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Pendant que le calvaire du peuple s’intensifie, les privilèges et les richesses des membres du Conseil Présidentiel de transition (CPT) s’améliorent, après un (1) an à la tête du pays, le cri d’alarme de l’ECCREDHH

L'Organisme de Défense des Droits Humains ECCREDHH se dit consterné encore une fois par la montée sanglante des actes de criminalité partout dans le pays. Pourtant, celles et ceux qui ont la pleine responsabilité pour rétablir l'ordre et la sérénité, se mettent à s'occuper sur comment se procurer plus de privilèges et de richesses pendant qu'ils ont relativement une feuille de route.
Port-au-Prince, Haïti le 13 Mai 2025
Qui sont les principaux responsables de la situation dans laquelle le pays est plongé ?
Une crise alimentaire alarmante
Actuellement, Haïti compte plus d'un million de déplacés internes, près de la moitié est constituée d'enfants selon l'Organisation internationale de la Migration OIM. Parallèlement, une Insécurité Alimentaire galopante met à nue l'irresponsabilité des dirigeants haïtiens qui, à aucun moment de la durée n'ont montré aucune volonté pour agir en conséquence.
Plus de 5.7 millions de personnes sont face à des niveaux élevés d'insécurité alimentaire aiguë pour la période de mars à juin 2025, représentant 51% de la population haïtienne, soit un niveau d'insécurité alimentaire jamais atteint, selon le dernier rapport d'un organisme de l'ONU (OCHA).
C'est encore un signe de progression de cette crise alimentaire en Haïti.
Les enfants sont exclus de l'école, le MENFP reste muet.
Le système éducatif haïtien fait face depuis des décennies à de nombreux défis. Avec un accès extrêmement limité à l'éducation pour la population, frappé déjà par l'instabilité politique qui règne dans le pays. Et maintenant, est sur le point de disparaître dans des zones où la violence des groupes armés viennent engraver la plaie.
Une situation qui était déjà complexe et compliquée sur plan éducatif avec un système discriminatoire qui favorise l'intégration d'un groupe spécifique et exclut la majorité. Combien d'enfants en Haïti qui ne peuvent pas aller à l'école aujourd'hui pendant que l'État a l'impérieuse obligation de garantir leur droit ?
Près de 3 000 écoles dans le département de l'Ouest et du bas-Artibonite, situées dans des zones contrôlées par des groupes armés, sont fermées. Le Ministère de l'Education Nationale et de la Formation Professionnelle reste muet à ce sujet. Donc à tous les niveaux, les droits humains sont violés systématiquement de manière volontaire par les dirigeants de l'Etat Haïtien.
Une crise de chômage qui renforce les groupes armés
En raison de l'irresponsabilité des dirigeants haïtiens et à défaut de la mise en place des politiques publiques adéquates relatives à la création d'emplois et d'opportunités pour la jeunesse, ils sont voués à des activités subversives et au service des groupes armés et des politiques.
En Haïti, le taux de chômage mesure le nombre de personnes activement à la recherche d'un emploi en pourcentage de la population active. Donc selon les prévisions de Trading Économique, le taux de chômage en Haïti devrait se situer autour de 14,80 pour cent en 2025 et 15,00 pour cent en 2026, selon nos modèles économétriques.
Cette crise de chômage croissante provoquant l'intégration des jeunes au sein des groupes armés et les filles dans des actes de prostitution. Aucune décision pragmatique n'est jamais prise pour appliquer même des règles et principes de droit.
Que veut le principe de l'état de droit ?
Pourtant, le principe veut que : L'Etat est obligé de prendre les précautions nécessaires pour prévenir un risque avéré d'atteinte aux violations des droits humains. Et si un droit devait être finalement violé, l'Etat doit veiller à ce qu'une réparation soit obtenue.
L'état de droit permet de promouvoir et de protéger ce cadre normatif commun. Ce qui fait qu'il est une obligation pour l'État de protéger la vie, la santé et la dignité de la personne etc. Donc si le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et le gouvernement après plus d'un (1) an, n'offrent aucun espoir et n'inspirent aucune confiance, ils doivent tout simplement se retirer et se mettre à la disposition de la justice.
En effet, Il n'existe pas d'état de droit dans les sociétés où les droits de l'homme ne sont pas protégés ; à l'inverse, les droits de l'homme ne peuvent pas être protégés dans des sociétés où n'existe pas un véritable état de droit. D'où le principe de l'égalité devant la loi, la responsabilité au regard de la loi et l'équité dans la protection et la défense des droits ne sont pas figurés avant dans les axes d'intervention de l'Etat en termes de politique publique.
Le vagabondage d'État affaiblit les institutions publiques et doit rapidement cesser L'Organisme de Défense des Droits Humains ECCREDHH signale que ce que nous sommes en train de vivre en Haïti, c'est du bagage d'État. Ce sont des hommes et des femmes qui s'enrichissent illicitement.
Des hommes et femmes qui se donnent des privilèges sans rendre le moindre service à la communauté. Ces comportements rendent le dysfonctionnement purement et simplement des institutions publiques qui avaient pour mission de servir la république.
En fait, des exemples sont clairs avec le scandale la Banque Nationale de Crédit (BNC), de la Caisse d'Assistance Sociale, (CAS), de l'immigration, de l'Office de Protection des Citoyens (OPC), de l'Office d'Assurance Vieillesse (ONA) etc.
Est-ce qu'Haïti fait face à une crise d'homme ou de femmes d'État ?
A ce stade de dégénérescence totale et du refus de la morale, l'Organisme de Défense des Droits Humains ECCREDHH appelle le CPT et le gouvernement à adopter la voie de la sagesse. Car ils ont échoué dans la mission pour laquelle ils ont été confiés.
L'Organisme de Défense des Droits Humains ECCREDHH croit que l'état de droit permet l'exercice concret des droits de l'homme. Il favorise l'indépendance des pouvoirs de l'Etat et harmonise les actions des institutions républicaines à travers l'application des règles de droits relatives.
Par conséquent, tout pouvoir qui agit à l'encontre des règles et principes de l'État de droit, tout pouvoir qui agit à l'encontre des intérêts généraux de la nation doit être limogé.
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Le général Hemedti, l’architecte en chef du chaos soudanais

Chef de guerre redouté, le général Mohamed Hamdan Dagolo, dit « Hemedti », est un personnage central du conflit qui ravage le Soudan depuis 2023. Parti de rien, ce militaire sans foi ni loi a réussi à s'imposer politiquement et à devenir un des hommes les plus riches du pays. Une ascension qu'il doit avant tout à sa brutalité et à son alliance avec les puissances régionales.
Tiré de MondAfrique.
Né en 1974 dans une famille de la tribu arabe Mahariya des Rizeigat, originaire du Darfour et du Tchad, Mohamed Hamdan Dagolo est le fils d'une famille de bergers nomades. Il a grandi dans un contexte de conflits communautaires où son clan a connu l'exclusion. Cette enfance lui a permis de se construire une image de défenseur des pauvres et des laissés-pour-compte face aux élites de Khartoum. En réalité, tout son parcours s'inscrira dans la violence ethnique.
En 2003, lors de la première guerre du Darfour, il rejoint les Janjawid, un groupe pro-gouvernemental chargé d'attaquer les populations non-arabes de la région. Cette milice se rend tristement célèbre par ses massacres, viols déplacements forcés. Hemedti s'y distingue par sa brutalité, une efficacité sans pitié, gravissant les rangs jusqu'à devenir commandant, puis chef. Devant ses « excellents » résultats, il est dans la foulée promu général d'armée. En 2013, pour tenter de blanchir l'image des Janjawid, le régime d'Omar el-Béchir les rebaptise Forces de soutien rapide (FSR). À la tête de ces troupes, Hemedti contrôle non seulement les territoires du Darfour, mais aussi ses richesses : mines d'or, gomme arabique, bétail.
L'ascension par la terreur
Lorsqu'en 2015 la coalition menée par l'Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis déclare la guerre aux Houthis du Yémen, il engage des milliers de combattants soudanais, principalement issus des FSR, pour combattre aux côtés des monarchies du Golfe. Cette intervention lui apporte un soutien politique et financier massif, tout en consolidant ses alliances avec Riyad et Abu Dhabi, l'or noir des pétromonarchies coule abondamment dans ses caisses.
Ce rôle de patron d'une entreprise de mercenaires lui donne en outre une stature internationale. Il parade dans les capitales africaines et arabes, négocie les questions migratoires et le contrôle des frontières avec les diplomates occidentaux. Ainsi, il se construit une légitimité de chef d'Etat en puissance. Malgré les milliers de combattants et les moyens colossaux mis à la disposition des FSR par la coalition, les Houthis finiront par gagner la guerre après avoir subi des pertes, des destructions et enduré la famine pendant huit ans. Mais le mal est fait, Hemedti est aux portes du pouvoir à Khartoum.
Frankenstein à Khartoum
Après un grand mouvement populaire qui a déstabilisé le régime soudanais, l'armée renverse Omar el-Béchir en avril 2019. Le général al-Burhan à la tête de l'armée régulière prend la direction du Conseil de transition, Hemedti patron d'une armée privée en devient le numéro 2. Le ver est dans le fruit. En juin 2019, la population manifeste pacifiquement afin que le pouvoir soit rendu aux civils. Les FSR passent à l'action, ils font ce qu'ils ont toujours fait. Ils sèment la terreur et la désolation en dispersant le sit-in à coups de gaz lacrymogène et de balles réelles.
Les rapports d'ONG qui suivront feront état également de viols, de corps jetés dans le fleuve, a minima 130 personnes sont décédées ce jour-là. Quelques jours plutôt devant les exigences des militants pro-démocratie, le patron des mercenaires, qui s'exprime très rarement, avait lancé cette phrase prémonitoire : « Ma patience avec la politique a des limites. »
Après ce massacre, la politiste Sarra Majdoub écrit un article publié dans Orient XXI intitulé « Frankenstein à Khartoum ». En conclusion, l'analyste imaginait la suite : « Dans tous les cas ,Hemetti est une menace, même si les militaires se maintiennent au pouvoir. Il pourrait se transformer en Frankenstein qui non seulement anéantirait les espoirs d'un Soudan nouveau, mais se retournerait contre ceux qui l'ont créé et accaparerait le pouvoir. »
L'appui décisif des Émiratis
Et c'est précisément ce qu'il advint. Le 15 avril 2023, les deux généraux au pouvoir se déclarent la guerre. Si l'armée régulière dirigée par al-Burhan n'est pas exempte de reproches, les combattants d'Hemedti se lancent dans une entreprise de destruction à grande échelle. Khartoum est ravagée par les flammes et les destructions volontaires, les populations qui le peuvent fuient principalement en Egypte, les autres subissent les exactions de la milice. Puis la guerre s'étend à l'ensemble du pays avec toujours le même scénario tragique : massacres, viols, déplacements de populations. Bien entendu, l'ancien berger devenu milliardaire ne pourrait combattre les forces régulières soudanaises sans de puissants appuis.
Si l'Arabie saoudite s'est rangée du côté du gouvernement soudanais, les Emirats arabes unis apportent aux FSR un soutien diplomatique, financier, militaire, logistique, de grande ampleur. Mais une nouvelle fois, malgré tous les moyens mis à sa disposition, Hemedti a perdu de nombreuses positions, notamment toute la région de Khartoum. Depuis plusieurs mois, il prépare un repli stratégique sur le Darfour qu'il contrôle encore en grande partie, excepté la capitale régionale El-Fasher. Il mise désormais tout sur son bastion ouest devenu le nouvel épicentre du conflit soudanais avec les attaques massives contre les civils et les camps de déplacés, notamment celui de Zamzam. Cette stratégie n'est pas sans rappeler les logiques de partition qui ont déjà déchiré le pays par le passé, comme lors de la sécession du Soudan du Sud. Le patron des FSR agit-il ainsi pour garantir sa survie politique et militaire ou est-il encore le mercenaire des Emirats arabes unis ? Quelle que soit la réponse, son nom restera associé à l'histoire tragique du Soudan.
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Mali : Une dictature décomplexée

L'interdiction des partis politique est une nouvelle étape dans l'affermissement d'une dictature incapable de juguler les attaques djihadistes.
Désormais au Mali l'ensemble des partis politiques sont dissous. C'était une préconisation du Conseil National de Transition (CNT) l'organisme législatif mis en place par la junte qui s'est emparée du pouvoir en 2021. A cette époque le colonel Assimi Goïta s'était engagé à organiser des élections et à rendre le pouvoir aux civils. Depuis, les élections n'ont eu de cesse d'être reportées, le colonel est devenu général des armées et le CNT préconise qu'il reste au pouvoir jusqu'en 2030.
Une longue succession
L'interdiction des partis est l'aboutissement d'une politique de restriction de l'espace démocratique. Au début la junte avait déjà tenté d'interdire le parti SADI (Solidarité Africaine pour la Démocratie et l'Indépendance) car son dirigeant Oumar Mariko avait critiqué les agissements des forces armées maliennes contre les civils. Peu à peu toutes les voix discordantes ont été pourchassées. Les youtubeurs comme Ras Bath, ou Rose-Vie Chère sont derrière les barreaux, des dignitaires religieux subissent également le même sort. Ainsi l'imam Bandiougou Traoré a été arrêté pour avoir simplement critiqué un financement conséquent pour l'organisation d'un festival dans la ville de Kayes « alors que l'état des routes dans la région se dégrade chaque jour ».
La junte tente de terroriser les populations avec les disparitions d'activistes. Suite à la décision d'interdiction des partis politiques, un rassemblement de quelques centaines de personnes a eu lieu pour exiger le retour au pouvoir des civils. Depuis, nombre de manifestants sont enlevés. C'est le cas de deux dirigeants de l'opposition politique, Abba Alhassane et El Bachir Thiam, mais aussi de Abdoul Karim Traoré, dirigeant d'une organisation de jeunesse. Par contre sur les réseaux sociaux, les partisans des putschistes peuvent appeler à la violence contre les opposants en toute impunité.
Les populations dans le viseur
Cette répression n'a pas qu'un caractère politique. Elle se situe également sur le terrain ethnique. Sous prétexte de lutte contre les djihadistes, qui d'ailleurs se renforcent et gagnent du terrain, les forces armées maliennes avec leurs supplétifs russes de Wagner se rendent coupables de massacres de membres de la communauté peule. Récemment lors d'une opération de l'armée dans la ville de Diafarabé dans le centre du pays, une vingtaine d'hommes ont été interpellés et égorgés comme ce fut le cas en avril pour les 60 hommes arrêtés et exécutés à Sébabougou.
La guerre extrême entre d'un côté les djihadistes et de l'autre les forces maliennes, place les populations dans un étau où elles subissent successivement les représailles des uns puis des autres.
Les putschistes lors de leur prise de pouvoir, parlaient d'une seconde indépendance du Mali, il n'en est rien. S'il y a une similitude à trouver, c'est la période des années 70/80, celle de la dictature de Moussa Traoré renversée par une révolution populaire.
Paul Martial
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Éthiopie. Au Tigray, « personne ne veut renouer avec la guerre »

Deux ans et demi après la fin du conflit qui a endeuillé cette région septentrionale d'Éthiopie, la menace de nouveaux affrontements plane aux niveaux local, national et même international avec l'Érythrée voisine. Les riverains, les populations déplacées, les responsables politiques et les anciens combattants redoutent et rejettent cet obscur scénario.
Tiré d'Afrique XXI.
Étalé le long d'étroites allées sinueuses et poussiéreuses, un enchevêtrement de tentes estampillées du logo bleu des Nations unies sert de refuge à quelque 28 000 personnes depuis plus de quatre ans. Le camp d'Adi Mehameday est situé à 82 kilomètres de la ville de Shire, dans la région du Tigray, au nord de l'Éthiopie. Il abrite une fraction du million de déplacés qui n'ont pas pu rentrer chez eux, malgré la fin de la guerre entre les Forces de libération du peuple du Tigray (FLPT) et les Forces de défense nationale éthiopiennes, le 2 novembre 2022.
« Nous avions de l'espoir mais nous n'avons toujours pas reçu d'informations concrètes de nos dirigeants. Ils ont parfois annoncé notre retour, mais cela n'a jamais eu lieu », résume Medhin Yalem, les traits tirés. Le manque de nourriture est en train d'avoir raison de son père, trop faible pour marcher depuis un an, tandis que son fils de 20 ans souffre d'anémie. Le foyer fait rarement plus d'un repas quotidien. Comme la plupart des rescapés du camp d'Adi Mehameday, Medhin Yalem est originaire du Wolkait, une zone administrative de l'ouest du Tigray. « Certains de nos voisins ont tenté de retourner à Tselemti [district proche du Wolkait, NDLR], avant de revenir. La zone n'est pas sécurisée », poursuit la quinquagénaire qui se retrouve sans revenus après avoir abandonné ses troupeaux et sa parcelle.
Malgré l'accord de paix, la région du Tigray, actuellement gouvernée par une administration intérimaire liée au FLPT, mais avec le contrôle d'Addis-Abeba comme le prévoient les accords de Pretoria, reste sous la pression de plusieurs factions armées : le Wolkait est toujours occupé par les forces Amhara, une région voisine qui a combattu aux côtés de l'État fédéral et qui revendique ce bout de territoire ; tandis qu'au nord-est du Tigray, les troupes de l'Érythrée, également alliées d'Addis-Abeba pendant la guerre, occupent aussi une partie de la région située à leur frontière.
Depuis, les victimes d'une des guerres les plus meurtrières d'Afrique, qui a tué environ 400 000 militaires et 300 000 civils, selon un rapport publié en juin 2024 par le New Lines Institute, survivent dans un état de « ni guerre ni paix ».
Luttes de pouvoir internes et répression
En mars, des tensions internes au FLPT ont par ailleurs failli ajouter un peu plus de confusion à la situation actuelle. Debretsion Gebremichael, le chef du FLPT, et Getachew Reda, alors président de l'administration intérimaire du Tigray, se sont mutuellement accusés de ralentir la mise en œuvre de l'accord de paix. Le traité prévoyait le retour des déplacés, la libération des zones occupées ou encore le désarmement et la réintégration de 274 000 militaires ayant rejoint les Forces de défense du Tigray (FDT), le bras armé du FLPT. Seuls 17 000 d'entre eux ont participé au programme de démobilisation, a déclaré fin avril la Commission nationale de réhabilitation.
Les désaccords croissants entre Debretsion Gebremichael et Getachew Reda ont conduit, le 15 septembre 2024, à l'exclusion de ce dernier du FLPT. Six mois plus tard, le 10 mars, Getachew Reda a suspendu trois généraux des FDT, fort de son poste de président de l'administration intérimaire. En réaction, Debretsion Gebremichael a imposé ses hommes à la tête de villes où Getachew Reda avait placé ses proches soutiens, incluant la capitale régionale Mekele. « Getachew parlait de réformer les conseils administratifs locaux alors que sa priorité aurait dû être de libérer son peuple. Beaucoup de Tigréens ont trouvé cela prématuré quand ils habitent toujours dans des abris de fortune et n'ont ni nourriture, ni eau, ni vêtements », justifie Debretsion Gebremichael, rencontré le 18 mars à l'hôtel Axoum de Mekele.
Des violences sporadiques, des arrestations arbitraires et au moins une exécution extrajudiciaire se sont ensuivies, d'après les témoignages recueillis par Afrique XXI à Mekele et dans la petite ville d'Adi Gudom, à 40 km au sud. Hadera Kiros, le président de l'Association des jeunes d'Adi Gudom, a passé trois jours en détention au moment du changement de maire que certains qualifient de « coup d'État ». « Les jeunes s'enfuient vers Mekele ou Addis-Abeba car ils ont peur du FLPT et de leurs soldats », témoigne ce père de deux enfants.

Le 11 mars, Alemu Haile, un travailleur du bâtiment de 37 ans, se tenait parmi la centaine de riverains d'Adi Gudom qui protestaient contre le remplacement du maire d'Adi Gudum pro-Getachew par un édile envoyé par Debretsion. Un bandage sur la tête, la voix affaiblie, ce père de deux enfants affirme avoir été touché à la tête par trois balles tirées par des miliciens proches des FDT. « La force ne peut être une solution, déplore son frère aîné, Gebrehiwet Haile. Il est essentiel que les dirigeants dialoguent avec les citoyens. Autrement, ils risquent de déclencher un nouveau conflit entre les soutiens de Getachew et ceux de Debretsion », redoute le fonctionnaire.

Getachew Reda a finalement été éjecté de la tête de l'administration intérimaire au profit du général Tadesse Werede, le 8 avril, avec l'aval d'Addis-Abeba. Pour autant, cette situation n'a pas rassuré les Tigréens. « Je n'ai vu aucun changement, ni aucune solution concrète aux problèmes qui nous affectent. L'instabilité continue. Nous nous sentons en danger et nous vivons dans la peur », détaille Mitslal Abraha, depuis Shire. Le chaos politique et sécuritaire contraint cette pharmacienne sans emploi à repousser, depuis des mois, l'ouverture de sa propre officine. « J'ai besoin de garanties et de stabilité », insiste celle qui a participé à l'effort de guerre en soignant les blessés dans une clinique publique où les salaires n'ont jamais été payés.
Abiy Ahmed et le spectre d'un conflit avec l'Érythrée
La nomination de Tadesse Werede laisse également perplexe Meressa Dessu, chercheur à l'Institut d'études de sécurité basé à Addis-Abeba. « Tadesse a systématiquement minimisé l'échec de l'administration intérimaire. En le nommant, [le Premier ministre] Abiy Ahmed tente de créer davantage de divisions au sein du FLPT et des FDT, », craint Meressa Dessu.
À Addis-Abeba, les bisbilles internes au FLPT ne sont guère commentées. Le Premier ministre, Abiy Ahmed, est occupé par les autres conflits sur son sol, notamment dans les régions Amhara et Oromia. En avril 2023, en Amhara, les milices fanno ont organisé de violentes manifestations contre l'intégration des forces régionales au sein de l'armée et de la police nationales. Ces tensions ont dégénéré quatre mois plus tard en une rébellion armée contre les troupes fédérales avec lesquelles les fanno et les forces régionales avaient pourtant combattu pendant le conflit au Tigray.
Le chef du gouvernement fait en outre planer le spectre d'une résurgence des hostilités avec l'Érythrée à travers une rhétorique belliciste. « La mobilisation militaire se poursuit en Érythrée. De son côté, Abiy Ahmed n'a pas renoncé à son accès à la mer Rouge. Les intérêts incompatibles de ces deux nations, unies jusqu'à l'indépendance de l'Érythrée en 1993, et leur refus de toute négociation mèneront inévitablement à la guerre », avertit Meressa Dessu. Le chercheur précise que les scissions au sein de la population tigréenne bénéficient à la fois à Abiy Ahmed et au dictateur érythréen, Isaias Afwerki.
« Je ne veux pas perdre de temps avec la guerre »
Ces tensions inquiètent les Tigréens. « Nous redoutons que la situation ne s'embrase entre l'Éthiopie et l'Érythrée, assurait Debretsion Gebremichael mi-mars. Nous espérons que les différends seront réglés diplomatiquement. Car même si nous n'y participons pas, les combats auront forcément lieu ici, sur nos terres, compte tenu de notre position géographique. » En février, le média spécialisé Africa Intelligence révélait « une réunion confidentielle inédite, fin janvier, à Asmara » au cours de laquelle Isaias Afwerki aurait « assuré les officiers des FDT de sa protection en cas de conflit avec l'Éthiopie ». Interrogé, le chef du FLPT nie tout contact avec les autorités érythréennes.
En revanche, les relations restent exécrables entre les hommes de Debretsion Gebremichael et Addis-Abeba. « Plutôt que de se concentrer sur la réhabilitation de la population du Tigray, qui a subi une guerre génocidaire, le gouvernement éthiopien a eu recours à des actes malveillants tels que le blocage de l'entrée de produits essentiels dans la région du Tigray, comme le carburant, et l'arrêt des activités qui permettent de sauver des vies. Ces actions mettent en jeu la vie et les moyens de subsistance de la population du Tigray », dénonce le FLPT dans un communiqué daté du 26 mars.
Et la plupart des anciens combattants des FDT sont formels : ils ne reprendront pas les armes. « La guerre n'aide personne. Vous perdez beaucoup de vies et vous vous retrouvez avec un accord qui ne change rien », tranche Kaleab, qui témoigne sous pseudonyme. En 2021, ce peintre de 25 ans s'était engagé après le décès d'un proche. Exaspéré par les querelles de pouvoir entre les dirigeants tigréens, l'artiste se réjouit d'avoir obtenu un visa pour les États-Unis : « Je suis jeune, je peux accomplir beaucoup de choses. Ma famille attend beaucoup de moi. Je ne veux pas perdre davantage de temps avec la guerre. »
La malnutrition fait déjà des victimes
Dans une ruelle de Mekele, à l'abri des oreilles indiscrètes, Abebe (un prénom d'emprunt) confie qu'il préférerait lui aussi quitter l'Éthiopie plutôt que de remettre l'uniforme. « Nous connaissons désormais les conséquences de la guerre, souligne le trentenaire. J'ai perdu mes deux petits frères et des amis. Les responsables politiques doivent ramener la paix et cesser de travailler pour leurs propres intérêts. » Faisant partie de la majorité des ex-membres des FDT qui n'ont pas été démobilisés, ce médecin qui officie dans un hôpital militaire de Mekele craint d'être forcé de se battre en cas de nouveaux affrontements. Sa ville natale est toujours occupée par les troupes érythréennes, empêchant ses parents de quitter le camp de déplacés qui les héberge. « Les Tigréens se sont sacrifiés et ont relevé tellement de défis que personne ne veut renouer avec la guerre », conclut-il.
Retour à Adi Mehameday. L'agricultrice au chômage Medhin Yalem citée plus haut décrit la manière dont la communauté qui accueille les déplacés a fini par leur tourner le dos. « Les habitants en ont assez de nous. Ils n'ont plus suffisamment de nourriture à partager car ils subissent eux-mêmes les effets du conflit », regrette la mère de famille. Or la malnutrition progresse au Tigray. Début mars, la faim a emporté Abeba Teklu, mère de trois fillettes. « Cela faisait deux à trois ans qu'elle souffrait de malnutrition. Son état s'est dégradé et elle a développé une insuffisance rénale », raconte son veuf, Tesheger Tagegne.

L'Institut de recherche en santé publique de Mekele enregistre une hausse de 43 à 48 % d'enfants et d'adolescents de moins de 18 ans malnutris entre juillet 2024 et janvier 2025. « Les tensions aux différents échelons et la crainte d'une nouvelle guerre contribuent à la malnutrition et à l'instabilité alimentaire », indique Hayelom Kahsay, le directeur de cet institut. Le gel des financements de l'Agence des États-Unis pour le développement international (Usaid), décrété par le président états-unien Donald Trump le 20 janvier, a encore aggravé une situation humanitaire qui deviendrait catastrophique en cas de reprise de la guerre.
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Signes d’alerte en Ouganda

Alors que l'Ouganda se prépare aux élections générales de 2026, les fantômes de son passé font un retour malvenu, annonçant un cycle électoral difficile. Certes, la situation politique n'a jamais été aussi équilibrée en Ouganda depuis le retour du multipartisme en 2005. Ceux qui ont osé défier le président Museveni et le Mouvement de résistance nationale (NRM) ont été arrêtés et agressés à maintes reprises.
Tiré d'Afrique en lutte. Photo : Le général Muhoozi Kainerugaba, le fils du président ougandais Yoweri Museveni, assiste à sa fête d'anniversaire à Entebbe, en Ouganda, le 7 mai 2022. Abubaker Lubowa/REUTERS
Mais à mesure que Museveni vieillit et que la jeune population réclame le changement, l'État devient de plus en plus répressif. Pendant des années, de hauts responsables du NRM ont insisté sur le fait que le multipartisme serait trop polarisant pour une société diversifiée sur les plans tribal, linguistique, culturel et religieux comme l'Ouganda. Aujourd'hui, les pouvoirs en place attisent cette polarisation.
Au cœur des derniers développements se trouve le fils du président et successeur potentiel, le général Muhoozi Kainerugaba. Connu pour ses publications imprécises sur les réseaux sociaux et son autoglorification excessive, Muhoozi a franchi les limites les unes après les autres, montrant clairement à la société ougandaise que les règles ne s'appliquent pas à lui. Il a joué un rôle important dans la campagne militaire visant à réprimer violemment, souvent mortellement, les partisans de l'opposition lors du dernier cycle électoral. En janvier, il a affirmé que seul son père l'empêchait de décapiter le populaire leader de l'opposition Robert Kyagulanyi, dit Bobi Wine.
Fin avril, Eddie Mutwe, garde du corps de Wine, a été enlevé. On ignorait où il se trouvait jusqu'à ce que Muhuoozi commence à publier des articles à son sujet quatre jours plus tard sur X, affirmant que Mutwe était « dans mon sous-sol ». Il a partagé une photo sur laquelle Mutwe avait été déshabillé et la barbe rasée. Muhoozi écrivit que son prisonnier avait été capturé comme une nsenene (sauterelle) et suggéra qu'il suivait des cours de runyankore, la langue parlée par les habitants du sud-ouest de l'Ouganda (comme le président Museveni). Lorsque Mutwe fut finalement traduit en justice pour vol, des preuves indiquèrent qu'il avait été torturé pendant sa détention.
La volonté de créer un spectacle violent destiné à la consommation de masse, la comparaison déshumanisante avec la sauterelle, la référence linguistique spécifique, l'escalade constante des menaces – rien de tout cela n'est de bon augure dans un pays au passé sanglant de violence politique à caractère ethnique. Sortir de cette période chaotique était censé être la marque de fabrique du Mouvement de résistance nationale du président Yoweri Museveni.
Mais c'est le fils et successeur potentiel de Museveni qui savoure ce retour à la violence gratuite et anarchique, allié à un sens du spectacle, comme message politique. Depuis plusieurs années, les analystes mettent en garde contre le risque d'atrocités de masse en Ouganda. L'année dernière, le Centre Simon-Skjodt du Musée mémorial de l'Holocauste des États-Unis a publié un rapport d'alerte précoce axé sur l'Ouganda, soulignant comment « l'incertitude entourant ce qui pourrait être la première transition politique du pays depuis près de quatre décennies nourrit les divisions et les craintes de violences potentielles ». Ces derniers développements ajoutent un peu de poudre aux yeux à une situation déjà dangereuse.
Michelle Gavin
Source : https://www.cfr.org/blog/africa-transition
Traduction automatique de l'anglais
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Éliminer l’identité ukrainienne dans les territoires occupés

Dans toutes les zones qu'elle occupe, la Russie impose de manière brutale à la population locale de prendre la citoyenneté russe. Un des moyens utilisés a été la menace de la priver de ses biens. Désormais, ceux qui ont accepté de prendre la nationalité russe risquent de se retrouver sans domicile.
7 mai 2025 | tiré du site Entre les lignes entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/05/07/eliminer-lidentite-ukrainienne-dans-les-territoires-occupes/
Directeur du Centre de recherche sur l'occupation et ancien conseiller du maire de Marioupol, Petro Andriuchtchenko évoque le « pillage total des habitants de Marioupol » et affirme que le nombre d'appartements placés sous séquestre au prétexte d'une prétendue absence de « propriétaire » ne cesse d'augmenter.
La situation est « surréaliste ». Aux milliers de gens qui avaient pris la nationalité russe pour conserver leur appartement et qui avaient fait la queue des jours entiers pour « réenregistrer » leur bien conformément à la législation russe, il est répondu qu'ils n'avaient plus de domicile.
Andriuchtchenko diffuse une vidéo où l'on voit une femme debout devant le logement où elle a vécu pendant trente ans et à laquelle l'administration chargée du logement refuse de lui remettre les clés. Elle n'est pas la seule victime.
Le site ukrainien 0629.com.ua a examiné la dernière liste d'appartements dits « sans propriétaire » publiée le 4 avril par les autorités d'occupation de Marioupol. […] Elle comporte plus de 300 appartements. Des listes similaires sont en cours d'élaboration dans toutes les régions occupées, à l'exception de la Crimée. En effet, bien que la Russie ait rendu tout aussi impossible la vie en Crimée si on n'a pas la citoyenneté russe, le Kremlin a été plus lent à introduire des mesures empêchant les propriétaires ukrainiens de conserver leurs biens sans passeport russe.
Par contre, depuis 2022, tous les faux-semblants ont été abandonnés et les mesures de pillage sont plus rapides et plus agressives.
À Marioupol, les propriétaires ont trente jours pour se présenter en personne et pour contester la classification de leur bien comme « sans propriétaire ». Si le propriétaire en titre est contesté par les autorités ou absent – un grand nombre d'Ukrainiens ont été contraints de fuir –, cela permet le pillage encore plus librement. Les organisations de défense des droits humains conseillent cependant aux Ukrainiens se trouvant dans cette situation de ne pas retourner dans les territoires occupés pour faire valoir leurs droits. Ils risquent d'être arrêtés et condamnés à de lourdes peines d'emprisonnement sur la base de fausses accusations. […]
Au cours de l'été 2024, RIA-Melitopol s'est entretenu avec des Ukrainiens de Melitopol (dans la partie de la région de Zaporijjia occupée) qui avaient tenté de retourner à Melitopol via Moscou et l'aéroport de Cheremetievo. Ils ont rapporté que le formulaire qu'ils devaient remplir contenait des questions sur leurs biens immobiliers auxquelles il fallait répondre de manière exhaustive, allant jusqu'à mentionner les parts détenues dans les appartements de leurs proches. « En règle générale, les propriétaires de biens particulièrement prisés, tels que les magasins ou les beaux appartements, sont renvoyés là d'où ils sont venus. » Le FSB vérifiait les réponses concernant leurs biens à l'aide de données informatiques et toute omission servait de prétexte pour une « expulsion » immédiate.
Selon RIA-Melitopol, il est légitime de penser que le FSB dispose d'une liste des biens convoités par les envahisseurs.
« Nationalisation », extorsion et substitution de population
Le 7 avril, Ivan Fedorov, chef de l'administration régionale de Zaporijjia, a rapporté que si les envahisseurs pillaient le territoire occupé depuis trois ans, ils utilisaient désormais une nouvelle méthode la « vente aux enchères » de terres illégalement confisquées et « nationalisées ».
Selon lui, cela permet de se débarrasser des Ukrainiens jugés « déloyaux [à la Russie] » et de les remplacer par des mercenaires ayant combattu contre l'Ukraine, ou par des « spécialistes » venus de Russie.
Tout cela n'est pas nouveau. En mai 2024, le groupe East Human Rights Group signalait que des terrains étaient attribués à l'armée d'occupation après avoir été inscrits au registre russe des « terres confisquées ». À l'époque, quelque 2 000 terrains avaient été illégalement attribués. Ce chiffre est sans doute beaucoup plus élevé aujourd'hui.
Si les chiffres cités précédemment ne concernaient que l'installation de quelque 10 000 « spécialistes » russes avec leurs familles dans la région occupée de Zaporijjia, Petro Andriuchtchenko citent d'autres sources indiquant que la Russie est déterminée à modifier totalement la composition démographique des territoires occupés : cinq millions de ressortissants de la Fédération de Russie pourraient être déplacés sur le territoire ukrainien occupé d'ici 2030. Cette estimation découle des plans annoncés lors d'un forum à Rostov, intitulé « Intégration 25 », qui évoquait une population de dix millions d'habitants dans tous les territoires occupés, à l'exception de la Crimée. […]
Cela s'inscrit dans le cadre des tentatives claires et extrêmement agressives de la Russie pour éradiquer l'identité ukrainienne sur le territoire occupé et pour emprisonner ou se débarrasser des Ukrainiens considérés comme « trop ukrainiens ». Le 25 mars 2025, Vladimir Poutine a publié un décret selon lequel les citoyens ukrainiens seront expulsés s'ils n'ont pas pris la nationalité russe. À en juger par le nombre considérable d'arrestations d'Ukrainiens dans les territoires occupés, y compris ceux qui ont pris la nationalité russe, sous des accusations absurdes d'« espionnage » ou de « trahison », il semblerait que tous les Ukrainiens soient considérés, dans une certaine mesure, comme « peu fiables » […].
Halya Koynach
Halya Koynach est membre du Groupe de défense des droits humains de Kharkiv. Article publié sur le site Human Rights in Ukraine, 18 avril 2025.
Publié dans Soutien à l'Ukraine résistante (Volume 38)
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/05/03/1er-mai-2025-solidarite-internationaliste-avec-les-travailleureuses-dukraine-pour-une-paix-juste-et-durable/
https://www.syllepse.net/syllepse_images/soutien-a—lukraine-re–sistante–n-deg-38.pdf
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Pour une paix juste et durable en Ukraine plus que jamais renforcer le soutien à la résistance du peuple ukrainien

UNE GUERRE IMPÉRIALISTE RUSSE
C'est Poutine qui a déclenché la guerre en envahissant l'Ukraine dans une logique im périaliste de conquête d'un pays indépendant. Poutine a toujours exposé clairement les buts de la guerre d'agression qu'il mène depuis 2014 :
- Mettre fin à l'indépendance de l'Ukraine, qui, pour lui, fait partie de la Russie.
- Annexer un maximum de territoires ukrai niens considérés comme « russes ».
- Une victoire impérialiste pour consolider le régime en Russie – et en particulier, conti nuer son œuvre de liquidation des oppositions démocratiques.
- Éliminer Zelenski par une destitution forcée, voire par une élimination physique.
Mai 2025 | tiré du site Arguments pour la lutte sociale
https://aplutsoc.org/wp-content/uploads/2025/05/resu_4-pages-ukraine_mai-2025.pdf
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Ukraine : comment mettre plus de pression sur Poutine ?

Les alliés de l'Ukraine cherchent actuellement une manière de faire pression sur la Russie pour qu'elle accepte une pause dans les combats, ce qui pourrait passer par des actions et menaces plus crédibles.
Vendredi dernier, les délégations ukrainiennes et russes tenaient des pourparlers de paix à Istanbul sous médiation turque. La réunion, de deux heures, a abouti à un échange de prisonniers, mais non à une trêve. La Russie veut que l'Ukraine abandonne quatre de ses régions qu'elle contrôle partiellement et la Crimée annexée en 2014. Le pays envahi devrait aussi renoncer à rejoindre l'OTAN et ne plus accepter de livraisons d'armes occidentales. Pour sa part, l'Ukraine a exigé des garanties de sécurité solides et a fermement rejeté ces demandes.
Pour forcer la Russie a être sérieuse dans ses négociations, qui sont actuellement plus un exercice de relation publique qu'autre chose, le professeur associé au département de science politique de l'université de Pittsburgh, William Spaniel, qui tient le site « Lines on map » sur YouTube ou il analyse de manière détaillée la guerre en Ukraine, a publié le 17 mai une vidéo d'une trentaine de minutes exposant la manière dont pourrait se résoudre ce conflit en forçant la Russie à négocier un arrêt des combats.
Le scientiste qui a un PhD de L'université Rochester en 2015, considère que la proposition d'arrêt des combats de l'envoyé spécial des États-Unis chargé de la résolution du conflit en Ukraine, l'ex-général Keith Kellogg, était raisonnable, mais qu'il n'y avait pas eu de suivi à ce sujet. Les États-Unis y menaçaient la Russie d'augmenter leur aide à l'Ukraine si Poutine faisait la sourde oreille à une demande d'arrêt des combats. William Spaniel considère que la Russie est de plus en plus convaincue que les États-Unis n'ont aucun intérêt de continuer leur implication en Ukraine, quel que soit le déroulement des événements.
Même si Trump menace publiquement d'augmenter l'aide militaire américaine à l'Ukraine si la Russie ne déclare pas d'arrêt des combats, le chercheur ne croit pas qu'actuellement que cela convaincra Poutine qu'il le ferait réellement. Il affirme que Trump ne gère pas les relations internationales au jour le jour en fonction de ses humeurs, comme beaucoup d'analystes le croient, mais suit plutôt une doctrine tirée du document « Une stratégie pour défendre les intérêts américains dans un monde plus dangereux » sur lequel il avait fait en fin avril une vidéo d'une quarantaine de minutes intitulée la « doctrine Trump », détaillant les impératifs pour prioriser les actions américaines. Cette doctrine prioriserait Taiwan sur l'Ukraine.
L'Europe doit aussi devenir plus crédible
William Spaniel considère aussi que les pays européens qui font actuellement des menaces doivent les faire suivre d'actions réelles. « Cessez de le dire et faites-le ! » affirme le scientiste, « Si les pays européens payaient un prix réel pour mettre en application leurs menaces, cela les rendrait crédibles. » Il serait important que l'aide militaire à l'Ukraine augmente actuellement substantiellement sur le terrain pour permettre à son armée d'arrêter l'avancée incrémentale des Russes. Les alliés de l'Ukraine pourraient après confronter Poutine, montrant qu'ils sont sérieux et qu'il devrait négocier. La menace toucherait aussi la production de matériel militaire qui continuerait en Occident, mais qu'il serait accumulé et non envoyé en Ukraine tant que les combats seraient arrêtés. Il y serait cependant envoyé dès qu'ils reprendraient.
Il y a beaucoup à faire pour que les actions prises par l'Occident contre la Russie soient crédibles. Le meilleur exemple de cette situation s'est produit le 17 mai dernier alors que la marine estonienne a tenté d'aborder dans les eaux neutres du golfe de Finlande un pétrolier de la flotte fantôme russe en mer baltique. Depuis 2022 le brut russe est placé sous sanction par le G7 et l'Union européenne (UE), mais ces sanctions sont contournées par la Russie qui utilise des « navires-fantômes ». Alors que les navires de patrouille, des avions de l'OTAN et des hélicoptères se sont approchés du pétrolier, tentant à deux reprises de l'arraisonner, un chasseur russe Sukhoi 35 aurait violé l'espace aérien estonien, soit le ciel de l'OTAN, pour défendre et libérer le navire-fantôme bien qu'il battait pavillon du Gabon.
La guerre hybride russe contre les pays occidentaux continue d'ailleurs à bafouer leur souveraineté. Une vidéo produite par le journal Le Figaro mise sur son site internet le 17 mai montre que la DGSI française doit toujours faire face à plusieurs opérations d'espionnage russe sur son territoire. Une note du renseignement français récemment publiée fait aussi état de menaces et actions russes contre la France. La consultante en relation internationale Franco-Ukrainienne, Alla Poedie disait le 15 mai sur les ondes de LCI au sujet de l'infiltration des agents d'influence russe sur le territoire français : « Ça fait 30 ans que je suis en France et ça fait 30 ans que j'observe les agents russes fonctionner en toute impunité, ouvertement, en approchant les hommes politiques, les femmes politiques, différents leaders d'opinion. » Elle considère d'ailleurs que ces actions deviennent plus agressives.
Le ministère français des Armées publiait à ce sujet sur son site internet à la mi-mai la vidéo « Matriochka : la campagne pro-russe de désinformation » qui fait état de plusieurs actions belliqueuses russes visant l'occident. Différentes manœuvres de désinformation reliées au dispositif informationnel pro-russe auraient été détectées depuis septembre 2023. Un phénomène qui existe depuis longtemps, mais qui se serait massivement amplifié depuis le début de la guerre en Ukraine. Ces attaques s'intensifieraient lors de grands événements.
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Le temps presse
« La pression sur la Russie doit se poursuivre jusqu'à ce qu'elle soit prête à mettre fin à la guerre », affirme Zelensky sur tous les tons et dans tous les médias. Plusieurs croient encore que Trump mettra à exécution des restrictions bancaires à Moscou et les menaces d'imposer des sanctions dites secondaires. Ce dernier pourrait aussi approuver le projet de loi du sénateur américain Lindsey Graham qui bénéficie d'un soutien bipartisan au Congrès. Il impose aux pays qui achètent à Moscou du gaz et du pétrole des droits de douane punitifs.
Considérant que l'Ukraine a encore beaucoup de soutien aux États-Unis et même chez les républicains, William Spaniel croit que la large minorité démocrate pourrait aider à marginaliser les extrémistes MAGA s'y opposant et faire passer cette loi. Toujours selon le scientiste, l'Union européenne devrait s'attacher dès maintenant à développer de nouveaux systèmes d'armes capables de protéger ses pays des menaces militaires.
Des actions pourraient aussi diminuer l'instrumentalisation par la Russie de « l'internationale réactionnaire ». L'essayiste et journaliste qui a publié « La Gratitude » aux éditions de L'Observatoire, Laetitia Strauch-Bonart, considère que la droite française doit soutenir sans ambiguïté l'Ukraine.
Malgré le manque de prévisibilité qu'offre la diplomatie américaine, l'Union européenne continue cependant à avancer et a adopté de nouvelles sanctions visant la flotte de pétroliers fantômes. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, affirme que le plafond du prix du pétrole russe fixé par le G7 pourrait être abaissé. L'UE travaille aussi à de nouvelles mesures s'attaquant au secteur financier de Moscou et aux gazoducs Nord Stream.
Les récents mouvements économiques au niveau mondial pourraient aussi être favorables à une cessation des hostilités en Ukraine. Avec un baril sous la barre des 70 dollars, la Russie est prise avec une diminution de ses revenus. Ana Maria Jaller-Makarewicz, de l'Institute for Energy Economics and Financial Analysis, croit que la chute des prix pétroliers pourrait pousser le pays à conclure un accord de paix.
Michel Gourd
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« Le spectre du fascisme hante l’Europe alors qu’elle célèbre le jour de la Victoire en Europe »

[Il y a 80 ans aujourd'hui 8 mai, l'Europe célébrait la défaite du fascisme après une lutte colossale. Pourtant, comme le souligne l'historien Enzo Traverso, ce nouvel anniversaire de la Victoire en Europe (Victory in Europe Day) intervient à un moment où l'extrême droite est plus forte qu'elle ne l'a jamais été depuis 1945.]
Tiré de A l'Encontre
12 mai 2025
Par Enzo Traverso
Viktor Orban et Giorgia Meloni, 24 juin 2024.
Les commémorations sont des miroirs intéressants pour les récits hégémoniques du passé, qui ne correspondent pas nécessairement à la conscience populaire de l'histoire. Cela est particulièrement vrai pour les anniversaires mondiaux comme le 8 mai 1945.
Pendant des décennies, l'Occident a célébré le jour de la Victoire en Europe (V-E-Day) pour afficher sa puissance et affirmer ses valeurs. Dans cet état d'esprit, l'Occident était non seulement puissant, mais aussi vertueux. Cette liturgie de la démocratie libérale s'est déroulée sans heurts et de manière consensuelle, tous les participants se rassemblant autour de souvenirs, de symboles et de valeurs qui ont forgé leur alliance.
En 1985, quarante ans après la fin du conflit, la République fédérale d'Allemagne (RFA) s'est jointe à ces commémorations. Dans un discours célèbre prononcé devant le Bundestag, le président de la RFA, Richard von Weizsäcker, a solennellement déclaré que l'Allemagne ne devait pas considérer cette date comme un jour de défaite, mais plutôt comme un jour de libération.
Après la fin de la guerre froide, le jour de la Victoire symbolisait le triomphe de l'Occident : capitalisme, puissance militaire, institutions solides, prospérité économique et mode de vie plaisant. Certains chercheurs ont parlé d'une sorte de fin de l'histoire à la Hegel, tandis que d'autres ont évoqué une fin heureuse à la Hollywood.
Des repères instables
Aujourd'hui, ce rituel rassurant semble anachronique, réminiscence d'une époque révolue. Quatre-vingts ans après la chute du Troisième Reich, le fascisme refait surface en Europe. Six pays de l'Union européenne – l'Italie, la Finlande, la Slovaquie, la Hongrie, la Croatie et la République tchèque – ont des partis d'extrême droite au pouvoir. Des partis similaires sont devenus des acteurs majeurs dans toute l'Union européenne, de l'Allemagne à la France et de la Pologne à l'Espagne.
Dans ce contexte, il peut sembler préférable d'éviter les commémorations internationales. Après tout, J. D. Vance, l'omniprésent vice-président des Etats-Unis, pays libérateur de 1945, pourrait célébrer la liberté en faisant l'éloge de l'Alternative für Deutschland (AfD), ou le tout aussi omniprésent Elon Musk pourrait le faire en faisant le salut hitlérien.
A l'est du continent, Vladimir Poutine commémorera le sacrifice du peuple soviétique dans la lutte contre le fascisme – vingt millions de morts – en louant l'héroïsme de l'armée russe qui a envahi ce qu'il appelle l'Ukraine « nazie » il y a trois ans. Nos repères historiques sont bouleversés ; la mémoire conventionnelle ne correspond pas au terrible chaos de notre présent.
Malgré son caractère officiel, le jour de la Victoire en Europe a également été une date mémorable pour la gauche. Comme l'avait souligné Eric Hobsbawm [1917-2012], ce jour symbolisait la victoire des Lumières sur la barbarie. Une coalition entre le libéralisme et le communisme, héritiers antagonistes du legs des Lumières, avait vaincu le Troisième Reich. Cette vision était hégémonique dans la culture de la Résistance, selon laquelle l'antifascisme luttait contre les ennemis de la civilisation. Si elle était vraie à bien des égards, cette perspective était néanmoins trop simpliste.
Au lieu de nous livrer à une commémoration rituelle et cooptée, cet anniversaire devrait peut-être nous inciter à procéder à une réévaluation critique. Le jour de la Victoire en Europe célèbre la victoire d'une alliance militaire dans une guerre mondiale qui comportait de nombreuses dimensions, notamment l'établissement d'un nouvel ordre mondial dans lequel cette coalition « des Lumières » ne pouvait survivre.
En Occident, les Etats-Unis sont devenus la superpuissance dominante ; dans le bloc soviétique, la guerre d'autodéfense de l'URSS contre l'agression nazie s'est transformée en occupation militaire et en une nouvelle forme de colonialisme en Europe de l'Est. Les idées du libéralisme et du communisme se sont institutionnalisées sous la forme de l'impérialisme et du stalinisme.
Pour la gauche, la fin de la Seconde Guerre mondiale a été une victoire des mouvements de résistance, qui a donné une légitimité démocratique aux nouveaux régimes nés de l'effondrement du Troisième Reich. Dans la plupart des pays d'Europe occidentale, la démocratie n'a pas été imposée par les vainqueurs, elle a été conquise par la résistance.
Comme l'a souligné Claudio Pavone [1920-2016], le concept de résistance avait toutefois plusieurs dimensions. Il englobait à la fois l'ensemble des mouvements de libération nationale contre l'occupation allemande, une guerre civile entre les forces antifascistes et de nombreux régimes qui avaient collaboré avec les occupants nazis, et une guerre de classes visant à changer la société, car les élites dirigeantes et la plupart des composantes du capitalisme européen avaient été impliquées dans le fascisme et la collaboration.
Cette guerre des classes a été remportée en Yougoslavie, qui est devenue un pays socialiste, et a créé les conditions d'une gauche puissante dans de nombreux autres pays, de l'Italie à la France. Elle a également renforcé la résistance contre le franquisme en Espagne et le salazarisme au Portugal.
Les ambiguïtés de la libération
Toutefois, si l'on regarde au-delà des frontières européennes, le paysage apparaît beaucoup plus diversifié. En tant qu'anniversaire mondial, le 8 mai 1945 revêt différentes significations. Alors que le jour de la Victoire en Europe a été célébré et mythifié comme un symbole de libération en Occident, il n'en a pas été de même ailleurs.
En Europe centrale et orientale, ce moment de libération s'est avéré éphémère, car le régime nazi a rapidement cédé la place à un bloc de régimes autoritaires mis en place par l'URSS. Dans de nombreux pays, cela a signifié la russification et l'oppression nationale.
Le jour de la Victoire en Europe n'est pas non plus un événement commémoratif marquant la libération en Afrique et en Asie. En Algérie, cette même date est l'anniversaire des massacres coloniaux de Sétif et Guelma, lorsque l'armée française a violemment réprimé les premières manifestations pour l'indépendance nationale. Ce fut le début d'une vague de violence impériale qui balaya toute l'Afrique française et atteignit son paroxysme deux ans plus tard à Madagascar [la répression par l'armée française contre l'insurrection malgache initiée en mars 1947 fera entre 1947 et 1949 des dizaines de milliers de morts].
C'est un gouvernement de coalition à Paris, composé de partis de la résistance, qui a été responsable de cette explosion de violence coloniale – une coalition qui comprenait les principaux partis de gauche, les socialistes et les communistes. Les mémoires antifascistes et anticoloniales ne sont pas toujours harmonieuses et fraternelles. L'anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale mérite un souvenir critique plutôt que des célébrations apologétiques. (Article publié sur le site Jacobin le 8 mai 2025 ; traduction rédaction A l'Encontre)
Enzo Traverso enseigne à l'université Cornell. Ses deux derniers ouvrages en français : Gaza devant l'histoire (Ed. Lux, 2024) et Révolution : une histoire culturelle (La Découverte, 2022).
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Contre la V° République : ni Chef ni Meute !

On parle beaucoup ces jours-ci du livre La meute, de Charlotte Belaïch et Olivier Pérou – Flammarion, 22 euros, mais pas toujours disponible car manifestement un succès de librairie – sorti quelques jours après l'émission Envoyé Spécial sur le même sujet : LFI.
12 Mai 2025 | tiré du site Arguments pour la lutte sociale
Les uns disent que les « révélations » qu'il contient les consternent. Bon, quand Fabien Roussel prend un air contrit pour dire qu'en somme, on dirait une secte, on peut sans doute parler d'hypocrisie …
Les autres, du côté de LFI, ou mieux encore de sa garde prétorienne et police politique interne, le POI, sont en mode « complot médiatique de ceux qui ont peur de nous, car nous sommes la vraie menace contre leur domination ». On peut sans doute parler là de fantasmes de gens cherchant à se rassurer …
Ce livre est une addition de faits et de témoignages établis d'une manière journalistique tout à fait professionnelle, et dont quiconque connait un peu l'objet dont il traite ne doutera pas un seul instant, d'autant (comme dans mon cas, mais je n'ai rien d'original à cet égard) qu'il savait déjà tout ou presque (1).
Le sujet est à vrai dire plus restreint que LFI. Si certains de ses membres, notamment sur les réseaux sociaux, se comportent en meutes, la meute dont il est ici question est plus restreinte que la masse militante : c'est une faide (suite féodale), où, comme on dit en langue allemande, une Gefolgschaft, à savoir la troupe ou la « truste », l'équipe de jeunes fidèles au Chef et l'escortant (« jeunes » en ce sens qu'ils sont tous et toutes plus jeunes que lui).
Ce livre nous présente plein d'anecdotes et de récits de vie concernant Jean-Luc Mélenchon et environ vingt à trente personnes formant ce premier cercle ou tournant autour, cette cour ou quelque nom qu'on lui donne, centrée sur lui. Même s'il y a ça et là des formulations heureuses (ex. : à la fin de l'avant-dernier chapitre, la mise en opposition abyssale entre le désir de « faire la révolution » et l'ambition d'être président de la V° République), il ne faut pas y chercher des explications historico-politiques ou l'analyse sociologique d'un tel phénomène pour laquelle je me permets de renvoyer à mes propres articles. Le tout reste très factuel tout en donnant une impression d'ensemble désastreuse, mais conforme à la réalité. L'intérêt est souvent psychologique, et il est réel.
Ledit phénomène est ancien. Dans les années 1990, j'ai participé à je ne sais combien d'« universités d'été », « rencontre-débats » et autres « assises » dont J.L. Mélenchon était l'un des acteurs principaux. J'ai pu noter tout de suite ses talents oratoires, et, peu après, leurs limites : les ficelles étaient toujours les mêmes. Mais elles faisaient vibrer un parterre d'admirateurs où se détachait une phalange d'élus, presqu'exclusivement masculine, qui le suivait, effectivement, en meute. Phénomène pas propre à Mélenchon mais qui était le plus prononcé, dans les milieux socialistes critiques, avec lui. Si l'on parvenait à passer par-dessus ce corps des officiers, chose pas toujours évidente car, déjà, la meute entendait garder pour elle le lien privilégié au Chef, on pouvait encore discuter avec lui à égalité, de façon normale, mais cela s'est fait de plus en plus difficile au fil du temps.
Un jour, au bar, entouré d'une dizaine d'admirateurs lui collant aux baskets, il m'avait toisé ostensiblement en s'écriant : « Je sais reconnaître un périscope ! ». Je dois dire que je n'ai compris cette histoire de périscope que quelques minutes plus tard : il venait de me désigner à sa faide comme un « sous-marin » ! Ce que je n'étais pas, mais comme j'intervenais, à tort ou à raison, en exprimant ce que je pensais au lieu de l'imiter, je devais constituer un danger.
Dans La Meute, on apprend d'ailleurs que lors de sa première rencontre avec Clémentine Autain, à la même époque, il lui avait dit qu'elle faisait de « l'entrisme » : une sorte de test pour casser un peu l'interlocuteur afin, ensuite, de mieux passer alliance et rechercher l'allégeance. Ce type de relations m'ayant toujours, non seulement répugné, mais surtout complément échappé, à l'instar par exemple des hiérarchies de l'Education nationale, j'ai d'autant plus résolument continué à vouloir être un « sous-marin » … de moi-même, comme nous devrions tous l'être !
La lecture de La Meute ne comporte qu'un seul membre de la truste féodale des années 1990, Jérome Guedj. Car l'autre caractéristique de ce type de groupement est le renouvellement de leurs membres, chaque tournant du Chef entrainant soit des départs, soit des exils, toujours sanctionnés par une rupture ostensible et volontairement blessante du côté du Chef : le Chef se définit justement comme Chef par ce pouvoir de blesser.
C'est ce qui permet, plus tard, d'écrire des livres, car les blessés, pieds écrasés et autres exilés veulent bien témoigner, parfois pudiquement, voire anonymement. L'une de leur motivation provient d'ailleurs de la schadenfreude qu'ils éprouvent à dénigrer, plaindre ou prédire la chute de ceux qui leur ont succédé. Ils observent que la recherche de la docilité conduit à la sélection privilégiée des imbéciles. Observation qu'il faut d'ailleurs amender : les Bompart et même les Panot ne sont pas des imbéciles, mais ils se réduisent eux-mêmes, dans leur servitude volontaire dépeinte par ce La Boétie dont le Chef a fait le nom de leur Institut, à l'état d'Imbéciles du Chef, qui définit bien leur statut très honorable et très précaire …
Le plus intéressant de ce livre est la dégradation qu'il donne à voir et à penser dans ce qu'il appelle la meute et que j'appellerai donc plutôt la cour, qui en interne est parfois désignée du surnom de l'Imperium. Non seulement Ruffin et Autain, qui ont toujours été à une certaine distance, mais Corbière, Garrido, Simonnet, qui n'ont jamais totalement renoncé, sans doute, à parler et donc à penser par eux-mêmes, n'en sont plus, cependant que deux vieux compagnons du Chef décédaient, François Delapierre (dont l'épouse, Charlotte Girard, sera excommuniée par le Chef) puis Bernard Pignerol, mais on note l'ascension de personnages douteux, et on se prend d'une certaine pitié pour le Chef vieillissant, qui tombe dans les rets d'une médiocrité arriviste, avide, vulgaire et réactionnaire aussi évidente que Sophia Chikirou : quelle honte !
Les dénonciateurs du livre auront beau jeu de dire que les chapitres tournant autour de celle-ci tiennent de Gala, ou d'un mauvais roman-photo sur les amours ancillaires du patriarche en son automne. Mais on leur rétorquera que c'est criant de vérité et que les auteurs sont bien obligés d'en parler puisque c'est cela qui fait maintenant la politique du Chef et donc de LFI !
Et c'est, certes, plus grotesque que gaulois …
Il y a d'ailleurs pire : le « Bénalla de Mélenchon » – les connaisseurs d'un autre passé se diront aussi : « le Malapa de Mélenchon (2) » ! – Sébastien Delogu, le gars qui ne sait pas qui était Pétain, propulsé chauffeur et garde du corps mais aussi député (quelle image du peuple transparait-elle dans de tels choix ?) : « A qui veut l'entendre, il se vante de collectionner les femmes. « Il reçoit des messages privés de tous les côtés, des meufs de la téléréalité, des Russes … çà rend dingue », raconte un ancien proche. » Ouais …
Et observons que l'ascension du POI comme garde rapprochée, amorcée en 2022 mais vraiment scellée dans la défense d'Adrien Quatennens, l'homme à claques, à la fin de cette même année 2022, est concomitante de la place prise par une Chikirou voire par un Delogu. Les fins de règne sont les plus ravageuses. Pauvre Chef …
Voilà donc pour cet ouvrage. Maintenant, la vraie question, c'est : est-ce bien ce livre (et l'émission d'Envoyé spécial) qui suscite une interrogation générale sur LFI ? Indépendamment de leur intérêt propre (à cet égard Envoyé spécial met plus en exergue le rôle, devenu central, du POI, que La Meute), le livre et l'émission ne sont pas des causes, mais des symptômes, des révélateurs, au plus des facteurs d'accélération. Ni plus, ni moins. Et vu la posture de repli défensif, « en tortue », prise par LFI en jouant les persécutés envers « les médias », même pas sûr que ça accélère quoi que ce soit.
Voici l'essentiel : le moment où livre et émission arrivent, et qui a précédé leur arrivée, est le moment où le désir d'unité contre le risque RN et contre la politique antisociale et les dénis de démocratie de Macron est en train de se tourner contre Mélenchon, perçu, au niveau des gens ordinaires, comme un obstacle qui pourrait faire élire Le Pen ou Bardella, ou l'héritier de Macron.
Sans donner trop d'importance anticipée aux sondages, on évoquera bien sûr ici le sondage de Regards indiquant la possibilité qu'une candidature de gauche unie, voire d'une candidature de gauche unie hormis LFI, pourrait accéder au second tour d'une présidentielle, ce qui n'apparaît plus être le cas pour une candidature LFI, c'est-à-dire Mélenchon, même s'il avait le soutien de toute la gauche.
Ce sont les mêmes couches sociales et électorales qui ont fait la poussée de Mélenchon au premier tour de 2022, car elles voulaient barrer la route à Le Pen et tenter d'éviter un nouveau second tour Macron/Le Pen, dont le réflexe défensif et le désir d'unité se tournent de plus en plus contre Mélenchon, et par sa faute.
Ceci avait commencé avant la formation du NFP les 9 et 10 juin 2024 et l'a conditionnée. Ce qui, au passage, nous indique la différence entre la NUPES, accord de sommets dans lequel J.L. Mélenchon était le plus fort, et le NFP, où l'accord des sommets, précaire et contesté, est imposé par la volonté majoritaire montant d'en bas.
La situation internationale, surtout depuis ce qu'il est convenu d'appeler « la scène du Bureau ovale » (Vance et Trump aboyant sur Zelensky), en faisant prendre conscience de l'Axe Trump/Poutine surplombant le risque d'extrême droite en Europe et celui du RN en France, accentue fortement cette évolution car si Mélenchon pouvait apparaître, en 2017 et déjà plus difficilement en 2022, comme susceptible de battre le RN au second tour, ce n'est à présent plus du tout le cas, et son attitude envers l'Axe Trump/Poutine est évidemment perçue par les larges masses, qui ont du flair, comme problématique.
La question de l'unité pour gagner, de plus en plus, pose la question du retrait de Mélenchon, qui ne sera pas président de la V° République et c'est tant mieux, car, depuis 2016, son orientation politique conduirait à une super-V° République intégrative et répressive, et non une VI°.
La base de LFI, elle aussi, veut l'unité pour gagner. Il faut miser là-dessus, inutile de demander à Mélenchon de renier Chikirou, Delogu et le POI, il n'y a qu'une seule chose à lui demander et s'il le faut à lui imposer : l'unité et donc son retrait, ou sa minorisation.
Au passage, LFI explosera ? Très bien, que cent fleurs s'épanouissent !
Mais cette demande n'aura de crédibilité que si elle-même ne roule pas pour un autre Chef et n'est pas arrimée à l'horizon présidentiel !
Il s'agit d'en finir avec la V° République, d'aller vers ce processus constituant que tous les grands mouvements sociaux récents, Gilets jaunes, retraites, ont commencé à dessiner !
Voila le défi, voila le sujet à discuter vraiment.
VP, le 12/05/25.
Notes
(1) Je n'ai relevé qu'une erreur, p. 326, où le russe Sergueï Oudaltsov est dit « emprisonné en Russie depuis 2011 ». En fait, cet « opposant de gauche », qui se réclame de Staline et considérait Navalny comme son ennemi principal, devant Poutine, a fait trois ans de prison et a été parfois victime d'acharnement pénal des services de sécurité depuis, écopant de plusieurs courtes peines de prison, tout en développant son orientation politique favorable aux guerres de Poutine qui devraient selon lui aider à remettre en place une économie à la soviétique. En tant qu'opposant russe ayant la faveur de J.L. Mélenchon, Alexeï Sakhnin l'a remplacé en 2022 car celui-ci, pour qui Crimée et Donbass sont russes, a toutefois condamné l'agression du 24 février, ce qui le rendait plus présentable, puis a quitté la Russie.
(2) Lionel Malapa avait été le garde du corps de Pierre Lambert et responsable du SO central de l'OCI.
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