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Arrêts de la CJUE sur le Sahara occidental : Le gouvernement Sanchez remis en question

La question du Sahara occidental, occupé par le Maroc depuis 1975, « n'a jamais été un ‘'différend régional'', comme le prétend le Maroc mais plutôt une question en suspens d'un processus de décolonisation que l'Espagne avait l'obligation d'administrer, sans céder à un autre intérêt que celui des Sahraouis eux-mêmes ».
Tiré d'El Watan.
En invalidant les deux accords commerciaux conclus entre le Maroc et l'Union européenne (UE), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a statué sur une chose « évidente », a indiqué le Docteur et professeur en relations internationales à l'université de Madrid, Sebastian Ruiz-Cabrera. « La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a statué sur une chose évidente. Les accords de pêche et agricoles UE-Maroc ont violé les principes d'autodétermination du peuple sahraoui », a écrit Sebastian Ruiz-Cabrera dans un post sur les réseaux sociaux. « Les entreprises espagnoles qui en ont bénéficié, en paieront-elles le prix ? », s'est-il notamment interrogé.
Evoquant, par ailleurs, l'ampleur du pillage des ressources sahraouies, le Docteur et professeur en relations internationales à l'Université de Madrid a fait savoir qu'en 2019, « les captures dans les eaux du Sahara occidental se sont élevées à 1 067 000 tonnes pour une valeur totale de 496 408 millions d'euros (tandis que) les exportations vers l'UE au cours de la même année se sont élevées à 124 900 tonnes, pour une valeur de 434 437 millions d'euros ». « C'est la Cosa Nostra. Un banquet organisé par Bruxelles », s'est-il indigné, soulignant que, le 12 février 2019, le Parlement européen a approuvé le nouvel accord de collaboration sur la « pêche durable » entre l'UE et le Maroc avec une compensation économique de 153,6 millions d'euros pour quatre ans.
Dans ce contexte, Sebastian Ruiz-Cabrera a dit espérer que les arrêts rendus vendredi par la CJUE confirmant l'illégalité des accords commerciaux conclus entre l'Union et le Maroc puissent permettre à la population sahraouie d'exercer son droit à l'autodétermination. « Après la belle sentence de justice d'aujourd'hui (vendredi, ndlr), nous espérons un retour économique pour la population sahraouie afin qu'elle puisse gérer correctement son droit à l'autodétermination », a-t-il indiqué.
En septembre 2021, le Tribunal de l'Union européenne avait prononcé l'annulation des deux accords de pêche et d'agriculture liant le Maroc à l'Union européenne et étendus illégalement au Sahara occidental occupé, affirmant qu'ils ont été conclus en violation de la décision de la CJUE de 2016 et sans le consentement du peuple du Sahara occidental. Les Conseil et Commission européens avaient introduit un recours en appel devant la CJUE en décembre de la même année. Vendredi, la CJUE a rejeté ces recours, synonyme d'annulation des accords signés entre le Maroc et UE et étendus illégalement au Sahara occidental occupé.
Un pur processus de décolonisation
Dans le même sillage, le média espagnol ABC a écrit sur son site internet que la décision de la Cour de justice de l'Union européenne invalidant les deux accords commerciaux conclus entre le Maroc et l'Union européenne (UE) représentent non seulement un revers pour la Commission et le Conseil de l'UE mais aussi pour le gouvernement espagnol qui soutient le prétendu « plan d'autonomie » de Rabat.
Rendus vendredi, les arrêts de la Cour de l'UE « représentent non seulement un revers pour la Commission et le Conseil de l'UE, mais aussi un nouveau revers pour la flotte andalouse, bénéficiaire de la plupart des licences accordées par le Maroc pour pêcher dans les eaux sahraouies, mais remettent également en question le gouvernement de Pedro Sanchez, implicitement désavoué pour avoir soutenu il y a deux ans le (prétendu) plan d'autonomie conçu par Rabat pour assurer le contrôle du Sahara occidental », écrit ABC dans son éditorial.
La question du Sahara occidental, occupé par le Maroc depuis 1975, « n'a jamais été un ''différend régional'', comme le prétend le Maroc mais plutôt une question en suspens d'un processus de décolonisation que l'Espagne avait l'obligation d'administrer, sans céder à un autre intérêt que celui des Sahraouis eux-mêmes », souligne le média espagnol.
Le quotidien espagnol a rappelé que les arrêts de la CJUE annulent les accords commerciaux agricoles et de pêche signés entre l'UE et le Royaume du Maroc au motif que les deux traités ont été conclus sans le consentement du peuple sahraoui. Ainsi, poursuit la même source, « Rabat ne peut pas profiter économiquement, du moins sur le marché européen, des ressources d'un territoire qui ne lui appartient pas et qui, occupé depuis 1975, n'a pas encore organisé le référendum d'autodétermination auquel il a droit en vertu du droit international ». Et d'ajouter dans ce contexte que la « solide amitié » avec le Maroc que la Commission européenne insiste à proclamer « doit être compatible avec le respect du droit international et la reconnaissance du Sahara occidental comme territoire souverain, libre de décider de son avenir... »
Outre l'invalidation des deux accords commerciaux entre le Maroc et l'UE, la CJUE, dans un autre arrêt, s'est également prononcée sur l'identification et l'étiquetage des melons et des tomates du Sahara occidental. Elle y souligne, en substance, que cet étiquetage doit indiquer le seul Sahara occidental comme étant le pays d'origine de ces produits, à l'exclusion de toute référence au Maroc, afin d'éviter d'induire le consommateur en erreur quant à leur véritable origine.
Dans ses arrêts de vendredi, la CJUE rappelle d'abord l'ensemble des acquis de 2016 et de 2018 comme une base intangible, à savoir que le Sahara occidental dispose d'un statut séparé et distinct par rapport au territoire marocain et que le peuple sahraoui constitue un sujet de droit international tiers aux relations UE-Maroc, dont le consentement est incontournable.
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La dernière réforme d’AMLO, un cadeau empoisonné ?

Le 15 septembre dernier, fête nationale mexicaine, Andres Manuel Lopez Obrador a fait un discours « d'adieu » devant 300 0000 personnes enthousiastes rassemblées sur le Zocalo, la grande place de Mexico. Il quittera en effet ses fonctions le 1er octobre prochain et laissera sa place à la nouvelle présidente triomphalement élue en juin dernier, Claudia Sheinbaum.
30 septembre 2024 | Commission Amérique latine du NPA-A
https://inprecor.fr/node/4321
Il s'est félicité de ses six années au pouvoir. L'économie en termes généraux affiche des chiffres largement positifs : les mesures d'augmentation des salaires minimaux, des pensions, des bourses pour les jeunes n'ont pas été effacées par l'inflation qui reste très en dessous de celle de la plupart des pays d'Amérique latine.
Pour les travailleurEs, les communautés indigènes et la population pauvre du Mexique, on reste bien en dessous des promesses de la « Cinquième Transformation » du début du sexennat mais la différence est telle avec tous les gouvernements précédents depuis des dizaines d'années qu'Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO) se « retire » dans sa propriété du Chiapas avec une cote de popularité à un niveau jamais atteint au Mexique (plus de 70 %).
La justice : bastion de la droite
Il laisse à celle qu'il a adoubée et aux parlementaires de son parti, MORENA, qui ont la majorité absolue au Parlement, le soin de faire appliquer la dernière grande loi constitutionnelle qu'il a fait passer au grand dam de l'opposition et de larges secteurs de la bourgeoisie. Il s'agit de la réforme du pouvoir judiciaire.
Au Mexique, jusqu'à cette loi, les juges, du haut en bas de la hiérarchie, étaient sélectionnés par des procédures complexes et souvent opaques. Ce qui laissait la place aux trafics d'influence, au népotisme et à une corruption très largement répandue. Le sommet du pouvoir judiciaire, la Cour suprême de Justice fonctionnait en outre comme une machine à couvrir les intérêts des classes privilégiées et avait plusieurs fois fait barrage à des lois sociales ou antilibérales qu'AMLO avait voulu promulguer. Bien qu'en tant que président il ait eu le pouvoir de désigner certains de ses membres, sur les 11 membres actuels de cette cour, seuls trois lui étaient favorables. D'une façon générale, le pouvoir judiciaire au Mexique représente clairement un bastion de la droite et des possédants. Et AMLO ou même la nouvelle présidente pouvaient craindre des « coups d'État institutionnels » comme ceux opérés au Brésil contre Lula ou Dilma Rousseff.
La population soutient la loi constitutionnelle
La loi qui vient d'être votée prévoit l'élection par la population de tous les juges au Mexique. Elle a été approuvée par des majorités qualifiées à la Chambre des députéEs et au Sénat (après quelques manœuvres tout sauf démocratiques). Mais elle s'est heurtée à l'opposition frontale non seulement de la coalition des partis de droite (PAN, PRI, PRD…) mais aussi de l'immense majorité des fonctionnaires et travailleurEs de la justice. Les 55 000 travailleurEs de la justice ont fait grève pendant plus d'un mois et manifesté par dizaines de milliers dans les rues contre cette loi. Bien sûr, ils ont été soutenus à grands cris par les partis de l'ancien régime et par les grands médias. Par contre, la grande majorité de la population soutient cette loi, parce qu'elle n'a aucune confiance dans le pouvoir judiciaire actuel et parce que c'est AMLO qui la propose et la droite qui s'y oppose.
Une loi imposée sans concertation
Cette loi pose cependant de nombreux problèmes sociaux, politiques et démocratiques. Si une bonne partie des travailleurEs de la justice, bien qu'étant pour beaucoup électeurs d'AMLO, s'y opposent c'est parce qu'elle leur a été imposée sans aucune concertation et qu'elle va mettre fin à de nombreuses possibilités de promotions internes. Il est évident que le parti de Lopez Obrador, va dans la conjoncture actuelle disposer du contrôle des trois pouvoirs — exécutif, législatif et judiciaire — notamment grâce à la procédure de sélection des candidatEs aux postes de juge qui reste très opaque et risque de n'empêcher ni les manœuvres ni la corruption à de nombreux échelons.
Au bout du compte cette réforme est caractéristique de la nature du gouvernement sous AMLO : une part de volonté transformatrice réelle, une application d'en haut et largement imparfaite s'appuyant sur le seul prestige du guide suprême et en aucun cas sur la mobilisation et le contrôle populaire.
Publié par L'Anticapitaliste le 26 septembre 2024
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Au Brésil, la difficile équation des mairies bolsonaristes

Malgré le volontarisme du président Lula pour améliorer les conditions de logement, le manque d'investissement de certaines mairies, toujours tenues par l'extrême droite, dans les transports complique l'accès à l'emploi. Les municipales du 6 octobre pourraient changer la donne.
Tiré de l'Humanité
https://www.humanite.fr/monde/bolsonaristes/au-bresil-la-difficile-equation-des-mairies-bolsonaristes
Publié le 3 octobre 2024
Paula Goselin
Malgré les politiques de logement social mises en place par Lula, le manque d'investissement dans les transports de certaines municipalités bolsonaristes prive les plus pauvres d'emploi.
Après avoir gravi trois étages de son immeuble sous la chaleur accablante de Rio de Janeiro, Roberta Fernandes s'affale sur le canapé en cuir beige de son salon. « Que c'est bien d'être chez soi ! » s'exclame la mère de famille de 47 ans, profitant du courant d'air qui pénètre par une petite fenêtre qui illumine son carrelage blanc.
Son appartement, situé à Magé, une municipalité en périphérie nord-est de la Ville merveilleuse, est pourtant modeste : un 45 mètres carrés avec deux chambres étroites. Mais pour cette mère divorcée avec deux enfants, il s'agit d'un rêve : elle n'avait jamais imaginé qu'elle aurait à nouveau son chez-soi, un jour.
« Maintenant, mes enfants peuvent inviter leurs amis !
Après son licenciement pendant la pandémie de Covid, de fortes précipitations s'étaient abattues sur la région, en 2022, détruisant la maison qu'elle avait construite sur le terrain de sa mère à Raiz da Serra, un quartier rural à 28 kilomètres à l'ouest de sa nouvelle résidence.
« J'ai tout perdu dans l'inondation », se souvient-elle. Sa mère l'ayant alors recueillie avec ses enfants, elle avait dû dormir dans le salon avec son fils sur un matelas donné par des assistants sociaux publics.
Roberta Fernandes s'était résignée à élever ses enfants dans ces conditions précaires. Cependant, grâce au programme public de logements populaires « Minha Casa, Minha Vida », elle a pu, en avril 2024, bénéficier d'un appartement gratuit, qu'elle a aménagé avec des meubles qui lui ont été donnés. « Maintenant, mes enfants peuvent inviter leurs amis ! » s'enthousiasme-t-elle en observant Theo, son fils de 15 ans, dévorer une énorme part de gâteau.
Le retour de Lula a réduit la pauvreté
Comme elle, 8,5 millions de personnes sont sorties de la pauvreté après le retour du président Luiz Inácio Lula da Silva, au pouvoir depuis 1er janvier 2023, permettant une baisse du taux de pauvretéde 27,5 % entre 2022 et 2023, selon un communiqué du ministère du Développement.
Dès son investiture, l'ancien métallurgiste a relancé les programmes emblématiques du Parti des Travailleurs (PT) abandonnés par sonprédécesseur d'extrême droite, Jair Bolsonaro : l'allocation de revenus « Bolsa Familia » (bourse famille), les logements populaires « Minha Casa, Minha Vida » ou encore le plan de santé « Pharmacie populaire ».
Le président Lula a aussi encouragé l'installation de cuisines populaires à travers le pays, inspirées d'une initiative du Mouvement des travailleurs sans toit, pour distribuer des repas gratuits aux plus démunis.
Les 5 millions d'habitants de la « Baixada Fluminense », comme on appelle les villes en périphérie de Rio de Janeiro, figurent parmi les principaux bénéficiaires de ces programmes – dans cette région gangrenée par le narcotrafic, la moitié de la population vit avec moins de la moitié du salaire minimum (234,78 euros).
Malgré les efforts, les défis restent conséquents
« Je suis de retour et je vais vous dire que nous allons investir à Rio de Janeiro plus que ce qu'a fait n'importe quel autre président ! » a promis Lula lors de l'inauguration des 832 appartements du complexe de deux résidences « Minha Casa, Minha Vida » à Magé, où vit maintenant Roberta Fernandes, le 6 février 2024. À l'occasion, il a aussi annoncé la construction d'un campus de l'Instituto Federal Fluminense à quelques minutes des résidences.
Cependant, malgré les efforts du gouvernement, les défis restent conséquents. Comme de nombreuses villes de la périphérie de Rio de Janeiro, Magé est connue pour être une ville-dortoir.
Roberta Fernandes a beau envoyer des candidatures dans des villes plus dynamiques, comme Niteroi, à 47 kilomètres de là, son dossier se voit toujours refusé. « Les entreprises craignent que je ne sois trop fatiguée pour être productive car je devrais me réveiller très tôt », se lamente-t-elle.
Les logements populaires mal desservis par les transports
En raison du manque flagrant de transports publics, les habitants peuvent mettre jusqu'à quatre heures pour se rendre à leur travail.
Ana Paula Barbosa, une grand-mère de 55 ans résidant au rez-de-chaussée de la résidence « Minha Casa, Minha Vida », y a aménagé un atelier de poupées pour des rituels umbandas, une religion afro-brésilienne proche du candomblé. D'après elle, ici, seul un microbus passe toutes les deux heures et un jour sur deux pour rejoindre le centre-ville, largement insuffisant pour 3 328 résidents.
Un isolement qui a même découragé certaines personnes précaires d'accepter de bénéficier du programme « Minha Casa, Minha Vida ». Dans la municipalité de Mauá, à une vingtaine de kilomètres des résidences populaires, la maison de Suely Soares, 54 ans, qui a été construite irrégulièrement, va être démolie par la préfecture pour rétablir d'anciennes voies ferrées historiques à proximité d'un ancien port abandonné de la baie de Guanabara.
Le problème des mairies bolsonaristes et du transport public
Au Brésil, les mairies sont les principales responsables des transports. Mais elles ne se sont pas toujours alignées sur les politiques du président Lula. Les 13 villes de la Baixada Fluminense sont de véritables bastions bolsonaristes : lors du scrutin présidentiel d'octobre 2022, Jair Bolsonaro a largement remporté l'élection dans toutes les municipalités.
À Magé, un autre complexe résidentiel de 420 résidences inauguré en 2014 a ainsi sombré dans le quasi-abandon. « Les partenariats avec les États et les municipalités sont d'une importance fondamentale si nous voulons remédier à la pénurie de logements », rappelle Hamilton Madureira, secrétaire national de l'Habitation, du ministère des Villes, dans un courriel.
La condamnation de l'ancien président pourrait changer la done
À l'approche des municipales du 6 octobre, la conjoncture pourrait évoluer. Face à la perte de popularité de Jair Bolsonaro, déclaré inéligible pour huit ans à la suite d'une condamnation pour « abus de pouvoir », certains élus changent d'allégeance.
À Magé, le maire Renato Cozzolino, descendant d'une dynastie qui a gouverné la ville pendant des décennies, a été élu en 2021 sous l'étiquette du Parti de la République de Jair Bolsonaro. Aujourd'hui, il a décidé de se présenter sous la bannière du parti progressiste, de droite, et a fait alliance avec le PT. Parmi ses propositions, « l'achat de 30 bus électriques, avec la création d'une société de transports publics ».
« Je n'ai jamais demandé à quel parti vous appartenez », suggérait le président Lula, sous-entendant que l'essentiel est de s'« occuper de ceux qui ont besoin du gouvernement ». Sa demande sera-t-elle entendue ?
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France. « Contre Barnier et le RN, la riposte en suspens »

Le 1er octobre, en France, avaient lieu à la fois la déclaration de politique générale de Michel Barnier, le Premier ministre déniché par Macron pour présenter un simulacre de changement, et la première journée de mobilisation syndicale suite à cette nomination. Elle était présentée par CGT, Solidaires, FSU (Fédération Syndicale Unitaire) comme le « début du match retour contre la réforme des retraites » (la réforme imposée en 2023, repoussant à 64 ans l'âge de départ à taux plein).
Tiré de A l'Encontre
5 octobre 2024
Par Léon Crémieux
Michel Barnier lors de sa déclaration de politique générale, le 1er octobre.
La déclaration de Michel Barnier a bien confirmé que ce gouvernement sera, en pire, la continuation des choix de classe de Macron. Du côté du mouvement social et de la gauche, le bilan du 1er octobre éclaire les difficultés à trouver un second souffle après les élections législatives et la mobilisation populaire de juin/juillet qui ont fait émerger le Nouveau front populaire (NFP) et ont opposé un barrage à l'extrême droite.
Le problème tant politique que social posé au mouvement ouvrier depuis les élections législatives, l'éviction de Julie Castet du poste de Première ministre et la mise en place du gouvernement Barnier (ou plutôt Barnier-Macron-Le Pen) est le suivant : comment continuer la bataille engagée dans l'unité dès le lendemain de l'élection européenne de juin. Les forces capitalistes et réactionnaires ont été déstabilisées un temps par la déroute de Macron aux élections européennes et législatives, la mise sur pied imprévue du Nouveau front populaire et le barrage populaire mis à l'accession du Rassemblement Nationale (RN) au gouvernement. Successivement, en quelques semaines, ce furent les projets de Macron et de Le Pen qui furent battus en brèche. Le spectre d'un gouvernement du NFP, rompant avec l'austérité, a hanté quelques semaines les couloirs de l'Elysée, les bureaux des dirigeants de droite et d'extrême droite. Dès lors, chacun à sa place, les forces de Macron, des Républicains et du Rassemblement national se sont disposées pour éviter ce scénario catastrophe. S'il était impossible (avant un an, d'après la Constitution) de procéder à de nouvelles élections législatives, il fallait au moins juguler toute possibilité d'un gouvernement de gauche. Cela imposait une double coalition : la coalition gouvernementale des deux formations sèchement battues dans les urnes aux législatives de juin/juillet 2024, le groupe macroniste (20% des voix et 150 député·e·s) et les Républicains (6.57% des voix et 39 député·e·s), et la coalition plus que tacite de ce gouvernement avec le RN sans l'assentiment duquel ce gouvernement tomberait dès la semaine prochaine avec le vote de la motion de censure présentée par le NFP. Marine Le Pen a clairement annoncé que son parti ne voterait pas pour faire tomber ce gouvernement, alors qu'évidemment elle l'aurait fait si un gouvernement du NFP avait été aux commandes.
Il y a donc aujourd'hui au gouvernement une coalition chaotique, sans programme commun de gouvernement et sans même le soutien explicite des macronistes (cela se fera « selon ses décisions » a déclaré Gabriel Attal, président du groupe parlementaire Ensemble). Cela importe peu, Barnier restera dans les ornières creusées par les gouvernements précédents de Macron. Le soutien passif du Rassemblement national permet à ce gouvernement de survivre tant que les député·e·s du RN ne voteront pas les motions de censure déposées par le NFP (une motion de censure qui recueille la majorité absolue des voix des député·e·s, soit 289 voix, provoque la chute du gouvernement).
***
C'est donc explicitement une alliance sui generis entre Macron, les Républicains et le Rassemblement national. Un barrage anti-RN avait empêché en juillet l'accession du RN au gouvernement. Par ses manœuvres, Macron le remet au centre du jeu en faisant de Barnier l'otage politique de l'extrême droite. Cela est d'autant moins gênant pour Barnier et ses ministres qu'existent de nombreuses passerelles entre ce gouvernement et l'extrême droite, à commencer par celles tendues par Bruno Retailleau, sénateur LR, qui a le portefeuille de l'Intérieur et n'a rien à envier à Jordan Bardella et à Marine Le Pen en termes de politique sécuritaire, anti-immigration et de remises en cause des droits démocratiques. Cela est aussi le cas de nombreux ministres catholiques traditionalistes, anti-IVG, anti-LGBTQ…
La feuille de route annoncée par Barnier, le 1er octobre dans son discours de politique générale, ne laisse d'ailleurs guère de doutes.
Pour donner des impressions de changement, il a confirmé des choix faits dès les dernières semaines du gouvernement Attal [9 janvier au 5 septembre 2024], en juin :
. le report des élections provinciales en Kanaky et stopper le projet de loi dégelant le corps électoral visant à minoriser les Kanaks au profit des colons. Depuis mai dernier, la mobilisation des Kanaks contre ces projets colonialistes n'a pas cessé, 11 Kanaks ont été tués, victimes de l'Etat français.
. une ouverture de négociations sur « des aménagements » à la « réforme » de retraites rejetée en 2023 par 80% de la population, aménagements à la marge sans aucune remise en cause de l'âge de départ à 64 ans.
. l'élimination du projet de loi Attal sur l'assurance chômage qui réduisait davantage les droits à indemnisation des chômeurs… pour revenir à un accord MEDEF-CFDT/CFTC/FO [le patronat et ces trois centrales syndicales] de 2023 qui imposait déjà, sur ordre du gouvernement, des baisses de cotisations patronales et 2,3 milliards de réduction de droits pour les salarié·e·s âgées. Gabriel Attal, l'ex-premier ministre, avait lui-même suspendu son projet scélérat, le 30 juin, au lendemain de la débâcle électorale des législatives.
Dans le domaine fiscal, a été annoncé, comme s'il s'agissait d'une mesure d'extrême gauche, une contribution des 0,3% des foyers fiscaux les plus riches. Cette contribution très marginale existe déjà depuis 2011 (CEHR- Contribution exceptionnelle sur les hauts revenus), rapportant 1,5 milliard. Là le gouvernement l'augmenterait pour en obtenir 3 milliards supplémentaires. D'un autre côté, l'annonce d'avancer de deux mois l'augmentation du SMIC de 2%, soit 28 euros net pour passer à 1426 euros net. Ces mesurettes maquillées en décisions de justice fiscale ne masquent pas l'orientation de classe, réactionnaire, de ce nouveau gouvernement provisoire.
Par ailleurs, rien n'a été dit concernant la lutte contre le changement climatique qui frappe là aussi en priorité les classes populaires.
Ce gouvernement sera, en pire, la continuation des choix de classe des gouvernements précédents de Macron. Concernant la question des violences faites aux femmes, des viols et des féminicides, cette réalité tristement éclairée par le procès des violeurs de Mazan (petite commune du Vaucluse, où un criminel a fait subir à sa femme, après l'avoir anesthésiée, des viols pendant des années, de la part de dizaines « d'hommes ordinaires », contactés dans son voisinage ou par internet). Cette affaire sordide révèle à la fois la présence profonde de cette violence machiste, sa banalisation dans la société et surtout le silence et l'inaction totale des partis gouvernementaux devant la question des violences sexuelles dans la famille qui, avec l'inceste, restent en France un tabou très lourd.
***
Barnier prévoit une attaque budgétaire sans précédent avec 40 milliards de coupes dans les dépenses publiques (Bruno Lemaire, ministre des Finances des gouvernements précédents, avait déjà procédé à 20 milliards de coupes en 2024). Il en découlera : suppressions de postes dans la Fonction publique, 13 milliards amputés dans les dépenses de santé, recul de six mois de l'indexation des retraites de base sur l'inflation 2024, prévue initialement au 1er janvier 2025… d'où 3,7 milliards d'euros pris dans la poche des retraité·e·s. Pour les collectivités territoriales, l'objectif serait la suppression de 100 000 postes.
Ces choix budgétaires sont censés faire sortir les finances publiques de la France de son placement par la Commission européenne en « procédure de déficit excessif ». L'objectif est de se conformer à la règle des 3% de déficit en 2029 (6% du PIB prévus en 2024).
Tous ces choix confirment la politique de Macron depuis 7 ans consistant à financer avec le budget de l'Etat les grandes entreprises, alléger fortement leurs contributions fiscales et compenser ces diverses aides par une réduction constante des dépenses publiques correspondant aux besoins sociaux dans la santé, l'éducation et le logement.
Depuis 2017 et l'élection de Macron, ces choix au bénéfice des classes possédantes se sont multipliés : exonération de droits de succession, crédit impôt recherche (CIR) qui est une manne pour les grandes entreprises sans aucune contrainte en termes de « recherche », exonération des cotisations sociales jusqu'à 1,6 SMIC, soit quelque 157 milliards d'aides publiques annuelles aux entreprises privées sans contreparties selon une étude établie par un groupe de chercheurs du Centre lillois d'études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé) et de l'IRES (Institut de recherches économiques et sociales), publiée par l'IRES.
La conséquence de ces choix est un creusement constant des inégalités sociales : de 2010 à 202, selon l'INSEE, les 10% les plus fortunés ont accru de 41 à 47% leur part du patrimoine net des ménages. En 20 ans, de 2002 à 2023, les 500 plus grosses fortunes du pays ont multiplié leur richesse par 10 : de 124 à 1170 milliards d'euros.
Parallèlement, le nombre de personnes sous le seuil de pauvreté (1158 euros par mois, soit 1090 CHF) ne cesse de croître, 14% de la population, plus de 9 millions en 2023. Les baromètres du Secours populaire de septembre 2024 viennent encore de témoigner de la précarité grandissante dans laquelle vivent les classes populaires, aggravée ces dernières années par les prix de l'énergie et de l'alimentation, avec les privations de soins, les restrictions sur l'alimentation et le chauffage. Les prestations familiales et de solidarité ont perdu plus de 4% de pouvoir d'achat entre 2021 et 2023 (Rapport du Haut Conseil de la famille, décembre 2023) à cause d'une faible revalorisation.
Cette aggravation des conditions de vie, ces injustices sociales sont les causes fondamentales du rejet des partis qui ont géré le pays depuis des décennies. Les partis comme les LR ou Ensemble ont été une nouvelle fois désavoués il y a quelques mois à cause de ces politiques qui frappent les classes populaires. Même si d'après plusieurs études 45% des couches les plus pauvres ne se sont pas déplacés pour aller voter, les votes des classes populaires ont tous été déterminés essentiellement par la question du pouvoir d'achat. L'immense mobilisation contre la réforme des retraites en 2023 traduisait la même préoccupation.
La place électorale prise par le NFP, comme malheureusement par le RN, est bien l'expression de cette situation sociale. Mais alors qu'elle est bel et bien le résultat de choix de classes, une partie importante des classes populaires adhérent au discours raciste et xénophobe faisant porter aux classes racisées et à l'immigration la responsabilité de la situation sociale dans laquelle vivent les salarié·e·s, notamment dans les régions rurales et périurbaines. Ce discours raciste, distillé chaque jour dans les médias a été aussi celui du gouvernement Attal, avec notamment le ministre de l'Intérieur Gerald Darmanin. Bruno Retailleau qui le remplace promet évidemment d'appliquer une politique similaire à celle du RN.
***
Cette situation sociale et politique impose au mouvement ouvrier de garder la place prise au début de l'été et d'avoir la conscience collective que tout sera fait pour empêcher dans les mois qui viennent que se construise une perspective politique anti-austérité.
Après les manifestations des 7 et 21 septembre contre le hold-up institutionnel de Macron, le 1er octobre était la première journée de mobilisation syndicale, avec des appels à la grève dans la Fonction publique et à la SNCF. 190 lieux de manifestations, 170'000 personnes dans la rue selon la CGT qui organisait cette journée avec la FSU et Solidaires (donc sans la CFDT et FO, les deux autres centrales importantes). Les exigences mises en avant étaient essentiellement les retraites, le pouvoir d'achat, mais derrière tout cela et dans les discussions, la question essentielle était celle des possibilités de contrer à la fois la dérive autoritaire et raciste annoncée par ce gouvernement ainsi que la menace d'une victoire de l'extrême droite dans les mois ou années à venir. D'autant plus que les forces réactionnaires comptent certes sur la démoralisation qui a plané après la mise à l'écart du NFP pour former le gouvernement. Le succès limité de cette mobilisation du 1er octobre, l'absence d'annonce pour l'instant de nouvelles échéances traduisent un peu l'incertitude sur les réponses à apporter.
Les problèmes existants avant juin dernier risquent de reprendre le dessus. Le mouvement syndical, unitairement, a annoncé le lancement d'une campagne contre l'extrême droite dans les entreprises pour contrer les idées racistes et les fausses solutions du RN à la crise sociale. De plus, l'axe est mis sur la question des retraites et certains vont vouloir se saisir des « négociations » proposées par le gouvernement comme point d'appui sur cette question et sur le dossier des allocations chômage. Cela traduit évidemment la volonté d'occuper le terrain syndical, et Solidaires comme la CGT mettent l'accent sur le retrait de la réforme des retraites qui a été le point commun d'exigence dans toutes les classes populaires. Sur cette question, dans les jours à venir, la question se posera aussi à l'Assemblée nationale avec un texte de retrait de cette réforme proposé par le NFP (alors que le RN a aussi déposé un autre projet). Par ailleurs, LFI continue une bataille parlementaire pour exiger la destitution de Macron (destitution qui imposerait un vote majoritaire à l'Assemblée et au Sénat).
Le problème est que le calendrier devrait exiger dès maintenant un plan d'action commun – syndicats, partis, mouvement démocratique et social – pour maintenir, reconstruire et élargir le front qui s'était construit en juin dernier, autour à la fois du rejet du RN et de l'exigence d'une politique de justice sociale illustrée par le programme du NFP. Les deux batailles se complètent car il n'y aura pas de remise en cause de la place prise par le RN sans construire une mobilisation populaire autour des exigences sociales et démocratiques, sans donner une crédibilité de masse à ces choix alternatifs, capable de balayer les solutions racistes et sécuritaires. Le mouvement syndical, les partis de gauche et le mouvement social étaient très largement unis en juin autour de ces deux préoccupations, occupant ainsi une place offensive dans la société et battant en brèche l'hégémonie réactionnaire. C'est cela qu'il faut essayer de reconstruire autour d'initiatives concrètes.
Répondre à ces enjeux impose que chacun ne reste pas dans son couloir, syndical et politique, cela suppose aussi de mettre en œuvre des mobilisations communes, réellement construites dans des cadres unitaires et non pas concurrentielles l'une à l'autre, comme ont pu apparaître les 7 et 21 septembre. Non seulement, ces cadres n'existent pas pour l'instant, mais pire, le débat dans la gauche politique semble plus être la préparation des élections présidentielles de 2027 et les batailles parlementaires que la construction d'un front commun de mobilisation avec des initiatives et des structures unitaires nationales et locales. Pourtant, seule la force conjuguée des énergies militantes existant dans les villes et les quartiers pourra créer cette mobilisation et redonner la main au mouvement populaire. (5 octobre 2023)
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France - Dix mesures de rupture pour un autre monde

Le Nouveau Front populaire a mis en avant des mesures d'urgence. Ce programme minimum, nous le soutenons. Mais il reste limité. Il le restera d'autant plus qu'il ne peut s'appliquer sans un grand mouvement social et l'auto-organisation de ceux qui produisent les richesses, les travailleurs·ses.
Revue L'Anticapitaliste n°159 (septembre 2024)
Par Antoine Larrache et Fabienne Dolet
Crédit Photo
Photothèque Rouge / Copyright : Martin Noda / Hans Lucas.
Parmi les mesures avancées par le NFP, il y a l'augmentation du Smic de 1 400 à 1 600 euros net, l'abrogation des décrets d'application de la réforme des retraites de 2023 (mais pas de la loi…) et « l'objectif commun du droit à la retraite à 60 ans ». Il indique la nécessité d'indexer les salaires sur l'inflation mais renvoie leur augmentation à une « grande conférence sociale sur les salaires, l'emploi et l'inflation », entre organisations des salarié·es et du patronat.
On trouve la fin de Parcoursup, la fin du service national universel (SNU)… mais on n'aborde ni l'augmentation des bourses et du nombre de boursiers, ni une allocation d'autonomie pour la jeunesse.
La neutralité carbone est visée pour 2050, les rénovations énergétiques sont encouragées mais le nucléaire est maintenu et on ne trouve aucune mesure contre les grandes entreprises de l'énergie, y compris les énergies fossiles… Des mesures d'accueil facilitées pour les migrant·es sont avancées, ainsi que le retour au droit du sol, mais on ne trouve ni mesure de régularisations massives des sans-papiers ni mesure pour l'égalité (ni au travail ni devant les urnes…).
On trouve enfin la convocation d'une assemblée constituante pour rompre avec la 5e République.
Un programme unifiant pour la classe
Ce programme est un outil pour défendre les droits des classes populaires remis en cause depuis 15 ans, et de façon accélérée et violente, face à Macron et à l'extrême droite… mais il n'apporte pas vraiment de solution à la crise du capitalisme et à ses conséquences désastreuses.
On voit mal comment sortir de la crise écologique sans réquisitionner les entreprises de l'énergie – car le fonctionnement marchand pousse nécessairement à réduire les coûts, donc polluer, et augmenter les tarifs – et sans un plan radical de développement des transports collectifs. Il semble difficile de résoudre la crise sociale sans augmenter les salaires de 300 ou 400 euros, sans garantir un revenu minimum (pas seulement les salaires) autour de 1 800 voire 2 000 euros net. Pour ne prendre que quelques exemples. Le niveau d'affrontement avec le capital indiqué par le programme du NFP est trop faible pour résoudre les inégalités majeures qui se creusent, la crise écologique, sociale et démocratique.
Cependant, ce programme peut donner confiance à l'ensemble des classes populaires pour un affrontement avec le capital, avec toutes les conséquences positives que cela comporte : cela mettrait un coup d'arrêt aux attaques de la bourgeoisie, cela homogénéiserait le prolétariat en défense de ses intérêts face à l'extrême droite.
En cela, ce programme est utile, malgré les énormités sur la « police de proximité », l'ambiguïté sur la recherche de « la paix » en Kanaky ou l'action pour « la libération des otages détenus depuis les massacres terroristes du Hamas », qui vient avant la libération des « prisonniers politiques palestiniens », reprenant ces terminologies et cet ordre de priorités…
Un programme doit être combiné à des objectifs de mobilisation
La grande faiblesse du programme du NFP est l'absence totale de travail à la mobilisation des classes populaires pour mettre en œuvre ce programme. Avec deux grandes illusions.
La première est qu'il serait possible d'appliquer ce programme, même minimal, sans affrontement avec les classes dominantes, et donc sans rapport de forces. On a vu avec les « Manifs pour tous » contre le mariage pour tous que, quand leurs positions sont menacées, les réactionnaires et les classes possédantes sont capables de se mobiliser, sans parler du Chili de 1973 ou des capacités de l'Union européenne, du FMI et des marchés de sanctionner la France si elle mettait en place le programme du NFP. Toute une série de transformations sociales ne passent pas par la seule voie législative ou juridique mais nécessitent une action par en bas, comme la lutte contre le racisme, le sexisme et les autres discriminations, qui sont profondément ancrées dans le système.
La seconde illusion tient au fait que le NFP n'a pas la majorité à l'Assemblée, ni dans la société, et que la mise en œuvre de ses mesures nécessite donc la construction de rapports de forces sociaux qui permettent de changer les rapports de forces politiques et d'imposer ces mesures à la classe dominante et aux couches réactionnaires. Mais ce n'est pas l'objet de cet article.
Les mesures de rupture avec le capitalisme que nous portons sont à la fois accessibles immédiatement mais posent le problème du rapport à la propriété privée – par des incursions dans les affaires de la bourgeoisie, au bénéfice de l'autogestion par les masses – et du rapport à l'État, au bénéfice d'une participation des masses qui remette en cause ce corps séparé de la société. La question du contrôle par en bas de toutes les dimensions de la société est une question décisive.
L'annulation de la dette publique, la saisie des banques privées
Une série de mesures nécessitent des investissements conséquents. Ceux-ci ne sont possibles qu'en empruntant, ce qui nécessite d'annuler la dette publique pour tous les pays qui le demandent, dont les banques se gavent depuis des décennies, et de réquisitionner les banques privées, qui rackettent les pauvres et les États du Sud global en empruntant à des taux bien plus bas qu'elle ne prêtent.
Dix mesures de rupture
1- Augmentation de tous les revenus de 300 euros net, SMIC à 2 000 euro nets et leur indexation sur l'inflation.
Nous voulons que les salaires, mais aussi les retraites, les allocations permettent de vivre correctement. En temps d'inflation, il faut protéger des augmentations des prix immédiatement. Cela sans effacer la nécessité de mesures de gratuité, dont les fonctions sont multiples, par exemple des transports, des premiers mètres cubes d'eau et des premiers kWh d'électricité.
2- Partage du temps de travail pour supprimer le chômage pour l'interdiction des licenciements
De plus en plus, le travail est partagé inéquitablement : certains, et surtout certaines, enchaînent les emplois précaires et les périodes de chômage, pendant que d'autres se tuent à la tâche. Nous voulons donc que le temps de travail soit réparti, sans baisse des salaires, pour permettre à toustes de vivre correctement. Les gains de productivité le permettent. Nous voulons des emplois utiles à toute la société.
3- Pour l'abrogation de la réforme des retraites de 2023, la retraite à 60 ans à 60 ans et la défense de la Sécu
Il faut imposer le retour à la retraite à 60 ans (55 pour les métiers pénibles) après 37,5 annuités de cotisation. Nous voulons également abroger la réforme de l'assurance chômage. Les éventuels besoins de financement de la Sécurité sociale doivent être compensés par des augmentations des cotisations patronales et il faut supprimer les exonérations de cotisations des entreprises. Contrairement à ce qui est prétendu, elles ne créent pas d'emplois mais contribuent à vider les caisses de la Sécu et de l'État (qui compense auprès de la Sécu une partie des exonérations). Les grands groupes pharmaceutiques doivent être réquisitionnés. Pour le 100 % Sécu pour la santé, les retraites et le chômage.
4- Pour la liberté de circulation et d'installation pour les migrant·es
Nous récusons l'idée que la France serait aux Français·es, la planète est à nous tou·tes. Ce pays est fait par tou·tes ceux et celles qui y vivent, s'y réfugient, y travaillent, y étudient. D'ailleurs, l'argument d'un soi-disant coût économique de l'immigration ne tient pas, les échanges, coopérations et immigrations apportent bien plus qu'elles ne coûtent, toutes les études le prouvent ! Nous voulons donc la liberté de circulation et d'installation pour tou·tes les migrant·es, le droit de vote pour les étranger·es, qui paient des impôts, cotisent et donc doivent pouvoir décider de l'avenir de ce qui est aussi leur pays.
5- Pour l'arrêt du colonialisme, notamment le droit à l'autodétermination pour les Kanak
La France n'a pas à s'imposer dans des régions qui veulent conquérir leur autonomie démocratique et économique. Il faut donc respecter le droit à l'autodétermination des peuples colonisés, que ce soit en Kanaky, en Guyane ou ailleurs. Nous voulons donc le maintien du gel du corps électoral en Kanaky, car c'est aux autochtones de décider de l'avenir de leur pays colonisé par les Européen·es.
6- La rupture de toute relation avec Israël pour défendre les droits du peuple palestinien
L'État, les entreprises, les universités et les institutions françaises maintiennent des relations diplomatiques, économiques, culturelles avec un État qui pratique un génocide à Gaza et en Cisjordanie. Nous voulons que toutes ces relations soient prohibées immédiatement, afin d'exercer une pression maximale sur Israël. Les entreprises qui collaborent avec Israël doivent être réquisitionnées. Une aide matérielle, financière et politique à la Palestine et au peuple doit être mise en place, ainsi qu'aux réfugié·es.
7- Pour le désarmement de la police
Les violences policières et racistes se multiplient ces dernières années. La police n'a pas besoin d'être armée au quotidien, mais seulement face au grand banditisme ou au terrorisme, qui sont des opérations très particulières. La police doit être sous le contrôle de la population et, dans l'immédiat, des instances indépendantes doivent remplacer l'IGPN et l'IGGN, la justice doit être faite pour les victimes des violences policières et racistes.
8- Pour Une planification écologique radicale
Nous voulons supprimer les productions inutiles et socialiser le secteur de l'énergie pour une réduction massive de la consommation, la sortie des énergies fossiles et l'arrêt du nucléaire. Nous voulons l'expropriation des usines les plus polluantes pour les mettre sous contrôle des salarié·es et des populations locales, et mettre en place un moratoire sur les projets écocides (infrastructures autoroutières, entrepôts logistiques…)
9- Un plan d'embauche d'un million de personnes dans les services publics et la réquisition des logements vides
Les besoins sont criants dans l'éducation, la santé, les services de proximité qui doivent redevenir des services publics (poste et télécommunications, transports…).
Contre la marchandisation, imposons que les biens communs soient financés par toutes et tous par un impôt juste et progressif, sur les revenus et le patrimoine.
Le logement est un droit, pas une marchandise. Gel des loyers ! Plafonnement des prix ! Plan de construction massive de HLM.
Le budget de la santé dépend de la défense et du renforcement de la Sécurité sociale, de l'augmentation des cotisations qui doivent découler mécaniquement des augmentations de salaires, du recul du chômage, et de l'augmentation des cotisations patronales.
10- L'annulation de la dette publique, la saisie des banques privées
Une série de mesures nécessitent des investissements conséquents. Ceux-ci ne sont possibles qu'en empruntant, ce qui nécessite d'annuler la dette publique pour tous les pays qui le demandent, dont les banques se gavent depuis des décennies, et de réquisitionner les banques privées, qui rackettent les pauvres et les États du Sud global en empruntant à des taux bien plus bas qu'elle ne prêtent.
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Grande-Bretagne - Dossier. Jeremy Corbyn : « l’austérité est le choix des travaillistes »

Après 14 ans de multiplication par deux de la richesse des milliardaires, le choix des élites politiques d'affamer les retraité·e·s [1] et les enfants montre que l'austérité est une véritable escroquerie.
Tiré de A l'Encontre
28 septembre 2024
Par Jeremy Corbyn
Keir Starmer lors du congrès du Labour Party à Liverpool, du 22 au 25 septembre 2024.
Chaque jour, mes électeurs et électrices font des choix difficiles. Des choix difficiles comme celui de savoir s'ils doivent chauffer leur maison ou mettre de la nourriture sur la table. Des choix difficiles comme contracter un prêt pour payer le loyer de ce mois-ci. Des choix difficiles comme vendre leur maison pour payer les charges sociales de leur famille.
Les gens doivent faire des choix difficiles parce que les gouvernements ont fait les mauvais choix. Nous avions averti que l'austérité des conservateurs affaiblirait notre économie et décimerait nos services publics. Nous avons été ignorés et ce sont les plus pauvres de la société qui en ont payé le prix. L'austérité n'est pas un simple mot à la mode. C'est la réalité actuelle et brutale pour des millions de personnes qui ont été poussées dans le dénuement. C'est le visage du désespoir et de l'anxiété de ceux et celles qui sont contraints à la spirale de l'endettement. C'est une nuit glaciale pour le nombre record de personnes qui dorment dans la rue. C'est le cimetière des personnes privées d'un soutien vital : plus de 300'000 décès en surnombre ont été attribués aux politiques d'austérité.
Nous parlons souvent de l'austérité en termes de « réduction des dépenses publiques », mais ce n'est qu'un aspect de la question. En privant les services publics de ressources, le gouvernement a créé une excuse commode pour leur privatisation. Nous l'avons vu de manière particulièrement aiguë avec le NHS (National Health Service) : un service public sous-financé n'entraîne pas seulement une dégradation des soins de santé publics, mais aussi une perte de confiance dans le principe même des soins de santé publics. L'austérité n'a jamais eu pour but d'économiser de l'argent (la dette du Royaume-Uni a augmenté chaque année sous les conservateurs). Il s'agissait de transférer de l'argent des plus pauvres vers les plus riches. Entre 2010 et 2018, la richesse agrégée du Royaume-Uni a augmenté de 5,68 billions de livres sterling : 94% sont allés aux 50% de ménages les plus riches ; 6% sont allés aux 50% les plus pauvres. Alors que la pauvreté infantile atteignait son niveau le plus élevé depuis 2007 (The Guardian,14 juillet 2022), déjà en 2025 les milliardaires britanniques ont plus que doublé leur richesse depuis la récession de 2009.
Cela relevait d'une décision politique de réduire, de démanteler et de vendre aux enchères nos services publics. Et ce sera une décision politique de répéter cette expérience économique ratée. Le 27 août 2024 [à propos du budget qui sera présenté en automne], le Premier ministre (Keir Starmer) a déclaré à la nation : « Cela va être douloureux », préparant le peuple à des « choix difficiles ». Les conservateurs l'ont-ils autorisé à réutiliser leurs slogans ? D'autres ministres sont allés plus loin, indiquant qu'ils n'avaient pas d'autre choix que d'appauvrir les enfants et les retraité·e·s. Maintenir les enfants dans la pauvreté est apparemment inévitable si l'on veut « rétablir » les finances publiques. La suppression de l'allocation de chauffage pour l'hiver [1] est une nécessité, nous a-t-on dit de manière, si nous voulons mettre un terme à l'effondrement de la livre sterling.
Il est stupéfiant d'entendre les ministres du gouvernement essayer de tromper la population. Le gouvernement sait que plusieurs choix s'offrent à lui. Il pourrait instaurer un impôt sur la fortune qui rapporterait plus de 10 milliards de livres sterling. Il pourrait cesser de gaspiller l'argent public dans des partenariats avec le privé. Il pourrait procéder à une redistribution fondamentale du pouvoir en faisant en sorte que l'eau et l'énergie deviennent des biens publics à part entière. Au lieu de cela, ils ont choisi de retirer des ressources aux personnes à qui l'on avait promis que les choses allaient changer. Il y a beaucoup d'argent, mais il est entre de mauvaises mains – et nous ne nous laisserons pas berner par les tentatives des ministres de feindre le regret face à des décisions cruelles qu'ils savent ne pas devoir prendre.
D'autant que, pour certains ministres, il n'y a pas lieu de regretter quoi que ce soit. Non, la suppression de l'allocation de chauffage en hiver est prétendument un choix progressiste, puisqu'elle retire l'aide à ceux et celles qui n'en ont pas besoin pour la diriger vers ceux qui en ont le plus besoin. La réalité est tout autre. La mise sous condition de l'allocation ne permet pas de s'assurer que l'aide va là où elle est le plus nécessaire. Seuls 63% des retraité·e·s qui remplissent les conditions pour bénéficier du « Pension Credit » [allocation en plus de la Pension d'Etat ] en font la demande. Si cela devient une règle pour les allocations de chauffage en hiver (Winter Fuel Payment], près d'un million de retraité·e·s les plus pauvres n'en bénéficieront pas. L'IFS (Institute for Fiscal Studies) a calculé qu'il en coûterait au gouvernement plus de 2 milliards de livres sterling pour garantir un taux d'utilisation de 100%, soit plus que le 1,4 milliard de livres sterling qu'il prétend économiser en procédant à cette réduction.
En outre, le prix à payer est bien plus élevé. Il s'agit de la destruction d'un principe fondamental : l'universalisme. Un système universel d'aide sociale réduit la stigmatisation des personnes qui en dépendent et supprime les obstacles pour ceux qui trouvent difficile de faire une demande (ces deux raisons expliquent pourquoi le taux d'utilisation des aides sous condition de ressources est si faible). Quelle sera la prochaine étape de la mise sous condition de revenus ? La pension d'Etat ? Le NHS ?
Si le gouvernement se préoccupe vraiment de l'inégalité des richesses, il ne s'attaquera pas au principe de l'universalisme. Il augmenterait les impôts sur les plus riches de notre société. De cette manière, nous nous assurons que tout le monde bénéficie du soutien dont il a besoin et que ceux qui ont les épaules les plus larges paient leur juste part.
La politique est une question de choix. Le Parti travailliste a été créé pour améliorer les conditions de vie des plus démuni·e·s ; ceux qui choisissent d'enfoncer les enfants et les retraités dans la pauvreté devraient se poser la question suivante : est-ce pour cela que mes électeurs et électrices m'ont élu ? Je suis fière de travailler avec d'autres députés au Parlement qui ont été élus pour défendre un monde plus égalitaire. Nous pensons que l'austérité est le mauvais choix – et notre porte est toujours ouverte à ceux qui veulent faire un choix différent.
Le principe de l'universalisme est le principe d'une société qui prend soin de chacun et chacune. C'est un principe qui vaut la peine d'être défendu. (Article publié dans le magazine Tribune le 10 septembre 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)
Jeremy Corbyn est député d'Islington North et membre du groupe des députés de l'Independent Alliance (créé le 2 septembre 2024 et composé de 5 députés).
[1] Lors du Congrès du Parti travailliste à Liverpool, l'option à ce sujet, entre autres, de la Chancelière de l'Echiquier est décrite de la manière suivante par Hugo Gye et Chloe Chaplain dans Inews le 23 septembre 2024) : « Rachel Reeves envisage de réduire le budget de l'aide sociale afin de consacrer plus d'argent aux investissements à long terme, alors qu'elle s'apprête à élaborer un budget visant à économiser de l'argent. Une source proche de la chancelière a déclaré : “S'il y a des économies à réaliser dans le budget de la protection sociale, elle souhaite les trouver” […] La chancelière a fait l'objet d'intenses pressions de la part de députés, des organisations caritatives et des syndicats pour qu'elle revienne sur sa décision de supprimer les aides aux dépenses de chauffage en hiver pour la plupart des retraité·e·s. Elle a toutefois défendu cette politique controversée en déclarant aux militant·e·s : “J'ai fait le choix d'évaluer les ressources de mes concitoyens. J'ai fait le choix de mettre sous condition de ressources la contribution de chauffage pour l'hiver, afin qu'elle ne soit versée qu'aux personnes qui en ont le plus besoin. Je sais que tout le monde – dans cette salle [lors du Congrès] ou dans le pays – ne sera pas d'accord avec chacune de mes décisions. Mais je ne me déroberai pas à ces décisions.” Rachel Reeves, qui a été mise en garde contre le retour de l'austérité, a cherché à modifier sa réputation de rhétorique négative en évoquant les avantages à long terme d'une approche stricte des finances publiques. » (Inews, 23 septembre 2024). Voir ci-après l'article de Andrew Fisher. (Réd.)
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Il existe une contradiction fondamentale au cœur de la stratégie économique du Labour
Par Andrew Fisher
La chancelière de l'Echiquier Rachel Reeves, lors du congrès du Labour.
L'austérité est-elle terminée ? C'est la question qui a dominé le discours de la Chancelière de l'Echiquier [responsable des finances et du trésor], Rachel Reeves [1], lors de la conférence du Parti travailliste [elle s'est tenue du 22 septembre au 25 septembre 2024, à Liverpool]. Le discours pessimiste sur un « budget douloureux » et le sempiternel refrain des « choix difficiles » ont été réduits au minimum. Au lieu de cela, Rachel Reeves a déclaré lors de la conférence du Parti travailliste : « Mon ambition pour la Grande-Bretagne ne connaît pas de limites parce que je vois le bénéfice que nous pouvons en tirer si nous faisons les bons choix, maintenant. »
Mais s'agit-il de la même matière enrobée d'un langage plus optimiste ? Du vieux vin dans de nouvelles bouteilles ? L'austérité avec un visage souriant ? Les « bons choix » sont-ils la nouvelle appellation des « choix difficiles » ?
Lors de sa tournée des médias ce matin [du 23 septembre], Rachel Reeves a promis de « ne pas revenir à l'austérité ». Interrogée sur ce qu'elle entendait par là, Rachel Reeves a déclaré à l'émission Today de la BBC Radio 4 qu'il n'y aurait pas de réduction des dépenses publiques en termes réels, mais qu'il s'agissait d'une décision prise au cours de la session du Parlement et non dans le cadre de l'élaboration du budget. Son porte-parole l'a confirmé après son discours.
Le professeur Simon Wren-Lewis [University of Oxford], qui fait partie des nombreux économistes [entre autres Mariana Mazzucato, University College London, Jonathan Portes, King's College London,Mohamed El-Erian, ancien CEO de Pimco !] de haut vol ayant écrit une lettre ouverte [Financial Times, 15 septembre] à la Chancelière de l'Echiquier pour lui faire part de leurs inquiétudes quant à la stratégie économique du Parti travailliste. Ils estiment que le point de référence (benchmark) devrait être plus élevé : « L'austérité concerne les niveaux des prestations publiques, pas les changements. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une austérité aiguë. La tâche des travaillistes est maintenant de commencer à y mettre fin, ce qui signifie que la part des dépenses publiques dans le PIB doit augmenter de manière significative au fil du temps. »
Nous ne saurons pas avec certitude quelles seront les augmentations de financement pour les services publics avant le budget, lorsque les « intellos » comme moi pourront se plonger dans le Livre Rouge du Budget-Budget Red Book [2] et l'analyse de l'OBR [Office for Budget Responsability], mais l'équipe de Rachel Reeves refuse d'exclure, cette année, des coupes dans les dépenses des ministères.
Sans le dire clairement, le message semble être que l'austérité est de retour, mais seulement temporairement, et que, contrairement à l'austérité des conservateurs, elle permettra en quelque sorte de « réparer les fondations ».
Rachel Reeves a déclaré ce matin à Sky News : « Nous équilibrerons les comptes », soulignant qu'une croissance économique soutenue doit être construite sur la base de la stabilité. Mais la stabilité pour qui ? Il n'y a rien de stable pour les millions de ménages qui ne parviennent pas à joindre les deux bouts en raison des bas salaires, des prestations sociales de misère et, ne l'oublions pas, des retraites publiques les plus faibles d'Europe.
La réduction des allocations de chauffage pour l'hiver sera ressentie comme une mesure d'austérité par les ménages retraités alors que les prix de l'énergie augmenteront de 10% à partir du mois prochain [octobre]. Les fonctionnaires du Trésor annoncent également de manière inquiétante qu'il y a « des économies à réaliser dans le budget de la protection sociale ».
L'austérité que subissent les services publics depuis une quinzaine d'années freine la croissance économique. Les longues listes d'attente du NHS [National Health Services] empêchent des personnes en âge de travailler de le faire, et l'absence de services sociaux adéquats oblige de nombreuses personnes en âge de travailler à abandonner leur travail ou à réduire leur temps de travail pour s'occuper de leurs proches. Il en va de même dans de nombreux autres domaines du secteur public. L'investissement pourrait contribuer à stimuler la croissance.
Si l'accent a été mis sur la « confiture » de demain, la douleur d'aujourd'hui est sans aucun doute toujours présente. C'est cette même mentalité malavisée qui a conduit le Parti travailliste, avant les élections, à revoir à la baisse son plan vert pour la prospérité – les 28 milliards de livres sterling d'investissements supplémentaires que Rachel Reeves avait annoncés dans la même salle [à Liverpool] il y a trois ans. Lorsqu'il a été lancé à l'occasion de la conférence du parti en 2021, il a été présenté comme un moteur essentiel de la croissance. En 2023, Keir Starmer avait présenté sa « mission » pour que le Royaume-Uni atteigne la croissance soutenue la plus élevée du G7. La pierre angulaire de ce projet était, alors, « un plan de prospérité verte qui fournira l'investissement catalytique nécessaire pour devenir une superpuissance de l'énergie propre ».
Mais ensuite, après des mois de briefing et de contre-briefing, il a été expliqué que parce que l'économie allait mal, les propositions devaient être édulcorées – même si le plan était censé être la solution au fait que l'économie allait mal.
L'argument de Rachel Reeves semble être que « nous ne pouvons pas faire de bonnes choses tant que nous n'avons pas de croissance », mais ce sont les bonnes choses qui stimulent la croissance – en les retardant, on retarde la croissance.
Cette même inertie a entaché les premiers mois de gouvernement du Labour. Malgré toute la rhétorique sur l'investissement et la stratégie industrielle, les travaillistes sont restés les bras croisés face à l'effondrement des aciéries de Port Talbot [situées dans le Pays de Galles, le propriétaire Tat Steel supprime quelque 2800 emplois, comme conséquence du démantèlement deux hauts-fourneaux, avec délocalisation en Inde, pour l'émission de CO2] et de Scunthorpe [British Steel « ferme » deux hauts-fourneaux, avec réduction de 2200 emplois, suite une reconversion vers des fours électriques], à l'annonce de la fermeture [en 2025, 400 emplois en jeu] de la raffinerie de Grangemouth (Ecosse] et au fait que les chantiers navals Harland&Wolff (Belfast) sont sous le coup d'une ouverture de procédure de faillite.
Rachel Reeves a parlé de « choses fabriquées ici en Grande-Bretagne et exportées dans le monde entier ». Les métallurgistes et les travailleurs de la construction navale ne sont pas concernés. S'il existe une stratégie industrielle, sa nature n'est pas encore claire. Rachel Reeves a déclaré qu'elle publierait une stratégie industrielle le mois prochain, mais cela ne sera pas d'un grand réconfort pour les travailleurs de l'industrie qui perdent leur emploi aujourd'hui.
En n'inversant pas l'austérité maintenant (qu'il s'agisse de « choix difficiles » ou de « bons choix »), le parti travailliste risque de poursuivre sur la voie de la spirale descendante, au lieu de nous en sortir.
Le langage plus optimiste ne peut masquer cette contradiction fondamentale au cœur de la stratégie économique du Labour – et les mots plus rassurants de Reeves ne peuvent cacher cette contradiction. (Opinion publiée par I News le 23 septembre 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)
Andrew Fisher est un ancien directeur exécutif de la politique du Parti travailliste.
[1] Rachel Reeves est une économiste, membre du Parti travailliste, députée de la circonscription de Leeds West depuis 2010. Elle fut, dès 2013, Secrétaire d'Etat au Travail et aux Retraites du cabinet fantôme, jusqu'en 2015. Elle ne revient pas dans le cabinet fantôme, après un congé maternité, suite à l'élection de Jeremy Corbyn à la tête de Labour. Elle retrouve la position – de mai 2021 à juillet 2024 – de Chancelière de l'Echiquier du cabinet fantôme, une fois Keir Starmer à la direction du parti après qu'il eut écarté les partisans de Corbyn. Le 5 juillet 2024 Keir Starmer la nomme Chancelière de l'Echiquier de son gouvernement. (Réd)
[2] La mallette budgétaire est la mallette rouge recouverte de cuir qui contient le discours du budget. Traditionnellement, le jour du budget, le chancelier est photographié sur les marches du 11 Downing Street, brandissant la boîte budgétaire. (Red.)
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N’y a-t-il pas de genre dans l’armée ukrainienne ?

« Il n'y a pas de sexe/genre dans l'armée. » Si vous êtes une femme militaire, c'est une phrase que vous entendrez probablement beaucoup. Ceux qui la prononcent croient probablement que c'est là le but de l'égalité des sexes : rendre tout le monde pareil. Mais peut-être ne s'agit-il pas d'égalité, mais d'assimilation des femmes aux hommes ?
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/10/01/ny-a-t-il-pas-de-genre-dans-larmee-ukrainienne/
Le plus souvent, j'ai entendu « il n'y a pas de sexe/genre dans l'armée » lorsque j'ai fait remarquer que je ne suis pas un soldat, un militaire ou un frère, mais une soldate, une militaire et une demi-sœur. Souvent les hommes, indignés qu'une femme veuille être traitée comme une femme, ont déclaré sous le choc : « Il n'y a pas de genre dans l'armée ».
Cependant, dans la langue ukrainienne, les mots « militaire » ou « soldat » ne sont pas neutres en matière de genre : ils indiquent exactement le sexe masculin. Lorsque vous appelez une princesse, un prince, une professeure, un professeur ou une chanteuse, un chanteur, montrez-vous du respect à ces femmes ? Vous préférez les ignorer, rendant leur féminité plus invisible dans diverses sphères d'activité.
À propos, les mêmes hommes qui crient qu'ils vous traiteront de soldat et qu'il n'y a pas de sexe dans l'armée entament souvent un dialogue complémentaire avec vous par une cour indécente. Je me demande pourquoi le genre apparaît soudainement dans de tels cas ?
« Il n'y a pas de sexe/genre dans l'armée » = « Je pense comprendre ce que signifie l'égalité des sexes, mais en réalité mes connaissances sont primitives et superficielles, je ris timidement quand j'entends les mots « sexisme » ou « féminisme », je vis dans mon monde masculin confortable et laissons aussi les femmes y vivre, pourquoi même prendre en compte le fait que leurs besoins peuvent différer des miens ? »
Femmes invisibles
Le problème de l'assimilation des femmes aux hommes n'est pas nouveau et n'existe pas seulement dans l'armée. L'un des livres les plus célèbres sur ce sujet est Invisible Women : Exposing Data Bias in a World Designed for Men de Caroline Criado Perez. Il décrit des exemples de la façon dont le monde est conçu principalement pour les hommes et comment cela affecte les femmes dans divers domaines de la vie : de la médecine, des infrastructures urbaines, de la conception de produits à la politique et à l'économie. Je n'en citerai que quelques-uns.
Médecine
La plupart des recherches médicales ont été menées sur des hommes, ce qui conduit à un manque de compréhension de la physiologie féminine. Par exemple, les symptômes d'une crise cardiaque chez les femmes diffèrent souvent de ceux des hommes, ce qui peut retarder les secours. Les femmes sont 50% plus susceptibles de recevoir un diagnostic erroné après une crise cardiaque et 7% plus susceptibles de mourir dans l'année suivant une crise cardiaque. Tout cela est dû à un traitement inapproprié. De plus, les médicaments sont souvent testés sur des hommes, ce qui peut conduire à de mauvaise dose pour les femmes.
Sécurité automobile
Jusqu'en 2011, aux États-Unis, les crash tests étaient effectués uniquement sur des mannequins masculins. Par la suite, des mannequins « féminins » ont commencé à être utilisés, mais leur anatomie ne prend pas en compte toutes les différences physiologiques. Selon une étude, les femmes ont 17% plus de risques de mourir dans un accident et 73% plus de risques d'être gravement blessées, même lorsqu'elles portent la ceinture de sécurité. Les principales raisons : négligence des caractéristiques physiologiques des femmes dans la conception des voitures et les tests de sécurité.
Quel est le problème avec l'armée ukrainienne ?
Voici quelques-uns des principaux défis auxquels les femmes militaires peuvent être confrontées en raison de l'invisibilité, de la misogynie et des stéréotypes de genre.
Inadéquation des équipements militaires
Nous commençons à voir des uniformes féminins dans certains endroits (pas partout) : j'ai reçu un uniforme et des sous-vêtements féminins mais il n'y avait pas de hauts pour femmes. En outre, toutes les tailles ne sont pas disponibles et mon amie de petite taille n'a pas reçu les vêtements adaptés.
Ce qui me fait le plus mal (à la fois mentalement et physiquement), c'est le manque de protection féminine. Le gilet pare-balles est conçu pour une anatomie masculine, il peut exercer une pression sur la poitrine des femmes, il peut ne pas convenir en taille (peu importe la façon dont je le serre, il est toujours trop grand et les plaques renforcées ne couvrent pas la partie du corps qu'ils devraient). Et il ne s'agit pas seulement d'inconfort physique, il s'agit, encore une fois, d'un plus grand risque d'être tuée ou blessée à cause d'un design masculin du gilet. C'est la même chose avec les bottes : elles sont conçues pour le pied d'un homme. Pour la plupart des femmes, même si c'est leur pointure, la chaussure est trop large.
Reconnaissance insuffisante du rôle des femmes au combat
Bien que les femmes participent activement aux opérations militaires de première ligne, elles ne sont souvent pas reconnues dans leurs rôles au combat, ce qui affecte leur avancement professionnel et leur accès aux ressources. Il existe encore des cas où les femmes peuvent effectuer les mêmes tâches de combat que les hommes, mais formellement, leurs postes peuvent être classés comme « infirmière », « cuisinière », etc.
Assistance médicale et hygiène
Les femmes dans l'armée ne reçoivent pas de serviettes ni de tampons hygiéniques, les hôpitaux militaires et les hôpitaux n'ont souvent pas de gynécologues ni de mammologues.
Infrastructures inadéquates
Dans de nombreuses bases militaires et sur le terrain les besoins des femmes ne sont pas pris en compte : souvent, il n'y a pas de toilettes ou de douches séparées pour les femmes, ni de tentes et d'abris pour elles.
Stéréotypes de genre
Un jour, un officier est venu me voir pour me donner des « conseils ». Il a dit que je manquais de sagesse et de ruse féminines, que je devrais parler moins et argumenter, qu'une femme ne devrait pas être si bruyante et a fait d'autres illusions sexistes. Dans la limite de ses « conseils », il a même noté que je pouvais être tué par les miens.
Souvent, l'initiative et le souhait de participer activement aux discussions et aux processus de travail ne sont pas acceptés de la part des femmes. Souvent, les hommes veulent seulement diriger les femmes, mais ne sont pas prêts à les considérer comme des égales ou des dirigeantes. L'un des chefs de notre unité m'a dit qu'une femme dans l'armée n'était « pas naturelle ». Tous ces hommes misogynes développent des stéréotypes selon lesquels une femme est moins efficace dans les postes de combat, qu'elle ne peut pas bien planifier les tâches, assumer la responsabilité d'une unité, etc.
Harcèlement
Récemment, lors d'un transfert vers un nouvel endroit, l'homme qui m'a installé dans la tente des femmes a déclaré : « C'est bien que les femmes aient été évacuées, car il y a eu des cas où des hommes les ont attaquées. Et de tels cas ne sont malheureusement pas rares. Quand ma belle-sœur dormait dans un abri pendant un raid aérien, elle s'est réveillée avec un mec qui lui caressait les lèvres avec ses mains. Dans le même temps, les femmes ont souvent peur de raconter de telles histoires, car la société leur en impute la responsabilité. »
Récemment, la médecin militaire Oksana a parlé de harcèlement sexuel à son encontre et a fourni des preuves. La femme a révélé cette histoire dans l'espace médiatique. Ensuite, au lieu de punir l'agresseur, on a ignoré la situation et refusé de la transférer afin qu'elle n'ait pas à continuer à travailler avec l'auteur des violences. Imaginez combien de force et de courage il faut pour aller à l'encontre d'un commandement et commencer à en parler publiquement, et imaginez maintenant combien d'histoires de ce genre n'ont pas été racontées.
Que faire de tout ça ?
Surtout, ne sous-estimez pas l'importance de la lutte pour l'égalité des sexes. Cela est nécessaire à toute société civilisée, et à notre armée en particulier. Lorsqu'on me répète que ce n'est pas le moment de faire du féminisme, quand on dit qu'il y a une guerre dans le pays et qu'il faut s'occuper non pas des droits des femmes, mais d'un ennemi extérieur… je réponds avec confiance que le développement de l'égalité des sexes et du féminisme dans l'armée ukrainienne est nécessaire au développement des capacités des forces de défense.
Et ici, je veux avant tout m'adresser aux femmes. Les hommes peuvent rejoindre des mouvements féministes, être proféministes, mettre en œuvre des mécanismes pour lutter contre la misogynie et le sexisme, influencer d'autres hommes et essayer de rendre leur environnement masculin propice à l'égalité des sexes. Les hommes peuvent faire tout cela, mais ils ne seront jamais la force motrice de cette lutte. Nous sommes responsables de nos droits.
Nous devons développer un véritable sens de la solidarité, nous devons apprendre à nous soutenir sincèrement les unes les autres. Car, très probablement, les hommes n'auront pas le même état d'esprit sur ce chemin. Dans la plupart des cas, ils ne seront pas ceux avec qui nous pouvons lutter côte à côte, mais ceux qui seront une source d'humiliation et de dévalorisation des femmes. C'est pourquoi la lutte pour les droits des femmes dans l'armée est particulièrement difficile. Pour réussir, il faut que les femmes militaires, mais aussi les femmes civiles, s'unissent autour de cette question. Je crois qu'il est du devoir de chaque féministe ukrainienne d'aujourd'hui de prêter attention et de s'impliquer dans l'aide aux femmes dans l'armée. Nous devrions entamer des discussions à ce sujet dans nos cercles et dans l'espace public. Nous devrons soutenir des organisations impliquées dans l'aide aux femmes militaires (Veteranka, Arm Women Now, « Zemlyachki »). Si nous en avons la force et les connaissances, nous devrions créer nos propres mécanismes pour faciliter le parcours des femmes dans l'armée, être attentives à leurs sœurs et à leurs amies militaires, briser les rivalités entre femmes et développer l'entraide. Nous devons développer le courage de ne pas tolérer la misogynie, le sexisme et autres manifestations d'inégalité entre les sexes, nous devons être capables de les identifier et de les combattre.
Pour que la prochaine fois que quelqu'un vous dise qu'il n'y a pas de genre dans l'armée, vous puissiez répondre qu'il y a un genre dans l'armée. Et la femme n'est pas la même que l'homme, mais elle mérite le même respect et les mêmes droits, même si elle est différente et a besoin de solutions adaptées à son anatomie. Elle a besoin de mécanismes qui la protégeront des actions sexistes des hommes, elle a besoin de conditions dans lesquelles une femme peut suivre la voie militaire dans la dignité, sans humiliation ni dépréciation.
Oleksandra Sakharuk, militaire ukrainienne, 25 septembre 2024
Publié par https://hromadske.ua
Traduction Patrick Le Tréhondat
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Entretien avec Carola Racketa sur la solidarité avec le peuple ukrainien

« Être de gauche signifie être du côté des opprimés, que ce soit en Palestine, au Kurdistan ou en Ukraine : c'est pourquoi l'UE doit continuer à livrer des armes à Kiev et autoriser des attaques sur le territoire russe ». C'est ainsi que l'ancienne capitaine de Sea Watch Carola Rackete, élue sans étiquette au Parlement européen sur la liste du parti DIE LINKE, explique pourquoi elle a voté en faveur de la dernière résolution du Parlement européen sur le soutien militaire à l'Ukraine.
L'interview de Marco Bresolini a été publiée le 28 septembre 2024 dans le quotidien italien La Stampa. Carola Rackete mérite un large soutien pour sa position cohérente.
L'avez-vous fait[en votant oui] pour marquer sa dissidence au sein du groupe « The Left » ?
« Il y a différentes positions dans notre groupe, et la mienne s'oriente vers celle des partis de gauche scandinaves : Finlande, Suède et Danemark. Être de gauche, c'est être solidaire des peuples opprimés et s'opposer aux dictatures, que ce soit en Russie, au Venezuela ou en Syrie. Il faut se placer du côté de ces gens et écouter leurs besoins. C'est ce que j'ai fait avec les ukrainiens:nes, avec les mouvements progressistes du pays : ce sont eux qui nous disent combien il est important d'obtenir des armes pour nous défendre. C'est pour cette raison que j'ai voté en faveur de la résolution ».
Ceux qui disent que la livraison d'armes ne fait qu'attiser la guerre et éloigner la paix ont-ils donc tort ?
« Mais il n'y a pas de paix sans justice. Si nous cessons de fournir des armes, l'Ukraine finira par ne plus être en mesure de se défendre et sera occupée par la Russie. Des millions de personnes seront contraintes de fuir et des millions devront vivre sous une dictature. Ceux qui disent qu'il faut déposer les armes pour obtenir la paix ne cherchent pas la justice. Moi aussi je veux la paix, les Ukrainiens aussi veulent la paix : ils n'ont pas demandé à être envahis ! Mais nous avons besoin d'une paix juste. Et la condition préalable à la paix est que Poutine retire ses troupes du territoire ukrainien. C'est pourquoi nous devons soutenir l'appel à l'autodéfense qui vient de Kiev ».
L'Ukraine demande également à pouvoir utiliser des armes occidentales pour frapper des cibles militaires en Russie : Presque tous vos collègues italiens ont voté contre ce point de la résolution, ce qui correspond à la position du gouvernement, alors que vous étiez pour. Et pourquoi ?
« Depuis deux ans et demi, la Russie bombarde les infrastructures civiles en Ukraine, faisant des victimes innocentes. Si nous voulons aider les Ukrainiens à se défendre efficacement, nous ne pouvons pas leur dire : attendez que les missiles passent la frontière et vous tombent sur la tête. Nous devons permettre aux Ukrainiens de détruire les cibles militaires à l'origine des attaques. C'était l'objet de la résolution, je n'aurais jamais voté pour un texte appelant à bombarder des civils....
« .Les gouvernements européens devraient-ils donc, selon vous, lever les restrictions ?
« Beaucoup de pays et de personnes en Europe disent qu'ils soutiennent l'Ukraine, mais ils le font en serrant le frein à main. Si nous sommes d'accord sur qui a raison et qui a tort, nous ne pouvons agir que de cette manière. J'ai toujours été critique envers l'OTAN, mais dans ce cas, la situation est claire comme de l'eau de roche : c'est la Russie qui a envahi l'Ukraine, pour la deuxième fois, après avoir également envahi la Géorgie. Poutine ne reconnaît pas la souveraineté de l'Ukraine et veut la détruire. Il y a un peuple clairement opprimé et il est de notre devoir de l'aider à se défendre ».
Vous n'avez toutefois pas voté pour l'envoi de missiles Taurus : Avez-vous également tiré le frein à main ?
« C'est un sujet très controversé, surtout en Allemagne, sur lequel je ne suis pas totalement convaincue. Mais sur ce point particulier, je n'ai pas voté contre, je me suis abstenue ».
La guerre en Russie a-t-elle changé votre attitude envers le pacifisme ?
« Cette guerre n'a pas commencé en 2022, mais en 2014. Je vivais alors en Russie et j'ai visité l'Ukraine à plusieurs reprises au cours des années suivantes, avant 2022. J'ai vu de mes propres yeux à quel point les Ukrainiens étaient en colère contre l'UE pour son manque de soutien et son désintérêt pour un conflit qui se poursuivait à l'est du pays. J'ai eu suffisamment de temps pour réfléchir à ce conflit ».
« Je continue à critiquer l'OTAN pour les erreurs qu'elle a commises, notamment en Afrique du Nord ou dans l'ex-Yougoslavie. Mais être de gauche, c'est être du côté des opprimés, que ce soit en Palestine, au Kurdistan ou en Ukraine. Je suis aux côtés des habitants de Hong Kong et de Taiwan, pour le droit à l'autodétermination et pour la démocratie. Ce n'est pas une question d'Est ou d'Ouest, de Russie ou d'OTAN. C'est une question d'impérialisme. Il faut aider les plus faibles à se défendre contre les abus des plus forts, et la Russie est clairement plus forte que l'Ukraine ».
Les menaces nucléaires de Poutine ne vous font-elles pas peur ?
« Je pense que c'est du bluff. Nous oublions souvent que les seuls à avoir lancé une bombe atomique sont les Etats-Unis, la Russie ne l'a jamais fait ».
Selon vous, l'UE n'est pas assez active pour soutenir Kiev ?
« Les sanctions décidées sont décevantes parce qu'elles sont insuffisantes et ridicules. Nous continuons à importer des combustibles fossiles comme le gaz et à financer ainsi la guerre de la Russie. Les sanctions devraient être plus sévères et mieux ciblées. La société civile devrait également en faire plus pour mieux comprendre la situation et les difficultés économiques des Ukrainiens : Il y a beaucoup de spéculation capitaliste dans la reconstruction de l'Ukraine ».
Informations sur le vote du PE (Parlement européen) auquel pareticipait Carola Rakete et commentaire de Christian Zeller (Emanzipation - Autriche)
Christan Zeller, Où va la gauche européenne ? Avec Carola Rackete !
Le 19 septembre, le Parlement européen a voté à une large majorité (425 pour, 131 contre, 63 abstentions) la résolution « Soutien financier et militaire continu des États membres de l'UE à l'Ukraine »[1] [ 2].
Les membres du groupe « The Left » ont voté en ordre dispersé : 20 députés ont rejeté la résolution, 9 l'ont approuvée et 12 se sont abstenus. Carola Rackete, élue en juin dernier au Parlement européen sans étiquette sur la liste du parti LA GAUCHE, a voté pour, avec les députés de gauche des pays nordiques. Carola Rackete s'est fait connaître internationalement en 2019 en tant que capitaine du navire de sauvetage Seawatch 3, lorsqu'elle a sauvé de nombreux réfugiés et tenu tête au ministre italien de l'Intérieur de l'époque.
Cette résolution demande :
1. que l'UE et ses États membres s'emploient à « maintenir et à susciter le soutien international le plus large possible en faveur de l'Ukraine et à trouver une solution pacifique à la guerre, qui doit être fondée sur le plein respect de l'indépendance, de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine, sur les principes du droit international, sur l'obligation de rendre des comptes pour les crimes de guerre et le crime d'agression, et sur les réparations et autres paiements de la Russie pour les dommages massifs causés en Ukraine » ; demande que l'UE s'engage activement dans la mise en œuvre de la formule de paix de l'Ukraine et dans la mise en place des bases pour la tenue du deuxième sommet de paix. "
2. La livraison de suffisamment de munitions à l'Ukraine et l'autorisation d'attaques ukrainiennes contre des infrastructures militaires en Russie ;
3. l'application et l'extension des sanctions militaires contre la Russie et ceux qui la soutiennent ;
4. la confiscation des avoirs de l'État russe afin de compenser l'Ukraine pour les destructions ;
5. l'application d'un embargo total sur le gaz naturel liquéfié en provenance de Russie et des sanctions contre Gazprom et les compagnies pétrolières russes ;
6. que tous les États membres de l'UE et les alliés de l'OTAN s'engagent collectivement et individuellement à consacrer au moins 0,25 % de leur PIB par an à l'aide militaire à l'Ukraine.
7. La deuxième demande vise à ce que l'Ukraine puisse également attaquer des lanceurs de missiles en Russie avec des armes des pays de l'OTAN. Cela lui est jusqu'à présent interdit et signifie que la population ne peut pas être protégée efficacement contre les bombardements russes. Toutefois, la résolution s'inscrit dans la politique générale hautement problématique de l'UE et de l'OTAN[3].
Néanmoins, dans une perspective solidaire, écologique et émancipatrice, il est justifié de voter en faveur de cette résolution et Carola Rackete justifie son vote de manière claire et compréhensible dans une interview avec le journal italien La Stampa.
Les députés Andersson, Kyllönen et Saramo du Vasemmistoliitto (parti de gauche) finlandais, Clausen du Enhedslisten (parti rouge-vert) danois, Gedin et Sjöstedt du Vänsterpartiet (parti de gauche) suédois, Hazekamp du Partij voor de Dieren (parti pour les animaux) néerlandais, Omarjee de la France Insoumise et Rackete, sans étiquette, d'Allemagne, ont voté oui.
Les huit députés Antoci, Della Valle, Furore, Morace, Palmisano, Pedullà, Tamburrano et Tridico du Movimento 5 Stelle italien et Salis de la Sinistra Italiana (Gauche italienne), Arvanitis de la Syrzia grecque, Barrena Arza de la El Bildu basque ont voté contre, Botenga et Kennes du Partij van der Arbeid (Belgique), Montero et Serra Sánchez de Podemos et Galán de Sumar (Espagne), Martins du Bloco de Esquerda et Oliveira du Partido Comunista Português (Portugal), Everding du Tierschutzpartei (Allemagne) et Demirel de DIE LINKE.
Les députés Aubry, Carême, Chaibi, Fourreau, Hassan, Mesure, Saeidi, Smith (tous de la France Insoumise), Boylan et Funchion du Sinn Fein et Flanagan (indépendant) d'Irlande ainsi que Schirdewan de DIE LINKE se sont abstenus.
Il est frappant de constater le poids important du Mouvement 5 étoiles, un mouvement populiste difficile à cerner politiquement, qui défend parfois des positions de droite. Ainsi, 2019 a soutenu la politique raciste de Salvini, alors ministre de l'Intérieur, et ses attaques contre le sauvetage en mer de Carola Rackete.
Le journal Junge Welt, qui se fait depuis des années le porte-parole de l'impérialisme russe, a lancé après le vote une campagne malveillante contre Carola Rackete, à laquelle se sont joints sur les médias sociaux des membres du parti DIE LINKE et des collaborateurs/trices de la fondation Rosa Luxemburg.
Ceux qui attaquent Carola Rackete de manière calomnieuse et falsifiée et l'accusent même, de manière absurde et hors du contexte, de favoriser une guerre mondiale par sa position, refusent systématiquement de donner une réponse sur la manière dont les salariés ukrainiens peuvent se défendre contre l'attaque russe contre leur société.
Ces attaques calomnieuses contre Carola Rackete ne servent pas la paix, mais font finalement le jeu des tentatives de chantage du régime de Poutine et apportent de l'eau au moulin des racistes, des nationaux-conservateurs et des fascistes de toute l'Europe. L'arrivée des députés du Mouvement populiste italien 5 étoiles au sein du groupe de la gauche au Parlement européen déplace l'orientation de ce dernier nettement vers la droite et indique que certaines forces ne veulent délibérément pas établir de démarcation claire avec les positions souverainistes nationales.
Ces dernières années, Carola Rackete a suffisamment prouvé qu'elle s'opposait avec détermination et efficacité aux forces fascistes, racistes et nationales-conservatrices. Face aux pires menaces, elle a sauvé de nombreuses personnes. Qui, parmi les écrivains malveillants, a déjà réussi à s'opposer à un ministre de l'Intérieur raciste et à ses forces de répression ? Carola Rackete représente une résistance conséquente au racisme et se bat résolument pour le démantèlement et la socialisation des industries fossiles.
Il est juste de s'opposer à la vague de réarmement de l'OTAN et des pays de l'UE. On le fait de manière crédible si l'on se solidarise en même temps avec la résistance ukrainienne contre la menace existentielle de l'impérialisme russe. C'est ce que nous avons également affirmé dans notre déclaration internationale « Ukraine : A People's Peace not an Imperial Peace »[4].
C'est pourquoi il est juste de soutenir l'Ukraine, c'est pourquoi il faut s'opposer aux exportations d'armes vers d'autres États qui attaquent leurs propres populations et celles des pays voisins (par exemple Israël, la Turquie, l'Arabie saoudite). C'est pourquoi il faut socialiser l'industrie de l'armement afin de la contrôler démocratiquement et de déterminer ses produits ; enfin, la déconstruire de manière coordonnée au niveau transnational ou la transformer en une industrie utile sur le plan social et écologique.
J'ai présenté quelques réflexions plus approfondies dans l'article « Paix en Ukraine et perspectives écosocialistes en Europe » dans emanzipation. Il est évident qu'il est urgent d'entamer une discussion transnationale et européenne sur ces défis[5].
Références
L'interview a été publiée le 28 septembre 2024 dans le quotidien italien La Stampa et a été traduite en allemand par Christian Zeller.
[1] Parlement européen, 19 septembre 2024 : P10_TA(2024)0012. Soutien financier et militaire continu des États membres de l'UE à l'Ukraine https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-10-2024-0012_DE.pdf
[2] MPE : L'Ukraine doit être en mesure d'attaquer des cibles militaires légitimes en Russie. Press Release 19 septembre 2024 MPEs : Ukraine must be able to strike legitimate military targets in Russia | News | European Parliament (europa.eu)
[3] Minutes - Résultats des votes par appel nominal. Thursday, 19 September 2024 - Strasbourg Poursuite du soutien financier et militaire à l'Ukraine par les États membres de l'UE https://www.europarl.e uropa.eu/doceo/document/PV-10-2024-09-19-RCV_EN.html ?fbclid=IwY2xjawFmg39leHRuA2FlbQIxMAABHUVXoHMr0rVWuR-bvF8vTNNM3CT8BS6AaqhJqe2bO_YxGOhPG5jVW3xVYg_aem_XUPNEi44pJXWU5AfY0KtuQ#169676#959974
[4] Déclaration internationale en allemand et 14 autres langues : Ukraine : A People's Peace not an Imperial Peace. https://emanzipation.org/2024/06/a-peoples-peace-not-an-imperial-peace/ Version en anglais avec liste des signataires, 6 juillet 2024 : https://emanzipation.org/wp-content/uploads/2024/07/2024_07_09_Ukraine_peace_conference_declaration_endorsements.pdf
[5] Christian Zeller, 25 juillet 2024 : Paix en Ukraine et perspectives écosocialistes en Europe. https://emanzipation.org/2024/07/frieden-in-der-ukraine-und-oekosozialistische-perspektiven-in-europa/
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Etats-Unis. Les dockers organisés dans l’ILA suspendent leur grève

En date du 2 octobre, nous avons publié un article présentant l'entrée en grève le mardi 1er octobre des dockers de la côte Est des Etats-Unis.
Tiré d'À l'encontre.
Cette grève allait mettre à l'arrêt 36 ports de la côte Est et du golfe du Mexique, dont 10 des ports les plus utilisés d'Amérique du Nord. Le conflit portait sur l'augmentation des salaires et sur les montants des primes pour les soins de santé comme sur le plan de retraite, ainsi que sur l'automatisation des terminaux de déchargement des conteneurs. Il mettait « face à face » l'International Longshoreman's Association (ILA) et l'U.S. Maritime Alliance (USMX, organisation des employeurs). Dès le 1er, la grève a touché 14 ports, soit 24 000 travailleurs.
Le débat politico-économique a porté de suite sur « le coût de la grève » pour l'économie des Etats-Unis, estimé par la presse économique jusqu'à 4,5 milliards de dollars par jour (selon la banque JPMorgan), ainsi que sur les potentielles pénuries découlant d'une possible paralysie complète des ports de la côte Est. De plus, les estimations étaient déjà faites du temps qui s'écoulerait pour résorber le volume des immobilisations de marchandises chargées sur les navires. Une journée de grève entraînerait un encombrement prenant de 4 à 6 jours pour être résorbé. A cela s'est de suite ajoutée une campagne des employeurs demandant à l'administration Biden d'utiliser la loi Taft-Harley (datant de 1947) pour contraindre, au nom de « l'urgence nationale », le syndicat ILA et ses 45 000 adhérents de se rendre sur leur poste de travail jusqu'à ce qu'un accord soit établi. Biden, à la veille des élections, se refusa à utiliser la loi Taft-Harley.
Le 3 octobre, un accord provisoire est intervenu entre la direction d'ILA et l'USMX, mettant fin à l'arrêt de travail qui a duré deux jours. Le contrat-cadre actuel est prolongé jusqu'au 15 janvier, puis des négociations reprendront sur « toutes les questions en suspens ». Biden, le jeudi 3 octobre, a déclaré : « L'accord de principe conclu aujourd'hui sur des salaires records et une extension du processus de négociation collective représente un progrès décisif vers la conclusion d'un contrat solide. Je félicite les dockers de l'ILA, qui méritent un contrat solide après avoir fait tant de sacrifices pour maintenir nos ports ouverts pendant la pandémie. Je félicite également les opérateurs portuaires et les transporteurs membres de l'Alliance maritime américaine pour leur travail acharné et leur offre solide. » Après avoir donné un premier appui à la direction de l'ILA – syndicat des plus modérés comparé à l'organisation syndicale de la côte Ouest, l'ILWU (International Longshoremen and Warehouse Union) – Biden et Kamala Harris ne pouvaient que se féliciter d'un tel « accord provisoire » intervenant un mois avant les élections du 5 novembre. Ce d'autant plus que les plus grandes compagnies maritimes du monde – AP Møller-Maersk (société danoise) et Hapag-Lloyd (dont le siège est à Hambourg) – ont vu leur action chuter respectivement de 5,34% et de 14% (4 octobre). Donald Trump n'a évidemment pas manqué de souligner, dès le début de la semaine, que « j'avais été à la Maison Blanche, cet arrêt de travail n'aurait jamais eu lieu » (Financial Times, 4 octobre).
La direction de l'ILA – qui initialement revendiquait une augmentation de salaire de 77% – a indiqué que l'accord provisoire avait été conclu sur la base de l'obtention d'une augmentation salariale de 61,5% pour le contrat collectif d'une durée de six ans. Sur cette revendication, l'USMX n'a pris aucun engagement public. Sur le thème de l'automatisation des terminaux (avec réduction du nombre d'emplois), l'introduction d'une « robotique portuaire », aux Pays-Bas et en Australie, fonctionne comme un élément concurrentiel utilisé par les grandes compagnies portuaires et de transporteurs et place les organisations syndicales face à un défi dont la dimension internationale est immédiate. (4 octobre 2024)
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Jill Stein, candidate à la présidence

Jill Stein, candidate à la présidence et Butch Ware, candidat à la vice-présidence pour le Parti vert font le point sur Gaza et la bataille contre « deux partis politiques zombies »
Tiré de Democrcy Now
https://www.democracynow.org/2024/9/25/green_party_jill_stein_butch_ware
Traduction Johan Wallengren
LE 25 SEPTEMBRE 2024
Democracy Now ! s'entretient avec Jill Stein et Butch Ware, qui se présentent respectivement comme présidente et vice-président pour le Parti vert à l'élection présidentielle. Un développement récent est le revers qu'a subi le Parti vert vendredi quand la Cour suprême des États-Unis a rejeté une demande de faire figurer Jill Stein sur les bulletins de vote dans le Nevada. Le Parti démocrate avait intenté une action en justice pour empêcher Jill Stein d'y figurer au motif qu'elle n'aurait pas soumis les formulaires appropriés. Au cours du présent cycle de campagne, les démocrates se sont battus pour empêcher le Parti vert d'être représenté à l'élection présidentielle, tandis que certains partisans de Trump, y compris un de ses anciens avocats, ont aidé le Parti vert avec l'accès aux bulletins. « Ils sont terrifiés à l'idée de nous affronter vraiment devant le tribunal de l'opinion publique et d'avoir un vrai débat sur les crises auxquelles le peuple américain est confronté et sur les vraies solutions que nous sommes les seuls à avoir mis sur la table, déclare Jill Stein. Le peuple américain est en crise dans pratiquement toutes les sphères de la vie citoyenne ». Cette troisième candidature de Jill Stein à la présidence reçoit le soutien de certains milieux en raison du refus de la vice-présidente Kamala Harris d'appeler à un embargo sur les armes à destination d'Israël. Le Conseil des relations américano-islamiques (Council on American-Islamic Relations ou CAIR) a récemment publié les résultats d'un sondage qui place Jill Stein devant Kamala Harris chez les électeurs musulmans dans trois États clés : Arizona, Michigan et Wisconsin. « Les efforts déployés pour tenter d'imputer la défaite inévitable des démocrates à des partis tiers ou à des musulmans est fallacieux, pour dire le moins, déclare M. Ware, historien et professeur musulman. Tous les efforts visant à protéger le camp bleu, à permettre aux démocrates de se dédouaner des forfaits dont ils sont les auteurs, sont les incarnations d'un même mal. »
Transcription
Ceci est une traduction de la version la plus immédiate de la transcription, qui pourrait ne pas être finale.
AMY GOODMAN : Bienvenue à Democracy Now !, democracynow.org, volet « Guerre, paix et présidence ». Mon nom est Amy Goodman et j'ai à mes côtés Juan González.
À moins de six semaines du jour du scrutin, nous recevons la candidate du Parti vert à l'élection présidentielle, Jill Stein, et son colistier, Butch Ware, professeur à l'Université de Californie à Santa Barbara (University of California Santa Barbara ou UCSB). Vendredi, le Parti vert a essuyé un revers quand la Cour suprême des États-Unis a rejeté la demande de faire figurer Jill Stein sur les bulletins de vote du Nevada dans le cadre de l'élection présidentielle. Le Parti démocrate avait intenté une action en justice pour empêcher Jill Stein de figurer sur ces bulletins de vote, au motif qu'elle n'avait pas soumis les formulaires appropriés.
Cette décision intervient alors que le soutien à Jill Stein s'est accru dans certains milieux en raison du refus de la vice-présidente Kamala Harris d'appeler à un embargo sur les armes à destination d'Israël. Le mois dernier, le CAIR a publié les résultats d'un sondage plaçant Jill Stein devant Kamala Harris parmi les électeurs musulmans dans trois États clés : Arizona, Michigan et Wisconsin. Le Conseil des affaires publiques musulmanes (Muslim Public Affairs Council ou MPAC) a par ailleurs récemment déclaré soutenir la candidate Stein.
C'est la troisième fois que Jill Stein se présente à une élection présidentielle. De nombreux démocrates la considèrent comme une candidate trouble-fête, pointant l'élection de 2016 où Hillary Clinton avait perdu de justesse face à Donald Trump – les voix qui lui manquaient face à Donald Trump en Pennsylvanie, dans le Michigan et dans le Wisconsin représentaient moins que celles obtenues par Jill Stein. Au cours du présent cycle de campagne, les démocrates se sont battus pour empêcher le Parti vert d'être représenté électoralement, tandis que certains partisans de Trump ont aidé le Parti vert avec l'accès aux bulletins. L'ancien avocat de Trump Jay Sekulow a récemment représenté le Parti vert dans le cadre de sa plaidoirie devant la Cour suprême des États-Unis pour être représenté sur les bulletins de vote du Nevada. Cependant, Jill Stein, comme Ralph Nader avant elle, a décrit sa campagne comme une lutte contre le duopole bipartite aux États-Unis.
Jill Stein se joint à nous depuis Boston, et Butch Ware, depuis Santa Barbara, où il enseigne l'histoire de l'Afrique et de l'islam, à l'UCSB).
Nous vous souhaitons à tous les deux la bienvenue à Democracy Now ! Pour commencer, Jill Stein, pouvez-vous nous dire pourquoi vous vous présentez à l'élection présidentielle ? Qu'est-ce qui est le plus important à vos yeux en ce moment ?
JILL STEIN : Eh bien, je vais vous le dire. Le peuple américain est en crise dans pratiquement toutes les sphères de la vie citoyenne, qu'il s'agisse de la crise des soins de santé ou de celle des produits pharmaceutiques inabordables. Quelque huit millions d'Américains n'ont pas les moyens d'acheter leurs médicaments. Dix-huit millions d'Américains sont tombés sous le seuil de pauvreté à cause du coût des soins de santé durant la dernière année pour laquelle des données sont disponibles. La moitié des Américains luttent pour garder un toit au-dessus de leur tête, subissant de lourdes pressions économiques et se débattant pour payer leur loyer. Et nous dépensons la moitié de l'argent du Congrès dans une machine de guerre insatiable, dont… la guerre génocidaire contre Gaza est un exemple de ce à quoi le peuple américain s'oppose avec véhémence.
Le peuple américain réclame d'autres options. Vous savez, personne n'est en droit de leur refuser ça et de prétendre que les deux partis politiques zombies, qui ont si mal servi le public américain, sont les seules options ! Vous savez, la démocratie repose sur la concurrence. Le peuple américain ne demande pas mieux que d'avoir d'autres options. Les américains ont le droit de savoir en quoi consistent ces options.
C'est révélateur au possible que les démocrates fassent feu de tout bois pour discréditer le Parti vert, notamment en se faisant trompeusement passer pour ses représentants, en louant les services d'infiltrateurs et d'espions – recrutés sur la place publique – et en engageant une armée d'avocats, selon leurs propres termes, pour littéralement empêcher leurs concurrents de figurer parmi les candidats à l'élection, tout simplement parce qu'ils sont terrifiés à l'idée de nous affronter vraiment devant le tribunal de l'opinion publique et d'avoir un vrai débat sur les crises auxquelles le peuple américain est confronté et les vraies solutions que nous avons été les seuls à mettre sur la table. Ces solutions comprennent un programme de soins de santé universel, des études supérieures gratuites dans le système public, un contrôle des loyers à l'échelle du pays et 15 millions de logements dits sociaux susceptibles de répondre à nos besoins en matière de logement, la réduction du budget militaire et, par-dessus tout, la fin de la guerre génocidaire contre Gaza – une écrasante majorité du peuple américain veut qu'on y mette fin – on n'est pas loin d'une super-majorité qui soutient un embargo sur les armes en ce moment même.
Et avec l'expansion de la guerre opérée par Israël, non seulement en Cisjordanie, mais aussi maintenant au Liban, la situation est extrêmement, extraordinairement dangereuse. Et quand nous entendons l'administration Biden-Harris dire que, oh, elle ne peut rien faire, elle a les mains liées, c'est absolument faux. Il suffirait de faire comme Ronald Reagan et de passer un simple coup de fil pour dire à Israël que c'en est fini de cette offensive génocidaire.
JUAN GONZÁLEZ : Jill Stein, je voulais vous demander… l'immigration et la protection des frontières sont devenues une question clé dans cette élection. Un débat fait rage au pays à ce sujet. En quoi vos propositions diffèrent-elles de celles de Donald Trump ou de Kamala Harris ? Comment vous démarquez-vous ?
JILL STEIN : Oui. Et en effet, nous avons vu Kamala Harris et le Parti démocrate virer à droite et continuer de marcher dans les pas de Donald Trump, en adoptant essentiellement les mêmes politiques. Nous avons une approche très différente. Selon nous, la chose la plus importante que nous puissions faire pour résoudre la crise migratoire est de cesser de la provoquer en premier lieu par des opérations de changement de régime, par le néocolonialisme et la domination économique, par la crise climatique et par la guerre contre les drogues.
Il y a des choses que nous pouvons faire dès maintenant pour obtenir un relâchement des pressions qui poussent les gens à chercher refuge à nos frontières. Parmi ces choses, dès le premier jour de notre administration, nous légaliserions la marijuana et nous agirions pour affaiblir le pouvoir des cartels de la drogue, qui sont à l'origine de violences et de ravages dans de nombreux pays, particulièrement dans ceux au sud de notre territoire. Nous ne renverserions pas d'autres gouvernements démocratiquement élus, comme ça a été fait, par exemple, avec la présidence d'Aristide en Haïti, que nous avons renversée à deux reprises – et par la suite, les États-Unis, sous l'administration de la secrétaire d'État Hillary Clinton, sont intervenus et ont annulé une loi sur le salaire minimum qui avait fait passer le salaire minimum d'un maigre 30 cents de l'heure à 60 cents de l'heure, mesure qui a été annulée par le pouvoir américain après que nous avons renversé le gouvernement démocratiquement élu d'Haïti.
Alors, vous savez, ce n'est pas une surprise, avec toutes les crises que les États-Unis ont provoquées par leur domination économique, leur néocolonialisme, leurs opérations de changement de régime, leur guerre contre la drogue – qui ont particulièrement touché les pays au sud de notre territoire – et leur incapacité à prendre des mesures réelles et concrètes pour lutter contre la crise climatique qui a poussé tant de millions d'agriculteurs à fuir parce qu'ils n'ont aucun moyen de subvenir à leurs besoins à cause de l'aggravation des sécheresses et d'autres manifestations de l'instabilité du climat. Il y a tant de choses que nous pouvons faire, non seulement pour réduire notre propre production de combustibles fossiles, qui a grimpé en flèche en fait, sous les administrations démocrates, bien plus que sous les administrations républicaines, et qui n'est pas traitée de manière adéquate par la Loi sur la réduction de l'inflation (Inflation Reduction Act ou IRA), qui donne plutôt la priorité aux combustibles fossiles – si nous avons le temps d'en parler – mais nous n'appliquons pas, savez-vous, les nombreuses solutions que nous pourrions apporter dès maintenant et qui permettraient de réduire la pression venant de la crise à la frontière.
Et la dernière chose à ajouter ici, c'est qu'au lieu de dépenser des milliards de dollars pour un mur, qui ne fait que tuer des gens, tuer la faune et la flore, détruire des écosystèmes, nous pourrions plutôt investir ces dollars de manière à veiller à ce que les procédures aux frontières – contrôle de l'identité et vérification des antécédents et puis délivrance des documents de travail – soient effectuées dans des délais serrés. En effet, une fois que les migrants sont entrés au pays avec des papiers qui leur permettent de travailler – où qu'ils décident de s'installer – ils représentent un formidable apport économique, qui se chiffre bel et bien en billions de dollars, pour ce qui est du développement économique. Si les migrants pouvaient obtenir du travail, nos communautés se feraient concurrence pour les attirer au lieu de les laisser sur la touche. Non seulement ceux-ci injectent de l'argent dans l'économie, mais c'est un fait qu'ils contribuent énormément au développement économique et aux revenus fiscaux de toute communauté qui les accueille.
JUAN GONZÁLEZ : Et, Dre Stein, je voudrais revenir à ce que vous avez dit tout à l'heure au sujet de Gaza. Ce mois-ci, le CAIR a publié un sondage qui vous place devant Kamala Harris parmi les électeurs musulmans dans des États clés, comme le Michigan, l'Arizona et le Wisconsin. Or, le National Uncommitted Movement, qui est un mouvement national qui choisit de ne soutenir aucun des candidats des deux grands partis, a également décidé de ne soutenir aucun candidat d'un parti tiers. Je me demande ce que vous en pensez.
JILL STEIN : [inaudible] et la communauté musulmane américaine n'est pas simplement homogène. Mais les sondages du CAIR étaient très complets. Il se trouve que ces personnes réfractaires ne représentent qu'un petit sous-ensemble de cette communauté plus large. Et ce que ressent cette communauté élargie est très clair. Les gens sont furieux parce que tant de membres de leur famille ont été tués, vous savez, des gens qui ont perdu des dizaines de membres de leur famille, voire bien plus, même des centaines.
Il serait facile pour les démocrates de récupérer ces votes s'ils le voulaient. Mais il est plus important pour eux de poursuivre le génocide à Gaza que de gagner cette élection. Et sans le soutien du vote musulman, ils ne gagneront pas cette élection, ils ne le peuvent tout simplement pas. C'est donc entre leurs mains. Ils ont le pouvoir de faire ce qu'il faut pour reconquérir ce vote très aliéné et désemparé, qui n'ira pas vers les démocrates tant qu'ils continueront de perpétrer ce génocide. Ça dépend donc d'eux. Ils ne peuvent pas rejeter la faute sur autrui. Ils ont perdu ce soutien. Et le peuple américain et les peuples du monde, vous savez, méritent… méritent une option qui est véritablement en accord avec la majorité de l'opinion américaine, pas seulement l'opinion des musulmans, mais la majorité de l'opinion américaine et du monde entier.
AMY GOODMAN : Dre Stein, avant que vous ne choisissiez Butch Ware comme colistier, plusieurs militants palestiniens et arabes de premier plan ont déclaré avoir été approchés par votre équipe, notamment Abed Ayoub, directeur du Comité américano-arabe contre la discrimination (American-Arab Anti-Discrimination Committee), et l'avocate et professeure palestino-américaine Noura Erakat. Professeure Erakat a tweeté : « J'ai proposé d'accepter d'être colistière s'ils étaient disposés à reporter leurs voix advenant que les démocrates remplissent leur promesse de cessez-le-feu permanent et d'embargo sur les armes. L'idée était d'utiliser la marge de Jill Stein dans trois États clés pour obtenir de telles concessions. Si nous sommes convaincus que les démocrates n'accepteront jamais de telles concessions, alors il n'y a rien à perdre. Ce serait aussi un signal clair à lancer à ceux qui n'hésiteraient pas à mettre une croix sur les Palestiniens, les Arabes américains et les musulmans américains : si vous perdez face à Trump, vous aurez été l'artisan de votre propre malheur. Le Parti vert a rejeté cette proposition parce qu'il doit tenir compte de sa base élargie et de la viabilité du parti. Je comprends ça, mais ma priorité à ce moment-ci est de faire tout ce que nous pouvons pour mettre fin au génocide en utilisant tout le potentiel d'influence que nous avons », a écrit Pre Noura Erakat. Quels sont vos commentaires, Dre Stein ?
JILL STEIN : Oui. Permettez-moi de dire que mettre fin au génocide à Gaza ne se fait pas en criant ciseau. Frederick Douglass l'a exprimé ainsi : « Le pouvoir ne concède rien si on ne lui demande rien. Il ne l'a jamais fait et ne le fera jamais ». Le Parti vert est là pour continuer à exercer cette pression. Juste arracher une promesse avant une élection est une manœuvre précaire. Les démocrates pourraient être d'accord pendant une semaine, puis se dire : « Oh, les circonstances ont fait que nous sommes revenus à la poursuite de la guerre. » Il ne faut donc surtout pas désarmer unilatéralement dans ce genre de situation. Ce serait extrêmement inefficace.
Plus de pouvoir à Noura Erakat, dont la voix puissante porte loin ! Certains d'entre nous sont, disons, dans l'arène politique depuis un bon bout de temps et ont eu le temps d'observer comment ces diverses stratégies fonctionnent ou ne fonctionnent pas. Et arracher une simple concession sans… vous savez, sans garantie permanente est une proposition très risquée, en particulier parce que, en tant que parti tiers indépendant, les obstacles à l'obtention du statut de candidat inscrit sont si énormes que si vous déposez simplement les armes et abandonnez la course, vous perdez votre statut de candidat inscrit, et vous perdez sur tous les tableaux, sans retour en arrière possible. En continuant à nous présenter aux élections présidentielles, nous conservons notre accès à ces élections et sommes en mesure de continuer à faire pression sur cet empire très imprudent et dangereux – ce qui est un problème non seulement à Gaza, vous savez, mais dans tout le Moyen-Orient et dans le monde entier. Nous sommes en ce moment même engagés dans deux guerres chaudes proches de devenir nucléaires et dans une troisième guerre froide proche de devenir chaude. Alors...
AMY GOODMAN : Laissez-moi...
JILL STEIN : … vous savez, ça n'a pas de sens -
AMY GOODMAN : … permettez-moi de vous poser une autre question.
DR. JILL STEIN : … de laisser aller tout ça. Oui ?
AMY GOODMAN : Je me dépêche juste parce que nous n'avons pas beaucoup de temps. Mais la députée démocrate de New York Alexandria Ocasio-Cortez a été interrogée lors d'une récente session Instagram Live sur le vote pour le tandem du Parti vert en novembre. Voici ce qu'elle a répondu.
ALEXANDRIA OCASIO-CORTEZ : Ce qui me pose problème, c'est que si vous vous présentez à l'élection présidentielle, vous êtes de facto le chef de votre parti. Et tout d'abord, vous pouvez me faire confiance, je me présente comme candidate d'un parti tiers à New York. Je me présente également en tant que candidate du Parti des familles travailleuses (Working Families Party ou WFP), en plus de ma candidature en tant que démocrate, parce que, croyez-moi, j'ai exprimé publiquement mes critiques à l'égard du système bipartite. Ce n'est donc pas de ça qu'il s'agit. Mais vous êtes chef de votre parti. Et si vous vous présentez pendant des années et des années et des années et des années de suite et que votre parti ne se renforce pas et que vous n'ajoutez pas de sièges à des conseils municipaux, ni de candidats aux scrutins inférieurs, ni non plus d'élus au niveau de l'État, c'est une mauvaise façon de diriger. Et ça, pour moi, c'est ce qu'il y a de dérangeant. ... Et tout ce que vous faites, c'est vous présenter une fois tous les quatre ans pour parler devant des gens qui sont à juste titre en colère, mais si vous ne faites que vous présenter une fois tous les quatre ans pour faire ça, c'est que vous manquez de sérieux. Vous n'êtes pas… pour moi, ce n'est pas perçu comme authentique. C'est perçu comme de la prédation.
AMY GOODMAN : Voilà donc les propos d'Alexandria Ocasio-Cortez, élue au Congrès et représentant une circonscription de New York. Dr. Jill Stein, pouvez-vous commenter ?
JILL STEIN : Eh bien, tout d'abord, nous ne disparaissons pas entre les élections présidentielles. Ce qui disparaît, c'est la couverture médiatique. Vous savez, je suis désolée si vous êtes seulement à l'écoute des médias grand public et que vous croyez à la propagande selon laquelle nous disparaissons... Non, nous sommes là. Nous travaillons. Nous faisons le travail.
Nous avons dans les faits élu quelque 1 500 fonctionnaires locaux au cours des deux dernières décennies environ. Nous avons actuellement 150 élus locaux. Nous devons nous présenter au niveau national, malheureusement, en raison des règles établies par les démocrates et les républicains. Ces règles nous obligent… pour conserver notre accès aux bulletins présidentiels et nous présenter en tant que Verts à des niveaux inférieurs, nous devons en fait nous présenter, dans de nombreux États, au niveau présidentiel. Alors nous n'avons pas le choix.
Par ailleurs, on ne peut pas comparer les Verts, qui sont un parti par et pour le peuple, ciblé par des attaques venant en bonne partie des démocrates, au WFP, qui n'est pas vraiment un parti tiers. C'est une échappatoire pour les démocrates qui veulent figurer sur un bulletin, soit pour des démocrates actuels, soit pour des indépendants en passe de devenir démocrates. Du fait de ce statut, il n'est pas attaqué par le Parti démocrate. Et ce qui détruit les partis tiers… et, soit dit en passant, les Verts sont le géant des partis tiers… alors c'est à tous les autres partis tiers authentiques, qui existent par et pour le peuple, que nous devrions être comparés.
Nous sommes les seuls à réussir à nous battre encore et, vous savez, à survivre jour après jour pour continuer la lutte. Et quand on se bat contre des vents contraires aussi puissants, il faut tirer fort sur les voiles pour développer ses soutiens. Et au cours des trois courses présidentielles auxquelles j'ai participé… et Alexandria Ocasio-Cortez a tort sur ce point : je ne me suis pas présentée tous les quatre ans, puisque je ne me suis pas présenté à la dernière élection… Mais il est très important que le parti continue sur sa lancée pour être reconnu comme la solution de rechange aux partis de la guerre et de Wall Street.
Ce n'est donc pas comme si nous ne bougions pas. Nous sommes en fait soumis à une pression énorme, qui a essentiellement tué les autres petits partis, parmi lesquels on peut citer : le Parti des travailleurs (Labor Party), qui a été lancé à peu près en même temps que les Verts ; le Parti paix et liberté (Peace and Freedom Party), qui n'a réussi à être représenté électoralement que dans 14 États (et il leur est arrivé, avec les vents contraires, de n'être représentés que dans deux États seulement) ; les partis socialistes, qui traditionnellement étaient représentés électoralement partout au pays… et qui ont été marginalisés au point de n'être représentés qu'à un conseil municipal ici ou là : ils ne sont représentés nulle part aux présidentielles, à l'exception du Parti du socialisme et du travail, euh non, de la libération (Party of Socialism and Liberation ou PSL), qui est représenté seulement en Californie. Ainsi, les vrais partis tiers qui existent par et pour le peuple, qui ne reçoivent pas leurs ordres de la machine de guerre, du Comité des affaires publiques Amérique-Israël (American Israel Public Affairs Committee ou AIPAC), des grandes pharmaceutiques, nous avons… nous sommes dans un tout autre bateau, que ne connaît pas Alexandria Ocasio-Cortez.
Et je vais juste, vous savez, faire un commentaire final. Le surnom que mon colistier a donné à Alexandria Ocasio-Cortez est « AOC Pelosi ». Que fait-elle exactement des batailles qu'elle a gagnées ? C'est ce qui nous incite à faire partie de la course ; notre objectif est de vraiment répondre aux besoins critiques et urgents du peuple américain.
JUAN GONZÁLEZ : Oui, j'aimerais faire intervenir le professeur Butch Ware dans la conversation. Professeur, pouvez-vous nous dire pourquoi vous avez décidé de rejoindre le Parti vert et de vous présenter comme candidat à la vice-présidence ?
BUTCH WARE : Oui. Quand ma sœur d'armes, Dre Jill Stein, m'a invité à me jeter dans la mêlée, la décision a été facile à prendre. J'avais réalisé une session Instagram Live avec elle sur ma plateforme de médias sociaux. J'ai interrogé Dre Jill sur les réparations, après avoir récemment posté une vidéo de Kamala Harris dans laquelle elle a hésité, tergiversé et tourné autour du pot pendant deux minutes entières avant de se prononcer exactement en ces mots : « Je ne ferai jamais rien qui n'aide que les Noirs ». Quand j'ai interrogé Dre Jill Stein sur la question des réparations, elle a répondu : « Ils se comportent comme si c'était incalculable, mais ça a été calculé quantité de fois. C'est entre 10 et 13 billions de dollars américains. Et je suis en faveur de paiements en espèces ».
Quand j'ai interrogé Dre Jill sur sa résistance au génocide de Gaza, j'ai dit que tous mes collègues, ainsi que les activistes et les gens de la communauté universitaire, qui sont non seulement des défenseurs de la cause de la libération de la Palestine, mais aussi des gens qui vivent en eux les événements, qui sont corps et âme dans la situation, votaient tous pour Dre Jill Stein. Ce qui fait que je n'ai pas interrogé Dre Jill sur son soutien à la Palestine. Je l'avais vue se faire arrêter lors d'un rassemblement pro-Palestine, un rassemblement pour une Palestine libre. Je l'ai plutôt interrogée sur sa politique étrangère globale.
Et quand je l'ai interrogée sur sa politique étrangère globale, elle m'a répondu que l'approche du Parti vert consistait à vouloir démanteler l'empire américain. Et j'ai poursuivi l'entrevue, en tant qu'étudiant engagé pour la vie, représentant et enseignant de la tradition radicale noire, en déclarant : « Oui, et vous feriez mieux de vous dépêcher de le faire avant que quelqu'un d'autre ne le fasse à votre place », car il y a deux processus bien différents à distinguer. Retirer 700 bases militaires sur les 800 que nous avons autour du monde et qui ne servent en fait à rien d'autre qu'à contrarier les populations locales, et ensuite, vous savez, se retirer lentement des autres positions non stratégiques en veillant toujours à assurer la sécurité des Américains : cela donnerait les moyens de réinvestir les mille milliards de dollars ou, en réalité, 1,3 billions de dollars si on compte tous les coûts afférents, qui sont actuellement dépensés pour faire tourner sans fin la machine de guerre, ces fonds pouvant être réinvestis dans le logement social, dans les soins de santé, dans la réparation des routes et dans toutes les choses que le gouvernement américain pourrait faire pour la population américaine.
Ainsi, quand j'ai répondu à l'appel… quand j'ai été invité à participer à la lutte contre l'impérialisme, à la lutte contre la suprématie blanche, à la lutte contre l'exploitation capitaliste de mon époque, après avoir passé ma vie à enseigner cette tradition, à écrire sur cette tradition, à m'engager dans cette tradition à un niveau militant et en tant qu'organisateur communautaire, la décision a été facile à prendre.
Et avant de poursuivre, je dois absolument observer un moment de silence pour l'imam Marcellus « Khalifa » Williams, qui a été mis à mort hier par cet État impérialiste corrompu. Et nous n'avons pas entendu un bruit de la part de la femme noire qui cherche à mener ce pays et à le faire entrer dans une nouvelle phase, n'est-ce pas ? Nous n'avons pas entendu un son de la part du régime Biden-Harris, des gens qui pourraient au moins réagir, même s'il n'existe pas de mécanisme fédéral immédiat de clémence. Ce pays souffre d'un manque sidérant de leadership moral.
Et la dernière chose que je dirai, pour me présenter au peuple américain dans cette émission en particulier, c'est que tous les efforts visant à protéger le camp bleu, à permettre aux démocrates de se dédouaner des forfaits dont ils sont les auteurs, sont les incarnations d'un même mal. Si vous essayez de les protéger des conséquences électorales de plus de 200 000 morts à Gaza, des conséquences électorales de 11 mois de génocide, de l'augmentation des meurtres commis par des policiers chaque année depuis qu'ils sont au pouvoir, de l'envoi de troupes en tenue anti-émeute dans des villes et des États contrôlés par les démocrates pour enfoncer le crâne d'enfants, comme ils l'ont fait à l'Université de Californie à Los Angeles (University of California Los Angeles ou UCLA), de la même manière qu'ils ont envoyé des troupes en tenue anti-émeute sur mon propre campus, à l'UCSB, alors vous faites partie du problème. Réveillez-vous et débranchez la machine à propagande. Tout le monde est en train d'alimenter un climat de peur autour de Trump, comme si le fascisme n'était pas déjà là. C'est pourquoi je me suis engagé dans ce combat aux côtés d'une humanitaire, d'une militante pour la paix, d'une écologiste et d'une leader morale, Jill Stein, pour secouer l'Amérique et la sortir de sa stupeur. Vous avez d'autres choix que ceux du fascisme militarisé bleu ou du fascisme militarisé rouge. Vous pouvez en fait voter selon votre conscience, voter Vert.
Et la dernière chose que je dirai, c'est que, comme l'a mentionné Dre Jill, le Parti démocrate a déjà perdu les États clés du Michigan, de la Géorgie et de la Pennsylvanie. L'Institut pour la politique et la compréhension sociale (Institute for Social Policy and Understanding ou ISPU) dispose de données accessibles au public, que les démocrates ont certainement vues avant moi, qui indiquent que dans les États clés du Michigan, de la Pennsylvanie et de la Géorgie, Joe Biden a obtenu 65 % des voix en 2020 et que les démocrates obtiennent actuellement moins de 15 % des voix dans ces États. Ils n'auraient pas pu gagner l'élection sans ces États clés, et ils n'auraient pas pu remporter ces États clés sans les électeurs musulmans. Ces électeurs ont quitté le bateau. Ils ne reviendront pas. Le bateau est à la dérive. Les démocrates ne peuvent pas gagner.
Et Dre Jill et notre hôte, Amy, ont déjà cité l'enquête du CAIR. Mais l'Institut Yaqeen publiera cette semaine – et j'en ai eu connaissance grâce à mes relations de longue date au sein de la communauté musulmane en tant que musulman noir – des chiffres qui révèlent que plus de 53 % des musulmans interrogés à l'échelle nationale soutiennent désormais des candidats tiers, dont une proportion d'environ 80 % va au Parti vert, et que les appuis de la communauté musulmane se chiffrent à 15 % pour les démocrates et à 4 % pour Trump. Alors les efforts déployés pour tenter d'imputer la défaite inévitable des démocrates aux candidats de partis tiers ou aux musulmans est fallacieux, pour dire le moins – et pour peu qu'on ait un sens clair de ce qu'est l'intégrité morale, c'est de toute évidence une manipulation perverse (gaslighting, en anglais).
AMY GOODMAN : Dernière question à Dre Stein, sachant que nous n'avons que 30 secondes. Vous avez grandi dans un foyer sioniste. Comment répondez-vous à ceux qui disent que l'antisionisme est de l'antisémitisme, en tant que candidate juive à la présidence ? En 30 secondes seulement.
JILL STEIN : Oui. Donc, en bref, quand j'entends des gens assimiler l'anti-génocide, la résistance au génocide… en disant que c'est de l'antisémitisme, de mon point de vue, c'est la chose la plus antisémite qui puisse être dite, de laisser entendre que c'est antijuif de s'opposer au génocide. Le sionisme et le judaïsme, ce n'est pas du tout la même chose. Le sionisme a été controversé au sein du judaïsme pendant la majeure partie de son existence. Le sionisme est une idéologie politique. Ce n'est pas le judaïsme. Et Gaza, ce n'est pas une guerre entre juifs et musulmans. C'est une guerre menée par les sionistes contre les juifs, les musulmans et les chrétiens.
AMY GOODMAN : Jill Stein, candidate du Parti vert à l'élection présidentielle, et Butch Ware, candidat du Parti vert à la vice-présidence, professeur à l'UCSB, nous vous sommes très reconnaissants pour votre participation à l'émission.
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