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Tisser un projet de société

11 décembre 2023, par Revue Droits et libertés
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Tisser un projet de société

Laurence Guénette, Coordonnatrice à la Ligue des droits et libertés

Retour à la table des matières Revue Droits et libertés, printemps / été 2023

L’avenir des droits économiques, sociaux et culturels (DESC) dépend en grande partie des efforts menés pour parvenir à une égale reconnaissance de tous les droits humains. Il est essentiel d’insister plus que jamais sur leur caractère d’indivisibilité, alors qu’ils ont longtemps été abordés en deux blocs, les droits civils et politiques (DCP), associés aux démocraties libérales et soigneusement séparés des droits économiques, sociaux et culturels qui eux, prédominaient dans le projet socialiste. Le modèle démocratique libéral qui domine dorénavant au niveau international persiste dans ses ironies et même ses hypocrisies, se félicitant de permettre la participation politique de gens qui peinent à subvenir à leurs besoins de base… un exemple de plus qui incite à mettre de l’avant l’interdépendance des droits !

Les parents pauvres des droits

Ce rappel peut sembler suranné en 2023, et pourtant les DESC demeurent les parents pauvres des droits humains1. Les DESC sont résolument mis à mal par le néolibéralisme qui prédomine actuellement sans que cela paraisse trop intolérable dans l’opinion publique. La perspective des droits humains, profondément subversive, doit être mise de l’avant haut et fort, et soulignée dans son caractère non partisan et apolitique. La possibilité de m’instruire adéquatement ne dépend pas de l’opinion des élu-e-s, c’est un droit humain ! Le plein exercice de mon droit à la santé n’est pas tributaire des orientations politiques d’un-e ministre, c’est un droit humain ! Lors de la campagne électorale de l’automne 2022 et du débat des chef-fe-s, les droits économiques, sociaux et culturels étaient invisibles, jamais nommés, et pourtant ils étaient en filigrane de toutes les grandes crises auxquelles les candidat-e-s se proposaient de répondre. Ils étaient à la fois tus et instrumentalisés, présentés sous forme de promesses électorales partisanes et de services modulables selon leur bonne volonté politique. Comme le soulignait Christine Vézina dans une lettre ouverte publiée quelques jours après le scrutin et co-signée par la LDL, « la jouissance de droits économiques et sociaux, tels les droits au logement, à la santé, à l’éducation et à un niveau de vie suffisant ne devrait en aucun cas être conditionnelle aux aléas des gains électoraux. Elle devrait plutôt les transcender, conformément aux engagements auxquels le Québec a souscrit en 1976 lorsqu’il a lui- même ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels2 ».

De graves reculs

Certaines crises à l’échelle du Québec et du Canada, de même que des crises à l’échelle mondiale, demeureront d’actualité dans les années à venir et sont propices à la défense et à la promotion des DESC. Pensons aux graves enjeux de logement, à la détérioration des services sociaux tels que le système de santé, ou encore aux crises du climat ou de la biodiversité affectant le droit à un environnement sain. Ces droits sont à la fois en proie à de graves périls ou reculs, et en même temps susceptibles de susciter d’importantes mobilisations. Certains DESC sont également mis à mal sans que cela ne soit aussi visibilisé dans le public, et pourtant les impacts sur d’autres droits humains sont multiples et graves. C’est le cas notamment du droit à l’information, essentiel à une participation démocratique réelle, car il représente une condition de la transparence, de la reddition de compte des élu-e-s et de la possibilité des citoyen-ne-s de prendre position et de se mobiliser pour différentes causes.

L’interdépendance des droits

La LDL devra poursuivre ses efforts de partage et de promotion de la perspective des droits humains et favoriser la coalition des mouvements sociaux autour de diverses mobilisations, notamment en mettant de l’avant l’interdépendance des droits humains. Cette interdépendance nous invite à tenir compte des effets des violations ou de la réalisation des droits humains entre eux, et à exiger la justiciabilité de tous les droits, au-delà de la séparation entre les droits civils et politiques, d’une part, et les droits économiques sociaux et culturels, de l’autre, séparation artificielle que nous combattons sans relâche. Le PIDESC énonce dans son préambule que « l’idéal de l’être humain libre, libéré de la crainte et de la misère, ne peut être réalisé que si des conditions permettant à chacun de jouir de ses droits économiques, sociaux et culturels, aussi bien que de ses droits civils et politiques, sont créées ». De quelles conditions parle-t-on ? Les DESC sont les premiers mis en péril quand le néolibéralisme frappe, que l’austérité et la privatisation s’accentuent. La défense de ces droits exige de remettre en cause sans relâche la dangereuse perspective selon laquelle l’individu est responsable de sa propre condition socioéconomique, et dès lors responsable de son échec à accéder à des services permettant une mise en œuvre complète de ses droits. En effet, cette vision méritocratique, combattue depuis longtemps, mais encore dominante malgré tout, suggère que si une personne ne parvient pas à faire réparer ses dents ou à se louer un appartement décent, c’est principalement en raison de mauvais choix qu’elle a faits ou d’opportunités qu’elle n’a pas su saisir.

La précarité socioéconomique

Dans un rapport publié en 2022, Olivier de Schutter, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté aux Nations Unies, soulignait la pertinence de reconnaitre la précarité socioéconomique comme facteur de discrimination à interdire3.Il rappelle cette précarité comme « un processus dans lequel les privations multiples se renforcent mutuellement et sont associées à la stigmatisation, la discrimination, l’insécurité et l’exclusion sociale ». La précarité socioéconomique peut également nous servir à remettre en question la perception de la pauvreté comme étant une défaillance de l’individu, sur qui reposerait donc le fardeau de la pauvreté. Elle invite naturellement à insister sur le droit de tout être humain à la dignité et à la satisfaction de ses besoins de base, et à tenir compte de l’interdépendance des droits. Un niveau de vie insuffisant a des impacts évidents sur d’autres droits ; à l’inverse, les reculs en matière d’éducation publique, de santé publique ou de droit au logement contribuent à perpétuer la précarité des personnes et donc à les empêcher de jouir de leur droit à un niveau de vie suffisant. La notion de précarité socioéconomique suppose non seulement d’interdire toute discrimination fondée sur la condition socioéconomique des personnes, mais suggère également la nécessité de combattre les inégalités. Car les violations des droits économiques et sociaux sont le résultat de comportements concrets d’entités privées ou publiques violant ces droits, et de gouvernements omettant de les protéger adéquatement et de les mettre en œuvre pleinement. Les gouvernements et les groupes caritatifs mettent souvent l’accent sur la pauvreté et les actions pouvant la soulager en partie, sans jamais parler des riches, ou presque, ni de la structure économique qui engendre la pauvreté. Même lorsqu’on nous parle d’inégalités, allégeant quelque peu la responsabilité individuelle de la précarité, on entend rarement dénoncer haut et fort la mauvaise redistribution de la richesse.

Changer l’ordre établi

Pourtant, dans une perspective de droits humains, on ne peut pas faire l’économie de mettre en lumière les détentrices et détenteurs de la richesse et les élites qui tentent de préserver le statu quo, faisant obstacle aux mesures de protection et de mise en œuvre des droits humains, particulièrement des droits économiques, sociaux et culturels. Les luttes pour ces droits ne peuvent qu’être menées simultanément à des efforts pour défendre les services publics et les programmes sociaux universels. Défendre les DESC semble également devenir de plus en plus indissociable de la production et de la diffusion d’analyses critiques du système économique et des politiques fiscales et budgétaires qui en affectent la mise en œuvre. L’excellent rapport produit par la LDL en 2020 sur les façons dont les politiques fiscales impactent le droit à un niveau de vie suffisant et plusieurs autres droits humains va dans ce sens4. On gagne donc à poursuivre ces analyses conjointes et à encourager les collaborations entre économistes progressistes, par exemple, et mouvements pour les droits humains. La vigilance à l’égard des droits se trouvant au cœur de la participation démocratique demeurera également nécessaire dans l’avenir. L’État est responsable d’assurer le respect, la protection et la mise en œuvre de tous les droits humains, alors que les élu-e-s sont incités à favoriser les intérêts de groupes puissants agissant pour le profit du secteur privé. Les droits humains peuvent ainsi servir à poser un regard critique sur le lobbyisme, et, plus largement, sur les modalités de la participation démocratique qui nous sont proposées : les embûches dans l’accès à l’information, les lacunes et les hypocrisies de certains mécanismes de consultation publique, la fomentation d’une prétendue acceptabilité sociale, etc. Cent fois, sur le métier… remettez votre ouvrage, et continuons la lutte ! La LDL devra poursuivre son travail de défense des DESC en s’emparant de tout le potentiel analytique et mobilisateur proposé par l’interdépendance des droits humains.
  1. En ligne : https://www.cdpdj.qc.ca/storage/app/media/publications/bilan_charte_etude_5.pdf
  2. En ligne : https://www.ledevoir.com/opinion/idees/761817/idees-un-peu-de-hauteur-s-il-vous-plait
  3. En ligne : https://digitallibrary.un.org/record/3983713/files/A_77_157-pdf?ln=fr
  4. Rapport Le droit à un niveau de vie Faut-il s’inquiéter lorsque le rapport d’impôt s’en mêle?, Ligue des droits et libertés, mars 2020.

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FSM 2024 au Népal : le rendez-vous de l’espoir !

11 décembre 2023, par Communiqué des réseaux
Denis Côté (AQOCI) et les membres québécois du Conseil international du FSM: Carminda Mac Lorin (Katalizo), Marcela Escribano (Alternatives), Raphaël Canet (RÏSE) et Ronald (…)

Denis Côté (AQOCI) et les membres québécois du Conseil international du FSM: Carminda Mac Lorin (Katalizo), Marcela Escribano (Alternatives), Raphaël Canet (RÏSE) et Ronald Cameron (ICAE)* Le Forum social mondial (FSM) est le rendez-vous des organisations de la société civile et des mouvements (...)

La troisième offre salariale et les exagérations outrancières[1] de François Legault (Texte 4)

11 décembre 2023, par Yvan Perrier — , ,
Quand le premier ministre du Québec, François Legault, déclare : « On est rendus à 16,7% sur une masse salariale de 60 milliards », il charrie outrancièrement et voici (…)

Quand le premier ministre du Québec, François Legault, déclare : « On est rendus à 16,7% sur une masse salariale de 60 milliards », il charrie outrancièrement et voici pourquoi.

Lorsque François Legault et Sonia LeBel affirment qu'un pour cent d'augmentation coûte au gouvernement 600 millions de dollars, c'est comme si ces deux membres incontournables du gouvernement caquiste incluaient les médecins, les cadres, les agents de la Sûreté du Québec (SQ) et les député.e.s. Sur les 60 milliards de la masse salariale du gouvernement du Québec, seulement 46,8 milliards visent les quelque 600 000 personnes salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic. Un pour cent (1%) c'est donc 468 millions de dollars. Sur ce montant, 47 millions retournent au ministère des Finances directement en impôt sur le revenu.

Dans les anciennes négociations, le gouvernement se plaisait à rappeler que les salaires représentaient 60 % des dépenses de l'État. Cet argument n'est pas utilisé cette fois-ci. Pourquoi ? Probablement en raison du fait que la modération salariale des dernières années commence à apparaître dans les données du Conseil du trésor. En effet, la rémunération des employées et des employés de l'État représente une part de moins en moins importante des dépenses publiques. Si elle représentait 57,6 % des dépenses de programmes en 2014, dont uniquement 43,1 % pour les salarié.e.s syndiqués, son poids a fondu à 52,4 % (40,5 % pour les syndiqué.e.s) cette année. Pour une « entreprise de service » comme le gouvernement, l'effacement progressif de la main-d'œuvre soulève nécessairement des questions sur sa capacité de rendre des services à la population qu'il prétend desservir.

Conclusion

Il ne faut surtout donc pas oublier que lorsqu'il est question de pourcentage et de milliards d'augmentations ceux-ci ne sont pas tous dirigés uniquement vers les salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic. Il y en a aussi pour la création de nouveaux postes, comme les 4000 aides à la classe que le gouvernement veut imposer à la FSE-CSQ et à la FAE dans le cadre de la présente ronde de négociation. Il y a aussi les hausses de salaire qu'il veut accorder, sans tambour ni trompette, à une minorité déjà fort bien rémunérée comme les cadres, les juges, les policières et les policiers de la Sûreté du Québec et bien entendu les député.e.s de l'Assemblée nationale. Pour une étude échelonnée dans le temps sur le sujet de la rémunération dans les secteurs public et parapublic nous vous référons aux sept articles suivants que nous avons publiés, au fil des ans, dans Presse-toi à gauche !

https://www.pressegauche.org/Negociation-dans-les-secteurs-public-et-parapublic-58499. Consulté le 10 décembre 2023.

https://www.pressegauche.org/Des-conditions-salariales-sous-pressions-depuis-35-ans. Consulté le 10 décembre 2023.

https://www.pressegauche.org/D-une-illusion-a-l-autre. Consulté le 10 décembre 2023.

https://www.pressegauche.org/Des-augmentations-salariales-fameliques-et-l-apparition-subite-de-surplus. Consulté le 10 décembre 2023.

https://www.pressegauche.org/La-face-cachee-de-la-remuneration-reelle-des-salarieEs-syndiqueEs-dans-les. Consulté le 10 décembre 2023.

https://www.pressegauche.org/La-part-des-depenses-des-employeEs-syndiqueEs-des-secteurs-public-et-parapublic. Consulté le 10 décembre 2023.

https://www.pressegauche.org/Augmentations-salariales-parametriques-1-dans-les-secteurs-public-et-parapublic. Consulté le 10 décembre 2023.

Yvan Perrier

10 décembre 2023

20h30

yvan_perrier@hotmail.com

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Mobilisation au Chili à la veille du nouveau plébiscite sur la constitution

11 décembre 2023, par Marcelo Solervicens
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Critiques du plan concept du Nouveau milieu de vie à Pointe-au-Père

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Cent fois sur le métier…

10 décembre 2023, par Revue Droits et libertés
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Cent fois sur le métier...

Me Lucie Lamarche, Professeure en sciences juridiques, UQÀM et membre du conseil d’administration de la LDL

Retour à la table des matières Revue Droits et libertés, printemps / été 2023

Les célébrations,  dont celle du 60e anniversaire de la création de la Ligue des droits et libertés (LDL), sont des occasions rêvées de réfléchir au parcours d’une institution. Déjà en 2013, la magnifique publication Au cœur des luttes1, soulignant les 50 années d’existence de la LDL, accordait une attention nécessaire aux droits économiques et sociaux de la personne. En effet, le droit à la santé, à l’éducation, à un niveau de vie décent, à l’environnement et au travail ne se résument pas à de vagues aspirations économiques ou idéologiques. Ces droits, tout comme les libertés fondamentales ou les droits civils, sont des droits autonomes et à part entière. Ils participent au principe de l’interdépendance, de l’indivisibilité et de l’indissociabilité de tous les droits humains, un principe reconnu en 1993 à l’occasion de la Conférence de Vienne sur les droits humains, à laquelle la LDL a participé. Cette reconnaissance fondamentale ne va toutefois pas sans peine. Et la LDL milite de diverses façons afin de promouvoir le caractère de droits des droits économiques et sociaux. Pour ce faire, elle s’allie au mouvement communautaire et syndical, un allié expert incontournable en la matière. Cette stratégie permet de valoriser le fait que les plus vulnérables sont aussi des titulaires de droits substantiels qui peuvent et doivent exiger de l’État qu’il veille au respect des droits économiques et sociaux sur un mode autre que celui de l’urgence. Dans son Rapport sur l’état des droits humains au Canada et au Québec2 publié en 2013, la LDL insistait sur la recherche d’un effet utile de l’article 28 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) de 1948, lequel affirme que « toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puisse y trouver plein effet ». La DUDH accorde une égale importance aux droits civils, politiques, économiques et sociaux. En conséquence, tous les droits humains contribuent à l’aspiration proposée par l’article 28 de la DUDH. Mais comment donc agir sur un tel ordre à titre de droits humains ? Des réponses s’imposent. S’il le faut, privilégions les dépenses sociales et non les dépenses militaires, par exemple. Ou encore, dénonçons les législations qui ne respectent pas l’affirmation « toute personne a droit » comme c’est le cas du non-accès aux soins de santé pour les personnes en situation irrégulière sur le territoire canadien.
Les plus vulnérables sont aussi des titulaires de droits substantiels qui peuvent et doivent exiger de l’État qu’il veille au respect des droits économiques et sociaux sur un mode autre que celui de l’urgence.
C’est donc au cas par cas des législations sociales ou de celles ayant un net impact social que la LDL déploie ses actions dans le respect du principe de l’interdépendance de tous les droits humains. Par exemple, elle a, et ce depuis les années 1980, appuyé les luttes destinées à l’humanisation et au respect du droit à l’égalité et à la dignité humaine dans les législations québécoises successives d’aide sociale (lesquelles ont souvent changé de nom). Elle a aussi accompagné le processus ayant mené à l’adoption en 2002 de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, non sans toutefois exprimer certaines réserves issues des exigences des droits humains3. La LDL s’est aussi avérée une alliée engagée de la défense du droit au logement. Elle a participé à la Commission populaire itinérante sur le droit au logement en 20124 et a repris la route avec le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) en 2021 aux fins d’une mission d’observation sur la situation du logement à Gatineau5. La Commission populaire itinérante avait pour mandat de « dresser le portrait des problèmes de logement qui sont vécus à travers le territoire québécois, par les locataires, les personnes mal-logées et les personnes sans-abri, de même que par les Autochtones, ainsi que les impacts qu’aurait la fin des subventions fédérales aux logements sociaux existants ». Dans la foulée de sa mission de promotion et de défense des droits, la LDL a enfin initié des réflexions sur des sujets complexes, comme la protection sociale6. Plus récemment, elle a créé un comité de travail portant sur le droit à la santé, dans la foulée duquel elle adopte la définition de ce droit proposée par l’OMS : le meilleur état de bien-être physique, mental et social. Le matériel d’éducation produit en appui au séminaire d’octobre 20227 insiste sur cinq dimensions des atteintes possibles à ce droit : la technologisation, la privatisation, l’exigence de démocratisation, la rémunération des médecins et le rôle des tribunaux. De plus, la LDL a suivi de très près les enjeux de santé publique et de démocratie révélés par la crise de la COVID8. On reconnaît aujourd’hui les atteintes disproportionnées et préjudiciables envers certains groupes vulnérables des mesures d’urgence imposées en temps de pandémie de même que les atteintes à certains droits, dont le droit au travail et à l’éducation. Ces angles morts ont révélé le peu de considération accordée aux droits économiques et sociaux en temps de crise pandémique. Somme toute, la LDL, en assurant la prise en compte d’un cadre de référence des droits humains en matière de droits sociaux et économiques, défend d’une part l’idée que l’État doit mesurer les initiatives sociales à l’aune de ce cadre et de son statut d’obligataire en matière de droits humains et d’autre part, celle que ces droits ne sont pas solubles dans les eaux de l’ultralibéralisme ou de l’Austérité. Compte tenu de ses ressources limitées, la LDL a aussi appris à jouer à l’équilibriste sur le fil du local et de l’international. Ainsi, elle a, à plusieurs reprises (1993; 1996; 2006; 2016), porté à l’attention du Comité du Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies les nombreuses violations de droits dont les personnes se trouvant sur le territoire du Québec ont été et sont encore victimes. Les observations de ce Comité ont été largement diffusées au Québec, soit au plus près des titulaires de droits. Dans la foulée de la Conférence de Vienne, la LDL a porté et porte encore haut et fort le caractère de droits des droits économiques et sociaux et le principe de l’interdépendance de tous les droits humains. Forte de ses alliances, elle adapte ses luttes aux besoins. Par exemple, elle considère de nos jours avec plus de vigilance l’impact du racisme systémique sur les droits économiques et sociaux. Elle s’est fait entendre en ce sens durant la crise de la COVID9. De même, les enjeux de l’écojustice, de la crise environnementale et climatique et du droit de toute personne à un environnement sain10 mobilisent ses énergies de diverses façons, dont l’exploration des exigences du droit à l’information et à la participation. Ce faisant, la LDL lie les enjeux environnementaux et les droits économiques et sociaux et adapte ses analyses en conséquence. La LDL est fière de son engagement envers les droits économiques et sociaux de la personne et défend son bilan. Pourquoi alors évoquer dans le titre de ce court article le besoin de remettre cent fois sur le métier son ouvrage ? Parce que les droits économiques et sociaux sont fragiles. Lorsque les droits humains enregistrent des reculs, il est tentant d’estimer que certains droits sont plus importants que d’autres. Il n’en est rien. Un défi supplémentaire pour le futur proche des militant-e-s de la Ligue des droits et libertés!
  1. En ligne : https://liguedesdroits.ca/au-coeur-des-luttes-1963-2013/
  2. En ligne : https://liguedesdroits.ca/wp-content/fichiers/rappot-droits-humains-pdf
  3. Voir par exemple Vincent Greason et Lucie Lamarche, Poverty Impact Analysis (PIA) and Governmental Action: « Made in Québec » …. Again? 2009, disponible à : https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1466059
  4. En ligne : https://www.frapru.qc.ca/wp-content/uploads/2013/11/RapportFinalComplet.pdf
  5. En ligne  :  https://liguedesdroits.ca/wp-content/fichiers/2021/02/rapport_mission_gatineau_vf_20210208.pdf
  6. En ligne : https://liguedesdroits.ca/wp-content/fichiers/2020/06/ldl-pdf
  7. En ligne : https://liguedesdroits.ca/cadre-danalyse-i-le-droit-a-la-sante-nous-echappe/
  8. Consultez la section dédiée droits humains et pandémie COVID-19 sur le site Web de la En ligne : https://liguedesdroits.ca/cat/dh-et-covid-19/
  9. En ligne : https://liguedesdroits.ca/cat/dh-et-covid-19/
  10. Garanti à l’article 1 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec

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75e de la DUDH – C’est l’ONU qui doit être revue – Gustave Massiah

10 décembre 2023, par Gustave Massiah
Intervention de Gustave Massiah à la Nuit internationale pour les droits sociaux globaux qui a eu lieu samedi 9 décembre 2023 à l’occasion de l’adoption du 75e anniversaire de (…)

Intervention de Gustave Massiah à la Nuit internationale pour les droits sociaux globaux qui a eu lieu samedi 9 décembre 2023 à l’occasion de l’adoption du 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) le 10 décembre 1948. Comment utiliser la DUDH face aux (...)

Amérique latine : les paysan.es enfermé.es dans le cercle vicieux du néolibéralisme

8 décembre 2023, par Célia Sales
L’Amérique latine est une région convoitée : ses richesses minières, la fertilité de ses sols, et la main-d’œuvre bon marché sont des atouts incontestables pour les firmes (…)

L’Amérique latine est une région convoitée : ses richesses minières, la fertilité de ses sols, et la main-d’œuvre bon marché sont des atouts incontestables pour les firmes transnationales, ne manquant pas de les exploiter jusqu’à l’épuisement. C’est ce qui ressort du panel sur les luttes (...)

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Maxiplotte

8 décembre 2023, par Valentin Tardi — , , ,
Julie Doucet, Maxiplotte, L'association, 2021, 400 pages. Julie Doucet constitue sans contredit –, surtout si on se donne la peine de parcourir ses planches grouillantes de (…)

Julie Doucet, Maxiplotte, L'association, 2021, 400 pages.

Julie Doucet constitue sans contredit –, surtout si on se donne la peine de parcourir ses planches grouillantes de détails inusités et de clins d'œil – une figure vertigineuse de la BD underground québécoise, mais aussi internationale – cette réédition française de son œuvre l'affirme haut et fort, tout comme le Grand Prix du festival de la BD d'Angoulême, qu'elle a reçu en mars.

Pour mieux situer cette œuvre féministe – c'est-à-dire qui affirme et qui porte des propos partisans liés au sexe féminin – il faut revenir fin 1980, quand Julie Doucet se lance en autoéditant à la photocopieuse les premiers cinquante exemplaires de son fanzine coup de poing Dirty Plotte, bien en phase avec le mouvement Riot Girrrls. Plotte pour vulve, mais aussi pour répliquer à ce terme péjoratif aussi employé pour femme.

Dans ses comics, l'autrice se met en scène de façon autobiographique – nouveau pour l'époque – non sans négliger l'aspect débridé des rêves, qui sont un matériau de choix pour elle. D'aucuns dénonceront une provocation crue, indécente, exhibitionniste et un chouia délirante. Doucet, réputée timide, a tout simplement joué la carte de la licence subversive dans la mesure où, atteignant à l'origine un public ultra confidentiel, il n'y avait pas lieu de se limiter. Découvrir ou replonger dans ces pages, le plus souvent en un radical noir et blanc, nous ramène devant les tampons, pénis et autres menstruations qui frappent l'imagination.

Ce (très) beau livre avec un dos toilé orange vif est conçu, sur le plan éditorial et artistique, par Jean-Christophe Menu, lui-même auteur, fan de la première heure et membre fondateur de L'Association, qui a été parmi les tout premiers éditeurs à publier Julie Doucet. (Au Québec, juste avant, c'est Chris Oliveiros qui en avait fait son tout premier livre lié à la revue Drawn & Quarterly.) Ce pavé de quatre cents pages couvre la quasi-intégralité de la douzaine de numéros de Dirty Plotte (1990-1998), Ciboire de criss !, Monkey & the Living Dead ainsi que plusieurs BD inédites, de très bonnes interviews et des extraits du journal manuscrit de Doucet. Manquent seulement ses livres de collages plus récents, publiés chez L'Oie de Cravan.

On retiendra également la dédicace aux « fabricatrices de fanzines et, plus spécialement à Geneviève Castrée » – une Québécoise trop tôt disparue qui s'inspirait de Doucet…

La collision des récits. Le journalisme face à la désinformation

Philippe de Grosbois, La collision des récits. Le journalisme face à la désinformation, Écosociété, 2022, 200 pages. Dans La collision des récits : le journalisme face à la (…)

Philippe de Grosbois, La collision des récits. Le journalisme face à la désinformation, Écosociété, 2022, 200 pages.

Dans La collision des récits : le journalisme face à la désinformation, notre camarade Philippe de Grosbois s'intéresse à un sujet attirant beaucoup d'attention : le phénomène des fausses nouvelles, des vérités parallèles qui se transmettent sur Internet et qui connaissent de nos jours une vigueur exceptionnelle. Nous en observons sans cesse les effets toxiques dans les débats publics. L'auteur se donne le défi d'aborder cette question non plus sous l'angle officiel — ces gens qui propagent les fausses nouvelles sont mal informés et, devant leur ignorance, il faut rétablir la vérité —, mais en entreprenant une mise en cause beaucoup plus large de notre système médiatique.

Selon l'auteur, la forte circulation de la désinformation résulte aussi d'un manque de confiance marqué envers le journalisme et les grandes institutions. Alors qu'il devrait en découler un sérieux examen de conscience, la tendance est plutôt de réfuter une à une les fausses nouvelles, avec l'impression de n'avoir rien à se reprocher et en prenant parfois de haut les personnes qui gobent les mensonges. D'après de Grosbois, il faut procéder « à l'envers » et « plutôt se demander pourquoi les gens ne croient plus au discours des institutions, y compris celui des médias “établis” ».

La source du problème proviendrait du courant positiviste qui reste encore dominant aujourd'hui dans le monde journalistique. Auguste Comte et Émile Durkheim ont développé, en philosophie et en sociologie, une approche qui consiste à « mettre en lumière les lois universelles du développement des sociétés par la recherche empirique ». Ce qui a permis d'importants progrès. Mais on constate aussi aujourd'hui les limites de cette façon de procéder. Sous une apparence d'objectivité, l'information positiviste défend le système en place et laisse peu d'espace à la critique et à une diversité de points de vue et de sujets abordés. À force de maintenir trop fermement le couvercle sur la marmite, viennent d'ailleurs les faussetés les plus invraisemblables, qui profitent d'un vide pour prospérer.

Sans insister trop sur des fondements théoriques, la démonstration de Philippe de Grosbois s'appuie sur de nombreux exemples de traitement de fausses nouvelles dans l'actualité. L'auteur se lance aussi dans un long parcours, très pertinent, qui se concentre sur les hauts et des bas du journalisme de combat au Québec, de la naissance de la presse écrite à la grande période du néolibéralisme, jusqu'à la situation actuelle, avec son « explosion de la parole ». Constamment, il se plaît à prendre à rebours les idées reçues.

L'essai se termine par un hommage aux médias alternatifs qui s'acharnent à exister envers et malgré tout (comme votre revue À bâbord ! dans laquelle Philippe est grandement impliqué) et qui, sous des formes très variées, allant de l'humour aux publications très spécialisées, parviennent à échapper aux moules de la grande information, sans qu'on leur accorde toujours l'attention méritée.

La collision des récits est un essai courageux, allant à fond dans la critique d'un milieu toujours très puissant, quoi qu'on en dise, et en général plutôt rébarbatif à l'idée de se remettre en cause. Celles et ceux qui connaissent les écrits de Philippe de Grosbois y retrouveront son écriture fluide, d'une grande clarté, qui procure une lecture aisée, tout en permettant d'aborder son sujet avec rigueur, engagement et pertinence.

Au commencement était... une nouvelle histoire de l’humanité

8 décembre 2023, par Jean-François Millette — , , ,
David Graeber et David Wengrow, Au commencement était... une nouvelle histoire de l'humanité, Les liens qui libèrent, 2021, 752 pages. Traduit de l'anglais par Élise Roy. (…)

David Graeber et David Wengrow, Au commencement était... une nouvelle histoire de l'humanité, Les liens qui libèrent, 2021, 752 pages. Traduit de l'anglais par Élise Roy.

Au commencement était nous plonge dans le paléolithique et le néolithique, dans plusieurs régions du globe qui ont vu l'émergence de civilisations anciennes. Ce livre est l'aboutissement d'une décennie d'échanges entre l'anthropologue David Græber et l'archéologue David Wengrow. Il devait être le premier d'une séquence de trois où les deux auteurs allaient poursuivre leur réflexion. Le décès de David Græber en septembre 2020 a limité ce projet à ce premier volume, terminé quelques semaines auparavant.

L'ouvrage propose une alternative à la vulgate soutenue par des auteurs tels que Jared Diamond ou Yuval Noah Harari selon laquelle il y avait de petites communautés de chasseurs-cueilleurs, plus ou moins égalitaires, jusqu'à ce que l'adoption de l'agriculture vienne perturber cet « état de nature », plongeant alors l'humanité dans une dynamique inéluctable, allant des surplus alimentaires à la croissance démographique, de la spécialisation des tâches à la hiérarchie sociale, de la propriété privée aux inégalités économiques, jusqu'aux premiers États. Depuis Hobbes et Rousseau, l'état de nature initial a pu être imaginé de différentes manières, mais il reste que le passage à l'agriculture est demeuré conçu comme un point de non-retour, devenu plus récemment « la pire erreur de l'histoire de l'humanité », selon Jared Diamond. Chapitre après chapitre, les concepts à la base de cette dynamique sont remis en question.

Dans la relecture de l'histoire proposée par Graeber et Wengrow, les membres de ces communautés des époques lointaines retrouvent une conscience politique que les auteurs estiment souvent oubliée par les spécialistes. Habituellement considérée comme un produit des Lumières, cette omission a fini par forger l'idée de communautés préhistoriques suivant aveuglément la tradition ou la volonté des dieux, sans délibérations ni choix éclairés. Des sites archéologiques comme Göbekli Tepe en Turquie ou Poverty Point en Amérique du Nord démontrent plutôt que l'agriculture a été pratiquée conjointement avec la chasse et la cueillette dans une alternance saisonnière associée à des organisations sociales distinctes, plus ou moins hiérarchiques ou autoritaires selon les contextes. Même un site comme Çatal Höyük en Turquie, présenté depuis longtemps comme l'un des plus anciens villages agricoles, indique selon les auteurs qu'une telle alternance y a eu cours pendant quelques millénaires. Les anciennes grandes cités-États de Mésopotamie, de Chine ou de Mésoamérique n'avaient rien à envier à la démocratie athénienne. Les auteurs démontrent que les assemblées délibérantes y étaient, à tout le moins, tout aussi présentes que les administrations centralisées et autoritaires. L'analyse de la cité-État de Tlaxcala, ville ennemie des Aztèques, est ici des plus intéressantes.

Si les communautés humaines ont alterné entre différentes organisations sociales et sont passées d'un mode de subsistance à un autre sur une période de quelques millénaires, la question est davantage de savoir comment, dans différentes régions, les communautés en sont venues à être prises dans une organisation sociale ne semblant plus permettre la moindre flexibilité. Les auteurs répondent à cette question en réfléchissant au concept d'État et en nous rappelant que l'histoire est toujours singulière et qu'il est réducteur et hasardeux de tenter d'identifier des dynamiques qui se seraient répétées dans tous les contextes.

Parmi les nombreuses idées et hypothèses avancées dans ce livre, certaines pourraient vous sembler très spéculatives, mais elles ouvrent des possibilités intéressantes et stimulantes pour la recherche à venir.

Singes

8 décembre 2023, par Valentin Tardi — , , ,
Aurel, Singes, Futuropolis, 2021, 200 pages. Dessins de presse, caricatures politiques et reportages sont les constantes du travail d'Aurel, qui a notamment publié ses (…)

Aurel, Singes, Futuropolis, 2021, 200 pages.

Dessins de presse, caricatures politiques et reportages sont les constantes du travail d'Aurel, qui a notamment publié ses dessins dans Le Monde diplomatique, Le Monde ou Politis. À la blague, on pourrait dire qu'il publiait déjà un premier livre sur ses origines avec La menuiserie (Futuropolis, 2016) : il y était question de la menuiserie de son père qui, s'il en avait accepté le legs, aurait atteint la cinquième génération… Avec Singes, Aurel questionne plutôt les arcanes de nos supposés communs ancêtres. En sous-titre, la question au cœur de ce livre passionnant : « Quel genre d'animaux sommes-nous ? ». L'auteur, définitivement BD-reporter, multiplie les rencontres avec des primatologues, une philosophe, des artistes et des médecins. Le bouquin vise à démultiplier, selon Baptiste Morizot, philosophe et préfacier de l'ouvrage, « les mille formes de l'animalité et les mille relations à elles au niveau culturel et politique ». Aurel documente son sujet, tricote et relance les personnes qu'il interviewe afin de nous amener à considérer certaines nuances et perspectives de recherches sur les vies animales, qui éclairent « l'énigme d'être humain ». Parfois disparate – avec l'écho qu'il fait de vidéos surprenantes, de rencontres stimulantes ainsi que d'une bibliographie pertinente – Aurel parvient assurément à ébranler nos a priori sur les primates en s'affranchissant du regard infantilisant sur eux. Et un tel regard renouvelé n'est pas anodin : après, tout, comprendre de haut ces animaux en utilisant le regard humain comme absolu, c'est aussi ce qui nous a menés à asservir ou à refuser le caractère humain à d'autres humains !

Détournement de science. Être scientifique au temps du libéralisme

Jean-Marie Vigoureux, Détournement de science. Être scientifique au temps du libéralisme, Écosociété, 2020, 216 pages. Le livre de Jean-Marie Vigoureux, (…)

Jean-Marie Vigoureux, Détournement de science. Être scientifique au temps du libéralisme, Écosociété, 2020, 216 pages.

Le livre de Jean-Marie Vigoureux, enseignant-chercheur et vulgarisateur, est un plaidoyer pour une science citoyenne. Une science portée par des qualités et valeurs comme la justice, la curiosité, l'esprit critique, l'honnêteté intellectuelle et le partage.

Vigoureux s'emploie donc à tracer la ligne entre la science telle qu'elle devrait être et ce qu'il appelle le scientisme. Florissante aux 18e et 19e siècles, cette idéologie attribue aux méthodes de la physique et des sciences en général une portée illimitée. Elle conçoit que « le développement des connaissances va permettre d'organiser scientifiquement l'humanité pour le bonheur de tous ». D'une part, le scientisme envisage la maitrise potentiellement absolue de tous les éléments de notre environnement. D'autre part, il est intrinsèquement lié à l'idée d'un « progrès » qui entrevoit l'atteinte du bonheur par le développement de la raison et de la science. Vigoureux rappelle judicieusement que dans l'euphorie de jadis, il était à peine relevé que des générations entières étaient en train d'être sacrifiées sur l'autel du progrès, au profit d'une minorité. À cet effet, la condition ouvrière du 19e est un exemple patent.

Vigoureux constate que le scientisme a aujourd'hui laissé place à ce qu'il nomme économisme, une approche qui s'est substituée au scientisme dans ses prétentions d'explication absolues du monde. L'économisme s'inscrit dans une pensée libérale exacerbée, privilégiant égoïsme et cupidité. Il place la productivité, la rentabilité et le profit au cœur de ses objectifs. En somme, il lie la quête du bonheur à l'expansion du libre marché. Il s'exprime notamment par une soif des résultats, une importance accrue de la quantification, une conception de l'économie libérale comme mue par des lois naturelles et une bureaucratisation décuplée imposée notamment aux chercheur·euses en échange du financement de leurs travaux. Il entraine une marchandisation de la science, l'amenant à servir, par toutes sortes de stratagèmes, « davantage la finance et la grande industrie » que le bien commun.

J'ai particulièrement apprécié les passages du livre où l'auteur nous propose des exercices de nuance concernant certains lieux communs ou a priori vis-à-vis de la science. Par exemple, Vigoureux remet en question la propension qu'ont certains à faire entièrement reposer la responsabilité des dérives scientifiques sur les épaules de certains penseurs du passé. Il discute de l'exemple de Descartes qui envisageait comme allant de soi l'instrumentalisation et la subordination de la nature aux humains – et qui a amplement été critiqué pour cela. Mais Vigoureux nous demande : « est-ce la faute de Descartes si nous sommes devenus de mauvais maitres ? »

Ce questionnement fait écho au livre dans son entièreté, en ce qu'il s'agit d'un appel à la responsabilisation face à ce qu'est devenue la science. Elle est décrite comme une marchandise tenue en otage sur les marchés par des entreprises, le primat du profit corrompant ses visées et son développement. En remettant les pendules à l'heure, le livre nous enjoint aussi à considérer les espoirs pour le développement d'une science citoyenne. À ce propos, Vigoureux cite en exemple un laboratoire de recherche de l'Université Ouverte, auquel il a participé, qui réunissait des citoyen·nes amateur·trices de recherche et des enseignant·es chercheur·euses professionnel·les.

Au final, Vigoureux nous invite à prendre conscience de notre pouvoir collectif, pour changer de paradigme économique et espérer réorienter la science, pour qu'elle puisse servir la lutte contre la destruction de notre planète.

Pandémie. Traquer les épidémies, du choléra aux coronavirus

8 décembre 2023, par Xavier P.-Laberge — , , ,
Sonia Shah, Pandémie. Traquer les épidémies, du choléra aux coronavirus, Écosociété, 2020, 329 pages. Il faudra des décennies pour saisir l'ampleur et les ramifications de (…)

Sonia Shah, Pandémie. Traquer les épidémies, du choléra aux coronavirus, Écosociété, 2020, 329 pages.

Il faudra des décennies pour saisir l'ampleur et les ramifications de la pandémie de COVID-19. Nous sommes malheureusement encore trop près du drame pour pouvoir en tirer les conclusions nécessaires. Cependant, il est possible de se tourner vers le passé pour comprendre les raisons de l'apparition de ce virus et en éviter d'autres. Sonia Shah, journaliste scientifique pour le New York Times, le Wall Street Journal, Foreign Affairs et Le Monde diplomatique, avait écrit dès 2016 un livre sur les épidémies, du choléra aux coronavirus. L'ouvrage a été republié en 2020 et Écosociété nous offre une traduction de ce livre essentiel à nous tou·tes qui sommes devenu·es obnubilé·es par la science entourant la COVID-19.

Il est difficile de rester impassible devant les informations contenues dans cet essai. On y apprend entre autres qu'un certain consensus existait chez les épidémiologistes sur le fait qu'un virus ou une bactérie causerait une pandémie mondiale dans les années à venir et que cette pandémie risquait bien d'être due à un coronavirus. De plus, ce virus ou cette bactérie avait de fortes chances de nous être transmis par un animal – ce qu'on nomme une zoonose. Cette information est d'autant plus troublante que Sonia Shah débute son premier chapitre par le récit d'une enquête qu'elle a faite en 2011 dans un marché urbain d'animaux vivants et morts à Guangdong, en Chine : elle cherchait à expliquer l'apparition du syndrome respiratoire aigu sévère, ou SRAS, apparu en 2003 et dû… à un coronavirus.

L'auteure explore les différents problèmes pouvant causer une épidémie mondiale de l'ordre de la COVID-19. Elle présente notamment plusieurs épidémies de choléra, qui tue encore aujourd'hui des milliers de personnes chaque année. Les chapitres traitent en particulier de zoonose, de propagation des agents pathogènes, des effets multiplicateurs des villes, des problèmes capitalistes menant à de mauvaises réponses de la santé publique, des moyens de prévoir la prochaine épidémie et d'y remédier. Ce livre est donc une petite bible des pandémies et permet une compréhension plus approfondie à tou·tes les épidémiologistes amateur·es que nous sommes devenu·es. Une des grandes forces de cet ouvrage est le lien qui est fait entre les sciences sociales, les sciences de la nature et la biologie. Vivement et scientifiquement recommandé !

L’engagement pousse là où on le sème

Laurence Bherer, Geneviève Cloutier et Françoise Montambault, L'engagement pousse là où on le sème, Écosociété, 2021, 316 pages. L'engagement pousse là où on le sème, c'est (…)

Laurence Bherer, Geneviève Cloutier et Françoise Montambault, L'engagement pousse là où on le sème, Écosociété, 2021, 316 pages.

L'engagement pousse là où on le sème, c'est le récit d'un groupe de résident·es du quartier Rosemont–La-Petite-Patrie à Montréal, qui décident de s'unir pour créer un jardin collectif en permaculture sur un terrain vague jouxtant leur ruelle verte. Au fil du temps, une petite communauté se construit autour du partage de savoir-faire horticoles, de ressources physiques et des récoltes alimentaires du jardin. Le Carré Casgrain, comme on le nomme, devient ainsi lieu de rassemblement pour les gens du quartier à travers l'organisation de petits événements et la mise en place de mobilier accueillant. À petite échelle, ce groupe arrive à se mobiliser et à poser des actions concrètes pour le verdissement de son quartier.

L'ouvrage raconte aussi les obstacles rencontrés par ces citoyen·nes engagé·es. Ceux-ci découlent du fait que le terrain demeure une propriété privée et que le projet n'est que temporaire. Au-delà de l'initiative de départ du verdissement, les initiateur·trices du projet en viennent à prendre un rôle plus important que prévu à titre de représentant·es du quartier auprès des institutions locales, entre autres dans le cadre du projet de la Société de transport de Montréal qui souhaite construire un nouveau garage sur un terrain à proximité.

C'est sous la plume de trois chercheuses en sciences sociales, Françoise Montambeault, Laurence Bherer et Geneviève Cloutier, qui ont suivi le groupe de résident·es durant toute la durée du projet, que l'on en apprend davantage sur ce Carré Casgrain, passé de jardin ouvert à collectif citoyen. À travers le récit, on aborde les thèmes du verdissement, de l'urbanisme tactique, de l'éco-gentrification et des projets participatifs citoyens. Grâce aux lumières des chercheuses qui expliquent ces principes et amènent des exemples comparatifs de ce qui se fait ailleurs, on comprend mieux le contexte dans lequel s'inscrit le projet du Carré Casgrain.

La lecture est agréable et accessible à tous et toutes, d'autant plus que le texte est entrecoupé de témoignages d'Hélène, Alex, Hélia, Claude, Camille, Adeline, Charlotte et des deux Fabien qui ajoutent beaucoup de dynamisme et rendent le récit de cette aventure d'autant plus vivant. Ces citoyen·nes ont fait partie intégrante de ce projet et y apportent leur couleur, leur vécu et les diverses motivations qui les ont poussé·es à agir. Les illustrations d'Emanuelle Dufour contribuent aussi à imager cette histoire.

Seul bémol, l'organisation du récit amène certains passages à être répétitifs. À trop vouloir tout expliquer, on radote un peu. Somme toute, un ouvrage qui fait du bien à lire, qui redonne espoir en l'engagement collectif et qui pourrait inspirer toute âme écologique à mener une telle initiative citoyenne.

Une SPA scindée en quatre parties

7 décembre 2023, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Le Réseau d’information sur les municipalités maintient ses inquiétudes quant au projet de société protectrice des (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Le Réseau d’information sur les municipalités maintient ses inquiétudes quant au projet de société protectrice des animaux dans le KRTB, annoncé comme la future référence au Québec. Les principaux paramètres financiers étant maintenant (...)

Négociation dans les secteurs public et parapublic

7 décembre 2023, par Yvan Perrier — , ,
Dans la présente ronde de négociation dans les secteurs public et parapublic nous assistons par moment à une véritable offensive idéologique verbale du côté du gouvernement (…)

Dans la présente ronde de négociation dans les secteurs public et parapublic nous assistons par moment à une véritable offensive idéologique verbale du côté du gouvernement caquiste autour des chiffres. La cagnotte totale avancée est énorme, considérable même. À un certain point, il peut même être question d'un montant pharaonique ( « 9 milliards récurrents, à terme »). Mais quand on regarde les choses d'un peu plus près, cette somme colossale à première vue vaut fort peu de choses pour la personne qui touchera à la fin sa part, sa toute petite part.

Le milliard du Conseil du trésor

Dans un communiqué rendu public le 6 décembre 2023 par le cabinet de la ministre responsable de l'Administration gouvernementale et présidente du Conseil du trésor il est mentionné ceci :

« Le gouvernement du Québec annonce le dépôt d'une nouvelle offre aux tables centrales qui hausse les paramètres salariaux à 12,7 %, sur cinq ans. L'offre globale, quant à elle, passe à 16,7%.

C'est donc plus d'un milliard supplémentaire de l'argent des contribuables que le gouvernement ajoute sur la table l'offre globale actuelle représentant ainsi plus de 9 milliards récurrents, à terme ».


De 1 milliard $ annuellement à… 32$ par semaine !

Il serait intéressant de connaître les détails des calculs du Conseil du trésor qui sont à la base des chiffres qu'il fait circuler présentement. Ces milliards de dollars vont-ils être versés uniquement du côté des salarié.e.s syndiqué.e.s ou y a-t-il une partie qui sera dirigée du côté de l'enveloppe salariale des cadres, des député.e.s et des médecins ? Nous avons écrit à ce sujet aux responsables des communications du Conseil du trésor. En attendant leur réponse, demandons-nous ce que peut bien représenter concrètement un milliard de dollars pour chacune et chacun des 600 000 salarié.e.s syndiqué.e.s ?

1 000 000 000$ divisé par 600 000 = 1 666$

Pour chaque milliard que le gouvernement prétend ajouter annuellement dans la masse salariale des salarié.e.s syndiqué.e.s cela leur met individuellement dans leur porte-monnaie, en moyenne, 1 666 $, soit environ 32$ par semaine.


Conclusion

La cruelle réalité que se cache derrière les chiffres est triste à regarder car une fois le montant total réparti sur chacune et chacun des salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic il s'agit d'une très faible bonification de l'augmentation salariale. Une offre ridiculement basse pour les 600 000 personnes salarié.e.s, qui sont à environ 75% des femmes, surtout si elle ne couvre pas l'inflation annuelle et si elle ne permet pas non plus un véritable rattrapage salarial avec ce qui est observé dans les autres administrations publiques.

Morale de cette histoire

Il ne faut surtout pas se laisser intimider par une succession de zéro.

Yvan Perrier

6 décembre 2023

23h45

yvan_perrier@hotmail.com

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De 9% à 10,3 à 12,7% sur 5 ans… (Texte 2)

6 décembre 2023, par Yvan Perrier — , ,
Le gouvernement du Québec vient tout juste de faire connaître sa troisième proposition d'augmentation salariale à ses 600 000 salariées.es syndiqué.es qui sont à environ 75% (…)

Le gouvernement du Québec vient tout juste de faire connaître sa troisième proposition d'augmentation salariale à ses 600 000 salariées.es syndiqué.es qui sont à environ 75% des femmes. Cette offre est passée, depuis le 15 décembre 2022, de 9% (décembre 2022), à 10,3% (octobre 2023), à 12,7% (décembre 2023), pour une période de 5 ans.


Les prétentions du gouvernement Legault

Cette offre de hausse salariale est conforme, selon le gouvernement Legault, aux prévisions de l'inflation pour 2023 et les quatre années suivantes. Il faut noter ici que cette proposition ne tient aucunement compte de la forte inflation de l'année 2022, année où se sont échues nos conventions collectives dans les secteurs public et parapublic. L'année 2022 a connu une très forte hausse des prix à la consommation, de 6,7%. Différents paramètres fiscaux, les rentes de retraite du Québec et les allocations de dépenses des député.e.s ont été indexées en 2023 pour corriger l'inflation réelle de 2022.


La réaction syndicale ne s'est pas fait attendre

Selon les dirigeantes du Front commun intersyndical CSN-CSQ-FTQ-APTS, les prévisions de l'inflation à partir de l'année 2022 et les quatre années suivantes s'élèvent à 18,1 %. La réponse des dirigeants.es syndicaux à la nouvelle proposition présentée par la présidente du Conseil du trésor, madame Sonia lebel, a été rejetée sur le champ.

Dans le communiqué syndical, mis en ligne sur les réseaux sociaux, nous pouvons lire ceci :

« Cette offre (de 12,7% sur cinq ans YP) aura toujours pour effet d'appauvrir les travailleuses et les travailleurs du secteur public. Sans une clause garantissant la protection du pouvoir d'achat et un enrichissement permettant un rattrapage salarial, il ne sera pas possible d'en arriver à une entente ».

Petit rappel au sujet des demandes salariales du Front commun

Les demandes d'augmentations salariales du Front commun, pour un contrat de travail d'une durée de 3 ans, se détaillent comme suit :

2023 : Indice des prix à la consommation (IPC) +2 %
2024 : CPI +3 %
2025 : IPC +4 %


Petit rappel au sujet d'un traitement d'augmentation salariale différentielle

Rappelons en terminant que le gouvernement caquiste a accordé des bonifications substantielles de 30 % aux élus.es de l'Assemblée nationale (avec une clause remorque en lien avec ce qui sera appliqué aux salarié.es des secteurs public et parapublic) ;

une hausse de 49,7 % aux juges de paix magistrats ;

et une hausse de 21% sur cinq ans aux policières et aux policiers de la Sûreté du Québec. Offre, doit-on le rappeler, qui a été rejetée par les membres de l'Association des policières et des policiers provinciaux du Québec (APPQ).

Yvan Perrier

6 décembre 2023

18h15

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Les plus récents développements aux tables de la FAE et de la FSE-CSQ (Texte 1)

6 décembre 2023, par Yvan Perrier — , ,
Nous sommes manifestement dans ce qui a pour nom la dernière grande étape de la présente ronde de négociation dans les secteurs public et parapublic. La présidente du Conseil (…)

Nous sommes manifestement dans ce qui a pour nom la dernière grande étape de la présente ronde de négociation dans les secteurs public et parapublic. La présidente du Conseil du trésor, madame Sonia Lebel, a présenté à la FAE, (lundi le 4 décembre 2023 et le lendemain à la FSE-CSQ) une « proposition verbale d'entente sectorielle de principe exploratoire » accompagnée d'une annexe d 'une page et demi.


Les réactions syndicales

La présidente de la FAE, madame Mélanie Hubert, n'a pas encore commenté le contenu de la « proposition verbale exploratoire » portant sur les enjeux normatifs (organisation du travail, statut à l'emploi, tâche, affectations, etc.), alors que la présidente de la FSE-CSQ, madame Josée Scalabrini, a publiquement exprimé sa déception devant les pistes envisagées, à ce moment-ci, par le Conseil du trésor pour arriver à une entente de principe. Il s'agit, pour la présidente de la FSE-CSQ, d'une offre qui est loin de répondre aux attentes des enseignantes et des enseignants qu'elle représente. Bien qu'insuffisante pour déboucher sur un projet d'entente formelle, les ponts ne sont pas pour autant coupés entre les parties. La FSE-CSQ considère le « dépôt exploratoire » comme correspondant à un signal positif pour poursuivre les échanges avec le gouvernement.

En dernière heure, nous apprenons que le gouvernement du Québec doit présenter aux porte-parole du Front commun CSN-CSQ-FTQ et APTS une offre salariale bonifiée cet après-midi autour de 15h

Yvan Perrier

6 décembre 2023

13h45

Sources :

https://www.lafae.qc.ca/actualites/actu-proposition-verbale . Consulté le 6 décembre 2023.

https://www.facebook.com/search/top?q=fse-csq . Consulté le 6 décembre 2023.

Lexique

FAE : Fédération autonome de l'enseignement, environ 66 000 membres en grève générale illimitée.

FSE-CSQ : Fédération de syndicats de l'enseignement affilié à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ). La FSE-CSQ négocie en ce moment avec l'Association provinciale des enseignantes et des enseignants du Québec (APEQ-QPAT). Ces deux regroupements comptent environ 100 000 membres et font partie du Front commun CSN-CSQ-FTQ et APTS.

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Un traitement par le gouvernement qui nourrit « notre indignation et renforcera notre mobilisation »

6 décembre 2023, par Montréal
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Un traitement par le gouvernement qui nourrit « notre indignation et renforcera notre mobilisation »

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Malgré le temps froid et la neige, la mobilisation et la solidarité s'intensifient sur les lignes de piquetage, alors que les 66 000 enseignants de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) sont en grève générale illimitée depuis 10 jours. Après la marche de la journée historique du 23 (...)

Entrevue — comment les travailleurs de la SQDC ont fait plier le gouvernement

6 décembre 2023, par Montréal
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Il y a trois semaines, les travailleurs de 26 succursales de la Société québécoise du cannabis (SQDC), membres du SCFP-5454, mettaient fin à l'une des plus longues grèves de l'histoire du secteur public canadien. Avec leur nouvelle convention collective approuvée par environ 85% des membres, (...)

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6 décembre 2023, par Comité de Montreal
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Le corps en manifestation

5 décembre 2023, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Lors de la semaine du 19 novembre, de nombreuses manifestations ont eu lieu au Bas-Saint-Laurent et partout au Québec (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Lors de la semaine du 19 novembre, de nombreuses manifestations ont eu lieu au Bas-Saint-Laurent et partout au Québec par le Front Commun pour exiger de meilleures conditions de travail ainsi qu’un salaire bonifié. Tôt mercredi, entre (...)
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L’environnement et l’interdépendance des droits

5 décembre 2023, par Revue Droits et libertés
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L'environnement et l'interdépendance des droits

Karina Toupin, Responsable de l'administration et des finances à la LDL Article rédigé à partir d’un texte de Sylvie Paquerot, professeure retraitée de l’Université d’Ottawa et ancienne membre du CA de la LDL

Retour à la table des matières Revue Droits et libertés, printemps / été 2023

La Ligue des droits et libertés (LDL) a été fondée à une époque où le droit à un environnement sain en était à ses balbutiements. L’angle par lequel la LDL a abordé différents dossiers en lien avec l’environnement est marqué par le contexte plus global de développement des perspectives liant les enjeux environnementaux et les droits humains, et mérite que nous nous y attardions un moment. La façon dont la LDL a abordé ces enjeux à travers ses décennies d’activités reflète ce contexte plus large, en quelque sorte. Au fil de son histoire, la LDL est intervenue dans de nombreux dossiers liés, directement ou indirectement, à des enjeux environnementaux. Le lien entre droits humains et enjeux environnementaux a été abordé de front dès la conférence des Nations Unies sur l’environnement à Stockholm, en 1972. Vingt ans plus tard, lors de la conférence de Rio, l’accent était mis sur la participation de toutes et tous, ouvrant ainsi le chemin à l’approfondissement de la dimension procédurale du droit à l’environnement et à la précision des droits civils et politiques qui y sont liés. Ainsi, il est reconnu que « la meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés », ce qui implique la réalisation du droit à l’information, la possibilité de participer aux processus de prises de décisions et d’accéder à la justice. Il convient de se reporter à l’époque où la LDL fut créée : dans les années 1960 et 1970, les impacts des détériorations de l’environnement sur de nombreux droits humains et l’interdépendance des droits humains sont révélés par des affaires célèbres dans le monde entier, qui en fournissent des exemples dramatiques. Les années 1970 sont aussi marquées au Québec par la création du ministère de l’Environnement, le développement du droit de l’environnement (Loi sur la qualité de l’environnement, Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), etc.), l’essor du mouvement environnemental et la multiplication des groupes écologistes, qui se comptèrent bientôt par centaines à travers la province. Au départ, les interventions de la LDL évoquaient plutôt les droits des peuples autochtones, le droit à des logements salubres ou la liberté d’expression en lien avec certains dossiers environnementaux, sans référer spécifiquement au droit à un environnement sain. La LDL a abordé plus explicitement les enjeux environnementaux à la lumière des droits humains à partir de la fin des années 1990, notamment en approfondissant les enjeux sur le droit à l’eau1 et par sa participation à la mise sur pied de l’Association québécoise pour le contrat mondial de l’eau, en 1999. C’est avec le travail sur les poursuites-bâillons au milieu des années 2000 que s’amorce une véritable mise en relation de deux grands fronts de luttes citoyennes : celle pour les droits et l’écocitoyenneté. À partir du milieu des années 2000, la LDL est beaucoup plus active en ce qui concerne les dimensions procédurales du droit à un environnement sain. Les poursuites-bâillons, des actions judiciaires intentées contre des individus ou des groupes de pression en vue de les neutraliser, ont fait l’objet d’un imposant travail de la LDL et d’autres groupes. Cet important pan de son histoire est abordé dans l’article sur la liberté d’expression de la présente revue.

Exploitation des gaz de schiste et interdépendance

Les débats entourant l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste au Québec permettent à la LDL de prendre la mesure des atteintes potentielles aux droits que recèlent beaucoup de projets de développement. On constate que celui-ci se planifie et se réalise bien souvent contre les populations et notamment celles des communautés autochtones directement touchées par cette exploitation. En effet, dès les premières démarches visant l’exploration et l’exploitation, on s’apercevra que des droits civils et politiques, comme des droits économiques, sociaux et culturels, sont directement menacés, voire déjà violés. En 2010, dans le cadre des travaux du BAPE, la LDL invoque notamment le paragraphe 51 de l’Observation générale numéro 14 concernant le droit à la santé du PIDESC2 pour questionner la décision du développement d’exploiter cette filière. La LDL porte son attention sur deux droits plus spécialement à risque dans ce dossier : le droit à la santé et le droit à l’eau. Dans le développement de son argumentation, la LDL innove dans la manière de lier enjeux environnementaux et droits humains, en opérant un lien complexe, fondé sur une analyse en termes d’interdépendance des droits. Le raisonnement va comme suit : en vertu de ses propres lois, le gouvernement a l’obligation de protéger ses ressources en eau et donc d’étudier préalablement l’impact des projets de développement qui les affectent. Par ailleurs, le gouvernement a l’obligation de fournir à la population toutes les informations nécessaires qui peuvent concerner sa santé. En conséquence, les études d’impact sur l’environnement, qui sont une obligation, doivent comprendre l’étude des impacts sur les droits humains des projets et non seulement les impacts sur l’environnement au sens strict. Cette analyse en termes d’interdépendance de tous les droits l’amènera à affirmer l’obligation du principe de précaution, malgré la faiblesse de l’intégration de ce principe en droit canadien et québécois.

Le droit de dire NON

Dans la foulée des projets d’exploitation des gaz de schistes, la LDL publie en 2010 un important mémoire intitulé Le droit de dire NON. À travers les nombreux dossiers environnementaux qui ont suscité la controverse au Québec dans la dernière décennie, c’est bien la capacité des populations concernées de décider pour elles-mêmes de leurs choix de développement qui est gravement bafouée. La LDL souligne que cela constitue « une rupture de plus en plus profonde du lien de confiance entre la population et son gouvernement en matière d’exploitation de ressources, de projets de développement et de protection de l’environnement et du milieu de vie »3. Pour justifier son intervention devant un organisme consultatif en matière environnementale, la LDL invoque d’abord le fait que le gouvernement du Québec lui-même a, en 2006, intégré dans la Charte des droits et libertés de la personne un article spécifique, l’article 46.1, rédigé en ces termes : « Toute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité4 ». La LDL en déduit que : « l’intention du législateur est donc bel et bien, en ajoutant l’article 46.1 dans la Charte, de voir mieux garanti et mieux protégé le droit de vivre dans un environnement sain5 ». Son analyse en termes d’interdépendance amènera l’organisme à beaucoup plus de précision quant aux impacts sur les droits des dimensions environnementales de nos modes de développement. Lorsqu’elle se présente devant le BAPE, en novembre 2010, la LDL inscrit son intervention du point de vue des droits potentiellement atteints dans le développement de l’industrie du gaz de schiste au Québec6, mais également du point de vue du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Cet enjeu soulève tout particulièrement la question du respect du droit à l’autodétermination et de la souveraineté des communautés autochtones situées sur les territoires touchés par ces développements. Au regard de ces choix de développement, la LDL attire également l’attention sur nos obligations face aux générations futures. C’est une réflexion sur la portée de cette affirmation que la LDL a amorcé dans le cadre de son intervention sur le développement des gaz de schiste au Québec.

Conclusion

En 2014, la LDL publie sa brochure L’environnement, un enjeu de droits humains, visant à informer le public sur l’environnement comme condition de réalisation des droits humains, de même que sur les processus démocratiques essentiels à un environnement sain. Ce cadre d’analyse est déployé davantage dans la revue Écologie et droits humains, penser les crises, publiée en 2020. Elle se joint à la même époque au Front commun pour la transition énergétique, une vaste coalition œuvrant à mettre en place une transition écologique porteuse de justice sociale. La stratégie de liaison des enjeux environnementaux et de défense des droits semble fournir au moins deux leviers pertinents pour renforcer les luttes citoyennes pour la justice. D’une part, la compréhension des enjeux environnementaux en termes de droits humains permet aux écologistes de situer leurs revendications dans un cadre plus largement politique, liant luttes sociales et luttes environnementales, augmentant ainsi significativement leur auditoire, leur légitimité, et donc leur portée. D’autre part, elle met en scène les exigences de l’article 28 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui stipule « Toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puisse y trouver plein effet. » Le pouvoir politique doit donc assumer ses responsabilités en ce qui a trait à la mise en place et au maintien d’un tel ordre. Du point de vue de la défense des droits humains, cette mise en liaison permet d’élargir la compréhension de l’interdépendance de tous les droits, de l’illustrer concrètement avec une acuité extraordinaire.
  1. Ligue des droits et libertés, Dossier : le droit à l’eau, Bulletin de la LDL, printemps En ligne : https://liguedesdroits.ca/wp-content/fichiers/bul-2006-05-00.pdf
  2. Le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint (2000), Observation générale no 14, 22e session : 11/08/2000. E/C.12/2000/4.
  3. Le droit de dire NON : mémoire de la Ligue des droits et libertés déposé dans le cadre de la consultation portant sur le « Développement durable de l’industrie des gaz de schiste au Québec » devant le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), 2010.
  4. R.Q., chapitre C-12/2006, c. 3, a. 19.
  5. Le droit de dire non, cit., p. 5
  6. En ligne : https://liguedesdroits.ca/memoire_bape_gazdeschiste_ldl_20101116/

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PROJET DE GAZODUC ÉNERGIR / MÉGADÉPOTOIR WM de Ste-Sophie, une opération en voie de passer comme une lettre à la poste ?

5 décembre 2023, par Collectif — , , ,
Ce deuxième gazoduc (Papier Rolland#1) est un projet inutile et essentiellement destiné à des intérêts privés. Il se ferait au détriment de milieux humides et d'importants (…)

Ce deuxième gazoduc (Papier Rolland#1) est un projet inutile et essentiellement destiné à des intérêts privés. Il se ferait au détriment de milieux humides et d'importants risques pour les aquifères environnants.

Ce projet avaliserait pour encore 20 ans le pire mode de gestion des matières résiduelles, le méga-enfouissement pêle-mêle de la matière organique. Il ferait de Ste-Sophie et de la MRC de la Rivière-du-Nord, la poubelle du Québec, avec près de 20 % de tous ses déchets annuels et 400 camions qui chaque jour déferlent sur cette localité.

Une plainte formelle à l'Office de la protection du consommateur a récemment été déposée contre Énergir pour « représentations fausses ou trompeuses » notamment sur la question du prétendu gaz naturel renouvelable, le « GNR ».

Une consultation publique et une enquête du BAPE ont été obtenues du ministère de l'Environnement par des citoyens, des citoyennes et des organismes environnementaux de la région.

POSER UNE QUESTION À ÉNERGIR, C'EST POSÉ UN GESTE CITOYEN POUR LA PROTECTION DE L'EAU, DES MILIEUX HUMIDES ET DU CLIMAT !

La première partie de cette consultation se tiendra les 5 et 6 décembre. Elle est destinée aux questions sur le projet. Elle est ouverte à tous et à toutes, en présentiel ou en virtuel.

(La deuxième partie des audiences, celle des opinions/mémoires débutera le 16 janvier 2024.)

Consultez cette liste, une suggestion de questions sélectionnées pour intervenir sur place ou virtuellement. (https://docs.google.com/document/d/1rjDynp2B3JhwmysAn7u59My8huPgueZQpMZI_xih4bI/edit?usp=sharing )

QUAND : mardi le 5 décembre dès 19h. et mercredi le 6 décembre 2023, dès 13h30 (19h = à confirmer)

OÙ : Salle Le Tapis Rouge, 348 rue St-Georges, J7Z 5A5 au centre-ville de Saint-Jérôme

Infos du BAPE sur le projet de gazoduc d'Énergir avec le mégadépotoir WM Ste-Sophie
https://www.bape.gouv.qc.ca/fr/dossiers/raccordement-complexe-valorization-biogaz-biomethanisation-ste-sophie-mirabel

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Un manifeste pour l’écosocialisme

5 décembre 2023, par Clémentine Autain — , ,
C'est une somme, et elle est passionnante. Mon ami Hendrik Davi, à la fois biologiste, ancien syndicaliste et aujourd'hui député LFI, vient de publier Le capital c'est nous, un (…)

C'est une somme, et elle est passionnante. Mon ami Hendrik Davi, à la fois biologiste, ancien syndicaliste et aujourd'hui député LFI, vient de publier Le capital c'est nous, un manifeste pour une justice sociale et écologique. Aussi érudit qu'accessible dans l'écriture, abstrait que concret, cet essai dresse les défis d'aujourd'hui pour un projet d'émancipation et prend à bras-le-corps la question stratégique. Un pari audacieux qui a le mérite de nous éclairer dans ces temps obscurcis…

5 novembre 2023 | tiré du site de la gauche écosocialiste
https://gauche-ecosocialiste.org/6343-2/

Tout au long de la lecture, j'ai été frappée par la proximité d'idées que je peux avoir avec cet animateur de la Gauche écosocialiste, avec ce qu'il analyse et ce qu'il propose comme chemin – et pourtant, nous n'y arrivons pas toujours avec les mêmes références, et nous n'avons pas le même parcours. Je retiendrai ici seulement quelques points saillants, en vous invitant à plonger dans le détail de son dense récit. Ce livre ne règle évidemment pas toutes les questions qui sont devant nous mais il débroussaille l'horizon et la méthode.

Capitalocène

D'abord, je signe et contresigne l'assertion première : la tension sur laquelle nous devons nous appuyer pour créer des dynamiques révolutionnaires, des « points de basculement des pouvoirs », c'est « la contradiction entre la préservation de la planète et la société de consommation ». Pour décrire la période actuelle, Hendrik Davi préfère parler de « capitalocène » que d' « andropocène ». Car « le régime d'accumulation capitaliste est responsable de l'ampleur qu'ont pris les désordres écologiques ». Il est donc nécessaire de dépasser le capitalisme pour retrouver de l'équilibre dans les rapports entre la nature et l'humanité, ce qui suppose de « transformer en profondeur notre appareil de production et nos modes de consommation ». Or ce changement est impossible « dans un monde où la logique d'accumulation du capital surdétermine les décisions économiques ». Cela ne veut pas dire que le capitalisme, vert, ne puisse pas résoudre une partie des défis environnementaux. Mais, comme le capitalisme va de pair avec la société de consommation, qui représente une base matérielle sur laquelle réaliser des profits, il existe une « contradiction insoluble » entre l'expansion infinie du capital et la résorption de la crise écologique.

Écosocialisme

Opposé à la logique d'effondrement qui supposerait que tout est perdu, partisan de la planification écologique, Davi s'attache à redéfinir la valeur monétaire d'une marchandise, dans une formule apparemment complexe : « temps de travail social incluant le capital constant et le capital variable, multiplié par l'empreinte écologique, inversement proportionnel à l'utilité social ». Autrement dit, le jeu de l'offre et de la demande sont aujourd'hui biaisés par le marketing et la publicité qui créent des besoins artificiels. Il ne permet pas, seul, de fournir le niveau d'utilité sociale de la marchandise. Davi propose donc d'inclure à la fois la valeur sociale du travail accompli et l'empreinte écologique : « plus une marchandise requiert de travail social, plus son empreinte écologique est forte, moins son utilité sociale est élevée, plus elle doit être chère ». Sage et juste proposition qui donne à voir l'articulation nécessaire entre le social et l'écologie et qui dit combien les règles communes, l'État, la loi peuvent décider de ne plus laisser le champ libre aux normes du marché.

Boussoles éthiques

Comme « les principes moraux guident les actions », Davi s'attache par ailleurs à fonder le projet émancipateur sur une éthique et des fondements philosophiques : il en va de notre « boussole ». L'auteur, qui cherche à réinsuffler du matérialisme dans le raisonnement de Kant, écrit : « le choix moral n'a d'intérêt social que s'il a une conséquence en acte ». Nous voici ramenés à une pensée qui m'est très chère, et depuis fort longtemps : l'existentialisme sartrien, « où les hommes et les femmes ne se construisent que par leurs actes », et j'ajouterai pour ma part gorzien, tant André Gorz fut un maître d'œuvre remarquable de cette théorie. Davi pose alors quatre principes pour fonder une éthique émancipatrice : un rapport apaisé et durable avec la biosphère (Gaïa), un développement harmonieux des sociétés humaines (égalité), la nécessaire réciprocité des engagements entre humains (solidarité), l'objectif de liberté matérielle et intellectuelle pour toute existence (émancipation).

Utilité de la démocratie

Pour parvenir à ces objectifs, tout au long de l'ouvrage, Davi déploie une panoplie d'arguments pour la démocratie. Au fond, il la prend très au sérieux, non pas comme un poncif ou un simple parti pris théorique mais davantage comme une méthode indispensable, pragmatique, pour parvenir à nos fins. Car, nous dit-il, « l'idéal démocratique part d'une hypothèse qui me semble juste : plus nous sommes nombreux à réfléchir à un problème, plus nous avons de chances de trouver les solutions les plus appropriées ». La multiplication des points de vue et la liberté de penser sont des forces, à condition que toujours plus de citoyens aient toujours davantage accès à l'éducation et à l'information : « plus le caractère démocratique est important, plus la décision est donc lente à prendre, mais elle a plus de chances d'emporter l'adhésion du plus grand nombre, ce qui accroît son efficacité ». Par ailleurs, Davi affirme ce qui peut sembler une évidence mais qui en réalité n'est pas si simple : « la transformation radicale de la société ne doit pas avoir lieu contre la majorité de la population ».

Éloge de la théorie et la dialectique

La seconde moitié du livre de Davi est consacrée aux stratégies révolutionnaires, avec pour question : « comment reprendre collectivement le volant d'un bolide fonçant dans un mur, à un conducteur ivre mort et shooté à la cocaïne ? ». La difficulté majeure est d'affronter les classes dominantes dont les intérêts sont liés aux modes de production et de consommation en place. Or, par définition, même si la bourgeoisie porte en elles des contradictions à saisir, celles-ci dominent idéologiquement, économiquement et politiquement. Pour nous orienter dans l'affrontement inéluctable avec ces classes dominantes, nous avons besoin de théorie politique. Davi la distingue de l'idéologie, cette « élaboration et reproduction d'un corpus fixe d'idées qui cassent le ressort idéologique », en rappelant que « ce que nous enseigne la trahison stalinienne, c'est aussi qu'une théorie de l'émancipation doit penser les garde-fous qui permettront d'éviter un retour de l'orthodoxie et une fossilisation de la théorie ». Face à la complexité du monde et à ses réalités mouvantes, nous avons donc besoin de « flexibilité radicale selon la situation ». C'est ainsi que Davi nous livre un éloge de la dialectique, qui doit s'ancrer dans la praxis. Permettant de « sans cesse redéfinir les concepts à la lumière des situations », la dialectique va à l'encontre d'une vision figée des choses. La tâche des dialecticiens, c'est à la fois de permettre de mieux démasquer les mécaniques d'imposture des classes dominantes, qui consistent notamment à dévier le sens des mots, et de produire un imaginaire commun alternatif, reposant sur des pratiques concrètes, des gisements de communisme au sein même de la société capitaliste – « en prouvant la faisabilité d'un autre monde, ils le rendent tangibles ».

Médiations et forme parti

En lisant ce livre, j'ai découvert que je partageais avec Davi une attention majeure pour les médiations. Syndicats, partis, associations doivent faire l'objet d'une réflexion approfondie sur leur mode de fonctionnement et sur leurs relations. Se prémunir des processus de bureaucratisation et de la captation des pouvoirs par un petit nombre n'est pas facile mais essentiel.

Si Davi développe sur les indispensables mobilisations sociales et sur le rôle des syndicats, je m'arrête ici sur son approche de la formation politique dont nous avons besoin. Défendant la forme du parti plutôt que le gazeux, il nous met en garde contre le caractère anti-démocratique d'un mouvement informel : l'un des avantages du parti sur celui-ci, c'est que le choix de la direction peut être décidé démocratiquement. La structuration donne moins libre cours aux mécanismes de domination et de captation des pouvoirs, à condition d'être « le lieu d'une véritable révolution permanente » avec des outils démocratiques tels que la rotation et le non-cumul des mandats.

Davi aborde avec justesse la place de l'intellectuel organique qu'il conçoit dans un mouvement de va-et-vient avec les militants : celui-ci doit « pouvoir nourrir l'organisation politique d'un arrière-plan théorique qui donne de la consistance, tant à la construction de l'horizon émancipateur qu'aux stratégies révolutionnaires. À travers la praxis, il est lui-même nourri par l'expérience collective ». S'il existe bien une séparation entre le travail intellectuel et le travail pratique, il ne doit pas y avoir de « séparation de classe » avec, d'un côté, « ceux qui collent les affiches », et de l'autre, « ceux qui rédigent les positions » de fond ou stratégiques : il faut des allers-retours entre les deux. Davi ajoute : « la formation intellectuelle est nécessaire mais elle ne peut se substituer à la formation par l'action militante et le débat démocratique ».

Par ailleurs, la prise du pouvoir central ne peut se concevoir sans imaginer aussi des moyens de prendre des positions dans les collectivités locales : « l'ancrage territorial est un autre élément clé de notre stratégie révolutionnaire ». À condition de se prémunir de la tendance des militants politiques qui participent aux institutions, locales ou nationales, à « faire corps avec l'idéologie dominante qui les imprègne ».

Au total, Davi plaide pour la reconstruction d'un « grand parti de masse apte à entretenir des relations confraternelles avec les autres organisations de gauche, les syndicats et des myriades d'associations. (…) Il faut éviter la subordination des autres forces qui composent notre écosystème de l'émancipation. Nous devons aussi approfondir le fonctionnement démocratique ». Et de rappeler que « la fossilisation stalinienne a limité la capacité du PCF à se transformer de l'intérieur en acceptant les critiques formulées par des générations de communistes : une démocratie vivace et la possibilité de faire vivre le pluralisme sont des conditions essentielles à la réussite d'une nouvelle force politique ».

Se préparer au jour d'après la victoire

Défenseur de la Nupes, surtout dans le cadre de la tripartition politique, Davi précise qu'« il nous faut toujours trouver le bon compromis entre le rassemblement le plus large possible et la clarté des revendications ou du programme. Nous l'avons vu dans de nombreux pays, gagner des élections sur un programme trop flou et avec une volonté politique trop molle, qui accompagne le capitalisme sans l'affronter, conduit à la démobilisation, notamment des classes populaires. » Davi nous met aussi en garde sur le jour d'après la victoire, qui ne peut être un impensé, notamment au vu des nombreux échecs de la gauche au pouvoir, en France et ailleurs. Il nous faut donc « nous préparer très minutieusement à l'affrontement qui vient ». Il en va de notre capacité à mettre en œuvre des solutions transitoires face à l'offensive des marchés, de notre rapport aux hauts fonctionnaires qui « organisent toujours avec le même zèle la casse des services publics » ou du débordement du gouvernement par le mouvement social et la rue, « condition pour que la lutte des classes avance dans la bonne direction ».

Rien d'exhaustif dans ma lecture ici livrée de ce manifeste pour une justice sociale et écologique. Conscient du caractère « périlleux » de son projet d'écriture et persuadé que « les meilleures synthèses sont collectives », Davi pose des jalons stimulants pour dégager le chemin de la victoire d'une gauche digne de ce nom.

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Andreas Malm s’attaque à la pensée de Latour et Descola

5 décembre 2023, par Nicolas Celnik — ,
Dans son dernier essai, le géographe suédois Andreas Malm, ardent défenseur du sabotage, critique l'abolition de la distinction entre nature et culture, qui n'est pas en mesure (…)

Dans son dernier essai, le géographe suédois Andreas Malm, ardent défenseur du sabotage, critique l'abolition de la distinction entre nature et culture, qui n'est pas en mesure de nourrir « une haine de classe écologique ».

Tiré de Reporterre
3 novembre 2023

Par Nicolas Celnik

(La traduction française de l'essai Avis de tempête du géographe suédois Andreas Malm vient d'être publié. Brandon Bell/Getty Images vis AFP)

C'est un intellectuel de premier plan qui n'a pas voulu voir l'évidence en face : en 1938, Sigmund Freud fut l'un des derniers à comprendre la menace de l'arrivée des nazis à Vienne. Il fallut l'exfiltrer d'Autriche au dernier moment, et plusieurs membres de sa famille payèrent le prix de son aveuglement. « L'analogie avec l'urgence climatique actuelle est évidente : quand on ne panique pas de façon appropriée, on ne peut pas prendre de mesures radicales en conséquence », écrit le géographe suédois Andreas Malm dans un essai daté de 2020 et traduit cette année en français, Avis de tempête — Nature et culture dans un monde qui se réchauffe (La Fabrique). Il s'agit donc, selon lui, de faire deux choses : paniquer, et le faire bien.

Andreas Malm a été érigé, un peu trop vite, en intellectuel de référence des Soulèvements de la Terre parce qu'il développait dans Comment saboter un pipeline (La Fabrique, 2020) une théorie justifiant le recours au sabotage et l'abandon du principe de non-violence par le mouvement écologiste. S'il continue d'affirmer qu'au vu de l'urgence, « il faut saboter », il prend cette fois le temps de clarifier le rôle que doit occuper la théorie dans le mouvement climat. Et selon lui, la théorie « peut faire partie du problème » si elle ne contribue pas à rendre clairs les objectifs. Un impératif qu'il traduit ainsi : « Toute théorie adaptée à l'état de réchauffement doit avoir comme point de repère pratique […] la lutte pour la stabilisation du climat — dont la première étape nécessaire est la destruction de l'économie fossile. Une telle théorie doit dégager des marges d'action et de résistance. »

« La première étape : la destruction de l'économie fossile »

Première étape de cette clarification : contredire les courants de pensée que l'auteur d'Avis de tempête juge contreproductifs dans la lutte pour la stabilisation climatique. L'intellectuel suédois désigne avant tout ceux qui affirment que la « nature » n'existe pas : soit parce qu'elle serait aujourd'hui trop artificialisée par les humains (c'est le constructionnisme du géographe britannique Neil Smith) ; soit parce qu'elle serait hybridée à la culture (c'est ce que défend le philosophe français Bruno Latour) ; soit parce qu'elle aurait une « puissance d'agir » qu'il s'agit de reconnaître (on retrouve là aussi Bruno Latour).

En visant ces courants de pensée, Malm s'attaque à un double patronage devenu central dans les sciences humaines françaises, celui de Bruno Latour et celui de l'anthropologue Philippe Descola. Tous deux appellent à penser Par delà nature et culture (d'après le titre de l'ouvrage de Philippe Descola, paru en 2005) afin de changer d'ontologie, c'est-à-dire de manière de se représenter le monde. Selon eux, ce changement est crucial pour arrêter de se penser maîtres et possesseurs de la nature. Ce « tournant ontologique » dans les sciences humaines a eu une influence considérable sur tout un pan des pensées de l'écologie. Il a donné naissance à la « philosophie du vivant » aujourd'hui animée par de nombreuses personnes, dont Baptiste Morizot, Nastassja Martin ou encore Vinciane Despret.

Andreas Malm bat en brèche la philosophie du vivant, tel que développée par Morizot ou Despret. © Mathieu Génon / Reporterre

Sauf que pour Malm, ce cadre de pensée « ne peut être que de très mauvais conseil » dans les circonstances actuelles : pour lui, « la tâche vitale de la théorie [est de] maintenir la distinction analytique afin de dégager la façon dont les propriétés de la société s'entremêlent avec celles de la nature ». Autrement dit, ce que les intellectuels doivent faire, c'est rendre claire la responsabilité des élites à la tête de l'économie fossile dans la catastrophe qui s'annonce.

Sans le citer, Malm reprend ce qu'écrivait Kant du « lieu commun » : « Il se peut que ce soit juste en théorie, mais en pratique, cela ne vaut rien. » Ainsi, quand Latour défend l'idée qu'« il n'existe pas un seul cas dans lequel il serait utile de distinguer entre ce qui est “naturel” et ce qui “n'est pas naturel” », Malm propose un exercice de pensée. Imaginons, écrit-il, une entreprise qui déverse une marée noire dans le delta d'une rivière. Plutôt que de se poser une question latourienne abstraite du genre « qui du pétrole ou de l'eau a englouti l'autre ? », comme Malm s'amuse à le penser, il faut étudier les « propriétés spécifiques » de la biodiversité du delta d'un côté (avec ses dauphins, oiseaux migrateurs, chaîne alimentaire, etc.), et, de l'autre, « les procédures opérationnelles de l'entreprise, les rouages de la recherche du profit, le niveau de concurrence dans l'industrie pétrolière », le premier terme étant bien évidemment « naturel » quand le second ne l'est pas.

« Nous avons ardemment besoin d'une haine de classe écologique »

Maintenir cette distinction analytique entre nature et culture est alors un enjeu stratégique : en bon écomarxiste, le Suédois soutient que rien ne vaut la dialectique pour séparer le bon grain de l'ivraie : « ExxonMobil dans un coin, et le pergélisol, vulnérable, dans un autre — et ensuite, passer à l'action. » Considérer que la nature est dotée d'une agentivité peut conduire à voir dans le réchauffement climatique une forme de vengeance des puissances telluriques, une révolte de la Terre contre l'humanité. Pour Malm, cette posture justifie une jouissance du désastre contre-productive : ceux qui pâtissent de la crise environnementale ne sont pas ceux qui la provoquent, cette histoire de vengeance semble donc mal troussée. Et c'est là où affleurent de nouveau les questions stratégiques : pour Malm, la nature ne peut pas être considérée comme un sujet révolutionnaire, parce que « ses retours de flamme sont aléatoires et non subjectifs », et que l'« on n'acclame pas un ouragan comme on acclame une grève ».

De ce monde de nouveau séparé entre nature et culture, Malm en vient à un éloge de la polarisation, avec des formules bien senties : « Sans politique de la polarisation ni façon de penser oppositionnelle, nous nous condamnons à une chute sans ressaut vers l'abîme. La guerre politique contre une classe dominante toujours plus mortifère nécessite des manuels remplis de dualités. » De ces manuels naîtra « une perception juste qui fonde le sentiment dont nous avons sans doute le plus ardemment besoin dans un monde en réchauffement : une haine de classe écologique dirigée contre les acteurs de l'économie fossile ».

Ambiguïtés

Avis de tempête est un livre fidèle à la volonté d'Andreas Malm de tracer des lignes claires, tant dans les fondements théoriques (un écomarxisme posant comme centrale et capitale la question du réchauffement) que dans les perspectives stratégiques du mouvement climat (arrêter l'économie fossile, par tous les moyens). Mais on y trouve aussi les ambiguïtés de l'auteur : d'abord, un « léninisme écologique », qui, convoquant l'urgence climatique pour justifier l'autorité, force à établir des lignes de partage claires et tire à boulets rouges sur des penseurs comme Bruno Latour sans penser l'inclure dans le « camp » des alliés potentiels.

Dans La chauve-souris et le capital (La Fabrique, 2021), Malm assurait que « l'État devrait se charger » d'imposer « des restrictions draconiennes » : une vision très verticale du pouvoir, à rebours des enjeux démocratiques, horizontaux et émancipateurs portés par tout un courant de l'écologie politique.

Ce que les intellectuels doivent faire, c'est rendre claire la responsabilité des élites à la tête de l'économie fossile dans la catastrophe qui s'annonce. © Twitter/Alternatiba Paris

Si Malm est précieux pour rappeler qu'il existe un pôle constitué par les élites des hydrocarbures, les solutions qu'il propose de mettre en place ont de quoi créer de nouvelles divisions. Pour lui, « le déploiement massif de technologies à émissions négatives [de CO2] » est « un projet révolutionnaire pour les quelques siècles à venir ». Position trouble du géographe sur un sujet qui ne l'est pas moins : faire l'éloge des technologies de stockage de carbone, dont l'efficacité à grande échelle n'est pas prouvée, sans mentionner des solutions fondées sur la nature, comme l'agroécologie, l'agroforesterie, etc., semble indiquer un désintérêt pour nombre des projets alternatifs déjà existants.

Comme le soulignait un long portrait consacré au géographe dans la revue Terrestres, vu l'importance prise par Malm récemment, « ses angles morts peuvent devenir nos angles morts, et ses limites nos limites ». Cet essai démontre qu'abolir la distinction nature/culture peut être contreproductif d'un point de vue stratégique, mais il illustre aussi, en creux, que différencier les « amis » des « ennemis de classe » est une posture risquée à bien des égards.

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Travailler moins ne suffit pas | Julia Posca

5 décembre 2023, par Éditions Écosociété, Julia Posca — , ,
Alors que le Front commun du secteur public s'apprête à déclencher la grève, Julia Posca livre une réflexion audacieuse sur la réduction du temps de travail, une mesure aussi (…)

Alors que le Front commun du secteur public s'apprête à déclencher la grève, Julia Posca livre une réflexion audacieuse sur la réduction du temps de travail, une mesure aussi souhaitée qu'incomplète.

Le livre *Travailler moins ne suffit pas*, de la chercheuse à l'IRIS Julia Posca, va paraître *en librairie le 14 novembre 2023*.

*En bref : *Qui n'a jamais rêvé de travailler moins ? Pourtant, est-ce seulement le nombre d'heures travaillées qui pose problème ou la nature même de nos emplois ?

*À propos du livre*

Temps supplémentaire (obligatoire ou non), cumul d'emplois pour boucler les fins de mois, impératif de performance, conciliation travail-famille ardue : beaucoup de nos concitoyen·nes sont épuisés. En 2019, selon une enquête de Statistique Canada, environ le quart de la population du Québec identifiait le travail comme « principale source de stress de la vie de tous les jours », alors que « 70 % indiquaient que leur expérience en milieu de travail avait des répercussions sur leur santé mentale… ».

Dans ce contexte, la réduction du temps de travail apparaît comme une panacée. Par ailleurs, rarement a-t-on vu le Conseil du patronat du Québec et les syndicats manifester tous les deux un intérêt pour une même mesure, que ce soit afin de fidéliser la main-d'œuvre ou d'améliorer sa qualité de vie. En passant moins de temps au boulot, nous pourrions enfin reprendre notre souffle et consacrer plus de temps à nos relations sociales, aux tâches domestiques ou à l'engagement communautaire. Nous pourrions enfin nous épanouir… à l'extérieur du travail.

Mais suffit-il vraiment de travailler moins pour retrouver l'équilibre entre les différentes facettes de nos vies surchargées ? Cette solution serait-elle à même de « réenchanter » le travail, de lui redonner un sens et de permettre aux personnes salariées de se sentir utiles et valorisées ? Autrement dit, est-ce seulement le nombre d'heures travaillées qui pose problème ou bien le travail lui-même ?

Interrogeant notre rapport au travail, explorant sa nature et envisageant les voies à emprunter pour lui redonner un sens, Julia Posca propose ici une réflexion originale sur les finalités de notre économie. Une invitation à revoir l'organisation du travail pour qu'il réponde d'abord aux besoins les plus « authentiques » : assurer à tous et toutes une existence digne, entretenir des relations riches et léguer une vie bonne aux futures générations.

*À propos de l'autrice*

Julia Posca est sociologue et chercheure à l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS). Membre du comité de rédaction de la revue Liberté, elle a notamment fait paraître *Le manifeste des parvenus* (Lux, 2018).

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