à l'action. » Considérer que la nature est dotée d'une agentivité peut conduire à voir dans le réchauffement climatique une forme de vengeance des puissances telluriques, une révolte de la Terre contre l'humanité. Pour Malm, cette posture justifie une jouissance du désastre contre-productive : ceux qui pâtissent de la crise environnementale ne sont pas ceux qui la provoquent, cette histoire de vengeance semble donc mal troussée. Et c'est là où affleurent de nouveau les questions stratégiques : pour Malm, la nature ne peut pas être considérée comme un sujet révolutionnaire, parce que « ses retours de flamme sont aléatoires et non subjectifs », et que l'« on n'acclame pas un ouragan comme on acclame une grève ».

De ce monde de nouveau séparé entre nature et culture, Malm en vient à un éloge de la polarisation, avec des formules bien senties : « Sans politique de la polarisation ni façon de penser oppositionnelle, nous nous condamnons à une chute sans ressaut vers l'abîme. La guerre politique contre une classe dominante toujours plus mortifère nécessite des manuels remplis de dualités. » De ces manuels naîtra « une perception juste qui fonde le sentiment dont nous avons sans doute le plus ardemment besoin dans un monde en réchauffement : une haine de classe écologique dirigée contre les acteurs de l'économie fossile ».

Ambiguïtés

Avis de tempête est un livre fidèle à la volonté d'Andreas Malm de tracer des lignes claires, tant dans les fondements théoriques (un écomarxisme posant comme centrale et capitale la question du réchauffement) que dans les perspectives stratégiques du mouvement climat (arrêter l'économie fossile, par tous les moyens). Mais on y trouve aussi les ambiguïtés de l'auteur : d'abord, un « léninisme écologique », qui, convoquant l'urgence climatique pour justifier l'autorité, force à établir des lignes de partage claires et tire à boulets rouges sur des penseurs comme Bruno Latour sans penser l'inclure dans le « camp » des alliés potentiels.

Dans La chauve-souris et le capital (La Fabrique, 2021), Malm assurait que « l'État devrait se charger » d'imposer « des restrictions draconiennes » : une vision très verticale du pouvoir, à rebours des enjeux démocratiques, horizontaux et émancipateurs portés par tout un courant de l'écologie politique.

Ce que les intellectuels doivent faire, c'est rendre claire la responsabilité des élites à la tête de l'économie fossile dans la catastrophe qui s'annonce. © Twitter/Alternatiba Paris

Si Malm est précieux pour rappeler qu'il existe un pôle constitué par les élites des hydrocarbures, les solutions qu'il propose de mettre en place ont de quoi créer de nouvelles divisions. Pour lui, « le déploiement massif de technologies à émissions négatives [de CO2] » est « un projet révolutionnaire pour les quelques siècles à venir ». Position trouble du géographe sur un sujet qui ne l'est pas moins : faire l'éloge des technologies de stockage de carbone, dont l'efficacité à grande échelle n'est pas prouvée, sans mentionner des solutions fondées sur la nature, comme l'agroécologie, l'agroforesterie, etc., semble indiquer un désintérêt pour nombre des projets alternatifs déjà existants.

Comme le soulignait un long portrait consacré au géographe dans la revue Terrestres, vu l'importance prise par Malm récemment, « ses angles morts peuvent devenir nos angles morts, et ses limites nos limites ». Cet essai démontre qu'abolir la distinction nature/culture peut être contreproductif d'un point de vue stratégique, mais il illustre aussi, en creux, que différencier les « amis » des « ennemis de classe » est une posture risquée à bien des égards.

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Travailler moins ne suffit pas | Julia Posca

5 décembre 2023, par Éditions Écosociété, Julia Posca — , ,
Alors que le Front commun du secteur public s'apprête à déclencher la grève, Julia Posca livre une réflexion audacieuse sur la réduction du temps de travail, une mesure aussi (…)

Alors que le Front commun du secteur public s'apprête à déclencher la grève, Julia Posca livre une réflexion audacieuse sur la réduction du temps de travail, une mesure aussi souhaitée qu'incomplète.

Le livre *Travailler moins ne suffit pas*, de la chercheuse à l'IRIS Julia Posca, va paraître *en librairie le 14 novembre 2023*.

*En bref : *Qui n'a jamais rêvé de travailler moins ? Pourtant, est-ce seulement le nombre d'heures travaillées qui pose problème ou la nature même de nos emplois ?

*À propos du livre*

Temps supplémentaire (obligatoire ou non), cumul d'emplois pour boucler les fins de mois, impératif de performance, conciliation travail-famille ardue : beaucoup de nos concitoyen·nes sont épuisés. En 2019, selon une enquête de Statistique Canada, environ le quart de la population du Québec identifiait le travail comme « principale source de stress de la vie de tous les jours », alors que « 70 % indiquaient que leur expérience en milieu de travail avait des répercussions sur leur santé mentale… ».

Dans ce contexte, la réduction du temps de travail apparaît comme une panacée. Par ailleurs, rarement a-t-on vu le Conseil du patronat du Québec et les syndicats manifester tous les deux un intérêt pour une même mesure, que ce soit afin de fidéliser la main-d'œuvre ou d'améliorer sa qualité de vie. En passant moins de temps au boulot, nous pourrions enfin reprendre notre souffle et consacrer plus de temps à nos relations sociales, aux tâches domestiques ou à l'engagement communautaire. Nous pourrions enfin nous épanouir… à l'extérieur du travail.

Mais suffit-il vraiment de travailler moins pour retrouver l'équilibre entre les différentes facettes de nos vies surchargées ? Cette solution serait-elle à même de « réenchanter » le travail, de lui redonner un sens et de permettre aux personnes salariées de se sentir utiles et valorisées ? Autrement dit, est-ce seulement le nombre d'heures travaillées qui pose problème ou bien le travail lui-même ?

Interrogeant notre rapport au travail, explorant sa nature et envisageant les voies à emprunter pour lui redonner un sens, Julia Posca propose ici une réflexion originale sur les finalités de notre économie. Une invitation à revoir l'organisation du travail pour qu'il réponde d'abord aux besoins les plus « authentiques » : assurer à tous et toutes une existence digne, entretenir des relations riches et léguer une vie bonne aux futures générations.

*À propos de l'autrice*

Julia Posca est sociologue et chercheure à l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS). Membre du comité de rédaction de la revue Liberté, elle a notamment fait paraître *Le manifeste des parvenus* (Lux, 2018).

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Kamilya Jubran, pourvoyeuse d’accords de paix

5 décembre 2023, par Clément Garcia — , ,
Tiré de L'Humanité https://www.humanite.fr/culture-et-savoir/guerre-israel-hamas/kamilya-jubran-pourvoyeuse-daccords-de-paix photo : La compositrice et chanteuse (…)

Tiré de L'Humanité
https://www.humanite.fr/culture-et-savoir/guerre-israel-hamas/kamilya-jubran-pourvoyeuse-daccords-de-paix

photo : La compositrice et chanteuse franco-palestinienne Kamilya Jubran à Paris, le 23 novembre 2023. © Marion Esquerré

La musicienne palestinienne a construit une œuvre à cheval entre l'Europe et son pays d'origine et de cœur. Elle assiste, effarée et désabusée, au drame qui s'abat à nouveau sur son peuple, sans perdre l'espoir de jours meilleurs. Elle jouera ce vendredi 1er décembre au festival /No Border/ de Brest.

Par Clément Garcia <https://www.humanite.fr/auteurs/cle...> , journal L'Humanité (France), pages culture et savoir, mise à jour 2023-12-02 à 10h02

www.humanite.fr/culture-et-savoir/guerre-israel-hamas/kamilya-jubran-pourvoyeuse-daccords-de-paix

Kamilya Jubran a le sourire des jours tristes. La musicienne palestinienne de 61 ans, oudiste virtuose à la voix de rossignol, peut pourtant s'estimer comblée. Qu'elle joue avec le trompettiste et musicien électro Werner Hasler, son complice depuis vingt ans, la prodige de la contrebasse Sarah Murcia, ou avec le trio de son projet Terrae Incognitae, c'est toujours avec le même entrain et sous les mêmes louanges. Mais comment s'extraire de l'actualité si brutale qui frappe à nouveau son peuple ? Un mélange de colère rentrée et de lassitude se lit sur son visage encadré d'une crinière blanche. Aujourd'hui, il lui faut penser au lendemain, au concert qu'elle donne à Hyères (Var), déclinaison pour la scène de l'album Wa, le troisième conçu avec Werner Hasler, en 2019.

Ce 1er décembre, c'est pour le festival No Border, à Brest <https://www.festivalnoborder.com/> ,, qu'elle s'envolera avec un autre projet dans ses bagages, la quatrième mouture de « Terrae Incognitae », avec la joueuse de koto Mieko Miyazaki et la harpiste Hélène Breschand. « C'est un projet en quatre volets avec un trio féminin, une sorte de plateforme de rencontres instantanées avec des musiciennes qui jouent librement. Une invitation ouverte et une rencontre de cultures et d'esthétiques différentes », détaille-t-elle.

Pour conduire le projet, Kamilya Jubran a fondé l'association Zamkana <http://www.kamilyajubran.com/projec...> , mot-valise qui signifie « lieu pour prendre son temps ». La structure avait déjà porté Sodassi, dialogue de six musiciens du Proche-Orient, libanais, égyptiens et palestiniens. « C'était une occasion pour ces jeunes artistes de se rencontrer pour se poser des questions. Depuis, chacun a sorti un album et tous réclament qu'on continue. Mais ce n'est pas facile de se retrouver… »

*Sabreen, groupe populaire dans les territoires occupés*

La passion que cette fille de luthier voue à la musique peut enfin s'exprimer quand, à la fin des années 1980, elle fonde, à Jérusalem-Est, le groupe Sabreen, phénomène populaire dans les territoires occupés et parmi la population arabe d'Israël. « Beaucoup de membres du groupe jouaient du pop-rock des années 1970, mais nous nous inspirions surtout de la musique séculaire du monde arabe, se remémore la musicienne. Dans la démarche, on était un groupe de rock très engagé, affilié à la vague de la chanson résistante, mais en évitant les slogans. De toute façon, le simple fait d'exister là-bas, c'est faire de la politique, il n'y a pas le choix. »

En vingt années d'existence et quatre albums qui empruntent les vers des poètes palestiniens – qu'elle tient à nous présenter – Samih al-Qâsim, Taoufik Ziyad, Fadwa Touqan, Hussein Al-Barghouti ou Mahmoud Darwich, le groupe se taille une réputation qui dépasse de loin les frontières précaires de son pays. Auréolée d'une gloire locale, Kamilya Jubran part pour l'Europe, en 2002, « recharger (ses) batteries ».

« La situation était très dure en Palestine, se souvient-elle. On a compris que le processus de paix était un mensonge. Et nous, les artistes, étions punis deux fois : par l'occupation et par les pays européens qui avaient stoppé leurs subventions. » La chanteuse atterrit en Suisse avec son oud, à la faveur d'une bourse, en pleine seconde Intifada, et prend la décision de ne pas retourner en Palestine. « Ça a été très dur, je me suis moi-même choquée », lâche-t-elle.

*« On ne veut pas de nous »*

C'est que Kamilya Jubran chérit la terre où elle a grandi, en Galilée, dans le village d'El Rameh. Une terre ballottée par une histoire qu'elle connaît par cœur et dont elle parle avec satiété : l'Empire ottoman, la Première Guerre mondiale, les mandats français et britannique, puis l'installation de l'État hébreu. Sa famille échappe à l'exode mais vit un exil intérieur. « Il fallait sans cesse demander des autorisations à l'armée israélienne. Je ne sais pas comment ils se sont soignés, par la musique sans doute. » C'est en fréquentant l'université hébraïque de Jérusalem, à 19 ans, qu'elle comprend « ce que c'est qu'être palestinienne : on ne veut pas de nous ».

Elle aimerait aujourd'hui retourner auprès de son peuple, en partager la souffrance, notamment avec ses amis de Gaza dont elle a perdu contact depuis l'entrée de l'armée israélienne dans l'enclave assiégée. « Mais je n'ai pas envie de passer par l'aéroport Ben-Gourion ( de Tel-Aviv – NDLR ). Dès que j'y passe, j'ai l'impression d'être coupable. Ce sentiment ne change pas, même si, aujourd'hui, j'ai moins peur. Se taire, baisser la tête font partie du projet idéologique. Le mot apartheid met une vérité là-dessus », accuse-t-elle.

Si la musicienne refuse de regarder les images horribles qui inondent les réseaux sociaux, c'est « pour ne pas perdre la raison ». Une raison qu'elle voit s'éloigner sans cesse, pointant dans l'État d'Israël « un projet qui se fatigue » et pour lequel « il est temps de faire une mise à jour ». « On a perdu notre sens de l'humanité, conclut-elle, mais je pense que chaque problème a sa solution, c'est pour ça que je continue d'y croire ».

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Négociation dans le secteur public - Le Front commun annonce une 3e séquence de grève du 8 au 14 décembre prochain

5 décembre 2023, par Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Confédération des syndicats nationaux (CSN), Fédération des Travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ) — ,
Le Front commun lance un ultimatum au gouvernement et annonce une nouvelle séquence de grève qui se tiendra du 8 au 14 décembre, inclusivement. « Il s'agit d'une ultime (…)

Le Front commun lance un ultimatum au gouvernement et annonce une nouvelle séquence de grève qui se tiendra du 8 au 14 décembre, inclusivement.

« Il s'agit d'une ultime séquence avant de déclencher la grève générale illimitée. Cette annonce témoigne de notre sérieux et de notre détermination à arriver à une entente avant les fêtes. Chaque fois, nous laissons place à la négociation, mais soyons clairs : nous maintiendrons la pression et poursuivrons notre stratégie qui consiste à déployer nos actions en crescendo. Et nous le ferons ensemble, en Front commun, et d'une seule voix ! », ont lancé les porte-paroles du Front commun, François Enault, premier vice-président de la CSN, Éric Gingras, président de la CSQ, Magali Picard, présidente de la FTQ, et Robert Comeau, président de l'APTS, en point de presse, mardi matin.

Avec 420 000 membres en grève pendant sept jours dans les secteurs de la santé et des services sociaux, de l'éducation et des cégeps, le Front commun rappelle que cette séquence serait la plus longue grève du secteur public depuis 50 ans.

« Tout le monde sait que nos conditions de travail ne sont pas acceptables, que nos tâches sont trop lourdes, que ce qu'on fait au quotidien n'est pas assez valorisé. Oui, il y a les salaires, et oui, il faut les augmenter. Mais ce sont toutes les conditions de travail qu'il faut améliorer dans nos réseaux », poursuivent les leaders syndicaux, faisant valoir que la population appuie les travailleuses et les travailleurs de nos réseaux publics, en éducation, au collégial et en santé et dans les services sociaux.

« Nos membres l'ont clairement senti sur les lignes de piquetage lors des trois jours de grève, la semaine dernière. Il se passe quelque chose au Québec, et le momentum est là, pour nos réseaux, pour les travailleuses et les travailleurs, pour les services et pour la population. Les pas de tortue sont insuffisants à cette étape-ci des négociations. C'est le temps d'ouvrir les moteurs, de faire descendre les mandats et d'arriver à un règlement à l'ensemble des tables de négociation. Tout est en place. Les organisations membres du Front commun ont même déjà prévu convoquer leurs instances respectives dans la semaine du 18 décembre prochain afin de faire le point sur la négociation et de s'assurer d'avoir une piste d'atterrissage, au besoin. »

Rappelons aussi que le Front commun a fait une demande de conciliation, le 16 novembre dernier, laquelle a généré un peu de mouvement. Les parties ont entrepris d'exposer chacune leur point de vue et de clarifier leurs positions. Les équipes de négociation accueillent favorablement ce changement à la table, mais cela n'exclut pas le besoin de maintenir la pression et de poursuivre la mobilisation pour que les choses progressent vers une entente concrète.

Le Front commun a toujours souhaité un règlement avant les fêtes, et le mandat voté par les membres permettait d'utiliser des séquences de grève selon les besoins de la négociation. C'est dans cette optique que cette ultime séquence de journées de grève se déploiera, mais il s'agit du dernier avertissement. « Si la négociation devait se prolonger, le gouvernement portera l'odieux des conséquences de son inaction et devra faire face à la mobilisation monstre de nos 420 000 membres. » Rappelons que le Front commun détient un mandat très fort, adopté à plus de 95 %, de déclencher une grève générale illimitée au moment jugé opportun.

Pour plus d'informations sur cette négociation : frontcommun.org.

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La bataille décisive du secteur public s’annonce pour la semaine du 8 au 14 décembre.

5 décembre 2023, par Roger Rashi — ,
Le Front commun intersyndical FTQ-CSN-CSQ-APTS fort de 420 000 membres a annoncé le 28 novembre qu'il fera grève durant sept jours, du 8 au 14 décembre. La FIQ, représentant 80 (…)

Le Front commun intersyndical FTQ-CSN-CSQ-APTS fort de 420 000 membres a annoncé le 28 novembre qu'il fera grève durant sept jours, du 8 au 14 décembre. La FIQ, représentant 80 000 infirmières, lui a emboité le pas en annonçant pour sa part quatre journées de débrayage, soit du 11 au 14 décembre. La FAE, syndicat d'enseignants de 60 000 membres hors du Front commun, est déjà en grève générale illimitée depuis jeudi dernier.

Le tableau est clair. Avec 560 000 salariés/es du secteur public potentiellement en grève pendant plusieurs jours, ça passe ou ça casse vers la mi-décembre.

Le rapport de force est présentement favorable aux travailleurs/euses du secteur public. La CAQ, à la baisse dans les sondages, est à son plus faible depuis son élection en octobre 2018. Cependant, l'opinion publique, comme le démontrent plusieurs sondages, appuie les revendications des travailleurs et travailleuses. Quant aux travailleurs et travailleuses du secteur public, leur niveau de mobilisation est à son plus haut. Les votes de grève à 95% ont donné lieu à d'immenses mobilisations partout à travers la province et les journées de grève tenues à date furent d'énormes succès.

Mais ce rapport de force bien que favorable reste fragile : une interruption prolongée de services dans les hôpitaux et les écoles pourrait amener un renversement rapide de l'opinion et un appel à une loi spéciale forçant le retour au travail.

Les directions syndicales le savent fort bien et elles sont décidées à forcer l'issue pendant le mois de décembre. Un conflit qui se prolongerait après la trêve des fêtes imposerait de reprendre la mobilisation des troupes en janvier et de rebâtir l'appui du public. C'est faisable mais risqué car cela donne aussi un moment de répit au gouvernement très antisyndical de la CAQ, gouvernement qui est présentement aux abois.

Le retour en catastrophe de la présidente de la FTQ, Magali Picard, de la COP 28 à Dubaï démontre que l'enjeu du 8 au 14 décembre est très sérieux. C'est fort probablement le moment décisif de cette ronde de négociations dans le secteur public.

Que peut faire Québec solidaire pour appuyer le mouvement ouvrier dans cette bataille capitale ?

1. Premièrement, la direction de QS doit prioriser la mobilisation de tout le parti pendant cette période cruciale. Elle doit faire suite aux résolutions d'appui adoptées au congrès de la fin de semaine dernière et lancer un appel aux associations locales du parti à se mobiliser en appui aux lignes de piquetage partout à travers le Québec. L'appel à se mobiliser lors des journées de débrayage du mois de novembre a été bien reçu par les militants à la base. Il s'agit maintenant de passer à une étape supérieure et organiser systématiquement la mobilisation en appuyant les efforts des comités de coordination locaux et régionaux du parti.

2. Deuxièmement, plus que jamais les douze députés de QS doivent devenir les tribuns du peuple et assaillir sans arrêt le premier ministre et son gouvernement, tant à l'Assemblée nationale qu'en public. Ils et elles doivent sauter sur toutes les occasions pour démontrer leur appui aux travailleurs/euses du secteur public et encourager la solidarité populaire avec cette lutte. Tout comme cela fut fait au courant des dernières semaines, les visites de nos députés sur les lignes de piquetage et leurs participations aux manifs syndicales doivent être priorisées et médiatisées.

Nous vivons présentement la plus forte mobilisation syndicale et ouvrière des 40 dernières années. Notre place en tant que parti de transformation sociale est dans la rue, auprès de ceux et celles qui se battent contre l'état et le patronat. Nous devons considérer les trois prochaines semaines comme un moment de grande mobilisation de Québec solidaire et nous engager dans une campagne politique d'appui aux travailleuses et travailleurs du secteur public.

Roger Rashi
Membre du Réseau intersyndical de Québec solidaire

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