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Appel à ne pas financer le projet de TotalEnergies en Papouasie Nouvelle-Guinée

19 décembre 2023, par Collectif — , ,
Nos 50 organisations de la société civile de Papouasie Nouvelle-Guinée, du Pacifique, de France et d'ailleurs vous demandent de vous engager à ne pas financer ou fournir de (…)

Nos 50 organisations de la société civile de Papouasie Nouvelle-Guinée, du Pacifique, de France et d'ailleurs vous demandent de vous engager à ne pas financer ou fournir de soutien financier au projet Papua LNG, développé par TotalEnergies avec ExxonMobil, Santos et JX Nippon (1). En effet, nous savons que TotalEnergies cherche actuellement à obtenir des soutiens financiers pour ce projet, avec l'appui du Crédit Agricole, conseiller financier du projet.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Votre banque a financé le projet PNG LNG en Papouasie Nouvelle Guinée (2) et/ou un autre projet de Gaz Naturel Liquéfié (GNL) impliquant TotalEnergies dans la région Asie-Pacifique au cours des 6 dernières années (3). Nous vous demandons de cesser de soutenir l'expansion des énergies fossiles, qui est incompatible avec l'objectif mondial de limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a confirmé que les émissions des infrastructures fossiles existantes dépasseront largement le budget carbone restant pour limiter le réchauffement planétaire à moins de 1,5°C (4). Le scénario Net zero by 2050 de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) indique par ailleurs qu'aucun nouveau projet de production de pétrole ou de gaz, ni aucun nouveau terminal de liquéfaction n'est nécessaire pour répondre aux besoins énergétiques mondiaux (5). Le projet Papua LNG, qui comprend 9 puits offshore, une usine de traitement du gaz, 4 trains de liquéfaction électrique et un gazoduc de 320 km, n'est donc pas compatible avec le scénario Net zero de l'AIE (6).

En tant que tel, ce projet n'est pas compatible avec les politiques des banques australiennes et françaises BNP Paribas, Commonwealth Bank of Australia, Crédit Mutuel, Société Générale et Westpac, qui ont accordé des prêts à l'infrastructure PNG LNG entre 2010 et 2014 (7), et qui ont depuis adopté des politiques climatiques excluant ce type de projet (8). Afin de maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5°C, tous les acteurs financiers devraient suivre la même logique et cesser de financer l'expansion pétrolière et gazière.

En l'occurrence, les émissions totales du projet Papua LNG sont estimées à 220 millions de tonnes d'équivalent CO2 (MTCO2e). Au cours de sa durée de vie, ce seul projet émettra autant que la population entière du Bangladesh – 169 millions de personnes – en une année entière (9).

De plus, alors que TotalEnergies affirme que ses projets de GNL contribueront à remplacer le charbon par le gaz pour produire de l'électricité, l'impact climatique du GNL peut être aussi important que celui du charbon si l'on prend en compte les émissions de gaz à effet de serre tout au long de la chaîne de valeur. En effet, le gaz fossile est principalement composé de méthane fossile, dont le potentiel de réchauffement est 82,5 fois plus élevé que celui du CO2 sur une période de 20 ans (10). Il suffit de quelques pour cent de fuites de gaz pour que le gaz devienne un facteur de changement climatique aussi important que le charbon à court terme (11).

Le projet risque également d'avoir de graves répercussions environnementales, sociales et potentiellement économiques en Papouasie Nouvelle Guinée. Le projet serait développé dans la province du Golfe, une province dont les zones côtières sont déjà durement touchées par le dérèglement climatique. L'élévation du niveau de la mer et les tempêtes océaniques ont contraint certaines communautés de la baie d'Orokolo à déplacer leurs habitations à plusieurs reprises (12).

Un projet antérieur développé par ExxonMobil – PNG LNG – fait l'objet d'un grave bilan en matière de violations de droits humains, de violences intra-communautaires, de conflits fonciers et à de promesses non tenues (13). Les consultations avec les communautés affectées dans le cadre du projet Papua LNG laissent craindre que leurs droits ne seront pas davantage protégés : les consultations ne sont pas menées avec la transparence nécessaire pour garantir leur consentement libre, informé et préalable (14).

Il n'est donc pas surprenant qu'un conseil de chefs, représentant 600 clans dans la région où le projet Papua LNG est développé, ait vivement dénoncé le processus de consultation en septembre dans le Post Courier, l'un des journaux les plus importants de la Papouasie Nouvelle Guinée. Selon cet article, ces chefs de clan ont indiqué que la rivière Purari, utilisée par TotalEnergies pour transporter des matériaux vers le site du projet, avait été « fermée par les propriétaires terriens pendant deux semaines » et que les opérations seraient interrompues si le dialogue n'était pas établi (15).

Le projet comporte également des risques financiers considérables. S'il est mis en oeuvre, le projet Papua LNG commencera à fonctionner à la fin de 2027 ou en 2028, alors que la demande mondiale de gaz devrait atteindre son maximum avant la fin de la décennie, selon les trois scénarios de l'AIE (16). La date des premiers chargements de GNL du projet coïncide avec une probable offre excédentaire des livraisons mondiales de gaz. En effet, les capacités de liquéfaction devraient augmenter en 2026 et 2027. Les perspectives de baisse des prix sont donc importantes à partir de cette période, avec des risques élevés pour les rendements des investisseurs du projet (17).

En outre, rien ne garantit que le GNL produit par le projet Papua LNG sera vendu, car aucun accord de vente et d'achat à long terme n'a été rendu public à ce jour (18). Comme en Europe (19), la surcapacité en GNL peut donc conduire à des actifs échoués et les infrastructures de GNL du projet Papua LNG pourraient demeurer inutilisées.

Enfin, la Papouasie Nouvelle Guinée n'a pas besoin de ce projet – dont 95% de la production doit être exportée – même pour ses propres besoins énergétiques et sa transition énergétique durable. Un rapport récent montre que le gouvernement du pays a déjà identifié de nombreux projets qui, s'ils se concrétisaient, augmenteraient considérablement l'accès à l'énergie grâce aux nouvelles énergies renouvelables (20). Le financement nécessaire pour ces projets est estimé à moins de 100 fois le budget du projet Papua LNG (21).

Pour contribuer à maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5°C, nous vous demandons de mettre fin immédiatement à tous les services financiers directs aux nouveaux projets pétroliers et gaziers en amont et en aval et de conditionner les services financiers généraux aux développeurs pétroliers et gaziers, y compris TotalEnergies, ExxonMobil, JX Nippon et Santos, à leur engagement de ne pas développer de tels projets. En conséquence, nous vous demandons de vous engager à ne pas soutenir le projet Papua LNG.

Nous vous remercions de l'attention que vous porterez à ce sujet important et serions heureux de vous rencontrer, vous et votre équipe, pour en discuter plus avant. Une réponse à cette lettre avant le vendredi 22 décembre serait très appréciée.

Organisations signataires : Center for Environmental Law and Communities Rights (CELCOR, Papua New Guinea) ; Reclaim Finance (International) ; Alofa Tuvalu (France, Tuvalu) ; Les Amis de la Terre / Friends of the Earth France ; Bank Climate Advocates (United States) ; Bank on our Future (United Kingdom) ; BankTrack (International) ; Bio Vision Africa (BiVA, Uganda) ; Bloom (France) ; Both ENDS (The Netherlands) ; Carrizo/Comecrudo Tribal Nation of Texas (United States) ; Earth Action, Inc. (United States) ; Earthlife Africa (South Africa) ; Environment Governance Institute Uganda ; Extinction Rebellion Carnage Total (France) ; Extinction Rebellion France ; FairFin (Belgium ; Friends of the Earth Japan ; Fridays for future Uganda ; Friends of the Earth United States ; Fund Our Future (South Africa) ; Global Witness (International) ; Greenpeace France ; Green Faith Indonesia ; The Green Youth Movement Denmark (Den Grønne Ungdomsbevægelse) ; JA ! Justica Ambiental (Mozambique) ; Japan Center for a Sustainable Environment and Society (JACSES) ; Jordens Vänner / Friends of the Earth Sweden ; Jubilee Australia Research Centre ; Justice Institute Guyana ; Kiko Network (Japan) ; Laudato Si Movement (International) ; LDH (0L0igue des droits de l'Homme) (France) ; Liveable Arlington (United States) ; Market Forces (International) ; Mekong Watch (Japan) ; Missão Tabita (Mozambique) ; NOAH – Friends of the Earth Denmark ; Oil Change International (International) ; Parents for Climate (Australia) ; Positive Money UK ; Public Citizen (United States)
Rainforest ActionNetwork (United States) ; ReCommon (Italie) ; Society of Native Nations (International) ; Stand.earth (International) ; StopTotal (France) ; Switch It Green (United Kingdom) ; Texas Campaign for the Environment (United States) ; Urgewald (Germany).

Paris, le 13 décembre 2023
Lire le communiqué « Appel à ne pas financer le projet de totalenergies en Papouasie Nouvelle Guinée” en format pdf

https://www.ldh-france.org/appel-a-ne-pas-financer-le-projet-de-totalenergies-en-papouasie-nouvelle-guinee/

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L’Argentine n’est pas à vendre : les syndicats réagissent à la privatisation

19 décembre 2023, par Sindicatos por la democracia energetica — , ,
Le 19 novembre 2023, Javier Milei a largement battu le ministre de l'Economie Sergio Massa, remportant les 24 provinces argentines sauf trois. Il promet de tout privatiser y (…)

Le 19 novembre 2023, Javier Milei a largement battu le ministre de l'Economie Sergio Massa, remportant les 24 provinces argentines sauf trois. Il promet de tout privatiser y compris l'énergie.

28 novembre 2023 | tiré de canadian.dimension | Photo : Photo avec l'aimable autorisation de Vox España/Flickr.
https://canadiandimension.com/articles/view/argentina-is-not-for-sale-unions-respond-to-privatization

Les Argentins, lassés de l'inflation annuelle qui dépasse les 140 % et d'un taux de pauvreté qui atteint 40 %, ont élu l'économiste libertaire de droite Javier Milei. Le dimanche 19 novembre 2023, Milei a largement battu le ministre de l'Economie Sergio Massa par 55,7 % contre 44,3 %, remportant toutes les provinces du pays sauf trois. Il avait fait campagne en promettant de privatiser les entreprises d'État, de réduire les dépenses publiques, de dollariser l'économie, d'éliminer la banque centrale et de fermer des ministères clés, dont ceux de la Santé et de l'Éducation.

Milei fait de la privatisation de la compagnie pétrolière publique argentine, YPF, une priorité absolue. « La première chose à faire est de larestructurer pour que YPF puisse être « vendu de manière très favorable aux Argentins ». Il a ajouté : « Tout ce qui peut être entre les mains du secteur privé sera entre ses mains. » Milei a déclaré qu'il privatiserait également la télévision publique, la radio nationale et l'Agence nationale de presse (Telám). Les actions cotées à New York de l'argentine YPF ont grimpé de plus de 40 % après cette annonce.

Les commentateurs ont souligné qu'un programme de privatisation aussi radical nécessitera des réformes constitutionnelles et, dans certains cas, de nouvelles lois de la part d'un Congrès où Milei n'a pas encore la majorité. ‍

Appel à l'action des syndicats argentins

Hugo « Cachorro » Godoy, secrétaire général du CTA-Autónoma, a présenté une première analyse des facteurs à l'origine de ces résultats :

Nous avons voté contre ce gouvernement [d'Alberto Fernández], qui n'a rempli aucun des objectifs et des engagements pris, et qui était initialement aux antipodes de la politique de Macri et des impositions du FMI. À la fin de quatre années de gouvernement, la situation était pire qu'à ses débuts, particulièrement dans les domaines économique et social. Milei arrive au pouvoir porté par la fragmentation du camp populaire [la base de la classe ouvrière] et de la fragmentation des relations de travail, où la précarité a produit des dommages économiques et sociaux, y compris 43 pour cent de pauvreté [et] 10 pour cent de personnes souffrant de la faim. En ce qui concerne [Milei], il dénie le rôle de l'État comme instrument d'équité et d'équilibre dans une société, il est indispensable de construire un programme alternatif pour reconstituer les secteurs populaires et la base ouvrière.

La Confédération générale du travail de la République argentine (CGT), la plus grande confédération syndicale du pays, a réuni ses syndicats et a averti qu'elle n'accepterait aucun recul de ses droits ni aucun retard dans les négociations. Il a également rejeté les menaces de Milei concernant la paralysie des travaux publics et la privatisation des chemins de fer et des Aerolíneas Argentinas.

« Beaucoup de gens ont voté pour Milei en sachant ce qu'il allait faire, mais ils pensaient qu'il ne les toucherait pas. Si c'est le cas, la CGT sera là [...] Nous n'allons pas permettre la privation des droits et encore moins qu'il attaque les salaires », a déclaré Héctor Daer, représentant du secteur de la santé à la CGT.

Le Syndicat des travailleurs de la métallurgie (UOM) a annoncé que les mesures drastiques annoncées par Milei « ne sont pas bonnes pour les travailleurs, comme la paralysie des travaux publics en cours de développement dans tout le pays ».

Pedro Wasiejko, secrétaire général de la Fédération des syndicats des travailleurs de l'énergie, de l'industrie, des services et des secteurs connexes (Fetia), a fait référence à un récent sommet de la fédération qui s'est conclu à l'unanimité sur le fait que « sans développement productif autonome, il n'y a pas de possibilité de justice sociale ou de souveraineté nationale... Le [sommet] a mis en évidence l'énorme potentiel de nos entreprises d'État ainsi que les connaissances approfondies et les capacités de leurs travailleurs qui ont clairement émergé, en contraste clair avec les propositions de ceux qui prétendent que la seule issue est de les privatiser et de les fermer.

Julio Acosta, secrétaire général de la Fédération des travailleurs de l'énergie d'Argentine (FeTERA), a partagé ses réflexions sur la nécessité de construire un sentier public en Argentine. Le texte suivant a été écrit juste avant les élections, lorsque FeTERA a rejoint le TUED :

La dénationalisation des entreprises publiques a fait perdre à l'Argentine sa souveraineté, dans cette offensive du capital contre le travail, elle a mis notre pays à genoux au point qu'actuellement la politique économique est dictée par le FMI, et tous les trois mois, une délégation du Fonds arrive dans notre pays pour vérifier si les objectifs qu'ils proposent sont atteints, ce qui signifie plus d'ajustements pour les travailleurs, plus de dépendance, plus d'arriération.
La seule issue pour l'Argentine est de recouvrer sa souveraineté. Défaire les transformations structurelles du néolibéralisme, retrouver la souveraineté énergétique, la souveraineté alimentaire (nous sommes un pays qui produit de la nourriture pour plus de 450 millions d'habitants, et il y a des millions de personnes qui souffrent de la faim), ainsi que la souveraineté financière et économique.
Recouvrer la souveraineté signifie démarchandiser le secteur de l'énergie, le nationaliser, renationaliser les services essentiels, changer le modèle de privatisation pour un modèle de propriété étatique avec la participation et le contrôle des utilisateurs et des travailleurs, et ainsi récupérer les droits des travailleurs, des utilisateurs et de la société dans son ensemble.

En réponse aux annonces de privatisation de Milei, les mouvements sociaux regroupés au sein de l'Union des travailleurs de l'économie populaire (UTEP) et de l'Association des travailleurs de l'État (ATE) ont appelé à « éviter la destruction de l'État proposée par Milei » et ont affirmé qu'ils ne permettraient pas « la nouvelle tentative de privatisation des entreprises publiques ».

« Nous ne nous écarterons pas d'un millimètre du mandat qui nous a été confié par nos membres. Avant de partir, le gouvernement actuel doit garantir les augmentations promises pour novembre et décembre. Et à la prochaine, nous voulons dire que nous défendrons de toutes nos forces les emplois et les politiques publiques que nous avons gagnés », a déclaré Rodolfo Aguiar, secrétaire général de l'Association des travailleurs de l'État (ATE).

« Nous devons être forts et unis parce que la sortie est toujours collective. Nous avons besoin d'un État fort et souverain, et il est clair que la moitié de notre pays n'est pas en mesure d'en apprécier l'importance. C'est très affligeant parce que ceux d'entre nous qui sont au courant de l'histoire de notre pays savent ce qui s'est passé avec les privatisations et les démantèlements », a ajouté Mercedes Cabezas, secrétaire adjointe de l'ATE.

Le Syndicat de la presse de Buenos Aires (SiPreBA) a appelé à des rassemblements cette semaine à Radio Nacional, TV Pública et Télam, respectivement, sous le slogan « Sans médias publics, il n'y a pas de démocratie ».

Brésil : Reconstruire après la présidence Bolsonaro

Sans minimiser les différences importantes entre l'Argentine et le Brésil, ce dernier a été confronté à des défis similaires sous les administrations Temer et Bolsonaro avec la privatisation d'importantes entreprises publiques telles qu'Eletrobras et Petrobras. La lutte contre ces privatisations et la lutte actuelle, sous Lula, pour récupérer et restaurer les entreprises peuvent offrir des informations précieuses sur la stratégie.

CUT du Brésil s'est adressé au mouvement ouvrier argentin dans une déclaration post-électorale. « Notre histoire de solidarité entre la CUT Brésil et les syndicats argentins est marquée par des luttes acharnées et des résistances aux gouvernements autoritaires et néolibéraux qui, pendant des décennies, ont œuvré pour remettre les biens publics, les secteurs stratégiques de nos économies aux entreprises multinationales et, sous prétexte de réduire les dépenses, détruire nos systèmes publics de protection sociale et du travail. Le résultat, nous le savons déjà, est que des millions de travailleurs seront abandonnés par l'État minimal, poussés vers la famine, la violence et le chômage [...] Nous serons ensemble dans cette période de résistance, mais aussi d'organisation de la lutte pour défendre un projet souverain d'intégration régionale...

La reconquête de la politique industrielle de l'État et la restauration de la démocratie, du mouvement ouvrier et des services publics figuraient parmi les thèmes centraux du 14e Congrès national de la CUT Brésil (CONCUT14) qui s'est tenu en octobre 2023. Plus de deux mille délégués brésiliens et 150 délégués internationaux, dont le TUED, ont participé à ce congrès historique qui a marqué le premier depuis la défaite de Bolsonaro.

Dans les jours qui ont précédé la CONCUT, la TUED a participé à la troisième édition du Forum syndical international pour une transition sociale et écologique, organisé par la CUT du Brésil, la Rosa Luxemburg Stiftung (RSL), la Confédération générale du travail de France (CGT), la Confédération coréenne des syndicats (KCTU) et la TUED. À la suite du Congrès, le TUED a également participé à la convocation par Industriall Global Union Brésil des syndicats du secteur industriel du pays, notamment la Fédération brésilienne des travailleurs du pétrole (FUP), la Confédération nationale des métallurgistes de la CUT (CNM/CUT), la Fédération nationale et la Confédération des travailleurs urbains - FNU/CNU et le Syndicat des travailleurs de l'énergie (Sinergia CUT), entre autres.

Les Syndicats pour la démocratie de l'énergie (TUED) sont une initiative mondiale et multisectorielle visant à faire progresser la direction et le contrôle démocratiques de l'énergie d'une manière qui promeut des solutions à la crise climatique, à la pauvreté énergétique, à la dégradation des terres et des personnes, et répond aux attaques contre les droits et la protection des travailleurs.

Cet article a été publié à l'origine sur le site Web du TUED.

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« Violences sexuelles faites aux enfants : on vous croit »

19 décembre 2023, par Commission Indépendante sur l'Inceste et les Violences Sexuelles Faites aux Enfants (CIIVISE) — , ,
Il y a 3 ans, la Commission Indépendante sur l'Inceste et les Violences Sexuelles Faites aux Enfants (CIIVISE) était installée, avec pour lettre de mission de recueillir les (…)

Il y a 3 ans, la Commission Indépendante sur l'Inceste et les Violences Sexuelles Faites aux Enfants (CIIVISE) était installée, avec pour lettre de mission de recueillir les témoignages des personnes ayant été victimes de violences sexuelles pendant leur enfance en créant un espace inédit d'expression et faire des préconisations de politiques publiques pour améliorer la réponse des différentes institutions.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Par son rapport « Violences sexuelles faites aux enfants : on vous croit », publié ce vendredi 17 novembre, la CIIVISE restitue ces trois années d'engagement, livre son analyse des violences sexuelles faites aux enfants et présente des préconisations de politique publique. Quatre parties le structurent : les piliers, la réalité, le déni, la protection.

Les violences sexuelles faites aux enfants, l'inceste, sont un problème social historique et politique. Si longtemps confinées à la sphère privée et à l'intime secret, elles mettent aussi en question nos représentations collectives de la famille, de la sexualité, de la liberté, de la relation et du pouvoir. Face à cela, la culture de la protection ne peut être édifiée sans piliers inébranlables, afin de regarder la réalité en face, et sortir du déni.

La réalité peut être décrite en quelques chiffres : 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année, 5,4 millions de femmes et d'hommes adultes en ont été victimes dans leur enfance, l'impunité des agresseurs et l'absence de soutien social donné aux victimes coûtent 9,7 milliards d'euros chaque année en dépenses publiques. Les deux tiers de ce coût faramineux résultent des conséquences à long terme sur la santé des victimes. La réalité c'est d'abord le présent perpétuel de la souffrance.

Ce que la CIIVISE a à dire après trois ans d'engagement, d'écoute, de discernement et d'action, c'est ceci : nous, la société, nous nous sommes trompés. Nous avons cru qu'il était préférable de faire comme si ça n'existait pas, comme si c'était impossible. Nous avons préféré ne pas voir. La CIIVISE ne sera pas la première à mettre en évidence le déni dont les violences sexuelles faites aux enfants font l'objet.

Il est possible de sortir du déni, de remettre la loi à sa place, d'être à la hauteur des enfants victimes et des adultes qu'ils sont devenus. C'est le sens des 82 préconisations formulées de ce rapport. Elles sont réalistes et réalisables. Leur mise en œuvre sera moins coûteuse que le coût du déni.

La commission espère qu'il ne s'agit pas de son rapport final mais d'un rapport d'étape.

Elle espère que ce rapport sera lu et qu'il suscitera l'intérêt des mouvements et professionnels de la protection de l'enfance et celui des mouvements et professionnels de la lutte contre les violences sexuelles.

Elle espère qu'il sera lu par tous les citoyens, quel que soit leur métier ou leur engagement, parce que ce dont parle la CIIVISE les concerne nécessairement.

Elle espère que les personnes qui lui ont confié leur témoignage, et toutes les victimes de violences sexuelles dans leur enfance, se reconnaitront dans chaque mot, qu'aucun mot ne les troublera, que cette multitude de femmes et d'hommes se dira que la CIIVISE a été à la hauteur de leur attente, de leur parole, de leur exigence.

Elle espère enfin que ce rapport sera connu des enfants, d'une manière ou d'une autre ; que les enfants en entendront parler et se diront que cette CIIVISE a fait un travail sérieux, comme les enfants font un travail sérieux parce que les enfants sont des gens sérieux, qui vivent leur vie sérieusement ; que les enfants victimes se diront qu'ils vont être protégés, que les adultes qui les croient et veulent les protéger vont réussir parce qu'ils ne sont pas tout seuls.

Télécharger le rapport

Télécharger la synthèse
La littérature et notamment la littérature contemporaine permet, comme le dit Christine Angot, que « les mots soient visibles ». La littérature « fait voir » la réalité même quand cette réalité fait l'objet d'un déni ancien et puissant. C'est le cas des violences sexuelles faites aux enfants et notamment de l'inceste. Avec l'association Idéokilogramme, Henriette Zoughebi a réalisé pour la CIIVISE un recueil des œuvres littéraires qui s'inscrivent dans la lutte contre le déni.

Télécharger le receuil

La CIIVISE reçoit les témoignages dans le respect des articles 434-3 et 434-1 du Code pénal qui lui font obligation d'informer les autorités judiciaires de toutes les agressions ou atteintes sexuelles infligées à un mineur dont elle a connaissance, ainsi que de tout viol commis sur un majeur dont l'auteur serait susceptible de commettre de nouveaux viols qui pourraient être empêchés.

https://www.ciivise.fr/le-rapport-public-de-la-ciivise/

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La guerre, les femmes et les viols : on vous croit

19 décembre 2023, par Collectif, Fabienne Messica — , ,
La lutte contre le sexisme, les violences faites aux femmes, l'antisémitisme et les racismes ne souffre aucune exception, aucune exemption, y compris au sein de la gauche (…)

La lutte contre le sexisme, les violences faites aux femmes, l'antisémitisme et les racismes ne souffre aucune exception, aucune exemption, y compris au sein de la gauche antiraciste et féministe. N'oublions pas ce que les corps des femmes exhibés, malmenés, torturés, violés ou anéantis sous les bombes et ceux des enfants, nous disent de cette guerre entre Israël et le Hamas.

Tiré de Entre les lignes et les mots

https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/12/11/la-guerre-les-femmes-et-les-viols-on-vous-croit/

A l'heure où cette tribune est publiée, de nombreux textes ont abordé la question des viols le 7 octobre sous des angles d'ailleurs différents. Il m'aura fallu trois semaines pour parvenir à une version suffisamment rassembleuse tant le sujet est lourd de conséquences et psychologiquement chargé. Il est important de comprendre qu'à l'heure où la Cour Pénale Internationale a été saisie pour crimes de guerres, crimes contre l'humanité et crimes de génocide à l'encontre de l'État d'Israël, les crimes de viols commis en Israël le 7 octobre – et possiblement à l'encontre des otages – sont constitutifs de crimes de génocide. Ceci fait suite à plusieurs jugements prononcés à partir de 1998 par le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie ainsi que le jugement prononcé en 1998 par le Tribunal International pour le Rwanda à l'encontre de Jean-Paul Akayesu.

Malgré les appels nombreux à un cessez-le-feu et à la libération des otages, l'offensive israélienne à Gaza se poursuit et des familles entières, dont de nombreuses femmes et enfants sont anéanties.

La justice internationale est saisie. Ce texte n'a pas prétention à rendre à sa place un jugement mais à dénoncer le caractère patriarcal de cette guerre.

Fabienne Messica.

Tribune

Femmes victimes de viols dans des actes de guerre : qui que vous soyez, israéliennes, palestiniennes ou de tout autre pays : on vous croit !

La lutte contre le sexisme, les violences faites aux femmes, l'antisémitisme et les racismes ne souffre aucune exception, aucune exemption, y compris au sein de la gauche antiraciste et féministe.

Rien ne justifie les horreurs contre les populations civiles. Confondre la solidarité qui est aussi la nôtre avec les Palestinien-es pour leurs droits avec le déni des souffrances endurées le 7 octobre 2023 par les civils israéliens et en particulier les femmes, c'est se tromper de combat.

Nous tenons à l'affirmer bien que nous ne partagions pas l'accusation trop globale et sans nuance à l'égard des mouvements féministes à qui l'on reproche le retard ou parfois le déni dans la dénonciation des violences subies le 7 octobre par des femmes israéliennes. Nous savons aussi que les extrêmes-droites se saisissent de ces tensions dans le but d'invalider les luttes des femmes pour leurs droits, pour l'égalité et contre les violences sexistes et sexuelles. Mais si cette tentative de délégitimer le féminisme est inacceptable, la critique est permise.

La question des viols du 7 octobre est cruciale pour la propagande autour du Hamas qui, dès les premières heures, s'est attachée à nier l'extrême cruauté des actes commis (malgré les scènes filmées par les assaillants eux-mêmes et envoyées aux familles des victimes) pour que ces actes soient nimbés du qualificatif de résistance. Cette violence spécifique peut aussi faire l'objet d'une instrumentalisation par le gouvernement israélien pour justifier une riposte toujours plus meurtrière que nous condamnons fermement.

Mais ce n'est pas un motif pour invisibiliser ces crimes car la condition des femmes et les violences spécifiques qui s'exercent à leur égard ne sont jamais secondaires aux intérêts des uns et des autres !

La parole féministe ne peut être confisquée, embrigadée, paralysée au prétexte d'instrumentalisations possibles. Or le silence sur les viols et violences sexistes et sexuelles du 7 Octobre dans de nombreux pays et même à l'ONU Femmes [1], en est un exemple. Si nous le disons, ce n'est pas pour attaquer le féminisme, mais pour réaffirmer ses valeurs qui devraient primer.

En tant que féministes, condamner, quels qu'en soient leurs auteurs, les viols et violences sexistes et sexuelles qui sont des crimes contre l'humanité, relève de nos fondamentaux. Notre critique du patriarcat, de la glorification de la guerre, de la violence, de la puissance, de l'esprit militaire et du nationalisme et du colonialisme qui font système, reste entière. Nous savons que la guerre joue un rôle essentiel pour perpétuer les innombrables dominations tandis que les femmes occupent une place spécifique dans les stratégies guerrières : faire des enfants, les garçons seront des soldats et les filles feront des enfants… De plus, l'atteinte aux corps des femmes est considérée par des belligérants comme l'atteinte à la virilité de « l'ennemi » dans une conception et une pratique, fondamentalement virilistes.

C'est avec les féministes pacifistes qui dans ce conflit ont œuvré dans la solitude, supportant les insultes et les menaces des hommes nationalistes, masculinistes, fanatiques religieux qui les considèrent comme des traitres et « des putains de l'ennemi » que nous pouvons défaire ces logiques ; c'est avec nos sœurs israéliennes et palestiniennes qui tentent depuis des décennies de tracer une autre voix et sont renvoyées à leur appartenance nationale, israéliennes ou palestiniennes, à leur qualité de juives, de musulmanes ou de chrétiennes dans une perspective qui les assigne à la solidarité avec les bellicistes de leur pays ou de leur religion, alors même que la ligne de fracture ne se situe pas seulement entre deux peuples mais à l'intérieur de chacun de ces peuples.

Tel est le message du mouvement les Guerrières de la paix, un mouvement féministe mixte, créé il y a un an en France qui milite avec les sociétés civiles israéliennes et palestiniennes dans la continuité des Femmes en noir, mouvement israélo palestinien créée en 1988 pour mettre fin à la colonisation. Ni l'ethnicité, ni la religion ne sont la cause de la guerre mais bien plus des idéologies nationalistes et xénophobes. Le lien entre le patriarcat et le nationalisme est largement démontré. Défaire le patriarcat, c'est défaire le nationalisme belliqueux et xénophobe. Défaire le patriarcat, c'est défaire la guerre ; et les autocrates le savent bien qui verrouillent la liberté et les droits des femmes.

Nous ne pouvons dédouaner ni la société israélienne, ni la société palestinienne et les pouvoirs politiques qui les dirigent de tout patriarcat. L'expérience des femmes qui ont participé à des mouvements de libération nationaux devrait à cet égard nous enseigner que les moyens utilisés dans des guerres de libération, parmi lesquels l'éviction de tout groupe concurrent et souvent l'oppression du peuple qu'on prétend libérer, ne sont pas neutres. Ce n‘est donc pas n'importe quel acte dit de résistance ni n'importe quel pouvoir politique qu'il convient de soutenir.

Dans son livre, « Ne suis-je pas une femme [2] », bell hooks, célèbre afro-féministe, décrit avec finesse la double exclusion des femmes noires. Elle montre que des oppressions peuvent se combiner, dans la domination des femmes noires, à savoir le racisme d'une part et d'autre part, le sexisme dans son propre camp de lutte contre le racisme.

Alors quand nous lisons, dans une tribune, publiée le 21 novembre dans « le media », par un collectif de féministes militantes, chercheuses et artistes, que ce dernier, non seulement nie l'augmentation des actes antisémites dans le monde mais encore, réduit les évènements du 7 octobre à de la simple de propagande, c'est pour nous un détournement du féminisme. Écrire que parler de ces viols et des violences sexistes et sexuelles et condamner les actions des combattants du Hamas, c'est « réitérer la vision d'un monde musulman barbare contre une population israélienne féminisée et ainsi lavée et blanchie de tout soupçon. La condamnation sans appel des combattants du Hamas s'arrime en effet à la construction d'un Orient monstrueux, nécessairement coupable des pires atrocités contre les femmes, permettant ainsi une fois de plus d'annuler toute perspective historique quant à la violence intrinsèque à la colonisation » est une forme alambiquée de deshumanisation des victimes et d'héroïsation d'actes que nous avons tout de même coutume de condamner sans réserve.

Certes, le discours qui fait de cette guerre un conflit de civilisation est islamophobe et nous le rejetons fermement. Mais un discours qui nie les atrocités commises le 7 octobre au nom de la lutte contre l'islamophobie n'est pas entendable non plus.

A nous féministes de nous montrer dans ce domaine à la hauteur des enjeux. A nous, engagées dans la lutte contre le sexisme et tous les racismes et pour une paix juste et durable entre Israël et la Palestine de dénoncer sans réserve et sans exception, les virilismes, la militarisation des conflits et le patriarcat.

Premiers signataires
Fabienne Messica, Ligue des Droits de l'Homme, Golem
Pierre Tartakowsky, président d'honneur de la Ligue des Droits de l'Homme,
Nora Tenenbaum, militante féministe,
Jonas Pardo, militant et formateur contre l'antisémitisme, golem
Laura Fedida, militante antiraciste
Didier Epsztajn, animateur du blog « entre les lignes entre les mots »
Yann Levy, photographe et journaliste
Mélanie Jaoul, féministe intersectionnelle, Présidente de AATDS
Illana Weizman, essayiste
Sandro Munari architecte-urbaniste
Deborah de Robertis, artiste
Sarite Rosen Artiste plasticienne
Fiona Schmit, autrice et militante féministe
Eva Vocz, miltante féministe, chargée de plaidoyer à Act Up

[1] Qui réagit tardivement par un tweet lunaire le 25 octobre.
[2] C'est Sojourner Truth, militante noire américaine qui prononça cette phrase en 1851 dans un discours à une Convention des femmes à Akron en Ohio

https://blogs.mediapart.fr/messicafabienne/blog/091223/la-guerre-les-femmes-et-les-viols-vous-croit
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Deuxième rapport : Le sexisme dans la publicité française

19 décembre 2023, par Résistance à l'Agression Publicitaire (R.A.P.) — , ,
Résistance à l'Agression Publicitaire (R.A.P.) publie le deuxième rapport de son Observatoire de la Publicité Sexiste intitulé Le sexisme dans la publicité française, (…)

Résistance à l'Agression Publicitaire (R.A.P.) publie le deuxième rapport de son Observatoire de la Publicité Sexiste intitulé Le sexisme dans la publicité française, 2022-2023. Ce rapport fait suite à une première version publiée en 2021 et montre que les mauvaises pratiques constatées à l'époque restent de mise, voire se renforcent. L'autorégulation publicitaire est un échec : la publicité française contribue à perpétuer les stéréotypes et les injonctions de genre les plus ridicules et les plus violentes.

Consultez le rapport en cliquant sur ce lien

De mars 2022 à mars 2023, R.A.P. a mis en ligne un formulaire permettant aux citoyen·nes de dénoncer et documenter des publicités sexistes subies dans leur quotidien. En un an, sur 285 contributions provenant de toute la France, 87% ciblent le genre féminin. L'analyse précise de ces contributions montre que les techniques et les mises en scène observées entre 2019 et 2020 restent utilisées par le secteur publicitaire. Les secteurs d'activité les plus représentés sont ceux de l'habillement et de la parfumerie (55%) ainsi que l'hygiène et la beauté (18,5%) qui constituent à eux seuls presque trois-quart des publicités jugées sexistes dans l'échantillon. Cette prédominance annonce déjà le rôle de l'esthétisme et de l'apparence dans le « publisexisme ».

L'ensemble des stéréotypes et injonctions sexistes véhiculés par la publicité est majoritairement propagé par les images, quoique des slogans sexistes continuent d'être diffusés. Des femmes sexualisées, y sont représentées dans des postures de séduction et/ou de soumission. Elles y apparaissent en général comme mises à nues, fragmentées, infantilisées, érotisées, et réduites à être traités comme des objets plutôt que comme des sujets, Les corps représentés répondent aux mêmes normes discriminantes (minceur, blanchité, jeunesse, épilation) et/ou irréalistes (par l'emploi de mannequins et le recours systématique à la retouche photographique) que précédemment. Quand, parfois, des corps moins normés sont représentés, c'est pour être soumis à de semblables traitements sexualisants. Les hommes restent dans le rôle du sachant, fort et protecteur. Autres éléments, le modèle du couple est systématiquement hétéronormé et le partage des tâches toujours aussi genré.

Face à ces abus persistants, le rapport conclut que les mesures censées réguler l'industrie publicitaire sont insuffisantes : mentions légales, chartes de bonne conduite et instances d'« autorégulation » échouent à filtrer ou contrebalancer ces campagnes. C'est pourquoi R.A.P. préconise la création d'une autorité indépendante, dotée de réels pouvoir de régulation ; l'inscription de l'interdiction du sexisme publicitaire dans la loi ; l'interdiction de la représentation des corps (entiers ou morcelés, humains ou humanoïdes, réalistes ou caricaturés) en publicité. « Face à un publisexisme qui se perpétue et s'accommode de toutes les chartes ou comités d'éthique, il nous faut des lois. Si la publicité prétend nous transmettre des informations sur des produits, ce sont les produits qu'elle doit montrer », déclare Jeanne Guien, porte parole de R.A.P.

Introduction

Chaque jour, nous recevons des centaines de messages publicitaires. Cette pression permanente, non sollicitée, contribue à façonner nos jugements et nos représentations.

En effet, les messages publicitaires sont stéréotypés : ils recourent de façon répétitive à des repré- sentations et injonctions similaires. Lorsque ces messages stéréotypés ciblent certains groupes sociaux, ils contribuent au développement de normes, souvent caricaturales voire discriminantes. C'est notamment le cas en ce qui concerne la représentation des femmes et minorités de genre dans la publicité.

En 2019, l'association Résistance à l'Agression Publicitaire (RAP) a créé l'Observatoire de la Publicité Sexiste (OPS), dans le but d'enquêter sur les stéréotypes et injonctions sexistes véhiculés par la publicité (ou « publisexisme »). Réunissant et analysant des publicités observées dans toute la France pendant un an, nous avons publié un premier rapport en 2021, qui constatait que le publisexisme était un problème actuel, touchant principalement les femmes et s'appuyant sur des mises en scène stéréotypées : des corps sexualisés, épilés, blancs, minces, jeunes, en position de soumission, de séduction, d'infantilisation, de travail domestique, etc.

Entre mars 2022 et mars 2023, nous avons relancé ce dispositif, afin d'étudier la persistance de ces mises en scènes et leurs éventuelles évolutions. 285 contributions ont été envoyées sur notre formulaire en ligne (contre 165 pour le premier rapport), issues de toute la France et tirées de différents supports (affichage extérieur, réseaux sociaux, télévision, prospectus, etc.). Sur la base de ces contributions, ce nouveau rapport montre que l'industrie publicitaire ne parvient pas à réformer ses pratiques sexistes. En effet, les mises en scène observées entre 2019 et 2020 restent utilisées. De plus, certains efforts consentis par cette industrie (notamment, le fait d'inclure des mannequins non blanc·he·s ou non maigres) tendent à renforcer le publisexisme, en appliquant ces mises en scène à de nouveaux groupes sociaux, devenus de nouvelles cibles marketing.

Parce qu'à l'heure actuelle, rien ne nous protège de ces pratiques, nous concluons ce rapport en présentant nos revendications, pour en finir avec ces agressions sexistes quotidiennes et banalisées.

Consultez le rapport en cliquant sur ce lien
https://antipub.org/wp-content/uploads/2023/11/RAP-SEXISME-PUB-FINAL.pdf
https://antipub.org/rapport-sexisme-dans-la-publicite-francaise-2/

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Alternatives féministes aux dilemmes de l’humanité : affronter le capitalisme dans le présent

19 décembre 2023, par Ana Priscila Alves — ,
Lisez le discours sur les stratégies internationalistes de l'organisation anticapitaliste, tenu lors de la conférence Dilemmes de l'humanité Tiré de Entre les lignes et les (…)

Lisez le discours sur les stratégies internationalistes de l'organisation anticapitaliste, tenu lors de la conférence Dilemmes de l'humanité

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/12/15/alternatives-feministes-aux-dilemmes-de-lhumanite-affronter-le-capitalisme-dans-le-present/

La Marche Mondiale des Femmes est ancrée dans une tradition internationaliste. C'est aussi le fruit du combat de toute une vie de la compagne Nalu Faria. Nous suivons les tâches que Nalu nous a laissées – qui sont nombreuses, pour nous toutes et tous, combattants et combattantes du monde qui l'avons rencontrée, qui ont croisé son dévouement, son engagement et ses accumulations.

Je commencerai donc par deux réflexions que Nalu nous a toujours apportées. La première est l'importance de construire l'internationalisme, de comprendre que les luttes socialistes et féministes sont antisystémiques et doivent être internationales, entre camarades du monde entier. La deuxième réflexion porte sur l'importance du processus ; non seulement l'importance de cet espace que nous construisons aujourd'hui, mais le processus qui nous a amenées ici et aussi ce qui est déclenché à partir de cet espace.

L'organisation contre la mondialisation

Dans quel état sommes-nous, travailleurs et travailleuses, aujourd'hui ? Notre organisation est une réponse et une construction alternative pour transformer les conditions dans lesquelles nous vivons. Dans quels scénarios naissent les mouvements sociaux ? Comment s'organise la lutte ? Au Brésil, par exemple, entre 1964 et 1985, nous avons vécu une dictature militaire, dans un processus qui, paradoxalement, a fait émerger plusieurs mouvements sociaux actuels, tels que le Mouvement des travailleurs sans terre (MST – Movimento dos Trabalhadores Sem Terra), la Centrale Unique des Travailleurs (CUT – Central Única dos Trabalhadores), l'Association Nationale des étudiants diplômés (ANPG – Associação Nacional de Pós-Graduandos), et plusieurs autres.

Puis, dans les années 1990, nous avons vécu un moment où l'impérialisme nous a imposé un projet de mondialisation, internationalisant davantage l'économie néolibérale de précarité de nos vies. En Amérique latine, en particulier, on a essayé de nous imposer la ZLEA, un accord de libre-échange. À ce moment-là, dans la transition des années 1990 aux années 2000, l'organisation des mouvements créait deux voies : certains pensaient que contester cet agenda d'institutionnalité pouvait apporter des opportunités nous, d'autre part, pensions que ce n'était pas le cas. Nous avons compris que c'était très similaire aux conditions dans lesquelles nous vivions déjà, et que ce projet essayait de nous approfondir et de nous piéger dans une condition de subordination.

Les Nations Unies (ONU) ne nous représentaient pas, et nous avons compris que la lutte et les réponses nécessaires ne pouvaient venir que des travailleurs et travailleuses. Dans ce contexte de néolibéralisation, la Marche Mondiale des Femmes, la Via Campesina et d'autres mouvements ont émergé, avec la compréhension que si l'oppression est internationale, notre réponse – notre socialisme, notre féminisme – doit également être internationale.

La classe ouvrière et ses dilemmes actuels

Aujourd'hui, nous vivons une nouvelle inflexion du système capitaliste. Nous voyons que le système capitaliste n'attaque pas seulement le travail, mais nos vies. Le capitalisme est incompatible avec la vie. Nous le voyons aujourd'hui dans la confrontation de nos camarades en Palestine. Nous l'avons également vu ces dernières années lors de la pandémie, car pendant que les gens mouraient dans les pays du Sud, un vaccin était déjà prêt et inaccessible. À l'époque, nous étions nombreux à comprendre que les luttes pour briser les brevets et contre les entreprises pharmaceutiques transnationales s'inscrivaient dans le cadre d'une lutte de solidarité internationale de la classe ouvrière.

La période de pandémie a entraîné un remaniement du travail, ce qui a été encore plus difficile pour les femmes. D'une part, nous avons assisté à un approfondissement de l'ubérisation, non seulement dans le travail des plateformes à proprement parler, mais aussi dans la flexibilisation de tous les droits. D'autre part, même dans ces conditions précaires, les femmes ont été expulsées de ce marché du travail. Au Brésil, en 2020, 96% des personnes qui ont perdu leur emploi formel étaient des femmes, selon l'enquête sur le Rapport annuel d'information sociale (Rais). Cette tendance a eu lieu non seulement au Brésil, mais dans le monde entier. Aujourd'hui, nous avons beaucoup plus d'hommes que de femmes sur le marché du travail économiquement actif.

Les crises du capital sont nécessaires pour recomposer les profits, mais aussi pour recomposer leurs chaînes d'exploitation, dont fait partie la division sexuelle du travail. Les crises vont de pair avec des politiques d'austérité, de réduction de l'État et de ses systèmes de santé, d'éducation publique et de soins. Lorsque le marché nous expulse du marché du travail et que l'État se retire de ces tâches, le message qu'ils nous transmettent est qu'il s'agit d'une responsabilité des femmes. Qu'ils veulent nous renvoyer à la maison pour que nous nous occupions des malades, des enfants, des personnes âgées et aussi des hommes, qui sont sur ce marché du travail économiquement actif de plus en plus écœurant.

Pour le système capitaliste, toutes ces tâches de soins incombent aux femmes.
Ana Priscila Alves

Cette condition soulève deux éléments : le premier est que le travail salarié n'est pas une règle ni pour les pays du Sud ni pour les femmes. Il existe un certain nombre d'emplois non formels et non rémunérés. La seconde est la construction capitaliste de fausses dichotomies, telles que la production et la reproduction, publique et privée, raison et émotion. Toutes sont faites pour rendre invisible le travail gratuit effectué par les femmes. Le travail de reproduction de la vie soutient l'économie. Supposer que les femmes seront responsables des soins nous impose une précarité structurelle, marquée par le système capitaliste, patriarcal et raciste et la division internationale du travail.

Alternatives féministes pour changer le monde

Le féminisme, qui est en fait le capitalisme peint en lilas, ne nous sert pas. Le féminisme a besoin d'être populaire, de démanteler les fondements de ce système capitaliste qui nous opprime partout dans le monde. Nous apportons comme alternative une économie féministe, capable de mettre la vie au centre. L'économie est l'ensemble des tâches qui assurent la vie et permettent à la société de continuer à fonctionner.

Comprenant que le conflit du capital contre la vie structure notre société, nous construisons ces alternatives sur nos territoires. Dans la pandémie, nous avons compris la nécessité de nommer ceux qui nous oppriment et de faire face à l'offensive des sociétés transnationales – pharmaceutiques, minières, privatisation de l'eau, entre autres. Les femmes donnent des réponses parce qu'elles sont à l'avant-garde de cette résistance sur leurs territoires, avec la mémoire, le mysticisme, l'agriculture familiale et l'économie solidaire.

Quand on regarde les alternatives proposées dans nos pays et territoires, on se rend compte que c'est le défi de notre époque historique. Dans les années 1980, un certain nombre de mouvements sociaux ont pu émerger pour lutter pour la démocratie. Dans les années 1990, nous nous sommes battues contre la mondialisation capitaliste. Il est maintenant temps de comprendre la réorganisation du capital et de lutter pour construire le socialisme aujourd'hui, à notre époque historique.

Ce système qui nous tue ne peut pas continuer. –
Ana Priscila Alves

Nalu Faria a répété à plusieurs reprises que la réponse aux problèmes et dilemmes de l'humanité se trouve dans la classe ouvrière elle-même, dans le quotidien, dans les mouvements, dans les alternatives que nous avons déjà construites chaque jour, dans nos lieux d'action et de vie. La réponse au démantèlement des fondements matériels du capitalisme réside dans les mouvements de résistance que nous faisons à travers le monde. C'est notre tâche : changer le monde pour changer la vie des femmes et changer la vie des femmes pour changer le monde. E c'est pourquoi nous continuerons jusqu'à ce que nous soyons toutes libres.

Ana Priscila Alves
Ana Priscila Alves est membre de la Marche Mondiale des Femmes à Rio de Janeiro, au Brésil. Ce texte est une édition de son discours au panel « Organisation de la classe ouvrière », qui s'est tenu le 15 octobre, lors de la 3ème Conférence internationale Dilemmes de l'humanité, à Johannesburg, en Afrique du Sud.
Traduit du portugais par Andréia Manfrin Alves
Transcription par Vivian Fernandes (AIP)
Édition par Helena Zelic
https://capiremov.org/fr/analyse/alternatives-feministes-aux-dilemmes-de-lhumanite-affronter-le-capitalisme-dans-le-present/

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Accorder le statut de salarié-e-s à toutes les travailleuses et à tous les travailleurs handicapé-e-es en établissement et services d’aide par le travail

19 décembre 2023, par Collectif — , ,
La conférence nationale du handicap du 26 avril 2023 a affirmé une ambition majeure : « cesser d'enfermer les personnes dans des dispositifs et des parcours spécifiques et (…)

La conférence nationale du handicap du 26 avril 2023 a affirmé une ambition majeure : « cesser d'enfermer les personnes dans des dispositifs et des parcours spécifiques et rendre l'environnement professionnel de droit commun totalement accessible, quel que soit le handicap ».

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/12/15/accorder-le-statut-de-salarie-e-s-a-toutes-les-travailleuses-et-a-tous-les-travailleurs-handicape-e-es-en-etablissement-et-services-daide-par-le-travail/#

Madame la première Ministre,

Mais la loi Plein Emploi adoptée par le parlement ne change pas le statut des travailleur·euse.s en ESAT toujours « usager-ère-s » et dépendant du Code de l'Action Sociale et des Familles et non du Code du travail, ce qui reste pour les personnes concernées une grave discrimination et une non-reconnaissance de leur travail.

En droit du travail, trois notions principales déterminent la qualité de salarié.e : le contrat de travail, la rémunération et le lien de subordination. Ces critères doivent s'appliquer à toutes les personnes qui travaillent en ESAT.

Maintenir ces personnes dans la seule mouvance de l'action médico-sociale est contradictoire avec l‘objectif recherché : « Chacun est présumé pouvoir travailler en milieu ordinaire ».

Le Code du travail prévoit déjà des cadres juridiques particuliers dans lesquels les salarié.e.s bénéficient à la fois des mêmes droits que les autres salarié.e.s et de dispositions protectrices particulières comme dans les entreprises d'insertion, les entreprises adaptées, les salariés de l'intérim.

Nous ne comprenons pas pourquoi votre Gouvernement a refusé, systématiquement et sans débat, tous les amendements allant dans ce sens.

En ESAT, les travailleur·euse.s sont soumis à l'autorité de l'association qui les emploie. Ils ont une production à assurer et doivent travailler 35 heures avec une rémunération mensuelle moyenne de 350€ !

– Quel accès aux formations qualifiantes de droit commun ?
– Quel accès à un emploi librement choisi en milieu ordinaire ?
– Quels moyens humains, techniques et financiers seront mis en œuvre en ce sens ?

Les avancées votées comme le droit de se syndiquer ou de faire grève, la mutuelle collective ou la prise en charge partielle des frais de transports ne changent pas fondamentalement le statut des travailleur·euse.s handicapé.e.s des ESAT.

Il est temps d'en finir avec le statut d'usager-ère-s et d'accorder les mêmes droits que tous les salarié.e.s de ce pays. Ce qui est la réalité dans bon nombre de pays européens.

Nous vous rappelons que la loi du 11 février 2005 s'intitule : « Pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ». Il est temps de la mettre pleinement en œuvre.

En vous remerciant de votre attention, nous vous prions d'agréer Madame la Première ministre, l'expression de notre plus haute considération.

Signataires : François Couturier, A.M.I Association nationale de défense des Malades Invalides et handicapés ; Chantal Rialin, F.D.F.A Femmes pour le Dire Femmes pour Agir ; Marie Rabatel, Association Francophone des Femmes Autistes ; Manuel Bernardo, F.M.H Fédération des Malades et Handicapés ; Patrick Baudouin, LDH (Ligue des droits de l'Homme) ; Céline Perdreau, Association Les Dévalideuses ; Sophie Binet, C.G.T Confédération Générale du Travail ; Benoît Teste, F.S.U Fédération Syndicale Unitaire ; Julie Ferrua, Union Syndicale Solidaires. ; Christophe Logez ; A.C.O ESAT des Vosges avec le soutien de l'Action Catholique Ouvrière nationale.

Paris, le 12 décembre 2023.
https://www.ldh-france.org/accorder-le-statut-de-salarie-es-a-toutes-les-travailleuses-et-a-tous-les-travailleurs-handicape-ees-en-etablissement-et-services-daide-par-le-travail/

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Les 10 % les plus riches profitent financièrement du réchauffement climatique

19 décembre 2023, par Amélie Quentel — , ,
Si l'on prend en compte les placements financiers des 10 % les plus riches, leur empreinte carbone est deux fois plus élevée que les chiffres jusque-là avancés, selon une étude (…)

Si l'on prend en compte les placements financiers des 10 % les plus riches, leur empreinte carbone est deux fois plus élevée que les chiffres jusque-là avancés, selon une étude économique.

Tiré de Reporterre.

Prenons un steak. Qui est responsable des émissions induites par sa production ? Celui qui le mange ? Celui qui le produit ? Les deux ? Si l'on prend en compte les investissements des riches, c'est-à-dire leurs actions dans les entreprises, pour calculer leur empreinte carbone, celle des 10 % les plus riches serait 2 à 2,8 fois plus élevée qu'on ne le pensait. Voilà la principale conclusion de l'étude publiée le 7 décembre par les économistes Lucas Chancel et Yannic Rehm.

Intitulé The carbon footprint of capital (« L'empreinte carbone du capital », en français), ce texte de soixante-deux pages, disponible sur le site du World Inequality Database, se base sur des données récoltées en France, en Allemagne et aux États-Unis. Son but : « Présente[r] de nouvelles estimations sur l'inégalité des empreintes carbone individuelles entre les groupes de richesse » dans ces trois pays. Et ainsi « mett[re] en évidence le domaine dans lequel le potentiel de réduction des émissions est le plus important pour les individus ».

« Cette étude est révolutionnaire »

« Cette étude est révolutionnaire dans le sens où elle montre que la responsabilité des émissions ne repose pas que sur les consommateurs mais aussi sur les actionnaires, qui détiennent les moyens de production », explique à Reporterre Alexandre Poidatz, responsable climat et inégalités chez Oxfam France.

Les deux chercheurs ont mis en place un « nouveau cadre de mesure ». Habituellement, l'empreinte carbone est calculée en fonction de la consommation et du mode de vie — logement collectif ou villa avec piscine, voyage en train ou en avion... Cette fois, les économistes ont aussi pris en compte les émissions relatives à la possession d'actifs (actions au sein d'entreprises, immobilier, fonds de pension…).

Ils proposent ainsi trois façons différentes de calculer l'empreinte carbone d'un individu [1] :

la première attribue l'ensemble des émissions aux consommateurs ;

la deuxième, nommée « le scénario investisseurs », attribue la totalité de l'empreinte carbone liée à l'activité productive d'une entreprise à ceux qui la détiennent ;

la dernière est dite « mixte ». Elle attribue aux consommateurs les émissions liées aux secteurs de production (l'acheminement du steak jusqu'à la grande surface par exemple), sauf celles liées aux investissements et donc au capital. Ces dernières sont attribuées aux actionnaires des entreprises.

Près de trois fois l'empreinte carbone d'un Français moyen

Si l'on considère que ceux qui détiennent les usines sont responsables de ce qu'elles produisent (le deuxième scénario), alors cela fait plus que doubler l'empreinte carbone des 10 % les plus riches, l'augmentant de 2 à 2,8 fois en fonction du pays par rapport à la première approche. Selon ce scénario, un individu faisant partie des 10 % les plus riches en France émet ainsi en moyenne 38 tonnes équivalent CO2 tous les ans. Si l'on ne considère que ce que les riches consomment (premier scénario), alors le chiffre n'est « que » de 16 tonnes éqCO2. En France, la moyenne est de 10 tonnes éqCO2 par an et par personne. L'Accord de Paris, lui, fixe à environ 2 tonnes l'empreinte que nous devrions avoir.

Enfin, si l'on prend le troisième scénario, une personne faisant partie des 10 % des plus riches en France émet en moyenne 25 tonnes éq CO2 par an.

« C'est par la réorientation de leurs actifs financiers vers des entreprises bas carbone que les plus riches peuvent non seulement réduire leur empreinte individuelle, mais aussi engendrer une réduction de l'empreinte collective », analyse Alexandre Poidatz, d'Oxfam France, ONG ayant déjà publié de nombreux travaux sur le sujet.

Il souligne un autre enseignement majeur de cette étude : le fait que les 10 % les plus riches profitent financièrement du réchauffement climatique. « Plus on est riche, plus on détient, logiquement, d'actifs financiers. Mais leur travail permet de démontrer un autre point très important : le fait que plus on est riche, plus on détient des actifs financiers polluants. En d'autres termes, les plus riches s'enrichissent grâce à leurs investissements dans des entreprises polluantes. »

Selon les économistes, « il s'avère que les plus riches possèdent des actifs à plus forte intensité de carbone que les segments moyens et pauvres de la société [...]. Les actifs financiers, en particulier les actions, ont une forte intensité d'émissions. Pour chaque million détenu en actions, les émissions annuelles de carbone sont estimées à 120-150 tonnes éq CO2 en France », ajoutent-ils. Dans le « scénario investisseurs », 75 à 80 % de l'empreinte carbone des 10 % les plus riches est d'ailleurs liée à leur possession d'actifs, et non à leur mode de vie. « En se concentrant uniquement sur les émissions liées à la consommation directe ou indirecte, on risque de passer à côté d'une grande partie des émissions, en particulier chez les personnes fortunées », alertent-ils.

La taxe carbone doit peser sur les plus riches

Afin d'« élargir la boîte à outils politique », les deux économistes formulent ainsi plusieurs propositions et pistes de réflexion pour réduire efficacement les émissions de gaz à effet de serre. Parmi elles : le « ciblage du contenu en carbone des actifs », qui pourrait passer par « l'interdiction de certains types d'investissements », la mise en place d'« incitations fiscales pour les produits d'investissements verts » ou encore par la « taxation des investissements ou actifs polluants ».

C'est qu'au-delà de la question climatique, un calcul adéquat de l'empreinte carbone comporte aussi un enjeu de justice sociale, comme l'écrivent Chancel et Rehm : « Les taxes sur le carbone prélevées sur la consommation frappent généralement de manière disproportionnée les groupes à faible revenu et à faible taux d'émission. Au contraire, une taxe sur le carbone appliquée au contenu en carbone des actifs ou des investissements pèserait principalement sur les riches émetteurs. »

Notes

1- Ils prennent tous en compte les émissions directes des ménages (émissions principalement liées à la combustion de carburant pour se déplacer et de gaz ou fioul pour se chauffer) mais pas forcément les émissions indirectes, due à la production des biens consommés.

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Changement climatique. Le rôle ignoré des ex-empires coloniaux

19 décembre 2023, par Carbon Brief, Simon Evans, Verner Viisainen — , ,
La responsabilité historique du changement climatique est radicalement modifiée lorsque l'on tient compte des émissions de CO2 générées par les anciennes puissances coloniales (…)

La responsabilité historique du changement climatique est radicalement modifiée lorsque l'on tient compte des émissions de CO2 générées par les anciennes puissances coloniales dans les territoires qu'elles contrôlaient. L'Europe a ainsi un impact beaucoup plus important que ne le laissent penser les modes de calcul actuels.

Tiré d'Afrique XXI.

Selon le sixième rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), il existe des preuves « sans équivoque » que l'homme a réchauffé la planète, provoquant des changements « rapides et généralisés » dans les océans, les glaces et les terres émergées. Le résumé destiné aux décideurs politiques indique que le réchauffement actuel a été causé par « plus d'un siècle d'émissions nettes de GES [gaz à effet de serre] provenant de l'utilisation de l'énergie, de l'utilisation des terres et des changements d'affectation des terres, du mode de vie et des habitudes de consommation, ainsi que de la production ».

Il est pratiquement certain que le réchauffement de la planète atteindra un nouveau record en 2023. Les émissions de CO2 d'origine humaine sont le principal facteur du réchauffement, et il existe une relation directe et linéaire entre la quantité de CO2 libérée et le réchauffement de la surface de la Terre. Pourtant, les émissions mondiales de gaz à effet de serre continuent d'augmenter et ont également atteint des niveaux records en 2023. Le changement climatique a déjà des répercussions importantes qui touchent de manière disproportionnée les pays à faible revenu, qu'il s'agisse de vagues de chaleur et de sécheresse meurtrières ou d'une perte de glace « catastrophique », souligne encore le Giec.

En outre, le moment où 1 tonne de CO2 est émise n'a qu'un impact limité sur l'ampleur du réchauffement qu'elle provoquera en fin de compte. Mais, une fois émise, l'augmentation des niveaux de CO2 dans l'atmosphère qui en résulte est permanente à l'échelle humaine. Et ce même si les molécules de CO2 ont une durée de vie limitée dans l'atmosphère (1) puisqu'elles circulent à travers le « cycle du carbone » (2). Par conséquent, les émissions de CO2 des siècles précédents continuent de contribuer au réchauffement de la planète, et le réchauffement actuel est déterminé par le total cumulé des émissions de CO2 au fil du temps.

Le budget carbone dépassé dans cinq ans

La quantité totale de CO2 qui peut être émise pour rester en deçà d'une limite donnée des températures mondiales est appelée « budget carbone ». L'analyse suivante utilise les dernières estimations du budget carbone restant pour avoir une chance sur deux de limiter le réchauffement à moins de 1,5 °C par rapport aux températures préindustrielles.

L'addition de toutes les émissions de CO2 d'origine humaine recensées dans cette analyse, au cours de la période 1850-2023, s'élève à 2 558 Gigatonnes de CO2 (GtCO2). Cela signifie que le budget carbone restant pour l'objectif des 1,5 °C ne sera que de 208 GtCO2 à la fin de 2023. Il reste moins de 8 % du budget – et celui-ci sera épuisé en moins de cinq ans si les émissions mondiales de CO2 se poursuivent aux niveaux actuels.

Au cours de la première décennie couverte par l'analyse de Carbon Brief, les émissions liées à la terre, y compris la déforestation, représentent plus de 90 % du CO2 émis chaque année. Ce schéma est inversé aujourd'hui, les combustibles fossiles et la production de ciment représentant environ 91 % des émissions mondiales de CO2 en 2023, comme le montre la figure ci-dessous.

Les émissions annuelles mondiales de CO2 provenant des combustibles fossiles et du ciment ont dépassé les émissions liées à la terre pour la première fois en 1947 – par coïncidence, l'année où l'Inde et le Pakistan ont obtenu leur indépendance. Dans l'ensemble, les combustibles fossiles et le ciment représentent plus des deux tiers des émissions cumulées de CO2, soit 71 % des émissions totales produites entre 1850 et 2023. L'utilisation des terres et la sylviculture représentent les 29 % restants.

Les estimations de Carbon Brief concernant les émissions cumulées depuis 1850 – et le budget carbone restant à ce jour – sont entièrement alignées sur les dernières mises à jour du Giec en 2021. L'épuisement accéléré du budget carbone qui permet de ne pas dépasser 1,5 °C est illustré par des marqueurs dans la figure ci-dessus, montrant les années où 25 %, 50 % et 75 % du budget ont été utilisés. Cela illustre qu'il a fallu 107 ans pour épuiser le premier quart du budget carbone, puis seulement 33 ans pour utiliser le quart suivant et seulement 22 ans pour le troisième quart. Au rythme actuel, le dernier quart du budget 1,5 °C sera épuisé en 16 ans.

La responsabilité du réchauffement modifiée

La responsabilité historique est éthiquement complexe, mais il est clair que les puissances coloniales ont eu une influence significative sur les paysages, l'utilisation des ressources naturelles et les modèles de développement qui ont eu lieu sous leur domination. Il serait difficile de justifier le fait de l'ignorer complètement. En effet, il est bien connu que les puissances coloniales ont extrait des ressources naturelles des terres colonisées pour soutenir leurs puissances économique, militaire et politique.

Pourtant, le lien avec les émissions historiques n'avait jamais été quantifié. Cette analyse attribue l'entière responsabilité des émissions passées à ceux qui détenaient le pouvoir de décision ultime à l'époque, à savoir les dirigeants coloniaux. Cela va à l'encontre de l'hypothèse implicite des analyses précédentes, dans lesquelles aucune responsabilité n'était attribuée aux puissances coloniales. Il est permis de penser que la véritable part de responsabilité dans le réchauffement actuel se situe quelque part entre ces deux extrêmes, où les émissions sont entièrement attribuées soit aux puissances coloniales, soit à leurs anciennes colonies. Conformément à cette approche, l'analyse attribue la responsabilité des émissions dans les anciennes républiques soviétiques à la Russie, car le pouvoir de décision était fortement centralisé à Moscou.

La figure ci-dessous montre les vingt premiers pays du monde en termes d'émissions historiques cumulées de CO2. Les colonnes bleues indiquent les émissions qui ont lieu à l'intérieur des frontières actuelles de chaque pays, tandis que les parties rouges indiquent les émissions qui ont eu lieu sous sa domination, dans les territoires qu'il contrôlait. Les parties bleu clair indiquent les émissions des anciennes colonies réaffectées à l'ancienne puissance coloniale.

Les principales puissances européennes postcoloniales, dont le Royaume-Uni (+70 %), la France (+51 %) et les Pays-Bas (+181 %), voient toutes leur part d'émissions historiques augmenter de manière significative. Bien qu'ils ne figurent pas dans le top 20, la Belgique (+33 %), le Portugal (+234 %) et l'Espagne (+12 %) enregistrent des effets similaires. Collectivement, l'Union européenne (UE) et le Royaume-Uni assument une responsabilité beaucoup plus grande (+28 %). En revanche, l'Inde (-15 %) et l'Indonésie (-24 %) se distinguent particulièrement par la réduction de leur part d'émissions cumulées, dans le cadre de cette nouvelle approche de la responsabilité historique du réchauffement.

La Russie voit également une augmentation significative de sa responsabilité historique dans le réchauffement actuel, qui augmente de deux cinquièmes pour atteindre 9,3 % du total mondial, selon l'approche adoptée dans cette analyse. Néanmoins, certains affirment que la nature de la dynamique du pouvoir au sein de l'ex-Union soviétique était différente de celle qui existait entre les colonialistes européens et les peuples qu'ils avaient colonisés à l'étranger.

Bien qu'ils ne figurent pas dans le top 20, l'Autriche (+72 %) et la Hongrie (+70 %) enregistrent également des changements importants, en raison de l'ancien empire austro-hongrois. Cet empire était lui aussi d'une nature différente des colonisations d'outre-mer des autres puissances européennes.

Un classement bouleversé

La prise en compte de la domination coloniale modifie le classement d'un certain nombre de pays. Le Royaume-Uni en est l'exemple le plus frappant, passant du huitième au quatrième rang des pays contribuant au changement climatique. Cela signifie qu'il dépasse son ancienne colonie, l'Inde, en termes de responsabilité passée. De même, si les Pays-Bas ne dépassent pas tout à fait l'Indonésie, leur classement relatif est sensiblement différent après prise en compte de la responsabilité coloniale dans les émissions passées.

Ces changements sont illustrés dans la figure ci-dessous, qui montre les vingt premiers pays du monde classés en fonction de leur part d'émissions cumulées. À gauche, seules les émissions à l'intérieur des frontières actuelles sont prises en compte, tandis qu'à droite, les émissions sous la domination coloniale sont ajoutées (l'UE et le Royaume-Uni sont représentés comme un bloc).

Les autres changements évidents dans le classement ci-dessus concernent l'Ukraine et le Kazakhstan, deux anciennes républiques soviétiques qui ont été soumises au pouvoir centralisé de Moscou pendant la majeure partie du XXe siècle. Ces républiques et d'autres anciennes républiques soviétiques voient de grandes quantités d'émissions de CO2 basées sur les combustibles fossiles supprimées de leurs comptes.

Le graphique présenté plus haut, qui montre au fil du temps les émissions d'origine fossile par rapport à celles d'origine terrestre, explique pourquoi ces deux pays, en particulier, voient leurs émissions baisser de manière importante. Les émissions annuelles de CO2 ont été dominées par les contributions de l'Utilisation des terres, le changement d'affectation des terres et la foresterie (UTCF) jusqu'au milieu du XXe siècle, lorsque l'utilisation des combustibles fossiles a commencé à exploser. De nombreuses anciennes colonies européennes d'Asie, d'Afrique, d'Océanie et des Amériques ont accédé à l'indépendance bien avant le moment où l'utilisation des combustibles fossiles s'est accélérée. En revanche, les anciennes républiques soviétiques ont fait partie de l'Union soviétique administrée par Moscou bien plus tard, jusqu'à son effondrement, en 1991.

Une soif de ressources naturelles

L'histoire de l'impérialisme européen est « inséparable de l'histoire du changement environnemental mondial », affirment les professeurs William Beinert et Lotte Hughes dans leur ouvrage Environment and Empire (Oxford University Press, 2007). Pour le Royaume-Uni, l'un des moteurs a été ce qu'ils décrivent comme la « déforestation intérieure progressive » du pays, qui a « accéléré la dépendance au charbon pour l'énergie » et stimulé la demande d'importations de bois.

À son tour, le passage à l'énergie mécanique basée sur les combustibles fossiles « a énormément élargi les possibilités de production et de consommation métropolitaines [et] a facilité une nouvelle poussée de l'expansion impériale, portée par les navires à vapeur, les chemins de fer et les véhicules à moteur », indiquent Beinert et Hugues. Mais encore : « Les pays métropolitains ont recherché des matières premières de toutes sortes, du bois aux fourrures en passant par le caoutchouc et le pétrole. Ils ont créé des plantations qui ont transformé l'écologie des îles. Les colons ont introduit de nouvelles méthodes d'agriculture ; certains ont déplacé les peuples indigènes et leurs méthodes de gestion de la terre. »

Cette soif de ressources naturelles a entraîné la déforestation et la modification de l'environnement dans les pays colonisés, des Amériques à l'Asie, des Caraïbes à l'Océanie, en passant par l'Afrique. À la Barbade, par exemple, l'établissement de plantations « a nécessité la destruction des forêts [...] par une combinaison de cerclage et de brûlage », selon Beinert et Hughes. De même, à Madère, « l'un des mythes fondateurs évoqués par les colons était un feu qui brûlait pendant sept ans – une puissante métaphore de la déforestation ».

Également, alors que les forêts coloniales étaient vidées de leur capacité à produire du bois de qualité, la colonisation a conduit aux débuts des « pratiques et idées conservationnistes », écrivent Beinart et Hughes : « Alors que les ressources naturelles ont été intensément exploitées, un processus connexe, la montée des pratiques et des idées conservationnistes, était également profondément enraciné dans l'histoire impériale. De grandes étendues de terre ont été réservées aux forêts, aux parcs nationaux ou à la faune. »

Le déboisement, un moyen de contrôler les colonies

L'Empire britannique était particulièrement étendu, contrôlant environ un quart de la surface terrestre à son apogée, à la fin du XIXe siècle – et plus d'un quart de sa population. Dans la nouvelle analyse de Carbon Brief, les émissions des quarante-six anciennes colonies sous domination britannique sont réaffectées au Royaume-Uni, ce qui double presque sa part au niveau mondial. Ce résultat est représenté dans la figure ci-dessous, avec des contributions notables de l'Inde et du Myanmar, ainsi que de pays tels que l'Australie, le Canada, la Tanzanie, la Zambie et les Émirats arabes unis, hôtes de la COP 28.

La contribution la plus importante aux émissions coloniales du Royaume-Uni provient de l'Inde et la deuxième du Myanmar, comme le montre la figure ci-dessus. Dans leur livre, Beinart et Hughes décrivent les liens étroits entre la colonisation de ces pays et l'exploitation de leurs ressources naturelles, les deux interagissant et se renforçant mutuellement, les ressources étant utilisées pour consolider le contrôle britannique. Ils écrivent : « Les bois durs indigènes constituaient la première richesse, essentiels à l'armée, à la marine et aux chemins de fer britanniques, ils sont devenus les rouages de la conquête de l'Inde. Les nouvelles exigences ont inévitablement conduit à la déforestation. Les chemins de fer [qui étaient au cœur de la demande intérieure de bois en Inde] étaient essentiels pour déplacer les troupes et ainsi contrôler le territoire. La Compagnie des Indes orientales considérait également le déboisement pour faire place à la culture comme un moyen d'étendre son contrôle. »

Beinart et Hughes évoquent également l'utilisation particulière du teck de Myanmar pour la construction de navires de guerre : « Le teck de Birmanie, ou teck de l'Amirauté, était réputé pour être le plus solide. Utilisé pour les frégates de la marine, on dit qu'il a sauvé la Grande-Bretagne pendant les guerres napoléoniennes [au début du XIXe siècle, NDLR] et qu'il a contribué à son expansion maritime. » Plus tard, l'épuisement des forêts de feuillus indigènes a conduit à des efforts de conservation coloniaux, bien que les motivations – et les moyens utilisés – ne soient pas que la préservation.

Les deux chercheurs citent Hugh Cleghorn, conservateur des forêts pour la présidence de Madras, qui écrit, en 1861, sur la « rapacité insouciante de la population autochtone, qui coupe et défriche [les forêts], sans être en aucune façon sous le contrôle ou la réglementation de l'autorité ». Il poursuit :

  • Lorsqu'un département forestier [indien] a été créé en 1864, la Grande-Bretagne ne disposait que de peu d'experts. [Le forestier allemand Dietrich] Brandis avait été amené deux ans plus tôt de Birmanie, où on lui attribuait le sauvetage des forêts de teck birmanes des marchands de bois, au profit des constructeurs de navires britanniques... Les conservateurs étaient sous pression pour gérer efficacement les forêts, répondre aux besoins de l'amirauté et d'autres acteurs en grandes quantités de bois, tout en réalisant des bénéfices et en limitant les revendications des populations locales sur les forêts. Les Britanniques revendiquaient des territoires qu'ils considéraient comme inoccupés et non réclamés, et considéraient les propriétés princières comme leur appartenant en vertu du droit de conquête.

Des dynamiques similaires étaient à l'œuvre en Indonésie, longtemps sous domination néerlandaise. Le professeur Peter Boomgaard, historien de l'Indonésie, a écrit en 1999 que la déforestation sur l'île indonésienne de Java « a commencé à être perçue comme un problème vers 1850 » (3). Boomgaard ajoute que cela a conduit à la mise en place d'un service forestier colonial et à la création de forêts protégées. Ce schéma, qui comprend la confiscation des terres et l'exclusion des populations autochtones au nom de la conservation, s'est répété dans de nombreuses autres anciennes colonies.

Les vestiges de la colonisation subsistent

La figure ci-dessous montre que les émissions cumulées à l'intérieur des frontières des Pays-Bas (à gauche), soit quelque 12,6 GtCO2 entre 1850 et 2023, sont presque triplées si l'on tient compte des émissions qui ont eu lieu sous la domination coloniale néerlandaise, en particulier en Indonésie (à droite).

Sur son blog, le professeur Budiman Minasny, pédologue indonésien, décrit l'impact de la colonisation néerlandaise sur l'île de Sumatra :

  • Lorsque nous parlons de déforestation, l'Indonésie apparaît toujours comme le principal coupable. On parle moins de l'origine néerlandaise de la déforestation en Indonésie. Les Néerlandais ont découvert l'industrie du tabac à Deli dans les années 1860 et ont créé un système de plantation à l'échelle industrielle. Les sultans locaux ont collaboré et ont accordé des concessions de 1 000 à 2 000 hectares de terres à chaque entreprise dans le cadre d'un bail de 75 ans. Les planteurs coloniaux néerlandais sont partis du principe que le tabac ne pouvait bien pousser que dans le sol qui venait d'être défriché de la jungle vierge. C'est ainsi que l'industrie a conduit au défrichage à grande échelle des forêts vierges pour produire des feuilles de tabac exportées vers l'Europe et l'Amérique.

L'héritage actuel de la domination coloniale fait l'objet d'un débat, mais de nombreux vestiges subsistent, que ce soit dans la structure des fonctions administratives de l'État ou dans la présence d'intérêts commerciaux détenus par des multinationales basées dans les anciennes puissances coloniales. Comme l'explique une étude publiée en 2015, ces héritages coloniaux perdurent : « Bien que le colonialisme ait été démantelé dans la première moitié du XXe siècle, ses politiques de nationalisation des forêts sont restées inchangées dans de nombreux États indépendants des tropiques, y compris le Nigeria », estiment Oliver O. O. Enuoh et Francis E. Bisong (4).

Beinart et Hughes estiment par ailleurs que « le contrôle impérial britannique de l'Inde a eu un impact majeur sur la gamme extraordinairement variée d'arbres et de produits forestiers. Il a également limité l'accès des plus pauvres aux forêts. L'exclusion ultérieure des humains des parcs naturels était également en partie ancrée dans les lois forestières coloniales, qui traitaient les populations locales comme des gaspilleurs et des destructeurs. Mais les pressions sur la forêt n'ont pas cessé avec l'indépendance. Le taux actuel de déforestation serait largement supérieur à 1 million d'hectares par an. »

Rapporter les émission à la population

Les émissions globales cumulées sont ce qui importe pour l'atmosphère, étant donné qu'elles sont directement liées au niveau de réchauffement que nous connaissons aujourd'hui. Toutefois, du point de vue de l'équité et de la justice climatique – les frontières nationales étant des constructions politiques arbitraires –, il convient également de considérer la responsabilité au niveau individuel. Cela implique de pondérer les totaux des émissions cumulées par les nations en fonction des populations respectives de ces nations, afin de calculer les émissions cumulées par habitant.

La première approche prend les émissions cumulées d'un pays à ce jour et les divise par la population en 2023. Les résultats sont présentés dans la figure ci-dessous, qui montre les dix principaux émetteurs et cinq autres pays sélectionnés. Les émissions par habitant à l'intérieur des frontières de chaque pays sont indiquées en bleu, tandis que les émissions par habitant produites dans les anciens territoires sous domination coloniale sont indiquées en rouge. Les émissions par habitant réaffectées à une puissance coloniale sont indiquées en bleu clair.

Les anciennes puissances coloniales que sont les Pays-Bas (2 014 tonnes de CO2 par personne) et le Royaume-Uni (1 922 tCO2) sont les principaux émetteurs mondiaux sur cette base cumulée par habitant. Ils sont suivis par la Russie (1 655 tCO2), les États-Unis (1 560 tCO2) et le Canada (1 524 tCO2). La figure montre que la responsabilité coloniale dans les émissions fait reculer les États-Unis et le Canada, qui passent respectivement de la première à la quatrième place, et de la deuxième à la troisième place.

D'autres anciennes puissances impériales, dont la Belgique (1 487 tCO2) et l'Autriche (987 tCO2), figurent également dans le top 10, de même que les anciennes colonies que sont l'Australie (1 088 tCO2, soit une baisse de 10 % due à la réaffectation des émissions coloniales) et Trinité-et-Tobago (948 tCO2, soit une baisse de 16 %). La figure montre également cinq autres pays sélectionnés : le Portugal (945 tCO2) et la France (857 tCO2), dont l'empreinte coloniale est importante, ainsi que les grands émetteurs que sont la Chine (217 tCO2) et l'Inde (52 tCO2), qui sont loin derrière les autres nations sur une base par habitant. Le graphique ne montre pas la moyenne du continent africain (92 tCO2), qui, comme celle de l'Inde, est bien inférieure à la moyenne mondiale de 318 tCO2.

La deuxième méthode de pondération des émissions historiques rapportées à la population prend en compte les émissions par habitant d'un pays pour chaque année et les additionne au fil du temps. Les émissions par habitant des populations d'hier et d'aujourd'hui ont ainsi le même poids. Les résultats sont présentés dans la figure ci-dessous, qui énumère à nouveau les dix premiers émetteurs et cinq autres pays sélectionnés.

Il est à noter que les Pays-Bas est le premier émetteur, quelque soit la méthode. De même, le Royaume-Uni, les États-Unis et le Canada restent dans les cinq premiers sur ce deuxième calcul.

Une fois que l'on tient compte des importantes émissions initiales par habitant, dues à la déforestation sous le régime colonial, la Nouvelle-Zélande et l'Australie reculent dans le classement sur ce deuxième calcul par habitant. Le graphique inclut cinq autres pays sélectionnés, dont la Malaisie et l'Indonésie, qui présentent des dynamiques similaires à celles de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie. Enfin, le graphique inclut à nouveau la Chine et l'Inde, montrant que leurs émissions cumulées par habitant sont loin derrière celles de la plupart des autres pays.

Les importations, l'autre source d'émissions

La recherche de ressources naturelles outre-mer, pour alimenter l'essor de l'industrialisation et de la mondialisation, a été l'un des moteurs de la conquête coloniale. Dans l'ère postcoloniale, le commerce international continue de stimuler les importations et les exportations de CO2, intégrées dans les biens et services à forte intensité de carbone. Alors que la comptabilité standard des émissions est basée sur l'endroit où le CO2 est émis, la comptabilité des émissions basée sur la consommation donne l'entière responsabilité à ceux qui utilisent les produits et les services rendus. Cela tend à réduire le total pour les principaux exportateurs, tels que la Chine.

Cependant, le calcul des émissions sur cette base présente des difficultés, car il nécessite des tableaux commerciaux détaillés. Les données sur les émissions liées à la consommation utilisées pour cette analyse ne commencent qu'en 1990 et n'incluent que le CO2 provenant des combustibles fossiles et du ciment, ce qui signifie qu'elles excluent le commerce antérieur à 1990 et l'UTCF. En gardant ces limites à l'esprit, la figure ci-dessous montre comment la responsabilité nationale pour les émissions historiques est encore déplacée lorsque l'on tient compte du CO2 échangé dans les biens et services.

Les émissions cumulées au cours de la période 1850-2023, y compris celles qui ont eu lieu à l'étranger sous le régime colonial, sont indiquées en bleu foncé. Les parties rouges montrent le CO2 supplémentaire associé aux biens et services importés depuis 1990, tandis que le bleu clair montre le CO2 incorporé dans les exportations.

Les anciennes puissances coloniales, comme le Royaume-Uni et la France, ont également été des importateurs nets de CO2 depuis 1990, comme le montre le graphique – bien que l'impact sur leurs totaux globaux soit faible. Si l'on tient compte de ces importations et exportations de CO2, la part du Royaume-Uni dans les émissions historiques passe de 5,1 % à 5,3 %, tandis que celle de la France passe de 2,2 % à 2,3 %. À l'inverse, la part de la Chine dans les émissions historiques et sa responsabilité dans le réchauffement actuel tombent de 12,1 % à 11,1 %, si l'on tient compte des échanges de CO2 depuis 1990. La part de l'Inde dans le total mondial diminue également légèrement, passant de 2,9 % à 2,8 %.

Les biens exportés représentaient jusqu'à un quart des émissions annuelles de la Chine au milieu des années 2000. Plus récemment, cependant, leur part est tombée à environ 10 % de la production annuelle de CO2 de la Chine. L'inclusion des échanges à forte intensité de carbone antérieurs à 1990 modifierait le tableau présenté dans la figure ci-dessus. Le Royaume-Uni, en tant qu'« atelier du monde » au XIXe siècle, a exporté d'importants volumes de biens à forte intensité énergétique et de carbone, souvent fabriqués à partir de ressources provenant de son empire. D'autres nations en voie d'industrialisation, telles que les États-Unis et l'Allemagne, étaient également de grands exportateurs de produits manufacturés, jouant, comme l'indique un article publié en 2017 dans la revue Ecological Economics (5), un rôle similaire à celui de la Chine dans la lutte contre le changement climatique.

Notes

1- La durée de « demi-vie » d'une molécule (temps qu'il lui faut pour se dégrader de moitié) est de 100 ans.

2- Le dioxyde de carbone est en permanence échangé entre l'atmosphère, l'océan, les roches, les animaux et les végétaux. Les activités humaines (combustion des carburants fossiles, déforestation...) relâchent du dioxyde de carbone en excès dans l'atmosphère. Elles déséquilibrent le cycle, augmentant ainsi l'effet de serre.

3- Peter Boomgaard, « Oriental Nature, its Friends and its Enemies : Conservation of Nature in Late-Colonial Indonesia, 1889–1949 », Environment and History, 1999.

4- Oliver O. O. Enuoh, Francis E. Bisong, « Colonial Forest Policies and Tropical Deforestation : The Case of Cross River State, Nigeria », Tropical Ecological Consult Ltd., Department of Geography and Environmental Science, University of Calabar, 2015.

5- Astrid Kander, Paul Warde, Sofia Teives Henriques, Hana Nielsen, Viktoras Kulionis, Sven Hagen, « International Trade and Energy Intensity During European Industrialization, 1870–1935 », Ecological Economics, 2017.

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Soudan, le nœud coulant

19 décembre 2023, par Luiza Toscane — , ,
La guerre entre les Forces armées soudanaises (FAS) dirigées par Abdel Fattah al-Burhan, à la tête du Conseil de souveraineté de transition, mis en place suite au coup d'État (…)

La guerre entre les Forces armées soudanaises (FAS) dirigées par Abdel Fattah al-Burhan, à la tête du Conseil de souveraineté de transition, mis en place suite au coup d'État du 25 octobre 2021, et les Forces de soutien rapide (FSR), de Mohamed Daglo dit « Hemedti », ex numéro 2 du même Conseil, commencée en avril dernier, n'a connu aucun répit. Le bilan humanitaire de ce conflit à l'écart duquel se sont tenues les populations, est catastrophique.

Tiré d'Afrique en lutte.

Début octobre, on évaluait les morts à 9 000 [1] et les blessés à 16 000. Il faut prendre les chiffres, en constante évolution par ailleurs, avec précaution. Les chiffres donnés par l'ONU sont en général ceux du ministère de la Santé soudanais qui recense les morts comptabilisés par les hôpitaux et sont donc inférieurs aux chiffres susmentionnés. On estime que sur les 45 millions d'habitantEs que compte le Soudan, plus de 7 millions sont déplacéEs, dont 4,3 millions dans la foulée du conflit. Le pays accueillait par ailleurs au moment du déclenchement de la guerre 1 million de déplacéEs venant du Soudan du Sud, de l'Érythrée, de la République Centrafricaine (RCA) ou de la Syrie.

À la date du 9 octobre, 1 105 791 personnes avaient fui le pays, dont une majorité au Tchad [2], mais également au Soudan du Sud, en Égypte, en Éthiopie, en RCA ou en Libye, dont 67 % de Soudanais selon l'Organisation Internationale des Migrations.

Les victimes jamais comptabilisées de ce conflit sont les femmes violées en masse, kidnappées ou disparues.

Les prisons et les centres de détention secrets comptent les détenus par milliers. Beaucoup d'écoles ne fonctionnent plus, des dizaines d'entre elles servant d'abris pour les déplacés. 19 millions d'enfants sont déscolarisés [3].

Des dizaines d'hôpitaux ont été bombardés et bien des structures de santé ne fonctionnent plus que par le volontariat de civils, mais il manque de l'eau potable, des médicaments et du personnel qualifié. Or, des épidémies mortelles [4] de choléra, de dengue et de malaria se propagent, ainsi que la rougeole infantile.

Ajoutons que dans ce pays, où les régions de l'est sont épargnées par le conflit, l'économie et l'agriculture ont été sinistrées : ces six mois ont vu des épisodes de sécheresse, puis d'inondations, qui ont conduit les agences humanitaires à parler de risque de famine pour la moitié des habitants du pays.[5] Il faut y ajouter les SoudanaisEs mortEs de faim, en raison du siège militaire de localités.

Les récentes inondations dans l'État du Nil font courir un risque sanitaire aux populations, puisque les eaux charrient le mercure utilisé pour l'extraction de l'or [6].

Vers une partition de fait ?

À la mi-septembre, l'émissaire spécial de l'ONU pour le Soudan, Volker Perthes, a démissionné, en alertant sur un risque de « guerre civile ». Si cette démission n'est pas une grande perte, l'émissaire ayant concentré ses efforts dans la tenue de négociations incluant les forces contre-révolutionnaires et négligeant les Comités de résistance [7] qui refusaient la négociation avec les forces issues du coup d'État de 2021, ses mises en garde reflètent un aveuglement total. La « guerre civile » n'est pas un « risque » mais une réalité. Dans l'ouest du pays, au Darfour où se concentrent les FSR, les massacres des populations non arabes, notamment les Masalit, ont commencé dès juin dernier [8]. Et l'appel à la mobilisation des FSR a rencontré un écho positif chez des tribus arabes. Quand on sait que les FSR sont les héritières des milices janjawid qui ont à leur actif un nettoyage ethnique qui a fait 300 000 morts (là aussi on ne compte pas les viols) et deux millions de déplacéEs au Darfour depuis 2003, il ne s'agit pas d'une hypothèse. En 2010, la Cour pénale internationale avait lancé un mandat d'arrêt contre Omar el-Béchir, alors président du Soudan, incluant des accusations de génocide [9].

L'évolution du conflit redessine la carte des forces en présence qui pourrait laisser présager une partition du pays : Khartoum, la capitale, est l'objet de combats quotidiens âpres : les FSR qui ne disposent pas d'aviation, ont réussi à conquérir plusieurs zones et la capitale subit les bombardements des FAS. À l'ouest du Soudan, les FSR sont hégémoniques sur des bases ethniques. L'est du pays est contrôlé par les FAS. Au sud, les forces de Mouvement populaire pour la libération du Soudan (MPLS) ont profité du conflit pour lancer des offensives depuis l'été dans le Kordofan du Sud et le Nil Bleu. Si ces deux dernières régions connaissent à leur tour de graves problèmes sociaux (absence de scolarité, de santé et hausse des prix) depuis l'entrée en guerre du MPLS contre les FAS, ce troisième acteur n'a qu'un rôle marginal par rapport aux deux autres.

En effet, la guerre al-Burhan/Hemedti n'est pas seulement locale : elle se serait déjà terminée faute de munitions ou d'armes. Le premier est soutenu par l'Égypte, le Qatar, la Turquie et le second, par les forces du maréchal Haftar (est libyen) et les Émirats arabes unis. La guerre s'est internationalisée, les milices Wagner ayant toujours soutenu Hemedti, tandis qu'en riposte, Volodymyr Zelensky, le président ukrainien, a rencontré le 23 septembre dernier Abdel Fattah al-Burhan en Irlande, confirmant implicitement les rumeurs d'attaques, filmées sur les réseaux sociaux, par des drones ukrainiens FPV (pilotage en immersion par caméra embraquée) contre les FSR. Sergueï Lavrov avait rencontré al-Burhan et Hemedti le 9 février dernier. Le Soudan est, après l'Algérie, le second importateur d'armes russes en Afrique et il est question de concrétiser enfin l'établissement d'une base navale russe sur la mer Rouge à Port Soudan. La Russie n'a pas intérêt non plus à trop soutenir l'un plutôt que l'autre, mais plutôt à garder de bonnes relations avec les deux, pour préserver, quel que soit le vainqueur, son accès aux zones d'exploitation aurifère dans le pays.

Ainsi le conflit va s'éterniser, ou conduire à une partition est-ouest, achevant l'épuration ethnique à l'ouest.

Des populations oubliées

Dans tous les cas, si aucune solution politique n'est envisageable, les interventions humanitaires sont à leur tour bloquées par les combats, ou inexistantes. Ainsi, aucun moment, il n'y a eu de pont aérien ou d'évacuation envisagée, ni même discutée pour exfiltrer des populations comme cela a pu être le cas pour des Irakiens en 2015 [10]… ou des Afghans en 2021 [11], même si ces dernières initiatives furent sélectives et limitées.

Fuir dans les pays limitrophes ne constitue pas une solution : dans les camps du Tchad vivent près d'un demi-million de personnes avec des difficultés d'accès à l'eau, à la nourriture et aux soins médicaux. Ils manifestent pour leurs droits, comme à Iridimi, le 30 septembre, pour obtenir de la nourriture non périmée [12]. L'Égypte a posé des limites : seules les femmes et les filles, et les hommes de moins de 16 ans et de plus de 50 ans peuvent entrer, mais munis de passeports en cours de validité. Les autres hommes doivent demander des visas et se heurtent à beaucoup de refus. L'Éthiopie exige des visas d'entrée pour les ressortissants de l'Union Africaine. Seul le Soudan du Sud n'exige ni visa ni ressources, mais il n'y a guère d'assistance au point de passage et la région est elle-même l'objet de combats. Reste la fuite avec des passeurs. Lors des inondations à Derna en Libye, on a recensé 155 Soudanais morts [13], sans parler des disparus.

Sans oublier l'hospitalité « à la française » : la France a fermé dès le mois d'avril sa représentation diplomatique au Soudan, ce qui oblige celleux qui le peuvent à se rendre dans les pays limitrophes, comme l'Éthiopie qui exige un visa d'entrée. L'ambassade de France à Khartoum, avant de fermer, a détruit tous les passeports de SoudanaisEs en quête de visa, par une décision qu'elle juge « inévitable », enfermant celles et ceux qui avaient voulu fuir un pays en guerre. Les États-Unis auraient fait de même14, et bien des ambassades européennes ou autres n'ont pas répondu aux détenteurs/rices de passeports. Une réfugiée soudanaise en France avait demandé la réunification familiale à laquelle elle pouvait prétendre pour ses deux filles mineures. Ces dernières étaient bloquées au Soudan suite à la destruction de leurs passeports par la France et leur mère n'est pas parvenue à ce que les autorités françaises leur délivrent un laissez-passer15, bien qu'elles soient soutenue par plusieurs associations, au terme d'un marathon juridique qui s'est achevé en juillet dernier.

Luiza Toscane

Notes

1.Sudan Situation Update : October 2023 | Ethnic Strife Amid Escalating Power Struggles (acleddata.com).

2.Selon le décompte actualisé du Haut Commissariat aux Réfugiés de l'ONU : situation Soudan (unhcr.org).

3.Dabanga Radio TV Online (dabangasudan.org).

4.WHO scales up Sudan aid after cholera outbreak - Dabanga Radio TV Online (dabangasudan.org).

5.Les difficultés de financement du Programme alimentaire mondial pourraient pousser « 24 millions de personnes » au bord de la famine (lemonde.fr).

6.Dabanga Radio TV Online (dabangasudan.org).

7.« Pendant la guerre actuelle, il y a beaucoup moins d'espace possible pour les comités de résistance par rapport à avant », L'Anticapitaliste.

8.Conflit au Soudan : « La catastrophe est peut être d'une plus grande ampleur » dans la région d'el-Geneina (rfi.fr).

9.Al Bashir | International Criminal Court (icc-cpi.int).

10.06_Fiche_IRAK_-_dihad-FR_cle851713.pdf (diplomatie.gouv.fr).

11.Afghanistan - Accueil en France des personnes évacuées d'Afghanistan (vols d'évacuation des 21, 22 et 23.08.2021) - Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères (diplomatie.gouv.fr).

12.alrakoba.net.

13.skynewsarabia.com

14.U.S. Diplomats in Sudan Shredded Passports, Stranding Sudanese - The New York Times.

15.Référés-liberté contre le refus de délivrer des laissez-passer à des mineures soudanaises empêchées de rejoindre leur mère réfugiée en France, GISTI.

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