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Kamilya Jubran, pourvoyeuse d’accords de paix

5 décembre 2023, par Clément Garcia — , ,
Tiré de L'Humanité https://www.humanite.fr/culture-et-savoir/guerre-israel-hamas/kamilya-jubran-pourvoyeuse-daccords-de-paix photo : La compositrice et chanteuse (…)

Tiré de L'Humanité
https://www.humanite.fr/culture-et-savoir/guerre-israel-hamas/kamilya-jubran-pourvoyeuse-daccords-de-paix

photo : La compositrice et chanteuse franco-palestinienne Kamilya Jubran à Paris, le 23 novembre 2023. © Marion Esquerré

La musicienne palestinienne a construit une œuvre à cheval entre l'Europe et son pays d'origine et de cœur. Elle assiste, effarée et désabusée, au drame qui s'abat à nouveau sur son peuple, sans perdre l'espoir de jours meilleurs. Elle jouera ce vendredi 1er décembre au festival /No Border/ de Brest.

Par Clément Garcia <https://www.humanite.fr/auteurs/cle...> , journal L'Humanité (France), pages culture et savoir, mise à jour 2023-12-02 à 10h02

www.humanite.fr/culture-et-savoir/guerre-israel-hamas/kamilya-jubran-pourvoyeuse-daccords-de-paix

Kamilya Jubran a le sourire des jours tristes. La musicienne palestinienne de 61 ans, oudiste virtuose à la voix de rossignol, peut pourtant s'estimer comblée. Qu'elle joue avec le trompettiste et musicien électro Werner Hasler, son complice depuis vingt ans, la prodige de la contrebasse Sarah Murcia, ou avec le trio de son projet Terrae Incognitae, c'est toujours avec le même entrain et sous les mêmes louanges. Mais comment s'extraire de l'actualité si brutale qui frappe à nouveau son peuple ? Un mélange de colère rentrée et de lassitude se lit sur son visage encadré d'une crinière blanche. Aujourd'hui, il lui faut penser au lendemain, au concert qu'elle donne à Hyères (Var), déclinaison pour la scène de l'album Wa, le troisième conçu avec Werner Hasler, en 2019.

Ce 1er décembre, c'est pour le festival No Border, à Brest <https://www.festivalnoborder.com/> ,, qu'elle s'envolera avec un autre projet dans ses bagages, la quatrième mouture de « Terrae Incognitae », avec la joueuse de koto Mieko Miyazaki et la harpiste Hélène Breschand. « C'est un projet en quatre volets avec un trio féminin, une sorte de plateforme de rencontres instantanées avec des musiciennes qui jouent librement. Une invitation ouverte et une rencontre de cultures et d'esthétiques différentes », détaille-t-elle.

Pour conduire le projet, Kamilya Jubran a fondé l'association Zamkana <http://www.kamilyajubran.com/projec...> , mot-valise qui signifie « lieu pour prendre son temps ». La structure avait déjà porté Sodassi, dialogue de six musiciens du Proche-Orient, libanais, égyptiens et palestiniens. « C'était une occasion pour ces jeunes artistes de se rencontrer pour se poser des questions. Depuis, chacun a sorti un album et tous réclament qu'on continue. Mais ce n'est pas facile de se retrouver… »

*Sabreen, groupe populaire dans les territoires occupés*

La passion que cette fille de luthier voue à la musique peut enfin s'exprimer quand, à la fin des années 1980, elle fonde, à Jérusalem-Est, le groupe Sabreen, phénomène populaire dans les territoires occupés et parmi la population arabe d'Israël. « Beaucoup de membres du groupe jouaient du pop-rock des années 1970, mais nous nous inspirions surtout de la musique séculaire du monde arabe, se remémore la musicienne. Dans la démarche, on était un groupe de rock très engagé, affilié à la vague de la chanson résistante, mais en évitant les slogans. De toute façon, le simple fait d'exister là-bas, c'est faire de la politique, il n'y a pas le choix. »

En vingt années d'existence et quatre albums qui empruntent les vers des poètes palestiniens – qu'elle tient à nous présenter – Samih al-Qâsim, Taoufik Ziyad, Fadwa Touqan, Hussein Al-Barghouti ou Mahmoud Darwich, le groupe se taille une réputation qui dépasse de loin les frontières précaires de son pays. Auréolée d'une gloire locale, Kamilya Jubran part pour l'Europe, en 2002, « recharger (ses) batteries ».

« La situation était très dure en Palestine, se souvient-elle. On a compris que le processus de paix était un mensonge. Et nous, les artistes, étions punis deux fois : par l'occupation et par les pays européens qui avaient stoppé leurs subventions. » La chanteuse atterrit en Suisse avec son oud, à la faveur d'une bourse, en pleine seconde Intifada, et prend la décision de ne pas retourner en Palestine. « Ça a été très dur, je me suis moi-même choquée », lâche-t-elle.

*« On ne veut pas de nous »*

C'est que Kamilya Jubran chérit la terre où elle a grandi, en Galilée, dans le village d'El Rameh. Une terre ballottée par une histoire qu'elle connaît par cœur et dont elle parle avec satiété : l'Empire ottoman, la Première Guerre mondiale, les mandats français et britannique, puis l'installation de l'État hébreu. Sa famille échappe à l'exode mais vit un exil intérieur. « Il fallait sans cesse demander des autorisations à l'armée israélienne. Je ne sais pas comment ils se sont soignés, par la musique sans doute. » C'est en fréquentant l'université hébraïque de Jérusalem, à 19 ans, qu'elle comprend « ce que c'est qu'être palestinienne : on ne veut pas de nous ».

Elle aimerait aujourd'hui retourner auprès de son peuple, en partager la souffrance, notamment avec ses amis de Gaza dont elle a perdu contact depuis l'entrée de l'armée israélienne dans l'enclave assiégée. « Mais je n'ai pas envie de passer par l'aéroport Ben-Gourion ( de Tel-Aviv – NDLR ). Dès que j'y passe, j'ai l'impression d'être coupable. Ce sentiment ne change pas, même si, aujourd'hui, j'ai moins peur. Se taire, baisser la tête font partie du projet idéologique. Le mot apartheid met une vérité là-dessus », accuse-t-elle.

Si la musicienne refuse de regarder les images horribles qui inondent les réseaux sociaux, c'est « pour ne pas perdre la raison ». Une raison qu'elle voit s'éloigner sans cesse, pointant dans l'État d'Israël « un projet qui se fatigue » et pour lequel « il est temps de faire une mise à jour ». « On a perdu notre sens de l'humanité, conclut-elle, mais je pense que chaque problème a sa solution, c'est pour ça que je continue d'y croire ».

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Négociation dans le secteur public - Le Front commun annonce une 3e séquence de grève du 8 au 14 décembre prochain

5 décembre 2023, par Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Confédération des syndicats nationaux (CSN), Fédération des Travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ) — ,
Le Front commun lance un ultimatum au gouvernement et annonce une nouvelle séquence de grève qui se tiendra du 8 au 14 décembre, inclusivement. « Il s'agit d'une ultime (…)

Le Front commun lance un ultimatum au gouvernement et annonce une nouvelle séquence de grève qui se tiendra du 8 au 14 décembre, inclusivement.

« Il s'agit d'une ultime séquence avant de déclencher la grève générale illimitée. Cette annonce témoigne de notre sérieux et de notre détermination à arriver à une entente avant les fêtes. Chaque fois, nous laissons place à la négociation, mais soyons clairs : nous maintiendrons la pression et poursuivrons notre stratégie qui consiste à déployer nos actions en crescendo. Et nous le ferons ensemble, en Front commun, et d'une seule voix ! », ont lancé les porte-paroles du Front commun, François Enault, premier vice-président de la CSN, Éric Gingras, président de la CSQ, Magali Picard, présidente de la FTQ, et Robert Comeau, président de l'APTS, en point de presse, mardi matin.

Avec 420 000 membres en grève pendant sept jours dans les secteurs de la santé et des services sociaux, de l'éducation et des cégeps, le Front commun rappelle que cette séquence serait la plus longue grève du secteur public depuis 50 ans.

« Tout le monde sait que nos conditions de travail ne sont pas acceptables, que nos tâches sont trop lourdes, que ce qu'on fait au quotidien n'est pas assez valorisé. Oui, il y a les salaires, et oui, il faut les augmenter. Mais ce sont toutes les conditions de travail qu'il faut améliorer dans nos réseaux », poursuivent les leaders syndicaux, faisant valoir que la population appuie les travailleuses et les travailleurs de nos réseaux publics, en éducation, au collégial et en santé et dans les services sociaux.

« Nos membres l'ont clairement senti sur les lignes de piquetage lors des trois jours de grève, la semaine dernière. Il se passe quelque chose au Québec, et le momentum est là, pour nos réseaux, pour les travailleuses et les travailleurs, pour les services et pour la population. Les pas de tortue sont insuffisants à cette étape-ci des négociations. C'est le temps d'ouvrir les moteurs, de faire descendre les mandats et d'arriver à un règlement à l'ensemble des tables de négociation. Tout est en place. Les organisations membres du Front commun ont même déjà prévu convoquer leurs instances respectives dans la semaine du 18 décembre prochain afin de faire le point sur la négociation et de s'assurer d'avoir une piste d'atterrissage, au besoin. »

Rappelons aussi que le Front commun a fait une demande de conciliation, le 16 novembre dernier, laquelle a généré un peu de mouvement. Les parties ont entrepris d'exposer chacune leur point de vue et de clarifier leurs positions. Les équipes de négociation accueillent favorablement ce changement à la table, mais cela n'exclut pas le besoin de maintenir la pression et de poursuivre la mobilisation pour que les choses progressent vers une entente concrète.

Le Front commun a toujours souhaité un règlement avant les fêtes, et le mandat voté par les membres permettait d'utiliser des séquences de grève selon les besoins de la négociation. C'est dans cette optique que cette ultime séquence de journées de grève se déploiera, mais il s'agit du dernier avertissement. « Si la négociation devait se prolonger, le gouvernement portera l'odieux des conséquences de son inaction et devra faire face à la mobilisation monstre de nos 420 000 membres. » Rappelons que le Front commun détient un mandat très fort, adopté à plus de 95 %, de déclencher une grève générale illimitée au moment jugé opportun.

Pour plus d'informations sur cette négociation : frontcommun.org.

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La bataille décisive du secteur public s’annonce pour la semaine du 8 au 14 décembre.

5 décembre 2023, par Roger Rashi — ,
Le Front commun intersyndical FTQ-CSN-CSQ-APTS fort de 420 000 membres a annoncé le 28 novembre qu'il fera grève durant sept jours, du 8 au 14 décembre. La FIQ, représentant 80 (…)

Le Front commun intersyndical FTQ-CSN-CSQ-APTS fort de 420 000 membres a annoncé le 28 novembre qu'il fera grève durant sept jours, du 8 au 14 décembre. La FIQ, représentant 80 000 infirmières, lui a emboité le pas en annonçant pour sa part quatre journées de débrayage, soit du 11 au 14 décembre. La FAE, syndicat d'enseignants de 60 000 membres hors du Front commun, est déjà en grève générale illimitée depuis jeudi dernier.

Le tableau est clair. Avec 560 000 salariés/es du secteur public potentiellement en grève pendant plusieurs jours, ça passe ou ça casse vers la mi-décembre.

Le rapport de force est présentement favorable aux travailleurs/euses du secteur public. La CAQ, à la baisse dans les sondages, est à son plus faible depuis son élection en octobre 2018. Cependant, l'opinion publique, comme le démontrent plusieurs sondages, appuie les revendications des travailleurs et travailleuses. Quant aux travailleurs et travailleuses du secteur public, leur niveau de mobilisation est à son plus haut. Les votes de grève à 95% ont donné lieu à d'immenses mobilisations partout à travers la province et les journées de grève tenues à date furent d'énormes succès.

Mais ce rapport de force bien que favorable reste fragile : une interruption prolongée de services dans les hôpitaux et les écoles pourrait amener un renversement rapide de l'opinion et un appel à une loi spéciale forçant le retour au travail.

Les directions syndicales le savent fort bien et elles sont décidées à forcer l'issue pendant le mois de décembre. Un conflit qui se prolongerait après la trêve des fêtes imposerait de reprendre la mobilisation des troupes en janvier et de rebâtir l'appui du public. C'est faisable mais risqué car cela donne aussi un moment de répit au gouvernement très antisyndical de la CAQ, gouvernement qui est présentement aux abois.

Le retour en catastrophe de la présidente de la FTQ, Magali Picard, de la COP 28 à Dubaï démontre que l'enjeu du 8 au 14 décembre est très sérieux. C'est fort probablement le moment décisif de cette ronde de négociations dans le secteur public.

Que peut faire Québec solidaire pour appuyer le mouvement ouvrier dans cette bataille capitale ?

1. Premièrement, la direction de QS doit prioriser la mobilisation de tout le parti pendant cette période cruciale. Elle doit faire suite aux résolutions d'appui adoptées au congrès de la fin de semaine dernière et lancer un appel aux associations locales du parti à se mobiliser en appui aux lignes de piquetage partout à travers le Québec. L'appel à se mobiliser lors des journées de débrayage du mois de novembre a été bien reçu par les militants à la base. Il s'agit maintenant de passer à une étape supérieure et organiser systématiquement la mobilisation en appuyant les efforts des comités de coordination locaux et régionaux du parti.

2. Deuxièmement, plus que jamais les douze députés de QS doivent devenir les tribuns du peuple et assaillir sans arrêt le premier ministre et son gouvernement, tant à l'Assemblée nationale qu'en public. Ils et elles doivent sauter sur toutes les occasions pour démontrer leur appui aux travailleurs/euses du secteur public et encourager la solidarité populaire avec cette lutte. Tout comme cela fut fait au courant des dernières semaines, les visites de nos députés sur les lignes de piquetage et leurs participations aux manifs syndicales doivent être priorisées et médiatisées.

Nous vivons présentement la plus forte mobilisation syndicale et ouvrière des 40 dernières années. Notre place en tant que parti de transformation sociale est dans la rue, auprès de ceux et celles qui se battent contre l'état et le patronat. Nous devons considérer les trois prochaines semaines comme un moment de grande mobilisation de Québec solidaire et nous engager dans une campagne politique d'appui aux travailleuses et travailleurs du secteur public.

Roger Rashi
Membre du Réseau intersyndical de Québec solidaire

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6 décembre : pour une prise de conscience collective

5 décembre 2023, par Caroline Senneville — ,
Tous les 6 décembre, nous soulignons la Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes. Mais qu'en est-il des 364 autres jours de l'année ? (…)

Tous les 6 décembre, nous soulignons la Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes. Mais qu'en est-il des 364 autres jours de l'année ?

Chaque année, le 6 décembre marque une journée sombre de l'histoire du Québec : en 1989, 14 jeunes femmes tombaient sous la haine antiféministe.

Malheureusement, chaque année à l'approche du 6 décembre, le bilan des féminicides s'avère toujours trop lourd. Tout récemment, un rapport de l'Organisation des Nations Unies (ONU) qualifiait le féminicide de « tragédie mondiale aux proportions pandémiques ». Selon l'ONU, « beaucoup d'autres femmes risquent de mourir à cause de la violence sexiste parce que les États manquent à leur devoir de protéger efficacement la vie des victimes et d'assurer leur sécurité ».

Plus près de nous, des femmes et des filles continuent d'être tuées au Canada – environ une tous les deux jours, révèle l'Observatoire canadien du féminicide. Entre 2018 et 2022, les féminicides ont d'ailleurs bondi de 27 % au Canada. De plus, les femmes marginalisées, comme les femmes et les filles autochtones, continuent de courir davantage de risques de féminicide.

Derrière ces chiffres se trouve une femme : une maman, une sœur, une amie, une fille, une collègue de travail, une voisine. Ces chiffres ne révèlent pas non plus l'immensité de la perte ressentie par les proches de ces victimes et les conséquences sur ceux et celles qui restent.

Les mesures déjà prises par le gouvernement sur cette question – le Tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale, les bracelets antirapprochements GPS et les sommes accordées aux groupes qui soutiennent les victimes – ne suffisent pas. Il faut en faire encore plus pour enrayer ce fléau.

Pour mieux prévenir cette haine des femmes, il importe de comprendre où elle prend sa source. Selon la professeure émérite de sociologie à l'Université du Québec à Montréal, Francine Descarries, le féminicide représente l'aboutissement fatal de ce que le patriarcat a toujours reproduit comme système de pensées et d'appropriation. Dans le reportage « F comme féminicides », cette pionnière en études féministes rappelle qu'il est primordial de nommer le féminicide comme tel pour le sortir des « faits divers » ou du caractère intime de ce qu'on appelait auparavant « crimes passionnels ». C'est de cette façon que nous pourrons mettre en place une véritable égalité entre les hommes et les femmes et stopper toutes les formes de violences faites aux femmes.

« Pas une de plus »

Tous les 6 décembre, nous soulignons la Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes. Mais qu'en est-il des 364 autres jours de l'année ? Et si nous agissions toutes et tous sur nos lieux de travail, dans la rue, à l'école, dans toute la société, en ne baissant pas les yeux devant les paroles et les gestes méprisants qui banalisent la haine antiféministe ?

Ne rien faire devant ces situations contribue à les faire perdurer. En tant qu'organisation syndicale soucieuse du bien-être au travail, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) a développé la campagne Agis pour que ça cesse afin d'outiller ses membres. Nous pouvons toutes et tous contribuer à mettre un frein aux violences si nous agissons.

Caroline Senneville
Présidente de la Confédération des syndicats nationaux

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Négociation dans les secteurs public et parapublic : Le début de la dernière étape

5 décembre 2023, par Yvan Perrier — ,
Avec le dépôt, samedi matin le 2 décembre 2023, d'une contre-offre par la FAE au Conseil du trésor nous sommes maintenant officiellement entrés dans ce qui s'apparente à la (…)

Avec le dépôt, samedi matin le 2 décembre 2023, d'une contre-offre par la FAE au Conseil du trésor nous sommes maintenant officiellement entrés dans ce qui s'apparente à la dernière grande étape de la présente ronde de négociation dans les secteurs public et parapublic. Étape qui devrait aboutir à la rédaction d'une entente de principe ou à l'adoption d'une loi spéciale d'ici la fin décembre ou quelque part avant l'adoption du prochain budget du gouvernement du Québec.

Le gouvernement devrait, à ce moment-ci, avoir une idée assez précise de l'organisation syndicale avec laquelle il souhaite s'entendre en premier avant d'imposer son cadre monétaire et certaines mesures dites de « souplesse » aux autres organisations ou regroupements syndicaux. Profitons de la présente occasion pour effectuer un retour partiel et partial sur huit événements très ciblés de la dernière semaine qui a été riche en rebondissements et tentons de dégager une conclusion provisoire sur la portée du mouvement historique qui se déploie sous nos yeux.

1.0 La rencontre entre Sonia Lebel avec les quatre dirigeant.e.s du Front commun

Il n'a pas transpiré grand-chose de la rencontre au sommet tenue la semaine dernière entre la présidente du Conseil du trésor, madame Sonia Lebel, et les quatre dirigeant.e.s syndicaux. Un tout petit commentaire du genre : « Nous nous sommes parlé dans le blanc des yeux ». Cette locution verbale n'est par ailleurs ni banale ni anodine. Elle signifie que les personnes qui ont pris part à la rencontre se sont regardées d'une manière intense en se disant - peut-être parfois même en haussant le ton - ce qui ne va pas et ce qui ne peut pas durer dans le présent processus devant mener au renouvellement des conventions collectives. Bref, « se parler dans le blanc des yeux » signifie clairement « se parler franchement, sans détour, se dire des vérités désagréables ». Une question se pose : quelles peuvent bien être ces vérités désagréables qu'ont pu échanger entre elles et entre eux Sonia Lebel (Conseil du trésor), Magali Picard (FTQ), François Énaud (CSN), Éric Gingras (CSQ) et Robert Comeau (APTS) ?

Du côté de Sonia Lebel nous suggérons à titre hypothétique possiblement ceci : « L'État employeur que je représente attend avec impatience votre contre-offre et voici jusqu'où le gouvernement est prêt à accepter et à tolérer vos arrêts de travail ».

Du côté du Front commun intersyndical, nous suggérons, ici aussi à titre hypothétique, ceci : « Dites-nous madame Lebel à quel moment au juste vos négociatrices et vos négociateurs vont-elles et vont-ils cesser de tergiverser aux tables de négociation et quand votre gouvernement va-t-il réellement nous soumettre une proposition sérieuse à partir de laquelle il nous sera possible de vous fignoler une contre-offre ? »

2.0 La contre-offre de la FAE

C'est justement le résultat auquel est arrivée la présidente du Conseil du trésor avec une des huit organisations syndicales impliquées dans la présente ronde de négociation. Elle a obtenu de la part de la FAE, dont les 65 000 membres sont toujours en grève générale illimitée, une contre-offre qui a été présentée samedi matin le 2 décembre aux négociatrices et négociateurs gouvernementaux. Nous ignorons quelle a été la durée de cette rencontre et nous ne savons pas non plus si les pourparlers entre la partie gouvernementale et la partie syndicale se sont poursuivis dimanche. Constatons seulement que l'embouchure de l'entonnoir semble se rétrécir de plus en plus sérieusement. La FAE dit même avoir rédigé une contre-proposition qui n'est pas « à sens-unique ». Lire : l'instance de la FAE qui accompagne le comité de négociation syndical aurait adopté une proposition qui tient compte de certaines priorités pour le gouvernement. Pour ce qui est du volet salarial, la présidente de la FAE, Mélanie Hubert, a précisé ceci : « On a eu des discussions autour des échelles salariales aussi, donc on pense être capables de continuer à faire un bout de chemin. » La FAE, sans égard pour les interventions intempestives et tonitruantes du premier ministre François Legault, ne suspendra pas sa grève générale illimitée.

3.0 Les déclarations malheureuses et surtout manipulatrices de François Legault

Il est à se demander de quel ventriloque au juste François Legault est-il la marionnette ? Qui lui a proposé de demander la fin de la grève des membres de la Fédération autonome de l'enseignement ? Le premier ministre accuse les enseignant.e.s de la FAE d'exercer un moyen de pression qui « fait mal à nos enfants ». Il ajoute qu'il est même prêt « à tout faire » pour suspendre cet arrêt de travail et réclame par conséquent qu'on « (arrête) cette grève ». Comment par contre mettre un terme à cet arrêt collectif de travail ? Par une loi spéciale ou en pressant la présidente du Conseil du trésor de négocier avec diligence et bonne foi en présentant des solutions porteuses d'avenir pour régler des problèmes toujours présents dans le réseau scolaire, problèmes qui découlent des choix ministériels qui ont été arrêtés et appliqués depuis la fin des années soixante-dix du dernier siècle ? Orientations gouvernementales qui ont souvent été imposées unilatéralement par les gouvernements qui se sont succédé au pouvoir ? C'est précisément, ne l'oublions pas, « L'abc de la bonne gestion », dont se réclame le premier ministre François Legault, qui a été et qui est à l'origine de la dégradation et de la détérioration des conditions de travail et de rémunération dans l'administration québécoise et dans les réseaux de la santé et de l'éducation.

François Legault a une vision étriquée et subjective des négociations dans les secteurs public et parapublic. Cela fait maintenant plus de quatre décennies que les administrateurs de ces deux secteurs revendiquent, réclament et parviennent à imposer ce qui correspond à leurs yeux à des mesures qu'ils identifient à de la « souplesse » et à de la « flexibilité » dans les conventions collectives. Cela s'est fait via l'adoption d'un décret ou d'une loi spéciale (voir à ce sujet les rondes de négociation de 1982-1983 et de 2003 à 2005). Cela a pu se faire également dans le cadre d'un projet d'entente de principe conclu en fin de parcours après de longues et épuisantes heures de pourparlers entre les parties. Entente de principe comportant des mesures incluses uniquement parce qu'elles agréaient aux administrateurs des secteurs public et parapublic.

Il faut être profondément effronté pour soutenir aujourd'hui que les syndicats adoptent une position rigide ou corporatiste lors des négociations des conventions collectives. Les solutions improvisées par les gouvernements qui se sont succédé à Québec et par les administrateurs des réseaux de la santé et de l'éducation en vue d'obtenir plus de flexibilité ont eu pour effet de fragiliser ces deux réseaux en causant un exode des salarié.e.s vers le privé et en provoquant également des démissions en bloc qui ont généré un manque de personnel et nous en passons. La sous-rémunération de la main-d'œuvre a également joué un rôle important dans les difficultés de recrutement d'un personnel qualifié et, par la suite, dans sa rétention. Les conditions de travail sont réellement de plus en plus difficiles pour les personnes qui oeuvrent dans l'administration publique et les réseaux de la santé et de l'éducation. Ce n'est donc pas par hasard si les congés de maladie, les épuisements professionnels, l'exode du personnel vers le privé et les départs précoces à la retraite se multiplient dans les secteurs public et parapublic. Pour les 600 000 salarié.e.s syndiqué.e.s, dont 75% environ sont des femmes, travailler pour le gouvernement du Québec comporte un lot de difficultés réelles. Il ne faut pas voir dans la présente lutte entre les membres des huit organisations syndicales et le gouvernement Legault une simple lutte syndicale autour de l'enjeu salarial. Il s'agit également d'un mouvement d'opposition féministe au sujet de la fatigue physique et des violences mentales et psychologiques faites aux femmes sur les lieux de travail qui ont pour employeur un État, disons-le, exploiteur.

4.0 Les démentis apportés par les gestionnaires d'écoles.

Concernant plus spécifiquement la proposition d'affectation des professeur.e.s dès juin, au lieu du mois d'août, cette mesure prônée par François Legault, Sonia Lebel et le ministre de l'Éducation Bernard Drainville pour éviter une crise à chaque rentrée scolaire, ce sont les gestionnaires d'écoles eux-mêmes qui la trouvent trompeuse. Que dire maintenant de « l'aide à la classe » ? Il s'agit là d'une avenue qui ne semble pas susciter l'adhésion spontanée des membres de la FAE et de la FSE-CSQ en raison du fait qu'elle n'aura pas pour effet de réduire le nombre d'élèves par classe.

5.0 L'intervention de la Fédération des cégeps

Pour une rare fois, la Fédération des cégeps a décidé d'intervenir en vue de demander à la ministre de l'Enseignement supérieur, madame Pascale Déry, de ne pas les contraindre à suivre la norme rigide d'un calendrier scolaire de 82 jours. Rappelons que lors du conflit étudiant de 2012, le calendrier scolaire fut déclaré valide dans la mesure où il comportait 12 semaines de cours. Il faut quand même rappeler qu'une grève c'est une grève et il ne faut pas que l'employeur récupère, par une voie détournée, la prestation de service qui a été interrompue par l'arrêt collectif de travail, un moyen de pression - et d'opposition – maintenant protégé par la Charte des droits et libertés et reconnu par la Cour suprême du Canada.

6.0 L'étude annuelle de l'ISQ

Nous avons encore une fois été informés que les salarié.e.s de l'administration québécoise sont moins bien lotis que les autres travailleuses et travailleurs du Québec. Selon l'étude comparative annuelle de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) portant sur la rémunération dans le secteur privé et les secteurs publics (Rémunération des salariés - État et évolution comparés) quand il est question de la rémunération globale - ce qui inclut les salaires et les avantages sociaux -, le retard avec les autres personnes salariées du Québec est de 7,4 %. Lorsqu'il s'agit uniquement des salaires, le retard monte à 16,6 %. Fait étrange, lorsqu'il s'agissait d'un écart dans la rémunération favorable aux salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic, le gouvernement du Québec s'est empressé, en 1982-1983, de couper drastiquement leur salaire. Quand nous sommes en présence d'un écart qui leur est défavorable, l'État employeur prétend qu'il n'a pas les moyens de mieux rémunérer ses salarié.e.s et que les contribuables ne doivent pas être taxés davantage.

7.0 L'annulation du séjour à New York du ministre Girard et le moment budgétaire…

Il arrive souvent que les négociations dans les secteurs public et parapublic connaissent un dénouement un peu avant le temps des fêtes (pensons ici aux négociations qui ont eu lieu en 1979, en 1982-1983, en 1996, en 1999, en 2005 et en 2015). Dans le cadre du processus qui a pour nom « Élaboration du budget annuel » du gouvernement du Québec, le mois de décembre est le moment où se clôt l'examen des propositions soumises par les différents ministères au Conseil du trésor. Des arbitrages doivent se faire au sommet de l'État. Arbitrages qui impliquent le bureau du premier ministre, le ministre des Finances et la présidente du Conseil du trésor. Voilà ce qui explique un peu pourquoi le ministre Girard a décidé de renoncer à son voyage à New York où il devait rencontrer nul autre que le commissaire de la Ligue nationale de hockey et également des représentants des marchés financiers new-yorkais. Monsieur Éric Girard a même déclaré qu'il préfère rester au Québec pour la raison suivante : « Je vais rester ici pour le cadre financier des négos, pour assister Mme Lebel ». Ajoutons que le mois de janvier est consacré à la détermination des enveloppes budgétaires des plans ministériels. Ce qui suppose que les augmentations salariales des salarié.e.s des secteurs public et parapublic doivent être minimalement fixées avant la rédaction de la version finale du budget qui est habituellement présentée pour adoption à l'Assemblée nationale en mars ou en avril.

8.0 L'épuration lexicale

Last but not least, la présidente de l'Assemblée nationale, madame Nathalie Roy, aurait décidé, ex cathedra, à la suite d'une intervention de la députée de Québec solidaire du comté de Sherbrooke, madame Christine Labrie, qu'il sera désormais interdit à l'Assemblée nationale du Québec de mentionner que les femmes salariées sont exploitées par leur État employeur qui est nul autre que le gouvernement du Québec.

Conclusion

La dernière semaine a été riche en rebondissements. Il y a eu des événements qui ont fait couler de l'encre dans les journaux dont certains appartiennent à la presse à sensation et d'autres qui ont eu pour effet d'alimenter notre réflexion critique. Il y a donc eu différents événements au cours des sept derniers jours qui ont, dans certains cas, un caractère éphémère et d'autres qui ont incontestablement une signification plus profonde dans la longue durée. Il ne faut surtout pas se laisser distraire par des événements de nature secondaire et perdre de vue la nature de la présente lutte syndicale. La lutte des salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic est une lutte qui mérite pleinement d'être appuyée. Le non-octroi de l'indexation automatique des salaires correspond ni plus ni moins à une perte réelle et authentique de la valeur du travail. Donc à un appauvrissement au travail, ce qui est absolument inacceptable. De plus, il y a beaucoup trop de salarié.e.s précaires ou sous-rémunéré.e.s dans les secteurs public et parapublic. Il y a même des employé.e.s de soutien qui gagnent annuellement moins que 30 000$ (voir à ce sujet le communiqué de presse de la FPSS-CSQ reproduit ci-dessous). Ce qui est totalement inadmissible dans notre société dite d'opulence qui a les moyens de rémunérer adéquatement les personnes qui oeuvrent dans des secteurs dédiés au bien public. Lors du conflit de 1972, les 210 000 salarié.e.s du Front commun CSN-CEQ-FTQ revendiquaient une amélioration de leurs conditions de travail et de rémunération qui devait leur permettre de participer à la société du savoir et à la société de consommation. Ces personnes luttaient pour accéder au statut de membre de la classe moyenne. Aujourd'hui, il y a des centaines de milliers de salarié.e.s qui sont majoritairement des femmes et qui sont dans la rue pour obtenir un poste à temps plein qui leur assurerait un salaire minimalement décent pour vivre ou (et) pour rembourser leurs différentes dettes d'études. Dettes d'études contractées en vue d'acquérir les qualifications requises pour occuper les emplois disponibles dans les secteurs public et parapublic. Nous avons incontestablement assisté au cours des quarante dernières années à un processus de paupérisation de plusieurs centaines de milliers de salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic ainsi qu'à la persistance de la précarisation des postes disponibles dans ces deux secteurs de notre vie économique et sociale.

Les solutions mises de l'avant par l'État employeur depuis les années quatre-vingt du siècle dernier jusqu'à aujourd'hui en vue supposément de « régler » les problèmes de la fonction publique, de l'école publique et du réseau de la santé ont été et sont encore souvent mirages et illusions. Ces solutions s'inscrivent dans une idéologie. L'idéologie néolibérale - ou plutôt l'idéologie rétrolibérale - pour ne pas la nommer. Cette idéologie suppose diverses mesures dont, entre autres choses, l'affaiblissement du mouvement syndical en le discréditant auprès de la population et en refusant de négocier ou d'appliquer les propositions qu'il met de l'avant pour améliorer le quotidien des personnes au travail. C'est d'ailleurs au nom de cette idéologie rétrolibérale que les statuts à l'emploi se sont fragilisés ou si vous préférez précarisés et que les conditions de travail se sont détériorées. Il s'effectue plusieurs heures de travail gratuit en éducation et également du côté des professionnel.le.s de la fonction publique que ce soit chez les employé.e.s permanent.e.s ou les employé.e.s précaires. Du côté du réseau de la santé, le fait de détenir un poste semble être une licence aux administrateurs pour imposer de longues et épuisantes heures de travail via le « Temps supplémentaire obligatoire » (TSO).

À la fin de la présente ronde de négociations, François Legault aura à décider s'il remanie ou non son cabinet. Il se peut que certain.e.s ministres soient affecté.e.s à d'autres ministères ou relégué.e.s sur les banquettes arrière de l'Assemblée nationale. Mais, plus fondamentalement, François Legault aura à se demander s'il poursuit dans la voie idéologique dans laquelle il inscrit ses choix politiques ou s'il effectue un virage du côté de la sagesse populaire qui semble maintenant disposée à ce que l'État employeur se mette à rémunérer ses salarié.e.s syndiqué.e.s à la hauteur de la valeur de leur prestation de travail, à les sécuriser dans leur statut au travail et à améliorer leurs conditions de travail. Il aura, bref, à choisir entre poursuivre dans la voie de l'État exploiteur de sa main-d'œuvre principalement féminine ou améliorer les conditions de travail et de rémunération de ses employé.e.s syndiqué.e.s. Il devra également prendre conscience que la négation du vocable d'État exploiteur - négation maintenant officiellement exigée par la présidente de l'Assemblée nationale -, n'a pas pour effet d'éliminer ou de faire disparaître cette exploitation. Quoi qu'il en soit, nous sommes plusieurs à savoir que cette exigence du bien parlé parlementaire - ou de la langue épurée - fait partie d'une lutte à caractère classiste qui consiste à vider de sa substance économique et sociale la dure et intenable réalité de centaines de milliers de personnes qui résistent et luttent contre les exigences du modèle néolibéral au travail.

La nouvelle période de combativité syndicale que nous traversons correspond à un moment critique où des choix devront être et seront faits. Ces choix iront-ils dans les sens des intérêts de l'État exploiteur employeur ou des salarié.e.s syndiqué.e.s qui sont majoritairement des femmes à qui l'employeur refuse systématiquement la reconnaissance de la conciliation travail-famille, un statut d'emploi permanent et un salaire décent pour vivre ? Il sortira de tout ceci la permanence de « l'homme lige » (1) c'est-à-dire la dure exigence de la présence au travail de l'employé.e entièrement dévoué.e et soumis.e aux conditions imposées unilatéralement par l'État patron ou une victoire syndicale comme nous n'en avons pas assez connu depuis les années soixante-dix du siècle dernier. La pression est donc très forte du côté des dirigeant.e.s syndicaux en ce sens qu'elles et qu'ils ne peuvent pas décevoir les espoirs des 600 000 salarié.e.s syndiqué.e.s qui s'impliquent et participent actuellement en très grand nombre à un mouvement de grève historique au Québec.

C'est ce que nous serons en mesure de constater au terme de la présente et dernière étape de la ronde de négociations de 2022-2023 dans les secteurs public et parapublic : assistons-nous à une confrontation entre l'État employeur contre ses salarié.e.s syndiqué.e.s ou à une lutte historique de ces dernières et ces derniers contre l'État patron-exploiteur ?

À suivre…

Yvan Perrier

4 décembre 2023

10h30 AM

yvan_perrier@hotmail.com

(1) Homme lige : personne entièrement dévouée à.

Dernière heure

Nous apprenons à l'instant que le SPGQ aurait décidé, lors de sa réunion du 29 novembre avec les représentants du Secrétariat du Conseil du trésor (SCT) et de madame Sonia Lebel, de réduire certaines demandes sectorielles du SPGQ pour son unité fonction publique. De plus, le comité de négociation aurait décidé de s'engager « à utiliser de manière judicieuse et mesurée » les moyens de pression et de reporter par conséquent à 2024 l'utilisation des moyens de pression.

Yvan Perrier
4 décembre 2023
11h23 AM
yvan_perrier@hotmail.com
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2030888/negociations-secteur-public-quebec. Consulté le 3 décembre 2023.

https://www.ledevoir.com/politique/quebec/802872/rencontre-sommet-aujourd-hui-entre-ministre-lebel-dirigeants-front-commun?. Consulté le 3 décembre 2023.

https://www.ledevoir.com/societe/education/803057/legault-demande-syndicats-enseignants-arreter-greve?. Consulté le 3 décembre 2023.

https://www.ledevoir.com/politique/quebec/802808/eric-girard-ne-rencontrera-pas-commissaire-lnh-gary-bettman?. Consulté le 3 décembre 2023.

https://www.newswire.ca/fr/news-releases/les-employes-de-l-administration-quebecoise-ont-un-salaire-et-une-remuneration-globale-inferieurs-a-ceux-des-autres-salaries-quebecois-833966485.html. Consulté le 3 décembre 2023.

https://ledevoir.pressreader.com/le-devoir/20231202/textview. Consulté le 3 décembre 2023.

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2031065/affectation-enseignants-juin-gestionnaires-ecoles-negociations-greve#:~:text=Politique%20provinciale-,Impossible%20d%27affecter%20tous%20les%20profs%20dès%20juin%2C%20avertissent%20les,du%20nombre%20de%20postes%20vacants.. Consulté le 3 décembre 2023.

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2031425/federation-cegeps-etudiants-session-greve. Consulté le 3 décembre 2023.

Le personnel de soutien scolaire est à quelques heures d'un point de rupture

MONTRÉAL, le 1er déc. 2023 /CNW/ - Le personnel de soutien scolaire vit une incertitude constante, en raison d'un nombre d'heures de travail insuffisant. Il n'est parfois qu'à quelques heures d'un point de rupture. Avec l'augmentation du coût de la vie, il est difficile de combler le budget lorsque tu travailles vingt (20) heures par semaine. Le président de la Fédération du personnel de soutien scolaire (FPSS-CSQ), Éric Pronovost, réagit : « dans ces conditions, l'impact est direct et il est inacceptable que des travailleuses et des travailleurs se retrouvent en difficulté pour nourrir leur famille ».

Revenu viable

Les données du Conseil du trésor démontrent que la moyenne salariale du personnel de soutien scolaire en 2023 est de 26 484 $ par année.

Dans l'édition 2023 du revenu viable publiée par l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS), le revenu viable calculé pour une personne seule varie entre 27 047 $ (Saguenay) et 37 882 $ (Sept-Îles). Pour un adulte et un enfant, ce qui est l'apanage des mères monoparentales, l'écart varie de 39 895 $ (Trois-Rivières) à 50 067 $ (Sept-Îles).

Éric Pronovost précise : « le premier ministre répète qu'il veut aider les personnes salariées de moins de 52 000 $, mais on ne voit pas l'argent poindre à l'horizon. C'est un enjeu de salaire horaire, mais également du nombre d'heures travaillées. On a encore des postes avec un petit nombre d'heures ».

Occuper un deuxième emploi ou changer d'emploi

« Nos membres sont durement affectés par la hausse du niveau de la vie, il y a donc des choix déchirants à faire : quitter son emploi ou en chercher un deuxième, avec les conséquences que cela crée. Il y a de la concurrence avec les autres secteurs d'activité. Même un salaire moindre ailleurs, mais avec un plus grand nombre d'heures est alléchant, il faut retenir ces personnes si nous ne voulons pas vivre un exode d'expertise », déclare M. Pronovost.

Les problématiques varient d'une région à l'autre. Par exemple, dans la région de Gatineau, il y a de grands besoins dans la fonction publique fédérale et le personnel administratif des centres de services scolaires pourrait gagner presque le double de leur salaire en effectuant les mêmes tâches. Dans d'autres régions, tel que sur la Côte-Nord, la concurrence avec le privé est très forte.

« Il y a une urgence pour corriger le tir et d'offrir de bonnes conditions de travail au personnel de soutien scolaire. L'attraction et la rétention du personnel de soutien scolaire passent par des emplois de qualité avec des postes à temps complet, la fin des horaires brisés, la valorisation de tous les emplois de soutien scolaire, la conciliation famille-travail et des salaires décents. La passion en éducation s'effrite lorsque les besoins minimaux ne sont pas comblés », conclut Éric Pronovost.

[…]

SOURCE Fédération du personnel de soutien scolaire (FPSS-CSQ)

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Une usine d’assassinats de masse : Les bombardements calculés d’Israël sur Gaza

5 décembre 2023, par Yuval Abraham — , , ,
Des frappes aériennes autorisées sur des cibles non militaires et l'utilisation d'un système d'intelligence artificielle ont permis à l'armée israélienne de mener sa guerre la (…)

Des frappes aériennes autorisées sur des cibles non militaires et l'utilisation d'un système d'intelligence artificielle ont permis à l'armée israélienne de mener sa guerre la plus meurtrière contre Gaza, révèle une enquête de +972 et Local Call.

Tiré de 972Mag.
Traduction française Entre les lignes entre les mots. 1 décembre 2023.

L'autorisation élargie de l'armée israélienne de bombarder des cibles non militaires, le relâchement des contraintes concernant les pertes civiles attendues et l'utilisation d'un système d'intelligence artificielle pour générer plus de cibles potentielles que jamais auparavant semblent avoir contribué à la nature destructrice des phases initiales de la guerre actuelle d'Israël contre la bande de Gaza, comme le révèle une enquête menée par +972 Magazine et Local Call. Ces facteurs, décrits par des membres actuels et anciens des services de renseignement israéliens, ont probablement joué un rôle dans la réalisation de ce qui a été l'une des campagnes militaires les plus meurtrières contre les Palestiniens depuis la Nakba de 1948.

L'enquête menée par +972 et Local Call est basée sur des conversations avec sept membres actuels et anciens de la communauté du renseignement israélien – y compris des membres du renseignement militaire et de l'armée de l'air qui ont participé aux opérations israéliennes dans la bande de Gaza assiégée – ainsi que sur des témoignages, des données et des documents palestiniens provenant de la bande de Gaza, et des déclarations officielles du porte-parole des FDI et d'autres institutions de l'État israélien.

Par rapport aux précédents assauts israéliens contre Gaza, la guerre actuelle – qu'Israël a baptisée « Opération épée de fer » et qui a débuté à la suite de l'assaut mené par le Hamas contre le sud d'Israël le 7 octobre – a vu l'armée étendre de manière significative ses bombardements sur des cibles qui ne sont pas clairement de nature militaire. Il s'agit notamment de résidences privées, de bâtiments publics, d'infrastructures et d'immeubles de grande hauteur, que l'armée définit comme des « cibles puissantes » (« matarot otzem »).

Le bombardement de cibles électriques, selon des sources de renseignement qui ont eu une expérience directe de son application à Gaza dans le passé, est principalement destiné à nuire à la société civile palestinienne : pour « créer un choc » qui, entre autres choses, se répercutera puissamment et « conduira les civil·es à faire pression sur le Hamas », comme l'a déclaré une source.

Plusieurs de ces sources, qui ont parlé à +972 et à Local Call sous le couvert de l'anonymat, ont confirmé que l'armée israélienne dispose de fichiers sur la grande majorité des cibles potentielles à Gaza – y compris les habitations – qui stipulent le nombre de civil·es susceptibles d'être tué·es lors d'une attaque sur une cible particulière. Ce nombre est calculé et connu à l'avance par les unités de renseignement de l'armée, qui savent également, peu de temps avant de lancer une attaque, combien de civil·es seront certainement tué·es.

Dans un cas évoqué par les sources, le commandement militaire israélien a sciemment approuvé le meurtre de centaines de civil·es palestinien·nes pour tenter d'assassiner un seul haut commandant militaire du Hamas. « Les chiffres sont passés de dizaines de mort·es civil·es [autorisé·es] en tant que dommages collatéraux dans le cadre d'une attaque contre un haut responsable lors d'opérations précédentes, à des centaines de mort·es civil·es·en tant que dommages collatéraux », a déclaré l'une des sources.

« Rien n'arrive par hasard », a déclaré une autre source. « Lorsqu'une fillette de trois ans est tuée dans une maison à Gaza, c'est parce que quelqu'un dans l'armée a décidé qu'il n'était pas grave qu'elle soit tuée – que c'était un prix qui valait la peine d'être payé pour atteindre [une autre] cible. Nous ne sommes pas le Hamas. Il ne s'agit pas de roquettes tirées au hasard. Tout est intentionnel. Nous savons exactement combien de dommages collatéraux il y a dans chaque maison ».

Selon l'enquête, une autre raison du grand nombre de cibles et des dommages considérables causés à la vie civile à Gaza est l'utilisation généralisée d'un système appelé « Habsora » (« L'Évangile »), qui repose en grande partie sur l'intelligence artificielle et peut « générer » des cibles presque automatiquement à un rythme qui dépasse de loin ce qui était possible auparavant. Ce système d'intelligence artificielle, comme l'a décrit un ancien officier de renseignement, facilite essentiellement une « usine d'assassinats de masse ».

Selon les sources, l'utilisation croissante de systèmes basés sur l'IA tels que Habsora permet à l'armée d'effectuer des frappes massives sur des maisons résidentielles où vit un seul membre du Hamas, même s'il s'agit d'agents subalternes du Hamas. Pourtant, des témoignages de Palestinien·nes à Gaza suggèrent que depuis le 7 octobre, l'armée a également attaqué de nombreuses résidences privées où ne résidait aucun membre connu ou apparent du Hamas ou d'un autre groupe militant. Ces frappes, ont confirmé des sources à +972 et à Local Call, peuvent sciemment tuer des familles entières.

Dans la majorité des cas, ajoutent les sources, l'activité militaire n'est pas menée à partir de ces maisons ciblées. « Je me souviens avoir pensé que c'était comme si [les militants palestiniens] bombardaient toutes les résidences privées de nos familles lorsque [les soldats israéliens] rentrent dormir chez eux le week-end », a rappelé une source, qui a critiqué cette pratique.

Une autre source a déclaré qu'un officier supérieur du renseignement a dit à ses officiers, après le 7 octobre, que l'objectif était de « tuer autant d'agents du Hamas que possible », ce pour quoi les critères concernant les dommages causés aux civil·es palestinien·nes ont été considérablement assouplis. Ainsi, il y a « des cas où, sur la base d'un repérage cellulaire large de la cible, nous tuons des civil·es. Cela est souvent fait pour gagner du temps, au lieu de faire un peu plus de travail pour obtenir une localisation plus précise », a déclaré la source.

Le résultat de ces politiques est la perte stupéfiante de vies humaines à Gaza depuis le 7 octobre. Plus de 300 familles ont perdu 10 membres ou plus dans les bombardements israéliens au cours des deux derniers mois – un chiffre 15 fois supérieur à celui de la guerre la plus meurtrière d'Israël contre Gaza, en 2014. À l'heure où nous écrivons ces lignes, environ 15 000 Palestinien·nes ont été tué·es dans la guerre, et ce n'est pas fini.

« Tout cela se passe contrairement au protocole utilisé par les FDI dans le passé », a expliqué une source. « On a le sentiment que les hauts responsables de l'armée sont conscients de leur échec du 7 octobre et qu'ils sont occupés par la question de savoir comment donner au public israélien une image [de victoire] qui sauvera leur réputation ».

Un prétexte pour provoquer la destruction

Israël a lancé son assaut sur Gaza à la suite de l'offensive menée par le Hamas sur le sud d'Israël le 7 octobre. Au cours de cette attaque, sous une pluie de roquettes, les militants palestiniens ont massacré plus de 840 civils et tué 350 soldats et agents de sécurité, kidnappé environ 240 personnes – civil·es et soldat·es – à Gaza, et commis des violences sexuelles généralisées, y compris des viols, selon un rapport de l'ONG Physicians for Human Rights Israel (Médecins pour les droits de l'homme en Israël).

Dès les premiers instants qui ont suivi l'attaque du 7 octobre, les décideurs israéliens ont ouvertement déclaré que la réponse serait d'une ampleur totalement différente des précédentes opérations militaires à Gaza, avec pour objectif déclaré d'éradiquer totalement le Hamas. « L'accent est mis sur les dégâts et non sur la précision », a déclaré Daniel Hagari, porte-parole des FDI, le 9 octobre. L'armée a rapidement traduit ces déclarations en actions.

Selon les sources qui ont parlé à +972 et Local Call, les cibles à Gaza qui ont été frappées par l'aviation israélienne peuvent être divisées en quatre catégories. La première est celle des « cibles tactiques », qui comprend les cibles militaires standard telles que les cellules de militants armés, les entrepôts d'armes, les lance-roquettes, les lance-missiles antichars, les puits de lancement, les bombes de mortier, les quartiers généraux militaires, les postes d'observation, etc.

La deuxième catégorie est celle des « cibles souterraines », principalement les tunnels que le Hamas a creusés sous les quartiers de Gaza, y compris sous les habitations civiles. Les frappes aériennes sur ces cibles pourraient entraîner l'effondrement des maisons situées au-dessus ou à proximité des tunnels.

La troisième catégorie est celle des « cibles puissantes », qui comprend les gratte-ciel et les tours résidentielles au cœur des villes, ainsi que les bâtiments publics tels que les universités, les banques et les administrations. Selon trois sources de renseignement qui ont participé à la planification ou à la conduite de frappes sur des cibles de pouvoir dans le passé, l'idée derrière ces frappes est qu'une attaque délibérée contre la société palestinienne exercera une « pression civile » sur le Hamas.

La dernière catégorie est celle des « maisons familiales » ou des « maisons d'agents ». L'objectif déclaré de ces attaques est de détruire des résidences privées afin d'assassiner un seul résident soupçonné d'être un agent du Hamas ou du Jihad islamique. Cependant, au cours de la guerre actuelle, des témoignages palestiniens affirment que certaines des familles tuées ne comptaient aucun membre de ces organisations.

Au début de la guerre actuelle, l'armée israélienne semble avoir accordé une attention particulière aux troisième et quatrième catégories de cibles. Selon les déclarations du 11 octobre du porte-parole de l'IDF, au cours des cinq premiers jours de combat, la moitié des cibles bombardées – 1 329 sur un total de 2 687 – étaient considérées comme des « cibles puissantes ».

« On nous demande de chercher des immeubles de grande hauteur avec un demi-étage qui peuvent être attribués au Hamas », explique une source qui a participé aux précédentes offensives israéliennes dans la bande de Gaza. « Parfois, il s'agit du bureau du porte-parole d'un groupe militant ou d'un lieu où se réunissent des agents. J'ai compris que le plancher est une excuse qui permet à l'armée de causer beaucoup de destructions à Gaza. C'est ce qu'ils nous ont dit.

S'ils disaient au monde entier que les bureaux [du Jihad islamique] au 10e étage ne sont pas importants en tant que cible, mais que leur existence justifie la destruction de toute la tour dans le but de faire pression sur les familles civiles qui y vivent afin de faire pression sur les organisations terroristes, cela serait considéré comme du terrorisme. Cela, ils ne le disent donc pas », a ajouté la source.

Diverses sources ayant servi dans les unités de renseignement des FDI ont déclaré qu'au moins jusqu'à la guerre actuelle, les protocoles de l'armée ne permettaient d'attaquer des cibles électriques que lorsque les bâtiments étaient vides de résident·es au moment de la frappe. Toutefois, des témoignages et des vidéos en provenance de Gaza suggèrent que depuis le 7 octobre, certaines de ces cibles ont été attaquées sans que leurs occupants en soient informés au préalable, ce qui a entraîné la mort de familles entières.

Le ciblage à grande échelle des maisons résidentielles peut être déduit de données publiques et officielles. Selon le Bureau des médias du gouvernement de Gaza – qui fournit des bilans des morts depuis que le ministère de la santé de Gaza a cessé de le faire le 11 novembre en raison de l'effondrement des services de santé dans la bande – au moment où le cessez-le-feu temporaire est entré en vigueur le 23 novembre, Israël avait tué 14 800 Palestinien·nes à Gaza ; environ 6 000 d'entre elles et eux étaient des enfants et 4 000 étaient des femmes, qui représentent ensemble plus de 67% du total. Les chiffres fournis par le ministère de la santé et le bureau des médias du gouvernement – qui relèvent tous deux du gouvernement du Hamas – ne s'écartent pas beaucoup des estimations israéliennes.

Le ministère de la santé de Gaza ne précise d'ailleurs pas combien de morts appartenaient aux ailes militaires du Hamas ou du Jihad islamique. L'armée israélienne estime avoir tué entre 1 000 et 3 000 militants palestiniens armés. Selon les médias israéliens, certains des militants morts sont enterrés sous les décombres ou à l'intérieur du système de tunnels souterrains du Hamas, et n'ont donc pas été pris en compte dans les décomptes officiels.

Les données de l'ONU pour la période allant jusqu'au 11 novembre, date à laquelle Israël a tué 11 078 Palestinien·nes à Gaza, indiquent qu'au moins 312 familles ont perdu 10 personnes ou plus dans l'attaque israélienne actuelle ; à titre de comparaison, lors de l'opération « Bordure protectrice » en 2014, 20 familles à Gaza ont perdu 10 personnes ou plus. Au moins 189 familles ont perdu entre six et neuf personnes selon les données de l'ONU, tandis que 549 familles ont perdu entre deux et cinq personnes. Aucune ventilation actualisée n'a encore été fournie pour les chiffres des victimes publiés depuis le 11 novembre.

Les attaques massives contre des cibles électriques et des résidences privées ont eu lieu au moment où l'armée israélienne a appelé, le 13 octobre, les 1,1 million d'habitant·es du nord de la bande de Gaza – dont la plupart résident dans la ville de Gaza – à quitter leurs maisons et à se rendre dans le sud de la bande de Gaza. À cette date, un nombre record de cibles énergétiques avaient déjà été bombardées et plus de 1 000 Palestiniens·ne avaient déjà été tuées, dont des centaines d'enfants.

Au total, selon l'ONU, 1,7 million de Palestinien·nes, soit la grande majorité de la population de la bande, ont été déplacé·es à l'intérieur de Gaza depuis le 7 octobre. L'armée a affirmé que la demande d'évacuation du nord de la bande de Gaza visait à protéger la vie des civil·es. Les Palestinien·nes considèrent toutefois que ces déplacements massifs font partie d'une « nouvelle Nakba », c'est-à-dire d'une tentative de nettoyage ethnique d'une partie ou de la totalité du territoire.

Ils ont abattu un immeuble de grande hauteur pour le plaisir

Selon l'armée israélienne, au cours des cinq premiers jours de combat, elle a largué 6 000 bombes sur la bande de Gaza, pour un poids total d'environ 4 000 tonnes. Les médias ont rapporté que l'armée avait détruit des quartiers entiers ; selon le Centre Al Mezan pour les droits des êtres humains, basé à Gaza, ces attaques ont entraîné « la destruction complète de quartiers résidentiels, la destruction d'infrastructures et le massacre d'habitant·es ».

Comme le montre Al Mezan et de nombreuses images en provenance de Gaza, Israël a bombardé l'université islamique de Gaza, l'association du barreau palestinien, un bâtiment des Nations unies abritant un programme éducatif destiné aux étudiant·es exceptionnel·les, un bâtiment appartenant à la société de télécommunications palestinienne, le ministère de l'économie nationale, le ministère de la culture, des routes et des dizaines d'immeubles et de maisons, en particulier dans les quartiers nord de Gaza.

Au cinquième jour des combats, le porte-parole de l'armée israélienne a distribué aux journalistes militaires en Israël des images satellites « avant et après » de quartiers du nord de la bande de Gaza, tels que Shuja'iyya et Al-Furqan (surnommé d'après une mosquée de la région) dans la ville de Gaza, qui montrent des dizaines de maisons et de bâtiments détruits. L'armée israélienne a déclaré avoir frappé 182 cibles électriques à Shuja'iyya et 312 cibles électriques à Al-Furqan.

Le chef d'état-major de l'armée de l'air israélienne, Omer Tishler, a déclaré aux journalistes militaires que toutes ces attaques avaient une cible militaire légitime, mais aussi que des quartiers entiers avaient été attaqués « à grande échelle et non de manière chirurgicale ». Notant que la moitié des cibles militaires jusqu'au 11 octobre étaient des cibles électriques, le porte-parole de l'IDF a déclaré que « des quartiers qui servent de nids de terreur au Hamas » ont été attaqués et que des dommages ont été causés à des « quartiers généraux opérationnels », des « moyens opérationnels » et des « moyens utilisés par des organisations terroristes à l'intérieur d'immeubles résidentiels ». Le 12 octobre, l'armée israélienne a annoncé qu'elle avait tué trois « membres importants du Hamas », dont deux faisaient partie de l'aile politique du groupe.

Pourtant, malgré les bombardements israéliens effrénés, les dommages causés à l'infrastructure militaire du Hamas dans le nord de la bande de Gaza au cours des premiers jours de la guerre semblent avoir été très minimes. En effet, des sources de renseignement ont déclaré à +972 et à Local Call que les cibles militaires qui faisaient partie des cibles de pouvoir ont été utilisées à maintes reprises comme feuille de vigne pour blesser la population civile. « Le Hamas est présent partout dans la bande de Gaza ; il n'y a pas un bâtiment qui n'ait pas quelque chose du Hamas, donc si vous voulez trouver un moyen de transformer une tour en cible, vous pourrez le faire », a déclaré un ancien responsable des services de renseignement.

« Ils ne frapperont jamais un gratte-ciel qui ne contient pas quelque chose que nous pouvons définir comme une cible militaire », a déclaré une autre source de renseignements, qui a déjà effectué des frappes contre des cibles militaires. « Il y aura toujours un étage dans la tour [associée au Hamas]. Mais dans la plupart des cas, lorsqu'il s'agit de cibles puissantes, il est clair que la cible n'a pas une valeur militaire qui justifie une attaque qui ferait tomber tout un bâtiment vide au milieu d'une ville, avec l'aide de six avions et de bombes pesant plusieurs tonnes. »

En effet, selon des sources qui ont été impliquées dans la compilation des cibles de pouvoir dans les guerres précédentes, bien que le dossier de la cible contienne généralement une sorte d'association présumée avec le Hamas ou d'autres groupes militants, frapper la cible fonctionne principalement comme un « moyen qui permet de causer des dommages à la société civile ». Les sources ont compris, certaines explicitement et d'autres implicitement, que les dommages causés aux civil·es sont le véritable objectif de ces attaques.

En mai 2021, par exemple, Israël a été fortement critiqué pour avoir bombardé la tour Al-Jalaa, qui abritait d'importants médias internationaux tels qu'Al Jazeera, AP et AFP. L'armée a affirmé que le bâtiment était une cible militaire du Hamas ; des sources ont déclaré à +972 et à Local Call qu'il s'agissait en fait d'une cible électrique.

« La perception est que cela fait vraiment mal au Hamas quand des gratte-ciel sont détruits, parce que cela crée une réaction publique dans la bande de Gaza et effraie la population », a déclaré l'une des sources. « Ils voulaient donner aux habitant·es de Gaza le sentiment que le Hamas ne contrôlait pas la situation. Parfois, ils ont renversé des bâtiments, parfois des services postaux et des bâtiments gouvernementaux ».

Bien qu'il soit sans précédent pour l'armée israélienne d'attaquer plus de 1 000 cibles en cinq jours, l'idée de provoquer une dévastation massive des zones civiles à des fins stratégiques a été formulée lors d'opérations militaires précédentes à Gaza, affinée par la « doctrine Dahiya » de la deuxième guerre du Liban en 2006.

Selon cette doctrine, élaborée par l'ancien chef d'état-major des FDI, Gadi Eizenkot, aujourd'hui membre de la Knesset et du cabinet de guerre actuel, dans une guerre contre des groupes de guérilla tels que le Hamas ou le Hezbollah, Israël doit utiliser une force disproportionnée et écrasante tout en ciblant les infrastructures civiles et gouvernementales afin d'établir une dissuasion et de forcer la population civile à faire pression sur les groupes pour qu'ils mettent un terme à leurs attaques. Le concept d'« objectifs de puissance » semble émaner de cette même logique.

La première fois que l'armée israélienne a défini publiquement des cibles de pouvoir à Gaza, c'était à la fin de l'opération « Bordure protectrice » en 2014. L'armée a bombardé quatre bâtiments au cours des quatre derniers jours de la guerre – trois immeubles résidentiels de plusieurs étages dans la ville de Gaza, et une tour d'habitation à Rafah. Les services de sécurité ont expliqué à l'époque que ces attaques avaient pour but de faire comprendre aux Palestinien·nes de Gaza que « rien n'est plus à l'abri » et de faire pression sur le Hamas pour qu'il accepte un cessez-le-feu. « Les éléments que nous avons recueillis montrent que la destruction massive [des bâtiments] a été menée délibérément et sans aucune justification militaire », indiquait un rapport d'Amnesty à la fin de l'année 2014.

Dans le cadre d'une autre escalade violente qui a débuté en novembre 2018, l'armée a de nouveau attaqué des cibles du pouvoir. Cette fois, Israël a bombardé des tours, des centres commerciaux et le bâtiment de la chaîne de télévision Al Aqsa, affiliée au Hamas. « Attaquer des « cibles puissantes » produit un effet très important sur l'autre camp », avait alors déclaré un officier de l'armée de l'air. « Nous l'avons fait sans tuer personne et nous avons veillé à ce que le bâtiment et ses environs soient évacués ».

Les opérations précédentes ont également montré que le fait de frapper ces cibles n'a pas seulement pour but de saper le moral des Palestinien·nes, mais aussi de remonter celui des Israélien·nes. Haaretz a révélé que lors de l'opération « Gardien des murs » en 2021, l'unité du porte-parole des FDI a mené une opération psychologique contre les citoyen·es israélien·nes afin de les sensibiliser aux opérations des FDI à Gaza et aux dommages qu'elles ont causés aux Palestinien·nes. Les soldat·es, qui ont utilisé de faux comptes de médias sociaux pour dissimuler l'origine de la campagne, ont téléchargé des images et des clips des frappes de l'armée à Gaza sur Twitter, Facebook, Instagram et TikTok afin de démontrer les prouesses de l'armée au public israélien.

Au cours de l'assaut de 2021, Israël a frappé neuf cibles définies comme des « cibles puissantes », toutes des immeubles de grande hauteur. « L'objectif était l'effondrement des tours afin de faire pression sur le Hamas, et aussi pour que le public [israélien] voie une image de victoire », a déclaré une source de sécurité à +972et à Local Call.

Cependant, poursuit cette source, « cela n'a pas fonctionné. Ayant suivi le Hamas, j'ai appris de première main à quel point ils ne se souciaient pas des civil·es et des bâtiments détruits. Parfois, l'armée a trouvé dans un immeuble de grande hauteur quelque chose lié au Hamas, mais il était également possible d'atteindre cette cible spécifique avec des armes plus précises. En fin de compte, ils ont abattu un immeuble pour le plaisir d'abattre un immeuble ».

Tout le monde cherchait ses enfants dans ces tas.

Non seulement la guerre actuelle a vu Israël attaquer un nombre sans précédent de cibles puissantes, mais elle a également vu l'armée abandonner les politiques antérieures qui visaient à éviter de blesser les civil·es. Alors qu'auparavant, la procédure officielle de l'armée était qu'il n'était possible d'attaquer des cibles électriques qu'après que tous les civil·es en aient été évacué·es, des témoignages d'habitant·es palestinien·nes de Gaza indiquent que, depuis le 7 octobre, Israël a attaqué des tours avec leurs habitant·es encore à l'intérieur, ou sans avoir pris de mesures significatives pour les évacuer, ce qui a entraîné la mort de nombreuses et nombreux civil·es.

Selon une enquête menée par AP après la guerre de 2014, environ 89% des personnes tuées lors des bombardements aériens de maisons familiales étaient des résident·es non armé·es, et la plupart d'entre elles et eux étaient des enfants et des femmes.

Le chef d'état-major de l'armée de l'air, M. Tishler, a confirmé un changement de politique, déclarant aux journalistes que la politique de « frappe sur les toits » de l'armée – qui consistait à effectuer une petite frappe initiale sur le toit d'un bâtiment pour avertir les résident·es qu'il était sur le point d'être frappé – n'était plus utilisée « là où il y a un ennemi ». Le « Roof knocking », a déclaré M. Tishler, est « un terme qui s'applique aux rounds [de combat] et non à la guerre ».

Les sources qui ont précédemment travaillé sur les cibles énergétiques ont déclaré que la stratégie effrontée de la guerre actuelle pourrait constituer une évolution dangereuse, expliquant que l'attaque des cibles énergétiques était à l'origine destinée à « choquer » Gaza, mais pas nécessairement à tuer un grand nombre de civil·es. « Les cibles ont été conçues en partant du principe que les immeubles de grande hauteur seraient évacués, de sorte que lorsque nous travaillions sur [la compilation des cibles], nous ne nous préoccupions pas du tout du nombre de civil·es qui seraient blessé·es ; l'hypothèse était que le nombre serait toujours nul », a déclaré une source ayant une connaissance approfondie de la tactique.

« Cela signifie qu'il y aurait une évacuation totale [des bâtiments ciblés], ce qui prend deux à trois heures, pendant lesquelles les résident·es sont appelé·es [par téléphone pour évacuer], des missiles d'avertissement sont tirés, et nous vérifions également avec des images de drones que les gens quittent effectivement la tour », a ajouté la source.

Cependant, les preuves recueillies à Gaza suggèrent que certaines tours – que nous supposons avoir été des « cibles puissantes » –- ont été démolies sans avertissement préalable. +972 et Local Call ont localisé au moins deux cas durant la guerre actuelle où des tours résidentielles entières ont été bombardées et se sont effondrées sans avertissement, et un cas où, selon les preuves, une tour s'est effondrée sur des civil·es qui se trouvaient à l'intérieur.

Le 10 octobre, Israël a bombardé le bâtiment Babel à Gaza, selon le témoignage de Bilal Abu Hatzira, qui a sauvé des corps des ruines cette nuit-là. Dix personnes ont été tuées dans l'attaque de l'immeuble, dont trois journalistes.

Le 25 octobre, l'immeuble résidentiel de 12 étages Al-Taj, dans la ville de Gaza, a été bombardé sans avertissement, tuant les familles qui y vivaient. Selon les témoignages des habitant·es, environ 120 personnes ont été ensevelies sous les ruines de leurs appartements. Yousef Amar Sharaf, un habitant d'Al-Taj, a écrit sur X que 37 membres de sa famille qui vivaient dans l'immeuble ont été tués dans l'attaque : « Mon cher père et ma chère mère, ma femme bien-aimée, mes fils et la plupart de mes frères et leurs familles. Les habitant·es ont déclaré que de nombreuses bombes avaient été larguées, endommageant et détruisant également des appartements dans les immeubles voisins.

Six jours plus tard, le 31 octobre, l'immeuble résidentiel de huit étages Al-Mohandseen a été bombardé sans avertissement. Le premier jour, entre 30 et 45 corps auraient été retrouvés dans les ruines. Un bébé a été retrouvé vivant, sans ses parents. Les journalistes estiment que plus de 150 personnes ont été tuées dans l'attentat, car de nombreuses personnes sont restées ensevelies sous les décombres.

Le bâtiment se trouvait dans le camp de réfugiés de Nuseirat, au sud de Wadi Gaza – dans la supposée « zone de sécurité » vers laquelle Israël dirigeait les Palestinienıes qui fuyaient leurs maisons dans le nord et le centre de Gaza – et servait donc d'abri temporaire pour les personnes déplacées, d'après des témoignages.

Selon une enquête d'Amnesty International, le 9 octobre, Israël a bombardé au moins trois bâtiments à plusieurs étages, ainsi qu'un marché aux puces ouvert dans une rue bondée du camp de réfugié·es de Jabaliya, tuant au moins 69 personnes. « Les corps étaient brûlés… Je ne voulais pas regarder, j'avais peur de voir le visage d'Imad », a déclaré le père d'un enfant qui a été tué. « Les corps étaient éparpillés sur le sol. Tout le monde cherchait ses enfants dans ces ruines. Je n'ai reconnu mon fils qu'à son pantalon. Je voulais l'enterrer immédiatement, alors j'ai porté mon fils et je l'ai sorti. »

Selon l'enquête d'Amnesty, l'armée a déclaré que l'attaque du marché visait une mosquée « où se trouvaient des agents du Hamas ». Cependant, selon la même enquête, les images satellites ne montrent pas de mosquée dans les environs.

Le porte-parole des FDI n'a pas répondu aux questions de +972 et de Local Call concernant des attaques spécifiques, mais a déclaré de manière plus générale que « les FDI ont donné des avertissements avant les attaques de diverses manières et, lorsque les circonstances le permettaient, ont également donné des avertissements individuels par le biais d'appels téléphoniques à des personnes qui se trouvaient sur les cibles ou à proximité (il y a eu plus de 25 000 conversations en direct pendant la guerre, ainsi que des millions de conversations enregistrées, des messages textuels et des tracts largués par avion dans le but d'avertir la population). En général, les FDI s'efforcent de réduire autant que possible les dommages causés aux civil·es dans le cadre des attaques, malgré le défi que représente la lutte contre une organisation terroriste qui utilise les citoyen·es de Gaza comme boucliers humains ».

La machine a produit 100 cibles en une journée

Selon le porte-parole de l'IDF, au 10 novembre, au cours des 35 premiers jours de combat, Israël avait attaqué un total de 15 000 cibles à Gaza. D'après de multiples sources, ce chiffre est très élevé par rapport aux quatre opérations majeures précédentes dans la bande de Gaza. Lors de l'opération Guardian of the Walls en 2021, Israël a attaqué 1 500 cibles en 11 jours. Lors de l'opération Bordure protectrice en 2014, qui a duré 51 jours, Israël a frappé entre 5 266 et 6 231 cibles. Lors de l'opération « Pilier de défense » en 2012, environ 1 500 cibles ont été attaquées en huit jours. Lors de l'opération « Plomb durci » en 2008, Israël a frappé 3 400 cibles en 22 jours.

Des sources de renseignement ayant participé aux opérations précédentes ont également déclaré à +972 et à Local Call que, pendant 10 jours en 2021 et trois semaines en 2014, un taux d'attaque de 100 à 200 cibles par jour a conduit à une situation dans laquelle l'armée de l'air israélienne ne disposait plus d'aucune cible de valeur militaire. Pourquoi, alors, après près de deux mois, l'armée israélienne n'a-t-elle pas encore épuisé ses cibles dans la guerre actuelle ?

La réponse se trouve peut-être dans une déclaration du porte-parole des FDI du 2 novembre, selon laquelle l'armée israélienne utilise le système d'IA Habsora (« L'Évangile »), qui, selon le porte-parole, « permet d'utiliser des outils automatiques pour produire des cibles à un rythme rapide, et fonctionne en améliorant le matériel de renseignement précis et de haute qualité en fonction des besoins [opérationnels] ».

Dans la déclaration, un haut responsable des services de renseignement est cité comme ayant déclaré que grâce à Habsora, des cibles sont créées pour des frappes de précision « tout en causant de grands dommages à l'ennemi et un minimum de dommages aux non-combattant·es. Les agents du Hamas ne sont pas à l'abri, quel que soit l'endroit où ils se cachent ».

Selon des sources de renseignement, Habsora génère, entre autres, des recommandations automatiques pour attaquer des résidences privées où vivent des personnes soupçonnées d'être des agents du Hamas ou du Jihad islamique. Israël mène ensuite des opérations d'assassinat à grande échelle en bombardant lourdement ces résidences.

Habsora, explique l'une des sources, traite d'énormes quantités de données que « des dizaines de milliers d'officiers de renseignement ne pourraient pas traiter » et recommande des sites de bombardement en temps réel. Comme la plupart des hauts responsables du Hamas se rendent dans les tunnels souterrains dès le début d'une opération militaire, l'utilisation d'un système comme Habsora permet de localiser et d'attaquer les maisons d'agents relativement peu expérimentés.

Un ancien officier de renseignement a expliqué que le système Habsora permet à l'armée de gérer une « usine d'assassinats de masse », dans laquelle « l'accent est mis sur la quantité et non sur la qualité ». Un œil humain « passera en revue les cibles avant chaque attaque, mais il n'est pas nécessaire de passer beaucoup de temps sur elles ». Étant donné qu'Israël estime qu'il y a environ 30 000 membres du Hamas à Gaza, et qu'ils sont tous marqués pour la mort, le nombre de cibles potentielles est énorme.

En 2019, l'armée israélienne a créé un nouveau centre visant à utiliser l'IA pour accélérer la génération de cibles. « La division administrative des cibles est une unité qui comprend des centaines d'officiers et de soldats et qui est basée sur des capacités d'IA », a déclaré l'ancien chef d'état-major de Tsahal, Aviv Kochavi, dans une interview approfondie avec Ynet plus tôt cette année.

« Il s'agit d'une machine qui, avec l'aide de l'IA, traite un grand nombre de données mieux et plus rapidement que n'importe quel humain, et les traduit en cibles d'attaque », a poursuivi M. Kochavi. Lors de l'opération « Gardien des murs » [en 2021], à partir du moment où cette machine a été activée, elle a généré 100 nouvelles cibles par jour. Vous voyez, dans le passé, il y a eu des périodes à Gaza où nous créions 50 cibles par an. Ici, la machine a produit 100 cibles en un jour.

« Nous préparons les cibles automatiquement et travaillons selon une liste de contrôle », a déclaré à +972 et à Local Call l'une des sources qui a travaillé dans la nouvelle division administrative des cibles. « C'est vraiment comme une usine. Nous travaillons rapidement et nous n'avons pas le temps d'approfondir l'objectif. L'idée est que nous sommes jugés en fonction du nombre de cibles que nous parvenons à générer ».

Un haut responsable militaire chargé de la banque de cibles a déclaré au Jerusalem Post au début de l'année que, grâce aux systèmes d'intelligence artificielle de l'armée, celle-ci peut pour la première fois générer de nouvelles cibles à un rythme plus rapide que celui des attaques. Selon une autre source, la volonté de générer automatiquement un grand nombre de cibles est une concrétisation de la doctrine Dahiya.

Les systèmes automatisés tels que Habsora ont ainsi grandement facilité le travail des officier·es de renseignement israélien·nes dans la prise de décisions au cours des opérations militaires, y compris le calcul des pertes potentielles. Cinq sources différentes ont confirmé que le nombre de civil·es susceptibles d'être tué·es lors d'attaques contre des résidences privées est connu à l'avance par les services de renseignement israéliens et apparaît clairement dans le fichier des cibles dans la catégorie des « dommages collatéraux ».

Selon ces sources, il existe des degrés de dommages collatéraux, en fonction desquels l'armée détermine s'il est possible d'attaquer une cible à l'intérieur d'une résidence privée. Lorsque la directive générale devient « Dommage collatéral 5 », cela signifie que nous sommes autorisés à frapper toutes les cibles qui tueront cinq civil·es ou moins – nous pouvons agir sur tous les dossiers de cibles qui sont au nombre de cinq ou moins », a déclaré l'une des sources.

« Dans le passé, nous ne marquions pas régulièrement les maisons des membres subalternes du Hamas pour les bombarder », a déclaré un responsable de la sécurité qui a participé à l'attaque de cibles lors d'opérations précédentes. À mon époque, si la maison sur laquelle je travaillais portait la mention « Dommage collatéral 5 », elle n'était pas toujours approuvée [pour l'attaque]. Selon lui, une telle approbation n'était donnée que si l'on savait qu'un haut commandant du Hamas vivait dans la maison.

« D'après ce que j'ai compris, ils peuvent aujourd'hui marquer toutes les maisons [de tout agent militaire du Hamas, quel que soit son rang] », a poursuivi la source. « Cela fait beaucoup de maisons. Des membres du Hamas qui n'ont aucune importance vivent dans des maisons dans toute la bande de Gaza. Ils marquent donc la maison, la bombardent et tuent tout le monde ».

Une politique concertée de bombardement des maisons familiales

Le 22 octobre, l'armée de l'air israélienne a bombardé la maison du journaliste palestinien Ahmed Alnaouq dans la ville de Deir al-Balah. Ahmed est un ami proche et un collègue ; il y a quatre ans, nous avons fondé une page Facebook en hébreu intitulée « De l'autre côté du mur », dans le but de faire connaître au public israélien les voix palestiniennes de Gaza.

La frappe du 22 octobre a fait s'effondrer des blocs de béton sur toute la famille d'Ahmed, tuant son père, ses frères, ses sœurs et tous leurs enfants, y compris les bébés. Seule sa nièce de 12 ans, Malak, a survécu et est restée dans un état critique, le corps couvert de brûlures. Quelques jours plus tard, Malak est décédée.

Au total, 21 membres de la famille d'Ahmed ont été tués et enterrés sous leur maison. Aucun·e d'entre elles et eux n'était un militant·e. Le plus jeune avait 2 ans, le plus âgé, son père, 75 ans. Ahmed, qui vit actuellement au Royaume-Uni, est désormais le seul rescapé de toute sa famille.

Le groupe WhatsApp de la famille d'Ahmed s'intitule « Better Together ». Le dernier message qui y figure a été envoyé par lui, un peu après minuit, la nuit où il a perdu sa famille. « Quelqu'un m'a fait savoir que tout allait bien », a-t-il écrit. Personne n'a répondu. Il s'est endormi, mais s'est réveillé en panique à 4 heures du matin. C'est le silence. C'est alors qu'il a reçu un message d'un ami lui annonçant la terrible nouvelle.

Le cas d'Ahmed est courant à Gaza ces jours-ci. Lors d'interviews accordées à la presse, les directeurs des hôpitaux de Gaza ont fait la même description : les familles entrent dans les hôpitaux comme une succession de cadavres, un enfant suivi de son père suivi de son grand-père. Les corps sont tous couverts de terre et de sang.

Selon d'anciens officiers du renseignement israélien, dans de nombreux cas où une résidence privée est bombardée, l'objectif est « l'assassinat d'agents du Hamas ou du Djihad », et ces cibles sont attaquées lorsque l'agent entre dans la maison. Les chercheur·es en renseignement savent si les membres de la famille ou les voisin·es de l'agent peuvent également mourir dans l'attentat, et ils savent comment calculer le nombre de victimes. Chacune des sources a précisé qu'il s'agissait de maisons privées où, dans la majorité des cas, aucune activité militaire n'est menée.

+972 et Local Call ne disposent pas de données concernant le nombre d'agents militaires qui ont effectivement été tués ou blessés par des frappes aériennes sur des résidences privées au cours de la guerre actuelle, mais il est amplement prouvé que, dans de nombreux cas, il ne s'agissait pas d'agents militaires ou politiques appartenant au Hamas ou au Djihad islamique.

Le 10 octobre, l'armée de l'air israélienne a bombardé un immeuble d'habitation dans le quartier de Sheikh Radwan, à Gaza, tuant 40 personnes, pour la plupart des femmes et des enfants. Dans l'une des vidéos choquantes prises à la suite de l'attaque, on voit des gens crier, tenir ce qui semble être une poupée tirée des ruines de la maison, et se la passer de main en main. Lorsque la caméra zoome, on peut voir qu'il ne s'agit pas d'une poupée, mais du corps d'un bébé.

L'un des habitants a déclaré que 19 membres de sa famille avaient été tué·es lors de la frappe. Un autre survivant a écrit sur Facebook qu'il n'avait retrouvé que l'épaule de son fils dans les décombres. Amnesty a enquêté sur l'attaque et a découvert qu'un membre du Hamas vivait à l'un des étages supérieurs de l'immeuble, mais qu'il n'était pas présent au moment de l'attaque.

Le bombardement des maisons familiales où sont censés vivre des membres du Hamas ou du Jihad islamique est probablement devenu une politique plus concertée des FDI lors de l'opération Bordure protectrice en 2014. À l'époque, 606 Palestinien·nes – soit environ un quart des civils tués au cours des 51 jours de combats – étaient membres de familles dont les maisons ont été bombardées. Un rapport de l'ONU l'a défini en 2015 comme un crime de guerre potentiel et un « nouveau modèle » d'action qui « a conduit à la mort de familles entières ».

En 2014, 93 bébés ont été tués à la suite de bombardements israéliens sur des maisons familiales, dont 13 avaient moins d'un an. Il y a un mois, 286 bébés âgés d'un an ou moins avaient déjà été identifiés comme ayant été tués à Gaza, selon une liste d'identification détaillée avec l'âge des victimes publiée par le ministère de la santé de Gaza le 26 octobre. Ce nombre a probablement doublé ou triplé depuis.

Cependant, dans de nombreux cas, et en particulier lors des attaques actuelles contre Gaza, l'armée israélienne a mené des attaques contre des résidences privées, même lorsqu'il n'y avait pas de cible militaire connue ou évidente. Par exemple, selon le Comité de protection des journalistes, au 29 novembre, Israël avait tué 50 journalistes palestiniens à Gaza, certains d'entre eux dans leur maison avec leur famille.

Roshdi Sarraj, 31 ans, journaliste de Gaza née en Grande-Bretagne, a fondé un média à Gaza appelé « Ain Media ». Le 22 octobre, une bombe israélienne a frappé la maison de ses parents où il dormait, le tuant. La journaliste Salam Mema est également décédée sous les ruines de sa maison après le bombardement ; de ses trois jeunes enfants, Hadi, 7 ans, est mort, tandis que Sham, 3 ans, n'a pas encore été retrouvé sous les décombres. Deux autres journalistes, Duaa Sharaf et Salma Makhaimer, ont été tuées avec leurs enfants dans leur maison.

Les analystes israéliens ont admis que l'efficacité militaire de ce type d'attaques aériennes disproportionnées était limitée. Deux semaines après le début des bombardements à Gaza (et avant l'invasion terrestre) – après que les corps de 1 903 enfants, d'environ 1 000 femmes et de 187 personnes âgées ont été dénombrés dans la bande de Gaza – le commentateur israélien Avi Issacharoff a écrit sur Twitter : « Aussi difficile à entendre que cela puisse paraître, au 14e jour des combats, il ne semble pas que la branche militaire du Hamas ait été touchée : « Aussi difficile que cela puisse paraître, au 14e jour des combats, il ne semble pas que la branche militaire du Hamas ait subi des dommages significatifs. Le dommage le plus important pour la direction militaire est l'assassinat d'Ayman Nofal [commandant du Hamas] ».

Combattre des animaux humains

Les militants du Hamas opèrent régulièrement à partir d'un réseau complexe de tunnels construits sous de vastes étendues de la bande de Gaza. Ces tunnels, comme l'ont confirmé les anciens officiers des services de renseignement israéliens avec lesquels nous nous sommes entretenus, passent également sous les maisons et les routes. Par conséquent, les tentatives israéliennes de les détruire par des frappes aériennes risquent dans de nombreux cas d'entraîner la mort de civil·es. C'est peut-être une autre raison qui explique le nombre élevé de familles palestiniennes éliminées lors de l'offensive actuelle.

Les officier·es de renseignement interrogés pour cet article ont déclaré que la manière dont le Hamas a conçu le réseau de tunnels à Gaza exploite sciemment la population civile et les infrastructures en surface. Ces affirmations ont également été à la base de la campagne médiatique menée par Israël concernant les attaques et les raids sur l'hôpital Al-Shifa et les tunnels qui ont été découverts sous celui-ci.

Israël a également attaqué un grand nombre de cibles militaires : des agents armés du Hamas, des sites de lancement de roquettes, des tireurs d'élite, des escouades antichars, des quartiers généraux militaires, des bases, des postes d'observation, etc. Depuis le début de l'invasion terrestre, les bombardements aériens et les tirs d'artillerie lourde ont été utilisés pour soutenir les troupes israéliennes sur le terrain. Les experts en droit international estiment que ces cibles sont légitimes, pour autant que les frappes respectent le principe de proportionnalité.

En réponse à une demande de +972 et de Local Call pour cet article, le porte-parole des FDI a déclaré : « L'armée israélienne s'est engagée à respecter le droit international et à agir conformément à celui-ci ; ce faisant, elle attaque des cibles militaires et ne s'en prend pas aux civil·es. L'organisation terroriste Hamas place ses agents et ses moyens militaires au cœur de la population civile. Le Hamas utilise systématiquement la population civile comme bouclier humain et mène ses combats depuis des bâtiments civils, y compris des sites sensibles tels que des hôpitaux, des mosquées, des écoles et des installations de l'ONU ».

Les sources de renseignement qui ont parlé à +972 et à Local Call ont également affirmé que dans de nombreux cas, le Hamas « met délibérément en danger la population civile de Gaza et tente d'empêcher par la force les civil·es d'évacuer ». Deux sources ont déclaré que les dirigeants du Hamas « comprennent que les dommages causés par Israël aux civil·es leur donnent une légitimité dans les combats ».

Dans le même temps, même s'il est difficile de l'imaginer aujourd'hui, l'idée de larguer une bombe d'une tonne destinée à tuer un agent du Hamas et de finir par tuer une famille entière en tant que « dommages collatéraux » n'a pas toujours été aussi facilement acceptée par de larges pans de la société israélienne. En 2002, par exemple, l'armée de l'air israélienne a bombardé le domicile de Salah Mustafa Muhammad Shehade, alors chef des Brigades Al-Qassam, la branche militaire du Hamas. La bombe l'a tué, ainsi que sa femme Eman, sa fille de 14 ans Laila et 14 autres civil·es, dont 11 enfants. Ce meurtre a provoqué un tollé en Israël et dans le monde, et Israël a été accusé de commettre des crimes de guerre.

Ces critiques ont conduit l'armée israélienne à décider, en 2003, de larguer une bombe plus petite, d'un quart de tonne, sur une réunion de hauts responsables du Hamas – dont l'insaisissable chef des Brigades Al-Qassam, Mohammed Deif – qui se tenait dans un immeuble résidentiel de Gaza, malgré la crainte qu'elle ne soit pas assez puissante pour les tuer. Dans son livre « To Know Hamas », le journaliste israélien chevronné Shlomi Eldar écrit que la décision d'utiliser une bombe relativement petite est due au précédent de Shehade et à la crainte qu'une bombe d'une tonne ne tue également les civil·es dans l'immeuble. L'attaque a échoué et les officiers supérieurs de l'aile militaire ont fui les lieux.

En décembre 2008, lors de la première grande guerre menée par Israël contre le Hamas après sa prise de pouvoir à Gaza, Yoav Gallant, qui dirigeait à l'époque le commandement sud des FDI, a déclaré que, pour la première fois, Israël « frappait les maisons familiales » des hauts responsables du Hamas dans le but de les détruire, mais pas de blesser leurs familles. M. Gallant a souligné que les maisons ont été attaquées après que les familles ont été averties par un « coup sur le toit », ainsi que par un appel téléphonique, lorsqu'il est apparu clairement que des activités militaires du Hamas se déroulaient à l'intérieur de la maison.

Après l'opération Bordure protectrice de 2014, au cours de laquelle Israël a commencé à frapper systématiquement les maisons familiales depuis les airs, des groupes de défense des droits de l'homme comme B'Tselem ont recueilli des témoignages de Palestinien·nes qui avaient survécu à ces attaques. Les survivant·es ont déclaré que les maisons s'étaient effondrées sur elles-mêmes, que des éclats de verre avaient coupé les corps de celles et ceux qui se trouvaient à l'intérieur, que les débris « sentaient le sang » et que des personnes avaient été enterrées vivantes.

Cette politique meurtrière se poursuit aujourd'hui, en partie grâce à l'utilisation d'armes destructrices et de technologies sophistiquées comme Habsora, mais aussi grâce à un establishment politique et sécuritaire qui a relâché les rênes de l'appareil militaire israélien. Quinze ans après avoir insisté sur le fait que l'armée s'efforçait de minimiser les dommages causés aux civil·es, M. Gallant, aujourd'hui ministre de la défense, a clairement changé son fusil d'épaule. « Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence », a-t-il déclaré après le 7 octobre.

Yuval Abraham

Le texte original en anglais comporte des développements supplémentaires concernant notamment la Grande-Bretagne et le rôle de la solidarité internationale. L'intégral anglais est disponible sur ESSF ( article 68812), A mass assassination factory' : Inside Israel's calculated bombing of Gaza.

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La gentrification des quartiers ouvriers et populaires à Montréal et ailleurs

5 décembre 2023, par Marc Bonhomme — , ,
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Une savante étude universitaire a démontré que des cinq types de quartier de la Ville de Montréal, deux étaient sous l'emprise du capital financier. D'autres analyses des grandes villes canadiennes démontrent que les régions métropolitaines québécoises ne sont qu'au début du processus de gentrification, et d'autres que ce processus est encore plus avancé aux ÉU. La question se pose alors de l'inexorabilité de cette tendance ou bien de la possibilité que la lutte sociale l'infléchisse. Quelle seraient alors le programme, la stratégie et la tactique qui permettraient cette inflexion transformant le rapport de forces ?

« …la détention d'une part importante du parc locatif par des fonds d'investissement ou des entreprises est aussi considérée comme un facteur qui tire le prix des loyers vers le haut, étant donné le poids économique de ces acteurs et les objectifs financiers qu'ils poursuivent. » À cet égard, Montréal retarde sur les grandes régions métropolitaines du reste du Canada sans doute à cause de sa plus grande proportion de logis locatifs à basse densité signalée plus haut. « Des données de Statistique Canada montrent que, dans certaines provinces canadiennes, les investisseurs sont propriétaires d'entre 20,2 % (Ontario) et 30,5 % (Nouvelle-Écosse) du parc de logements locatifs. À Montréal, où 11,7 % des unités locatives sont détenus par des propriétaires financiarisés (ex. : fonds d'investissement ou société de gestion d'actifs), une équipe de recherche a montré que cette concentration de la propriété des logements locatifs avait une incidence à la hausse sur les loyers demandés dans la métropole. » (Julia Posca et Guillaume Hébert, Crise du logement : un marché locatif en manque d'encadrement, IRIS, 29/06/23).

Le nouveau visage de la propriété de logements jusqu'à et y compris le Fonds dit de solidarité

« Jusqu'à récemment, la plupart des études sur la financiarisation du logement se concentraient sur les impacts de la titrisation hypothécaire – le processus par lequel la dette est découpée et regroupée avec d'autres dettes et vendue à des investisseurs peu intéressés par l'actif physique lui-même. » On reconnaît là le processus qui a engendré la grande crise de 2008-2009 aux ÉU mais non au Canada. « Au cours de la dernière décennie, un nombre croissant de travaux de recherche ont commencé à examiner la financiarisation du logement locatif. Bien que la financiarisation ne soit pas un concept totalement établi, le logement locatif est généralement considéré comme financiarisé lorsqu'il appartient à des véhicules financiers tels que des Sociétés d'investissement immobilier cotée (REIT en anglais), des sociétés de capital-investissement, des investisseurs institutionnels ou des sociétés de gestion d'actifs ».

Montréal a la plus grande proportion de logements occupés par des locataires parmi toutes les grandes ou moyennes villes d'Amérique du Nord, à 63,3 % selon le recensement de 2016. Montréal a toujours été connue comme le paradis des locataires où une offre abondante de logements locatifs de faible hauteur a maintenu les loyers relativement bas et les taux d'inoccupation relativement élevés. Les paramètres d'abordabilité des logements locatifs ont commencé à se détériorer dans les années 2010, malgré une forte hausse de la construction de nouveaux logements locatifs construits à cet effet. De 2016 à 2020, Montréal a ajouté 13 500 logements locatifs spécialement construits (c.-à-d. non en copropriété) soit 38,2 % de tous les logements nouvellement construits au cours de cette période…
À partir du début des années 2000, les typologies d'habitations plus denses – en particulier les immeubles de grande hauteur vendus comme copropriétés – ont gagné en popularité à Montréal. Cette popularité s'est élargie pour inclure les locations spécialement construites à cet effet dans les années 2010. En raison de l'ampleur de ces projets, de nouveaux acteurs financiers ont fait leur apparition sur la scène du développement domiciliaire : des fonds d'investissement, dont le Fonds de solidarité FTQ, affilié au syndicat, ainsi que les acteurs commerciaux Claridge, Fierra Immobilier et Ipso Facto. (Cloé St-Hilaire, Mikael Brunila & David Wachsmuth (2023) High Rises and Housing Stress, Journal of the American Planning Association, DOI :)
Au Québec, le Fonds immobilier FTQ joue un rôle particulier dans la financiarisation. Le Fonds de solidarité auquel il est lié constitue le plus grand réseau québécois d'investissement en capital de développement. Il est alimenté par les épargnes de ses quelque 750 000 cotisants et cotisantes souvent en vue de leur retraite. Le Fonds immobilier investit du capital de risque dans des projets immobiliers, en collaboration avec des acteurs privés ou communautaires. Il s'implique dès le démarrage des projets, puis voit à leur gestion avec ses partenaires, dans le but « d'optimiser leur valeur marchande ». Il revend ses parts dans un horizon de 5 à 7 ans, selon la situation économique. Le Fonds immobilier est présentement impliqué dans un controversé projet au Bassin Peel, dans le secteur Bridge-Bonaventure du Sud-Ouest de Montréal, en collaboration avec de grands partenaires privés comme Devimco, Mach, Broccolini et COPRIM. Les promoteurs visent la construction de 7500 logements, dont 3800 sur des terrains publics fédéraux appartenant à la Société immobilière du Canada (SIC), une société d'état fédérale autofinancée. Des groupes communautaires du quartier et des alentours, appuyés largement par la population, s'opposent à un tel développement considéré comme une réplique de Griffintown, « avec ses tours de condominiums et un maigre pourcentage de logements sociaux », qui a « accentué la crise pour les mal-logés et exacerbé la gentrification » (FRAPRU, Crises du logement et droits humains au Québec, décembre 2022).
Bien que la participation de telles entités au développement de logements ne soit pas nouvelle en soi, leur implication récente s'est accompagnée de la création de ce que l'on appelle des sociétés en commandite, une tendance nouvelle. Dans une société en commandite, un promoteur et un fonds s'associeront pendant la durée d'un projet, créant ainsi une entreprise temporaire dont les deux parties sont actionnaires. […] En tant que partenaires, le fonds et le promoteur partagent les revenus, mais ces partenariats sont jugés plus risqués pour le fonds que le simple prêt d'argent au promoteur, car le remboursement n'est pas garanti. En conséquence, les fonds s'attendent désormais à des rendements beaucoup plus élevés sur leurs investissements, ce qui limite la production de nouveaux logements : seuls certains types de bâtiments peuvent générer des prix de vente ou des taux de location proportionnellement plus élevés. Ainsi, à mesure que la participation directe des fonds d'investissement à la production de logements locatifs s'est accrue, une plus grande proportion de logements locatifs est devenue soumise à une logique financière.

D'abord les quartiers riches puis la vulnérable clientèle étudiante prisonnière du court-terme

« Sur l'ensemble de la Ville de Montréal, le pourcentage de propriétés locatives appartenant à des propriétaires financiarisés en 2020 était de 1,4 % (2 277 sur 166 967). Toutefois, les propriétaires financiarisés possédaient des propriétés comportant plus de logements locatifs que la moyenne ; 11,7 % de tous les logements locatifs appartenaient à des propriétaires financiarisés (66 452 sur 566 582). » En toute logique, les propriétaires financiarisés ont d'abord pénétré les quartiers riches, un des cinq types de quartier de la Ville de Montréal. « 32,0 % des logements locatifs appartenaient à des propriétaires financiarisés [qui] étaient confrontés aux loyers les plus élevés de la ville mais, comme le revenu médian des ménages était également le plus élevé de la ville, beaucoup moins de locataires ont été confrontés à un stress lié au logement […] Plus de la moitié (54,6 %) des ménages […] vivaient dans des immeubles de cinq étages ou plus, mais la part globale des locataires était bien inférieure à la moyenne de la ville. Le pourcentage de copropriétés était le plus élevé parmi les cinq types (55,6 %, soit trois fois le taux de 18,5 % à l'échelle de la ville). [On y] comptait de loin le pourcentage le plus élevé d'unités locatives construites après 2005 : 28,4 %, contre 6,0 % à l'échelle de la ville. […] [On y dénombrait] la proportion la plus élevée de population âgée de plus de 65 ans. […] La population y était majoritairement blanche ».

[Dans l'autre type de quartier financiarisé,] les loyers médians et demandés étaient bien supérieurs aux moyennes de la ville, tandis que le revenu médian des ménages était le plus bas des cinq types. Ainsi, ce type de quartier comptait le pourcentage le plus élevé de ménages locataires confrontés à un stress lié au logement (62,2 % contre 35,8 % à l'échelle de la ville). Il comptait également le pourcentage le plus élevé de ménages locataires (87,5 % contre 62,7 % à l'échelle de la ville) et de ménages vivant dans des immeubles de cinq étages ou plus (69,0 %, soit plus de cinq fois la proportion de 12,8 % à l'échelle de la ville). De tous les types, il présentait la mobilité résidentielle la plus élevée ; plus d'un tiers (34,5 %) de ses ménages ont déménagé au cours de l'année écoulée, et près des trois quarts (73,1 %) ont déménagé au cours des cinq dernières années. Les parcelles de ce regroupement étaient situées au centre (en moyenne à 1,3 km du centre-ville) et adjacentes aux quatre universités de Montréal. Au total, 25,1 % des habitants de ce groupe avaient entre 18 et 24 ans, ce qui indique une importante population étudiante (la moyenne de la ville pour cette tranche d'âge n'était que de 9,1 %) (Cloé St-Hilaire, Mikael Brunila & David Wachsmuth (2023) High Rises and Housing Stress, Journal of the American Planning Association, DOI).

La gentrification par ses manœuvres sordides prépare le terrain à la financiarisation

…les parcelles [du troisième type] étaient situées dans un anneau autour du centre-ville (qui lui- même est principalement représenté par les types financiarisés 1 et 2). Ce type avait une proportion de locataires supérieure à la moyenne (70,3 %) mais la proportion la plus faible de propriétaires financiarisés (5,6 %). […] seule une petite proportion des logements locatifs de ce type était constituée d'immeubles de cinq étages ou plus (7,5 %). Pendant ce temps, il présentait la plus faible proportion de populations de minorités visibles et d'immigrants parmi les cinq types, une mobilité des résidents supérieure à la moyenne et une combinaison distinctive de loyers médians faibles et de loyers demandés élevés. Ces caractéristiques correspondaient au profil classique des quartiers gentrifiés.

On peut comprendre la gentrification comme une préparation de terrain pour la financiarisation par l'intermédiaire d'acquéreurs de paquet de logements prêts à toutes les manœuvres pour arriver à soit transformer leurs logements en condominiums soit de plus en plus à les louer à une couche sociale dite moyenne en mesure de payer la forte hausse de loyer. En effet, les condos ont rentabilisé la location et sans doute permis à des acquéreurs aux poches plus profondes à envahir le terrain :

La réalisation de condos a été très forte dans la région métropolitaine de Montréal, et particulièrement à Montréal même, des promoteurs comme Prével, Samcon, Devimco, Rachel Julien et autres se montrant gourmands. Cette arrivée massive de condos a alimenté la gentrification de plusieurs quartiers, contribuant entre autres à la hausse de la valeur foncière des immeubles locatifs et par, le fait même, des taxes et des loyers. C'est depuis 2015 que la construction de logements locatifs a réellement pris son envol. Pas moins de 161 025 appartements ont été mis en chantier jusqu'en 2021, pour une moyenne annuelle de 23 004. C'est 2,5 fois plus que la construction d'unités de condominiums qui, elle, s'est limitée à une moyenne de 9114. Non seulement les logements locatifs construits dans les dernières années au Québec sont-ils à loyers très élevés, s'inscrivant eux-aussi dans le processus de gentrification, mais, pour l'essentiel, ils ont été réalisés dans des édifices à logements multiples, propriétés de géants de l'immobilier jouissant de capitaux très importants. […]
Le cas du spéculateur Henry Savriyev en donne une idée. En cinq ans, il a acquis à lui seul une quarantaine d'immeubles totalisant 1200 logements dans différents arrondissements de Montréal. Il s'y est livré à des « rénovictions » qui lui ont valu 130 dossiers au Tribunal administratif de logement. D'autres individus ou sociétés, impliqués dans des cas de « rénovictions », possèdent aussi des centaines d'appartements. Ils ont tous en commun d'avoir acquis leurs immeubles moins d'un an auparavant. Une forme particulière de « rénovictions » s'est développée au cours de la dernière année. Il s'agit de la transformation de résidences privées pour aînés (RPA) en logements locatifs sans services. Le cas de la Résidence Mont-Carmel, située au cœur de Montréal, a maintes fois défrayé les manchettes au cours des derniers mois en raison du combat courageux qui y est mené par un groupe de locataires contre Zavriyev. Celui-ci est aussi impliqué dans au moins deux autres cas, l'un dans l'arrondissement de Montréal-Nord et l'autre à Québec. Au total, c'est plus de 1000 logements en RPA qui sont présentement touchés par de telles conversions, quel qu'en soit l'auteur.
Il est difficile d'avoir un portrait exact de l'ampleur du phénomène qui était au départ limité à Montréal, mais qui s'est depuis étendu à d'autres villes, notamment Québec et Gatineau. Le nombre de reprises de logement est lui-aussi en augmentation. Celles-ci sont permises au Québec si c'est pour s'y loger soi-même ou pour y loger son père, sa mère, ses enfants et quelques autres personnes bien définies. Elles sont autrement interdites Le nombre de ce type de demandes au Tribunal administratif du logement est en nette progression, étant passé de 1061 en 2018-2019, à 1484 en 2019-2020, à 1970 en 2020-2021 et à 2540 en 2021-2022. Or, l'expérience démontre que ce nombre ne représente qu'un pâle reflet de la réalité. Tout cela est aggravé par l'augmentation du nombre de flips, ces lucratives activités d'achats et de reventes rapides de logements encouragées par l'exemption de 50 % d'impôts accordé par les gouvernements sur les gains de capital. Une étude récente de la SCHL permet de constater que, dans le cas des « plex » de 2 à 5 logements, la proportion de logements revendus en l'espace d'un an à Montréal était de 3,2 % de l'ensemble des ventes au premier trimestre de 2021. Ce pourcentage est en hausse continuelle depuis 2016, alors qu'il était de 1,9 %.

On constate que la construction de logements locatifs, tendanciellement financiarisés, est partiellement annulée par la disparition de logements généralement à bon marché, ce qui crée une constante pression à la hausse des loyers. « Non seulement le nombre de logements locatifs n'augmente-t-il pas assez rapidement au Québec, mais des appartements continuent d'être perdus en raison de leurs conversions en copropriétés divises ou indivises, de leurs fusions pour fins d'agrandissement ou encore de leurs locations temporaires à des fins touristiques. Selon une compilation du FRAPRU à partir des données d'Inside Airbnb, au Québec, en avril 2022, 24 756 logements complets étaient affichés sur Airbnb dont près de 10 000 logements locatifs. Montréal en comptait la moitié à elle seule... » (FRAPRU, Crises du logement et droits humains au Québec, décembre 2022).

La financiarisation est en remorque de la disparition des logements populaires haussant les loyers

La même étude savante démontre que la financiarisation du logement n'a pas encore ou peu pénétré les deux autres types de quartier contrairement aux ÉU :

Les secteurs de recensement [de quatrième type] étaient pour la plupart situés à la périphérie de la ville. Ce pôle présente un taux de financiarisation du logement locatif (9,3 %) légèrement inférieur à la moyenne de la ville. Le [quatrième type] avait les loyers les plus bas et le deuxième revenu médian des ménages le plus bas. La plupart des logements locatifs étaient situés dans des immeubles à faible densité et la mobilité du logement était inférieure à la moyenne de la ville. [Le quatrième type] comptait les proportions les plus élevées de minorités visibles et d'immigrants et peut donc être décrit comme la périphérie non financiarisée des immigrants. […]
Le [cinquième type] présentait des caractéristiques typiques des zones suburbaines : faibles pourcentages de ménages locataires, faibles pourcentages de ménages vivant dans des immeubles de grande hauteur, faibles niveaux de mobilité résidentielle et grandes distances par rapport au centre-ville. Le loyer médian, le loyer demandé et la valeur moyenne des propriétés dans le [cinquième type] étaient inférieurs à la moyenne de la ville, mais les ménages avaient des revenus médians supérieurs à la moyenne montréalaise. La présence de relativement peu de locataires, la faible mobilité résidentielle et la faible densité de construction présentaient une géographie difficile dans laquelle les propriétaires financiarisés pouvaient investir. Cela peut expliquer pourquoi ce groupe de banlieues non financiarisées avait un pourcentage si faible de propriété locative financiarisée (6,6 %). […]
La différence entre ces deux zones géographiques pourrait refléter des modèles d'utilisation du sol différents (Montréal compte une quantité beaucoup plus élevée de logements multifamiliaux occupés par des locataires que la plupart des villes américaines) ou des réponses politiques différentes à la suite de la crise financière mondiale. Cela pourrait aussi indiquer que la financiarisation de la location des maisons unifamiliales n'est tout simplement pas encore arrivée à Montréal. […] Cette constatation contraste notamment avec les études américaines sur la financiarisation du logement qui ont constaté une tendance croissante à l'acquisition massive de maisons unifamiliales par des acteurs financiarisés (Cloé St-Hilaire, Mikael Brunila & David Wachsmuth (2023) High Rises and Housing Stress, Journal of the American Planning Association, DOI :).

Reste à savoir quelle sorte de propriétaire possède les logements multifamiliaux des quartiers à forte densité de minorités visibles comme Montréal-Nord. Et il n'est pas si certain non plus que la financiarisation de la propriété unifamiliale n'ait pas commencé à pénétrer les grandes métropoles canadiennes même si c'est dans une moindre mesure à Montréal ou à Québec (Nesto, Investors Account for 20% of All Home Purchases in Canada, 5/06/23). Certes, les loyers montréalais sont beaucoup moins élevés que dans les grandes métropoles canadiennes (voir le graphique ci-bas) mais il n'en reste pas moins que « [l]e loyer médian a augmenté de 12.5% au Québec et 13.3% à Montréal de 2016 à 2021 » (FRAPRU, Dossier noir, Logement et pauvreté au Québec, 8e édition, 2023) sans compter qu'ils sont en général plus élevés qu'ailleurs au Québec sauf Gatineau qui subit l'attraction d'Ottawa. La hausse des loyers n'a jamais été si élevée au Québec en 40 ans et l'écart par le haut de cette hausse par rapport au taux d'inflation global aussi élevé en 60 ans (Andrée-Anne St-Arnaud, Midi-Info, Radio-Canada,émission du 21/11/23).

Source : Yanick Lepage,Les clés pour comprendre les hausses des loyers, Radio-Canada, 9/10/23 Julia Posca et Guillaume Hébert, Crise du logement : un marché locatif en manque d'encadrement, IRIS, 29/06/23

La financiarisation et son corollaire, la gentrification, y sont pour beaucoup afin d'expliquer cette hausse en faisant disparaître les logements bon marché : « …au Québec, de 2016 à 2021, 116 000 logements locatifs abordables ayant un loyer inférieur à 750 $ par mois, ont été perdus, dont près de 90 000 à Montréal seulement et près de 16 000 à Québec ». Cette disparition a accentué l'écart de loyer entre les nouveaux et anciens logements d'autant plus que la législation québécoise le facilite : « La SCHL note d'ailleurs dans son Rapport sur le marché locatif – Janvier 2023 que « les loyers moyens des logements construits récemment sont plus chers que dans l'ensemble du marché (écart de 57 % pour les appartements de 2 chambres dans la RMR [de Montréal] en 2022) ». […] En raison de la clause F [un logement dans un immeuble neuf n'est pas assujetti pendant cinq ans à la grille du Tribunal administratif du logement], leurs loyers augmentent généralement de façon démesurée les premières années » (Mémoire du Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) présenté au ministère des Finances du Québec dans le cadre des consultations pré-budgétaires 2023-2024, Février 2023).

Cette rareté faisant monter les loyers est illustrée par la baisse du taux d'inoccupation (voir graphique). « Le Québec a le taux d'inoccupation des logements le plus bas depuis 20 ans. Ce n'est pas arrivé du jour au lendemain. Le taux d'inoccupation est de 1,7 %, alors qu'il devrait être à 3 % pour être à un point d'équilibre, presque deux fois plus, donc » (Michel C. Auger, Les déconnectés du logement, La Presse, 25/06/23). Le ralentissement de la construction de logements locatifs dû à l'exigence de rentabilité de la financiarisation et la disparition de logements populaires due à son corollaire, la gentrification, n'ont pas été les seuls facteurs expliquant la hausse des loyers. Y a aussi contribué la baisse de l'accès à la propriété (voir graphique ci-bas) due à la croissance des prix de construction résidentielle soit, de 2017 à 2022, des deux tiers dans l'ensemble des régions métropolitaines du Canada — 50% à Montréal — (Statistique Canada, Indices des prix de la construction de bâtiments, selon le type d'immeuble). Y ont contribué la hausse du prix du bois de construction depuis la pandémie (Trading Economics, Lumber) sans oublier la spéculation foncière (Zacharie Goudreault,La spéculation immobilière fait gonfler la facture du réaménagement de Griffintown, Métro, 1/05/19) qui n'affecte pas seulement les terrains industriels dont le prix « a doublé entre 2020 et 2022 sur la Rive-Sud de Montréal » (Thomas Gerbet,Northvolt : voici les coulisses de l'achat record du terrain avec votre argent, Radio-Canada, 29/11/23).

Julia Posca et Guillaume Hébert,Crise du logement : un marché locatif en manque d'encadrement, IRIS, 29/06/23 --- Rebekah Young, L'abordabilité des logements au Canada mise à mal, Banque Scotia, 18/01/23

L'écart béant entre capacité de payer et loyer n'a pas encore gagné le Québec versus le Canada

« Plus d'un ménage canadien sur cinq (soit 3,1 millions de ménages sur 14,9 millions) a franchi ce seuil [frais de logement représentent 30 % ou plus des revenus avant impôts des ménages] dans le recensement de 2021. Pour les locataires, il s'agit d'un ménage sur trois (soit 1,6 million de ménages). En outre, ce chiffre tient déjà compte de l'aide au logement subventionné que touchaient alors 12 % des ménages locataires » (Rebekah Young, L'abordabilité des logements au Canada mise à mal, Banque Scotia, 18/01/23). Pour le Canada, une étude du Canadian Centre for Policy Alternatives (CCPA) basée sur le recensement de 2021 démontre l'écart parfois considérable entre le salaire minimum et le salaire horaire nécessaire pour payer le loyer moyen du marché. Font exception les trois moins importantes régions métropolitaines du Québec contrairement à Gatineau. C'est moins pire pour Montréal et Québec tout comme pour les grandes villes des provinces de l'Est sauf Halifax (voir graphiques ci-bas).

Facteur aggravant, le recensement de 2021, en pleine pandémie, incluait les relatives généreuses subventions au revenu. « …tout indique que la situation des ménages locataires à faible et modeste revenus n'a fait que se détériorer, à la suite de l'arrêt des transferts gouvernementaux liés à la COVID-19. […] tous les indicateurs démontrent une augmentation du taux de pauvreté au Québec depuis 2021, notamment en raison d'une forte poussée inflationniste et de l'insuffisance des prestations sociales de derniers recours. »

Les causes de la hausse des loyers n'ont rien à voir avec l'immigration, au pire un déclencheur

De commenter les auteurs de l'étude sur les causes : « les politiques de suppression des salaires, telles que le recours à des travailleurs étrangers temporaires comme moyen de pourvoir les postes vacants au lieu d'augmenter les salaires pour attirer les travailleurs nationaux ; une faible offre de logements à loyer contrôlé ; et une mauvaise réglementation du marché du logement qui donne la priorité à ‘'la réalisation de profits plutôt que la sécurité du logement''. Macdonald affirme que la situation empire rapidement en raison de la hausse des taux d'intérêt et du coût élevé de la construction, tandis que Tranjan a souligné la législation provinciale qui exacerbe les conditions du marché, notamment la décision de l'Ontario d'éliminer le contrôle des loyers pour les nouveaux logements et la tentative du Québec de mettre fin aux transferts de baux. » (Vanessa Balintec, Minimum wage couldn't land you a 1-bedroom unit years ago. Now, it's even worse. Here's why, CBC News, 18/07/23).

L'ensemble des causes évoquées par les auteurs de l'étude du CCPA est d'autant plus à signaler que dernièrement la seule cause explicative des hausses de loyer retenue par les analystes patentés est la hausse de l'immigration (Gérald Fillion, Analyse : La hausse de l'immigration alimente-t-elle la hausse des loyers ?, Radio-Canada, 23/11/23). Celle-ci est bien réelle (Oxford Economics, Housing spotlight : Surging newcomers initially boost rental demand, octobre 2023) mais elle concerne en grande partie les travailleurs temporaires pourtant (mal) logés par leur employeur attitré. Qu'importe, l'analyste de Radio-Canada, à contrario de son article, mentionne l'insuffisance du soutien au logement toutes catégories de la récente annonce de l'énoncé économique d'Ottawa. De son côté, l'analyse d'Oxford Economics souligne à double trait que pour le Canada « [a]u deuxième trimestre 2023, l'investissement résidentiel s'était contracté pendant cinq trimestres consécutifs [et prévoit un] ralentissement jusqu'à la mi-2024 [ce qui] entraînera une baisse globale de 25 % par rapport au par rapport au pic du 1er trimestre 2022. » La cause immédiate est peut-être l'immigration — dangereuse explication structurelle qui a servi à catapulter l'extrême-droite néerlandaise (Alex De Jong, Far-right electoral victory in the Netherlands, ESSF, 24/11/23) — mais celle structurelle est une question d'offre déficiente. La déficience du secteur privé s'explique tout simplement par l'absence de demande solvable telle que démontrée par l'analyse du CCPA. Selon l'ancien leader du FRAPRU, François Saillant, cette déficience est plus profonde, plus politique.

« Le prix moyen des logements à louer à Montréal est frappé par une hausse de 10% par rapport à octobre 2022. C'est clair que le marché, la crise comme elle est là, fait l'affaire des grands investisseurs, des fonds d'investissement immobiliers et à mon avis, c'est ce qui explique qu'à l'heure actuelle, on ne construit pas plus de logements, comme la logique le voudrait. […] À chaque fois qu'il y a des crises, il se construit très peu de logement. Au début des années 2000 il y avait une grande rareté dans le logement locatif. À ce moment-là il se construisait principalement des condos. Puis c'est juste dans les années 2010 que la construction de logements locatifs a repris. […] Une des particularités de la crise actuelle, si on la compare aux début des années 2000, c'est qu'aucun centre urbain n'est épargné. » (L'Étoile du Nord, Les promoteurs immobiliers renforcent la pénurie en baissant les mises en chantier, 13/11/23).

Ottawa saborde la construction de logements sociaux malgré une favorable situation budgétaire

Qu'en est-il du côté gouvernemental ? On remarque que l'évolution du marché du logement résidentiel se combine avec celle des politiques gouvernementales du logement qui vont à l'encontre de la première. Plus devient inaccessible le logement populaire produit par le marché, moins il se construit de logements sociaux. Tout a basculé il y a trente ans sous le gouvernement Conservateur : « Selon Cathy Crowe, une infirmière de rue de longue date travaillant auprès des populations sans logement, l'un des principaux facteurs de la pénurie de logements était un programme que le gouvernement fédéral a annulé en 1993. Le Canada avait jusqu'alors financé 20 000 nouveaux logements sociaux chaque année - mais depuis le programme a été supprimé, Crowe affirme que le pays a connu depuis 30 ans un déficit de nouveaux logements abordables, ce qui a entraîné des listes d'attente chroniquement longues pour accéder à un logement. Elle a été témoin des conséquences de cette crise. Chaque mois, elle voit entre 10 et 16 noms ajoutés au mémorial de Toronto pour les personnes décédées alors qu'elles vivaient sans logement. » (Emily Fagan, Homelessness in Canada has reached a humanitarian crisis level, experts warn, Ricochet, 28/08/23).

Cet abandon par les Conservateurs de la construction de logements sociaux n'a pas été corrigée par les Libéraux fédéraux. « ‘'Le gouvernement Trudeau semble oublier qu'il a mis sur pied une Stratégie nationale sur le logement qu'il présente lui-même comme un plan de plus de 82 milliards $ en dix ans, mais qui rate complètement la cible'', s'exclame Véronique Laflamme […] « c'est l'orientation même de la Stratégie qu'il faut revoir, puisqu'elle vise uniquement à construire de plus en plus de logements, sans se soucier de leur accessibilité financière pour les personnes et les familles qui sont les principales victimes de la crise ». […] ‘'…même les logements que la société d'état qualifie d'abordables sont beaucoup trop chers pour les ménages à faible et même modeste revenus'' […] seule l'Initiative pour la construction rapide de logements (ICRL), financée à trois reprises par le gouvernement fédéral pour un total de 4 milliards $, échappe aux critiques, puisqu'elle est dédiée à la réalisation de projets sans but lucratif pour les Autochtones, les personnes en situation d'itinérance et autres populations vulnérables. Or, le dernier budget fédéral ne contenait aucun nouvel investissement en sa faveur. […] …l'ensemble des sommes de la stratégie doivent être dirigées vers le secteur hors-marché » (FRAPRU, Retraite du cabinet fédéral : Ce n'est pas un Sommet qui va régler la crise du logement, 23/08/23).

Quand on se rend compte « que les loyers [abordables] sont fixés en fonction du marché environnant et ce, pour une période de temps limitée […], le logement abordable peut être le fait du secteur sans but lucratif, mais aussi de promoteurs privés à but lucratif ». L'allocation budgétaire fédérale au logement démontre sa basse priorité : « …le budget de la SCHL ne représente que 1,3 % de l'ensemble des dépenses publiques du gouvernement. En comparaison, celui du ministère de la Défense nationale du Canada y compte pour 6,5 % » (FRAPRU, Stratégie nationale sur le logement - Le grand négligé : le logement social, Printemps 2022). « C'est bien la pénurie de logements sociaux, ainsi qu'un manque d'encadrement du marché locatif privé qui sont les principaux responsables de l'effritement du parc locatif répondant à la capacité de payer des locataires. […] la part du logement social au sein du parc locatif québécois a diminué pour la première fois de son histoire entre les deux derniers recensements, passant de 11,2% à 10,1%. »

Le dernier énoncé économique du gouvernement fédéral « trop peu, trop tard » gardait le cap sur la même politique malgré une situation budgétaire des plus favorable vis-à-vis les autres pays du G-20 (voir graphiques ci-bas). « [L]e Conseil national du logement, constatait en avril dernier que cette politique [Stratégie nationale sur le logement] avait largement échoué. Il rapportait alors que le gouvernement n'a construit que 115 000 logements dans le cadre de cette stratégie entre 2017 et 2022 alors que le Canada a perdu 500 000 logements abordables entre 2011- 2021. L'approche libérale n'a jamais été suffisamment ambitieuse dans ce domaine (comme dans plusieurs autres, dont l'environnement, où le gouvernement avait pourtant été auréolé comme un visionnaire) et, comme au Québec, elle s'est essentiellement bornée à stimuler de l'investissement privé » (Guillaume Hébert, Mise à jour économique : pour l'instant, Freeland ne cède pas face à la démagogie, IRIS, 22/11/23).

Source : Testimony to House of Commons Finance Committee Pre-Budget Hearings, Center for Future Work, 20 octobre 2023 tiré de Guillaume Hébert cite plus haut

Ottawa et Québec substituent le soi-disant logis « abordable » soumis au marché à celui social

« À la suite d'ententes signées avec Ottawa, ce sont les provinces et les territoires qui ont pu décider de l'utilisation des sommes fédérales. […] Dans le cas du Québec, comme tous les logements sociaux qui y étaient réalisés jusque-là impliquaient des fonds fédéraux, leur développement est carrément tombé à zéro. […] Il a fallu les efforts combinés d'organismes communautaires et de grandes municipalités pour que le gouvernement québécois se laisse convaincre d'annoncer, en mars 1997, le financement de son propre programme [de logement social] baptisé AccèsLogis […] qui a jusqu'ici permis la livraison de près de 37 000 unités » en 25 ans soit un dérisoire 1500 logis par année en moyenne. « La réalisation de logements sociaux n'est cependant jamais revenue à la hauteur qu'elle avait à la fin des années 1980, avant qu'Ottawa ne commence à charcuter les budgets qui y étaient consacrés avant de s'en retirer unilatéralement […]

Or, depuis le milieu de la décennie 2010, le programme a souffert d'un sous-financement chronique qui l'a empêché de s'adapter à l'explosion des coûts dans le domaine de l'immobilier. Alors que 2800 nouveaux logements sociaux avaient pu ouvrir leurs portes en 2013-2014 en vertu de ce programme, ce nombre a diminué continuellement pour se situer autour de 660 en 2020-2021... (FRAPRU, Crises du logement et droits humains au Québec, décembre 2022). « [O[n ne peut que noter que, depuis son élection en 2018, le gouvernement Legault n'a financé que 4700 des 14 000 logements sociaux promis au Québec. […] La ministre responsable de l'Habitation, France-Élaine Duranceau, quant à elle, a déposé en fin de session un projet de loi très favorable aux propriétaires et qui ne tient pas compte des principales demandes des locataires, comme un registre des loyers. Devant le tollé, elle a soutenu que les locataires qui veulent pouvoir céder leur bail « n'ont qu'à investir en immobilier ». (Michel C. Auger, Les déconnectés du logement, La Presse, 25/06/23)

Ce sous-financement a servi d'excuse pour saborder AccèsLogis au profit d'un nouveau programme dont le nom en dit long : Programme d'habitation abordable du Québec (PHAQ). Est-ce que le remplacement du « social » par « abordabilité », d'autant plus qu'on mélange les deux, a été un gage de succès ? « Ce mois-ci [septembre 2023], ça fait un an que le PHAQ est officiellement en fonction. Combien des 41 projets financés il y a un an sont en chantier ? Trente ? Moins. Vingt ? Moins. Dix ? Moins. Un projet. Vous avez bien lu : un seul projet sur 41. […] Le problème, c'est l'attitude générale du gouvernement Legault, en particulier sa préférence pour le secteur privé. […] La subvention du privé a été rehaussée pour rejoindre celle des organismes sans but lucratif et coops d'habitation. […] Même si le programme a été conçu pour attirer le privé, celui-ci n'a pas l'air très intéressé : seulement 5 des 41 projets choisis en septembre 2022 provenaient du privé. Ce n'est pas étonnant. Il n'y a pas d'argent à faire à gérer des logements sociaux. […] Le principal problème : les montages financiers sont compliqués parce que Québec ne paie pas une portion assez importante du coût de construction d'un logement social. La subvention provinciale ne couvre que de 30 à 38 % des coûts réels de construction, alors que ça devait être 45 % dans le PHAQ et que l'objectif d'AccèsLogis au départ était de 50 % » (Vincent Brousseau-Pouliot, Un seul projet sur 41 en chantier, La Presse, 20/09/23).

Les municipalités davantage sollicitées n'en ont pas les moyens (Charles Lecavalier, La fin d'AccèsLogis critiquée par les villes et l'opposition, La Presse, 27/02/23) d'autant plus que la CAQ leur refile en grande partie les déficits du transport en commun et ne leur donne pas assez de sous pour la prise en mains des conséquences des extrêmes climatiques et de l'exacerbation des problèmes sociaux. Et quand elle s'y essaient, comme la Ville de Montréal l'a fait, l'efficacité n'est pas au rendez-vous tellement elles sont prises en souricière entre besoins sociaux criants et leur dépendance envers les promoteurs immobiliers source principale de leurs revenus budgétaires (André Dubuc, Le milieu des affaires tire à boulets rouges sur le règlement montréalais, La Presse, 10/11/23). Encadré par le désengagement gouvernemental et la course à obstacle qu'est le PAHQ, l'engagement de la construction de 8 000 logements abordables-sociaux sur 5 ans de la récente mise à jour économique du Québec, à moitié financés par Ottawa, ne feront pas long feu d'autant plus qu'ils sont nettement insuffisants « alors que près de 40 000 ménages sont sur une liste d'attente » des HLM (FRAPRU, Annonces sur le logement dans la Mise à jour économique : « Ça ne sera pas suffisant », estime le FRAPRU, 7/11/23). Quant à la sous-traitance au Fonds de solidarité FTQ et à Desjardins, elle n'est qu'un pis-aller.

Pour le contrôle des loyers du marché, le logement social doit damer le pion au logement privé

La politique du logement est devenue une politique de soutien à l'entreprise privée pour en définitive soutenir la financiarisation du marché du logement : « Pourtant les gouvernements diminuent leurs investissements dans la réalisation de nouveaux ensembles publics, coopératifs et sans but lucratif. Pire, ils détournent les sommes et les programmes jusque-là dédiés au logement social, pour les réorienter vers le marché privé, dans le but de construire un grand nombre de logements. Ils font le pari que les ménages qui prendront possession de ces logements neufs (et chers) en libéreront des moins chers, qui pourront être repris par des ménages moins fortunés. Or, cette stratégie est vouée à l'échec. Lors d'une crise du logement aussi profonde, les loyers des logements libérés ne restent pas "abordables" ; ils sont au contraire fortement rehaussés lors de la remise en location » (FRAPRU, Dossier noir, Logement et pauvreté au Québec, 8e édition, 2023).

Si l'on se fie à l'expérience suédoise d'avant l'ère néolibérale, il faudrait que 40% du stock de logements totaux, locatifs et en propriété, soit de caractère public ou coopératif pour que leurs loyers encadrent et soumettent, de par leur influence sur le marché, les loyers du secteur privé (Turner, Bengt ; Magnuson, Lena. Chapitre VIII. Suède, la fin d'un modèle ? In : Le logement social en Europe au début du xxie siècle : La révision générale, Presses universitaires de Rennes, 2010, spécialement le tableau 1 pour 1991). Étant donné la faible part du stock de logements sociaux au Québec, soit environ 10% des logements locatifs, il faudrait au grand minimum que la moitié des logements totaux construits au Québec chaque année soient de caractère social c'est-à-dire hors marché privé, soit au moins 25 000 par année et non pas les 5 000 l'an préconisé par Québec solidaire. À terme, le droit au logement l'emporterait sur le marché du logement où règne de plus en plus sa financiarisation tous azimuts. Si le logement est un droit et non une marchandise, on se demande d'ailleurs pourquoi l'ensemble des logements existants ne devraient-il pas être socialisés à commencer par ceux en location.

Le FRAPRU, le RCLALQ et les Solidaires abandonnent le logement populaire au marché financiarisé

Le FRAPRU émet une série de demandes très partielles pour corriger la situation :

• Toutes les sommes prévues pour les différents fonds et initiatives de la Stratégie doivent être utilisées pour du logement social.
• Les transferts aux provinces et aux territoires en matière d'habitation doivent être augmentés de manière à leur donner davantage de moyens pour réaliser un plus grand nombre de nouveaux logements sociaux, ainsi que pour rénover et réhabiliter tous ceux qui ont été réalisés par le passé.
• L'Initiative pour la création rapide de logements doit être récurrente et le gouvernement doit y ajouter du supplément au loyer quand c'est nécessaire.
• Le gouvernement fédéral doit financer l'acquisition d'immeubles à logements existants pour qu'ils soient socialisés, notamment dans le but de freiner l'effritement du parc de logements encore accessibles financièrement et lutter contre la marchandisation et la financiarisation.
• Ottawa doit allouer ses terrains fédéraux excédentaires à des projets de logement social.
• Toutes ces actions et d'autres qui pourraient être posées devraient contribuer à la socialisation d'une plus grande part du parc de logements locatifs au Québec et au Canada.
(FRAPRU, Crises du logement et droits humains au Québec, décembre 2022)Q

Ces revendications qu'on ne peut qu'appuyer n'ont pas cependant l'aspect percutant, précis et concret de la revendication phare du FRAPRU de l'ajout de 10 000 logements sociaux par année, perdue dans la brume du désespoir et de l'impuissance semble-t-il, que pourtant commande la crise actuelle s'installant à demeure. On retrouve cette revendication dans la plateforme électorale 2022 de Québec solidaire : « Québec solidaire s'engage à entamer un grand chantier de construction de 50 000 logements sociaux écoénergétiques en privilégiant la mixité sociale pour toutes les catégories de population et veillera à améliorer l'accès à un logement décent aux personnes autochtones vivant en milieu urbain ou en communauté. » S'y ajoute un engagement de « contrôle obligatoire des coûts de location appuyé sur un registre des loyers » pour atténuer l'information asymétrique entre propriétaires et locataires, ce qui cependant ne résout pas le pouvoir des propriétaires sur les locataires.

On remarque que les Solidaires combinent lutte sociale et lutte climatique en préconisant la construction de logements sociaux à consommation d'énergie quasi ou carrément nulle. C'est en ce moment tendanciellement possible même pour des maisons individuelles (Hélène Schaff, Consommation d'électricité : la sobriété énergétique, ça coûte vraiment cher, Journal de Montréal) d'autant plus pour du logement collectif. Récupérer ce gisement de « négawatts » coûterait beaucoup moins cher à nos gouvernements que les subventions gargantuesques pour la filière batterie et les investissements tout aussi gargantuesques en mégawatts qui en découlent. On ne peut cependant dire que cette revendication clef ait été exagérément soulignée par le parti tant au cours de la campagne électorale que depuis lors malgré une profusion de communiqués de presse sur la question du logement. On doit aussi déplorer un recul de la campagne électorale 2018 à celle de 2022 où il faudrait deux mandats et non un seul pour construire ces 50 000 logements sans compter que le parti s'est mis à mêler logements sociaux et logements abordables. Quant à la restauration écoénergétique des bâtiments existants, la plateforme du parti baigne dans le flou artistique sans plan et sans échéance.

La revendication de la socialisation du logement mêlant nouvelles constructions et expropriation du stock existant afin que le logement social en vienne à dominer le marché se doit d'être portée par le parti se revendiquant celui du prolétariat et du peuple-travailleur. Tout en y militant pour le construire, c'est là une bataille idéologique à mener par la gauche anticapitaliste et radicale tout comme en parallèle au sein des organisations luttant pour le droit au logement, lesquelles foisonnent au Québec, à commencer par les fédérations nationales que sont le Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) et le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ). C'est d'ailleurs le seul moyen de rendre chaque logement écoénergétique car un logement loué où les frais de chauffage sont la charge du locataire devient un barrage infranchissable pour accomplir cette tâche à moins d'imaginer une coercition des propriétaires-locateurs ce qui est antinomique à un gouvernement défendant la propriété privée.

Cependant, le rapport de forces pour gagner la socialisation, ou tout simplement la hausse substantielle de la construction et l'acquisition de logements sociaux, dépasse les organisations populaires s'en réclamant. Il va y falloir un fort mouvement gréviste, au cœur duquel on voit bien les syndicats de la construction, associé au mouvement populaire et soutenu si ce n'est guidé par le parti prolétarien qui pourrait être Québec solidaire s'il renonce à ses amours avec la petite- bourgeoisie des PME. Ce serait là une grève combinant lutte sociale et lutte climatique, seule stratégie pour vaincre le capital immobilier allongeant ses tentacules jusqu'au logement populaire. Ce rejeton du capital financier est devenu la planche de salut, soutenu à fond par l'État, du capitalisme néolibéral en crise (Pierre Dubuc, Les requins de la finance se régalent d'avance, L'Aut'Journal, 19/06/20). Faudra-t-il un mouvement gréviste allant jusqu'à la grève générale pour mettre les épaules au plancher de cet ogre du business planétaire dont les pharaoniques constructions inutiles, inaccessibles et ruineuses le disputent à la prolifération des armements alimentant des guerres impérialistes confinant à la barbarie génocidaire. Tout comme le gigantisme immobilier luxuriant des Émirats arabes unis, hôte invraisemblable de la COP28, ces guerres ukrainienne et palestinienne, grosses de troisième guerre mondiale à moins de soutenir les peuples opprimés luttant pour leur libération nationale, doivent susciter ce même grand mouvement gréviste afin d'inverser le cours des événements vers la catastrophe.

Marc Bonhomme, 2 décembre 2023

www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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Code Bleu : Des soignant-e-s organisent un die-in et manifestent devant le bureau du premier ministre pour exprimer leur solidarité avec leurs collègues en Palestine

5 décembre 2023, par Collectif — , , ,
Montréal, le 30 novembre 2023 - Des dizaines de soignant-e-s organisent un die-in et des centaines manifestent devant le bureau de François Legault pour dénoncer la dévastation (…)

Montréal, le 30 novembre 2023 - Des dizaines de soignant-e-s organisent un die-in et des centaines manifestent devant le bureau de François Legault pour dénoncer la dévastation ciblée des établissements de santé qui a fait des centaines de victimes parmi les travailleurs-euses de la santé en Palestine. Cette action s'inscrit dans le cadre d'une journée d'action pancanadienne menée par des travailleurs-euses de la santé exigeant un cessez-le-feu immédiat et permanent à Gaza, la fin des attaques visant le personnel et les infrastructures de santé, la fin du siège et du système d'apartheid israélien.

« Notre action Code Bleu d'aujourd'hui symbolise notre solidarité avec nos collègues de Gaza, dont des centaines ont été pris pour cible, blessé-e-s, détenu-e-s, ou tué-e-s par les forces israéliennes depuis le 7 octobre, et pour dénoncer la destruction délibérée et à grande échelle des infrastructures de santé à Gaza », a déclaré l'une des organisatrices, une infirmière communautaire qui a préféré garder l'anonymat en raison du climat intense de représailles qui vise les travailleurs de la santé.

Dans une lettre ouverte envoyée aujourd'hui au Premier ministre Trudeau, au ministre fédéral de la Santé Mark Holland et aux ministres provinciaux de la Santé, plus de 3300 travailleurs de la santé à travers tout le Canada exigent un cessez-le-feu immédiat et permanent, la fin des attaques visant le personnel et les infrastructures de santé, ainsi que la fin du siège de Gaza et du système d'apartheid israélien. L'action de Montréal met en lumière la responsabilité du Premier ministre du Québec, François Legault, dans le massacre en cours en refusant d'adopter une motion de cessez-le-feu et en maintenant les plans d'ouverture d'une délégation québécoise à Tel-Aviv alors qu'Israël commet un génocide.

« Plus de 14800 personnes ont été tuées et un blocus prive la population déjà assiégée à Gaza d'eau, de carburant, de nourriture, d'électricité, de communication, de soins de santé depuis des semaines, avec le soutien de nos gouvernements. En tant que soignant-e-s, nous avons la responsabilité morale d'agir pour mettre fin à ce génocide », a déclaré un médecin organisateur qui a préféré garder l'anonymat en raison des représailles vécues par ses collègues.

Gaza était déjà rendue « invivable » par un blocus de 16 ans et 56 ans d'occupation. Le déplacement forcé de plus de 1,7 million de personnes dans la bande de Gaza et les attaques croissantes contre les Palestinien-ne-s en Cisjordanie sont la continuation de l'occupation et de l'apartheid israélien, qui doivent cesser », a déclaré une étudiante en sciences de la santé participant à l'action.

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Blocage des voies ferrées de Montréal pour exiger un cessez-le-feu permanent à Gaza, la fin du génocide en cours et la fin de l’occupation de la Palestine.

5 décembre 2023, par Collectif — , , ,
Montréal, 1er décembre 2023 - Alors qu'Israël reprend ses attaques sur les habitant.e.s de Gaza après huits jours du "répit", des membres de la communauté montréalaise ont (…)

Montréal, 1er décembre 2023 - Alors qu'Israël reprend ses attaques sur les habitant.e.s de Gaza après huits jours du "répit", des membres de la communauté montréalaise ont bloqué les voies ferrées en réponse à l'appel "Shut it down for Palestine ", réclamant que le premier ministre Justin Trudeau appelle à un cessez-le-feu immédiat et permanent dans la bande de Gaza. Cette action s'inscrit dans un mouvement de blocage des voies ferrées grandissant à travers le pays, afin d'interrompre le soutien canadien au génocide commis par Israël à Gaza et à la violence croissante contre les Palestinien.ne.s en Cisjordanie.

"Nous passons à l'action alors que le massacre recommence parce que le génocide doit cesser, a dit Sarah Aly une militante pour la décolonisation qui participe au blocus. Et pour que ça arrive, les Etats occidentaux, le Canada compris, doivent cesser de soutenir Israël et son occupation de la Palestine. Soyons clairs : Israël ne pourrait pas commettre tous ces crimes sans le soutien matériel et politique de l'Occident, y compris de notre gouvernement canadien. Il s'agit d'un nettoyage ethnique. C'est un génocide. Il doit y avoir un cessez-le-feu permanent dès maintenant !"

"L'ampleur de la dévastation est inimaginable. Plus de 15 000 personnes ont été tuées par les bombardements israéliens sur Gaza, dont plus de 6 000 enfants et 249 professionnel.le.s de la santé. Près de 1,6 million de personnes, dont la plupart sont des réfugié.e.s, ont été déplacées de force. Des quartiers et des villages, des hôpitaux, des ambulances, des camps de réfugiés et des écoles ont été complètement détruits, tandis qu'un siège a privé la population de Gaza d'eau, de carburant, de nourriture, d'électricité, de communication et de soins de santé. En même temps, les attaques se sont multipliées contre les Palestinien.ne.s de Cisjordanie, faisant au moins 240 morts et plus de 2 700 blessés, des violences qui se sont poursuivies malgré la trêve temporaire", a déclaré Aly.

"La complicité du Canada dans ces crimes s'incarne à travers l'augmentation des exportations militaires, le soutien militaire direct, le soutien politique et diplomatique continu, ainsi que l'opposition constante aux tentatives de poursuivre Israël pour crimes contre l'Humanité et pratique de l'apartheid devant la Cour Pénale Internationale", a ajouté Anas Hamid, un artiste également présent lors du blocus.

Hamid a participé à la création d'une installation artistique pendant le blocus représentant des villages détruits en Palestine.

"Les villages détruits en Palestine rappellent la première Nakba autant que la destruction actuelle de Gaza. Avec cette œuvre, nous voulons souligner le fait que le Canada et Israël sont tous deux des États colonisateurs. Le chemin de fer a joué un rôle clé dans la colonisation des terres autochtones ici. L'image des trains canadiens roulant sur les ruines des villages palestiniens symbolise de manière frappante le lien entre le colonialisme canadien et le colonialisme israélien. Les "valeurs communes" souvent mises de l'avant comme étant au cœur de l'alliance du Canada avec Israël incluent la volonté de maintenir les populations colonisées dans un état de peur et d'asservissement", a poursuivi M. Anas.

"Comme le dit l'un de nos slogans, du Canada à la Palestine, l'occupation est un crime !"

"Nous voulons particulièrement attirer l'attention sur les liens entre le CN et la société israélienne Zim Integrated Shipping Services, qui constituent un important canal de transport de marchandises entre les deux pays, avec des ports d'escale dans des villes canadiennes sur les côtes Est et Ouest, et dont les conteneurs sont envoyés par chemin de fer pour atteindre les marchés à travers le Canada."

"Notre action d'aujourd'hui fait écho aux blocages de 2020, lorsque des groupes autochtones et des sympathisant.e.s à travers le pays ont bloqué les rails pour protester contre les pipelines coloniaux", a déclaré Eitan Berg, un autre militant pour la décolonisation participant à l'événement.

"Nous sommes à nouveau ici pour stopper le colonialisme dans son élan. Tout
comme nous nous opposons au colonialisme en cours ici au Canada, nous nous
opposons à l'occupation coloniale qui a lieu en Palestine. Par le blocus et les perturbations économiques, nous interrompons aujourd'hui notre complicité dans la dépossession et l'assassinat des Palestinien.ne.s".

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Immigration : Les gens d’affaires avant le regroupement familial

5 décembre 2023, par Anne Michèle Meggs — , ,
Les exemples de l'approche utilitariste du gouvernement en matière d'immigration abondent. Cependant, la cerise sur le sundae se trouve dans la politique de planification de (…)

Les exemples de l'approche utilitariste du gouvernement en matière d'immigration abondent. Cependant, la cerise sur le sundae se trouve dans la politique de planification de l'immigration pour 2024, annoncée le 1er novembre dernier. On y voit peut-être l'ultime pied de nez aux personnes immigrantes qui, aux yeux du gouvernement, ne sont pas « utiles » pour le Québec, c'est-à-dire celles de la catégorie du regroupement familial.

28 novembre 2023 | tiré de l'Aut'journal
https://lautjournal.info/20231128/immigration-les-gens-daffaires-avant-le-regroupement-familial

Dès la campagne électorale de 2018, le premier ministre mettait un accent particulier sur cette catégorie, répétant à plusieurs reprises qu'il fallait absolument que le Québec « rapatrie » l'ensemble des pouvoirs la concernant. Il n'était pas très clair sur les motifs. Il semblerait, à l'entendre, que cette catégorie était particulièrement néfaste pour l'avenir du français au Québec. Il s'agit d'un argument peu convaincant puisque cette catégorie ne représente qu'à peine 24 % de l'immigration permanente et que la moitié des personnes admises déclarent pouvoir communiquer en français lors de leur admission. De plus, la moitié sont des enfants de moins de 14 ans et seront donc inscrits dans les écoles françaises du Québec.

L'argent plutôt que les familles

Cinq ans plus tard, la planification annoncée par le gouvernement privilégie clairement l'argent au regroupement des familles québécoises. Car n'oublions pas que les personnes qui parrainent les conjointes ou conjoints et leurs enfants à l'étranger sont les Québécoises et Québécois « de souche » ou qui ont obtenu un statut permanent grâce à la sélection québécoise.

Le plan d'immigration pour l'année 2024 prévoit une croissance continue de la catégorie économique, tout en maintenant stable le seuil pour la catégorie familiale. De plus, il annonce l'admission de 6 600 personnes de la sous-catégorie « gens d'affaires » au-delà du seuil régulier de 50 000 admissions et des quelques 6 500 admissions additionnelles prévues dans le cadre du Programme d'expérience Québec-diplômés maintenant réservé à des jeunes diplômés ayant fait des études en français.

Il est légitime que le gouvernement sélectionne plus de personnes dans la catégorie économique. Mais la sélection économique génère les demandes de regroupement familial. Plusieurs témoignages ont souligné ce fait incontestable, lors des consultations devant la Commission parlementaire sur la planification de l'immigration.

Les demandes de résidence permanente dans la catégorie « regroupement familial » – dont les dossiers sont approuvés par le fédéral, les ententes de personne garante signées avec le Québec et les Certificats de sélection du Québec délivrés – s'accumulent à Ottawa parce que le gouvernement du Québec n'en reconnait pas la pertinence économique et refuse d'augmenter les seuils de cette catégorie.

Le résultat est aussi évident qu'inévitable. En date du 20 novembre 2023, le délai de traitement d'une demande de résidence permanente du Québec pour le parrainage d'un conjoint ou d'une conjointe déjà au Québec avec un statut temporaire était de 25 mois. Le délai pour la même demande émanant d'une autre province était de 10 mois. Lorsque le partenaire parrainé était toujours à l'étranger, l'attente au Québec était de 33 mois ; dans le reste du Canada, 13 mois. Pire encore pour le parrainage d'un parent ou un grand-parent ; au Québec, le délai à prévoir était de 47 mois, mais dans le reste du Canada, 22 mois.

Cette situation est inhumaine et inexplicable. Une des orientations du gouvernement pour les deux prochaines années est « de favoriser l'intégration sur le marché du travail des personnes issues de toutes les catégories d'immigration ». Le gouvernement sait très bien que la plupart des conjointes et conjoints ont l'intention de travailler dès leur arrivée. De plus, des modifications réglementaires annoncées au mois de mai feront en sorte que la personne garante s'engage à soutenir l'apprentissage du français de la personne parrainée.

Les gens d'affaires

La démarche gouvernementale est tout autre pour la sous-catégorie « gens d'affaires ». Dans ce cas, on sait qu'il y avait 15 400 de ces riches investisseurs et membres de leurs familles sélectionnées par le Québec en attente de leur résidence permanente à la fin de 2022.

Contrairement à la stabilisation des seuils pour la catégorie familiale, le gouvernement n'a pas cessé d'augmenter les seuils des admissions pour la sous-catégorie des gens d'affaires dans un effort pour réduire les dossiers en attente de demandes de résidence permanente des investisseurs.

En 2020 et 2021, le nombre d'admissions dans cette sous-catégorie n'avait pas atteint le seuil prévu. Pourquoi ? Parce que la vaste majorité des immigrants investisseurs sont originaires de la Chine et que la politique très restrictive de confinement de la Chine liée à la pandémie a empêché les personnes de quitter le pays.

Le Québec fait cependant rapidement du rattrapage. En 2022, les admissions additionnelles prévues en « rééquilibrage » postpandémie ont permis au gouvernement de dépasser le seuil prévu dans cette sous-catégorie – 5 196 admissions d'investisseurs avec un seuil établi à 4 300. En 2023, le rattrapage continue avec 5 035 immigrants investisseurs déjà admis à la fin septembre, même si le seuil a été maintenu à 4 300. Maintenant, dans le Plan d'immigration pour 2024, on voit un seuil établi entre 6 600 et 7 900 admissions de gens d'affaires, si on additionne les cibles « régulières » et celles « hors des cibles régulières ».

Rappelons quelques faits concernant les personnes admises dans la sous-catégorie « investisseurs ». Au cours de la décennie 2012 et 2021, seulement 16 % étaient toujours au Québec en janvier 2023. Originaires presque exclusivement de la Chine, celles qui attendent leur résidence permanente sont très peu nombreuses à déclarer pouvoir communiquer en français.

Le programme est suspendu depuis novembre 2019, mais renaîtra de ses cendres en janvier 2024 avec quelques nouvelles conditions, notamment un séjour d'un an au Québec avant de présenter une demande et une connaissance du français de niveau 7. Il faudra chercher ailleurs qu'en Chine pour en trouver.

Même avec ces nouvelles conditions, le programme demeure un mécanisme qui permet à des ultra-riches d'acheter la résidence permanente et donc la citoyenneté canadienne. L'émission Enquête de Radio-Canada a diffusé en septembre 2018 un reportage en profondeur peu flatteur du programme. Il présente des consultants qui expliquaient à des demandeurs, avec des fortunes parfois de source louche et sans une résidence au Québec, comment contourner les conditions d'admissibilité. Il note en même temps que « le programme est une manne pour les courtiers et les institutions financières, comme Desjardins et la Banque Nationale ». Le ministre d'alors, David Heurtel, a reconnu le problème de rétention, mais est cité pour avoir déclaré : « Même si l'immigrant investisseur va ailleurs au Canada, l'argent reste. »

Les valeurs québécoises

Récapitulons. Avec sa planification utilitariste de l'immigration, ce gouvernement met les bouchées doubles pour baisser les demandes en attente dans un programme qui attire l'argent des personnes de l'étranger, plutôt que les personnes elles-mêmes. En même temps, on ne voit pas la même préoccupation pour les demandes en attente qui permettront le regroupement des familles québécoises. Il est à se demander s'il trouve qu'il faudra trop investir dans tous ces enfants de l'étranger avant qu'ils ne deviennent rentables pour le Québec.

Le premier ministre a souvent laissé entendre que l'immigration pourrait avoir un effet néfaste sur les valeurs québécoises, comme stipulé dans notre Charte des droits et libertés de la personne. N'oublions pas que cette même Charte considère que « tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi ».

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Il faut mettre fin à la crise du logement

5 décembre 2023, par Collectif la ville que nous voulons — , ,
Dans notre société le logement est considéré comme un objet d'affaires et de commerce lucratifs alors que c'est un droit fondamental reconnu par l'ONU. L'article 25 de la (…)

Dans notre société le logement est considéré comme un objet d'affaires et de commerce lucratifs alors que c'est un droit fondamental reconnu par l'ONU. L'article 25 de la Déclaration des droits de l'Homme précise que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité́ en cas de chômage, de maladie, d'invalidité́, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté́. »

La Ligue des droits et libertés rappelle que le droit au logement est consacré dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) auquel le Québec a adhéré. Nous pouvons donc affirmer que la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, à l'article 45, consacre implicitement le droit au logement : « Toute personne dans le besoin a droit, pour elle et sa famille, à des mesures d'assistance financière et à des mesures sociales, prévues par la loi, susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent ». 1

Or, il est évident que le droit au logement ainsi que l'ensemble des droits mentionnés à l'article 25 de la Déclaration de l'ONU et dans la Charte des droits et libertés du Québec sont très faiblement respectés lorsque nous constatons à quel point sont nombreuses les personnes privées d'un revenu adéquat pour accéder à un niveau de vie suffisant.
Pour sortir de la crise du logement il faut voir que cette crise est intimement liée aux inégalités sociales et économiques créées par le régime capitaliste et ses alliés politiques. Il importe donc que le logement cesse d'être considéré comme un objet de consommation, une source de profits pour des promoteurs peu soucieux de répondre aux besoins des personnes.

Le collectif La ville que nous voulons appuie les revendications de nombreux groupes et organisations qui visent à assurer de véritables dispositions pour protéger les droits des locataires, des gens à faible revenu, des personnes itinérantes. Le 27 novembre dernier le Comité des citoyens et citoyennes du quartier Saint-Sauveur (CCCQSS), le Comité logement d'aide de Québec Ouest (CLAQO), le Comité populaire Saint-Jean-Baptiste et le Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) réunis devant les bureaux du Conseil du trésor à Québec ont rappeler l'appauvrissement de dizaines de milliers de locataires de Québec. 2

Nous appuyons aussi le Collectif de Québec contre le projet de loi 31 du gouvernement du Québec qui attaque les droits des locataires en abolissant, à toute fin pratique, le droit de cession de bail. La ministre responsable de l'Habitation, France-Élaine Duranceau, a rejeté les revendications du Collectif opposé à ce projet de loi qui donnera des pouvoirs aux propriétaires qui en profiteront pour augmenter les loyers. La ministre, ex-spéculatrice immobilière a donc décidé de maintenir les dispositions de l'article 7 de son projet de loi, qui permet à un propriétaire de refuser une cession de bail sans « motif sérieux » 3

Quelques conditions essentielles pour sortir de la crise du logement

Les gouvernements doivent prévoir, à court terme, des investissements publics suffisants pour que soient construits des logements accessibles financièrement. Il faut un soutien financier pour la construction de logements sociaux ainsi que pour augmenter le nombre de coopératives de logement permettant aux membres de participer à la gestion de leur lieu de résidence.

La ville que nous voulons exige que soient interdite toute fermeture de maisons de chambre qui sont susceptible d'affecter gravement les personnes à risque d'itinérance qui se retrouveront sans ressources pour se loger. De plus, nous considérons que tout aménagement et projet de développement doit faire l'objet d'une acceptation par les citoyennes et citoyens des quartiers ou secteurs concernés ; ils doivent recevoir toutes les informations nécessaires pour exercer leur droit de décider.

Serge Roy
Pour le collectif La ville que nous voulons

Québec, 4 décembre 2023

Notes
1.PL31 – Un coup bas pour le droit au logement, Ligue des droits et libertés - https://liguedesdroits.ca/pl-31-un-coup-bas-pour-le-droit-au-logement/
2.Le FRAPRU et ses membres de la ville de Québec se mobilisent pour revendiquer des logements sociaux – Communiqué - https://www.frapru.qc.ca/rassemblement-chantier/
3. Pivot, https://pivot.quebec/2023/11/29/pl31-et-cessions-de-bail-acte-dernier/

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Espoir et solidarité, regard sur le congrès de Québec Solidaire de 2023

5 décembre 2023, par Laure Frappier-L. — , ,
Les injustices sociales pullulent. La guerre, le racisme, l'insécurité alimentaire, le manque de solidarité sociale, l'effondrement de nos services publics, la difficulté pour (…)

Les injustices sociales pullulent. La guerre, le racisme, l'insécurité alimentaire, le manque de solidarité sociale, l'effondrement de nos services publics, la difficulté pour toutes et tous à se loger décemment, le manque d'action face à la crise climatique, les enjeux d'accessibilité aux services et ressources, l'appauvrissement de la population, la précarité, les enjeux démographiques, et j'en passe.
Le climat pré-congrès était fébrile. Les membres portaient en elles et eux une multitude de préoccupations, qui dans le contexte actuel pouvaient prendre une ampleur considérable. Au final, plus de 800 membres ont répondu présent.e lors du congrès en présentiel à Gatineau, ce qui a représenté pour plusieur.e.s temps et argent, en plus du casse-tête qui peut accompagner cette absence de la maison (Qui gardera les enfants ? Serons-nous en mesure de prendre deux jours de congé ou plus pour faire la route jusqu'au congrès ? Etc.) Malgré les quelques places encore disponibles dans la salle, l'importance de ce congrès se faisait bien sentir et l'énergie des militantes et militants était au rendez-vous.

La conférence d'ouverture à propos de la transition énergétique, à laquelle participaient Adrienne Jérôme, de la communauté anishnabe de Lac-Simon, la professeure en géographie Cynthia Morinville et Jean-Philippe Meloche, professeur à l'École d'urbanisme et d'architecture de paysage de l'Université de Montréal a permis d'entrer doucement et tranquillement dans cet enjeu épineux, notamment au travers du discours de Mme Jérôme (portant sur « les bouleversements » liés à la transition énergétique, pour reprendre les mots de cette sage dame), dont le rythme apaisant, évoquait celui des vagues caressant le sable, nous permettait une pause, un souffle avant cette fin de semaine qui s'annonçait chargée. Plusieurs autres représentant.e.s de communautés autochtones ont également été bien visibles lors du congrès, que ce soit lors d'ateliers, de prises de parole ou de conférences. La volonté de tisser des liens et de faire de la politique “avec” et non “pour” les peuples autochtones semblent continuer à faire son chemin au sein du parti.

Le panel animé par Haroun Bouazzi permettait finalement de mettre en valeur les conclusions de sa tournée sur l'avenir énergétique du Québec et de mettre la table pour les différentes propositions qui allaient être discutées le lendemain. Notons en particulier la sensibilité des délégué.e.s du congrès face aux inégalités régionales et financières qui peuvent être créées par certaines pistes de la transition. Bien sûr on ne souhaite pas, par l'élimination de la TVQ sur l'achat et la réparation des produits usagés, encourager la croissance du parc automobile. Les délégués du congrès ont toutefois convenu que l'amendement visant à exclure les véhicules usagés de cette proposition risquait de nuire de façon démesurée aux personnes à faible revenu et à leur capacité de se déplacer. Cela n'empêche en rien Québec Solidaire de miser en priorité sur les projets de transport collectif, enjeux par ailleurs soulevé lors du débat des candidates et très bien abordé par Christine Labrie.

Le congrès a par ailleurs été un moment d'échange sur des propositions qui touchent une grande partie de la population québécoise. Pour n'en nommer que quelques-unes, les membres ont pu se pencher sur la mise en place d'un programme d'alimentation scolaire universel dans les écoles primaires et secondaires publiques du Québec, le plafonnement des marges de profits des grandes chaînes d'alimentation, ou encore de la possibilité d'augmenter le salaire minimum à 20$ de l'heure afin de pallier à l'inflation et au coût de la vie.

La ligne d'arrivée

“Mais pourquoi ne parle-t-on pas de l'élection de la co-porte-parole féminine” vous demanderez-vous. Nous y arrivons.

C'est qu'il nous faut comprendre le contexte pour comprendre le choix des membres. Il faut comprendre comment les candidates ont rejoint le cœur des militantes et militants dans leurs préoccupations locales, régionales et, pourquoi pas, mondiales.

Alors que les trois candidates ont chacune fait une brillante campagne, une d'entre elles semble avoir répondu davantage aux attentes des solidaires. Il est vrai qu'Émilise n'a remporté la victoire que par quelques voix. Bien que nous pourrions débattre du pourcentage par lequel elle l'a obtenu (ou encore de l'absence d'une partie de son électorat potentiel engendré par les obstacles à la participation pour se rendre à Gatineau), nous aborderons plutôt ce pourquoi Émilise semble être la candidate toute désignée pour ce rôle. Par où commencer ? Chacune des candidates a fait une campagne à leur image. Ruba Ghazal a su inspirer les troupes par sa combativité, son expérience politique et son désir de s'aventurer dans des thèmes comme la culture, la langue et l'identité pour aborder de front le discours souverainiste que Québec Solidaire souhaite renouveler. Christine Labrie a quant à elle fait campagne sur la réactualisation du discours politique dans Québec Solidaire. Elle a mis de l'avant son efficacité et sa compréhension des enjeux bureaucratiques, lesquels pourraient permettre d'aller chercher un électorat peut-être plus libéral. Lors du débat final des candidates le 25 novembre au matin, Christine a été fidèle à elle-même et a tenu sa ligne directrice. Elle a misé sur l'importance à ses yeux de montrer à la population que Québec Solidaire a la capacité de bien administrer le Québec. Elle a su répondre de façon claire et concise à plusieurs questions posées, ajoutant à l'occasion une petite touche d'humour. De son côté, Ruba ne semblait pas avoir toute l'étendue de sa flamme habituelle. Elle a cependant réitéré plusieurs éléments fondamentaux de sa plateforme en répondant avec un vocabulaire s'adressant à un public plus large. Elle est revenue sur l'intérêt d'un nationalisme pour toutes et tous et sur l'importance d'élargir le vote vers une population vieillissante et vers les banlieues. Enfin, les trois candidates ont discuté brièvement de leur vision pour la prochaine campagne électorale de 2026, laquelle devrait s'inspirer de la campagne à succès de 2018.

C'est toutefois l'authenticité et la fougue d'Émilise, la candidate de la « rue[ralité] » qui auront su convaincre les solidaires que sa voix saurait nous porter plus loin. Son énergie et son aplomb sur scène n'auront pas manqué de rappeler la façon dont elle a mené son combat pour la santé de la population en se levant contre la multinationale Glencore (dans le dossier de la fonderie Horne). À entendre les réactions dans la salle, ce moment aura sans doute permis de convaincre les indécis qu'il pouvait encore y avoir à ce moment.

Il est vrai que Christine et Ruba auraient peut-être été des candidates possédant une vision se ralliant un peu plus à celle de Gabriel Nadeau-Dubois. Le pragmatisme de Ruba et les forces administratives de Christine ont plu à plusieur.e.s et ces qualités auraient sans nul doute été utiles en tant que co-porte-parole féminine. Mais au final, c'est la complémentarité du duo GND - ÉLT que les membres ont semblé souhaiter pour le mandat à venir. Ce duo s'inscrit dans la poursuite de la tradition d'un balancier représentant les urnes et la rue. Le côté extra-parlementaire permet de poursuivre l'intention initiale des fondateurs de Québec Solidaires d'accorder une importance égale à ce qui se passe au parlement qu'à ce qui se passe dans les rangs militants (et moins militants).

Lors du discours de Gabriel Nadeau-Dubois dédié à sa collègue et ex co-porte-parole féminine Manon Massé, ce dernier a verbalisé que Manon était là pour l'aider à se “grounder”. C'est sa différence, son approche plus expérientielle et son empathie qui, nous croyons, ont aidé Manon à tenir ce rôle. En ce sens, Émilise possède les mêmes cartes dans sa manche et, souhaitons-le, réussira à incarner un rôle de leader empathique et de femme du peuple, digne du legs de son prédécesseur féminin.

Qui plus est, l'authenticité rayonnante d'Émilise ranime non seulement la flamme militante, mais aussi la solidarité des membres. Émilise ne fait pas que nommer qu'elle est à l'écoute, elle le démontre. Elle dévoile sa compréhension des enjeux qui affectent les individus dans leur quotidien. Elle l'exprime avec brio à l'aide d'exemples concrets qui réfèrent à des êtres humains réels avec des difficultés réelles avec lesquels elle a pris le temps de discuter. Trop souvent en politique, les réponses semblent toutes faites, planifiées pour “fitter” dans le cadre prévu, pas celles d'Émilise. En s'exprimant, elle nous communique son sentiment sincère de faire partie de ce tout rassembleur. Elle ne fait pas simplement être à l'écoute des préoccupations des gens, elle le vit elle aussi. Émilise fait partie du peuple et ça se sent. C'est probablement pour cela que lorsqu'elle parle, on a le sentiment le plus profond qu'elle fera tout en son pouvoir pour incarner les valeurs solidaires.

Laure Frappier-L. avec la délégation de Qs Rimouski.

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Haroun Bouazzi questionne le refus du gouvernement Legault de maintenir le monopole d’Hydro-Québec

5 décembre 2023, par PTAG — , ,
Harroun Bouazzi, député de Québec solidaire (Maurice-Richard) a dénoncé le refus du gouvernement de la CAQ de soutenir une motion défendant le monopole d'Hydro-Québec sur la (…)

Harroun Bouazzi, député de Québec solidaire (Maurice-Richard) a dénoncé le refus du gouvernement de la CAQ de soutenir une motion défendant le monopole d'Hydro-Québec sur la production d'hydro-électricité. La réponse du ministre Pierre Fitzgibbon, malgré ses prétentions, démontre son encouragement à la remise en question de ce monopole. Assemblée nationale, 30 novembre 2023.

Extrait de la vidéo de l'Assemblée nationale sur cette période de questions.

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Au Canada, manger du phoque est « bon pour l’environnement »

5 décembre 2023, par Alexis Gacon — , ,
En berne depuis l'embargo européen de 2009, la chasse au phoque tente de revenir sur le devant de la scène au Canada grâce à une massive campagne de publicité vantant la viande (…)

En berne depuis l'embargo européen de 2009, la chasse au phoque tente de revenir sur le devant de la scène au Canada grâce à une massive campagne de publicité vantant la viande et la fourrure du mammifère marin.

Tiré de Reporterre.

« La viande de phoque, je la considère comme le superaliment. Pour moi, c'est la meilleure viande qui existe. » Les mots sont d'un professeur de cuisine qui témoigne, dans une capsule promotionnelle, de son amour pour la viande de phoque, qu'il cuisine notamment en tataki. D'autres chefs en font des burgers, dont un baptisé le Phoque Brigitte Bardot dans un restaurant de Kamouraska, au Québec. Une seconde vidéo, relayant le témoignage d'une artiste inuit, vante le caractère « durable » de la fourrure de phoque pour confectionner des bottes d'hiver, tandis qu'une autre souligne les bienfaits de l'huile de phoque, riche en oméga 3.

Le phoque ? « Bon pour vous, bon pour l'environnement. » La campagne du Réseau de gestionnaires de la ressource du phoque, chapeauté par l'Institut de la fourrure du Canada, financé en partie par le gouvernement fédéral, vise à doper l'industrie de la chasse et élargir ses débouchés. L'année dernière, Ottawa avait déjà tenu le Sommet sur les phoques, pour discuter des possibilités d'exportation du mammifère marin.

« Le phoque ne va pas remplacer le porc ! »

L'industrie du phoque se cherche de nouveaux débouchés, car rien n'est plus pareil depuis l'embargo de l'Union européenne sur les produits dérivés de l'animal, signé en 2009. Le Parlement européen, qui qualifiait la chasse au phoque « d'inhumaine », avait justifié l'embargo au nom « de la morale publique européenne », après des années de sensibilisation de la part d'associations environnementales.

L'idée derrière la campagne publicitaire est donc de redonner de la légitimité à la pratique. Pour Gil Thériault, directeur de l'Association des chasseurs de phoques intra-Québec et candidat du Parti libéral du Québec aux dernières élections provinciales, cette chasse ne devrait pas avoir si mauvaise presse. « L'embargo européen s'est fondé sur des raisons morales. Comment c'est possible ? s'étonne-t-il. Ici, la chasse aux phoques a toujours fait partie de la vie. C'est une ressource locale, abondante. Plutôt que d'importer de la viande de l'autre bout du monde, on l'a ici. Ça reste un marché de niche, en plus. Ce n'est pas du grand abattage. Le phoque ne va pas remplacer le porc. » En 2023, le nombre de phoques tués dans l'est du pays n'atteint pas le quart du total de 2008.

Une campagne trompeuse

Il assure cependant que le Québec raffolerait du phoque si les infrastructures du secteur permettaient de soutenir l'intérêt, qui va crescendo. « Aux îles de la Madeleine [un archipel du golfe du Saint-Laurent], il y a de la demande pour 10 000 phoques par an à la boucherie, mais elle ne peut en traiter qu'un tiers. » Une seule usine existe en ce moment au Québec pour débiter la viande de phoque et elle est dépassée, assure-t-il. « Je préférerais qu'on mette de l'argent pour former les chasseurs et améliorer les infrastructures plutôt que dans la pub. On a mis la charrue avant les bœufs. »

Mais pour Sheryl Fink, qui milite depuis vingt-cinq ans sur le sujet au sein du Fonds international pour la protection des animaux (Ifaw), la campagne est trompeuse. « La publicité dit que le phoque “augmente l'énergie” quand on le mange. Cette même affirmation pourrait être faite pour n'importe quel type de viande. Le phoque n'est pas spécial. » De plus, la viande de phoque, ne serait pas si bonne pour la santé. « Comme les phoques se trouvent en haut de la chaîne alimentaire marine, ils peuvent accumuler des métaux lourds, tels que le mercure », réplique-t-elle.

La population en hausse

« La chasse se déroule sur des plaques de glace et il est difficile pour un chasseur sur un bateau, dans la houle, de tuer un phoque d'un seul coup, note pourtant Sheryl Fink. Je l'ai observé, il arrive souvent qu'un phoque soit blessé par un tir, qu'il se mette à tourner sur lui-même et à se débattre. Souvent, il glisse dans l'eau et meurt de ses blessures. Dans le cas du matraquage [toujours légal], nous voyons des chasseurs courir sur la glace, poursuivre un phoque en essayant de le frapper à la tête avec une massue. »

Yoanis Menge, un photographe des Îles de la Madeleine qui a vécu en immersion avec des chasseurs de phoque, assure, lui aussi, que cette chasse ancestrale est respectueuse de l'animal. « Les Premières nations la pratiquent aussi et l'ont transmise aux gens d'ici, indique-t-il. Tout le phoque est utilisé lorsqu'il est chassé. Quand on ne vit pas dans la nature, c'est difficile de saisir cette culture. Mais ils sont chassés de manière éthique et efficace. »

« C'est une chasse en plein air… Alors que ce qui se passe dans les abattoirs, on le cache, balaye Gil Thériault. Un phoque vit en liberté, jusqu'au moment où il est atteint par une balle de fusil. On l'a surprotégé et on voit le résultat ! Il y en a trop et ça menace grandement les stocks de poissons. »

La population de phoques gris dans l'est du Canada est estimée à plus de 360 000, indique Pêches et Océans Canada. Celle des phoques du Groenland, qui partagent leur hiver entre l'Arctique canadien et le Groenland, atteindrait 7,6 millions dans l'Atlantique Nord-Ouest, contre 2 millions au début des années 1970, à la suite d'une forte diminution dans les années 1950, d'après les données fédérales. La hausse est nette, mais peut-on vraiment dire qu'il y a trop de phoques ?

Menacés par la fonte de la banquise

Bernard Vigneault, directeur général des sciences des écosystèmes au ministère des Pêches et des Océans, dessine une situation contrastée. D'après les recherches menées par les scientifiques fédéraux canadiens, le phoque du Groenland n'est pas considéré comme un facteur déterminant dans la baisse du stock de morue. Par contre, la morue du sud du golfe du Saint-Laurent est décimée par les phoques gris, qui mangent chacun plus d'une tonne de poissons par an. « La surpêche et la prédation du phoque gris limitent le rétablissement de la morue, de la merluche blanche ou de la raie tachetée », explique le chercheur. Il estime aussi qu'au vu du nombre de prises actuelles — 40 000 phoques du Groenland et près de 1 500 phoques gris ont été tués en 2023 — une augmentation des prises des chasseurs de phoques serait bénéfique.

L'Ifaw, elle, rétorque que les poissons et les autres créatures marines coexistent depuis des millénaires, sans qu'il soit nécessaire que l'homme s'en mêle.

L'inquiétude pour l'avenir des phoques provient surtout de la baisse constatée du nombre de bébés et de la diminution du couvert de glace. Or, le phoque du Groenland a besoin de la banquise pour se reproduire. La vulnérabilité de l'espèce au réchauffement climatique est « très claire » .

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Des GES, des GES, oui toujours plus de GES !

5 décembre 2023, par Coalition Halte-Air Saint-Hubert — , ,
Longueuil, 29 novembre 2023. - La Coalition Halte-Air St-Hubert affirme que le développement du terminal Porter Airlines / DASH-L émettra bel et bien des gaz à effet de serre (…)

Longueuil, 29 novembre 2023. - La Coalition Halte-Air St-Hubert affirme que le développement du terminal Porter Airlines / DASH-L émettra bel et bien des gaz à effet de serre (GES), contrairement à ce que voudrait faire croire S-P. Diamond, le vice-président aux affaires corporatives de l'aéroport Saint-Hubert YHU.

« *Même la construction de l'aérogare, d'un hôtel de 130 chambres et l'aménagement d'un stationnement de 3000 places ne se fera pas sans émission de GES, parce qu'aucune des machineries ni aucun des camions nécessaires pour ce faire ne fonctionne à l'eau, encore moins tout le trafic routier qui découlera des 4 millions de passagers visés et du transport du kérosène qui alimentera la centaine d'avions par jour qui ne volera pas au parfum de rose * », déclare Jacques Benoit, de la Coalition Halte-Air St-Hubert.

Pour le Professeur Julien Keller de la Coalition, qui assistait à l'événement de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain le 24 novembre dernier
<https://drive.google.com/file/d/1Ij...> ,
les déclarations du v.-p. de DASH-L sont d'ailleurs en totale contradiction avec les propos que son directeur général, M. Yanic Roy, y a tenus, à savoir que le trafic aérien sur le grand Montréal atteindrait « *30 millions de passagers en 2030, 40 millions en 2040 et 50 millions en 2050 * », et que l'aéroport de Saint-Hubert participerait au développement de ce
trafic, aujourd'hui d'environ 20 millions de passagers. Le développement de l'aéroport Saint-Hubert, selon M. Roy, s'inscrirait donc dans une politique globale d'augmentation du nombre de passagers et de vols, et non pas dans un simple déplacement de ces vols de Montréal-Trudeau (YUL) vers Saint-Hubert (YHU).

Or l'industrie aérienne repose sur le pétrole, une source majeure d'émissions de GES qui ne cessent d'augmenter : +6.7 % sur l'île de Montréal en 2021 par rapport à 2020, reprenant leur hausse interrompue par la pandémie de COVID-19.

Quant au processus de certification à l'Airport Carbon Accreditation (ACA) auquel fait référence le v.-p. de l'aéroport, cela fait bien rire M. Benoit. « *Ce « programme mondial de gestion du carbone pour les aéroports » dépend de l'ACI, l'Airport Council International, une
association de 500 aéroports à travers l'Europe. C'est comme demander aux compagnies de tabac de certifier que leurs cigarettes ne causent pas le cancer !*, déclare-t-il. « *Ce n'est pas un programme de gestion du carbone, mais seulement du greenwashing ! * » dit-il encore. « *Les seuls avions silencieux qui ne font pas de GES sont les avions en papier ! »*, ajoute-t-il.

Pour la Coalition, si le projet de développement avait d'abord été déposé avec les études probantes, pour qu'on évalue sa pertinence et sa nécessité au vu de ses impacts économiques, sanitaires et climatiques, on n'en serait pas à discuter chaque semaine d'affirmations toutes plus frivoles les unes que les autres.

« *Il serait temps que les propos du v.-p. de l'aéroport soient un plus sérieux : mener les études d'empreinte carbone, de pollutions sonores et atmosphériques du terminal pendant sa construction, c'est un peu comme si un étudiant demandait son diplôme avant d'avoir suivi les cours ! »* conclut le Prof. Keller.

La Coalition Halte-Air Saint-Hubert est un regroupement de groupes et de citoyen.ne.s qui réclame un moratoire sur tout développement de l'aéroport de Saint-Hubert
<https://www.change.org/p/pour-un-mo...> tant et aussi longtemps que le plan complet du projet, incluant les coûts publics, n'aura pas été déposé publiquement et que tous ses impacts, non seulement économiques, mais aussi sanitaires et climatiques, présents et futurs, n'auront pas été analysés et discutés sérieusement et publiquement devant les citoyen.e.s.

Pour information :

coalition.halteair@gmail.com

https://www.facebook.com/coalitionhalteairSH

instagram.com/coalitionhalteairsh/
<https://www.instagram.com/coalition...>

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Au Québec, les feuillus pourraient se déplacer vers le nord. Voici les conséquences potentielles sur le paysage forestier boréal

5 décembre 2023, par Fabio Gennaretti, Maxence Soubeyrand — , ,
Au Québec, on retrouve deux types de forêt distincts : la forêt tempérée nordique au sud et la forêt boréale au nord. Ces écosystèmes forestiers fournissent une diversité de (…)

Au Québec, on retrouve deux types de forêt distincts : la forêt tempérée nordique au sud et la forêt boréale au nord. Ces écosystèmes forestiers fournissent une diversité de services importants au fonctionnement global de la planète et de notre économie. On peut par exemple penser au stockage de grandes quantités de carbone atmosphérique, aux habitats pour de nombreuses espèces, ainsi qu'à la fourniture de matière première pour l'industrie du bois, qui est un pilier de l'économie québécoise et canadienne.

Tiré de La conversation.

Étudiant au doctorat à l'UQAT, je travaille sur le potentiel de colonisation de l'érable à sucre, du bouleau jaune et de l'érable rouge au nord de leur aire de répartition, dans la forêt boréale mixte. Ces trois espèces emblématiques des forêts d'Amérique du Nord sont d'une importance capitale au niveau économique (bois d'œuvre, fabrication de contreplaqué, pâte, ou sirop d'érable pour l'érable à sucre) et contribuent à la diversité des forêts québécoises.

La forêt mixte, entre biome tempéré et boréal

La forêt mixte est située au niveau de la zone de transition (écotone) entre les forêts boréale et tempérée.

Elle désigne la région où ces deux forêts se rencontrent, créant une zone dans laquelle les caractéristiques de ces deux types de forêts s'entremêlent. Cet amalgame se caractérise par une coexistence complexe entre les espèces feuillues tempérées et les conifères typiques de la forêt boréale.

C'est dans cet écotone que les feuillus tempérés atteignent la limite nord de leur répartition.

Un futur incertain pour la forêt boréale mixte

L'impact combiné de l'augmentation des températures (de 2 à 8 °C d'ici 2100) et de l'aménagement forestier dans la forêt boréale mixte pourrait modifier la croissance et la distribution des espèces tempérées. Les services écosystémiques fournis par ces espèces pourraient être alors altérés.

Cette transformation pourrait être profonde. Car les espèces de feuillus tempérés pourraient migrer vers le nord et même devenir des espèces dominantes au sein des peuplements de la forêt boréale mixte.

Un tel changement dans la composition forestière de la forêt boréale mixte pourrait avoir des conséquences majeures pour l'industrie forestière, les régimes de perturbations naturelles et la biodiversité associée aux espèces d'arbres dominantes dans les forêts. Cependant, l'incertitude entourant l'implication des facteurs qui influencent le succès de l'établissement et de la croissance des feuillus tempérés dans la forêt boréale mixte reste considérable.

Il est essentiel de comprendre comment la croissance et la capacité d'établissement des feuillus tempérés au sein des peuplements de la forêt mixte sont influencées par des facteurs tels que le climat, les caractéristiques du sol et les interactions de compétition entre les arbres pour obtenir une vision complète de l'avenir de la forêt boréale mixte.

Des feuillus dans la forêt boréale mixte ?

Dans le cadre de mes travaux de doctorat, nous avons tenté de modéliser les interactions de compétition entre les arbres en tenant en compte des effets des changements climatiques sur leur croissance. Ce modèle simule chaque arbre dans un peuplement. Chaque année, les arbres croissent, se reproduisent et peuvent éventuellement mourir. La croissance de chaque arbre dépend de la lumière que l'arbre reçoit, de la compétition pour les nutriments et pour l'espace, et du climat.

Dans notre étude, publiée dans la revue Ecography, nous avons exploité ce modèle pour évaluer la capacité des feuillus tempérés à s'établir au sein de peuplements de la forêt boréale mixte. Pour ce faire, nous avons procédé à la modélisation de peuplements typiques de la forêt boréale mixte, auxquels nous avons intégré des espèces de feuillus tempérés, offrant l'opportunité de coloniser ces peuplements.

Nous avons montré que les trois espèces de feuillus tempérés pouvaient coloniser le peuplement. Le bouleau jaune avait une meilleure capacité de colonisation, avec ses graines plus nombreuses et plus légères qui peuvent se disperser plus loin. L'érable rouge et l'érable à sucre présentaient quant à eux des capacités similaires pour coloniser les peuplements mixtes boréaux. Cependant, l'érable à sucre montrait une meilleure capacité à coloniser les forêts plus vieilles, en raison de sa croissance supérieure sous une canopée fermée.

La capacité d'établissement des feuillus tempérés dans la forêt boréale mixte était plus élevée dans les peuplements les plus jeunes, ainsi que dans les peuplements après une coupe totale. Par conséquent, l'aménagement forestier et les feux de forêts, en rajeunissant les paysages de la forêt mixte boréale, pourraient accélérer la migration des espèces d'arbres tempérés vers le nord.

L'augmentation des températures due aux changements climatiques ne devrait pas augmenter la capacité des feuillus tempérés à coloniser les peuplements de la forêt boréale mixte, que ce soit dans le climat actuel ou dans des scénarios de forçage climatique élevé. Cela signifie que le climat ne serait pas un facteur influençant la limite nord de répartition des espèces de feuillus tempérés, et que les changements climatiques ne devraient pas avoir d'effet immédiat sur la distribution nordique des feuillus tempérés.

Les types de sols de la forêt boréale mixte pourraient cependant être une limite à la croissance des feuillus tempérés. Dans des sols argileux, la croissance de l'érable rouge et de l'érable à sucre serait faible et ne leur permettrait pas d'être compétitifs avec les espèces déjà présentes, qui tolèrent très bien l'argile.

Les facteurs régissant la croissance des arbres tels que le climat, le sol et la compétition interagissent ensemble et peuvent rendre les prédictions concernant la distribution future des différentes espèces d'arbres très complexes.

Des effets tant positifs que négatifs

L'établissement des feuillus tempérés dans la forêt boréale mixte pourrait accroître la complexité et la diversité dans les peuplements. Cela pourrait renforcer la résistance et la résilience de la forêt boréale mixte face aux perturbations.

La présence des feuillus tempérés en forêt boréale mixte pourrait notamment atténuer les épidémies de tordeuse des bourgeons de l'épinette, car la proportion de sapins et d'épinettes serait plus faible et ces espèces seraient davantage dispersées dans les peuplements.

L'établissement des feuillus tempérés provoquera une augmentation de la proportion de feuillus dans le paysage. Ce phénomène, connu sous le nom « d'enfeuillement », est observé dans la forêt boréale mixte depuis les 100 dernières années et est principalement dû à l'aménagement forestier. Cet enfeuillement pourrait rendre les épidémies de livrée des forêts plus sévères. Cet insecte défoliateur s'attaque aux feuillus et spécialement au peuplier faux-tremble, au bouleau à papier et à l'érable à sucre.

Enfin, les régimes de feux de forêt pourraient être modifiés par les différences d'inflammabilité des feuillus et des conifères. La présence de feuillus tempérés, qui sont moins inflammables que les conifères, pourrait rallonger les cycles de feu. Cet effet positif sera cependant associé à un défi majeur pour l'industrie forestière qui aménage la forêt boréale mixte, puisque la filiale est actuellement tournée majoritairement vers les conifères.

On ne peut s'arrêter là

D'autres études de modélisation sont nécessaires pour explorer l'impact d'autres facteurs susceptibles d'influencer la capacité des feuillus tempérés à coloniser la forêt boréale mixte.

On peut notamment penser à l'impact du sol et des mycorhizes (symbiose entre les racines des plantes et des champignons) sur la germination et la croissance des arbres. Mais aussi à la prise en compte des phénomènes météorologiques, tels que les gelées tardives, qui peuvent affecter la survie et la croissance des jeunes arbres tempérés.

De plus, une modélisation à l'échelle du paysage serait bénéfique pour prendre en considération la topographie du terrain, un facteur potentiellement influent sur la capacité des feuillus tempérés à s'établir plus au nord.

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Journée mondiale de lutte contre le sida, regarder vers le passé pour définir le futur

5 décembre 2023, par Steven Ross — , ,
En 2023, la science et les diverses méthodes de prévention de la propagation du VIH permettent aux personnes atteintes du virus de vivre une vie presque normale. Bien que (…)

En 2023, la science et les diverses méthodes de prévention de la propagation du VIH permettent aux personnes atteintes du virus de vivre une vie presque normale. Bien que l'infection initialement mortelle ait été réduite au fil des ans à une maladie chronique, elle demeure toujours bien présente, tout particulièrement au sein des communautés LGBTQ+. Retour sur l'évolution du virus et perspectives des principaux intervenants dans la lutte au VIH à propos des solutions pour parvenir, une fois pour toutes, à son éradication.

Tiré de Fugues
https://www.fugues.com/2023/11/30/journee-mondiale-de-lutte-contre-le-sida-regarder-vers-lepasse-pour-definir-le-futur/?pk_campaign=L%27infolettre+de+Fugues+%231410+JEUDI+30+novembre+2023&pk_kwd=https%3A%2F%2Fwww.fugues.com%2F2023%2F11%2F30%2Fjournee-mondiale-de-lutte-contre-le-sida-regarder-vers-lepasse-pour-definir-le-futur%2F&utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_term=https://www.fugues.com/2023/11/30/journee-mondiale-de-lutte-contre-le-sida-regarder-vers-lepasse-pour-definir-le-futur/?pk_campaign=Linfolettre+de+Fugues+#1410+JEUDI+30+novembre+2023&pk_kwd=https://www.fugues.com/2023/11/30/journee-mondiale-de-lutte-contre-le-sida-regarder-vers-lepasse-pour-definir-le-futur/&utm_content&utm_campaign=Linfolettre%20de%20Fugues%20#1410%20JEUDI%2030%20novembre%202023

Par
Steven Ross
30 novembre 2023

Le 5 juin 1981 paraît le tout premier article faisant mention d'une infection touchant cinq hommes gais à Los Angeles. Le nom français utilisé mondialement pour identifier l'infection fatale est établi la même année par la Direction de la terminologie du gouvernement canadien : syndrome d'immunodéficience acquise (SIDA). En mars de l'année suivante, le Canada signale son premier cas de sida.

La lutte s'organise au milieu des années 1980 alors que la première Semaine de sensibilisation au sida au Canada est présentée à Toronto, tandis que la première Conférence canadienne sur le sida est mise sur pied à Montréal en 1985. En 1988, l'OMS proclame le 1er décembre Journée mondiale de lutte contre le sida, et, en 1990, le gouvernement canadien crée la première stratégie sur le VIH. Malgré l'avènement de la trithérapie, développée à Montréal au milieu des années 1990, le VIH devient tout de même la principale cause de décès dans le monde chez les personnes âgées de 15 à 59 ans en 2002.

Pour l'équipe de RÉZO, les communautés font aujourd'hui partie de l'équation pour éradiquer le virus, comme elles l'ont été dès le début du combat. L'organisme met donc en place plusieurs services adaptés qui ne jugent pas les pratiques et réalités des communautés, dont le dépistage communautaire à la Zone Rose de RÉZO.

Selon Alexandre Dumont Blais, directeur général de RÉZO : « Pour mettre fin à l'épidémie du VIH/sida d'ici 2030, l'exercice d'un leadership communautaire et politique est crucial afin de mettre les moyens reconnus à disposition des communautés affectées. Sans réserve ni barrière. »

La Maison d'Hérelle adopte une approche axée sur les déterminants sociaux, c'est-à-dire les éléments qui ont un impact direct sur la santé des gens. La directrice générale de l'organisme, Michèle Blanchard, pointe vers diverses pistes de solution concrètes : « Notre vision est qu'il faut prendre position pour l'accès au logement, à l'alimentation, et à du soutien pour demeurer indétectable et donc intransmissible. Ces bases sont pour nous la clé afin d'être des acteurs qui mettront fin au VIH. »

À la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida (COCQ-SIDA), on identifie cinq axes d'action prioritaires pour éliminer la transmission du VIH d'ici 2030 : le dépistage, l'adhérence aux traitements, la réduction des méfaits, les déterminants sociaux de la santé (besoins de base, droits) et les partenariats durables. Selon le directeur général de l'organisme, Ken Monteith, les acteurs communautaires ont les connaissances et les outils d'intervention qui peuvent mener à la fin de la transmission du VIH, mais les ressources sont manquantes pour les déployer adéquatement : « Ce que nous revendiquons de nos gouvernements va au-delà des questions de financement : ça nous prend en plus un engagement moral et le courage d'arrêter de mettre des bâtons dans les roues de la réponse au VIH par des lois qui éloignent les personnes des soins et fragilisent leur vie. Ça nous prend la décriminalisation de la non-divulgation du statut VIH, de la possession simple des drogues, du travail du sexe, et un accès universel à la couverture sanitaire pour toute personne sur le territoire. »

Du côté d'ACCM, on abonde dans le même sens : « Le contexte actuel de crise du logement, de crise des surdoses, d'inflation et de haine envers les communautés LGBTQ+ n'a fait qu'augmenter la précarité, la stigmatisation et les enjeux intersectionnels auxquels font face les personnes vivant avec le VIH, relate la directrice générale de l'organisation, Emilie Renahy. Force est de constater que les priorités que nous avions identifiées dans le cadre des élections municipales et fédérales de 2021 pour mettre fin à l'épidémie d'ici 2030 restent identiques : nous demandions la fin de la criminalisation de la non-divulgation du statut VIH, des drogues et du travail du sexe ; l'accès universel et la couverture de tous les services de santé, incluant les thérapies antirétrovirales, la PrEP, la PEP, le dépistage et les services de santé sexuelle. »

En plus des membres des communautés LGBTQ+, certains autres groupes ou minorités sont disproportionnellement touchés par les cas de VIH. C'est le cas notamment des personnes migrantes, rappelle Joseph Jean-Gilles, directeur général de GAP-VIES : « Nous devrons trouver une réponse adéquate au portrait accablant et inquiétant de l'infection par le VIH chez les migrants originaires de pays où la prévalence du VIH et de l'hépatite C est élevée. Un combat de tous les jours s'impose pour combattre de front la stigmatisation, la discrimination, le racisme, l'homophobie et la transphobie sous toutes leurs formes et par tous les moyens afin de contribuer à réduire les inégalités sociales en santé et en soins, ainsi que faciliter un accès universel aux soins et aux services de santé. À Montréal, éradiquer le VIH et le sida est un défi de taille et, à GAP-VIES, nous avons compris que pour atteindre cet objectif, on ne doit pas travailler de façon isolée, ce qui explique notre ancrage au quotidien dans tous les secteurs de la vie de nos populations clés qui sont très diversifiées. »

Au-delà des organismes communautaires, plusieurs acteurs privés du secteur de la santé sont mobilisés pour soutenir les personnes vivant avec le VIH et identifier les moyens les plus efficaces d'éliminer le virus.

Mentionnons à cet effet ViiV Soins de santé Canada, notamment, la seule société pharmaceutique vouée entièrement à la recherche sur le VIH/sida et à son traitement, ainsi qu'à l'amélioration de la vie des personnes touchées par le VIH/sida. L'entreprise possède une longue histoire d'engagement, en partenariat avec la communauté canadienne du VIH par le biais de son programme d'action positive pour soutenir et améliorer les initiatives communautaires qui améliorent la vie des personnes vivant avec le VIH au Canada.

Par ailleurs, du côté des efforts mis en place au niveau fédéral, le Canada est engagé dans la stratégie 95-95-95 établie par l'ONUSIDA et l'OMS afin d'aider à éliminer le virus d'ici 2030. Alors que plus de 62 000 personnes vivent avec le VIH au pays, l'objectif est d'atteindre les cibles 95-95-95 : 95 % des personnes infectées connaîtront leur statut sérologique, 95 % recevront un traitement antirétroviral continu et 95 % de celles-ci auront une suppression virale, comparativement au profil actuel qui est respectivement de 86 %, 97 % et 92 %.

Plus de 40 ans après l'apparition du VIH, les divers organismes communautaires, privés et publics sont donc toujours à pied d'œuvre pour établir les solutions les plus prometteuses afin de limiter la propagation et d'éliminer le virus de l'immunodéficience acquise.

Au moment où l'objectif semble de plus en plus près, un mot est plus que jamais de mise : espoir.

INFOS | Pour en connaître davantage sur les progrès et les actions nécessaires pour mettre fin à l'épidémie de VIH d'ici 2030, lisez le dernier rapport de l'ONUSIDA

https://www.unaids.org
À propos d'ACCM : https://accmontreal.org
À propos de RÉZO : https://www.rezosante.org
À propos de GAP-VIES : https://gapvies.ca
À propos de la Maison d'Hérelle : https://www.maisondherelle.org

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Pourquoi le pinkwashing d’Israël fonctionne-t-il autant ?

5 décembre 2023, par Zeb Zürcher — , ,
Depuis des années, les militantexs LGBTQIA+ critiquent le discours d'Israël sur les questions d'orientation sexuelle et de genre. Alors qu'il semblait y avoir une victoire – (…)

Depuis des années, les militantexs LGBTQIA+ critiquent le discours d'Israël sur les questions d'orientation sexuelle et de genre. Alors qu'il semblait y avoir une victoire – toute maigre – sur ce front, le regain des discours de soutien aux forces de « défense » israéliennes (IDF) face à une Palestine présumée homophobe est inquiétant et demande analyse.

Tiré de Gauche anticapitaliste
1er décembre 2023

Par Seb Zürcher

En 1993, la plupart des lois d'héritage britannique criminalisant l'homosexualité dans l'armée israélienne ont été révoquées, ce qui a laissé les personnes ouvertement gays et lesbiennes servir dans l'armée. Néanmoins, une division géographique au sein de l'État colonial se fait sentir, entre Tel-Aviv, bastion libéral, et le reste des zones occupées beaucoup plus religieuses et conservatrices, notamment Jérusalem.

Dès la fin des années 90, la Pride de Tel-Aviv est ainsi déjà un grand événement, largement dépolitisé comme dans une partie du monde occidental, avec un accent mis sur la fête plutôt que sur des dimensions révolutionnaires. Pour autant, des groupes tels que Black Laundry (en hébreu Kvisa Shchora) utilisent cet espace au début du 21e siècle pour visibiliser des thématiques queer et l'occupation des terres palestiniennes, en réponse à la deuxième intifada commencée en 2000.

Colonialisme aux couleurs arc-en-ciel

Ces groupes ont malheureusement peu d'échos face à la stratégie du gouvernement israélien adoptée les mêmes années. Dénommée Brand Israël en 2005, la campagne propagandiste au cœur de cette stratégie vise à redorer l'image de marque d'Israël auprès de l'Occident comme un pays moderne, cosmopolite et progressiste.

Principalement, l'idée est d'évacuer l'occupation de la Palestine le plus possible des communications internationales au profit d'aspects culturels, touristiques et festifs. Que ce soit au travers de campagnes montrant des femmes de l'IDF dans des magazines érotiques, des avancées technologiques des industries ou des spécialités culinaires.

C'est dans ce contexte que les notions identitaires sont mobilisées. Une des opérations les plus agressives de Brand Israël est de faire miroiter l'État, ici surtout Tel-Aviv, comme une des destinations les plus gay-friendly du monde. C'est un succès à une période de plus grande acceptation des identités homosexuelles (principalement masculines) dans les sociétés capitalistes, qui voient désormais les hommes gays comme un marché juteux disposant d'un certain pouvoir d'achat.

Au travers d'images aspirationnelles, Israël se crée l'image d'un pays avec de magnifiques plages pleines d'hommes musclés qu'il ne faudrait pas trop tarder d'aller rencontrer, peu importe le sort des Palestinnien.nes qui de toute façon seraient homophobes et dangereux.euses.

Fragmentation et opposition

Comme l'explique le théoricien marxiste Peter Drucker, les communautés LGBTQIA+ se retrouvent dans un processus de fragmentation dès les années 90. Si l'augmentation de la tolérance dans une partie du monde laisse découvrir à une partie des lesbiennes et des gays les joies du capitalisme, une autre partie – notamment les personnes trans, précaires et/ou racisées – se retrouve laissée sur le carreau face à un processus d'homonormalisation. Il ne s'agit plus dès lors de demander libération mais acceptation. Il devient possible de réclamer une partie du gâteau de l'exploitation capitaliste. Cela implique un glissement de la compréhension des activismes LGBTQIA+ et de leur champ d'action.

En effet, comme le dit lae chercheureuse El Chenier, ce glissement s'opère sur la notion d'identité. Un activisme basé sur la notion de libération révolutionnaire aura tendance à s'identifier avec, c'est-à-dire qu'il porte en lui une solidarité inhérente qui permet d'imaginer un changement sociétal. En revanche, lorsque l'activisme représente la protection des intérêts d'un groupe dans l'espace capitaliste, cet activisme permet au sujet d'uniquement s'identifier comme, c'est-à-dire aux autres personnes LGBTQIA+ sans réussir à étendre sa pensée sur les autres opprimé.es.

Cette fragmentation (qui n'est bien sûr pas si claire) entre un espace homonormatif et un espace révolutionnaire dans les communautés LGBTQIA+ donne ainsi lieu à des discours distincts et une incompréhension constante d'une partie du public qui a intégré un discours normatif.

Pour une grande partie des gens, si le sujet discuté par des personnes queer ne touche pas directement aux thématiques LGBTQIA+, il parait hors-sujet vu l'impossibilité de s'identifier avec mais seulement comme. Ainsi, beaucoup peuvent s'identifier aux gays en Israël, mais pas avec les Palestiniennxes sous les bombes.

Les activistes queers ont pourtant été nombreuxses à critiquer l'État d'Israël et ses campagnes de pinkwashing. Mais peut-être n'est-il pas tant surprenant que leur écho ait été au final plus limité que ce que l'on pensait.

Article initialement publié sur le site de solidaritéS le 10 Novembre 2023.

Image : Queers Against Israeli Apartheid, Edmonton Pride Parade 2011 (au Canada). Crédit photo : Kurayba ; disponible sur flickr.

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Les organismes communautaires des Laurentides craignent la réforme de santé

5 décembre 2023, par Regroupement des organismes communautaires des Laurentides (ROCL) — , , ,
Saint-Jérôme, 28 novembre 2023 - Le Regroupement des organismes communautaires des Laurentides (ROCL) s'inquiète de la nouvelle réforme du système de santé et des services (…)

Saint-Jérôme, 28 novembre 2023 - Le Regroupement des organismes communautaires des Laurentides (ROCL) s'inquiète de la nouvelle réforme du système de santé et des services sociaux, tant pour ses impacts sur les organismes communautaires que pour la privatisation accrue qu'elle entraînera.

Le projet de loi 15, qui vise à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace, est actuellement à l'étude en commission parlementaire. Ce projet de loi, dont les quelques 1200 articles font 308 pages, modifie 37 lois existantes et vient chambouler plusieurs pans du réseau de la santé. Dans la dernière décennie, les gouvernements successifs ont laissé la porte grande ouverte à la mise en place d'un réseau parallèle de santé privé. Le PL-15 s'inscrit dans cette lignée de réformes qui viendra une fois de plus fragiliser le caractère public du système de santé.

Pour le ROCL, l'adoption de ce projet de loi centralisateur n'améliora en rien l'accès aux soins dont la population a cruellement besoin.

La création de l'Agence Santé Québec, qui viendra du coup intégrer les CISSS et les CIUSSS dans la nouvelle structure, soulève aussi des questions pour les organismes communautaires notamment au niveau de la gestion du programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC).

La mégastructure envisagée par le gouvernement Legault générera inévitablement un accroissement de la bureaucratisation ainsi qu'une perte des espaces démocratiques permettant d'entendre les voix citoyennes. Avec le PL-15, le gouvernement choisit d'orchestrer un système où l'État subventionne les compagnies privées pour qu'elles dispensent des soins de santé. Ce choix contribue à l'effritement des services publics et entrave l'accès gratuit et universel aux soins.

Le ROCL se questionne aussi sur la prise en compte des réalités locales ainsi que sur l'instrumentalisation des organismes communautaires en santé et services sociaux. Dans les visées du projet de loi, les organismes semblent être perçus comme une extension du système de santé plutôt que comme des entités autonomes à part entière.

Rappelons que l'autonomie des groupes communautaires demeure un rempart démocratique important de la société québécoise. “Les groupes communautaires sont souvent ceux qui mettent en lumière les iniquités sociales et proposent des solutions pour les atténuer”, explique Farah Wikarski, agente de liaison au ROCL. La détresse sociale s'accroît avec le taux d'inflation fulgurant, ce qui exerce une pression décuplée sur les groupes communautaires et se manifeste par un accroissement notoire des demandes d'aide. Farah Wikarski ajoute : “ Devant cela, le gouvernement actuel propose très peu de mécanismes structurants qui viendraient agir sur les causes des problématiques sociales, il se contente de saupoudrer des fonds vers les causes qu'il juge importantes, sans considérer les demandes de financement global et récurrent dont les groupes communautaires ont besoin depuis longtemps.”

Afin de signifier ses craintes et son mécontentement au gouvernement Legault, le ROCL a signé la lettre de la Coalition Solidarité Santéet a participé à l'envoi de lettres aux 10 députés de la région en copie conforme au bureau de François Legault. En réponse à cette campagne de lettres, le ROCL a reçu cette réponse questionnable : “Sachez également que le nombre excessivement élevé de courriels envoyés à notre adresse constitue du harcèlement. Nous préférions vous en avertir avant de devoir transmettre cette situation problématique à la Sûreté du Québec pour analyse afin de décider de la suite à donner à ceux-ci. Nous vous prions de cesser ces envois non sollicités et d'agréer nos respectueuses salutations.”

Sophie Dion, présidente du ROCL, partage sa consternation devant cette réponse préoccupante : “ Au ROCL, on est inquiet, parce qu'on a toujours considéré que l'envoi de lettres constituait un mécanisme démocratique sain pour se faire entendre. La menace de judiciariser cette tentative d'expression ne fait que confirmer les craintes que nous avions déjà concernant le mode de gouvernance du gouvernement actuel, tout comme envers le PL-15 et le recul démocratique qu'il laisse présager”.

Le ROCL est un regroupement existant depuis maintenant 30 ans constitué de près de 170 organismes communautaires autonomes qui œuvrent dans les Laurentides. Lieu de rassemblement pour les organismes de la région, il offre de la formation, de l'accompagnement et du soutien aux organismes du territoire afin de leur permettre de s'épanouir pleinement dans leurs racines communautaires. Il vise par son action, son approche et son rôle de représentation à faire rayonner l'identité des organismes communautaires autonomes et à opérer de profonds changements pour plus de démocratie, d'équité et de justice sociale.

Voir la campagne de la Coalition Solidarité Santé :
Action en cours : Lettre aux élus pour faire obstacle au PL-15 • Coalition Solidarité Santé (cssante.com)

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Le projet de loi 15 devant une opposition sociale en pleine effervescence

5 décembre 2023, par Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles (TRPOCB) — , ,
Montréal, le 1er décembre 2023._ La Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles (Table) tient à souligner la force du message d'opposition au (…)

Montréal, le 1er décembre 2023._ La Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles (Table) tient à souligner la force du message d'opposition au projet de loi 15 (PL15) transmis depuis plusieurs semaines par les mouvements sociaux.

Uniquement cette semaine, au moins quatre actions ont eu lieu, à l'initiative de différentes organisations et alliances et réunissant des groupes communautaires et des
organisations syndicales. Alors que le gouvernement risque de recourir au bâillon pour adopter le PL15, nous l'invitons à tenir compte de la voix de la population et à poursuivre l'analyse au-delà du 8 décembre.

Le 30 novembre, le Regroupement des groupes de femmes de la région de la
Capitale-Nationale [1] (RGF-CN), ainsi que le Regroupement d'éducation populaire en action communautaire des régions de Québec [2] (RÉPAC 03-12) ont tenu un rassemblement devant l'Assemblée nationale [3] pour sonner l'alarme. Des représentantes et des représentants ont souligné le manque d'écoute du gouvernement à l'égard des mouvements sociaux et des besoins de la population. « À l'instar des personnes et organisations présentes à ce rassemblement, la Table estime que le gouvernement fait fausse route. Il doit notamment cesser d'encourager la privatisation du système public de santé et de services sociaux, d'attaquer l'autonomie de la pratique sage-femme et des groupes communautaires, et cesser de refuser de reconnaître le racisme systémique présent dans le réseau » de dire Stéphanie Vallée, présidente de la Table.

Rassemblement devant l'Assemblée nationale contre le projet de loi 15

Le même jour, la Coalition solidarité santé [4], composée de syndicats, de groupes communautaires et de diverses organisations de la société civile, a lancé la déclaration « La réforme Dubé – Tout sauf santé [5] » soulignant l'absence évidente de consensus et la poursuite de l'étude détaillée du PL15 au-delà du 8 décembre, dans le cadre d'un point de presse à l'Assemblée nationale. Cette déclaration s'ajoute à une campagne de lettres demandant aux membres de l'Assemblée nationale de faire tout en leur pouvoir pour freiner le projet de loi 15.

« En octobre dernier la Table a d'ailleurs fait partie des 250 groupes, [6] associations et organisations issus des milieux communautaire, syndical, coopératif et médical ayant signé la lettre ouverte initiée par la Coalition, intitulée Réforme Dubé : une absence évidente de
consensus [7] (La Presse, 25 octobre) et elle continuera de participer au mouvement d'opposition
» poursuit Stéphanie Vallée.

Deux jours plus tôt, environ 150 féministes ont participé à une journée entière de réflexion intitulée « Les ratés de la CAQ : Perspectives féministes [8] », le 28 novembre, à l'initiative de la FSSS-CSN [9]. Provenant des milieux syndical, communautaire et universitaire, les participantes et les panélistes ont dénoncé la réforme menée par le ministre Christian Dubé, en particulier en mettant en lumière les conséquences du projet de loi 15 sur les femmes. La
rencontre a donné lieu à la création des premières étapes d'un mouvement qui prendra assurément de l'ampleur sous le titre « Font féministe de résistance et d'action politique (FFRAP) [10] ». « La Table participera au premier appel lancé à cette occasion, en invitant
les féministes du mouvement communautaire à arborer un carré mauve [11].

Le 8 décembre, jour présumé de l'adoption du PL15 sous le bâillon, sera d'ailleurs un moment important où le mouvement communautaire démontrera sa solidarité envers les travailleuses et travailleurs de la fonction publique, en participant bruyamment aux lignes de piquetage et en arborant le carré mauve » de dire Mercédez Roberge, coordonnatrice de la
Table. Panéliste durant l'événement, celle-ci a notamment présenté les articles du projet de loi compromettant l'autonomie des organismes communautaires autonomes du domaine de la santé et des services sociaux (OCASSS), ainsi que les démarches en cours pour corriger la situation.

En effet, le 8 novembre dernier, la Table [12] a fait parvenir une lettre demandant à la Commission de la Santé et des Services sociaux de reconsidérer l'adoption des articles 435 à 450 [13] du PL15. Adoptés le 4 octobre, sans que les parlementaires ne disposent de toutes les informations, ces articles obligeront les groupes communautaires à détenir un « agrément » pour obtenir du financement sous la forme d'entente de services. « Si des OCASSS se tournent vers ce mode de financement c'est en raison de l'insuffisance de leur subvention pour leur mission globale. Ainsi, même s'il ne s'agit que d'une petite
part de leurs budgets, les groupes devront se conformer aux pratiques dictées par le MSSS pour l'obtenir, ce qui est totalement contradictoire avec les exigences d'autonomie du Programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC) qui verse la subvention pour leur mission globale.

Ayant obtenu l'appui des partis d'opposition, la Table espère que sa demande sera traitée prochainement » poursuit Mercédez Roberge. Ces actions s'ajoutent à de nombreuses autres menées ces derniers mois. La « Coalition Riposte au Plan Santé » vient d'ailleurs de relancer la diffusion des vignettes « Stoppons la machine [14] » en réaction au manque de débat démocratique entourant l'adoption du projet de loi 15.

Conçues par ses membres, soit la Coalition Solidarité Santé, le Collectif soignons la justice sociale, Head & Hands / À 2 mains, la Ligue des droits et libertés, Solidarité sans frontières et la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles, ces
vignettes (disponibles en français et en anglais) circulent à nouveau par les médias sociaux. « Le débat public demandé dès avril lors du dépôt du PL15 n'ayant toujours pas eu lieu, il ne portera que la couleur du gouvernement de la CAQ. La santé et les services sociaux sont
trop importants pour prendre des décisions sans un vrai débat public démocratique. La Table réitère donc ce message au gouvernement : il doit stopper la machine et non adopter le PL15 sous le bâillon
» conclut Stéphanie Vallée. La Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles se joint à ce large mouvement et demande au
gouvernement de prendre acte de l'ampleur de l'opposition au projet de loi 15, et surtout, de ne pas l'adopter le sous le bâillon.

SOURCE Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et
bénévoles (TRPOCB),

À propos

Fondée en 1995, la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles [16] (TRPOCB) est formée de 44 regroupements nationaux [17], rejoignant plus de 3 000 groupes communautaires autonomes à travers le Québec. Ce sont, par exemple, des maisons de jeunes, des centres de femmes, des cuisines collectives, des maisons d'hébergement, des groupes d'entraide, des centres communautaires, des groupes qui
luttent contre des injustices ayant des répercussions sur la santé. Ceux-ci représentent les ¾ des organismes communautaires autonomes du Québec. Ceux-ci abordent la santé et les services sociaux sous différentes perspectives (femmes, jeunes, hébergement, famille, personnes handicapées, communautés ethnoculturelles, sécurité alimentaire, santé
mentale, violence, périnatalité, toxicomanie, etc.).

* Stéphanie Vallée est présidente de la Table des regroupements
provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles. Elle est
également co-coordonnatrice de L'R des centres de femmes du Québec
[18].
* Mercédez Roberge est coordonnatrice de la Table des regroupements
provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles [19].

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Le projet de loi 15 devant une opposition sociale en pleine effervescence

5 décembre 2023, par Nicole Nepton — , , ,
La Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles (Table) tient à souligner la force du message d'opposition au projet de loi 15 (PL15) transmis (…)

La Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles (Table) tient à souligner la force du message d'opposition au projet de loi 15 (PL15) transmis depuis plusieurs semaines par les mouvements sociaux. Uniquement cette semaine, au moins quatre actions ont eu lieu, à l'initiative de différentes organisations et alliances et réunissant des groupes communautaires et des organisations syndicales. Alors que le gouvernement risque de recourir au bâillon pour adopter le PL15, nous l'invitons à tenir compte de la voix de la population et à poursuivre l'analyse au-delà du 8 décembre.

Le 30 novembre, le Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale (RGF-CN), ainsi que le Regroupement d'éducation populaire en action communautaire des régions de Québec (RÉPAC 03-12) tenaient un rassemblement devant l'Assemblée nationale pour sonner l'alarme. Des représentant·es ont souligné le manque d'écoute du gouvernement à l'égard des mouvements sociaux et des besoins de la population. « À l'instar des personnes et organisations présentes à ce rassemblement, la Table estime que le gouvernement fait fausse route. Il doit notamment cesser d'encourager la privatisation du système public de santé et de services sociaux, d'attaquer l'autonomie de la pratique sage-femme et des groupes communautaires, et cesser de refuser de reconnaître le racisme systémique présent dans le réseau » de dire Stéphanie Vallée, présidente de la Table.

Le même jour, la Coalition solidarité santé, composée de syndicats, de groupes communautaires et de diverses organisations de la société civile, lançait la déclaration La réforme Dubé – Tout sauf santé soulignant l'absence évidente de consensus et la poursuite de l'étude détaillée du PL15 au-delà du 8 décembre, dans le cadre d'un point de presse à l'Assemblée nationale. Cette déclaration s'ajoute à une campagne de lettres demandant aux membres de l'Assemblée nationale de faire tout en leur pouvoir pour freiner le PL15. « En octobre dernier, la Table a d'ailleurs fait partie des 250 groupes, associations et organisations issus des milieux communautaire, syndical, coopératif et médical ayant signé la lettre ouverte initiée par la Coalition, intitulée Réforme Dubé : une absence évidente de consensus (La Presse, 25 octobre) et elle continuera de participer au mouvement d'opposition » poursuit Stéphanie Vallée.

Le 28 novembre, environ 150 féministes participaient à une journée de réflexion à l'initiative de la FSSS-CSN. Provenant des milieux syndical, communautaire et universitaire, les participantes et panélistes ont dénoncé la réforme menée par le ministre Christian Dubé, en particulier en mettant en lumière les conséquences du PL15 sur les femmes. La rencontre a donné lieu à la création des premières étapes d'un mouvement qui prendra assurément de l'ampleur, soit le Front féministe de résistance et d'action politique (FFRAP). « La Table participera au premier appel lancé à cette occasion, en invitant les féministes du mouvement communautaire à arborer un carré mauve. Le 8 décembre, jour présumé de l'adoption du PL15 sous le bâillon, sera d'ailleurs un moment important où le mouvement communautaire démontrera sa solidarité envers les travailleuses et travailleurs de la fonction publique, en participant bruyamment aux lignes de piquetage et en arborant le carré mauve » de dire Mercédez Roberge, coordonnatrice de la Table. Panéliste durant l'événement, celle-ci a notamment présenté les articles du PL15 compromettant l'autonomie des organismes communautaires autonomes du domaine de la santé et des services sociaux (OCASSS), ainsi que les démarches en cours pour corriger la situation.

En effet, le 8 novembre dernier, la Table faisait parvenir une lettre demandant à la Commission de la Santé et des Services sociaux de reconsidérer l'adoption des articles 435 à 450 du PL15. Adoptés le 4 octobre sans que les parlementaires ne disposent de toutes les informations, ces articles obligeront les groupes communautaires à détenir un « agrément » pour obtenir du financement sous la forme d'entente de services. « Si des OCASSS se tournent vers ce mode de financement, c'est en raison de l'insuffisance de leur subvention pour leur mission globale. Ainsi, même s'il ne s'agit que d'une petite part de leurs budgets, les groupes devront se conformer aux pratiques dictées par le MSSS pour l'obtenir, ce qui est totalement contradictoire avec les exigences d'autonomie du Programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC) qui verse la subvention pour leur mission globale. Ayant obtenu l'appui des partis d'opposition, la Table espère que sa demande sera traitée prochainement », poursuit Mercédez Roberge.

Ces actions s'ajoutent à de nombreuses autres menées ces derniers mois. La Coalition Riposte au Plan Santé vient d'ailleurs de relancer la diffusion des vignettes Stoppons la machine en réaction au manque de débat démocratique entourant l'adoption du PL15. Conçues par ses membres, soit la Coalition Solidarité Santé, le collectif Soignons la justice sociale, À 2 mains / Head & Hands, la Ligue des droits et libertés, Solidarité sans frontières et la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles, ces vignettes circulent à nouveau par les médias sociaux. « Le débat public demandé dès avril lors du dépôt du PL15 n'ayant toujours pas eu lieu, il ne portera que la couleur du gouvernement de la CAQ. La santé et les services sociaux sont trop importants pour prendre des décisions sans un vrai débat public démocratique. La Table réitère donc ce message au gouvernement : il doit stopper la machine et non adopter le PL15 sous le bâillon », conclut Stéphanie Vallée.

La Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles, dont L'R des centres de femmes du Québec est un membre actif, se joint à ce large mouvement et demande au gouvernement de prendre acte de l'ampleur de l'opposition au PL15, et surtout, de ne pas l'adopter sous le bâillon.

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États généraux de la presse indépendante : les débats en vidéo

5 décembre 2023, par Médiapart — , ,
Cent médias et organisations ont formulé 59 propositions pour réformer la presse et le système d'information en France. Elles ont été détaillées et débattues lors d'une grande (…)

Cent médias et organisations ont formulé 59 propositions pour réformer la presse et le système d'information en France. Elles ont été détaillées et débattues lors d'une grande réunion publique, jeudi 30 novembre à Paris, à voir en streaming vidéo.

Tiré de Médiapart.

Après deux mois de discussion et les réunions de quatre groupes de travail, les États généraux de la presse indépendante ont soumis mercredi 29 novembre 59 propositions de réforme de la presse et de notre système d'information. Cette initiative, proposée début octobre par le Fonds pour une presse libre, est une réponse aux États généraux de l'information présidentiels, officiellement lancés le 3 octobre par l'Élysée.

Cette démarche officielle nous a inquiétés à plusieurs titres. La méthode politique choisie n'est pas la bonne : nommer une commission dans des conditions obscures, selon des critères inconnus et dans le secret du pouvoir élyséen ne confère aucune légitimité ; formuler un ordre du jour vague parce que terriblement vaste, alors que les urgences s'accumulent depuis des années… ; fixer un calendrier interminable puisque cette initiative présidentielle est censée déboucher sur un rapport (un de plus ?) à l'horizon du mois de juin... Enfin, le pouvoir suprême prétendant réformer « le contre-pouvoir », cela fait sourire ou protester.

Cent médias indépendants et organisations, syndicats de journalistes (SNJ, SNJ-CGT), collectifs de journalistes (Informer n'est pas un délit, Profession pigiste, etc.), associations de défense des droits (Sherpa, Maison des lanceurs d'alerte, etc.), associations de défense de la liberté d'informer (Un Bout des médias, Fonds pour une presse libre, Acrimed, etc.), ont donc décidé de se réunir. Pour construire d'autres états généraux, ceux d'une presse indépendante au service des citoyennes et citoyens.

C'est une initiative rare, exceptionnelle même, tant il ne s'agissait pas pour ces cent participants de mettre seulement leur signature sous un texte, mais de tenter de construire ensemble, malgré leur diversité et leurs désaccords légitimes, une plateforme commune de réformes urgentes et indispensables. Pas pour nous, journalistes. Mais pour l'ensemble de nos publics, pour défendre et renforcer cette liberté fondamentale qui est le droit de savoir de chacune et chacun, celui de connaître toute information qui relève de l'intérêt public.

Une consultation en ligne a été organisée durant trois jours, du 24 au 27 novembre, pour valider ou exprimer des désaccords sur les propositions soumises. Le résultat est là : 59 propositions réunies dans un livret numérique.

Ces propositions ont été détaillées et débattues lors de la grande réunion publique organisée le 30 novembre, à Paris, à voir en streaming vidéo. Cette réunion est suivie d'événements et débats organisés les semaines suivantes en régions, à Lille, Strasbourg, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Clermont-Ferrand ou Vire.

Visionner la vidéo des échanges et débats.

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Précarité des femmes sans statut

5 décembre 2023, par Samira — , ,
Samira Jasmin, militante à Solidarité sans frontière, sans papier pendant 10 ans et membre du comité des 12 jours d'action contre les violences faites aux femmes, nous offre (…)

Samira Jasmin, militante à Solidarité sans frontière, sans papier pendant 10 ans et membre du comité des 12 jours d'action contre les violences faites aux femmes, nous offre son témoignage.

« Des milliers de personnes atterrissent au Canada en quête d'une vie meilleure. On se retrouve vite rejetées par le système d'immigration qui nous ferme toutes les portes pour devenir rapidement des sans statuts.

On est heurtées par la dureté de la vie ici : on n'a pas le droit de travailler puisqu'on n'a pas de permis de travail. Si on trouve un emploi, on est exploitées à l'extrême avec des heures de travail interminables pour un salaire minable. Des conditions inhumaines qu'on ne peut pas dénoncer. Dénoncer aujourd'hui, c'est être sans emploi demain. On est vraiment considérées comme de la main-d'œuvre jetable.

On se tait et on reste tout simplement parce qu'on n'a pas d'autre choix, on a des familles derrière nous et des enfants.

On contribue à l'économie du Canada légalement ou illégalement, mais on n'est jamais reconnues, jamais remerciées d'être au premier rang du danger comme pendant la pandémie.

Si on a besoin de services de santé, sans la RAMQ, ça coûte 1000$ juste pour l'ouverture du dossier à l'hôpital et ça fait qu'on devient de plus en plus vulnérables.

On n'a pas de pièce d'identité même pour louer un appartement qui nous abrite avec nos familles et quand on trouve un logement on est une cible facile d'abus sexuels par le propriétaire.

On vit dans la peur constante d'être arrêtées et déportées.

Mon témoignage décrit à peine 1% de ce que vivent les personnes sans statut au Canada.

Un programme de régularisation inclusif et sans exception est la solution pour améliorer les conditions de vie de milliers de personnes. »

Il faut un statut pour tous et toutes.

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Déclaration populaire canadienne sur la Justice Climatique et la Paix

5 décembre 2023, par Réseau pancanadien pour la paix et la justice, Tamara Lorincz — , ,
Mettre fin aux guerres et aux combustibles fossiles : Décoloniser, Démilitariser, Décarboner Dessin de presse par Boris (Jacques Goldstyn) Artiste pour la Paix de l'Année - (…)

Mettre fin aux guerres et aux combustibles fossiles : Décoloniser, Démilitariser, Décarboner

Dessin de presse par Boris (Jacques Goldstyn) Artiste pour la Paix de l'Année - Échec à la guerre

L'humanité vit une urgence climatique exacerbée par un conflit globalisé. L'été a vu des feux de forêts faire rage à travers le Canada, entraînant destructions et déplacements de masse de communautés face à d'intenses incendies sans précédents, à des vagues de chaleur, inondations ou sécheresses, sans avoir été préparées pour affronter ces désastres climatiques. Le gouvernement canadien a failli à réduire les émissions de carbone et à adapter le pays aux changements climatiques. Le Commissaire fédéral pour l'Environnement et le Développement viable vient de rapporter par la voix du Bureau de l'Auditeur Général que le Canada ne sera pas en mesure de rencontrer sa cible de 2030 prévoyant une coupure de ses émissions carboniques d'au moins 40% par rapport à 2005.1

Le refus du gouvernement canadien d'appeler des cessez-le-feu pour les guerres qui font rage à Gaza et en Ukraine et de continuer à y envoyer des armes prolonge honteusement ces conflits, exacerbe les souffrances des populations et accélère le réchauffement climatique. Avec l'augmentation de ses dépenses et pollutions militaires, le Canada s'éloigne de ses engagements pris lors de l'Accord de Paris, avec depuis décembre 2015 une augmentation de 95% en dépenses militaires grimpées à $39 milliards, selon le rapport de l'OTAN2 sur les dépenses militaires mondiales, classant le Canada malgré sa faible population et ses frontières sûres au 14e rang le plus élevé dans le monde et au 16e rang des transferts d'armes3.

Le ministère de la Défense nationale du Canada est responsable de plus de 60 % de toutes les émissions polluantes du gouvernement fédéral.4 Le gouvernement fédéral a récemment annoncé son intention d'acheter de nouveaux avions de combat F-35 propulsés par des combustibles fossiles, ainsi que des ravitailleurs (sortes de pipelines ailés), pour des coûts exorbitants5. L'armée canadienne dépense sans compter pour une nouvelle flotte de vaisseaux de guerre, propulsés au diésel, mettant davantage en péril nos océans6. Ces systèmes d'armements enferment notre pays dans un militarisme à forte intensité de carbone pour des décennies à venir, sans aucun plan crédible de compensation écologique.
L'entraînement et les opérations de l'armée canadienne avec les États-Unis et l'OTAN intensifient le réchauffement climatique7 et accroissent les risques de guerres. Le Canada déploie régulièrement des navires de guerre aux côtés des forces marines américaines et de l'OTAN en mer de Chine méridionale. Le Canada dirige un groupement tactique de l'OTAN en Lettonie et entraîne des forces en Irak. Le Canada militarise également l'Arctique, un écosystème fragile, avec installations et exercices de l'armée de l'air et de la marine aux côtés des États-Unis dans le cadre du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD)8.

Dans son 6e rapport d'évaluation, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC - ONU) a déclaré que « la coopération internationale est un catalyseur essentiel de mesures ambitieuses d'atténuation, d'adaptation et de résilience climatiques »9. Le Canada doit mettre fin aux guerres et aux exportations d'armes et coopérer avec tous les pays pour éviter un changement climatique catastrophique et atteindre les objectifs de développement durable des Nations Unies.10 Le Canada doit se retirer de l'OTAN et du NORAD, alliances militaires qui entravent la coopération et la paix mondiales.

La paix est à l'ordre du jour du programme thématique du sommet climatique pour la première fois en 8 ans à Dubaï. La justice climatique signifierait la fin des guerres fratricides et écocides, ainsi que la terminaison des armes, spécialement celles propulsées par des combustibles fossiles, en vue de la conversion de l'économie guerrière en économie verte.11
Le désir de paix universelle cherche à faire adopter le Traité sur l'Interdiction des Armes Nucléaires (NWPT), comme plus de 120 pays l'ont fait, à l'appel du Costa Rica.

La paix concerne à la base les défenseurs autochtones des terres et des eaux, cherchant à mettre fin au colonialisme de peuplement et au capitalisme extractiviste. Un climat de paix est atteignable par le désarmement, la démilitarisation, la consolidation de la paix environnementale, la coopération, l'entraide et la solidarité mondiales. La paix par la justice climatique est le changement transformateur nécessaire pour garantir un avenir viable.
Pour prévenir un changement climatique catastrophique, l'effondrement de la biodiversité, les famines massives et les guerres, nous adressons les demandes pressantes suivantes au gouvernement Trudeau :

1. Appeler des cessez-le-feu pour tous les conflits et appuyer des plans de paix à Gaza, en Ukraine, au Yémen, au Soudan et en République Démocratique du Congo
2. Annuler la commande de $74 milliards de F-35 propulsés par des carburants fossiles
3. Annuler la commande de drones opérés à distance par les militaires exerçant une surveillance domestique et des opérations en sols étrangers
4. Annuler la commande à $306 milliards de vaisseaux de guerre
5. Annuler la commande de $3 milliards pour des ravitailleurs
6. Mettre fin à l'exportation des armes et à toute technologie militaire
7. Mettre fin au programme de modernisation de la militarisation de l'Arctique à $38 milliards
8. Réduire et réallouer les dépenses militaires en actions et financement climatiques
9. N'investir ni dans l'énergie nucléaire ni dans les réacteurs nucléaires modulaires et adhérer au Traité sur l'Interdiction des Armes Nucléaires (NWPT)
10. Assurer une vigilance contre toutes les émissions militaires de gaz à effets de serres
11. Développer un plan national de conversion prévoyant une transition juste mais accélérée transformant les secteurs de défense (aérospatiale et autres) en vue d'une transformation radicale de notre économie de guerre en une économie verte
12. Convertir des soldats de la défense nationale en combattants contre les feux de forêts, équipés de « Canadairs » et d'expertise verte
13. Développer des systèmes non-militaires pour prévenir ou guérir les désastres naturels et civils (ruptures de pipelines, échouages de navires pétroliers, etc.)
14. Se retirer du NORAD et de l'OTAN, alliances coûteuses en pollution de carbone dirigées par l'armée américaine, la plus grande consommatrice d'énergie fossile et coupable d'avoir mené de terribles guerres pour s'accaparer des ressources naturelles
15. Investir dans la paix environnementale, dans la diplomatie et la coopération globale avec tous les pays pour protéger la planète, en respectant l'entente de Paris et en rencontrant les objectifs de développement viable de l'ONU.

Réseau pancanadien pour la paix et la justice - peaceandjusticenetwork.ca
Tamara Lorincz* - notre représentante canadienne à Dubai-COP28 le 28 novembre 2023
Traduction P. Jasmin – Artistes pour la Paix 28 novembre

* Doctorante à la Balsillie School for International Affairs (Université Wilfred Laurier-Université de Waterloo), Tamara Lorincz œuvre dans le domaine de la gouvernance mondiale - conflits et sécurité. Ses recherches actuelles portent sur les impacts de l'armée sur l'environnement et le changement climatique, les liens entre paix, développement durable et sécurité, le genre et les relations internationales, ainsi que la violence sexuelle militaire.
Diplômée d'une maîtrise en politiques internationales et études de sécurité de l'Université de Bradford au Royaume-Uni (2015), récipiendaire de la bourse Rotary International World Peace (2013-2014), Tamara a été chercheure principale pour le Bureau international de la paix (Suisse).
Membre du conseil d'administration de la Voix canadienne des femmes pour la paix et du comité consultatif international du Réseau mondial contre l'énergie nucléaire et les armes dans l'espace, membre du Groupe canadien Pugwash, membre de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, elle est diplômée d'un LLB/JSD et d'un MBA spécialisé en droit et gestion de l'environnement de l'Université Dalhousie en 2003 (alors directrice du Réseau environnemental de Nouvelle-Écosse et co-fondatrice de l'Association du droit de l'environnement - Maritimes).

Notes
1. Commissaire à l'environnement et au développement durable au Parlement du Canada (2023)
Rapport 6— Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité -2030 Plan de réduction des émissions : https://www.oag-bvg.gc.ca/internet/docs/parl_cesd_202311_06_e.pdf
2. NATO Defence Expenditures Report : https://www.nato.int/cps/en/natohq/topics_49198.htm
3. Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (2023) Tendances des dépenses militaires mondiales, 2022 : https://www.sipri.org/research/armament-and-disarmament/arms-and-military-expenditure/military-expenditure ; and Trends in International Arms Transfers, 2022 : https://www.sipri.org/sites/default/files/2023-03/2303_at_fact_sheet_2022_v2.pdf
4.Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté (WILPF Canada) Canada's Carbon Bootprint : https://wilpfcanada.ca/wp-content/uploads/2021/11/01-Military-Emissions-and-Military-Expenditures_Fact-Sheet.pdf
5. Directeur parlementaire du budget (2023) : « Le coût du cycle de vie du programme F-35 du Canada, une analyse financière » : https://www.pbo-dpb.ca/fr
6.Directeur parlementaire du budget (2022) : « Le coût du cycle de vie des navires de combat canadiens, une analyse financière » : https://www.pbo-dpb.ca/fr
7.Transnational Institute (2023) « Feux croisés du climat mondial : Comment les objectifs de dépenses militaires de 2 à 3 % de l'OTAN contribuent à la dégradation du climat »
8. Canada, National Defence, Arctic Security – CAF Operations and Exercises : https://www.canada.ca/en/department-national-defence/corporate/reports-publications/proactive-disclosure/secd-april-24-2023/arctic-security.html
9. Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), 6e rapport d'évaluation : https://www.ipcc.ch/2023/03/20/press-release-ar6-synthesis-report/
10. Objectifs de développement durable des Nations Unies : https://www.un.org/sustainabledevelopment/sustainable-development-goals/
11.Campagne contre le commerce des armes (2015) Rapport « Arms to Renewables : Work for the Future » : https://caat.org.uk/publications/arms-to-renewables

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Des groupes de la société civile canadienne lancent « Paix pour la justice climatique », une déclaration pour la COP 28

5 décembre 2023, par Réseau pancanadien pour la paix et la justice — , ,
(Montréal) – Le Réseau pancanadien pour la paix et la justice (CWPJN), une coalition de 45 groupes pacifistes et anti-guerre à travers le pays, lance leur déclaration « Paix (…)

(Montréal) – Le Réseau pancanadien pour la paix et la justice (CWPJN), une coalition de 45 groupes pacifistes et anti-guerre à travers le pays, lance leur déclaration « Paix pour la justice climatique » en avance sur la journée thématique consacrée à la paix au sommet sur le climat à Dubaï, aux Émirats arabes unis.

Pour la première fois depuis 2015, la paix figure au programme thématique de la Conférence des Parties (COP) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Le dimanche 3 décembre verra la paix inscrite comme thème aux côtés de la santé, des secours et de la relance d'une action climatique. Ce jour-là, le président Dr Sultan al-Jaber tiendra un événement pour publier la Déclaration de la COP28 sur le climat, les secours, le redressement et la paix. On s'attend à une faible déclaration peu efficace à contrer les impacts climatiques sévères infligés par les conflits armés et le militarisme.

La déclaration du Réseau pan-canadien pour la justice climatique et la paix (CWPJN) appelle résolument à la fin des guerres et des combustibles fossiles. Elle identifie 15 mesures qu'elle incite le gouvernement fédéral à prendre pour une action climatique favorable à la paix. Elle réclame des cessez-le-feu à Gaza, en Ukraine et en d'autres pays déchirés par la guerre, ainsi que des négociations avec des plans de paix permanents. Elle recommande, en faveur du fonds onusien pour dédommager les pays gravement touchés par les effets climatiques, une réduction draconienne des dépenses militaires, entre autres l'annulation d'achats de systèmes d'armes alimentés par des combustibles fossiles. Elle prône un engagement ferme du Canada dans la consolidation de la paix environnementale pour la prévention des conflits.
Tamara Lorincz, membre fondatrice du RCPJ, a expliqué : « Notre déclaration représente le changement transformateur dont nous avons besoin en ces temps où les guerres font rage et où le réchauffement climatique s'emballe. Nous avons besoin d'une transition juste d'une économie de guerre à une économie verte, pour éviter un changement climatique catastrophique. »

« Avec la paix, nous pouvons garantir la coopération mondiale nécessaire à une action climatique ambitieuse », a affirmé Bianca Mugyenyi, directrice de l'Institut Canadien de Politique Étrangère.

La déclaration rejette également l'énergie nucléaire, comme pseudo-solution aux dommages climatiques. Pierre Jasmin, secrétaire général des Artistes pour la Paix, explique que « l'énergie nucléaire et les réacteurs modulaires nucléaires comportent des risques de prolifération au profit des armes nucléaires, loin de constituer des solutions garantissant la paix et la justice climatique ». Il invite le gouvernement fédéral à adhérer au Traité sur l'interdiction des armes nucléaires.

La déclaration de paix est accompagnée d'une pétition en ligne adressée au premier ministre Trudeau et à la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly.

Le Réseau pancanadien pour la paix et la justice climatique (CWPJN) a été fondé en 2020. Il rassemble des groupes, des organisations et des individus de partout au pays qui s'engagent et font campagne pour un monde en paix, pour une solidarité internationale basée sur le désarmement, la décolonisation et la démilitarisation. Pour plus d'informations, visitez : www.peaceandjusticenetwork.ca

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À l’énoncé économique fédéral, le conseil national des chômeurs et chômeuses répond par une journée d’action

5 décembre 2023, par Conseil national des chômeurs et chômeuses, Pierre Céré — , ,
Le CNC a tenu aujourd'hui (29 novembre) une journée d'action, avec des rassemblements et marches dans les villes et régions suivantes : Capitale-Nationale,Abitibi (…)

Le CNC a tenu aujourd'hui (29 novembre) une journée d'action, avec des rassemblements et marches dans les villes et régions suivantes : Capitale-Nationale,Abitibi Témiscamingue, Charlevoix, Montréal ...

Dans le cadre de sa campagne « La vie coûte cher : Il faut une réforme de l'assurance-emploi », le CNC dénonce l'abandon de la réforme de l'assurance-emploi par le gouvernement Trudeau, alors qu'il s'y était engagé à de nombreuses reprises. De plus, il cible l'acharnement de Service Canada auprès des citoyens et citoyennes et la désorganisation chronique de cette institution fédérale.

Citations :

« _Parmi les gens qui contactent nos groupes, plusieurs doivent composer avec des délais d'attente exorbitants, alors qu'ils dépendent du chômage pour les aider dans une période sans revenu. Même si leur dossier est simple, certains attendent 6, 8, voir 10 mois avant que leur dossier ne soit réglé. Sans l'aide de nos groupes, ces travailleurs et travailleuses doivent se tourner vers des informations souvent contradictoires, et des dates butoirs sans cesse reportées. Ces personnes s'endettent, se précarisent et vont parfois jusqu'à perdre leur
logement. C'est tout simplement inacceptable !
_ »

Gabriel Pelletier, avocat au Comité Chômage de Montréal, membre du CNC

« _Le processus actuel chez Service Canada soulève plusieurs préoccupations au sein du Syndicat. Nos membres font face à des défis significatifs lorsqu'ils sollicitent de l'aide. Au bout du compte, un dossier peut rester en attente pendant 4 mois avant d'être pris en charge, sans garantie de résolution. Les conséquences peuvent être désastreuses, nos membres peuvent se retrouver sans revenu stable._ »

Maxime Gendron Chevrier, Secrétaire Trésorier du Syndicat des
Débardeurs (SCFP, section locale 375)

« _Les chômeurs et chômeuses doivent évoquer des difficultés financières pour espérer voir leur dossier être traité, c'est méprisant. La plupart d'entre eux ont assez d'heures assurables pour se qualifier, mais pas de pain à mettre sur la table pour manger !_ »

France Robert, du Comité Chômage du Haut-Richelieu et du Suroît,
membre du CNC

« _Les travailleuses et les travailleurs de la construction ont besoin d'un véritable filet social pour assurer une stabilité de revenu entre leurs périodes de travail. C'est une nécessité ! Le gouvernement fédéral se doit de remplir son engagement de réforme pour que l'assurance-emploi puisse enfin mieux répondre aux réalités économiques des salariés de l'industrie de la construction._ »

Julie Brissette, du Syndicat québécois de la construction (SQC)

« _Nos membres dans l'industrie du transport scolaire ont eu un été difficile, mais ils ne sont pas les seuls. Chaque année, des travailleurs et travailleuses de notre section doivent composer avec un système d'assurance-emploi dépassé, qui n'offre qu'une couverture imparfaite. Il est temps que ça change._ »

Éric Buisson, Président, Unifor Section Locale 510

« _Chrystia Freeland a déposé la semaine dernière son Énoncé économique de l'automne. Aucune véritable avancée. L'assurance-emploi actuelle, c'est le toit d'une maison qui coule. Et au lieu de réparer ou de le remplacer, les Libéraux n'ont pour solution que quelques centimètres de gaffer tape. C'est honteux ! C'est à se demander si le gouvernement Trudeau craint à ce point Pierre Poilievre, et choisit de s'aligner sur les Conservateurs en matière de politiques néfastes !_ »

Pierre Céré, porte-parole du Conseil national des chômeurs et
chômeuses (CNC)

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Ukraine : « Les coopératives sont une façon de propager les principes de l’auto-organisation dans la société »

5 décembre 2023, par Patrick Le Tréhondat, ReSew coop — , ,
Dès les premiers jours de la guerre à grande échelle, la capacité d'auto-organisation de la société ukrainienne a été cruciale. Là où l'Etat ne pouvait pas assumer ses tâches, (…)

Dès les premiers jours de la guerre à grande échelle, la capacité d'auto-organisation de la société ukrainienne a été cruciale. Là où l'Etat ne pouvait pas assumer ses tâches, la société s'est organisée pour y répondre. Un gigantesque travail social, humanitaire et de solidarité, s'est développé. Même dans le domaine miliaire avec la Défense territoriale qui est devenue d'une certaine façon l'organisation du peuple en armes. Cette tradition d'auto-organisation ne vient pas de nulle part. La Commune de Maïdan (novembre 2013 – février 2014) avait déjà montré au monde entier la disposition profonde du peuple ukrainien de prendre ses affaires en mains.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Plus avant, le puissant mouvement des coopératives ukrainiennes au début du 20e siècle a certainement nourri cette aptitude. Il a été un chemin et un instrument autant d'émancipation nationale (anticoloniale) que d'émancipation sociale et économique. L'un des programmes du festival du film féministe de 2023 sera consacré aux droits du travail. Selon les organisatrices « Bien qu'on nous vende activement l'idée de la réussite professionnelle et que le bureau soit comme une deuxième maison, le travail n'est souvent pas une question de plaisir mais une question de survie. Pour nous, les droits du travail sont avant tout une question de solidarité et d'empathie. C'est pourquoi nous avons invité à co-organiser ce programme une coopérative de couture ReSew – Швейний Кооператив (Chveïniï kooperativ), qui existe politiquement et écologiquement sans patrons ni subordonnées et est unie par l'amour de leur travail – la couture ». Nous poursuivons notre exploration du monde des coopératives et des formes inédites d'auto-organisation de la société ukrainienne avec un échange avec les animatrices de cette coopérative.

Patrick Le Tréhondat

Racontez-nous l'histoire de votre coopérative et de ses activités, avant et après le 24 février. Comment travaillez-vous ou décidez-vous ? Quelles sont les perspectives d'avenir ?

Nous nous sommes organisés en coopérative en août 2016. Nous avons considéré ce projet comme économique, environnemental et féministe et qui prévoyait de travailler dans les domaines suivants :
1) populariser la réparation et du recyclage des vêtements et textiles et d'un mode de vie respectueux de l'environnement.
2) publier des informations sur la discrimination dans la production de vêtements et de textiles (économique, environnementale, de genre), la reconnaissance d'une valeur juste du travail dans l'industrie de l'habillement, la critique de la fast fashion et la surproduction de vêtements et de textiles.
3) responsabilité conjointe des participants au projet pour le fonctionnement de la coopérative : réunions collectives, prise de décision par consensus, gestion conjointe des réseaux sociaux utilisant un marketing alternatif (non agressif), communication avec les clients, approvisionnement/recherche de matériaux, constitution d'un un système financier transparent contrôlé par tous les membres de la coopérative et d'autres fonctions.

Plus tard, nous avons commencé à organiser des ateliers où nous enseignions, conseillions et aidions à réparer les vêtements, à les modifier pour les adapter aux besoins de celui-celle qui les portait. Rénovez des poches et des sacs en toile pour remplacer ceux en plastique, ainsi que des serviettes menstruelles réutilisables. Nous avons commencé à travailler beaucoup avec les communautés queer et trans*, créant des vêtements confortables et abordables pour les membres de ces communautés. Tout cela était important et intéressant pour nous. Nous avions des clients réguliers et des participants aux ateliers, qui soutenaient nos principes.

Petit à petit, nous avons gagné suffisamment d'argent pour acheter des machines à coudre et un générateur de vapeur, et nous avons créé des conditions confortables dans l'atelier. Selon les années, il y avait 5, 3, 2, 4, 3 participants. En 2018, en collaboration avec l'initiative artistique Zboku, nous avons loué un espace commun et avons commencé à fonctionner comme un centre communautaire pour les personnes queer, trans* et non binaires à Kyiv.

Nous voulions inciter des couturières à travailler avec nous ou à créer des coopératives similaires. En général, pour populariser la forme coopérative comme alternative à la forme hiérarchique, nous avons participé à des manifestations contre le nouveau Code du travail et à des événements artistiques, culturels et éducatifs dédiés à la lutte pour les droits du travail et les conditions de travail en Ukraine. Bien sûr, nous avons été confrontés à de nombreux problèmes : le faible coût des produits sur le marché textile, la dévaluation et le manque de prestige du travail de couture, et même le harcèlement en ligne. Mais grâce à notre enthousiasme et au fait que nous étions entourés de personnes partageant nos principes, la coopérative a continué à innover.

À partir du 24 février 2022, nous sommes restés à Kyiv pendant environ un mois. Nous avons déménagé dans cet atelier car c'était un demi-sous-sol ; nous cousions bénévolement des chevrons et des sous-vêtements pour les militaires et les membres de la Défense territoriale. Nous avons aidé tout le monde que nous pouvions parmi nos proches, nos amis et dans le quartier où nous vivions.

Le 20 mars 2022, 2 membres de la coopérative partent en Finlande. À l'étranger, nous avons commencé à organiser des événements (dîners de solidarité, projections de films, présentations) pour collecter des fonds pour nos camarades et des initiatives qui, nous le savons, continuent de fonctionner en Ukraine, notamment en fournissant une aide humanitaire aux civil.es en première ligne et une aide militaire aux personnes issues des communautés anti-hiérarchiques, féministes et queer. Il est également important pour nous désormais d'entretenir des relations avec nos amis et camarades avec lesquels nous avons fait des activités au cours des dernières années et qui ont formé notre communauté, mais qui sont désormais dispersés dans le monde entier.

Le festival féministe de Kiev vous présente comme « politiquement et écologiquement sans patrons ni employés ». Quel sens donnez-vous à cette présentation ?

Une des idées et des principes de la coopérative était la structure horizontale de l'organisation. Tonya (Ton)Melnyk, une des fondatrices de la coopérative, nous a dit qu'elle avait l'expérience du fonctionnement del'industrie du vêtement en Ukraine et ce à divers postes, à la fois comme subordonnée et commegestionnaire de production. Sous tous ses aspects, c'était une expérience décevante, car soit on économise sur les salaires et les conditions de travail, soit on est contraint de le faire parce que les personnes les plus haut placées dans la hiérarchie imposent de telles exigences dans un souci de rentabilité. Tout cela conduit à l'exploitation de soi, des autres et des ressources naturelles, ce qui ne convenait pas à Ton, qui a un passé de militant. À l'époque, il y a 10 ans, est née l'idée d'une entreprise de couture horizontale, où il n'y aurait ni patron ni subordonnée, où toutes les décisions seraient prises selon le principe du consensus, c'est-à-dire en tenant compte des intérêts et de la voix de chaque membre de la coopérative, où les bénéfices seraient répartis de manière égale, ou selon des principes alternatifs, en fonction de l'accord des participantes. Au départ, les personnes intéressées par la création de ReSew étaient des personnes issues des milieux environnementaux, et c'est avec elles que ReSew a été conçu comme un projet d'upcycling1. Mais surtout, l'idée a trouvé un écho dans les milieux de gauche, anarchistes, féministes et queer. L'attitude critique de tous les membres de la coopérative à l'égard de la fast fashion, de la surproduction et de la pollution engendrées par l'industrie mondiale de l'habillement, ainsi que de l'exploitation de personnes principalement féminines et socialisées, a donné naissance à l'idée fondamentale de s'opposer politiquement et écologiquement à toute forme d'exploitation.

Connaissez-vous d'autres coopératives comme la vôtre à Kiev ou en Ukraine et, si oui, entretenez des relations avec elles ?

Lorsque nous travaillions à Kyiv, nous avons coopéré avec de nombreuses initiatives et organisations horizontales de base, telles que ZBOKU, Salt, Femsolutions, FreeFilmers et d'autres. Mais si nous parlons de coopératives de production, il y avait Bar Koshchei et la coopérative Hleb Nasushchnyi (Le pain quotidien). Cette dernière prépare des plats végétaliens à partir de produits lyophilisés et les propose à la communauté à des prix très abordables ou gratuitement. Nous les avons invités à plusieurs de nos événements, dont le Freemarket 2018. C'était une coopération intéressante et positive. Nous connaissons également plusieurs coopératives qui existaient et dont certaines existent encore en Ukraine, bien qu'il n'y ait pas eu de coopération spécifique entre nous. Par exemple, à Nyzhnye Selyshche en Zakarpattia, il y a la coopérative Longo Mai, qui produit des jus directement pressés ; à Lviv, il y a une coopérative qui vend des vêtements et des chaussures de sport ; à Kharkiv, il y a une coopérative alimentaire basée sur le squat anarchiste depuis un certain temps. Nous connaissons également plusieurs coopératives de Biélorussie et de Russie qui partagent des principes similaires aux nôtres, et nous avons coopéré à plusieurs reprises dans le cadre d'événements anarchistes communs. Par exemple, la coopérative d'impression Listovka et le magasin de falafels Horizontal.

Au début du 20e siècle, l'Ukraine a connu un important mouvement coopératif qui a été un levier pour la libération nationale et sociale de l'Ukraine. Quel rôle donnez-vous aux coopératives comme la vôtre dans une transformation sociale de l'Ukraine en vue d'une émancipation sociale ?

Les coopératives sont, à notre avis, l'un des moyens de diffuser les principes et les idées d'auto-organisation dans la société. De nombreux mouvements populaires sont redevables de ces idées. Et les mouvements de base, à leur tour, conduisent à des changements et à des transformations sociales majeures. Notre coopérative est suffisamment jeune pour pouvoir mesurer l'impact des activités de Resew sur la société. Parallèlement, au fil des années d'activité de Resew, l'attitude à l'égard d'idées telles que le recyclage, l'upcycling et les comportements respectueux de l'environnement a considérablement évolué. Les serviettes hygiéniques réutilisables, les culottes menstruelles, les pochettes et les sacs sont déjà à la mode et ne sont pas associés au passé soviétique. Mais si nous parlons du mouvement coopératif en général, c'est une école pour les gens qui peuvent s'organiser et agir dans différentes situations sans leadership, ce qui s'est reflété à maintes reprises dans la société ukrainienne au début des manifestations du Maïdan, ainsi qu'au début et pendant l'invasion à grande échelle. La capacité d'auto-organisation est un outil qui permet à la société de se montrer comme un acteur politique que le soi-disant gouvernement actuel doit écouter. Et la direction que prendra la société dépendra de la façon dont cet outil sera utilisé. C'est pourquoi il est très important de renforcer la voix des communautés de base, féministes et anti-hiérarchiques en Ukraine pour empêcher la domination du discours de droite, qui s'empare facilement de tous les meilleurs outils d'organisation sociale dans un contexte de guerre.

Nous associons souvent les coopératives comme la vôtre au terme d'autogestion [самокерованість]. Ce terme d'autogestion vous semble-t-il refléter ce qu'est votre coopérative ? Est-ce une idée familière au sein de la gauche ukrainienne ou plus généralement dans les activités sociales ?

Nous distinguons les termes « autogestion » et « auto-organisation ». Pour nous, c'est l'auto-organisation des personnes, des individus qui investissent beaucoup de ressources dans les activités d'une organisation horizontale de base, qui est la plus applicable. Après tout, tous les membres de la coopérative ne sont pas seulement des couturières, elles communiquent également avec les clients, achètent du matériel, font de la publicité sur activités de l'organisation, rédigent des articles éducatifs et militants, elles sont comptables, chargées des relations publiques, s'occupent de nettoyer, elles sont community managers et militantes. Toutes les actrices impliquées dans le fonctionnement de la coopérative sont également responsables de son fonctionnement. Le terme autogestion, à notre avis, efface quelque peu la contribution de chacun œuvrant dans la coopérative. Nous ne pensons pas non plus que quiconque puisse adhérer à notre coopérative à tout moment. Cette personne doit partager les principes du féminisme intersectionnelle, les idées écologiques de production et être prête à travailler de manière responsable dans une structure non hiérarchique. D'après nos observations, des principes similaires guident la plupart des organisations de gauche en Ukraine et à l'étranger, qui se positionnent comme horizontales ou non hiérarchiques (ou faiblement hiérarchiques) et pratiquent des outils de démocratie directe.

9 novembre 2023
Page Facebook de la coopérative ReSew
https://www.facebook.com/ReSewKyiv
Instagram de la coopérative ReSew : @resew_cooperative

Soutenir Patreon : Choisissez un abonnement 2, 4, 6… euros par mois
https: //www.patreo n.com/ReSew _
Note
1 Récupérer des matériaux ou des produits dont on n'a plus l'usage afin de les transformer en matériaux ou produits de qualité ou d'utilité supérieure. Il s'agit donc d'un recyclage « par le haut ».

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Revenir à l’essentiel

5 décembre 2023, par Julie Bouchard — , , ,
Ça y est, nous avons atteint le point culminant de la négociation. Notre mobilisation est à son comble : quatre journées de grève réalisées et quatre autres annoncées les 11, (…)

Ça y est, nous avons atteint le point culminant de la négociation. Notre mobilisation est à son comble : quatre journées de grève réalisées et quatre autres annoncées les 11, 12, 13 et 14 décembre prochains.

Ça brasse aussi dans les médias, alors que les déclarations du gouvernement se succèdent à un rythme effréné et que les messages prennent parfois de drôles de raccourcis. Dans ces moments, le doute devient une arme redoutable qui peut rapidement nous faire perdre pied.

Cette semaine, pendant que le Comité de négociation se trouvait littéralement à la table et que les travaux allaient bon train, monsieur Legault y est allé sur la place publique de cette déclaration à l'effet que les discussions avec la FIQ seraient supposément « difficiles », et que nous refusions les primes pour les quarts de travail « défavorables ». Je n'ai qu'une chose à dire à ce sujet : c'est TOTALEMENT FAUX. Toute personne travaillant dans le réseau de la santé sait que des primes selon les quarts et les départements, il y en a déjà. C'est même dans nos demandes de négociation de bonifier la prime de nuit et de transformer la prime de fin de semaine en salaire majoré de 50 %.

Il est par ailleurs INSULTANT de se faire dire que nous sommes « difficiles » à la table. S'il est vrai que nous sommes fermes, et que nous avons un bon rapport de force, depuis quand cela constitue-t-il un problème dans une négociation ? Le premier ministre dirait-il la même chose s'il négociait avec une profession majoritairement masculine ? Je vais vous le dire, la seule chose difficile dans cette négociation, ce fût d'obtenir de la partie patronale qu'elle accepte enfin de discuter de nos propositions.

Depuis le début de cette négociation, et même avant, le paternalisme et l'arrogance avec lequel ce gouvernement traite les professionnelles en soins, mais aussi les enseignantes, est exaspérant. Vous avez le droit d'être en colères. Et vous savez quoi ? Vous avez bien raison, parce que cette façon de traiter les professions majoritairement féminines est non seulement insultante et dépassée, mais elle est aussi en grande partie responsable des problèmes que nous voulons justement régler dans le réseau de la santé.

Si monsieur Legault souhaitait faire dérailler cette négociation, il n'aurait pu s'y prendre autrement. Avec cette sortie, il avait clairement l'intention de retourner l'opinion publique contre nous. Mais les Québécois-e-s ne sont pas dupes ! Ils-elles ont très bien compris que des soins de qualité passent nécessairement par de meilleurs salaires, une diminution de la charge de travail et une meilleure conciliation travail-vie personnelle. C'est pour cette raison que présentement, près de 7 citoyen-e-s sur 10 appuient nos revendications.

Revenons donc à l'essentiel. C'est à la table de négociation que se feront les gains, et toute notre mobilisation, notre colère et notre indignation doivent être canalisées de façon à maintenir cet appui dans la population, ainsi que le rapport de force dont le Comité de négociation bénéficie à l'heure actuelle.

Ne vous laissez pas berner par ce spectacle auquel se livre présentement monsieur Legault et compagnie sur la place publique. La pression que nous exerçons, elle porte ses fruits à la table de négociation. Le ton a changé, le rythme s'est accéléré et l'employeur discute enfin de nos demandes.

Les 5 et 6 décembre prochains, vos représentantes réunies en Conseil fédéral prendront connaissance de l'état des avancées des travaux du Comité de négociation. À partir de là, nous pourrons en discuter plus ouvertement avec vous. Suivez-nous pour plus d'information.

D'ici là, restons unies, déterminées et mobilisées !

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FAE : Une contre-offre au gouvernement, la grève se poursuit

5 décembre 2023, par Fédération autonome de l'enseignement (FAE) — , ,
Mardi soir, le 28 novembre dernier, la FAE a reçu une nouvelle offre du gouvernement qu'elle a analysée rigoureusement. Lors d'un Conseil fédératif de négociation (CFN), qui (…)

Mardi soir, le 28 novembre dernier, la FAE a reçu une nouvelle offre du gouvernement qu'elle a analysée rigoureusement. Lors d'un Conseil fédératif de négociation (CFN), qui s'est déroulé hier et aujourd'hui en mode virtuel, les personnes déléguées provenant des neuf syndicats affiliés à la FAE ont jugé que la proposition du gouvernement ne permet pas de suspendre la grève générale illimitée.

Bien que la FAE reconnaisse l'ouverture de la partie patronale, il ne s'agit que de la première avancée du gouvernement sur les demandes des enseignantes et enseignants après 11 mois de négociation, plus de 70 rencontres et 7 jours de grève générale illimitée. Néanmoins, la FAE est tout à fait consciente des effets de la grève générale illimitée et c'est pourquoi elle déposera une contre-offre à la présidente du Conseil du trésor afin d'en arriver le plus rapidement possible à une entente de principe à présenter à ses membres.

"Je n'ai jamais vu les enseignantes et le enseignants aussi mobilisés et déterminés à améliorer leur sort, celui de leurs élèves et de l'école publique québécoise"

« Leur présence massive sur les lignes de piquetage devant les établissements scolaires et dans nos manifestations témoigne de leur colère et de leur épuisement, mais aussi de leur volonté à trouver des solutions durables qui feront une réelle différence pour offrir une instruction de qualité, et ce, pour tous les élèves du Québec. Au cours des prochains jours, nos membres auront les yeux rivés sur Sonia LeBel qui a une occasion unique dans l'histoire de valoriser leur profession, d'alléger leur tâche et de reconnaître leur autonomie professionnelle », a déclaré Mélanie Hubert, présidente de la FAE.

La priorité de la FAE demeure d'améliorer la composition de la classe, puisque la classe ordinaire a franchi un seuil de difficulté tel qu'elle constitue une contrainte à l'enseignement et aux apprentissage.

« Leur présence massive sur les lignes de piquetage devant les établissements scolaires et dans nos manifestations témoigne de leur colère et de leur épuisement, mais aussi de leur volonté à trouver des solutions durables qui feront une réelle différence pour offrir une instruction de qualité, et ce, pour tous les élèves du Québec. Au cours des prochains jours, nos membres auront les yeux rivés sur Sonia LeBel qui a une occasion unique dans l'histoire de valoriser leur profession, d'alléger leur tâche et de reconnaître leur autonomie professionnelle », a déclaré Mélanie Hubert, présidente de la FAE.

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La réforme Dubé est « tout sauf santé »

5 décembre 2023, par Centrale des syndicats du Québec (CSQ) — , , ,
Des centaines d'organisations s'unissent pour mettre en lumière les dangers du projet de loi no 15 en santé et services sociaux. Composée de syndicats, de groupes (…)

Des centaines d'organisations s'unissent pour mettre en lumière les dangers du projet de loi no 15 en santé et services sociaux. Composée de syndicats, de groupes communautaires et de diverses organisations de la société civile, cette vaste coalition se mobilise sous le slogan « Tout sauf santé ».

Tiré de Ma CSQ cette semaine.

Réitérant leur appel au dialogue, ces organisations demandent au ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, de prendre un pas de recul et de ne pas imposer aux Québécoises et Québécois une nouvelle réforme centralisatrice qui soulève bien plus de questions qu'elle n'apporte de réponses.

« Ça fait des mois que des groupes, associations et experts de tous les horizons mettent en garde le ministre de la Santé et des Services sociaux contre les conséquences dévastatrices que risque d'engendrer sa réforme si elle est adoptée dans sa mouture actuelle. À quelques jours de la fin des travaux parlementaires, l'heure est à l'unité. C'est pourquoi nous lançons tous ensemble cette campagne qui a été conçue pour que tout le monde puisse se l'approprier afin d'exiger du ministre qu'il revoie impérativement son projet de loi et, par conséquent, son calendrier d'adoption », ont déclaré la présidente et la trésorière de la Coalition Solidarité Santé, Lise Goulet et Nathalie Déziel, dans le cadre d'une conférence de presse organisée le 30 novembre, à l'Assemblée nationale.

« Même si beaucoup de groupes se sont exprimés [lors des consultations parlementaires], beaucoup d'autres n'ont pas encore eu la chance de le faire », a rappelé le porte-parole du troisième groupe d'opposition en matière de santé, de services sociaux et de soins à domicile, Joël Arseneau, lors du point de presse.

« De plus en plus d'organisations et d'individus saisissent les enjeux [du projet de loi no 15] en cause et veulent se faire entendre. On croit aux approches démocratiques et on invite nos élus à respecter les principes démocratiques et à prendre les moyens d'entendre ce que les gens ont à dire. On n'est pas à deux ou trois semaines d'une réforme. C'est l'avenir de nos services publics qui est en jeu », a mentionné Lise Goulet.

Vers un bâillon ?

Les porte-paroles de l'opposition en matière de santé et services sociaux présents à la conférence de presse ont été questionnés à savoir si des indications de la part de Christian Dubé laissent présager une adoption sous bâillon du projet de loi.

« Le ministre a refusé de dire qu'il ne le ferait pas, alors cela me dit que c'est son intention. Il nous rappelle régulièrement qu'il a besoin des prochains mois pour mettre en place [l'agence] Santé Québec. Nous, ce qu'on lui dit, c'est qu'il faut faire l'étude du projet de loi correctement, prendre le temps d'entendre tous les groupes et bien comprendre l'impact que le projet de loi et ses amendements vont avoir sur le réseau », a dit, quant à lui, le porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, André Fortin.

Campagne citoyenne de lettres aux députées et députés

Outre cet appel à la mobilisation, une campagne citoyenne de lettres adressées à l'ensemble des députées et députés de l'Assemblée nationale est également en cours afin de demander aux élues et élus de faire tout en leur pouvoir pour freiner le projet de loi no 15.

Rappelons également qu'en octobre dernier, plus de 250 groupes, associations et organisations issus de différents milieux ont signé une lettre ouverte pour dénoncer l'absence évidente de consensus autour de la réforme du ministre Dubé.

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Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG)

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Gauche.media est un fil en continu des publications paraissant sur les sites des médias membres du Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG). Le Regroupement rassemble des publications écrites, imprimées ou numériques, qui partagent une même sensibilité politique progressiste. Il vise à encourager les contacts entre les médias de gauche en offrant un lieu de discussion, de partage et de mise en commun de nos pratiques.

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