Presse-toi à gauche !
Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...

« Pour vaincre l’extrême droite, nous avons besoin d’une gauche plus radicale ! » Alvaro Garcia Linera

Entrevue avec Alvaro Garcia Linera, ex-vice-président de la Bolivie, par Tamara Ospina Posse pour Jacobin Amérique latine.
12 février 2024 | tiré d'Alter-Québec | Photo : Álvaro García Linera, ex-vice-président bolivien, Buenos Aires, 2020. crédit photo Ariel Feldman.
https://alter.quebec/pour-vaincre-lextreme-droite-nous-avons-besoin-dune-gauche-plus-radicale/
A la suite de son voyage en Colombie pour inaugurer le cycle de réflexion « Imaginer l'avenir depuis le Sud », organisé par le ministère de la Culture de Colombie et dirigé par la philosophe Luciana Cadahia, l'ancien vice-président bolivien Álvaro García Linera a commenté le paysage politique et social que traverse l'Amérique latine en ce « temps liminal » ou interrègne que nous devrons traverser au cours des 10 ou 15 prochaines années, jusqu'à la consolidation d'un nouvel ordre mondial. 1.
Il est clair que cette obscurité instable est le moment propice à l'entrée en scène des droites ultra-droitières les plus monstrueuses qui, dans une certaine mesure, sont la conséquence des limites du progressisme. Dans cette nouvelle étape, Linera soutient que le progressisme doit miser sur une plus grande audace pour, d'une part, répondre avec responsabilité historique aux demandes profondes qui se trouvent à la base de l'adhésion populaire, et d'autre part, neutraliser les chants de sirène des nouvelles droites. Cela implique de progresser dans des réformes profondes concernant la propriété, les impôts, la justice sociale, la distribution de la richesse et la récupération des ressources communes au profit de la société. Ce n'est qu'ainsi, en commençant par résoudre les demandes économiques les plus fondamentales de la société et en avançant vers une démocratisation réelle, que l'on pourra confiner à nouveau les ultradroites dans leurs niches, soutient Linera.
Tamara Ospina Posse – TOP : Dans la région, le XXIe siècle a commencé avec une vague de gouvernements progressistes qui ont réorienté le cours de l'Amérique latine, mais cette dynamique a commencé à s'enliser après la victoire de Mauricio Macri en Argentine en 2015, ce qui a conduit beaucoup à prédire la fin du progressisme régional. Ainsi, une vague de gouvernements conservateurs a commencé, mais, à contre-courant, dans des pays comme le Brésil, le Honduras ou la Bolivie, le progressisme est revenu. Et dans d'autres pays, comme le Mexique et la Colombie, il a réussi à accéder au pouvoir pour la première fois. Comment lisez-vous cette tension actuelle entre les gouvernements populaires ou progressistes et d'autres conservateurs ou oligarchiques ?
Alvaro Garcia Linera – AGL : Ce qui caractérise l'époque historique qui va de 10 ou 15 ans en arrière jusqu'aux 10 ou 15 prochaines années est le déclin lent, angoissant et contradictoire d'un modèle d'organisation de l'économie et de légitimation du capitalisme contemporain, ainsi que l'absence d'un nouveau modèle solide et stable qui reprenne la croissance économique, la stabilité économique et la légitimation politique. C'est une longue période, nous parlons de 20 ou 30 ans, à l'intérieur de laquelle réside ce que nous avons appelé « temps liminal » — ce que Gramsci appelait « interrègne » — où se succèdent des vagues et des contre-vagues de multiples tentatives pour résoudre cette impasse. L'Amérique latine — et maintenant le monde, car l'Amérique latine a devancé ce qui s'est ensuite produit partout — a vécu une vague progressiste intense et profonde, qui n'a pas réussi à se consolider, suivie d'une contre-vague régressive conservatrice et ensuite d'une nouvelle vague progressiste. Nous verrons probablement encore au cours des 5 ou 10 prochaines années ces vagues et contre-vagues de victoires courtes et de défaites courtes, de courtes hégémonies, jusqu'à ce que le monde redéfinisse le nouveau modèle d'accumulation et de légitimation qui lui redonnera au monde et à l'Amérique latine un cycle de stabilité pour les 30 années suivantes. Tant que cela n'arrivera pas, nous assisterons à cette tourmente propre au temps liminal. Et, comme je le disais, on assiste à des vagues progressistes, à leur épuisement, à des contre-réformes conservatrices qui échouent également, à une nouvelle vague progressiste… Et chaque contre-réforme et chaque vague progressiste est différente de l'autre. Milei est différent de Macri, bien qu'il en reprenne une partie. Alberto Fernández, Gustavo Petro et Andrés Manuel López Obrador sont différents des référents de la première vague, bien qu'ils en reprennent une partie de l'héritage. Et je pense que nous continuerons à assister à une troisième vague et à une troisième contre-vague jusqu'à ce que, à un moment donné, l'ordre du monde se définisse, car cette instabilité et cette angoisse ne peuvent être perpétuelles. Au fond, comme cela s'est passé dans les années 30 et 80 du XXe siècle, ce que nous voyons est le déclin cyclique d'un régime d'accumulation économique (libéral entre 1870 et 1920, capitalisme d'État entre 1940 et 1980, néolibéral entre 1980 et 2010), le chaos que génère ce déclin historique, et la lutte pour instaurer un nouveau et durable modèle d'accumulation-domination qui reprenne la croissance économique et l'adhésion sociale.
TOP : Nous pouvons observer que la droite recommence à mettre en œuvre des pratiques que nous pensions dépassées, y compris les coups d'État, la persécution politique et les tentatives d'assassinat… Vous-même avez même été victime d'un coup d'État. Comment pensez-vous que ces pratiques continueront à évoluer ? Et comment pouvons-nous y résister à partir des projets populaires ?
AGL : Une caractéristique du temps liminal, de l'interrègne, est la divergence des élites politiques. Lorsque les choses vont bien — comme jusqu'aux années 2000 —, les élites convergent autour d'un seul modèle d'accumulation et de légitimation et tout le monde devient centriste. Les gauches elles-mêmes s'atténuent et se néolibéralisent, bien qu'il y ait toujours une gauche radicale, mais marginale, sans audience. Les droites se disputent aussi entre elles, mais seulement pour des remplacements et des ajustements circonstanciels. Lorsque tout cela entre dans son déclin historique inévitable, les divergences commencent et les droites se scindent en droites extrêmes. L'extrême droite commence à dévorer la droite modérée. Et les gauches les plus radicalisées sortent de leur marginalité et de leur insignifiance politique, commencent à acquérir de la résonance et de l'audience, à croître. Dans l'interrègne, la divergence des projets politiques est la norme, car il y a des recherches, des dissidences les unes des autres, pour résoudre la crise de l'ancien ordre, au milieu d'une société mécontente, qui ne fait plus confiance, qui ne croit plus aux anciens « dieux », aux anciennes recettes, aux anciennes propositions qui ont garanti la tolérance morale envers les gouvernants. Et donc, les extrêmes commencent à se renforcer.
C'est ce que nous verrons avec les droites. La droite centriste, qui a gouverné le continent et le monde pendant 30 ou 40 ans, n'a plus de réponses aux échecs économiques évidents du libéralisme mondial et, face aux doutes et aux angoisses des gens, une extrême droite émerge qui continue de défendre le capital, mais qui pense que les bonnes manières de l'ancien temps ne suffisent plus et qu'il faut maintenant imposer les règles du marché par la force. Cela implique de domestiquer les gens, si nécessaire à coups de bâton, pour revenir à un libre marché pur et magique, sans concessions ni ambiguïtés, car — selon eux — c'est cela qui a causé l'échec. Alors, cette extrême droite tend à se consolider et à gagner plus d'adeptes en parlant d'« autorité », de « choc de libre marché » et de « réduction de l'État ». Et s'il y a des soulèvements sociaux, il convient d'utiliser la force et la coercition, et si nécessaire le coup d'État ou le massacre, pour discipliner les dissidents qui s'opposent à ce retour moral aux « bonnes mœurs » de l'entreprise libre et de la vie civilisée : avec les femmes qui cuisinent, les hommes qui commandent, les patrons qui décident et les ouvriers qui travaillent en silence. Un autre symptôme du déclin libéral se manifeste lorsque l'on ne peut plus convaincre ni séduire et que l'on doit imposer ; ce qui signifie qu'ils sont déjà dans leur crépuscule. Mais cela ne les rend pas moins dangereux, en raison de la radicalité autoritaire de leurs impositions.
Face à cela, le progressisme et les gauches ne peuvent pas adopter une attitude condescendante, en essayant de contenter toutes les factions et tous les secteurs sociaux. Les gauches sortent de leur marginalité dans le temps liminal parce qu'elles se présentent comme une alternative populaire au désastre économique causé par le néolibéralisme entrepreneurial ; et leur fonction ne peut pas être de mettre en œuvre un néolibéralisme avec un « visage humain », « vert » ou « progressiste ». Les gens ne descendent pas dans la rue et ne votent pas pour la gauche pour décorer le néolibéralisme. Ils se mobilisent et changent radicalement leurs anciennes adhésions politiques parce qu'ils en ont marre de ce néolibéralisme, parce qu'ils veulent s'en débarrasser, car il n'a enrichi que quelques familles et quelques entreprises. Et si la gauche ne répond pas à cela, et coexiste avec un régime qui appauvrit le peuple, il est inévitable que les gens tournent radicalement leurs préférences politiques vers des issues d'extrême droite qui offrent une sortie (illusoire) au grand malaise collectif. Les gauches, si elles veulent se consolider, doivent répondre aux demandes pour lesquelles elles sont apparues et, si elles veulent vraiment vaincre les extrêmes droites, elles doivent résoudre de manière structurelle la pauvreté de la société, l'inégalité, la précarité des services, l'éducation, la santé et le logement. Et pour pouvoir réaliser cela matériellement, elles doivent être radicales dans leurs réformes sur la propriété, les impôts, la justice sociale, la distribution de la richesse, la récupération des ressources communes au profit de la société. S'arrêter à cette œuvre va alimenter la loi des crises sociales : toute attitude modérée face à la gravité de la crise encourage et alimente les extrêmes. Si les droites font cela, elles alimentent les gauches, si les gauches le font, elles alimentent les extrêmes droites.
Ainsi, la manière de vaincre les extrêmes droites, en les réduisant à un ghetto — qui continuera d'exister, mais sans irradiation sociale — réside dans l'expansion des réformes économiques et politiques qui se traduisent par des améliorations matérielles visibles et soutenues dans les conditions de vie des grandes majorités populaires de la société ; dans une plus grande démocratisation des décisions, dans une plus grande démocratisation de la richesse et de la propriété, de sorte que la contention des extrêmes droites ne soit pas simplement un discours, mais qu'elle soit appuyée par toute une série d'actions pratiques de distribution de la richesse qui résolvent les principales angoisses et demandes populaires (pauvreté, inflation, précarité, insécurité, injustice, etc.). Car, il ne faut pas oublier, que les extrêmes droites sont une réponse, pervertie, à ces angoisses. Plus vous distribuez la richesse, certes plus vous affectez les privilèges des puissants, mais eux vont devenir une minorité autour de la défense acharnée de leurs privilèges, tandis que les gauches se consolideront comme celles qui se préoccupent et résolvent les besoins de base du peuple. Mais, plus ces gauches ou progressismes se comportent de manière peureuse, timorée et ambiguë dans la résolution des principaux problèmes de la société, plus les droites extrêmes vont croître et le progressisme restera isolé dans l'impuissance de la déception. Ainsi, en ces temps, les extrêmes droites sont vaincues par plus de démocratie et par une plus grande distribution de la richesse ; pas par la modération ni par la conciliation.
TOP : Y a-t-il des éléments nouveaux dans les nouvelles droites ? Est-il correct de les appeler fascistes ou devrions-nous les nommer autrement ? Les droites mettent-elles en place un laboratoire post-démocratique pour le continent (y compris les États-Unis)
AGL : Sans aucun doute, la démocratie libérale, en tant que simple remplacement des élites qui décident pour le peuple, tend inévitablement vers des formes autoritaires. Si, à certains moments, elle a pu produire des fruits de démocratisation sociale, c'était grâce à l'impulsion d'autres formes démocratiques populaires qui se sont déployées simultanément — la forme syndicale, la forme communautaire agraire, la forme populaire de la foule urbaine. Ce sont ces actions collectives multiples et multiformes de démocratie qui ont donné à la démocratie libérale une irradiation universaliste. Cela a pu se produire, car elle était toujours dépassée et poussée de l'avant. Mais si on laisse la démocratie libérale telle quelle, en tant que simple sélection des gouvernants, elle tend inévitablement vers la concentration des décisions, vers sa conversion en ce que Schumpeter appelait la démocratie comme simple élection compétitive de ceux qui vont décider de la société, ce qui est une forme autoritaire de concentration des décisions. Et, ce monopole décisionnel par des moyens autoritaires et, le cas échéant, au-dessus même du propre processus de sélection des élites, c'est ce qui caractérise les extrêmes droites. C'est pourquoi il n'y a pas d'antagonisme entre les extrêmes droites et la démocratie libérale. Il y a collusion de fond. Les extrêmes droites peuvent coexister avec ce type de démocratisation simplement élitiste qui alimente la démocratie libérale. C'est pourquoi il n'est pas rare qu'elles arrivent au pouvoir par le biais d'élections. Mais ce que la démocratie libérale tolère marginalement et à contrecœur, et que les extrêmes droites rejettent ouvertement, ce sont d'autres formes de démocratisation, qui ont à voir avec les présences de démocraties de bas en haut (syndicats, communautés agraires, assemblées de quartier, actions collectives…). Ils s'y opposent, les rejettent et les considèrent comme un obstacle. En ce sens, les extrêmes droites actuelles sont antidémocratiques. Ils acceptent seulement d'être élus pour gouverner, mais ils rejettent d'autres formes de participation et de démocratisation de la richesse, ce qui leur semble une insulte, un affront ou un absurde qui doit être combattu avec la force de l'ordre et de la discipline coercitive.
Maintenant, est-ce du fascisme ? Difficile à décider. Il y a tout un débat académique et politique sur quel nom cela prendra et s'il vaut la peine d'évoquer les terribles actions du fascisme des années 30 et 40. Sur le plan académique, ces digressions valent peut-être la peine, mais elles ont très peu d'effet politique. En Amérique latine, les personnes de plus de 60 ans peuvent avoir des souvenirs des dictatures militaires fascistes et la définition peut avoir un effet sur elles, mais pour les nouvelles générations, parler de fascisme ne signifie pas grand-chose. Je ne m'oppose pas à ce débat, mais je ne vois pas qu'il est si utile. En fin de compte, l'adhésion ou le rejet social des positions des extrêmes droites ne viendra pas du côté des anciens symboles et images qu'ils évoquent, mais de l'efficacité à répondre aux angoisses sociales actuelles que les gauches sont impuissantes à résoudre. Peut-être que la meilleure façon de qualifier ces extrêmes droites, au-delà de l'étiquette, est de comprendre à quel type de demande elles répondent, ce qui bien sûr, sont des demandes différentes de celles des années 30 et 40, bien qu'avec certaines similitudes en raison de la crise économique dans les deux périodes. Personnellement, je préfère parler d'extrêmes droites ou de droites autoritaires ; mais si quelqu'un utilise le concept de fascisme, je ne m'y oppose pas, bien que cela ne m'enthousiasme pas non plus beaucoup.
Le problème peut survenir si, dès le départ, elles sont qualifiées de fascistes et si on met de côté la question de savoir à quel type de demande collective elles répondent ou face à quel type d'échec elles émergent. C'est pourquoi, avant d'étiqueter et d'avoir des réponses sans questions, il vaut mieux se demander quelles sont les conditions sociales de leur émergence, quel type de solutions elles proposent et, sur ces réponses, on peut alors choisir le qualificatif approprié : fasciste, néo-fasciste, autoritaire… Par exemple, est-il juste de dire que Milei est fasciste ? Peut-être, mais il faut d'abord se demander pourquoi il a gagné, avec le vote de qui, en répondant à quelles sortes d'angoisses. C'est ce qui est important. Et aussi se demander ce que vous avez fait pour que cela arrive.
Aujourd'hui, il est plus utile de se poser cette question que de lui coller une étiquette facile qui résout le problème du rejet moral, mais qui n'aide pas à comprendre la réalité ni à la transformer. Parce que si vous répondez que Milei a convoqué l'angoisse d'une société appauvrie, alors il est clair que le problème est la pauvreté. Si Milei s'est adressé à une jeunesse qui n'a pas de droits, alors il y a une génération de personnes qui n'ont pas accédé aux droits des années 50, ni des années 60, ni des années 2000. C'est là que se situe le problème que le progressisme et la gauche doivent aborder pour arrêter les extrêmes droites et le fascisme. Il faut identifier les problèmes auxquels les extrêmes droites interpellent la société, car leur croissance est aussi un symptôme de l'échec des gauches et du progressisme. Elles ne surgissent pas de nulle part, mais après que le progressisme n'a pas osé, n'a pas pu, n'a pas voulu, n'a pas vu, n'a pas compris la classe et la jeunesse précaires, n'a pas saisi la signification de la pauvreté et de l'économie au-dessus des droits d'identité. Voilà le noyau du présent. Cela ne signifie pas que l'on ne parle pas d'identité, mais que l'on hiérarchise, en comprenant que le problème fondamental est l'économie, l'inflation, l'argent qui vous échappe des poches. Et il ne faut pas oublier que l'identité elle-même a une dimension de pouvoir économique et politique, qui est-ce qui ancre la subalternité. Dans le cas de la Bolivie, par exemple, l'identité indigène a conquis sa reconnaissance en assumant le pouvoir politique, d'abord, et progressivement, le pouvoir économique au sein de la société. La relation sociale fondamentale du monde moderne est l'argent, aliénée, mais encore relation sociale fondamentale, qui vous échappe, qui dilue toutes vos croyances et loyautés. C'est là le problème à résoudre par les gauches et le progressisme. Je pense que la gauche doit apprendre de ses échecs et qu'elle doit avoir une pédagogie sur elle-même pour ensuite trouver les qualificatifs pour dénoncer ou étiqueter un phénomène politique, comme c'est le cas ici avec l'extrême droite.
TOP : Revenant aux projets populaires, quels sont les principaux défis du progressisme pour surmonter ces crises, ces échecs dont vous parliez ? Est-ce simplement parce qu'ils n'ont pas pu comprendre ou interpréter suffisamment les besoins et les demandes des citoyens que les extrêmes droites les reprennent maintenant ?
AGL : L'argent est aujourd'hui le problème économique et politique élémentaire, fondamental, classique et traditionnel du présent. En temps de crise, c'est l'économie qui commande, point final. Résolvez d'abord ce premier problème et ensuite le reste. Nous sommes dans une période historique où émergent le progressisme et les extrêmes droites, et où le centre droit classique néolibéral, traditionnel et universaliste décline. Pourquoi ? Pour l'économie.
C'est l'économie, qui occupe le centre de commande de la réalité. Le progressisme, les gauches et les propositions qui viennent du côté populaire doivent d'abord résoudre ce problème. Mais la société à laquelle l'ancienne gauche des années 50 et 60, ou le progressisme dans la première vague dans certains pays, a résolu le problème économique est différente de l'actuelle. Les gauches ont toujours travaillé sur le secteur de la classe ouvrière salariée formelle, et aujourd'hui la classe ouvrière informelle est une énigme pour le progressisme.
Le monde de l'informalité regroupé sous le concept d'« économie populaire » est un trou noir pour les gauches qui ne le connaissent pas, ne le comprennent pas et n'ont pas de propositions productives pour lui, à part de simples palliatifs d'assistance. En Amérique latine, ce secteur représente 60 % de la population. Et il ne s'agit pas d'une présence transitoire qui disparaîtra ensuite dans la formalité. Non, l'avenir social sera avec l'informalité, avec ce petit travailleur et travailleuse, petit paysan (ne), petit entrepreneur, salarié informel, traversé par des relations familiales et des liens de loyauté locaux ou régionaux très curieux, subsumé dans des instances où les relations capital-travail ne sont pas aussi transparentes que dans une entreprise formelle. Ce monde existera pour les 50 prochaines années et implique la majorité de la population latino-américaine.
Que dites-vous à ces personnes ? Comment vous souciez-vous de leur vie, de leurs revenus, de leur salaire, de leurs conditions de vie, de leur consommation ? Ces deux sujets sont la clé du progressisme et de la gauche latino-américaine contemporains : résoudre la crise économique en tenant compte de ce secteur informel qui représente la majorité de la population active d'Amérique latine. Que signifie cela ? Avec quels outils le faites-vous ?
Bien sûr, avec des expropriations, des nationalisations, la redistribution de la richesse, l'élargissement des droits, etc. Ce sont des outils, mais l'objectif est d'améliorer les conditions de vie et le tissu productif de ces 80 % de la population, syndiquée et non syndiquée, formelle et informelle, qui constituent la population populaire latino-américaine. Et aussi avec une plus grande participation de la société à la prise de décision. Les gens veulent être entendus, ils veulent participer. Le quatrième sujet est l'environnemental, une justice environnementale avec justice sociale et économique, jamais séparée ni jamais en tête.
Cet Article a été traduit par Deepl et revisé par Mario Gil. Nous remercions à la revue Jacobin — Amérique latine pour la permission de traduire et reproduire cet article.
Politologue, féministe et activiste au sein de Colombia Humana et du Centro de Pensamiento Colombia Humana – CPCH

Des élu(e)s de gauche appellent à soutenir pleinement l’Ukraine à l’occasion du deuxième anniversaire de l’invasion russe

Appel aux élu-e-s, en soutien avec l'Ukraine)
Nous vous écrivons pour vous demander d'envisager de signer l'appel "Les élu(e)s de gauche appellent à soutenir pleinement l'Ukraine à l'occasion du deuxième anniversaire de l'invasion russe"
A l'heure où l'Etat russe prépare une contre-offensive massive contre l'Ukraine et où de puissants secteurs de la droite politique, tant en Europe qu'aux Etats-Unis, font campagne pour réduire le soutien militaire à ce pays en difficulté, nous pensons qu'il est impératif que les partisans de gauche et progressistes de l'Ukraine fassent entendre leur voix.
Veuillez indiquer votre soutien à la déclaration, soit en répondant à cet e-mail, soit en cliquant sur ce lien et en ajoutant votre nom et vos coordonnées à la liste des signataires.
En vous remerciant de votre solidarité avec l'Ukraine, je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées,
Signé :
Soren Sondergaard, au nom des députés danois d'Enhedslisten
Stéfanie Prezioso, au nom des élus suisses
Représentant.es élu.es, sympathisant.es de l'Ukraine, destinataires
Chers collègues, chères collègues,
14 février 2024
En tant qu'élu(e)s de gauche actuels et anciens - membres des parlements européen et nationaux, conseillers régionaux et locaux - nous souhaitons nous adresser à nos collègues de la gauche en Europe et dans le monde. Nous vous appelons à vous mobiliser avec nous pour soutenir la résistance militaire et civile du peuple ukrainien. À cet égard, nos fonctions électives nous donnent une opportunité et une responsabilité particulières. Soutenir l'Ukraine, c'est aussi contrer la propagande néfaste de l'extrême droite qui constitue le socle du soutien de Poutine à l'échelle internationale.
Nous approchons du deuxième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine. Cela signifie que l'Ukraine entre dans sa troisième année de guerre. Beaucoup d'entre nous espéraient que la guerre serait plus courte et que l'Ukraine serait rapidement victorieuse. Il est désormais clair que cette vision était trop optimiste. La Russie s'est retranchée et a construit de solides défenses. Ce qui était une guerre de mouvement en 2022 est devenu en grande partie une guerre de position en 2023.
La guerre ne concerne pas seulement les soldats qui défendent l'Ukraine. Elle concerne aussi les populations civiles qui sont victimes des bombardements russes et des attaques sur les infrastructures, notamment, pour le deuxième hiver, avec l'objectif de détruire les systèmes de chauffage.
La situation dans les zones occupées par la Russie est bien pire. Les Ukrainiens qui refusent de prendre des passeports russes sont victimes de discriminations diverses, comme le refus d'accès aux soins de santé. Ceux qui sont considérés comme les plus incorrigibles sont arrêtés et envoyés en Russie. On estime à environ 4 000 le nombre d'Ukrainiens prisonniers en Russie, sans compter les prisonniers de guerre, et détenus dans de très mauvaises conditions. Il existe également des exemples de déportation d'Ukrainiens en Russie et de leur remplacement par des colons russes - un processus inauguré en Crimée après 2014. Le plus grave est la déportation d'enfants ukrainiens vers la Russie où ils sont "adoptés" et "russifiés".
L'Ukraine a reçu beaucoup d'aide, humanitaire et financière. Une partie de cette aide provient des gouvernements et des ONG. Une partie provient des syndicats, en particulier en Europe. De nombreux syndicats ont pris des positions claires en faveur de l'Ukraine et ont établi des contacts étroits avec les syndicats ukrainiens. L'Ukraine a également reçu une aide militaire des pays de l'OTAN et d'ailleurs. Cette aide est nécessaire et continuera de l'être.
Près de deux ans après l'invasion, la position de la Russie n'a pas bougé d'un pouce. Elle réclame la totalité des territoires qu'elle a "annexés", y compris les parties qu'elle n'a pas réussi à occuper. Rien ne garantit qu'elle n'exigera pas également Kharkiv et Odessa. Et elle continue d'exiger un changement de gouvernement à Kiev. Il n'y a pas de place pour la discussion sur la base de ces exigences. La seule voie vers une paix durable est le retrait inconditionnel des troupes russes. Et l'Ukraine doit pouvoir recevoir les armes nécessaires pour imposer ce retrait.


Fétichisme olympique et folie des grandeurs

Paris. Vendredi, 9 février 2024. Pérégrination rituelle sur les quais de Seine. Discussion avec Jean-Pierre Mathias, ancien professeur de philosophie, bouquiniste depuis trente cinq ans sur le quai Conti. Bouquiniste n'est pas uniquement un métier, un gardien de la tradition médiévale de la boutique permanente dans la rue, c'est une vocation. Pour être un honnête bouquiniste, il faut avoir une culture éclectique, une insatiable curiosité intellectuelle, une prédilection pour la communication et surtout une santé à toute épreuve.
Au bord du fleuve, les éléments s'apaisent ou se déchaînent. L'hiver est toujours rude. Le vent fouette les arbres et les présentoirs. Les bourrasques malmènent les livres. Le printemps apporte les brises consolatrices. L'été attire les flâneurs et les fureteurs.
Le programme sécuritaire des Jeux Olympiques, prévoyant le déplacement des bouquinistes, draine les rumeurs et les contre-rumeurs. Mercredi 31 janvier 2024, réunion à l'Elysée pour examiner des alternatives si la cérémonie d'ouverture devait être empêchée. La Maire de Paris rêvait d'une fiesta nautique avec un million de personnes. La façade de l'Hôtel de Ville exhibe des panneaux promotionnels tapageurs, aberrants, risibles. Les Jeux camelotés comme une foire du trône. Le design et le marketing sans signification imposent leur post-vérité, leur cancel culturel. Sur les boîtes des bouquinistes de nouveaux slogans en langue anglaise, War on culture, Culture kills.
Les bouquinistes des quais de Seine, en attendant, sont ballotés entre fausses promesses et vrais menaces. Les réunions avec les autorités municipales et préfectorales, auxquelles ils se prêtent à contrecœur, exaspèrent la mésentente. Le pouvoir ne démord pas de sa volonté de déloger les bouquinistes coûte que coûte. La rencontre du lundi 15 janvier 2024 s'est soldée par un désaccord total. Vendredi 19 janvier 2024, les bouquinistes décident de saisir le tribunal administratif. Ils demandent le maintien de leurs boîtes ou, en ultime recours, une indemnisation qui compense leur manque à gagner et sauvegarde leur dignité.
Mardi, 6 février 2024. Conseil de Paris. L'intervention du représentant écologiste relève de l'accrobatie rhétorique. « Les écologistes estiment que la Ville devrait accompagner les bouquinistes dans leurs contentieux avec les instances étatiques. Nous pensons qu'il ne faut pas déplacer les boîtes. Nous sommes dans l'incertitude. Y aura-t-il finalement une cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques sur la Seine ? On se retrouverait dans une situation paradoxale si on annule l'événement à la dernière minute après avoir évacué les caisses. Nous trouvons que les questions de sécurité sont un prétexte pour se débarrasser des bouquinistes. La Ville de Paris met trop d'argent dans les Jeux Olympiques. Le financement devrait être intégralement pris en charge par le Comité d'Organisation. Par rapport aux bouquinistes et leur déplacement éventuel, comment on va financer cette opération ? » Comprenne qui pourra le soutien sans soutien. Pour Aristote, la sophistique est une sagesse superficielle, trompeuse. La sophistique élude les questions essentielles. Elle ne s'attache qu'aux effets oratoires. Elle escompte les rentabilités matérielles. Sous apparence de vérité, le mensonge sème ses nocivités.
Les Jeux olympiques bouleversent de fond en combe la vie sociale, économique, culturelle. Les compétitions sont prévues au cœur de la ville, aux abords des monuments historiques, Louvre, Pont de la Concorde, Tour Eiffel, Grand Palais… Circulations bloquées. Accès interdits. Contrôles drastiques. La navigation sur la Seine sera prohibée une semaine avant la cérémonie d'ouverture du 26 juillet 2024 et interrompue pendant les épreuves de nage. Seule la sécurité prime. Les pollutions passent sous silence. La filière céréalière redoute un été catastrophique. Le fret fluvial assure 20% des transports de marchandises. Pendant les moissons, 25 péniches sont chargées de 1 500 tonnes de grains, l'équivalent de 1 250 camions. 4 400 exploitations agricoles d'Île-de-France seront impactées. 800 000 tonnes de céréales risquent la destruction faute d'être acheminées.
Dimanche, 11 février 2024. Inauguration de la salle polyvalente, modulaire, multisports L'Arena de 8 000 places à la Porte de la Chapelle. Gadgets écologiques : récupération des eaux de pluie, toiture végétalisée, sièges en plastique recyclé. En sous-sol, une usine de production de froid permet le rafraîchissement de la salle. La machinerie sert également à chauffer les habitations du quartier. La Maire supplie les parisiens de ne pas fuir la ville. Elle déclare dans un emportement lyrique : « Cette inauguration, c'est un peu le début du commencement de la magie olympique. Paris va être magnifique. Ne partez pas pendant les Jeux. Ce serait une connerie. On va vibrer ensemble ». Tel est le niveau discursif du langage politique en vigueur. Juste avant l'arrivée de l'édile, une manifestation des sans-papiers, Pas de papiers, pas de Jeux Olympiques sur banderole. Un contrat avec la Mairie autorise l'équipementier allemand Adidas d'accoler son nom sur l'édifice pendant cinq ans. Le sport business contamine toute la société. Tout se vend. Tout se marchandise. Tout se privatise. Le patrimoine culturel, les bibliothèques, les musées, les écoles, les squares… Jamais les affaires publiques et capitalistes n'avaient fait aussi bon ménage. La Porte de la Chapelle demeure un lieu de détresse. Sous le pont traversant le boulevard Ney vivotent sans logis et toxicomanes. Un slogan tagué sur le mur rappelle : La Chapelle, porte de l'enfer. Des réfugiés ignorés par les institutions meurent de faim, de froid. Des crackers se livrent à des trafics misérables. Violences du dénuement. Les migrants affamés, épuisés, malades sont érythréens, irakiens, afghans, maliens pour la plupart. Certains sont marocains.
La folie des grandeurs bute sur la faisabilité. La jauge de spectateurs est d'ores et déjà rabaissée de 600 000 à 300 000 par le ministère de l'Intérieur. 100 000 personnes ont payé leur place sur les quais bas pour assister au spectacle fluvial, jusqu'à 2 700 pour les mieux placées. L'interrogation lancinante, la vulnérabilité des athlètes embarqués sur une centaine de bateaux face à une éventuelle attaque terroriste, revient obsessionnellement dans chaque tour de table. La gouvernance technocratique ne comprend toujours pas l'incompatibilité de la fête et de la sécurité. Les principaux dirigeants du Comité olympique sont dans le collimateur de la justice. Le Président de Paris 2024 et trois collaborateurs sont visés par des enquêtes judiciaires pour favoritisme, infractions financières, prises illégales d'intérêts, irrégularités relatives aux marchés publics, recels. Les procédures pénales s'accumulent.
Je ressors une vieille note. La folie des grandeurs est la maladie commune de tous les tyrans, à quelqu'échelle qu'ils sévissent, du despotisme municipal au césarisme mondial. L'autocrate se place d'emblée au-dessus des lois pour imposer sa seule et unique volonté. Le monde n'existe que parce qu'il s'en proclame le maître. Il accapare tous les pouvoirs. il persécute les détenteurs du savoir. Il traite ses alliés comme des corsaires, ses amis comme des adversaires. Et quand il est gavé d'omnipotence, il dégorge ses déboires sur ses derniers serviteurs, creuse sa propre tombe et, par avance, édifie un mausolée à sa gloire
Mustapha Saha
Sociologue
LUTTE DES BOUQUINISTES PARISIENS. ÉPILOGUE.
Mardi, 13 février 2024. Coup de théâtre. J'apprends l'annulation du déplacement des bouquinistes par la présidence. Une dépêche de l'AFP annonce la décision élyséenne : « Constatant qu'aucune solution consensuelle et rassurante n'a pu être identifiée avec ces acteurs, le président de la République a demandé au ministre de l'Intérieur et au préfet de police de Paris que l'ensemble des bouquinistes soient préservés, et qu'aucun d'entre eux ne soit contraint d'être déplacé ».
La presse étrangère se réjouit du rétropédalage du pouvoir. Des médias européens, américains, asiatiques ont réalisé des reportages sur place tout au long des sept mois de lutte. Le soir du simulacre du test de démontage, des télévisions japonaise et sud-coréenne étaient présentes. Le journal bavarois Süddeutsche Zeitung écrit « Bonne nouvelle. A la surprise générale, le président français décide le maintien des boîtes de bouquinistes, authentiques monuments culturels, sur leurs parapets. L'art et la manière de gagner des points de popularité à bon compte. L'opinion publique est largement acquise aux bouquinistes. Une pétition de soutien a réuni 184 000 signatures. Des voix nombreuses se sont indignées contre la liquidation de l'âme de la Seine ».
La résistance a payé. Dès juillet 2023, nous nous sommes mobilisés, avec Elisabeth, pour les bouquinistes des quais de Seine. J'ai publié une douzaine de chroniques. Je prépare un livre sur cette question sous le titre Les Bouquinistes parisiens, Ad vitam aeternam.
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Élections européennes. La place de Giorgia Meloni et de Fratelli d’Italia dans le processus de renforcement et recomposition des droites extrêmes au sein de l’UE

La crise de la démocratie se manifeste également par le malaise avec lequel les classes dirigeantes vivent les campagnes électorales. Et une aversion similaire transparaît dans les commentaires des journalistes des grands médias.
15 février 2024 | tiré du site alencontre.org | Photo : Giorgia Meloni aux côtés d'Ursula von der Leyen, Emmanuel Macron, Olaf Scholz, Viktor Orban, Charles Michel, Bruxelles, 1er février 2024.
En effet, parce que les campagnes électorales se succèdent, les scrutins politiques nationaux, puis régionaux, administratifs pour les municipalités, et maintenant les élections européennes début juin. Au cours des campagnes électorales, les forces politiques, gouvernement et opposition, droite, centre et centre-gauche, au lieu de se préoccuper de la gestion néolibérale de l'économie – de plus en plus anti-populaire et impopulaire –, sont amenées à faire des promesses électoralistes en direction du corps électoral (augmentation des retraites, baisse des impôts, financement des services publics, etc. ). Or, ces promesses, le plus souvent, ne sont pas tenues, et, lorsqu'elles le sont à la marge, enlèvent quelques ressources qui pourraient favoriser les profits des banques et des multinationales. Paradoxalement, elles font percevoir à l'électorat qu'une autre politique serait possible.
***
En Italie, le vote pour le Parlement européen a toujours été considéré comme un moment mineur dans l'affrontement politique, tant en raison des pouvoirs très limités de cette assemblée que parce que la gestion complexe de l'UE a toujours été confiée à la Commission européenne, qui a toujours dépendu de l'accord entre les deux principaux groupes parlementaires, ceux du PPE (Parti populaire européen) et du PSE (Parti socialiste européen).
Cependant, la situation géopolitique internationale chaotique, le regain d'importance des « grandes puissances » (Etats-Unis, Chine et Russie) – et les tensions qui en découlent –, face auxquelles les pays de l'UE font figure de micro-puissances, et l'émergence de nouveaux regroupements transnationaux (tels que les BRICS) formatent un contexte qui redonne de l'importance au « sujet continental » créé dans l'après-guerre et désormais fondé sur le Traité de Lisbonne de 2007.
Ces dernières années, l'Union européenne, avec l'adoption du traité de Maastricht – et, plus encore, après que les référendums de 2005 en France et aux Pays-Bas ont rejeté la « Constitution européenne » – a été de plus en plus dans la ligne de mire des forces politiques « souverainistes ». En Italie, elles sont représentées par le Mouvement 5 étoiles (« ni droite ni gauche ») et surtout par l'ultra-droite de la Lega de Matteo Salvini et des Fratelli d'Italia (FdI) de Giorgia Meloni.
***
Ainsi, dès le début [22 octobre 2022], le gouvernement Meloni a dû composer avec une politique qui, sans renier les polémiques rudes et démagogiques du passé, ferait jouer à la nouvelle Première ministre un rôle important et actif au sein des instances européennes. Cela dans le but déclaré d'user et de briser la domination jusqu'ici incontestée des démocrates-chrétiens, des socio-libéraux et des libéraux.
L'exploit est plutôt réussi pour Giorgia Meloni. Elle a pu présenter sa participation aux sommets de Bruxelles (et plus généralement aux sommets internationaux tels que le G7, le G8 et le G20) comme une présence influente et efficace dans la protection des « intérêts nationaux » au sein des institutions internationales.
Mais l'intérêt sans précédent des post-fascistes pour les institutions de l'UE découle avant tout de leur espoir fondé de pouvoir obtenir, lors des élections de juin 2024, des résultats qui modifieront de manière significative l'image et la politique de l'UE.
La droite, et en particulier ses franges les plus extrêmes, progresse dans presque tous les pays. Dans plusieurs Etats membres de l'UE, on peut anticiper une progression significative du nombre de députés européens partageant cette orientation politique. On sait que les listes d'extrême droite ont déjà connu une croissance significative, dont on s'attend qu'elle soit confirmée et peut-être consolidée lors des élections de juin : en France (avec le Rassemblement national de Marine Le Pen, sans compter Reconquête de Marion Maréchal et Eric Zemmour), en Allemagne (avec les néonazis de l'AfD), aux Pays-Bas (avec le PVV-Parti pour la liberté de Geert Wilders), en Autriche (avec le FPÖ-Parti de la liberté), en Suède (avec les « Démocrates »), en Belgique (avec le Vlaams Belang flamand). En Espagne, l'absence d'enjeu gouvernemental – à la différence des élections de juillet 2023 – pourrait permettre à Vox de récupérer une part significative de l'électorat qui avait voté pour le Partido Popular (PP). Au Portugal, une hausse de Chega n'est pas à sous-estimer.
Sans oublier le Hongrois Viktor Orban, dont le parti Fidesz a annoncé qu'il rejoindrait le groupe de Giorgia Meloni au prochain Parlement européen. A cela s'ajoute la taille du PiS polonais, qui a toujours été membre du groupe actuellement présidée par Meloni (Conservateurs et réformistes européens-CRE, à la tête duquel se trouvait aussi Nicola Procaccini) et qui, bien qu'ayant perdu le gouvernement national à l'automne dernier, continue d'hégémoniser plus d'un tiers du corps électoral.
Selon les sondages, les populistes « anti-UE » devraient arriver en tête dans neuf pays (Autriche, Belgique, République tchèque, France, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Pologne et Slovaquie) et en deuxième ou troisième position dans neuf autres (Bulgarie, Estonie, Finlande, Allemagne, Lettonie, Portugal, Roumanie, Espagne et Suède).
***
En Italie, le parti Fratelli d'Italia (FdI) n'a recueilli « que » 6,4% des voix aux dernières élections de 2019, élisant cinq députés. Actuellement, les sondages le créditent d'environ 30%, ce qui équivaut à 25-26 sièges. Bien sûr, il faut avoir à l'esprit qu'en parallèle l'autre parti d'extrême droite – allié mais en concurrence sourde avec Fratelli d'Italia –, la Lega de Matteo Salvini, passerait de 34,2% en 2019 (28 député·e·s) à un résultat probablement inférieur à 10% (donc 7-8 élu·e·s).
Mais il ne s'agirait pas seulement d'un déplacement de voix et de sièges parlementaires au sein du champ de l'extrême droite. Le projet de Giorgia Meloni et de son groupe CRE est beaucoup plus articulé et ambitieux que celui de Matteo Salvini et du groupe Identité et démocratie (ID) auquel il se rattache (dans lequel on retrouve, entre autres, l'AfD, le RN et le Vlaams Belang).
Le groupe ID auquel appartient la Lega (son nom le dit déjà) a toujours adopté une ligne politique identitaire et souverainiste en Italie et en Europe, une opposition « pure » mais semi-impuissante face au système. Certes, cette approche a été payante lors du dernier tour des élections européennes en 2019, mais ce résultat important n'a en rien affecté la structure de l'UE.
***
Aujourd'hui, Giorgia Meloni a explicitement exprimé sa volonté d'influencer l'orientation de l'Union avec son résultat positif prévisible. Au cours de ces 16 mois de présidence du Conseil des ministres (mais elle avait déjà commencé plus tôt), elle s'est efforcée de tisser des alliances qui lui faciliteront la tâche.
Elle se targue d'avoir noué une « amitié politique » avec la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, et avec la présidente maltaise du Parlement, Roberta Metsola. Ses rencontres répétées avec Manfred Weber, le chrétien-démocrate bavarois et chef du groupe PPE à Strasbourg, sont connues.
Et surtout, elle espère profiter des retombées du glissement général vers des positions plus extrêmes du pôle traditionnel de droite, d'une droite qui a d'ailleurs largement contribué ces dernières années à « normaliser » l'extrême droite dans un échange mutuel, mettant définitivement de côté, comme un inutile vestige d'un passé désormais archivé, le « discriminant antifasciste ».
En Espagne, le PP s'est présenté lors des dernières élections de juillet comme disponible pour construire une majorité avec les néo-franquistes de Vox. En France, le parti néo-gaulliste des Républicains adopte de plus en plus le programme du RN et Macron lui-même, avec ses gouvernements, a adopté un langage raciste et islamophobe emprunté à celui de Marine Le Pen. Et la CDU (Christlich Demokratische Union) allemande, pivot du PPE, a commencé à faire des ouvertures significatives, bien que pour l'instant marginales, vers l'AfD.
Mais surtout en Italie, où l'alliance entre les « populaires » italiens, organisés dans le parti Forza Italia, et les post-fascistes alors de Gianfranco Fini et maintenant de Giorgia Meloni a été conclue il y a déjà trente ans et s'est consolidée au fil des décennies. Elle est passée de la domination incontestée du « libéral » Silvio Berlusconi à la suprématie des néo-fascistes.
Au sein des institutions européennes, l'extrême droite a jusqu'à présent été reléguée à un rôle sans importance. Dans la Commission dirigée par Ursula von der Leyen à partir de 2019, sur 27 membres, il n'y a que le Polonais Janusz Wojciechowski (PiS), commissaire à l'Agriculture, issu du groupe CRE.
***
L'hypothèse d'un poids croissant de l'extrême droite dans les institutions européennes et l'appétit de pouvoir d'une extrême droite tenue à l'écart de la « salle de contrôle » depuis des décennies ont conduit à des scénarios inédits.
L'un des handicaps qui a pesé et pèse encore sur l'extrême droite est son organisation en deux « familles politiques », celles de l'ID et de CRE. Ainsi, il semble qu'un dialogue se soit ouvert entre les deux dirigeantes du RN français et de Fratelli d'Italia, Marine Le Pen et Giorgia Meloni, jusqu'alors intégrées dans deux groupes parlementaires différents et antagonistes.
La Première ministre italienne, dans sa dernière conférence de presse début janvier, avait saisi « une évolution intéressante » au sein du Rassemblement national, gratifiant Marine Le Pen de déclarations flatteuses et affichant l'objectif, d'une part, de la détacher des représentants néonazis allemands de l'Afd et, d'autre part, de l'impliquer dans le dialogue avec le PPE. Dans le même temps, la leader de la droite française avait salué les « signes de dialogue » de la première ministre italienne.
Jean-Paul Garraud, chef de groupe des parlementaires du Rassemblement national à Strasbourg, avait été très explicite dans un entretien accordé à un journal italien de référence (Il Foglio) et avait déclaré qu'« entre Giorgia et Marine il y a une similitude que l'on ne peut pas ne pas remarquer, ce sont deux dirigeantes qui parfois se sont inspirées l'une de l'autre », soulignant que la séparation actuelle de la droite européenne en deux groupes, celui de l'ID et celui de CRE, n'est pas fonctionnelle à « leur projet pour l'Europe ». Il a affirmé : « Personnellement, je n'exclus pas le fait qu'il pourrait y avoir demain des recompositions avec de nouveaux partis ou même de nouveaux groupes, portant un nouveau nom, si les chiffres nous donnent raison », tout en espérant « l'avènement d'un mouvement souverainiste européen ».
Il n'est pas simple d'interpréter le choix de Nicolas Bay, seul eurodéputé de Reconquête ! – le parti d'extrême droite français dirigé par Eric Zemmour – de rejoindre il y a quelques jours le groupe CRE dirigé par Giorgia Meloni. La décision a été communiquée à la presse par Marion Maréchal, prochaine cheffe de file de Reconquête ! aux élections européennes. Marion Maréchal a présenté ce choix en l'inscrivant dans la perspective de la création d'une « grande coalition de droite en France, sur le modèle de la coalition italienne », sans se prononcer sur l'hypothèse d'un rapprochement entre sa tante Marine et la dirigeante de Fratelli d'Italia.
Bien entendu, il est tout à fait improbable que ce rapprochement se concrétise avant le vote de juin. Les obstacles sont trop nombreux. Zemmour lui-même, qui pourrait ne pas vouloir adhérer à un projet qui, au moins en ce qui concerne la France, serait complètement hégémonisé par les amis/antagonistes du RN. Et, plus encore, Matteo Salvini qui, depuis quelque temps, s'engage de plus en plus à prendre ses distances avec la « conversion pro-européenne » de Giorgia Meloni et à se présenter comme le seul véritable représentant du « souverainisme italien ».
***
Un autre obstacle est l'incapacité politique et « culturelle » de Giorgia Meloni à se dissocier des fréquentes remarques néofascistes des membres de son parti ou, plus généralement, de l'extrême droite.
L'épisode embarrassant qui s'est produit à Rome le 7 janvier, lorsqu'un millier de néofascistes (venus également d'autres pays européens) ont organisé une commémoration grotesque d'un événement sanglant qui s'est produit il y a 46 ans [la mort de trois militants d'extrême droite ; l'organisation fasciste CasaPound organise chaque année ce rassemblement], a fait grand bruit. La vidéo éloquente de cette manifestation inquiétante a rapidement fait le tour du monde, recueillant les commentaires plus ou moins sincèrement scandalisés de nombreuses personnalités politiques, y compris des représentants de divers partis de centre-droit et de droite.
Dans les jours qui ont suivi, Giorgia Meloni a choisi de ne pas s'exprimer. En effet, il n'y a pas si longtemps, elle et ses collaborateurs ont également participé à ces célébrations le bras tendu. Ces quelque mille néofascistes sont représentatifs d'un « noyau dur » beaucoup plus large de nostalgiques du régime de Mussolini qui constitue un secteur non négligeable de l'électorat melonien. Surtout, ceux-ci peuvent être utiles s'il s'agit de raviver le combat social et politique aujourd'hui passablement endormi en Italie. En outre, on peut rappeler que la Première ministre a grandi dans un environnement marqué non seulement par la nostalgie mussolinienne mais aussi par l'« anti-antifascisme », c'est-à-dire l'aversion pour une culture et pour toute initiative politique marquée par l'antifascisme.
Dès lors, pour ne déplaire à personne, ni aux potentats européens plus ou moins hypocritement encore conditionnés par l'antifascisme, ni à sa base militante, Giorgia Meloni a choisi de se taire, sachant bien que les réactions suscitées par l'épisode s'éteindraient au bout de quelques semaines. Ce qui s'est précisément produit.
***
Pour animer sur le plan social la campagne électorale européenne, à l'instar de leurs collègues européens, les agriculteurs italiens sont descendus dans la rue avec une certaine force ces dernières semaines.
Matteo Salvini n'a pas manqué l'occasion de tenter de braquer les projecteurs sur ce mouvement. Il a immédiatement et sans réserve endossé les revendications du « mouvement des tracteurs », tant celles contre la politique agricole de l'UE (PAC) et son Green Deal, que celles qui critiquent le gouvernement de Rome, dont il est d'ailleurs le vice-président. En tant que ministre chargé des Infrastructures, il a fait adopter il y a quelques mois un décret renforçant les sanctions contre ceux qui « bloquent le trafic routier », pensant ainsi frapper les flash mobs des écologistes et les piquets de grève des travailleurs. Mais ces derniers jours, il a été photographié à plusieurs reprises en train de participer avec un air d'autosatisfaction à des manifestations au cours desquelles des agriculteurs ont bloqué des autoroutes et des voies rapides.
Bien que le ministre de l'économie (Giancarlo Giorgetti) soit un membre éminent de la Lega Nord, Matteo Salvini a réussi à contraindre toute la majorité de droite à continuer d'exonérer la grande majorité des agriculteurs du paiement de l'impôt sur le revenu et à annuler presque toutes les mesures visant à protéger les cultures contre l'exploitation intensive et l'abus de pesticides et de produits phyto-pharmaceutiques.
D'ailleurs, à l'heure où nous écrivons ces lignes, le dossier n'est pas clos et les différents mouvements dans lesquels les agriculteurs se sont organisés rivalisent dans la radicalité de leurs revendications et de leurs initiatives de lutte.
L'Italie compte un peu plus d'un million d'exploitations agricoles, pour la plupart des petites et très petites exploitations familiales. Or l'agriculture ne représente que 2,14% du PIB national. Jusqu'à il y a quelques décennies, les petits agriculteurs étaient divisés entre les principales familles politiques. Le syndicat lié à la gauche, la CGIL, avait également deux organisations, l'une dédiée aux salariés agricoles (les Federbraccianti) et l'autre aux petits exploitants/métayers et fermieres (les Federmezzadri). Depuis quelque temps, le monde agricole (à quelques exceptions près mais qui confirment la règle) soutient en bloc la droite et surtout l'extrême droite, notamment parce qu'il est intéressé à maintenir le chantage raciste contre les migrants, qui permet de renforcer les formes de subalternité et d'exploitation. Au moins la moitié des salariés agricoles sont des migrants, 46% selon les chiffres officiels mais qui ne tiennent pas compte du fait qu'une grande partie de ces migrants travaillent « au noir ».
Bien sûr, le malaise des agriculteurs a aussi de bonnes raisons car le laisser-faire néolibéral des dernières décennies a fait des ravages non seulement parmi le salariat, mais aussi parmi les petites et très petites exploitations qui sont de plus en plus asphyxiées par la puissante emprise de l'agro-industrie et des grandes entreprises de distribution commerciale.
Toutefois, les dirigeants des mouvements d'agriculteurs (économiquement dominants) ont préféré centrer leur lutte, tant en Italie que sur le continent, contre les mesures de protection de l'environnement et pour plus d'exonérations fiscales et plus de subventions nationales ou européennes.
***
Dans la perspective du vote européen de juin prochain, la droite tente de tirer le meilleur parti des mobilisations des tracteurs et, au sein de la coalition qui gouverne l'Italie, chaque force politique essaie d'accumuler le maximum de consensus, sachant bien qu'après le vote – en Italie et à Bruxelles – s'ouvriront d'importants débats politiques et des réaménagements importants de positions de pouvoir.
Giorgia Meloni a émis l'hypothèse de se présenter comme tête de liste sur celle de son parti dans les cinq circonscriptions plurinominales qui divisent le territoire italien. [Ces cinq circonscriptions, avec un nombre de sièges différent et variable, forment un corps électoral unique.] Giorgia Meloni est bien consciente que sa présence au Parlement européen est substantiellement incompatible avec son rôle de Première ministre, mais elle sait aussi que Fratelli d'Italia, sans une forte visibilité de sa personne, ne représente pas grand-chose pour l'électorat.
Elle évalue également les raisons pour lesquelles elle pourrait se comporter différemment : le risque de déclencher un référendum sur sa personne et, également, de trop cannibaliser la base électorale résiduelle de ses alliés, la Lega et Forza Italia.
Ainsi, Elly Schlein, la jeune dirigeante du Parti démocrate, est elle aussi en train de décider si elle présentera sa candidature partout, c'est-à-dire dans les cinq circonscriptions, avec le risque de transformer le vote de juin en une sorte de référendum portant sur les deux dirigeantes.
Mais, selon tous les sondages, toutes ces « grandes manœuvres » ne parviennent pas à émouvoir ou à faire bouger les 40% d'électeurs italiens qui semblent avoir choisi de manière quasi structurelle de ne pas participer au rituel électoral.
En tout cas, malgré la faible influence institutionnelle du Parlement européen (son seul véritable moment de décision est celui de l'élection du président de la Commission), il semble que jamais le vote de juin n'ait été autant au centre des préoccupations des dirigeants et des forces politiques qu'en cette occasion. Nous savons, parce que tous les pronostics vont dans ce sens, qu'il y aura une présence plus forte de l'extrême droite. Par contre, nous ne savons pas si elle sera encore divisée en deux groupes politiques, ou si se produire une convergence, y compris avec les conflits-négociations qui marquent ces processus.
***
Au fil des décennies, la composition du Parlement européen a profondément changé. En 1994, le groupe PSE était le groupe politique le plus important, avec une représentation de 35% (il n'est pas possible de comparer le nombre de députés européens, car leur nombre a augmenté au fil des ans en raison de l'adhésion d'autres Etats). Aujourd'hui, les « socialistes et démocrates » sont réduits à 20%, en raison de la diminution de leur poids dans des pays importants (Italie, France, Allemagne elle-même). Ils sont voués à connaître une nouvelle diminution, notamment en raison de leur implication dans des scandales tels que celui qui a mis en cause d'importants représentants « socialistes », comme la Grecque Eva Kaïli, une des vice-présidentes de l'Union européenne et l'Italien Antonio Panzeri, coupables d'avoir défendu contre toute évidence le caractère prétendument « démocratique » des régimes du Qatar, des Emirats arabes et du Maroc, en empochant à cette fin des pots-de-vin se chiffrant en centaines de milliers d'euros.
Le parlement qui sortira des urnes en juin verra probablement la reconfirmation du PPE comme premier parti (dans le parlement sortant, il contrôle 24% des députés, mais en 1999, il en contrôlait 37%). Mais les deux coalitions dans lesquels s'organise (encore) l'extrême droite (CRE et ID) pourraient, si les valeurs des sondages se confirment et s'ils additionnent leurs forces, constituer le groupe le plus important, pouvant influencer de manière décisive certaines politiques continentales déjà largement marquées par les forces réactionnaires, grâce également au glissement vers la droite que connaissent aussi bien le PPE que le groupe « libéral » de l'Europe du renouveau (ER), auquel appartiennent également les macroniens français.
Il va de soi que nous ne faisons pas partie des partisans du pacte entre PPE et PSE qui a dominé jusqu'à présent les institutions de l'UE. Mais nous ne sommes pas non plus partisans de l'idée néfaste du « pire est le mieux ». C'est pourquoi nous ne pouvons manquer de souligner combien la perspective que nous avons décrite constitue une hypothèse particulièrement mauvaise pour qui se préoccupe des droits démocratiques, des droits sociaux, et des mobilisations mettant en question le pouvoir déterminant des secteurs économiques et politiques qui provoquent et gèrent la catastrophe climatique et environnementale. (14 février 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)

Russie-débat. « Alexeï Navalny : la mort annoncée du principal opposant à Poutine annonce la fin de la politique en Russie »

Les informations faisant état de la mort du plus célèbre leader de l'opposition russe, Alexeï Navalny, dans un camp de prisonniers de l'Arctique sont choquantes, mais pas totalement inattendues. Sa mort souligne l'évolution politique de la Russie au cours des deux dernières décennies en mettant en relief qu'une contestation de l'intérieur n'est plus possible [1].
17 février 2024 | tiré du site alencontre.org
Alexeï Navalny a été le dernier homme politique public à poser un véritable défi au Kremlin, mais sa tentative de renverser le régime a échoué bien avant ce qui semble être sa mort « précoce » en prison [à l'âge de 47 ans].
Ses calculs irréalistes quant à l'impact de son retour en Russie en 2021 ont conduit au démantèlement des vestiges de toute opposition organisée qui n'était pas sanctionnée – et contrôlée – par l'État russe.
Alexeï Navalny a fini en prison, ses partisans ont été arrêtés ou ont fui à l'étranger. En conséquence, lorsque l'invasion de l'Ukraine a eu lieu, il y a eu très peu de manifestations de rue pour s'y opposer.
Actif dans la politique russe depuis plus de 20 ans, Alexeï Navalny s'est principalement attaché à identifier et à éradiquer la corruption de l'Etat, un problème dont la matière est presque illimitée dans la Russie moderne. Il a adopté de nouvelles méthodes pour faire connaître ses enquêtes à un public aussi large que possible, notamment l'Internet, en particulier par l'intermédiaire de sa chaîne YouTube. Certains de ses clips les plus populaires sont visionnés des dizaines de millions de fois.
Mais les enquêtes sur la corruption et les blogs n'ont pas suffi à remettre en cause la position de Poutine dans la politique russe. C'est pourquoi Alexeï Navalny s'est de plus en plus tourné vers l'action directe et les manifestations de masse dans les rues.
Il a connu son heure de gloire en 2011, lorsque les allégations de fraude généralisée lors des élections à la Douma de décembre 2011, associées à l'annonce du retour de Poutine à la présidence en septembre 2010, ont fait descendre des dizaines de milliers de manifestants dans les rues de Moscou.
Bien que les manifestations n'aient pas été organisées par Navalny, son charisme et sa rhétorique plus radicale ont fait de lui le visage le plus visible des manifestations, éclipsant des leaders de l'opposition plus établis tels que Boris Nemtsov [assassiné le 27 février 2015 sur le pont Bolchoï Moskvoretski près du Kremlin, un lieu particulièrement sécurisé]. Cependant, les manifestations de masse de 2011-2012 n'ont pas empêché la réélection de Poutine en mars 2012 et ont fini par s'éteindre [2].
Mais les manifestations ont incité le Kremlin à changer de cap et à expérimenter la possibilité pour l'opposition de se présenter aux élections. Alexeï Navalny en a été le principal bénéficiaire, étant inscrit pour les élections à la mairie de Moscou à l'été 2013. C'était la seule chance réelle de Navalny de gagner le pouvoir dans le système électoral étroitement contrôlé de la Russie.
Il a fait campagne avec enthousiasme et a obtenu un score respectable de 27% des voix. Mais cela a également montré les limites de son influence. Moscou était à l'époque l'une des villes les plus favorables à l'opposition en Russie, l'une des rares régions où Poutine avait obtenu moins de 50% lors de l'élection présidentielle de 2012.
Si l'opposition pouvait vraiment défier le Kremlin, c'était à Moscou. Mais la participation a été extrêmement faible (32%) et le maire sortant, Sergueï Sobianine, a obtenu les 51% dont il avait besoin pour éviter un second tour face à Alexeï Navalny.
Ce résultat est révélateur du problème de l'opposition : sa dépendance à l'égard des limites d'un noyau de partisans engagés dont la flamme pour le changement ne s'est pas propagée à l'ensemble de la population.
Le dernier coup de dés
Dans la Russie d'aujourd'hui, les élections sont une chose acquise, mais elles représentent également une vulnérabilité potentielle pour le Kremlin. Le Kremlin doit trouver un équilibre délicat entre le contrôle des élections et leur légitimité. Trop de contrôle, ou une fraude pure et simple, et la valeur légitimante des élections s'en trouve réduite.
Cela peut conduire à des résultats potentiellement déstabilisants, comme l'ont montré les manifestations de masse à Moscou en 2011 ou en Biélorussie en 2021, et comme cela s'est produit lors des élections ukrainiennes de 2004, qui ont conduit à la première « révolution orange ».
Alexeï Navalny l'a bien compris et a fait de sa participation à l'élection présidentielle de 2018 son principal objectif. Sa stratégie a consisté à causer suffisamment d'ennuis aux autorités à l'approche du scrutin, notamment par le biais de diverses manifestations de rue, pour les contraindre à l'autoriser à se présenter en tant que candidat officiel à ces élections.
A cette fin, il a mis en place un réseau régional de QG Navalny qui fonctionnait en parallèle avec sa principale organisation de lutte contre la corruption, la FBK (Fondation anti-corruption). Cela permettait à Alexeï Navalny d'avoir une portée nationale potentielle, contrairement à l'ancienne opposition centrée sur Moscou.
Cette stratégie n'a pas produit le résultat escompté, à savoir l'inscription d'Alexeï Navalny sur les listes électorales. Mais elle a semblé ébranler suffisamment les autorités pour qu'elles veuillent s'occuper du « problème Navalny ».
Poison et emprisonnement
En août 2020, Alexeï Navalny tombe malade lors d'un vol et, selon les médecins allemands qui l'ont soigné, il échappe à une mort quasi certaine due à un agent chimique de type Novichok.
Il rentre d'Allemagne en janvier 2021 et est immédiatement arrêté à son arrivée à Moscou. Les manifestations de masse qui ont suivi ont été inhabituelles par leur ampleur régionale, mais pas suffisantes pour défier réellement le Kremlin. Au lieu de cela, les autorités ont interdit en Russie les structures liées à Navalny et ont soit arrêté, soit forcé les personnes qui travaillaient pour elles à fuir la Russie.
Le sort d'Alexeï Navalny est devenu le principal sujet de discorde pour Moscou dans ses relations avec les gouvernements et les médias occidentaux. Alexeï Navalny a fait l'objet de contacts incontournables à haut niveau avec les autorités russes ; le conseiller à la Sécurité nationale de Joe Biden, Jake Sullivan, avait averti que la Russie subirait les conséquences de la mort d'Alexeï Navalny en prison.
Mais tout cela est devenu insignifiant après l'invasion totale de l'Ukraine à la fin du mois de février 2022. Du jour au lendemain, le sort de Navalny a semblé amoindri dans le contexte de la plus grande guerre que l'Europe ait connue depuis 1945.
Le programme de Navalny, qui consistait à susciter suffisamment de protestations internes pour renverser le régime, est devenu obsolète lorsque les nouvelles lois anti-opposition ont été appliquées et que la plupart de ses partisans les plus ardents ont fui le pays. Alexeï Navalny a tenté de rester d'actualité en défendant ses idées depuis sa prison, notamment en appelant à mettre fin à la guerre en cédant tous les territoires ukrainiens, y compris la Crimée [3], et en versant des réparations à l'Ukraine. Il n'est pas certain qu'il ait gagné des partisans en Russie, mais il a certainement séduit les exilés et les gouvernements occidentaux.
L'Occident et ses alliés ont imposé un niveau de sanctions sans précédent à la Russie et fourni à l'Ukraine le soutien militaire nécessaire pour défaire Poutine sur le champ de bataille. Il n'y a littéralement rien d'autre que l'Occident puisse faire pour punir la Russie à propos du sort de Navalny.
Le reste n'est que dictature
Alexeï Navalny était manifestement un homme politique très courageux et charismatique qui a posé le défi intérieur le plus important au régime de Poutine depuis plus d'une décennie. Il n'a jamais vraiment été proche de mettre en question le pouvoir Poutine et il a peut-être souvent surestimé le niveau de soutien dont il bénéficiait en Russie.
Avec l'annonce de sa mort « précoce » en prison, la question demeure de savoir s'il aurait pu faire plus depuis son exil à l'Ouest. Il aurait rejoint une longue liste de dirigeants de l'opposition russe, de l'ancien oligarque Mikhaïl Khodorkovski au champion d'échecs Garry Kasparov, qui n'ont pratiquement aucune influence sur ce qui se passe en Russie. Mais le refus d'Alexeï Navalny de s'engager dans cette voie, et sa conviction de sa propre importance, est précisément ce qui l'a distingué dans la politique russe.
En fin de compte, la mort d'Alexeï Navalny met un terme à l'époque où la politique était la politique en Russie. Aujourd'hui, il n'y a plus que l'autoritarisme personnel de Poutine. (Article publié sur le site anglais The Conversation le 16 février 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)
Alexander Titov est maître de conférences en histoire européenne moderne, Queen's University Belfast.
[1] Dès 2020, le régime répressif s'exacerbe et se consolide suite à l'invasion militaire de l'Ukraine en février 2022. Les arrestations se multiplient et la dureté des condamnations (nombre d'années de prison, conditions d'emprisonnement, lieu de détention…) s'accentue.
En décembre 2021, l'ONG Memorial International et les organisations régionales sont déclarées devant être dissoutes. En mars 2022, des perquisitions sont opérées dans les deux bureaux de l'ONG à Moscou. Oleg Orlov, vice-président de Memorial, est, en mars 2022, poursuivi et puni pour des « actions publiques répétées visant à discréditer les formes armées défendant les intérêts de la Russie et de ses citoyens ainsi que la paix et la sécurité internationales ». En décembre 2022, Memorial et le Centre pour les libertés civiles ukrainien, ainsi que l'opposant biélorusse Ales Bialiatscki se voient attribuer le Prix Nobel. Orlov fait face actuellement à un nouveau procès avec le risque d'une condamnation très lourde. Des informations sur la répression politique en Russie peuvent être glanées sur le site de Memorial. Vladimir Kar-Mourza a été condamné en avril 2023 à 25 ans de prison, une des peines de prison les plus lourdes infligées à un opposant politique. Il est détenu dans une prison située au nord de la Sibérie. (Réd.)
[2] Anna Colin Lebedev, enseignante à l'Université de Paris Nanterre, auteure entre autres de Jamais frères ? Ukraine et Russie : une tragédie postsoviétique (Seuil, 2022), précisait sur France Culture, en date du 17 février 2024, des aspects de la trajectoire de Navalny qui complètent le descriptif d'Alexander Titov : « Avant les années 2000, avant la lutte contre la corruption, une des clés de la compréhension du personnage renvoie aux années 1990. Navalny est un enfant de l'époque post-soviétique… Son activité professionnelle durant toutes les années 1990 était celle d'entrepreneur. Un jeune entrepreneur qui a lancé des entreprises, qui ont fait faillite, certaines ont été liquidées, d'autres ont continué à vivoter. Quand on examine sa biographie des années 1990, il y a un foisonnement d'activités dans le monde des affaires qui est complètement caractéristique de la Russie de l'époque où on navigue dans des eaux très troubles, où on bidouille, où on s'arrange, où on rencontre d'ailleurs la corruption en direct. Je pense que cela détermine une connaissance de la société, une manière de saisir la société très particulière où tous les enjeux de la société sont saillants. Et c'est en tant qu'entrepreneur qu'il se lance en politique et qu'il mène comme un projet dans les affaires… La corruption, il va la pratiquer et la subir, et la combattre. Il pense que le thème de la corruption parle plus à la population que le thème de la démocratie. [Le thème sera concrétisé en termes de slogan en qualifiant, dès 2011, Russie unie, parti de Poutine, de « parti des escrocs et des voleurs », un slogan qui aura une grosse audience et illustré par des vidéos. Il y avait une certaine liberté d'expression au début des années 2010.] Navalny va évoluer concernant sa « pensée nationaliste ». En 2011-2012 il est critiqué par un secteur de l'opposition en relation avec ses affiliations passées. Il a été exclu du Parti démocratique russe unifié Iabloko sur la base d'une accusation de nationalisme. Dans les années 2000-2010 il est proche de mouvements nationalistes assez radicaux dont on trouve des membres dans les soutiens à Vladimir Poutine. Il prône alors la participation à ce qui est appelé les « marches russes », des marches nationalistes. Il a des déclarations hostiles à l'égard de migrants [d'Asie centrale]. Il semble s'être défait de ces traits nationalistes, bien que ce ne soit pas absolument clair, et sa plateforme minimale, au-delà de la corruption, est la défense de l'Etat de droit, comme préalable à tout changement politique. » (Réd.)
[3] En 2014, Navalny fait des déclarations sur l'Ukraine qui lui étaient encore reprochées dernièrement par les Ukrainiens. Il était alors favorable à l'annexion de la Crimée par la Russie. (Réd.)

États-Unis - Élections 2024, déformation et dysfonction

Dans une Amérique polarisée, pleine de colère, rongée par l'anxiété et la crise, de vastes secteurs d'un électorat fragmenté et divisé se retrouvent au moins sur ce qu'ils ne veulent pas, à savoir,une version 2024 du duel électoral entre Joe Biden et Donald Trump pour la présidentielle. À dix mois de l'échéance, cependant, et avec des évolutions encore possibles mais peu probables, c'est le spectacle auquel il faut nous attendre.
Against the Current
Revue L'Anticapitaliste n° 153 (Février 2024)
Crédit Photo
Le président Joe Biden et sa vice-présidente, Kamala Harris, en 2022. © The White House
Cette perspective, entre les comparutions en justice de Trump et les ratés de Biden, permet de comprendre le climat général singulier, entre agitation politique et apathie. Des millions d'électeurs/trices de milieux populaires (les inconditionnels de Trump mis à part) vont devoir voter pour ceux des candidats et des partis qu'ils méprisent le moins, et non pour des programmes qu'ils apprécient.
C'est ce malaise, loin de tout enthousiasme, qui explique aussi pourquoi le candidat antivax et raciste Robert F. Kennedy Jr, cliniquement dérangé, obtient 24 % d'intentions de vote en tant qu'indépendant, ou pourquoi le sénateur démocrate de droite, Joe Manchin, envisage une campagne « sans étiquette » pour « mobiliser le centre » et pourrait décider du sort de l'élection.
Nul ne doit prendre à la légère ce qu'une seconde présidence Trump pourrait signifier, avec son personnel politique ; ses camps de déportation/concentration déjà annoncés, destinés à l'internement des demandeurs d'asile ; ses exclusions d'étudiant·es pour militantisme propalestinien ; ses attaques ciblées sur la presse ; ses licenciements en masse de personnels gouvernementaux que viendront remplacer des loyalistes du régime ; ses amnisties collectives pour les aspirants à l'insurrection du 6 janvier 2021 ; et tout le chaos que l'on peut attendre de sa politique impérialiste globale.
La campagne menée par Nikki Haley, la principale rivale de Trump ayant émergé, est soutenue (comprendre, achetée) par les frères Koch et leur publication Americans for Prosperity (comprendre, ploutocratie). Il s'agit d'une tentative de consolidation d'une option tout aussi ouvertement réactionnaire, mais plus en phase avec le néoconservatisme officiel que ne l'est la dérive criminelle de Trump et de son possible deuxième mandat. Cette candidature de Haley a de bonnes chances d'être bien accueillie par une bonne partie des classes dirigeantes capitalistes étatsuniennes. Un commentateur de droite, Nolan Finley, dans Detroit News, encourage d'ailleurs Haley à devenir la candidate « sans étiquette ».
Entre succès militants et ironie d'un échec politique
Pour ne pas tomber dans une vision trop sombre de la situation, il nous faut revenir sur les exemples positifs d'interventions sociales qui ont permis des avancées. On pense d'abord au retour des luttes du monde du travail qui ont fini par obtenir des acquis importants pour les ouvriers de l'automobile, chez UPS, et qui ont abouti à un début d'implantation syndicale chez Tesla et Amazon.
Deuxièmement, en ce moment même, on pense aux grandes manifestations en faveur du cessez-le-feu dans la guerre israélienne à Gaza et en Palestine.
Enfin, il y a le dégoût général qu'inspire l'extrémisme anti-avortement de la droite, cynique et profondément malfaisant, prêt à sacrifier la vie des femmes à la cause « pro-vie », à quoi s'ajoutent les censures contre des publications et les mesures visant à faire disparaître des électeurs des listes dans certains États.
Ces exemples montrent que les mouvements sociaux sur une base de classe ne faiblissent pas, comme le montrent aussi toute une multitude de luttes locales, dans des quartiers, autour du droit à l'avortement, de la question trans et du droit au logement, entre autres. Le fait que ces luttes ne parviennent pas à dynamiser le débat électoral au niveau national est la marque d'un système politique déformé et dysfonctionnel.
On ne se livrera pas ici à l'exercice des pronostics, ni à une analyse détaillée des sondages, ni (du moins pour l'instant) à une discussion en bonne et due forme de l'éventualité d'une candidature progressiste indépendante. Cette dernière possibilité, d'une importance capitale, devra faire l'objet d'une réflexion approfondie à l'avenir. Dans l'immédiat, nous nous intéresserons aux multiples ironies de ce début de saison électorale.
S'il y a un domaine dans lequel le gouvernement Biden-Harris devrait au moins recevoir une mention passable, voire avoir peut-être droit à quelques applaudissements, ce devrait être la santé générale de l'économie post-pandémie. Pourtant, c'est là que les sondages indiquent « une plus grande confiance dans les républicains », dont l'action est la plus caricaturalement favorable à l'enrichissement des riches, à l'appauvrissement des pauvres, aggrave les déficits tout en se prétendant fiscalement responsable.
Succès éclatant en termes de relations publiques pour la ploutocratie se présentant sous les traits d'un populisme. Les éditorialistes et le personnel du parti démocrate désespèrent manifestement de constater que la politique économique de Biden (les « Bidenomics ») ne parvient pas à obtenir l'adhésion qui devrait lui revenir. Les raisons de cette anomalie apparente, cependant, ne se limitent en rien à un simple problème de mauvaise « com ».
Il est vrai que ce gouvernement est arrivé au pouvoir avec un programme d'investissement et de reconstruction (Build Back Better) digne d'un réel intérêt, voire potentiellement porteur de transformations profondes (ce en dépit de toutes ses envolées nationalistes dirigées contre la montée en puissance de la Chine). Empruntant aux propositions de Bernie Sanders et aux partisans de la transition verte, le programme prévoyait une dépense fédérale substantielle (en matière d'infrastructures et de transition énergétique) correspondant à environ la moitié du budget annuel de défense.
Grâce au sénateur Manchin, entre autres, l'essentiel du programme fut revu à la baisse pour être réduit à ce qui allait devenir l'Inflation Reduction Act. Par exemple, la disparition progressive des aides attribuées pour faire face à la pandémie, qui virent la pauvreté infantile réduite de moitié – véritable succès face à la violence de l'inégalité de cette société ! Ainsi, dans l'État de Manchin lui-même, et selon les estimations officielles des services du recensement, le taux de pauvreté infantile en Virginie occidentale, le plus élevé du pays, est passé de 20,7 à 25 % entre 2021 et 2022.
Plus significativement encore, les dividendes mesurables de la reprise sont très majoritairement canalisés vers les secteurs de la population à hauts revenus qui en ont le moins besoin. Les personnes aux revenus moyens inférieurs et plus faibles encore, ne constatent quasiment aucune différence dans leur vie quotidienne.
L'inflation est à des niveaux bien inférieurs à son pic momentané de 8 %, mais les prix des produits de première nécessité restent bien plus élevés qu'auparavant, tandis que de leur côté, les hausses de taux d'intérêt de la Réserve fédérale, présentées comme nécessaires pour « réduire l'inflation », ont exacerbé la crise du logement qui frappe en priorité les jeunes (ainsi qu'un grand nombre de seniors aux revenus limités).
Pris dans leur globalité, ces statistiques macroéconomiques paraissent relativement bonnes à ce stade, mais pour des dizaines de millions de gens, la réalité économique quotidienne est différente. Les perspectives électorales de toute équipe au pouvoir en seraient rendues incertaines ; ce qui est vrai pour Biden en 2024 l'était pour Trump en 2020.
Ironie sans fin : question démographique
S'il devait y avoir un facteur jouant en faveur d'une marginalisation définitive du parti républicain (et tandis qu'il s'enfonce à grande vitesse dans une démence d'extrême droite), celui-ci a à voir avec le fait que sur le plan démographique les États-Unis ne seront bientôt plus un pays « blanc », et que chaque nouvelle génération est plus diverse encore que la précédente.
Ce sont précisément les jeunes africain·es-américain·es et les autres communautés immigrées non-blanches, les LGBT et les populations non-binaires, qui sont les principales cibles des idéologies suprémacistes blanches, chrétiennes nationalistes et de la droite religieuse, qui dominent entièrement le parti républicain, ainsi que le milieu fanatisé autour de Trump mais sans se limiter à lui.
Cependant, ce sont précisément ces secteurs plus jeunes, moins blancs et moins avantagés, parmi lesquels la majorité écrasante, dont sont censés bénéficier les démocrates, est en train de se réduire. Les sondages montrent que près d'un quart des africains-américains préfèrent Trump à Biden, signe remarquable de perte de confiance (quand bien même le phénomène resterait éphémère).
Que s'est-il donc passé ? Nous pensons principalement que les démocrates ont promis trop pour n'accomplir que trop peu de changements concrets, que ce soit sur le terrain de la justice raciale, de la réponse au problème de la dette étudiante, de la réforme de l'immigration, de la lutte contre le changement climatique, entre autres. Par ailleurs, le sentiment de soulagement lié à la fin du cauchemar de la (première) présidence Trump ne pouvait durer indéfiniment.
Dans une certaine mesure, l'âge comme l'apparence figée de Biden sont dissuasifs. Cela dit, sur les questions essentielles face auxquelles les démocrates voient leurs chances s'assombrir pour 2024, le problème de sénilité n'est pas tant celui de Biden que celui des politiques américaines elles-mêmes.
Le problème est particulièrement visible au regard de la guerre génocidaire en cours à Gaza. Le secteur de la jeunesse, crucial pour la base électorale démocrate, est de plus en plus solidaire de la Palestine, incapable de se reconnaître dans le soutien aveugle traditionnel du parti à Israël, et refuse désormais de se laisser duper par les gémissements sur une « solution à deux États » morte depuis des lustres. La reprise de l'offensive générale israélienne le 1er décembre dernier, en plus de la multiplication des violences meurtrières commises par les militaires et les colons, ne font qu'aggraver le dégoût profond et absolument nécessaire à l'égard de la complicité de Washington dans ce massacre.
Quant aux arabes américain·es et aux communautés palestiniennes, la fureur qu'inspire « Genocide Joe » Biden est difficile à décrire lorsque l'on n'en a pas été témoin soi-même. Les dirigeants de communautés telles que Dearborn dans le Michigan, qui avaient joué un rôle clé dans la victoire démocrate en 2020, déclarent sans ambages que « nous ne voterons plus jamais pour Biden même si l'autre candidat est pire ». Il est impossible de prédire dès à présent le choix électoral – vote ou abstention – que ce sentiment induira en novembre prochain (gardant à l'esprit que « les réalités politiques sont toujours locales »), mais les démocrates font preuve d'aveuglement volontaire s'ils en sous-estiment l'importance.
Un autre facteur qui exigera de rester vigilant concerne les flots d'argent bipartisan déversés par l'AIPAC (American Israel Public Affairs Committee) et en provenance de diverses sources à droite, pour que des représentantes progressistes propalestiniennes au Congrès telles que Rashida Tlaib (Michigan), Cori Bush (Missouri) et Ilhan Omar (Minnesota) perdent dans leur primaire. AIPAC s'est engagé à mettre 20 millions de dollars à disposition de tout candidat qui se confrontera à Tlaib. Toute complicité démocrate dans cette entreprise aurait des conséquences électorales fatales.
Crise de l'immigration
À l'évidence, la crise de l'immigration et de l'asile représente un autre souci récurrent du gouvernement Biden. Voilà un exemple éclatant de la manière dont l'impérialisme crée un problème qu'il est dans l'incapacité de résoudre. Les grands centres urbains des États-Unis et du nord du Mexique, les plus petites villes et les réseaux de solidarité ne parviennent pas à faire face au nombre des réfugié·es et des demandeurs/ses d'asile désespéré·es cherchant à passer la frontière sud et qu'il faut héberger et nourrir.
La crise des réfugié·es est intégralement le produit bipartisan de décennies de politiques destructrices dont nous avons parlé dans ces pages : des décennies de « libre échange » qui ont anéanti une grande partie des exploitations agricoles familiales du Mexique, de guerres contre-révolutionnaires génocidaires en Amérique centrale, de sanctions économiques qui ont largement contribué à l'effondrement du Venezuela et de Cuba, d'interventions catastrophiques à répétition à Haïti, et ainsi de suite.
Mais pire encore que tout le reste, il y a la folie des cinquante années de guerre américaine « contre la drogue », une parfaite réussite si l'idée était de remettre le commerce de la drogue entre les mains de cartels criminels violents tout en détruisant des vies et des villes à travers l'Amérique du nord. En plus de tout ceci, l'aggravation des effets du changement climatique réduit à néant des moyens de subsistance tels que, par exemple, les plantations de café au Honduras. Nous avons déjà eu l'occasion de dire que les calamités liées aux trajectoires de ces migrations désespérées sont d'ordre planétaire, comme le montrent les souffrances endurées en Méditerranée ainsi que la cruauté de l'Italie, de la Grande-Bretagne et d'autres gouvernements européens.
Cette crise, au niveau de la politique intérieure, érode la confiance dans la capacité du gouvernement Biden à maîtriser la situation, même si celle-ci n'est pas de sa responsabilité et même si la solution de rechange consiste dans le sadisme assumé des républicains.
Récemment adoptée au Texas, une loi permet à la police locale d'arrêter des « illégaux » présumés, avec ou sans aucun motif, et permet aux cours locales de procéder à des détentions et des expulsions. En usurpant ce qui relève clairement de la juridiction fédérale en matière d'immigration, cette loi est si manifestement anticonstitutionnelle dans son application, et si ouvertement fasciste dans ses implications, que seule la composante majoritaire de la Cour Suprémaciste Blanche de États-Unis1 serait susceptible de la valider (l'Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) a entamé des procédures en justice avant que la loi ne prenne effet ce mois-ci).
Reste un domaine dans lequel la droite et le parti républicain paraissent déterminés à s'autodétruire. On pense en l'occurrence à leurs efforts pour mener à son terme l'interdiction et la criminalisation de l'avortement aux États-Unis. D'un État à l'autre, là où le droit à l'avortement est laissé à la décision des électeurs et des électrices, ce droit l'emporte, et nettement. Les implications effroyables d'une victoire républicaine à la Maison Blanche et au Congrès maintiendront non seulement les femmes mais aussi une grande partie de l'ensemble de l'électorat du côté des démocrates. La détermination républicaine à s'infliger des défaites dans sa croisade anti-avortement tient à la place centrale de cette question dans la « guerre culturelle » lancée contre la diffusion des thématiques du genre, de la race, du social, dans les bibliothèques, les écoles, les universités, et dans l'ensemble de la société.
Ce spectre pourrait – tout juste – permettre aux démocrates de se maintenir au pouvoir après un choix électoral en 2024 que quasiment personne ne souhaite réellement avoir à faire, la secte autour de Trump mise à part. Voilà une branche bien fragile à laquelle s'agripper, et dans tous les cas, rien sur quoi une gauche progressiste pourrait compter. La lutte pour une autre orientation doit regarder dans d'autres directions, en commençant par le retour de la combativité dans le monde du travail, en solidarité avec la Palestine, avec les migrants, et pour la justice reproductive !
Publié dans Against The Current n°228, janvier-février 2024, traduction T.M. Labica.
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

États-Unis-Sénat. Seuls trois démocrates, dont Bernie Sanders, s’opposent à une aide militaire nouvelle de 10 milliards de dollars pour Netanyahou

Le Sénat des États-Unis a adopté, dans la matinée du mardi 13 février, une loi prévoyant une aide militaire supplémentaire de plus de 10 milliards de dollars pour le gouvernement israélien, qui s'apprête à lancer une invasion terrestre catastrophique contre Rafah, une ville de Gaza peuplée de plus de 1,4 million d'habitants.
Tiré de A l'Encontre
13 février 2024
Par Jake Johnson
Bernie Sanders entre au Sénat.
Les sénateurs ont approuvé le projet de loi, qui comprend également une aide militaire à l'Ukraine et à Taïwan, par un vote bipartisan écrasant de 70 à 29, seuls trois membres du groupe démocrate de la chambre haute – les sénateurs Bernie Sanders (Indépendant, Vermont), Jeff Merkley (Démocrate, Oregon) et Peter Welch (Démocrate, Vermont) – s'étant opposés à cette décision.
La proposition prévoit un financement global de 95 milliards de dollars pour les trois pays, dont 14 milliards de dollars pour Israël.
« Ce projet de loi accorde au Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou 10 milliards de dollars supplémentaires d'aide militaire sans restriction pour sa guerre effrayante contre le peuple palestinien. C'est inadmissible », a écrit Bernie Sanders sur les réseaux sociaux avant le vote de mardi. « Je voterai NON lors de l'adoption finale. »
Peter Welch et Jeff Merkley se sont également opposés au projet concernant l'aide militaire inconditionnelle à Israël, qui a reçu plus de 10 000 tonnes d'armes des Etats-Unis depuis le 7 octobre et reçoit déjà près de 4 milliards de dollars par an d'aide militaire états-unienne.
« La campagne menée par le gouvernement Netanyahou est en contradiction avec les valeurs et le droit des Etats-Unis, qui exigent des bénéficiaires de l'aide américaine qu'ils facilitent l'acheminement de l'aide humanitaire », a déclaré Jeff Merkley dans un communiqué publié lundi en fin de journée. « Bien que j'aie soutenu l'aide militaire à Israël dans le passé, et que je continue à soutenir l'aide aux systèmes défensifs comme Iron Dome (Dôme de fer) et David's Sling (Fronde de David, système antimissiles), je ne peux pas voter en faveur de l'envoi de plus de bombes et d'obus à Israël alors qu'ils les utilisent de manière indiscriminée contre les civils palestiniens. »
D'autres démocrates ont critiqué l'aide à Israël mais ont finalement voté en faveur du projet de loi.
Le sénateur Chris Van Hollen (Démocrate, Maryland) a prononcé un discours émouvant sur les conditions humanitaires désastreuses à Gaza, qu'il a qualifiées de « pur enfer ». « Les enfants de Gaza meurent aujourd'hui parce qu'on leur refuse délibérément de la nourriture. Outre l'horreur de cette nouvelle, une autre chose est vraie : il s'agit d'un crime de guerre. C'est un crime de guerre classique. Et cela fait de ceux qui l'orchestrent des criminels de guerre. »
Malgré cette déclaration, Chris Van Hollen a fait partie des membres du groupe démocrate qui ont voté en faveur du projet de loi sur l'aide.
Refus de tout amendement concernant l'UNRWA
Bernie Sanders avait proposé de retirer du projet de loi l'aide militaire offensive à Israël et de supprimer les dispositions interdisant le financement par les Etats-Unis de l'Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), dont les opérations essentielles à Gaza sont sur le point de s'effondrer totalement après que l'administration Biden et d'autres gouvernements ont coupé les fonds à la suite d'allégations israéliennes non fondées visant une douzaine d'employés de l'agence.
En plus de fournir un soutien supplémentaire aux forces armées israéliennes, le projet de loi affaiblirait le contrôle du Congrès en permettant au département d'Etat de renoncer aux exigences de notification pour le financement militaire étranger d'Israël [en vertu de la loi sur le contrôle des exportations d'armes, le président doit officiellement informer le Congrès 30 jours civils avant que l'administration puisse prendre les mesures finales pour conclure une vente de matériel militaire à l'étranger de gouvernement à gouvernement].
« A maintes reprises, j'entends le président et les membres du Congrès exprimer leur profonde inquiétude au sujet de M. Netanyahou et de la catastrophe humanitaire qu'il a provoquée à Gaza », a déclaré Bernie Sanders lundi. « Alors pourquoi soutiennent-ils l'idée de donner à Netanyahou 10 milliards de dollars supplémentaires pour poursuivre sa guerre contre le peuple palestinien ? »
Le projet de loi est maintenant soumis à la Chambre des représentants des Etats-Unis, dont le président Mike Johnson (Républicain, Louisiane) a déclaré qu'il « devra continuer à travailler selon sa propre méthode sur ces questions importantes ».
Dans une déclaration faite lundi soir, Mike Johnson s'est plaint du fait que la mesure adoptée par le Sénat ne comporte « aucune modification de la politique frontalière » [mesure pour faire obstacle aux migrants à la frontière Mexique-Etats-Unis], alors même que c'est l'opposition des républicains qui a contraint les dirigeants du Sénat à retirer du programme d'aide à l'étranger les changements légaux proposés en matière d'immigration.
Les défenseurs des droits des immigré·e·s se sont largement opposés à ces modifications, qu'ils ont qualifiées d'attaque draconienne contre le droit d'asile. (Article publié sur Common Dreams, le 13 février 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

La gauche américaine doit s’associer aux forces progressistes du Moyen-Orient pour mettre fin à la guerre régionale

Les progressistes en Iran et aux États-Unis doivent se connecter horizontalement pour résister au militarisme alors que nos dirigeants intensifient leurs menaces.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/02/19/la-gauche-americaine-doit-sassocier-aux-forces-progressistes-du-moyen-orient-pour-mettre-fin-a-la-guerre-regionale/
Depuis l'assaut brutal du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 et l'invasion génocidaire de Gaza par Israël, on parle beaucoup de la possibilité d'une guerre régionale au Moyen-Orient, dans le contexte d'une administration américaine qui n'est pas disposée à appeler à un cessez-le-feu immédiat.
En tant que militante féministe socialiste irano-américaine ayant des liens avec des militant·es en Iran, aux États-Unis, en Israël et en Palestine, ces événements m'ont horrifiée, tant en raison de la brutalité et de la perte de vies humaines innocentes que de l'étouffement des voix des véritables progressistes.
Il se peut qu'une guerre plus large soit à nos portes avec les frappes militaires américaines du 2 février contre les forces iraniennes et les milices soutenues par l'Iran en Irak et en Syrie, qui ont tué 39 personnes, dont des civils, et les frappes américaines du 7 février à Bagdad, qui ont tué un haut dirigeant d'une milice soutenue par l'Iran et deux de ses escortes. Les dernières frappes américaines sont une réponse à une attaque de drone menée par des milices irakiennes soutenues par l'Iran contre une base américaine en Jordanie, qui a tué trois soldats américains et en a blessé des dizaines d'autres. Le gouvernement iranien a mis en garde contre des représailles.
Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont également lancé une nouvelle série de frappes contre les milices houthies au Yémen, en réponse aux attaques des Houthis contre des navires commerciaux et militaires en mer Rouge. Les Houthis affirment à leur tour qu'ils ont lancé leurs attaques en solidarité avec les Palestinien·nes.
Les attaques de drones et de missiles menées par l'Iran et ses milices contre des cibles américaines dans la région se poursuivent depuis plusieurs années, dans le cadre des efforts déployés par le gouvernement iranien depuis des décennies pour s'affirmer comme une puissance régionale. Le gouvernement iranien fournit une assistance militaire, logistique et autre au Hamas, aux milices chiites en Irak, aux milices houthies au Yémen, au Hezbollah au Liban et au gouvernement de Bachar Assad en Syrie.
Dans le même temps, les États-Unis fournissent à Israël une aide militaire de 3,8 milliards d'euros par an, vendent des armes à l'Arabie saoudite, à l'Égypte et à d'autres régimes arabes, et disposent de bases militaires dans la région, notamment au Qatar, à Bahreïn, au Koweït, en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, ainsi que de plus petits avant-postes dans d'autres parties du monde. Les troupes américaines ont occupé l'Afghanistan de 2001 à 2021. Les troupes américaines ont également occupé l'Irak de 2003 à 2011. La Russie est également un important fournisseur d'armes pour divers États de la région, dont l'Iran, l'Arabie saoudite et la Turquie. Elle dispose d'une base navale et de forces terrestres en Syrie. Elle soutient également la production de missiles et de drones par l'Iran, des armes que la Russie a utilisées lors de son invasion de l'Ukraine.
Depuis plus de quatre décennies, la République islamique d'Iran utilise l'antisémitisme et son opposition à l'impérialisme américain et à l'occupation israélienne comme moyen de promouvoir ses propres ambitions impérialistes régionales, qui impliquent des objectifs économiques, idéologiques et stratégiques, et qui ont entraîné l'exploitation de la classe ouvrière et des peuples opprimés de la région. En 2018, dans un discours public, le président Rouhani a déclaré clairement que les frontières stratégiques de l'Iran sont le sous-continent indien à l'est, le Caucase au nord, la mer Rouge au sud et la Méditerranée à l'ouest.
Toutefois, avant la création de la République islamique en 1979, l'agression d'Israël contre le peuple palestinien et son refus de reconnaître le droit des Palestinien·nes à l'autodétermination avaient créé l'une des plaies les plus profondes de la région. L'occupation des terres palestiniennes, qui dure depuis 56 ans, a fourni un ennemi extérieur que les dirigeants autoritaires de la région ont utilisé pour dissimuler les contradictions internes de l'exploitation de classe, du patriarcat, du racisme et d'autres formes de préjugés et de domination qui existent dans chaque pays.
Le monde a commencé à voir les masses populaires du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord remettre en question certaines de ces contradictions internes lors du printemps arabe de 2011, du soulèvement syrien de 2011 et de la vague de protestations de 2019 au Soudan, en Algérie, en Irak, au Liban et en Iran. Toutefois, ces efforts ont été écrasés par des régimes autoritaires. Le régime d'Assad – qui a brutalement écrasé le soulèvement syrien de 2011 et détient plus de 100 000 personnes dans ses prisons, où la torture à l'échelle industrielle a été documentée – continue de prétendre qu'il soutient les Palestinien·nes alors qu'en réalité il a réprimé la population palestinienne en Syrie qui a défendu le soulèvement de 2011. Divers dirigeants arabes, iraniens et turcs, qui prétendent également défendre l'autodétermination des Palestinien·nes, ont brutalement écrasé les populations kurdes dans leur pays en raison de la demande d'autodétermination des Kurdes.
Le mouvement « Femme, vie, liberté » qui a émergé en Iran à l'automne 2022 a été une lueur d'espoir pour l'ensemble de la région. Les femmes et les hommes qui ont manifesté pendant des mois et ont été arrêté·es, tué·es, aveuglé·es et violées ne demandaient pas seulement la fin du hijab obligatoire. Elles et ils réclamaient le droit des femmes à disposer de leur corps, le droit à une éducation fondée sur l'esprit critique, la fin de la peine de mort, les droits des minorités nationales opprimées et les droits du travail. Elles et ils s'opposaient au fondamentalisme religieux, à la violence entre les sexes et l'État, au militarisme et à l'impérialisme, et appelaient à une coexistence pacifique avec les autres États de la région. Plusieurs déclarations de participant·es à ce mouvement ont appelé à dépasser les divisions ethniques, religieuses et de genre utilisées par les régimes autoritaires de la région.
Le contenu affirmatif du mouvement « Femme, vie, liberté » est également visible dans les efforts inlassables de Narges Mohammadi, la militante féministe iranienne des droits de l'homme qui a reçu le prix Nobel de la paix en octobre 2023. À l'exception d'une pétition de PEN America demandant sa libération, elle a été relativement peu couverte par les médias occidentaux, et peu de rapports en langue anglaise ont mentionné sa déclaration de prison concernant la Palestine et Israël, qui condamnait « les agressions contre les sans-abri, le massacre d'enfants, de femmes et de civil·es, les prises d'otages, [et] le bombardement d'hôpitaux, d'écoles et de zones résidentielles ». Mohammadi demande « un cessez-le-feu immédiat, la fin de la guerre… le respect des droits des êtres humains et la création des conditions d'une coexistence pacifique des peuples ».
Face à la résistance continue des féministes comme Mohammadi, à la résistance des jeunes dans les prisons, les écoles et les rues, et à la résistance des travailleurs et des travilleuses, des enseignant·es, des infirmières, des minorités nationales, des retraité·es et des personnes handicapées, le gouvernement iranien a intensifié sa répression. Il a imposé une loi sur le hijab et la chasteté qui a sévèrement alourdi les peines infligées aux femmes qui ne portent pas le « hijab approprié ». Il a exécuté davantage de jeunes Kurdes, Baloutches et Arabes, y compris des jeunes arrêtés lors des manifestations « Femme, vie, liberté ». L'Iran a le deuxième taux d'exécution le plus élevé après la Chine.
Les dissident·es iranien·nes, qu'iles soient en prison ou non, entament à leur tour une grève de la faim pour s'opposer à la peine de mort. Les grévistes de la faim, les féministes et d'autres dissident·es ont écrit des lettres ouvertes à Nada al-Nashif, haut-commissaire adjoint des Nations unies aux droits de l'homme, lui demandant d'annuler son voyage en Iran parce qu'elle ne serait pas autorisée à rencontrer les prisonnier·es politiques et les familles des personnes exécutées. Elle serait également contrainte de porter le hijab. Les signataires des lettres ouvertes adressées à Mme al-Nashif souhaitaient qu'elle attende les résultats d'une mission d'enquête de l'ONU sur les meurtres et les viols commis par le gouvernement iranien à l'encontre des manifestants du mouvement « Femme, vie, liberté ». Au lieu de cela, elle a poursuivi son voyage et a annoncé qu'il ne s'agissait pas d'une mission d'enquête visant à rendre visite aux prisonnier·es et à leurs familles, mais d'un voyage officiel destiné à rencontrer les responsables de la République islamique.
Les forces progressistes en Iran n'appellent pas à des visites officielles occidentales pour rencontrer les dirigeants du gouvernement ou à une intervention militaire américaine. Elles tendent horizontalement la main aux forces progressistes de base du monde entier pour obtenir un soutien moral et matériel dans leur lutte contre le militarisme, l'autoritarisme et le fondamentalisme religieux.
Compte tenu des mouvements de guerre actuels et de l'intensification de la confrontation entre les États-Unis et l'Iran, il est extrêmement important que ceux qui s'opposent à l'impérialisme américain et à la guerre d'Israël contre Gaza s'opposent simultanément aux frappes américaines dans la région, exigent un cessez-le-feu à Gaza et défendent la lutte en cours pour les droits des femmes et les droits des êtres humains en Iran.
Les militant·es progressistes en Iran travaillent dur pour s'opposer à la peine de mort et à l'incarcération de masse, pour défendre le droit des femmes à disposer de leur corps et pour défendre les droits des Kurdes, des Baloutches et des minorités nationales arabes, ainsi que des minorités religieuses telles que les Baha'is et les migrant·es afghan·es en Iran. Elles tendent la main aux femmes afghanes qui résistent aux talibans et aux autres forces religieuses fondamentalistes en Afghanistan. Leur travail est essentiel pour détourner le Moyen-Orient de l'autoritarisme et de la guerre.
Les progressistes américain·es qui partagent ces objectifs peuvent commencer par se joindre à l'appel à la libération de Narges Mohammadi et de tous les prisonnier·es politiques. Mais plus largement, elles et ils peuvent s'efforcer de relier horizontalement ces luttes au mouvement américain contre la violence sexiste et la violence d'État, au mouvement abolitionniste contre l'incarcération de masse, au mouvement pour les droits à la reproduction et à l'avortement, ainsi qu'à la lutte actuelle contre le militarisme.
Frieda Afary
Publié à l'origine dans TRUTHOUT
https://socialistfeminism.org/us-left-must-link-with-progressive-forces-in-middle-east-to-stop-regional-war/
Publié le 8 février 2024
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre

Aux États-Unis, des climatosceptiques condamnés à payer 1 million de dollars

Un tribunal des États-Unis a condamné deux personnes le 8 février pour avoir diffamé le climatologue Michael E. Mann. Une pratique récurrente pour décrédibiliser les scientifiques.
13 février 2024 | tiré de reporterre.net
La décision était attendue par la communauté scientifique. Le tribunal de la Cour supérieure de Washington D.C. a condamné le 8 février deux personnes pour diffamation, avec plus de 1 million de dollars (environ 928 000 euros) de dommages et intérêts compensatoires. Rand Simberg et Mark Steyn avaient affirmé que le climatologue Michael E. Mann avait trafiqué ses données et l'avaient comparé à un pédocriminel.
Michael E. Mann est une des figures majeures de la recherche sur le changement climatique depuis sa publication en 1999 d'un graphique surnommé « la crosse de hockey », qui montrait l'augmentation des températures au XXe siècle. Le climatologue avait porté plainte après deux publications sur des blogs.
En 2012, Rand Simberg, un ancien chercheur du groupe de réflexion Competitive Enterprise Institute avait comparé Michael E. Mann à Jerry Sandusky, un entraîneur de football étasunien (qui a travaillé dans la même université que le climatologue) condamné pour avoir sexuellement agressé des mineurs. « Mann pourrait être le Jerry Sandusky du changement climatique, sauf qu'au lieu d'agresser des enfants, il a agressé et torturé des données », avait publié Rand Simberg.
« Une volonté délibérée de nuire »
Ensuite, Mark Steyn, un essayiste d'extrême droite, a repris ces accusations et qualifié les recherches de Michael E. Mann de « frauduleuses », dans un blog publié par le National Review (Michael E. Mann avait porté plainte contre le groupe de réflexion et la revue, mais avait été débouté par la justice).
Au cours du procès, qui a duré quatre semaines, les deux hommes accusés ont maintenu leurs propos. Michael E. Mann a pour sa part affirmé que ces publications lui ont coûté des fonds pour ses recherches et l'exclusion d'au moins un projet. Dans sa décision du 8 février, le jury a estimé que les deux hommes poursuivis ont fait preuve de « méchanceté, dépit, mauvaise volonté, vengeance ou volonté délibérée de nuire ». Cette caractérisation était essentielle pour démontrer que leurs propos dépassaient le cadre de la liberté d'expression.
Après la décision de la justice, l'avocat de Michael E. Mann a affirmé dans un communiqué qu'en plus de rétablir l'intégrité du nom de son client, cette décision est « une grande victoire pour la vérité et les scientifiques [du monde entier] qui consacrent leur vie à répondre à des questions scientifiques vitales avec des conséquences sur la santé humaine et la planète ». Ce n'est pas la première fois que les travaux de Michael E. Mann sont contestés. En 2009, des accusations de manipulations des données ont entraîné des enquêtes judiciaires et universitaires. Toutes ont conclu que ses travaux étaient valides.
Une pratique fréquente des climatosceptiques
La remise en cause de la science est une pratique fréquente des climatosceptiques. « On a vu une augmentation des attaques contre les scientifiques, explique Lauren Kurtz, avocate et directrice du Climate Science Legal Defense Fund, une organisation de défense juridique des chercheurs qui a par le passé aidé le climatologue. Mais il y a désormais une baisse du nombre de débats sur la véracité de leurs recherches au profit d'attaques pour les décrédibiliser de façon plus nébuleuse et plus nocive, en disant que les scientifiques sont biaisés, qu'ils sont des militants ou que leur rôle n'est pas d'éduquer. Michael E. Mann n'est pas le seul à vivre cela, c'est juste qu'il est plus public. »
Dans son livre The New Climate War (2021), Michael E. Mann expose justement la manière dont des chercheurs financés par des entreprises d'énergies fossiles tentent de remettre en cause la science sur le dérèglement climatique pour profiter aux industries polluantes. Dès les premières pages de son livre, l'auteur évoque la responsabilité du Competitive Enterprise Institute, le groupe de réflexion où travaillait Rand Simberg, condamné dans cette affaire.

Iran : Détérioration de l’état de santé de trois membres emprisonnés du Syndicat des salarié.es de la Régie de bus de Téhéran et sa banlieue

Reza Shahabi, Davood Razavi et Hassan Saeidi, trois membres emprisonnés du Syndicat des travailleurs/travailleuses de la compagnie de bus de Téhéran et sa banlieue purgent une peine de cinq ans à la prison d'Evin en raison de leurs activités syndicales et de défense des droits des salarié.es. Ils sont confrontés à de graves problèmes de santé en raison de la négligence des autorités judiciaires et de la prison d'Evin à l'égard de l'aggravation de leurs problèmes de santé.
Tiré d'Europe solidaire sans frontière.
Reza Shahabi a subi des opérations au cou et au dos lors de sa précédente incarcération. Les médecins de la prison et le spécialiste de l'hôpital Taleghani ont confirmé la nécessité d'une opération immédiate et urgente du cou en soulignant les risques graves et irréparables en l'absence d'opération.
Malgré une douleur intense dans la région du cou et son hypertension artérielle, Reza Shahabi attend toujours d'être hospitalisé pour subir une intervention chirurgicale. Il n'a pas bénéficié d'un seul jour de congé médical depuis son arrestation le 12 mai 2022.
Davood Razavi, 63 ans, souffre de maladies gastro-intestinales, de problèmes de vue et de douleurs au genou. Il continue de souffrir de l'absence de traitement médical et de soins.
Davood Razavi a été arrêté le 27 septembre 2022. Il n'a bénéficié depuis d'aucun congé médical, malgré l'aggravation de ses problèmes digestifs et de ses hémorragies, ainsi que de la dégénérescence de sa vue, de ses douleurs au genou et de son arthrite.
Hassan Saeedi a perdu la plupart de ses dents en prison en raison d'une maladie des gencives et de la bouche et de la négligence des autorités pénitentiaires à soigner ses dents. La perte de ses dents a provoqué des troubles digestifs. Il a besoin de toute urgence de faire soigner ses dents à l'extérieur de la prison. Hassan Saeedi est en prison depuis le 18 mai 2022, sans un seul jour de permission de sortie, même après le grave accident de son fils.
Ces trois travailleurs emprisonnés et membres de longue date de notre syndicat ont été condamnés à des peines d'emprisonnement de longue durée injustes en raison de leur opiniâtreté, pendant deux décennies, à défendre les droits des salarié.es, ainsi que celui de s'organiser et de constituer des syndicats.
Après leur arrestation, ils ont été placés à l'isolement et soumis à des interrogatoires pendant des mois, puis condamnés à cinq ans d'emprisonnement, deux ans d'interdiction de séjour dans la région de Téhéran et à l'interdiction d'exercer des activités syndicales et sociales. Ces peines ont été confirmées en appel sans qu'ils aient pu se défendre devant le tribunal.
Nous sommes très préoccupés par l'état physique grave de nos membres emprisonnés, Reza Shahabi, Davood Razavi et Hassan Saeidi, et demandons qu'ils bénéficient immédiatement d'un congé médical. Nous demandons en outre leur libération inconditionnelle, ainsi que celle des autres travailleurs/euses, enseignant.es et étudiant.es emprisonné.es, ainsi que de toutes et tous les prisonnier.es politiques.
Syndicat des travailleurs de la compagnie de bus de Téhéran et de sa banlieue,
9 février 2024
htps ://www.instagram.com/vahedsyndica/
https://twitter.com/VahedSyndicate
vsyndica@gmail.com
Merci d'envoyer des lettres de protestation aux autorités suivantes, avec copie à : vsyndica@gmail.com
Guide de la République islamique d'Iran, Ayatollah Sayed 'Ali Khamenei
contact@leader.ir ; et info_leader@leader.ir ;
Pouvoir judiciaire de la République islamique d'Iran - Haut Conseil des droits de humains
info@humanrights-iran.ir ;
Mission permanente de la République islamique d'Iran auprès des Nations unies
missionofiran@gmail.com ; iranunog@mfa.gov.ir ; iran@un.int @Iran_UN
Ministère des affaires étrangères de la République islamique d'Iran : info@mfa.gov.ir
Ambassades d'Iran :
https://www.embassypages.com/iran
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.
Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :