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Le militant anglais pro palestinien George Galloway élu député
Militant pro palestinien radical, George Galloway, l'un des « perturbateurs politiques » les plus célèbres et controversés d'Angleterre, comme le qualifie The Times, est devenu, vendredi 1er mars, le nouveau député de Rochdale, dans le nord du pays, où 30% de la population locale est de confession musulmane.
Tiré de MondAfrique.
Avec vingt points d'avance sur son premier concurrent, il a remporté une élection législative partielle à la suite d'une campagne houleuse marquée par la guerre entre Israël et le Hamas.
George Galloway fait partie de la gauche radicale d'outre-Manche. Sept fois député, il était une figure du Labour avant d'en être évincé pour avoir critiqué la politique au Moyen-Orient de Tony Blair lors de la guerre en Irak. C'est donc sous la bannière du parti des travailleurs de Grande-Bretagne (Workers Party of Britain) qu'il s'est présenté et qu'il a battu le parti travailliste et le parti conservateur.
Une victoire « plus qu'alarmante »
« Keir Starmer, c'est pour Gaza », a clamé Galloway après sa victoire, en faisant référence au dirigeant travailliste qui a initialement refusé d'appeler à un cessez-le-feu à Gaza. « Vous avez payé et vous paierez un prix élevé pour le rôle que vous avez joué en permettant, en encourageant et en couvrant la catastrophe qui se déroule actuellement dans la bande de Gaza. »
Le Premier ministre conservateur Rishi Sunak estime que le résultat de cette élection législative partielle est « plus qu'alarmant » au cours d'un discours devant Downing Street.
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Portugal. « Nous nous battons pour une majorité afin de mettre en œuvre des mesures concrètes. »
Mariana Mortágua – dirigeante du Bloco de Esquerda et principale candidate pour les élections législatives du 10 mars au Portugal – ne rejette pas l'idée d'entrer dans un éventuel gouvernement dirigé par Pedro Nuno Santos [tête de liste pour le Parti socialiste ; en 2015, le premier ministre Antonio Costa en avait fait son secrétaire d'Etat aux Affaires parlementaires chargé du lien avec la Coalition démocratique unitaire et le Bloco de Ezquerda]. Toutefois, Mariana Mortágua estime que l'important est de parvenir à un accord sur les orientations politiques. Dans une interview accordée au quotidien Público, elle fait de la récupération intégrale du temps de service (ancienneté) des enseignants en un an [l'évolution de la carrière avec ses conséquences sur les salaires a été gelée entre 2005 et 2007 et entre 2011 et 2017 en invoquant des raisons budgétaires] l'une de ses priorités. Elle ne montre aucune volonté politique de le faire en quatre ans, comme le propose le PS. En ce qui concerne les salaires, elle affirme que « la seule façon d'augmenter le salaire moyen » est de passer par le « droit du travail ». Si l'AD (Aliança Democrática, entre Parti social-démocrate-PSD, Parti du centre démocratique-CDS et Parti populaire monarchiste-PPM) remporte les élections, elle affirme que le Bloco de Esquerda (BE) « ne soutiendra aucun gouvernement de droite ».
23 février 2024 | tiré du site la Gauche écosocialiste
https://gauche-ecosocialiste.org/portugal-nous-nous-battons-pour-une-majorite-afin-de-mettre-en-oeuvre-des-mesures-concretes/
Lors du débat avec Pedro Nuno Santos, vous avez clairement indiqué qu'un accord écrit était nécessaire pour soutenir un gouvernement PS. Disposez-vous déjà de ce document écrit ? Quelles sont les conditions minimales ?
Mariana Mortágua : Nous disons que le Portugal a besoin de solutions pour surmonter les principaux problèmes laissés par le gouvernement à majorité absolue du PS [d'Antonio Costa issu des élections anticipées de janvier 2022 ; le PS obtient alors 120 députés sur un total de 230 et 42,5% des voix ; suite à un scandale de corruption, le président de la République Marcelo Rebelo de Sousa convoque des élections anticipées pour le 10 mars]. Ces problèmes vont du logement à l'éducation en passant par la santé. Nous regardons les principaux services publics, les salaires et leur dégradation, et nous nous rendons compte que quelque chose doit changer dans la politique au Portugal.
Le BE présente des solutions pour chacun de ces problèmes. C'est autour de ces solutions que nous voulons une concertation et un accord car nous savons qu'il n'y aura pas de majorité absolue et qu'il est de la responsabilité des partis de gauche de présenter une solution qui mobilise le soutien électoral car c'est pour cela que nous nous battons : une majorité pour mettre en œuvre des mesures concrètes.
C'est ce que j'aimerais que vous précisiez, quelles sont les questions fondamentales pour le BE ?
La question de la santé est essentielle. Il y a 1,6 million de personnes sans médecin de famille parce qu'il y a une difficulté extrême à retenir les professionnels de la santé car il y a un manque d'investissement dans le SNS (Serviço Nacional de Saúde-Service national de la santé).
Cela est un diagnostic.
C'est un diagnostic et une solution parce qu'il est important de disposer d'un régime spécifique accepté par les professionnels.
Le régime de pleine disponibilité [tel que défini dans le décret du 7 novembre 2023 d'organisation du Service national de la santé et de l'organisation des unités de santé familiales] ne répond-il pas à cette question ?
Non, cela a été imposé aux professionnels. Le gouvernement de la majorité absolue a fait la guerre aux professionnels. Et pas seulement dans la santé. C'était dans l'enseignement, les huissiers… Nous devons sortir de ces impasses que la majorité absolue a laissées derrière elle. Et ce ne sera certainement pas avec les mêmes politiques que la majorité absolue, comme nous l'a dit Pedro Nuno Santos.
En 2015 [deux accords ont été signés alors par Antonio Costa, l'un avec le Bloc de gauche, l'autre avec la Coalition démocratique], vous aviez un programme concret. J'insiste pour vous demander de clarifier à propos de quelques propositions concrètes.
Ce programme spécifique de 2015 était le fruit de négociations entre le BE et le PS. Il s'agit maintenant d'une campagne électorale, au cours de laquelle chaque parti doit clarifier ce qu'il défend et ce qu'il veut faire. Le BE a la responsabilité de répondre à la question de savoir jusqu'où il est prêt à aller et quels types de majorités et d'accords il souhaite obtenir.
Nous l'avons fait en disant que nous voulions un accord. Mais celui-ci doit être structuré autour de politiques concrètes. Et ces politiques concrètes sont les mesures que nous avons présentées. Pour le logement : baisse des taux d'intérêt sur les prêts hypothécaires, baisse des loyers, contrôle de l'hébergement temporaire (Airbnb)et du sur-tourisme. Pour la santé : un régime spécifique pour retenir les professionnels [avec une augmentation de la rémunération de 40% et l'engagement de 4000 médecins et infirmières pour résoudre le problème structurel du SNS]. Pour l'éducation : la formation pédagogique des enseignants, qui arrivent maintenant dans les écoles publiques, pour mettre fin à cette controverse avec les enseignants portant sur le rétablissement de l'ancienneté. Il y a aussi des propositions portant sur les transports publics, le climat, les salaires, les retraites…
Vous avez dit que le BE avait l'obligation de dire jusqu'où il voulait aller. Souhaite-t-il entrer au gouvernement ? Avec le portefeuille du logement ?
Parler de ministères sans parler de politiques concrètes est un subterfuge utilisé par ceux qui ne veulent pas parler de politique et de solutions. Ce qui nous intéresse et ce qui intéresse le pays, c'est de savoir quelles mesures pourront être mises en place avec une majorité après le 10 mars.
Vous préconisez de récupérer le temps de service (ancienneté) des enseignant·e·s dès la première année de gouvernement. Le PS veut le faire en quatre ans. Etes-vous prêt à accepter ce délai ?
La question des enseignant·e·s est la preuve de l'arrogance de la majorité absolue. Elle a entretenu une guerre avec les enseignant·e·s, affirmant qu'il était impossible de rétablir l'ancienneté. Le jour où la majorité absolue tombe, un ministre de l'Education dit que c'était possible après tout. Il est temps de mettre fin à ce drame inutile. Des milliers d'enseignants ont pris leur retraite depuis 2018, il est donc possible de rétablir l'ancienneté des enseignants et de le faire immédiatement. N'inventons pas des problèmes là où il n'y en a pas.
Manifestez-vous la disponibilité de le faire sur une plus longue période ?
Je ne vois pas de raisons budgétaires, je ne vois pas de raisons politiques pour que cela se fasse sur une période plus longue.
Le BE a présenté les coûts découlant des principales mesures proposées. La stratégie du BE consiste à prélever de l'argent sur les ressources inutilisées et sur l'excédent budgétaire. Comment résoudre ce problème à long terme ?
Ce n'est pas un problème. Un excédent budgétaire de plusieurs milliards d'euros vient d'être présenté, alors que le solde positif que nous avons en deuxième année est de 705 millions. Nous sommes loin d'avoir utilisé toute la marge de manœuvre qui existe. Et cette marge a deux bases : la première est l'excédent budgétaire, la seconde est la marge qui a été créée lorsque le gouvernement PS a systématiquement dépassé les objectifs de rentrées qui avaient été fixés dans le budget de l'Etat. Cette marge, en deux ans seulement – soit parce qu'il y a eu des recettes imprévues qui n'ont pas été dépensées, soit parce qu'il y a eu des dépenses budgétées qui n'ont pas été faites – s'élève à 8,5 milliards d'euros.
Mais les dépenses vont augmenter, l'excédent va s'épuiser. Comment pouvons-nous supporter l'augmentation croissante de ces dépenses ?
Il n'y a aucune raison pour qu'un déficit perdure ou s'aggrave, car les calculs effectués par le BE présentent à la fois l'évaluation des dépenses, mais aussi une évaluation et des propositions de recettes qui rééquilibrent et apportent un peu de justice fiscale. [Mariana Mortágua est une économiste reconnue, et Francisco Louça est un économiste réputé.]
Donnez des exemples :
Le régime des résidents non permanents, qui restera en place pendant les dix prochaines années, représente des recettes de 1,5 milliard d'euros par an. Un impôt sur les successions de plus d'un million d'euros assurera une entrée estimée à 100 millions d'euros par an. Un impôt sur les grandes fortunes supérieures à 1,6 million d'euros apportera 150 millions d'euros par an. Et nous comptons déjà sur le fait que l'AIMI [taxe de 0,7% de la valeur de la propriété pour ceux dont le patrimoine est compris entre 600 000 euros et un million d'euros] devrait être déduit de cet impôt sur les grandes fortunes pour qu'il n'y ait pas de double imposition. Il y a donc des mesures du côté des recettes qui apportent un élément d'équilibre. Mais il ne faut pas oublier que, premièrement, ne pas faire d'investissements aujourd'hui coûtera beaucoup plus cher à l'avenir. Deuxièmement, l'investissement public est une condition de la création de richesse. Et la création de richesse est ce qui permet d'avoir des comptes publics durables.
Le BE propose de porter le salaire minimum à 900 euros en 2024 avec une augmentation de 50 euros par an. En 2028, il serait toujours inférieur au salaire minimum en Espagne. Comment débloquer la politique salariale au Portugal ?
Notre proposition est de 50 euros au-dessus de l'inflation. L'augmentation du salaire minimum a été très importante et a permis une certaine récupération du pouvoir d'achat. Mais elle crée aussi des injustices parce qu'elle « cannibalise » les différents niveaux [tendance à l'affaissement comparatif des salaires juste supérieurs au salaire minimum, car ils ne sont pas augmentés au-delà de l'inflation]. Deux questions doivent être résolues : premièrement, il faut veiller à ce que les augmentations du salaire minimum ne soient pas absorbées par l'inflation. Les salaires moyens : c'est le sujet le plus difficile parce qu'il n'y a pas de recette magique. La seule façon d'augmenter le salaire moyen est d'avoir un droit du travail qui assure un pouvoir de négociation aux travailleurs et travailleuses, aux syndicats. La négociation collective est un instrument extrêmement important à cet égard.
Le PCP est en faveur de la fin du vide contractuel lors de l'expiration d'un contrat collectif [1], le PS a proposé que cela se fasse par le biais de la croissance économique. Le BE parviendra-t-il à combler le fossé ?
Il existe d'autres mesures pour augmenter le salaire moyen. La réduction du temps de travail, l'augmentation des jours de congé, la modification des règles applicables aux travailleurs postés, une loi sur l'échelle des salaires, la lutte contre la précarité, la fausse sous-traitance, la suppression du statut es faux indépendants [ne disposant d'aucun des droits d'un salarié : congés, indemnité chômage, maladie], etc. Toutes ces mesures contribueraient à augmenter les salaires. La deuxième question est celle du modèle économique. Nous avons besoin d'une économie capable de créer des emplois qualifiés dans la transition climatique, l'efficacité énergétique, les transports, la production solaire, afin d'obtenir des qualifications plus élevées et de meilleurs salaires.
L'une des priorités du BE est de reprendre le contrôle de la REN (Redes Energéticas Nacionais) et de la CTT (Correios de Portugal). Selon vous, quelle devrait être la part de l'Etat ? 51 % ?
Dans les deux cas, le calcul sur le pourcentage de présence que nous avons effectué doit permettre une position de contrôle, c'est-à-dire une position qui donne à l'Etat actionnaire la capacité de prendre des décisions au sein de ces entreprises. Il ne s'agit pas nécessairement d'une participation de 51%. La position doit être plus importante que celle de l'actionnaire principal pour pouvoir influencer ces décisions. Et nous avons fait une estimation en tenant compte de la valeur de marché de ces entreprises, en rappelant que ces entreprises, dans la plupart des cas, ont payé aux actionnaires privés qui les ont achetées la totalité du prix d'achat en 10 ans. Elles réalisent des bénéfices qui s'autofinancent.
Pedro Nuno a déclaré que la nationalisation n'était pas à l'horizon du PS. Le BE est-il prêt à baisser pavillon ?
Nous avons listé nos priorités : elles vont de la CTT à la REN, en passant par le blocage de la privatisation de la TAP Air Portugal, qui n'a aucun sens. Ce sont des priorités pour l'économie que nous voulons, qui doit disposer des secteurs technologiques et des secteurs de pointe, et nous savons que le contrôle de l'Etat est très important pour cela.
L'une des principales propositions du BE est de réduire les taux d'intérêt sur les prêts hypothécaires de la Caixa Geral Depósitos. Combien cela coûterait-il et comment cela fonctionnerait-il ?
Cela ne coûterait rien. C'est l'avantage de la proposition du BE par rapport aux autres. La plupart des partis n'avancent aucune proposition pour réduire les taux d'intérêt et les rares qui le font mobilisent l'argent de tous les contribuables pour maintenir les prix de l'immobilier, les loyers et les taux d'intérêt à un niveau très élevé. Cela signifie qu'il y a une subvention publique pour les profits des banques parce que l'Etat dépense de l'argent pour aider les gens à rembourser leurs hypothèques, qui ont augmenté parce que les taux d'intérêt sont insoutenables et donnent aux banques des profits gigantesques.
Quelle est la formule pour rendre compatibles les règles auxquelles la Caixa est tenue et la non-décapitalisation de la banque ?
La mesure que nous proposons n'interfère pas avec les règles européennes. Toute banque qui veut avoir une politique de taux d'intérêt plus attractive peut réduire les taux d'intérêt pour gagner des parts de marché. Caixa a un ratio de capital [fonds propres] deux fois supérieur au ratio réglementaire requis. Le ratio réglementaire est de 9% et Caixa en a plus de 20%. Ses bénéfices dépassent le milliard d'euros. C'est pourquoi nous avons étudié ce qui se passerait si nous réduisions l'écart d'un, de 1,5 ou de 2 points de pourcentage. Dans aucun cas, cela ne met en péril le ratio de capital ou la capacité à générer des résultats positifs.
La Caixa est une banque entièrement publique ; elle peut et doit avoir une politique de taux d'intérêt la plus basse du marché, car cela signifie que les autres banques doivent réduire leurs taux d'intérêt et aider les gens à rembourser leurs prêts avec des réductions substantielles. Cela se fait en consommant une partie des bénéfices de la banque – personne ne parle de mettre la banque dans une situation insoutenable – sans mobiliser l'aide de l'Etat.
Vous voulez interdire la vente de logements aux non-résidents. Comment cela pourrait-il être appliqué ?
Nous sommes confrontés à une crise aux dimensions astronomiques qui appauvrit les gens et les empêche d'accéder à un droit fondamental protégé par la Constitution. Nous savons que l'un des facteurs est la demande des non-résidents, non pas pour vivre, mais pour avoir une résidence secondaire, un actif pour l'investissement immobilier et financier, ce qui est souvent favorisé par des avantages fiscaux. C'est pourquoi nous voulons interdire la vente de maisons aux non-résidents. Ces lois sont en vigueur au Danemark parce que le pays a estimé qu'il devait se protéger contre la demande de maisons de la part de citoyens allemands qui ont envahi le Danemark pour acheter des maisons, et à Malte en raison d'une invasion de citoyens russes qui sont venus à Malte pour acheter des biens immobiliers. La proposition du BE est de défendre le droit au logement au Portugal en invoquant une loi qui existe dans d'autres pays de l'Union européenne.
Si nous avons un gouvernement de droite, présenterez-vous ou voterez-vous en faveur d'une motion de censure ?
Je n'envisage pas d'autre scénario qu'une majorité qui résoudrait les principaux problèmes du pays, car c'est la seule solution qui puisse répondre aux principales préoccupations des gens. La garantie de principe que je donne est que le BE ne favorise ni ne soutient aucun gouvernement de droite.
Mais quand vous dites qu'il y aura toujours une majorité de gauche, vous admettez la motion de censure…
Non, c'est une position de principe. Pour que personne n'ait de doutes, en principe, sur ce que ferait le BE. Mais le scénario sur lequel nous travaillons et la certitude que nous avons, c'est qu'il y aura une majorité au Portugal pour résoudre les problèmes laissés par l'ex-« majorité absolue ».
Comment vous définissez-vous en trois qualificatifs ?
Tranquillité, confiance et détermination.
Entretien publié par le quotidien Publico le 20 février 2024. Traduction rédaction A l'Encontre.
[1] Le système d'expiration contractuelle implique qu'à chaque échéance, les associations d'employeurs ont la possibilité, en refusant de négocier, de faire expirer les contrats collectifs de travail afin de saper les droits qu'ils consacrent. Elles ont depuis 2003 la possibilité d'exercer un chantage sur les travailleurs et leurs syndicats en leur présentant le faux choix entre l'échéance sans nouveau contrat ou l'accord de réduction des droits. La solution passe par la suppression de ce type d'échéance et la garantie qu'un contrat ne sera remplacé que par un autre contrat librement négocié. (Réd.)
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Crise agricole, démocratie et Sécurité sociale de l’Alimentation…
Même si pour l'instant cela reste essentiellement des expérimentations du côté des classes moyennes, il faut s'investir dans le fait de reprendre la main sur notre alimentation, chacun là où nous sommes : aller au marché, faire des groupements achats, etc et engager la bataille politique dans les arènes institutionnelles, sans aucune concession sur le projet politique.
24 février 2024 | tiré du site de Gauche écosocialiste
https://gauche-ecosocialiste.org/crise-agricole-democratie-et-securite-sociale-de-lalimentation/
Que peux-tu nous dire de la mobilisation actuelle ? D'où vient ce paradoxe de paysan·nes de moins en moins bien rémunéré·es et, en regard, une population pour qui il est de plus en plus cher de se nourrir ?
Un point d'attention important est de ne pas confondre les révoltes agricoles et les résistances paysannes comme étant un face-à-face entre rémunérations faibles et normes environnementales. Si les agriculteurs en sont là c'est bien par l'accélération libérale du libre-échange, mettant en concurrence ce qui ne peut pas l'être : tant dans les niveaux d'exigences de production respectueuses du vivant que dans les conditions sociales du travail.
Pour autant, même si toutes les normes environnementales étaient abolies, les exploitations agricoles déjà en « berne » ne seraient pas épargnées. Sans une régulation, les « petits producteurs », même qualifiés d'agro-industriels ou d'agroécologie par les écologistes, vont déposer le bilan. Il faut garantir et assurer sur la durée, des prix agricoles permettant aux agriculteurs et agricultrices une juste rémunération, pour également être certain d'engager la transformation écologique des systèmes alimentaires.
Qu'est-ce que la Sécurité sociale de l'Alimentation ?
La SSA est un projet politique porté par des collectifs, associations et organisations du mouvement social. Ce projet est basé sur le régime général de la sécurité sociale. Le financement reprend le modèle économique de la sécu, par de la cotisation sociale sur la plus-value du travail et par le conventionnement démocratique des acteurs et actrices des systèmes alimentaires. Ce conventionnement se met en place à des échelles locales dans des caisses de SSA. Le principe fondamental est un accès universel aux produits alimentaires conventionnés et donc d'instaurer un droit à l'alimentation durable (durable étant entendu à la fois continu et de qualité). Le conventionnement se fait en respectant les conditions d'une transformation des systèmes alimentaires au regard des changements climatiques. Pour soutenir cette transformation, il est prévu une allocation mensuelle de 150€ par personne, permettant ainsi d'avoir un impact sur l'offre alimentaire.
Alors que nous sommes en pleine crise agricole, en quoi revendiquer l'instauration d'une Sécurité sociale de l'Alimentation pourrait aider à trouver des solutions ?
L'objectif de ce projet de SSA est de permettre à tous ceux et toutes celles qui travaillent dans les systèmes alimentaires, de gagner leur vie correctement, que ce soit les agriculteurs ou agricultrices, les ouvriers et ouvrières agricoles, es salariéEs de l'agro-industrie, etc.
En quoi la Sécurité sociale de l'Alimentation pourrait contribuer à répondre aux besoins alimentaires de la population en quantité et en qualité ?
La France se sert de sa production agricole à l'exportation ; mais aujourd'hui il y a une stagnation de la production, une réduction massive du nombre d'agriculteurs et de la surface agricole utile, avec des pertes de parts de marché. En outre, il y a une forte, augmentation des importations et des échanges commerciaux intra Europe de plus en plus bas. C'est donc un modèle à bout de souffle dont la répercussion première est d'une part une baisse du revenu des agriculteurs pris dans ces filières et d'autre part une hausse conjuguée aux évènements internationaux et la spéculation qui s'en est suivie. La SSA rebat toutes ces cartes d'abord en soutenant la relocalisation de tout ce qui est possible, en redistribuant une partie de la valeur ajoutée par le biais de l'allocation mensuelle et une autre partie dans le soutien à l'investissement dans la transformation des systèmes alimentaires. Certes il faudra penser la coexistence des systèmes alimentaires car la relocalisation ne permettra pas de nourrir tout le monde tout le temps.
Comment cela pourrait aider à résoudre le problème de revenu des agriculteurs·trices ?
Par le fait de reconnaitre les conditions de production à leur juste valeur et de faire en sorte qu'ils et elles puissent vivre de leur travail ; d'ailleurs ceci est valable pour tous et toutes les travailleurs et travailleuses des systèmes alimentaires : les agriculteurs comme les boulangers, les salariés des abattoirs et les caissières. C'est tout l'enjeu démocratique de la démocratie alimentaire dont la signification est « reprenons la main sur nos systèmes alimentaires ». Cela passe par le fait que nous, tous et toutes, reconnections ce que nous mangeons avec les conditions de leurs productions.
De quelle façon la SSA remet-elle en cause la chaîne alimentaire actuelle ? Quand on parle de Sécurité sociale de l'Alimentation, on parle très souvent de démocratiser l'alimentation. Peux-tu préciser ? On voit que dans le problème du prix et des revenus des paysans, l'un des nœuds, voire des énormes nœuds du problème, est la distribution, notamment la grande distribution. Comment s'en affranchir ? Comment éviter le problème ? Ou comment y faire face ?
D'abord en rappelant le pouvoir énorme de la grande distribution et en comprenant que l'organisation du marché néolibéral, système économique capitaliste, transforme en marchandise tout : les produits agricoles certes mais aussi les services autour des produits agricoles ; le marketing, soutenu par une législation qui protège l'offre alimentaire telle qu'elle existe, à savoir essentiellement basée sur une production industrielle, est central dans tout ce business. Nous n'avons pas la main là-dessus et on s'imagine avoir la liberté de choix alors que nous sommes en permanence encadrés et donc soumis à cette offre. Tout le discours qui consiste à nous faire croire que nous pouvons changer la donne par nos actes d'achats individuels est un leurre : notre espace de contestation est micro et en plus il sert à l'agroalimentaire pour faire évoluer ses segments de marché et répondre aux soi-disant attentes de la population.
Une des pistes est de partir des besoins alimentaires réelles de la population par une reprise en main….. de la démocratie : s'éduquer ensemble de ce que sont ces systèmes alimentaires, choisir ensemble en connaissance de cause, prendre en compte nos besoins différents selon nos âges et nos appartenances à des groupes sociaux diversifiés. La SSA peut être le cadre pour porter ce projet de démocratie alimentaire.
Sous quelle forme le débat pour une Sécurité sociale de l'Alimentation traverse-t-il l'Europe ? À supposer que ce débat existe en dehors de la France…Est-il possible, dans une Europe néolibérale dont le dogme est la concurrence libre et non faussée, d'installer un outil comme la Sécurité sociale de l'Alimentation ?
Le débat existe en Belgique et en Suisse où par exemple le canton de Genève a voté récemment l'instauration d'un droit à l'alimentation dans sa constitution. On commence à entendre des frémissements en Allemagne et en Autriche. Il y a aussi de l'écoute en Espagne. La SSA étant basée sur le modèle du régime général de la sécu, ce projet s'appuie sur les formes de sécurité sociale existantes et donc ce n'est pas encore bien clair.
Le cadre européen actuel qui a comme règle de base le libre-échange et par conséquent des accords commerciaux planétaires ne permet pas évidemment le cadre d'une SSA dont l'objectif est de relocaliser les productions agricoles et d'assurer des moyens de vie à toute une population, notamment par de la redistribution.
Par quel bout commencer ?
Pour commencer, même si pour l'instant cela reste essentiellement des expérimentations du côté des classes moyennes, il faut s'investir dans le fait de reprendre la main sur notre alimentation, chacun là où nous sommes : aller au marché, faire des groupements achats, etc et engager la bataille politique dans les arènes institutionnelles, sans aucune concession sur le projet politique. En ce moment, la récup est de mise avec une confusion qui est celle de penser que la distribution de chèques alimentaires aux plus petits budgets ou de renforcer l'accès par l'aide alimentaire seraient des actions SSA. Bien évidemment que non puisque le principe fondamental de la SSA est un accès pour l'ensemble de la population et non des réponses spécifiques pour les pauvres. Et ce d'autant plus, que les réponses en direction des populations à petits budgets est de les diriger vers la surproduction essentiellement transformée. Alors que les besoins sont ceux de produits frais.
A PEPS, nous réfléchissons actuellement à ce que pourrait être la démocratie alimentaire à l'épreuve du communalisme. Nous soutenons un modèle confédéral de SSA, de façon à éviter d'une part une organisation verticale comme bien souvent dans les institutions aux mains des experts et d'autre part une segmentation des activités du système alimentaire comme c'est le cas aujourd'hui dans l'ensemble des collectivités publiques et de l'état. De plus, conscients aussi du postcolonialisme « ambiant » (tant dans certaines productions que dans certaines formes d'intervention dite d'éducation populaire sur ce que serait le « bon » régime alimentaire) et de l'idéologie patriarcale inhérente à l'agriculture, nous sommes attentifs aux pièges de la participation dite démocratique qui s'appuie sur les habituels réseaux déjà mobilisés sur ces questions et exclue de fait les familles à petits budgets et les femmes de manière générale. Or l'alimentation est une activité enfouie dans notre quotidien et bien souvent les tâches « alimentaires » sont le fait des femmes.
Propos recueillis par Boris Chenaud.
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La violence sexuelle n’est pas un crime de guerre caché en Ukraine
Travailler aux côtés d'enquêteurs/enquêtrices et de procureur··es sur des crimes sexuels et à caractère sexiste est une expérience horrible. Il s'agit d'écouter, de lire et d'entendre des récits de souffrances inimaginables dans des détails écœurants.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/02/28/la-violence-sexuelle-nest-pas-un-crime-de-guerre-cache-en-ukraine/
Pour soutenir le travail du bureau du procureur général de l'Ukraine, des équipes mobiles de justice (EMJ) composées d'expert·es ukrainien·nes et internationaux ont été déployées dans tout le pays pour enquêter sur les crimes de guerre et les actes de violence sexuelle. Grâce à ces équipes, nous avons appris que des centaines de femmes et d'hommes, de filles et de garçons, de personnes âgées et de personnes handicapées de toute l'Ukraine sont hantés par les crimes sexuels commis à leur encontre par les forces russes.
Aux points de contrôle militaires, dans les centres de détention officiels et non officiels, chez elles et chez eux, lorsqu'elles et ils vont chercher de la nourriture ou rendre visite à des proches, ni les civil·es ni les prisonnier·es de guerre n'ont été épargné·es par les formes brutales de violence sexuelle et sexiste contre lesquelles elles et ils devraient être protégé·es en vertu des Conventions de Genève.
Une mère de deux enfants a été violée par des soldats russes et abandonnée dans les bois près d'un village occupé. Son mari n'a pu retenir ses larmes en se remémorant cette nuit, se torturant de n'avoir pu la protéger malgré son handicap. Les auteurs ont été identifiés et sont désormais recherchés en Ukraine pour crimes de guerre.
Une femme âgée – la mère d'un soldat ukrainien – a été tirée du sous-sol où elle se cachait pour échapper à un assaut de bombes et de tirs d'obus et a été victime d'abus sexuels. Elle a fourni des preuves à notre équipe d'enquêteurs/enquêtrices, nous a offert un pot de confiture de fraises maison et nous a demandé si la Cour pénale internationale demanderait des comptes à ses agresseurs. L'enquête sur cet incident est en cours ; les auteurs n'ont pas encore été identifiés.
Les forces russes ont arrêté un homme d'âge moyen après avoir occupé un territoire dans le sud de l'Ukraine. Le personnel d'un centre de détention russe a fait passer des courants électriques dans ses organes génitaux à un si grand nombre de reprises qu'il ne peut plus avoir d'enfants. L'enquête sur les auteurs de ces actes est en cours.
Si l'étendue et l'ampleur réelles de ces actes de violence n'ont pas encore été révélées, la violence sexuelle n'est pas un secret inavoué, mais fait partie intégrante du comportement des forces russes, où qu'elles se trouvent. Les enquêtes sur ces crimes sont longues, couteuses en ressources et complexes.
Les obstacles aux enquêtes sur les crimes sexuels ne se limitent pas à la guerre en Russie : ils comprennent également les traumatismes subis par les survivant·es, la stigmatisation qui entoure le sujet et les défis posés par le conflit en cours. En pratique, il n'est pas facile de se concentrer sur la collecte de preuves lorsqu'un avion de chasse russe vole si bas que votre réaction primaire est de vous cacher dans les buissons. Les témoins peuvent parfois, pour des raisons évidentes, confondre la chronologie des événements lorsqu'ils voient un missile à travers leur fenêtre au cours d'un entretien.
Les obstacles à la justice résultent moins d'un manque d'attention ou de priorité de la part des autorités ukrainiennes que de l'ampleur démesurée du problème. L'obligation de rendre des comptes peut être retardée pour cette raison, mais elle n'est en aucun cas négligée ou ignorée par les procureur·es, la police et les organisations nationales et internationales qui soutiennent la justice pour les survivant·es de violences sexuelles.
Le travail sur les crimes sexuels et sexistes nécessite des efforts ciblés et concertés et, surtout, de la diligence et du soin pour s'assurer que les survivant·es sont traité·es avec dignité et respect dans le processus de justice. Pour reprendre les termes d'un procureur ukrainien, « chaque survivant·e mérite que nous fassions de notre mieux ».
Le bureau du procureur général a sollicité et accueilli favorablement le soutien technique et l'assistance d'organismes et d'expert·es internationaux spécialisé·es dans les violences sexuelles. Une division spécialisée dans les violences sexuelles est en place depuis plus d'un an, et il existe une stratégie claire pour traiter ces cas, ainsi qu'un groupe de travail qui coordonne les efforts entre de multiples acteurs et actrices afin de garantir une réponse globale aux survivant·es.
Cependant, l'impact quantitatif de ces efforts n'est pas et ne peut pas être immédiat : 270 cas ont été identifiés, dont 173 impliquant des survivantes et 97 impliquant des survivants. Trente-neuf auteurs ont été identifiés à ce jour, tandis que les procureurs ont soumis 24 actes d'accusation aux tribunaux nationaux à ce jour.
Bien que ces chiffres puissent sembler faibles à première vue, les progrès doivent être mesurés sous de nombreuses formes. Les progrès sont mesurés par l'enthousiasme des enquêteurs/enquêtrices et des procureur·es à apprendre les normes internationales et les meilleures pratiques en matière d'enquêtes sur les crimes sexuels. Ils se mesurent à l'aune des multiples sessions de mentorat, des journées de travail de 18 heures et de l'amélioration de la qualité des entretiens qui en découle.
Les progrès se mesurent également par le fait de prendre le temps d'expliquer aux survivant·es et aux témoins leurs droits et le processus de justice et, en fin de compte, de respecter leur décision de s'engager ou non dans le processus de responsabilisation. Il se mesure également à l'évaluation de leur bien-être psychologique et au choix d'attendre si la poursuite d'une affaire risque de nuire à leur santé mentale.
Deux ans après le début de la guerre, les acteurs/actrices de l'obligation de rendre des comptes n'ont découvert que la partie émergée de l'iceberg des violences sexuelles et sexistes. Chaque cas, chaque histoire de survivant·e est unique et, avec le temps, nous savons que nous entendrons malheureusement de nombreux autres cas horribles. Avec le retrait progressif de la Russie de certaines parties de l'Ukraine et le retour des civil·es et des prisonnier·es de guerre détenu·es par la Russie, nous ne savons que trop bien que des centaines de nouveaux cas de violence sexuelle seront enregistrés.
J'espère sincèrement que les acteurs/actrices internationaux et nationaux de la responsabilisation, les organisations de la société civile, les expert·es internationaux et la communauté internationale en général seront en mesure de soutenir un plus grand nombre de survivant·es qui dénoncent ces crimes terrifiants. Et j'espère que les progrès que nous observons au sein du système national de justice pénale garantiront que la justice n'est pas seulement une aspiration mais une réalité pour toutes celles et tous ceux qui ont enduré les horreurs indicibles des crimes de guerre.
Anna Mykytenko, 23 février 2024
Anna Mykytenko est conseillère juridique principale et responsable pour l'Ukraine de Global Rights Compliance (GRC), une fondation juridique internationale spécialisée dans le droit humanitaire et pénal international. GRC codirige le groupe consultatif sur les crimes d'atrocité, une initiative lancée par les États-Unis, le Royaume-Uni et l'UE pour fournir des conseils stratégiques et une assistance opérationnelle au bureau du procureur général de l'Ukraine dans le cadre des enquêtes et des poursuites relatives aux crimes d'atrocité en Ukraine.
https://kyivindependent.com/opinion-sexual-violence-is-not-a-hidden-war-crime-in-ukraine/
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)
Note de l'éditeur : Les opinions exprimées dans la section d'opinion sont celles des auteurs et autrices et ne prétendent pas refléter les vues du Kyiv Independent.
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Déclaration du Mouvement socialiste russe sur les moyens de parvenir à la paix en Ukraine.
Il y a deux ans aujourd'hui que Vladimir Poutine a lancé une invasion massive de l'Ukraine. Cette décision des dirigeants russes n'était pas une réponse à une menace militaire posée par l'Ukraine ou l'OTAN – il s'agissait d'une tentative d'annexion pure et simple d'un pays voisin qui, selon Poutine, ne devrait tout simplement pas exister.
24 février 2024 | tiré du site de la Gauche anticapitaliste | Photo : Manifestation contre la guerre d'agression russe contre l'Ukraine, 26 février 2022. (Markus Spiske, Pexels)
https://www.gaucheanticapitaliste.org/arreter-la-guerre-doit-signifier-en-finir-avec-la-dictature-de-poutine/
Le plan initial de Poutine en Ukraine semble effectivement avoir été une « opération spéciale » de changement de régime : les troupes occuperaient rapidement les principales villes du pays, la Garde nationale russe réprimerait les manifestations « nationalistes » pendant que la majorité de la population accueillerait avec des fleurs ses « frères » russes attendus en libérateurs. Mais au lieu de fleurs et de fanfares, l'armée russe s'est heurtée à la résistance obstinée des Ukrainiens et, au lieu de « gangs », elle a trouvé une armée entraînée et déterminée. L'« opération spéciale » s'est transformée en une véritable guerre.
La première victime de l'agression russe est l'Ukraine et son peuple. Plus de 10 000 civils ont été tué·e·s et plus de 18 500 blessé·e·s. 6,3 millions de personnes ont cherché refuge à l'étranger et 3,7 millions ont été déplacées à l'intérieur du pays. Au cours de la guerre, des centaines de milliers d'infrastructures médicales, résidentielles, éducatives et sportives ont été détruites, en même temps les écosystèmes ont été victimes d'un véritable écocide. Les dommages causés à l'économie ukrainienne, estimés à plus de 300 milliards de dollars, affecteront le bien-être de ses citoyen·ne·s pendant des années, et rendront la vie extrêmement pénible pour les plus pauvres d'entre elles/eux.
DE L'OPÉRATION SPÉCIALE À LA GUERRE D'USURE
La société russe subit elle aussi une transformation douloureuse. Léon Trotski a écrit un jour que « ce n'est pas la conscience qui gouverne la guerre, mais la guerre qui gouverne la conscience ». La guerre a sa propre logique et modifie les plans humains. Au lieu de l'« opération spéciale », promise par Poutine, la Russie s'est engagée dans une guerre longue, sanglante et épuisante ; une guerre d'usure pour épuiser les ressources de l'Ukraine et forcer l'Occident à suspendre son aide. Ce scénario exige de la Russie d'énormes sacrifices auxquels ni sa population ni son économie n'étaient préparées.
Entraîné dans cette guerre d'usure, l'État de Poutine a changé de l'intérieur : il est condamné à forcer la société à accepter de tels sacrifices, notamment un nombre vertigineux de pertes en vies humaines. Cela passe par la répression politique et l'instauration d'un climat de peur. Selon OVD Info, 1 980 personnes ont été arrêtées pour s'être opposées à la guerre depuis le début de celle-ci, et 825 d'entre elles font l'objet de poursuites pénales ; au moins un demi-million de personnes ont quitté le pays pour des raisons morales et politiques ou pour échapper à l'appel sous les drapeaux. Par ailleurs, la guerre n'est pas devenue le point de ralliement espéré, une « Seconde Guerre mondiale 2.0 » pour la plupart des Russes : les partisans idéologiques de l'agression de Poutine restent minoritaires, même s'ils sont les seuls à pouvoir exprimer leur point de vue.
LES CAUSES ET LA NATURE DE LA GUERRE
L'objectif de la guerre actuelle n'est manifestement pas de protéger la population russophone de l'Ukraine, qui est celle qui a le plus souffert aux mains des occupants, ni de contrer l'expansion occidentale, puisque le Kremlin partage une longue histoire d'enrichissement mutuel avec l'Occident. Le véritable motif de l'invasion du Kremlin est son désir d'asseoir davantage sa domination politique, économique et militaire sur la société russe et les sociétés des autres pays post-soviétiques, à laquelle Moscou prétend avoir « historiquement droit ».
MOUVEMENTS POPULAIRES DÉMOCRATIQUES DE LA DERNIÈRE DÉCENNIE
Dans le cadre de leur vision conspirationniste du monde, Poutine et son entourage considèrent que le Maïdan (2014) en Ukraine, les soulèvements au Belarus (2020) et au Kazakhstan (2021), et les vagues de protestations de masse en Russie même depuis 2012 font partie d'une « guerre hybride » menée contre la Russie par l'Occident. La « lutte contre l'hégémonie occidentale » telle que la conçoit Poutine n'a rien à voir avec la résistance aux politiques d'exploitation des élites américaines et européennes sur la scène mondiale. Au contraire, le Kremlin accepte et salue les politiques occidentales qui ne sont assorties d'aucune condition éthique.
Les seules « valeurs occidentales étrangères » contre lesquelles la Russie se bat sont les droits humains, la liberté d'expression, l'égalité des sexes, le développement durable, etc. En ce sens, le poutinisme est l'avant-garde d'une internationale d'extrême droite qui menace la démocratie et les mouvements progressistes dans le monde entier. Cette internationale d'extrême droite s'articule notamment autour de Trump et ses partisans aux États-Unis, l'AfD en Allemagne, le régime d'Erdogan en Turquie, Orbán en Hongrie, et d'autres partis qui s'apprêtent à monter au pouvoir lors des prochaines élections.
L'objectif principal de cette guerre est de protéger le régime de Poutine et ses États vassaux autocratiques, comme la dictature de Loukachenko en Biélorussie, de la menace d'une révolution. Cet objectif coïncide parfaitement avec les rêves de l'élite de reconstruire l'Empire russe, ce qui passe par l'asservissement de l'Ukraine, mais l'expansion russe ne s'arrêtera pas là. Il s'inscrit également dans l'espoir d'un « monde multipolaire », dans lequel les dictateurs et les oligarques jouissent d'une liberté totale pour piller leurs sujets, réprimer les dissidents et diviser le monde au mépris du droit international. C'est pourquoi, aujourd'hui, « arrêter la guerre » doit signifier « en finir avec la dictature de Poutine ». Exiger la paix, c'est exiger l'abolition des hiérarchies sociales qui sont au cœur du régime russe actuel : l'autoritarisme politique, les vastes inégalités de richesse, les normes conservatrices et patriarcales, et un modèle colonial et impérial de relations interethniques.
LUTTER POUR LA PAIX OU FORCER LES NÉGOCIATIONS ?
2023 a été une année de guerre de tranchées pour l'Ukraine. Malgré de lourdes pertes, ni l'armée ukrainienne ni l'armée russe n'ont réussi à faire des progrès significatifs sur le champ de bataille. Cette situation a accru la lassitude face à la guerre, y compris chez les alliés de l'Ukraine. Dans ce contexte, les idées de pourparlers de paix et d'opposition aux transferts d'armes vers la zone de conflit – exprimées à la fois par l'extrême droite et certaines forces de gauche – sont devenues de plus en plus populaires. Bien entendu, toutes les guerres favorisent le militarisme et le nationalisme, la réduction de la protection sociale, la violation des libertés civiles et bien d'autres choses encore dans tous les pays parties au conflit. C'est vrai pour la Russie, l'Ukraine et l'Occident.
Il est également évident que toutes les guerres se terminent par des négociations, et il serait inutile de s'opposer à cette demande en principe. Mais espérer des négociations à ce stade de la guerre est naïf, tout comme la conviction que le désarmement unilatéral de la victime de l'agression apportera la paix. Les promoteurs de ces propositions ne tiennent pas compte de l'évolution du régime de Poutine au cours des dernières années. La légitimité de Poutine est aujourd'hui celle d'un chef de guerre ; il ne peut donc pas se maintenir au pouvoir sans faire la guerre. Il compte désormais sur le fait que l'Occident mettra fin à son soutien à l'Ukraine après les élections américaines et conclura un accord – aux conditions du Kremlin, bien entendu. Mais un tel accord (partition de l'Ukraine ? changement de régime à Kiev ? reconnaissance des « nouveaux territoires » russes ?) ne changera rien à l'attitude essentielle du poutinisme vis-à-vis de la guerre, qui est désormais son seul mode d'existence.
Le régime de Poutine ne peut plus sortir de l'état de guerre, car le seul moyen de maintenir son système est d'aggraver la situation internationale et d'intensifier la répression politique à l'intérieur de la Russie. C'est pourquoi toute négociation avec Poutine aujourd'hui n'apporterait, au mieux, qu'un bref répit, et non une véritable paix. Une victoire de la Russie serait la preuve de la faiblesse occidentale et de sa volonté de redessiner ses sphères d'influence, surtout dans l'espace post-soviétique. La Moldavie et les États baltes pourraient être les prochaines victimes de l'agression. Une défaite du régime, en revanche, équivaudrait à son effondrement.
Seul le peuple ukrainien a le droit de décider quand et dans quelles conditions faire la paix. Tant que les Ukrainiens feront preuve d'une volonté de résistance et que le régime de Poutine ne changera rien à ses objectifs expansionnistes, toute contrainte exercée sur l'Ukraine pour l'amener à négocier reviendrait à faire un pas vers un « accord » entre impérialistes par-dessus la tête de l'Ukraine et aux dépens de son indépendance. Cet « accord de paix » impérialiste signifierait un retour à la pratique de partition du reste du monde par les « grandes puissances », c'est-à-dire aux conditions qui ont donné naissance à la Première et à la Seconde Guerre mondiale. Le principal obstacle à la paix n'est certainement pas le « manque de volonté de compromis » de Zelensky, ni le « fauconisme » de Biden ou de Scholz : c'est le manque de volonté de Poutine de même discuter de la désoccupation des territoires ukrainiens saisis après le 24 février 2022. Et c'est l'agresseur, et non la victime, qui doit être contraint de négocier.
Nous, Mouvement socialiste russe, pensons que dans de telles circonstances, la gauche internationale devrait exiger :
– Une paix juste pour le peuple ukrainien, y compris le retrait des troupes russes du territoire internationalement reconnu de l'Ukraine ;
– l'annulation de la dette publique de l'Ukraine ;
– une pression accrue des sanctions sur l'élite et la classe dirigeante de Poutine ;
– une pression accrue sur les différentes entreprises qui continuent à faire des affaires avec la Russie ;
– une aide humanitaire accrue aux réfugié·e·s ukrainien·ne·s et aux exilé·e·s politiques russes, y compris celleux qui fuient la conscription ;
– une reconstruction équitable de l'Ukraine après la guerre, menée par les Ukrainien·ne·s elleux-mêmes selon les principes de la justice sociale, et non par des sociétés d'investissement et des fonds spéculatifs appliquant les principes de l'austérité ;
– un soutien direct aux organisations bénévoles et syndicales de gauche en Ukraine ;
– des plates-formes permettant aux Ukrainien·ne·s et aux Russes opposé·e·s à la guerre de s'exprimer ;
– la libération des prisonnier·ère·s politiques russes et la fin de la répression de l'opposition politique en Russie.
Le monde d'aujourd'hui bascule vers la droite et les politiciens choisissent de plus en plus de recourir à la discrimination et aux guerres d'agression pour résoudre leurs problèmes, qu'il s'agisse de la campagne militaire génocidaire de Netanyahou à Gaza, soutenue par l'Occident, des attaques de l'Azerbaïdjan contre le Haut-Karabakh (dont la communauté internationale est complice) ou de la rhétorique et des politiques anti-immigré·e·s adoptées par les partis dominants en Allemagne, en Finlande, aux Pays-Bas, en France et aux États-Unis. Dans ce contexte mondial, la gauche doit combattre la montée des tendances impérialistes, militaristes et nationalistes, non pas par des efforts utopiques de construction de la paix, mais en empêchant de nouvelles flambées d'agression et en empêchant les forces fascistes sympathisantes de Poutine (Trump, l'AfD, etc.) d'accéder au pouvoir.
Stop à la guerre !
Pour la fin au poutinisme !
Liberté pour l'Ukraine !
Liberté pour les opprimés en Russie !
24 février 2024
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Pourquoi le NPA a raison face à LFI sur la question de l’intégration européenne de l’Ukraine ?
Ce tweet s'adresse à celles et ceux qui s'intéressent sincèrement aux possibilités d'amélioration des conditions de vie, de sécurité et de lutte pour les classes populaires en Ukraine. Révolutionnaires de posture s'abstenir.
24 février 2024 | tiré d'Europe solidaire sans frontières
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article69926
Il faut commencer par rappeler que l'Ukraine subit déjà tous les désavantages du marché commun avec l'UE depuis la signature de l'Accord d'association en 2014 sur la base de conditions discriminatoires s'inscrivant dans les rapports de domination néo-impérialistes
L'Ukraine a levé de manière unilatérale la quasi-totalité des barrières à l'importation des produits EU, tandis que l'EU a fixé des quotas sur l'importation de la plupart des produits Ukraine (les agriculteurs EU manifestent actuellement contre l'abrogation provisoire de ces quotas)
La transformation néolibérale de l'Ukraine est déjà bien entamée sous la pression de la dette extérieure, notamment vis-à-vis du FMI, et en accord avec le programme politique et social des élites post-Maidan, indépendamment de l'entrée ou non de l'Ukraine dans l'UE.
Dans ces conditions, l'entrée de l'Ukraine dans le l'UE en tant que volet politique d'une intégration économique déjà en cours (mais à titre de partenaire inférieur) aurait des effets bénéfiques relatives sur le niveau de vie et les capacités d'organisation de la classe ouvrière Ukraine.
Dire que l'entrée dans l'UE détruirait le droit du travail en Ukraine ; est faux. C'est l'inverse. Le code de travail Ukraine est en théorie plus protecteur que celui des pays EU. Mais bcp de travailleurs sont maintenus dans l'informalité, et les dispositions légales ne s'appliquent pas
Le gouv Ukraine a récemment introduit des lois contraires aux règlementations EU en matière du droit de travail. Ainsi la loi N°5371 exempte les patrons du respect du code de travail dans les entreprises de <250 employés. Les conditions de travail seraient négociées au cas par cas.
La Confédération européenne des syndicats, à laquelle sont affiliées les deux plus grosses fédérations syndicales ukrainiennes, utilisé l'argument de l'intégration européenne pour faire pression sur le gouvernement ukrainien.
Les normes EU en matière des droits sociaux, du travail, de l'environnement, aussi basses soient-elles dans l'absolu, sont supérieures à ce à quoi l'on peut s'attendre des ultralibéraux ukrainiens partis en roue libre. Les salaires en Ukraine seraient aussi tirés vers le haut.
Enfin, cette question prend un sens véritablement vital depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Quelle que soit l'évolution de la guerre, l'Ukraine a besoin d'un soutien militaire et de garanties de sécurité EU, pour sa défense immédiate et pour prévenir de nouvelles agressions.
En ce qui concerne LFI qui a visiblement prévu de fonder sa campagne européenne sur des slogans chauvinistes et protectionnistes de la menace par le poulet ukrainien « de nos droits sociaux, notre industrie et notre agriculture »…
Avec ce genre d'arguments favorables avant tout aux secteurs particuliers du patronat français (qui par ailleurs est toujours prompt à défendre les politiques favorisant les marchandises françaises sur le marché mondial), merci d'arrêter de se revendiquer de la gauche !
La question de l'entrée ou non de l'Ukraine dans l'UE ne saurait être le cheval de bataille des anti-capitalistes et anti-impérialistes. Ce choix est l'aveu de notre faiblesse, il se pose parce que nous n'avons pas la force de réaliser dans l'immédiat une alternative propre.
Et cet aveu n'a rien d'honteux quand il s'accompagne d'une analyse du réel historique et de l'action qui exprime concrètement la solidarité internationaliste. Ce qui est honteux, c'est céder soit à la mégalomanie dogmatique hors sol, soit à la tentation réactionnaire.
Daria Saburova
P.-S.
Daria Saburova
https://twitter.com/Daria__Saburova/status/1761090952490295483
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L’Occident a-t-il intentionnellement incité Poutine à la guerre ?
Au cours de l'année passée, les États-Unis et les pays de l'OTAN n'ont entrepris aucun effort pour convaincre le président ukrainien Volodomyr Zelenskiy d'entamer des négociations avec Poutine, cela malgré : la mort de plus d'un demi-million d'Ukrainien.ne.s ; la destruction d'une grande partie de l'économie, des finances, des infrastructures physiques, du capital humain et de la société civile de l'Ukraine ; et l'incapacité de l'Occident à maintenir un soutien financier et militaire, même si l'Ukraine perdait déjà la guerre alors que ce soutien était à son apogée.
(Nous tenons à souligner que la rédaction de Presse-toi à gauche ! ne partage nullement le point de vue exprimé dans cet article. - NDLR-PTAG)
le 27 février 2024
gordonhahn.com/2024/02/27/did-the-west-intentionally-incite-putin-to-war/
La stratégie de guerre de l'Occident semble désormais consister à prolonger une « longue guerre » dans l'espoir soit que la guerre commencera à affecter la Russie et la position de Poutine sur place, soit que la santé de Poutine se détériorera et que son système se déstabilisera.
Tout cela et bien d'autres choses éveillent les soupçons selon lesquels l'Occident a intentionnellement, peut-être même « inconsciemment » – les actions de petites victoires politiques remportées afin de « confronter Poutine » par des éléments concurrents en son sein, en particulier au sein de Washington – ont entraîné la Russie dans la Guerre OTAN-Russie en Ukraine.
Mis à part la cause de fond et le principal moteur de cette décision – l'expansion de l'OTAN – et les déclencheurs plus immédiats de la décision de Poutine entre la mi-février et la fin février 2022, quels efforts l'Occident a-t-il entrepris, peut-être intentionnellement, pour provoquer cette décision ?
Si nous regardons le cours des événements dans l'ordre chronologique inverse, il me semble encore plus évident que l'Occident a recherché cette guerre et y a effectivement entraîné intentionnellement la Russie avec une stratégie consistant à utiliser la guerre pour affaiblir la stabilité économique et politique de la Russie.
L'objectif stratégique est le renforcement de l'hégémonie américaine et la maximisation de la puissance, en atteignant deux sous-objectifs de longue date et interdépendants : (1) l'expansion de l'OTAN et (2) le retrait du pouvoir du président russe Vladimir Poutine. Faisons de l'ingénierie inverse sur le cours des événements.
En revenant au début de l'« opération militaire spéciale » (OMS) russe, la pratique diplomatique normale aurait dû inciter l'Occident à considérer, puis à poursuivre, la possibilité que Poutine s'engageait dans une diplomatie coercitive au cours des derniers mois précédant et des premiers mois après le lancement de l'opération militaire spéciale en Ukraine. (Voir https://gordonhahn.com/2022/01/31/putins-coercive-diplomacy/ ; https://gordonhahn.com/2022/02/24/coercive-diplomacy-phase-2-war-and-iron-curtain-descended/ ; et https://gordonhahn.com/2022/10/04/the-complex-and-unclear-origins-of-the-russo-nato-ukrainian-war/).
Le deuxième jour de l'OMS, une délégation russe est arrivée à Gomel, en Biélorussie pour accueillir une délégation ukrainienne pour entamer des négociations. Mais cette dernière n'est pas venue. Une fois que les Ukrainien.ne.s se sont engagés dans le processus en mars 2022 – qui s'est ensuite transféré à Istanbul, en Turquie, sous l'égide du président turc Recep Tayyip Erdogan - l'Occident s'est d'abord montré froid envers les négociations, les ignorant.
Alors qu'elles étaient sur le point de réussir fin mars, les pays de l'OTAN ont commencé à injecter des armes en Ukraine et le président américain Joe Biden s'est rendu en Pologne, appelant à enlever Poutine du pouvoir (www.nbcnews.com/news/world/biden-putin-remain-power- anxiété-europe-ukraine-guerre-rcna2178). L'Occident a ensuite directement bloqué les négociations sur un projet de traité russo-ukrainien, basé sur un accord préliminaire et paraphé par les deux parties début avril 2022. (https://threadreaderapp.com/thread/1746596120971673766.html ; voir aussi https://x.com/i_katchanovski/status/1750362694949966291?s=51&t=n5DkcqsvQXNd3DfCRCwexQ).
Après avoir rejeté les propositions de traité de Moscou en décembre 2021 (voir ci-dessous) et pendant la période précédant la guerre en janvier 2022, les dirigeant.e.s politiques occidentaux et occidentales et diverses agences de renseignement ont mis en garde à plusieurs reprises contre une invasion russe, sans proposer de solution diplomatique. Il y a eu un battement de tambour presque quotidien d'avertissements concernant l'imminence de l'invasion de Poutine, mais l'Occident n'a entrepris aucune démarche diplomatique auprès de Moscou et n'a pas non plus encouragé Kiev à le faire.
C'est comme si l'Occident espérait inciter Kiev à prendre des mesures pour déclencher l'invasion de Poutine. En effet, Zelenskiy s'est moqué à plusieurs reprises de la perspective d'une invasion russe, mais il a en même temps déclaré que Kiev se préparait à se retirer du Mémorandum de Budapest, un accord qui garantissait l'abandon par l'Ukraine des armes nucléaires soviétiques basées sur son territoire et l'engagement de Kiev à ne pas développer l'arme nucléaire. C'est à peu près à cette époque, de la mi-février à la fin février, que Poutine a décidé de donner l'ordre de lancer le OMS (https://gordonhahn.com/2022/04/28/putins-war-decision-and-its-consequences/ ).
En décembre 2021, la Russie a proposé à l'Occident des négociations sur l'échec du processus de Minsk pour l'Ukraine, ainsi que sur un projet de traité-cadre pour une nouvelle architecture de sécurité européenne. Le 21 décembre Poutine a déclaré, lors d'une réunion élargie du conseil d'administration de son ministère de la Défense, qu'il était « extrêmement alarmant que des éléments du système mondial de défense américain soient déployés près de la Russie… Si cette infrastructure continue d'avancer et si les systèmes militaires américains et de l'OTAN sont déployés en Ukraine, leur temps de vol vers Moscou ne sera que de 7 à 10 minutes, voire cinq minutes pour les systèmes hypersoniques » (https://jmss.org/article/view/76584/56335).
Les propositions russes en matière de sécurité comprenaient un engagement de la Russie et des États-Unis à ne pas déployer de missiles basés au sol, qui étaient interdits par le désormais disparu Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) « en dehors de leurs territoires nationaux, ainsi que dans les zones de leur territoire national à partir desquels ces armes peuvent attaquer des cibles situées sur le territoire national de l'autre partie ».
L'Occident n'a accordé que peu d'attention, voire aucune attention, aux propositions de Poutine, puis les a rejetées d'emblée. Cela s'est produit dans le contexte d'alertes à la guerre lancées dans les capitales occidentales par les gouvernements et les médias six mois plus tôt en avril, lorsque la Russie a commencé à renforcer ses forces le long de sa frontière avec l'Ukraine.
Face à cette préoccupation, pourquoi ne pas prendre plus au sérieux les propositions de Poutine, ou du moins faire semblant de le faire ? La réaction logique à la frayeur du mois d'avril serait de renforcer la diplomatie.
Au lieu de cela, les propositions de Poutine ont été pratiquement ignorées ; elles ont été acceptées pour examen et rapidement rejetées. Et cela a été fait précisément parce que les propositions de Moscou exigeaient la fin de l'expansion de l'OTAN.
Fin 2022, Oleksiy Arestovich, alors conseiller présidentiel ukrainien et porte-parole officieux, a affirmé qu'en décembre 2021, Kiev s'était furtivement déplacée vers la zone de conflit, en « positionnant en avant » quelque 40 à 60,000 soldats (https://t.me/UkraineHumanRightsAbuses/8504).
Est-ce que cela provenait de conseils occidentaux, et les services de renseignement russes ont-ils détecté ces déploiements ? Cela était-il lié à la déclaration provocatrice de Zelenskiy aux services de renseignement ukrainiens un mois avant le début du OMS de Poutine : « Nous avons appris à dissuader et à contrer les agressions extérieures de manière assez efficace. Je suis convaincu que le moment est venu de passer à des actions offensives pour défendre nos intérêts nationaux » ? (www.president.gov.ua/en/news/zovnishnya-rozvidka-vidigraye-vazhlivu-rol-u-protidiyi-zagro-72517)
À la veille de la guerre, l'Occident, en particulier Washington, lançait des avertissements répétés selon lesquels Poutine prévoyait d'envahir l'Ukraine. Mais ces avertissements étaient tellement hystériques et s'accompagnaient d'un silence assourdissant dans la diplomatie américaine, suggérant que l'objectif était de provoquer Zelensky dans un faux pas que la Russie pourrait utiliser pour justifier une invasion (https://gordonhahn.com/2022/02/20/western-intel-as-incendiary-device-does-washington-want-russia-to-invade-donbass-ukraine).
En effet, Zelensky a rapidement coopéré, tombant peut-être dans le piège, en annonçant que Kiev allait abandonner le mémorandum de Budapest qui est à la base du statut non nucléaire de l'Ukraine. Ajoutez ensuite à ce mélange combustible l'augmentation exponentielle des tirs à travers la ligne de contact entrepris par les forces ukrainiennes et la menace de Zelensky de poursuivre une capacité nucléaire.
De plus, nous savons désormais que de 2015 à 2022, Kiev et ses partenaires occidentaux ont fait semblant seulement de participer sincèrement au processus de négociation de Minsk destiné à résoudre le moteur interne de la guerre : le séparatisme des régions séparatistes du Donbass de la République populaire de Louhansk (LNR) et de la République populaire de Donetsk (DNR), protégées par Moscou après que Kiev leur ait déclaré de facto la guerre en avril 2014, sans même tentative de négocier.
En outre, une série de dirigeant.e.s occidentaux, occidentales et ukrainien.ne.s, dont l'ancien président ukrainien Petro Porochenko et l'ancienne chancelière allemande Angela Merkel, ont depuis reconnu que l'ensemble du processus de Minsk 1 et 2 n'était qu'une tactique dilatoire visant à gagner du temps pour renforcer l'armée ukrainienne en vue de des opérations militaires visant à ramener la Crimée et à soumettre à nouveau les républiques séparatistes au giron ukrainien.
Par exemple, le négociateur ukrainien en chef du processus, Porochenko, a lui-même reconnu dans une interview accordée en juin au service en langue ukrainienne de Radio Free Europe et à la Deutsche Welle allemande que les accords de Minsk visaient à « retarder la guerre » et à « créer des forces armées puissantes » : « Notre objectif était d'abord de mettre un terme à la menace, ou au moins de retarder la guerre – de s'assurer huit ans pour restaurer la croissance économique et créer des forces armées puissantes » (www.bignewsnetwork.com/news/272589263/minsk-deal-was-used-pour-acheter-du-temps-ukraines-poroshenko).
Cette tromperie est un indicateur particulièrement solide du fait que l'objectif de l'Occident était la guerre avec la Russie plutôt que la paix entre la Russie et l'Ukraine.
Tout au long de la période 2014-2022, les États-Unis et l'OTAN n'ont rien fait pour faire avancer le processus de Minsk, qui était la seule véritable voie de sortie de la route menant à une guerre entre l'OTAN/Ukraine et la Russie. L'élection présidentielle de Volodomyr Zelenskiy en 2019, malgré ses promesses électorales de poursuivre la paix, a conduit à une intensification de l'intégration OTAN-Ukraine.
En septembre 2020, Zelenskiy a approuvé la nouvelle stratégie de sécurité nationale de l'Ukraine, qui prévoit la poursuite du développement du partenariat distinctif avec l'OTAN en vue de l'objectif d'adhésion à l'OTAN. Ainsi, les États-Unis et l'OTAN ont commencé à intégrer de manière opérationnelle (interopérabilité) l'armée ukrainienne dans l'OTAN, tout en lui fournissant des niveaux massifs d'armes et un entraînement sans précédent pour un non-membre de l'OTAN. L'OTAN considère « l'interopérabilité » comme « le cœur de l'alliance » (www.nato.int/cps/en/natohq/news_193539.htm?selectedLocale=en). En juin 2020, l'Ukraine a rejoint le programme de Partenariat d'opportunités améliorées de l'OTAN pour lui offrir « un accès amélioré aux programmes et exercices d'interopérabilité, ainsi qu'un partage accru d'informations, y compris les enseignements tirés ».
L'Ukraine a rejoint les cinq pays bénéficiant de ce statut, dont quatre sont proches de la Russie : l'un des « Cinq Yeux », l'Australie, ainsi que la Géorgie, la Suède, la Finlande et – en soutien aux opérations américaines de soutien à Israël et au Moyen-Orient – Jordanie www.nato.int/cps/en/natohq/news_176327.htm#:~:text=On%20Friday%20%2812%20June%202020%29%2C%20the%20North%20Atlantic,made%20significant%20contributions%20to%20NATO-led%20operations%20and%20missions
En 2019, un amendement à la Constitution ukrainienne est entré en vigueur, stipulant l'adhésion à l'OTAN comme objectif stratégique de sa politique étrangère et de sa sécurité, renversant la politique de neutralité du gouvernement de Ianoukovitch avant le Maïdan. Cela faisait suite à une législation ukrainienne de juin 2017 rétablissant l'adhésion à l'OTAN comme objectif de politique étrangère et de sécurité de l'Ukraine.
Lors du sommet de l'OTAN à Varsovie en 2016, l'OTAN a inclus dans le programme d'assistance globale (CAP) de l'alliance « le soutien à la capacité de l'Ukraine à assurer sa propre sécurité et à mettre en œuvre des réformes de grande envergure fondées sur les normes de l'OTAN, les principes euro-atlantiques et les meilleures pratiques ».
Dans le cadre du CAP, l'OTAN « a aidé l'Ukraine à transformer son secteur de sécurité et de défense pendant de nombreuses années, en fournissant des conseils de niveau stratégique par l'intermédiaire de la représentation de l'OTAN en Ukraine et un soutien pratique par le biais d'une série de programmes et d'initiatives de renforcement des capacités. Grâce à ces programmes et à des conseils adaptés, l'OTAN a considérablement renforcé la capacité et la résilience du secteur ukrainien de la sécurité et de la défense, ainsi que sa capacité à contrer les menaces hybrides. L'OTAN et ses Alliés ont également apporté un soutien considérable au développement des capacités, notamment par la formation, l'éducation et la fourniture d'équipements. »
Parallèlement au CAP, plusieurs fonds fiduciaires ont été créés en 2014 « pour soutenir le développement des capacités et le renforcement durable des capacités dans des domaines clés », en se concentrant sur la réorganisation et la modernisation des capacités de commandement, de contrôle, de communication et informatiques, ou C4, de l'Ukraine ; réadaptation médicale pour les militaires et les anciens combattants ; et développement des professions des civils dans les secteurs de la défense et de la sécurité (www.nato.int/cps/en/natolive/topics_37750.htm)).
C'était la première fois dans l'histoire de l'OTAN qu'un tel programme était étendu et un tel niveau d'intégration avec un pays déjà en guerre. Et encore une fois, l'OTAN et son principal État membre, les États-Unis, n'ont rien fait pour faire avancer le processus de Minsk afin, comme le reconnaissent maintenant plusieurs dirigeants d'États membres de l'OTAN, de gagner du temps pour armer l'Ukraine pour une guerre visant à reprendre la Crimée et les régions séparatistes par la force.
Au-delà de la formation, du développement et du renforcement des capacités dans des domaines « souples », tels que les communications et la logistique, du matériel non létal a été fourni avant la guerre actuelle par les États-Unis et d'autres pays de l'OTAN à des niveaux non négligeables. Comme l'a fait remarquer un responsable américain à propos des seuls approvisionnements américains, avant que l'Autorité présidentielle de retrait de fonds – le pouvoir de puiser dans les stocks du ministère de la Défense pour les fournir directement à l'Ukraine – n'entraîne l'envoi annuel de 100 millions de dollars d'équipement militaire à l'Ukraine (www.nationaldefensemagazine.org/articles/2023/2/24/tectonic-change-marks-one-year-anniversary-of-war-in-ukraine).
CONCLUSION
La question se pose donc de savoir dans quelle mesure les États-Unis et l'OTAN ont tenté d'entraîner, de provoquer, d'inciter la Russie à la guerre en Ukraine ou, au moins, de préparer Kiev à la guerre de manière si robuste qu'elle a rendu la guerre inévitable – stade avancé de la prophétie proverbiale auto-réalisatrice sur les menaces perçues (dans ce cas, sans expansion de l'OTAN mal perçue).
Bien avant le putsch de Maïdan, les États-Unis et l'OTAN étaient sur le point de lancer une guerre en Ukraine en élargissant l'OTAN, comme certains l'avaient prévenu à l'époque. La poursuite de l'expansion de l'OTAN, notamment en Ukraine, déclencherait une guerre entre l'OTAN et la Russie.
Tout au long de l'histoire de l'après-guerre froide, et en particulier au cours de la période 2004-2014, les États-Unis et l'OTAN ont accru leur soutien à l'armée ukrainienne et l'ont intégrée aux opérations de l'OTAN au Kosovo et en Afghanistan. Un « point culminant » de ce processus a été le sommet de l'OTAN de 2008, qui a promis que l'Ukraine et la Géorgie deviendraient membres de l'OTAN à l'avenir.
De 2010 à 2014, comme le note le site Internet de l'OTAN, « l'Ukraine a mené une politique de non-alignement, à laquelle elle a mis fin en réponse à l'agression de la Russie » (www.nato.int/cps/en/natolive/topics_37750.htm). La déclaration de l'OTAN laisse naturellement de côté la révolte de Maïdan qui a renversé le gouvernement menant la politique de neutralité qui a précédé « l'agression de la Russie » et qui a été alimentée par l'argent et les réseaux occidentaux en Ukraine.
Dans les analyses occidentales, les actions occidentales n'ont aucun effet sur les calculs russes concernant leur propre sécurité. Pendant ce temps, les États-Unis et l'OTAN n'ont pris aucune mesure pour s'opposer à l'influence croissante de l'ultranationalisme, du néofascisme et du sentiment anti-russe en Ukraine, à commencer par la Révolution orange de 2004.
Au cours de cette période, l'Occident a inlassablement cultivé des réseaux pro-OTAN en Ukraine afin d'amasser des sentiments pro-OTAN et pro-UE et de promouvoir un changement de régime, ou une « révolution de couleur », en Ukraine lors de la « révolution » de Maïdan en 2013-2014. Mais moi-mêmes et d'autres l'ont déjà souligné de manière exhaustive [voir Gordon M. Hahn, Ukraine Over the Edge : Russia, the West and the 'New Cold War' (Jefferson, N.C. : McFarland Books, 2018) ; https://gordonhahn.com/2022/02/24/coercive-diplomacy-phase-2-war-and-iron-curtain-descended/ ; https://gordonhahn.com/2016/01/21/report-the-russian-american-reset-nato-expansion-and-the-making-of-the-ukrainian-crisis ; https://gordonhahn.com/2016/03/09/the-real-snipers-massacre-ukraine-february-2014-updaterevised-working-paper/ et https://www.academia.edu/37784742/Shooting_of_Maidan_Protesters_from_Maidan_Controlled_Locations_Video_Appendix_C_2018_?email_work_card=title%5D ].
Et une dernière remarque. Tout cela a conduit l'OTAN et les États-Unis à s'engager dans une guerre contre la Russie, ce qui nous menace d'une guerre mondiale et d'une conflagration nucléaire.
Vous doutez que l'OTAN soit un combattant ? Voici comment un responsable de l'OTAN décrit l'implication de l'OTAN dans l'organisation de communications approfondies et le ciblage (!) pour l'Ukraine jusqu'au niveau des unités de front : « (L)a manière dont le ciblage a été réalisé en Ukraine et dont les données ont été fournies jusqu'à presque l'unité tactique la plus basse pour qu'ils puissent déclencher des tirs conjoints est extraordinaire. Je pense que le rythme a été atteint pour donner à ces capacités la possibilité de faire une sorte d'essai sur le terrain, où l'appétit pour le risque est très élevé. Je pense que de nombreux alliés regardent avec envie la rapidité avec laquelle cela peut être réalisé par rapport aux processus plus traditionnels » (www.nationaldefensemagazine.org/articles/2023/7/18/ukraine-war-is-exposing-nato-interoperability-gaps).
Je ne vous retiendrai plus
L'auteur :
Gordon M. Hahn, Ph.D., est analyste expert chez Corr Analytics, www.canalyt.com. Sites Web : Politique russe et eurasienne, gordonhahn.com et gordonhahn.academia.edu. Il est l'auteur de plusieurs livres sur la Russie, l'Ukraine et l'Occident, dont Ukraine Over the Edge : Russia, the West and the « New Cold War, McFarland Books, 2018.
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De l’antisémitisme et de sa manipulation
J'ai participé samedi - en visuel- à un colloque organisé à l'Université libre de Bruxelles sur « L'antisémitisme instrumentalisé ». Voici l'intervention que j'y ai présentée.
Tiré du blogue de l'auteur.
Pour réfléchir sur l'indispensable combat contre l'antisémitisme et les manipulations dont il est l'objet, il faut d'abord en dresser l'état des lieux, en l'inscrivant dans le contexte de l'évolution du racisme en général.
D'autant que, contrairement à une idée répandue, l'air du temps n'est pas, en France, à la montée de ce dernier. C'est en tout cas ce qu'indique l'Indice de tolérance[1] de Vincent Tiberj : sa tendance est à la hausse – de 46 en 1991 à 64 en 2022. Et cette progression concerne aussi bien la droite (qui passe de 30 en 1999 à 48 en 2022), le centre (qui monte de 38 à 59) et la gauche (qui grimpe de 59 à 72). Ces chiffres et les suivants sont extraits du dernier rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH[2]).
Antisémitisme, état des lieux
S'agissant de l'antisémitisme, trois « thermomètres » nous permettent d'en évaluer au plus près l'évolution en France :
D'abord celui du racisme idéologique, devenu marginal, comme l'attestent les réponses à trois questions dans les enquêtes d'opinion :
– La notion de race : seuls 5 % des sondés estiment qu'« il y a des races supérieures à d'autres ». En revanche, 36 % affirment que « les races n'existent pas » et 57 % que « toutes les races se valent » ;
– L'autodéfinition sur l'échelle du racisme : seuls 3 % des sondés s'estiment « plutôt racistes », 15 % « un peu racistes ». En revanche, 62 % ne se jugent « pas racistes du tout » (et 19 % « pas très racistes » ;
– La perception de l'intégration des différentes minorités : seuls 13 % considèrent les Noirs comme un groupe « à part » ; 24 % les Juifs (et 24 % aussi les Maghrébins 30 % les Asiatiques, 32 % les musulmans et 67 % les Roms .
Jean-Marie Burguburu, le président de la CNCDH, écrit toutefois dans son avant-propos que « les idées racistes favorisant l'exclusion peuvent revenir rapidement dans le débat public quand elles sont endossées et légitimées par des responsables politiques et médiatiques. » Or, poursuit-il, « dans un contexte de crise politique, sociale, économique et identitaire, un certain nombre de personnalités politiques ont activement participé de la politisation du rejet de l'Autre[3], figure mouvante aux visages multiples ».
Le second thermomètre, c'est celui des violences racistes, qui explosent au début du siècle : leur nombre passe de 202 actes recensés en 1999 à 903 en 2000. Sans doute ce phénomène est-il lié à la Seconde Intifada. Si les Français juifs n'ont évidemment aucune responsabilité dans le bain de sang provoqué par la répression israélienne, le soutien inconditionnel qu'apporte à cette dernière le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) au nom des Français juifs alimente l'amalgame entre ces derniers et les Israéliens. Les violences « antisémites » progressent ensuite irrégulièrement, avec un pic en 2021 (2 128 actes). Mais elles s'accroissent nettement moins, alors que les « autres faits racistes » connaissaient une forte hausse.
Cette diminution des faits antisémites depuis le pic de 2004 n'empêche pas un fort sentiment d'insécurité chez nombre de juifs, du fait de leur caractère meurtrier. Pour la première fois depuis 1945, 11 juifs ont été assassinés en tant que tels. La complexité des autres motivations des tueurs – meurtres crapuleux, voire acte de folie – n'empêche pas qu'ils soient d'abord perçus comme antisémites. Sur le long terme également, les faits antimusulmans connaissent une baisse depuis le pic de 2015.
Comme presque toutes les guerres du Proche-Orient, l'offensive d'Israël contre les Gazaouis, après l'horreur du 7 octobre, a provoqué en France une poussée d'antisémitisme. Selon le Service de protection de la communauté juive (SPCJ[1]), on a recensé en 2023 1 676 « actes antisémites » – dont 60% d'atteintes aux personnes et 40 % de propos ou gestes menaçants– soit quatre fois plus qu'en 2022 (436). Sur le total de 2023, 74,2% ont été commis après le 7 octobre[2]. Et ce bilan du dernier trimestre égale le total des « actes antisémites » des trois dernières années cumulées. « Le 7 octobre a servi de catalyseur à la haine, en activant un antisémitisme latent, et en désinhibant le passage à l'acte », estime Yonathan Arfi, le président du CRIF, selon qui la vision des civils israéliens massacrés a joué un rôle déclencheur dans ce phénomène .Étonnamment, Arfi ne mentionne pas l'effet des photographies ou des films terribles de la bande de Gaza en ruines, avec son cortège de cadavres de femmes et d'enfants ensanglantés, de bébés opérés à même le sol des hôpitaux et sans anesthésie, de foules se battant pour un peu de pain… : nul besoin d'être psychiatre pour imaginer l'incitation à la haine que représentent de telles images !
Le rapport évoque enfin un « chiffre noir » : « L'état de sous-déclaration massive des actes racistes auprès des autorités judiciaires accentue la méconnaissance de ce phénomène ». Et la CNCDH de préciser : « Au total, 1,2 million de personnes de 14 ans ou plus auraient été victimes d'au moins une atteinte à caractère raciste », soit 2,2 %.
Le troisième thermomètre, franchement négatif, est celui des préjugés. L'affaire Halimi nous le rappelle brutalement : les préjugés peuvent tuer… Leur cible privilégiée, c'est l'immigration. « Près d'un Français sur deux estime désormais qu'“aujourd'hui en France, on ne se sent plus chez soi comme avant”(48 %) », soit + 5 % en un an. Et 53 % des sondés considèrent qu'« il y a trop d'immigrés en France »[4].
Autre glissement inquiétant : « 60 % des Français pensent que “de nombreux immigrés viennent en France uniquement pour profiter de la protection sociale”, un chiffre en nette hausse (+ 8 points). » Et, pour 42 % (+ 7 points[5]), « l'immigration est la principale cause de l'insécurité ». Toutefois, seule une minorité croit que « les enfants d'immigrés nés en France ne sont pas vraiment Français » (22 %, + 2 %).
Pour 94 % , il est « grave » de « refuser l'embauche d'une personne noire qualifiée », pour 92 % celle d'une personne « d'origine maghrébine », 80 % d'être « contre le mariage d'un de ses enfants avec une personne noire ». Si 40 % pensent que les réactions racistes peuvent parfois être « justifiées par certains comportements », 56 % estiment que « rien ne peut les justifier ».
Même contradiction sur l'islam. Seuls 32 % en ont une opinion « positive » contre 30 % « négative ». Mais ils sont 42 % à considérer que « l'islam est une menace pour l'identité de la France » (+ 4 % en un an). Et de citer des pratiques considérées comme prétendument incompatibles avec notre société : le« port du voile intégral » (75 %), le « port du voile » (49 %) et du « foulard » (42 %), l'« interdiction de montrer l'image du prophète Mahomet » (51 %), etc. Ils sont toutefois 82 % à affirmer qu'« il faut permettre aux musulmans de France d'exercer leur religion dans de bonnes conditions ».
Idem pour les juifs : 18 % pensent qu'ils « ont trop de pouvoir », 38 % qu'ils « ont un rapport particulier à l'argent » et 36 % que, pour eux, « Israël compte plus que la France ». Et le rapport de préciser : « Les sympathisants d'extrême droite restent les plus enclins à se montrer d'accord avec ces préjugés antisémites traditionnels (…) Au contraire, les sympathisants des partis de gauche et du centre y sont relativement imperméables ».
Le degré d'antisémitisme, d'islamophobie et d'ethnocentrisme varie avec l'âge et le genre (les soixante-huitards et les femmes sont plus tolérants), mais surtout en fonction des options politiques. « L'intolérance s'élève à mesure qu'on se rapproche du pôle droit de l'échiquier politique, où prédomine une vision hiérarchique et autoritaire de la société, explique le rapport. Chez les personnes se situant à l'extrême droite, la proportion de scores élevés […] atteint des niveaux records »
Rest qu'un très large consensus se dessine : « Loin d'être complaisante à l'égard des agressions subies par les Juifs, l'opinion est majoritairement en faveur d'une lutte vigoureuse contre l'antisémitisme (73 % tout à fait ou plutôt d'accord fin 2022), et cette demande est d'autant plus forte que la personne se situe plus à gauche, la proportion des “tout à fait d'accord” passant de 29 % à l'extrême droite à 65 % à l'extrême gauche. »
Quatre impératifs
Reste à savoir comment mener cette lutte. L'analyse de l'évolution du racisme, y compris de l'antisémitisme, nous y aide grandement. Elle souligne en particulier, à mon avis, 4 impératifs :
– la nécessité de former le front antiraciste le plus large possible ;
– il importe donc – deuxième impératif – de ne pas opposer les différentes victimes les unes aux autres ;
– pour la même raison, il est essentiel de ne pas les hiérarchiser, sous peine d'alimenter les différents racismes ;
– travailler à la convergence des victimes et de leur mémoire implique enfin – quatrième impératif – de ne pas banaliser le racisme et l'antisémitisme en usant et abusant de ces étiquettes pour (dis)qualifier la critique légitime des États et de leur politique.
Vitupérer la politique de Vladimir Poutine, est-ce être antirusse ? Dénoncer le sort des Ouïghours, est-ce être antichinois ? Attaquer la politique africaine d'Emmanuel Macron, est-ce être antifrançais ? Alors s'en prendre au gouvernement israélien, ce n'est donc pas être antisémite. Sauf, bien sûr, si l'on a recours, pour ce faire, à des arguments antisémites ou/et négationnistes, comme Soral ou Dieudonné.
Un mot à ce propos. En France, la loi antiraciste de 1881, celle de 1972 et le Code pénal constituent un arsenal efficace… à condition qu'il soit utilisé. Or, pendant des années, un Dieudonné ou un Soral ont pu jouer presque impunément avec l'antisémitisme et le négationnisme. Je veux le dire clairement : compte-tenu des accusations dont ils font l'objet, les militants qui professent des idées antisionistes doivent être les plus vigilants, tout dérapage coûtant très cher à la cause que nous défendons.
Les 3 échecs d'une manipulation
Indiscutablement, depuis une vingtaine d'années, les inconditionnels d'Israël, en France comme dans plusieurs autres pays occidentaux, se sont mieux organisés et dotés de moyens nouveaux – comme ELNET[6] – pour développer leur propagande et leur chantage. Ne pas le mesurer serait dangereux.
Mais il serait au moins aussi périlleux de surestimer l'efficacité de ce lobby – un terme autrefois utilisé par la seule extrême droite mais que certains sionistes revendiquent désormais. S'ils s'agitent, c'est que leur cause devient littéralement indéfendable quand l'État qui se réclame des millions de victimes de la Shoah pactise avec les héritiers de leurs bourreaux à travers le monde, et, pire, en porte certains à sa tête – juif ou blanc, un suprémaciste est un raciste.
J'en veux pour preuve les trois échecs successifs des propagandistes d'Israël depuis le début de ce siècle :
Lors de la Seconde Intifada, ils ont tenté de faire taire les partisans du droit international en multipliant les procès contre eux[7]. Sauf qu'ils n'en ont remporté aucun. Daniel Mermet, Edgar Morin, Danièle Sallenave, Sami Naïr, Pascal Boniface, Michèle Manceaux et Charles Enderlin en sont ressortis blanchis.
Deuxième bataille perdue : la criminalisation du boycott, lancée en février 2010 par une circulaire de la ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie, sur la base d'un mensonge[8]. La Cour européenne des droits de l'Homme (CECDH) finira par retoquer la condamnation des activistes de Mulhouse. L'arrêt, dit Baldassari, du 11 juin 2020, dénonce l'« attentat juridique » que constitue en France la répression pénale des appels au boycott des produits israéliens. Prime l'article 10 de la Convention qui protège la liberté d'expression, dont le boycott fait partie[9]. Le 17 octobre 2023, la Cour de cassation a reconnu l'arrêt Baldassari et renoncé à poursuivre les militants du boycott.
Troisième tentative avortée : la criminalisation de l'antisionisme. Deux mois après son élection, Emmanuel Macron déclare à la commémoration de la rafle du Vél d'Hiv, le 16 juillet 2017 : « Nous ne cèderons rien à l'antisionisme car il est LA forme réinventée de l'antisémitisme. » Et le CRIF exige que cette affirmation débouche sur une loi condamnant ledit antisionisme.
Commence alors, entre promoteurs et adversaires de ce projet de loi, une bataille acharnée qui durera plus de deux ans. Pour ma part, je publie Antisionisme = antisémitisme ? Réponse à Emmanuel Macron, que je présente lors d'une centaine de conférences-débats. J'y dénonce dans le projet élyséen à la fois une forme d'analphabétisme historique et une entreprise liberticide. Analphabétisme, car l'antisionisme fut d'abord un mouvement juif, majoritaire jusqu'à la Seconde Guerre mondiale et qui, depuis, prône, non pas la destruction de l'État d'Israël, mais sa transformation en un État de tous ses citoyens[10]. Liberticide, car le droit français comme européen exclut tout délit d'opinion.
C'est si vrai que le président de la République renoncera finalement à ce projet le 20 février 2019, lors du dîner annuel du CRIF. Ce dernier obtiendra, en guise de « lot de consolation », une résolution (mal) votée par l'Assemblée nationale se contentant de reprendre la définition de l'antisémitisme de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA) – à l'exclusion des « exemples » l'accompagnant, avait précisé à la tribune son parrain, le député Sylvain Maillard. Son texte s'en tient donc à deux phrases : « L'antisémitisme est une certaine perception des juifs, qui peut se manifester par une haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l'antisémitisme visent des individus juifs ou non et/ou leurs biens, des institutions communautaires et des lieux de culte[11]. »
Comme on le voit, cette résolution – qui n'a de toute façon pas valeur de loi – ne mentionne ni le sionisme ni l'antisionisme. Ce qui n'empêche pas des dirigeants du CRIF de faire « comme si ». Car ils n'hésitent pas à nier ou ignorer leurs défaites pour poursuivre leur objectif : intimider quiconque use de son droit de critiquer la politique, intérieure ou extérieure, d'Israël.
Notes
[1] https://www.spcj.org/antis%C3%A9mitisme/chiffres-antis%C3%A9mitisme-france-2023-b
[2] Le Monde, 24 janvier 2024.
[1] Défini comme mesure synthétique de l'acceptation des minorités reprenant les questions les plus souvent posées sur une période de trente ans et variant de 0 (intolérance absolue) à 100 (tolérance absolue).
[2] www.cncdh.fr/sites/default/files/2023-06/CNCDH%20Rapport%20racisme%202022%20web%20accessible.pdf
[3] Un long chapitre du rapport est consacré à la manipulation de « la haine de l'Autre » : pp. 255 à 281.
[4] 55 % soutiennent néanmoins le droit de vote des étrangers non européens résidant en France aux élections municipales : Plus généralement, 57 % estiment que « les étrangers devraient avoir les mêmes droits que les Français ».
[5] Sur Twitter, des comptes d'extrême droite, à l'instar de F. Desouche, se consacrent exclusivement aux faits divers… dans lesquels un étranger ou un immigré est impliqué.
[6] Qui se définit comme « une organisation à but non lucratif dédiée au renforcement des relations entre l'Europe et Israël sur la base de valeurs démocratiques partagées et d'intérêts stratégiques ».
[7] Cf. Dominique Vidal, « Au nom du combat contre l'antisémitisme et Les pompiers pyromanes de l'antisémitisme », Le Monde diplomatique, respectivement décembre 2002 et mai 2004.
[8] Lors d'un dîner du CRIF à Bordeaux, le 19 février 2010, la ministre avait fait état d'un « boycott des produits casher » dont elle fut ensuite incapable de citer un seul exemple.
[9] CEDH, Baldassi et autres c. France, requêtes n° 15271/16 et 6 autres, 11 juin 2020.
[10] Les faits sont têtus : l'immense majorité des Juifs quittant l'Europe se rend aux États-Unis – environ 3,5 millions de 1881 à 1939 ([10]). En revanche, au début de la Seconde Guerre mondiale, la Palestine mandataire ne compte que 460 000 Juifs, soit 2,9 % de la population juive mondiale.
[11] Le Monde, 3 décembre 2019.
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Des tiers-lieux engagés à créer un avenir différent?
Pascale Félizat, bibliothécaire et observatrice des mouvements écocitoyens À la question « Avec le temps limité que nous avons désormais, où mettez-vous le plus d’espoir de changement, dans le milieu de l’éducation formelle ou informelle ? », deux jeunes québécois répondaient récemment que transformer à partir de l’éducation informelle leur semblait plus facile. Une autre étudiante précisait : « L’école peut apprendre les principes de base pour comprendre le monde mais elle n’apprendra pas à s’activer pour changer le monde ». Ces échanges se sont déroulés durant la table ronde Enjeux éducatifs de la mouvance jeunesse et étudiante pour la justice socio-écologique organisée par le Centr’ERE de l’UQAM en octobre 2023. Aujourd’hui, il n’est plus vraiment nécessaire d’expliquer pourquoi un changement sociétal profond est nécessaire. Tout le monde le sait et le vit. Trouverons-nous le chemin de cette métamorphose sociétale, qui exige, selon le philosophe Aurélien Barrau, « que nous redessinions l’ossature du réel1 »? À la lumière de ce que nous avons observé au cœur de Montréal, une voie semble possible. Elle associe trois groupes d’acteurs : tiers-lieux, groupes citoyens engagés et concepteurs et conceptrices d’activités permettant la reconnexion au milieu de vie et au pouvoir d’agir.Une éducation en évolution
De plus en plus documentés par la recherche, les apprentissages via la mobilisation citoyenne sont nombreux : exercice de la démocratie, politique, enjeux socio-écologiques, impact de l’extractivisme, existence de différentes sortes de rapports au monde, autres revendications (autochtones, décoloniale, antiraciste, féministe, pour la diversité de genre, etc.). S’y ajoutent des apprentissages d’ordre plus instrumental : communication, prise de parole, rédaction, évaluation, mobilisation, travail en équipe, gestion des tensions internes, innovation… Avec l’engagement citoyen, on fait aussi et surtout l’expérience d’une sorte de foi, celle qui pousse à continuer à affronter ces crises d’une gravité sans précédent. C’est l’espoir dont parle Vaclav Havel : la certitude que quelque chose fait sens quelle que soit l’issue finale. À cette même table ronde organisée par le Centr’ERE, une militante indiquait qu’elle aimerait que ces trois aspects particuliers de l’éducation retrouvent toute leur place : la responsabilité partagée de l’éducation « Pourquoi avons-nous arrêté de vouloir aussi éduquer l’enfant de la voisine ? » ; le savoir expérientiel : toutes les activités d’apprentissage basées sur l’observation, l’expérimentation dans son propre territoire, avec tous ses sens, dans l’émerveillement et la curiosité ; la capacité à continuer à se questionner sans cesse pour mieux construire le monde de demain y compris en se demandant « Qu’ai-je fait moimême pour contribuer à ce dont je me plains ou que je veux changer ? ». Ces trois modalités éducatives sont présentes au sein des collectifs citoyens et des tiers-lieux qui fleurissent ces dernières années dans les quartiers centraux de Montréal. On y renoue avec une certaine curiosité pour son milieu de vie, établissant de nouvelles relations avec celui-ci. On y exerce aussi un pouvoir d’agir, limité mais réel, tout en s’adaptant en continu aux nombreux imprévus qui ne manquent pas de se présenter. Vivre et apprécier sa codépendance, en même temps que l’exercice de son pouvoir d’agir tout en acceptant la prise de risques : il s’agit donc d’expérimenter un mode de relation au monde bien différent de celui privilégié par nos sociétés modernes centrées sur l’individualisme, le prêt à consommer et la recherche d’une sécurité maximale. Ces tendances observées au cœur de Montréal vont dans le sens de bien de nos textes fondateurs en éducation y compris l’article 13 du Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels ratifié par le Canada et le Québec : « [l’] éducation doit mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre2 ».Avec l’engagement citoyen, on fait aussi et surtout l’expérience d’une sorte de foi, celle qui pousse à continuer à affronter ces crises d’une gravité sans précédent.
Des collectifs à connaître
Ces collectifs sont militants (Mères au front, Collectif Antigone…) ou non (Mémoires de Petite-Patrie). Ils sont parfois engagés dans la défense d’un commun menacé (Mobilisation 6600 Parc Nature MHM, À nous la Malting…). Ils sont parfois rassemblés sous la bannière d’une intention rassembleuse (Prenons la Ville) ou d’un manifeste (Gardiens et gardiennes du vivant). Ils sont centrés autour d’un quartier ou d’un territoire donné (Petite Famiglia, Petite Plaza ! À nous le Plateau, Angus s’amuse, Effervescence citoyenne…) ou d’une activité particulière (Super Boat people, Les fruits défendus, Cyclistes solidaires…).| Le terme tiers-lieu, traduit de l’anglais The Third Place, a été introduit en 1989 par le sociologue Ray Oldenburg dans son ouvrage The Great Good Place. Il fait référence aux environnements sociaux qui ne sont ni la maison ni le travail ou l’école. Un tiers-lieu ne se décrète pas mais se constate par la coexistence de plusieurs critères dont le caractère vivant, la capacité à générer de nouveaux liens d’amitié, l’absence de barrières à l’accès des lieux, le caractère fédérateur ou niveleur des conditions et croyances politiques, religieuses ou autres. L’adoption de ce lieu par une communauté distincte qui y imprime sa marque et invite les nouveaux venus à y participer librement est indispensable. Les tiers-lieux se déclinent en plusieurs formes et peuvent être aussi des lieux d’innovation et de faire-ensemble sous leurs formes laboratoires de création (makerspace, medialab, laboratoire de fabrication numérique, living lab, ruche d’art…). |
Les tiers-lieux
Les tiers-lieux pourraient-ils leur servir de caisse de résonnance ? À Montréal, on observe en effet parallèlement un renouveau de ces tiers-lieux : lieux d’un nouveau genre comme Brique par Brique, L’Espace des possibles Petite Patrie, Lespacemaker ; lieux d’éducation alternative ouverts sur la communauté (Fabrique familiale la Cabane) ; lieux d’éducation populaire (Ateliers d’éducation populaire du Plateau ; lieux communautaires (Chez Émilie, La Place) et autres centres sociaux (L’Achoppe)… Tous ces lieux présents au cœur de Montréal se positionnent de plus en plus clairement comme transformationnels. Depuis une quinzaine d’années, les bibliothèques aussi se réclament mondialement du concept de tierslieux et soulignent leur rôle en éducation relative à l’environnement. Véritable « infrastructure liquide qui hybride social, culturel et économique », l‘ensemble de ces lieux quadrillent le territoire dans une belle diversité décrite par la littérature4. Ils ont des armes spécifiques pour conforter les transformations socio-environnementales en cours: ressources partagées (documents mais aussi outils, grainothèques, accès à des experts), programmation régulière d’activités et de services (ateliers de réparation par exemple), formations à la maîtrise des technologies mais aussi « pédagogie du lieu ». Ce dernier volet est particulièrement fécond5 6. Fait intéressant, ces tiers-lieux hébergent régulièrement des artistes (comme la Ruche d’Art Yéléma présente depuis plusieurs années à la bibliothèque Marc Favreau) qui invitent leurs membres à sortir de la pensée rationnelle et à explorer de nouvelles pratiques. Aujourd’hui, toutefois, ces tiers-lieux et les prestataires d’activités éducatives non formelles du cœur de Montréal ne semblent pas se percevoir encore comme un même écosystème d’éducation non formelle. En réponse à ce constat, une poignée de citoyennes visent maintenant à leur proposer des micro-projets pour leur donner des occasions de travailler ensemble autour d’enjeux socio-environnementaux propres à leur territoire : faciliter l’accès de tous les Montréalaises au plein air en ajoutant, conjointement, des informations utiles à une carte de prêt d’accès Sépaq proposée par la BAnQ ; augmenter le pouvoir d’agir citoyen sur la question du logement en abritant des séances d’un jeu cocréé localement par les citoyens eux-mêmes ; contribuer à un répertoire conjoint des modalités de soutien aux projets citoyens pour l’activité Soupe locale, un exercice de démocratie participative qui vise à propulser des initiatives locales. Ces micro-projets sont autant de tentatives de tester, par l’expérimentation, la capacité collective des tiers-lieux à soutenir réelle ment et de façon plus constante et organisée les forces régénératrices portées par ces collectifs écocitoyens. À suivre!- Conférence d’Aurélien Barrau, Rencontres internationales de Genève, Catastrophe écologique : état du monde et perspectives, 26 septembre 2023. En ligne : https://www.youtube.com/watch?v=a5RQYI89plY
- Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 3 janvier 1976. En ligne : https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/international-covenant-economic-social-and-cultural-rights
- Les membres de Promenade arboricole collective explorent des moyens de se relier autrement aux arbres Ce collectif a été mis en place à l’initiative de la fondatrice de l’OBNL Cœur d’Épinette.
- Voir Pascal Desfarges, Processus des tiers-lieux des infrastructures civiques de résilience, 2020. En ligne : https://www.banquedesterritoires.fr/sites/default/files/2020-09/ARTICLE-TIERS-LIEU-DEFINITIF.pdf
- Le bibliothécaire David Lankes, dans son ouvrage Expect More, demanding better libraries for today’s complex world, incite les citoyens à réclamer davantage à leurs bibliothèques. En ligne : https://davidlankes.org/new-librarianship/expect-more-demanding-better-libraries-for-todays-complex-world/
- À sa suite, les bibliothèques parlent de leur lieu d’accueil comme un possible « symbole des aspirations de la communauté » mais bien d’autres aspects seraient à examiner pour davantage d’impact Voir par exemple : Pascale Félizat, Convialité/Convivialisme, 2022.En ligne : https://praxis.encommun.io/n/F4ZV1PMTKXLBPgOKtIh435qcWUc/
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« Si je dois mourir » – Raconter Refaat Alareer et la Palestine
Mettre en péril la sécurité des femmes trans
Salvador : l’angle mort d’une politique sécuritaire antidémocratique

Pour l’annulation de la suspension du financement à l’UNRWA
En solidarité avec le peuple palestinien, À bâbord ! partage la lettre rédigée par le Centre international de solidarité ouvrière (CISO) et signée par 13 présidences d'organisations du mouvement syndical québécois appelant le gouvernement du Canada à revenir sur son intention de suspendre son financement à l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).
Monsieur le Premier Ministre Justin Trudeau,
Au nom du Centre international de solidarité ouvrière et de ses membres, plus de soixante-cinq syndicats représentant plus de 1,6 millions de personnes travailleuses et travailleurs au Québec, nous tenons à vous faire part de nos grandes inquiétudes quant à l'annonce récente du gouvernement du Canada de suspendre le financement à l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). L'Office étant le premier organisme humanitaire pour les réfugiés de Gaza et d'ailleurs dans cette région, nous vous demandons, afin d'assurer la sécurité de millions de Palestiniennes et de Palestiniens, de renverser votre décision.
L'UNRWA est un organisme d'aide irremplaçable dont dépendent des millions de personnes depuis plus de sept décennies. En tant que l'un des plus grands pays donateurs, il serait particulièrement cruel pour le Canada de couper les vivres à cette organisation essentielle, surtout en pleine crise humanitaire causée par le bombardement incessant des forces israéliennes à Gaza. Bien que votre gouvernement ait annoncé le financement d'autres organismes humanitaires dans l'intérim, il ne s'agit là que d'une demi-mesure qui n'atténuera en rien les effets dévastateurs de la suspension du financement du travail qu'accomplit l'UNRWA. L'UNRWA demeure la seule organisation étant en mesure de couvrir les besoins sociaux et humanitaires à grande échelle sur l'ensemble de ce territoire.
Quant au motif même de la suspension, soit les allégations selon lesquelles des membres du personnel auraient été impliqués dans les attaques du 7 octobre, il est important de souligner que l'UNRWA a enquêté avec célérité. De plus, comme on parle ici d'une douzaine de personnes sur un effectif de 30 000, la réaction du Canada nous semble démesurée, d'autant plus qu'elle a été prise en toute hâte, sans aucune preuve des allégations d'Israël et avant que l'enquête en cours n'ait abouti.
Qui plus est, des organismes humanitaires ont émis une mise en garde contre la suspension du financement à l'Office. Selon elles, une telle mesure ne ferait qu'aggraver la situation à Gaza, compte tenu de son travail indispensable dans la région. En effet, dans une déclaration signée par une vingtaine d'ONG internationales, ces dernières se disent « choquées par la décision imprudente de couper une bouée de sauvetage à une population entière par certains des mêmes pays qui avaient demandé à ce que l'acheminement de l'aide à Gaza soit renforcé et que les humanitaires soient protégés dans l'exercice de leur travail ». Soulignons que plus de cent-cinquante (150) travailleuses et travailleurs humanitaires de l'UNRWA ont péri dans les attaques des forces israéliennes.
Nous voulons également attirer votre attention sur les conséquences plus vastes de votre décision, dans le contexte où Israël est sous examen devant la Cour internationale de justice de l'ONU, qui a conclu à des risques plausibles de génocide, en vertu d'une convention que le Canada a lui-même ratifiée et qu'il a la responsabilité de faire respecter en droit international. L'organisme Médecins sans frontières a ainsi déclaré que « les conséquences sur place de ces coupes budgétaires vont à l'encontre des mesures provisoires émises le vendredi 26 janvier par la Cour internationale de justice. Celles-ci comprennent notamment des mesures immédiates pour garantir l'acheminement d'une assistance humanitaire suffisante dans la bande de Gaza ».
Faute de fonds, l'Office devra fort probablement cesser toutes ses activités d'ici la fin du mois. C'est pourquoi nous vous exhortons à travailler de concert avec les autres grands pays donateurs, afin de remédier à la situation dans les plus brefs délais. Encore une fois, nous demandons au gouvernement du Canada d'infirmer la décision de suspendre le financement à l'UNRWA jusqu'à ce que l'ONU ait terminé son enquête, afin que la population palestinienne puisse continuer à recevoir l'aide dont elle a cruellement besoin, afin d'éviter la famine et les épidémies, de soigner les blessés et les malades, de survivre.
En espérant que vous donnerez rapidement suite à notre demande, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Premier Ministre, nos plus sincères salutations.
Luc Allaire, président du Centre international de solidarité ouvrière (CISO)
Magali Picard, présidente, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
Caroline Senneville, présidente, Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Françoise Ramel, vice-présidente responsable du secteur sociopolitique et solidarité, Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ)
Youri Blanchet, président, Fédération de l'enseignement collégial (FEC-CSQ)
Frédéric Brisson, vice-président régional Québec, Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP)
Daniel Cloutier, directeur québécois, Unifor
Dominique Daigneault, présidente, Conseil central Montréal métropolitain – CSN
Christian Guillemette, 1er vice-président, SCCCUQAR, FNEEQ-CSN
Alfonso Ibarra Ramirez, président, Conseil central des syndicats nationaux de l'Outaouais (CCSNO-CSN)
Vincent Leclair, secrétaire général, Conseil régional FTQ Montréal métropolitain (CRFTQMM)
Dominic Lemieux, directeur québécois, Syndicat des Métallos
Caroline Quesnel, présidente, Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN)
Photo : UNRWA Summer Game July 2010 (Gisha Access, Wikimedia Commons, BY-SA)
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Cessez-le feu ou capitulation -
Le journal de « centre-gauche et indépendantiste » québécois Le Devoir vient de publier une lettre ouverte signée par cinq pacifistes, qui appellent à un « cessez-le-feu et à des négociations immédiates » en Ukraine.
La lettre en elle-même ne mériterait pas qu'on s'y attarde si les auteur.es ne disaient pas signer « pour » le Collectif échec à la guerre.
De fait, le Collectif regroupe des partis politiques de gauche (Québec solidaire, Parti communiste), de très nombreux syndicats (de la CSN, de la FTQ, d'infirmières, d'enseignant.es etc.), des groupes communautaires et de défense des droits (FRAPRU, Ligue des droits et libertés, AQOCI, MEPACQ etc.) et des organisations religieuses. En bref, c'est donc une bonne partie de ce que le Québec compte de militant.es qui se déclarent de gauche, syndicalistes, socialistes, féministes, anticapitalistes, anti-impérialistes, postcoloniaux, altermondialistes et même internationalistes qui se voit associée, au moins indirectement, au contenu de cet appel pacifiste.
– Cessez-le-feu ou capitulation ?
La lettre en question est une médiocre caricature de la propagande véhiculée par Vladimir Poutine : la guerre a été provoquée par les États-Unis, l'Occident, l'OTAN, qui « mènent une véritable guerre par procuration en Ukraine ». La Russie quant à elle a tout fait pour négocier et éviter le conflit mais il a bien fallu qu'elle défende ses intérêts « de grande puissance ». Et finalement, comme « la guerre en Ukraine ne s'est pas déroulée selon les plans de l'Occident », que les sanctions économiques ont échouées, que la « situation évolue à l'avantage de la Russie », qu'il faut éviter un engrenage et une guerre nucléaire, il est dans l'intérêt des ukrainien.nes et de l'humanité d'imposer le plus rapidement possible un « cessez-le-feu ». Évidemment le texte ne nous ni comment ni quelles en seraient les implications mais il faut que cela soit fait et « mutuellement acceptable ». Et voilà, il fallait juste y penser et l'écrire.
Au-delà d'un narratif digne de la novlangue de Georges Orwell, où ceux que l'on pensait être les agressés deviennent les agresseurs, les victimes, les coupables, les victoires, des défaites, les impérialistes, les colonisés etc., l'intention première qui transpire de la lettre est de mettre un terme au soutien militaire canadien à l'Ukraine, aussi ridicule soit-il. Il est de fait certain que si l'Ukraine ne reçoit plus aucun soutien, elle n'aura alors plus d'autre choix que de négocier le cessez-le-feu. Et le plus tôt on arrêtera de la soutenir, le plus tôt le cessez-le-feu souhaité par les auteur.es de la lettre, sera imposé. Mais il n'est pas dit qu'il sera "mutuellement acceptable".
Et de fait, le seul problème à l'exécution de ce plan magistral est que les Ukrainien.nes – et heureusement beaucoup d'autres personnes – considèrent aujourd'hui qu'il ne s'agit plus alors d'un cessez-le-feu mais d'une capitulation en rase campagne. Et, rien à faire, même avec les incantations des pacifistes québécois.es, les ukrainien.nes refusent de capituler.
- Faut-il écouter les ukrainien.nes ou les ignorer et défendre le pacifisme d'Échec à la guerre ?
Mais les auteur.es de la lettre se moquent éperdument de ce que peuvent penser et vouloir les ukrainien.nes. Il est en effet sidérant de voir avec quelle facilité, toute honte bue, cinq pacifistes (qui se revendiquent certainement postcolonialistes), bien à l'abri des bombes, peuvent prétendre s'exprimer pour et dans l'intérêt des ukrainien.nes, sans même prendre la peine d'en citer un.e seul.e.
Comme si les ukrainien.nes ne pouvaient pas parler, comme si leurs revendications étaient inconnues, comme si leur avis était de toute façon sans intérêt au regard des préoccupations planétaires des cinq pacifistes québécois.es. Les ukrainien.nes sont de facto infantilisé.es, traité.es comme des enfants qui ont réagi de façon impulsive, qu'il faut calmer et à qui il faut expliquer, et au besoin imposer, ce qui est bon pour eux et elles.
C'est vrai qu'ils et elles n'écoutent pas beaucoup, pas même les doctes conseils de nos cinq pacifistes ou des capitalistes occidentaux et Russes. Au lieu de fuir en taxi et de se laisser calmement coloniser, comme le prévoyaient Vladimir Poutine mais également tous les membres de l'OTAN, ils et elles ont choisi de résister et continuent de résister malgré tout, semblant oublier qu'ils et elles ont en face d'eux une puissance nucléaire.
Bref, si pour les auteur.es de la lettre l'opinion des ukrainien.nes ne compte pas, les ukrainien.nes en revanche feraient bien de les écouter. Il s'agit là d'une conception et d'une pratique de "solidarité internationale" déjà bien documentées.
- Mais pourquoi la gauche ukrainienne refuse-t-elle de capituler ?
Mais imaginons que, contrairement aux cinq missionnaires pacifistes, les membres associatifs du Collectif estiment important d'écouter et de prendre en compte ce que les Ukrainien.nes revendiquent, comme n'importe quel internationaliste digne de ce nom. Ils et elles peuvent alors facilement se renseigner en français grâce au précieux travail réalisé par un regroupement de plusieurs maisons d'édition de gauche (y compris québécoises) et au travail du Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine (ENSU/RESU).
Les partis politiques de gauche, les syndicats et les groupes communautaires québécois peuvent alors constater dans ces milliers de documents que par bien des aspects, la société ukrainienne n'est pas très différente de la société québécoise ; et que, comme elle, c'est une société profondément divisée. Il y a des fascistes, des racistes, des capitalistes profiteurs de la guerre, des multimillionnaires crapuleux et planqués, des politiques corrompus, des religieux homophobes, des antisémites, des islamophobes etc. Et, comme au Québec, faute d'une gauche véritablement internationaliste, c'est cette tendance qui a le vent en poupe.
Mais il y a également de nombreux militant.es de gauche, anticapitalistes, des féministes et des anarchistes qui, en toute conscience, ont choisi de défendre le droit à l'indépendance, non seulement les armes à la main mais également sous le commandement d'un gouvernement bourgeois et patriarcal, seule solution militairement viable selon eux pour ne pas être colonisé.es et disparaitre ; qu'il y a des syndicalistes qui militent contre la scandaleuse réforme du Code du travail tout en apportant un soutien continu aux soldat.es dans les tranchées ; des militants internationalistes qui malgré l'état d'urgence, prennent le temps d'envoyer des messages de solidarité aux palestiniens, aux grévistes français ou britanniques ; des anticapitalistes qui militent contre les réformes néo-libérales de Zelenski, du FMI et de la Banque mondiale, pour la nationalisation de l'industrie de l'armement, l'expropriation des oligarques ; des militant.es qui au risque de leur vie documentent la réalité dans les territoires occupés, les vols d'enfants, le pillage de Mariupol et de sa région, comme la russification à marche forcée etc.
Toujours dans ces précieux documents, les membres du Collectif pourront également constater que les ukrainien.nes se battent également pour la paix, un cessez-le-feu et le désarmement. La différence toutefois est qu'ils et elles n'acceptent pas les conditions proposées par nos cinq pacifistes ou Vladimir Poutine. Ils et elles ne cessent de le répéter : si la Russie se retire, il n'y a plus de guerre. En revanche, si l'Ukraine cède, il n'y a plus d'Ukraine.
- Qui désarmera et qui sera désarmé ?
De fait, quand on fait face à l'armée d'un dirigeant qui répète à qui veut l'entendre que vous n'existez pas et qui a déjà montré on ne peut plus clairement aux Tchétchènes, aux Syrien.nes ou aux Georgiens les conditions d'une paix durable et du désarmement selon lui, on retient surement mieux certaines leçons de l'histoire : « toute la question est de savoir qui désarmera et qui sera désarmé ».
Par conséquent, aujourd'hui, ce que les membres du Collectif ne trouveront pas dans ces multiples documents de syndicalistes, de socialistes de féministes, d'anticapitalistes, d'internationalistes ukrainien.nes ce sont des appels à mettre un terme au soutien militaire à l'armée ukrainienne, à s'opposer à l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN ou dans l'Union européenne. Ces militant.es de la gauche ukrainienne le répètent : ce n'est pas de gaité de coeur qu'ils et elles font ces choix politiques ; c'est une question de priorités, de survie.
- Et si la gauche Russe souhaitait également la défaite militaire de Poutine ?
Nos cinq pacifistes pourraient par ailleurs, toujours dans une perspective de solidarité internationale, se tourner vers les militant.es internationalistes russes. Il est vrai qu'il est beaucoup plus difficile d'entrer en contact avec elles et eux mais, grâce au travail des militant.es du RESU, on dispose notamment des déclarations du Mouvement socialiste russe. Et voici un extrait d'un récent communiqué en espérant que les membres du Collectif Échec à la guerre soient incités à le lire dans son intégralité :
« Le régime de Poutine ne peut plus sortir de l'état de guerre, car le seul moyen de maintenir son système est d'aggraver la situation internationale et d'intensifier la répression politique à l'intérieur de la Russie.
C'est pourquoi toute négociation avec Poutine n'apporterait, au mieux, qu'un bref répit, et non une véritable paix.
Une victoire de la Russie serait la preuve de la faiblesse de l'Occident et de sa volonté de redessiner ses sphères d'influence, surtout dans l'espace post-soviétique. La Moldavie et les États baltes pourraient être les prochaines victimes de l'agression. Une défaite du régime, en revanche, équivaudrait à son effondrement.
Seul le peuple ukrainien a le droit de décider quand et dans quelles conditions faire la paix. Tant que les Ukrainiens feront preuve d'une volonté de résistance et que le régime de Poutine ne changera rien à ses objectifs expansionnistes, toute contrainte exercée sur l'Ukraine pour l'amener à négocier est un pas vers un "accord" impérialiste aux dépens de l'indépendance de l'Ukraine.
Cet "accord de paix" impérialiste signifierait un retour à la pratique de partition du reste du monde par les "grandes puissances", c'est-à-dire aux conditions qui ont donné naissance à la Première et à la Seconde Guerre mondiale.
Le principal obstacle à la paix n'est certainement pas le "manque de volonté de compromis" de Volodymyr Zelensky, ni le "caractère faucon" de Joe Biden ou d'Olaf Scholz : c'est le manque de volonté de Poutine de discuter même de la désoccupation des territoires ukrainiens saisis après le 24 février 2022. Et c'est l'agresseur, et non la victime, qui doit être contraint de négocier » (Traduction Deepl.).
Il est évident que cette prise de position, tout comme celle de la gauche ukrainienne reprise ici, ne reflètent qu'une partie et probablement qu'une toute petite partie des opinions des gauches Russe ou Ukrainienne. Mais ce sont ces positions que nous relayons, que nous avons choisi d'appuyer, en citant nos sources. Que les cinq pacifistes québécois.es fassent de même et nous disent au nom de qui ils et elles parlent et revendiquent un « cessez-le-feu immédiat » en Ukraine.
En attendant leurs sources, nous partageons l'avis du Mouvement socialiste Russe selon lequel, dans le contexte actuel, ce qui compte au final c'est le choix du peuple ukrainien et que "c'est l'agresseur, et non la victime, qui doit être contraint de négocier". Tout l'inverse de ce qu'ont choisi de défendre les cinq pacifistes québécois.es "pour" un important collectif de travailleurs et de travailleuses Québécois.es.
Nous espérons alors que les membres associatifs du Collectif Échec à la Guerre feront savoir qu'ils condamnent fermement cette méprisable prise de position qui va à l'encontre du droit à l'auto-détermination et de tous les principes de base de la solidarité internationale ouvrière et féministe, de l'internationalisme.
Camille Popinot
Illustration : Anna Ivanenko, Si cela vient à nous, cela viendra à vous.
https://centrededesign.com/ukraine-lart-de-se-defendre/

Mayotte : l’impasse coloniale
À Mayotte, les mesures répressives restent inefficientes et nourrissent les violences. La suppression du droit du sol ne dérogera pas à ce constat. La solution serait un investissement social à l'échelle de l'archipel.
Mayotte est restée française parce que quelques dizaines de planteurs ont convaincu les « grands notables » en utilisant les différends existant dans l'archipel des Comores. Une propagande intensive parmi la population accompagnée d'une répression contre les indépendantistes a fait le reste.
Le tout-répressif
Cela a permis à la France de maintenir sa position stratégique sur le canal du Mozambique. Mais ce succès apparent revient comme un boomerang en s'accompagnant de crises successives démontrant la précarité de cette architecture.
Pour les MahoraisEs, la départementalisation de leur île revêtait un double objectif : signer l'impossibilité d'un retour vers les Comores et garantir l'accès privilégié aux ressources au détriment des étrangerEs. L'immigration est vue comme la cause des problèmes, au demeurant réels, que sont l'insécurité et la misère sociale. Quoiqu'en disent les MahoraisEs, la délinquance n'est pas l'apanage des étrangerEs. En revanche ce qui est nouveau, c'est l'apparition de bandes de jeunes qui se livrent à des actes de violence parfois gratuits. Ce phénomène est nourri par l'arsenal juridique spécifique de Mayotte tel que l'absence de commission du titre de séjour ou de recours contre les obligations de quitter le territoire français (OQTF). Aussi les ComorienNEs expulséEs précipitamment laissent derrière eux leurs enfants. Comme les aides sociales pour mineurEs isoléEs ont été aussi supprimées, ces derniers n'ont d'autres choix que de se regrouper et tenter de survivre par tous les moyens. Ainsi existent des villages entiers composés de jeunes livréEs à eux-mêmes sans aucune perspective.
Le paradoxe
Les ComorienNEs viennent à Mayotte parce que le territoire est six fois plus riche que le leur et non pour un hypothétique accès à la nationalité française de leur progéniture. Possibilité d'autant plus aléatoire que la loi de 2018 impose que les parents soient sur place et en situation régulière depuis plus de trois mois. Une loi qui d'ailleurs n'a eu aucun effet sur les flux migratoires.
Les MahoraisEs se sont mis dans une impasse coloniale. En militant pour que l'île devienne un département français, ils ont eux-mêmes accepté d'abandonner, au moins formellement, un mode de vie ancestral. Dans le même temps, l'objectif de vivre selon les standards de la métropole s'est avéré largement hors de portée. Mayotte est le département français, et de loin, le plus pauvre. En exigeant plus d'investissements sociaux de la part de la métropole, les Mahorais augmentent aussi paradoxalement l'attraction de leur île pour les ComorienNEs. La succession de mesures répressives prises par l'État français n'arrive pas à juguler cette immigration.
Prendre en compte l'archipel
À terme, le risque est de voir se développer un conflit que l'on ne peut certainement pas qualifier d'ethnique puisque MahoraisEs et ComorienNEs sont un seul peuple. Pourtant, sur l'île se répand une violence verbale : les étrangerEs sont comparés à des cafards et deviennent les responsables de tous les malheurs qui surviennent. Salime Mdere, vice-président du Conseil départemental, déclare à propos des jeunes ComorienNEs « à un moment donné, il faut peut-être en tuer ».
La solution n'est certainement pas, comme le propose Darmanin, la suppression du droit du sol. Elle ne fera qu'alimenter la machine à créer des sans-papierEs et légitimer la haine. Trouver une solution viable et juste n'est pas chose aisée. Une piste serait, non de concentrer toute la richesse (bien relative par rapport à la métropole) sur Mayotte mais de la répartir sur l'archipel de telle sorte que l'ensemble des ComorienNEs puissent accéder à des structures hospitalières convenables et à une offre d'éducation pour l'ensemble des jeunes. Permettre un développement économique de Mayotte qui puisse bénéficier aux trois autres îles : atténuerait le conflit fratricide d'un peuple en proie au tourment d'une erreur historique.
Paul Martial
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Garderies subventionnées : « priorité aux citoyens québécois », dit Legault
La CAQ applique la « préférence nationale » du parti de Marine Le Pen Le titre ci-haut de l'article de Radio-Canada aurait bien pu être « La CAQ fait sienne la politique de « préférence nationale » du Rassemblement national de Marine Le Pen.
Le Premier ministre du Québec qualifie de « gros bon sens » sa « politique de faire appel du jugement ordonnant au gouvernement de permettre aux demandeurs d'asile d'accéder aux centres de la petite enfance (CPE) et aux garderies subventionnées. » Avec le temps, on se rend compte que la CAQ ne fait pas bon ménage avec les tribunaux qui défendent soit le droit des peuples autochtones pour prendre en mains leurs services pour l'enfance en difficulté, soit celui de la minorité musulmane pour préserver leur droit de porter le voile pour enseigner, soit de défendre le droit des femmes réfugiées d'avoir accès aux CPE.
Pour en rajouter une couche, la CAQ instrumentalise le nationalisme identitaire contre les juges des tribunaux supérieurs dont la nomination relève d'Ottawa. Et pourquoi pas, tant qu'à y être, blâmer les personnes réfugiées pour le recul du français en oubliant la croissance exponentielle de travailleuses et travailleurs temporaires au bénéfice des entreprises qui en redemandent tellement leurs déplorables conditions de travail leur sont bénéfiques. Il ne viendrait pas à l'idée de la CAQ que rendre permanente cette immigration corvéable à merci serait aux yeux de celle-ci un gage d'accueil et par là d'incitatif, en plus de programmes généreux aux frais des employeurs, à apprendre le français pour s'intégrer à la société hôte.
Ajoutons que la perspective d'une société écoféministe de « prendre soin » des gens et de la terre-mère — rien à voir avec la CAQ ! — ferait muer le français, langue commune, en un phare sur la colline aux dépens de l'anglais, lingua franca du dominant impérialisme néolibéral. La saga de la convention collective du secteur public, un échec pour la CAQ même si ce n'est pas un succès syndical entre autres à cause de l'appui populaire aux syndicats, lui a fait comprendre que pour l'instant elle ne rallierait pas le peuple québécois dans une croisade antisyndicale. Lui reste, pour reconquérir le soutien de la majorité francophone perdu en faveur du PQ, de s'inspirer de la préférence nationale lepéniste. En plus de damer le pion au Parti (très) conservateur du Québec, ce stratagème lui apporte le soutien enthousiaste du très réactionnaire Parti conservateur canadien, en forte avance dans les sondages partout au Canada sauf au Québec où il progresse mais reste devancé par le Bloc québécois, maintenant renié par la CAQ qui rejette son inhérent penchant péquiste.
Ne le suit pas pour l'instant dans ce tournant à odeur raciste et xénophobe le PQ qui se garde une petite gêne. Le vent identitaire soufflant fort finira-t-il par l'emporter ? Même pendant un instant Québec solidaire a semblé céder aux sirènes nationalistes en voulant appuyer le renouvellement de la clause dérogatoire aux dépens des femmes porteuses de voile avant de se ressaisir sous la pression de ses membres et de son électorat. La direction du parti s'est peut-être souvenue que la loi et les programmes de la démocratie réellement existante s'appliquent à égalité à toutes les personnes résidentes, toutes citoyennes de jure ou en devenir. Les seules exceptions concernent les femmes et les minorités opprimées devant jouir de plus de protection et de plus de soutien. Inutile de dire que la minorité privilégiée anglophone avec ses universités mieux financés n'en fait pas partie ce qui ne signifie pas qu'il faille s'en prendre à la gent étudiante hors Québec comme solution.
Bien sûr, cette tergiversation Solidaire contenait un noyau rationnel en ce sens que la nation opprimée n'apprécie pas de se faire imposer un comportement vertueux par la justice de la nation dominante. On le sait bien, celle-ci se sert de la défense des nations et minorités opprimées pour mieux les diviser. Vaudrait mieux pour Québec solidaire rompre avec ce nationalisme étroit porté au repliement identitaire pour plutôt stratégiquement prôner un indépendantisme, à gauche toute, de justice climatique et de justice sociale ralliant le soutien de toutes les nations et minorités du Canada et de la majorité de son peuple travailleur.
Marc Bonhomme, 24 février 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca
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Grand dossier sur les travailleuses et travailleurs temporaires
Ils proviennent des grands coins du globe : Guatémala, Mexique, Philippines, Inde, Niger, Maroc, Tunisie. Ils viennent dans l'espoir d'améliorer leur sort et celui de leur famille. Ils travaillent dans les champs agricoles, des usines de fabrication et de transformation, des hôtels, des buanderies, des maisons privées à titre de domesetiques. Mais leur rêve s'estompe parfois devant des employeurs sans scrupules. Et leur permis de travail fermé ne les aide en rien.
Dossier tiré du journal de la FTQ : LE MONDE OUVRIER N° 146 • HIVER 2024. (Nous publions dans ce numéro de PTAG ce dossier fait d'analyses, de témoignages et d'ouverture vers différentes ressources. Un dossier important.)
Forte hausse du nombre de TET et de leur vulnérabilité
Avec les transformations du marché du travail et la pénurie de main-d'œuvre, les employeurs du Québec ont de plus en plus recours aux travailleuses et travailleurs étrangers temporaires (TET). Historiquement, et jusqu'à récemment, ce sont les travailleurs agricoles et les travailleuses domestiques qui ont constitué la grande majorité de ce groupe. Mais de plus en plus, on les voit apparaître dans plusieurs secteurs d'activités et dans plusieurs régions du Québec aussi.
Selon le ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration (MIFI), la province comptait 108 410 titulaires de permis de travail temporaire en 2022 ; le double en cinq ans. Et la hausse est encore plus fulgurante si on ne regarde que les permis valides sous le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) : ils ont quintuplé pour atteindre 35 215, soit le tiers des permis toutes catégories confondues. Le Québec se retrouve donc en tête de peloton au Canada en ce qui a trait au recours à la main-d'œuvre étrangère. Et depuis des années, le patronat exerce de fortes pressions pour obtenir davantage d'assouplissements au cadre réglementaire régissant le programme et la délivrance des permis, tant auprès du gouvernement canadien que québécois.
Le gros problème, c'est que le PTET octroie bien souvent des permis de travail fermés, ou nominatifs, qui contraignent ces personnes à rester uniquement auprès de l'employeur qui les a fait venir, sans possibilité de trouver un emploi ailleurs. Cette situation les place dans un carrefour de vulnérabilité : qui voudra revendiquer ses droits ou utiliser un recours sachant qu'il risque de ne plus jamais revenir sur le marché du travail canadien ? Cette crainte est particulièrement exacerbée chez de nombreuses travailleuses et de nombreux travailleurs qui ont dû contracter d'importantes dettes dans leur pays d'origine afin d'être en mesure de travailler au Canada. L'endettement les pousse souvent à accepter l'inacceptable au travail.
Des travailleuses et travailleurs comme les autres ?
La grande majorité des travailleuses et travailleurs étrangers ne parlent pas la langue française. Ils sont nombreux à vivre dans un état d'isolement, dans des logements fournis par les employeurs, souvent à l'écart des centres urbains. Ils doivent travailler de longues heures, en particulier dans le secteur agricole. Ils subissent fréquemment une surveillance accrue de la part de leur employeur.
En raison d'abus subis, certains sont contraints de fuir leur emploi et, conséquemment, de perdre leur statut. C'est un effet pervers du PTET. D'ailleurs, les travailleuses et travailleurs étrangers constituent une portion des personnes sans statut. Impossible de savoir avec précision, mais le nombre de sans-papiers s'élèverait à 100 000 sur le territoire québécois selon certaines estimations. Ces personnes doivent souvent travailler illégalement, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux abus des employeurs puisque, comme les travailleuses et travailleurs étrangers, l'action de faire valoir leurs droits les expose à des conséquences disproportionnées. Les employeurs le savent et profitent de cette situation pour leur imposer des conditions de travail désavantageuses.
Cette situation a été décriée en septembre dernier par un Rapporteur spécial des Nations unies, qui a parlé d'une forme contemporaine d'esclavage pour les travailleuses et travailleurs étrangers, « car ils ne peuvent pas dénoncer les abus subis sans craindre d'être expulsés ». Il a demandé au Canada de mettre fin au système fermé des permis de travail, position qui est aussi celle de la FTQ.
Processus d'immigration temporaire
Au Canada, l'immigration est une compétence qui est partagée entre les paliers fédéral et provincial. Chaque ordre de gouvernement est responsable d'une portion du processus. Dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), l'employeur doit, dans un premier temps, démontrer aux deux ordres de gouvernement qu'il a tenté sans succès de recruter de la maind'œuvre locale : c'est l'Évaluation de l'impact sur le marché du travail (EIMT). À cette étape, l'employeur peut en théorie essuyer un refus s'il a déjà été condamné pour ne pas avoir respecté ses obligations légales envers les travailleuses et travailleurs dans le passé. Malheureusement, le ministère québécois ne publie aucune information quant à la mise en œuvre réelle de ces dispositions.
Le palier provincial doit ensuite émettre à la travailleuse ou au travailleur un Certificat d'acceptation du Québec (CAQ). Cet automne, la ministre de l'Immigration, Christine Fréchette, a annoncé une nouvelle exigence pour le renouvellement du CAQ : l'atteinte d'un certain niveau de français à l'oral. Bien que la FTQ soutienne les efforts qui doivent être consacrés à la francisation des personnes immigrantes, elle croit que cette exigence compliquera le parcours des TET souhaitant dénoncer des abus. Si l'employeur ne respecte pas ses obligations en matière de francisation, c'est la travailleuse ou le travailleur qui en fera les frais en se voyant interdire de revenir au pays.
Finalement, le palier fédéral délivre un permis de travail à la travailleuse ou au travailleur. Ce permis précise sa durée ainsi que le nom de l'employeur pour lequel la travailleuse ou le travailleur peut travailler au Canada. Si la travailleuse ou le travailleur ne respecte pas les conditions énoncées, elle ou il se retrouve en infraction et risque non seulement l'expulsion, mais voit aussi ses chances fortement compromises de revenir au Canada pour un autre employeur. Par le passé, ces conditions strictes ont notamment permis à des employeurs sans scrupules d'user de menaces de déportation à l'égard des TET.
Positions de la FTQ
Il faut remonter au 16e Congrès de la FTQ, en 1979, pour comprendre l'attention prioritaire que la centrale accorde à la situation des travailleuses immigrantes et travailleurs immigrants.
Aujourd'hui, la FTQ réclame notamment :
▼La fin du régime des permis nominatifs (permis fermés), qui lient les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires (TET) à un seul employeur, afin d'octroyer des permis ouverts et de permettre aux TET de changer librement d'employeur ;
▼La régularisation du statut de toutes les personnes sans-papiers en accordant la résidence permanente à toutes les travailleuses et à tous les travailleurs, alors même qu'elles contribuent de manière positive à nos communautés ;
▼L'encadrement strict des agences de placement temporaire. En principe, ces agences ne peuvent placer de travailleuses et travailleurs étrangers, mais certaines exercent leurs activités illégalement et en toute impunité ;
▼L'obligation des autorités à informer les TET de leurs droits dans leur langue maternelle et de leur donner accès à des cours de français pendant les heures de travail ;
▼Le maintien à 10 % la proportion limite de TET admis sur un lieu de travail ;
▼L'accès à la syndicalisation et à la négociation collective dans tous les secteurs, notamment dans la production agricole ;
▼La hausse des inspections dans les entreprises qui emploient des TET.
Syndicat à la rescousse
Quand le rêve tourne au cauchemar
Ingénieur en mécanique originaire des Philippines, Manuel Lero Gianan Junior carbure aux défis. Après un séjour de quatre ans en Australie, une occasion se présente et lui permet de venir en tant que travailleur étranger temporaire dans une entreprise abitibienne en 2019. « J'étais content quand l'entreprise m'a contacté pour me dire que j'étais choisi. Quand on m'a dit que c'était une province où l'on parlait français, c'était un autre défi. J'aime beaucoup apprendre. J'étais tout excité », raconte-t-il.
Ici, il travaille fort en tant que mécanicien de véhicules lourds, ayant un salaire somme toute limité qui suffit à peine à payer les comptes de sa maison aux Philippines, où habite son épouse, ainsi que ses frais de subsistance au Québec.
Après deux ans, en pleine pandémie, il commence à interroger son employeur au sujet de son salaire. « J'avais fouillé un peu sur les salaires, et je voyais bien que cela ne convenait pas. Je posais régulièrement des questions sur le moment des prochaines augmentations. Le patron m'a fait venir dans son bureau. Ça a été une expérience difficile. Il m'a dit des choses que je n'allais pas oublier de sitôt », se souvient-il avec émotion.
Le travailleur étranger temporaire fut alors congédié, cinq mois avant l'échéance de son permis de travail fermé, qui lui donnait le droit de travailler seulement pour un employeur. « On n'a plus de travail pour toi ici », lui avait lancé l'employeur. Il devait même déménager, puisqu'il était hébergé par ce même employeur. « J'étais paralysé, je ne savais plus quoi faire », confie Manuel.
Espoir et rebond
Un collègue lui a alors conseillé d'en parler à son syndicat Métallos. « Au début, ma confiance envers le syndicat n'était pas grande. Je me disais que ces responsables ne pouvaient pas aller à l'encontre de quelqu'un qui était de leur propre race. Je suis juste un étranger, pourquoi se battraient-ils pour moi ? Je n'avais pas d'espoir. »
Mais Manuel est surpris. Il trouve une oreille compatissante en Sébastien Rail, qui était alors vice-président de la section locale composée 9291 du Syndicat des Métallos. « Je pouvais sentir sa sincérité, je me suis confié à lui. Il m'a suggéré de ne pas abandonner mon idée de travailler ici et de postuler pour travailler dans une autre entreprise de la région », se rappelle-t-il.
Entre-temps, le syndicat a effectué un suivi pour l'aider à faire avancer sa demande d'assuranceemploi, qui traînait en longueur depuis plusieurs semaines. Le représentant du syndicat a aussi parlé de Manuel avec les responsables des ressources humaines de Technosub, une entreprise syndiquée avec les Métallos, qui fabrique des pompes pour le secteur minier et qui emploie plusieurs mécaniciens, tout en recrutant régulièrement des travailleurs étrangers. « On a expliqué à Manuel qu'on croyait en lui, que c'était un gars travaillant et prêt à mettre les efforts pour que ça fonctionne », raconte Sébastien Rail, aujourd'hui président de la section locale composée 9291.
De fil en aiguille, Technosub a effectué les démarches pour que Manuel puisse avoir le permis nécessaire pour y travailler. Il a fini par être embauché, et son permis a même été renouvelé jusqu'en 2024.
De l'humanité, est-ce trop ?
Le cas de Manuel Lero Gianan Junior est loin d'être isolé. Pour un membre du syndicat des Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce (TUAC), qui souhaite se faire appeler José, son parcours est parsemé de frustrations. Ce Guatémaltèque de 35 ans travaille dans une usine d'une petite localité depuis 2014. Il s'intègre si bien qu'il réussit à se trouver une amoureuse et souhaite emménager avec elle. Or, dans son contrat de travail, il est tenu d'habiter dans le logement convenu avec l'employeur et s'il souhaite le quitter, l'employeur l'oblige de continuer à payer les frais de loyer. Le syndicat a dû intervenir en sa faveur, gain qu'il a obtenu. Arrive alors la naissance de bébé. José demande des horaires plus accommodants pour passer plus de temps avec sa famille. Encore une fois, son contrat de travail l'oblige à être disponible en tout temps, 7 jours sur 7, et s'il ne rentre pas le dimanche, il y aura des conséquences.
José commence sa carrière comme emballeur. Au fil des années, il gagne de l'expérience et devient chef d'équipe, et ensuite quasi-superviseur. « Je faisais tout le travail du superviseur, y compris le rapport. La seule chose que je ne faisais pas, c'était la discipline. » Mais encore une fois, son permis de travail est contraignant : superviseur ne cadre pas dans les paramètres de classification ni dans les barèmes de son permis… et il ne peut pas toucher le salaire relié à cette fonction, qui est plus élevé de 2 $ l'heure que celui de son poste actuel. Présentement, José est sur le point de décrocher son 4e permis de travail, mais pour la première fois, ce permis sera ouvert et non fermé. Espérons qu'il aura davantage les coudées franches pour négocier des conditions de travail justes et humaines.
Un défi syndical important
Le nombre croissant de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires (TET) dans les milieux de travail pose des défis aux organisations syndicales.
Chez Technosub, là où Manuel a trouvé un nouvel emploi, c'est maintenant près de la moitié du personnel syndiqué qui a un permis de travail temporaire. « Ça prend de la francisation en milieu de travail, sur les heures de travail », indique Sébastien Rail, président de la section locale composée 9291 du Syndicat des Métallos, qui inscrit cette demande dans son petit carnet en vue des prochaines négociations. Il envisage aussi de demander à l'employeur de rembourser les coûts des services d'un interprète pour les assemblées syndicales.
Même son de cloche pour Julio Lara, conseiller syndical au syndicat des Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce (TUAC), qui travaille sur cinq unités dans le secteur agricole. Même s'il parle parfaitement espagnol et qu'il peut aisément communiquer avec des Colombiens, des Guatémaltèques et des Mexicains, il exige une langue commune : le français. « Souvent, je fais des assemblées syndicales en trois langues : français, espagnol et anglais. Ça rallonge mon plaisir, dit-il avec humour, mais il faut briser la barrière de la langue pour créer une solidarité syndicale. »
À Saint-Damien, le fabricant de plastique IPL avait même payé des cours d'espagnol à des travailleurs québécois pour accueillir ses TET. C'était le dépaysement total lorsque la première vague de travailleurs guatémaltèques est arrivée en plein hiver, se souvient Frédéric Morin, aujourd'hui conseiller syndical à l'Union des employés et employées de sevice (UES 800). Les vagues suivantes ont été beaucoup plus faciles à intégrer puisque les nouveaux arrivants ont pu bénéficier de l'accueil et de l'expérience des précédents.
La peur du syndicat
« Mais ayoye ! J'en ai vidé des boîtes de Kleenex ! Des femmes en pleurs dans mon bureau ! », relate-t-il avec du recul. Frédéric Morin avait beaucoup d'éducation syndicale à faire. Lorsqu'il se présentait comme président du syndicat, les TET croyaient qu'il était l'équivalent d'un patron et les gens avaient peur de venir le voir, même lorsqu'ils s'étaient blessés. « Dans leur pays d'origine, un syndicat est associé à la corruption et à la criminalité. On a dû travailler fort pour gagner leur confiance. »
Julio vit la même situation. Pour contourner le problème, il utilise les termes union, association ou de fraternité de travailleurs, sauf dans le texte de la convention collective où il doit respecter le mot syndicat. Dans ce contexte, c'est encore plus dur convaincre des TET de s'impliquer dans le syndicat. Il faut donc trouver rapidement des leaders naturels tout en espérant qu'ils ne partiront pas au bout de quelques années.
Si certains partent, d'autres qui souhaitent rester se heurtent parfois à des embûches et deviennent sans statut. Et pour Julio, l'employeur a une part de responsabilité. « Il faut que les employeurs soient des montres suisses dans l'organisation administrative. Puisqu'ils font venir des travailleurs, ils devraient mieux gérer le renouvellement des permis. » Lorsque des travailleurs subissent des mises à pied temporaires à l'approche de l'expiration du permis, il n'est pas rare de voir l'employeur oublier de renouveler les permis de ses TET.
Clairandrée Cauchy, conseillère au Syndicat des Métallos, souligne d'ailleurs à gros trait cette période de fragilité entre deux permis. « On a déjà vu un travailleur hésiter à revenir dans son pays alors que sa fille venait de mourir. S'il partait, il n'était pas sûr de pouvoir revenir parce que ses papiers n'étaient pas totalement à jour. » Situation d'une tristesse infinie et qu'il faut remédier.
JURISPRUDENCE
Incarcérés et libérés
Une décision rendue par le Tribunal administratif du travail en 2019 met en lumière toute la gravité des abus auxquels sont sujets les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires (TET) en raison du caractère fermé de leur permis de travail. Des travailleurs ont été incarcérés dans un centre de détention pour des périodes variant entre deux semaines et deux mois à la suite d'une enquête de l'Agence des services frontaliers.
Le propriétaire d'une agence de placement les avait convaincus de délaisser l'employeur avec lequel ils étaient liés par le permis de travail fermé, en leur promettant de meilleures conditions de travail. Puisqu'ils se retrouvent en situation d'illégalité, l'agence était en mesure de les faire travailler dans des conditions inhumaines sous peine de les faire expulser. En plus d'être maltraités, mal logés et mal nourris, de voir leurs passeports confisqués et de travailler plus de 80 heures par semaine, ces travailleurs ne recevaient qu'un montant de 300 $ par semaine, l'agence prétendant que la balance de leur salaire servait à payer les démarches d'un consultant en immigration pour régulariser leur situation… démarches qui n'auront jamais lieu. Chaque fois qu'ils posaient des questions, on les menaçait de déportation.
Grâce à l'appui d'un centre de travailleur, ils sont parvenus à faire la lumière sur les abus subis. Cette histoire vraie démontre que ce n'est qu'en tout dernier recours que les TET sont en mesure de faire valoir leurs droits. Combien subissent en silence les abus rendus possibles par le système des permis fermés ?
Un peu d'histoire
L'introduction de la notion de permis de travail dans la réglementation fédérale remonte à 1973. À l'époque, un taux de chômage bien plus élevé qu'aujourd'hui a servi à justifier l'imposition des permis de travail : l'objectif était alors la protection du marché de l'emploi pour les travailleuses et travailleurs canadiens. Encore aujourd'hui, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés prévoit que « l'étranger ne peut travailler au Canada sans y être autorisé par un permis de travail ». La protection du marché du travail prend essentiellement la forme, pour les employeurs, d'une obligation de démontrer avoir effectué des efforts raisonnables de recrutement local avant de passer au recrutement international. C'est là la source du permis de travail fermé.
Questions fréquentes et réponses
Est-ce que les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole ont le droit à la syndicalisation ?
Oui et non. Très peu de travailleuses et travailleurs agricoles sont syndiqués. Leur droit à la syndicalisation a été pratiquement aboli en 2014 par le projet de loi n o 8. Or, la FTQ ne voit aucune raison pour que le secteur agricole soit exclu du régime de syndicalisation qui prévaut dans tous les autres secteurs. Ce déni brime la liberté d'association garantie par la Charte canadienne des droits et libertés. Par ailleurs, l'ensemble des travailleuses et travailleurs du secteur agricole bénéficie de protections moins avantageuses en termes de conditions de travail. À titre d'exemple, ils n'ont pas droit au paiement au taux majoré de leurs heures supplémentaires et au repos hebdomadaire prescrit par la Loi sur les normes du travail.
Qui doit payer les frais de recrutement des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires ?
En principe, les travailleuses et travailleurs étrangers n'ont pas à payer pour travailler. Sauf exception, la loi interdit aux employeurs ainsi qu'aux agences de recrutement de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires de leur réclamer des frais pour leur recrutement. Cependant, la notion de frais de recrutement est si floue qu'elle permet dans les faits à de nombreux employeurs et agences de réclamer des milliers de dollars aux travailleuses et travailleurs qui souhaitent obtenir un emploi. De plus, les recruteurs qui se trouvent dans les pays d'origine, et en particulier au Guatemala, exigent des frais importants aux travailleuses et travailleurs pour les placer sur les listes. Ces sommes représentent souvent plus d'une année de salaire dans les pays d'origine et accentuent leur situation de servitude.
Est-ce que les lois du travail s'appliquent différemment aux travailleuses et travailleurs étrangers temporaires ?
Non. En principe, toutes les lois qui visent à conférer des protections aux travailleuses et travailleurs s'appliquent intégralement aux travailleuses et travailleurs étrangers et ne font pas de distinction en fonction du statut migratoire. La véritable distinction se situe au niveau de l'impossibilité pour les travailleuses et travailleurs étrangers, en pratique, de faire valoir leurs recours. Comme le permis de travail fermé les rend captifs de leur employeur, ils hésitent trop souvent à se plaindre des violations de leurs droits, de peur de perdre leur emploi et d'être renvoyés dans leur pays d'origine.
Guide de ressources
Historiquement, en raison des milieux de travail qui ont fait appel à eux, les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires (TET) ont œuvré dans des secteurs non syndiqués. Ce sont les organismes communautaires de défense de droits qui ont développé, les premiers, une expertise en matière de représentation des TET. Ces organismes jouent toujours un rôle très important. Centre des travailleuses et travailleurs immigrants (IWC-CTI) info@iwc-cti.ca | 514 342-2111 https://iwc-cti.ca/fr/
Réseau d'aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ) info@rattmaq.org | 514 415-8077 https://rattmaq.org/
Association pour les droits des travailleuses de maison et de ferme (DTMF-RHFW) info@dtmf-rhfw.org | 514 379-1262 https://dtmf-rhfw.org/
Lexique
CAQ : Le Certificat d'acceptation du Québec est délivré par le gouvernement du Québec comme preuve de sélection temporaire pour toute personne qui relève d'un programme d'immigration temporaire (PTET, PMI, PEE) afin de travailler ou d'étudier sur son territoire, à moins d'exception. Il ne donne pas accès à la résidence permanente.
CSQ : Le Certificat de sélection du Québec délivré par le gouvernement du Québec permet à une personne qui relève d'un programme d'immigration économique (PRTQ, gens d'affaires) de travailler sur son territoire et de postuler à la résidence permanente auprès du gouvernement du Canada.
EIMT : Une Étude d'impact sur le marché du travail favorable doit être obtenue par tout employeur souhaitant recruter une travailleuse ou un travailleur dans le cadre du PTET. Délivrée par les deux paliers de gouvernement, elle établit que la ou les personnes recrutées répondent à un besoin réel de travail. Une EIMT est généralement valide pour une durée maximale de deux à trois ans, selon les situations.
Niveau de qualification : Selon la Classification nationale des professions (CNP), les professions sont notamment classées selon leurs exigences de compétences. Jusqu'à récemment, on distinguait les niveaux 0 (cadres supérieurs et intermédiaires), A (diplôme universitaire), B (diplôme collégial ou équivalent), C (diplôme d'études secondaires) et D (aucune scolarité).
Permis de travail ouvert ou fermé : Il s'agit d'une autorisation de travailler sur le territoire canadien délivrée par le gouvernement fédéral. Un permis dit ouvert permet à une personne de travailler pour n'importe quel employeur et dans n'importe quelle région ou province du Canada. Un permis dit fermé n'autorise une personne à travailler que pour un seul employeur.
PEQ : Le Programme de l'expérience québécoise (PEQ) permet aux personnes immigrantes qui relèvent du PTET (sauf pour les professions les moins qualifiées, de niveaux C ou D) ou du Programme des étudiants étrangers (PEE) de faire reconnaître leurs expériences de travail ou d'études réalisées sur le territoire québécois afin de présenter une demande de sélection permanente auprès du gouvernement du Québec (CSQ) puis de résidence permanente auprès du gouvernement du Canada.
Traitement simplifié : Ce processus lève pour l'employeur certaines obligations ou limites prévues par le PTET depuis 2012. Actuellement, il concerne le recrutement de professions ciblées, qui requièrent surtout des niveaux de qualification élevés. En 2023, on compte 319 professions admissibles au traitement simplifié au Québec, comparativement à 58 en 2017. n Régularisation des personnes sans- papiers et demande d'action collective
Régularisation des personnes sans-papiers et demande d'action collective
Des mobilisations ont eu lieu à Montréal, à Québec et à Rimouski vers la fin octobre pour exiger la mise en place immédiate d'un véritable programme inclusif visant la régularisation des personnes sans-papiers auprès du gouvernement fédéral.
Les participantes et participants ont aussi demandé la fin des déportations et des détentions des personnes migrantes sans statut migratoire ainsi que l'abolition des permis de travail fermés. Ces événements ont été menés dans le cadre de la Campagne québécoise pour la régularisation des personnes sans statut pilotée par le Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTI), qui regroupe 38 organisations, dont la FTQ.
Par ailleurs, le CTI a aussi déposé une demande d'action collective, au nom de 400 personnes, contre l'agence de placement Trésor et sa société cliente Newcrest, qui offre des services de restauration aux grandes compagnies aériennes à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau. Elles auraient incité des personnes migrantes à travailler au Canada avec un simple visa de visiteur et sous prétexte qu'elles pouvaient le faire en attendant le traitement de leur demande de permis de travail. Or, la plupart n'ont jamais reçu de permis valide.
Francisation auprès des travailleuses et travailleurs immigrants
Pour mieux comprendre les enjeux liés à la francisation en milieu de travail, vous pouvezvisionner le documentaire Langue à l'ouvrage - Migrer vers le français au travail produit par la FTQ. Ce film d'une heure a d'ailleurs été présenté dans différentes régions du Québec au cours des derniers mois, notamment à Valleyfield, à Sainte-Thérèse, à Sherbrooke, à Québec et à Saint-Anselme, grâce à la belle collaboration de nos affiliés et de nos conseils régionaux. Pour visionner le documentaire : ftq.qc.ca/langue-a- louvrage.
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Israël ne cible pas l’UNRWA mais le droit au retour
En accusant sans preuves une partie du personnel de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) d'avoir participé à l'opération du 7 octobre, le gouvernement israélien tente de marginaliser la question des réfugiés palestiniens et de remettre en question le droit au retour. C'est également une manière de faire oublier que le pays s'est créé sur la base d'un nettoyage ethnique.
Tiré d'Orient XXI.
Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a été on ne peut plus clair lorsqu'il a déclaré, lors de sa rencontre avec une délégation d'ambassadeurs à l'Organisation des Nations unies (ONU), le 31 janvier 2024, que la mission de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) devait prendre fin, car elle ne fait selon lui que « maintenir vivante la question des réfugiés palestiniens, et il est temps que l'ONU et la communauté internationale comprennent que cela doit cesser ». Plusieurs pays occidentaux, avec en tête les États-Unis, se sont alors empressés de prendre des mesures pour aider Nétanyahou à atteindre son objectif ultime : abolir l'UNRWA ou plutôt le principe juridique à l'origine de son existence.
Outre la tentative de semer le doute sur l'intégrité des rapports de l'UNRWA et des organisations apparentées – au lendemain de l'ordonnance de la Cour internationale de justice (CIJ) du 26 janvier, qui reposait en grande partie sur ses rapports -, la déclaration de Nétanyahou révèle le véritable objectif stratégique de la violente campagne israélienne contre l'organisation, durant laquelle Israël a accusé 12 de ses employés d'avoir participé aux attaques du 7 octobre, ou d'avoir exprimé leur joie à la suite de l'événement. Rappelons que ces accusations concernent seulement douze individus sur plus des treize mille travailleurs que compte l'organisation.
L'institutionnalisation d'un droit
Le Premier ministre israélien réitère ainsi une position israélienne bien ancrée sur la question des réfugiés et du droit au retour, qu'Israël perçoit comme une menace tant au niveau historique que géographique. Le simple fait de rappeler la question des réfugiés de 1948 saperait ainsi les fondements sur lesquels l'État d'Israël a été créé. Quant au droit au retour des réfugiés, quelles que soient les solutions précédemment proposées le concernant dans le cadre des Accords d'Oslo, il aurait certainement un impact géographique et démographique qui changerait toutes les équations sur le terrain.
En effaçant la question des réfugiés palestiniens, les Israéliens veulent perpétuer le mensonge « d'une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Et en essayant d'abolir l'UNRWA, les Israéliens tentent de faire oublier au monde entier comment leur État a été créé, soit à travers un processus de nettoyage ethnique et le déplacement de 750 000 Palestiniens, même s'ils cherchent à l'oublier eux-mêmes.
On peut citer ici une étude publiée en 1994 par le Centre d'études stratégiques de l'Université de Tel-Aviv, réalisée par Shlomo Gazit qui a été entre 1974 et 1978 chef du renseignement militaire après voir travaillé comme coordinateur des activités dans les territoires occupés. Cette recherche, qui faisait partie d'un ensemble de documents établis en prévision de possibles négociations fixées par Oslo sur une solution permanente, était consacrée exclusivement au « problème des réfugiés palestiniens ».
La question des réfugiés figurait officiellement parmi les questions liées à une solution permanente, censée être discutée à partir de mai 1996 selon l'agenda décidé à Oslo, négociations que les tergiversations israéliennes sont parvenues à empêcher pendant plus de cinq décennies, à savoir depuis 1948.
En préparation de ce qui pourrait être (mais n'a jamais été) les négociations d'Oslo sur une solution permanente, Shlomo Gazit prévient le futur négociateur israélien que la première étape devrait inclure « l'abolition de l'UNRWA » et le transfert de la responsabilité des camps aux pays hôtes. Il s'agissait là d'abolir le « statut légal/officiel » des réfugiés qui permet aux Palestiniens d'acquérir le « droit au retour », conformément à la résolution n°194 de l'Assemblée générale des Nations Unies (11 décembre 1948), stipulant dans son onzième article que l'Assemblée générale
- Décide qu'il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé par les Gouvernements ou autorités responsables.
Or, d'un point de vue purement juridique, la résolution de l'Assemblée générale de l'ONU est toujours valable et la communauté internationale n'a pris aucune décision ultérieure pour l'annuler ou la modifier.
Même si personne dans les gouvernements arabes ne se soucie de cette question ou fasse les efforts nécessaires pour activer (ou du moins rappeler) les résolutions internationales, le fait est que Nétanyahou, comme ses prédécesseurs, n'a pas oublié que l'UNRWA, de par son statut juridique, est l'agence qui consolide le statut juridique des réfugiés en accordant la carte de réfugié, et en établissant les camps de réfugiés comme des unités échappant à la responsabilité des États hôtes, et distincts de leur environnement naturel, avec toutes les conséquences juridiques que cela entraîne.
Une position historique
Tout comme son prédécesseur Naftali Bennett, qui a tenu des propos similaires lors d'une interview sur CNN le 2 février 2024, Nétanyahou ne fait ici que reprendre d'anciennes positions israéliennes. L'on se souvient d'une première proposition américaine en 1949, stipulant qu'Israël autorise le retour d'un tiers du nombre total de réfugiés palestiniens, « à condition que le gouvernement américain prenne en charge les dépenses liées à la réinstallation du reste des réfugiés dans les pays arabes voisins ». Cependant, David Ben Gourion, fondateur de l'État d'Israël et son premier Premier ministre d'alors, avait rapidement rejeté la proposition américaine, avant même que les pays arabes concernés ne se soient prononcés.
Il n'y a donc rien de surprenant dans la position israélienne qui se perpétue de Ben Gourion à Nétanyahou, dans la mesure où la reconnaissance par Israël du droit des réfugiés impliquerait une reconnaissance de sa responsabilité dans l'émergence du problème et ce qui en découle légalement, c'est-à-dire le droit au retour. Rien de surprenant non plus dans la position du leader israélien à l'égard de l'UNRWA, qui est l'incarnation juridique du problème des réfugiés.
Au moment de la création de l'UNRWA, on pensait que cette agence serait « temporaire », en vertu des deux résolutions de l'Assemblée générale la créant (résolution 212 en novembre 1948 et résolution 302 en décembre 1949). Son travail, voire son existence même, devait prendre fin lorsque les réfugiés palestiniens dont elle s'occupait retourneraient dans leurs maisons et sur leurs terres saisies par les milices sionistes en 1948. Au lieu de cela, leur nombre a augmenté à mesure que l'État d'Israël s'est emparé de davantage de territoire pendant la guerre de 1967. Puis Nétanyahou est venu tenter de mettre fin à ce problème de réfugiés, non pas en leur permettant de rentrer dans leurs foyers, comme cela semblerait être la solution naturelle face à un tel problème, mais en éliminant l'organisation internationale qui « rappelle leur existence ».
En conclusion, la campagne israélienne contre l'UNRWA a plusieurs objectifs, dont deux principaux. Elle a tout d'abord un objectif immédiat qui, comme le soutient l'éminent professeur d'histoire anglo-israélien Avi Shlaim, est lié à la décision de la CIJ. En prévision des prochaines délibérations de celle-ci, la campagne israélienne entend déformer l'image de l'UNRWA, intimider ses responsables et les pousser à garder le silence sur les violations israéliennes qui n'ont pas cessé, en plus de saper la crédibilité de ses rapports et déclarations sur lesquels le tribunal s'est appuyé dans sa décision initiale. Très probablement, comme le font habituellement les avocats du mensonge lorsqu'ils manquent de preuves, ce sera la principale carte présentée par la défense israélienne à la reprise de l'audience (au moins pour des raisons de propagande). Le deuxième objectif de la campagne israélienne est stratégique, avec un impact plus profond. Il s'agit d'une tentative nouvelle et ancienne d'effacer totalement la question des réfugiés qui, du point de vue du droit international, est toujours d'actualité et n'a pas encore été éliminée.
Bien que Nétanyahou veuille faire oublier la question des réfugiés, avec toutes ses dimensions juridiques et humanitaires, sa position sur l'UNRWA et sa déclaration claire à ce sujet révèlent qu'à l'instar d'autres porteurs de l'étendard du sionisme comme idée et stratégie, il n'a pas oublié ce qui est dit dans les statuts de l'agence des Nations unies sur la définition du réfugié ; il peut être attribué à toute personne
- qui a eu sa résidence normale en Palestine pendant deux ans au moins avant le conflit de 1948 et qui, en raison de ce conflit, a perdu à la fois son foyer et ses moyens d'existence, et a trouvé refuge, en 1948, dans l'un des pays où l'UNRWA assure ses secours
Selon les registres de l'UNRWA, le nombre de réfugiés palestiniens dépasse les six millions. Ce chiffre serait donc une menace démographique pour le sionisme ? L'idée, la stratégie (et l'État) d'Israël seraient-ils au-dessus de toute tentative de porter cette question là où le droit international pourrait être applicable — et efficace ?
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Négociation dans les secteurs public et parapublic : La conférence de presse des quatre porte-parole du Front commun CSN-CSQ-FTQ-APTS
L'auteur des présentes lignes a écouté deux fois plutôt qu'une la conférence de presse des porte-parole du Front commun intersyndical CSN-CSQ-FTQ-APTS tenue le vendredi 23 février 2024. Pour un compte-rendu journalistique de l'événement, nous vous invitons à lire les articles publiés sur les sites de la presse écrite (Le Devoir, La Presse ) et électronique (Radio-Canada). Voici quelques éléments qui ont été mentionnés devant les membres de la Tribune de la presse. Une partie critique suit ces données factuelles.
Sur le plan informatif il faut retenir que l'entente de principe a été entérinée par environ 75% (74,8% pour être plus précis) des syndiqué.es du Front commun CSN-CSQ-FTQ-APTS qui se sont déplacé.es pour aller voter. Il y a six tables de négociation à la CSQ qui n'ont toujours pas finalisé leur négociation sectorielle (du côté du Grand Nord du Québec) et une fédération qui a rejeté l'entente de principe (FSQ-CSQ). Du côté de la FTQ, il y a un groupe (le Syndicat des employé.es professionnelles et professionnels et de bureau (SEPB)) qui a rejeté l'entente de principe.
Les porte-parole du Front commun intersyndical estiment avoir fait des gains sur le plan de certaines conditions de travail (retraite, vacances, bonification des cotisations de l'employeur aux assurances, etc.) et également de la rémunération (17,4% sur cinq ans avec une clause d'indexation maximale de 1% par année pour les trois dernières années de la convention collective plus des primes ou des avancements rapides dans les échelons pour certain.es salarié.es, une majoration salariale de 10% pour les psychologues etc..
Des concessions ont été faites par la partie syndicale pour arriver au compromis négocié. Ce sont certaines de ces concessions qui semblent être à l'origine de l'insatisfaction de certains groupes de salarié.es syndiqué.es. Ces salarié.es se considèrent comme étant sous valorisés par l'État employeur. Il s'agit d'employé.es de soutien, de concierges, de certain.es techniciennes et techniciens et nous en passons. Pour l'essentiel, l'obtention d'une entente de principe négociée a impliqué que les porte-parole du Front commun intersyndical renoncent au rattrapage salarial et qu'elle et qu'ils acceptent des augmentations différenciées tant dénoncées du côté syndical tout au long des quatorze mois de la négociation. Il a fallu également accepter, du côté syndical, une modification importante à la liste d'ancienneté dans le réseau de la santé.
Il aurait été intéressant d'entendre, lors de cette conférence de presse, qui, parmi les 420 000 membres du Front commun intersyndical, a obtenu plus que le 17,4% d'augmentation salariale ? Combien de postes vont être créés en vue d'améliorer les services à la population ? Combien de postes présentement précaires vont être convertis en postes à temps complet ? En quoi la présente ronde de négociation comporte-t-elle des gains salariaux et des améliorations des conditions de travail pour les femmes à l'emploi de l'État ? Il ne faut quand même pas oublier que ce sont autour de 75% de femmes qui sont à l'emploi des secteurs public et parapublic. Pas une seule fois, durant la rencontre avec les journalistes, le mot femme a été prononcé.
Nous aurions également aimé savoir qui a décidé, parmi les porte-parole syndicaux, que le « bottom line » d'augmentation salariale se situait à 17,4% sur cinq ans ? Pourquoi 17,4% sur cinq ans (accompagné de la clause très minimale d'indexation de 1% maximum pour les trois dernières années) alors que les député.es se sont voté.es 30% plus les augmentations du secteur public et parapublic ? Bref, qui a décidé parmi les porte-parole syndicaux qu'il était impossible d'obtenir plus en exerçant le moyen de pression ultime : la grève générale illimitée ?
La présente ronde de négociation avait un caractère nous disait-on historique, elle correspondait au cinquantième anniversaire du mythique Front commun de 1971-1972, celui du 100,00$ par semaine en faveur du « monde ordinaire ». En quoi le « monde ordinaire »1 toujours à l'œuvre et très présent au sein des secteurs public et parapublic, sort-il grandi de la plus récente ronde de négociation et surtout mieux valorisé sur le plan de la rémunération ?
L'avenir passe-t-il vraiment par les « Forums de discussion » ?
Lors de cette conférence de presse il nous a été permis d'entendre Magali Picard (FTQ), François Enault (CSN), Éric Gingras (CSQ) et Robert Comeau (APTS) nous répéter qu'elle et qu'ils sont prêt.es, en vue d'améliorer les services à la population, à s'engager rapidement dans une démarche bipartite avec le gouvernement dans le cadre de Forums de discussions. Est-il nécessaire de rappeler que le concept de « Forums de discussion » a été rejeté du revers de la main à deux reprises par la partie syndicale. Il faut donc comprendre que les porte-parole syndicaux sont maintenant disponibles et prêt.es à s'investir dans une sorte de « négociation permanente » avec le gouvernement autour des « problématiques » spécifiques aux secteurs public et parapublic. Les personnes qui participeront à ces forums « jaseront » des problèmes rencontrés en vue de trouver des solutions. Bonne chance aux participant.es et souhaitons à toutes et à tous qu'une telle démarche fonctionne. Jusqu'à maintenant le concept de « négociation permanente » (sans possibilité d'exercer des moyens de pression) et le bipartisme ou le tripartisme ont été un miroir aux alouettes (une chose aux apparences attrayantes, mais trompeuses ou décevantes en réalité).
Pour conclure
Nous maintenons que ce ne sera pas avant la fin du mois de mars 2028 qu'il sera possible de dire si le présent exercice de négociation et le compromis négocié (qui n'a pas suscité une vague irrésistible et débordante d'appui en sa faveur) vont contribuer à attirer et à maintenir en poste celles et ceux qui dispensent les services à la population. Nous avons déjà écrit que l'entente de principe du 28 décembre 2023 comportait des éléments en rupture avec les orientations néolibérales auxquelles adhéraient les différents gouvernements qui se sont succédé au Québec depuis la fin des années soixante-dix du siècle dernier jusqu'à tout récemment. Nous maintenons par contre que la présente ronde de négociation n'a pas permis de sortir de la misère certains salarié.es syndiqué.es qui vont continuer à vivre avec de faibles revenus en provenance de leur travail et plusieurs vont occuper un emploi à statut précaire.
Nous verrons également si la demande syndicale unanime de la mise en place de forums de discussion est réellement porteuse d'une nouvelle ère dans les secteurs public et parapublic : l'ère de la fin du dissentiment2 ou la fin des conflits. Si tel est le cas, il faudra se dire que nous nous retrouverons sous peu dans un Nouveau Monde : celui où les rêves frais des nouveaux leaders et leurs utopies les moins radicales constituent la base de la détermination des rapports collectifs de travail, rapports collectifs de travail complètement « déconflictualisés ». Il va de soi que dans un tel monde, la critique tous azimuts sera inutile. Qui vivra verra…
Yvan Perrier
25 février 2024
17h15
yvan_perrier@hotmail.com
Notes
1.Ou si vous préférez les « gagne-petit ».
2. Dissentiment : Différence dans la manière de juger, de voir, qui crée des heurts, des conflits.
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Depuis le Québec, faire quelque chose pour les Palestiniens de Gaza !
Depuis le 7 octobre 2023 et l'attaque meurtrière du Hamas ayant fait 1400 victimes du côté israélien, les semaines et les mois ont passé, et au Québec à travers les écrans chatoyants de nos cellulaires et téléviseurs, n'ont cessé de nous parvenir des nouvelles et des images de Gaza chaque fois plus dramatiques et insoutenables.
Sous des bombardement incessants de l'armée israélienne, ce sont déjà plus de 30 000 Palestiniens dont la grande majorité est composée de femmes et d'enfants, qui officiellement ont été tués en guise de représailles. Et dans le sillage de ces morts et blessés, ce sont plus d'un million 400 000 Palestiniens, qui ont été forcés à fuir leurs domiciles soudainement réduits en cendres et poussières, pour se heurter au sud à une frontière égyptienne infranchissable, puis se retrouver pris à Rafah en souricière dans ce qu'on pourrait appeler un gigantesque camp de déportation à ciel ouvert.
Dans le froid et le dénuement, manquant de tout, sans toit, sans eau, sans nourriture ni soins médicaux, ou presque ! Le symbole même de l'inhumanité la plus vive, la plus douloureuse, et plus encore de l'absurdité érigée en tragédie politique : voilà que ce sont les descendants des victimes d'hier –celles de la Shoa où ont disparu 6 millions de juifs— qui, au fil les politiques sionistes du gouvernement d'extrême droite du Premier ministre Benjamin Netanyahu, sont en train de se muer en bourreaux d'aujourd'hui, en promoteurs de politiques aux allures génocidaires. Le tout, sous le regard faussement embarrassé des grandes chancelleries du monde occidentale (USA en tête !), qui se refusent à tout nouveau projet de cessez-le feu et semblent avoir pris faits et cause –loin de toutes les résolutions onusiennes— pour la politique de la canonnière et de la raison du plus fort.
Ce qui a changé
C'est fondamentalement ce qui a changé ces dernières années : non pas les volontés populaires –tant du côté arabe que du côté occidental--- de trouver une solution politique et pacifique aux sorts respectifs des peuples israélien et palestinien, car hier comme aujourd'hui continue à s'exprimer dans le monde entier et, au travers de gigantesques manifestations, un puissant courant d'opinion public favorable à la paix et à une solution reconnaissant les droits des uns comme des autres. Non, ce qui a changé ce sont les positions de certains gouvernements occidentaux –auxquels s'est rallié le Canada (et dans une moindre mesure le Québec)— qui, frileusement et prenant appui sur le pseudo prétexte de la guerre au terrorisme, ont décidé de passer outre les positions de leurs opinions publiques, en fermant hypocritement les yeux sur les droits inaliénables des Palestiniens tout en cautionnant sans états d'âme, les politiques sionistes de colonisation promues par l'extrême droite israélienne.
Et peut-être est-ce là, dans cette faille qui existe entre les gouvernements et leurs opinions publiques, que nous pourrions nous glisser et nous sortir de ce rôle de spectateurs impuissants qu'on nous oblige à tenir, alors que nous sommes en même temps si touchés par cette inhumanité en acte dont Gaza est devenue le symbole par excellence.
Participer à un vaste mouvement d'opinion publique
Au-delà même de ce qui pourrait se faire au Canada, au moins ici au Québec, pourquoi ne pas participer à un vaste mouvement d'opinion publique qui, parce que de plus en plus large, forcerait le gouvernement Legault –notre gouvernement provincial— à oser se tenir debout et faire preuve d'un minimum humanité en la matière, en posant un geste à portée symbolique ?
Pour le lancer, le relancer ce mouvement, on pourrait par exemple s'en tenir pour commencer à une seule exigence, mais sur laquelle on mettrait toutes nos énergies. Il s'agirait de refuser publiquement d'ouvrir, comme le gouvernement de la CAQ avait prévu de le faire, le bureau d'une délégation québécoise à Tel-Aviv, tant que ne sera pas instauré un cessez-le feu permanent dans la bande de Gaza, et reconnu le droit d'exister au peuple palestinien.
Il y a déjà une pétition qui circule à ce propos, mais pourquoi ne pas la reprendre, la relancer et la faire signer partout, en élargir la portée, que nous soyons des milliers, des centaines de milliers à l'exiger de notre gouvernement. Comme un raz se marée que rien n'arrêterait et qui rappellerait au gouvernement de François Legault, qu'il en va de la démocratie et de toutes les promesses d'émancipation et d'humanité qu'elle appelle d'ores et déjà à réaliser !
Québec, le 21 février 2024
Pierre Mouterde
Sociologue, essayiste
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Réaction au projet de loi permettant à certaines personnes assistées sociales de travailler selon leurs capacités
(Montréal, le 22 février 2024) Le FCPASQ salue le projet de loi 693, déposé aujourd'hui et dont la majorité des membres de l'Assemblée nationale ont accepté de saisir, mais émet aussi une importante réserve quant à son exclusion de la grande majorité des personnes assistées sociales.
Rappelons qu'actuellement, les personnes qui reçoivent l'aide de derniers recours ou qui sont au Programme objectif emploi ne peuvent gagner plus de 200$ par mois dans le cas d'une personne seule ou 300$ par mois dans le cas d'un couple sans être coupées pour chaque dollar excédentaire. Ces montants n'ont pas été modifiés depuis 1999 dans le cas des personnes au Programme d'aide sociale. Autrement dit, présentement, une personne seule admise à un de ces programmes n'a pratiquement aucun avantage à travailler plus de 3 heures par semaine au salaire minimum.
Nous dénonçons ce système depuis de nombreuses années, notamment puisqu'il empêche les personnes qui ne sont pas en mesure de travailler à temps plein pour différentes raisons de travailler selon leurs capacités. Ce règlement contre-productif maintient aussi des personnes dans une pauvreté extrême, loin de pouvoir couvrir leurs besoins de base, et diminue encore plus leurs chances de se stabiliser et d'améliorer leurs conditions.
Même la ministre actuelle, Chantal Rouleau, a reconnu publiquement qu'il s'agit d'une mesure « punitive » qui doit être revue et a indiqué qu'une « réforme majeure » de l'aide sociale sera déposée dans les prochains mois pour toucher, entre autres, à cet aspect. Le FCPASQ rappelle qu'une réforme majeure est effectivement nécessaire pour améliorer de nombreux autres aspects vétustes, punitifs et contre-productifs de ce système.
Le projet de loi 693, déposé par Désirée McGraw du Parti Libéral du Québec ce matin, amènerait une amélioration significative et pertinente, mais seulement pour ceux et celles en mesure de travailler parmi les 27 492* personnes à la solidarité sociale. Les prestataires de la solidarité sociale ne représentent pourtant que 11.2 % des personnes prestataires de l'aide financière de dernier recours ou du Programme objectif emploi ! Nous réclamons effectivement que, comme au Programme de revenu de base, les prestataires d'autres programmes d'assistance sociale puissent travailler selon leurs capacités.
Nous dénonçons toutefois qu'aucun changement ne soit proposé pour les 217 875 personnes (165 655 adultes et 52 220 enfants) qui bénéficient des autres programmes d'aide financière de derniers recours ou du Programme objectif emploi. Il est urgent aussi de permettre à ces dernières de travailler selon leurs capacités. « Nous réclamons que les mêmes dispositions du Programme de revenu de base, et qui seraient élargies à certaines autres personnes par le projet de loi 693, soient appliquées à toutes les personnes assistées sociales » explique Catherine Tragnée, organisatrice communautaire au FCPSAQ.
« Le projet de loi s'inscrit dans la logique de permettre seulement à certaines personnes qui sont jugées plus méritantes de pouvoir bénéficier d'un régime moins punitif et plus conforme avec les droits fondamentaux » rappelle Catherine Tragnée. Le FCPASQ tient aussi à souligner également que l'assistance sociale est une partie essentielle de notre filet social, une assurance publique essentielle. Si la majorité des personnes qui ont recours à l'aide sociale arrivent à réintégrer le marché de l'emploi, le système impose aux autres des conditions qui sont un affront à la dignité humaine et qui les empêchent de retrouver une stabilité.
* Selon les chiffres de décembre 2023
À propos :
Le Front commun des personnes assistées sociales du Québec regroupe des organismes de défense des droits des personnes assistées sociales partout au Québec. La principale mission du FCPASQ et de ses groupes membres est la promotion des droits économiques, sociaux et culturels des citoyen.ne.s du Québec exclu.e.s du marché du travail et qui vivent dans la pauvreté.
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gauche.media
Gauche.media est un fil en continu des publications paraissant sur les sites des médias membres du Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG). Le Regroupement rassemble des publications écrites, imprimées ou numériques, qui partagent une même sensibilité politique progressiste. Il vise à encourager les contacts entre les médias de gauche en offrant un lieu de discussion, de partage et de mise en commun de nos pratiques.












