Presse-toi à gauche !
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L’UMQ doit abandonner ses partenariats avec Énergir et défendre l’autonomie des villes en matière de décarbonation

Greenpeace, le Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEÉ), Regroupement vigilance hydrocarbures Québec (RVHQ) et Travailleuses et travailleurs pour la justice climatique (TJC) sont fortement préoccupés par les récentes révélations de liens de proximité entre l'Union des municipalités du Québec (UMQ) et Énergir, le principal lobby gazier du Québec, qui nuisent aux efforts de décarbonation entrepris par les municipalités. Les groupes estiment que l'UMQ devrait mettre fin à ses partenariats avec Énergir et soutenir activement ses membres qui souhaitent une sortie du gaz naturel des bâtiments.
Cette demande des groupes survient après que le président de l'UMQ ait récemment déclaré que l'UMQ prépare un règlement-type que devraient suivre ses membres afin de respecter les orientations du gouvernement du Québec en matière d'utilisation du gaz naturel dans les bâtiments. Cette façon d'obtempérer aux orientations du gouvernement Legault plutôt que de représenter les intérêts des villes, lesquelles agissent au Québec en tant que réels gouvernements de proximité, est inquiétante et inacceptable, d'autant que plusieurs de ses membres prônent des solutions climatiques plus ambitieuses.
Apparence de conflit d'intérêt
La déclaration du président de l'UMQ a été faite dans la foulée des allégations d'apparence de conflit d'intérêt entre l'UMQ et son partenaire Énergir. Celui-ci a récemment engagé une poursuite contre la ville de Prévost, laquelle a décidé cet automne d'adopter un règlement novateur pour décarboner les bâtiments sur son territoire.
Au micro de Radio-Canada, Rémy Trudel, ancien ministre des Affaires municipales et professeur associé à l'École nationale d'administration publique (ÉNAP) en gouvernance des organisations, s'inquiétait grandement de ce règlement-type de l'UMQ présentement en préparation parce qu'il pourrait mettre en cause l'autonomie des municipalités : « Le doute qui se soulève, c'est [sur] quel type de relation entretient-on corporativement avec l'État, avec le gouvernement, pour voir se profiler de telles clauses dans le règlement qui seraient conseillées aux municipalités. Il y a une ligne là, une ligne très dangereuse qui est franchie. »
Selon Jean-Pierre Finet du ROEÉ, « il doit être jugé inacceptable que le président de l'UMQ suive les orientations de Québec sans les remettre en question. Son rôle est de représenter l'intérêt de ses membres auprès du gouvernement. Pas l'inverse. »
« Il y a moins de 2% de gaz naturel renouvelable dans le réseau d'Énergir. Les maires de Prévost, Montréal, Candiac, Mont Saint-Hilaire et plusieurs autres qui désirent aussi bannir le gaz des nouveaux bâtiments ne sont pas dupes. Ils ne veulent pas faire semblant que leurs nouveaux bâtiments consomment du gaz naturel renouvelable, sachant très bien qu'en réalité, ils consommeront du gaz presqu'entièrement fossile, comme tous les clients d'Énergir d'ailleurs » de souligner Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie à Greenpeace Canada.
Les groupes demandent donc que l'UMQ agissent avec fermeté et retrouvent son indépendance par rapport à la gazière alors que, selon les dires du président, les membres du conseil d'administration doivent se rencontrer sous peu pour discuter des liens entre l'UMQ et Énergir.
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Hommage national pour Karl Tremblay

Le groupe Les Cowboys fringants touche le cœur des gens dans toute la francophonie. Ses chansons dénoncent notamment la cupidité des politiciens-hommes d'affaires indifférents au monde vivant qui les entoure, indifférents au bien commun et aux destructions qu'ils créent et dont nous voyons les conséquences désastreuses croître à chaque saison : dérèglement climatique, perte de biodiversité, perte de démocratie, accroissement des inégalités sociales (Plus rien, La cave, 8 secondes, L'Amérique pleure, En berne).
Le gouvernement de François Legault, avec ses barons techno-financiers, incarne parfaitement au Québec ce système politico-économique qui conduit directement, dans l'aveuglement volontaire, au délabrement social et à la destruction du vivant.
Cet été, selon les sources officielles, plus de 18 millions d'hectaresde forêt ont été incendiés au Canada, dont plus de 4 millions au Québec. Selon la biologiste experte des forêts Catherine Potvin, ces incendies sont une conséquence du réchauffement climatique. Comme plusieurs scientifiques, elle est d'avis que la forêt boréale a peut-être atteint un point de bascule. Dorénavant, les forêts affaiblies émettent davantage de CO₂ qu'elles n'en captent, ce qui accélère le réchauffement et laisse présager encore plus de catastrophes à venir. Depuis longtemps, les scientifiques sonnent l'alarme et exhortent les gouvernements et les populations à transformer l'économie et notre mode de vie pour freiner la crise climatique. Les solutions sont connues. Les plus urgentes sont l'élimination de notre dépendance aux énergies fossiles, la diminution de notre consommation d'énergie (ce qui implique, entre autres, de mettre fin au commerce mondialisé), et la protection et la restauration de 30% des milieux naturels terrestres et marins d'ici à 2030 et de 50% d'ici à 2050.
Les politiques du gouvernement Legault sont à l'opposé de ces priorités. En effet, ce gouvernement favorise la dépendance au gaz (politique de biénergie entre Énergir et Hydro-Québec) et soutient les projets autoroutiers et le transport individuel aux dépens du développement dutransport en commun. Sous prétexte de répondre aux besoins de la transition, il autorise la destructiondes milieux humides et de l'habitat d'espèces menacées et octroie des droits miniers partout au Québec (jusqu'à 408% d'augmentation dans Lanaudière), en plus d'accorder des droits de coupes forestières dans des aires protégées et jusque dans l'habitat du caribou. Il ignore les demandes des citoyens et des experts qui réclament une évaluation environnementale (BAPE) du projet d'usine de batteries de Northvolt et une réflexion sur la filière éolienne et sur l'avenir énergétique du Québec. Il continue enfin à accorder des passe-droits aux promoteurs d'un développement énergétique illimité et semble vouloir ouvrir la porte au démantèlement du monopole d'Hydro Québec et à un retour à la privatisation de la production d'électricité. Ces orientations, comme bien d'autres, sont contraires à la volonté des Québécois et des Québécoises, qui veulent assurer un avenir viable à leurs enfants et bénéficier d'un environnement sain.
François Legault a offert de rendre un hommage national à Karl Tremblay, le chanteur des Cowboys fringants, décédé récemment. Souhaitons que cet hommage marque pour lui et pour son gouvernement le début d'une prise de conscience du sens et de la valeur du message social, politique et environnemental véhiculé par les chansons des Cowboys fringants.
Merci Karl Tremblay, merci Cowboys fringants.
Louise Morand
L'Assomption
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Coupe en altitude dans les Chic-Chocs : Une coalition en demande l’arrêt

Nouvelle, Matane, Gaspé, Val-d'Or et Québec, 18 décembre 2023 - Une coalition de groupes environnementaux composée de Environnement Vert Plus, du Comité de protection des monts Chic-Chocs, de la Société de Conservation ZICO de la Baie de Gaspé, de l'Action Boréale et de Nature Québec demande la fin des coupes dans les zones situées à plus de 600 mètres d'altitude.
Selon nos informations, le ministère des forêts a permis au Groupe Lebel l'abattage de sapinières centenaires à l'été 2023. Ces sapinières faisaient l'objet d'un plan de récupération de bois affecté par la tordeuse des bourgeons de l'épinette, ou Plan d'Aménagement Spécial 2022-2033 (PAS 22-23).
L'image satellitaire ci-bas montre, en rouge, les zones où Groupe Lebel a eu des autorisations de coupes totales dans la réserve faunique de Matane. Les zones en noir ont été retirées du PAS 22-23 suite à des pressions du Comité de protection des monts Chic-Chocs et à des négociations au sein de la table GIRT. Les zones encerclées en jaune sont des zones du PAS où l'on voit que Groupe Lebel a effectué ces coupes. Ces coupes ont eu lieu entre 720 m et 850 m d'altitude. Elles surviennent après d'autres coupes totales déjà fortement critiquées sur les flancs du mont Hélène et du mont Jimmy Russell à l'été 2022, ces dernières situées dans la zone d'habitat en restauration (ZHR) du caribou.
« Les sapinières centenaires en altitude dans les Chic-Chocs sont des écosystèmes très résilients qui ont subi plusieurs épisodes de tordeuse de bourgeon de l'épinette. Elles y ont résisté et survécu. La diversité d'âge de ces populations est une clef dans leur résistance aux aléas environnementaux - et maintenant on a remis le compteur à zéro » se désole Judes Côté du Comité de Protection des Monts Chic-Chocs.
« Ces vieilles sapinières sont des forêts inéquiennes, i.e. des forêts dont l'âge des arbres varie beaucoup. Les forêts comme celle-là ne retournent pas à leur état initial après une coupe totale, à cette altitude. Mais laissée à elle-même, les vieux arbres morts apportent une protection aux arbres plus jeunes contre les intempéries hivernales particulièrement rigoureuses. Les coupes totales en altitude empêchent le renouvellement de la forêt, ce qui fait de ces parcelles des émettrices de carbone. » explique Pascal Bergeron d'Environnement Vert Plus.
« La grive de Bicknell niche dans ces vieilles sapinières inéquiennes en altitude. Elle est menacée en raison de la disparition de cet habitat. La situation est d'autant plus fâcheuse que le ministère des Forêts ne replantera pas ces parcelles en sapin : il ne fera planter que de l'épinette. Donc on aura remplacé un habitat propice à une espèce menacée par un habitat qui ne sera plus celui de prédilection qu'elle recherche. » explique Margret Grenier de la Société de conservation ZICO de la Baie-de-Gaspé.
Les groupes signataires condamnent ces coupes et demandent à Groupe Lebel et au ministère qui les a permises de cesser toutes les coupes dans la réserve faunique de Matane, peu importe le motif, lorsqu'elles se situent :
- en altitude, au-delà de 600 mètres ;
- dans la zone d'habitat en restauration identifiée dans le scénario pour la Stratégie caribou
<https://mffp.gouv.qc.ca/la-faune/es...>
;
- dans l'habitat de la grive de Bicknell.
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Gros CAQa

Gros CAQa
Pas envie d'écrire avec des mots bien lichés.
Jos est tombé dans une CrAQ de ton système de CAQa
Depuis il tente de tuer les CAQuerelles
Qui envahissent le lit de sa fille la nuit.
Mais ça, c'est pas mauvais pour les petits enfants ?
Mononc Lego ?
Lili CAsQue encore pour la facture
D'effets scolaires pour sa classe
Les petits auront des collations, des crayons, des cahiers,
Même si sa petite paie en prend une ClAQue.
Tout le monde en a marre de ce gouvernement
AntidémoCrAQtique,
AutoCrAQtique.
Dans la CAQcophonie de tes sorties médiatiques
Quand tu parles pour rien dire,
Les yeux en signes de piastres,
Tu nies la déCAQlade,
De tout ce qui faisait
Du Québec, le Québec.
T'en as rien à foutre en vrai.
Tu fais des CAQous aux pleins
Dans l'espoir que tu en seras
Minable minus.
T'as de vision que pour tes poches proches.
Mais nous, tu sais nous ?
Nous qui subissions tes exCAQtions ?
Jos, Lili et Maude la PAB,
Qui rêve du jour où tu te retrouveras à dépendre d'elle
Pour t'enfoncer ta misogynie là où elle pense,
Nous en en a plein notre frCAQ.
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Notre Royaume n’est pas de ce monde

L'écrivaine, franco-américaine, Jennifer Richard , Prix Ivoire 2023 pour son roman" Notre Royaume n'est pas de ce monde" répond aux questions de Feguerson Thermidor, directeur harique littéraire.
Feguerson THERMIDOR : Vous avez remporté le prix Ivoire cette année pour votre roman : "Notre Royaume n'est pas de ce monde", quel sentiment ressentez-vous ? Et parlez-nous de ce roman ?
Jennifer RICHARD : Ce fut une grande surprise pour moi de voir mon livre récompensé par un prix en Côte d'Ivoire. Savoir que ce livre est lu loin de chez moi m'honore grandement. Et il me semble que cela fait sens, dans la mesure où je m'efforce, par mon travail, de participer à la décentralisation culturelle.
F.T : Vous êtes franco-américaine, d'origine guadeloupéenne par votre mère et normande par votre père, comment toutes ces origines ont-elles contribué à votre carrière d'écrivaine ?
J.R : Mes origines, ainsi que mes liens avec les territoires français d'outre-mer, ont contribué avant tout à faire de moi une citoyenne critique. Découvrir mon propre pays par les extrémités plutôt que par son centre politique m'a influencée sans que je m'en rende compte, pendant longtemps. Aujourd'hui, si je suis si attentive à la façon dont se déploie la démocratie à la française, je sais que c'est grâce à ces liens. Le regard que je porte sur l'histoire, et que je transcris dans mes livres, est la continuité de mon regard de citoyenne.
F.T : Votre roman se déroule sur plusieurs continents, Amérique, l'Afrique, l'Europe, etc., comment êtes-vous parvenue à camper ces personnages ayant des traits culturels différents pour enfin donner ce bel ouvrage littéraire ? Était-ce un travail aisé pour vous ? Peut- on parler d'un roman complexe ?
J.R : Le travail aurait été colossal si je ne l'avais pas dompté dès l'abord. Je travaille avec méthode, depuis toujours, quoi que je fasse. Mes études de droit ont sans doute figé la rigidité de ma discipline. Je rassemble les sources, lis les documents glanés, parcours livres, articles et photos, dresse un plan détaillé, chapitre par chapitre, élabore un arc de dramaturgie. Quand tout cela est effectué, je commence à rédiger. Il m'a fallu cinq ans pour les recherches et la rédaction de mes trois livres sur l'impérialisme (Il est à toi ce beau pays, Le diable parle toutes les langues, et Notre royaume n'est pas de ce monde).
F.T : Vous avez publié en 2018 aux éditions Albin Michel : "Il est à toi ce beau pays", par rapport à la multiplicité de vos origines, quelle place occupent la langue et la notion d'ethnie dans vos romans ?
J.R : "Il est à toi ce beau pays" est la première partie d'un long récit, qui se termine avec Notre royaume n'est pas de ce monde, bien que les deux parties puissent se lire indépendamment. Cette longue histoire, qui court de 1873 à 1916, est commentée par des chef d'Etat ou des intellectuels qui ont été assassinés pour leurs idées ou leurs actes entre 1830 et 2011. Le récit au premier niveau se déroule sur trois continents, les protagonistes sont originaires de nombreux pays. Sexe, religion, nationalité ne comptent pas. Race et ethnie, encore moins. Ce sont les idées qui sont mises en commun, échangées, discutées, contrées et appuyées par les uns et les autres. La Révolution, oui, mais laquelle ?
F.T : Pourrait-on dire que vous êtes dans un réalisme merveilleux ?
J.R : Je serais ravie qu'un lectorat haïtien décèle un réalisme merveilleux dans certains chapitres du livre. Oui, certains passages "décrochent" de la narration classique et mêlent rêve et réalité, sans que je détermine une frontière précise. J'invite parfois le lecteur à admettre une réalité parallèle, un glissement vers un autre monde, qui influerait sur le nôtre.
F.T : Comment vous voyez la littérature dans la vie des gens ??? Pensez-vous que cela sauve des vies ?
J.R : La littérature n'est pas assez présente. Elle ne l'a jamais été et ne le sera jamais. Mais il faut peut-être accepter qu'elle soit une porte difficile à ouvrir pour beaucoup de personnes, qu'elle soit même invisible. Sauver des vies... qui a ce pouvoir ?
Propos recueillis par Feguerson Thermidor
Écrivain-poète
Directeur Hafrikque littéraire
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Hein ! qu’on est bien à la manif ?

– Tu appelles ça une journée d'action ?
– Attends Lucky ! Ils arrivent. Sois patient !
– Ça fait une heure qu'on poireaute dans le froid.
– Parole engagée de Gilet jaune, vaut toutes les professions de foi.
– Mon œil !
– Regarde là-bas ! Y ‘en a un qui pointe.
– C'est un éboueur. Avec la même chasuble, bébête.
– Tu crois, Lucky ?
– Tes militants sont de la fête avant les fêtes.
– Tu penses ?
– Un clébard n'a pas l'étoffe d'un Froussard ni d'un Politicard !
– C'est-à-dire ?
– Il ne ment pas, ne se ravise pas !
-T'as raison, l'esplanade est vide.
– J'te dis, ce RDV des Gilets jaunes est un bide. Ton sit-in devant le siège du média raciste et bienpensant, fait chou blanc.
– J'étais sûr qu'ils allaient chopiner en cette période récréative, jusqu'à mettre la Sécu à sec, mon Lucky.
– T'as qu'à tendre l'oreille aux sirènes des ambulances.
– Ils sont combien à y croire encore, Lucky ?
– A peine une dizaine, Tambourineur inclus.
–Pas glorieux.
– J'étais bien au chaud à regarder mes copains « Les 101 Dalmatiens », mes croquettes allégées à portée de museau, et finalement…
– Finalement, le Collectif a botté en touche ! Désolé Lucky !
– J'ai la dalle. Et comble du désespoir, pas une poubelle accessible dans ce 15ème cossu.
– J'te promets un gourmet canin royal, Lucky.
–Trop tard !
-Tu me tiens rigueur ?
-Oui ! J'aime pas les batailles qui avancent à reculons. Une banderole qui se déploie qu'à la lumière d'un ciel azur.
– Je vois où tu veux en venir.
–Si t'avais l'intelligence de m'en parler, je t'aurais évité cet affront.
– Ah bon ?
– Oui Monsieur !
– Je t'aurais ameuté, d'un coup d'aboiement, des bataillons de klebs pour éradiquer cette gangrène xénophobe. Il y aura des Pit-bulls, Rottweilers, Bergers allemands, Lycaons d'Afrique, le club des Inuits du Canada, des Sloughis d'Algérie, les Bergers du Caucase et même les Chow Chow chinois.
–Et si le mouvement s'essouffle encore une fois, Lucky ?
- T'inquiète ! Les SPA* arriveront en renfort !
Texte et photo : Omar HADDADOU 2023
* Société Protectrice des Animaux.
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La fabrique des migrations : Une interminable perte de connaissances (3/4)

Qu'est-ce qui pousse des milliers d'Africain·es à s'exiler alors que les dangers de la route sont connus, tout comme les terribles conditions de vie dans certains pays « d'accueil » ? Dans cette série du magazine ZAM déclinée en quatre épisodes, cinq journalistes décryptent les mécanismes de la migration. Ce troisième volet est consacré à la « fuite des cerveaux ».
Tiré d'Afrique XXI.
La circulation extrêmement dense en semaine sur Zakariya Maimalari Street et Muhammadu Buhari Way, dans le quartier central des affaires d'Abuja, au Nigeria, est en grande partie due aux va-et-vient de jeunes hommes et femmes qui garent leurs voitures sur les trottoirs pour s'engouffrer dans les centres de demande de visas. Le parking réservé aux visiteurs de la société VFS Global, qui occupe plusieurs étages de l'immeuble de la Sterling Bank, sur Muhammadu Buhari Way, ne suffit plus depuis longtemps à accueillir le trop-plein de demandeurs. Il en va de même pour le parking du concurrent de VFS, TLS Contact, dont les bureaux sont situés au troisième étage de la gigantesque Mukhtar El-Yakub Plaza, sur Zakariya Maimalari Street.
Les centaines de candidats au départ sont des personnels de santé qualifiés, des experts en informatique ou encore des comptables. Ils veulent faire « japa », un mot yoruba que l'on peut traduire par « s'échapper » ou « s'enfuir ». Les raisons qui poussent à faire « japa », selon les personnes interrogées dans les files d'attente par le journaliste de ZAM Theophilus Abbah, vont du taux de chômage élevé (estimé à environ 41 % de la tranche d'âge active au Nigeria) à l'extrême pauvreté (qui touche 133 millions de personnes sur une population de 200 millions de Nigérians), en passant par la corruption et la mauvaise gouvernance d'une élite richissime. Nombreux sont ceux qui disent ne pas croire au changement – en tout cas pas dans un avenir proche.
En février 2023, des élections contestées ont une fois de plus porté au pouvoir un autocrate âgé et malade : Bola Tinubu, 71 ans, dont le premier acte a été de s'envoler pour la France afin d'y suivre un traitement médical. Ces dernières années, les manifestations en faveur de la justice sociale et des droits de l'homme au Nigeria ont été violemment réprimées.
Pour le docteur Ejike Oji, ancien conseiller du gouvernement, c'est précisément « la frustration de l'excellence » dans un système fondé sur le favoritisme plutôt que sur la compétence qui fait fuir les professionnels de santé. « Les nominations ne sont pas basées sur le mérite. Les personnes qualifiées sont écartées au profit des enfants des riches, des politiciens et de l'élite. Les personnes discriminées doivent donc trouver d'autres moyens de survie, et cela inclut le départ vers l'Europe et l'Amérique du Nord », déplore-t-il.
Au Zimbabwe, voter avec ses pieds
Parmi les milliers de jeunes gens qui font la queue pour obtenir un passeport au Makombe Building, le siège de l'état civil zimbabwéen situé en périphérie de Harare, la capitale, beaucoup s'éloignent dès que nous nous présentons comme journalistes. « Je ne veux pas avoir d'ennuis. Ils me refuseront un passeport si vous prenez une photo de moi ici », explique une femme d'une vingtaine d'années en cachant son visage. D'autres disent au journaliste Brezh Malaba qu'ils craignent d'être arrêtés s'ils parlent. Depuis le 23 décembre 2022, date à laquelle le projet de loi sur la codification et la réforme du droit pénal (Criminal Law Codification and Reform Amendment Bill), communément appelé « projet de loi patriotique » (Patriotic Bill), a été publié dans la gazette du gouvernement, le fait de « porter délibérément atteinte à la souveraineté et à l'intérêt national du Zimbabwe » est considéré comme un crime. Cela inclut le fait de critiquer le gouvernement.
Ceux qui acceptent de s'exprimer sur leur situation personnelle ne le font que sous le couvert de l'anonymat. Leurs histoires se ressemblent toutes : ils veulent obtenir un passeport et quitter le Zimbabwe au plus vite. Ces entretiens ont eu lieu plusieurs mois avant les élections générales du 23 août 2023, ce qui signifie que beaucoup de ceux qui s'expriment dans cet article ont probablement déjà quitté le pays – votant, pour ainsi dire, avec leurs pieds.
Au Zimbabwe, la motivation économique est, plus encore qu'au Nigeria, aggravée par la répression de toute forme d'opposition, de critique ou d'activisme en faveur du changement. Le président de l'Amalgamated Rural Teachers Union of Zimbabwe (Artuz), Obert Masaraure, et ses camarades de lutte affirment qu'ils tentent depuis des années d'améliorer la situation des enseignants : « Nous avons écrit des lettres ouvertes, nous avons manifesté, nous avons essayé d'attirer l'attention des autorités. Mais l'année dernière, le gouvernement a porté contre nous des accusations de meurtre forgées de toutes pièces. »
L'accusation de meurtre, visant notamment Masaraure et un de ses collègues, Robson Chere, secrétaire général de l'Artuz, porte sur la mort d'un homme appelé Roy Issa, décédé en 2016 après avoir chuté du balcon d'un hôtel à Harare. Cette accusation laisse perplexe : aucun des deux n'a jamais été officiellement suspecté par la police, et une enquête a déjà abouti à une mort accidentelle. Amnesty International a publié une déclaration dans laquelle l'ONG affirme que cette affaire est un exemple de persécution politique.
« Nous ne pouvons avoir une vie digne »
L'accusation de meurtre n'est que l'une des nombreuses affaires portées par l'État zimbabwéen contre le président du syndicat. En 2019, il avait été accusé d'« incitation » à « commettre des violences publiques » et de « subversion ». Alors que l'affaire Roy Issa est en cours, Masaraure a dû comparaître à nouveau devant le tribunal le 31 mai 2023, cette fois pour un tweet dans lequel il encourageait le public à soutenir Robson Chere lors de son procès. Masaraure a également été victime d'effractions à son domicile et de passages à tabac par les forces de sécurité. Les deux hommes sont actuellement en liberté sous caution.
Ces dernières années, des dizaines d'avocats des droits de l'homme et de militants de l'opposition au Zimbabwe ont été arrêtés et mis en prison, sur la base d'accusations souvent considérées comme ridicules. Une recherche Google sur les « accusations forgées de toutes pièces » au Zimbabwe renvoie à des centaines d'informations depuis 2017, année où l'actuel président, Emmerson Mnangagwa, est arrivé au pouvoir à la faveur du coup d'État contre Robert Mugabe.
Lors de son entrevue avec Brezh Malaba, Masaraure a évoqué une enquête menée auprès des membres de l'Artuz selon laquelle 95 % d'entre eux déclarent qu'ils cherchent du travail à l'extérieur du Zimbabwe. Le syndicaliste dit comprendre les enseignants qui participent à la fuite des cerveaux. « Ici, on ne peut pas se nourrir, et quand on élève la voix, on est puni. Nous ne pouvons pas avoir une vie digne », déplore-t-il.
En Ouganda, les universitaires bâillonnés...
En Ouganda, le campus de l'université Makerere de Kampala, qui était jadis un lieu de débats animés pour les intellectuels en herbe et qui a produit des auteurs et des chercheurs de renom tels que l'écrivain kényan Ngũgĩ wa Thiong'o, le poète malawite David Rubadiri et le président fondateur de la Tanzanie Julius Nyerere, est bien triste. Au cours de la dernière décennie, la répression du régime dirigé par l'autocrate Yoweri Museveni, âgé de 79 ans, s'est intensifiée. Des universitaires critiques comme Stella Nyanzi ont quitté l'Ouganda après avoir été arrêtés et détenus. D'autres ont été réduits au silence.
Les professeurs qui sont encore là, interrogés sous le couvert de l'anonymat par le journaliste Emmanuel Mutaizibwa, disent qu'ils ont peur d'être harcelés par des personnes nommées à des postes à responsabilité, comme le nouveau vice-chancelier Barnabas Nawangwe, et le nouveau président de la commission des nominations, le gendre du président, Edwin Karugire. « Les universitaires ne peuvent plus s'exprimer librement. Quel que soit le point de vue que l'on adopte, cette situation est dangereuse », déclare l'un d'entre eux.
Yusuf Serunkuma, ancien élève de Makerere, qui enseigne les études africaines à l'université Martin-Luther, en Allemagne, a lui aussi constaté une « peur omniprésente » chez ses anciens collègues de l'université, ajoutant que « la vitesse à laquelle le professeur Nawangwe signe des lettres d'expulsion d'universitaires et d'étudiants dissidents est époustouflante ». Son collègue basé aux États-Unis, Moses Khisa, ancien élève de Makerere lui aussi, aujourd'hui professeur associé à l'université d'État de Caroline du Nord, estime que ces mesures sont prises à dessein : « Une fois que vous avez soumis l'intelligentsia, vous pouvez gouverner à votre guise. »
Au pays, le numéro de téléphone de Danson Kahyana, professeur de littérature à Makerere depuis l'année dernière, ne répond plus. Son dernier article, publié en avril 2022 dans l'hebdomadaire ougandais The Observer, faisait état d'une agression dont il avait été victime après avoir écrit des papiers critiques à l'égard du gouvernement. Il y expliquait qu'il avait été suivi et arrêté par des hommes à moto, qui l'avaient agressé et lui avaient cassé les dents. Dans le même article, il affirmait que sa vie avait changé « à bien des égards » depuis lors. « Vous voyez un agresseur potentiel sur chaque boda boda [moto-taxi, NDLR]) qui passe. Mais pire que le traumatisme, c'est l'autocensure : on meurt intérieurement en tant qu'écrivain et en tant qu'intellectuel. » Divers enseignants de Makerere s'accordent à dire qu'ils partiront dès qu'ils trouveront des opportunités à l'étranger…
... Et les médecins lessivés
Toujours à Kampala, des jeunes médecins qui ont tenté d'améliorer les conditions de travail des agents de la santé ont fini par jeter l'éponge après que la police et l'armée ont réprimé leurs manifestations – des marches pour réclamer de meilleures conditions d'hospitalisation et le paiement des salaires impayés, au moment même où une campagne sur X (ex-Twitter) intitulée « Uganda Health Exhibition » faisait circuler des photos de médecins opérant des patients à même le sol et de cliniques sans toit. Interrogée par Emmanuel Mutaizibwa, l'interne en médecine Judith Nalukwago, qui a participé à ces manifestations, explique qu'elle souhaite rester en Ouganda parce qu'elle rêve d'y créer son propre hôpital et un fonds caritatif pour aider ses concitoyens, mais elle constate que maintenant de nombreux collègues se préparent à partir, « dès qu'ils obtiendront leur licence ».
L'ancien président de l'Association médicale ougandaise, le Dr Ekwaro Obuku, estime que 2 500 médecins sur les quelque 8 000 praticiens agréés, soit près d'un tiers, sont déjà partis travailler à l'étranger au cours des dernières années.
Ce qui irrite peut-être le plus les professionnels ougandais, c'est le fait que le secteur public reste désespérément pauvre alors que, comme dans les quatre autres pays où cette enquête a été menée, l'élite dirigeante, elle, mène la belle vie. Selon plusieurs journaux ougandais, le président Museveni s'est récemment vu allouer l'équivalent de 350 millions de shillings ougandais (84 000 euros) pour sa literie, ses vêtements et ses chaussures, rien que pour cette année.
Larmes de crocodile
Les gouvernements du Nigeria, du Kenya et du Zimbabwe ont officiellement exprimé leur inquiétude face à la « fuite des cerveaux » qui touche leur pays, mais ils n'ont pas encore pris de mesures concrètes pour améliorer les conditions de travail ou les possibilités d'emploi. Début 2023, l'Assemblée nationale du Nigeria a tenté d'adopter une loi permettant d'empêcher un agent de santé de quitter le pays pour travailler à l'étranger tant qu'il n'aura pas servi sur place pendant au moins cinq ans. Le projet de loi a été rejeté au motif qu'il était discriminatoire – une explication qui pourrait être liée au fait que les députés nigérians eux-mêmes sont susceptibles d'avoir des parents et des amis qui pourraient un jour faire « japa ».
Au cours de la même période, les représentants du gouvernement kényan ont annoncé des mesures visant à améliorer les conditions de travail des médecins, mais aucune n'avait été réellement mise en œuvre au moment de la publication de cet article.
Le Zimbabwe a de son côté demandé à l'ONU d'imposer « des dommages et intérêts » aux pays qui « braconnent » le personnel de santé des pays du Sud, comme le Royaume-Uni. Sans répondre directement, le gouvernement britannique a depuis publié un code de recrutement révisé pour le secteur de la santé, qui stipule que « les organisations de santé et de soins sociaux en Angleterre ne recrutent pas activement dans les pays que l'Organisation mondiale de la santé reconnaît comme ayant les défis les plus pressants en matière de personnel de santé et de soins [parmi lesquels figurent la plupart des pays africains, NDLA] à moins qu'il n'y ait un accord de gouvernement à gouvernement ».
Néanmoins, les médecins et les infirmières ont continué à quitter les hôpitaux délabrés du Zimbabwe, ce qui a fait dire à un correspondant d'Al-Jazeera qu'il est « futile de blâmer le Royaume-Uni alors que le Zimbabwe porte la part de responsabilité la plus importante dans la crise qu'il traverse aujourd'hui ». Les larmes versées sur le départ des médecins par un gouvernement qui préside aux destinées d'hôpitaux dépourvus de médicaments ou d'appareils ressemblent à celles d'un crocodile – il s'agit d'ailleurs du surnom du président du Zimbabwe.
Au Cameroun, la militante de l'opposition Kah Walla, qui a été à la pointe de la lutte contre la corruption et l'injustice sociale dans le pays, ne voit pas les gens revenir de l'étranger de sitôt. « Tant que nous serons dans ce régime, les choses continueront à empirer, et de plus en plus de gens partiront », dit-elle. Mais elle garde espoir : « Si nous parvenons à changer le régime et à reconstruire notre pays, même les personnes qui ont émigré reviendront ». Son ONG, Stand Up 4 Cameroon, plaide pour que la communauté internationale aide les forces démocratiques locales et mette un terme à l'aide au développement non contrôlée qui atterrit dans les poches du régime de Paul Biya. Mais ses appels sont tombés dans l'oreille d'un sourd lorsque le FMI a de nouveau accordé une subvention de 300 millions de dollars au gouvernement camerounais. Cette aide est censée aider les pays africains à se développer. « Mais comment allons-nous nous développer alors que tous nos cerveaux s'en vont ? » s'interroge un des Nigérians interviewés pour cette enquête.
Notes : Cet article a été publié en anglais dans le cadre d'une enquête transnationale menée par une équipe de journalistes dans cinq pays africains en partenariat avec le magazine ZAM, et intitulée « Migration is not the West's problem, it is Africa's » (« La migration n'est pas le problème de l'Occident, c'est celui de l'Afrique »).
Cette enquête s'intéresse aux raisons qui poussent de nombreux Africains à prendre la route de l'exil pour l'Europe, le Golfe ou l'Amérique.
L'équipe d'enquêteurs et d'enquêtrices est composée de : Emmanuel Mutaizibwa (Ouganda), Elizabeth BanyiTabi (Cameroun), Ngina Kirori (Kenya), Theophilus Abbah (Nigeria) et Brezh Malaba (Zimbabwe). L'ensemble a été coordonné et édité par Evelyn Groenink, rédactrice en chef des enquêtes de ZAM.
En partenariat avec ZAM Magazine, Afrique XXI publie l'intégralité de cette série. Article traduit de l'anglais par Rémi Carayol.
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Économie politique et société : Mode de production, mode d’existence
Par Ivonaldo Leite
Université Fédérale de Paraíba, Brésil
On entend par rapports de production les relations qui s'établissent entre les membres (groupes ou classes) de la société au cours du processus de production et qui déterminent le rôle de chacun dans ce processus et la modalité de la répartition du produit social entre eux.
On sait que l'être humain ne vit pas sa lutte contre la nature individuellement mais en société où les membres coopèrent et dépendent les uns autres, la division social du travail étant donnée. On sait aussi qu'à partir d'une certaine étape dans son développement l'être humain crée par son travail des instruments qui visent à augmenter sa productivité. Mais quel est le but immédiat de l'activité économique ?
On peut dire que l'objectif général de l'activité économique est de satisfaire les besoins des membres de la société, selon l'approche de l'économie politique mise en avant par Dowidar (L'économie politique : une science sociale). Je le pense aussi et je suivrai ici ses thèses.
L'ensemble des besoins à satisfaire est le produit de l'ensemble des conditions de la vie sociale dans une société déterminé. La détermination de ces besoins détermine en même temps les buts qu'on vise lors de l'activité économique dans cette société, buts stabilisés par les habitudes et les moeurs sociales, reconnus par la religion et protégés par le droit dans certains cas. Si l'objective générale final de l'activité économique, la satisfaction des besoins des membres de la société, est le même pour toutes les sociétés, le but immédiat de l'activité économique, c'est-à-dire le but immédiate au point de vue de ceux qui prennent les décisions de production, se détermine socialement – et donc historiquement – et diffère d'un mode production à l'autre.
De ce point de vue, on peut distinguer trois types de but immédiat d'activité économique. C'est-à-dire : 1) Le but à atteindre par ceux qui effectuent la production peut être la satisfaction des besoins des producteurs directs et des besoins de ceux auxquelles ils sont obligés de céder une partie du produit de leur travail (ou une partie de leur temps de travail) ; 2) Le but immédiat de l'activité économique peut être la réalisation du gain monétaire sous la forme d'un revenu monétaire ; 3) Le but immédiat de l'activité économique peut être finalement la satisfaction des besoins des membres de la société. Ici, la production se fait pour la satisfaction des besoins que l'utilisation des ressources de la société permet de satisfaire pour les producteurs directs, sous les conditions techniques et sociales de la production historiquement données. Dans ce cas, le but immédiat de l'activité économique et le but final de cette activité coïncident : la satisfaction des besoins des membres de la société engagés dans le processus du travail productif.
A ce propos, on peut distinguer un mode de production où le processus de production et de reproduction fonctionne d'une manière spontanée, c'est-à-dire où le résultat final du processus économique dans son ensemble est fonction des différentes décisions individuelles prises indépendamment, sans coordination effective préalable. On peut distinguer ce mode du mode de production où le fonctionnement du processus économique est conscient, planifié : le résultat social de l'activité économique dans son ensemble est envisage a priori en déterminant ses réalisations au cours d'une période future déterminée.
Mais qu'est-ce qu'un mode de production ? Tout d'abord, il est important de souligner une perspective de base : pour produire, les conditions du processus de production doivent être remplies. Ces conditions son : 1) le travail, l'effort conscient fourni par la force de travail, avant une certaine formation technique qui lui permet d'utiliser ; 2) les moyens de production : la terre, les instruments et les objets de travail.
Ces conditions, qu'on a appelées, au point de vue terminologique, les forces productives, représentent l'essence du processus de production, abstraction faite de la forme social qu'il revêt. Ces forces montrent, dans leur changement incessant, le niveau de la productivité du travail et reflètent, par conséquent, le degré de maîtresse de la nature par l'homme, dans la société.
Dans le cadre de ces forces, les moyens de production font l'objet d'une relation sociale qui détermine la situation de chaque individu (groupe ou classe) vis-a vis des autres, en ce qui concerne ce moyens de production, et qui détermine, par conséquent, son rôle dans le processus de production et sa parte du résultat de l'appropriation collective de la nature par la travail social. Cette relation représente donc la base des relations qui s'établissent entre les individus dans le processus de production. Ces relations correspondent à un certain niveau de développement des forces productives et se combinent avec pour former un mode de production qui se distingue des autres modes de production.
Le mode de production se détermine donc à la fois par un certain type de rapports de production dominants et par un certain niveau de développement des forces productives.
Il est donc important de comprendre que l´économie capitaliste est une forme historique de la production marchande monétaire qui se généralise jusqu'à couvrir, d'une manière ou de autre, l'économie mondiale en pénétrant les sociétés précapitalistes qui existaient dans les différentes parties de l'Asie, de l'Afrique et de Amérique Latine.
En effet, l'approche des caractéristiques du mode de production capitaliste doit le prendre dans son développement historique pour montrer comment ce développement a abouti à une économie mondiale composée de deux types de sociétés, produits de ce même processus, comme le souligne la théorie de la dépendance. C'est-à-dire, les sociétés capitalistes avancées, avec une économie ayant les caractéristiques essentielles du mode production capitaliste, et las sociétés sous-développées avec leurs économies subordonnées dans le cadre de l'économie capitaliste mondiale.
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Derrière les mots
Kaveh Boveiri
Si la compréhension de complication des énoncés des politiciens n'est pas la première leçon en sciences politiques, elle en est certes une des premières.
Cette compréhension se manifeste en une double étape avec deux composantes entrelacées. Il faut, d'une part, contextualiser chaque énoncé dans la totalité d'énoncés dudit politicien. Mais, d'autre part, il faut décortiquer la manière dont cet énoncé est lié avec les actes de ce politicien.
Ici, nous essayons de réaliser une telle pratique.
« Bibi (le surnom du dirigeant israélien), je t'aime beaucoup, mais je ne suis d'accord avec rien de ce que tu dis. »
Cette phrase, confirmée par Joe Biden, peut être lue, entre autres, dans La Presse du 11 décembre. Dans un autre passage de même article, nous pouvons lire :
« C'est le gouvernement le plus conservateur de l'histoire d'Israël » et la frange la plus à droite de l'exécutif « ne veut rien qui ressemble de près ou de loin à une solution à deux États », a insisté le président américain, pour qui c'est au contraire.
Ces énoncés ont créé une joie délectable dans la situation carrément sans espoir de la situation actuelle à Gaza. « Il s'est finalement réveillé. Partiellement grâce à nous, sans doute, les membres de ce monde conscient » nous le disent, plusieurs parmi nous. Une conséquence logique de cela est la possibilité d'être moins actifs concernant le démocideactuel à Gaza. En tant que les artistes, plus de 4000 de nous, ont déjà signé une pétition exprimant notre solidarité avec les Palestiniens. C'est aussi le cas pour milliers des écrivains contre la guerre à Gaza. Les millions de nous descendent aussi dans les rues chaque semaine.
Laissons-nous contextualiser ces énoncés, pour voir si cet espoir est légitime.
S'il veut être cohérent, la personne qui articule cette phrase, ou son gouvernement, devrait logiquement accepter le cessez-le-feu humanitaire. En revanche, nous témoignons que le mardi 12 décembre,devant l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies (ONU), 153 votent pour une mesure, avec 23 pays abstentions — Les États-Unis restent avec 8 autres pays dans le monde en votant contre ! Ainsi, le gouvernement de Biden avec son amour de ce dernier pour Bibi préfère à rester dans son isolement aggravant contre une telle mesure. Cela c'est pour contextualisation verbale, la mise en contexte de quelques énoncés dans la totalité des énoncés.
D'autre part, il faut voir la manière dont ces énoncés se trouvent en consistance ou inconsistance avec les actes. Juste quelques jours avant, notamment, le samedi 9 décembre, le congrès est informé par le gouvernement de l'approbation « d'urgence » de fournir l'Israël par 14 000 obus de chars,sans que cette mesure soit passée d'abord par le congrès !
Nous voyons ainsi que lesoutien sans faille des États-Unisauprès de l'Israël, depuis le 7 octobre, reste ininterrompu dans les actes et dans les paroles.
« Bibi, je t'aime beaucoup. Tout ce qui vient après “mais” dans la phrase ci-dessous n'est que pour fermer les gueules des gens qui sont jaloux à notre amour mutuel ». On peut imaginer cette phrase de la part de Joe Biden en s'adressant à son amour en privé.
En ce qui concerne notre rôle, nous sommes loin d'avoir achevé nos objectifs.
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Face à la convergence des crises, le défi de faire avancer les travailleur·es et les peuples

Le siège et le massacre en cours contre les Palestinien·nes de Gaza, menés par l'État israélien avec le soutien ouvert des États-Unis et le silence complice des autres puissances impérialistes occidentales, s'ajoutent à la guerre de Poutine contre l'Ukraine pour prouver l'instabilité et la violence brutale qui caractérisent le nouveau scénario géopolitique mondial. La multiplication des guerres et l'aggravation des tensions entre et au sein des États ne sont qu'un des signes de la nouvelle période historique de convergence des crises, qui a débuté avec la crise de 2008.
Tiré de Quatrième internationale
13 décembre 2023
Par Ana Cristina Carvalhaes
Le texte suivant n'est pas un travail personnel mais le résultat de discussions que nous avons eues ces derniers mois entre les membres du Comité international de la IVe Internationale. Nous constatons une situation d'internationalisation sans précédent des grandes questions qui se posent à l'humanité. La crise du capitalisme a pris une nouvelle ampleur depuis le krach de 2008 et la récession qui a suivi, mais surtout avec la pandémie de Covid. La crise capitaliste est clairement devenue multidimensionnelle. Il y a une convergence, une articulation entre la crise environnementale – qui produit depuis quelques années des phénomènes climatiques de plus en plus extrêmes, dont les récentes vagues de chaleur excessive – et la phase de stagnation économique durable, avec l'intensification de la lutte pour l'hégémonie dans le système interétatique entre les États-Unis et la Chine, avec les avancées de l'autoritarisme et du néofascisme, avec la résistance des peuples et des travailleurs et la multiplication des guerres dans le monde (Palestine, Ukraine, Soudan, République démocratique du Congo et Myanmar).
Cette articulation montre que nous sommes entré·es dans un nouveau moment de l'histoire du capitalisme. Une période qualitativement différente de celle que nous avons vécue depuis la mise en place de la mondialisation néolibérale à la fin des années 1980 et beaucoup plus conflictuelle du point de vue de la lutte des classes que celle qui s'était ouverte avec l'effondrement de l'Union soviétique et des régimes bureaucratiques d'Europe de l'Est. Comme nous le disions en mars 2021, « la pandémie aggrave la crise multidimensionnelle du système capitaliste et ouvre un moment d'imbrication de phénomènes anciens qui s'étaient développés de manière relativement autonome et qui, avec la pandémie, convergent de manière explosive : […] Il s'agit de processus qui se manifestent et interagissent entre eux, modifiant l'ordre mondial hérité des années 1990 avec la fin du bloc de l'Europe de l'Est, l'implosion de l'URSS et la restauration capitaliste tant dans cette partie du monde qu'en Chine ».
La toile de fond et le point de rencontre de toutes les facettes de cette crise multidimensionnelle, c'est la crise écologique, causée par deux siècles d'accumulation capitaliste prédatrice. L'escalade de la crise climatique et environnementale frappe durement l'humanité et la vie sur la planète : le climat s'emballe, la biodiversité disparaît, on est face à la pollution, à des contaminations et à des pandémies. L'économie mondialisée, basée sur la combustion d'énergies fossiles et la consommation croissante de viande et d'aliments ultra-transformés, produit rapidement un climat qui réduira les limites dans lesquelles l'humanité peut vivre sur la planète. La fonte des pôles et des glaciers accélère la montée des eaux et la crise de l'eau. L'agro-industrie, l'exploitation minière et l'extraction d'hydrocarbures progressent (non sans résistance) sur les forêts tropicales, pourtant essentielles au maintien des systèmes climatiques et de la biodiversité de la planète. Les effets de la crise climatique continueront à se manifester violemment, détruisant les infrastructures, les systèmes agricoles, les moyens de subsistance et provoquant des déplacements massifs de populations. Rien de tout cela ne se produira sans une exacerbation des conflits sociaux.
Cette situation a-t-elle des précédents ? C'est un débat collatéral mais très animé parmi les historiens. Bien sûr, ce qui se rapproche le plus de ce que nous vivons aujourd'hui, c'est la convergence des crises qui a eu lieu au début du 20e siècle – celle qui a abouti à « l'âge des catastrophes », comme l'a nommé Hobsbawm (1914-1946), et à deux guerres mondiales sanglantes. Il y a au moins deux très grandes différences avec cette situation : premièrement, nous sommes aujourd'hui face à la crise écologique. Le système a créé les conditions d'une complète transformation, régressive, de la vie de l'humanité et de toutes les formes de vie. La seconde, non moins cruciale, est que les changements, de plus en plus rapides, se combinent avec le maintien d'un élément de la période précédente : l'absence d'une alternative au capitalisme qui soit crédible aux yeux des masses, l'absence d'une force ou d'un ensemble de forces anticapitalistes dirigeant des révolutions économiques et sociales.
Ce n'est pas qu'il n'y ait pas de luttes et de résistances. Au contraire. Ce siècle a connu au moins deux grandes vagues de luttes démocratiques et anti-néolibérales, dont ont fait partie le mouvement des femmes, un mouvement renouvelé, et le mouvement antiraciste qui a débuté aux États-Unis. Cependant, ces grandes luttes ont été confrontées, d'un point de vue objectif, non seulement au capitalisme néolibéral et à ses gouvernements, mais aussi aux dilemmes de la réorganisation structurelle du monde du travail – la classe ouvrière industrielle a perdu de son poids social dans une grande partie de l'Occident ; les opprimé·es, les jeunes et les nouveaux secteurs de travailleur.es précaires ne sont pas encore organisés de manière permanente et ont en général des difficultés à s'unir avec le mouvement syndical. Cette situation s'accompagne d'une régression de la conscience des opprimé·es et des exploité·es, affectée par les reconfigurations géographiques, technologiques et structurelles et par l'hyper-individualisme néolibéral. À cela s'ajoute l'extrême fragmentation de la gauche socialiste, pour constituer une situation où les luttes sont plus difficiles et où les résultats en termes de conscientisation et d'organisation politique sont plus rares.
La combinaison des crises les amplifie
Caractériser la crise capitaliste comme multidimensionnelle signifie qu'il ne s'agit pas d'une simple somme de crises, mais d'une combinaison dialectiquement articulée, dans laquelle chaque sphère a un impact sur l'autre et est impactée par les autres. En ce qui concerne la relation entre l'économique-social et l'écologique, les pays impérialistes centraux de l'Ouest et de l'Est (du moins du point de vue d'une partie non suicidaire des bourgeoisies centrales) ont le défi très difficile de mettre en œuvre une transition énergétique qui minimiserait les effets du changement climatique à un moment où la tendance à l'accélération de la baisse du taux de profit s'accentue. Le lien entre la guerre en Ukraine (avant l'explosion du conflit en Palestine) et la stagnation économique a aggravé la situation alimentaire critique des plus pauvres dans le monde, avec plus de 250 millions de personnes supplémentaires souffrant de la faim en dix ans (2014-2023). Le flux de personnes déplacées par les guerres, le changement climatique, la crise alimentaire et la propagation des régimes répressifs augmente, en particulier dans les pays du Sud, bien que les médias accordent plus d'importance aux déplacements forcés Sud-Nord.
Les perspectives désastreuses dans les domaines environnemental et économique, depuis au moins 2016, ont sans aucun doute joué un rôle important en poussant une partie des fractions bourgeoises dans différents pays à se détacher du projet des démocraties formelles comme meilleur moyen de mettre en œuvre les préceptes néolibéraux. Des secteurs de plus en plus importants de la bourgeoisie adoptent des alternatives autoritaires au sein des démocraties libérales, ce qui a conduit au renforcement des mouvements fondamentalistes de droite et des gouvernements d'extrême droite (Trump, Modi, Bolsonaro), ainsi qu'à l'établissement de liens entre les partisans de ces forces à l'échelle internationale.
L'expansion d'une sociabilité néolibérale hyper-individualiste qui, combinée à l'utilisation par la droite des réseaux sociaux et peut-être maintenant de l'IA, favorise encore plus la dépolitisation, la fragmentation des classes et le conservatisme. Les technologies numériques contribuent également à approfondir la subordination-clientélisation de la petite et moyenne paysannerie, voire leur réduction massive, alors qu'elles sont les principales productrices d'aliments dans le monde. D'autre part, le néolibéralisme, en continuant à attaquer violemment ce qui reste des États-providence, en imposant la surexploitation des travailleuses et travailleurs de l'industrie et des services, et surtout des soignant·es, jette les femmes, en particulier les travailleuses, dans le dilemme de survivre (mal) ou de se battre.
Avec les plans d'austérité le système s'attaque brutalement aux services sociaux qu'il avait créés dans le passé : il les supprime complètement ou, lorsque des bénéfices peuvent être réalisés, les donne au secteur privé. De cette manière, le néolibéralisme maintient les femmes dans la main-d'œuvre formelle (dans le Nord) ou moins formelle, plus informelle (dans le Sud), réduisant encore les salaires et les revenus de celles qui « travaillent à l'extérieur » ou fournissent des services, tout en accablant les femmes actives dans leur ensemble avec les tâches de soins aux enfants, aux personnes âgées, aux malades, aux personnes différentes – le travail que l'État-providence couvrait autrefois, lorsqu'il existait. Les réseaux de reproduction sociale étant en crise, davantage dans les pays néocoloniaux que dans les métropoles, la société néolibérale « domestifie » (rend domestique à nouveau) et racialise (confie aux femmes non blanches, noires, indigènes, immigrées) les tâches de soins, mais n'assume pas la responsabilité de la reproduction sociale dans son ensemble.
D'un point de vue géoéconomique, dispositifs numériques et algorithmes permettent au capitalisme néolibéral d'aujourd'hui et à son système interétatique d'exploiter de nouvelles forces productives (plateformes numériques), de nouveaux types de relations sociales de production (ubérisation) et la marchandisation de diverses relations sociales . Dans le même temps, le centre de gravité de l'accumulation mondiale de capital s'est déplacé au 21e siècle de l'Atlantique Nord (Europe-États-Unis) vers le Pacifique (États-Unis, en particulier la Silicon Valley, l'Asie de l'Est et du Sud-Est). Ce n'est pas seulement la Chine qui est décisive, mais toute la région, du Japon et de la Corée à l'Australie et à l'Inde.
Sur le plan politique, le grand ennemi
Les nouvelles extrêmes droites, sous différentes versions, progressent en Europe – en France elles pourraient arriver au gouvernement –, en Amérique latine, où elles viennent de conquérir la Casa Rosada (Argentine), après le coup d'État de Dima Boluarte au Pérou, en 2022, et aux États-Unis, où Trump pourrait revenir à la Maison Blanche. Elles sont de véritables menaces en Asie, avec le fils du dictateur Marcos aux Philippines et le xénophobe anti-musulman Narendra Modi en Inde. Dans cette crise politique de longue durée, le mécontentement touche de plein fouet non seulement la droite « traditionnelle » ou plus « cosmopolite » (au sens de néolibérale « progressiste », comme le dit Nancy Fraser), comme aux États-Unis, en Italie, en Inde (Parti du Congrès) et aux Philippines, mais aussi les social-démocraties et les « progressismes » qui ont cogéré les États néolibéraux des dernières décennies – cf. les victoires de Duterte en 2016 contre une coalition de droite et de Bolsonaro contre le PT en 2018, ainsi que la récente défaite du péronisme et la montée de Vox en Espagne.
Depuis 2008, et de manière plus marquée depuis le Brexit et la victoire de Trump en 2016, les mouvements et partis d'extrême droite se sont renforcés et multipliés avec des victoires électorales à l'intérieur des systèmes politiques. Ils se présentent comme contre-systémiques, bien qu'extrêmement néolibéraux, conservateurs, nationalistes, xénophobes, racistes, misogynes, antiféministes, anti-droits LGBTQIA+, transphobes, et inspirés ou massivement soutenus par le fondamentalisme religieux, de type chrétien néo-pentecôtiste en Amérique latine et aux États-Unis, et hindouiste en Inde. Contrairement aux fascismes d'il y a cent ans, ils répandent le négationnisme scientifique, la négation de la science dans la compréhension du changement climatique – parce qu'ils ont besoin de nier la réalité tragique pour présenter un quelconque espoir – et dans l'orientation de la prise en charge collective des populations face aux pandémies et aux épidémies.
La montée de cette constellation de néo ou post-fascismes est principalement le résultat d'au moins deux décennies de crise des démocraties néolibérales et de leurs institutions. Ces régimes néolibéraux ont été responsables – et sont perçus comme tels par les populations – de l'accroissement des inégalités, de la paupérisation, de la corruption, de la violence et de l'absence de perspectives pour les jeunes. Ils se sont révélés incapables de répondre de manière satisfaisante aux aspirations des peuples et des travailleurs. La racine profonde de la nouvelle extrême droite est donc le désespoir des secteurs sociaux appauvris face à l'aggravation de la crise, la désintégration du tissu social imposée par le néolibéralisme – dans lequel le fondamentalisme religieux se développe – combinée aux échecs des « alternatives » représentées par le social-libéralisme et le « progressisme ». En conséquence, des fractions de la bourgeoisie sont apparues et se sont développées dans le monde entier, qui soutiennent le néofascisme en tant que solution politico-idéologique capable de mettre fin à des régimes, de contrôler les mouvements de masse d'une main de fer, d'imposer des ajustements brutaux et des dépossessions afin de récupérer les taux de profit. L'exemple le plus notable de cette division est la polarisation aux États-Unis entre le trumpisme (qui a pris d'assaut le Parti républicain) et le Parti démocrate.
Parallèlement et conjointement, on assiste au renforcement d'une tendance : théocraties meurtrières et véritables califats au Moyen-Orient, dictatures en Asie centrale, néofascisme oligarchique-impérial de Poutine en Russie, tandis que le Parti communiste chinois sous Xi Jing Ping étend la répression. Cette combinaison constitue une menace historique pour les libertés civiles et les acquis démocratiques partout dans le monde, parmi lesquels les révolutionnaires, sans abaisser notre critique des limites des démocraties bourgeoises formelles, valorisent tout particulièrement le droit des exploités et des opprimés à lutter et à s'organiser pour lutter. Dans ce contexte défavorable à celleux d'en bas, la soi-disant gauche nostalgique du stalinisme qui défend Poutine et le modèle chinois ou Maduro et Ortega comme alternatives au système impérial, collabore à l'affaiblissement et à l'usurpation de ces libertés, créant un obstacle de plus à la lutte pour une démocratie réelle et socialiste.
La crise économique et sociale
Nous vivons toujours sous l'impact de la grande crise financière de 2008, qui a ouvert une nouvelle grande dépression (au sens de Michael Roberts), comme celle des années 1873-90 et surtout comme celle de 1929-1933. Pour la plupart des analystes de gauche, nous vivons une crise de la mondialisation néolibérale. D'abord parce que ce mode de fonctionnement capitaliste n'est plus capable, comme par le passé, de garantir la croissance et les taux de profit qu'il a connus à la fin des années 1980 et 1990. Ensuite parce que la polarisation géopolitique, aggravée par l'invasion de l'Ukraine, par la progression des nationalismes et maintenant par le massacre de Gaza par Israël, ébranle les chaînes de valeur super-internationalisées (citons la chaîne énergétique Europe-Russie et la production mondiale de puces, cible de la fureur américaine pour empêcher le leadership chinois dans les télécommunications et l'intelligence artificielle). Avec la pandémie de Covid, puis l'invasion russe de l'Ukraine et ses conséquences, ainsi que la rivalité accrue entre les États-Unis et la Chine, les chaînes de production mondiales, déjà ébranlées, sont en train d'être remodelées. Cependant, aucune de ces difficultés n'empêche les gouvernements impérialistes néolibéraux et leurs subordonnés de poursuivre leurs ajustements et leurs attaques vicieuses contre les salaires et les budgets sociaux, ainsi que la marchandisation de l'agriculture.
Malgré la croissance dérisoire enregistrée après 2008, l'économie néolibérale lutte contre sa propre crise en fuyant vers l'avant, à travers la concentration continue du capital, la financiarisation, l'endettement public et privé, la numérisation – qui confère de plus en plus de pouvoir aux grandes sociétés transnationales en général et aux grandes entreprises technologiques en particulier. La combinaison de la stagnation en Occident, de l'inflation croissante (aggravée par la guerre en Ukraine) et de la mise en œuvre des mêmes politiques néolibérales ne fait qu'exacerber les inégalités sociales, régionales, raciales et de genre entre les pays et à l'intérieur de ceux-ci.
La reprise des échanges économiques internationaux et l'importante offre de crédit pour soutenir la reprise des activités après la pandémie de Covid ont créé une augmentation soudaine de la demande, une spéculation sur l'énergie et les matières premières et un niveau d'inflation inconnu depuis des décennies, une situation aggravée à tous égards par l'impact économique des guerres sur les chaînes de production et de distribution mondialisées.
La forte hausse de l'inflation est exacerbée par une spirale d'augmentation des marges bénéficiaires et des prix, et non par une spirale d'augmentation des salaires et des prix, contrairement à ce que prétendent la BCE et la Fed en particulier. La Fed, la BCE et d'autres banques centrales ont augmenté les taux d'intérêt, avec le risque d'une récession mondiale en 2023, et en affectant les systèmes financiers moins réglementés tels que ceux des États-Unis et de la Suisse. La recherche effrénée de la protection contre la crise (ou du maintien des profits) encourage la spéculation financière et menace en permanence le système avec la vague de faillites de 2008 qui a touché non seulement les banques mais aussi de grandes entreprises industrielles comme General Motors, Ford, General Electrics, ou de grandes sociétés immobilières. Outre son caractère récessif – qui ébranle le niveau de vie des masses laborieuses – la hausse des taux d'intérêt accroît les dettes souveraines et privées, créant les conditions de nouvelles crises de défaut régionales, voire mondiales.
L'ordre géopolitique en reconfiguration
Le « chaos géopolitique » dont nous parlions il y a quelques années s'est aggravé, d'une part, et, d'autre part, il donne lieu à ce que l'économiste marxiste Claudio Katz appelle une crise du système impérial, c'est-à-dire un affaiblissement de la puissance hégémonique accompagné de l'affirmation de nouveaux impérialismes, tels que le chinois et le russe. Il s'agit d'une reconfiguration en cours dans un contexte mondial d'immense instabilité, sans que rien ne soit consolidé, de sorte que toute affirmation catégorique est aujourd'hui un pari sur l'hypothèse la plus probable. En tout état de cause, l'unipolarité du bloc sous leadership américain n'existe plus.
Les faits montrent qu'avec le renforcement du géant asiatique dans les domaines économique, technologique et militaire, nous vivons, à tout le moins, un conflit inter-impérialiste basé sur la rivalité entre l'ancien système impérial – le bloc américain avec les impérialismes européens, la province canadienne, le Japon, la Corée du Sud, l'Australie – et le bloc qui est en train de se construire autour de la Chine. Le bloc chinois en expansion et offensif inclut la Russie (malgré ses intérêts particuliers et ses contradictions avec Pékin), la Corée du Nord, de nombreuses républiques d'Asie centrale, se fait de nouveaux amis parmi les califats du Moyen-Orient (Arabie saoudite, Qatar, Bahreïn, Iran) et tente de transformer les BRICS en une alliance contre les impérialismes occidentaux.
La nature du « grand bond » chinois des 30 dernières années est capitaliste. Héritier d'une grande révolution sociale et d'un tournant restaurateur à partir des années 1980, indispensable à la refonte néolibérale du monde (menée en partenariat avec les États-Unis et leurs alliés), l'impérialisme chinois présente des caractéristiques particulières, comme tous les impérialismes. Il repose sur un capitalisme étatique planifié, centralisé dans le PCC et les forces armées chinoises, avec des politiques développementalistes classiques, où de nombreuses grandes entreprises sont des joint-ventures entre des entreprises appartenant à l'État ou contrôlées par l'État et des entreprises privées. Son impérialisme est encore, bien sûr, en construction, mais il est très avancé dans cette construction. Au cours des dix dernières années, la Chine a fait un bond en avant dans l'exportation de capitaux et est devenue le pays qui dépose et enregistre le plus de brevets au monde. Au cours des deux dernières années seulement, la Chine est devenue davantage un exportateur qu'un importateur de capitaux, en mettant l'accent sur ses participations dans des sociétés énergétiques, minières et d'infrastructure dans les pays néocoloniaux (Asie du Sud-Est et Asie centrale, Afrique et Amérique latine). Elle investit de plus en plus dans l'armement et franchit avec véhémence la ligne – Taïwan et la mer du Sud – que ses rivaux et les États plus faibles ne doivent pas franchir. Elle n'a pas encore envahi ou colonisé « un autre pays » sur le modèle européen ou américain, bien que sa politique à l'égard du Tibet et du Xijiang (et des petits territoires historiquement en litige avec l'Inde et le Bhoutan) soit essentiellement impérialiste et colonialiste.
La Russie d'aujourd'hui, en revanche, est l'État résultant de la grande destruction des fondations de ce qu'était l'Union soviétique et de la restauration chaotique et non centralisée qui y a eu lieu, basée sur la prise de contrôle d'anciennes et de nouvelles entreprises par des bureaucrates devenus oligarques. Poutine et son groupe, issu des secteurs des anciens services d'espionnage et de répression, ont conçu au début du siècle le projet de recentraliser le capitalisme russe, en utilisant les relations bonapartistes entre oligarques et une version 21e siècle de la vieille idéologie nationale-impérialiste de la Grande Russie, transformée en principal instrument pour réaffirmer le capitalisme russe dans la concurrence impérialiste et pour accroître qualitativement la répression des peuples de la Fédération – y compris le peuple russe.
C'est dans ce nouveau contexte que nous devons comprendre l'invasion russe de l'Ukraine, la guerre qui dure depuis presque deux ans maintenant, et l'offensive israélo-américaine contre Gaza. La guerre en Ukraine pourrait durer encore longtemps, sans qu'aucune force armée ne l'emporte sur l'autre, d'autant que les Etats-Unis ont eu bien plus intérêt, en octobre 2023, à garantir par une aide militaire et financière le massacre palestinien que la guerre défensive du gouvernement et du peuple ukrainiens pour leur autodétermination. Les États-Unis sont à l'offensive avec Israël en Palestine, leur bloc reste actif sur le théâtre des opérations en Europe de l'Est, tout en se préparant à l'éventualité de conflits en Asie (Taïwan, mer de Chine) et en Océanie. Avec une Chine en difficulté économique, un Poutine renforcé pour l'instant et un régime américain en grave crise – avec la possibilité d'un retour de Trump à la Maison Blanche – le scénario du système capitaliste interétatique est celui de conflits croissants, de tensions et d'incertitudes tout aussi grandes pour les travailleurs et les peuples.
Ce nouveau (dés)ordre impérialiste n'a pas seulement entraîné des guerres en Ukraine et en Palestine. Nous assistons à la multiplication des situations de guerre dans le monde entier, comme en Syrie, au Yémen, au Soudan et dans la partie orientale de la République démocratique du Congo, sans parler des guerres civiles évidentes ou déguisées, comme la guerre civile au Myanmar, premier exemple de celles à venir, et la guerre permanente des États latino-américains contre les organisations criminelles, et de ces dernières contre les masses, comme au Mexique et au Brésil. Cette situation conflictuelle progresse dans la géoéconomie et la géopolitique de l'Afrique, où la Russie rivalise économiquement et militairement avec la France et les États-Unis, notamment dans les anciennes colonies francophones d'Afrique de l'Ouest. De son côté, la Chine continue d'essayer d'accroître son influence économique dans toutes les parties du continent africain. Ce nouveau désordre menace de multiplier les conflits inter-impérialistes et de relancer la course au nucléaire, rendant le monde plus instable, plus violent et plus dangereux.
L'émergence de rivaux n'enlève rien à la nature des États-Unis en tant que pays le plus riche et le plus puissant militairement, dont la bourgeoisie est la plus convaincue de sa « mission historique » de dominer la planète à tout prix, et donc de faire la guerre pour poursuivre son hégémonie. Le fait est que si les États-Unis sont imbattables en matière de coercition, ils ont un sérieux problème : une hégémonie impérialiste (comme toutes les hégémonies) ne peut être maintenue que si elle convainc également ses alliés et son opinion publique intérieure. L'Oncle Sam est en effet celui qui a le dernier mot dans la « collectivité » impérialiste encore hégémonique, mais il a de très graves problèmes qui n'existaient pas dans la période précédente : son élite économique et politique est divisée comme jamais auparavant sur le projet de domination intérieure (une société et un régime démocratique bourgeois en crise ouverte depuis que le Tea Party et Trump ont pris le contrôle du Parti républicain de l'intérieur) et est obligée de faire face au gâchis de défaire les chaînes de valeur qui ont profondément lié l'économie des États-Unis à celle de la Chine au cours des 40 dernières années.
Cette conception est devenue plus évidente depuis l'ascension de Trump aux États-Unis et a été consolidée par la posture de la Chine dans la guerre en Ukraine. (Certains experts font remonter les origines de la rivalité actuelle à 1991-2000, avec l'hégémonisme unipolaire des États-Unis. Cela vaut la peine d'être lu et débattu). ) S'il est essentiel de caractériser ce qui change dans le bloc des puissances et des anciennes puissances, cette refonte a de profondes implications pour la périphérie et la semi-périphérie.
La place de la guerre en Ukraine
L'invasion de l'Ukraine par l'armée de Poutine a accéléré le remodelage du monde géopolitique. Avec l'escalade des tensions en Asie de l'Est à propos de Taïwan et de la mer de Chine méridionale, le risque de guerres directes entre les principales puissances impériales s'est accru. Il existe un risque d'escalade nucléaire, même si ce n'est pas le scénario le plus probable. Le « nouvel ordre » en construction, qui comporte déjà la menace de conflits inter-impérialistes plus nombreux et d'une reprise de la course nucléaire, rend le monde plus conflictuel et plus dangereux.
L'invasion russe, atroce et injustifiée, de l'Ukraine décidée par Poutine le 24 février 2022 et la guerre qu'elle a provoquée ont déjà fait plus de 250 000 morts (50 000 dans l'armée russe) et près de 100 000 civils ukrainiens. La Russie continue de bombarder les zones civiles et d'attaquer les chemins de fer, les routes, les usines et les entrepôts, ce qui a détruit les infrastructures ukrainiennes. Des millions d'Ukrainiens ont été contraints de fuir le pays, laissant des familles et des communautés brisées. Elles et ils sont devenus des réfugiés, ce qui, selon les pays d'accueil, peut signifier sans statut permanent, sans logement, sans travail ou sans revenu, et faisant peser une lourde charge sur les pays voisins dont les populations se sont mobilisées pour apporter un soutien matériel.
Nous défendons le droit du peuple ukrainien à déterminer son propre avenir dans son propre intérêt et dans le respect des droits de toutes les minorités ; son droit à déterminer cet avenir indépendamment des intérêts de l'oligarchie ou du régime capitaliste néolibéral actuel, des conditions du FMI ou de l'UE, avec l'annulation totale de sa dette ; et le droit de tous les réfugié·es et personnes déplacées de retourner chez eux en toute sécurité et dans le respect de leurs droits.
La seule solution durable à cette guerre passe par la fin des bombardements des populations civiles et des infrastructures de l'énergie, ainsi que le retrait complet des troupes russes. Toute négociation doit être publique devant le peuple ukrainien. Nous luttons pour le démantèlement de tous les blocs militaires – OTAN, OTSC, AUKUS – et nous continuons également à lutter pour le désarmement mondial, en particulier en ce qui concerne les armes nucléaires et chimiques.
En Russie et en Biélorussie, celleux qui s'opposent à la guerre impérialiste de Poutine sont criminalisés. En Russie, les déserteurs de l'armée et celleux qui osent protester ouvertement sont sévèrement réprimés. Des centaines de milliers de personnes ont également été contraintes de fuir la Russie, souvent sans statut de réfugié et en subissant les effets des mesures destinées à punir les partisans du régime russe. Elles aussi méritent toute notre solidarité, et nous appelons à la fin de toute répression des opposants russes à la guerre et, si nécessaire, leur accueil dans le pays de leur choix.
Coups d'État récents en Afrique
Les récents coups d'État militaires dans les anciennes colonies françaises d'Afrique (Mali, Burkina Faso et Niger) sont un indicateur de la profonde crise sociale et politique que traverse cette région, fragilisée par la montée en puissance des actions militaires des groupes terroristes islamistes, renforcés par la défaite de Kadhafi en Libye et l'intervention des puissances occidentales. Dans ces trois pays, les militaires qui ont pris le pouvoir, sans rencontrer de résistance dans un contexte de crise de régime, ont profité du discrédit total des institutions politiques et du rejet généralisé de la présence impérialiste française au sein de la population, notamment parmi les jeunes du Sahel. Ce rejet de la France impérialiste par la population s'est également exprimé très clairement au Sénégal lors des mouvements sociaux de 2021. Dans le cas du coup d'État militaire au Gabon, qui fait partie de l'Afrique centrale et qui est également une ancienne colonie française, ce qui est décisif, c'est la crise du régime, car dans ce pays il n'y a pas de rejet de la France comme dans ses voisins.
En tout état de cause, les militaires qui sont arrivés au pouvoir n'offrent pas de véritable alternative aux politiques impérialistes et au modèle néolibéral, tout comme les islamistes qui sont arrivés au pouvoir par le biais des élections en Tunisie et en Égypte après le printemps arabe. Aucun d'entre eux ne se prononce même sur la question de l'anti-impérialisme – si puissant sur le continent dans les années 1960 et 1970 – et sur la nécessité d'une unité africaine radicalement différente de la prétendue unité représentée par l'UA et son orientation d'intégration dans la mondialisation néolibérale.
En tant que Quatrième Internationale, nous rejetons le discours impérialiste occidental qui, sous prétexte de rétablir l'ordre constitutionnel dans ces pays, veut soutenir une intervention militaire pour préserver ses intérêts. Nous soutenons la demande de retrait des troupes militaires françaises de toute la région, à commencer par le Niger. Nous exigeons la fermeture de la base militaire américaine d'Agadez au Niger et le départ des troupes du groupe Wagner. Nous soutenons tous les efforts pour récupérer la souveraineté politique et économique des peuples, dans le sens d'un mouvement nouveau et anti-systémique pour l'unité des pays et des peuples d'Afrique.
Ceux qui sont au bas de l'échelle réagissent par des mobilisations
Après la crise de 2008, les mobilisations de masse ont repris partout dans le monde. Printemps arabe, Occupy Wall Street, Plaza del Sol à Madrid, Taksim à Istanbul, juin 2013 au Brésil, Nuit Debout et Gilets jaunes en France, mobilisations à Buenos Aires, Hong Kong, Santiago et Bangkok. Cette première vague a été suivie d'une deuxième vague de soulèvements et d'explosions entre 2018 et 2019, interrompue par la pandémie : la rébellion antiraciste aux États-Unis et au Royaume-Uni, avec la mort de George Floyd, les mobilisations de femmes dans de nombreuses parties du monde, y compris la lutte héroïque des femmes en Iran, les révoltes contre les régimes autocratiques comme en Biélorussie (2020), une mobilisation de masse des paysans indiens qui a triomphé en 2021. L'année 2019 a vu des manifestations, des grèves ou des tentatives de renversement de gouvernements dans plus d'une centaine de pays – dans plus d'un pays sur trois, les soulèvements ont conduit au départ du chef d'État ou de gouvernement (Soudan, Algérie, Bolivie, Liban), à un remaniement ministériel (Irak, Guinée, Chili) ou encore à l'abandon des réformes qui firent éclore les mobilisations (France, Hong Kong, Indonésie, Équateur, Albanie, Honduras) (étude du site d'information français Mediapart, 24/11/2019, https://www.me…).
Il faut souligner, au lendemain de la pandémie, les trois mois de résistance en France contre la réforme des retraites de Macron et le soulèvement des travailleurs, des étudiants et de la population en Chine qui a contribué à mettre en échec la politique du PCC « Zéro Covid ». Aux États-Unis, le processus de syndicalisation et de lutte se poursuit dans les nouvelles branches de production (Starbuck's, Amazon, UPS), avec l'émergence de nouveaux processus anti-bureaucratiques de base, avec des grèves de travailleurs dans l'éducation, les soins de santé et, en 2022/2023, les grandes grèves des scénaristes et des acteurs d'Hollywood, ainsi que la grève historique et jusqu'à présent victorieuse des travailleurs des trois grandes entreprises automobiles du pays.
La classe ouvrière au sens large, qui se prépare aujourd'hui aux impacts de l'intelligence artificielle (et qui résiste, comme le montre la grève des scénaristes et des acteurs américains), est toujours vivante et nombreuse, bien que restructurée, réprimée, moins consciente et organisée qu'au siècle dernier. Les grands complexes industriels survivent en Chine et s'étendent en Asie du Sud-Est. Les paysans d'Afrique, d'Asie du Sud (Inde et Pakistan) et d'Amérique latine résistent courageusement à l'invasion de l'agro-industrie impérialiste. Les peuples autochtones, qui représentent 10 % de la population mondiale, résistent à l'avancée du capital sur leurs territoires et défendent les biens communs indispensables à toute l'humanité. La défaite du Printemps arabe et la tragédie syrienne retardent la résilience des peuples du Proche et du Moyen-Orient ; malgré cela, nous avons assisté au soulèvement héroïque des femmes et des filles d'Iran.
En Amérique latine, les explosions sociales et les luttes – qui ont combiné les revendications démocratiques et économiques – sont canalisées dans les élections des gouvernements dits « progressistes » de la deuxième vague, avec toutes les différences qui existent entre les gouvernements de Lula, Amlo, Petro et Boric. Notre politique générale ne doit pas être une opposition frontale et sectaire à ces gouvernements, mais une politique de revendication et de mobilisation (y compris vers de meilleurs moyens de combattre l'extrême droite), tout en maintenant l'indépendance des mouvements et des partis dans lesquels nous agissons avec toutes leurs contradictions.
Les travailleur.es résistent toujours au capital et luttent pour leurs conditions de vie, bien que sous de nouvelles formes d'organisation du travail et de nouvelles manières de s'organiser pour lutter, et donc avec plus de difficultés que pendant les années « glorieuses » de l'État-providence du 20e siècle. L'enjeu est de travailler plus que jamais, dans chaque pays, dans chaque périphérie urbaine, sur chaque lieu de travail, dans chaque occupation et chaque grève, dans chaque nouveau syndicat de base, dans chaque nouvelle catégorie et chaque nouveau mouvement populaire de résistance à l'ordre, en s'unissant les un·es aux autres pour des revendications communes, en créant et en renforçant l'auto-organisation et la politisation anticapitaliste des revendications, en vue de la reconstruction d'une conscience des exploités et des opprimés contre le capitalisme et de leur indépendance de classe.
En Afrique subsaharienne il y a, d'une part, les mouvements dits citoyens (Le Balai citoyen, Y en a marre !, Lucha, etc.) qui semblent chercher un nouvel élan et, d'autre part, les manifestations populaires, y compris celles de l'opposition politique, auxquelles les régimes répondent aussi par une répression féroce (Sénégal, Swatini/ex-Swaziland, Zimbabwe, etc.). En général, l'ancrage à gauche ou « progressiste » (anti-néolibéral) n'est pas évident, sans parler d'une perspective anticapitaliste (évoquée par les camarades algériens lors du Hirak).
Des exigences centrales pour une nouvelle ère
Dans ce contexte général, la situation des classes laborieuses, des exploité·es et des opprimé·es met en avant différentes revendications qui combinent les domaines économiques, féministes et antiracistes avec les questions socio-environnementales et démocratiques en général – contre les régimes autoritaires, le néofascisme et tous les impérialismes. Les politiques unitaires de gauche (fronts uniques) et même l'unité transitoire avec les secteurs moyens ou bourgeois contre le fascisme (fronts larges) constituent une partie importante de notre répertoire en ces temps, mais jamais en négociant ou en acceptant la perte de notre indépendance politique ou celle des mouvements sociaux.
Les besoins fondamentaux, les droits fondamentaux doivent être satisfaits pour tous les humains, avec des soins de santé gratuits, un logement et un travail dignes et des salaires et pensions décentes, ainsi que l'accès à l'eau. Une grande partie de l'humanité dispose de moins en moins de ces avantages en raison de la privatisation de la terre et des moyens de production pour les profits capitalistes, des politiques d'austérité et du changement climatique aux conséquences catastrophiques.
Nous devons lutter contre les gouvernements autoritaires et pour les droits démocratiques, pour le droit général de la société aux soins, contre la discrimination dont les femmes sont victimes, empêchées de disposer de leur propre corps et de leur propre vie, pour le droit à l'avortement, pour l'égalité des salaires et des revenus, contre le racisme structurel qui discrimine les Noirs, les peuples indigènes et les autres ethnies racialisées, et contre l'homophobie et la transphobie qui s'attaquent à la communauté LGBTQI dans le monde.
Toutes ces luttes doivent s'unir pour vaincre les nouveaux fascismes, pour renverser les régimes d'exploitation et d'oppression, pour mener la lutte contre le capitalisme. Toutes ces tâches, au milieu des guerres, des catastrophes climatiques et des menaces d'ajustement, induisent la nécessité d'un nouvel internationalisme, un internationalisme militant des peuples d'en bas. Alors que de nombreux mouvements sociaux et mobilisations explosent aujourd'hui, il faut reconstruire des liens et des initiatives internationalistes – comme celles des travailleur·es portuaires de toute l'Europe boycottant Israël –, des campagnes qui rassemblent la gauche et les mouvements sociaux, avec des échanges qui permettent de défendre des revendications communes, de faciliter des victoires et des avancées capables de retourner la situation en faveur des majorités sociales.
21 novembre 2023
Ana Cristina Carvalhaes est journaliste, militante du PSOL (Brésil) et membre du Bureau exécutif de la Quatrième Internationale.
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