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Journée internationale des migrant-e-s : *Les sans papiers de Montréal se joignent aux actions partout au Canada et dans le monde*

19 décembre 2023, par Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTI), Solidarité sans frontière — , ,
Solidarité sans frontières et le Centre de travailleurs immigrants accueillent l'engagement du ministre Miller pour un programme de régularisation vaste et complet et réclament (…)

Solidarité sans frontières et le Centre de travailleurs immigrants accueillent l'engagement du ministre Miller pour un programme de régularisation vaste et complet et réclament la fin des déportations et des détentions

*Rasemblement 'Speak-Out' des personnes sans papiers et avec un statut d'immigration précaire*

*lundi le 18 décembre 2023 à 10h30bureaux de Justin Trudeau au 1100, boul.
Crémazie est, Montréal*

Autres actions au Canada

<https://migrantrights.ca/migrant-ri...>

Autres pays

Des personnes sans papiers et avec un statut d'immigration précaire de Montréal remettront des lettres personnelles au Premier ministre Trudeau lors de la journée internationale des migrant·e·s, deux ans après la promesse initiale de programme de régularisation, et quelques jours après que le ministre d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Marc Miller, ait publiquement promis de proposer au Cabinet, au printemps 2024, un
programme de régularisation vaste et complet. Solidarité sans frontières et le Centre de travailleurs et travailleuses immigrants demandent la mise en oeuvre urgente d'un programme qui accorderait le statut de résident permanent à toutes les personnes sans-papiers au Canada, y compris les réfugié-e-s refusé-e-s, les étudiant·e·s étranger·ère·s, et les travailleur·euse·s , sans exclusion, et la fin immédiate des déportations et des détentions.

Au rassemblement de Montréal, les personnes sans papiers et avec un statut d'immigration précaire liront leurs lettres, attirant l'attention sur la pauvreté, la peur, l'exploitation et l'exclusion vécues par près de deux millions de migrant·e·s au pays à qui l'on a refusé le statut de résident permanent. Le rassemblement de Montréal est coordonné avec des actions à Fredericton, Toronto, St Catharines, Welland et Vancouver, ainsi que l'Argentine, l'Espagne, les États unis, la France, et l'Angleterre.

*Contexte*

Migrant Rights Network (qui inclut le Centre de travailleurs et travailleuses immigrants et Solidarité sans frontières) propose un programme exhaustif et sans plafond de régularisation - qui octroierait la résidence permanente sans exclusion
<https://drive.google.com/file/d/1pg...> .

Plus de cinq cent organisations de la société civile, de travailleur·euse·s et environnementales - en collaboration avec des organisations dirigées par des migrant·e·s - militent pour un statut complet et permanent pour tous·toutes les migrant·e·s et la l'octroi du statut de résident permanent pour les arrivées futures. Près de 36 000 personnes ont envoyé des messages au Cabinet pour soutenir l'octroi d'un statut de résident permanent pour
tous et toutes : http://www.StatusforAll.ca.

Malgré ce soutien massif, le premier ministre a supervisé près de 21 000 déportations depuis son engagement vers la régularisation le 16 décembre 2021. Les déportations doivent cesser immédiatement pour assurer la cohérence avec l'annonce du ministre Miller qu'un programme de régularisation est à venir.

Des migrant·e·s prennent soin des aînés et des enfants, travaillent en usines, font fonctionner nos hôpitaux, cultivent notre nourriture et bâtissent nos maisons, mais ils·elles sont privé·e·s des mêmes droits que la plupart des gens au Canada tiennent pour acquis parce qu'on leur a refusé le statut de résident permanent.

La résidence permanente pour tous·toutes ajouterait des milliards de dollars aux fonds publics par années à travers la contribution d'employeurs qui ne paient pas d'impôts ni taxes lorsqu'ils engagent des personnes sans-papiers. Elle améliorerait les résultats en matière de santé pour des centaines de milliers de personnes qui pourraient accéder à des soins de
santé primaires et qui ne se retrouveraient pas dans les salles d'urgence.

Elle mettrait fin à la pression à la baisse sur les salaires et les conditions de travail causée par l'exploitation de personnes migrantes par les employeurs. Elle permettrait aux migrant·e·s de s'enraciner, de participer pleinement à la société et de gagner de la mobilité au travail pour répondre aux besoins en matière d'emploi au sein d'industries et de
régions qui en ont besoin.

*Extraits des lettres des personnes sans papiers et avec un statut d'immigration précaire
<https://drive.google.com/file/d/1o1...>
demandant l'octroi du statut de résident permanent pour tous et toutes*

« Je serai plus heureux si mes parents avaient leur statut. C'est Noël : le
temps de donner.
»

« Sans la carte de résident permanent, j'ai peur de tomber malade parce que
je n'ai pas d'assurance-maladie. »

« Notre vie a pris fin lorsque nous avons perdu notre statut, nous vous
demandons de nous écouter, de nous donner le statut pour que nous puissions
vivre comme tout le monde
. »

« Tout le monde voyage pour les fêtes pour profiter du temps en famille et
avec leurs êtres chers, mais il y a plusieurs immigrants au Canada qui
n'ont pas le statut de résident permanent et qui manqueront ce temps avec
leurs familles
. »

« C'est beaucoup de stress à endurer. La dépression est un sentiment
horrible à travers lequel les gens passent. Je suis ici depuis cinq ans,
j'ai quitté ma famille, mes enfants. J'essaie de rester positif. Passer à
travers est très difficile
. »

*Source :*
Solidarité sans frontières <https://www.solidarityacrossborders...> et
le Centre de travailleurs et travailleuses immigrants
<https://iwc-cti.ca/fr/>

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Signes prometteurs de paix

19 décembre 2023, par Pierre Jasmin — , ,
Annoncés surtout par des femmes, des signes prometteurs de paix à l'international se dessinent, imperceptibles car soigneusement dissimulés par les médias qui à part le Monde (…)

Annoncés surtout par des femmes, des signes prometteurs de paix à l'international se dessinent, imperceptibles car soigneusement dissimulés par les médias qui à part le Monde Diplomatique et Pressenza se régalent des conflits et ne savent que faire des avancées de paix : pour eux, quelle platitude !

Par Pierre Jasmin, secrétaire général des Artistes pour la Paix, 17 décembre

Quatre déclarations de la semaine écoulée les contredisent :

1- De retour de la COP28 à Dubai, Tamara Lorinczi universitaire, membre du collectif Voix des Femmesii, nous fait part des jeux de coulisses de cet événement salué avec raison par le ministre de l'Environnement Steven Guilbeault comme un tournant historique, dont il a remercié la présidence émiratie. Aspergé d'insultes par la Première ministre de l'Alberta Michelle Smith (premier prix fossile accordé par une COP à une entité autre qu'un pays), il a été félicité par l'ex-ministre Catherine McKenna, pourtant très critique du pétrole des sables bitumineux favorisé par le pipeline libéral ruineux.

200 pays participant à ce sommet des Nations unies sur le climat ont conclu l'accord final avec la nécessité pour les systèmes énergétiques de s'acheminer vers une transition loin des combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz). Sa première version, omettant cette conclusion détestée par les centaines de lobbyistes pétroliers actifs à la COP28 dont de riches Canadiens et Saoudiens, a heureusement été déclarée inacceptable par un représentant des Nations insulaires du Pacifique, qui a fait pencher la balance, lorsqu'il a gémi : « ce n'est pas vrai que j'ai fait tout ce trajet vers Dubaï pour y signer notre arrêt de mort ! » Son cri a résonné dans le monde entier, comme celui d'Einstein-Russell à l'origine de Pugwash : « Souvenez-vous de votre humanité et oubliez tout le reste » (voir 4e partie).

Faisant part à Tamara de mon optimisme face à la COP30 du Brésil et de mon pessimisme face à la COP29 de l'Azerbaïdjan à l'économie très dépendante de ressources fossiles, qui plus est hostile à l'Arménie avec l'annexion militaire récente du Nagorno-Karabakh, elle m'a communiqué, selon ses sources de Dubaï, un revirement politique inattendu, favorisé par la Russie et la Turquie : le pays musulman s'apprêterait à partager avec l'Arménie l'accueil aux délégués 2029 ! Cette nouvelle nous console des annonces d'équipements militaires pour l'OTAN envoyés en Europe de l'Est par le balourd ministre de la Défense nationale, Bill Blair, vendredi le 15 décembre.

2- La déclaration saisissante de la ministre Mélanie Joly augure-t-elle un changement de cap majeur du Canada depuis Paul Martin, succédant en 2003 à un Jean Chrétien évincé pour n'avoir pas suivi Blair et Bush dans l'invasion meurtrière de l'Irak ? Elle a voté avec 153 pays pour un cessez-le-feu entre le Hamas et Nétanyahou, réclamé par le Secrétaire général des Nations-Unies Antonio Guterres, bloqué au Conseil de Sécurité par le veto unique des États-Unis. Biden persiste avec 9 autres pays seulement à soutenir Nétanyahou, tenant toutefois à blâmer Tsahal (verbalement : les fournitures d'armes continuent !) pour ses massacres de populations civiles palestiniennes.

Nos éditorialistes sont déconcertés, après deux mois de nos déclarations censurées par les médias canadiens vu notre usage du mot cessez-le-feu, toujours verboten pour l'Ukraine. Au moins 268 organisations de la société civile canadienne avaient pourtant signé une déclaration commune appelant à un cessez-le-feu que la pétition parlementaire électronique d'Alexandre Boulerice avait endossé en recueillant près de 300 000 signatures, la plus populaire de l'histoire du Parlement (et après, les médias s'interrogent sur le pourquoi des faked news, quand ils persistent à crypter ces faits et vérités).

Les Artistes pour la Paix remercient la ministre Joly dont la demande de cessez-le-feu est soutenue par le Bloc Québécois, le NPD et le Parti Vert, pendant que le parti conservateur de Pierre Poilièvre se gratte encore la tête. Notre déception la plus grande provient de la CAQ, qui, comme nous l'apprend, en enterrant la nouvelle en page B6, Le Devoir du 17 décembre, n'appuie pas la demande de la ministre Joly, jugée prématurée par la Ministre des Relations internationales Martine Biron ; issue des médias (donc typiquement conservatrice et guerrière ?), la ministre caquiste insistait encore vendredi pour que les otages soient tous libérés AVANT tout cessez-le-feu : espérons qu'elle a changé d'idée depuis que Tsahal a massacré trois de ses concitoyens-otages, pourtant porteurs d'un drapeau blanc ! Heureusement, le Parti Québécois et Québec Solidaire ont sauvé l'honneur du Québec, la députée d'origine palestinienne Ruba Ghazal déclarant : « Je suis tellement choquée. La CAQ brise la tradition pacifiste du Québec qui historiquement a toujours été du côté de la paix. La majorité des Québécois sont pour un cessez-le-feu. »

3- Merci à Heidi Rathjen et Nathalie Provost, de Polysesouvient, pour l'adoption par le Sénat du projet de loi C-21. Les Artistes pour la Paix ont dès 1990 aidé le travail accompli par ces survivantes du féminicide de l'École Polytechnique, en particulier au Sénat en 1994-5 lorsque Jean-Louis Roux avait converti le sénateur leader progressiste-conservateur et juriste Gérald Beaudoin aux bienfaits d'une loi contrant l'influence néfaste de la National Rifle Association des États-Unis. Cette semaine, c'est avec vous que « nous célébrons l'adoption finale des mesures législatives suivantes :

1) Un gel de l'achat de nouvelles armes de poing.

2) L'obligation de présenter un permis de possession d'armes pour acheter des chargeurs.

3) Plusieurs mesures visant à lutter contre la contrebande et les armes fantômes.

4) La prohibition automatique de posséder des armes à feu pour toute personne qui fait l'objet d'une ordonnance de protection.

5) L'obligation pour un contrôleur des armes à feu (CAF) de révoquer le permis d'un individu dans les 24 heures lorsque le contrôleur a des motifs raisonnables de soupçonner que celui-ci a participé à un acte de violence familiale ou d'harcèlement criminel.

6) Une définition élargie de la « violence familiale » de manière à inclure violence conjugale et familiale, dont les formes non physiques comme le contrôle coercitif et les menaces de suicide...

Dans l'ensemble, il s'agit d'une victoire concrète et solide en matière de sécurité publique et d'une démonstration qu'il est possible de vaincre le lobby des armes. »

4- 69 États du monde, c'est-à-dire tous les membres ayant signé et ratifié à ce jour le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN - TPNW), qui font aussi tous partie du vieux Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), viennent de déclarer publiquement que les États-Unis, la Fédération de Russie, la Chine, la France et le Royaume-Uni manquent à leurs obligations juridiques en vertu du TNP. Ce consensus extraordinaire et sans précédent a été exprimé dans la déclaration de la deuxième réunion des États parties au TIAN, tenue aux Nations Unies à New York du 27 novembre au 1er décembre 2023. L'article VI du TNP définissant les obligations des États dotés d'armes nucléaires de poursuivre le désarmement de bonne foi, « le comportement des États armés de bombes nucléaires représente incontestablement un manquement à leurs obligations juridiquement contraignantes en vertu de cet article VI, car aucun des États dotés d'armes nucléaires n'a réalisé de progrès conformément à leur engagement sans équivoque de parvenir à l'élimination de leurs armes nucléaires ». Cette déclaration juridiquement fondée sur les documents historiques du TNP ne concerne hélas pas Israël, ni le Pakistan, ni l'Inde, ni la Corée du Nord, qui se sont autoexclus du TNP.

Cesar Jaramillo de Project Ploughshares et membre de Pugwash Canada qui nous a communiqué cette nouvelle, conclut : « Les experts juridiques, les décideurs politiques et les diplomates doivent s'engager dans des discussions approfondies pour façonner une architecture juridique plus efficace, mettre à jour les dispositions des traités, renforcer les mécanismes de conformité et s'adapter aux réalités géopolitiques en évolution. Il est désormais temps de s'engager dans une réflexion visionnaire pour développer des approches innovantes qui transcendent les obstacles historiques et ouvrent la voie à des progrès significatifs. Il est impératif que la communauté internationale réponde par une action décisive et concertée. La responsabilité partagée d'assurer un monde sans armes nucléaires repose sur les efforts collaboratifs des États, des organisations internationales et de la société civile pour tirer parti de cette situation et réaliser des progrès démontrables vers l'abolition complète du nucléaire. » www.ploughshares.ca

Un des plus grands obstacles à l'abolition des armes nucléaires est le jeu mortel de nos banques canadiennes qui continuera tant que le Canada n'endossera pas le TIAN. Le site de l'ONG PAX www.don'tbankonthebomb.com, animé par la tenace et toujours fiable Suzi Snyder, nous informe que sur deux ans, 748 milliards en U.S.$ accordés par 325 banques mondiales ont financé l'industrie principalement américaine des bombes nucléaires (chiffres de 2021). Nos banques canadiennes ont largement contribué : Power Corporation, Royal Bank, SCOTIA, Sunlife et Toronto Dominion, principalement.

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Enquête québécoise sur la violence commise par des partenaires intimes : un regards critique sur les résultats

19 décembre 2023, par Collectif — , ,
Montréal, le 14 décembre 2023 – Aujourd'hui, plusieurs associations provinciales et chercheures universitaires oeuvrant en matière de violences envers les femmes, émettent des (…)

Montréal, le 14 décembre 2023 – Aujourd'hui, plusieurs associations provinciales et chercheures universitaires oeuvrant en matière de violences envers les femmes, émettent des réserves quant aux résultats de la première édition de l'Enquête québécoise sur la violence commise par des partenaires intimes menée en 2021-2022. Alors que l'importance de dresser un portrait en vue de mieux comprendre la violence conjugale (1) est indéniable, nous remettons en question la capacité de cette enquête à saisir pleinement sa complexité.

D'emblée, il nous est important de souligner que cette enquête n'est pas une étude sur la violence conjugale, qui constitue « un moyen choisi pour dominer l'autre personne et affirmer son pouvoir sur elle », telle que définie par le Gouvernement du Québec dès 1995 (2).

En effet, les résultats de l'étude ne distinguent pas la violence exercée dans le but de dominer l'autre (la violence conjugale) des autres types de violences en contexte de relations intimes, comme la violence situationnelle ou la résistance violente. Selon le rapport, le fait de subir deux actes de violence physique au cours de sa vie, sans considérer le contexte, qualifie une personne comme victime de violence entre partenaires intimes (VPI). En considérant des occurrences isolées d'actes de violence, sans évaluer les motivations, la dynamique de pouvoir et leurs conséquences, l'enquête ne parvient pas à saisir la véritable nature de la violence conjugale, sa complexité et ses subtilités. Le rapport indique d'ailleurs lui-même qu'il n'est tout simplement pas possible d'affirmer hors de tout doute qu'il s'agit de violence entre partenaires intimes dans ses résultats.

La façon dont a été intégrée la notion de contrôle coercitif dans l'enquête est également questionnée, car elle ne parvient pas à mettre en lumière un schéma de comportements, souvent invisible et insidieux, mais essentiel pour comprendre la privation de libertés, la microrégulation du quotidien et le climat de terreur permanent, au-delà des actes.

En comptabilisant des actes de violence situationnelle ou de résistance au même titre que des actes de violence conjugale, l'enquête crée une confusion et renforce la thèse de la symétrie de la violence entre les hommes et les femmes. Les gestes de l'agresseur et ceux d'une victime qui se défend dans un contexte de violence conjugale sont comptabilisés sans distinction. Nous exprimons nos inquiétudes quant à l'utilisation de ces statistiques, craignant qu'elles ne minimisent la réalité de la violence conjugale, qui appelle des interventions et des moyens adaptés pour la combattre. Une mauvaise utilisation de celles-ci pourrait mettre en danger la sécurité des femmes violentées et de leurs enfants.

En conclusion, le RMFVVC, la FMHF, l'Alliance MH2, L'R des centres de femmes ainsi que SAS-Femmes appellent le Secrétariat à la condition féminine à demander à l'ISQ des changements dans la méthodologie, pour les enquêtes ultérieures, afin de se doter d'instruments de mesure plus sensibles pour capter la violence conjugale dans sa complexité. Les signataires appellent également à une collaboration plus étroite avec les groupes experts pour garantir une compréhension exhaustive de la violence conjugale au Québec afin de dresser un portrait plus juste.

Notes

(1) Dans l'enquête, le concept de « violence entre partenaires intimes » est utilisé de façon équivalente à « violence conjugale ».

(2) Gouvernement du Québec (1995). Politique d'intervention en matière de violence conjugale : prévenir, dépister, contrer la violence conjugale, [En ligne], Québec, Gouvernement du Québec, 78 p. [https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2000/00-807/95-842.pdf]

Source

Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale (RMFVVC)
Fédération des maisons d'hébergement pour femmes (FMHF)
L'Alliance des maisons d'hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale (Alliance MH2)
L'R des centres de femmes du Québec
Marie-Marthe Cousineau, pour SAS-Femmes, Collectif de recherches et d'actions pour la sécurité, l'autonomie et la santé de toutes les femmes

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Entrevue avec des membres du personnel de l’École Louis-Joseph-Papineau

19 décembre 2023, par André Frappier, Gabriel Frappier-Lapointe — , ,
Cette entrevue a été réalisée avec des membres du personnel enseignant de l'École Louis-Joseph Papineau sur la ligne de piquetage un froid matin de décembre. Cet entretien (…)

Cette entrevue a été réalisée avec des membres du personnel enseignant de l'École Louis-Joseph Papineau sur la ligne de piquetage un froid matin de décembre. Cet entretien permet de porter un éclairage sur les raisons qui les motivent à mener ce combat, qui somme toute visent l'amélioration des conditions d'enseignement et de soutien, mais aussi, fondamentalement, l'encadrement des élèves selon leurs besoins afin de leur assurer une chance de réussir et de trouver leur place dans la société.

Leurs témoignages dépassent de loin ce qu'on peut habituellement voir dans un conflit de travail. Selon leur témoignage, plusieurs enseignants et enseignantes d'écoles privées se demandent comment ceux qui œuvrent au public font pour persister à faire ce travail. D'ailleurs, les statistiques le démontrent : 50 % des nouvelles personnes enseignantes quittent la profession dans les cinq premières années.

La recomposition des classes compte sans nul doute parmi les plus importantes questions à régler dans les demandes syndicales. Cela signifie en fait mieux classer les élèves selon leur niveau et leurs aptitudes. Voici les commentaires que nous avons recueillis.

« Dans le feedback que le gouvernement donne, j'ai l'impression qu'il parle plus de soutien à la classe. Il ne parle pas de revoir forcément la composition des classes. Mais moi, je trouve qu'on fait pire parce que nos jeunes, ils n'ont pas trop de repères. Dans le fond, ils sont à l'école, mais ils ne fonctionnent pas dans les groupes où on les a mis. Ils vont réussir pareil, on ne les fait pas échouer. Un jeune qui échoue son secondaire I, puis je parle d'échouer vraiment dans plusieurs matières, il s'en va quand même en secondaire II. »

« La première chose c'est ça, il (l'élève) n'écoute pas en classe, il n'est pas capable de faire ses travaux puis il fournit peu d'efforts, mais quand tu creuses derrière ça bien tu te rends bien compte qu'il ne comprend pas, il est complètement dépassé par ce qui se passe et donc il n'a pas envie d'aller se mettre dans cette situation où il va se sentir complètement incompétent en classe. Par conséquent, il est systématiquement en retard, se promène dans l'école, fait toutes les autres choses qu'il peut faire plutôt que d'aller en classe, parce que pour lui il n'y a aucune raison d'y aller. Ça ne lui sert vraiment à rien, il n'est pas à la bonne place, mais on l'a mis là en disant, t'es capable, tu vas être avec tes amis. »
« Il faudrait remettre en place les classes de cheminement particulier, qui ont été coupées. Ils ont tout intégré ou réglé parce que le cheminement, il faut savoir que ça coûte plus cher que le régulier. Il y a moins d'élèves, nos jeunes avaient de l'encadrement, il y avait beaucoup plus d'intervenants par groupe d'élèves. Ça, c'était un bel avantage du cheminement, et on avait une équipe super solide. »
« C'est comme si on était davantage un service qu'on a à vendre plutôt qu'un service public. C'est une approche vraiment clientéliste. Moi, je me suis fait dire c'est terminé, le dénombrement flottant (suivis et ateliers en petits groupes d'élèves ciblés), il faut qu'il y ait du volume (il faut toucher plus d'élèves). Mais considérant la persistance des difficultés des jeunes, il faut beaucoup plus de temps, on le sait, mais ce n'est pas grave, il faut du volume. On a cinquante pour cent des jeunes en difficulté, ils ont des notes en bas de cinquante pour cent. On n'a aucun service à leur offrir. L'école publique ne peut pas offrir de services à cinquante pour cent des jeunes en difficulté, ils sont trop en difficulté. »

« Socialement, une telle situation c'est très sérieux, surtout que le gouvernement ne s'en préoccupe pas. Pour lui, c'est une affaire d'opinion publique, tous nos élèves doivent avoir un secondaire 5. C'est une vision qui n'est pas réaliste, ce n'est pas vrai que tous les élèves sont capables d'aller chercher un secondaire 5. Il y a quand même cette nouvelle vision de, on va faire une diplomation à tout le monde. Là, ils ont comme réalisé que le secondaire 5 n'était pas réalisable. Alors leur objectif, c'est que tous les élèves aient quelque forme de diplomation à la fin de leur parcours secondaire, que ce soit DEP ou autre chose. Mais encore là, on ne fait pas le travail de bien classer les élèves à la bonne place. Il y en a bien trop qui sont au régulier et qui auraient besoin d'autres options, d'autres cheminements. Alors bon courage aux enseignants et enseignantes qui sont là, qui enseignent et prennent soin d'élèves avec des grandes difficultés de comportement ».

Cela fait donc porter une grande pression sur le personnel enseignant ?

« Pour ma part, moi, cette annonce indiquait qu'on allait les classer par âge. Ça veut dire que je peux me retrouver avec des enfants qui avaient une troisième année dans ma classe de secondaire I, la direction a dit oui, mais vous allez faire de la différenciation (enseignement et activités différenciés, adaptés aux différents besoins et intérêts des élèves). On n'avait jamais entendu parler de ça, l'adaptation dans les évaluations. C'est comme du service à la carte pour chaque élève, tous les élèves de la classe ont un plan d'intervention, ce n'est pas possible. »

Un prof reprend l'analogie présentée dans un article de La Presse qui illustre bien cette réalité.

« Tu es prof de ski alpin, tu as dix élèves devant toi, t'en as un qui peut aller faire des bosses, l'autre qui fait des sauts dans le snowpark, un qui n'est pas capable de faire son chasse-neige, un autre qui n'est pas capable d'attacher ses bottes. Il y en a un qui tombe du chairlift quand il arrive en haut. Ça c'est ton groupe. Là il faut que tu fasses de l'enseignement différencié pour chacun d'entre eux, c'est un beau principe, mais ça ne fonctionne pas ».

Cela fait en sorte que l'école publique est dévalorisée et que les parents qui le peuvent vont favoriser l'école privée, comme l'explique un des grévistes.

« L'école publique a déjà perdu la course contre l'école privée. C'est vrai que l'encadrement est meilleur et que le jeune a beaucoup plus de chances d'avoir un cheminement scolaire réussi au privé qu'au public. Les parents en savent suffisamment pour choisir le privé s'ils le peuvent. »

Parce que dans le fond, il n'y a pas une intention du gouvernement d'améliorer l'école publique ?

« Il y a la loi de l'offre et de la demande. Ici les parents ont accès (au privé) parce qu'il y a beaucoup de subventions, tandis que partout ailleurs au Canada les subventions aux écoles privées sont minimes, c'est là qu'on voit la différence. Aujourd'hui, les maisons sont presque aussi chères au Québec qu'en Ontario. Si on regarde les prix, l'inflation fait que l'économie du Québec est rendue presque égale à celle de l'Ontario, mais les salaires y sont beaucoup plus élevés.

Le gouvernement ontarien peut mettre plus d'argent public parce qu'il n'a pas besoin d'en donner au privé. Au Québec, le gouvernement prétend qu'on n'a pas d'argent à mettre en éducation publique, mais il subventionne le privé à plus de 60 %. Tu envoies à l'école publique, mais tu payes des taxes au gouvernement afin de réduire les coûts des enfants qui fréquentent l'école privée, ça ne marche pas. Ça crée deux systèmes où le privé accapare les meilleures ressources.

La conséquence de cette situation est que ça devient plus intéressant d'aller travailler au privé qui offre de meilleures conditions, pendant que nous, on en cherche des techniciennes en éducation spécialisée et des surveillants d'élèves. Ils vont préférer aller là où les conditions et les relations avec les élèves sont plus intéressantes. Moi, je pense que c'est ça l'essentiel du problème, c'est la même chose en santé.

On a beaucoup de pression de garder les élèves en classe à tout prix, on se demande quel est le meilleur fonctionnement, est-ce qu'on doit donner des devoirs ? Est-ce qu'on doit compter les retards parce que ça devient une gestion impossible ? C'est fou, c'est trop compliqué. »

Une autre enseignante s'exprime dans le même sens

« Je peux dealer avec, ce n'est pas un problème. Ce qui me brise le cœur, c'est que je n'ai pas le temps de donner toute l'énergie, puis les efforts que je voudrais aux élèves qui sont inclus dans des classes régulières, car en réalité, il leur faut des classes spécialisées.
Il y a cinq ans, on nous parlait d'intégration, on va intégrer les élèves. On va fermer des classes d'adaptation scolaire, on va les intégrer au régulier. Les élèves du régulier vont les niveler vers le haut. On parlait d'inclusion, ils ont le droit d'être inclus. Ces jeunes-là, on ne veut pas les stigmatiser, mais l'intégration a juste été un prétexte pour moins financer les élèves en difficulté, parce que ça paraît bien au départ comme idée.
Mais c'est toujours sur les épaules du prof. C'est toujours le prof qui va adapter son enseignement, il va trouver des projets plus stimulants, des stratégies. C'est toujours plus de planification, plus d'adaptation. Je ne suis pas là depuis longtemps, mais on dirait que chaque changement qui survient dans le monde de l'éducation, ça rajoute toujours quelque chose à la tâche des profs.
Avec le projet de loi 23 qui vient dans un très mauvais timing d'être voté à l'Assemblée nationale, on vient en ajouter encore un peu plus sur le rôle des enseignants, la réussite des élèves dans un contexte où on est moins encadrés pour les aider, dans un contexte de démotivation scolaire. À un moment donné il y a une limite, je veux dire même moi en tant qu'adulte, si tu me forces à rester dans un endroit où je ne vis que des échecs, je vais être démotivée.
Ça va faire des jeunes qui vont arriver sur le marché du travail de deux façons, soit en se disant je suis totalement immunisé parce que peu importe les gestes que je fais, je vais gravir les échelons, ou ces jeunes n'oseront plus rien faire de peur de vivre constamment des échecs. »

Il ressort de ces entretiens qu'au-delà de la question salariale, de multiples autres enjeux doivent être abordés de front pour assurer la réussite des élèves. D'une part, oui il faut mieux classer les élèves et revaloriser le cheminement particulier. Ensuite, il faut aussi revaloriser la profession enseignante et toutes les autres professions si utiles au bon fonctionnement d'une école (technicienne en éducation spécialisée, orthopédagogue, psychologue, psychoéducateur, orthophonistes, surveillants d'élèves, technicien en loisir). Cela passe par le salaire, mais aussi par l'instauration de conditions de travail décentes. Si on voulait aller plus loin, on pourrait même envisager le définancement du réseau privé. Il est vrai que celui-ci est une aubaine pour le gouvernement, car le coût de la scolarisation des jeunes qui passent par là est moindre pour lui. Or, comme il a été dit, ces écoles bénéficient de plus de ressources, mais leurs élèves sélectionnés à coup de tests et d'entrevues, soutenus par leurs parents, sont aussi plus compétents, connaissants et motivés. Ces écoles sont donc des milieux où l'élève a beaucoup plus de chance de réussir, où il y a du nivellement vers le haut. Abolir les subventions au privé permettrait de rapatrier toutes ces ressources au public afin d'offrir plus équitablement des services dont les élèves en grande difficulté et les écoles publiques ont tant besoin. Là on pourrait penser offrir un vrai milieu fonctionnel pour tous.

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Les enseignant.es de la FAE, ces combattant.es au front

19 décembre 2023, par Ghislaine Raymond — , ,
Les femmes qui font du piquetage jour après jour devant leur école ou au coin de la rue portent fièrement leur tuque FAE, pancartes à la main. Elles qui voulaient améliorer (…)

Les femmes qui font du piquetage jour après jour devant leur école ou au coin de la rue portent fièrement leur tuque FAE, pancartes à la main. Elles qui voulaient améliorer leurs conditions de travail deviennent, au fil de cette grève qui se prolonge maintenant depuis 18 jours, les porteuses du projet de l'école publique laïque du Québec.

Rencontrées sur les lignes de piquetage devant les écoles primaires du quartier Ahuntsic, elles savent ce qui est nécessaire pour que la tâche qui est la leur, se réalise :

. « J'ai 26 élèves et 19 d'entre eux ont des plans d'intervention. Les services auxquels les enfants ont droit pour réussir manquent. »
. « Je fais ce métier depuis 34 ans et chaque jour, je viens sur la ligne de piquetage pour signaler mon ras-le-bol de la situation. Pourquoi est-ce à nous de ternir l'école à bout de bras ? »
. « Je ne suis pas contre une aide à l'enseignement mais ça ne pourra jamais remplacer une professionnel.le en orthophonie, en psychologie ou une travailleuse sociale. »
. « Pourquoi le gouvernement ne veut-il pas entendre ce que nous avons à dire ? Pourquoi ne pas trouver de solutions concrètes aux problèmes du quotidien ? Je crains que les plus jeunes ne quittent le métier sans réelles solutions. »

Devant une école secondaire à Saint-Anne des Plaines, l'équipe enseignante se réchauffe autour d'un foyer portatif. Chaises, poêle au propane, table, ustensiles, ces enseignant.es, invisibles de la rue principale persévèrent et font du piquetage devant leur école jour après jour.

. « Je ne sais si ça va durer encore longtemps, mais nous on ne veut pas lâcher après tant de jours de grève »
. « C'est difficile financièrement mais on se serre la ceinture. Il faut que nos conditions de travail s'améliorent. Nous avons des groupes de 34 élèves dont bon nombre ont de grands retards, sans soutien spécifique de qui que ce soit. »
. « Parfois, je suis découragée. Rien ne semble bouger. Qu'est-ce que le gouvernement attend pour bouger ? »

Ces équipes enseignantes des grands centres urbains (Montréal, Laval, Québec, Gatineau) et de la ceinture nord de Montréal, de la Montérégie et de l'Estrie, font preuve d'un grand courage en poursuivant cette lutte des plus justes. Les dernières rondes de négociation (2010, 2015, 2020) n'ont pas permis que des solutions concrètes consolident les équipes enseignantes en poste, ni ne développent des équipes multidisciplinaires essentielles à la réussite de tous les jeunes.

Les syndicalistes qui les représentent ont le soutien de ces équipes école. Le mandat qui leur a été donné en assemblée, par vote secret, est lourd à porter et révocable par les enseignant.es en assemblée générale. Ce fonctionnement démocratique est rarement verbalisé alors qu'il n'en est pas de même pour nos élus. Ne serait-il pas souhaitable de les rendre imputables tant de leurs décisions que de leur absence de décisions ?

Ghislaine Raymond
18 décembre 2023

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La grève générale du secteur public prend un sens de « grève sociale »

19 décembre 2023, par Marc Bonhomme — , ,
La CAQ concentre son tir sur la FAE, en alternant le chaud et le froid, pour percer une brèche dans la digue de la résistance à la stratégie caquiste de (…)

La CAQ concentre son tir sur la FAE, en alternant le chaud et le froid, pour percer une brèche dans la digue de la résistance à la stratégie caquiste de démolition-privatisation des services publics. À l'inverse, elle fait poiroter le Front commun et la FIQ qu'elle diabolise. Sa tactique consiste à faire capituler la FAE afin de scissionner le Front commun pour ensuite en finir avec le secteur de la santé dont la grève, cadenassée par la loi des services essentiels, n'est à toute fin pratique que symbolique.

L'erreur de synchronisation relève-t-elle du ras-le-bol de la base de la FAE que sa direction n'a pas su ou voulu canaliser, ou plutôt du refus du Front commun de déclencher une grève générale avant les Fêtes ? Peu importe la « game » des bureaucraties syndicales, la résultante en est une grève générale d'environ seulement 10% des effectifs en négociations et sans fonds de grève.

Le parti-pris antisyndical de la CAQ n'est plus à prouver. « Le tribunal [administratif du travail] a ordonné au gouvernement du Québec, au ministre de la Santé Christian Dubé et au comité patronal de négociation en santé de verser la somme de 315 000 $, répartie entre sept syndicats dans la santé, parce qu'il a entravé leurs activités et négocié de mauvaise foi [et…] il leur ordonne aussi de cesser de le faire » (La Presse canadienne, 15/12/23). Voilà comment l'auteur ex-financier de l'infâme loi 15 adopté sous bâillon traite le droit syndical. Le même jour, on apprend que « le gouvernement du Québec n'appuie pas la demande d'Ottawa pour un ‘'cessez-le-feu humanitaire immédiat'' à Gaza car le Hamas, mouvement terroriste reconnu par plusieurs États dont le Canada, doit rendre les armes. De plus, les otages doivent être libérés pour que l'on puisse envisager un cessez-le-feu », estime le cabinet de la ministre des Relations internationales, Martine Biron » (Le Devoir, 15/12/23). Et vive la guerre génocidaire de l'État sioniste !

Toujours le même jour, « le gouvernement de François Legault refuse de laisser Ottawa contourner ses seuils d'immigration dans la catégorie du regroupement familial. […] La liste d'attente en réunification familiale a beau frôler les 40 000 personnes, la ministre québécoise de l'Immigration, Christine Fréchette, a récemment refusé une main tendue du fédéral pour traiter toutes ‘'les demandes de résidence permanente qui ont reçu un [Certificat de sélection du Québec]'' […] Québec a fixé ses cibles en regroupement familial à environ 10 000 nouveaux arrivants pour les deux prochaines années » (Le Devoir, 15/12/23). Encore une fois presque le même jour, cette fois de connivence avec Ottawa, « [l]e Procureur général du Québec et la Couronne contestent devant la Cour d'appel une décision qui ordonnait l'arrêt des procédures contre deux hommes de Kahnawà:ke dans une affaire d'importation de tabac. » Québec et Ottawa ne reconnaissent pas « la validité de la Covenant chain – ou Chaîne d'alliance –, une série de traités remontant au 17e siècle qui constituaient une entente entre la Couronne britannique et Confédération haudenosaunee, un regroupement de six nations iroquoises dont font partie les Mohawks. » Ce qui revient à ne pas reconnaître la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (Radio-Canada, 13/12/23)

Quelle hypocrisie que d'être « ‘'déçu'' du manque d'ambition de la COP28 » (Le Devoir, 13/12/23) pour faire mauvaise fortune d'être sans hydrocarbure bon cœur d'être gavé d'hydroélectricité vendue à rabais, sans compter les subventions gargantuesques, à toute transnationale venant. Il y a de quoi construire une escalade vers la grève sociale, c'est-à-dire une grève générale politique. Tous et toutes, mouvement syndical, organisations étudiantes et féministes, grand public ont intérêt à soutenir les grévistes en argent sonnant et en militance dans la rue.

Par les réseaux sociaux, le grand public s'y est mis illico. Plusieurs syndicats ont suivi par des dons non négligeables — Métallos, Unifor, Machinistes, AFPC (Le Devoir, 15/12/23). Reste à soutenir les lignes de piquetage et plus encore. Des groupes de parents ont aussi commencé à se mobiliser (Radio-Canada, 15/12/23). Ce branlement de combat commence à sentir la « grève sociale » comme ce fut le cas pour un bref moment lors du Printemps érable de 2012 quant les Libéraux sont passés en mode ouvertement répressif. L'on peut penser que cette leçon historique fait réfléchir la CAQ au cas où une résistance, inattendue par elle, induirait la grande tentation de la loi spéciale. Raison de plus pour le mouvement syndical et tous le peupletravailleur derrière lui, de tenir le coup et d'enfoncer le clou.

Marc Bonhomme, 16 décembre 2023
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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Permis de travail fermés – Des centrales syndicales réclament des changements majeurs au gouvernement fédéral

19 décembre 2023, par Centrale des syndicats démocratiques (CSD), Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Confédération des syndicats nationaux (CSN), Fédération des Travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ) — , ,
Montréal, le 18 décembre 2023 – En cette Journée internationale des migrants et dans le cadre de la consultation sur les permis de travail fermés et les travailleurs étrangers (…)

Montréal, le 18 décembre 2023 – En cette Journée internationale des migrants et dans le cadre de la consultation sur les permis de travail fermés et les travailleurs étrangers temporaires (TET) du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, quatre grandes centrales syndicales ont déposé un mémoire conjoint et réitèrent leur demande d'abolir ces permis et de les remplacer par des permis de travail ouverts, sans attache sectorielle ou régionale.

La Centrale des syndicats démocratiques (CSD), la Confédération des syndicats nationaux (CSN), la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) dénoncent que le Programme de travailleurs étrangers temporaires (PTET) soit devenu aujourd'hui un moyen simple et rapide de combler des pénuries de main-d'œuvre persistantes, alors qu'au début, il visait réellement à combler de rares cas de pénuries. Cette voie de passage facile n'encourage pas les employeurs à améliorer les conditions de travail ni à investir dans la productivité de leur entreprise. Si les besoins du marché de l'emploi sont permanents, le gouvernement du Canada doit plutôt favoriser l'accès à la résidence permanente et améliorer le système d'immigration permanente.

« Le moment est opportun pour que le Canada change ses lois et ferme une des voies les plus décriées de l'exploitation contemporaine. Le recours aux TET est devenu d'une telle ampleur qu'on ne peut plus ignorer les effets délétères du permis de travail fermé, pour lequel il n'y a tout simplement plus d'acceptabilité sociale. Nous unissons nos voix pour défendre une vision de l'immigration plus inclusive, plus respectueuse de la dignité des personnes immigrantes et plus structurante pour les milieux de travail », soutiennent le président de la CSD, Luc Vachon, le vice-président de la CSQ, Mario Beauchemin, la présidente de la CSN, Caroline Senneville, et le secrétaire général de la FTQ, Denis Bolduc.

De plus, dans le contexte actuel de contraction du marché du travail et de hausse du taux de chômage, des TET ont perdu ou sont à risque de perdre leur emploi, sans possibilité d'opter pour un autre boulot, et le PTET contribue grandement à les faire basculer dans la catégorie des personnes sans statut, un nombre en augmentation.

Solutions

Les personnes immigrantes temporaires liées à un employeur unique sont vulnérables à toutes sortes d'abus, de discriminations et d'exploitations, car l'exercice de leurs droits comporte de hauts risques de représailles, comme le démontrent de nombreuses études. Les TET sont aussi exposés à des risques de santé et de sécurité plus élevés, car souvent, ils n'osent pas dénoncer une situation, même lorsqu'ils sont syndiqués.

Au-delà du remplacement des permis de travail fermés par des permis ouverts, la CSD, la CSN, la CSQ et la FTQ demandent :

1- Une augmentation des investissements dans les mécanismes d'information des personnes immigrantes temporaires sur leurs droits, d'inspection de leur milieu de travail, et de plaintes et de sanctions ;

2- Une priorisation de l'immigration permanente plutôt que temporaire, afin de combler de manière définitive les besoins socioéconomiques du pays ;

3- Une collaboration et un respect des compétences constitutionnelles des provinces et des accords entre les divers ordres de gouvernement ainsi qu'une concertation avec les partenaires de la société civile, dont les organisations syndicales.

Au Canada, le nombre de personnes immigrantes temporaires a plus que doublé en l'espace de trois ans (de 1 305 206 en 2020 à 2 198 679 en 2022), notamment à la suite de l'Entente Québec-Ottawa allégeant les règles du PTET.

La CSD, la CSQ, la CSN et la FTQ sont présentes dans tous les secteurs d'activités économiques. Ensemble, elles représentent près de 1,2 million de travailleuses et travailleurs.

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La crise climatique, un enjeu de santé et sécurité au travail

19 décembre 2023, par Guillaume Tremblay-Boily — , ,
L'été 2023 s'annonçait comme le premier véritable été post-pandémique. Après trois ans de crise sanitaire, nous pouvions espérer un certain retour à la normale. Mais les feux (…)

L'été 2023 s'annonçait comme le premier véritable été post-pandémique. Après trois ans de crise sanitaire, nous pouvions espérer un certain retour à la normale. Mais les feux de forêt qui ont frappé le Québec tout au long de la saison chaude nous ont rappelé qu'une crise encore plus grande se profile à l'horizon : celle liée aux changements climatiques. Tout comme la crise sanitaire, la crise climatique touche directement les milieux de travail. En ce sens, elle interpelle le mouvement syndical, qui peut prendre des mesures pour y faire face.

Tiré du Monde ouvrier no 146. L'auteur est chercheur à l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques.

D'après le dernier rapport du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), la fenêtre pour agir afin de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 degré se referme rapidement, mais chaque dixième de degré gagné peut faire une différence dans la vie des habitant·e·s de la Terre. Au cours du siècle, on peut s'attendre à une augmentation des événements météorologiques extrêmes et à une aggravation des catastrophes naturelles. Les averses dangereuses vont être de plus en plus probables. On fera aussi face à un accroissement du risque de tornades, de sécheresses, de feux de forêt et de vagues de chaleur. Selon des prévisions de Santé Canada, le nombre de journées de plus de 30o pourrait tripler d'ici 2080.

Ces changements affecteront directement les travailleuses et les travailleurs. En 2018, une vaste étude de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) – l'équivalent français de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) – a évalué les risques induits par le réchauffement climatique sur la santé au travail. D'après l'étude, il y a consensus autour du constat que les changements climatiques vont mener à une hausse de la fréquence et de la gravité des risques professionnels. Parmi les risques directs identifiés, il y a ceux associés aux vagues de chaleur, qui peuvent provoquer la déshydratation, les coups de chaleur et même la mort. Mais il y a aussi des risques indirects. Par exemple, les auteurs et autrices de l'étude mentionnent que la chaleur élevée peut nuire à la qualité du sommeil, ce qui peut engendrer une baisse de vigilance au travail, et donc accroître la probabilité que des accidents surviennent. L'étude préconise le développement d'une « culture de la prévention » face aux impacts des changements climatiques.

Pistes d'action syndicale face aux changements climatiques

Il faut donc dès maintenant poser des gestes pour limiter le réchauffement de la planète et repenser l'organisation du travail afin de réduire les risques associés aux perturbations du climat. On peut par exemple mettre en place des mesures pour éviter que des gens soient forcés de travailler lorsque les conditions ne sont pas sécuritaires.

Il serait ainsi possible d'instaurer des congés climatiques dans les conventions collectives et dans les normes du travail. Ces congés pourraient prendre une forme individuelle ou collective. Les congés individuels pourraient fonctionner de la même manière que les congés de maladie. Au cours d'une année, chaque personne aurait la possibilité de s'absenter du travail un certain nombre de jours lorsqu'une condition météorologique inhabituelle met en péril sa santé, sa sécurité, sa capacité à travailler ou sa capacité à se rendre au travail. Pensons par exemple aux familles qui ont subi l'inondation de leur maison à Longueuil en septembre 2022 ou à Baie-Saint-Paul en mai 2023. Parions qu'elles auraient souhaité pouvoir prendre un congé payé au moins le temps de gérer la catastrophe.

Les congés collectifs consisteraient à fermer automatiquement un milieu de travail (ou à limiter automatiquement le temps de travail) au-delà d'un certain seuil qu'on juge dangereux. En France, il existe déjà des « congés intempéries » pour les personnes employées dans le domaine de la construction. Des élu·e·s français·e·s ont proposé de mettre en place des « congés canicule » qui toucheraient l'ensemble des milieux de travail. En Allemagne, un·e salarié·e ne peut travailler plus de 4 heures lorsqu'il fait 29°C sur son lieu de travail. Quand la température atteint 35°C, le travail doit être suspendu pour la journée. Les établissements scolaires allemands doivent aussi fermer lorsqu'il fait trop chaud dans les salles de classe, l'idée étant qu'il est difficile de se concentrer quand la température est trop élevée.

Le droit de refuser de faire une tâche pourrait aussi être repensé en tenant compte des changements climatiques. À l'heure actuelle, la Loi sur la santé et la sécurité du travail reconnaît qu'un travailleur ou une travailleuse peut refuser d'exécuter une tâche s'il ou elle a des motifs raisonnables de croire que l'exécution de ce travail l'expose à un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique ou psychique ou peut avoir l'effet d'exposer une autre personne à un semblable danger. Dans un contexte où les risques climatiques augmentent, il importe de prendre en considération les conditions météorologiques dans lesquelles la tâche se déroule pour juger de sa dangerosité.

Mais pourrait- on pousser encore plus loin la réflexion sur la notion de tâche dangereuse ? Pourrait-on envisager de reconnaître que l'exécution d'une tâche peut porter atteinte à l'environnement et à la biodiversité ? La Charte québécoise des droits et libertés de la personne reconnaît depuis 2006 le droit de toute personne de « vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité ». Or, certaines activités commerciales et industrielles mettent en péril ce droit.

L'industrie fossile, notamment, représente une grave menace pour la planète et son expansion doit être stoppée, selon le rapport 2022 du GIEC. Conséquemment, on pourrait concevoir que le droit de refus soit étendu à des tâches jugées dangereuses du point de vue des risques climatiques. À titre d'exemple, si le droit de refus était appliqué de cette façon, des fonctionnaires chargé·e·s d'évaluer un projet de pipeline ou des travailleurs et travailleuses chargé·e·s de construire une telle infrastructure pourraient se prévaloir de ce droit pour refuser d'y participer. Ce droit de refus pourrait alors servir de fondement pour planifier une transition écologique à l'échelle des entreprises.

Dans les milieux de travail et dans l'espace public, des campagnes pour l'instauration de congés climatiques et pour l'extension du droit de refus seraient sans doute de bonnes occasions de sensibiliser la population aux conséquences des bouleversements climatiques.

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Les défis de 2024 pour une société plus juste et plus égalitaire

19 décembre 2023, par Fédération des Travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ) — , ,
L'année 2023 est enfin derrière nous et nous en sommes à l'heure des bilans, sans oublier de jeter un regard sur ce que nous réserve 2024. Tiré du Monde ouvrier no 146. (…)

L'année 2023 est enfin derrière nous et nous en sommes à l'heure des bilans, sans oublier de jeter un regard sur ce que nous réserve 2024.

Tiré du Monde ouvrier no 146.

Il y a maintenant un an, la FTQ a élu un nouveau Bureau lors de son 33e Congrès, ainsi qu'une première femme à la présidence, un moment historique. Depuis, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts, comme le dit si bien l'expression, et nous en avons accompli des choses. Ne craignons pas de célébrer nos victoires.

Le dépôt d'un projet de loi anti-briseurs de grève au fédéral, la décision d'Ottawa allonger jusqu'à quatre semaines supplémentaires les prestations de chômage pour celles et ceux qui œuvrent dans les industries à activités saisonnières, l'adoption d'une loi protégeant les régimes de retraite en cas de faillites d'entreprises pour ne nommer que ces dossiers. Nous croyons sincèrement que le lobbying que nous avons fait auprès du gouvernement fédéral a porté ses fruits.

Au Québec, le gouvernement de la CAQ est plus difficile à suivre, mais nous avons tout de même réussi à lui faire abandonner sa réforme du Régime de rentes du Québec. Cependant, nous sommes inquiets en ce qui a trait à la centralisation qui s'annonce en santé et en éducation : il faudra rester attentifs et vigilants. Peutêtre que nous aurons à nous engager dans une vaste campagne d'accréditations syndicales en santé. Il faudra être solidaires et prêts à mener ce combat : nous le devons à nos membres. D'ailleurs, avec l'accord du Bureau de la FTQ, nous avons mis en place un comité de syndicalisation qui profitera à tous nos affiliés. Aussi, lors du dernier Congrès, comme équipe de direction, nous avons pris l'engagement de tenir une fois par année un Conseil général en région. Ce premier Conseil général en région a eu lieu en mai dernier à Baie-Comeau et, franchement, ce fut un grand succès de participation ! En 2024, nous aurons un deuxième Conseil général en région qui se tiendra à Matane au mois de mai.

Au cours de la prochaine année, nous aurons à nous mobiliser pour la modernisation de la loi anti-briseurs de grève du Québec et à faire pression pour la mise en place d'un véritable programme d'assurance médicaments public et universel à l'échelle du pays et aussi au Québec. D'ailleurs, le gouvernement fédéral a déjà promis d'aller de l'avant avec ce projet. Nous sommes également à préparer un plan d'action sur la vie chère, avec un salaire permettant d'assurer ses besoins de base, soit l'accès à un logement et à un panier d'épicerie à un prix abordable, mais aussi qui permet de mettre un peu d'argent de côté pour d'autres besoins essentiels afin que les travailleuses et travailleurs soient des acteurs économiques épanouis et que leurs familles puissent vivre dignement.

Enfin, il faudra faire comprendre au gouvernement que les permis de travail fermés pour les personnes immigrantes embauchées par différentes entreprises doivent être abolis. Une travailleuse ou un travailleur doit avoir le choix de quitter un patron qui ne le respecte pas pour offrir ses services dans un autre établissement.

La FTQ est la plus grande centrale syndicale du Québec, soyons en fiers. Bien sûr, il y aura des tempêtes, mais il y aura aussi de grandes victoires, et c'est ensemble et unis que nous aurons à livrer nos batailles !

Solidairement,

Magali Picard, présidente

Denis Bolduc, secrétaire général

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Manifeste pour un avenir énergétique juste et viable

19 décembre 2023, par Regroupement pour un Manifeste pour un avenir énergétique juste et viable — , ,
Le premier décembre dernier, une vaste coalition de groupes citoyens, écologistes, syndicaux, communautaires, ainsi que des professionnels, spécialistes et personnalités (…)

Le premier décembre dernier, une vaste coalition de groupes citoyens, écologistes, syndicaux, communautaires, ainsi que des professionnels, spécialistes et personnalités publiques de divers horizons lançait le Manifeste pour un avenir énergétique juste et viable..

Ce manifeste est une réponse globale à l'empressement du gouvernement Legault à favoriser l'augmentation de la production électrique, l'extractivisme pour soutenir la filière batteries et la privatisation des énergies renouvelables. La publication de ce Manifeste vise à ouvrir la discussion la plus large possible.sur la question de l'énergie afin d'aboutir à des politiques visant à véritablement lutte contre les changements climatiques à protéger le territoire et la planète. (PTAG)

Nous sommes des forces convergentes de groupes environnementaux, du milieu syndical, de scientifiques, de professionnel·les et de spécialistes de divers domaines ainsi que des groupes citoyens et communautaires. Nous sommes engagé·es pour un avenir viable et juste. Nous savons que les défis pour y arriver sont de taille. Nous nous regroupons pour agir collectivement sur l'avenir énergétique de la société québécoise.

Cet été, le gouvernement Legault a organisé, sans grand bruit et en toute hâte, une consultation publique sur un projet de loi visant l'encadrement et le développement des énergies propres au Québec. Ce projet de loi devrait être déposé cet automne et visera entre autres à « moderniser » le cadre légal et réglementaire du secteur de l'énergie, la Loi sur Hydro-Québec et la Loi sur la Régie de l'énergie 1. Cette loi, nous dit le gouvernement, répond à un impératif : décarboner le système énergétique du Québec et atteindre la carboneutralité. Les modifications sont présentées comme des détails techniques visant à faciliter les transformations dont nous avons besoin pour atteindre cet avenir durable et juste auquel nous aspirons.

Or, à en juger par les déclarations récentes de François Legault, Pierre Fitzgibbon et Michael Sabia, il est clair que les enjeux touchés par cette loi vont bien au-delà de la question de l'électricité et de l'usage des énergies fossiles. Leur perspective sur le futur diverge indéniablement de la nôtre, et il existe un risque réel que leurs propositions nous éloignent considérablement du projet de société dont nous avons besoin pour un avenir viable et juste.

Questions et enjeux

Plusieurs questions se posent à nous dans le contexte où le Québec devra se défaire de sa dépendance aux énergies fossiles qui représentent la moitié de l'énergie consommée chaque année. Comment prendre pleinement conscience de l'effort collectif que nécessiterait la transition énergétique ?

  • Accepterons-nous d'octroyer notre production énergétique en priorité à des industries étrangères énergivores ? Ou prioriserons-nous l'électrification de nos maisons, nos transports et nos industries ?
  • Cette priorisation implique-t-elle une redéfinition de ce qui est entendu d'une vie épanouissante afin de protéger le territoire et la planète ? Ou souhaitons-nous plus simplement électrifier le statu quo ?
  • Sommes-nous prêt·es à réduire la demande en énergie et mettre en place les transformations socio-économiques nécessaires pour y arriver de façon juste ? Ou souhaitons-nous endommager irrémédiablement le territoire ainsi que les écosystèmes qui s'y trouvent et affecter les communautés locales par la construction de grands barrages, de parcs éoliens, de centrales nucléaires et de mines d'uranium ?
  • Si, au final, nous devons augmenter notre production énergétique, quelles options sont les plus acceptables ?
  • Allons-nous continuer à confier la production d'énergies renouvelables au secteur privé, ou est-il plutôt souhaitable d'en reprendre la gestion publique ?
  • Devrions-nous renforcer une gestion centralisée ou décentralisée de la responsabilité de la production et de la distribution vers les municipalités, les MRC ou les Régies intermunicipales ?

Pour quels arbitrages opterons-nous ? Ce ne sont que quelques exemples des grands choix de société qui se présentent à nous et qui auront des impacts à long terme.

Alors que les décisions d'une telle importance devraient émerger du dialogue social et du débat démocratique, elles semblent plutôt se prendre derrière des portes closes par une poignée de personnes. La situation est d'autant plus critique que le ministre de l'Économie et de l'Énergie se promène à travers le globe en faisant miroiter des térawattheures (TWh) d'énergie propre et à bas coût pour attirer des entreprises étrangères énergivores, quitte à construire toujours plus de barrages pour leur fournir plus d'électricité. Gouverner le Québec comme le Dollarama de l'énergie 2 pourrait avoir des conséquences désastreuses sur le territoire, sur notre capacité à fournir une énergie abordable à la population et à électrifier l'économie.

Ce bradage des ressources énergétiques est peut-être rentable à court terme pour un gouvernement et une industrie qui confondent transition écologique et occasions d'affaires. À long terme, des investissements privés et sans vision d'ensemble seront autant de verrous qui limiteront notre capacité à prendre en main collectivement et de façon démocratique notre avenir énergétique. Pour faire face à la crise climatique et environnementale qui nous menace, ce n'est pas d'un plan de développement industriel dont nous avons besoin, mais bien d'un véritable plan pour une transition énergétique porteuse de justice sociale.

Contexte historique et précédents

Nous dénonçons le manque de dialogue social, de vision et de planification dans le secteur énergétique depuis plusieurs années. Nous sommes collectivement confronté·es à des choix historiques qui vont déterminer l'avenir du Québec pour plusieurs générations. Les transformations à mettre en place auront des impacts importants sur nos modes de vie ainsi que sur nos façons de produire et de consommer. Les investissements faits aujourd'hui seront structurants pour l'économie et la société de demain. Malheureusement, le projet de loi censé baliser l'avenir énergétique du Québec risque de s'inscrire dans une logique extractiviste et de mettre en place les bases pour une importante crise sociale.

Rappelons que des situations similaires, où des projets de loi mal ficelés et inadéquats concernant des décisions importantes pour notre avenir énergétique ont été prises sans consulter adéquatement et ont été imposées à la population. Les lois adoptées, parfois sous bâillons, ont par la suite été contestées fortement, menant à des revirements plus conformes à la volonté populaire. Notons entre autres le projet de loi 106 adopté en 2016 et qui ouvrait la porte à l'exploitation du gaz au Québec. Il a été renversé en 2022 par la loi R-1.01 4 qui mettait fin à l'exploitation pétrolière et gazière sur l'ensemble du territoire. Notons également que plusieurs projets peu en phase avec la transition énergétique tels que l'exploitation des gaz de schiste, le 2 Suroit, le pipeline Énergie Est, le port méthanier de Cacouna et GNL Québec ont été abandonnés suite à de fortes mobilisations de la société civile dont nous nous réclamons.

Ainsi le manque de vision et de planification actuel cause un gaspillage d'énergies et de temps forts précieux. En plus, il risque de nous plonger dans une crise sociale qui pourrait braquer la population et ralentir les changements dont nous avons besoin. Pourquoi continuer sur cette voie ?

De nombreuses organisations ont déjà contribué à dessiner les grandes lignes d'un plan de transition ainsi qu'à élaborer des propositions concrètes telles la Feuille de route pour la transition du Québec vers la carboneutralité du Front commun pour la transition énergétique 4 ; les 101 idées pour la relance du Pacte pour la transition énergétique et le Plan de la Déclaration d'urgence climatique 5. Chacun de ces plans permet d'esquisser les mesures dont nous avons besoin pour aborder les défis qui se posent à nous. Pouvons-nous nous appuyer sur ces réflexions pour mieux anticiper la profondeur des transformations nécessaires et en assurer la cohérence ?

Notre vision

Nos efforts ne doivent plus être consacrés essentiellement à nous opposer à des projets destructeurs. Il nous faut plutôt travailler à la construction d'un avenir viable. Nous croyons fermement que l'énergie doit être gérée de manière responsable, c'est-à-dire de façon démocratique, orientée vers l'intérêt public et générée en respectant les limites biophysiques de la planète. Nous demandons que l'énergie soit considérée comme un bien public. Nous réclamons un débat large sur l'avenir énergétique du Québec menant à une nouvelle politique énergétique cohérente. Celle-ci doit être basée sur une planification intégrée des ressources et permettre une réduction des demandes en énergie ainsi qu'une sortie juste, graduelle et prévisible, mais rapide, des énergies fossiles. Nous nous opposons à toute augmentation des tarifs d'électricité qui accentuerait la précarité et risquerait de ralentir la transition énergétique. Nous exigeons une meilleure protection des territoires, qui se fera en consultant les peuples autochtones et avec le consentement des communautés locales, en assurant leur participation aux prises de décisions qui les concernent et en reconnaissant leurs droits. En nous engageant ainsi, nous visons à protéger notre patrimoine énergétique commun pour les générations futures.

Des valeurs fondamentales

Nous prenons fermement parti pour le bien commun, la démocratie, la transparence, l'imputabilité, la justice sociale, la tolérance, la prise en compte des limites biophysiques de la planète, la stabilité, la sécurité énergétique, la préservation de nos acquis sociaux, la responsabilité face aux générations futures et la qualité de vie pour toutes et tous.

Nous voulons nous consacrer à construire un Québec résilient, décarboné, viable et juste.

Ce que nous nous engageons à faire

Face aux menaces qui pèsent sur notre avenir énergétique, nous sommes prêt·es à intensifier notre mobilisation pour mettre une pression incontournable sur les titulaires de charges publiques. Nous sommes déterminé·es à faire entendre nos voix et à exiger des modifications à cette loi qui soient adaptées au contexte actuel. Ensemble, nous travaillerons sans relâche pour défendre un avenir viable, basé sur des choix énergétiques cohérents et démocratiques et nous n'accepterons aucune régression dans notre quête pour protéger le vivant, l'intégrité de nos territoires et pour garantir l'équité énergétique pour tous et toutes.

Le rôle fondamental de l'énergie pour répondre à nos besoins essentiels

L'énergie joue un rôle central dans la satisfaction des besoins essentiels et du fonctionnement des sociétés modernes. Que ce soit pour éclairer nos maisons, nous transporter, chauffer nos bâtiments, faire fonctionner nos industries, sécuriser nos approvisionnements, l'énergie est une composante fondamentale de notre vie quotidienne. L'accès à l'énergie assure non seulement notre confort, notre bien-être, notre sécurité et nos activités économiques, mais c'est aussi une condition à la pleine réalisation des droits humains tels que le droit au logement, à la santé, à l'alimentation et à la dignité.

Cependant, ce n'est généralement pas l'énergie elle-même qui est requise par la population. Ce sont plutôt les services fournis par l'énergie : chauffage, climatisation, éclairage, cuisine, transport, communication. Pour réaliser le droit à la santé et à la dignité, il faut avoir accès à un espace de vie dans lequel la température est raisonnable en été comme en hiver. Pour ce faire, une maison convenablement isolée contribue autant au confort hivernal qu'un volume supplémentaire de combustible. De la même manière, un ménage a le droit à la mobilité et non pas un droit à l'essence 6. Cette distinction est importante puisqu'elle permet d'envisager des solutions pour réduire la consommation d'énergie tout en répondant aux mêmes besoins et en assurant un niveau similaire de bien-être.

Il en découle que la population doit avoir le droit d'accéder à des services énergétiques pour assurer un niveau de vie décent. Garantir un accès aux services énergétiques tout en limitant le gaspillage d'énergie est un équilibre crucial pour répondre aux besoins de la société tout en minimisant les impacts environnementaux. Nous croyons fermement que l'énergie est un bien public essentiel et qu'il en découle qu'elle doit être gérée dans l'intérêt collectif, plutôt que pour le profit privé.

Pour une énergie publique sous contrôle démocratique

Nous demandons à ce que l'énergie soit reconnue comme un service public dont les actifs sont stratégiques. Nous demandons que les actifs, la production, le transport et la distribution d'électricité renouvelable au Québec soient entièrement publiques, sous contrôle démocratique et soient utilisés dans le but d'atteindre les objectifs climatiques du Québec.

Une énergie gérée publiquement permet d'assurer l'accès universel, ce qui signifie que tous les citoyens et toutes les citoyennes, quel que soit leur lieu de résidence ou leur niveau de revenu, ont un accès le plus abordable possible aux services énergétiques.

Une vision globale à long terme et une planification cohérente sont nécessaires

Compte tenu de l'importance des enjeux et des besoins de transformation profonde du système énergétique, il est impératif que le gouvernement du Québec adopte une vision globale et à long terme pour élaborer et mettre en oeuvre des politiques cohérentes et ambitieuses, garantissant la sécurité énergétique et la protection du territoire tout en répondant aux défis de la crise climatique et du déclin de la biodiversité.

Nous dénonçons la forme de la consultation mise en place par le gouvernement en amont du projet de loi visant l'encadrement et le développement des énergies propres au Québec. Cette consultation était précipitée, incomplète et bien en deçà des engagements du premier ministre Legault sur la tenue d'un débat de société sur l'énergie. Elle se déroulait l'été, en période de vacances, ce qui a empêché plusieurs personnes d'intervenir. Nous estimons que l'absence de réelle consultation risque de porter atteinte aux fondements mêmes du système énergétique québécois et de nous priver de la possibilité de faire les choix énergétiques en phase avec nos valeurs.

Le manque de vision du gouvernement du Québec concernant la transition énergétique a été souligné à plusieurs reprises 7,8,9. Cette absence de vision se traduisait dans les résultats du Plan d'action 2013-2020 sur les changements climatiques du précédent gouvernement, qui ont été qualifiés de consternants 10. Elle se manifeste encore clairement dans le Plan pour une économie verte (PEV). Ce dernier se concentre principalement sur les occasions d'affaires liées à l'électrification et aux emplois bien rémunérés, sans prendre suffisamment en compte la faisabilité et les véritables répercussions d'une telle transformation. Selon cette approche, la transition vers une économie plus « verte » serait principalement une affaire lucrative pour le secteur privé.

En 2019, Hydro-Québec mentionnait un surplus d'énergie de 40 TWh 11. À peine trois ans plus tard, les besoins supplémentaires pour atteindre la carboneutralité d'ici 2050 étaient estimés à 100 TWh de plus que les 212 TWh que nous produisions déjà 12. Ensuite, le ministre Pierre Fitzgibbon a suggéré que les exigences pourraient atteindre 150 TWh 13, puis a évoqué l'idée d'augmenter la production jusqu'à 200 TWh 14. Ces chiffres contradictoires montrent à quel point la consommation d'énergie est mal planifiée. Des positions tout aussi contradictoires ont également été énoncées concernant l'augmentation des tarifs d'électricité, le recours au nucléaire, les nouveaux aménagements hydroélectriques et des mesures favorisant une sobriété plus ou moins bien définie.

Au-delà de cette vision incertaine et changeante, il y a lieu de demander s'il est réaliste de prévoir mettre en place les infrastructures pour augmenter de façon aussi considérable la production d'énergie. Ces nouvelles infrastructures, qui devraient être installées rapidement, équivaudraient en termes de capacité à celles qui ont été construites au Québec depuis la fin du XIXe siècle. Il faudrait déterminer quelles sources d'énergie privilégier, sacrifier une portion importante du territoire à cette production énergétique et trouver une quantité suffisante de matériaux et de main-d'oeuvre pour accomplir une telle tâche, ce qui est loin d'être acquis 15,16. Cela sans compter les investissements majeurs requis. De plus, alors que des choix d'une telle importance devraient émerger du dialogue social et du débat démocratique, les décisions semblent plutôt prises par un nombre restreint de personnes, derrière les portes closes du bureau du ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie. Cette façon de procéder favorise les décisions à la pièce et les solutions à court terme qui ne nous permettront pas d'atteindre nos objectifs, tels que définis dans ce manifeste.

Pour un débat sur l'énergie au Québec

Nous appelons à un débat public large, éclairé et ouvert sur l'avenir énergétique du Québec afin de tracer une feuille de route cohérente qui nous permettra d'atteindre nos objectifs collectifs. Nous demandons que le gouvernement mobilise les structures nécessaires pour un dialogue social permettant une concertation démocratique sur l'avenir énergétique du Québec. Nous demandons que chaque partie souhaitant participer à ce processus de débat public puisse être entendue et que tous les efforts nécessaires pour la participation de groupes diversifiés et représentatifs soient faits, y compris les communautés autochtones qui, par la richesse de leurs savoirs ancestraux, pourraient grandement enrichir nos réflexions.

Pour une nouvelle politique énergétique au Québec

La transformation du système énergétique et les investissements doivent être guidés par une vision ambitieuse et cohérente pour l'avenir. Nous demandons que le gouvernement mette en place une nouvelle politique énergétique permettant d'implanter un système énergétique socialement juste, décarboné et respectueux des limites des écosystèmes. Nous demandons que les objectifs, les moyens et les scénarios de transition d'une politique énergétique soient élaborés au grand jour, à la suite d'un débat public large mobilisant des instances de plénière et de concertation avec des groupes diversifiés, le tout à partir d'une méthodologie transparente. La politique devrait tenir compte des points présentés dans la suite de ce manifeste.

Reconnaître la crise écologique - au-delà du remplacement des énergies sales par des énergies « propres »

Le gouvernement a fait récemment plusieurs annonces au nom de la transition énergétique, avec une approche qui laisse penser que l'électrification résoudra tous les problèmes. Cependant, l'angle environnemental semblent n'y être qu'un lointain arrière-plan. La recherche de consertement des populations locales et des communautés autochtones ne semble pas non plus une priorité.

La prise de conscience croissante des défis environnementaux, tels que la crise climatique, la perte de biodiversité et la dégradation des écosystèmes, transforme la manière dont nous pouvons envisager l'utilisation de l'énergie et le développement de nouvelles sources. La décarbonation du système énergétique québécois est essentielle pour répondre aux engagements internationaux visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et préserver l'environnement pour les générations futures. Ce processus est confronté à plusieurs défis majeurs et la décarbonation nécessite un effort soutenu et coordonné.

Cependant, il est nécessaire de reconnaître que même les sources d'énergie renouvelable ne sont pas exemptes de contraintes écologiques et sociales. L'installation de parcs éoliens, de centrales solaires, de barrages hydroélectriques, l'extraction de graphite, de cuivre et de lithium ou encore la production de bioénergie ont des impacts environnementaux. Ces infrastructures et ces projets souvent imposants perturbent notamment les écosystèmes locaux, la qualité ou la disponibilité de l'eau et les habitats naturels dans un contexte où la biodiversité est en déclin sévère 16. Ils peuvent occuper de vastes superficies et entrer en conflit avec l'utilisation du territoire à des fins autres qu'énergétiques et ainsi affecter également les communautés locales. De plus, la disponibilité à long terme de plusieurs ressources stratégiques nécessaires à ces énergies est de plus en plus remise en question. L'hydroélectricité, bien que moins émettrice de GES, n'est pas non plus sans impact sur l'environnement. Le harnachement de rivières, la création de réservoirs et l'ouverture de nouveaux accès à des territoires auparavant inaccessibles ont des conséquences importantes sur les écosystèmes entiers, entraînant des perturbations dans les habitats naturels. L'effet cumulatif des barrages au fil de l'eau et des centrales hydroélectriques, tant sur le cycle de l'eau que sur la biodiversit, n'a d'ailleurs jamais fait l'objet d'études.

La transition vers les énergies renouvelables est cruciale pour réduire notre empreinte carbone, mais elle n'est pas suffisante à elle seule pour décarboner l'économie tout en respectant les limites planétaires. La transition doit également être guidée par une approche holistique qui tient compte des multiples impacts environnementaux à tous les stades du cycle de vie de l'énergie. Cela exigera de miser sur la réduction des demandes énergétiques.

Pour une planification intégrée des ressources

Nous demandons une planification énergétique intégrée selon une approche systémique plutôt que selon une approche en silo. Celle-ci devrait tenir compte des besoins actuels et futurs de la société québécoise. Elle devrait notamment prendre en considération les options liées à la réduction des demandes, l'ecacité énergétique, les sources d'énergie renouvelable et devrait également impliquer les ministères parties prenantes (par exemple, le ministère des Transports et celui des Affaires municipales et de l'Habitation). Au-delà des questions énergétiques, elle devrait considérer l'impact sur
le climat, la qualité de l'air, le territoire, les écosystèmes et les communautés humaines et viser à minimiser ces impacts. Elle devrait étendre sa compréhension à tout le cycle de vie des différentes filières énergétiques, de la récolte ou de l'extraction de matières premières à la production de l'énergie en passant par la production des infrastructures, le transport, jusqu'à l'utilisation, les émissions et les déchets. Elle garantira enfin garantir un accès aux services énergétiques pour assurer un niveau de vie décent dans le respect des limites planétaires et des territoires. L'évaluation environnementale régionale développée par le Centre québécois du droit de l'environnement est une piste qui pourrait être explorée pour évaluer l'effet cumulatif des projets envisagés 18,19, 20. Le cadre écologique de référence publié par le Ministère de l'environnement et de la lutte contre les changements climatiques devrait contribuer à informer les décisions. 21

Pour des mesures qui favorisent la réduction des demandes en énergie

En conformité aux possibilités et contraintes biophysiques de chaque bio-territoire, nous demandons l'utilisation de mesures pour réduire les demandes d'énergie, à la fois totale et par secteur, notamment en visant l'efficacité énergétique et l'incitation collective à des modes de vie durables. Les politiques à mettre en place pour réduire la consommation d'énergie devraient notamment favoriser la mobilité active, collective et partagée, un aménagement plus durable du territoire, des bâtiments plus écoénergétiques, un système alimentaire plus local, sain et écologique, et soutenir des comportements individuels et collectifs favorisant le partage, la sobriété de manière équitable. Cette réduction de la demande concerne aussi bien les citoyennes et les citoyens que le secteur institutionnel et les petites, moyennes et grandes entreprises.

Bien qu'elle présente des défis dans sa mise en œuvre, la réduction de la consommation d'énergie est essentielle pour préserver le territoire et lutter contre la crise climatique, ainsi que pour permettre un partage équitable des ressources entre le Nord et le Sud global.

Se débarrasser de notre dépendance aux énergies fossiles - une nécessité !

Nous nous apprêtons à dépasser dangereusement les limites planétaires liées aux émissions de GES. Selon l'Agence internationale de l'énergie, d'ici 2035, les émissions de GES doivent diminuer de 80 % dans les économies dites « avancées » et ces dernières doivent atteindre des émissions nettes nulles vers 2045 22. Pour sa part, le secrétaire général des Nations unies demande aux pays développés « de s'engager à atteindre l'objectif d'une consommation nette nulle le plus près possible de 2040 23 ». En tant que nation riche, le Québec doit faire sa juste part 24 dans la lutte climatique et faire preuve de beaucoup plus d'ambition alors que la cible gouvernementale de réduction de 20 % en 2020, par rapport à 1990, a été manquée, que le Québec n'est nullement en voie de réaliser la baisse officiellement visée de 37,5 % d'ici 2030 (par rapport à 1990 25) et que cette cible est largement insuffisante.

Nous savons que toutes les trajectoires modélisées à l'échelle mondiale qui limitent le réchauffement à des seuils nous évitant de basculer dans des scénarios de plus en plus catastrophiques impliquent des réductions rapides et majeures des émissions de GES dans tous les secteurs 26. Au Québec, près des trois quarts de nos émissions sont attribuables aux énergies fossiles 27. De ces émissions fossiles, les trois quarts proviennent de l'utilisation de pétrole dans le secteur des transports et un cinquième résulte de l'utilisation du gaz « naturel » dans les secteurs résidentiel, commercial, institutionnel et industriel. Le remplacement des combustibles fossiles par l'électricité pourrait nous faire profiter d'un avantage économique considérable : la diminution de nos importations massives de gaz et de pétrole, qui nous permettra d'importantes économies et réduira notre déficit commercial.

Le principe du pollueur payé - l'exemple de l'entente entre Énergir et Hydro-Québec
Le gaz naturel est une énergie fossile qu'il faut éliminer le plus rapidement possible : nous continuerons d'aggraver la crise climatique tant qu'il sera utilisé dans nos maisons et immeubles. Pourtant, en juillet 2021, Hydro-Québec et Énergir annonçaient un partenariat qu'elles qualifiaient d'« inédit » pour « réduire les émissions de GES 28 ». L'entente vise à présenter la biénergie, c'est-à-dire le passage de systèmes de chauffage au gaz vers la biénergie hydroélectricité/gaz,comme un pas vers la décarbonation du parc immobilier. En réalité,miser sur la biénergie plutôt que sur l'électrification permet deprolonger la dépendance au gaz.

Cette entente contrevient au principe fondamental du pollueur-payeur, voire introduit le concept troublant de pollueur-payé. Elle prévoit qu'Hydro-Québec dédommagera financièrement la firme gazière privée pendant au moins 25 ans pour compenser les pertes causées par ce transfert énergétique. Aurait-on idée de compenser les pétrolières pour chaque recharge de voiture électrique ? On parle ici de quelque 2,4 milliards de dollars versés par les client·es d'Hydro-Québec 29 ! Bien que l'entente tienne toujours, plusieurs groupes ont plaidé à la Régie de l'énergie contre l'idée qu'Hydro-Québec puisse refiler la facture à ses clients au travers d'augmentations des tarifs d'hydroélectricité et ont eu gain de cause 30.

Pour atténuer nos craintes, on veut nous faire croire qu'un mélange de gaz naturel ordinaire et de gaz de source renouvelable (GSR) peut être efficace pour réduire les GES. Il s'agit en fait d'une fausse solution. Le GSR représente à peine 1 % de ce que transporte Énergir dans ses conduites jusqu'à nos maisons. La réglementation prévoit que le GSR comptera pour 2 % du gaz distribué à compter de 2023, pour 5 % à compter de 2025 et pour 10 % à compter de 2030 31. C'est donc dire qu'en 2030, Énergir distribuera encore 90 % de gaz « naturel » fossile issu de la fracturation hydraulique ! Plusieurs groupes dénoncent l'entente entre Énergir et Hydro-Québec et demandent son abandon.

Cette entente met en danger la notion de responsabilité environnementale et économique. Il est impératif de garantir que les entreprises qui ont un impact sur l'environnement assument pleinement leurs responsabilités.

Pour des plans contraignants visant une sortie graduelle et prévisible, mais rapide des énergies fossiles

Nous appelons à la mise en place de politiques énergétiques qui prévoient l'élimination progressive, mais rapide des énergies fossiles de manière prévisible et ordonnée.

Contre le principe du pollueur payé

Nous demandons que le gouvernement rejette toute mesure qui ferait payer la transition énergétique ou les pertes de revenus des producteurs et des distributeurs d'énergies fossiles par les entreprises productrices d'énergies renouvelables ou par leurs consommateurs et consommatrices. Nous dénonçons tout « dédommagement » versé à des entreprises d'énergie fossile autre que pour soutenir la transition juste des emplois.

Nos infrastructures stratégiques - Hydro-Québec : un patrimoine collectif

L'énergie est bien plus qu'une simple commodité ; elle est également produite par des infrastructures stratégiques. Les installations de production, les réseaux de transport et les systèmes de distribution d'énergie forment l'épine dorsale de l'économie et des sociétés modernes. Ces infrastructures sont
essentielles pour maintenir la stabilité économique, la sécurité nationale et la qualité de vie. Par conséquent, la gestion et la sécurisation de ces ressources énergétiques revêtent une importance capitale, tant pour répondre aux besoins présents que pour préparer un avenir viable.

Le Québec a depuis longtemps compris l'importance stratégique de l'énergie. Avant qu'Hydro-Québec ne soit fondée en 1944, la population était insatisfaite des services plus ou moins fiables, du refus d'électrifier certaines régions rurales 25 des entreprises privées faute de « rentabilité ». Les tarifs souvent élevés, malgré les profits importants 26, et inégaux selon l'adresse et la région étaient également une source de mécontentement. En 1963, une deuxième vague de nationalisation d'un système largement privé jugé coûteux et inecace a consolidé la société d'État responsable de la production, du transport et de la distribution de l'électricité au Québec permettant ainsi d'électrifier l'ensemble du territoire québécois. Depuis, de grands projets hydroélectriques ont été développés dans le Nord québécois ainsi que d'imposants réseaux de transport à haute tension, technologie développée au Québec. Hydro-Québec est ainsi devenue l'un des plus importants producteurs d'hydroélectricité au monde.

Hydro-Québec est bien plus qu'une simple entreprise d'énergie. C'est une pièce importante du patrimoine profondément ancrée dans l'identité collective du Québec. C'est un bassin d'expertise comme nulle autre ailleurs et plus que jamais une clé pour notre avenir. Il est cependant important de reconnaître que le développement de ces immenses réservoirs et les infrastructures de transport de l'électricité ont souvent eu des répercussions disproportionnées sur les terres, les ressources et les modes de vie des communautés autochtones, notamment des nations Kanien'kehá:ka, Anishinabeg, Atikamekw, Innus, Mi'kmaq, Wendat, Abénaquis, Eeyou et Inuit. affectant profondément et de façon irrémédiable leur mode de vie et leur culture et entraînant des pertes douloureuses de territoires ancestraux et de lieux de sépulture.

Aujourd'hui, l'hydroélectricité produite au Québec émet peu de GES comparativement aux énergies fossiles. Elle est convoitée par des entreprises de partout dans le monde qui souhaitent s'accoler l'étiquette « verte », comme en témoignent les nombreux projets énergivores qui ont été soumis au gouvernement récemment 34. François Legault a d'ailleurs affirmé qu'Hydro-Québec se préparait à annoncer « beaucoup de barrages » pour répondre à cette demande 35. Le plan d'action d'Hydro-Québec, déposé en novembre 2023, prévoit d'ici 2035 « l'ajout de 60 TWh, soit entre 8 000 et 9 000 MW de puissance additionnelle. C'est équivalent à trois de nos plus grands ouvrages hydroélectriques : l'aménagement Robert-Bourassa (LG-2), Manic-5 et le complexe de la Romaine 36 »

Un retour en arrière avec des bras grand ouverts au privé

Hydro-Québec a été fondée alors que les défauts du système énergétique privé préexistant étaient évidents et que la population exprimait une grande insatisfaction devant les problèmes causés par des services défaillants. Aujourd'hui, le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne envisagent la possibilité d'étendre considérablement la portion publique de leur secteur de l'énergie, notamment pour garantir la sécurité de ce maillon névralgique de leur économie 37. La sécurité d'approvisionnement, soit une livraison stable et fiable d'énergie, est récemment devenue un enjeu important sur lequel les États souhaitent avoir plus de contrôle. Irons-nous dans le sens contraire ? Souhaitons-nous réellement un retour en arrière ?

Le spectre de la privatisation et de la dérèglementation plane sur le secteur énergétique québécois. Le projet de loi qui sera déposé à l'automne pourrait favoriser la participation du secteur privé au développement des infrastructures énergétiques 38 et faire ainsi augmenter encore la part grandissante d'énergie déjà produite par le privé 39. Le trio de décideurs formé par François Legault, Pierre Fitzgibbon et Michael Sabia a laissé entendre que le privé pourrait avoir un rôle important à jouer, notamment dans la construction de petits barrages et d'éoliennes, tout en assurant que « les grands ouvrages vont rester l'apanage de la société d'État » 40,41,42. La possibilité de permettre à un plus grand nombre d'entreprises de produire leur propre énergie a aussi été évoquée 43.

Les mémoires soumis par les organisations liées au monde des affaires mettent en lumière de façon claire des positions en ligne avec cette tendance et les demandes exprimées illustrent les intentions du secteur privé concernant la question de l'énergie :

• Augmenter la production d'énergie en vue de stimuler la croissance économique ;
• Maintenir l'utilisation des combustibles fossiles aussi longtemps que possible 36 et même l'augmenter 37 ;
• Encourager la privatisation de la production d'énergies renouvelables 38,39,40 ;
• Réduire les réglementations qui entravent les initiatives du secteur privé 41,42 ;
• Abolir les mécanismes qui garantissent l'accès à une énergie abordable dans le secteur résidentiel 43,44,45,46,47 ;

La privatisation risquerait ainsi de compromettre l'accès à une énergie propre, fiable et abordable pour la population québécoise, tout en réduisant la capacité du gouvernement à orienter la politique énergétique dans l'intérêt public à long terme. C'est pourquoi nous nous joignons à de nombreux défenseurs de l'énergie publique au Québec qui s'opposent vigoureusement à la privatisation et plaident en faveur du maintien d'un système énergétique sous contrôle public 56 57, 58, 59.

Hydro-Québec doit rester dans le giron public afin d'écahapper à la course au profits et de lui permettre d'accorder la priorité à la décarbonation des activités existantes de la société québécoise plutôt qu'aux nouveaux projets industriels énergivores.

Contre la privatisation totale ou partielle d'Hydro-Québec

Nous nous opposons fermement à toute tentative de privatisation d'Hydro-Québec ou de ses actifs. Hydro-Québec est un actif patrimonial et stratégique et doit rester sous contrôle public. Nous rejetons toute forme d'érosion de cette institution, cruciale pour notre bien-être collectif, au profit du privé. Nous demandons à ce que l'obligation d'Hydro-Québec de distribuer l'électricité à toute personne qui le demande soit maintenue pour le secteur résidentiel. Nous demandons que la production serve en priorité à l'électrification des transports ainsi que des industries et des bâtiments existants. Nous demandons également des modifications réglementaires pour permettre à Hydro-Québec d'acheter les surplus d'électricité des autoproducteurs et le maintien des règles qui empêchent les grands consommateurs d'acheter leur électricité directement d'un producteur d'électricité renouvelable sans transport ou avec transport privé.

Favoriser la démocratie dans la gestion de l'énergie : la Régie de l'énergie, un outil indispensable

L'une des principales préoccupations dans la préservation de l'énergie publique au Québec est d'assurer une imputabilité des décisions. La Régie de l'énergie du Québec joue un rôle central dans les processus démocratiques de gestion de l'énergie. En tant qu'organisme gouvernemental indépendant, elle régule les secteurs de l'électricité, du gaz naturel et du pétrole, approuvant les plans d'approvisionnement et établissant des tarifs et des normes, tout en favorisant la transparence et la participation publique. Selon la loi, elle a pour mandat d'assurer « la conciliation entre l'intérêt public, la protection des consommateurs et un traitement équitable du transporteur d'électricité et des distributeurs ». Elle favorise également « la satisfaction des besoins énergétiques dans le respect des objectifs des politiques énergétiques du gouvernement et dans une perspective de développement durable et d'équité au plan individuel comme au plan collectif 52 ». Elle prend des décisions basées sur des données factuelles, contribuant ainsi à éviter les décisions politiques arbitraires.

Le rôle de la Régie de l'énergie est donc essentiel pour équilibrer les intérêts des citoyen·nes, des entreprises et la protection de l'environnement et ainsi renforcer la démocratie dans ce domaine vital pour la société québécoise. C'est un rempart contre les abus et une contre-expertise au gouvernement et à Hydro-Québec.

Il est essentiel de sauvegarder et de renforcer le rôle de la Régie de l'énergie, garantissant ainsi un échange public entre experts et permettant l'intervention du public. La Régie doit avoir les ressources et l'autorité nécessaires pour protéger les intérêts des citoyen·nes et veiller à ce que les décisions en matière d'énergie soient prises de manière équitable et transparente. Le processus de sélection des régisseurs et administrateurs devrait être transparent et relever d'instances démocratiques.

Une volonté d'affaiblir la Régie de l'énergie ?

Déjà, des dispositions ont affaibli la Régie dans les dernières années. En 2000, le projet de loi 116 retirait à la Régie son droit de regard sur la production énergétique, soustrayant du même coup la production, dont la construction de nouveaux barrages, de tout examen public 53. En 2019, le projet de loi 34 était adopté sous bâillon, au mépris de la forte opposition. Il affranchissait Hydro-Québec de plusieurs contrôles de la Régie de l'énergie sur sa tarification, levant notamment l'obligation de se soumettre à un exercice d'examen chaque année au profit d'un examen aux cinq ans et arrimant les augmentations des tarifs à l'inflation plutôt qu'aux taux les plus bas compatibles avec une saine administration financière, comme c'était le cas lors de la création d'Hydro-Québec. En février 2023, depuis l'adoption du projet de loi 2, c'est le gouvernement du Québec, avec Hydro-Québec, plutôt que la Régie, qui autorisent les projets industriels qui demandent plus de 5 MW de puissance 54. Notons également qu'à ce jour, bien que la Régie soit tenue au « respect des objectifs des politiques énergétiques du gouvernement et dans une perspective de développement durable et d'équité », elle ne dispose pas des pouvoirs pour assurer l'atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) lors de ces arbitrages.

Plusieurs intervenants du milieu des affaires réclament d'affaiblir davantage la Régie de l'énergie. La Fédération des Chambres de commerce s'attend par exemple « à ce que l'allègement du fardeau réglementaire et administratif soit au cœur de la nouvelle approche en matière énergétique et ce, autant pour les autorisations de projets d'envergure que pour le fonctionnement de la Régie 55 ».

Ouvrir une nouvelle brèche dans les compétences de la Régie équivaudrait à renoncer à notre capacité à exercer nos droits de représentation, de contestation et de révision des décisions politiques qui, autrement, resteraient inaccessibles à tout recours. Nous ne devrions pas permettre un glissement vers des choix énergétiques faits par un nombre restreint d'individus, ce qui compromettrait la prise de décisions éclairées basées sur des données scientifiques et techniques ainsi que la possibilité d'une participation publique au débat.

Pour la sauvegarde et le renforcement des pouvoirs de la Régie de l'énergie

Nous demandons que tous les moyens et les structures nécessaires soient mis en place pour garantir et protéger le rôle la Régie de l'énergie du Québec en tant que tribunal administratif indépendant et impartial en matière énergétique. Nous demandons d'étendre ses pouvoirs à l'évaluation des activités de production énergétique en toute transparence.

En plus de ses rôles actuels de réglementation et d'approbation des projets d'approvisionnement énergétique, nous demandons que la Régie de l'énergie, conformément à une politique énergétique basée sur une planification intégrée des ressources, soit tenue d'intégrer les objectifs de lutte au réchauffement climatique et de protection de l'environnement à ses critères prioritaires de décision et approuve les projets de production d'énergie pour qu'ils soient alignés sur la transition vers un système énergétique juste, décarboné et respectueux des écosystèmes. Cette obligation ne doit d'aucune manière exempter les projets des évaluations environnementales stratégiques et des procédures d'enquête et d'audiences publiques auxquelles ils sont soumis en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Les processus de la Régie doivent être plus inclusifs, indépendants et transparents.

L'importance d'une transition juste et inclusive

Les impacts de la crise climatique et de la transition énergétique ne sont pas distribués également. La notion de transition énergétique et écologique juste — ou transition juste — a été développée par le mouvement syndical mondial pour protéger les travailleuses et les travailleurs touché·es par la transition vers une économie sobre en carbone. Elle est née de la nécessité de protéger les moyens de subsistance de ces personnes et de s'assurer que les gouvernements accordent une attention aux conséquences des transformations profondes liées à la transition. Elle a permis de renforcer les capacités d'agir ainsi que le partage d'expériences et de compétences tout en établissant les bases d'un dialogue social inclusif.

La transition énergétique provoque des changements majeurs et constitue une occasion de transformations importantes dans le monde du travail. Ce phénomène concerne les travailleuses et les travailleurs dont les emplois dépendent d'industries à hautes émissions de GES, qui pourraient se retrouver en situation de précarité et devoir réorienter leur carrière.

En 2015, l'Organisation internationale du Travail (OIT) a adopté les Principes directeurs de la transition juste, qui soulignent que cette transition repose sur le dialogue social, la protection sociale, le droit au travail décent et le droit à l'emploi. Il est maintenant nécessaire d'adapter ce concept à la situation actuelle du Québec, que ce soit dans ses différentes régions ou secteurs d'activité.

Pour les travailleuses et travailleurs ainsi que les communautés qui dépendent des énergies fossiles, une transition juste signifie leur donner accès à de bons emplois de remplacement avec toute la formation nécessaire. Cela signifie également une pleine participation démocratique des personnes concernées à la planification de la transition. Les travailleurs et travailleuses touché·es par la transition font un travail crucial en plus de posséder une expertise essentielle dans un contexte de transformation du système énergétique et de sortie graduelle des énergies fossiles.

La crise climatique et la transition auront des répercussions sur l'ensemble de l'économie et pas seulement sur le secteur de l'énergie 64. Les travailleurs et travailleuses des services publics, des secteurs agricole, forestier et de la construction, les femmes, les populations à faible revenu, les jeunes, les personnes âgées et les peuples autochtones sont également parmi les plus affectés par la transition.

Les mesures visant à juguler la crise climatique pourraient elles aussi pénaliser injustement certaines personnes et accroître les inégalités. À moins de prévoir des mécanismes de compensation, certaines mesures fiscales, réglementaires ou tarifaires, entre autres, pourraient avoir un impact démesuré sur les groupes les moins nantis. Pourtant, ils contribuent généralement le moins au réchauffement climatique. Il importe donc que chaque mesure de transition écologique soit assortie d'une analyser d'impact social, par exemple l'analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) ou l'analyse différenciée selon les sexes plus (ADS+), afin d'évaluer ses effets sur les populations les plus vulnérables et d'adopter des politiques publiques plus inclusives. Des mesures visant à contrer les impacts négatifs sur ces populations devraient également être mises en place. La progressivité des mesures est donc un élément essentiel d'une transition porteuse de justice sociale. La transition peut être l'occasion de construire une société plus résiliente dans laquelle la richesse sera mieux distribuée.

En intégrant ces aspects sociaux et économiques dans la planification de la transition énergétique, nous pouvons non seulement faciliter l'acceptabilité de la lutte contre la crise climatique, mais également promouvoir une société plus équitable et viable.

Pour une transition juste pour les travailleurs et travailleuses

Nous exigeons une transition juste vers une économie décarbonée respectant les limites planétaires qui garantit le dialogue social, des emplois décents pour tous et toutes, qui protège les droits des travailleurs et travailleurs, qui favorise l'inclusivité, qui soutient la formation et la reconversion professionnelles et qui adopte des politiques industrielles et publiques pour une véritable protection sociale permettant de faire face aux défis environnementaux. La transition juste est essentielle pour créer un avenir où le travail décent, la justice sociale et l'éradication de la pauvreté vont de pair.

Pacte social, bloc patrimonial et interfinancement : notre héritage énergétique

En 1962, un « pacte social » entre l'État québécois, Hydro-Québec et la population a été établi. La population assumait collectivement le risque financier de la nationalisation d'Hydro-Québec en garantissant les emprunts et en les payant avec ses impôts. En retour, l'accès à l'électricité lui était facilité par une tarification relativement basse et uniforme sur l'ensemble du territoire 57, notamment grâce à l'uniformisation régionale et à une mesure appelée l'interfinancement 58. L'interfinancement consiste à faire payer une catégorie de clients (les clients des secteurs commercial, institutionnel et industriel) des tarifs plus élevés que les coûts afin de financer des tarifs plus bas que les coûts pour une autre classe de consommateur (les clients résidentiels).Grâce à l'interfinancement, la population québécoise paie 86 % des coûts de service des coûts de l'hydroélecetricité. 61.

Malgré l'interfinancement, les entreprises et les industries paient l'électricité à des tarifs extrêmement compétitifs comparativement à d'autres villes nord-américaines 60. De plus, les entreprises et les industries, qui financent cette réduction, ont accès à des avantages fiscaux tels que le remboursement des taxes et la déduction de leur compte d'électricité de leurs impôts, ce que la clientèle résidentielle ne peut obtenir.

En 1981, le concept du versement d'un dividende d'Hydro-Québec à son actionnaire unique a été mis en place. En 2022, Hydro-Québec remettait ainsi près du trois quarts de ses bénéfices au Gouvernement du Québec, soit un dividende de 3,4 milliards de dollars. Avec les taxes, frais et redevances, la contribution de la société d'État aux coffres publics était portée à 6 milliards de dollars 61. Ces ponctions compromettent cependant la mission initiale d'Hydro-Québec de fournir une énergie à faible coût à la population québécoise.

En 2000, un changement législatif, qui dérèglementait la production de l'électricité et introduisait des mécanismes de concurrence, a mené en contrepartie à la création du « bloc patrimonial ». Le bloc patrimonial désigne une quantité d'électricité destinée prioritairement à la desserte des besoins québécois et dont le prix, fixé dans la Loi, devait préserver l'esprit du pacte social de 1962 62. « Il s'agit en quelque sorte d'un dividende consenti à la population québécoise pour refléter l'investissement collectif dans le développement du potentiel hydroélectrique par le passé. Ce bloc d'énergie protégé de la fluctuation des prix du marché se chiffre à 165 TWh, ce qui représentait en 2018 environ 90 % de l'énergie électrique consommée annuellement au Québec 63 ». Au-delà de ce bloc, l'énergie supplémentaire est fournie au prix du marché.

Nos investissements gigantesques dans Hydro-Québec nous valent ainsi, encore aujourd'hui, un accès universel relativement abordable en électricité.

Précarité énergétique : un problème affectant déjà les ménages québécois

La précarité énergétique désigne la situation où un ménage a de la diculté à se procurer l'énergie nécessaire pour la satisfaction de ses besoins de base dans son logement ou y arrive au détriment d'autres besoins essentiels 64, ce qui peut compromettre leur qualité de vie, leur santé et leur bien-être. Malgré les tarifs d'énergie relativement bas, selon la mesure retenue, entre 9 et 16 % des ménages sont en précarité énergétique au Québec.

En 2018, Hydro-Québec a procédé à près de 50 000 interruptions de service chez ses clients en recouvrement, et dans 11 % des cas pendant plus d'une semaine 65. Une coupure de service de plusieurs jours, lorsqu'il fait froid, met en danger ces personnes. À Montréal, où il fait plus chaud que dans bien des régions du Québec, la température est inférieure à 0 °C, en moyenne 19 jours en novembre et 13 jours en avril 66. Cette réalité prive de nombreux ménages à faible revenu au Québec de leur droit fondamental à des services énergétiques nécessaires à leur bien-être et à leur participation à la société. La prise en compte de la précarité énergétique dans la planification énergétique est essentielle pour assurer une transition énergétique véritablement équitable et inclusive.

Dans un contexte où le prix de l'énergie augmente plus rapidement que la capacité de payer des ménages, la planification énergétique devrait intégrer cette dimension et cibler des solutions spécifiques pour aider les ménages vulnérabilisés à accéder à une énergie abordable, à améliorer l'ecacité énergétique de leurs logements et à réduire leur dépendance aux énergies polluantes. Cela contribue non seulement à réduire les inégalités énergétiques, mais également à créer une société plus résiliente et socialement équitable, où chacun peut bénéficier des avantages de la transition énergétique.

Un manque de vision qui pourrait causer une hausse douloureuse des tarifs

Plusieurs menaces planent et pourraient engendrer une pression à la hausse sur les tarifs :

La révision de la tarification : Au début mai, lors de l'étude de crédits, le ministre Pierre Fitzgibbon ramenait son concept de sobriété énergétique en l'associant à une révision possible de la tarification résidentielle Hydro-Québec afin « d'ajuster les comportements » des Québécois 67. Pour certains des experts consultés par le gouvernement, le processus actuel d'établissement des tarifs ne donne pas un signal de prix incitatif, ce qui est considéré comme problématique dans un contexte où l'ecacité énergétique doit être mise au premier plan 68. Le projet de loi risque de remettre en question la tarification qui procure actuellement une énergie relativement abordable, d'autant plus que le PDG 12 d'Hydro-Québec arme que l'électricité est devenue un « actif précieux », ce qui justifierait des augmentations de tarifs 69 ;
L'attribution abusive de blocs d'énergie à des projets énergivores : Il est inacceptable de dilapider des TWh imaginaires en les octroyant à des industries énergivores pour qui l'utilisation d'hydroélectricité considérée comme « verte » est une plus-value, de créer ainsi en toute connaissance
de cause une rareté énergétique et d'utiliser le spectre de la hausse de tarifs pour « ajuster les comportements des Québécois·es » et forcer la sobriété. De même, la vente d'électricité à nos voisins du Sud précarise la position d'Hydro-Québec dans son devoir de distribuer cette énergie aux citoyens qui ont payé pour la produire. C'est le symbole flagrant du manque de capacité de voir loin du gouvernement de la CAQ ;
L'interfinancement remis en question : La fin de l'interfinancement a été réclamée par plusieurs intervenants proches du monde des affaires 70,71,72,73. Au Québec, les entreprises se plaignent, mais oublient qu'elles bénéficient de tarifs très avantageux, si on les compare à ce qui leur en coûterait ailleurs en Amérique du Nord ;
L'abolition du bloc patrimonial : Le bloc patrimonial est régulièrement remis en question par divers protagonistes 74,75 et l'Institut économique de Montréal revenait à la charge avec cette proposition lors des consultations 76 ;
• L'entente Énergir-Hydro : Cette entente prévoit des compensations à Énergir, un distributeur de gaz naturel, par Hydro-Québec, un fournisseur d'hydroélectricité. C'est grâce au processus de la Régie de l'énergie que des organismes ont pu demander à ce que les coûts de l'entente ne soient pas refilés aux client·es d'Hydro-Québec et ont eu gain de cause 77 ;
La marge de profit et les garanties exigées par le privé : Afin de satisfaire la demande énergétique du Québec qui va au-delà de la production d'électricité historique (le bloc patrimonial), Hydro-Québec doit conclure des accords d'approvisionnement avec des fournisseurs d'électricité à la suite d'appels d'offres. Tous les producteurs peuvent soumissionner, y compris Hydro-Québec et les producteurs privés. Bien que Fitzgibbon arme que le privé soit plus ecient, l'effet de la privatisation sur les tarifs d'électricité peut être significatif. Les bénéfices de la vente d'énergie d'un distributeur public reviennent à la communauté, tandis que l'entreprise privée a un impératif de rentabilité et que les dividendes sont distribués aux propriétaires ou aux actionnaires. Ces actionnaires peuvent délocaliser leurs revenus et ainsi appauvrir le Québec ;
Une transformation du système énergétique chaotique et mal planifiée : Le manque de vision et de planification adéquate pour l'avenir énergétique peut engendrer des coûts et une pression à la hausse sur les tarifs, notamment en s'engageant sur des pistes qui seront éventuellement abandonnées. Les projets énergétiques provoquant de l'opposition forte, des retards et même leur annulation ne sont pas sans conséquences financières, sans compter qu'ils nous font perdre un temps précieux.

Une hausse des tarifs pourrait donc être imposée à cause de choix discutables de la part de notre gouvernement. Elle affecterait de façon disproportionnée les ménages à faible revenu et augmenterait la précarité énergétique. Nous devons nous assurer que les tarifs restent équitables et stables, évitant ainsi les disparités régionales, notamment en assurant une planification adéquate. Il faut aussi confier la discussion sur la fixation des tarifs à la Régie de l'énergie, en considérant la nécessité de restaurer son rôle initial. Elle pourra ainsi déterminer chaque année si les hausses demandées par les distributeurs d'énergie sont justifiées.

Contre une augmentation des tarifs d'électricité qui accentue la précarité et risque de ralentir la transition énergétique

Dans un contexte de bouleversements climatiques, une transition énergétique porteuse de justice sociale implique de garantir la sécurité et l'équité en matière d'accès à l'énergie propre et abordable pour toutes et tous, en particulier pour les populations vulnérabilisées. Nous demandons que le gouvernement rejette tout plan de transition énergétique qui pénaliserait les ménages à revenus faibles ou modestes. À cet effet, la préservation du bloc patrimonial et de l'interfinancement est cruciale.

Nous demandons à ce que les énergies renouvelables et à faible impact environnemental soient encouragées par des tarifs compétitifs, tandis que les sources d'énergies polluantes ou non durables devraient supporter des coûts plus élevés pour refléter leurs externalités négatives.

Des impacts démesurés sur le territoire

La transition énergétique, si elle n'est pas adéquatement planifiée, pose un risque important pour le territoire. Le développement de la production de 200 TWh supplémentaires d'ici 2050, comme le suggère le gouvernement Legault, pose de nombreux défis environnementaux et sociaux d'une telle ampleur qu'ils seront parfois fort diciles, voire impossibles à surmonter.

Pour générer 200 TWh supplémentaires d'électricité au moyen d'installations hydroélectriques seulement, il faudrait plus que doubler notre production actuelle d'hydroélectricité (182 TWh), ce qui causerait de nombreux problèmes. En termes de superficie, selon le ratio actuel, il faudrait des réservoirs qui couvriraient près de 24 000 km2, souvent en territoires autochtones, soit cinquante fois la superficie de l'île de Montréal. Le potentiel réel pour harnacher des rivières est aujourd'hui limité et les cours d'eau sur lesquels il serait possible de bâtir de nouveaux barrages sont de plus en plus éloignés. Les coûts de production augmenteraient alors substantiellement. Il faudrait aménager plusieurs milliers de kilomètres de lignes à haute tension et de voies terrestres dans le pergélisol de plus en plus instable et dans des milieux naturels fragiles. Les futurs développements toucheraient le territoire du caribou dont les populations sont actuellement en déclin marqué 88.

Si cette quantité d'énergie (200 TWh) était produite à partir d'éoliennes seulement, il faudrait dix-neuf fois la capacité éolienne actuelle (10,4 TWh). Produire cette énergie (ou 80 000 MW) exigerait de déployer les fermes de vent sur environ 30 000 km2 : l'équivalent de soixante fois la superficie de l'île de Montréal 89.

On compte présentement quarante parcs éoliens au Québec 90 et de nombreux appels d'offres sont à prévoir. Or, l'installation d'éoliennes provoque déjà une résistance dans certaines communautés locales. Avec une multiplication des projets, celle-ci pourrait augmenter. Les impacts de la présence d'éoliennes sur le territoire sont assurément moindres que ceux associés à des énergies fossiles, comme les sables bitumineux de l'Ouest canadien. Cependant, bien que l'énergie éolienne soit une source renouvelable, les parcs d'éoliennes sont des infrastructures qui nécessitent l'utilisation de matériaux non renouvelables (acier, béton, etc.). Les pales ont également une durée de vie limitée, en moyenne de vingt ans, et sont pour le moment difficiles à recycler 91. La construction et l'entretien des parcs éoliens crée une pression à la hausse pour lancer de nouveaux projets extractifs. De plus, il est à noter qu'en 2017, plus de la moitié des parcs éoliens étaient de propriété non québécoise 92.

Le développement prévu par le Plan pour une économie verte, axé sur l'électrification des voitures individuelles, exigera d'importantes quantités de matière et d'énergie. Il est responsable d'une bonne partie de l'augmentation de la consommation d'énergie prévue dans les prochaines années et d'une pression accrue pour l'exploitation de mines de lithium et de graphite nécessaires à la fabrication de batteries. Le nombre de claims miniers est en hausse importante 93. Ces droits exclusifs d'exploration du sous-sol québécois ont préséance sur tout autre usage du territoire et engendrent actuellement des problèmes importants de non acceptabilité sociale concernant l'accès et l'administration du territoire94,95.

Il ne s'agit ici de discréditer les énergies renouvelables, mais bien de reconnaî

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