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Parce qu’il ne veut pas de témoins de ses crimes, Israël tue méthodiquement les journalistes qu’il ne peut faire taire !

Aucun criminel ne veut de témoins de ses crimes. Et Israël non plus, bien sûr. C'est pourquoi il fait tout ce qu'il peut pour pouvoir commettre ses crimes à Gaza - et dans les Territoires occupés - loin des projecteurs. Et il le fait de plusieurs façons à la fois :
Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
12 janvier 2024
Par Yorgos Mitralias
• En interdisant aux journalistes étrangers d'entrer dans la bande de Gaza, dont il contrôle toutes les entrées.
• En menaçant ceux qui sont restés à Gaza pour qu'ils la quittent immédiatement s'ils ne veulent pas mourir.
• En assassinant méthodiquement, systématiquement et en priorité ceux qui persistent pour faire leur travail de journaliste.
• En faisant pression et en menaçant de les qualifier d'« antisémites » les journalistes intègres de par le monde pour qu'ils utilisent comme seules sources d'information sur ce qui se passe au Moyen-Orient uniquement celles de l'armée israélienne et du gouvernement israélien.
• En forçant, avec la coopération active des autorités étatiques et d'autres soutiens dans le monde, les médias d'autres pays à utiliser une certaine terminologie interdisant des mots et des expressions tels que ...« escalade de la guerre » ou même « stop the war » !
Mais il y a aussi une suite, puisque depuis quelques semaines, nous assistons -au niveau mondial- à la mise en application d'une nouvelle forme de manipulation de l'information par Israël et ses complices internationaux : le black out, le silence journalistique total sur les « actions » de l'armée israélienne à l'encontre de la population palestinienne. La raison en est évidente : telle est l'ampleur de ses crimes, tel est le choc et la répulsion qu'ils provoquent presque partout, telle est désormais l'inefficacité de ses « arguments » et de sa propagande, qu'Israël et ses soutiens dans le monde entier jugent apparemment préférable de faire « oublier » leur guerre et de ne plus en parler au quotidien ! C'est ainsi que l'on voit, par exemple, des médias qui, pendant deux mois, ont consacré leur première page au bain de sang de Gaza, ne disant - soudainement et... comme par magie - pas un mot ou couvrant la question de manière succincte et sur leurs toutes dernières pages... remplaçant systématiquement les rivières de sang de Gaza par des reportages sur des crimes crapuleux et autres faits divers d'un intérêt plutôt médiocre.
L'effet de ce black-out de l'information se fait déjà sentir : la guerre et, avec elle, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis par Israël font désormais partie de la routine quotidienne ou tendent à être oubliés. C'est sans doute le plus grand, le plus dangereux et le plus cauchemardesque « exploit » de Netanyahou et de ses bourreaux, car il nous accoutume “à un monde ressemblant de plus en plus à une jungle où règne uniquement le droit du plus fort et où sont « permises » les pires atrocités contre les plus faibles !” (1)
Et tout cela dans l'indifférence générale, et sans la moindre réaction des syndicats des journalistes de nos pays. Des syndicats qui ne semblent pas particulièrement émus par le fait que non pas un ou deux, mais... 110 collègues journalistes ont été tués ou plutôt assassinés, principalement à Gaza et dans les Territoires occupés, par l'armée israélienne et les colons israéliens, en seulement trois mois, dans ce qui est de loin le plus grand massacre de journalistes de l'histoire de l'humanité ! Vraiment, qu'attendent-ils pour descendre dans la rue et se mettre urgemment en grève de solidarité et de soutien aux collègues palestiniens, qui vivent et meurent dans l'enfer de Gaza, et qui demandent désespérément ce soutien et cette solidarité ?
Pourtant, Tim Dawson, secrétaire général adjoint de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), avait deja déclaré il y a trois semaines, « je ne pense pas qu'il y ait jamais eu autant de journalistes tués dans un conflit, quel qu'il soit. Il y avait environ 1 000 journalistes à Gaza au début de ce conflit. Bien que les chiffres diffèrent légèrement quant au nombre exact de morts, si entre 7,5 et 10 % d'entre eux sont décédés, il s'agit d'un chiffre extraordinairement élevé ». Et la présidente de la Fédération internationale des journalistes (600 000 membres dans le monde), Dominique Pradalié, avait ajouté :« Sur les terrains de guerre, des exactions peuvent être commises contre des journalistes de façon ponctuelle. À Gaza, elles sont systématiques. » ». Quant au vice-président de la même Fédération internationale des journalistes, le Palestinien Nasser Abou Bakr, après avoir dénoncé que les journalistes travaillant à Gaza et dans les Territoires occupés sont "régulièrement menacés de mort et reçoivent des appels et messages anonymes ou de militaires sur WhatsApp”, il a conclu comme suit ; « Chaque jour, je communique avec mes confrères encore sur place, je leur demande comment ils vont. Ils me répondent une chose : nous sommes toujours vivants. Ils attendent de mourir et se demandent qui sera le prochain. Mais ils insistent pour continuer leur travail. S'ils arrêtent, qui racontera et documentera les crimes de masse et le nettoyage ethnique que subit notre peuple ? Israël veut tuer les journalistes, qui sont les témoins de ses crimes ».
Bien entendu, ce n'est pas un hasard si la plupart des journalistes menacés, blessés ou tués travaillent pour la chaîne d'Al Jazeera, car c'est précisément cette chaîne de télévision internationale qui est constamment dans le viseur d'Israël, qui tente à tout prix de la faire taire. Pourquoi ? Mais, parce qu'Al Jazeera est la seule chaîne qui fait correctement son travail : elle informe directement et généralement « en direct », couvrant tous les développements et événements du Moyen-Orient - et pas seulement du Moyen-Orient - et donnant la parole à toutes les parties, même les plus odieuses. Ayant suivi la chaîne anglophone d'Al Jazeera sans interruption au cours des trois derniers mois, nous pouvons confirmer que nous y avons vu défiler aussi bien des représentants du Hamas que des ministres et des généraux israéliens, aussi bien des Américains et autres partisans de M. Netanyahou que ceux qui soutiennent les Palestiniens. En d'autres termes, nous avons constaté qu'Al Jazeera fait exactement ce que la grande majorité des médias, y compris bien sûr ceux de nos pays « libéraux », refusent de faire. Quant aux calomnies qui sont traditionnellement lancées contre elle, même par de nombreux « progressistes », à savoir qu'Al Jazeera serait le porte-parole des « Frères musulmans » ou... du Hamas, ce sont des mensonges aussi grossiers que ceux qui prétendent qu'Israël bombarde et tue sans discernement non pas des civils palestiniens, mais des « terroristes du Hamas ». Après tout, il serait pour le moins paradoxal qu'Al Jazeera soit... islamiste, obscurantiste et réactionnaire alors qu'elle critique durement toute manifestation d'antisémitisme et qu'elle soutient et promeut sans réserve les mouvements progressistes et antiracistes du monde entier, y compris ceux des Juifs des États-Unis et d'ailleurs qui manifestent quotidiennement réclamant un cessez-le-feu immédiat…
C'est donc parce que ce sont ses journalistes qui font que Al Jazeera soit si unique et précieuse en ces temps de barbarie où l'information objective devient une denrée de plus en plus difficile à trouver, que leur incroyable souffrance nous émeut et nous bouleverse encore plus. En effet, ce n'est pas seulement que 110 journalistes ont déjà été tués par l'armée israélienne. C'est aussi que les membres de leur famille, de leurs grands-parents à leurs petits-enfants et à leurs bébés, sont également tués avec eux, aussi en toute priorité ! C'est ce qui s'est passé, entre bien d'autres, dans la tragédie personnelle du reporter en chef d'Al Jazeera à Gaza, Wael Al-Dahdouh, qui a perdu dans trois bombardements israéliens successifs sa femme, sa fille, son fils cadet et son petit-enfant, ainsi que huit autres membres de sa famille. Puis, son cameraman qui est mort exsangue, les soldats israéliens n'ayant pas permis à l'ambulance de l'atteindre - alors qu'il était lui-même blessé - et enfin, son fils aîné, journaliste lui aussi ! Inutile de dire qu'il n'y a pas de mots pour décrire les sentiments du téléspectateur lorsqu'il voit quelqu'un, et cela s'est produit à plusieurs reprises, interrompre un journaliste d'Al Jazeera alors qu'il parle en plein direct depuis les décombres des innombrables bombardements israéliens, pour lui chuchoter à l'oreille que des membres de sa famille viennent d'être tués. Et de voir ce journaliste se pétrifier, devenir tout pale et avoir les larmes aux yeux... tout en continuant de faire son reportage, parlant de la mort des autres !
C'est donc à ces journalistes qui sauvent l'honneur du journalisme mondial, que les syndicats des journalistes de nos pays doivent d'urgence et en actes montrer leur solidarité, non seulement parce qu'ils leur en sont redevables, mais aussi parce que le salut et même la vie de ces journalistes héroïques dépend de notre soutien. Cependant, ce n'est pas seulement nos syndicats des journalistes mais toute l'opposition progressiste et les gauches qui doivent justifier leur raison d'être en soutenant le peuple palestinien martyrisé non pas en paroles mais par des actes. Comme par exemple, en soutenant activement la plainte sud-africaine pour génocide contre Israël, qui a commencé à être discutée à la Cour internationale de justice de La Haye. De quelle manière ? En mobilisant dans les rues et en faisant pression dans les Parlements sur leurs gouvernements pour qu'ils s'associent ou pour le moins soutiennent la plainte de l'Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice. Hic Rhodus, hic salta...
Yorgos Mitralias
Note
1. https://www.cadtm.org/Quand-Netanyahou-nous-accoutume-a-un-monde-inhumain-sans-droit-ni-regles-ou
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« Migration volontaire ou nettoyage ethnique » ?

Mouin Rabbani parle du plan d'Israël pour expulser les résidents.es de Gaza
Democracy Now, 3 janvier 2024
Traduction, Alexandra Cyr
Introduction : Mouin Rabbani, analyste politique néerlandais d'origine palestinienne soutien qu'Israël se sert de l'attaque du Hamas du 7 octobre dernier comme prétexte pour mettre en œuvre « sa vieille ambition » de sortir les Palestiniens.nes de Gaza. Il souligne que des hauts fonctionnaires israéliens ont commencé à proposer des déplacements de masse de civils.es vers l'Égypte et d'autres pays, presque aussitôt que la guerre ait commencé. Cela est en concordance avec les politiques sionistes datant d'avant la fondation d'Israël. Selon M. Rabbani, « le nettoyage ethnique, ou ce que les sionistes nomment les transferts est intrinsèque au Sionisme et fait partie des politiques israéliennes depuis ses tout débuts ».
M. Rabbani est adjoint rédacteur en chef de Jadaliyya et anime la balado diffusion sur Connections. Son dernier article est intitulé « The Long History of Zionist Proposals to Ethnically Cleanse the Gaza Strip ». Il a été publié par Mondoweiss.
Amy Goodman : Mouin Rabbani, en lien avec votre dernier article, les journaux israéliens rapportent que le Premier ministre, B. Netanyahu aurait déclaré à un groupe d'élus.es : « Pour ce qui est de l'immigration volontaire, (…) c'est vers cela que nous nous dirigeons ». Le ministre de la sécurité nationale, Itamar Ber Gvir, qui en passant a été trouvé coupable de terrorisme, a tenu des propos semblables : « L'encouragement à l'immigration est une solution que nous devons mettre de l'avant. C'est la solution correcte, juste, morale et humaine. J'ai souligné au Premier ministre et au nouveau ministre des affaires étrangères, que je félicite pour sa nomination, que le temps était venu de coordonner un projet de migration, un projet pour encourager les résidents.es de Gaza à immigrer ailleurs dans le monde. Soyons clairs, nous avons des partenaires dans le monde que nous pouvons appeler à l'aide. Il y a des gens dans le monde avec qui nous pouvons discuter de cette idée. Encourager l'émigration va nous permettre de ramener chez eux, les résidents.es des communautés près de Gaza et ceux et celles de la colonie de Gush Katif ».
A.G. : (…) Mardi, le Département d'État américain a émis un communiqué où il déclare être en désaccord avec les commentaires de M. Ben-Gvir et ceux de Bezalel Smotrich. Le Times de Londres, rapporte que des hauts fonctionnaires ont eu des échanges secrets avec la République démocratique du Congo et plusieurs autres pays sur la possibilité qu'ils acceptent des Paliestiniens.nes de Gaza sur leur territoire. Pouvez-vous nous parler de cette histoire, M. Rabbani ? Et aussi, que veulent-ils dire quand ils parlent « d'immigration volontaire » à Gaza. Parlez-nous aussi des pressions que subit l'Égypte pour qu'elle ouvre sa frontière aux habitants.es de Gaza.
Mouin Rabbani : Oui. Maintenant, l'immigration volontaire est présentée comme une émigration humanitaire. Autrement dit, nous faisons une faveur à ces gens en procédant au nettoyage ethnique à leur égard.
Je pense que le problème est aussi que beaucoup de gens associent le nettoyage ethnique des Palestiniens.nes avec l'extrême droite israélienne, les gens comme Ben-Gvir, Smotrich, Netanyahu et ainsi de suite. Mais ce que je voulais démontrer dans mon article qui est maintenant accessible sur Twitter et que j'ai publié plus tard sur Mondoweiss, c'est que le nettoyage ethnique, ou ce que les Sionistes nomment transferts, est intrinsèque au Sionismes et plus tard dans les politiques israéliennes envers les Palestiniens.nes et ce depuis les tout débuts.
Aussitôt qu'en 1895, Theodor Herzl, le fondateur du mouvement sioniste contemporain, a écrit : « organisons (l'envoie) de ces pauvres hors des frontières » et trouvons-leur du travail dans d'autres pays. Durant la période qui s'étend entre le mandat britannique et la fondation de l'État d'Israël en 1948, le mouvement sioniste a mis en place un comité des transferts équipé de termes de références très clairs ; il devait s'assurer que les expulsés.es ne pourraient jamais retourner en Palestine et pour cela il fallait détruire leurs villages et d'autres propositions de la sorte. La population de Gaza est composée aux trois quarts de Palestiniens.nes victimes de nettoyage ethnique en 1948. Depuis 1950, elle a aussi été la cible par Israël d'une réduction de sa population parce qu'il ne veut pas de tous ces réfugiés et toutes ces réfugiées à portée de vue pour ainsi dire de leurs anciennes demeures à sa frontière. Il y a eu un grand nombre de proposition et d'initiatives au fil des années pour atteindre ce but. À la fin des années 1960, un projet proposait d'évacuer 60,000 habitants.es de la bande Gaza vers le Paraguay. Mais, en contrepartie le Mossad a découvert qu'il n'avait plus les moyens de poursuivre sa chasse aux Nazis réfugiés dans ce pays avec la protection du régime Stroessner. (Le projet est donc tombé à l'eau).
Je voulais vraiment vous démontrer que la politique la plus récente proposée par la frange la plus extrême de la politique israélienne, n'est pas exceptionnelle ; cela fait partie intrinsèque du Sionisme et des politiques israéliennes depuis les tout débuts.
A.G. : À la fin de votre article vous écrivez : « Malgré son importance la Nakba de 1948 n'a pas défait les Palestiniens.nes. Leur lutte s'est poursuivie depuis les camps de réfugiés.es, ceux de Gaza en première ligne. Il faudrait un niveau de stupidité à la Blinken pour penser que l'expulsion des Palestiniens.nes de Gaza produirait un autre résultat ». Parlez-nous de l'objectif de Netanyahu d'extirper le Hamas de Gaza. Qu'est-ce que cela veut dire au juste ? Quels sont les effets des victimes à ce point-ci soit plus de 22,000 personnes décédées ?
M.R. : Cela me ramène à la deuxième partie de votre précédente question à laquelle je n'ai pas répondu et qui porte sur les retombées de la présente guerre. Israël s'est rendu compte qu'il avait ainsi atteint au soutient inconditionnel des Occidentaux, des États-Unis et d'Europe en reprenant la vieille ambition de nettoyer la Bande Gaza de ses habitants.es palestiniens.nes.
Dès le 7 octobre, cette proposition a été mises de l'avant : déménager la population de Gaza vers le désert du Sinaï en Égypte. Cette idée a été endossée avec enthousiasme par le Secrétaire d'État américain, A. Blinken. Lors de sa première visite dans la région il a tenté de la faire adopter par les alliés arabes des États-Unis. Je pense qu'il devient une poule sans tête quand il s'agit du Proche Orient. Je pense qu'il s'attendait à entendre les alliés arabes des américains lui dire : « Comment pouvons-nous vous aider à aider vos amis israéliens » ? Au lieu de quoi il s'est frappé à un refus catégorique d'abord et avant tout de la part de l'Égypte.
Par la suite, les gouvernements américains et européens ont pris position contre les expulsions forcées de la Bande de Gaza ce qui a permis ce que nous voyons en ce moment : une campagne militaire israélienne dont le premier objectif est de rendre cet espace invivable et donc d'encourager les déplacements volontaires ou ce qu'ils nomment maintenant, humanitaires ; l'émigration pour accomplir le nettoyage ethnique. Je crois que ce que nous voyons en ce moment c'est un génocide. D'ailleurs le Tribunal international de justice de La Haie en jugera suite à la plainte de l'Afrique du sud en vue de l'application de la Convention contre les génocides. Et la Bande de Gaza est devenue inhabitable.
A.G. : Mouin Rabbani, nous devons nous arrêter ici. Je vous remercie.
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La machine sioniste de destruction massive menace le Liban à la suite de Gaza

Il y a deux semaines, nous estimions, à la lumière des éléments disponibles, que les forces d'occupation israéliennes cesseraient leur campagne intensive de bombardement ravageur au début de cette nouvelle année, pour passer à une « guerre de basse intensité » dont l'objectif serait de resserrer le contrôle sur la majeure partie du territoire de la bande de Gaza tombée sous leur emprise, d'éradiquer ce qui y resterait de résistance et de détruire le réseau de tunnels qui subsiste sous son sol (voir « Où va la guerre d'Israël contre Gaza ? », 20/12/2023). Lundi dernier, au premier jour de cette nouvelle année, le porte-parole officiel de l'armée d'occupation a annoncé le retrait de Gaza de cinq brigades, composées essentiellement de réservistes, dans ce qui a été interprété par les observateurs comme un premier pas vers le passage à une « guerre de basse intensité », comme l'ont promis les dirigeants israéliens à leurs soutiens extérieurs, les États-Unis au premier chef.
Tiré de Inprecor no 716 Janvier 2024
7 janvier 2024
Par Gilbert Achcar
La vérité est que, pour des raisons à la fois humaines et économiques, l'État sioniste ne peut pas continuer longtemps à mener une guerre de la même intensité que celle qu'il mène depuis le « Déluge d'Al-Aqsa ». En effet, Israël est un pays relativement petit, avec une population juive d'un peu plus de sept millions d'habitants, dont un million et demi d'hommes en âge de servir dans les forces armées (auxquels s'ajoutent un million et demi de femmes qui n'ont pas encore été engagées dans la guerre). Il ne peut pas continuer à mobiliser approximativement un demi-million de réservistes pendant une longue période, car cela constitue une lourde charge humaine sur le plan social et encore plus lourde sur le plan économique.
Jusqu'à la fin de l'année dernière, c'est-à-dire en moins de trois mois, la guerre a coûté environ 20 milliards de dollars, selon ce qu'a déclaré un ancien vice-gouverneur de la Banque centrale israélienne au Washington Post, soit un coût avoisinant le quart de milliard de dollars par jour, ce qui est énorme pour l'économie du pays. Le gouvernement sioniste estime que le coût total de la guerre, dont le Premier ministre Benjamin Netanyahu a confirmé samedi dernier qu'elle durerait au moins un an, sera d'environ 50 milliards de dollars (soit environ un dixième du PIB d'Israël). Netanyahou et ses alliés de l'extrême droite sioniste d'autant plus déterminés à poursuivre la guerre à moindre intensité tout au long de cette nouvelle année qu'ils misent sur la victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle américaine de l'automne prochain. Ils sont convaincus que Trump leur donnerait le feu vert pour qu'ils achèvent la « seconde Nakba » en s'emparant définitivement de la bande de Gaza et en l'annexant. Tout en comptant sur le financement américain pour atténuer l'impact de la guerre sur leur économie, ils doivent en réduire le coût afin de pouvoir la poursuivre au cours des prochains mois comme ils l'entendent.
En même temps, cependant, le gouvernement sioniste planifie une deuxième campagne intensive de bombardement qui commencerait après que l'intensité des bombardements sur Gaza aura été réduite. Aux tout premiers jours de la nouvelle offensive israélienne, des rapports indiquaient que le ministre de la « Défense » sioniste, l'ancien général de division Yoav Gallant, membre du Likoud et rival de Netanyahou, avait souhaité qu'Israël attaque le Hezbollah au Liban en même temps que le Hamas à Gaza. Gallant est connu pour être un défenseur de la doctrine connue sous le nom de Dahiya [banlieue, en référence à la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah], appliquée pour la première fois lors de l'assaut israélien sur le Liban en 2006. Cette stratégie militaire consiste à riposter à quiconque menacerait la sécurité d'Israël d'une façon si radicale et si destructrice qu'elle constituerait une forte dissuasion. En tant que chef du commandement sud entre 2005 et 2010, Gallant a supervisé l'application de cette doctrine lors de l'attaque meurtrière de trois semaines contre Gaza à partir de la fin de l'année 2008.
L'été dernier, le ministre de la « Défense » sioniste menaçait de ramener le Liban à « l'âge de pierre ». C'était après avoir inspecté la zone des fermes de Chebaa, à la frontière libanaise, et y avoir aperçu une tente installée par le Hezbollah. Gallant avait alors déclaré : « Je mets en garde le Hezbollah et Nasrallah de ne pas commettre d'erreurs. Vous avez commis des erreurs dans le passé et vous avez payé un prix très élevé. Si, à Dieu ne plaise, une escalade ou une confrontation se produisait ici, nous ramènerons le Liban à l'âge de pierre ». Il avait poursuivi en répétant : « Je mets en garde le Hezbollah et son chef : ne faites pas d'erreur. Nous n'hésiterons pas à utiliser toute notre puissance et à détruire chaque mètre appartenant au Hezbollah et au Liban s'il le faut ». Il avait ajouté : « Lorsqu'il s'agit de la sécurité d'Israël, nous sommes tous unis ». Ces derniers mots répondaient à l'affirmation par le chef du Hezbollah qu'Israël était affaibli par sa crise politique.
La probabilité d'une nouvelle agression massive de l'État sioniste contre le Liban est donc devenue très forte. Le gouvernement israélien met le Hezbollah devant un dilemme en exigeant de lui qu'il retire ses forces militaires au nord du fleuve Litani, à quelque 10 km au nord de la frontière libanaise. S'il s'exécutait, le Hezbollah perdrait la face, tandis que s'il refusait d'obtempérer, il porterait la responsabilité d'une nouvelle agression dévastatrice contre le Liban, en particulier contre les zones où il est déployé. L'intervention limitée du Hezbollah dans le sillage du « Déluge d'Al-Aqsa » a donc eu un effet pervers, car le parti a manqué l'occasion de forcer Israël à s'engager dans une guerre intensive sur deux fronts, tandis qu'Israël menace aujourd'hui de se lancer dans un bombardement intensif du Liban, en le distinguant à son tour après avoir achevé son bombardement intensif de la bande de Gaza.
Traduit en français à partir de la traduction anglaise, faite par l'auteur sur son blog, de l'original arabe publié dans Al-Quds al-Arabi le 2 janvier 2024. Cet article a été écrit avant l'assassinat par Israël d'un haut dirigeant du Hamas à Beyrouth.
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Se moquer des Palestiniens et ridiculiser l’accusation de génocide portée contre Israël par l’Afrique du Sud

Aujourd'hui, 11 janvier, l'Afrique du Sud présente ses preuves à la Cour internationale de justice, accusant formellement Israël de commettre un génocide et demandant des mesures provisoires pour mettre fin à son attaque contre Gaza. (Pour lire le document complet présentant les preuves, allez ici https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/192/192-20231228-app-01-00-en.pdf)
Ovide Bastien, professeur retraité du Collège Dawson
photo Serge d'Ignascio
Compte tenu de la tragédie humaine qui se déroule à Gaza depuis trois mois, cela est peu étonnant : 23, 357 Gazaouis tués, dont 9 600 enfants, 6 750 femmes, 100 médecins et 111 journalistes ; 8 000 portées disparus ; 59 410 blessés ; 70% de l'infrastructure détruite, dont 92 écoles et universités, 115 mosquées, 3 églises, et 350 000 maisons ; 23 hôpitaux et 53 centres médicaux rendus inopérants et parfois la cible d'attaques ; 103 ambulances prises pour cible, dont une le 10 janvier où quatre médecins et deux autres personnes à l'intérieur du véhicule furent tués ; 146 membres du personnel de l'ONU tués, soit le plus grand nombre dans un conflit depuis la création de l'ONU ; 1,9 millions de personnes - soit 85% de la population - obligées de se déplacer, parfois à plusieurs reprises, et maintenant confrontées à famine et épidémie, à cause du peu d'aide humanitaire permise par Israël à Gaza,...
Pourtant, certains se permettent encore, en plein génocide, de se moquer de la cause palestinienne ou de ridiculiser le geste courageux et tellement nécessaire que pose aujourd'hui l'Afrique du Sud.
« Il est certes injuste qu'une seule famille arabe soit obligée de se déplacer lors de la création d'Israël, » affirme dans son monologue le très populaire humoriste et commentateur politique étatsunien Bill Maher. « Oui, c'est vrai. Mais de tels déplacements dans l'histoire ne sont pas rares, ».
« Et personne ne sait mieux que les Juifs ce que signifie se voir expulser d'une terre.
« Les Juifs ont notamment été chassés de presque tous les pays arabes dans lesquels ils vivaient autrefois. Oui, fans de TikTok, le nettoyage ethnique se produit dans les deux sens (rires chez son auditoire). »
« Tout le monde cependant finit par trouver un compromis... Sauf, bien sûr, les Palestiniens. (...) Arafat s'est vu offrir 90 % de la Cisjordanie et a dit non. On devrait rappeler aux Palestiniens que leurs dirigeants et les idiots qui leur servent d'alliés sur nos campus ne leur font aucune faveur en entretenant le mythe Du fleuve à la mer. »
« Où pensez-vous qu'Israël va déménager ? Tenez-vous bien chers amis... nulle part ! (fort applaudissent chez son auditoire). »1
Lorsque je visionne sur YouTube ce monologue de Maher, remontent en moi colère et indignation. Et celles-ci ne font qu'augmenter lorsque, en plein milieu du monologue, apparaît soudainement une courte publicité ciblée - évidemment payée par Israël qui, depuis le 7 octobre, inonde de publicité les réseaux sociaux - où on voit le président de ce pays, Isaac Herzog, qualifier les Palestiniens d'animaux atroces :
« Nous sommes ici à Zaka afin de réaliser une œuvre sacrée, » affirme Herzog lors d'une cérémonie funéraire de soldats israéliens tués à Gaza. « Celle d'offrir à un être humain la dernière dignité. Ce que nos ennemis, ces animaux atroces, ont perdu de vue. Nous sommes ici pour montrer que nous sommes des êtres humains. Et, à ce titre, nous honorons le corps et l'âme de chacun de ceux que nous avons perdus. Nous les quittons et les accompagnons dans la dignité... »
Lorsque Norman Finkelstein, auteur de Gaza : An Inquest into its Martyrdom (2018), visionne ce même monologue de Maher, il réagit comme moi : incrédulité, indignation, et colère. Un Juif, dont la famille a été victime de l'Holocauste, Finkelstein a passé plus de quarante ans à enquêter sur le sionisme et la question palestinienne.
« Dans son humour de fort mauvais goût, surtout en plein génocide, Maher fait preuve d'une ignorance crasse, affirme Finkelstein.
« Dès sa création, le projet sioniste implique l'expulsion du peuple palestinien. J'en sais quelque chose, car mon doctorat portait précisément sur le sionisme. L'idée sioniste, « une terre sans peuple pour un peuple sans terre » n'est qu'une simple rationalisation pour justifier l'injustifiable. La Palestine n'était pas un territoire inhabité et les Palestiniens savaient que le projet sioniste les réduirait, au mieux à un statut de citoyens de seconde zone dans leur propre lieu de naissance, ou au pire aboutirait à leur expulsion. Les sionistes n'appelaient pas cela une dislocation mais un transfert. (...) C'est ainsi que 90 % de la population palestinienne, dans ce qui devenait en 1948 Israël, fut expulsée.
« Et, contrairement à ce qu'avance Maher dans son ignorance incommensurable, les Palestiniens ont fait de grands compromis, et cela depuis longtemps, poursuit Finkelstein. Dès 1976, l'Organisation pour la libération de la Palestine (OLP) soutenait la solution des deux États sur la base de la frontière de 1967. Elle soutenait le compromis. Elle avait renoncé à 80 % de la Palestine, le territoire qui est devenu Israël. Elle avait accepté d'avoir un État comprenant uniquement la bande de Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est.
« La question du retour des réfugiés palestiniens dans leur patrie restait, il est vrai, une zone grise. Cependant, même sur ce point, les représentants palestiniens avaient accepté de faire des compromis drastiques et colossaux.
« Les faits montrent clairement que les Palestiniens avaient déjà renoncé à l'idée d'un État unique Du fleuve à la mer.
« Cependant, Israël était tellement terrifié par l'idée d'un accord de paix impliquant l'abandon de Gaza et de la Cisjordanie, et qui serait évidemment soutenu par la communauté internationale, qu'elle inventait, en 1982, une excuse pour envahir le Liban. Pourquoi ? Parce que c'est là que se trouvait alors l'OLP. Israël voulait détruire l'OLP, non pas parce qu'elle était trop radicale, mais parce qu'elle était trop modérée.
« Au cours de cette guerre, rappelle Finkelstein, Israël a tué entre 15 000 et 20 000 Palestiniens et Libanais, dont la plupart étaient des civils. En fait, ce n'est qu'aujourd'hui, lors de la guerre de Gaza, que le nombre de victimes palestiniennes a dépassé celui de la guerre du Liban. »2
*************
Lorsque l'Afrique du Sud, qui elle aussi a longtemps souffert, comme le peuple palestinien, d'un système d'apartheid, dépose le 29 décembre dernier sa requête auprès de la Cour internationale de justice, accusant Israël de commettre un génocide, les Etats-Unis réagissent en cherchant à ridiculiser cette accusation.
Requête « sans fondement, contre-productive et totalement dénuée de toute base factuelle », déclare le porte-parole du Conseil national de sécurité des États-Unis, John Kirby.
Requête sans fondement (meritless), répète le Secrétaire d'État Antony Blinken, lors de sa visite en Israël le 10 janvier, se contentant d'affirmer qu'il y a beaucoup trop de civils tués à Gaza.
Sans fondement et dénuée de toute base factuelle ?
Quelle hypocrisie, on ne peut plus consommée, de la part d'un pays qui, depuis de nombreuses années, offre à Israël, dans sa longue histoire d'oppression des Palestiniens, un appui – politique, diplomatique, et, aussi et surtout, financier, en raison de presque 4 milliards par année ! Et qui connaît parfaitement bien les nombreuses déclarations, à la suite de l'attaque du Hamas le 7 octobre, de hauts placés en Israël, incluant du premier ministre Benjamin Netanyahou, où on qualifie les Palestiniens « d'animaux », où on affirme vouloir couper eau, nourriture, combustible, et biens médicaux à Gaza, où on exprime vouloir raser tout simplement Gaza, etc.
Quelle hypocrisie, de la part d'un pays, qui, comme chacun de nous, voit quotidiennement à la télévision le véritable carnage qui s'effectue à Gaza. Et aussi en Cisjordanie, où, dans la seule année 2023 mais surtout depuis le 7 octobre, des colons juifs appuyés par l'armée israélienne tuent – 483 – et blessent -1,769 - impunément des Palestiniens, accaparant souvent leurs terres et démolissant avec des bulldozers leurs maisons et même leurs routes ; où, depuis le 7 octobre, les militaires israéliens opèrent quotidiennement des raids, détenant et emprisonnant, sans possibilité de procès, de milliers de Palestiniens, souvent des adolescents.
Quelle hypocrisie de la part d'un pays qui se contente, jour après jour, de prier Israël de modérer son ardeur à tuer des civils et détruire massivement de l'infrastructure, et de permettre davantage d'aide humanitaire à Gaza. Du bout des lèvres, bien sûr... tout en continuant à faire parvenir régulièrement armes et munitions à Israël qui poursuit sans relâche sa répression brutale ! Tout en continuant à voter contre les motions de cessez-le-feu qu'adoptent dans l'Assemblée générale de l'ONU une écrasante majorité de pays ; tout en continuant à imposer son véto aux motions de cessez-le-feu qu'adoptent au Conseil de sécurité de l'ONU une écrasante majorité de ses membres !
Il n'est pourtant pas nécessaire d'avoir un doctorat pour comprendre qu'un simple appel téléphonique de Joe Biden à Benjamin Netannyahou suffirait pour mettre fin à cette guerre.
*************
La souffrance et l'oppression du peuple palestinien durent depuis plus de cent ans.3
Au début du vingtième siècle, alors que l'Angleterre gère la Palestine comme colonie, son ministre des Affaires extérieures, Arthur James Balfour, affirme clairement, en 1917, son approbation du projet sioniste dans ce territoire occupé. Les grandes puissances, affirme Balfour, se sont engagées en faveur du sionisme. Et celui-ci, « qu'il soit juste ou faux, bon ou mauvais, est enraciné dans des traditions séculaires, des besoins présents, et des espoirs futurs qui ont beaucoup plus d'importance que les désirs et préjugés des 700 000 Arabes qui habitent présentement cette ancienne terre. » Il n'est donc aucunement nécessaire, poursuit Balfour, « de consulter les habitants actuels du pays pour voir ce qu'ils veulent. »
En 1922, la nouvelle Société des Nations publie son Mandat pour la Palestine, qui officialise la gestion du pays par la Grande-Bretagne. Ce mandat non seulement reproduit mot pour mot le texte de la déclaration de Balfour de 1917, mais il va encore plus loin dans son appui du projet sioniste.
Dans le troisième paragraphe du préambule du mandat, seul le peuple juif est décrit comme ayant un lien historique avec la Palestine. Pas la population palestinienne qui est carrément majoritaire. Aux yeux des rédacteurs, l'ensemble de l'environnement du pays construit pendant deux mille ans, avec ses villages, sanctuaires, châteaux, mosquées, églises et monuments datant des périodes ottomane, mamelouke, ayyoubide, croisée, abbasside, omeyyade, byzantine et antérieures, n'appartient à aucun peuple, ou seulement à des groupes religieux amorphes. Il y a des gens, certes, mais ceux-ci n'ont pas d'histoire ou d'existence collective, et on peut donc les ignorer.
Dans tous les articles du mandat, on ne se réfère jamais aux Palestiniens en tant que peuple jouissant de droits nationaux ou politiques. Comme dans la déclaration Balfour, les mots "arabe" et "palestinien" n'apparaissent pas, et les seules protections envisagées pour la grande majorité des gens qui habitent déjà cette région concernent les droits personnels et religieux et la préservation du statu quo sur les sites sacrés.
L'article 7 du mandat prévoit une loi sur la nationalité pour faciliter l'acquisition de la citoyenneté palestinienne par les Juifs. Cette loi sera par la suite utilisée pour refuser la nationalité aux Palestiniens qui avaient émigré aux Amériques pendant l'ère ottomane et qui souhaitaient maintenant retourner dans leur patrie.
Ainsi, les immigrants juifs, quelle que soit leur origine, peuvent acquérir la nationalité palestinienne, alors que les Arabes palestiniens de souche qui se trouvent à l'étranger au moment de la prise de pouvoir par les Britanniques se la voient refuser.
En entraînant un afflux de colons juifs étrangers dont la mission est de s'emparer de la Palestine, le mandat rend la colonisation de la Palestine différente de celle de la plupart des autres peuples colonisés à cette époque. Au cours des années cruciales allant de 1917 à 1939, l'immigration juive imposée par le mandat se poursuit à un rythme soutenu. Les colonies établies par le mouvement sioniste le long de la côte palestinienne et dans d'autres régions fertiles et stratégiques servent à assurer le contrôle d'un tremplin territorial pour la domination (et finalement la conquête) du pays, une fois que l'équilibre démographique, économique et militaire a suffisamment basculé en faveur du peuple juif.
Il est peu étonnant que le mécontentement populaire à l'égard du soutien britannique aux aspirations sionistes se soit traduit par des manifestations, des grèves et des émeutes, avec une flambée de violence notamment en 1920, 1921 et 1929, chaque épisode étant plus intense que le précédent. Dans tous les cas, il s'agit d'éruptions spontanées, souvent provoquées par des groupes sionistes en train de montrer leurs muscles.
Les Britanniques n'hésitent pas à réprimer brutalement et avec la même sévérité les Palestiniens, que leurs manifestations soient pacifiques ou pas. En plus, ils enseignent aux Juifs colons leurs techniques de répression, leur fournissant un entrainement militaire intensif ainsi qu'une quantité considérable d'armes.
Grâce à l'aide britannique, les colons juifs qui arrivent en Palestine réussissent à construire la structure autonome d'un para-État sioniste. En outre, un secteur distinct de l'économie contrôlé par les Juifs est créé grâce à l'exclusion de la main-d'œuvre arabe des entreprises appartenant à des Juifs, sous le slogan "Avoda ivrit" (travail en hébreu), et à l'injection de capitaux véritablement massifs en provenance de l'étranger.
Au milieu des années 1930, bien que les Juifs constituent toujours une minorité de la population, leur secteur économique, largement autonome, est déjà plus important que celui appartenant aux Palestiniens.
La vague massive d'immigration juive provenant des persécutions du régime nazi en Allemagne fait passer la population juive en Palestine de 18 % du total en 1932 à plus de 31 % en 1939.
En 1936, le peuple palestinien se révolte massivement contre la domination britannique et son appui au projet sioniste. Cette révolte, qui durera jusqu'en 1939, est réprimée de façon brutale. L'Empire britannique fait intervenir une centaine de milliers de ses soldats, des escadrons de bombardiers, et tout l'attirail de répression qu'il a perfectionné au cours de plusieurs décennies de guerres coloniales. Les raffinements d'insensibilité et de cruauté mis en œuvre vont bien au-delà des exécutions sommaires. Pour la possession d'une seule balle, Shaykh Farhan al-Sa'di, un chef rebelle âgé de quatre-vingt-un ans, est mis à mort en 1937. En vertu de la loi martiale en vigueur à l'époque, cette seule balle est suffisante pour mériter la peine capitale, en particulier pour un guérillero accompli comme al-Sa'di. Plus d'une centaine de sentences d'exécution sont prononcées à l'issue de procès sommaires devant des tribunaux militaires, et de nombreux autres Palestiniens sont exécutés sur place par les troupes britanniques.
Lorsque les rebelles palestiniens tendent des embuscades à leurs convois et font exploser leurs trains, les Britanniques, furieux, attachent les prisonniers palestiniens à l'avant des véhicules blindés et des locomotives pour empêcher les attaques des rebelles, une tactique qu'ils avaient inaugurée dans un effort futile pour écraser la résistance des Irlandais pendant leur guerre d'indépendance de 1919 à 1921.
Les Britanniques démolissent des maisons des rebelles emprisonnés ou exécutés, ou des rebelles présumés ou de leurs parents ; ils détiennent de milliers de Palestiniens sans procès, et forcent à l'exil les dirigeants les plus importants.
Des tactiques que, malheureusement, leurs disciples militaires israéliens continuent à utiliser jusqu'à ce jour.
Bilan de cette grande répression britannique de 1936 à 1939 : de 14 à 17 % de la population palestinienne adulte masculine est tuée, blessée, emprisonnée ou exilée.
Notes
1. Norman Finkelstein Shreds Bill Mayer's Israel Defense, Breaking Points, publié sur YouTube le 22 décembre, 2023. Consulté le 3 janvier 2024.
2. Je me suis permis une certaine liberté en reproduisant et traduisant ces paroles de Norman Finkelstein. Je suis convaincu, cependant, que je reflète bien sa pensée. Lectrices et lecteurs pourront le vérifier en visionnant eux-mêmes, ici, ce que dit Finkelstein.
3. L'information dans cette section, et parfois des paragraphes entiers, proviennent presqu'exclusivement du livre de Rashid Khalidi, The Hundred Years' War on Palestine Henry, Holt and Company, 2020.
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L’Afrique du Sud amorce demain son plaidoyer à la Cour internationale de la Haye contre Israël sur le génocide à Gaza

Appel d'une nouvelle Coalition internationale pour mettre fin au génocide en Palestine (ICSGP) à appuyer l'action de l'Afrique du Sud
Tiré du Journal des Alternatives
Journal des Alternatives - Plateforme altermondialiste ,
États-Unis — La toute nouvelle Coalition internationale pour mettre fin au génocide en Palestine (ICSGP) a publié une lettre de soutien, qui en moins d'une semaine a été signée par plus de 800 organisations à travers le monde.
Outre les organisations initiatrices mentionnées ici, les organisations signataires représentent de vastes mouvements sociaux, notamment la Marche mondiale des femmes et l'Assemblée internationale des peuples, des mouvements dirigés par des Palestiniens et des mouvements de solidarité avec la Palestine, tels que la Fédération générale palestinienne des syndicats et le Réseau des ONG palestiniennes, ainsi que des groupes de défense des droits de l'homme et des groupes juridiques, des syndicats et des organisations religieuses de toutes les confessions.
« Il est important pour La Via Campesina (LVC) de soutenir l'initiative sud-africaine. Ce qui se passe en Palestine est une atrocité. En particulier, l'utilisation de la famine comme arme de guerre fait partie d'une stratégie de génocide que nous devons dénoncer. L'expulsion des populations paysannes et l'accaparement des terres à Gaza et en Cisjordanie font également partie d'une stratégie de nettoyage ethnique », a déclaré Morgan Ody, de la Confédération paysanne (France) et coordinatrice générale de LVC International.
La lettre de la coalition exhorte toutes les organisations signataires à « faire pression sur leurs gouvernements pour qu'ils déposent immédiatement une déclaration d'intervention en soutien à la plainte déposée par l'Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de justice afin de faire cesser les massacres dans les territoires palestiniens occupés ».
Jusqu'à présent, la Malaisie et la Turquie, ainsi que l'Organisation de la coopération islamique, qui représente 57 pays membres sur quatre continents, ont soutenu publiquement la plainte de l'Afrique du Sud. La Jordanie signale qu'elle a l'intention de franchir une étape plus importante sur le plan juridique en soumettant une déclaration d'intervention. Les membres de l'ICGSP travaillent en étroite collaboration avec un certain nombre d'autres pays qui sont en train de faire de même.
« La plainte déposée par l'Afrique du Sud devant la Cour internationale de Justice (CIJ) marque un tournant décisif qui met à l'épreuve la volonté mondiale de sauver les lois et les systèmes qui ont été conçus pour sauvegarder non seulement les droits de l'homme, mais aussi l'humanité elle-même » souligne l'avocate Américaine d'origine palestinienne Lamis Deek, cofondatrice de l'Alliance juridique mondiale pour la Palestine et de la Commission PAL sur les crimes de guerre.
Elle ajoute « Le génocide est le crime le plus élevé et aucun n'a été aussi publiquement documenté que le génocide israélien en Palestine. La sincérité de l'engagement des États à l'égard des principes des conventions de Genève et du génocide est désormais soumise à un examen approfondi. » Le moins que les États puissent faire est de soumettre des déclarations, afin de garantir à leur population — et à l'humanité — qu'ils n'ont pas perdu leur sens moral et qu'ils n'ont pas abdiqué leurs obligations en vertu du droit international.
Malgré les preuves évidentes des actes génocidaires commis quotidiennement par les forces israéliennes d'occupation, l'État d'Israël sollicite activement les pays pour qu'ils nient ses atrocités et dénoncent la plainte de l'Afrique du Sud. À l'heure actuelle, les États-Unis, l'un des principaux soutiens de l'État israélien qui a opposé son veto à trois résolutions appelant à un cessez-le-feu au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, sont les seuls à nier qu'Israël commet un génocide.
Edith Ballantyne, ancienne secrétaire générale et présidente internationale de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, met en garde : « J'écris sur la base de mon expérience personnelle de plus de dix décennies, au cours desquelles j'ai traversé deux guerres mondiales et survécu au fascisme, avec la conviction absolue que la base du conflit doit être résolue de manière légale, politique et non violente comme seul moyen de parvenir à une paix permanente dont les peuples du monde ont désespérément besoin et qui est nécessaire à la survie de notre planète ». Elle ajoute : « La guerre génocidaire que le gouvernement israélien mène dans les territoires palestiniens occupés contre le peuple palestinien doit être arrêtée. J'invite tous les citoyens à demander à leurs gouvernements de respecter les principes de la Charte des Nations unies et du droit international, y compris les droits de l'homme et le droit humanitaire. »
Pour télécharger le texte de la lettre cliquez ici.
Pour accéder à la liste actualisée des signataires, cliquez ici.
La Cour internationale de Justice entendra l'affaire de l'Afrique du Sud contre l'État israélien les 11 et 12 janvier 2024
Les audiences seront diffusées en direct et en différé (VOD), dans les deux langues officielles de la Cour, le français et l'anglais, sur le site Internet de la Cour, ainsi que sur UN Web TV. Des extraits vidéo haute résolution et des photographies réalisées par le Greffe pendant les audiences seront mis à disposition gratuitement et libres de droit pour un usage éditorial (hors usage commercial) sur le site Internet (téléchargement disponible dans la rubrique Multimédia) et le compte X (anciennement Twitter) de la Cour (@CIJ_ICJ).
Appel à l'action les 11 et 12 janvier
L'ICSGP appelle les organisations qui soutiennent la lettre à se joindre à des actions de soutien à La Haye pendant l'audience et à organiser des rassemblements locaux et des veillées, y compris des expressions de gratitude et de solidarité aux ambassades d'Afrique du Sud, cette semaine.
De plus, elle invite toutes les organisations et les personnes à participer à une Intifada numérique mondiale sur les media sociaux X (Twitter), Instagram, Facebook, Tiktok et d'autres plateformes. Il faut partager des vidéos, des photos, des images et déclarations et d'autres formes de preuves et de témoignages qui prouvent qu'Israël a commis et continue de commettre le crime de génocide contre la population palestinienne de Gaza.
Pour nous assurer que le hashtag #EndIsraelsGenocide devient virale, nous devons publier en utilisant les mêmes hashtags à la même heure du jour. La campagne durera 2 heures et commencera en même temps que les audiences : Plaidoirie de l'Afrique du Sud : jeudi 11 janvier de 10 h à 12 h. Plaidoirie d'Israël : vendredi 12 janvier : de 10 h à 12 h. (Québec 04 h à 06 h)
Communiqué de la Cour internationale de Justice, 3 janvier 2024
Document de la Cour sur les procédures
À propos de la Coalition internationale pour mettre fin au génocide en Palestine (ICSGP)
Le 30 décembre, des personnes représentant d'un groupe d'organisations, y comprenant entre autres Black Alliance for Peace, l'Internationale progressiste, International Association of Democratic Lawyers, Réseau de solidarité avec les prisonniers palestiniens Samidoun, Ligue internationale des femmes pour la Paix et pour la Liberté (Section É.-U.), CODEPINK, la Coalition internationale Flottille de la liberté à Gaza, Popular Resistance (É.-U.), Veterans for Peace (É.-U.), l'Organisation mondiale contre la guerre, le militarisme et pour la paix (World Beyond War) et le Memorial Center Dr Martin Luther King Jr. (Cuba), nous sommes réunis avec l'urgence de soutenir les initiatives juridiques orientées à mettre fin au génocide perpétré par Israël à Gaza.
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Shlomo Sand : « Pas d’avenir pour un État juif sans les Palestiniens »
9 janvier 2024 | tiré de Mediapart | Vidéo en accès librese
https://www.mediapart.fr/journal/international/090124/shlomo-sand-historien-l-etat-juif-n-pas-d-avenir-sans-les-palestiniens
Trois mois après les massacres du 7 octobre et alors que le supplice de Gaza se poursuit chaque jour, entretien avec l'historien israélien Shlomo Sand qui publie « Deux peuples pour un État ? Relire l'histoire du sionisme » aux éditions du Seuil.

Des services aux élèves allophones

Le 22 décembre dernier, des parents ont organisé une manifestation de soutien aux professeur-e-s devant le parlement de Québec. Voici un des discours prononcé.
Je m'appelle Andrée-Anne et je suis enseignante de francisation. Aux yeux de notre gouvernement, je suis toutefois qu'un simple matricule, le matricule 32 440.
J'enseigne au CSS de la Capitale à l'école Dominique-Savio. Notre école est située en milieu défavorisé et multiculturel. Je suis celle qui est en charge d'accueillir les nouveaux élèves allophones. Je suis donc celle qui est témoin des étincelles dans les yeux des parents et des yeux des enfants lorsqu'ils arrivent à l'école. Je tenais à venir exposer les incohérences entre ce que le gouvernement dit et les faits qu'on constate sur le terrain, car l'écart est grand.
Pour commencer, vous souvenez-vous de cette fameuse phrase à saveur populiste : ‘'En prendre moins, en prendre soin'' ? C'est monsieur Legault qui nous a lancé cela lors de son premier mandat. J'aimerais beaucoup savoir que signifie ‘'en prendre soin'' dans le dictionnaire de notre gouvernement. Si on se définition du Larousse, la locution verbale ‘'en prendre soin'' veut dire s'en occuper, veiller sur lui ; y penser, faire en sorte que.
Dites-moi maintenant si on peut dire que le gouvernement prend soin des nouveaux-arrivants quand :
• Il les intègre, pour ne pas dire garoche, dans des classes régulières, sans service de francisation.
• Un élève qui arrive en cour d'année se voit refuser une place au sdg, car le service est déjà plein. Cela implique qu'un parent doive rester à la maison afin de faire dîner son enfant. On l'empêche d'assister à ses cours de francisation et à chercher un emploi.
• Un élève ayant vécu la guerre dans son pays d'origine se voit refuser le service de psychologie, car la psy doit, aussi bienveillante soit-elle, déjà assurer les suivis dans 3 écoles différentes.
• Est-ce que je peux dire que je m'occupe bien de mes élèves quand je suis rendue à 55 élèves suivis ?
• Est-ce que ma collègue titulaire peut dire qu'elle veille sur son élève allophone quand elle lui tend un iPad pour jouer sur Duolingo pendant les mathématiques parce qu'elle ne comprend pas ?
Malheureusement, face à nos demandes, le gouvernement fait la sourde oreille. À l'heure actuelle, à la table de négociation, l'ouverture de nouvelles classes d'accueil n'est pas envisagée par le gouvernement. À titre informatif, au CSS de la Capitale, il n'y a que 5 classes d'accueil. Aux PS, il n'y a aucune classe d'accueil. Pourtant, les besoins sont criants.
Le gouvernement profite du fait que les parents aient souvent une méconnaissance du système scolaire public et qu'ils ne parlent pas la langue. Difficile de demander quelque chose ou quand on ne maitrise pas la lague de la société d'accueil.
J'aimerais être capable de prendre soin de mes élèves dans leurs apprentissages du français et dans la découverte de leur nouvelle culture. Vous dites qu'un nouvel arrivant DOIT apprendre le français en 6 mois, faudrait peut-être leur fournir les bons outils. En prenant soin pour de vrai des nouveaux-arrivants, ceux-ci auront davantage le désir de connaître notre culture, de s'y intéresser et de s'y intégrer. Pour se faire, il faudra d'abord que la CAQ s'intéresse à eux.
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Vingt questions aux porte-parole du Front commun intersyndical CSN-CSQ-FTQ-APTS

À madame Magali Picard (FTQ),
Robert Comeau (APTS),
François Enault (CSN)
et Éric Gingras (CSQ).
Madame, messieurs,
Bonjour,
Tout au long de la conférence de presse des porte-parole syndicaux du Front commun CSN-CSQ-FTQ-APTS qui s'est tenue le 7 janvier 2023 des questions foisonnaient dans ma tête. Il n'y en avait que dix à ce moment. Là, elles s'élèvent à vingt. Je m'arrête ici. L'auteur des lignes qui suivent aimerait amorcer une réflexion critique avec les quatre personnes qui ont porté les aspirations et les revendications de 420 000 salarié.es syndiqué.es qui ont encaissé de nombreuses défaites syndicales depuis le triomphe arrogant du néolibéralisme qui remonte au début des années quatre-vingt. La présente ronde de négociation est porteuse, comme toutes les autres, d'un certain nombre d'aspects historiques qui s'expriment en termes de gains et aussi parfois de pertes. Ces éléments novateurs sont peut-être présents dans les réponses qui seront apportées aux questions qui suivent. C'est sans aucune prétention qu'elles vous soient envoyées. Vous pouvez répondre au nombre de questions qui vous convient. Vos réponses peuvent éventuellement être publiées, si cela vous agrée, sur le site de la revue Presse-toi à gauche ! En raison de mon intérêt pour les négociations dans les secteurs public et parapublic je souhaiterais également vous rencontrer pour mieux comprendre comment s'est déroulée la présente ronde de négociation.
Voici maintenant les 20 questions.
1) Pour la présente ronde de négociation, le gouvernement semble avoir adopté la « stratégie de l'épuisement des troupes syndicales » et, par conséquent, d'attendre plusieurs mois avant d'offrir davantage que son 9% initial et son 12,7% d 'augmentation salariale pour un contrat de travail d'une durée de 5 ans... Constat sur la base de ce long cheminement : le gouvernement Legault semble avoir réservé les mandats de grand déblocage de la négociation menant au règlement final jusqu'à quelques jours avant Noël pour le sectoriel et quelques jours après Noël pour le monétaire.
Question à trois volets :
Comment qualifiez-vous cette stratégie qui a été suivie par le gouvernement Legault ?
Est-ce que cette stratégie gouvernementale a eu raison du Front commun ou si au contraire c'est justement un signe de la détermination des syndicats du Front commun qui a contraint le gouvernement à concéder en bonifiant, à la dernière minute, ses deux offres précédentes ?
Pourquoi ce long délai avant de conclure une entente ?
2) La loi sur le régime de négociation dans les secteurs public et parapublic prévoit la nomination d'un médiateur comme étape préalable à l'exercice du droit de grève pour les salariés.es syndiqués.es de ces deux secteurs. Ce médiateur a un rôle très passif dans la négociation. Il ne fait que constater l'existence du différend entre les parties. Dans la présente ronde de négociation, il y a eu un élément nouveau : la nomination d'un conciliateur.
Question : Est-ce que le conciliateur a joué un rôle important dans la conclusion du règlement à la table centrale sur les enjeux monétaires et salariaux ? Si oui, lequel ?
3) En rappelant que lors du dévoilement de vos demandes salariales et monétaires pour la présente ronde de négociation celles-ci prévoyaient :
· Pour 2023 : une hausse de 100 $ par semaine pour l'ensemble des travailleuses et des travailleurs, ou l'application du mécanisme permanent d'indexation annuel basé sur l'IPC, plus une hausse de 2 %, selon la formule la plus avantageuse ;
· Pour 2024 : l'application du mécanisme permanent d'indexation annuelle basée sur l'IPC, plus une hausse de 3 % ;
· Pour 2025 : l'application du mécanisme permanent d'indexation annuelle basée sur l'IPC, plus une hausse de 4 %.
En plus de la revendication salariale, d'autres demandes étaient portées par le Front commun, concernant notamment :
· la retraite ;
· les droits parentaux ;
· les disparités régionales ;
· les assurances collectives.
Question :
Comment en êtes-vous arrivés à accepter 17,4% sur cinq ans, alors que vous exigiez, au départ, environ 20% sur 3 ans (pourcentage, indexation plus rattrapage) ?
4) Le Bureau de la négociation gouvernementale a été créé en mars 2022. Jusqu'à quel point cette structure fait-elle une différence quelconque dans la présente ronde de négociation ? Quel(s) changement(s) ce Bureau annonce-t-il dans le régime de négociation issu de la loi 37, qui remonte à 1985 ?
5) Qui s'en sort le mieux avec la présente entente ? Le gouvernement Legault ou les salarié.es syndiqué.es ? Autrement dit, le gouvernement caquiste a-t-il atteint ses objectifs en matière de flexibilité ?
6) Quels gains concrets avez-vous obtenus pour les précaires dans la présente ronde de négociation ?
7) Alors que des ministres du gouvernement Legault ont été très volubiles tout au long de la négociation, comment expliquez-vous leur relatif silence actuel autour de l'entente ? Est-ce que ce silence fait partie d'une entente quelconque entre le Front commun et la présidente du Conseil du trésor, madame Sonia Lebel ?
8) Au départ, comme c'est le cas depuis la ronde de négociation de 1986, vous déposez des demandes qui couvrent une période de trois ans. Encore cette fois-ci vos demandes s'inscrivaient dans un horizon de 3 ans et aujourd'hui vous semblez accepter un contrat de travail d'une durée de cinq ans.
Question : La présente ronde de négociation à-elle pour effet de sonner le glas des conventions collectives d'une durée de 3 ans dans les secteurs public et parapublic ?
9) La présente ronde de négociation a donné lieu à une très forte adhésion de vos membres aux revendications du Front commun, à une grande mobilisation et surtout à une forte participation des syndiqué.es sur les lignes de piquetage. Comment expliquez-vous cette « renaissance » de la lutte syndicale ? L'élément féministe y est-il pour quelque chose dans la persévérance et la volonté de vos membres pour l'atteinte de certains objectifs dans la présente ronde de négociation ?
10) En quoi les nouvelles dispositions des conventions collectives auront-elles pour effet de favoriser le recrutement et la rétention du personnel essentiel au bon fonctionnement des services publics ?
11) Comment qualifiez-vous les interventions du premier ministre François Legault lors de la présente ronde de négociation ? Ces interventions ont-elles eu un effet négatif sur la dynamique de vos échanges avec le Conseil du trésor ou ces interventions relèvent-elles, selon vous, de la théâtralité du jeu politique ?
12) Avez-vous été étonné par l'appui des partis politiques de l'opposition à l'Assemblée nationale aux revendications syndicales et à une participation de certain.es député.es à vos moyens de pression allant jusqu'à une présence quasi quotidienne sur vos des lignes de piquetage ?
13) Pour une rarissime fois nous avons vu une personnalité politique de premier plan qui ne siège pas à l'Assemblée nationale prendre position en faveur des revendications des salarié.es syndiqué.es du secteur public et parapublic. Ici nous avons en tête l'intervention de la mairesse de Montréal madame Valérie Plante. Croyez-vous que cette intervention a eu pour effet de légitimer davantage les revendications du Front commun auprès du premier ministre Legault qui a pourtant demandé l'automne dernier aux maires et mairesses de réduire leur masse salariale pour se donner une plus grande marge de manœuvre budgétaire ?
14) Avez-vous été étonné par l'appui constant et inébranlable de la population à la lutte syndicale que vous avez dirigée au cours de la dernière année ? Comment expliquez-vous cet appui ?
15) Avez-vous cru à un moment ou un autre au cours du processus de la négociation qui s'est échelonné sur environ 14 mois que le gouvernement Legault adopterait une loi spéciale pour imposer son cadre financier et ses mesures dites de flexibilité ?
16) En quoi la présente ronde de négociation comporte-t-elle des éléments historiques et pouvez-vous en identifier quelques-uns ?
17) Les conventions collectives dans les secteurs public et parapublic ne devraient-elles pas inclure automatiquement une clause d'indexation des salaires et de rattrapage avec les salarié.es qui travaillent dans les autres organismes publics (fédéral, municipal et universitaire) ?
18) Quelles sont les perspectives d'avenir dans les secteurs public et parapublic avec les autres organisations syndicales comme la FIQ, la FAE, le SPGQ et le SFPQ ?
19) Durant le conflit actuel, des organisations syndicales à l'instar du syndicat des Métallos ont fait des dons de solidarité importants en faveur de certains et de certains grévistes. Ne pensez-vous pas qu'il serait souhaitable de créer une Caisse de solidarité à laquelle contribuerait automatiquement celles et ceux qui ont une clause remorque avec les salarié.es syndiqué.es des secteurs public et parapublic et qui ne font pas en règle générale la grève ?
20) Pensez-vous produire un bilan de la présente ronde de négociation et ce bilan sera-t-il disponible sur demande ?
En terminant, je vous remercie d'avoir pris le temps de lire le présent texte et vous répondez uniquement aux questions qui vous intéressent.
Meilleures salutations.
Yvan Perrier
8 janvier 2024
19h
yvan_perrier@hotmail.com
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NÉGOCIATION DU SECTEUR PUBLIC : PROPOSITION D’ENTENTE DE PRINCIPE À LA TABLE CENTRALE POUR LES 420 000 TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS DU FRONT COMMUN
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Négociation dans les secteurs public et parapublic

Voici certains éléments de l'entente de principe intervenue entre le gouvernement du Québec et le Front commun intersyndical CSN-CSQ-FTQ-APTS que nous pouvons porter à votre connaissance.
L'entente de principe qui sera soumise aux 420 000 salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic représenté.e.s par la CSN, la CSQ, la FTQ et l'APTS prévoit, si elle est acceptée par une majorité de membres, une augmentation salariale de 17,4 % pour une période de 5 ans.
Cette augmentation se décompose comme suit :
6% pour avril 2023 à mars 2024 ;
2,8% pour avril 2024 à mars 2025 ;
2,6% pour avril 2025 à mars 2026 ;
2,5% pour avril 2026 à mars 2027 ;
Et 3,5% pour avril 2027 à mars 2028.
À ces hausses salariales paramétriques s'ajoute une clause de protection du pouvoir d'achat pouvant aller jusqu'à un maximum de 1 %, pour chacune des trois dernières années de la convention collective.
L'entente de principe prévoit également un certain nombre d'améliorations en lien avec les vacances, le régime de retraite, les assurances, les droits parentaux…
Nous citons ici le communiqué de presse publié par le Front commun :
« l'acquisition du droit à la 5e semaine de vacances après 15 ans d'ancienneté et l'atteinte de la pleine 5e semaine de vacances à compter de 19 ans d'ancienneté plutôt que de 25 ans ;
des améliorations au régime de retraite, dont la possibilité de prolonger l'entente de retraite progressive jusqu'à 7 ans ;
des améliorations au régime de droits parentaux, notamment l'ajout d'une journée à la banque de congés spéciaux pour suivi de grossesse ;
une bonification des contributions conventionnées de l'employeur pour l'assurance maladie ;
une bonification de la prime d'attraction et de rétention pour contrer la pénurie pour les ouvriers spécialisés, passant de 10 % à 15 % ;
une majoration salariale de 10 % pour les psychologues de tous les réseaux, prise en compte par le régime de retraite. »
Les assemblées générales se dérouleront entre le 15 janvier et le 19 février 2024.
Nous aurons l'occasion de revenir sur le contenu de l'entente de principe intervenue à la table centrale le 28 décembre dernier et nous tenterons d'obtenir des informations en lien avec certaines ententes sectorielles.
À première vue, les dirigeant.e.s syndicaux sont en droit de dire qu'il s'agit ici d'une première forte augmentation salariale dans les secteurs public et parapublic depuis 1979.
Yvan Perrier
7 janvier 2024
18h
yvan_perrier@hotmail.com
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