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Lettre ouverte | Pour en finir avec le free mining

Aujourd'hui, la Première Nation Mitchikanibikok Inik s'adresse à la Cour supérieure de Montréal pour que la Loi sur les mines du Québec respecte enfin ses droits ancestraux au moment de l'octroi des claims miniers. Nous soutenons les Anishinabeg de la communauté de Lac Barrière dans leur combat pour que le gouvernement du Québec cesse enfin de favoriser l'industrie minière au détriment de leurs droits constitutionnels, internationaux et inhérents.
Depuis le 16 janvier 2020, la Première Nation Mitchikanibikok Inik, qui est représentée par le Centre québécois du droit de l'environnement et Ecojustice, demande à la Cour d'invalider les dispositions de la Loi sur les mines qui soutiennent le principe du free mining. Incrusté dans la Loi sur les mines depuis sa première version en 1864, le free mining - ou principe du libre accès aux ressources minières - désigne le passe-droit accordé par le gouvernement à toute entreprise minière lui permettant d'explorer un lot minier (claim minier) pour éventuellement l'exploiter sans exiger l'approbation préalable des occupants des territoires visés, à commencer par les Autochtones.
Nous partageons l'avis des Anishinabeg de Lac Barrière que l'enregistrement par défaut de claims miniers en quelques minutes à peine sur internet, au coût de quelques dizaines de dollars et sans consultation contrevient directement à l'obligation du gouvernement de consulter et d'accommoder les Autochtones avant toute décision susceptible de porter atteinte à leurs droits.
Nous ne pouvons tolérer que le gouvernement du Québec affirme extraire les minéraux les plus verts de la planète alors que son système mine les principes de justice les plus élémentaires envers les peuples autochtones.
La ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Madame Maïté Blanchette Vézina, a annoncé qu'un projet de loi visant à moderniser la Loi sur les mines serait déposé au courant de l'actuelle session parlementaire. Les consultations menées au printemps dernier par son ministère ont conduit son équipe à produire un rapport concluant que la population demande une révision en profondeur de la Loi sur les mines pour respecter les populations locales face aux travaux miniers.
Selon un sondage d'opinion Léger du mois d'août 2022 commandé par la Coalition Québec meilleure mine, 78% des Québécois-e-s sont d'accord pour « exiger le consentement des populations locales (municipalités et Nations autochtones) avant d'autoriser toute activité minière sur leur territoire ».
La chose honorable à faire pour la ministre serait de mandater ses avocats pour qu'ils rendent les armes devant le tribunal et de s'engager publiquement à modifier la loi afin qu'aucun claim minier ne puisse plus être octroyé sans le consentement libre, préalable et éclairé des Nations autochtones. Le même principe devrait s'appliquer pour les municipalités. Réformer la Loi sur les mines pour respecter la volonté des populations locales est dans l'intérêt de tous.
Rodrigue Turgeon, Avocat, Coporte-parole de la Coalition Québec meilleure mine, coresponsable du programme national de MiningWatch Canada
Alexis Wawanoloath, W8banaki, Avocat en droit des peuples autochtones, Ex-député
député d'Abitibi-Est à l'Assemblée nationale, Ex-conseiller au Conseil des Abénakis d'Odanak
Amy Zachary, Vice cheffe, Long Point First Nation
Diane Polson, Conseillère, Long Point First Nation
Sharon Hunter, Directrice générale, Long Point First Nation
Cyndy Wylde, Anicinapek8e et Atikamekw Nehirowisiw, Professeure à l'Université d'Ottawa
Steeve Mathias, Membre, Long Point First Nation
Joseph Larivière, Gestionnaire minier, Long Point First Nation
Isabelle Brûlé, Conseillère en développement stratégique, Long Point First Nation
Benjamin Gingras, Chargé de cours, École d'études autochtones de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue
Sophie Thériault, Professeure, Université d'Ottawa
Sébastien Brodeur-Girard, Professeur à l'École d'études autochtones (UQAT)
Henri Jacob, Président de l'Action boréale et Co-porte-parole de la Coalition Québec meilleure mine
Kirsten Francescone, Assistant Professor, Trent University
Isabel Orellana, Directrice, Centre de recherche en éducation et formation relatives à l'environnement et à l'écocitoyenneté, UQAM
Raôul Duguay, Représentant d'Eau Secours
Laurence Guénette, Porte-parole, Ligue des droits et libertés
Amy Janzwood, Assistante Professeure, McGill University
Lucie Sauvé, Collectif scientifique sur les enjeux énergétiques au Québec
Félix-Antoine Lafleur, Président, Conseil central de l'Abitibi-Témiscamingue - Nord-du-Québec - CSN
Marc Nantel, Porte-parole du Regroupement Vigilance Mines de l'Abitibi et du Témiscamingue (REVIMAT)
Louis St-Hilaire, Porte-parole Coalition QLAIM
Rébecca Pétrin, Directrice générale Eau Secours
André Bélanger, Directeur général, Fondation Rivières
Pascal Bergeron, Porte-parole, Environnement Vert Plus
Alice de Swarte, Directrice principale, SNAP Québec
Charles Bonhomme, Responsable, affaires publiques et communications - Fondation David Suzuki
Thérèse Guay, Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL)
Geneviève Brisson, Professeure titulaire, Département sociétés, territoires et développement UQAR
Steven H. Emerman, Owner, Malach Consulting
Philippe Nadon, Doctorant en gouvernance autochtone (UQAT), M.A. Études politiques appliquées
Rachel Pelletier, Analyste en environnement, M.A Droit et gouvernance territoriale autochtones
Louis-Joseph Drapeau, Étudiant à la maîtrise en relations gouvernance Autochtones-Allochtones (UQAT)
Sébastien Girard Lindsay, Doctorant en administration publique, Université d'Ottawa
Catherine Coumans, Directrice de la recherche, MiningWatch Canada
Jamie Kneen, Coresponsable du programme national, MiningWatch Canada
Klaire Gain, Professeure assistante, King's University College
Miriam Hatabi, Doctorante en science politique, Université d'Ottawa
Louise Nachet, Doctorante en science politique, Université Laval
Philippe Blouin, Doctorant en anthropologie, Université McGill
Sepideh Anvar, Interprète
Caroline Aquin, Citoyenne
Raphael Araujo, Citoyen
Marjolaine Arpin, Doctorante en histoires de l'art - UQÀM
Mychelle Bachand, Médecin retraitée Rouyn-Noranda
Geneviève Béland, Mères au Front – Val-d'Or, étudiante à la maîtrise sur mesure en acceptabilité sociale
André Bélisle, Président (AQLPA) Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique
Claude Bouffard, Comité d'opposition au projet minier La Loutre de Lomiko Metals situé à Lac-des-Plages
Kathy Bouffard, Mères au Front d'Abitibi-Ouest
Joanie Boulard, Étudiante en Sc. de l'environnement (UQAM)
Martine Chatelain, Conférencière en écocitoyenneté
Paul Comeau, Coalition des opposants à un projet minier en Haute-Matawinie (COPH)
Frédérique Cornellier, Mère au front Val-d'Or
Gina Cortopassi, Historienne de l'art, chargée de cours
Merle Davis Matthews, Citoyen
Vladimir Díaz Cuéllar, Candidat postdoctoral
Bruno Dubuc, Journaliste scientifique
Claire Dumouchel, Activiste socio-environnemental, Membre de Decolonial Solidarity (DS)
Bob Eichenbergerr, Écoforestier, Carleton-sur-mer
Nicole Filion, Ex-coordonnatrice de la Ligue des droits et libertés
Isabelle Fortin-Rondeau, Mères au front de Rouyn-Noranda
Gilles Gagnon, Paysan
Robert-Olivier Gauvin, Biologiste B.Sc. en gestion de la faune aquatique
Chantal Germain, Membre, Regroupement vigilance mines Abitibi-Témiscamingue
Beatrix Harvie, Membre de L'Association Etudiante du Département d'Anthropologie de l'Université de McGill
François Hayes, Citoyen affecté par un projet minier
Rosalinda Hidalgo, Responsable des actions urgentes du Comité pour les droits humains en Amérique Latine
Pauline Hwang, Citoyenne
Pierre Jasmin, Secrétaire général des Artistes pour la Paix
Farah Jemel, Candidate au doctorat en histoire de l'art, UQÀM
Kate Klein, Citoyenne
Anne Léger, Directrice générale CRE Laurentides
Chantal Levert, Déléguée à la CQMM pour le RQGE
Gilles Levert, Pour le regroupement citoyen SOS GSLR
Marie-Laure Lusignan, Ingénieure forestière, M.Sc. Sciences forestières (ULaval)
Glenn M. Grande, Directrice générale, Fair Mining Collaborative
Hélène Mathieu, Citoyenne affectée par un projet minier en Matawinie
Hanah McFarlane, Citoyenne
Isabelle Ménard, Biologiste-toxicologue
Paul Ménard, Retraité Hydro-Québec
Greg Mikkelson, Scientifique de l'environnement et activiste
Douglas Miller, Enseignant à la retraite
Christian Milot, Coordonnateur au Regroupement d'éducation populaire de l'Abitibi-Témiscamingue
Gina Morris, Porte-parole de Kamloops Moms for Clean Air
Gilbert Nadon, Avocat à la retraite
Jean Navert, Retraité - Association pour la Protection du Lac Taureau
Susie Navert, Administratrice - Association pour le protection du Lac Taureau
Michel Picard, Ph. D., Association pour la Protection du Lac Taureau
Samuel Raymond, Citoyen solidaire
Jennifer Ricard Turcotte, Citoyenne, Mères au front Rouyn-Noranda
Claude Rioux, Éditeur, Éditions de la rue Dorion
Emilie Robert, Mères au front Rouyn-Noranda
Jean Sébastien, Professeur, Collège de Maisonneuve
Marcel Sévigny, Militant communautaire et ex-conseiller municipal (Montréal)
Sarah St Pierre, Artiste
Daniel Tokatéloff, Ingénieur à la retraite, Secrétaire, Association pour la protection du lac Taureau (APLT)
Jean-François Vallée, Professeur, Collège de Maisonneuve
Pierre Vincelette, Médecin pédiatre à la retraite, membre du comité ARET
Caren Weisbart, Citoyenne
Alec White, Travailleur culturel, MA Histoire de l'art (UQAM)
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Pour un réaménagement du secteur Littoral Est respectueux de l’environnement, de la population locale et de leur sécurité.

Récemment, nous avons reçu une invitation de la Table citoyenne du Littoral Est (TCLE) à intervenir dans le cadre d'un « concours d'idéation » lançée par le gouvernement du Québec en novembre dernier. Ce concours conduira à des propositions sur l'avenir du secteur situé entre le secteur D'Estimauville et la chute Montmorency. Le collectif La ville que nous voulons transmet donc ses commentaires à la Commission de la Capitale nationale qui se charge de receuillir les commentaires des citoyennes et des citoyens.
Les orientations défendues par La ville que nous voulons
Le collectif La ville que nous voulons a adopté des orientations sur des enjeux que touche le réaménagement du secteur Littoral Est.
Nos propositions s'inscrivent nottamment dans le contexte mondial de la menace actuelle du réchauffement climatique qui nous a donné de nombreux événements destructeurs dans le monde au cours des dernières années, et le Québec n'a pas été épargné.
Par ailleurs, un autre enjeu majeur à notre époque est celui de la justice sociale et économique. Les situations d'injustice sociale et économique, donc d'inégalités, sont loin d'être inexistantes à Québec ; pauvreté, chômage, bas salaires, itinérances sont des réalités que la Ville doit prendre en considération plus sérieusement. Nous nous attendons à ce que le projet d'aménagement du Littoral est tienne compte des inégalités sociales et économiques afin de garantir l'accès à toutes et tous à l'ensemble du secteur.
L'habitation est l'un des droits fondamentaux tel qu'affirmé dans la Déclaration universelle des droits humains ; chaque individu doit avoir accès à un logement décent et accessible économiquement. Nous nous attendons à ce que ce droit fondamental soit respecté en donnant suite aux recommandations de la TCLE.
Nous souhaitons des aménagements accessibles et conviviaux d'une ville à échelle humaine. Depuis longtemps l'aménagement urbain à Québec est principalement influencé par les promoteurs immobiliers avec des projets d'habitation qui, très souvent, ne favorisent pas les relations sociales, qui témoignent d'une approche sans lien avec un aménagement urbain convivial et d'une vision du transport privilégiant l'automobile laissant de côté les piétons. Il suffit de circuler dans les secteurs de certains arrondissements, dont Lebourgneuf est un bel exemple, où des immeubles ont été construits récemment, ou sont en construction à l'heure actuelle, pour constater la distance qui sépare l'aménagement actuel de ce qu'il faut pour vivre dans une ville à échelle humaine.
Nous avons intérêt à remettre en question ces manières de voir et de faire afin que la ville soit aménagée au profit des citoyennes et citoyens dans le but de procurer des espaces utiles, conviviaux, sécuritaires et contribuant à la santé des humains que nous sommes ainsi que de l'environnement.
Nous avons besoin d'espaces publics aménagés à proximité des citoyennes et des citoyens, de telle sorte qu'ils favorisent les rapports humains et sociaux ; c'est essentiel pour que se développe la solidarité et l'acceptation sociale de toutes les différences qui composent notre société.
Il ne faut pas oublier que les aménagements urbains ont un impact sur la santé. Il est bien connu que la pollution de l'air provoque ou aggrave les maladies respiratoires. Pensons aussi à la pollution par le bruit et la lumière dans certains secteurs de la ville, particulièrement au centre-ville et aux centres de plusieurs arrondissements sans oublier les problèmes de stress et d'angoisse que peuvent susciter des aménagements d'abord conçus pour des motifs de rentabilité commerciale et financière. Nous devons concevoir la ville autrement.
Nous considérons que les propositions de la Table citoyenne du littoral Est vont dans le sens de nos positions et de nos espoirs.
Appuis aux propositions de la Table citoyenne du Littoral Est
Nous tenons donc à appuyer plus particulièrement les propositions suivantes :
1. Convertir l'entièreté de l'autoroute Dufferin-Montmorency en boulevard urbain. Cette conversion doit être pensée en gardant à l'esprit la présence voisine d'une artère principale, le boulevard Sainte-Anne, qui a lui aussi besoin d'être revitalisé de façon importante.
2. Rendre à la nature une partie significative du littoral est en déminéralisant un fort pourcentage du territoire adjacent. Les battures de Beauport constituent un milieu écologique d'une richesse exceptionnelle dont une part importante a été détruite par les remblaiements successifs au fil des cent dernières années ; il faut inverser cette tendance.
3. Aménager un parc linéaire sur toute la longueur du littoral est pour créer un vaste corridor de biodiversité reliant entre eux les parcs de la rivière Saint-Charles, du domaine de Maizerets et de l'arboretum, de la rivière Beauport, de la rivière et de la chute Montmorency. Outre les pistes cyclables et les sentiers pédestres, ce parc linéaire devrait comporter des zones de forêt urbaine, notamment sur le site de l'ancien dépôt à neige D'Estimauville, ainsi que des aires de jeux, de baignade, de pêche et de chasse en saison, de repos et de contemplation permettant de côtoyer le fleuve.
4. Prioriser l'aménagement de la portion située entre l'avenue D'Estimauville et le boulevard François-De Laval. C'est le territoire comportant le tronçon le plus dangereux de l'autoroute, mais il recèle aussi un potentiel important de renaturalisation et de mise en valeur des écosystèmes présents.
5. Ouvrir un accès direct vers le secteur de la plage de la baie de Beauport via l'avenue D'Estimauville pour deux principales raisons :
– fournir un accès plus direct aux installations récréotouristiques de la baie de Beauport, tout en créant un lien avec l'arboretum, le domaine de Maizerets et les quartiers résidentiels avoisinants ;
– résoudre un important enjeu de sécurité civile en fournissant un second accès à la péninsule Beauport du Port de Québec pour les secours externes en cas d'incendie ou d'autres incidents. Rappelons que ce secteur abrite un grand nombre de réservoirs de produits pétroliers et autres matières dangereuses. L'expérience vécue lors d'un incendie en 2007 a démontré que le seul accès actuel via le boulevard Henri-Bourassa ne peut garantir un accès sécuritaire en cas d'urgence.
6. Décloisonner et rendre l'accès à la plage de la baie de Beauport gratuit en tout temps et appliquer ce principe de gratuité et d'accès universel dans tous les aménagements de la phase IV de la promenade.
7. Prendre les mesures nécessaires pour éviter l'embourgeoisement des quartiers du littoral est. Il faut que les populations habitant ces quartiers puissent continuer d'y vivre à des coûts abordables en mettant un frein à l'appétit des spéculateurs. Cela implique l'acquisition, par la ville et avec l'aide des gouvernements supérieurs, d'un grand nombre de terrains et de bâtiments qui seront consacrés à la création de logements sociaux, à des organismes à but non lucratif dans le secteur de l'habitation, à des coopératives d'habitation ou à d'autres initiatives permettant de mettre une part importante du parc de logements à l'abri du marché spéculatif.
Collectif La ville que nous voulons
villequenousvoulons@reseauforum.or
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Kollontaï et Lénine : pour un communisme qui libère les femmes

Les deux penseurs bolcheviques n'étaient pas d'accord, et pas qu'un peu. Mais leurs idéaux communs étaient encore plus importants.
À l'occasion du centenaire de la mort de Lénine, il convient d'examiner le rôle qu'il a joué dans les premiers débats socialistes, dont beaucoup sont encore repris aujourd'hui dans les discussions de la gauche. Ses désaccords avec l'idéologue bolchevique, diplomate et écrivaine Alexandra Kollontaï sont particulièrement révélateurs de sa pensée.
Revue L'Anticapitaliste - 152 (Janvier 2024)
27 janvier 2024
Par Liza Featherstone
Crédit Photo
Alexandra Kollontaï à la droite de Lénine lors d'une session du conseil des commissaires du peuple entre décembre 1917 et janvier 1918. Wikimedia Commons
Les deux dirigeants communistes ont entretenu une profonde camaraderie, bien qu'elle ait été marquée par des conflits et des désaccords sur de nombreuses questions. Certaines de ces discussions ont conduit à des dissensions politiques et personnelles profondes et durables. Cependant, leurs points d'accord peuvent être encore plus pertinents pour les socialistes d'aujourd'hui. Plus important encore, Kollontaï et Lénine étaient d'accord sur le caractère central de la libération des femmes pour le communisme et ont travaillé ensemble à la réalisation de ces idéaux.
Une rencontre déterminante
Née dans l'aristocratie, Alexandra Kollontaï est devenue l'une des plus importantes transfuges de classe de l'histoire après une visite dans une usine au cours de laquelle elle a vu les conditions terribles et dangereuses imposées aux travailleuses et a constaté qu'un enfant était mort dans la « pouponnière » de l'usine, sous la garde d'une « nounou » âgée de six ans. Elle écrit plus tard à propos de cette expérience : « J'ai compris au fond de mon cœur que nous ne pouvons pas vivre comme nous l'avons fait jusqu'à présent, alors qu'il existe autour de nous des conditions de vie aussi terribles et un ordre aussi inhumain ». Ailleurs, elle note : « Les femmes et leur sort m'ont occupée toute ma vie et le souci de leur sort m'a conduite au socialisme ».
Dans les années qui ont précédé la révolution russe, Kollontaï s'est imposée non seulement en tant que défenseuse des femmes travailleuses, mais aussi comme organisatrice, oratrice et penseuse. Contre les féministes bourgeoises qui prétendaient lutter pour l'égalité entre hommes et femmes au sein du système capitaliste, elle soutenait que seul le mouvement communiste des femmes, dirigé par la classe ouvrière, pouvait parvenir à l'égalité sociale. « En se battant pour changer les conditions de vie », écrit-elle à propos des travailleuses qui font grève et s'organisent dans les rues de Russie pour provoquer la révolution, « elles savent qu'elles contribuent également à transformer les relations entre les sexes ».
Pourtant Kollontaï savait que l'égalité des femmes ne viendrait pas automatiquement avec la dissolution du capitalisme, et elle a donc travaillé à la construction d'un communisme spécifiquement attentif à la libération des femmes, combattant parfois les communistes qui ne partageaient pas cet objectif.
Lénine n'était pas l'un de ces communistes patriarcaux. Il était tout à fait d'accord avec Kollontaï pour dire que les travailleuses étaient au cœur de la révolution communiste et qu'elles avaient des préoccupations spécifiques auxquelles seul le communisme pouvait répondre. En plus d'être exploitées par les patrons capitalistes, écrivait Lénine, les femmes étaient « esclaves de la chambre à coucher, de la crèche et de la cuisine ». Il était convaincu que le communisme libérerait les femmes de la subordination patriarcale et de la monotonie des tâches ménagères, et soutenait que ces dernières constituaient un gaspillage du précieux travail des femmes et contribuaient à leur oppression au sein du foyer, qu'il qualifiait d'« esclavage domestique ».
Lénine a été profondément influencé par les femmes communistes qui l'entouraient, et Kollontaï a souvent fait partie de ce cercle. Lénine a soutenu le droit à l'avortement, à la contraception et au divorce, un point particulièrement controversé parmi les socialistes, certains d'entre eux affirmant qu'à court terme cela entraînerait la misère pour les femmes et les enfants parce qu'elles seraient trop pauvres pour survivre sans les hommes. Tout en reconnaissant le problème, Lénine a insisté sur le fait que tant que les femmes ne pouvaient pas prendre de décisions concernant leur propre vie, elles ne jouiraient pas de tous les droits démocratiques.
Kollontaï et lui, ainsi que leur camarade allemande Clara Zetkin, ont joué un rôle déterminant dans la création de la Journée internationale des femmes, qui est toujours célébrée aujourd'hui (bien qu'elle jouisse d'une cooptation capitaliste considérable). Sous l'influence de Kollontaï, Lénine a écrit : « Si nous n'attirons pas les femmes dans l'activité publique, dans la milice, dans la vie politique – si nous ne les arrachons pas à l'atmosphère mortelle de la maison et de la cuisine – il sera impossible d'assurer une véritable liberté. Il sera impossible d'assurer la démocratie, sans parler du socialisme ». En effet, l'organisation des travailleuses – profondément exploitées au travail et épuisées par leur deuxième journée de travail, à la maison – a été cruciale pour le succès de la révolution bolchevique.
Il ne s'agissait pas seulement d'un accord philosophique entre les deux penseurs, mais d'un engagement institutionnel profond : après la révolution, Lénine a nommé Kollontaï Commissaire du peuple à l'Assistance publique [équivalent du ministère de la Santé, NdlR], poste dans lequel elle a contribué à légaliser l'avortement, le divorce et le contrôle des naissances. L'égalité salariale pour les femmes et les congés payés pour les nouvelles mères ont également été introduits, tandis que le mariage religieux a été remplacé par le mariage civil. Le travail sexuel est dépénalisé et le statut légal d'« illégitimité » pour les enfants de parents non mariéEs est aboli.
Kollontaï a également créé des maternités gérées par le gouvernement, où les mères pouvaient se reposer avec leur bébé après l'accouchement. L'allaitement maternel a été soutenu par une série de politiques gouvernementales, et des cuisines et des blanchisseries communes ont été créées pour soulager les femmes actives des tâches domestiques (ces initiatives n'ont pas eu beaucoup de succès, car faute d'un financement suffisant, la qualité des services s'est dégradée : la nourriture était mauvaise et les vêtements souvent déchirés dans les blanchisseries).
Au cours de cette période prometteuse, l'Union soviétique a également promulgué le droit de vote pour les femmes, quelques années avant les États-Unis. En 1919, Kollontaï et Inès Armand – une autre camarade proche de Lénine – créent le Jenotdel, un département spécial consacré aux besoins des femmes en lien avec la direction du Parti bolchévique.
Pas de guerre entre les peuples, pas de paix entre les classes !
De manière moins pragmatique mais tout aussi cruciale pour l'histoire de la pensée anti-impérialiste, les deux militantEs étaient également uniEs dans la dénonciation de la Première Guerre mondiale. Alors que les socialistes européens s'alignaient sur la position de leurs gouvernements en faveur de cette effusion de sang stupidement tragique, Lénine et Kollontaï – souvent adversaires politiques dans les années précédant la révolution d'Octobre – étaient uniEs dans leur opposition à la fois à la guerre impérialiste et aux raisons qui la justifiaient.
Kollontaï a fait partie des mencheviks jusqu'en 1914, date à laquelle elle a rejoint les bolcheviks en raison de la position résolument anti-guerre de ces derniers. En 1916, elle écrit que la cause de la guerre est le capitalisme et affirme que les travailleurEs du monde entier devraient s'unir contre la classe dirigeante au lieu de s'entretuer. « Mon ennemi est dans mon propre pays », déclarait-elle, « et cela s'applique à tous les travailleurs du monde ». Lénine et elle collaborent étroitement à la rédaction d'essais et de déclarations de ce type, tentant de rallier les partis socialistes d'autres pays à cette position anti-guerre.
Les discussions entre Kollontaï et Lénine sur la manière de formuler l'opposition communiste à la guerre ont conduit Lénine à faire des distinctions importantes, rejetant ce qu'il appelle le pacifisme « petit-bourgeois » et « provincial » qui condamne « la guerre en général ». Comme il l'explique dans une lettre de 1915 à Kollontaï, dans laquelle il peaufine une déclaration marxiste internationale de gauche opposée à la Première Guerre mondiale en vue de sa présentation à la première conférence socialiste internationale : « Ce n'est pas marxiste... Je pense qu'il est erroné en théorie et nuisible en pratique de ne pas faire de distinction entre les différents types de guerres. Nous ne pouvons pas être contre les guerres de libération nationale » (par exemple, les luttes anticolonialistes de pays comme l'Inde pour se libérer de la domination britannique). Kollontaï n'était pas non plus une pacifiste et demandait instamment : « Tournons nos fusils et nos pistolets contre nos véritables ennemis communs », c'est-à-dire les capitalistes. Plus tard, les communistes transformeront cette idée en un slogan lapidaire : « Pas de guerre entre les peuples, pas de paix entre les classes ! »
Divergences
Cependant, les deux penseurSEs ont eu aussi des divergences cruciales. Quelques années après la révolution, Kollontaï rejoint la tendance dite de l'Opposition ouvrière, qui critique la bureaucratie du parti et s'inquiète du fait que les travailleurEs ne sont plus représentéEs. Dans un pamphlet publié en 1921, elle plaide en faveur d'un renforcement du pouvoir des syndicats et contre ce qu'elle considère comme le pouvoir croissant des professionnels technocrates de la classe au sein du parti et du gouvernement. L'année suivante, Lénine adopte une résolution du parti interdisant le « factionnalisme », mettant ainsi fin à l'opposition ouvrière. C'est la fin de son influence sur Lénine et les bolcheviks.
Par la suite, Kollontaï a été marginalisée au sein du gouvernement et du Parti communiste, bien qu'elle ait eu une longue carrière diplomatique en tant que loyale représentante de l'Union soviétique en Norvège, au Mexique et en Suède. Après la marginalisation de Kollontaï, les dirigeants soviétiques se sont beaucoup moins engagés en faveur de l'égalité des femmes, tant par le manque de moyens attribués à cette cause que par la persistance d'attitudes patriarcales, à tel point que, après la mort de Lénine, Staline a dissous le Jenotdel et interdit à nouveau l'avortement (1).
Kollontaï et Lénine n'étaient pas non plus d'accord sur la morale sexuelle : alors que la première affirmait souvent que le communisme conduirait à un type d'amour différent et moins possessif entre les hommes et les femmes, ainsi qu'à une éthique sexuelle plus moderne, le second considérait que de telles idées étaient libertines et frivoles. Kollontaï n'était pas la seule femme proche de Lénine à ne pas être d'accord avec lui sur ces questions, puisqu'il s'est également opposé à Inès Armand et Clara Zetkin.
Compte tenu de son soutien au droit à l'avortement et même à la dépénalisation du travail sexuel, on ne peut pas dire que Lénine était socialement conservateur, mais il était parfois irrité par le radicalisme des femmes de son entourage. Et il n'était pas le seul : les idées de Kollontaï sur la moralité sexuelle étaient souvent moquées par des camarades communistes socialement très conservateurs, parfois en termes grossiers et sexistes. Comme l'a écrit Sheila Robowtham en 1971, les idées de Kollontaï sur l'amour libre étaient également parfois critiquées par les femmes de la classe ouvrière, étant donné que la contraception n'était pas répandue : « les paysannes savent très bien », plaisantait Robowtham « que si tu veux faire de la luge, il faut être prête à grimper sur la colline » (2).
Le socialisme et la famille
Les questions qui ont divisé Kollontaï et Lénine continuent de faire l'objet de débats. Aux États-Unis, par exemple, les Socialistes démocrates d'Amérique (DSA) et d'autres organisations de gauche sont souvent critiqués parce qu'une grande partie de leurs membres et de leurs dirigeants proviennent de ce que Barbara et John Ehrenreich (3) ont appelé « la classe professionnelle et managériale » [ou classe des cadres, NDLR] plutôt que de la classe ouvrière.
Faisant écho au pamphlet de Kollontaï, « Opposition ouvrière » de 1921, nombre de ces critiques affirment que le syndicalisme de base est un espace plus solide pour l'organisation socialiste que que la participation aux élections ou la construction autour de conflits ponctuels. Mais le couple Ehrenreich lui-même a soutenu que la prolétarisation des professions – et, pourrions-nous ajouter, la difficulté croissante d'atteindre le niveau de vie de la classe moyenne en raison du coût élevé des soins de santé, du logement et de l'enseignement supérieur – crée une situation dans laquelle une partie de ce que l'on appelle la « classe des cadres professionnels » souhaite réellement le socialisme et apporte son éducation et son expertise à la cause (quant au syndicalisme par rapport à l'électoralisme, les deux sont cruciaux, et il n'est pas utile de pousser aux élections : ces dernières années, les socialistes ont remporté des victoires en utilisant les deux tactiques).
La morale sexuelle peut également être un facteur de division parmi les socialistes. Alors que plus personne ne conteste que l'« amour libre » devrait être une composante de la société communiste – tant le tabou que l'éthique exubérante de la libération sexuelle sont obsolètes –, l'abolitionnisme familial fait un petit retour en force parmi les intellectuelLEs marxistes. Si certainEs accueillent favorablement le socialisme comme un moyen de renforcer la famille nucléaire, en donnant aux gens plus de temps hors de l'esclavage salarié pour élever leurs enfants et en leur permettant l'accès à des garderies et à des universités gratuites, d'autres préfèrent se réjouir du projet socialiste d'affranchissement des relations obligatoires, qui nous permet de survivre économiquement hors du mariage ou de la famille nucléaire.
En effet, le socialisme vise à améliorer la vie intime des gens de diverses manières, qui n'entrent pas nécessairement en conflit. Personnellement, je préfère opter pour la notion d'« expansionnisme familial » portée par Kristen Ghodsee (4), basée sur les idées de Kollontaï sur la collectivisation des tâches familiales, un concept qui laisse ouvert l'horizon politique quant à la manière dont les gens pourraient choisir d'organiser leur vie privée s'ils et elles disposaient d'une plus grande liberté économique.
Kollontaï elle-même, comme Engels avant elle et Simone de Beauvoir après elle, ne tranchait pas la question de savoir si la famille devrait disparaître ou non, mais elle avait la certitude – et elle insistait sur ce point – qu'elle serait transformée au terme d'une série de changements profonds dans la structure sociale et les conditions matérielles d'existence. Grâce à l'amélioration des conditions de vie des femmes, faisait-elle valoir, la vie familiale serait transformée, et cela pour le meilleur.
Aujourd'hui, la question de l'abolition de la famille ne représente plus qu'un clivage purement théorique, car touTEs les socialistes s'accordent sur le fait que les parents ont besoin de plus d'aides, et que les garderies devraient être gratuites, par exemple. Mais certaines questions sociales aujourd'hui continuent de diviser les socialistes. Au Mexique, par exemple, le président Lopez Obrador a adopté de nombreuses politiques économiques de gauche tout en développant une rhétorique anti-gay ou anti-transgenre, et il en va de même pour les dirigeants chinois. Tandis que dans les cercles intellectuels anglo-saxons, il y a des conservateurs sociaux hostiles aux droits des personnes transgenres qui ont adopté des idées économiques sociales-démocrates.
Cependant, une grande partie de la gauche mondiale soutient à juste titre les droits, la sécurité et les libertés des minorités sexuelles, à la fois par solidarité et dans le cadre d'une vision anti-patriarcale qui peut être considérée comme une continuation de l'héritage de Kollontaï et qui est probablement en contradiction avec la perspective plus conservatrice de Lénine.
L'actualité
Bien que leurs désaccords résonnent encore aujourd'hui, les moments de convergence entre Lénine et Kollontaï sont d'autant plus importants à mettre en avant que la guerre et la situation des femmes sont des préoccupations profondément ancrées dans l'actualité.
Avec le retour du fascisme patriarcal dans le monde et l'absence totale de réponses offertes par les partis centristes, il est utile de rappeler l'engagement commun de Lénine et de Kollontaï en faveur des droits des femmes, du droit à l'avortement au congé de maternité rémunéré. Ravivons aussi le souvenir de leur opposition commune à la guerre impériale, une position qui, si elle reste forte dans les pays du Sud, a été considérablement affaiblie aux États-Unis et en Europe au cours des dernières années.
Une réflexion sur ces deux penseurSEs communistes devrait nous inciter à remettre l'égalité des sexes et l'anti-impérialisme au centre de la pensée de gauche. Les questions sur lesquelles Lénine et Kollontaï étaient en désaccord sont intéressantes mais sans grande importance aujourd'hui : les socialistes, nous marquons vraiment l'histoire quand nous sommes capables de trouver des terrains communs. Bien que Lénine et Kollontaï n'aient pas créé un communisme qui ait véritablement émancipé les femmes, il et elle ont mis en œuvre de nombreuses politiques progressistes qui ont changé la vie des femmes soviétiques et qui, comme l'a expliqué Kristen Ghodsee, ont fait pression sur les gouvernements capitalistes du monde entier pour qu'ils fassent de même.
En mars 1917, quelques mois avant la révolution, Lénine écrit à Kollontaï une lettre chaleureuse et enthousiaste, pleine de promesses sur le monde qu'il et elle sont en train de construire ensemble. Il utilise des termes respectueux, mais aussi très élogieux – « Votre » et « Tous mes vœux » – et même une exclamation : « Je vous souhaite tout le succès possible ». À l'époque, Lénine réfléchissait au pouvoir qui était en train de se construire au sein de la classe ouvrière pour gagner « le pain, la paix et la liberté ». Aujourd'hui, cela ravive pour nous la puissance d'une camaraderie et d'idéaux dont le monde a encore désespérément besoin.
1. Interdit en 1936, l'avortement fut réautorisé en 1955 en URSS.
2. Sheila Rowbotham (1943) est une historienne anglaise socialiste et féministe.
3. Barbara Ehrenreich (1941-2022) était, entre autres, une figure importante des DSA. Scientifique, journaliste, auteure et femme politique, elle a écrit de nombreux essais avec son ex-mari John Ehrenreich, un psychologue clinicien et critique social américain.
4. Kristen Ghodsee (1970) est une ethnographe américaine.
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Défaite syndicale sans victoire patronale faute d’unité et d’aile gauche

Côté éducation, les négociations du secteur public semblent terminées avec l'acceptation à la base de leur convention tant par le Front commun que par la FAE. Elles sont à demi achevées du côté du secteur santé en l'absence d'accord de principe avec la FIQ, syndiquant la grande majorité des infirmières, qui négocie isolée loin de l'attention médiatique et, semble-t-il, de toute perspective de mobilisation. Rappelons que le secteur santé, contrairement à celui des l'éducation, est cadenassé par la loi des services essentiels qui a mené au maintien de 70% à 100% des services de ce secteur. On en déduit qu'en l'absence de mise au défi de cette loi, ce qui entrainerait inévitablement une loi spéciale et puis Dieu-sait-quoi, la relative inefficacité de la grève dans la santé a fait du secteur de l'éducation le fer de lance du rapport de forces du secteur public.
Le vote du syndicat enseignant FSE-CSQ de l'Estrie centré sur Sherbrooke, le premier à se prononcer pour cette centrale membre du Front commun, illustrait l'état d'esprit de la base syndicale vis-à-vis l'entente conclue pour le secteur de l'enseignement. L'accord salarial a réuni 88% en faveur pendant que celle sectorielle, sur les conditions de travail dont la « composition de la classe » est le noyau, avec 50.5% franchissait à peine la ligne fatidique. Le parallèle de 50.6% avec le syndicat FAE de la région de Granby, le dernier à voter de cette centrale hors Front commun, est frappant. Est-ce la réalité de conditions d'enseignement plus difficiles dans ces deux villes industrielles de taille moyenne où le revenu total moyen est de 10% plus bas que la moyenne québécoise ? Ces milieux urbains du même type sont en grande partie la réalité de tous les syndicats de la FAE ce à quoi il faut ajouter le défi linguistique de Montréal. Comme le soulignait un militant FAE contestataire à Radio- Canada, l'école publique a des « besoins criants » qui requièrent des « investissements massifs » qui n'ont pas été au rendez-vous.
Pourtant, la détermination syndicale a d'abord été visible par des votes de grève à taux élevé puis par l'ampleur et la longueur de la grève : « Selon le Front commun, [le 23 novembre a été] la plus importante journée de grève de l'histoire du Québec, du Canada et même de l'Amérique du Nord (depuis la grève d'AT&T en 1983) [et au total] la plus longue grève du secteur public depuis 50 ans ». Faut-il rappeler l'ardeur de la grève de la FAE jusqu'à et y compris un blocage du Port de Montréal et de Québec ? Faut-il rappeler le soutien financier, de plusieurs syndicats du privé ? Quant à l'employeur gouvernemental, il était dans une mauvaise posture tant économique que politique. Le gouvernement de la CAQ faisait face à une pénurie de main-d'œuvre corroborée par un relativement haut taux d'emploi tel que jaugé depuis l'an 2000. La dégringolade dans les sondages confirmée par l'élection partielle de Jean-Talon en octobre dernier a réduit à néant le lustre charismatique du Premier ministre tant et si bien que l'appui populaire aux grévistes ne s'est jamais démenti… mais n'a jamais été organisé proactivement.
Salaire peut-être supérieur à l'inflation et composition de la classe restant catastrophique
Ce rapport de force d'emblée très favorable au grévistes, conjugué au ralentissement économique, a obligé la CAQ à remettre en question tant soit peu son cadre financier dont l'écart aux prévisions sera connu lors du dévoilement du budget ce printemps. L'augmentation salariale de 17,4 à 24,5 %, selon l'échelon, pour le corps enseignant pourra peut-être dépasser le taux d'inflation surtout en tenant compte des avancées d'échelons qui n'ont de nouveau que l'attention médiatique qui leur est portée. N'en reste pas moins que sans clause d'indexation régulée, ces gains apparemment avantageux, en plus de devoir compenser le recul du pouvoir d'achat dû à l'importante inflation des années 2021 à 2023, pourraient bien être balayés par une inflation future qui ne reviendra pas au 2% annuel en particulier pour le logement et l'alimentation qui sont au centre du budget des ménages travailleurs.
Ajoutons-y la haute probabilité de phénomènes météo extrêmes, des grandes chaleurs et des perturbations des chaînes d'approvisionnement due aux conflits géopolitiques qui pourraient changer la donne. En ce moment, ni le canal de Panama ni celui de Suez n'opèrent à plaine capacité par suite de la grande sécheresse en Amérique du Sud et de la guerre de Gaza. De constater The Economist (World in Brief, 27/01/24) sous le titre de « [l]'inflation alimentaire et la crise climatique »,
[a]u cours de l'année écoulée, les prix de nombreux produits alimentaires de base, enflammés par la guerre en Ukraine pendant une grande partie de l'année 2022, se sont calmés. En revanche, les "produits raffinés" sont de moins en moins abordables. Les prix du sucre ont augmenté de 150 % depuis 2020. Les prix de l'huile d'olive et du cacao ont atteint des sommets sur plusieurs décennies. Même le jus d'orange est devenu brûlant.
El Niño, un phénomène météorologique mondial, a provoqué des sécheresses en Australie, en Inde et en Thaïlande, trois grands exportateurs de sucre, tandis que des pluies ont inondé le Brésil, le plus grand exportateur. Une série de maladies, exacerbées par une forte humidité, a décimé les récoltes au Ghana et en Côte d'Ivoire, les deux plus grands producteurs de cacao. Malgré cela, les producteurs de cacao d'Afrique de l'Ouest vendent leur récolte à un prix fixé par le gouvernement, ce qui les dissuade de planter davantage. Entre-temps, les vagues de chaleur ont étouffé les olives d'Espagne et les oranges de Floride.
N'oublions pas, non plus, que les négociations de la table centrale, concernant aussi la question des pensions, n'ont en rien allégé la paupérisation des personnes retraitées du secteur public. Celles-ci « s'appauvrissent plus que jamais en cette période d'inflation élevée, puisque leur rente de retraite n'est pas pleinement indexée. », conséquence du coup fourré du gouvernement du PQ en 1982. Quant aux aspects non-monétaires, au cœur des revendications, qui se négociaient aux tables sectorielles, le résultat clivant des votes traduit la grande insatisfaction des grévistes. Même une partie de celles qui ont voté en faveur de l'acceptation l'ont fait par dépit, ne voyant plus de possibilité d'obtenir davantage encore moins une remise en question de l'école à trois vitesses qui marchandise l'école aux dépens des familles prolétariennes. Rien de surprenant que les enseignantes de l'école publique se butent au gouvernement de la CAQ au sujet des normes de la « composition de la classe » pour obtenir de meilleurs ratios et plus de soutien professionnel étant donné le haut taux d'élèves en difficulté rejeté par l'école privée et celle publique sélective.
Sans unité syndicale et sans gauche à l'étatsunienne, la bureaucratie avait beau jeu
Comment peut-on expliquer un si piètre aboutissement sur la base d'un rapport de forces aussi favorable ? Une armée nombreuse et motivée ayant la sympathie populaire ne peut vaincre sous la houlette d'un état-major étriqué maniaque de contrôle afin de limiter la grève aux bornes de la stabilité politique. La bureaucratie syndicale était bien consciente qu'une grève générale directement politique contre l'État par plus de 600 000 travailleuses, soit plus de 10% de la force de travail du Québec et à 75% féminine, boostée par la conscience acquise durant la pandémie d'être des « travailleuses essentielles » austérisées était grosse d'une crise politique capable de paralyser si ce n'est de renverser le gouvernement. Après tout, la grève générale publique-privée de 1972 avait à un moment donné viré en crise prérévolutionnaire que les présidents emprisonnés des centrales syndicales avaient rapidement désamorcé en négociant une sortie de crise.
Il ne fut pas facile à la caste bureaucratique de s'en tirer, écartelée qu'elle était entre une CAQ qui voulait écraser le mouvement syndical pour paver l'autoroute de la privatisation et une masse prolétarienne en colère aiguisée par le féminisme. Elle y est parvenue en jouant les rivalités syndicales entre la FAE qui représente le 40% le plus urbanisé du corps enseignant, une scission de la centrale syndicale unitaire, il y a à peine huit ans, jugée pas assez combative, et sa vis-à-vis la FSE-CSQ du Front commun. Comme l'a dit ce militant de la base FAE à Radio-Canada, pourquoi n'y a-t-il pas eu de concertation entre la FAE et la FSE, pourquoi la grève générale de la FAE a-t-elle été déclenchée si tôt alors que le Front commun n'embarquait pas ? Cette rivalité, selon lui, a permis à la CAQ de manœuvrer en faisant des offres à la FSE qu'elle ne faisait pas à la FAE en grève et sans que les deux syndicats déjouent cette combine en communiquant entre eux. La FSE, conclue-t-il, n'a pas voulu s'engager à ne pas signer avant la FAE. Il aurait pu ajouter : pourquoi la FAE n'a-t- elle pas tout simplement fait partie du Front commun dès le départ ?
Si la division syndicale fut le bras droit des machinations des appareils syndicaux, l'absence d'opposition organisée de la gauche sociale et politique en fut le bras gauche. On ne blâmera jamais assez la gauche dite anticapitaliste qui a fait semblant d'organiser une gauche syndicale depuis une dizaine d'années sinon plus, pour laisser dégénérer cette tentative en une série de conférences et table-rondes, parfois utiles, dont la dernière en date invitait une majorité de bureaucrates. Il n'y a pas au Québec l'équivalant du Labor Notes étatsunien ni d'organisation oppositionnelle à la direction bureaucratique telle les Caucus of Rank-and-File Educators (CORE) au sein du Syndicat des enseignant-e-s de Chicago, ni même de faiblards caucus de gauche lors des congrès syndicaux comme au Canada anglais.
La liaison entre l'aile parlementaire Solidaire et la bureaucratie syndicale ne se dément pas
Quant à l'aile parlementaire Solidaire, elle n'a pas manqué la facilité de se faire prendre en photos sur les lignes de piquetage au début de la grève pour ensuite s'emmurer dans le silence quand les tensions entre base syndicale et direction syndicale devinrent publiquement évidentes au moment des accords de principe et du vote subséquent de ratification à la base. On a eu droit, parmi la myriade de posts du Facebook du parti, à un blip occasionnel contenant le message édulcoré « François Legault doit négocier de bonne foi et déposer une offre sérieuse avant Noël. » On a jamais su ce que serait au moins les grandes lignes d'une offre de la direction Solidaire ni ne fut entendu le moindre commentaire sur la stratégie syndicale et encore moins le moindre encouragement aux protestataires sauf pour les remercier une fois le dossier clos.
Pendant ce temps, on souhaite mettre en évidence pour les locataires une mesure marginale de facilitation de l'accès à la propriété au lieu de plutôt souligner les revendications de la manifestation de locataires contre la loi 31, à laquelle participaient officiellement Québec solidaire, visant à empêcher les cessions de bail pour éviter les hausse de loyer et aussi pour le gel des loyer sur un an et pour leur contrôle. Quelle arrogance ! Et ensuite on appui la CAQ, au nom du nationalisme étriqué, afin de renouveler la clause dérogatoire pour la Loi sur la laïcité de l'État interdisant le voile au personnel enseignant. À ce compte, ne faudrait-il pas aussi appuyer contre les Autochtones la CAQ qui ne veut pas leur céder la gestion de leurs services de protection de l'enfance ? Quelle hypocrisie !
Et voici que pour contrer le PQ qui lui dame électoralement le pion, l'aile parlementaire lance une campagne pour l'indépendance, thématique presque complètement ignorée depuis des années, à coups de bla-bla de gauche à contenu vide et de l'une ou l'autre revendication concrète qui défonce des portes ouvertes tout en montant en épingle des personnalités historiques péquistes au vernis de gauche. S'agit-il de tendre la main au PQ néolibéral et identitaire se masquant par une couche de verbiage indépendantiste qui sera jeté par-dessus bord aussitôt la majorité parlementaire en vue ? Le but est-il de devenir l'aile gauche d'une future coalition ou bien de s'en démarquer stratégiquement ? On se le demande. Pour se dédouaner du vide réellement existant du « projet de société », on s'en remet à l'Assemblée constituante « non seulement [pour] se prononcer sur l'indépendance, mais [pour] les grandes valeurs et les lois fondamentales qui guideront ce nouveau pays du Québec. » Plus Ponce-Pilate vis-à-vis non seulement le programme de ce Québec indépendant mais même vis-à-vis l'indépendance elle-même, tu meurs.
Nouveau rendez-vous syndicat-Solidaire pour affronter un Premier ministre revanchiste
Il n'en reste pas moins que la CAQ n'a pas réussi à écraser le noyau dur du mouvement syndical québécois comme elle le souhaitait. Frustré, le Premier ministre en a assez des protestataires de tous bords. Réagissant à l'humble contestation contre l'usine suédoise de Northvolt destinée à être le navire amiral de la filière batterie, « [l]e premier ministre François Legault s'impatiente des contestations contre des grands chantiers industriels, comme celui de l'usine Northvolt. Il a plaidé jeudi qu'il ‘'faut changer d'attitude'' au Québec […]. Selon lui, avec ce genre d'attitude, ‘'on ne serait pas capable de faire la Baie-James que les gouvernements précédents ont faite''. » Quant aux victimes d'actes criminels, iels « devront aller vers la solidarité ou l'aide sociale, reconnaît Legault ». S'il n'a pas pu régler son compte aux syndicats du secteur public, il s'en promet vis-à-vis ceux de la construction, peut-être le fer de lance de ceux du secteur privé, dont il veut, serons-nous étonnés, plus de « flexibilité » et de « mobilité » pour plus de productivité. Avec le projet de loi 51 récemment déposé, y a-t-il là un prochain rendez-vous pour le mouvement syndical et la gauche ?
À moins que ça ne soit plus tôt pour qu'enfin ensemble centrales syndicales et Québec solidaire ne convoquent le peuple québécois dans la rue pour massivement exiger d'Ottawa et de Québec de cesser d'être les complices de l'État sioniste dans sa guerre génocidaire contre le peuple palestinien. La discordance de politique entre les guerres de Gaza et d'Ukraine sent le suprématisme blanc et l'islamophobie à plein nez. Autant il fallait ouvrir les bras aux personnes réfugiées d'Ukraine, autant faut-il le faire pour celles de Palestine. Autant il faut armer la résistance ukrainienne, autant il faut cesser de le faire vis- à-vis Israël. Surtout il faut immédiatement mettre fin au scandale du boycott de l'UNRWA comme allié servile de l'impérialisme étatsunien qui plus que complice participe au génocide par l'utilisation de son armée au Moyen-Orient et pas sa diplomatie à l'ONU.
Marc Bonhomme, 11 février 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

Négociation dans les secteurs public et parapublic : Trois nouvelles à vous communiquer

Voici trois brèves nouvelles en lien avec l'univers de la négociation dans les secteurs public et parapublic. Commençons, comme cela va de soi, par la mauvaise. Pour ce qui est des deux autres, vous aurez à juger par vous-même s'il s'agit d'une bonne, d'une mauvaise ou d'une nouvelle neutre...
La mauvaise nouvelle…
Une étude de l'IREC démontre que la valeur de la rente de la retraite du RREGOP a perdu 17,5% entre 2002 et 2021. C'est énorme. Curieusement, les rentes reçues de la RRQ et de la Sécurité du revenu du Canada sont quant à elles pleinement indexées. Pourquoi en est-il ainsi ?
Voici la réponse : c'est à partir de la non-négociation de 1982 dans les secteurs public et parapublic du Québec que s'effectue une première grande modification en lien avec l'indexation de la rente de retraite. Pour les années cotisées au RREGOP entre 1982 et 1999, l'indexation de la rente a été ramenée à 0% quand l'inflation se situe entre 0 et 3%. Dans un tel contexte, il est tristement normal d'avoir à constater pour la ou le retraité.e, sur le long terme, une perte de la valeur de sa rente de retraite.
Pour les années cotisées de 1999 à aujourd'hui, la formule d'indexation de la rente repose sur des calculs différents et un peu moins pénalisants pour la ou le retraité.e.
Quoi qu'il en soit, tant et aussi longtemps que la rente de retraite en provenance du RREGOP ne sera pas pleinement indexée, les conditions de vie de certain.es retraité.es sont appelées à se détériorer.
La nouvelle neutre
La négociation entre le gouvernement du Québec le SFPQ, le SPGQ et la FIQ semble plutôt stationnaire. Il est probable qu'il en soit ainsi tant et aussi longtemps que les résultats des consultations des membres du Front commun intersyndical CSN-CSQ-FTQ-APTS ne seront pas connus. Il y a au moins quatre groupes qui n'ont toujours pas finalisé leur négociation avec le gouvernement du Québec : le SFPQ, le SPGQ, la FIQ et également les policières et les policiers de la Sûreté du Québec. La grande question que nous pouvons nous poser est la suivante : le règlement négocié avec le Front commun sera-t-il le même pour toutes et tous ou certaines et certains salarié.es syndiqué.es obtiendront-elles ou obtiendront-ils plus que d'autres ? À suivre. Rappelons-nous que le premier ministre François Legault a déclaré, en décembre dernier, que la négociation avec la FIQ serait longue. De quoi cette annonce présage-t-elle ? Longue, jusqu'à quel moment et pourquoi ? Mystère…
La bonne nouvelle…
La bonne nouvelle nous est venue de la province voisine, l'Ontario. Des juges de la Cour d'appel de cette province ont ajouté leur voix majoritaire (2 contre 1) à celle du tribunal de première instance qui s'est penché sur le caractère constitutionnel ou non du projet de loi 124. Ce projet de loi, adopté en 2019, prévoyait pour les salarié.es syndiqué.es du gouvernement ontarien un plafonnement unilatéral de leur salaire à 1% par année pendant trois ans. La Cour supérieure de l'Ontario a déclaré, en novembre 2022, la mesure législative inconstitutionnelle. Le jugement de ce tribunal de première instance a été porté en appel par le gouvernement Ford. Lundi le 12 février 2024 la Cour d'appel de la même province a reconnu que la loi du gouvernement ontarien portait atteinte aux droits de négociation collective des salarié.e.s syndiqué.es.
La leçon de la bonne nouvelle
L‘État incarne dans notre société un pouvoir auquel nulle et nul n'échappe ou nulle et nul ne peut se soustraire. L'État ne se réduit pas au pouvoir politique, c'est-à-dire pouvoir exécutif + pouvoir législatif. Il y a également au sein de l'État une dualité qui permet au pouvoir judiciaire de freiner les élans autoritaires d'un gouvernement hostile aux droits des salarié.es syndiqué.es. Notre lecture de l'État ne peut pas le présenter comme un simple bloc monolithique. L'État ne se réduit pas à la seule volonté décisionnelle des membres d'un gouvernement à laquelle s'ajouterait, à l'Assemblée législative, les votes des député.es pantins. Il semble bel et bien commencer à exister au Canada, en matière de droit du travail et de négociation, une espèce d'autonomie du droit face à la volonté liberticide en provenance du pouvoir politique. Les différents paliers de tribunaux ont réellement la possibilité de se dresser en antithèse du pouvoir politique. Le tout dépend bien entendu de la lecture que font les juges de la portée des droits des individus, des personnes et des associations qui les représentent et qui les défendent.
Yvan Perrier
18 février 2024
12h30
yvan_perrier@hotmail.com
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Négociation avec la FIQ : La réalité derrière les déplacements obligatoires

Les déplacements obligatoires, appelés « flexibilité » par le gouvernement, sont actuellement au cœur des négociations entre les 80 000 professionnelles en soins et l'employeur.
Pour permettre aux Québécois-e-s de mieux comprendre les enjeux derrière ces changements forcés d'unité ou d'établissement, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec–FIQ a rendu public le récit de deux infirmières que l'employeur a tenté de déplacer contre leur gré.
Visionner la vidéo de la conférence de presse.
« Ça ne pourra jamais être pire que de tuer quelqu'un »
En juillet dernier, alors qu'Annabelle Beaudry s'apprête à débuter son quart de travail sur l'unité psychiatrique où elle travaille depuis deux ans, un membre de la direction lui indique qu'elle doit absolument aller faire un remplacement au débordement en chirurgie, où il manque quelqu'un ce soir-là. Puisqu'elle n'a jamais travaillé en chirurgie, elle refuse poliment l'affectation, en expliquant qu'elle ne sent pas qu'elle ait l'expérience ou l'expertise requises pour ce remplacement, tel que le recommande l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ). De plus, il manque déjà deux employés sur l'unité psychiatrique.
Elle subit alors de la pression de l'employeur qui lui laisse entendre que c'est sa faute si ça va mal en chirurgie. Annabelle se fait alors la réflexion à elle-même : « ça ne pourra jamais être pire que de tuer quelqu'un ».
Vers 19 h, alors qu'il manque deux travailleuses sur l'unité psychiatrique, Annabelle est renvoyée chez elle. L'employeur a tenté de l'envoyer en chirurgie à deux autres reprises, sans formation.
« Je ne veux pas avoir ça sur la conscience »
Depuis 2018, Tracey Beaudoin travaille à Plessisville. Elle va au domicile des nouvelles mamans pour vérifier leur état de santé et celui de leur nouveau-né, prodiguer des conseils et vacciner les enfants. L'an dernier, son employeur décide qu'elle devra occasionnellement aller en néonatalogie prendre à sa charge des poupons de quelques heures et des mères qui viennent tout juste d'accoucher.
« J'étais terrifiée. Je n'avais jamais travaillé en néonatalogie et je ne me jugeais pas compétente pour la tâche qu'on m'imposait. J'avais très peur de faire une erreur grave pour une mère ou un enfant. Je ne veux pas avoir sur la conscience pour le reste de ma vie », explique Tracey Beaudoin.
Les déplacements obligatoires mettent en péril la santé des patients
« Quand une professionnelle en soins refuse qu'on l'envoie de force sur une autre unité, ce n'est pas qu'elle ne veut pas soigner les patients, c'est qu'elle estime qu'elle n'a pas l'expertise et l'expérience nécessaires pour correctement prendre soins des patients. Prendre une professionnelle en soins experte sur son unité et l'envoyer ailleurs, boucher un trou, ce n'est pas un gain de soins, c'est une perte d'expertise », conclut Julie Bouchard, présidente de la FIQ.
La FIQ dénonce le manque de vision du gouvernement pour le réseau de la santé du Québec. Plutôt que de mettre en place des mesures qui vont améliorer et sécuriser les soins à la population, comme les ratios, le gouvernement propose plutôt des mesures temporaires qui vont épuiser les professionnelles en soins et les pousser davantage vers la porte de sortie.
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L’exploitation est une question d’actualité

Si elle peut sembler vieillie à certains, la notion d'exploitation a le mérite de nous rappeler que le capitalisme n'est pas critiquable uniquement en raison de ses dimensions écocidaires : elle peut aussi bien permettre de fonder des politiques réformistes de promotion et de défense du droit du travail que des perspectives de transformation sociale plus radicales.
12 février 2024 | tiré d'AOC.media
https://aoc.media/opinion/2024/02/11/lexploitation-est-une-question-dactualite/?loggedin=true
Il existe des sujets qui occupent la discussion publique dans la durée, comme la crise du pouvoir d'achat ou les conflits parlementaires à propos de la régulation temporaire des travailleurs dits sans papiers dans les métiers en tension.
D'autres sujets disparaissent aussitôt après s'être vus consacrer un reportage ou un article, dans un journal radiophonique ou dans la presse écrite, même lorsqu'ils sont susceptibles de frapper les esprits : par exemple le pourcentage record, 48 % ! des salariés se déclarant en détresse psychologique selon le 12e baromètre sur la santé mentale au travail réalisé par le cabinet Empreinte Humaine avec OpinionWay[1], ou encore la forte baisse de la productivité des entreprises françaises : alors qu'elle progressait en moyenne de 0,9 % par an dans la décennie 2010, elle a baissé de 4,6 % entre 2019 et 2023.
Les modalités du traitement médiatique des sujets d'actualité impliquent qu'ils se succèdent les uns aux autres et que le temps de l'interrogation sur le rapport qu'ils entretiennent les uns avec les autres ne soit pas disponible. S'engager dans une telle interrogation, par exemple sur les quatre sujets mentionnés ci-dessus, impliquerait également de réfléchir aux concepts et aux théories qui sont les mieux susceptibles de les mettre en rapport.
Mais pourquoi présupposer un rapport entre ces quatre problèmes dont les enjeux et les causes sont manifestement très différents ? La baisse du pouvoir d'achat est liée aux renchérissements de l'énergie et des denrées alimentaires de base en raison principalement de la guerre en Ukraine. Les débats concernant la régularisation des travailleurs sans papiers dans les secteurs dits en tension concernent le risque « d'appel d'air », c'est-à-dire d'accélération de l'immigration irrégulière, qu'une telle mesure impliquerait.
Quant aux 48 % des salariés qui se déclarent en situation de détresse au travail, ils s'expliqueraient principalement par les contraintes propres au télétravail[2] et par le report de la retraite, les plus de 60 ans étant les plus touchés. C'est encore d'autres facteurs que relèverait la baisse de la productivité : l'effet durable de la crise du Covid-19, les embauches trop nombreuses compte tenu de la croissance actuelle, la difficulté à recruter des personnes compétentes, le vieillissement des salariés et l'essor de l'apprentissage depuis la réforme de 2018 (les apprentis étant compatibilisés comme des salariés). Ces quatre sujets n'ont-ils rien à voir les uns avec les autres ? Il est permis d'en douter.
Les deux premiers illustrent en effet la tendance du capitalisme contemporain à produire du profit en contenant ou réduisant les rémunérations des salariés les moins qualifiés. La baisse du pouvoir d'achat touche en premier lieu celles et ceux qui sont les moins rémunérés : l'OFCE soulignait que la flambée des prix dégrade de 3,5 % le niveau de vie des 20 % des Français les plus modestes, et de 1,7 % celui des 20 % les plus aisés.
N'est-il pas évident que la crise du pouvoir d'achat prendrait d'autres formes si nous ne faisions pas aujourd'hui les frais de décennies de politiques de modération salariale, et si les inégalités entre les salaires les plus bas et les plus élevés n'avaient pas atteint des niveaux astronomiques (de 1 à 400 dans certaines entreprises) ? N'est-il pas tout aussi évident qu'une loi est jugée nécessaire pour régulariser des travailleurs sans papiers dans les secteurs en tension parce que de nombreuses entreprises voient dans ces populations vulnérables un moyen de contourner le droit du travail (en manière de rémunération minimale, de durée du temps de travail et de conditions de travail) pour augmenter le profit ?
La précédente législation, conditionnant l'accès à un titre de séjour, c'est-à-dire à une régularisation seulement temporaire, dépendait du bon vouloir de l'employeur. Or, l'attrait d'une telle « délocalisation sur place »[3] est tel que l'employeur préfère généralement ne pas s'engager dans une telle démarche[4]. Le fait que certains secteurs en tension soient occupés assez largement par des sans-papiers, notamment celui du bâtiment, n'est pas non plus sans rapport avec les niveaux de rémunération et les conditions de travail qui y sont en vigueur. Les nationaux s'en détournent. D'où l'intérêt de s'attacher des travailleurs prêts à consentir à cette forme d'exploitation parmi les plus dures, y compris lorsqu'elle s'effectue dans un cadre légal. D'où également l'intérêt de ne leur accorder qu'une régularisation temporaire, conditionnée précisément par le consentement à cette exploitation.
La modération salariale signe le retour d'un partage des gains de productivité plus défavorable aux salariés et autres travailleurs indépendants.
On peut parler d'exploitation lorsque la rémunération d'un travail est telle qu'elle enrichit ceux qui le rémunèrent au détriment de ceux qui touchent cette rémunération. Lorsqu'il a repris la notion d'exploitation au mouvement ouvrier de son temps pour en faire une théorie, Marx a souligné qu'une économie capitaliste tend à rémunérer le moins possible le travail, tout en lui faisant produire toujours davantage de profit[5]. Marx a également expliqué que ces tendances peuvent s'exprimer de deux manières distinctes, ou bien dans une stratégie consistant à augmenter autant que possible la durée et l'intensité du travail (ce qu'il appelait production de survaleur absolue), ou bien en cherchant à accroître la productivité du travail par le progrès technique (production de survaleur relative).
La première stratégie, qui a prédominé au XIXe siècle, fut conduite à l'échec car l'augmentation de la durée hebdomadaire de travail se heurte à des limites physiologiques évidentes, et l'intensification du travail produit des effets d'usure qui finissent par saper le renouvellement des capacités de travail des salariés (la « reproduction de la force de travail », dans le vocabulaire de Marx). Cette première stratégie a cédé ensuite la place à la seconde, celle d'une réduction progressive du temps de travail à l'échelle de la semaine et de la vie active, celle d'un partage des gains de productivité plus favorable au salarié. Force est de constater que depuis l'émergence du capitalisme néolibéral, la première stratégie prime de nouveau. La modération salariale signe le retour d'un partage des gains de productivité plus défavorable aux salariés et autres travailleurs indépendants.
La frontière entre journée de travail et non-travail s'efface (en raison des technologies de la communication et de l'information, et plus récemment du télétravail). La durée hebdomadaire de travail a cessé de se réduire quand elle n'augmente pas, et l'âge de la retraite est repoussé. Quant à l'intensification du travail, elle constitue l'une des cibles principales des innovations organisationnelles et technologiques des entreprises. Comment un tel capitalisme, exigeant toujours plus de temps de travail et d'intensité dans l'effort ne pourrait-il pas se heurter de nouveau à des limites infranchissables ?
L'injonction au « toujours plus » ciblant non seulement le corps des salariés, comme au XIXe siècle, mais aussi leur subjectivité, il n'est pas surprenant que ces limites se présentent comme celles d'une détresse psychologique. N'est-il pas significatif que selon l'infographie du 12e baromètre du cabinet Empreinte Humaine[6], en plus des 48 % des salariés se déclarant aujourd'hui en détresse psychologique, 17 % se disent en risque de détresse psychologique élevée. On peut certes s'interroger sur le sens des notions de « détresse psychologique » et « détresse psychologique élevée », mais elles indiquent manifestement que pour toutes celles et tous ceux qui se sont décrits ainsi, les limites du supportable ont été atteintes, ou sont en passe de l'être.
Une confirmation en est fournie par un autre chiffre : 43 % des salariés sur les 2 000 salariés interrogés assurent vouloir quitter leur entreprise. D'autres données sont plus faciles encore à interpréter, comme le fait que « 32 % des salariés sont aujourd'hui en risque de burnout, dont 12 % en burnout sévère ». Tout aussi frappant est le fait qu'1/4 de ces salariés affirment « qu'il y a plus de tentatives de suicide ou de suicides dans leur organisation/entreprise ».
La stratégie d'augmentation des profits par réduction des salaires au minimum, et par allongement et intensification du travail au maximum, conduit à une impasse du point de vue même de la course aux profits.
Interrogé sur France Inter, Christophe Nguyen, psychologue du travail et président d'Empreinte Humaine, précise que « la santé mentale se dégrade sur tous les indicateurs que nous étudions depuis trois ans et demi » et il rapporte cette évolution au fait que les salariés déplorent « une très grande intensification de la charge de travail ». Pour les salariés interrogés, la dimension structurelle de ce phénomène ne semble pas faire de doute puisque derrière la pression exercée par leurs n+1, ils perçoivent la stratégie de leur entreprise.
Christophe Nguyen précise en effet qu'« aujourd'hui, les salariés expriment que l'acteur qui a le plus d'impact négatif sur leur santé mentale, ce n'est pas le manager de proximité, ce ne sont pas non plus les clients, mais la direction générale ». Comment mieux décrire cette conscience d'une stratégie de production de profit à leur détriment que comme une conscience d'exploitation ? Or, comment une telle conscience ne se solderait pas par des effets de démotivation, qui, s'ajoutant aux effets d'usure générés par l'intensification du travail et l'allongement de sa durée, ne peuvent que se solder par des taux d'absentéisme et de démission accrus, qui ne peuvent à leur tour qu'agir négativement sur la productivité.
Comme dans la première phase de développement du capitalisme, la stratégie d'augmentation des profits par réduction des salaires au minimum, et par allongement et intensification du travail au maximum, conduit à une impasse du point de vue même de la course aux profits.
Les quatre questions dont nous sommes partis : la crise du pouvoir d'achat, la régularisation des travailleurs sans papiers, l'augmentation de la détresse psychologique au travail et la baisse de la productivité, sont certes partiellement irréductibles les unes aux autres, mais elles n'en comportent pas moins des caractéristiques communes. Le concept d'exploitation permet d'analyser certaines d'entre elles, tout en mettant en lumière la dimension structurelle de problèmes qui attirent l'attention publique. Elle devrait elle aussi être mise en discussion si l'on voulait vraiment réfléchir aux meilleures manières de résoudre ces problèmes. Tel est l'un des nombreux mérites du concept d'exploitation qui a également pour intérêt de nous rappeler qu'aujourd'hui, le capitalisme ne devrait pas être jugé critiquable seulement en raison de ses dimensions écocidaires.
La crise écologique concentre l'attention sur ces dernières, mais d'autres sujets de préoccupation majeure, comme ceux que nous venons de mentionner, se rattachent aux dimensions du capitalisme. La prise en compte de son caractère exploitatif permet d'ailleurs également de prendre conscience de quelques-uns des inconvénients des moyens en apparence les plus réalistes de répondre à l'urgence écologique : ceux qui relèvent de l'instauration d'un capitalisme vert. Car rendre le capitalisme plus respectueux des écosystèmes et plus économe en ressources naturelles impliquerait des baisses de rentabilité que les logiques capitalistes imposeraient de compenser par une baisse du salaire direct et indirect (assurance chômage, sécurité sociale, retraite, services publics), c'est-à-dire par une exploitation accrue des travailleurs.
La catégorie d'exploitation peut sembler vieillie, mais elle permet de poser plusieurs des questions les plus caractéristiques de notre époque. Soulignons pour finir que la critique de l'exploitation constitue l'un des rares terrains d'entente entre différentes familles de la gauche qui sont aujourd'hui devenues trop hostiles les unes aux autres pour percevoir ce qui pourrait les rapprocher.
La conscience de la nature exploitative du capitalisme peut fonder aussi bien des politiques réformistes de promotion et de défense du droit du travail, d'augmentation du salaire et de réduction du temps de travail, de redistribution des richesses ou d'instauration d'un revenu universel, que des perspectives de transformation sociale plus radicales par la grève, le sabotage ou la fuite du travail.
La critique de l'exploitation est enfin l'un des objectifs communs des luttes contre le capitalisme, le patriarcat et le racisme, car les femmes et les personnes racisées faisant généralement l'objet d'une exploitation accrue de leur travail professionnel, à quoi s'ajoute l'exploitation du travail domestique. La critique de l'exploitation ne devrait-elle donc pas jouer un rôle central dans tout projet de construction d'une hégémonie socialiste, féministe et antiraciste, qui par ailleurs devrait reconnaître la nécessité de la bifurcation écologique ?
NDLR : Emmanuel Renault a récemment publié Abolir l'exploitation. Expériences, théories, stratégies aux éditions La Découverte
Notes
[1] Voir par exemple France Inter et Les Échos.
[2] Une forte augmentation de la détresse psychologique avait été observée pendant la période de télétravail généralisé mais elle a encore augmenté.
[3] Étienne Balibar, Monique Chemillier-Gendreau, Jacqueline Costa-Lascoux, Emmanuel Terray, Sans papiers : l'archaïsme fatal, La Découverte, 1999.
[4] Gérard Darmanin lui-même, qu'on ne peut soupçonner ni d'anticapitalisme ni d'un souci tout particulier pour le droit du travail et celui des sans-papiers juge que l'accord de l'employeur relève d'une procédure « moyenâgeuse ».
[5] Nous avons analysé plus en détail l'origine, l'histoire et l'actualité du concept d'exploitation dans Abolir l'exploitation. Expériences, théories, stratégies, La Découverte, 2023.
[6] On peut regretter que l'ensemble des analyses et la méthodologies soient difficilement accessible.

Les syndicats dénoncent l’absence de considération pour la main-d’œuvre lors des tables de réflexion sur l’avenir de la forêt

Les organisations syndicales représentant les travailleuses et travailleurs de la filière forestière québécoise (la Centrale des syndicats démocratiques (CSD), Unifor, les Métallos et la Fédération de l'industrie manufacturière (FIM-CSN), expriment leur déception face aux thèmes abordés lors des tables de réflexion sur l'avenir de la forêt initiées par le ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF).
6 février 2024 - tiré du site de la Centrale des syndicats démocratiques
En novembre dernier, le MRNF a lancé une vaste réflexion sur l'avenir de la forêt, à laquelle les syndicats ont offert leur collaboration. Cependant, après avoir pris connaissance des sujets soumis à la discussion lors des 12 tables régionales à venir, ils ont constaté qu'il n'est aucunement question des enjeux cruciaux liés à la main-d'œuvre forestière.
La main-d'œuvre forestière : absente de la réflexion, mais pourtant essentielle
Les organisations syndicales considèrent que les travailleuses et travailleurs sont laissés pour compte dans cette démarche. Il est essentiel que les tables de réflexion nous permettent d'aborder les impacts imminents de même que les enjeux de transition qui découleront de la transformation des pratiques d'aménagement, de la diminution des possibilités forestières, de la volatilité climatique et de l'incertitude économique.
« Nous exigeons que la ministre revoit la liste des thèmes abordés lors de ces tables de réflexion et donne une place légitime aux enjeux liés à la main-d'œuvre forestière. Le Québec a besoin d'une vision globale et inclusive pour sa forêt, et celle-ci repose en partie sur la reconnaissance des préoccupations et de l'expertise des travailleuses et travailleurs de l'industrie » déclarent à l'unisson le directeur québécois d'Unifor, Daniel Cloutier, celui des Métallos Dominic Lemieux, le président de la Centrale des syndicats démocratiques (CSD), Luc Vachon ainsi que le président de la Fédération de l'industrie manufacturière (FIM-CSN), Louis Bégin.
La stratégie caribou devrait être liée à la consultation
De plus, les leaders syndicaux soulignent que la démarche actuelle se déroule en l'absence d'une stratégie caribou, qui ne peut qu'avoir un effet déterminant sur les positions adoptées par les participants.
Les syndicats appellent à un réexamen immédiat du processus de consultation, afin que les travailleuses et travailleurs de l'industrie occupent la place qui leur revient au cœur de ces discussions cruciales pour l'avenir de la forêt québécoise.
Conférence de presse syndicale sur la forêt

Mois de l’histoire des Noirs 2024 : Renouveler notre engagement à lutter contre le racisme

Au mois de février chaque année, les membres du Syndicat des Métallos partout au pays célèbrent le Mois de l'histoire des Noirs, ainsi que les réalisations et l'héritage des travailleur.euse.s et des militant.e.s noir.e.s.
30 janvier 2024 | tiré du site des Métallos
Au fil des ans, de nombreux métallos noirs ont gravi les rangs pour servir notre syndicat et nos membres. Ils et elles ont agi à titre de militant.e.s, de mentors et de chefs de file, et ont ouvert la voie aux générations futures afin qu'elles puissent influencer le cours des choses en s'opposant à l'inégalité dans notre syndicat, nos lieux de travail et nos localités. Nous leur en serons toujours reconnaissants, mais plus particulièrement ce mois-ci.
Les métallos se sont toujours engagé à jouer un rôle déterminant, au sein de notre syndicat et de la société élargie, dans le mouvement pour la justice raciale. Tout au long de l'année, et en particulier durant le Mois de l'histoire des Noirs, en tant que syndicat, nous prenons le temps de réfléchir à la façon dont nous représentons les travailleur.euse.s noir.e.s et racisé.e.s. Nous devons nous opposer activement au racisme et continuer à identifier les moyens de renforcer cet engagement en matière de justice dans le contexte de la lutte contre le racisme et le racisme à l'égard des Noirs.
Nous rendrons hommage aux travailleur.euse.s et aux militant.e.s noir.e.s en renouvelant notre engagement indéfectible à lutter contre le racisme, la discrimination et les obstacles systémiques dans les lieux de travail que nous représentons, aux tables de négociation, dans notre syndicat et au sein du mouvement syndical.
Le directeur national pour le Canada, Syndicat des Métallos,
Marty Warren
Le directeur du District 3 (Ouest canadien et Territoires), Syndicat des Métallos,
Scott Lunny
Le directeur du District 5 (Québec), Syndicat des Métallos,
Dominic Lemieux
Le directeur du District 6 (Ontario et Canada atlantique), Syndicat des Métallos,
Myles Sullivan

Le STTP demande au Canada d’agir en réponse à la décision de la CIJ au sujet de Gaza

Le STTP se réjouit de la décision de la Cour internationale de justice (CIJ), principal organe judiciaire de l'Organisation des Nations Unies (ONU), avertissant l'État d'Israël de respecter les obligations qui lui incombent en vertu de la convention sur le génocide. L'ordonnance, qui est contraignante, ordonne à Israël de prendre « toutes les mesures en son pouvoir » pour empêcher un génocide à Gaza et l'oblige à présenter un rapport dans un mois sur l'ensemble des mesures qui auront été prises pour prévenir le génocide. Cette décision fait suite aux allégations de génocide portées par l'Afrique du Sud contre l'État d'Israël devant la CIJ, qui règle les différends entre les États conformément au droit international.
8 février 2024 | tiré du site du STTP
https://www.cupw.ca/fr/déclaration-du-sttp-le-sttp-demande-au-canada-d'agir-en-réponse-à-la-décision-de-la-cij-au-sujet-de
Depuis l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier, les attaques incessantes et sans discernement de l'État israélien contre Gaza ont fait plus de 26 000 morts chez les Palestiniens – y compris plus de 10 000 nourrissons et enfants – et plus de 65 000 blessés. Au cours du seul premier mois des hostilités, Israël a largué des centaines de bombes de 2 000 livres sur Gaza, une zone bien plus petite qu'Ottawa.
La décision de la CIJ ordonne explicitement à Israël de s'abstenir de commettre tout acte visé par la convention sur le génocide, de prévenir et de punir toute incitation publique au génocide et de garantir l'accès à l'aide humanitaire à la population civile de Gaza. La situation à Gaza est désastreuse. On rapporte notamment que les Palestiniens sont contraints de boire de l'eau contaminée et de manger de l'herbe.
Le STTP, qui demande un cessez-le-feu depuis des mois, déplore que la décision du CIJ n'en ordonne pas un. De plus, il faut libérer les milliers de Palestiniens, dont des femmes et des enfants, qui sont détenus par Israël en tant que prisonniers politiques. Il y a aussi un grand nombre de détenus administratifs qui n'ont fait l'objet d'aucun chef d'accusation ni procès, y compris la parlementaire élue et féministe Khalida Jarrar.
Face à la décision de la CIJ, le Canada est contraint de faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher le génocide israélien à Gaza. En tant que signataire de la Convention des Nations Unies sur le génocide, le Canada a l'obligation et le devoir de prévenir et de punir le crime de génocide où qu'il se produise. Le STTP a demandé aux dirigeants canadiens de prendre des mesures pour empêcher d'autres décès de Palestiniens, notamment en mettant fin au commerce d'armes entre le Canada et Israël.
La décision de la CIJ est la condamnation mondiale la plus autoritaire à ce jour des atrocités commises par Israël. Elle constitue une preuve additionnelle que le Canada doit agir maintenant pour mettre fin à sa complicité dans un génocide.
Nous demandons au gouvernement canadien :
- d'exiger un cessez-le-feu permanent ;
- d'exiger de l'État israélien qu'il se conforme pleinement aux mesures d'urgence énoncées dans la décision de la CIJ ;
- de rétablir immédiatement le financement de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNWRA) afin qu'il puisse continuer de fournir une aide humanitaire à près de 2 millions de personnes à Gaza qui luttent pour survivre sous le siège de l'armée israélienne ;
- de mettre fin à tout commerce d'armes entre le Canada et Israël ;
- de veiller à ce que le Canada ne soit pas complice d'un génocide à Gaza, ou qu'il n'en habilite pas l'exécution, et qu'il ne soit pas non plus complice de l'occupation illégale par Israël de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et de Jérusalem-Est.