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Reform Party – Le Parti travailliste nourrit le monstre

20 mai, par Dave Kellaway — , ,
Une remarque a retenu l'attention dès les premières heures de la soirée électorale jeudi dernier : « Reform les dévore au petit déjeuner. » Ce parti, qui n'avait obtenu qu'un (…)

Une remarque a retenu l'attention dès les premières heures de la soirée électorale jeudi dernier : « Reform les dévore au petit déjeuner. » Ce parti, qui n'avait obtenu qu'un seul député avant les élections générales de juillet – où il en a décroché cinq –, vient de :
• remporter la plus grande part des voix de la soirée ;
• gagner une élection partielle parlementaire avec un déplacement de vote de 17 % ;
• faire élire 650 nouveaux conseillers municipaux ;
• prendre le contrôle de dix conseils de comté pour la première fois ;
• remporter deux mairies ;
• et se voit attribuer une part des voix nationale projetée à 30 %, ce qui lui donne une chance de former ou de participer à un gouvernement de coalition de droite.

6 mai 2025 | tiré d'International View Point | Photo : Reform Party, parti europhobe et anti-immigrant
https://internationalviewpoint.org/

Tous les sondages des derniers mois plaçant le Reform Party à égalité, voire devant les travaillistes et les conservateurs, se trouvent ainsi validés – voire surpassés. Avec plus de 120 000 membres, ce parti a déjà dépassé les conservateurs. De riches donateurs, notamment venus de la sphère trumpienne, ont renfloué ses caisses. Avoir des centaines de conseillers municipaux confère non seulement de la visibilité et des ressources matérielles, mais permet également d'implanter le parti localement, facilitant ainsi les campagnes futures.

Des journalistes ont noté une professionnalisation de l'organisation du Reform Party. Plus de 80 représentants et membres du personnel conservateurs ont fait défection. Cela se reflète aussi dans l'instauration d'un cordon sanitaire vis-à-vis des partisans de Tommy Robinson, malgré l'affinité idéologique de certains membres. Les voix les plus extrêmes ont été largement tenues à l'écart des médias pendant la campagne. Farage vise maintenant les élections des assemblées galloise et écossaise.

Conservateurs et travaillistes frappés durement

Comme ces sièges avaient été remportés au plus fort de la popularité de Boris Johnson, les conservateurs en ont perdu davantage que les travaillistes – 676 sièges au total. Leur direction, tout comme celle du Labour, est prise en étau entre la droite et la gauche. Par exemple, les Libéraux-démocrates les ont battus dans le sud-ouest et le Shropshire, et ont pris le contrôle de l'Oxfordshire et du Gloucestershire.

Beaucoup d'électeurs conservateurs, notamment pro-européens, n'ont pas apprécié que la direction penche vers les politiques du Reform Party. D'un autre côté, des figures comme Robert Jenrick, candidat malheureux à la direction, prônent un rapprochement avec le Reform Party.

Jacob Rees-Mogg (ancien député tory) a même déclaré que c'était une bonne soirée pour « la droite ». Pour ces gens, une recomposition de la droite avec le Reform Party comme partenaire égal, voire dominant, est une option envisageable. En Italie, la droite traditionnelle a fusionné avec les post-fascistes des Frères d'Italie dans une coalition dirigée avec succès par Giorgia Meloni.

Un Labour désorienté

Les porte-parole travaillistes semblaient abasourdis par les résultats. Ils affirment que la réticence de leur base traditionnelle à voter ou même à se déplacer provient du chaos laissé par les conservateurs après 14 années de pouvoir. Le Labour doit prendre des « décisions difficiles » à cause des Tories, donc ce n'est pas vraiment de leur faute…

Mais les électeurs ont évoqué, sur le pas de leur porte, des sujets tels que la suppression des aides au chauffage hivernal ou les coupes dans les allocations pour personnes handicapées. D'autres choix politiques étaient possibles : revenir sur le plafond de deux enfants pour les allocations, ne pas toucher aux aides hivernales, maintenir les prestations d'invalidité ou respecter les engagements écologiques.

Une fois qu'on exclut de taxer les riches, de modifier les règles fiscales arbitraires ou de collectiviser certaines ressources, on s'enferme soi-même. Surtout si l'on veut appliquer, ne serait-ce que partiellement, un programme social-démocrate.

La direction travailliste semble aussi croire que ses positions indéfendables sur la Palestine, l'aide internationale, les femmes WASPI ou les droits des personnes trans n'auront aucun effet négatif sur les électeurs. Normalement, un nouveau gouvernement bénéficie d'un état de grâce. Mais les règles fiscales strictes imposées par Rachel Reeves limitent considérablement la possibilité de mesures populaires.

La chute massive du nombre d'adhérents, conséquence de la purge contre la gauche, a visiblement affaibli la machine militante. Le Reform Party a réussi à concurrencer le Labour sur ce terrain lors de l'élection partielle de Runcorn – une tendance probablement répliquée dans plusieurs batailles locales.

Et maintenant ?

Deux orientations se dessinent au sein du Labour. Avant même la perte de Runcorn, la droite du parti – y compris dans ses organes centraux – y voyait une opportunité de se rapprocher davantage des politiques anti-migrants du Reform Party et d'imiter son programme « anti-woke ». Jonathan Hinder, député de Pendle et Clitheroe, déclarait récemment :« Trop de personnes de la classe ouvrière perçoivent Labour comme le parti des immigrés, des minorités, des allocataires. » « Le pays doit réduire drastiquement l'immigration, très rapidement, quitte à faire passer la souveraineté démocratique avant les obligations juridiques internationales. » À propos de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), il a ajouté : « Il est évident qu'elle ne fonctionne pas. »

D'autres au sein de la direction pensent qu'il n'est pas nécessaire de modifier la ligne, misant sur un réflexe progressiste « paniqué » qui pousserait l'électorat vers Labour pour contrer la menace « néofasciste » d'un gouvernement du Reform Party ou Reform Party/conservateurs. C'est le coup à la Macron : se faire élire en ralliant la gauche pour barrer la route à l'extrême droite. Problème : le système britannique uninominal à un tour ne génère pas ce type de panique avant qu'il ne soit trop tard.

Comme on l'a vu jeudi, le système majoritaire est profondément antidémocratique : il pénalise les petits partis jusqu'à ce qu'ils franchissent un certain seuil. Le Reform Party remporte des sièges avec bien moins de 50 % des voix, tout comme le Labour l'a fait lors de sa victoire historique avec seulement 34 % des suffrages. Reform pourrait très bien répéter l'exploit, surtout avec un accord avec les Tories.

Vers un tournant à gauche ?

Certain·es, même en dehors du Socialist Campaign Group, comme Rachael Maskell (députée de York Central), appellent Starmer à revenir sur des mesures comme la suppression des aides au chauffage ou les coupes dans les allocations handicap. Des pressions internes pourraient pousser à des ajustements symboliques pour répondre à ces critiques.

Diane Abbott est plus directe : le slogan de Starmer après les résultats, prônant « plus de rapidité et de fermeté » dans le Plan pour le changement, doit être abandonné. L'une des rares gagnantes, la mairesse de Doncaster Ros Jones, a rompu avec la ligne du parti en dénonçant ses politiques envers les retraité·es et les personnes handicapées. Elle a même fait campagne contre ces mesures, et mis en place des politiques locales pour en atténuer les effets. Cette indépendance a sans doute sauvé sa réélection face à l'assaut du Reform Party.

Pourquoi copier le Reform Party ne fonctionne pas

Pour la gauche, il est évident que des ajustements cosmétiques ne vaincront pas le Reform Party. Le dénoncer de manière abstraite comme raciste – ou pire, comme nazi – ne suffit pas. Face à la colère et à la désillusion des électeurs sur la vie chère et la politique, il faut proposer des solutions concrètes, pas couper les aides ou se contenter du statu quo.

Il faut expliquer où l'on prend l'argent pour améliorer la vie des gens. Tout le monde sait que la société regorge de richesses. Il faut être honnête : prévoir une taxe sur la richesse, taxer davantage les profits des grandes entreprises. Si la réponse de Starmer se résume à bricoler autour de la croissance, alors il continuera à nourrir ce monstre du Reform Party.

Lors des élections générales, le Labour a ménagé le Reform Party. Ils ont même retiré un·e candidat·e crédible face à Farage à Clacton. Très peu de matériel de campagne ciblait le Reform Party. Les stratèges comme Morgan McSweeney pensaient que le Reform Party nuirait aux Tories, ouvrant la voie à un raz-de-marée. Ce fut vrai… mais de courte durée. À peine neuf mois après cette victoire sans enthousiasme, les conséquences sont déjà visibles. Depuis que le Reform Party monte dans les sondages, le Labour est passé de l'ignorance à l'imitation de ses politiques.

Ainsi Yvette Cooper ne cesse de vanter le nombre de déportations effectuées et de pointer l'origine ethnique ou migrante des délinquants. À Runcorn, la candidate a été poussée à lancer une pétition contre un hôtel d'accueil pour demandeurs d'asile, malgré ses propos antérieurs favorables. Elle-même a fini par admettre que ce discours s'était retourné contre elle. Et lorsque Labour a perdu Runcorn, la déclaration officielle minimisait la défaite en parlant de « quelques voix » manquantes – quid des 15 000 autres ?

Un espace à gauche du Labour

Dans un contexte où le Labour perd 186 conseillers et un siège parlementaire ultra-sûr, les Verts ont bien résisté et gagné des sièges. Jessica Elgot, pourtant proche de Starmer, rapporte que le Labour perd plus de voix à sa gauche qu'au profit du Reform Party. Il existe un espace progressiste à gauche de Labour.

À Preston, Michael Lavalette et deux autres indépendant·es défendant une ligne pro-palestinienne et anti-austérité ont été élu·es. Dans les circonscriptions où la communauté musulmane est significative, le vote ne revient pas vers le Labour.

Les stratèges du parti pensent que la question palestinienne n'est qu'une vague pétition éphémère sur internet, et que ces électeurs « n'ont nulle part où aller ». Ils ne comprennent pas que le silence complice du gouvernement face au génocide, au blocage de l'aide humanitaire et à l'envoi d'armes britanniques entraînera une rupture durable.

L'expérience de Preston montre aussi le potentiel perdu d'une alternative politique à gauche du Labour. Le débat en cours sur la création d'un nouveau parti large de gauche – d'abord localement, avant une annonce nationale – a empêché une intervention électorale coordonnée. Pourtant, un tel développement est essentiel, y compris pour construire un mouvement de masse contre le Reform Party et son racisme anti-migrant.

Un système politique défaillant

Andrea Jenkins (du Reform Party), nouvelle mairessse du Lincolnshire, n'a pas perdu de temps pour afficher un discours violemment anti-migrant. Dans son discours de victoire, elle a déclaré qu'il ne devrait plus y avoir d'hôtels pour demandeurs d'asile : « Qu'ils vivent sous des tentes, comme en France. »

Le professeur John Curtice a raison : le système bipartisan ne fonctionne plus. Dans certaines circonscriptions, on se retrouve avec cinq partis majeurs, et des sièges sont gagnés avec des scores très éloignés de la majorité absolue. Un retour au bipartisme n'est pas à exclure – surtout si les Tories disparaissent ou fusionnent avec le Reform Paty – mais pour l'instant, l'instabilité politique est là pour durer.

Cette nouvelle réalité crée une opportunité favorable pour une nouvelle alternative électorale de masse à gauche. Une fois qu'un·e électeur·rice change de vote, il/elle peut le faire de nouveau, pour un parti plus progressiste. La gauche doit continuer à défendre un système de représentation proportionnelle – comme le congrès du Labour l'a lui-même approuvé. C'est plus démocratique, et cela pourrait atténuer la frustration massive (voire majoritaire, selon les résultats locaux) vis-à-vis du système politique. Cela donnerait une place équitable aux Verts et à toute nouvelle gauche alternative.

Résister au Reform Party : une responsabilité pour la gauche

Le Labour ne s'opposera pas vraiment au Reform Party. C'est à la gauche qu'incombe la tâche d'organiser la résistance dans la rue, dans les campagnes et sur le terrain électoral face à Farage et à son parti. Nous devons démonter les mensonges et les contradictions de leurs politiques. Cela commencera dès maintenant dans les conseils locaux qu'ils ont remportés jeudi. Farage promet déjà des coupes « façon Doge » et des attaques contre l'égalité des chances et les politiques de diversité.

Des campagnes locales, en lien avec les syndicats des travailleurs municipaux, seront nécessaires.

Bien que la réponse principale au Reform Party doive venir de militant·es hors du Labour, il faudra aussi s'appuyer sur tout·e député·e de gauche – ou même de gauche modérée – prêt·e à s'opposer à Farage et à aux politiques du gouvernement qui nourrissent sa popularité. Le succès du Reform Party rend la discussion sur un nouveau parti de gauche d'autant plus urgente.

Anticapitalist Resistance – 5 mai 2025

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De la « Nakba » au génocide perenne !

20 mai, par Omar Haddadou — , ,
Sous le prisme de domination et de nettoyage ethnique, Netanyahou annonce la prise de contrôle de toute la bande de Gaza ! Les bombardements s'intensifient sur l'enclave, avec (…)

Sous le prisme de domination et de nettoyage ethnique, Netanyahou annonce la prise de contrôle de toute la bande de Gaza ! Les bombardements s'intensifient sur l'enclave, avec près de 54.000 victimes. La France de Macron et Retailleau, a les yeux rivés sur le sommet « Choose » et la dissolution des mouvements associatifs français en soutien à la Palestine. La rue refuse l'omerta !

De Paris, Omar HADDADOU

Tournant le dos à Gaza et ses enfants calcinés, Paris fait la part belle au festival de Cannes et à Tom Cruise et sa « Mission impossible ».

Fléau des temps modernes, la colonisation se standardise dans les mœurs sociétales.

Les institutions internationales plient devant le diktat étasunien qui appuie iniquement le siège opéré par Netanyahou. Fort de ce funeste soutien, le chef du gouvernement israélien déclarait, hier lundi 19 mai 2025 : « Israël va prendre le contrôle de tout le territoire de la bande de Gaza. Les combats sont intenses et nous progressons. Nous ne cédons pas ! Mais pour réussir, il faut agir de manière à ce qu'on ne nous arrête pas ! ».

Aussi, fait-il de l'invincibilité un outil de fierté et un paradigme de légitimation du carnage à imprimer dans l'esprit collectif. Pour un plébiscite, ça vaut la boucherie !

Ce lundi encore, la défense palestinienne a fait état de 52 morts et 18 000 blessés dont la plupart des enfants. Les 2 millions de personnes affamées, selon le chef de l'OMS, n'ont pas suscité la moindre réaction chez Macron, accaparé par le sommet « Choose », ses 37 milliards d'investissements, et les tables rondes, bien pourvues, avec le Patronat. A cela s'ajoute la ponction de 40 milliards pour « l'effort de guerre » au détriment des services publics et des retraites.

La déportation massive des Palestiniens en 1948 (es) a ouvert la voie à un processus génocidaire de colonisation innommable dont le continuum se cristallisera épouvantablement dans la bande de Gaza. Soixante-dix-sept (77) ans se sont écoulés, actant une injustice déshumanisante, signée de la main du Secrétaire d'Etat britannique Arthur Balfour, se déclarant en faveur de l'établissement « d'un foyer national pour le peuple juif ».

La suite ? Une colonisation greffée de crimes contre l'Humanité qui s'inscrit dans la durée !

L'extermination systématique des Palestiniens, le déplacement de la population, la famine, la situation sanitaire catastrophique et l'impunité à vomir - que cautionnent ignoblement les Occidentaux - constituent la trame macabre d'un impérialisme institutionnalisé.

La commémoration de la Nakba (catastrophe) s'articule dans un contexte de praticabilité et de durabilité de l'ordre colonial où la prédation des puissants reste l'alpha et l'oméga.

L'hécatombe n'émeut plus ! Trump module la fréquence du mal, accordant à Netanyahou le quitus de la sale besogne. Capitulards, Macron et l'Europe accommodent leur reptation au gré des rapports de force.

Ce week-end, sur les ondes d'une radio publique française, le Premier ministre Netanyahou, à propos de l'arrêt de l'offensive, déclarait avec désinvolture : « Pas de cessez-le feu avant d'atteindre tous les objectifs ! ». Relayée par un chroniqueur, spécialiste du Moyen Orient, une autre annonce défraie la chronique : Dans son agenda, Netanyahou aurait comme option de « proposer à la diaspora juive des quatre coins de la planète, de venir peupler Gaza, une fois vidée de sa population ! » « De lancer, selon un Analyste, des conquêtes et non des opérations limitées ».

Une entreprise déjà ébauchée, dès octobre 2023, par les ultra-orthodoxes, jurant sur des supports vidéo de « retourner dans le Gush Katif et de réinstaller Gaza ».

A Paris, la tragédie palestinienne est éclipsée par les coups de boutoir du tristement notoire, Bruno Retailleau. Ragaillardi par son intronisation, ce dimanche, à la tête des Républicains, après avoir réussi à faire fléchir le chef de l'Etat par le spectre de l'insécurité et la parade de démission, le Ministre xénophobe de l'Intérieur nourrit des ambitions qui pourraient sceller sa politique négationniste envers les Immigrés et les Musulmans (es) : « Notre famille politique est à même aujourd'hui de porter un projet pour la présidentielle 2027 ! ».

Vous l'aurez saisi, le projet de l'abus et de l'acharnement !

Ce fait d'armes « républicain », se cristallise après signature, ce vendredi 16 mai en Conseil des Ministres, de la dissolution des trois groupes : Urgence Palestine, Jeune Garde et Lyon Populaire, leur reprochant des « provocations à des agissements violents ». Larcher et Ciotti s'en délectent !

Menacée de disparaitre, Urgence Palestine qui prenait part à la mobilisation, contre le génocide et en mémoire à la Nakba de 1948, ce samedi à Paris gare du Nord, a fait savoir qu'elle saisirait le Conseil d'Etat et de faire signer une pétition lui permettant de continuer à manifester, nonobstant les ukases des lobbies de la Droite et Extrême Droite. Cette velléité de mise à mort de la lutte pour la cause palestinienne, a donné lieu à une grande marche ce 17 mai, entre Gare du nord et Place Saint-Augustin, rassemblant tous les Collectifs de la Gauche : Ecolos, La France Insoumise, Syndicats, Travailleurs de divers secteurs, Associations, Etudiants (es), Militants Antifa, et les Sans-Papiers.

Un cortège de milliers de personnes, ayant pour mot d'ordre « Stop au génocide ! Non à une 2ème Nakba ! », étoffé par des mises en scène macabres, illustrant l'atrocité de l'occupant.

L'inarrêtable et irréductible Olivia Zémor, Présidente d'EuroPalestine, a conduit, comme à l'accoutumée et avec le brio qu'on lui connait, la procession, dictant à chaque fois des slogans poignants : « Génocide à Gaza, on ne se taira pas ! », « Honte à vous ! A vos institutions et vos intimidations, on répond mobilisation ! Avions de la mort ! A bas les Collabos ! Macron, qu'est-ce que t'attends pour prendre des sanctions ? Pas de génocidaires dans nos salles de concert ! Pas de haine sur nos scènes ! et de clore son indignation par :
« Il faut leur faire sentir le vent du boulet ! »

O.H

PS : Des touristes irlandais se sont joints à nous en applaudissaient à tout rompre. Faute d'espace, nous ne pouvons publier l'échange avec ces Profs retraités de l'Université de Dublin et un fonctionnaire de l'industrie pharmaceutique. Tous s'identifient à la cause Palestinienne et glorifient les Indépendances du Vietnam, de l'Algérie, de l'Afrique du Sud et celles à venir… Fait marquant : Un chef d'entreprise français criant dans le mégaphone : Free, Free Palestine !

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Etats-Unis. L’administration Trump, le Parti démocrate et les oppositions

20 mai, par Lance Selfa — , ,
L'évaluation médiatique habituelle des 100 premiers jours d'un nouveau président n'a apporté que de mauvaises nouvelles pour Donald Trump. Les sondages ont montré que le (…)

L'évaluation médiatique habituelle des 100 premiers jours d'un nouveau président n'a apporté que de mauvaises nouvelles pour Donald Trump. Les sondages ont montré que le soutien à Trump était le plus bas de tous les présidents à l'échéance de 100 jours de mandat depuis près de 80 ans, avec plus de personnes désapprouvant qu'approuvant la position de Trump sur presque toutes les questions importantes.

Tiré de A l'Encontre
16 mai 2025

Par Lance Selfa

Mais l'opposition croissante à la politique désastreuse de Trump n'a pas apporté beaucoup de bonnes nouvelles à la prétendue « opposition », soit le Parti démocrate. Selon un sondage CNN, seuls 29% des adultes ont une opinion favorable du Parti démocrate, son plus bas niveau depuis 1992. Seules 63% des personnes se déclarant démocrates ou indépendantes proches des démocrates ont une opinion favorable de « leur » parti. Les partisans soutiennent généralement leur « équipe » à un taux de 80% ou plus.

Le même sondage CNN a révélé que la plupart des démocrates souhaitaient que leur parti lutte plus fermement contre Trump et les républicains. Les analystes ont suggéré que les Démocrates pourraient être confrontés à une révolte de type « Tea Party » de leur base électorale, comme les Républicains l'ont connu en 2009-2010. A l'époque, la combinaison de l'ardeur de la droite populaire et le soutien de donateurs de droite tels que les frères Koch avait canalisé le ressentiment conservateur à l'égard de l'administration Obama en direction d'une radicalisation du Parti républicain. A bien des égards, le « Tea Party » des années 2010 a préparé le terrain pour la prise de contrôle du Parti républicain par Trump et son mouvement MAGA.

La possibilité d'un « Tea Party » démocrate reflète l'incapacité totale des dirigeants démocrates au Congrès et des autres opportunistes qui se positionnent comme conseillers du parti. Certains veulent s'aligner sur les thèmes trumpiens tels que les messages anti-trans ou « anti-woke ». D'autres affirment que les démocrates devraient se concentrer uniquement sur les questions économiques fondamentales telles que l'impact des droits de douane imposés par Trump et minimiser les attaques de ce dernier contre les immigrant·e·s.

Les politiciens et les dirigeants « normies » [conventionnels] du Parti démocrate pensent que l'impopularité historique de Trump se traduira par des gains pour les démocrates (et pour une majorité à la Chambre des représentants) lors des élections de mi-mandat de 2026. Ils supposent ensuite que les démocrates auront alors un pied à l'étrier pour commencer à réparer les dégâts causés par Trump et la bande de démolisseurs de Musk.

Il s'agit de la pensée optimiste du « tout ira bien » qui était censée avoir permis de battre Trump en 2020. Pourtant, il ne faut pas supposer que Trump annulera les élections de mi-mandat ou déclarera la loi martiale pour éviter ce règlement de comptes. Comme ils l'ont montré entre 2021 et 2024, les démocrates sont parfaitement capables de ne pas demander des comptes à Trump et à ses sbires. « L'échec du ministère de la Justice de Biden à poursuivre Trump pour son instigation à l'émeute du Capitole du 6 janvier 2021 est le dernier exemple de l'histoire du procureur général Merrick Garland, qui s'est toujours montré indulgent envers les crimes des puissants », affirme l'auteure Sarah Kendzior dans sa newsletter du 16 novembre 2023 (« Servants of the Mafia State »).

C'est dans ce contexte qu'il faut replacer la tournée « Fighting Oligarchy » menée par le sénateur du Vermont Bernie Sanders et la députée new-yorkaise Alexandria Ocasio-Cortez (AOC), qui a attiré des foules immenses dans des régions favorables aux démocrates comme Denver et Los Angeles, mais aussi dans des salles combles dans des endroits plus conservateurs comme Nampa, dans l'Idaho. Cette tournée a également pris soin de passer par des régions où les démocrates pensent avoir de bonnes chances de battre les républicains sortants à la Chambre des représentants.

Au début de l'administration Trump, alors que la plupart des démocrates de l'establishment traitaient Trump comme un colosse politique et disaient à leurs partisans qu'ils ne pouvaient pas faire grand-chose pour l'arrêter, la tournée de Sanders et AOC a aidé les membres de la base du camp libéral (progressiste) de la politique américaine à sortir de leur sentiment d'isolement et de désespoir. Mais Sanders et AOC sont engagés dans un projet que le révérend Jesse Jackson [militant des droits civiques et candidat aux primaires démocrates en 1984 et 1988] appelait « garder l'espoir vivant » au sein du Parti démocrate.

« Non, nous n'essayons pas de créer un troisième parti », a déclaré Sanders à l'émission Meet the Press de NBC. « Ce que nous essayons de faire, c'est de renforcer la démocratie américaine, où la confiance dans les partis démocrate et républicain est actuellement extrêmement faible. […] Ce qui manque aux démocrates aujourd'hui, c'est une vision pour l'avenir. Comment allons-nous offrir un niveau de vie décent à une jeune génération qui, toutes choses égales par ailleurs, sera plus pauvre que ses parents ? »

Ocasio-Cortez est également très claire quant à ses efforts pour réformer le Parti démocrate, approche qu'elle incorpore dans ses discours de campagne lors de ses déplacements : « Nous avons besoin d'un Parti démocrate qui se batte aussi plus fermement pour nous. Cela signifie que les communautés doivent choisir et voter pour des démocrates et des élus qui savent défendre la classe ouvrière […] Nous devons nous unir et consacrer chaque jour de l'année à sensibiliser nos voisins, à aller à leur rencontre afin de chasser ces républicains et de les remplacer par des démocrates combatifs. » (Left Voice, 13 avril 2025)

En théorie, les démocrates pourraient défendre des politiques plus progressistes sans perdre le soutien des entreprises. Des partis similaires dans d'autres pays, comme les libéraux au Canada, soutiennent par exemple l'assurance maladie publique pour tous. Mais l'establishment libéral aux Etats-Unis est soumis à des limites que l'establishment conservateur ne connaît pas.

Sanders et AOC, et leurs porte-parole idéologiques comme le magazine socialiste réformiste Jacobin, pensent pouvoir convaincre les démocrates – ou une partie importante d'entre eux – de soutenir des politiques, des politiciens et une orientation sociaux-démocrates. Mais le Parti démocrate états-unien moderne est une entreprise multimilliardaire dont les grands donateurs soutiennent le capitalisme entrepreneurial.

Ainsi, même lorsque les politiciens démocrates parviennent à rassembler suffisamment de voix au parlement pour soutenir, par exemple, un système de santé à payeur unique [le gouvernement et non les assurances privés doivent assurer les coûts des soins], le courant dominant du parti veille à ce que ces réformes ne soient pas adoptées. Voir les exemples de Californie (2022) ou du Vermont, par exemple. Le fait de maintenir le système d'assurance maladie le complexe hospitalier sous le « grand chapiteau » des démocrates limite ce que ceux-ci peuvent accomplir.

La politique de droite, en revanche, n'est pas soumise aux mêmes contraintes. Même si les dirigeants du monde des affaires et la plupart des riches trouvent Trump et les partisans de MAGA – comme la députée Marjorie Taylor Greene (républicaine de Géorgie – peu recommandables, ils savent qu'en se pliant à leur politique d'extrême droite, ils ont la possibilité d'obtenir les mesures qui leur tiennent vraiment à cœur : réductions d'impôts, déréglementation [entre autres du système bancaire et financer], affaiblissement du contrôle des entreprises et subventions à l'industrie.

Imaginons le scénario suivant. Les démocrates remportent une victoire historique et le Congrès américain en 2026. Ils contrôlent désormais une branche clé du gouvernement. Que feront-ils ?

Abrogeront-ils les réductions d'impôts accordées par Trump aux riches, financeront-ils la réembauche des fonctionnaires fédéraux [écartés par le DOGE de Musk] et le rétablissement de programmes essentiels, ou encore supprimeront-ils les budgets liés aux initiatives de Trump ? Vont-ils destituer Trump et les membres de son cabinet qui ont enfreint la loi ? Vont-ils adopter des réformes du droit de vote et des droits civils et civiques ? Compte tenu de leur tendance à vouloir rétablir le statu quo, la réponse à toutes ces questions est « non ». On peut déjà presque entendre les excuses. Pas étonnant que même les partisans du Parti démocrate déclarent aux sondeurs qu'ils ne savent pas vraiment ce que défend leur propre parti.

Ceux et celles d'entre nous (de la gauche dite radicale) doivent tenir compte de la faiblesse historique des forces d'opposition de notre camp. Il est positif que la grande majorité s'oppose à l'action de Trump et que des centaines de milliers de personnes aient manifesté contre les mesures prises par son administration. Mais les organisations telles que les syndicats sont au plus bas depuis des décennies et les organisations non gouvernementales proches du Parti démocrate, comme Indivisible [créée en 2016 et dont le mot d'ordre est « We fight on, together »], captent une grande partie de la « résistance » à Trump.

***

Les quatre vecteurs d'opposition à Trump peuvent être résumés ainsi :

. Les manifestations « Tesla Takedown » contre Elon Musk, l'homme de main de Trump ;

. Les manifestations « de masse » organisées par des organisations telles que Indivisible et 50501 (50 protests, 50 states, 1 movement, initié en janvier 2025) ;

. La défense locale des droits des immigré·e·s sous le slogan « Connaissez vos droits » ;

. La résistance des syndicats et de la classe ouvrière ;

L'examen de chacun d'entre eux nous permet de dresser un bilan de la résistance à Trump 2.0 jusqu'à présent.

Tesla Takedown. Il s'agit d'une véritable initiative populaire lancée par quelques individus qui se sont rassemblés avec des pancartes contre Musk dans une station de recharge Tesla à Waterville, dans le Maine, début février. La militante en ligne Joan Donovan a amplifié leurs efforts avec le hashtag #TeslaTakedown sur la plateforme Bluesky, et quelques jours plus tard, le documentariste Alex Winter a créé un site web où les groupes locaux pouvaient annoncer leurs propres manifestations anti-Tesla. Depuis, des centaines de manifestations ont eu lieu devant les concessionnaires Tesla, les stations de recharge et les garages.

Tesla Takedown a la particularité d'être la première initiative majeure visant à rassembler l'opposition à la politique destructrice de Trump et Musk. Et son travail pour dénoncer le faux populisme de l'administration Trump en mettant en avant un « tech bro » (terme d'argot désignant un programmeur stéréotypé masculin) et un oligarque fasciné par le nazisme est indéniable. Tesla Takedown pourrait revendiquer une partie du mérite pour le retrait de Musk de la scène publique et les indications selon lesquelles le conseil d'administration de Tesla envisageait de le licencier. Mais à part produire une pression médiatique, on ne voit pas très bien quelle pression supplémentaire le mouvement Tesla Takedown pourrait exercer sur Trump et Musk.

Les ventes de Tesla étaient déjà en baisse avant que le DOGE (Department of Government Efficiency, département de l'efficacité gouvernementale) de Musk ne commence son raid au sein du gouvernement fédéral. Les ventes de Tesla à l'étranger s'effondrent et le cours de son action, source d'une grande partie de la fortune de Musk, devait être corrigé à la baisse car il s'agit de l'une des actions les plus surévaluées cotées en bourse. Il est possible que les protestations contre Tesla s'apaisent à mesure que Musk exercera son influence loin des projecteurs médiatiques. Avec ses activités dans le domaine des satellites Starlink et des fusées SpaceX, soutenues par des contrats de plusieurs milliards de dollars avec le gouvernement américain, Musk continue d'exercer une influence supérieure à celle de certains États souverains.

Journées d'action. Selon certaines estimations, le nombre de manifestations anti-Trump et le nombre de personnes mobilisées dépassent ceux des premiers jours de 2017, lorsque de grandes mobilisations telles que les marches des femmes avaient marqué l'imagination du public. Ces manifestations ont été organisées par un large éventail de groupes, mais les principaux organisateurs sont des organisations non gouvernementales (ONG) telles que Indivisible et 50501, un projet du groupe de lobbying libéral MoveOn. La participation aux rassemblements « Hands Off » (Ne touchez pas) organisés le 5 avril dans les mairies et les Capitols [bâtiments des législatifs] des Etats d'un bout à l'autre des Etats-Unis a été impressionnante. Les organisateurs cherchent à reproduire (ou à dépasser) les rassemblements « Hands Off » le 14 juin, date à laquelle ils se mobilisent sur le thème « No Kings ».

Deux anciens membres du personnel du Congrès démocrate ont fondé Indivisible en 2016 avec l'intention de mobiliser la pression populaire sur le Congrès contre les initiatives de Trump, en particulier sa tentative ratée d'abroger l'Affordable Care Act [Obamacare]. 50501 est né d'un forum Reddit [site web communautaire] au début de l'année 2025. Bien qu'il compte de nombreuses filiales locales, Indivisible est davantage ancré dans le monde des ONG professionnelles de Washington, avec une équipe d'experts des médias et de la recherche, et un comité d'action politique qui « canalise l'énergie populaire pour faire élire des candidats progressistes ».

50501 est une organisation plus décentralisée qui organise des manifestations par le biais d'appels à l'action en ligne. Sa culture politique reflète la dernière décennie d'organisation de la « génération Z » (les personnes nées après 1996), qui met l'accent sur « l'entraide » et l'organisation « sans leader ». L'un de ses principaux constituants est Political Revolution, un comité d'action politique formé par d'anciens organisateurs de la campagne de Bernie Sanders en 2016 pour soutenir des candidats progressistes, principalement au sein et autour du Parti démocrate. Indivisible s'inscrit plus naturellement dans la politique libérale conventionnelle. Par exemple, l'un de ses slogans du 5 avril était « Hands Off NATO ! » (Ne touchez pas à l'OTAN !), mais il n'y avait pas de « Hands Off Palestine ! » (Ne touchez pas à la Palestine !). 50501 affiche un profil plus radical, qualifiant Trump de « criminel » et de « traître » et dénonçant les ploutocrates milliardaires et le « fascisme ». Néanmoins, 50501 collabore avec Indivisible et a invité les dirigeants d'Indivisible à ses conférences Zoom nationales.

« Connaissez vos droits ». Certaines des formes d'opposition les plus efficaces au programme de Trump sont venues de groupes locaux de défense des droits des immigré·e·s et de groupes communautaires qui ont empêché les rafles organisées par le Department of Homeland Security (DHS) et mises en œuvre par l'Immigration and Customs Enforcement (ICE) contre les immigrés. Ces groupes ont été si efficaces pour informer les immigrés de leurs droits que le « tsar des frontières » de Trump, Tom Homan, les a dénoncés. Dans certaines circonstances, des groupes communautaires se sont organisés pour faire pression sur l'ICE, les tribunaux et les forces de l'ordre locales afin d'obtenir la libération de personnes arrêtées par le DHS, comme Mohsen Mahdawi [militant palestinien, étudiant à la Columbia University] et Rühmeysa Oztürk. [de nationalité turque, étudiante à Tufts University, un juge du Vermont a ordonné sa libération]. Une manifestation dans une petite ville de l'Etat de New York où Homan possède une maison de vacances a permis de libérer une famille victime d'une rafle de l'ICE. Il existe des dizaines d'histoires comme celle-ci qui montrent que la protestation peut fonctionner et que ni les immigrés ni leurs défenseurs n'ont à se soumettre à la police d'immigration brutale de Trump.

Cependant, il ne faut pas oublier que l'administration Trump a déjà commis des actes odieux, notamment l'expulsion de centaines d'immigrés vers des goulags au Salvador et à Guantanamo Bay, à Cuba. Et le budget qu'elle fait passer au Congrès prévoit une augmentation de plusieurs milliards de dollars pour « intensifier » à l'échelle industrielle les arrestations et les expulsions d'immigrants.

Résistance des syndicats et des travailleurs. Il n'est pas surprenant qu'une administration remplie de milliardaires de droite et anti-syndicats s'en prenne aux droits des travailleurs et des syndicats. Les actions de l'administration montrent à quel point il est superficiel de prétendre que le Parti républicain est devenu un parti de la « classe ouvrière ». L'attaque de l'administration Trump contre les fonctionnaires fédéraux, avec des licenciements massifs illégaux et la résiliation des contrats de près d'un million de travailleurs, est plus grave que la répression de la grève des contrôleurs aériens de la PATCO par Ronald Reagan en 1981.

Le mieux que l'on puisse dire de la réponse des syndicats, c'est qu'il y en a une. Des syndicats de premier plan comme le Service Employees (SEIU) et les syndicats nationaux d'enseignants, ainsi que l'AFL-CIO, ont approuvé des manifestations telles que « Hands Off ». Sean McGarvey, président du North American Building Trades Union, habituellement conservateur, a appelé au rapatriement depuis le Salvador de Kilmar Abrego Garcia, un apprenti dans le bâtiment dans le Maryland, qui a été kidnappé illégalement.

Mais des décennies de compromissions et de faiblesse politique au sein du mouvement syndical reviennent aujourd'hui le hanter. Pendant des décennies, les syndicats fédéraux qui sont actuellement démantelés sont restés inactifs et dépendants du lobbying à Washington. Les efforts d'organisations relativement nouvelles comme le Federal Unionists Network sont importants, mais ils partent d'une position extrêmement faible. La plupart des responsables syndicaux espèrent que leurs poursuites judiciaires contre les mesures antisyndicales de Trump aboutiront. Mais ils n'ont aucune stratégie fondée sur une quelconque organisation sur le lieu de travail si les tribunaux ne se prononcent pas en leur faveur.

Si l'on se tourne vers le secteur privé, où les syndicats ne représentent qu'environ 6% des travailleurs et travailleuses, on peut voir les fruits amers de plusieurs années de recul politique. Le président pro-Trump du syndicat des Teamsters (IBT), Sean O'Brien, a légitimé une alliance syndicale avec l'extrême droite. En conséquence, O'Brien et l'IBT n'ont pas fait grand-chose depuis qu'UPS [société de logistique] a annoncé 20 000 licenciements en réponse aux droits de douane prévus par Trump. Le syndicat United Autoworkers (UAW), dont la grève « stand-up » de 2023 a inspiré des millions de personnes, a soutenu les droits de douane prévus par Trump, même s'il n'y a aucune preuve que le commerce déloyal soit la cause du déclin du syndicat. Le président de l'UAW, Shawn Fain, a aligné le syndicat sur les droits de douane de Trump, sans voir « les véritables menaces qui pèsent sur les travailleurs de l'automobile et le rôle que le syndicat peut jouer pour y résister », comme l'a récemment écrit Andy Sernatinger. [militant syndical du Wisconsin, article publié sur le site Tempest le 30 avril].

Toute résistance authentique au programme de Trump doit être saluée et renforcée. Mais nous devons également « ne pas mentir » et « ne pas revendiquer de victoires faciles », comme l'a déclaré le révolutionnaire guinéen-bissau Amilcar Cabral dans les années 1960. L'opposition à Trump est actuellement faible.

Les organisations de protestation de masse fonctionnent encore largement selon la perspective qu'elles avaient mise en œuvre en 2017-2018. C'est-à-dire protester maintenant et faire pression pour obtenir une Chambre des représentants ou un Congrès dirigé par le Parti démocrate en 2026. Nous avons plus haut souligné les lacunes de cette perspective, qui n'a pas empêché le retour de Trump à la Maison Blanche. Cette orientation a également mis en sommeil – sous le mandat de Biden – de nombreuses organisations de « résistance » surgie lors du premier mandat Trump 1.0.

L'organisation populaire sur les lieux de travail et dans les communautés a été efficace dans certaines circonstances limitées. Mais les syndicats et les organisations communautaires sont-ils prêts à faire face à une augmentation quantitative ou qualitative des déchaînements et de la répression trumpiens ? Pour l'instant, cela ne semble pas être le cas.

Cependant, au printemps 2025, la société états-unienne s'oppose à ce que fait Trump. Et, si l'histoire peut nous donner une indication, les gens ordinaires sont capables de se mobiliser à tout moment. Personne n'avait prédit, et encore moins prévu, l'énorme vague d'actions antiracistes qui a eu lieu au plus fort de la pandémie de Covid après le meurtre de George Floyd en 2020. Nous aurons besoin de cela, et bien plus encore, pour vaincre Trump et la menace autoritaire qu'il représente. (Article reçu le 15 mai, traduction rédaction A l'Encontre)

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En 100 jours, Trump a lancé une « attaque tous azimuts » contre l’environnement

20 mai, par Kiley Bense et al. — , ,
Comparée à son premier mandat, la menace que représente une seconde administration Trump atteint un « nouveau niveau », selon des groupes environnementaux et des experts (…)

Comparée à son premier mandat, la menace que représente une seconde administration Trump atteint un « nouveau niveau », selon des groupes environnementaux et des experts juridiques. Cent jours après le début du second mandat de Donald Trump, les pires craintes des environnementalistes se sont réalisées — et même dépassées.

5 mai 2025 | tiré d'Inside Climate News | Photo : Des militant·e·s pour la justice environnementale brandissent des pancartes lors d'une manifestation après que le sénateur Edward Markey (démocrate du Massachusetts) se soit vu refuser l'entrée au siège de l'EPA, le 6 février à Washington, D.C. Crédit : Al Drago/Getty Images

Auteurs et autrices : Kiley Bense, Bob Berwyn, Dennis Pillion, Georgina Gustin, Jake Bolster, Marianne Lavelle et Wyatt Myskow

Face à une avalanche de décrets, d'annonces et de mesures visant les ressources naturelles les plus précieuses du pays et ses communautés les plus vulnérables, les défenseurs de l'environnement redoutent que l'agenda Trump, s'il n'est pas freiné, ne fasse régresser les États-Unis de plusieurs décennies.

« Ce n'est pas une exagération de dire que l'administration Trump a lancé l'attaque la plus grave de l'histoire de la Maison-Blanche contre l'environnement et la santé publique. Jour après jour, heure après heure, elle détruit l'un des acquis majeurs de notre époque », a déclaré Manish Bapna, président-directeur général du Natural Resources Defense Council (NRDC), une ONG environnementale. « Si cette offensive réussit, il faudra une génération, voire plus, pour réparer les dégâts. »

Le sénateur démocrate Sheldon Whitehouse, membre de la commission sénatoriale de l'environnement et des travaux publics, a déclaré à Inside Climate News que l'« offensive corrompue » du président contre l'air pur, l'eau potable et l'énergie propre abordable faisait de lui « le président le plus impopulaire de l'histoire après 100 jours de mandat ». Un sondage Washington Post-ABC News-Ipsos indique que Trump n'obtient que 39 % d'approbation, un score inférieur à celui de n'importe quel autre président à ce stade depuis que de tels sondages existent.

« Le gouvernement mafieux de Trump, financé par les énergies fossiles, privilégie l'illégalité et le mépris de la Constitution plutôt que la baisse des coûts de l'énergie pour les ménages, la croissance économique ou la réduction de la pollution », a ajouté Whitehouse. « Les Américains le savent : leur situation s'est empirée, et cela ne fera qu'empirer. »

Deux visions opposées : la communication officielle versus la réalité

Un communiqué de presse publié par la Maison-Blanche pour le Jour de la Terre peignait pourtant un tableau radicalement différent. Intitulé « En ce Jour de la Terre, nous avons enfin un président qui suit la science », le texte vantait les actions de Trump sur l'environnement, comme « promouvoir l'innovation énergétique pour un avenir plus sain » (capture carbone et nucléaire), « réduire les réglementations inutiles » (notamment sur les émissions des centrales à charbon), « protéger la faune » (en suspendant l'éolien en mer), ou encore « protéger les terres publiques » (en les ouvrant à l'exploitation pétrolière, gazière et minière tout en assurant une gestion responsable).

Interrogée, la Maison-Blanche n'a pas répondu directement aux critiques sur son bilan environnemental, mais a réaffirmé sa volonté de « protection » en reprenant les slogans de campagne du président.

« Comme le président l'a dit, les Américains méritent un air pur et une eau propre », a déclaré la porte-parole Taylor Rogers. « En moins de 100 jours, le directeur de l'EPA, [Lee] Zeldin, a déjà pris des mesures pour éliminer les toxines, fournir des terres saines aux Américains et utiliser des politiques de bon sens pour alimenter le grand retour américain. »

Pour les experts, ce discours officiel est révélateur d'une stratégie de désinformation. « C'est une véritable masterclass de double langage », a commenté Hannah Perls, avocate au Harvard Environmental and Energy Law Program.

Loin de promouvoir « un avenir plus sain », l'administration a supprimé des agences et abrogé des règles destinées à réduire la pollution et améliorer la santé publique. Au lieu d'« innover », Trump a soutenu le charbon et annulé des projets d'énergie renouvelable. Plutôt que de « protéger les terres publiques », il a licencié des milliers d'agents des parcs et forêts, menacé la Loi sur les espèces menacées et favorisé l'exploitation minière et forestière. Et au lieu de « suivre la science », il a coupé des financements cruciaux et ignoré les experts du climat.

Son administration nie à nouveau le changement climatique, se retire de l'Accord de Paris et a écarté les scientifiques du principal rapport national sur le climat.

Une attaque d'une ampleur inédite

« On s'attend toujours à des revirements politiques d'une administration à l'autre, qu'elle soit démocrate ou républicaine », explique Perls. Mais traditionnellement, ces changements se faisaient au scalpel, au cas par cas.

« Cette fois, ils utilisent de la dynamite », dit-elle.

Un feu vert pour polluer

« Les moins de 50 ans n'ont pas connu à quel point l'air était sale avant la Loi sur l'air pur de 1970 », rappelle David Hawkins, avocat au NRDC. Il décrit le New York des années 1960, ses appuis de fenêtre couverts de suie, la fumée noire des incinérateurs et le plomb dégagé par les véhicules.
Il a vu les réglementations améliorer la qualité de l'air, réduire les maladies respiratoires et les morts prématurées, tout en apportant d'énormes bénéfices économiques.

« Mais rien n'est acquis », dit-il. L'administration Trump veut abroger ces protections, via une disposition de "péremption automatique" des règlements, qui pourrait dispenser les pollueurs d'obligations légales.

Les avocats spécialisés jugent cette disposition illégale, mais elle n'est qu'un exemple parmi d'autres. Le plan de Trump pour l'EPA prévoit une réduction de 65 % du budget, ramenant l'agence à ses niveaux les plus bas depuis sa création, en 1970.

Perls craint la perte d'expertise à l'EPA et le message envoyé aux industries : « Elles vont voir ça comme un feu vert pour polluer sans retenue. »

Justice environnementale attaquée

« L'administration a clairement indiqué pour qui elle travaille : les grandes industries polluantes. Et elle impose aux communautés le fardeau de cette pollution », résume Geoff Gisler, du Southern Environmental Law Center (SELC), qui poursuit le gouvernement fédéral pour avoir gelé illégalement des subventions.

« On assiste à un mépris total des processus légaux », dit-il. « Déjà présent lors du premier mandat, mais cette fois, on change d'échelle. »

Les coupes à l'EPA, combinées à une note de service de mars excluant la race et le statut socio-économique dans les enquêtes, auront des effets graves. « Des gens mourront », affirme Perls. « Peut-être pas demain, ni dans six mois, mais cela arrivera. »

Les groupes de justice environnementale sont paralysés : subventions gelées pour des projets locaux, suppression d'outils comme EJ Screen, fermeture de bureaux dédiés.

« Créer le chaos, c'était le but », selon Patrick Drupp (Sierra Club). « Les petites associations ou les projets solaires communautaires ne peuvent pas attendre huit mois un jugement. »

Un sabotage général

Les attaques ne visent pas seulement l'EPA. Le Département de la sécurité intérieure a mis fin à toute activité liée au climat. La FEMA a supprimé les programmes de résilience aux catastrophes.
Le Département de la santé (HHS) a licencié les équipes gérant les aides au chauffage pour les familles pauvres, les logements énergétiques, ou la prévention de maladies environnementales comme l'asthme.

En février, la ministre de la Justice Pam Bondi a fermé tous les bureaux liés à la justice environnementale.

« S'en prendre à la justice environnementale, c'est s'en prendre à des millions d'Américains qui dépendent d'un air pur et d'une eau potable », a dénoncé le sénateur Ron Wyden.

Détruire l'État administratif

Trump prétend revenir à une approche « de base » : l'air et l'eau plutôt que le climat. Mais ses exemples — comme le nettoyage de déchets toxiques en Californie ou la lutte contre les produits chimiques PFAS — sont sujets à caution. Il est resté silencieux sur l'opposition aux réglementations PFAS et a précipité l'approbation de plans étatiques douteux.

Même les opérations saluées, comme la réponse aux incendies en Californie, ont suscité des protestations, car des zones humides protégées ont été utilisées comme dépôt de déchets toxiques.
Sous couvert d'éliminer le gaspillage, la Department of Government Efficiency (DOGE), dirigée par le donateur Elon Musk, orchestre cette offensive. Mais pour les experts, l'objectif est clair : saboter l'État administratif lui-même.

« Si vous voulez soigner un cancer, vous enlevez la tumeur, pas le patient », conclut Perls. « Ici, ils ne cherchent pas à guérir. Ils veulent tuer. »

Licenciements massifs, lieux protégés désanctuarisés et Musk

Depuis son retour à la présidence, Trump a profondément restructuré les agences fédérales chargées de gérer les terres publiques de l'Ouest américain, au détriment potentiel de ces paysages, de la faune et des communautés qui en dépendent.

En février, le Service des parcs nationaux a licencié 1 000 employés, avant que deux juges de district fédéraux n'ordonnent leur réintégration, déstabilisant les parcs à travers le pays alors qu'ils se préparent à la saison la plus chargée de l'année. Trump a également réduit de 10 % les effectifs du Service forestier des États-Unis, et des milliers d'autres employés auraient accepté des offres de départ volontaire. Le gel des financements a bloqué des travaux de conservation essentiels.

Désormais, les employés de DOGE, supervisés par le milliardaire Elon Musk, ont pris les rênes du Département de l'Intérieur, où le secrétaire Doug Burgum a vanté l'idée de vendre des terres publiques pour répondre à la crise du logement. L'administration Trump a également émis des décrets visant à simplifier les procédures minières et à accélérer des projets hautement controversés.

« Les terres publiques fédérales appartiennent à tous les Américains, » a déclaré Mike Quigley, directeur de l'Arizona pour la Wilderness Society. « Elles sont gérées par le gouvernement fédéral en notre nom. Donc, si vous voulez ouvrir une mine sur des terres publiques, la période de commentaires et le processus NEPA (National Environmental Policy Act) existent pour que les propriétaires — vous, moi, votre voisin — puissent donner leur avis. Et quand j'entends parler de ‘simplification', je crains que cela ne soit un euphémisme pour dire ‘approbation automatique'. »

L'accélération des projets miniers et de forage pétrolier ou gazier pourrait menacer certaines des espèces et des paysages les plus emblématiques des États-Unis. « Nous avons certains des derniers habitats fauniques de qualité dans les 48 États contigus, » a déclaré Alec Underwood, directeur des programmes du Wyoming Outdoor Council, une ONG environnementale basée à Lander. « Ils sont irremplaçables. »

Les bouleversements en matière de personnel et de réglementation ont déjà des effets concrets. Les licenciements ont touché « des personnes réelles qui vivent dans nos communautés et travaillent sur les terres publiques, » selon Underwood. « Beaucoup d'entre eux sont désormais sans emploi. »
L'industrie pétrolière et gazière a salué les actions de Trump au cours des cent premiers jours. La Western Energy Alliance, une association de l'industrie basée au Colorado, a applaudi les « mesures décisives du président pour promouvoir le développement du pétrole et du gaz naturel. »

« Nous avons assisté à un changement radical, passant d'une administration qui imposait des politiques restrictives, limitait les autorisations et menaçait les projets énergétiques, à une autre qui soutient activement le développement, » a déclaré Kathleen Sgamma, présidente de l'alliance, dans un communiqué. Sgamma, qui s'était retirée de la course pour diriger le Bureau of Land Management après des questions sur sa loyauté envers Trump, a également salué les « actions agressives de déréglementation » de l'EPA.

Ailleurs dans l'Ouest, les communautés et les environnementalistes se préparent à la réduction ou à la suppression de monuments nationaux. En mars, l'administration Trump a annoncé l'élimination des monuments nationaux de Chuckwalla et des Highlands de Sáttítla en Californie, avant de supprimer cette annonce d'un document de la Maison Blanche. La semaine dernière, le Washington Post a rapporté que l'administration envisageait de réduire les monuments nationaux Baaj Nwaavjo I'tah Kukveni - Empreintes ancestrales du Grand Canyon, Ironwood Forest, Chuckwalla, Organ Mountains-Desert Peaks, Bears Ears et Grand Staircase-Escalante — et ce, malgré leur popularité quasi universelle auprès des électeurs.

Erik Schlenker-Goodrich, directeur exécutif du Western Environmental Law Center, estime que l'approche désordonnée de l'administration met le pays en danger.

« On se sent comme Bip Bip et Coyote, » dit-il. « On a couru au-delà du bord de la falaise proverbiale et on flotte dans le vide, sans rien en dessous de nous. Et c'est profondément périlleux. »
Il ajoute : « La gravité finira par agir, et beaucoup d'organisations comme la nôtre réfléchissent à la manière d'atténuer les effets de cette chute sur ce qui nous tient à cœur : les terres publiques, la faune de l'Ouest, les rivières sauvages. »

L'administration s'en est également prise aux programmes de conservation et de lutte contre le changement climatique du Département de l'Agriculture (USDA), laissant des dizaines de milliers d'agriculteurs sans l'aide financière et technique qu'ils attendaient.

Le décret « Unleashing American Energy » de Trump a immédiatement gelé des milliards de dollars destinés aux agriculteurs pour la mise en œuvre de pratiques climatiques ou de mesures d'efficacité énergétique sur leurs fermes, dans le cadre de la loi phare de Biden sur le climat, l'Inflation Reduction Act. Une partie de ces fonds a été débloquée depuis par la secrétaire à l'Agriculture Brooke Rollins, mais leur distribution reste incertaine.

Des poursuites judiciaires ont été engagées par des groupes de défense au nom des agriculteurs pour exiger la restitution de ces fonds. Une analyse d'anciens employés de l'USDA estime que près de 2 milliards de dollars sont dus à plus de 22 000 agriculteurs pour des programmes de conservation et d'efficacité énergétique.

Début mai, l'agence a annulé un programme de 3 milliards de dollars lancé sous Biden — le Partnership for Climate-Smart Commodities — en le rebaptisant Advancing Markets for Producers. Elle a précisé que seuls les projets répondant à de nouveaux critères seraient désormais financés.
De même, l'agence a annoncé qu'elle ne financerait les projets du Rural Energy for America Program que si les demandeurs modifiaient leur dossier de subvention pour « supprimer les éléments néfastes liés à la DEIA et au climat d'extrême gauche ». DEIA signifie Diversité, Équité, Inclusion et Accessibilité — un terme regroupant les efforts d'égalité des chances au travail et ailleurs.

L'agence, qui supervise également le Service forestier, a publié une « déclaration de situation d'urgence » pour ouvrir 110 millions d'acres aux intérêts de l'industrie forestière — une décision que les groupes écologistes estiment susceptible d'accélérer la destruction des forêts anciennes et d'accentuer leur vulnérabilité à la sécheresse et aux incendies. Ce mémo a été publié peu après un décret de Trump visant à augmenter la production de bois de 25 % à l'échelle nationale.

« Trump a montré son indifférence aux besoins des agriculteurs, notamment avec sa politique tarifaire erratique et dévastatrice, mais son administration les abandonne aussi sur la question du climat, » a déclaré Karen Perry Stillerman, responsable des programmes agroalimentaires à l'Union of Concerned Scientists.

PS : pour voir les liens de l'article voir l'article original :
https://insideclimatenews.org/news/30042025/trump-second-administration-first-100-days-assault-on-the-environment/

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Que signifie un pape américain pour l’Amérique ?

Le conclave des cardinaux a élu pour la première fois un pape américain, un homme qui a critiqué la politique du président Donald Trump et du vice-président J.D. Vance. Que (…)

Le conclave des cardinaux a élu pour la première fois un pape américain, un homme qui a critiqué la politique du président Donald Trump et du vice-président J.D. Vance. Que signifie pour l'Amérique le choix de cet Américain à la tête de l'Église catholique ?

Hebdo L'Anticapitaliste - 754 (15/05/2025)
https://lanticapitaliste.org/actualite/international/que-signifie-un-pape-americain-pour-lamerique

L'Église catholique est une organisation énorme et influente. Il y a 1,4 milliard de catholiques dans le monde. Vingt pour cent des Américains sont catholiques, soit 73,2 millions d'entre eux. Les protestants sont plus nombreux en Amérique, mais ils sont divisés en de nombreuses églises, alors que l'Église catholique est la plus grande organisation religieuse des États-Unis. Alors qu'elle était majoritairement blanche, les immigrantEs du Mexique, d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud ont modifié la composition ethnique de l'église. Aujourd'hui, 36 % des catholiques américains sont hispaniques, 54 % sont blancs, 4 % sont asiatiques et 2 % sont noirs. Et en 2024, Trump a remporté les suffrages de 54 % de tous les catholiques et de 61 % des catholiques blancs.

Sur les traces de François

Oui, l'Église catholique est une institution fondamentalement conservatrice, voire réactionnaire, patriarcale et sexiste, qui refuse aux femmes des rôles de direction ou même une voix dans les délibérations, et qui leur refuse le droit au divorce et à l'avortement. Il est vrai qu'elle n'a pas réussi à protéger les enfants des abus sexuels commis par des prêtres. Oui, historiquement, elle a été liée en de nombreux endroits, et en particulier en Amérique latine, à la classe dirigeante des propriétaires terriens et des capitalistes, ainsi qu'à l'État. Oui, pendant des siècles, elle a eu le caractère de « l'opium du peuple », une drogue pour les oppriméEs.

Pourtant, même cette institution conservatrice a produit des courants progressistes et même proches du socialisme, comme la théologie de la libération qui a été influente en Amérique latine dans les années 1960 et 1970. Théologie quasiment marxiste, elle a incité des millions de personnes en Amérique latine à la résistance, à la rébellion voire à la révolution. Horrifié, le pape réactionnaire Benoît XVI (2005-2013) a tenté de l'éradiquer, renvoyant des prêtres et des professeurs.

Le pape François, récemment décédé, était partisan d'une théologie du peuple mettant l'accent sur les travailleurEs et les pauvres, les migrantEs, mais aussi les marginaux et les oppriméEs tels que les LGBT. Il semblerait que le nouveau pape Léon XIV suivra les traces de François.

Un pape anti-Trump ?

Robert Francis Prevost, né à Chicago en 1955, est diplômé de l'université catholique de Villanova en Pennsylvanie, de la Catholic Theological Union à Chicago et de l'université pontificale Saint-Thomas d'Aquin à Rome. De 1985 à 1999, il a été missionnaire au Pérou, et de 2014 à 2023, il est retourné au Pérou et est devenu citoyen péruvien. Il a été chef de l'ordre des Augustins et a occupé des postes importants dans la hiérarchie catholique.

Prévost a choisi le nom de Léon XIV, se plaçant ainsi dans la tradition de Léon XIII, pape de 1878 à 1903, qui, dans son encyclique Rerum Novarum (des choses nouvelles), s'est penché sur « la misère et le malheur qui pèsent si injustement sur la majorité de la classe ouvrière ». Léon XIII, tout en s'opposant au socialisme et en défendant le capitalisme, a reconnu la nécessité et le droit des travailleurEs à organiser des syndicats, faisant ainsi passer l'Église du Moyen Âge au monde moderne.

Trump et Vance ont tous deux félicité Léon XIV d'être devenu pape et ont félicité l'Amérique de l'avoir produit. Mais qu'arrivera-t-il aux électeurs de Trump si le pape s'oppose aux politiques racistes et xénophobes du président ? Le nouveau pape sera-t-il en mesure de faire changer certains esprits ? Les partisans de Trump sont critiques. Laura Loomer, une activiste d'extrême droite qui influence Trump, a déclaré que le nouveau pape était « anti-Trump, anti-Maga, pro-ouverture des frontières et un marxiste total comme le pape François ». Et elle n'a pas vraiment tort. Bien qu'il ne soit évidemment pas marxiste, les messages de Prevost sur les médias sociaux avant son élection indiquent qu'il est pour la protection des immigréEs, pour la réduction de la violence armée et pour la lutte contre le changement climatique.

Donald Trump va maintenant devoir partager la scène mondiale avec un autre dirigeant américain puissant : le pape Léon XIV qui sera un opposant sur de nombreux sujets.

Dan La Botz, traduction Henri Wilno

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Le conflit entre l’Inde et le Pakistan autour de l’eau illustre la vulnérabilité croissante de région face au changement climatique

20 mai, par Mehebub Sahana — , , ,
Dans une décision sans précédent, l'Inde a récemment suspendu le traité sur les eaux de l'Indus de 1960 avec le Pakistan, invoquant le terrorisme transfrontalier. Cette (…)

Dans une décision sans précédent, l'Inde a récemment suspendu le traité sur les eaux de l'Indus de 1960 avec le Pakistan, invoquant le terrorisme transfrontalier. Cette décision s'inscrit dans une série d'escalades entre les deux pays, qui se trouvent désormais au bord de la guerre. [Voir sur l'escalade et la désescalade le dossier publié sur ce site le 10 mai. Le cessez-le-feu est loin d'avoir supprimé les tensions. Modi indique que le dispositif militaire mis en place le 7 mai est encore en place.]

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/05/14/appel-urgent-a-la-paix-lance-par-les-feministes-indiennes-et-pakistanaises-et-autre-texte/?jetpack_skip_subscription_popup

La suspension du traité sur les eaux de l'Indus reflète une tendance régionale grandissante : les pays d'Asie du Sud considèrent de plus en plus l'eau comme un atout stratégique plutôt que comme une ressource commune, dans un contexte de méfiance croissante, de stress climatique et de concurrence géopolitique.

La région abrite près d'un quart de la population mondiale et dépend d'énormes fleuves transfrontaliers alimentés par les glaciers de l'Himalaya. Cela constitue le « troisième pôle » (Hindu Kush-Karakoram-Himalayan system) de réserves d'eau douce. Une rupture de la diplomatie de l'eau pourrait entraîner un effondrement environnemental, des crises humanitaires et une instabilité géopolitique. L'utilisation de l'eau comme arme doit être traitée de toute urgence comme une question de justice climatique mondiale.

Un point de tension a été atteint en août 2024, lorsque des inondations dévastatrices ont touché près de 5,8 millions de personnes au Bangladesh. Certains responsables bangladais ont accusé l'Inde d'avoir libéré sans avertissement un excédent d'eau provenant d'un grand barrage en amont. L'Inde a nié toute responsabilité, invoquant des précipitations extrêmes et le fonctionnement normal du barrage. Néanmoins, cet incident a ravivé les tensions de longue date entre les deux pays.

Pour compliquer encore la situation, la Chine a récemment approuvé la construction du plus grand projet hydroélectrique au monde sur le fleuve Yarlung Tsangpo au Tibet, qui devient le Brahmaputra en Inde. Ce projet gigantesque a suscité l'inquiétude quant à la capacité de la Chine à exercer un contrôle en amont et aux risques écologiques pour l'Inde et le Bangladesh en aval.

La Chine n'a pas signé d'accords officiels de partage de l'eau avec ses voisins, mais sa présence croissante dans les infrastructures hydrauliques régionales annonce un changement radical dans la politique hydraulique de l'Asie du Sud et de l'Est.

Le changement climatique aggrave la situation

Les évolutions climatiques récentes font des fleuves transfrontaliers un sujet de friction géopolitique de plus en plus important. Ces évolutions incluent l'accélération de la fonte des glaciers, l'irrégularité des moussons et l'intensification des phénomènes météorologiques extrêmes.

Si la fonte des glaciers va temporairement augmenter le débit des fleuves, les prévisions à long terme sont sombres. Si les émissions [entre autres de CO2] et le réchauffement se poursuivent, de nombreux fleuves alimentés par des glaciers, notamment l'Indus, le Gange et le Brahmapoutre, pourraient voir leur débit considérablement réduit d'ici la fin du siècle. Cela affectera directement des centaines de millions de personnes qui en dépendent.

La crise est exacerbée par les changements qui touchent l'Himalaya. La région se réchauffe plus rapidement que la moyenne mondiale, avec un glissement des chutes de neige vers les précipitations qui perturbe le calendrier et le volume des eaux qui s'écoulent des montagnes vers les champs et les villes en contrebas.

Dans le même temps, l'extraction non durable des eaux souterraines a poussé les réserves d'eau phréatiques de l'Asie du Sud vers l'épuisement, menaçant à la fois la sécurité alimentaire et la sécurité hydrique.

Un dangereux précédent

L'effondrement ou la suspension du Traité des eaux de l'Indus pourrait créer un dangereux précédent. Il est important de noter que la menace ne réside pas tant dans le fait que l'Inde coupe l'approvisionnement en eau – une mesure peu probable et techniquement difficile à mettre en œuvre – que dans l'érosion de la confiance, de la transparence et du partage des données.

L'une des caractéristiques les plus précieuses du traité est le partage régulier de données sur des éléments tels que les niveaux d'eau, le débit des fleuves et le fonctionnement des barrages. Le Pakistan a besoin de ces données pour prévoir les inondations et les sécheresses, planifier son irrigation, produire efficacement de l'énergie hydroélectrique et gérer son eau potable, mais l'Inde indique qu'elle ne respectera plus ces obligations.

Cependant, les relations tendues de l'Inde en matière d'eau ne se limitent pas au Pakistan. Le Bangladesh et le Népal se sont souvent sentis mis à l'écart ou soumis à des pressions lors des négociations, et l'intention de l'Inde de reconsidérer des traités de longue date suscite des inquiétudes dans ces deux pays.

C'est particulièrement le cas à l'approche de l'expiration du traité sur les eaux du Gange en 2026 : le fleuve Gange, qui traverse l'Inde, irrigue une grande partie du Bangladesh, et le traité garantit à ce dernier un débit minimal.

D'autres accords clés, tels que le traité Mahakali [1996, entre l'Inde et le Népal] et l'accord sur le fleuve Kosi entre l'Inde et le Népal, ainsi que l'accord sur le partage des eaux de la Teesta entre l'Inde et le Bangladesh, restent largement non appliqués, ce qui alimente la méfiance. Ces échecs sapent la confiance dans la diplomatie régionale en matière d'eau et jettent le doute sur l'engagement de l'Inde en faveur d'une coopération équitable.

Cette situation n'est pas améliorée par le fait que l'Inde, le Pakistan et le Bangladesh continuent tous à utiliser des méthodes d'irrigation obsolètes qui entraînent une consommation d'eau supérieure à leurs besoins. Alors que le changement climatique intensifie les inondations, les sécheresses et la fonte des glaciers, il est urgent de réformer les traités existants sur l'eau afin de les adapter aux réalités climatiques, hydrologiques et géopolitiques actuelles.

Le traité sur les eaux de l'Indus, négocié dans les années 1960, avant l'émergence de la science climatique moderne, ne tient pas compte de ces transformations. En effet, la plupart des traités sur l'eau dans la région restent ancrés dans des cadres technocratiques et centrés sur l'ingénierie, qui ne tiennent pas compte de l'extrême variabilité du climat et de ses effets en cascade.

L'expiration prochaine du traité sur les eaux du Gange et la négociation en cours d'autres accords sur les bassins constituent une occasion cruciale de repenser la gestion de l'eau en Asie du Sud.

Bien que l'Indus traverse l'Inde avant le Pakistan, dans d'autres bassins, l'Inde est en aval. C'est le cas du Brahmaputra, où elle exige une coopération en amont de la Chine.

Le fait de saper le traité de l'Indus pourrait affaiblir la position de l'Inde dans les négociations futures et tendre ses relations avec le Népal et le Bangladesh, tout en donnant à la Chine plus d'influence dans la politique hydrique de l'Asie du Sud. La Chine étend déjà son influence en accordant des milliards de dollars de prêts au Bangladesh et en renforçant ses liens avec le Népal, en particulier dans le domaine des infrastructures hydrauliques.

Utiliser l'eau comme arme est une stratégie périlleuse qui pourrait se retourner contre ses auteurs. L'affaiblissement de la diplomatie de l'eau en Asie du Sud n'est pas seulement une menace régionale ; il met en danger la sécurité climatique mondiale.

Face à l'aggravation des effets du changement climatique et à la répétition des catastrophes, la mise à jour des accords transfrontaliers tels que le traité sur les eaux de l'Indus, le traité sur les eaux du Gange et les accords sur le Kosi et la Teesta n'est plus une option, mais une nécessité urgente aux conséquences considérables.

Mehebub Sahana
Mehebub Sahana est chercheur en géographie auprès de l'Université de Manchester
Article publié sur le site The Conversation le 9 mai 2025 ; traduction rédaction A l'Encontre (cartes non reproduites)
https://alencontre.org/asie/bangladesh/le-conflit-entre-linde-et-le-pakistan-autour-de-leau-illustre-la-vulnerabilite-croissante-de-region-face-au-changement-climatique.html

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La Chine : une nouvelle puissance capitaliste impérialiste

20 mai, par Chris Slee — , ,
China in Global Capitalism (d'Eli Friedman, Kevin Lin, Rosa Liu et Ashley Smith, chez Haymarket Books, 2024) est une excellente introduction à la Chine d'aujourd'hui. Il (…)

China in Global Capitalism (d'Eli Friedman, Kevin Lin, Rosa Liu et Ashley Smith, chez Haymarket Books, 2024) est une excellente introduction à la Chine d'aujourd'hui. Il examine la nature de la société chinoise et les raisons du conflit grandissant entre la Chine et les Etats-Unis.

Tiré d'À l'encontre.

Le livre commence par affirmer (de manière convaincante, à mon avis) que « la Chine du XXIe siècle est capitaliste » [p. 11]. Les auteurs montrent que la poursuite du profit domine l'économie :

« Dans un large éventail de secteurs, il est clair que c'est la production de marchandises à des fins lucratives qui régit l'économie, et non la production pour les besoins humains…

»Les biens tels que la nourriture, le logement, l'éducation, les soins de santé, les transports et le temps libre et social ne sont pas fournis par le gouvernement. Au contraire, la grande majorité de la population chinoise doit vendre sa force de travail, c'est-à-dire sa capacité à travailler, à des entreprises privées ou publiques en échange d'un salaire afin de subvenir à ses besoins essentiels. » [p. 14]

Il s'agit d'un changement majeur par rapport au système précédent :

« L'apparition d'un marché du travail capitaliste a été politiquement controversée à la fin des années 1970, car de nombreux membres du PCC [Parti communiste chinois] soutenaient encore le système maoïste de l'« emploi à vie » [sécurité de l'emploi], appelé « bol de riz en fer ». Bien que les salaires fussent dérisoires dans ce système, les travailleurs urbains de la plupart des entreprises avaient accès gratuitement ou presque gratuitement au logement, à l'éducation et aux soins de santé. Plus important encore, il était pratiquement impossible de licencier quelqu'un… Mais dans les années 1990, l'Etat avait clairement décidé que l'avenir appartenait aux marchés du travail capitalistes, comme l'a clairement indiqué la loi sur le travail de 1994, qui a établi un cadre juridique pour le travail salarié… Cependant, plutôt que d'instaurer un marché du travail hautement réglementé sur le modèle social-démocrate (comme le souhaitaient de nombreux réformateurs), le travail a été marchandisé et reste très informel. » [p. 15]

Les auteurs affirment que l'Etat chinois :

« gouverne dans l'intérêt général du capital… La nature capitaliste de l'Etat est très évidente dans la politique menée dans les entreprises. La Chine a connu une explosion de la contestation ouvrière au cours des trois dernières décennies ; le pays est le leader mondial des grèves sauvages. Comment l'Etat réagit-il lorsque les travailleurs recourent à la tradition ancestrale consistant à refuser de travailler pour le capital ? Sa police intervient presque exclusivement au nom des patrons contre les travailleurs et travailleuses, un service qu'elle rend aussi bien aux entreprises privées nationales qu'étrangères et publiques. Il existe d'innombrables exemples où la police ou des hommes de main à la solde de l'Etat ont recouru à la coercition pour briser une grève. » [p. 17]

Ils expliquent qu'il n'existe pas de véritables syndicats :

« Le seul syndicat légal est la Fédération des syndicats de toute la Chine (ACFTU-All-China Federation of Trade Unions), une organisation contrôlée par le PCC. Plutôt que de représenter les travailleurs et travailleuses et de défendre leurs intérêts, l'ACFTU assure la paix sociale pour les entreprises. Il n'est donc pas surprenant que les responsables des ressources humaines des entreprises soient systématiquement nommés à la tête du syndicat de leur entreprise. » [p. 18]

Les capitalistes ont été autorisés à adhérer au PCC et aux organes gouvernementaux :

« Lors de la session 1998-2003 de l'Assemblée populaire nationale (APN), les travailleurs ne représentaient que 1% des représentants, tandis que les entrepreneurs en constituaient 20,5%, un renversement complet par rapport aux années 1970. Aujourd'hui, l'APN et le Conseil consultatif politique du peuple chinois présentent une concentration étonnante de ploutocrates. En 2018, les 153 membres les plus riches de ces deux organes du gouvernement central disposaient d'une fortune combinée estimée à 650 milliards de dollars. » [p. 19]

Comme aux Etats-Unis, il existe un « pantouflage » entre les entreprises et les institutions publiques. [p. 19]

Le secteur public relativement fort de l'économie chinoise est parfois cité comme preuve que la Chine n'est pas capitaliste. Cependant, les auteurs soulignent qu'avant l'ère néolibérale, les entreprises publiques étaient courantes dans les pays capitalistes. De plus, le secteur public chinois a été considérablement réduit :

« Des dizaines de millions de travailleurs du secteur public ont été licenciés dans les années 1990 et au début des années 2000 dans le cadre de la campagne menée par l'Etat pour « briser le bol de riz en fer ». En projetant les travailleurs sur un marché du travail pour lequel ils n'étaient absolument pas préparés, cette campagne de privatisation a engendré des crises de subsistance et une lutte des classes massive. A la suite de cette vague de ventes et de détournements des retraites des travailleurs, les entreprises publiques restantes ont été soumises aux contraintes du marché, y compris dans leurs régimes de travail. » [p. 21]

Cela inclut le recours généralisé aux travailleurs temporaires.

Une « puissance impériale »

Les auteurs affirment que la Chine est devenue « une nouvelle puissance impériale » :

« Elle se bat pour sa part du marché mondial, conforte le sous-développement du Sud et conclut des accords pour s'assurer des ressources partout dans le monde. L'intégration de la Chine dans le capitalisme mondial a généré à la fois une collaboration et une concurrence entre elle et les Etats-Unis ainsi que les autres puissances impérialistes. » [p. 27]

L'économie chinoise a connu une croissance rapide :

« L'économie chinoise est passée de seulement 6% du PIB états-unien en 1990 à 80% de ce PIB en 2012. Les transnationales ont stimulé cet essor. Mais la Chine a exigé des entreprises étrangères de haute technologie et à forte intensité capitalistique qu'elles transfèrent leur technologie aux entreprises publiques et privées locales. Ainsi, l'Etat chinois a soutenu le développement du capital indigène et lui a permis d'être compétitif au sein du système mondial. » [p. 32]

Les auteurs affirment que la Chine a contribué au sous-développement persistant des pays du Sud :

« En Amérique latine, ses exportations bon marché ont sapé les industries de la région et réduit les pays à exporter des matières premières vers la Chine, ce qui constitue le piège classique de la dépendance. » [p. 34]

La Chine a également augmenté ses dépenses militaires à hauteur de 293,35 milliards de dollars en 2021, ce qui la place au deuxième rang mondial derrière les Etats-Unis. [p. 41]

« Elle a également mené un programme agressif d'établissement de bases militaires sur les îles qu'elle revendique en mer de Chine méridionale et a revendiqué des territoires à divers Etats en mer de Chine orientale…

»Cette projection de puissance en mer de Chine méridionale et orientale a mis la Chine en conflit avec plusieurs Etats asiatiques, tels que le Japon, les Philippines, Brunei, Taïwan, le Vietnam, l'Indonésie et la Malaisie. » [p. 42]

Les auteurs notent que,

« malgré son essor, la Chine reste dépendante des pays capitalistes avancés, en particulier des Etats-Unis. Elle a besoin d'eux pour ses marchés et ses intrants, en particulier les microprocesseurs avancés qu'elle n'est pas encore en mesure de fabriquer elle-même. » [p. 43]

Je suis d'accord pour dire que la Chine agit de plus en plus comme une puissance impérialiste. Mais la situation est complexe : la classe ouvrière chinoise est toujours surexploitée par le capital étranger, ce qui est généralement le signe d'un pays semi-colonial.

Résistance

La croissance économique rapide de la Chine est parfois qualifiée de « miracle ». Mais les auteurs affirment que

« la croissance de la Chine repose sur l'exploitation de la classe ouvrière, le travail reproductif non rémunéré, en particulier celui des femmes, et la spoliation des terres, des ressources naturelles et des biens collectifs. Ces formes d'exploitation et de spoliation profitent non seulement aux élites chinoises, mais ont également contribué à assurer la rentabilité du capitalisme au niveau international, enrichissant ainsi les entreprises et les investisseurs des pays riches d'Amérique du Nord, d'Europe et d'Asie. » [p. 47]

Il y a également eu une résistance à l'oppression et à l'exploitation :

« Les paysans ont toujours lutté contre les pratiques corrompues et antidémocratiques de confiscation des terres et de marchandisation. Leurs homologues urbains ont fait de même. Les populations se sont organisées contre la destruction de quartiers entiers à la demande de promoteurs immobiliers avides de terrains et de leurs alliés au sein des municipalités. Dans les années 1990, les travailleurs se sont mobilisés contre le vol des biens publics lors de la privatisation des entreprises publiques… Les travailleurs migrants issus des campagnes ont pris le relais de la résistance dans les usines et dans le secteur des services en pleine expansion…

»Les troubles sociaux se sont considérablement amplifiés au cours des années 1990 et 2000. Les « incidents de masse », comme le gouvernement appelle les actions collectives de plus de vingt-cinq travailleurs et paysans, ont atteint le nombre de 87 000 en 2005, année où le gouvernement a cessé de communiquer ces données… [Voir à ce sujet le site China Labour Bulletin – réd.]

»Même sans organisation formelle, ces luttes ont arraché des victoires symboliques, juridiques et matérielles importantes à l'Etat et au capital. » [p. 47-48]

De nombreuses grèves ont obtenu des augmentations de salaire ou de meilleures conditions de travail. Mais les troubles ont également contraint le gouvernement à modifier certaines de ses politiques.

La résistance à la privatisation des entreprises publiques en est un exemple :

« Les travailleurs ont résisté à ces réformes du marché par une vague de luttes. De la fin des années 1990 à la fin des années 2000, ils ont organisé des manifestations et des grèves contre les licenciements, le vol des retraites et la privatisation. L'exemple le plus célèbre est peut-être le mouvement de Liaoyang en 2002, où des dizaines de milliers de travailleurs et travailleuses des entreprises publiques se sont soulevés contre la fermeture d'usines, menaçant la stabilité sociale. De nombreuses autres manifestations ont eu recours à des tactiques radicales telles que le blocage des routes et des voies ferrées. En 2009, les travailleurs du groupe Tonghua Iron and Steel, dans la province de Jilin [nord-est], ont capturé et battu à mort un dirigeant d'une entreprise privée qui menait une campagne de privatisation. L'Etat a réagi par la répression, arrêtant et condamnant les leaders à de longues peines de prison. Les travailleurs qui ont perdu leur emploi se sont retrouvés sur le marché du travail privé sans grand espoir de trouver un travail décent. Néanmoins, leur résistance farouche a contribué à la décision de Hu Jintao [président de 2003 à 2013] de renoncer à la poursuite de la privatisation de l'industrie d'Etat. » [p. 55]

Un autre exemple est la lutte des travailleurs migrants :

« Les travailleurs et travailleuses migrants issus des campagnes sont des travailleurs de seconde classe dans le régime de citoyenneté interne stratifié. Ils sont exclus des services sociaux dans leurs villes d'adoption parce que leur enregistrement officiel, leur hukou, est lié à leur village d'origine. D'un côté, leur accès aux prestations sociales dans leur village leur offre une certaine protection en période de chômage. Mais d'un autre côté, leur statut précaire dans les villes en fait une main-d'œuvre extrêmement exploitable pour les industries chinoises et transnationales…

»Ces travailleurs ont répondu à leur exploitation par des luttes syndicales militantes, à l'instar des classes ouvrières d'autres pays qui ont connu des processus d'industrialisation similaires. Leurs revendications portaient principalement sur les salaires, les conditions de travail et les protections juridiques…

»Afin de tenter d'étouffer cette vague de militantisme, le gouvernement chinois a adopté des réformes du travail qui ont codifié les droits fondamentaux des travailleurs et travailleuses… Mais cela n'a pas réussi à mettre fin aux grèves et aux manifestations et a peut-être même inspiré les travailleurs en récompensant leurs actions et en leur donnant une légitimité juridique…

»Les travailleurs sont passés à l'offensive, exigeant des augmentations de salaire supérieures aux exigences légales. Une grève à l'usine de transmission Honda Nanhai – province du Guangdong [voir China Labour Bulletin 20 mai 2015 – réd.] a déclenché une vague de grèves massives dans l'industrie automobile au cours de l'été 2010. » [p. 55-57]

Le livre aborde l'oppression des femmes et la résistance féministe. La privatisation a aggravé l'oppression des femmes. Dans le passé, les entreprises publiques fournissaient à leurs employés un logement, des soins de santé, des services de garde d'enfants et des soins aux personnes âgées. La privatisation a entraîné la perte de ces services.

Les parents doivent payer des services de garde privés, s'occuper de leurs enfants à la maison ou, dans le cas de nombreux travailleurs et travailleuses migrants, demander à leurs grands-parents dans leur village d'origine de s'en occuper.

« Aujourd'hui, la Chine est l'un des rares pays au monde où les dépenses publiques pour les services de garde d'enfants de moins de trois ans sont nulles. » [p. 64]

Cette situation alourdit la charge qui pèse sur les femmes et a contribué à creuser l'écart salarial entre les hommes et les femmes.

Certaines femmes se sont organisées pour tenter d'améliorer la situation. Un groupe appelé « Youth Feminist Activism » (Activisme féministe des jeunes) a

« mené des campagnes, organisé des manifestations, intenté des procès, créé des plateformes sur les réseaux sociaux, monté des pièces de théâtre et organisé des marches, tout en appelant à des réformes pour lutter contre la discrimination et la violence à l'égard des femmes dans toute la société. » [p. 71-72]

Cinq leaders du groupe ont été arrêtées en 2015.

Les questions nationales en Chine

La Chine compte 56 ethnies officiellement reconnues, mais 92% de la population appartient à la majorité Han. Les minorités vivent principalement dans les régions périphériques de la Chine.

Ces régions ont connu des soulèvements :

« De 2008 à 2020, la périphérie de la Chine a été le théâtre d'une intense résistance sociale. Cette période de douze ans a été marquée par des bouleversements massifs au Tibet, au Xinjiang et à Taïwan. Hong Kong a connu deux épisodes spectaculaires d'insurrection massive, le premier en 2014, puis à nouveau en 2019. » [p. 77]

Ces événements ont eu différentes causes immédiates, mais

« contrairement au caractère des protestations dans les régions centrales de la Chine, elles ont toutes été marquées par une hostilité ouverte envers l'Etat chinois ». [p. 77]

Concernant le Tibet, les auteurs affirment :

« Bien que la croissance du PIB de la région ait été impressionnante, la plupart des bons emplois et des possibilités entrepreneuriales sont revenus aux colons Han… La discrimination anti-tibétaine sur le marché du travail est bien documentée…

»Les colons Han dans les régions tibétaines ont été les principaux bénéficiaires de l'augmentation des dépenses publiques dans les infrastructures, ces projets entraînant souvent le déplacement et la dépossession des populations tibétaines. » [p. 81]

Outre la répression de la culture tibétaine, la discrimination économique a conduit à « un ressentiment latent à l'égard de la domination coloniale han ». [p. 82] Les auteurs affirment que :

« Face à une telle oppression nationale, les Tibétains affirment leur droit à l'autodétermination nationale et le droit de façonner leur propre avenir comme ils l'entendent. » [p. 83]

La situation est similaire au Xinjiang [nord-ouest] :

« Le gouvernement central a financé de grands projets d'infrastructure et encouragé les investissements privés dans la région…

»Les Ouïghours ont toutefois peu bénéficié de l'impressionnante croissance économique du Xinjiang, dont les fruits ont largement profité aux colons Han. Cette inégalité raciale est le résultat d'une discrimination dans l'enseignement et sur le marché du travail. Pour progresser dans le système d'enseignement supérieur chinois, il est nécessaire de maîtriser le mandarin, ce qui place les locuteurs natifs ouïghours (ainsi que les locuteurs tibétains, kazakhs et d'autres langues minoritaires) dans une situation nettement défavorable. » [p. 84]

Cette situation a conduit à des émeutes raciales en 2009, suivies d'

« une insurrection de faible intensité et parfois violente [qui] a couvé pendant des années. Les Ouïghours ont mené de nombreuses attaques au couteau contre des commissariats de police au Xinjiang. » [p. 85]

L'Etat chinois a lancé une « guerre populaire contre le terrorisme » afin d'éradiquer « l'extrémisme islamique ». Les auteurs décrivent cette « guerre » comme suit :

« En 2017, l'Etat avait construit d'immenses camps, appelés par euphémisme « centres de rééducation », où il a emprisonné des centaines de milliers de musulmans. Alors que le prétexte était qu'il s'agissait simplement de sites de formation professionnelle, de nombreuses fuites ainsi que des documents gouvernementaux accessibles au public ont révélé que ces camps avaient pour but de promouvoir la « déradicalisation » et un sentiment d'« unité ethnique », ainsi que la soumission au régime du PCC. » [p. 85]

La langue et la culture ouïghoures ont été attaquées et un « système de surveillance dystopique » a été mis en place dans tout le Xinjiang. [p. 85]

Les entreprises occidentales ont profité de la répression des Ouïghours en fournissant une partie de la technologie de surveillance et en utilisant le travail forcé dans les camps pour produire des marchandises destinées à être vendues sur le marché mondial.

Les manifestations à Hong Kong ont principalement porté sur des questions de droits démocratiques : opposition aux lois répressives et revendications pour des élections libres. Les auteurs affirment que l'absence de démocratie est liée au niveau très élevé d'inégalité économique à Hong Kong, où une oligarchie riche contrôle le gouvernement tandis que les logements sociaux sont insuffisants et que les pauvres sont « contraints de s'entasser dans de minuscules appartements aux loyers exorbitants ». [p. 90] La discrimination à l'égard de ceux qui ne parlent pas le mandarin est également source de mécontentement.

Taïwan n'a jamais été contrôlée par le PCC, mais ce dernier prétend qu'elle fait partie de la Chine parce qu'elle a autrefois fait partie de l'empire Qing. Taïwan a été gouvernée par le Japon entre 1895 et 1945, puis reprise par le Kuomintang (KMT), le parti soutenu par les Etats-Unis qui a gouverné la Chine jusqu'à sa défaite par le PCC en 1949.

Les auteurs affirment que le peuple taïwanais considérait le KMT comme une « force d'occupation brutale ». Lorsqu'il s'est rebellé, le KMT « a répondu par une répression brutale, tuant plusieurs milliers de personnes et en arrêtant et torturant des milliers d'autres ». [p. 94]

Dans les années 1980, le mouvement pro-démocratique taïwanais a réussi à obtenir la libéralisation politique et la démocratie parlementaire. Parallèlement, les réformes économiques de Deng Xiaoping [président de 1983 à 1990] ont créé des opportunités en Chine continentale pour les capitalistes taïwanais :

« Les entreprises taïwanaises ont investi des sommes colossales dans les zones franches industrielles en pleine expansion de la Chine. L'exemple le plus célèbre est celui de Foxconn [qui produit entre autres pour Apple], qui a trouvé en Chine un environnement sans syndicats, où les autorités locales étaient en mesure de lui garantir d'immenses terrains et une main-d'œuvre gigantesque à bas prix… Ironiquement, c'est le KMT, l'ancien ennemi juré du PCC, qui a plaidé en faveur d'une intégration plus profonde des deux économies au nom de l'élite fortunée de Taïwan. » [p. 96]

Cependant, en 2014,

« des centaines de milliers de personnes ont envahi les rues pour exprimer leur opposition à un accord commercial néolibéral qui renforcerait l'influence économique de la Chine. Des centaines de manifestant·e·s ont occupé le bâtiment du Yuan législatif pendant des semaines, mobilisant un soutien massif de la population et réussissant à faire échouer l'accord commercial. » [p. 97]

En résumé, les auteurs affirment :

« Ainsi, l'adhésion ouverte du PCC au chauvinisme Han et à l'ethnonationalisme a déclenché des luttes pour l'autodétermination nationale sur son territoire et dans sa périphérie. » [p. 99]

Tout en reconnaissant que les responsables politiques occidentaux tentent de tirer profit de ces mouvements, ils affirment que la gauche devrait soutenir les luttes pour la démocratie et l'autodétermination.

Etats-Unis et Chine

La rivalité entre les Etats-Unis et la Chine s'intensifie :

« Comme le montre clairement le conflit autour de Taïwan, l'émergence de la Chine en tant que nouvelle puissance capitaliste l'a amenée à une opposition croissante avec les Etats-Unis. » [p. 103]

Jusqu'à la première administration Trump, la politique états-unien à l'égard de la Chine était « une combinaison de confinement et d'engagement ». [p. 108] Les Etats-Unis ont tenté d'intégrer la Chine dans leur ordre mondial néolibéral.

« Dans le même temps, Washington restait méfiant en raison de la réticence de Pékin à se plier entièrement à ses diktats et a donc pris des précautions en conservant certains éléments d'une politique d'endiguement à l'égard de la Chine. Par exemple, il a maintenu son vaste archipel de bases militaires dans la région Asie-Pacifique et a régulièrement patrouillé ses eaux, y compris le détroit de Taïwan, avec des porte-avions et des cuirassés. » [p. 109]

Trump a adopté une approche plus ouvertement hostile, lançant une guerre tarifaire et tentant de mettre fin aux transferts de technologie entre les entreprises états-uniennes et chinoises. Biden a largement poursuivi cette politique. Les auteurs commentent :

« Ce conflit a déclenché une logique de restructuration de la mondialisation, fragmentant le système en blocs de sécurité nationale rivaux dans certains domaines économiques stratégiques tout en maintenant les chaînes d'approvisionnement mondiales dans d'autres. » [p. 121]

Il existe également une « course aux armements dans la région », les Etats-Unis, la Chine et d'autres Etats augmentant leurs dépenses militaires. [p. 122]

Environnement

La Chine est devenue le plus grand émetteur mondial de dioxyde de carbone en 2006. En 2019, les émissions annuelles de dioxyde de carbone de la Chine étaient deux fois plus élevées que celles des Etats-Unis. L'industrialisation a également entraîné la pollution des sols, de l'eau et de l'air.

Ces problèmes résultent du développement capitaliste de la Chine :

« Les multinationales… ont délocalisé une grande partie de leurs « industries polluantes » en Chine, où la réglementation environnementale était et reste laxiste. » [p. 127]

La pollution a donné lieu à des manifestations de masse :

« En fait, le mécontentement et la résistance populaires ont contraint l'Etat à adopter des mesures qui remédient au moins en partie à la dégradation de l'environnement. Par exemple, les critiques populaires des habitants des grandes villes comme Pékin contre la pollution atmosphérique ont poussé le gouvernement à fermer ou à délocaliser les industries très polluantes. » [p. 130-131] [Un bilan devrait être établi des initiatives prises par le gouvernement dans le domaine des « énergies renouvelables » et de leurs « villes modèles » – réd.]

Solidarité internationale

Dans le contexte de l'intensification de la rivalité entre les Etats-Unis et la Chine, les auteurs plaident en faveur de la solidarité internationale :

« Les dirigeants des deux Etats ont recours au nationalisme pour détourner la colère populaire vers les peuples opprimés et leurs rivaux impérialistes. Dans le même temps, l'exploitation et l'oppression accrues ont provoqué et continueront de provoquer d'intenses luttes parmi les travailleurs et les opprimés aux Etats-Unis et en Chine. Dans ce contexte, la gauche doit adopter une approche claire visant à construire une solidarité internationale à partir de la base contre les deux Etats impérialistes et leurs classes dirigeantes. » [p. 163]

Ils ajoutent :

« Notre travail consiste à tisser des réseaux, aussi rudimentaires soient-ils, entre les militants aux Etats-Unis, en Chine et ailleurs, qui pourront à l'avenir faire de la solidarité réciproque par la base une force capable de s'opposer au capitalisme mondial, au nationalisme des grandes puissances et aux rivalités interimpérialistes qu'ils attisent. » [p. 175]


Article publié sur le site Links.org le 8 mai 2025 ; traduction rédaction A l'Encontre.

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L’Iran doit renoncer à la bombe et Israël démanteler la sienne

20 mai, par Michel Rogalski — , ,
C'est bien connu, les medias chassent en meute et bien souvent avec la complaisance de la classe politique qui participe ainsi à la fabrication de l'opinion publique. Le (…)

C'est bien connu, les medias chassent en meute et bien souvent avec la complaisance de la classe politique qui participe ainsi à la fabrication de l'opinion publique.
Le spectre de la bombe iranienne fait ainsi la une de tous les plateaux médiatiques sans que soit abordée la question de l'autre bombe, l'israélienne.

Tiré de La chronique de Recherches internationales
Site : http://www.recherches-internationales.fr/

Michel Rogalski
Directeur de la revue Recherches internationales

Comme si celle-ci était naturelle, allait de soi et ne pouvait faire l'objet d'aucune interrogation. Ainsi l'une serait admissible et l'autre désignée comme le mal absolu. La seconde ferait l'objet de toutes les critiques, la première serait un tabou qu'il serait indécent d'évoquer, au risque pour le journaliste qui en serait tenté de sentir son oreillette grésiller, le rappeler à l'ordre et lui faire sentir que sa carrière n'est plus assurée. Ainsi, il y aurait une bombe de la guerre et une bombe de la paix.

C'est ainsi que medias et classe politique organisent de concert le débat en évoquant de façon récurrente la menace iranienne d'accéder à l'arme nucléaire. On remarquera la fausse symétrie, l'une n'étant que virtuelle, l'autre bien réelle, mais tous deux se réfugiant, pour l'un dans l'absence d'assumer en entretenant un flou total et pour l'autre en jurant que telle n'est pas son intention et qu'on lui fait un mauvais procès. Dissimulation chez l'un et déni chez l'autre.

L'affaire remonte à loin et reste régie par l'ombre tutélaire du Traité de non-prolifération nucléaire signé en 1968, peu à peu rejoint par une majorité de pays – aujourd'hui 192. D'emblée, refuser d'adhérer à l'Accord signifiait une intention non-dissimulée d'accéder au statut de puissance dotée de l'arme nucléaire. Peu de pays en prirent le risque. On en connaît la liste : Afrique du sud, Inde, Pakistan, Israël. Tous ces pays, avec des complicités diverses, accédèrent à l'arme nucléaire. Deux y renoncèrent, l'Afrique du sud et l'Ukraine, pour des raisons différentes. On peut donc affirmer que le Traité, même si tous ses termes ne sont pas intégralement appliqués, a rempli l'essentiel de son rôle, celui d'éviter la prolifération nucléaire.
Ainsi l'Afrique est devenu un continent dénucléarisé et l'Amérique latine a évité de l'être malgré les ambitions symétriques de l'Argentine et du Brésil. La situation du continent asiatique étendu au Moyen-Orient est fort différente et beaucoup plus complexe car des situations spécifiques y coexistent permettant à chacun de s'affirmer comme un cas particulier. Après l'avoir signé, la Corée du nord s'en est retirée et possède aujourd'hui l'arme et les missiles pouvant la porter. La Chine était déjà dotée au moment de l'Accord. L'Inde, le Pakistan et Israël non-signataires du Traité se sont chacun doté de l'arme et l'Iran signataire de l'Accord est suspecté par la communauté internationale de ne pas le respecter et de refuser de se soumettre aux inspections de l'AIEA (Agence Internationale de l'Énergie Atomique) censée en contrôler l'application et à procéder à une aide technique pour accéder à l'usage pacifique du nucléaire. Il lui est reproché d'enrichir l'uranium à des taux qui se rapprochent de la capacité d'accéder à la bombe. L'Iran réfute ces accusations et affirme qu'il n'a pas une telle intention.

C'est dans ce contexte que, sous la mandature de Barack Obama, un Accord fut signé à Vienne en 2015, le Joint Comprehensive Plan of Action (JPCoA) associant les 5 membres du Conseil de sécurité, l'Allemagne et l'Iran. Cet Accord fut dénoncé unilatéralement par D. Trump en 2018. Depuis lors, malgré les sanctions, Téhéran augmente le nombre et le rythme de ses centrifugeuses enrichissant l'uranium à des teneurs qui approchent un possible usage militaire.

Aujourd'hui, Donald Trump, devant l'inefficacité de son retrait de l'Accord, semble désireux de renouer le contact avec l'Iran, sans se concerter avec l'Europe, et entame une série de négociations bilatérales auxquelles les Iraniens, lassés de l'entrave des embargos, acceptent de participer. Trump tente aujourd'hui de revenir sur sa posture, mais en écartant les Européens. Ces négociations se déroulent sous l'égide du Sultanat d'Oman alors qu'États-Unis et Iran n'ont plus de relations diplomatiques. Le contexte a bien changé. Israël s'est imposée comme puissance militaire régionale incontestée et accumule les victoires par les armes contre le Hamas à Gaza, contre le Hezbollah au Liban, bénéficie de la chute du régime syrien et a détruit une large partie des défenses antimissiles iraniennes. Téhéran a perdu beaucoup d'alliés au Moyen-Orient, peine sous les sanctions et redoute une attaque israélienne sur son potentiel nucléaire. Bref, Israël a fait le « sale boulot » pour le compte de l'Occident sous la protection des bâtiments de guerre américains patrouillant en Méditerranée orientale.

En réalité il est fort probable que l'Iran souhaite accéder au statut d'un État du « seuil nucléaire », c'est-à-dire d'être en capacité rapidement (entre un et deux ans) de devenir, si nécessaire, une puissance nucléaire. D'autres pays comme la Corée du sud ou le Japon, pourraient partager une telle ambition. Cela ferait tâche d'huile au Moyen-Orient et demain l'Arabie saoudite ou la Turquie participeraient à une telle prolifération. Rien ne serait plus dangereux. Tout doit être fait, par des moyens diplomatiques et coopératifs pour rechercher une issue non-militaire.

Le paradoxe c'est qu'au Moyen-Orient le seul État doté – Israël - est le plus véhément dans l'opposition farouche à une éventuelle bombe iranienne, adoptant ainsi comme seule logique celle de vouloir être la seule puissance nucléaire de la région, au point de menacer de frappes préemptives le dispositif iranien, comme il le fit à l'égard de l'Irak en détruisant en 1981 son réacteur nucléaire en cours de construction. Cette posture n'a aucune légitimité dès lors que sa sécurité est garantie par l'allié américain qui n'hésite pas à déplacer ses bâtiments de guerre en Méditerranée pour signifier sa totale solidarité avec Tel-Aviv et par le soutien acquis d'avance des pays occidentaux. Car en cas de danger existentiel tout le monde sait qu'Israël sera défendu de façon inconditionnelle par tous ses alliés qui ne manquent jamais de le répéter.

Cette bombe israélienne qui fut construite avec la complicité dissimulée d'États dotés et signataires du Traité de non-prolifération – notamment de la France et des États-Unis - est une incitation à pousser d'autres pays de la région à s'engager dans la même voie. Longtemps cachée, niée et dissimulée son existence est maintenant admise mais, au contraire d'arsenaux d'autres pays pour lesquels la communication est d'usage dès lors que les expérimentations sont réussies, elle reste entourée d'un flou discret. Envisagée très tôt par Ben Gourion le programme israélien démarre dès la fin des années 1950 et sera effectivement considéré comme opérationnel dès le début des années 1970. Depuis lors, il est entouré d'une opacité entretenue et fait figure d' « exception » acceptée y compris par l'AIEA qui n'a jamais pris le sujet à bras-le-corps et a ainsi contribué à en « normaliser » l'existence. Ainsi le pays peut prétendre bénéficier du prestige de la possession de l'arme nucléaire sans avoir à en payer le moindre coût diplomatique ou moral et peut continuer à jouir du monopole de l'arme nucléaire dans la région. Partant de ce principe d'exception, Tel-Aviv peut s'exonérer de toute recherche politico-diplomatique en vue d'une zone exempte d'armes nucléaires au Moyen-Orient. Cette discrétion fut accompagnée et partagée par la quasi-totalité du monde occidental. Dans le pays, les critiques et les discussions fusent de toutes parts sur les options sécuritaires choisies par les dirigeants et visent tout à la fois l'armée, le Mossad et le Shin Bet, mais la question nucléaire reste taboue et n'est jamais débattue.

Aujourd'hui, poser, à raison, la question de l'accession de l'Iran à l'arme nucléaire est légitime, et il faut se réjouir de la reprise des négociations avec les États-Unis à Oman, mais peut-on aborder ce sujet en entretenant délibérément le silence sur l'autre bombe du Moyen-Orient ? Autre forme de deux poids et deux mesures ?

Cette chronique est réalisée en partenariat rédactionnel avec la revue Recherches internationales à laquelle collaborent de nombreux universitaires ou chercheurs et qui a pour champ d'analyse les grandes questions qui bouleversent le monde aujourd'hui, les enjeux de la mondialisation, les luttes de solidarité qui se nouent et apparaissent de plus en plus indissociables de ce qui se passe dans chaque pays.

https://shs.cairn.info/revue-recherches-internationales?lang=fr

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Rapport Addameer : « plus de 10 100 prisonniers politiques identifiés dans les prisons israéliennes en mai 2025 »

Nous publions ci-dessous notre traduction du dernier rapport porté par la Commission des affaires des détenus, la Société des prisonniers palestiniens (PPS) l'association (…)

Nous publions ci-dessous notre traduction du dernier rapport porté par la Commission des affaires des détenus, la Société des prisonniers palestiniens (PPS) l'association Addameer, association palestinienne de soutien aux prisonniers et d défense des droits humains.

Tiré d'Agence médias Palestine.

Les forces d'occupation israéliennes continuent de procéder à des arrestations massives lors de raids violents et incessants dans les maisons et les lieux publics palestiniens dans les villes, les villages et les hameaux de toute la Cisjordanie. Le nombre total d'arrestations en avril 2025 a atteint 530, dont 60 enfants (moins de 18 ans) et 18 femmes. Ce chiffre comprend les personnes qui sont toujours en détention et celles qui ont été libérées par la suite.

Dans ce rapport mensuel spécial, la Commission des affaires des détenus, la Société des prisonniers palestiniens (PPS) et l'Association Addameer pour le soutien aux prisonniers et les droits de l'homme présentent les faits et chiffres clés relatifs aux milliers de prisonniers politiques palestiniens détenus par l'occupation israélienne.

Ces campagnes d'arrestations massives se poursuivent dans le contexte du génocide en cours à Gaza et de l'escalade de l'agression en Cisjordanie, en particulier dans les villes du nord de Jénine et de Tulkarem, qui sont confrontées à des arrestations massives, des exécutions sommaires, des déplacements forcés et des destructions généralisées. Ces chiffres n'incluent pas les centaines de personnes soumises à des interrogatoires violents sur le terrain en Cisjordanie, en particulier dans les camps de réfugiés et les villes. Ces interrogatoires s'accompagnent souvent de passages à tabac, d'abus et d'intimidations, visant même les enfants et les femmes. L'occupation a également continué à utiliser des civils comme otages et boucliers humains, et a poursuivi et arrêté à nouveau d'anciens prisonniers, dont certains avaient été libérés lors des accords d'échange récents.

Avec les données recueillies en avril 2025, le nombre total d'arrestations effectuées par les forces d'occupation israéliennes en Cisjordanie depuis le début du génocide en octobre 2023 s'élève à environ 17 000 cas, incluant les personnes actuellement détenues et celles qui ont été libérées par la suite. Ce chiffre ne tient pas compte des milliers d'arrestations qui auraient eu lieu à Gaza.

En avril, les autorités d'occupation israéliennes ont annoncé la mort de deux prisonniers palestiniens détenus par leurs soins : Musab Odeili, originaire de Naplouse, assassiné le 16 avril 2025 (sa mort a été confirmée le lendemain), et Nasser Khalil Radaydeh, originaire de la ville d'Al-Ubeidiya, près de Bethléem, assassiné le 20 avril 2025. Il convient de noter qu'un certain nombre de détenus enlevés à Gaza ont été informés de manière informelle par leurs familles que leurs proches avaient été assassinés pendant leur détention par l'occupant. Les groupes de prisonniers n'ont pas encore reçu de réponse claire de l'armée israélienne concernant le sort de ces détenus.

Toujours en avril, les résultats de l'autopsie du jeune détenu palestinien de 17 ans assassiné en mars ont été rendus publics. Les médecins ont conclu que la cause principale du décès de Walid Ahmad, originaire du village de Silwad, près de Ramallah, était la privation de nourriture.

Les groupes de défense des prisonniers signalent également une forte augmentation du nombre d'ordres de « détention administrative » émis par l'armée en avril, ce qui a entraîné une augmentation significative du nombre de personnes arrêtées en Cisjordanie et détenues en vertu de ces ordres. Début mai, on comptait 3 577 « détenus administratifs », dont plus de 100 enfants, soit plus que le nombre de prisonniers condamnés et de personnes en attente de jugement dans les prisons israéliennes. Les détenus administratifs sont des personnes détenues sans procès ni inculpation sur la base d'un « dossier secret » auquel ni le détenu ni son avocat n'ont accès, ce qui signifie qu'ils n'ont aucun moyen de se défendre devant les tribunaux militaires israéliens, structurellement oppressifs.

Chiffres clés au début du mois de mai 2025

Le nombre de Palestiniens identifiés détenus dans les prisons centrales, les camps militaires, les centres d'interrogatoire et de détention de l'occupation dépasse les 10 100 personnes au début du mois de mai 2025. Ce chiffre n'inclut pas tous les Palestiniens enlevés à Gaza, en particulier ceux détenus dans les camps militaires de l'occupation.

Ce chiffre comprend :

3 577 Palestiniens arrêtés en Cisjordanie occupée et détenus sans procès ni inculpation en vertu de l'ordre de « détention administrative » israélien

Au moins 400 enfants, dont au moins 100 en « détention administrative ».

35 femmes, dont deux enceintes de cinq mois et une malade du cancer.

1 846 Palestiniens arrêtés dans la bande de Gaza occupée et détenus sans procès ni inculpation en vertu de la loi israélienne sur les « combattants illégaux ».

Avant le génocide, il y avait au total 5 250 prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes, dont 40 femmes, 170 enfants et environ 1 320 « détenus administratifs ».

À noter : le nombre total de Palestiniens identifiés détenus sans procès ni accusation sous différents prétextes juridiques – en Cisjordanie et à Gaza – s'élève à 5 423 personnes, ce qui signifie que plus de la moitié des 10 100 Palestiniens identifiés comme détenus sont emprisonnés arbitrairement et sans procédure judiciaire régulière.

Depuis le 7 octobre 2023, au moins 66 prisonniers politiques palestiniens identifiés ont été tués directement ou indirectement par des gardiens de prison de l'occupation israélienne. Ce chiffre n'inclut pas les dizaines de détenus non identifiés qui ont été arrêtés à Gaza et tués dans des circonstances inconnues des avocats et des institutions palestiniennes de défense des prisonniers. L'occupation israélienne continue de refuser toute information sur leur sort, leur identité et leur lieu de détention, laissant leurs proches dans l'ignorance.

Le nombre total de détenus palestiniens identifiés comme martyrs depuis 1967 s'élève désormais à 303 personnes.

Violations systématiques des droits humains des détenus

Sur la base de dizaines de visites effectuées par nos équipes juridiques auprès de détenus tout au long du mois d'avril 2025, il est évident que le système pénitentiaire de l'occupation israélienne continue de se livrer à des abus systématiques et brutaux à l'encontre des prisonniers. Il s'agit notamment de torture, de privation délibérée de nourriture et de soins médicaux. Les témoignages des prisonniers révèlent la propagation continue de maladies, notamment la gale, qui est devenue un moyen de torture physique et d'exécution lente, en particulier dans les prisons de Naqab (Néguev) et de Megiddo. Face à l'aggravation de cette crise sanitaire, les organisations de prisonniers ont appelé l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à intervenir et à faire pression sur l'occupant pour qu'il mette fin aux politiques à l'origine de ces épidémies, en particulier le refus d'accorder aux prisonniers l'accès aux produits d'hygiène et d'assainissement les plus élémentaires.

En termes d'abus systématiques, les conditions des Palestiniens enlevés à Gaza et détenus par l'armée israélienne sont les pires. Les témoignages des prisonniers sont parmi les plus choquants, révélant des niveaux extrêmes de torture, d'abus et d'humiliation. Les témoignages d'agressions sexuelles, qui occupent une place importante dans les récits recueillis, notamment ceux documentés en avril lors de visites au camp militaire d'Ofer et dans d'autres installations, sont particulièrement alarmants. L'occupant israélien continue également de pratiquer des disparitions forcées, refusant de communiquer l'identité de nombreux détenus enlevés à Gaza, y compris ceux qui sont morts ou ont été tués en détention.

La répression exercée par les forces armées pénitentiaires s'est également intensifiée, avec des raids et des agressions systématiques contre les détenus dans toutes les prisons et tous les camps de détention. Des dizaines de détenus ont été victimes de violents passages à tabac, dont beaucoup ont subi des blessures plus ou moins graves. Ces attaques ont particulièrement visé les leaders du mouvement des prisonniers, qui continuent d'être soumis à un isolement carcéral prolongé depuis le début du génocide.

La répression violente s'étend aux femmes détenues dans la prison israélienne de Damon, où se trouvent actuellement 35 Palestiniennes, dont deux femmes enceintes de cinq mois et une malade du cancer. Outre les agressions physiques continues, ces femmes sont soumises à un isolement collectif, au déni de leurs besoins fondamentaux et à la négligence médicale, notamment le refus de soins ou d'un suivi médical adéquat.

La situation des enfants détenus s'est également considérablement détériorée depuis le début du génocide, marquée par une augmentation alarmante de l'ampleur et de la brutalité des crimes commis à leur encontre. Cela inclut l'intensification des campagnes d'arrestations et l'augmentation du nombre d'enfants détenus, ainsi que leur exposition aux mêmes abus que les prisonniers adultes, hommes et femmes.

L'administration pénitentiaire israélienne continue de restreindre systématiquement les visites des équipes juridiques aux prisonniers et tente d'entraver le travail des avocats par tous les moyens possibles. Cela inclut une surveillance étroite pendant les visites et leur programmation à des intervalles irréguliers. Les organisations de défense et de soutien des prisonniers sont également confrontées à de graves difficultés pour obtenir l'accès aux prisons de Nafha et Ramon (désormais appelée prison de Ganot), en raison d'un retard délibéré dans l'attribution des dates de visite. Ce problème s'est récemment aggravé, de nombreux avocats se voyant totalement interdits de visite.

Le système pénitentiaire persiste également à intensifier les mauvais traitements infligés aux détenus lors de leur transfert vers les lieux de visite, ce qui conduit de nombreux prisonniers à ne pas divulguer certaines informations par crainte de représailles après leur visite, comme cela a été le cas pour des dizaines de détenus au cours des derniers mois.

Les groupes de prisonniers soulignent que le temps est le facteur clé qui détermine le sort et la vie des prisonniers. Plus ils restent longtemps sous la garde de l'occupation israélienne, plus leur sort et leur vie sont menacés.


Traduction : JB pour l'Agence Média Palestine

Source : Addameer

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« Le rendre inhabitable » : la stratégie israélienne de destruction totale des infrastructures urbaines

Début avril, quelques semaines seulement après avoir repris leur offensive sur Gaza, les forces armées israéliennes ont annoncé qu'elles avaient pris le contrôle de la ville de (…)

Début avril, quelques semaines seulement après avoir repris leur offensive sur Gaza, les forces armées israéliennes ont annoncé qu'elles avaient pris le contrôle de la ville de Rafah située à l'extrême sud de Gaza afin de créer le « corridor de Morag » (l'Axe Morag), un nouveau corridor militaire qui divise encore davantage la bande de Gaza. Selon le Bureau des médias du gouvernement de Gaza, l'armée aurait détruit plus de 50 000 logements à Rafah, soit 90% de ses quartiers résidentiels au cours de la guerre. Aujourd'hui, l'armée a entrepris de raser les dernières structures de Rafah, transformant toute la ville en zone tampon et coupant le seul point de passage entre Gaza et l'Egypte.

Tiré d'À l'encontre.

Y., un soldat récemment revenu de son service de réserve à Rafah, a décrit les méthodes de démolition de l'armée au magazine +972 et à Local Call. « J'ai obtenu quatre ou cinq bulldozers [d'une autre unité], et ils ont démoli 60 maisons par jour. Une maison d'un ou deux étages est détruite en une heure ; une maison de trois ou quatre étages prend un peu plus de temps », a-t-il déclaré. « La mission officielle était d'ouvrir une voie logistique pour les manœuvres, mais dans la pratique, les bulldozers détruisaient simplement les maisons. La partie sud-est de Rafah est complètement détruite. L'horizon est plat. Il n'y a plus de ville. »

Le témoignage de Y. concorde avec ceux de dix autres soldats qui ont servi à différents moments dans la bande de Gaza et dans le sud du Liban depuis le 7 octobre, et qui se sont entretenus avec +972 et Local Call. Il correspond également aux vidéos publiées par d'autres soldats, aux déclarations officielles et officieuses d'officiers supérieurs actuels et anciens, à l'analyse d'images satellites et aux rapports d'organisations internationales.

Ensemble, ces sources brossent un tableau clair : la destruction systématique des bâtiments résidentiels et des infrastructures publiques est devenue un élément central des opérations de l'armée israélienne et, dans de nombreux cas, son objectif principal.

Une partie de ces destructions est le résultat de bombardements aériens, de combats au sol et d'engins explosifs improvisés placés par des militants palestiniens à l'intérieur de bâtiments à Gaza. Cependant, bien qu'il soit difficile d'obtenir des chiffres précis, il semble que la plupart des destructions à Gaza et dans le sud du Liban n'aient pas été causées par des frappes aériennes ou pendant les combats, mais plutôt par des bulldozers ou des explosifs israéliens, dans le cadre d'actes prémédités et intentionnels.

Selon l'enquête de +972 et Local Call, cette décision a été motivée par une stratégie délibérée visant à « raser la zone » afin de garantir que « le retour des populations dans ces espaces ne soit pas possible », comme l'a déclaré Yotam, qui a servi comme commandant adjoint d'une brigade blindée à Gaza.

Les destructions « non opérationnelles », dépourvues de justification militaire directe, ont commencé dès les premiers mois de la guerre. Dès janvier 2024, le site d'investigation israélien The Hottest Place in Hell [Le lieu le plus brûlant dans l'enfer] a rapporté que l'armée avait procédé à la « destruction systématique et complète de tous les bâtiments situés à moins d'un kilomètre de la barrière [de séparation entourant Gaza] toutefois à l'intérieur de la bande de Gaza, sans qu'ils aient été identifiés comme des infrastructures terroristes, ni par les services de renseignement ni par les soldats sur le terrain », dans le but de créer une « zone tampon de sécurité ».

Le rapport citait des soldats qui affirmaient que dans les zones proches de la barrière frontalière, telles que Beit Hanoun et Beit Lahia, le quartier de Shuja'iyya dans le nord de la bande de Gaza, ainsi qu'à Khirbet Khuza'a, à la périphérie de Khan Younès, entre 75% et 100% des bâtiments avaient été détruits à cette date, de manière quasi indiscriminée. Mais ce qui a commencé dans la périphérie de Gaza est rapidement devenu une méthode largement déployée dans toute la bande de Gaza, liée au plan plus large d'Israël visant à rendre une grande partie de Gaza invivable pour les Palestiniens.

Ces actions constituent des violations flagrantes du droit de la guerre, selon Michael Sfard, avocat israélien et expert en droits de l'homme. « La destruction de biens [individuels] qui n'est pas impérativement requise par les nécessités de la guerre constitue un crime de guerre », a-t-il expliqué, « et il existe également un crime de guerre spécifique et plus grave, à savoir la destruction [gratuite et] généralisée de biens non justifiée par des nécessités militaires. Parmi les experts juridiques, les militants des droits humains et les universitaires, il existe un débat important sur la nécessité d'établir un crime contre l'humanité appelé “domicide”, c'est-à-dire la destruction d'une zone utilisée pour l'habitation humaine. »

« Nulle part où retourner »

Depuis qu'Israël a violé le cessez-le-feu en mars 2025, environ 2800 Palestiniens ont été tués à Gaza [jusqu'en date du 15 mai], et près de 53 000 ont été tués et 120 000 blessés au cours de la guerre. Comme +972 l'a déjà signalé le 3 avril, les frappes aériennes sont responsables de la grande majorité des victimes civiles. Mais c'est la destruction systématique de l'espace urbain de Gaza qui prépare le terrain pour le nettoyage ethnique de la bande de Gaza, appelé « mise en œuvre du plan Trump » dans le discours politique israélien.

Le Premier ministre Benyamin Netanyahou a ouvertement approuvé cette vision fin mars, peu après la reprise de la guerre par Israël. « Le Hamas déposera les armes. Ses dirigeants seront autorisés à partir. Nous veillerons à la sécurité générale de la bande de Gaza et permettrons la mise en œuvre du plan Trump pour une migration volontaire », a affirmé Netanyahou. « Tel est le plan. Nous ne le cachons pas et sommes prêts à en discuter à tout moment. »

Cette semaine encore, Netanyahou a établi plus explicitement le lien entre la destruction de bâtiments civils et le déplacement forcé. « Nous détruisons de plus en plus de maisons – ils n'ont nulle part où retourner », aurait-il déclaré lors d'une réunion de la commission des affaires étrangères et de la sécurité [de la Knesset]. « Le seul résultat attendu sera le désir des Gazaouis d'émigrer hors de la bande de Gaza. »

En décembre 2024, l'ONU estimait que 69% de tous les bâtiments de la bande de Gaza, dont 245 000 logements, avaient été endommagés, et que plus de 60 000 bâtiments avaient été complètement détruits. Fin février 2025, ce chiffre était passé à 70 000, selon Adi Ben Nun, spécialiste en GIS (Geographical Information Systems) à l'Université hébraïque de Jérusalem, qui a réalisé une analyse satellite pour +972 et Local Call. Au moins 2000 structures supplémentaires ont été détruites en mars, dont plus de 1000 à Rafah.

Aujourd'hui, selon une analyse visuelle réalisée par le chercheur Ariel Caine pour Local Call et +972, plus de 73% des bâtiments de Rafah et de ses environs ont été complètement détruits, moins de 4% ne présentant aucun dommage visible. La zone comptait environ 28 332 bâtiments, s'étendant du corridor de Philadelphie au corridor de Morag.

Certains des bâtiments de Gaza qui ont été complètement rasés par des bulldozers ou des explosifs lors de démolitions planifiées avaient déjà été endommagés, soit par des frappes aériennes, soit lors de combats au sol. Cependant, les données de l'ONU fournissent une indication du grand nombre de structures détruites sans nécessité opérationnelle : entre septembre et décembre 2024, période durant laquelle il n'y a pas eu de combats intenses à Gaza, plus de 3000 bâtiments supplémentaires ont été endommagés à Rafah et environ 3100 nouveaux bâtiments dans le nord de la bande de Gaza.

L'arme principale de l'arsenal de destruction de l'armée est le bulldozer blindé D9 de Caterpillar, utilisé depuis longtemps pour commettre des violations des droits humains dans les territoires palestiniens occupés. Mais les soldats qui se sont entretenus avec +972 et Local Call ont également décrit une autre méthode privilégiée pour détruire des quartiers résidentiels entiers : remplir des conteneurs ou des véhicules militaires hors d'usage avec des explosifs, puis les faire exploser à distance.

« Au final, le D9 [bulldozer blindé] a façonné le visage de la guerre », a tweeté le journaliste israélien de droite Yinon Magal début février. « C'est ce qui a poussé les Gazaouis à retourner dans le sud, après [être venus dans le nord pour rejoindre leurs maisons pendant le cessez-le-feu] et avoir réalisé qu'ils n'avaient nulle part où aller… Et ce n'était pas une directive du chef d'état-major ou de l'état-major général, c'était une politique du “terrain”, des commandants de division, des commandants de brigade, des commandants de bataillon et même des équipes du génie militaire qui ont changé la réalité. »

Un ancien haut responsable de la sécurité dans l'armée israélienne, qui a maintenu des contacts avec de nombreux commandants, a confirmé que certains commandants sur le terrain ont pris l'initiative d'ordonner la destruction d'autant de bâtiments que possible à Gaza, même en l'absence de directives militaires officielles de la part des officiers supérieurs. « J'ai reçu des rapports d'officiers sur le terrain indiquant que des mesures inutiles du point de vue opérationnel étaient prises : démolition de maisons, expulsion de dizaines et de centaines de milliers d'habitants, destruction systématique de Beit Hanoun et Beit Lahia. Ils m'ont dit que les unités D9 opéraient hors de leur contrôle », a-t-il déclaré à +972 et Local Call. « Je ne sais pas quel pourcentage correspondait à des destructions non opérationnelles, mais c'était beaucoup. »

Les commandants à Gaza disposent d'un large pouvoir discrétionnaire en matière de démolition de bâtiments, a admis une source militaire officielle, tout en niant l'existence d'une directive à Gaza visant à « détruire pour le plaisir de détruire ». « Un commandant peut démolir un bâtiment qui pourrait constituer une menace », a-t-il déclaré, soulignant que les commandants de rang inférieur étaient peut-être responsables des destructions les plus importantes.

Par ailleurs, plusieurs réservistes ont témoigné que la méthode de rasage systématique et délibéré des infrastructures civiles par l'armée avait également été employée dans le sud du Liban, lors de l'invasion terrestre d'octobre-novembre 2024. Selon un réserviste, les préparatifs de l'invasion comprenaient un entraînement à la démolition, dont l'objectif explicite était de détruire les villages chiites, presque tous considérés comme des bastions du Hezbollah, afin d'empêcher les habitants de revenir.

« Si les soldats prenaient leur temps, vérifiant sur quel mur fixer les explosifs, puis sortaient du bâtiment et filmaient l'explosion, cela prouve qu'il n'y avait aucune justification [opérationnelle] à cela », a expliqué Muhammad Shehada, chercheur invité au Conseil européen des relations internationales et originaire de Gaza. Un de ses amis, qui possède un passeport étranger et est entré dans la bande de Gaza pendant le cessez-le-feu, lui a décrit à quel point la destruction était méthodique. « Il a dit qu'on pouvait voir que [les soldats avaient] démoli une maison, nettoyé les décombres et passé à la suivante. »

Avant la guerre, Muhammad Shehadeh vivait lui-même à Tel Al-Hawa, un quartier de Gaza connu pour ses immeubles de grande hauteur et où vivent des fonctionnaires et des universitaires, non loin du corridor de Netzarim. « Lorsque les habitants de Gaza apprennent que l'armée va ouvrir un corridor, ils savent qu'il ne restera plus un seul bâtiment. Nous savions que Tel Al-Hawa allait disparaître. »

« Le message est clair : nous allons tout détruire »

Lorsque le cessez-le-feu est entré en vigueur fin janvier 2025, des milliers de Palestiniens se sont précipités pour retourner à Jabalia, dans le nord de Gaza, pour découvrir que le camp de réfugiés tel qu'ils le connaissaient n'existait plus, des quartiers entiers avaient été réduits en ruines. Leurs récits de la destruction concordent avec les témoignages des soldats qui ont servi à Jabalia entre octobre 2024 – date à laquelle l'armée israélienne est revenue dans le camp – et le cessez-le-feu.

Avraham Zarviv, un opérateur D9 surnommé « le niveleur de Jabalia » en raison des vidéos de destruction qu'il a publiées sur les réseaux sociaux, a expliqué ses méthodes dans une interview accordée à Channel 14.

« Je n'avais jamais vu un tracteur de ma vie, seulement en photo », a déclaré Avraham Zarviv, qui est juge au tribunal rabbinique dans la vie civile. La brigade Givati, dans laquelle il a servi, a décidé quelques mois après le début de la guerre de créer une unité d'ingénierie spécialisée dans les opérations de démolition. « Nous sommes montés sur des tracteurs, des D9, des excavatrices… nous avons appris le métier, nous sommes devenus très professionnels. Vous ne comprenez pas ce que c'est que de démolir un immeuble – sept, six, cinq étages – les uns après les autres. »

Entre octobre 2024 et janvier 2025, Avraham Zarviv a déclaré avoir détruit en moyenne « 50 bâtiments – pas des logements, des bâtiments… A Rafah, ils n'ont nulle part où aller, à Jabalia, ils n'ont nulle part où retourner. » Avraham Zarviv est récemment retourné servir à Rafah. Avant le seder de Pâque en avril dernier, il a mis en ligne une vidéo de Rafah le montrant devant une rue où certains bâtiments étaient encore debout. Avraham Zarviv n'a pas précisé dans la vidéo ce qu'il faisait exactement à Rafah, mais a déclaré qu'il était revenu « pour se battre jusqu'à la victoire, jusqu'à la colonisation… Nous sommes ici pour toujours. »

Alors que certains opérateurs D9 comme Zarviv ont fièrement vanté leurs crimes de guerre, d'autres soldats ne parlent pas publiquement de la destruction. Selon Y., « il y a une certaine indifférence : les gens en sont à leur quatrième ou cinquième déploiement, ils s'y sont habitués ». Mais quel que soit leur niveau de zèle, affirme Y., les soldats comprenaient à quoi servaient les bulldozers. « Il n'y a pas eu d'ordre officiel [de détruire Rafah], mais le message est clair : nous allons tout détruire. »

L'armée a procédé à l'anéantissement complet de Rafah malgré le fait, comme l'a souligné Y., qu'« il n'y a eu aucune confrontation [avec des combattants du Hamas], nous n'avons croisé que des ambulanciers », en référence à l'incident au cours duquel des soldats israéliens ont tué 15 ambulanciers et pompiers dans le quartier de Tel Al-Sultan [voir sur ce site l'article publié le 5 avril 2025].

Comme Y., les autres soldats interrogés par +972 et Local Call ont déclaré n'avoir vu aucun ordre écrit de l'état-major de l'armée pour procéder aux démolitions, et que ces ordres provenaient généralement de la brigade ou de la division.

L'ancien haut responsable de la sécurité a déclaré avoir contacté l'état-major après avoir appris la destruction systématique dans le nord de la bande de Gaza, et il est « convaincu que cela ne venait pas du chef d'état-major [Herzi Halevi], mais qu'il a perdu le contrôle de la situation. La destruction qui n'est pas liée à des objectifs militaires est un crime de guerre. Cela venait d'en bas [des officiers de niveau intermédiaire, notamment les commandants de brigade et de bataillon]. La vengeance n'est pas un objectif militaire [officiel], mais on a laissé faire. »

« Quand tu entres dans une maison, tu la fais sauter »

H. a servi deux fois dans la réserve à Gaza, la première fois au début de 2024, et la seconde entre mai et août en tant que commandant de la salle des opérations d'un bataillon stationné dans le corridor de Netzarim. « Lors de ma première période de réserve, j'étais à Khirbet Khuza'a [un village près de Khan Younès]. Nous avons tout détruit, mais il y avait une logique : élargir la ligne de contact [zone tampon] parce qu'elle était proche de la frontière. [La deuxième fois], la zone où nous nous trouvions était le long du corridor de Netzarim, près de la mer. Il n'y avait aucune justification opérationnelle pour démolir les bâtiments. Ils ne représentaient aucune menace pour Israël. C'était devenu une routine : l'armée s'était habituée à l'idée que lorsqu'on entre dans une maison, on la fait exploser. Ce n'était pas une initiative locale, cela venait du commandant du bataillon ».

H. a poursuivi : « Les cibles à démolir [les bâtiments marqués pour destruction] étaient transmises à la brigade. Je suppose que cela remontait jusqu'à la division. Le commandant du bataillon marquait les bâtiments d'un X et vérifiait la quantité d'explosifs disponible. Il envoyait un commandant de compagnie vérifier qu'il n'y avait pas de prisonniers de guerre ou de personnes disparues [otages] à l'intérieur. Dans les cas où des Palestiniens se trouvaient encore dans les maisons, on leur disait de partir, mais c'était rare. »

Selon H., les destructions étaient quotidiennes. « Certains jours, nous démolissions huit à dix bâtiments, d'autres jours aucun. Mais au total, pendant les 90 jours où nous étions là-bas, mon bataillon a détruit entre 300 et 400 bâtiments. Nous nous éloignions de 300 mètres [du bâtiment] et nous le faisions exploser. »

Lorsque H. est arrivé dans le corridor de Netzarim en mai 2024, celui-ci ne s'étendait que sur quelques dizaines de mètres de large au nord et au sud. A la fin de son service, trois mois plus tard, les démolitions avaient élargi le corridor à sept kilomètres de chaque côté. « Nous avons pris trois kilomètres à Zaytoun [au nord de Netzarim] et également à Al-Bureij et Nuseirat [au sud]. Il ne reste plus rien, pas un seul mur de plus d'un mètre de haut », a-t-il déclaré. « L'ampleur et l'intensité de la destruction sont tellement gigantesques que c'est indescriptible. »

Yotam, le commandant adjoint de la compagnie, a rejoint les réserves le 7 octobre et a servi pendant 207 jours à Gaza, participant à la première incursion terrestre dans la ville de Gaza et le long du corridor de Netzarim. Il a ensuite été renvoyé de l'armée après avoir signé une lettre appelant les soldats à cesser de servir jusqu'à la libération des otages.

« Nous nous réveillions et le bataillon se voyait attribuer une compagnie du génie pour la journée, ainsi qu'une quantité spécifique d'explosifs », a expliqué Yotam, décrivant comment les missions de démolition commençaient. « Cela signifiait démolir entre un et cinq bâtiments [par jour]. »

En tant que commandant adjoint de la compagnie, Yotam était chargé de diriger les missions. « Je suis allé voir le commandant du bataillon qui m'a dit : “Trouvez quelque chose d'important sur le terrain et démolissez-le.” Je lui ai répondu : “Je ne ferai pas une mission comme ça.” Je suis donc allé voir le commandant de la compagnie du génie, nous avons ouvert une carte et sélectionné cinq bâtiments. Si nous ne l'avions pas fait, ils auraient simplement choisi des bâtiments au hasard – de toute façon, ils voulaient démolir tout le quartier. Le sentiment général était : “Nous avons une compagnie du génie aujourd'hui, allons détruire quelque chose.” »

Comme d'autres soldats qui se sont entretenus avec +972 et Local Call, Yotam a affirmé que l'objectif militaire principal de la deuxième phase de la guerre, en mars et avril 2024, était la destruction pour la destruction. Il a ajouté qu'un commandant de division avait déclaré qu'il s'agissait d'un « moyen de pression sur le Hamas » pour parvenir à un accord sur les otages, mais qu'au niveau pratique « ce n'est pas une mission opérationnelle. Elle ne sert aucun objectif concret. Il n'y a pas de protocole établi. »

Yotam a déclaré que dans la région de Netzarim, les unités sur le terrain avaient une grande liberté pour décider de ce qu'elles voulaient détruire. « La logique opérationnelle était que ce territoire était détenu par l'armée israélienne et ne serait pas rendu de sitôt, et que personne ne se souciait de la vie des Palestiniens qui s'y trouvaient. Ce n'est pas une zone qui va redevenir un quartier palestinien. J'ai vu de mes propres yeux des centaines de bâtiments rasés. Des quartiers entiers au nord de l'hôpital de l'amitié turco-palestinienne [dans le centre de la bande de Gaza] ont été détruits. On ne peut rester indifférent à une destruction d'une telle ampleur. »

« Un spectacle tous les soirs »

Plusieurs soldats interrogés ont décrit les rituels cérémoniels qui accompagnaient les démolitions à Gaza. Un caporal réserviste de la brigade 55 qui a servi près de Khan Younès a raconté son expérience lors de missions : « Nous passions dans les maisons, nous vérifiions qu'il n'y avait pas d'informations intéressantes ni de militants présents, puis l'unité du génie entrait dans chaque bâtiment avec des charges de 10 kg qu'elle fixait aux piliers. C'était comme un spectacle tous les soirs : un officier supérieur, généralement un commandant de compagnie ou plus haut gradé, communiquait par radio avec l'unité de déminage et le corps du génie, prononçait un discours expliquant pourquoi nous étions là, comptait à rebours, puis boum. Nous regardions derrière nous et il ne restait plus rien. »

Yotam a également évoqué ces rituels pendant son service de réserve à Gaza. « Quand une rangée de bâtiments était détruite, le commandant du bataillon prenait la radio, prononçait un discours héroïque sur quelqu'un qui était mort et sur la nécessité de poursuivre la mission, puis ils faisaient exploser toute une rangée de bâtiments. »

Une autre pratique courante consistait à incendier les maisons que les forces israéliennes avaient utilisées comme installations militaires temporaires, marquant ainsi la fin d'une mission, comme l'a déjà documenté +972 le 8 juillet 2024. « C'était une routine, ils le faisaient tout le temps », a déclaré Yotam. « Plus tard, ils ont arrêté et n'ont brûlé que les maisons qui avaient servi de centres de commandement. »

Les soldats comprenaient également la signification plus large de ces démolitions ritualisées. En l'absence de tout objectif opérationnel, elles servaient un objectif politique et idéologique : rendre Gaza invivable pour les générations à venir.

« En fin de compte, nous ne combattons pas une armée, nous combattons une idée », a déclaré le commandant du bataillon 74 au journal israélien Makor Rishon [quotidien ultranationaliste et conservateur qui prône l'annexion des territoires palestiniens] en décembre 2024. « Si je tue les combattants, l'idée peut subsister. Mais je veux rendre cette idée irréalisable. Quand ils regardent Shuja'iyya et voient qu'il n'y a plus rien, juste du sable, c'est ça le but. Je ne pense pas qu'ils pourront revenir ici avant au moins 100 ans. »

« Personne ne sait mieux que nous que les Gazaouis n'ont nulle part où retourner », a expliqué un commandant dont le bataillon a participé à la destruction d'environ un millier de bâtiments en deux mois en 2025. Un soldat qui a servi dans le même bataillon a ajouté : « L'idée était de tout détruire. Juste créer des zones de destruction. »

« Vous détruisez toute une rue en un seul coup »

En avril 2025, le journaliste israélien Yaniv Kubovich est entré dans « le corridor de Morag » – la bande de terre que l'armée a nettoyée entre Khan Younès et Rafah – et a rapporté avoir vu les restes d'un ancien véhicule blindé de transport de troupes (APC) près d'un des bâtiments détruits.

Les soldats lui ont expliqué qu'il s'agissait d'une autre méthode utilisée pour faire s'effondrer les bâtiments, qui cause d'importants dégâts à l'environnement. « L'armée israélienne charge [le véhicule blindé] d'explosifs et l'envoie de manière autonome dans une rue ou un bâtiment préalablement bombardé par l'armée de l'air. Mais après un an et demi de guerre, les véhicules blindés remplis d'explosifs sont devenus une alternative moins coûteuse. »

Selon Yaniv Kubovich, les restes de ces véhicules blindés explosifs sont désormais visibles partout dans la bande de Gaza, et leur utilisation semble s'être considérablement développée depuis le début de la guerre.

A., qui a effectué plusieurs missions à Gaza, a déclaré à +972 et Local Call que cette méthode ne se limite pas aux anciens APC. « Vous prenez deux conteneurs géants, vous utilisez des dizaines, voire des centaines de litres d'explosifs, et à l'aide d'un D9 ou d'un Bobcat [petit bulldozer] télécommandé, vous les placez à un endroit prédéterminé, puis vous les faites exploser. En un seul coup, vous détruisez toute une rue. Une fois, nous sommes entrés dans un complexe qui servait autrefois de centre éducatif pour les jeunes. Nous y avons passé une nuit, puis ils l'ont fait sauter. Nous étions à un kilomètre et demi [de l'explosion] et nous avons quand même senti le souffle passer au-dessus de nous, comme une forte rafale de vent. J'ai cru que le bâtiment s'était effondré sur moi. »

A. a déclaré que cette méthode était parfois utilisée à des fins relativement opérationnelles : faire exploser une zone soupçonnée de contenir un engin explosif, par exemple, ou dégager le passage pour les troupes.

Mais Yotam l'a décrite comme un autre outil principalement utilisé pour détruire des bâtiments. « La mission est définie une fois que vous recevez la quantité [d'explosifs] qui vous est allouée, puis c'est : “OK, allez-y”. Une partie de la mission politico-militaire consiste à raser des bâtiments ou à rendre une zone inutilisable. » Y., qui a récemment servi à Rafah, a également témoigné : « Chaque nuit, ils font exploser un ou deux [de ces véhicules blindés]. La force est incroyable, ça rasera tout autour. »

Alors que les forces israéliennes rasent Rafah, les dizaines de milliers de Palestiniens contraints d'évacuer en avril peuvent entendre de loin la destruction de leurs maisons. Le Dr Ahmed al-Sufi, maire de Rafah, a déclaré à +972 et Local Call que lorsqu'il est retourné dans la ville en janvier, au début du cessez-le-feu, il a été choqué par l'ampleur des destructions. Aujourd'hui, à nouveau déplacé à l'extérieur de Rafah, il entend les bombardements aériens et les explosions incessantes au sol, et il craint que la situation ne soit bien pire. « Personne ne sait à quoi ressemble la ville aujourd'hui, mais nous nous attendons à ce qu'elle soit complètement détruite. Il sera très difficile pour les habitants de revenir. »

« L'armée israélienne utilise diverses méthodes pour détruire la ville, soit par des bombardements aériens incessants, soit en faisant exploser des bâtiments piégés », a expliqué Mohammed Al-Mughair, directeur de l'approvisionnement de la défense civile à Gaza. « Il y a également des robots piégés qui sont envoyés dans des maisons et des quartiers entiers et qui explosent à l'intérieur. Il y avait plusieurs zones où des bâtiments étaient encore intacts et habitables [pendant le cessez-le-feu], mais avec ces bombardements incessants, nous ne savons pas ce qui s'est passé, en particulier dans les zones entourant le corridor de Morag. »

« Notre objectif était de détruire les villages chiites »

Cette politique de destruction systématique – une tactique visant à empêcher les civils de retourner chez eux – a également été mise en œuvre lors de l'invasion terrestre de deux mois menée par Israël dans le sud du Liban. Une analyse des images satellites réalisée fin novembre 2024, peu après la conclusion du cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, a révélé que 6,6% de tous les bâtiments situés dans les districts au sud du fleuve Litani avaient été complètement ou fortement détruits.

G., réserviste dans le bataillon du génie 7064, s'est présenté à l'entraînement à l'été 2024, avant l'invasion prévue. Il a déclaré à +972 et Local Call que le briefing indiquait explicitement que l'objectif du bataillon était de détruire les villages chiites. « Lors de l'entraînement à la démolition avant l'invasion [terrestre], un major du bataillon nous a expliqué que notre objectif en entrant au Liban serait de détruire les villages chiites. Il n'a pas parlé de “terroristes”, d'“ennemis” ou de “menaces”. Il n'a utilisé aucun terme militaire, juste « villages chiites ». Il s'agit d'une destruction sans objectif militaire, uniquement politique. L'objectif était d'empêcher les habitants de revenir. Cela a été clairement énoncé. L'idée était qu'il n'y aurait aucune possibilité de reconstruction après la guerre. Rétrospectivement, nous avons vu qu'ils avaient détruit des écoles, des mosquées et des installations de purification de l'eau. » Il a refusé de se présenter pour d'autres missions de réserve, mais n'a pas été puni.

Pendant la formation de G., aucune distance spécifique par rapport à la frontière n'a été fixée comme limite pour la destruction, mais « la brigade 769, dont nous dépendions, a décidé d'un rayon de 3 kilomètres. D'après ce que j'ai vu [du côté israélien de la frontière], ils ont réussi. » Dans une interview accordée à Srugim [journal en ligne], le commandant de la Brigade 769 a confirmé ces propos : « Partout où il y a du terrorisme, des soupçons de terrorisme ou même un parfum de terrorisme, je détruis, démolis et élimine. »

L., un réserviste qui a servi à Gaza et sur le front oriental du Liban, a déclaré que l'armée avait fait venir « un nombre considérable de forces du génie, tant régulières que de réserve ». Son unité au Liban « n'a rencontré que peu ou pas de résistance, bien moins que prévu », et l'un des objectifs était « de détruire toutes les infrastructures des villages, car presque tous étaient considérés comme des bastions du Hezbollah. Ils ont commencé à détruire les villages de manière assez complète et intense – presque toutes les maisons, pas seulement celles marquées comme étant celles des commandants du Hezbollah. Mines, explosifs, pelleteuses, D9 – [ils ont utilisé] tous les outils pour démolir les bâtiments. Ils ont également détruit les infrastructures électriques, hydrauliques et de communication, afin de les rendre inutilisables à court terme, et même si [les habitants] reviennent, il faudra beaucoup de temps pour les reconstruire. »

Selon L., les maisons épargnées étaient souvent celles appartenant à des familles chrétiennes. « J'ai remarqué que les bâtiments avec des croix à l'intérieur restaient souvent debout », a-t-il expliqué.

G., comme indiqué, a refusé d'entrer au Liban afin de ne pas participer à la destruction des villages, mais depuis le côté israélien de la frontière, il a vu et entendu ce que son bataillon faisait là-bas. « Une partie des destructions a eu lieu après que tout avait déjà été conquis et qu'il n'y avait plus de résistance… J'ai vu des preuves de destructions intentionnelles sur le WhatsApp du bataillon. Des soldats du bataillon se sont filmés en train de faire sauter des bâtiments. Mon bataillon n'est entré qu'après qu'il n'y avait plus de Hezbollah, plus d'armes, plus de bâtiments utilisés à des fins militaires secondaires [contre Israël] – rien qui [puisse être pris pour cible] en vertu du droit de la guerre. »

Cette logique de destruction massive a également été appliquée en Cisjordanie, bien qu'à une échelle moindre. En fait, une source militaire a déclaré à +972 et Local Call que la nature des destructions à Gaza découle des tactiques développées par l'armée lors de l'opération « Bouclier défensif » en Cisjordanie pendant la deuxième Intifada –« mettre à nu le terrain » dans le jargon militaire.

Selon un rapport de l'OCHA (Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU) datant de mars 2025, depuis le début de l'année 2024, Israël a démoli 463 bâtiments en Cisjordanie dans le cadre d'activités militaires, déplaçant près de 40 000 Palestiniens des camps de Jénine, Nur Shams et Tulkarem dans le cadre de l'« opération Mur de fer ». Dans le camp de réfugiés de Jénine, comme l'a déjà rapporté +972, l'armée a fait exploser des quartiers résidentiels entiers et rasé des rues dans le cadre d'une campagne visant à remodeler le camp afin de réprimer la résistance palestinienne et de saper le droit au retour. L'armée a récemment annoncé son intention de démolir 116 autres maisons dans les camps de réfugiés de Tulkarem et Nur Shams.

D'après les chiffres fournis par des soldats ayant servi à Gaza, un seul bataillon dans la bande de Gaza pourrait détruire autant de bâtiments en une semaine. Mais l'idée sous-jacente est la même. La destruction n'est plus simplement le résultat des activités militaires d'Israël, ni une partie d'une stratégie militaire plus large : elle semble être l'objectif même.

Le porte-parole de l'armée israélienne a répondu à notre demande de commentaires par la déclaration suivante : « L'armée israélienne n'a pas pour politique de détruire des bâtiments en tant que tels, et toute démolition d'une structure doit respecter les conditions établies par le droit international. Les allégations concernant les déclarations de soldats au sujet de démolitions sans rapport avec des objectifs opérationnels ne sont pas suffisamment détaillées et ne correspondent pas aux politiques et aux ordres de l'armée israélienne. Les incidents exceptionnels font l'objet d'un examen par les mécanismes d'enquête et de contrôle de l'armée israélienne.

»L'armée israélienne opère sur tous les fronts dans le but de contrecarrer le terrorisme dans un contexte sécuritaire complexe, où les organisations terroristes établissent délibérément des infrastructures terroristes au sein des populations et des structures civiles. Les affirmations contenues dans l'article reflètent une incompréhension des tactiques militaires du Hamas dans la bande de Gaza et de la mesure dans laquelle ces tactiques impliquent des bâtiments civils.

»En Cisjordanie (Judée-Samarie) également, les organisations terroristes opèrent et exploitent la population civile comme boucliers humains, la mettant ainsi en danger. Elles plantent des explosifs et cachent des armes dans la région. Dans le cadre de la campagne contre le terrorisme dans le nord de la Samarie, les routes de la région sont parfois détruites, ce qui nécessite la démolition de bâtiments conformément à la loi. Cette décision a été prise pour des raisons opérationnelles et après examen des alternatives.

»L'armée israélienne continuera d'agir conformément à la loi [israélienne] et au droit international, de neutraliser les bastions terroristes et de prendre toutes les précautions possibles pour minimiser les dommages causés aux civils. »


Article publié par le site +972, une version en hébreu a été publiée sur le site Local Call, le 15 mai 2025 ; traduction rédaction A l'Encontre.

Meron Rapoport est rédacteur à Local Call. Oren Ziv est photojournaliste, reporter pour Local Call et membre fondateur du collectif de photographes Activestills.

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