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Françoise Vergès : l’impossible décolonisation des musées occidentaux

30 janvier 2024, par CADTM, Françoise Vergès — , ,
Retour en vidéo sur la rencontre avec Françoise Vergès, autrice décoloniale, féministe et antiraciste pour une soirée d'échange autour de son ouvrage « Programme de désordre (…)

Retour en vidéo sur la rencontre avec Françoise Vergès, autrice décoloniale, féministe et antiraciste pour une soirée d'échange autour de son ouvrage « Programme de désordre absolu. Décoloniser le musée », au centre culturel d'Uccle (Belgique), le 15 janvier 2024. Cette soirée a réuni environ 200 personnes.

23 janvier 2023 | tiré du site du CADTM

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Black Art Exposition à Quebec

30 janvier 2024, par Fédération des Jeunes Afro-Québécois (FJAQ) , Traore Ben Sayd — , ,
Traore Ben Sayd, en collaboration avec la Fédération des Jeunes Afro-Québécois (FJAQ) et le gouvernement du Canada, est fier d'annoncer la tenue de la deuxième édition de la (…)

Traore Ben Sayd, en collaboration avec la Fédération des Jeunes Afro-Québécois (FJAQ) et le gouvernement du Canada, est fier d'annoncer la tenue de la deuxième édition de la Black Art Exposition Quebec. Sous le signe de la reconnaissance et de la célébration, cet événement artistique unique se tiendra le 24 février 2024, de 18h à 23h, à la Nef Saint Roch, située au 160, rue St-Joseph Est, Quebec QC G1K 3A7.

Québec, QC — 26 janvier 2024

Cette année, dans le cadre du Mois de l'Histoire des Noirs, la Black Art Exposition mettra en lumière la femme noire et son influence déterminante dans le domaine artistique. Cette soirée exceptionnelle sera une vitrine pour le talent et la créativité des artistes noirs du Québec, offrant une plateforme d'expression et de reconnaissance de leur art.

Les visiteurs auront le privilège de découvrir une gamme diversifiée d'œuvres d'art visuel, de participer à un atelier de collage dynamique et de se laisser transporter par une performance live captivante. Cet événement gratuit est une opportunité pour les amateurs d'art et le grand public de s'engager avec la culture noire et d'en apprécier la richesse et la diversité. La réservation en ligne est obligatoire pour participer à cet événement. Les billets peuvent être réservés dès maintenant, assurant à chacun une place dans cette célébration de l'art et de la culture.

Informations supplémentaires :

• Date et Heure : 24 février 2024, de 18h à 23h
• Lieu : La Nef Saint Roch, 160, rue St-Joseph Est, Québec QC G1K 3A7
• Réservations :

https://lepointdevente.com/billets/blackartexposition2?fbclid=IwAR2778tixLRw2CWN s56207mKTsJq-vuY34z8T021QaDekZXWhX3YEd-P7m8

Nous invitons à participer à la mise en valeur de l'art noir et de la femme noire au sein de notre société. Rejoignez-nous pour une soirée où l'art est célébration, la créativité est dialogue et la femme noire est muse.

À propos de Traore Ben Sayd : Initiateur de la Black Art Exposition Quebec, Traore Ben Sayd est un acteur clé dans la promotion de l'art noir au Québec, œuvrant à mettre en avant les artistes noirs et leur contribution essentielle à la diversité culturelle de la province.

À propos de la FJAQ : La Fédération des Jeunes Afro-Québécois est une organisation dédiée à la valorisation de la jeunesse noire au Québec, soutenant l'épanouissement et la représentativité de ses membres dans tous les domaines de la société.

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Art ouvrier et embourgeoisement à Chicago

30 janvier 2024, par Martin Gallié — , ,
“Le syndicat Union Electric (UE) de Chicago appelle à signer unepétition afin de protéger une murale réalisée dans ses locaux, en 1974, par les artistes, John Pitman Weber et (…)

“Le syndicat Union Electric (UE) de Chicago appelle à signer unepétition afin de protéger une murale réalisée dans ses locaux, en 1974, par les artistes, John Pitman Weber et José Guerrero.”

« Avec l'embourgeoisement du quartier, [Union Electric] est en train de vendre le bâtiment vieillissant, mais travaille dur pour préserver la peinture murale pour la communauté de Chicago et les générations futures. Veuillez signer cette déclaration avant le 31 janvier afin de démontrer aux bailleurs de fonds potentiels qu'il existe un large soutien en faveur de la préservation de cette partie vitale de l'histoire ! ».

Des photos d'un article du Chicago Suntime permettent d'apprécier cette fresque, réalisée gratuitement par les deux artistes autodidactes et restaurée au milieu des années 2000 à l'occasion d'une convention de l'UE à Chicago. Cette imposante œuvre d'art qui borde les escaliers intérieurs de l'immeuble du syndicat, retrace les luttes ouvrières aux États-Unis, une distribution de tracts devant une usine, un patron contraint de signer un contrat, la répression des travailleurs par un sheriff, un général, le Klu Klu Klan etc.

En août 2019, le président du Syndicat prophétisait que le plus grand danger pour la préservation de la fresque n'était pas l'usure et le temps mais la « gentrification » du quartier et avec elle la nécessité pour le syndicat de vendre l'immeuble. Il précisait cependant « nous ne sommes pas en train de solliciter des offres » d'achat.

À peine quatre ans plus tard, l'immeuble est en vente. En l'absence de mobilisation, la préservation de l'œuvre d'art semble donc désormais dépendre du bon vouloir de promoteurs immobiliers et de leurs goûts pour l'art ouvrier.
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Juifs et Israéliens : deux réalités de plus en plus distinctes

30 janvier 2024, par Jean-François Delisle — , , ,
L'offensive israélienne se déchaîne à Gaza et le nombre de victimes gazaouies se multiplie. C'est le résultat de la riposte israélienne démesurée à l'offensive du Hamas (…)

L'offensive israélienne se déchaîne à Gaza et le nombre de victimes gazaouies se multiplie.

C'est le résultat de la riposte israélienne démesurée à l'offensive du Hamas réalisée le 7 octobre 2023. Il y aurait environ 24,000 victimes gazaouies selon les chiffres fournis par le Hamas contre 1,200 israéliens le 7 octobre.

Les Israéliens peuvent mener une guerre aussi meurtrière que prolongée parce qu'ils disposent d'un État appuyé par la plupart des gouvernements occidentaux et doté d'une armée puissante, équipée dans une bonne mesure par les États-Unis, indéfectible soutien de l'État hébreu.

Mais précisément, qu'observe-t-on concernant l'évolution de la société israélienne ? Plus le temps passe, et plus les différences s'accentuent entre elle et les minorités juives dispersées en Occident, particulièrement aux États-Unis. Quand une société possède un État indépendant (surtout s'il s'est édifié aux dépens d'un autre peuple) et qu'elle est entourée de gouvernements qui ne lui veulent pas de bien, elle se transforme. Ce processus relève à la fois d'une évolution interne et des relations avec les pays avoisinants. On est alors en présence d'une majorité qui doit assumer la responsabilité de la gestion d'un État souverain.

Une distance se creuse peu à peu avec les minorités occidentales dont elle est issue. D'où le contraste entre la société indépendante qu'est Israël et les minorités juives. Contrastes et ressemblances s'y côtoient. Ajoutons y la présence d'une importante minorité arabe (les Arabo-Israéliens) appelée à croître avec le temps et à gagner de l'influence politique et culturelle, ce qui va contribuer à renforcer l'évolution de la différenciation déjà évoquée.
Lorsqu'elle possède une armée puissante comme celle d'Israël et qu'elle se sent menacée, ses dirigeants et toute une large partie de son opinion publique peuvent appuyer des initiatives militaires d'envergure sans tenir compte du nombre de civils que cela provoque chez l'ennemi, peu importe le bon droit de ce dernier, dont celui à la résistance. Un virulent désir de vengeance se remarque alors.

Quand on parle de Juifs, la paranoia rôde souvent. Mais il existe une différence fondamentale entre les persécutions dont ils ont été l'objet en Europe et les manifestations de la résistance d'un peuple (les Palestiniens) dépossédé par les sionistes.
Il faut souligner ici que tous les Juifs ne sont pas sionistes et que tous les sionistes ne sont pas Juifs. Une partie de ces derniers s'oppose au sionisme pour des motifs religieux, philosophiques et moraux.

On voit souvent à priori les Juifs comme d'éternelles victimes (les pogroms l'Holocauste, les ghettos). Mais des nuances et des bémols s'imposent. En effet, il a toujours existé une violence juive. Les Juifs ont leurs propres salauds : des financiers véreux et des criminels professionnels. Il faut y joindre un fanatisme religieux chez certains (transposé sur le plan politique par plusieurs sionistes), pas plus respectable qu'aucun autre fanatisme. Il en découle chez certains Juifs un racisme anti-arabe et antimusulman, qu'on dénonce peu. Il est plus que temps de le faire.

Jean-François Delisle

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J’espère

30 janvier 2024, par Manon Ann Blanchard — , ,
J'espère J'espère que vous serez là, encore, Vous qui n'acceptez pas de vous taire, Vous qui n'avez pas renoncé, Vous qui vous êtes battues, Vous qui savez pourquoi, Vous (…)

J'espère
J'espère que vous serez là, encore,
Vous qui n'acceptez pas de vous taire,
Vous qui n'avez pas renoncé,
Vous qui vous êtes battues,
Vous qui savez pourquoi,
Vous qui ne vous laissez pas berner,
Vous qui ne vous laissez pas acheter.
Vous qui pleurez de rage,
Vous qui rêvez.

J'espère
J'espère que nous trouverons,
Le chemin du changement,
Le chemin du respect,
Que de notre colère,
Ne nous grugera pas,
Mais qu'elle sera fertile,
Que les chansons semées
Sur les trottoirs gelés
Seront un jour charpente
Du monde
Qui reste à bâtir.

J'espère
Que vous serez là,
Encore,
Quand viendront d'autres temps.

Manon Ann Blanchard

Déni de réalité : pourquoi le climatoscepticisme progresse

30 janvier 2024 — ,
Les discours niant le dérèglement climatique foisonnent. À force d'outils efficaces, les climatosceptiques prospèrent et sont loin de vouloir s'arrêter, explique le chercheur (…)

Les discours niant le dérèglement climatique foisonnent. À force d'outils efficaces, les
climatosceptiques prospèrent et sont loin de vouloir s'arrêter, explique le chercheur Albin Wagener.

Tiré de Reporterre.net
15 janvier 2024

Par Albin Wagener

Albin Wagener est chercheur associé à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco, Plidam) et au laboratoire Prefics de l'université Rennes 2.

C'est un paradoxe de notre époque : alors que les effets du changement climatique sont de plus en plus couverts par les médias et n'ont jamais été aussi saillants pour les populations, le climatoscepticisme reprend lui des forces au gré de l'actualité climatique. D'après un sondage mené par Ipsos et le Cevipof en 2023, ce sont 43 % de Français qui refusent de « croire » au réchauffement du climat.

Plusieurs fois annoncé comme dépassé ou cantonné à des sphères complotistes, le climatoscepticisme n'en finit pas de se régénérer. Si les origines de ce courant remontent aux États-Unis, il prospère chez nous aujourd'hui via des incarnations bien françaises, comme l'a montré le récent documentaire La Fabrique du mensonge sur le sujet. Tâchons donc de revenir un peu en arrière pour comprendre le succès actuel de ces discours niant le dérèglement climatique.

Une narration efficace

Dans les années 1980, aux États-Unis, l'émergence et la propagation d'une « contre-science » du climat ont résulté de la mobilisation de think tanks liés au parti républicain et au lobbying de grandes entreprises, principalement dans le secteur de la production pétrolière, en s'inspirant par ailleurs des pratiques de l'industrie du tabac.

Le terme de « climatoscepticisme » est, à cet égard, lui-même aussi trompeur que révélateur : en liant « climat » et « scepticisme », le terme donne l'impression d'une posture philosophique vertueuse (notamment la remise en question critique et informée), et induit en erreur. Car il s'agit ici bien moins de scepticisme que de déni, voire de cécité absolue vis-à-vis de faits scientifiques et de leurs conséquences, comme le rappelle le philosophe Gilles Barroux.

Mais qu'importe : au moment de l'Accord de Paris et du consensus de plus en plus large sur le climat, le climatoscepticisme semblait réduit à portion congrue : en France, en 2019, la Convention citoyenne pour le climat montrait que le sujet pouvait être pris au sérieux tout en donnant lieu à des expérimentations démocratiques. Puis en août 2021, la loi Climat et Résilience semblait ancrer un acte politique symbolique important, bien qu'insuffisant.

« Je ne crois pas au changement climatique », a écrit l'artiste Banksy sur une façade d'un immeuble de Londres, près d'une eau stagnante rappelant une inondation. Flickr/CC BY-NC 2.0 Deed/Dunk

Pourtant, malgré ces évolutions politiques, le climatoscepticisme prospère aujourd'hui en s'éloignant de son incarnation et champ originel, puisqu'il constitue désormais une forme de discours, avec ses codes, ses représentations et ses récits. C'est précisément en cela qu'il est si dangereux : du point de vue linguistique, narratif et sémantique, il utilise des ressorts hélas efficaces, qui ont pour objectif d'instiller le doute (a minima) ou l'inaction (a maxima).

« Préserver la domination de l'Homme sur ce que l'on appelle abusivement la « Nature » »

Plus clairement, les sphères climatosceptiques vont par exemple utiliser des termes aux charges sémantiques équivoques (climatorassurisme, climatoréalisme, etc.), remettre en question la véracité des travaux du Giec [1], mettre en exergue les variations du climat à l'échelle du temps géologique (la Terre ayant toujours connu des périodes plus ou moins chaudes ou froides), ou bien encore expliquer que toute action mise en œuvre pour lutter contre le changement climatique relèverait en fait de l'autoritarisme liberticide. En d'autres termes, le doute est jeté sur tous les domaines, sans distinction.

De ce point de vue, il est important de noter que le climatoscepticisme peut prendre plusieurs formes : déni de l'origine anthropique du réchauffement, mise en exergue de prétendus cycles climatiques, remise en cause du rôle du CO2 ou technosolutionnisme chevronné sont autant de variables qui donnent sa redoutable vitalité au climatoscepticisme.

Lire aussi : Christophe Cassou : « Le climatoscepticisme a la couleur de l'extrême droite »

Mais que cachent les discours climatosceptiques ? Outre les intérêts économiques, on retrouve également la préservation d'un ordre social et de systèmes de domination spécifiques : domination de l'Homme sur ce que l'on appelle abusivement la « Nature » (incluant les autres espèces, l'intégralité de la biodiversité et les ressources), exploitation des ressources nécessaires à l'activité industrielle et économique, mais aussi domination de certaines communautés sur d'autres — notamment parce que les femmes ou les populations indigènes sont plus vulnérables au changement climatique, tout en représentant également les populations les plus promptes à proposer des innovations pour contrer ses impacts.

Des cibles et intérêts marqués

Au-delà de sa pérennité, les recherches ont montré à quel point le climatoscepticisme restait efficace pour retarder l'action politique. Il ne s'agit pas ici de dire que la classe politique est climatosceptique, mais qu'un certain nombre d'acteurs climatosceptiques finissent par diffuser des discours qui font hésiter les décideurs, retardent leurs actions ou font douter quant aux solutions ou alternatives à mettre en place.

La France n'échappe pas à cette tendance : entre les coups médiatiques de Claude Allègre, l'accueil de Greta Thunberg à l'Assemblée nationale ou encore les incursions de divers acteurs climatosceptiques (se désignant eux-mêmes comme climatoréalistes ou climatorassuristes), le paysage médiatique, politique et citoyen se retrouve régulièrement pollué par ce type de discours.

Doté de solides ressources financières, ce mouvement a pu contester les résultats scientifiques dans la sphère publique, afin de maintenir ses objectifs économiques et financiers.

Le Giec en a, par ailleurs, fait les frais de manière assez importante — et encore aujourd'hui ; régulièrement en effet, des scientifiques du Giec comme Jean Jouzel ou Valérie Masson-Delmotte, qui se sont engagés pour porter de manière pédagogique les travaux collectifs dans l'espace médiatique, se sont retrouvés la cible de critiques, notamment sur la véracité des données traitées, ou la raison d'être financière du groupement scientifique mondial. Cela est notamment régulièrement le cas sur les réseaux sociaux, comme le montrent les travaux de David Chavalarias.

Prôner les certitudes d'un « vieux monde inadapté »

Au-delà de ces constats informatifs, une question émerge : pourquoi sommes-nous si prompts à embrasser, de près ou de loin, certaines thèses climatosceptiques ? Pourquoi cette forme de déni, souvent mâtinée de relents complotistes, parvient-elle à se frayer un chemin dans les sphères médiatiques et politiques ?

Pour mieux comprendre cet impact, il faut prendre en considération les enjeux sociaux liés au réchauffement climatique. En effet, cette dimension sociale, voire anthropologique est capitale pour comprendre les freins de résistance au changement ; si la réaction au changement climatique n'était qu'affaire de chiffres et de solutions techniques, il y a longtemps que certaines décisions auraient été prises.

En réalité, nous avons ici affaire à une difficulté d'ordre culturel, puisque c'est toute notre vie qui doit être réorganisée : habitudes de consommation ou pratiques quotidiennes sont concernées dans leur grande diversité, qu'il s'agisse de l'utilisation du plastique, de la production de gaz à effet de serre, du transport, du logement ou de l'alimentation, pour ne citer que ces exemples.

« Il est le symptôme d'autodéfense d'un vieux monde qui refuse de mourir »

Le changement est immense, et nous n'avons pas toujours les ressources collectives pour pouvoir y répondre. De plus, comme le rappelle le philosophe Paul B. Preciado, nous sommes dans une situation d'addiction vis-à-vis du système économique et industriel qui alimente le changement climatique ; et pour faire une analogie avec l'addiction au tabac, ce ne sont jamais la conscience des chiffres qui mettent fin à une addiction, mais des expériences ou des récits qui font prendre conscience de la nécessité d'arrêter, pour aller vite. Cela étant, le problème est ici beaucoup plus structurel : s'il est aisé de se passer du tabac à titre individuel, il est beaucoup plus compliqué de faire une croix sur le pétrole, à tous les niveaux.

Paradoxalement, c'est au moment où les effets du changement climatique sont de plus en plus couverts par les médias que le climatoscepticisme reprend des forces, avec une population de plus en plus dubitative. Ce qui paraît paradoxal pourrait en réalité être assez compréhensible : c'est peut-être précisément parce que les effets sont de plus en plus visibles, et que l'ensemble paraît de plus en plus insurmontable, que le déni devient une valeur refuge de plus en plus commode. Il s'agirait alors d'une forme d'instinct de protection, qui permettrait d'éviter de regarder les choses en face et de préserver un mode de vie que l'on refuse de perdre.

Si le climatoscepticisme nous informe sur nos propres peurs et fragilités, il est aussi symptomatique du manque de récits alternatifs qui permettraient d'envisager l'avenir d'une tout autre manière. En effet, pour le moment, nous semblons penser la question du changement climatique avec le logiciel politique et économique du XXe siècle. Résultat : des récits comme le climatoscepticisme, le greenwashing, le technosolutionnisme (le fait de croire que le progrès technique règlera le problème climatique), la collapsologie ou encore le colibrisme (le fait de tout faire reposer sur l'individu) nous piègent dans un archipel narratif confus, qui repose plus sur nos croyances et notre besoin d'être rassurés, que sur un avenir à bâtir.

De fait, le climatoscepticisme prospère encore, car il est le symptôme d'autodéfense d'un vieux monde qui refuse de mourir. Sans alternative désirable ou réaliste, alors que nos sociétés et nos économies sont pieds et poings liés par la dépendance aux énergies fossiles, nos récits sont condamnés à tourner en rond entre déni, faux espoirs et évidences trompeuses.

C'est bien là tout le problème : si les chiffres sont importants pour se rendre compte de l'importance du changement et de ses conséquences (y compris pour mesurer les fameux franchissements des limites planétaires), ce n'est pas avec des chiffres seuls que l'on met en mouvement les sociétés et les politiques. Les tenants du climatoscepticisme ont parfaitement compris cette limite, en nous proposant les certitudes confortables d'un vieux monde inadapté, face aux incertitudes paralysantes d'un avenir qui sera radicalement différent du monde que nous connaissons, mais que nous avons le choix de pouvoir écrire.

Cette tribune a été initialement publiée sur le site The Conversation.

1. Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat

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Un hommage à Vivian Silver

Présentation : Vivian Silver (1949-2023) était une militante israélienne pour la paix et pour les droits des femmes. Elle a passé une grande partie de sa vie à faire campagne (…)

Présentation : Vivian Silver (1949-2023) était une militante israélienne pour la paix et pour les droits des femmes. Elle a passé une grande partie de sa vie à faire campagne pour la liberté des Palestiniens et la fin de l'occupation. Elle a été tuée lors du massacre de Beere par le Hamas le 7 octobre 2023. Cet hommage a été publié pour la première fois le 14 novembre. Samah Salaime est une féministe et écrivaine palestinienne.

22 janvier 2024 | tiré d'aplusoc
https://aplutsoc.org/2024/01/22/un-hommage-a-vivian-silver-par-samah-salaime/

Hommage

La dernière fois que j'ai vu Vivian, c'était à Washington, D.C., lors d'une réunion ad hoc de militants palestiniens et israéliens en marge d'une conférence. Nous nous sommes réunis pour une séance de réflexion sur la difficile question de savoir comment relancer notre camp – le camp libéral-gauche-démocrate, comprenant à la fois Juifs et Palestiniens – après les élections israéliennes catastrophiques de novembre 2022 qui ont porté au pouvoir le gouvernement le plus d'extrême droite de l'histoire du pays. Nous avons ri, plaisanté et blagué, nous moquant de notre situation, mais il y avait une grande tristesse dans cette pièce lorsque Vivian a déclaré : « Je suis trop vieille pour créer et construire un autre corps politique ; je dois rejoindre ce qui existe déjà. »

« Ce qui est bien dans le fait d'être une vieille retraitée sarcastique, c'est que je peux dire à haute voix ce que je pense et je n'ai rien à perdre », a-t-elle poursuivi. « Notre camp a perdu plusieurs fois ; nous avons reçu de nombreux coups dans la figure. Et j'ai aussi vécu beaucoup de choses dans ma propre vie. J'ai beaucoup appris, à mes dépens, sur le partenariat arabo-juif, et je sais que lorsqu'il réussit, il réussit parce que chaque partie comprend que la justice qu'elle recherche dépend fortement de la justice de l'autre partie. Combler l'écart passe par un travail collaboratif et non par une lutte les uns contre les autres. »

Rien ne m'a préparé à l'amère nouvelle d'hier concernant la fin tragique de Vivian. J'ai ressenti un profond désespoir, comme si un gouffre sans fond s'était ouvert sous les fondations de l'humanité, où des milliers de personnes sont déjà enterrées – hommes, femmes, enfants, Palestiniens et Israéliens innocents. Des gens qui avaient souhaité la paix et qui n'ont pas vécu assez longtemps pour voir ce souhait se réaliser.

Déjà 39 jours se sont écoulés depuis ce terrible samedi 7 octobre. J'ai lu les messages que Vivian et son fils se sont envoyés alors qu'elle se cachait dans un placard contre les militants palestiniens qui ont attaqué le kibboutz Beeri. C'était comme si je sentais son cœur battre plus fort que les pas des meurtriers dans son salon.

J'ai essayé mille fois de l'imaginer emmenée dans leurs voitures à Gaza. « Qu'a-t-elle ressenti pendant ces moments ? » Je me demandais. Je pensais qu'elle aurait pu regarder avec des larmes de compassion dans les yeux les dizaines d'enfants palestiniens en haillons debout sur les bords des routes de Gaza, et qu'elle aurait peut-être prié pour eux dans son cœur. Vivian savait à quoi ressemblaient leurs vies sous le siège israélien, et elle aurait su ce qui allait leur arriver lorsque l'armée israélienne a commencé son assaut sans précédent sur la bande de Gaza.

« As-tu entendu ces bombes tomber là où tu étais ? » Je me suis dit. Ces bombes que tu détestais, parce que tu savais mieux que quiconque qu'elles n'apporteraient aucune solution ni sécurité à aucun d'entre nous.

Je m'étais convaincu que tu étais dans un endroit sûr, essayant de communiquer dans un Arabe mutilé avec ceux de ton entourage et essayant d'expliquer qui tu étais et ce que tu représentais : une activiste née sans réserve. Je t'imaginais réconfortant les enfants pris en otage avec toi, les occupant et calmant les autres femmes retenues sous terre pendant que la terre tremblait sous les frappes aériennes israéliennes. Les images que j'avais en tête et le titre que je n'arrêtais pas d'imaginer – « Une militante pour la paix libéré » – ne parviendront jamais aux médias. Au lieu de cela, hier soir, nous avons lu : « Une activiste du Corps de la Paix de Beeri identifiée. »

Jusqu'à ce moment-là, je n'ai pas cru un seul instant que tu n'étais plus parmi nous. J'étais sûr que tu survivrais à ce mal et que tu vivrais pour nous en parler, et même nous divertir avec des histoires sur la jalabiya qu'on t'avait donné de porter – une faite pour une femme beaucoup plus grande que ta petite silhouette. Vivian, ma chérie, nous n'aurons jamais ce moment.

Une « épée de fer » ne peut que tuer !

Vivian Silver est née à Winnipeg, au Canada, en 1949, et a immigré en Israël en 1974. Pendant des dizaines d'années, elle a été une militante sociale impliquée dans des projets promouvant les droits des femmes et plaidant pour la paix. En tant que codirectrice du Centre arabo-juif pour l'autonomisation, l'égalité et la coopération – Institut du Néguev pour les stratégies de paix et de développement économique (AJEEC-NISPED), elle a travaillé pour améliorer la vie de la communauté bédouine du Naqab/Negev, contribuer à faire progresser une société partagée. Elle était active au sein de l'organisation Women Wage Peace, membre du conseil d'administration du groupe de défense des droits humains B'Tselem et bénévole pour The Road to Recovery, qui aide à transporter les patients [palestiniens] atteints de cancer de Gaza vers les hôpitaux israéliens.

L'une des choses qu'elle répétait souvent, et qui résume, je pense, sa philosophie de vie, c'est : « Si le seul outil dont vous disposez est un marteau, alors chaque problème ressemble à un clou. » Je lui ai dit un jour : « Tu sais, le peuple palestinien n'est pas un morceau de bois, pas même un morceau de métal. Nous sommes faits de roche dure, il sera donc difficile pour un marteau entre les mains d'un idiot de nous écraser. »

Vivian croyait au pouvoir des femmes et au pouvoir de la compassion et de l'amour – dans le sens simple et complètement naïf de ces mots. Elle savait, comme beaucoup d'entre nous, Palestiniens et militants pacifistes israéliens, que l'armée ne peut pas apporter la paix et qu'une « épée de fer » – le nom que l'armée israélienne a donné à son « opération » à Gaza – ne peut que tuer. Le marteau écrase tout sur son passage. Même ceux d'entre nous, Palestiniens et Israéliens, qui survivront à cette guerre en sortiront écrasés par le chagrin.

Nous érigerons une tente de deuil par misère et par regret face à la montagne de victimes et aux destructions qui subsistent. Et aucun « déluge d'Al Aqsa » – comme le Hamas a appelé sa propre « opération » du 7 octobre – ne rendra les milliers d'enfants qui ont perdu la vie à Gaza et dans le sud ; aucun drapeau de victoire ne flottera sur les côtes de Gaza alors qu'elles sont frappées par les vagues sanglantes de l'assaut israélien.

Là-dessus, Vivian, je sais que tu rencontreras tes amis – parmi lesquels Eiman, Tofaha et Maha, partenaires militants palestiniens de Gaza. Tu seras accueillie par des milliers d'autres victimes, notamment des femmes qui n'ont jamais cessé de lutter pour la paix et des Palestiniens qui ont été assassinés par l'armée israélienne et enterrés sous les décombres alors qu'ils tenaient toujours leurs enfants pendant que nous priions pour leur sécurité.

Source : https://workersliberty.org/story/2024-01-17/tribute-vivian

Traduction par nos soins. (aplusoc)

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Les travailleurs exigent un cessez-le-feu : l’UAW et les syndicats des travailleurs de l’électricité et des postes appellent à la fin de l’assaut israélien contre Gaza. 1ère partie.

Introduction Aplutsoc Il se passe des choses dans le mouvement ouvrier américain. Des secteurs comme celui de l'UAW qui a récemment mené une vague de grèves pour maintenir (…)

Introduction Aplutsoc

Il se passe des choses dans le mouvement ouvrier américain. Des secteurs comme celui de l'UAW qui a récemment mené une vague de grèves pour maintenir une convention collective digne de ce nom dans l'automobile, prennent leur distance avec la politique étrangère de Biden concernant Israël et la Palestine. Nous entamons la publication de documents issus d'interviews réalisés par la journaliste Amy Goodman sur son site Democracy Now !, un média de référence au sein de la gauche US.

18 janvier 2024 | tiré de de Democracy now | traduction aplusoc | Bill Fletcher (à gauche) et Jeff Schuhrke
Source : https://www.democracynow.org/2023/12/26/us_labor_movement_israel_palestine

Présentation par Democracy Now

Les syndicats à travers les États-Unis ont commencé à évoluer d'une longue histoire de soutien à Israël vers une condamnation de l'occupation israélienne de la Palestine, au milieu d'appels croissants pour un cessez-le-feu à Gaza où l'offensive israélienne de 80 jours a tué plus de 20 000 personnes. Alors que les demandes de cessez-le-feu, des enseignants aux travailleurs de Starbucks, sont publiées à travers le pays et qu'une grande marche menée en partie par les responsables syndicaux à New York a appelé les membres du Congrès à cesser de prendre l'argent de la campagne menée par les lobbyistes pro-israéliens, Democracy Now ! s'entretient avec le syndicaliste de longue date Bill Fletcher et l'historien du travail Jeff Schuhrke, de l'histoire des relations du mouvement syndical américain avec Israël et la Palestine, du conflit entre le sioisme de Biden et son soutien aux syndicats et de la « chute libre » du mouvement syndical sur la manière de répondre à la guerre contre Gaza.

AMY GOODMAN : Nous observons à présent la pression croissante du mouvement syndical américain sur le président Biden pour qu'il exige un cessez-le-feu dans l'attaque israélienne contre Gaza, soutenue par les États-Unis. Les syndicats ont aidé à organiser une marche vers le siège de l'AIPAC(1) ici à New York jeudi dernier pour appeler les législateurs à refuser l'argent des lobbyistes pro-israéliens pour leur campagne. Il s'agit du président de United Auto Workers, Shawn Fain, qui s'exprime aux côtés de membres progressistes du Congrès lors d'une conférence de presse jeudi à Capitol Hill.

Extraits de reportage télévisé

SHAWN FAIN : Nous ne pouvons pas bombarder notre chemin vers la paix.

REP . CORI BUSH (2) : C'est vrai !

SHAWN FAIN : La seule voie à suivre est de construire la paix et la justice sociale, par le biais d'un cessez-le-feu. … En tant que syndiqués, nous savons que nous devons nous battre pour tous les travailleurs et toutes les personnes qui souffrent dans le monde. Nous devons lutter pour l'humanité. Cela signifie que nous devons restaurer les droits fondamentaux de la population et permettre à l'eau, à la nourriture, au carburant et à l'aide humanitaire d'entrer à Gaza. »

[Fin des extraits]

AMY GOODMAN : Pour en savoir plus, nous sommes rejoints par deux invités. à Washington.

A Washington Bill Fletcher, syndicaliste de longue date, co-fondateur du Réseau de solidarité avec l'Ukraine (USC), membre du comité de rédaction de The Nation , où son dernier article est intitulé « Gaza, Biden et une voie à suivre ».

Et à Chicago, nous sommes rejoints par Jeff Schuhrke. Il est historien du travail, journaliste, militant syndical et professeur adjoint à la School of Labour Studies de la SUNY Empire State University à New York. Son dernier article pour Jewish Currents est « Le problème de la machine de guerre syndicale ». Ses articles récents pour In These Times , « L' AFL-CIO a écrasé la résolution de cessez-le-feu de son Conseil. Qu'est-ce que cela dit sur le mouvement ouvrier à l'heure actuelle ? » et « L'histoire du soutien à Israël par le mouvement ouvrier – et « Le changement climatique pendant la guerre à Gaza », qui a également été publié dans le magazine Jacobin sous le titre « Le mouvement ouvrier américains devrait agir avec audace et choisir la solidarité avec la Palestine ».

Nous vous souhaitons la bienvenue à Democracy Now ! Jeff Schuhrke, commençons par vous. Si vous pouviez simplement passer en revue tous les syndicats, depuis le Syndicat des Postiers unis jusqu'au puissant UAW , United Auto Workers, et parler du militantisme pour Gaza auquel nous assistons aujourd'hui ?

JEFF SCHUHRKE : Bonjour et merci de m'avoir invité.

Oui, depuis octobre, des dizaines de syndicats et d'organisations syndicales aux niveaux local, des états, aux niveaux régional et national ont appelé à un cessez-le-feu. Il y a une déclaration, un mouvement syndical américain qui appelle à un cessez-le-feu. Cela comprend un appel au retour de l'approvisionnement en nourriture, en carburant, en eau et en électricité à Gaza et un appel à la libération de tous les otages, lancé vers le 17 octobre par le syndicat United Electrical Radio and Machine Workers (UE) qui est un syndicat relativement petit, mais historiquement très progressiste ici aux États-Unis. Ainsi, l'UE, aux côtés des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce (UFCW, section locale 3000), a lancé cette pétition en appelant au cessez-le-feu et a demandé à d'autres syndicats à y adhérer. Et jusqu'à présent, comme je l'ai dit, je ne compte plus ceux qui y ont adhéré. Et d'autres syndicats ont également publié leurs propres déclarations et résolutions appelant à un cessez-le-feu. Il s'agit de syndicats d'enseignants et de travailleurs universitaires, de travailleurs de la santé, de couvreurs, de peintres, de dockers.

AMY GOODMAN : Pouvez-vous énumérer certains des syndicats ?

JEFF SCHUHRKE : Oui, oui, bien sûr. Certainement. J'ai donc mentionné le United Electrical Workers, l'American Post Workers Union, le United Auto Workers, le 1199 SEIU, qui est le plus grand syndicat de soins de santé du pays, le National Nurses United, l'International Longshore and Warehouse Union Local 10, le Chicago Teachers Union, le Boston Teachers Union, plusieurs sections locales de la Fraternité internationale des ouvriers en électricité, et ainsi de suite. Cela prendrait beaucoup de temps.

Mais ceux-ci représentent des millions de travailleurs à travers le pays. Et je pense que cela illustre le fait que, comme le montrent régulièrement les sondages, une majorité de personnes dans ce pays soutiennent les appels à un cessez-le-feu. Et lorsque vous parlez de la majorité de la population de ce pays, vous parlez de ceux de la classe ouvrière. Et quand ils ont des organisations, comme les syndicats, qui représentent leurs voix, qui leur donnent démocratiquement la parole, alors vous allez voir ces organisations, ces syndicats exprimer la position de la classe ouvrière, qui dans ce cas est un appel à la fin du massacre et un cessez-le-feu. Oui.

JUAN GONZÁLEZ : Mais, Jeff, nous avons évidemment encore un nombre considérable de syndicats nationaux qui ne prennent pas cette position. Et vous avez expliqué, dans des articles précédents, le rôle de l' AFL-CIO dans le soutien basique, pendant des décennies et des décennies, des projets de l'empire américain à travers le monde. Et vous avez écrit sur ce gars, Jay Lovestone, qui était un ancien communiste et qui a joué un rôle majeur dans la participation de l' AFL-CIO avec la CIA à des entreprises impérialistes. Je me demande si vous pourriez en parler à certains de nos jeunes téléspectateurs et auditeurs qui n'ont peut-être jamais entendu parler de Jay Lovestone.

JEFF SCHUHRKE : Oui. Il y a une histoire vraiment malheureuse et affreuse de la bureaucratie syndicale américaine, et de l' AFL – CIO en particulier, qui a travaillé main dans la main avec l'appareil de la politique étrangère des États-Unis, spécialement pendant les décennies de la guerre froide, entre les années 1940 et 1990 environ, en collaborant avec le Département d'État, la CIA et d'autres entités du gouvernement fédéral pour tenter de saper les syndicats dans les pays étrangers, en particulier les syndicats plus à gauche, les syndicats anti-impérialistes, et diviser les mouvements ouvriers. Jay Lovestone (3) a été pendant de nombreuses années directeur du département des affaires internationales de l'AFL-CIO. Il était également un agent de la CIA . C'est une longue histoire.

Mais surtout lorsqu'il s'agit d'Israël et du sionisme, il y a aussi une longue histoire dans laquelle les directions syndicales américaines sont parmi les plus fervents partisans du mouvement sioniste aux États-Unis, remontant jusqu'en 1917, et soutiennent fortement l'État d'Israël, pas seulement d'un soutien en paroles ou politique, mais aussi un soutien matériel, avec des millions et des millions de dollars donnés par les syndicats américains, d'abord aux premières colonies sionistes, avant l'État d'Israël, puis à l'État d'Israël pour le logement, pour les cliniques, pour les centres communautaires, les stades de sports. Ainsi, tout au long des années 1950 et 1960, dans les premières décennies d'Israël, bon nombre de ces types d'établissements publics portaient les noms de célèbres dirigeants syndicaux américains, comme Walter Reuther, George Meany, Jimmy Hoffa, vous savez, des orphelinats et des stades sportifs nommés après les dirigeants syndicaux américains en raison de ce soutien matériel. Il y a aussi les obligations de l'État d'Israël, dont les syndicats américains sont parmi les plus gros acheteurs depuis de nombreuses décennies. Il s'agit de l'argent que les syndicats américains reçoivent en cotisations, en fonds de retraite ou en fonds de santé, et qui est directement investi dans l'État d'Israël pour des projets d'infrastructures.

JUAN GONZÁLEZ : Eh bien, Jeff, en ce qui concerne spécifiquement ces obligations israéliennes, je me souviens avoir participé dans les années 1980 à une collecte de fonds des syndicats de Philadelphie pour la fédération du travail israélienne. Et l'un des dirigeants s'est levé à ce moment-là et a déclaré : « Nous investissons des millions de dollars dans des obligations israéliennes provenant de notre fonds de pension, mais les membres me disent parfois qu'elles ne produisent pas un aussi bon rendement. Mais je leur dis que c'est la bonne chose à faire. Ainsi, de nombreux syndiqués ne savent pas que leurs fonds ont été investis dans des obligations israéliennes pendant des décennies.

JEFF SCHUHRKE : Oui. Mais il y a aussi eu une sorte de mouvement lent mais sûr – lentement mais sûrement, de la base, pendant plusieurs décennies, pour tenter de lutter contre cela. Il y a 50 ans, en 1973, les travailleurs arabes américains de l'automobile de Détroit, membres du syndicat United Auto Workers UAW), ont organisé une grève sauvage à l'usine d'assemblage Dodge Main, pour protester contre la décision de la direction de l'UAW d'acheter pour 785 000 $ d'obligations de l'État d'Israël et ont appelé les dirigeants de l'UAW à désinvestir.

Ainsi, au cours des 20 dernières années environ, vous savez, il y a eu le mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS), dirigé par des Palestiniens, y compris des syndicats palestiniens, et certains syndicats aux États-Unis ont tenté de soutenir le BDS et ont parlé de la façon dont leurs propres fonds, leurs propres cotisations et fonds de pension, sont investis en Israël.

C'est donc l'un des éléments importants, à mon avis, de l'appel récent à un cessez-le-feu lancé par l'UAW. Ils ont également créé un nouveau groupe de travail appelé Groupe de travail sur le désinvestissement et la transition juste qui va examiner les propres investissements de l'UAW en Israël pour discuter d'un éventuel désinvestissement et quand ils parlent de transition juste, ils parlent de l'industrie de l'armement, parce que l' UAW représente des milliers de travailleurs des usines d'armement américaines, des armes qui sont envoyées en Israël. Et si nous voulons parler de la fermeture de ces usines, nous devons aussi parler de ce qui arrive aux gens qui y travaillent et qui sont syndiqués. Et donc, une transition juste est proche d'une idée similaire : ce qui arrive aux travailleurs des combustibles fossiles lors de la transition vers une économie verte, en s'assurant – et cela remonte à un précédent, vous savez, dans les années 1970 et 1980, des appels à une économie de conversion, ou conversion d'une économie de temps de guerre à une économie de temps de paix. Ainsi, le fait que la nouvelle direction de l' UAW, sous la direction du président Shawn Fain, se soit engagé à œuvrer pour atteindre ces objectifs est, je pense, probablement encore plus significatif que les appels à un cessez-le-feu, car, après tout, un cessez-le-feu est en quelque sorte un strict minimum ici.

AMY GOODMAN : Bill Fletcher, je voulais vous faire entrer dans ce débat. Vous faites partie du comité de rédaction de The Nation , votre nouvel article intitulé « Gaza, Biden et une Voie à suivre ». Et vous avez écrit , pour In These Times , « La plus grande menace du mouvement fasciste : les syndicats ». Pouvez-vous parler de ce que cela signifie ?

BILL FLETCHER : Amy, Juan, merci de m'avoir invité dans ce programme.

Si je le peux, je veux juste dire une chose avant d'aborder cette question. Le mouvement syndical américain a toujours été divisé sur les affaires internationales, depuis la guerre hispano-américaine jusqu'à la guerre civile espagnole, en passant par la guerre du Vietnam, l'Amérique centrale et l'Afrique du Sud. Ce qui a été une position généralement confirmée, pour en revenir à votre point, Juan, se situe au niveau de la direction nationale de l' AFL – CIO , et la plupart des syndicats ont été largement en phase avec la politique étrangère américaine, mais pas toujours. Maintenant, ce qui est différent, c'est que lorsqu'il s'agit d'Israël et de la Palestine, jusqu'à assez récemment, au niveau national, il n'y avait presque aucune discussion sur des points de vue alternatifs par rapport au soutien à Israël. Et donc, c'est ce qui change, et il est vraiment très important de le souligner.

Et l'une des choses, Amy, en réponse à votre question, c'est qu'il existe une grande peur au sein du mouvement syndical quant à ce qui va se passer en novembre 2024 et à ce qui se passera que ce soit Biden ou qui que ce soit qui soit élu. Ainsi, avec l'attaque du 7 octobre, le Hamas et le génocide israélien qui a suivi, le mouvement syndical s'est retrouvé dans une impasse quant à la manière de réagir. Et une partie de cette réponse consiste à revenir à sa position générale de soutien à tout ce que fait Israël. Une autre position est celle du silence. Et puis une position croissante, que nous observons maintenant, et qui est représentée par l' APWU , l'UAW , le NNU et d'autres, consiste à adopter une position critique sur les points de vue ou sur la politique des États-Unis et d'Israël. Et c'est là que nous devrions avoir de l'espoir.

AMY GOODMAN : Et qu'en est-il du président Biden, Bill Fletcher ? Vous avez cette discussion vraiment intéressante en ce moment alors que nous entrons dans l'année de l'élection présidentielle. Regardez le Michigan, l'immense communauté arabo-américaine de Dearborn, vous savez, les United Auto Workers si puissants. Et il semble que, pour le moins, il ait rendue furieuse la communauté arabo-américaine- palestinienne du Michigan– bien qu'il soit l'un des plus forts supporters des syndicats si l'on regarde les présidents.

BILL FLETCHER : Eh bien, ils sont légitimement furieux. Et le reste d'entre nous devrait l'être. Comme vous l'avez dit, Biden est probablement le président le plus pro-travailleurs que nous ayons eu depuis des décennies. Mais le problème avec sa réponse à Gaza, qui est l'une des raisons pour lesquelles je pense qu'il devrait vraiment se retirer et qu'il devrait y avoir un autre candidat à la présidence sur la liste démocrate, c'est que Biden est fondamentalement sioniste. Il y croit. Je veux dire que ce n'est pas seulement le genre d'opportunisme que nous avons vu avec Obama, en réalité, je ne pense pas qu'il était sioniste, mais pour des raisons très opportunistes, il était prêt à s'aligner sur le soutien d'Israël sur de nombreux points. Je pense que Biden lui y croit réellement.

Et sa proximité avec Netanyahu défie la politique. Cela défie la réalité. Cela défie l'humanité de ne pas pouvoir regarder ce qui se passe et, même au niveau politique pragmatique, dire : « Attendez une minute. Attendez. Attendez. Réévaluons la situation » et, au mieux, appelons à une plus grande aide humanitaire aux Palestiniens. C'est inacceptable. Et je pense que c'est pourquoi il est vraiment important de marteler l'administration avec la question de la Palestine. Nous y reviendrons en novembre.

AMY GOODMAN : Nous allons devoir en rester là, Bill, mais nous allons poursuivre la discussion et la publier en ligne sur freedomnow.org

Notes

AIPAC ou American Israël Public Affairs Committee est un lobby créé en 1963 aux États-Unis visant à soutenir Israël.

Cori Bush, née le 21 juillet 1976 à Saint-Louis (Missouri), est élue pour le Parti Démocrate lors des élections fédérales de 2020 à la Chambre des représentants des États-Unis dans le 1er district congressionnel du Missouri. Elle est membre des Democratic Socialists of America (DSA)
Jay Lovestone a été durant les années 1920s le dirigeant de la fraction des boukhariniens au sein du PC américain. Après la défaite de Nicolas Boukharine et de ses partisans au sein de l'Internationale Communiste et du PCUS, puis de la répression de tous les courants issus du bolchevisme au sein du parti communiste d'URSS durant les purges sanglantes de 1936 à 1938, Jay Lovestone changea d'allégeance et mit sa fraction au service des dirigeants syndicaux du CIO. En 1948, son fidèle lieutenant Irwing Brown fut celui qui apporta les « fameuses » valises de dollars donnés par le CIO aux fondateurs de Force Ouvrière. Le CIO sera ensuite caricaturé en « AFL-CIA » par les staliniens alors même que l'AFL-CIO ne naîtra que plus tard (1955) de la fusion de l'AFL et du CIO.

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Les travailleurs exigent un cessez-le-feu : l’UAW et les syndicats des travailleurs de l’électricité et des postes appellent à la fin de l’assaut israélien contre Gaza. 2ème partie

Suite de l'article qui traite de la façon dont des secteurs de gauche du syndicalisme américain réagissent au contexte international marqué par la guerre à Gaza … et en (…)

Suite de l'article qui traite de la façon dont des secteurs de gauche du syndicalisme américain réagissent au contexte international marqué par la guerre à Gaza … et en Ukraine.

23 janvier 2024 | tiré de Democracy now ! | traduction aplutsoc | Photos ; Bill Fletcher (à gauche) et Jeff Schuhrke (à droite)

AMY GOODMAN : Nous poursuivons avec la deuxième partie de notre examen de la manière dont le mouvement syndical américain augmente la pression sur le président Biden pour qu'il exige un cessez-le-feu dans l'offensive israélienne soutenue par les États-Unis, contre Gaza. Les syndicats ont aidé à organiser une marche vers le siège de l'AIPAC – l'American Israel Public Affairs Committee – ici à New York jeudi dernier, pour appeler les législateurs à cesser d'accepter les contributions financières à la campagne des lobbyistes pro-israéliens. Les syndicats ont appelé à un cessez-le-feu – parmi eux, United Auto Workers, United Electrical Workers, American Post Workers Union, 1199SEIU, les syndicats d'enseignants de Chicago et de Boston, pour n'en citer que quelques-uns.

Pour en savoir plus, nous sommes rejoints à Chicago par Jeff Schuhrke, historien du travail, journaliste et professeur adjoint à la School of Labour Studies de la SUNY Empire State University, ici à New York et à Washington, DC, par Bill Fletcher, syndicaliste de longue date, membre du Réseau de solidarité avec l'Ukraine, membre du comité de rédaction de The Nation , qui a écrit un certain nombre d'articles sur Gaza et Biden.

JUAN GONZÁLEZ : Oui, je voulais commencer par Bill Fletcher. Bill, dans la première partie de notre entretien, vous avez soulevé la question sur laquelle vous avez écrit, suggérant, étant donné la profonde impopularité du président Biden, en particulier parmi les jeunes, compte tenu de sa position sur l'attaque israélienne, la poursuite des attaques contre Gaza , que le président Biden devrait démissionner – ou accepter de ne pas se représenter. Et je voulais explorer cela un peu plus avec vous, parce que, clairement, ce n'est pas inconcevable. Pour ceux qui s'en souviennent, dans les années 1960, le président Johnson a annoncé le 31 mars d'une année électorale qu'il ne se présenterait pas à la réélection, compte tenu de l'énorme échec de sa politique au Vietnam, ce qui a déclenché une course effrénée. Bobby Kennedy s'est lancé dans la course. Eugene McCarthy, bien entendu, était à l'époque le candidat anti-guerre. Et cela s'est terminé par une convention négociée, avec Hubert Humphrey comme candidat. Mais bien sûr, Humphrey a ensuite été battu par Richard Nixon aux élections générales. Je me demande ce que vous pensez du genre de scénario qui pourrait éventuellement se produire si la pression augmentait sur Biden pour qu'il se retire.

BILL FLETCHER : Merci, Juan. Donc, pour clarifier, vous avez raison : je cherche à ce que Biden ne cherche pas à être réélu, fondamentalement… une répétition de ce que nous avons eu en 1968, comme vous l'avez souligné, avec le retrait de Johnson. Et je pense que cette discussion a lieu dans tout le pays. Vous savez, avant le 7 octobre, je n'étais pas tellement préoccupé par l'impopularité de Biden. C'est très courant. Mais ce qui s'est passé après le 7 octobre est très troublant, car il perd des électeurs plus jeunes, et particulièrement des électeurs de couleur, qui sont vraiment consternés par sa position sur Israël, la Palestine et la guerre à Gaza. Et donc, c'est vraiment ma préoccupation en ce moment. Et nous devons avoir, à l'approche du mois de novembre, un front fort contre les forces MAGA , actuellement dirigées par Trump. Je ne pense pas que Biden puisse faire cela pour le moment.

Donc il y a un certain nombre de possibilités. Le plus important, je pense, est que s'il y a suffisamment de pression, il peut alors se retirer, ce qui ouvre de nombreuses discussions sur un candidat alternatif. Et cela nous amènerait probablement à la convention démocrate. Maintenant, beaucoup de gens diront : « Oui, mais regardez ce qui s'est passé en 1968. Il y avait une opposition à Johnson. Johnson se retire et Nixon gagne. Et c'est exact. Et le refus d'Humphrey de se démarquer de la politique de Johnson a tué son élection – sa possibilité d'être élu. Espérons que nous en aurons tiré une leçon.

AMY GOODMAN : Jeff Schuhrke, vous avez écrit un article sur les syndicats des industries de l'armement et la machine de guerre américaine. Pouvez-vous expliquer.

JEFF SCHUHRKE : Oui. Comme nous le savons, l'assaut contre Gaza est en réalité alimenté et financé par le gouvernement américain, à bien des égards, et les armes utilisées à Gaza, les missiles, les bombes, les avions de combat, ont été fabriqués ici aux États-Unis. . Ainsi, lorsque nous parlons de syndicats appelant à un cessez-le-feu ou de syndicats jouant un rôle pour mettre fin à la violence, nous devons évoquer le fait que de nombreux travailleurs des usines d'armement ici aux États-Unis, de nombreuses personnes qui travaillent dans le complexe militaro-industriel, sont membres de syndicats, représentés par des syndicats comme l' UAW et l'Association internationale des machinistes (IAM).

Et je dois également dire – dans un contexte important – que les syndicats palestiniens, y compris la Fédération générale palestinienne des syndicats, ont lancé un appel international à la solidarité envers les syndicats d'autres pays du monde, leur demandant de ne pas participer à la fabrication ou au transport. d'armes pour Israël. Cela crée donc une sorte de dilemme pour le mouvement syndical américain, en particulier pour les militants syndicaux anti-guerre, s'ils sont opposés à l'attaque actuelle d'Israël sur Gaza ou s'ils sont simplement opposés au militarisme, à la guerre et à l'impérialisme en général.

Si nous voulons parler de l'arrêt de la machine de guerre et du démantèlement du complexe industriel – militaro-industriel, nous devons reconnaître le fait qu'il y a environ 2 millions de travailleurs américains dans l'industrie de la défense et de l'aérospatiale, et qu'au moins des dizaines de milliers d'entre eux sont membres de syndicats. Donc …

AMY GOODMAN : Vous avez parlé du syndicalisme palestinien. Donnez-nous un peu d'histoire du militantisme syndical arabo-américain dans son ensemble et du rôle qu'il a joué.

JEFF SCHUHRKE : Oui. A la fin des années 1960 et dans les années 1970, il y a eu une vague assez importante d'immigration arabe aux États-Unis, en particulier dans la région de Détroit, où de nombreux immigrants arabes, arabes américains, y compris palestiniens, travaillaient dans l'industrie automobile. Cela inclut le père de la députée Rashida Tlaib (1), qui travaillait à l'usine d'assemblage Ford Flat Rock, près de Détroit. Et ils ont été confrontés à beaucoup de racisme et de discrimination.

C'était l'époque de la Ligue des Travailleurs Noirs Révolutionnaires, de nombreux travailleurs noirs de l'automobile de l' UAW qui étaient influencés par le mouvement Black Power et qui étaient témoins de beaucoup de racisme systématique au sein du mouvement ouvrier, au sein de l' UAW , et s'organisaient. contre cela, en s'organisant également contre le capitalisme, plus largement. Et certains d'entre eux – la Ligue des Travailleurs Noirs Révolutionnaires – ont été l'un des premiers groupes de membres de syndicats à s'exprimer en solidarité avec les Palestiniens.

Quoi qu'il en soit, en 1973, lors de la guerre d'octobre entre Israël, l'Égypte et la Syrie, des membres de la communauté arabe de Détroit, dont des milliers de travailleurs de l'automobile, ont appris que l' UAW avait financé essentiellement le gouvernement israélien. Et c'était évidemment le cas – ils n'avaient jamais eu leur mot à dire là-dessus. Ils n'en étaient pas conscients. Ils organisèrent donc une série de manifestations, y compris, en novembre 1973, une grève sauvage d'une journée, au cours de laquelle environ 2 000 travailleurs arabes de l'automobile, rejoints par certains de leurs collègues noirs, fermèrent l'usine d'assemblage de Dodge Main pour appeler les dirigeants de l'UAW à se débarrasser de leurs obligations israéliennes. Et ils ont fini par former un Caucus des travailleurs arabes au sein du syndicat qui a été actif pendant plusieurs années et a réussi à amener le syndicat à se débarrasser d'un peu de ses obligations émises par l'État d'Israël

Et au cours des dernières décennies, une partie de ce type d'actions s'est poursuivie, non seulement au sein de l' UAW , mais aussi dans d'autres syndicats, dans d'autres secteurs du mouvement syndical, avec des syndicats ou des conseils centraux du travail essayant de présenter des déclarations, des résolutions de solidarité. avec les Palestiniens, mais ils se heurtent souvent à la résistance des dirigeants syndicaux nationaux qui disent : « Ce n'est pas notre politique. Vous ne pouvez pas dire ça ». Ainsi, par exemple, en parlant encore une fois de l' UAW, entre fin 2014 et début 2016, trois sections locales de syndicats de travailleurs diplômés, qui sont toutes affiliées à l' UAW, à l'Université de Californie, à l'Université du Massachusetts et à NYU, ces syndicats de travailleurs diplômés affiliés à l'UAW ont adopté des résolutions approuvant le BDS, le mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions. Et les dirigeants nationaux – ou internationaux de l'UAW – ont effectivement annulé ces résolutions. Ils ont dit : « Vous ne pouvez pas. Ce n'est pas notre politique de boycotter ou de désinvestir d'Israël. » Et même s'ils ont constaté que ces résolutions avaient été votées de manière parfaitement démocratique et qu'il n'y avait rien et c'était le cas – il n'y avait eu aucun acte répréhensible, ils ont néanmoins, la direction de l'UAW , annulé ces résolutions. Et un de leurs arguments était que certaines des entreprises à boycotter ont des productions d'armement et que leurs travailleurs sont représentés par l' UAW .

Plus récemment, en 2021, après la dernière attaque israélienne contre Gaza, le Conseil du travail de San Francisco se préparait à voter une résolution, une résolution BDS, et l' AFL – CIO nationale est intervenue et a dit, « vous savez, les conseils centraux du travail, qui sont agréés par l' AFL -CIO nationale , ils doivent être en adéquation avec la politique de l'AFL -CIO nationale ». Et parce que l' AFL – CIO nationale ne boycotte pas Israël, ils leur ont dit : « Vous ne pouvez pas voter cela. Vous ne pouvez pas voter pour boycotter Israël. »

Et puis, plus récemment… en octobre de cette année, au Conseil central du travail Thurston-Lewis-Mason, qui se trouve à Olympia, Washington, les délégués de ce conseil du travail ont voté à l'unanimité pour adopter une résolution appelant à un cessez-le-feu et s'opposant à la fabrication et à l'expédition de armes à Israël. Et encore une fois, l' AFL – CIO nationale est intervenue et a dit : « Vous ne pouvez pas faire ça », ce qui leur a fait retirer la déclaration de leur site Web et des réseaux sociaux. Néanmoins, quelques autres Conseils centraux du travail, dans l'ouest du Massachusetts, à Austin au Texas, à San Antonio, ont récemment adopté leurs propres résolutions de cessez-le-feu, défiant ainsi, semble-t-il, l'AFL – CIO nationale .

Il y a donc pas mal de tension ici. Cela nous ramène à ce que Bill Fletcher a dit dans la première partie sur la division qui a toujours existé au sein du mouvement syndical sur les questions internationales. Et souvent, cela ressemble à un fossé entre certains des plus hauts responsables et des membres de syndicats locaux ou de la base ou des dirigeants locaux.

JUAN GONZÁLEZ : Jeff, je me demande si vous pourriez parler de la différence entre ce qui se passe aux États-Unis et ce qui se passe dans d'autres pays, alors que le mouvement syndical palestinien demande des actions de solidarité dans d'autres pays. Que se passe-t-il en Europe ou dans les pays du Sud parmi les syndicats en réponse aux attaques israéliennes sur Gaza ?

JEFF SCHUHRKE : Oui. Dans de nombreuses autres régions du monde, les syndicats vont au-delà de simples déclarations et résolutions et prennent effectivement des mesures concrètes. Ainsi, par exemple, les dockers de Gênes, en Italie, et de Barcelone, en Espagne, ont déclaré qu'ils refuseraient de manipuler toute cargaison israélienne, je pense en particulier les armes destinées à Israël. Un syndicat des cheminots au Japon a dit la même chose. Les mineurs de charbon colombiens ont déclaré qu'ils ne voulaient pas envoyer de charbon en Israël pour alimenter la machine de guerre israélienne. La plupart des principaux syndicats indiens ont publié une déclaration appelant le gouvernement indien à ne pas fournir de soutien matériel à Israël. Et des syndicalistes du Royaume-Uni, d'Australie et du Canada ont participé et organisé des manifestations dans des usines d'armement, les bloquant, les fermant, au moins pendant quelques heures. Et c'est ce que les syndicats palestiniens ont spécifiquement demandé : faire obstacle et perturber la machine de guerre.

Ici aux États-Unis, des manifestations ont eu lieu contre certains fabricants d'armes, mais elles ont pour la plupart été menées par des membres de la communauté et pas nécessairement soutenues par les syndicats ou les membres des syndicats qui travaillent dans ces usines. Mais dans le passé, en 2010, 2014 et 2021, l'Union internationale des débardeurs et des entrepôts, la section locale 10 de l'ILWU , qui regroupe les dockers de la côte ouest, et la section locale 10 de la Bay Area, ont refusé à trois reprises de manutentionner des marchandises israéliennes sur les navires de la ZIM Lines. C'est la principale compagnie maritime israélienne. Il y avait des piquets menés par des membres de la communauté, et les dockers de l'ILWU ont refusé de franchir ces lignes de piquets et n'ont pratiquement pas déchargé ces cargos israéliens. Et puis, cette année, plus récemment, début novembre, il y a eu également des piquets dirigés par la communauté contre un navire de ravitaillement militaire américain, d'abord à Oakland, puis à Tacoma. Et je sais que lors des manifestations, des piquets de grève à Oakland, certains membres de l' ILWU l'ont soutenu. Mais à part cela, il n'y a pas eu autant d'actions directes aux États-Unis pour tenter d'arrêter la machine de guerre. Il s'agit principalement de déclarations et de résolutions appelant à un cessez-le-feu.

AMY GOODMAN : Bill Fletcher, syndicaliste, l'un des responsables du Réseau de solidarité ukrainien, membre du comité de rédaction de The Nation , a écrit « Gaza, Biden et une Voie à suivre » pour The Nation et a écrit « La plus grande menace pour le mouvement fasciste : les syndicats ? » dans In These Times. Et cela fait suite à la question précédente de Juan. Vous avez parlé de Biden et avez dit que vous pensiez qu'il devrait se retirer de la candidature à la présidence l'année prochaine. Mais si vous pouviez parler du rôle du président Trump en matière de Travail ? Il y avait le président Biden sur un piquet de grève, et le président Trump est ensuite intervenu et s'est rendu dans une entreprise non syndiquée. Parlez de ce que vous considérez comme un appel de Trump à un certain nombre de travailleurs de ce pays et des menaces qu'il représente dans ce pays.

BILL FLETCHER : Amy, c'est une menace énorme, à la fois pour les travailleurs, mais aussi si vous regardez le Moyen-Orient. Permettez-moi donc de commencer ma réponse en soulignant que ce que nous voyons à Gaza, à bien des égards, pourrait-on dire, a été dans une large mesure provoqué par Trump et par ce que Trump a fait pour cultiver ses relations avec Netanyahu, en soutenant le la poursuite de l'agression et de l'expansion israéliennes, et le développement des soi-disant Accords d'Abraham, qui visaient à étrangler le mouvement palestinien et le peuple palestinien. Il n'y a donc aucun moyen pour Trump de s'en sortir sur la question de Gaza.

En ce qui concerne les travailleurs, une des choses qui est intéressante est que… je pense qu'une bonne description de Trump à ce stade est celle d'un post-fasciste. Dans le passé, je l'ai généralement qualifié de populiste de droite, mais je pense qu'il est allé plus loin. L'une des choses qu'il s'efforce de faire est de cultiver une image différente du Parti républicain et du mouvement MAGA . C'est pourquoi ils veulent se décrire de plus en plus comme un mouvement de travailleurs. Mais ce dont ils parlent en réalité, c'est d'un mouvement blanc de travailleurs qui soutient un programme économique néolibéral, en grande partie néolibéral, mais un programme incroyablement racialisé.

Et donc, quand nous regardons Trump, rien de ce qu'il a fait pendant son administration n'a été dans l'intérêt des travailleurs ou des syndicats. Rien. Je veux dire, quand vous regardez, par exemple, sa soi-disant réduction d'impôts, qui était en réalité un cadeau fiscal, elle a été très préjudiciable aux travailleurs et a bénéficié à une très petite partie de la population.

Mais ce que fait Trump, c'est qu'il fait appel aux travailleurs, et particulièrement aux travailleurs blancs, sur la base d'un appel xénophobe ou du nativisme, vous savez, l'idée que les immigrants sont la menace majeure, que la concurrence de la Chine est la menace majeure, qu'en gros il reconstruirait les industries américaines grâce à de nouvelles mesures xénophobes –qu'il n'a certainement pas été capable de mettre en œuvre lorsqu'il était président et dont aucune ne profiterait aux travailleurs américains. Mais c'est un appel très convaincant parmi de nombreux travailleurs Blancs et pas seulement – ​​et c'est là que cela devient vraiment intéressant, Amy. Ils parlent des travailleurs blancs. L'attrait pour MAGA , comme c'était le cas pour le mouvement Tea Party, ne s'adresse pas principalement aux travailleurs blancs. C'est principalement parmi les couches moyennes des Blancs. Et c'est ce que je pense que beaucoup de gens, y compris de bons progressistes, ont mal compris, en particulier après l'élection de Trump, que l'appel ne s'adresse pas principalement aux travailleurs blancs.

Aujourd'hui, le mouvement syndical se trouve dans une situation où, pour combattre MAGA , pour combattre les fascistes, il lui faut faire deux choses. L'un d'entre eux est évidemment un message et une pratique économique populaire et progressiste. Mais cela ne suffit pas. L'autre aspect est qu'il doit s'attaquer activement aux questions de race et de sexe. Il ne peut pas penser qu'il peut éviter ces problèmes et que cela nous rassemblera tous dans un grand kumbaya. Ça n'arrivera pas. Combattre les fascistes va nécessiter d'adopter une position avancée pour changer l'économie, changer la façon dont les travailleurs sont écrasés. Mais cela nécessitera également de s'attaquer réellement à ce qui arrive aux travailleurs de couleur, à la façon dont les immigrants sont joués – ou à la question de l'immigration et à la question du sexe. C'est l'avenir, je pense, d'un mouvement, d'un mouvement ouvrier antifasciste.

JUAN GONZÁLEZ : Bill, je voulais revenir sur ce point que vous avez soulevé, à savoir que la base Trump n'est pas vraiment une base traditionnelle de la classe ouvrière. Je partage ce point de vue depuis de nombreuses années maintenant, car, tout d'abord, la réalité est que de nombreuses personnes qui faisaient autrefois partie de la classe ouvrière ou du mouvement syndical américain ont été contraintes, essentiellement, à travailler de manière occasionnelle – des camionneurs indépendants plutôt que des travailleurs syndiqués. des camionneurs, des franchiseurs qui, au lieu d'être des employés légaux d'une entreprise, possèdent désormais leur propre franchise – créant essentiellement une aristocratie du travail beaucoup plus grande qu'elle n'existait autrefois, comprenant, en plus de cela, les syndicats des secteurs judiciaires, de l'application des lois, des syndicats de policiers, des syndicats pénitentiaires, des syndicats de patrouilles frontalières, de toute la surveillance et de la répression de l'État qui est syndiqué, que c'est là en réalité la base de Trump, plutôt que le mouvement ouvrier organisé traditionnel et les travailleurs des secteurs les plus opprimés . Mais la question devient alors : comment construire un mouvement, un mouvement d'opposition à la nouvelle forme de fascisme de Trump ?

BILL FLETCHER : Donc c'est la question à 64 000 $(2), Juan. Et je suis d'accord avec votre analyse de base. J'ajouterais seulement que ce qui se passe dans l'économie est en outre une atomisation et une fragmentation du travail et des travailleurs. Il y a donc de nombreux travailleurs indépendants qui ne sont que techniquement indépendants. En fait, ils ont des employeurs, mais ce sont des travailleurs indépendants (assujettis au formulaire fiscal 1099) Autrement dit, ils sont considérés comme des entrepreneurs, même si, en réalité, ils font tous partie de la classe ouvrière.

Je pense que la construction du front anti- MAGA est une bataille autour de la démocratie. C'est l'une des raisons pour lesquelles je m'abstiens d'utiliser la notion de guerres culturelles. Je ne pense pas que nous soyons engagés dans une guerre culturelle. Je pense que nous sommes engagés dans une bataille autour de la démocratie et de la mesure dans laquelle la démocratie est soit élargie, soit réduite. Devons-nous élargir la démocratie pour s'adresser aux femmes, aux personnes opprimées par le genre, aux personnes de couleur, au fonctionnement de l'économie, ou devons-nous la restreindre ? Allons-nous étendre la démocratie pour répondre aux diverses sectes religieuses persécutées, ou la restreindre. Devons-nous développer la démocratie afin de démocratiser l'économie, de sorte qu'au lieu d'écraser les pauvres, nous ayons un système fiscal humain, démocratique, avec un petit « d » ? Je pense que c'est la base pour construire ce large front. Et donc, ce que cela ne signifie pas – et je deviens presque meurtrier à chaque fois que j'entends des démocrates dire cela – qu'il s'agit de virer davantage vers le centre. Non, non ! Danger, Will Robinson(3). Il ne s'agit pas de virer vers le centre. Il s'agit de prendre une position très ferme sur ce qui doit arriver aux masses, aux millions de travailleurs, en matière d'économie. C'est là que nous pouvons construire ce front.

Maintenant, une des choses, Juan, qui m'a vraiment étonné, c'est le niveau de lâcheté de nombreux dirigeants syndicaux lorsqu'il s'agit de s'attaquer réellement à MAGA . J'ai en fait participé à des discussions avec des dirigeants syndicaux sur la nécessité de nous attaquer à la droite. Et ils ont peur. Je veux dire, ils sont pétrifiés à l'idée – que les hommes blancs vont fuir hystériquement les locaux syndicaux – n'est-ce pas ? – criant, criant, de ne jamais revenir, s'ils commencent à s'occuper de race, de genre, de sexe et de la question du fascisme, et contrairement à cela, non, c'est comme ça que nous allons nous unir, c'est comme ça que nous allons vaincre la droite, à la fois dans nos rangs mais aussi plus généralement.

AMY GOODMAN : Bill Fletcher, je voulais vous interroger sur les questions internationales, de l'Ukraine à Israël, le lien entre le financement d'Israël, le financement de l'Ukraine et, bien sûr, le lien avec la frontière, qui a tout retardé, les Républicains veulent que des mesures extrêmement draconiennes soient prises à la frontière, et les Démocrates progressistes ripostent, même s'ils estiment que Biden fait plus de compromis avec les Républicains qu'avec eux, comme le Congressional Progressive Caucus (4). Mais je voulais vous poser des questions sur l'Ukraine et Israël, sur votre point de vue en tant que co-fondateur du Réseau de solidarité avec l'Ukraine.

BILL FLETCHER : De mon point de vue l'Ukraine et les Palestiniens partagent beaucoup de points communs, ils sont tous deux victimes d'une agression flagrante. Ils sont tous deux victimes d'un projet colonial : dans le cas de l'Ukraine, celui de la Russie ; dans le cas des Palestiniens, évidemment, ce que font les Israéliens depuis 1948, et je dirais en fait depuis 1946.

Et donc, il y a en fait une sorte de — je dirais presque, Amy, que nous sommes dans une ère de mondialisation des luttes anti-occupation — Ukraine, Palestine, Cachemire, Papouasie occidentale, Porto Rico, etc. Il existe de nombreux exemples de luttes anti-occupation en cours et ces luttes anti-occupation commencent à réapparaître, à se mondialiser et à établir des liens importants. Nous, la gauche américaine, devons soutenir cela. Et le Réseau de solidarité avec l'Ukraine [USN] en fait partie. Et contrairement à ce que Biden affirme, à savoir qu'il veut soutenir les Ukrainiens et soutenir l'agression israélienne, nous pensons qu'il y a absolument une contradiction dans les termes. Il n'y a pas de similitude.

Mais autre chose se passe. Les Républicains font tout ce bruit à propos de la frontière. Mais ce qui n'apparait pas dans tout cela c'est qu'il existe une aile pro-Poutine du Parti républicain qui se développe, il existe un segment très important du Parti républicain, et réellement implanté à la base dans le MAGA , qui considère Poutine comme un allié politique. . Et ils considèrent le régime Poutine et le projet Poutine comme quelque chose qui doit être reproduit aux États-Unis – le nationalisme chrétien de Poutine, je dirais, l'homophobie de Poutine, sa misogynie, son suprématisme blanc, son idée que la Russie défend, en fait, le monde européen et le monde occidental. C'est quelque chose qui résonne parmi les forces MAGA. Et malheureusement, il y a des segments de la gauche américaine qui semblent s'être mis du coton dans les oreilles lorsque cela se présente. Ils ne veulent pas entendre cette discussion. Ils ne veulent pas reconnaître que cela fait partie de ce qui se passe. Mais cela fait partie des motivations des Républicains qui tentent de bloquer toute aide à l'Ukraine.

Donc, en résumé, je ne suis pas du tout favorable à une quelconque forme d'aide à Israël. Coupez l'aide militaire. Arrêtez ça ! Mais le lien que Biden a établi entre l'aide à l'Ukraine et l'aide à Israël est absolument horrible.

JUAN GONZÁLEZ : Mais, dans cette optique, Bill, du point de vue des personnes souffrant des effets de la guerre, n'est-il pas une position plus cohérente pour avoir des cessez-le-feu, non seulement en Israël, mais aussi en Ukraine à cette étape ? et essayer de trouver un moyen de négocier la paix ?

BILL FLETCHER : Eh bien, vous savez, c'est une question intéressante, Juan, et elle est en débat. En fin de compte, la réponse appartiendra aux Ukrainiens. Et ils devront décider, tout comme les Coréens ont dû décider, tout comme les Vietnamiens ont dû décider, s'ils veulent ou non appeler à un cessez-le-feu, s'ils veulent diviser leur pays, s'ils pensent que les perspectives de victoire sont là ou pas. Cela ne dépend pas de nous. Et c'est l'une de ces choses où je pense que des segments de la gauche américaine prouvent à quel point ils sont américains dans leur chauvinisme, en allant dire aux Ukrainiens comment résoudre ça. Ma conviction est que dans la mesure où les Ukrainiens veulent lutter et continuer de lutter contre l'agression russe, cela doit être soutenu, de la même manière que les autres peuples qui luttent contre l'agression d'une puissance étrangère ont besoin d'être soutenus. Si, à un moment donné, le peuple ukrainien dit : « OK, nous n'allons pas gagner », ou que « nous décidons qu'une autre solution doit être adoptée », alors je pense que c'est important, au nom de l'autodétermination que les gens d'ici soutiennent cela.

AMY GOODMAN : Eh bien, je tiens à vous remercier tous les deux.

Notes

(1) Rashida Tlaib, née en 1976 à Detroit (Michigan), est membre des Democratic Socialists of America (DSA) et du Parti Démocrate. Elle a été élue en 2018 à la Chambre des représentants des États-Unis devenant, la première personnalité d'origine palestinienne élue au Congrès.

(2) La question à 64 000 $ était un jeu télévisé américain diffusé aux heures de grande écoute sur CBS-TV de 1955 à 1958, qui tient sa notoriété des scandales des quiz télévisés des années 50 .

(3) Will Robinson est le personnage principal de la série télévisée de 2018 « Perdus dans l'Espace »

(4) Le Congressional Progressive Caucus ( CPC ) est une coalition affiliée au Parti démocrate au Congrès des États-Unis. Le CPC représente le regroupement le plus à gauche du Parti démocrate. Il a été fondé en 1991 et s'est développé depuis lors, devenant le plus grand caucus démocrate à la Chambre des représentants. Le CPC est présidé par la représentante américaine Pramila Jayapal.

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Ukraine : Crise de l’eau, une initiative syndicale à Kryvyi Rih

30 janvier 2024, par Yuri Samoilov — , ,
Bonjour, je m'appelle Yuri Samoilov, président du syndicat indépendant des mineurs de la ville de Krivyi Rih. J'aimerais parler d'écologie. La destruction de la centrale (…)

Bonjour, je m'appelle Yuri Samoilov, président du syndicat indépendant des mineurs de la ville de Krivyi Rih. J'aimerais parler d'écologie. La destruction de la centrale hydroélectrique de Kakhovka par les occupants russes a fait de l'approvisionnement en eau potable un problème majeur pour les travailleurs. L'eau potable en ville n'est en réalité pas gratuite, vous ne pouvez l'acheter que dans les magasins.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Il y avait un problème avec l'eau auparavant. À Krivy Rih, l'eau n'a toujours pas été de très bonne qualité, car on y pratique activement l'exploitation minière et l'extraction de minéraux. La profondeur des travaux actuellement en cours est d'environ deux kilomètres de profondeur, car toute l'eau restante a disparu, pompée et transformée en une sorte de composés chimiques.

Notre projet de solution

Nous voyons une solution au problème dans l'extraction de l'eau de puits profonds.

Les capitalistes et leur pouvoir ne se soucient pas beaucoup de cette question ; ils considèrent l'approvisionnement en eau à travers le prisme de leurs intérêts et de leurs profits. Ils font un business en vendant de l'eau en bouteille à ceux qui peuvent payer. C'est leur décision. Ils veulent également transformer le forage de puits et la distribution d'eau en une entreprise. Ils transformeront n'importe quel projet d'approvisionnement en eau en profits. La position de la classe ouvrière de Krivyi et l'opinion de tous les gens sont que l'eau ne doit pas être transformée en marchandise. L'eau est un bien commun.

Il est nécessaire de commencer à forer des puits, et ils doivent appartenir au peuple et non aux intérêts particuliers. Cela déterminera la nature du projet.

Il y a plusieurs composantes à ce projet.

Par exemple, le volet technique est l'achat d'équipement, à savoir la collecte de fonds pour un appareil de forage et ses composants. Pour faire fonctionner les puits, une pompe et une électricité autonome de secours sont nécessaires. Il existe de nombreux détails techniques de ce type et nous y réfléchirons tous.

Il y a aussi des problèmes d'organisation. Qui percera, comment le travail lui-même sera effectué. Nous pensons qu'il s'agira d'une équipe bénévole de forage de puits qui, grâce à sa coopération, devrait elle-même recevoir de l'eau potable en signe de gratitude.

Avec une bonne organisation avec un seul appareil de forage, il est possible de forer et d'équiper au moins un ou plusieurs puits à la fois. L'eau propre, comme l'air, ne peut être vendue.

L'eau potable doit être gratuite et accessible à tous. Le projet devrait fonctionner gratuitement.

Le problème de la conscience de masse sera également résolu : nous devons expliquer aux gens que non seulement l'air et l'eau doivent être gratuits.

Aujourd'hui, tous les produits de base sont produits en quantité suffisante pour tous. Et fournir aux gens de la nourriture, de l'eau potable, du chauffage, des produits alimentaires et des médicaments de base ne devrait pas être un problème aujourd'hui.

Non seulement l'eau, mais tous ces biens de base peuvent et doivent être gratuits, comme le droit de toute personne.

L'État, le gouvernement et les capitalistes ne veulent pas garantir cela et, de par leur nature de classe, ils ne le peuvent pas.

Ils veulent que l'eau soit une marchandise. Ils vivent en échangeant tous les avantages possibles. Si cette politique se poursuit, nos descendants devront décider où se procurer de l'oxygène, car il sera payant.

Seule la classe ouvrière organisée peut fournir à chacun les biens de première nécessité.

Il y a aussi un problème juridique à cela. Parce que la législation de la production par l'État ukrainien rend très problématique le prélèvement d'eau et le forage de puits. Mais la Constitution ukrainienne déclare que les ressources minières appartiennent au peuple et que chacun a droit à une vie décente.

Pour soutenir l'initiative syndicale, c'est ici

https://laboursolidarity.org/fr/n/3023/crise-de-l039eau-une-initiative-syndicale-a-kryvyi-rih

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Halte aux attaques contre l’IVG instrumentale !

Le décret d'application qui permet enfin aux sages femmes de pratiquer des ivg instrumentales (= par aspiration) a été publié le 16 décembre 23. Nous l'attendions depuis le 2 (…)

Le décret d'application qui permet enfin aux sages femmes de pratiquer des ivg instrumentales (= par aspiration) a été publié le 16 décembre 23. Nous l'attendions depuis le 2 mars 2022, date de promulgation de la loi dite « Gaillot ». On manque de médecins, tout le monde le sait. Des centres où se pratiquent les IVG ferment car des maternités de proximité où ils sont implantés ferment.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/12/26/halte-aux-attaques-contre-livg-instrumentale/

La publication de ce décret était attendue avec impatience pour permettre de « fluidifier » l'accès à l'IVG et d'en réduire les inégalités d'accès sur les territoires. Les sages femmes sont formées, compétentes, elles pratiquent parfois des accouchements difficiles où la vie de la femme et de l'enfant sont menacées.

Ceci est reconnu et ne pose pas de problème. Pour l'IVG, visiblement leur compétence est mise en doute. En effet, selon le décret, pour que les sages femmes puissent pratiquer des IVG « instrumentales », il ne faut pas moins de quatre médecins prêts à intervenir en cas de problème : un médecin compétent en matière d'IVG, un gynécologue-obstétricien, un anesthésiste-réanimateur. Et de surcroît une équipe ayant la capacité de prendre en charge des embolisations artérielles dans des délais compatibles avec les impératifs de sécurité des soins. Cette technique est utilisée en cas d'hémorragie utérine grave, complication parfois d'un accouchement mais exceptionnellement d'une IVG.

L'enjeu est clair ici, au décours d'un décret d'application qui devait être anodin : cela devient une bataille idéologique contre l'IVG instrumentale.

Les femmes doivent être libres de choisir leur méthode pour avorter.

En effet, bien peu de structures pratiquant les IVG possèdent les conditions requises dans ce texte.

Le but est clair : faire passer l'IVG instrumentale comme une intervention sujette à complication alors que c'est un acte simple ne nécessitant pas une mobilisation médicale totalement démesurée. Il existe de nombreuses façons de combattre l'avortement.

Aux États Unis, cela passe par la Cour Suprême qui remet en cause ce droit avec pertes et fracas. En France, c'est au décours d'un décret d'application, publié à la veille des fêtes de fin d'année, qu'on s'attaque de façon insidieuse à l'IVG instrumentale. Nous avons l'habitude, nous ne laisserons pas faire.

Nous appelons les militantes féministes à se mobiliser à la rentrée contre cette provocation. A suivre.

Association Nationale des Sages Femmes Orthogénistes, Association Nationale des Centres d'IVG et de Contraception, Collectif « Avortement en Europe, les femmes décident » Planning Familial

https://solidaires.org/sinformer-et-agir/actualites-et-mobilisations/nationales/halte-aux-attaques-contre-livg-instrumentale/

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Le « backlash » gouvernemental dans la lutte contre les violences intrafamiliales

Après « Briser le silence », voici venu le temps de « Briser l'espoir ». Alors que la responsabilité qui nous incombe est de faire preuve de lucidité pour réformer un système (…)

Après « Briser le silence », voici venu le temps de « Briser l'espoir ». Alors que la responsabilité qui nous incombe est de faire preuve de lucidité pour réformer un système générateur de violences inacceptables ; alors que le gouvernement avait commencé à ouvrir un œil sur ce système ; ce dernier a clairement décidé de faire machine arrière.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/01/09/le-backlash-gouvernemental-dans-la-lutte-contre-les-violences-intrafamiliales/

La campagne de Charlotte Caubel, qui exhorte les victimes à « briser le silence », place une fois de plus la responsabilité du côté des victimes – comme si c'était à elles d'agir – plutôt que de s'attaquer à la société des adultes, et de pointer la responsabilité de ceux à qui revient le devoir de protéger. Reconnaître la responsabilité des adultes, regarder en face les problèmes de notre société, les nommer : c'est ce qu'a fait le juge Edouard Durand. Il a été remercié et brutalement évincé de la CIIVISE le lundi 11 décembre 2023, après trois années de dévouement absolu pour les victimes d'inceste. Son éviction – largement condamnée par le monde associatif et par les membres de la Ciivise eux-mêmes, dont 11 ont déjà démissionné [1] – est l'arbre qui cache une forêt des plus inquiétantes.

L'inceste, et au-delà, toutes les formes de violences envers les enfants, est un sujet politique, une histoire plurimillénaire de domination masculine et adultiste. Seule une volonté politique pourra venir à bout de ce fléau qui n'est tabou que parce que tout est fait pour fabriquer le silence et garantir le maintien d'un système judiciaire qui protège l'impunité des agresseurs. Pourquoi est-il si difficile pour notre société d'adultes, gangrénée par des siècles de culture patriarcale, de se remettre en question ? En effet, quelle solution est apportée au parent qui recueille les dénonciations d'inceste de son enfant et cherche à le protéger ?

Dans l'écrasante majorité des cas, c'est la mère à qui revient la responsabilité de signaler les suspicions à l'institution [2]. Et contre toute attente, au lieu de protéger l'enfant, notre société se livre à une véritable « chasse aux sorcières » à l'égard des mères qui croient leurs enfants. D'autant plus lorsqu'elles dénoncent au passage les violences qu'elles ont elles-mêmes subies de la part d'un conjoint dont on continue à dire qu'il peut être un « bon père ». On les condamne, elles et leurs enfants, sur l'autel de la « présomption d'innocence ». Or personne n'a jamais demandé à condamner un père sur la seule parole d'un enfant, ni de sa mère ! Tout ce que nous demandons, c'est la mise en place d'un principe de précaution [3]. Nous exigeons du bon sens : quel parent, fut-il juge, laisserait son enfant repartir chez un parent qui lui fait peur, et dont il dénonce lui-même des actes incestueux ?

Deux rapporteurs spéciaux de l'ONU ont directement interpellé l'État français, le 27 juillet dernier, pour lui demander des explications concernant trois affaires emblématiques dans lesquelles une mère se retrouve condamnée pour n'avoir pas remis l'enfant au père malgré des signalements de professionnels, et l'enfant placé entre les mains de celui qu'il dénonce [4]. Ces cas ne sont malheureusement pas isolés. En effet, rien n'est mis en œuvre pour permettre une véritable protection des enfants victimes de violences.

Les médecins ne font des signalements qu'au péril de leur carrière. 101 professionnels du droit, de la santé et du monde associatif se sont réunis pour dénoncer la façon dont l'Ordre des Médecins fait obstruction à la lutte contre les violences faites aux enfants : « l'Ordre a condamné à de lourdes interdictions d'exercice des médecins qui n'avaient fait que signaler des enfants en danger. Ce faisant, il n'a pas respecté l'article 226-14 du Code pénal qui précise que dans ces cas la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire ne peut être engagée. »[5]

La création d'une commission « scientifique » sur la parentalité par la ministre des Solidarités et de la Famille, Aurore Bergé, aurait pu être une bonne nouvelle si elle ne s'était pas faite sous le signe de la sanction et de la stigmatisation des familles monoparentales qui sont, à 85%, portées par des femmes. Par ailleurs, l'un de ses présidents, le psychiatre Serge Hefez, défend le « syndrome d'aliénation parentale ». Syndrome qui, bien que rejeté par la communauté scientifique internationale, continue de prospérer au sein des tribunaux pour défendre les hommes accusés de pédocriminalité en rejetant la culpabilité sur les mères et en les accusant de manipuler leur enfant [6] !

La loi Santiago [7], qui propose de suspendre les droits du parent mis en cause, constitue une avancée que nous saluons, mais n'intervient qu'à partir du moment où il y a « mise en examen » et non à partir de l'enquête préliminaire, ce qui concerne seulement un cas sur quatre ! 74% des enfants doivent retourner chez leur agresseur après l'avoir dénoncé. Par ailleurs, elle fait l'impasse sur le pouvoir absolu laissé aux Juges aux affaires familiales de restituer ses droits à un parent condamné au pénal passé un délai de six mois.

Où que l'on regarde, nous ne pouvons qu'être a minima inquiet·es. Nous n'en sommes plus à discuter de mesures que nous pourrions juger trop timides ou insuffisantes : nous constatons, effrayé·es, un virage à 80° de la part du gouvernement. C'est pourquoi, nous, associations engagées dans la lutte contre les violences faites aux enfants et aux femmes, adultes et parents concerné·es et responsables, appelons à une prise de conscience des pouvoirs publics quant au caractère alarmant de la situation et apportons notre soutien inconditionnel aux 11 membres qui ont démissionné de la Ciivise en signe de protestation.

Tribune co-écrite par la Collective des mères isolées, Justice des familles, et WeToo stop child abuse.

Associations signataires :
Reppea
La Mouette
Protéger l'enfant
SOS Inceste pour revivre
Union Nationale des Familles de Féminicides
BeBrave
Caméléon
Un Nouveau Jour
Mouv'Enfants
Protégeons les enfants
Collectif enfantiste
Fédération Nationale des Victimes de Féminicides
CDP Enfance
La génération qui parle
Pas de secret
Le déni ça suffit
Innocence en danger
Les enfants de Tamar

[1] https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/12/14/onze-membres-de-la-ciivise-demissionnent-en-signe-de-protestation-apres-le-remplacement-d-edouard-durand_6205877_3224.html
[2] Dans 96% des cas, les auteurs d'inceste sont des hommes.
https://fr.statista.com/themes/8097/la-pedocriminalite-en-France/#statisticChapter
[3] Conformément aux recommandations de la Ciivise, qui préconise la création d'une « ordonnance de sûreté » pour les enfants.
Cf. https://www.ciivise.fr/wp-content/uploads/2023/11/VERSION-DEF-SUR-LE-SITE-1611.pdf, p.35, Préconisation n°26.
[4] https://spcommreports.ohchr.org/TMResultsBase/DownLoadPublicCommunicationFile?gId=28207
[5] https://www.nouvelobs.com/opinions/20231020.OBS79768/violences-faites-aux-enfants-101-professionnels-du-droit-de-la-sante-et-du-monde-associatif-repliquent-a-l-ordre-des-medecins.html
[6] Comme l'ont encore rappelé les chercheurs Gwenola Sueur et Pierre-Guillaume Prigent dans une interview parue le lundi 11 décembre, ce syndrome n'est autre qu'une invention perverse du psychiatre masculiniste américain Richard Gardner destinée à protéger les hommes accusés de pédocriminalité, et qui n'a jamais été reconnue par la communauté scientifique.
https://www.lesnouvellesnews.fr/comment-le-syndrome-dalienation-parentale-a-envahi-la-sphere-politique-et-judiciaire/

[7] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/dossiers/alt/mieux_proteger_accompagner_victimes_violences_intrafamiliales

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Daya Laxmi : « Les accords de libre-échange affectent et victimisent les groupes paysans »

30 janvier 2024, par Daya Laxmi , Natalia Lobo — , ,
Une militante de la MMF au Népal parle des impacts de l'ALC dans la région de l'Asie du Sud Tiré de Capiré https://capiremov.org/fr/entrevue/daya-laxmi-les-accords-de-libre-ec

Une militante de la MMF au Népal parle des impacts de l'ALC dans la région de l'Asie du Sud

Tiré de Capiré
https://capiremov.org/fr/entrevue/daya-laxmi-les-accords-de-libre-echange-affectent-et-victimisent-les-groupes-paysans/
18/12/2023 |
Interview réalisée par Natália Lobo
Interprétation consécutive du népalais à l'anglais par Madhab Pant
Foto : La Via Campesina 2023

Les femmes du monde entier organisent la lutte contre le capitalisme et le néolibéralisme. Dans la région de l'Asie du Sud, ces forces, sous la forme d'accords de libre-échange (ALE), jouent un rôle important dans l'appauvrissement des paysannes et des femmes dans les zones rurales et urbaines. Parmi les principaux agendas des mouvements populaires au Népalil y a des luttes pour que la Constitution puisse véritablement servircomme base pour garantir les droits fondamentaux de tous les citoyens, y compris la souveraineté alimentaire et la participation des femmes à la vie politique. Le pays a connu une immense mobilisation qui a abouti, en 2006, à l'abolition de la monarchie et à la mise en place d'un gouvernement républicain. Depuis la révolution de 2006, deux constitutions ont été rédigées : la Constitution intérimaire de 2007 et la Constitution actuelle en vigueur au Népal de 2015.

Capire a parlé avec Daya Laxmi, membre du Comité international de la Marche Mondiale des Femmes représentant la région Asie-Pacifique. L'entrée de Daya dans le comité a été approuvée lors de la 13e Rencontre internationale de la MMF, tenue en octobre à Ankara, Turquie, siège actuel du Secrétariat international de la MMF. À côté de Daya, la région est représentée par Hadina Soka, d'Indonésie, et Oriane Cingone et Marie-Hélène Trolue, de Nouvelle-Calédonie. Dans son pays, Daya est également trésorier de la Fédération des paysans népalais (All NepalPeasants' Federation – ANPF), une organisation qui intègre la Via Campesina.

Dans l'interview, Daya a parlé des impacts de l'ALC dans son pays, de la lutte paysanne et de la lutte pour faire de la souveraineté alimentaire un droit fondamental, ainsi que de la façon dont les femmes s'organisent pour lutter contre le patriarcat enchevêtré dans les traditions. Cette interview a été menée pendant la 8e Conférence de la Via Campesina, qui s'est tenue en décembre 2023 à Bogotá, en Colombie. Plus de 400 délégué.e.s du mouvement et des organisations alliées se sont réuni.e.s pendant la conférence pour construire la lutte, avec la devise « Face aux crises mondiales, nous construisons la souveraineté alimentaire pour assurer un avenir à l'humanité ! ».

Quels sont les effets des accords de libre-échange aujourd'hui au Népal et dans la région asiatique ? Existe-t-il des accords de libre-échange actifs ?

Les accords de libre-échange posent de nombreux défis à la région asiatique. Au Népal, ils détruisent l'économie rurale en créant une situation de dépendance économique. En Asie, ces accords apparaissent sous différentes formes, comme dans les accords bilatéraux de protection et de promotion des investissements (ABPPI), les accords bilatéraux et multilatéraux entre l'Asie de l'Est et l'Asie du Sud. Dans les pays d'Asie du Sud, il y a l'Accord commercial Asie-Pacifique (ACAP), et à cause de ces accords, des pays comme le Sri Lanka, qui était le plus riche de la région, sont maintenant en faillite, pauvres et confrontés à une immense crise économique. Il y a aussi l'ABPPI entre le Népal et l'Inde qui provoque une crise de l'économie népalaise. Et aussi le Partenariat Économique Global Régional (Regional Comprehensive Economic Partnership – RCEP), un accord de libre-échange entre les pays d'Asie du Sud et l'Australie, la Chine, l'Indonésie, le Japon et la Corée du Sud, qui a profondément affecté la région.

Ce grand nombre d'accords de libre-échange profondément enracinés dans la région a affecté et victimisé des groupes de petits et moyens paysans. Les personnes sans terre et les petits paysans produisent de la nourriture et toutes sortes de produits, mais ils n'ont pas de marché. Les marchés et même leurs moyens de production sont capturés par les puissances capitalistes néolibérales. Ces petits paysans n'ont pas de propriété foncière et perdent le peu de terre qu'ils ont, ce qui les appauvrit. Nous pouvons parler de divers effets de cela sur la vie de ces personnes, tels que la crise économique et l'absence de marché pour les biens qu'elles produisent. Cela conduit à la famine, aux conflits, à l'exploitation du travail, aux disparités et à la discrimination, tandis que les personnes paysannes sont privées de droits. Les impacts de ces ALC opérant dans la région se voient dans la crise climatique et économique que nous traversons. Ils violent les droits humains. Les petits paysans, les vrais paysans, ont de moins en moins de terre.

Quelles sont les conséquences effectives pour les paysannes de l'inclusion de la souveraineté alimentaire dans la construction du mouvement au Népal ? Quels sont les défis ?

Le mouvement agraire et paysan du Népal a émergé il y a 70 ans. En 2015, nous avons promulgué une nouvelle Constitution, parce que nous avons des gens qui se battent depuis 2006. Cette nouvelle Constitution garantit que la souveraineté alimentaire est un droit fondamental de notre peuple. Maintenant, nous promulguons une Loi sur l'agriculture, qui a déjà été adoptée, mais non appliquée. Les personnes paysannes ont des droits obligatoires en vertu de notre Constitution, mais cette loi définit comment ces droits seront mis en œuvre. Cette loi a été élaborée et construite par le Parlement pour les paysans, et elle indique ce qu'ils doivent faire et quels sont leurs droits. Ce que nous allons mettre en œuvre : c'est par la loi. La participation des femmes aux négociations pour la construction de la loi a été forte. Nous participons à la discussion de tous les aspects de cette constitution en relation avec l'agriculture auprès du ministère, au niveau fédéral, au niveau des provinces, et même dans les instances locales. Au Népal, la représentation des femmes est obligatoire à tous les niveaux du gouvernement. De plus, il doit toujours y avoir une représentation autochtone.

Il y a quelques défis.La Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et paysannes et autres personnes travaillant dans les zones rurales(United Nations Declaration on the Rights of Peasants– UNDROP) n'a pas été pleinement mise en œuvre. Nous avons donc essayé de créer de nouvelles lois et de nouveaux dispositifs juridiques pour son implémentation. La déclaration garantit les droits et la propriété des personnes paysannes. Mais il est très difficile de transformer le secteur agricole en raison de l'intervention internationale ou étrangère sur les questions nationales. Ces divers pouvoirs étrangers, ces puissances impérialistes et capitalistes, tentent de forcer les programmes de banques foncières et les investissements directs étrangers. Ces programmes tentent, par exemple, de mettre en œuvre des pipelines dans le pays, mais l'organisation paysanne lutte contre cela, et jusqu'à présent, ils n'ont pas été mis en œuvre.

Le pouvoir étranger essaie d'attirer toutes sortes d'interventions, mais la souveraineté alimentaire est notre droit, nous avons donc rédigé une nouvelle constitution qui est en cours de mise en œuvre, mais comment protéger ces droits est un défi.
Daya Laxmi

Les paysans et paysannes — et tous les peuples — doivent être sensibilisés à leurs droits. Le Népal est un pays diversifié. Nos langues, notre culture, nos rituels montrent notre diversité. C'est un pays de nombreuses langues, cultures et traditions différentes, alors comment est-il possible de réaliser l'unité dans la diversité ? C'est un pays agricole, et la plupart des femmes du pays dépendent de cette activité, bien qu'elles n'aient ni droits ni propriété. Les femmes sont sur terre. Selon le dernier recensement, à partir de 2020, il y a 1,5 million de femmes engagées dans l'agriculture au Népal, mais seulement 21% d'entre elles possèdent des terres. Les autres sont des femmes sans terre, ou la terre est au nom des hommes de la famille. L'intervention capitaliste internationale est notre plus grand défi. Nous avons des ressources naturelles, mais elles ne sont pas accessibles aux femmes. Le patriarcat est l'obstacle à la mise en œuvre des droits des femmes.

Pouvez-vous parler davantage de la dimension patriarcale dans les traditions culturelles ? Comment les femmes construisent-elles le féminisme dans ces traditions culturelles ?

Nous vivons dans une société patriarcale et inégalitaire qui, pendant longtemps, n'a pas permis aux femmes de quitter la cuisine. En conséquence de la lutte des femmes, lors de la révolution populaire de 2006, nombre de leurs droits ont été garantis. Après la mise en œuvre de la Constitution intérimaire du Népal cette année-là, une élection pour l'Assemblée constituante a eu lieu et les femmes dirigeantes ont fait entendre leur voix pour assurer une participation de 33 % dans toutes les institutions gouvernementales et organisations de la société civile. Actuellement, au niveau fédéral, nous avons la présidence et la vice-présidence, et l'un de ces postes doit toujours être occupé par une femme. Nous construisons des lois pour assurer l'égalité entre les hommes et les femmes, avec parité et sans discrimination.

Nos défis sont de protéger nos droits et de mettre en œuvre ces réalisations. Nous pouvons diffuser, sensibiliser, organiser des formations pour les personnes, pour les femmes. Les femmes soulignent que les forces capitalistes et impérialistes augmentent la discrimination dans la société. Et pour lutter contre cela, nous devons élaborer nos lois, telles que la Loi sur l'agriculture, la Loi sur la lutte contre la violence domestique et les lois de mise en œuvre de l'UNDROP. Ces dispositions légales, ces lois soutiennent les droits établis pour les femmes dans le pays. Nous luttons pour une réforme structurelle de la société.

Traduit du portugais par Andréia Manfrin Alves

Édition par Bianca Pessoa et Helena Zelic

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Souveraineté financière et bien vivre : besoins historiques des peuples

30 janvier 2024, par Rosilène Wansetto, Sandra Quintela, Talita Guimarães — , ,
Depuis au moins 50 ans, l'accumulation capitaliste est régie par le cadre politique et économique néolibéral en Amérique latine. Au cours de cette période, les États-nations (…)

Depuis au moins 50 ans, l'accumulation capitaliste est régie par le cadre politique et économique néolibéral en Amérique latine. Au cours de cette période, les États-nations ont subi de profondes réformes et, sous le discours de la « modernité », ont ouvert les piliers structurants de la financiarisation.

Tiré de Capiré

27/01/2024 |
Par Rosilène Wansetto, Sandra Quintela et Talita Guimarães.
Édité par Tica Moreno.
Photo : Jubileu Sul

Les pays et leurs peuples ont perdu la capacité de gérer leur propre économie et de participer à la souveraineté financière sur leur monnaie, ainsi que de définir leurs budgets nationaux et de participer aux décisions les concernant. Les politiques d'ajustement structurel imposées depuis les années 1980 ont fait des États de plus en plus un excellent payeur de dettes financières, au détriment du paiement des dettes sociales et historiques à la population appauvrie.

La reprise du pouvoir de décider de la souveraineté financière des pays va au-delà d'un débat de la banque centrale ou d'un ministère des Finances et de l'Économie : il s'agit de la récupération du pouvoir des peuples de décider où ils vont appliquer les ressources publiques et quelles sont les priorités des budgets. Ce sont les jalons de la Conférence sur la souveraineté financièreorganisée par le Jubileo Sur Brasil [Jubilé Sud Brésil] en partenariat avec le CEAAL [Conseil d'éducation populaire d'Amérique latine et Caraïbes] et le CADTM [Comité pour l'abolition de la dette illégitime], auquel ont participé des représentants de 20 pays d'Amérique latine et des Caraïbes.

Depuis les grandes révolutions industrielles du XVIIIe siècle, le capitalisme est un corps vivant en constante modification et adaptation – métamorphose –, dans le seul but de garantir un excédent plus important qu'à ses débuts, en expulsant les obstacles à la création de plus-value. Le capital, qu'il soit sous forme d'argent ou de marchandise, de capital constant, industriel ou fictif, est modifié en vue de sa valorisation. La valeur ajoutée est l'ordre, comme le rappellent Rosa Marques et Paulo Nakatani : « le mouvement du capital doit être compris comme une sorte d'esprit, ou un fantôme, qui passe d'une forme à une autre, et dans ce mouvement, le capital soumet les personnes, les choses et l'ensemble de la société à ses désirs ou à sa logique, comme s'il s'agissait d'un esprit fantomatique avec une volonté propre ».

Le système de dette publique a joué un rôle fondamental dans la genèse de ce mouvement, de l'accumulation primitive du capital à la constitution du capital fictif. Il s'agit du noyau primaire d'un marché de titres public et privé, qui s'est imposé comme l'un des principaux mécanismes de contrôle de la propriété sociale dans le capitalisme. Aujourd'hui, les systèmes d'endettement garantissent la reproduction du capital et assurent le maintien de la baisse du taux de profit. Ce système alimente la dépendance, étant un obstacle pour que les pays puissent atteindre la souveraineté financière.

La domination financière se caractérise par la centralité du capital financier dans le contrôle des relations reproductives et exprime l'escalade néolibérale mondiale des années 1990. Cette logique imprime sur les politiques économiques le modus operandi selon lequel l'austérité est la « clé de l'efficacité » et est utilisée pour justifier les coupes sociales. Au Brésil, c'est ce qui s'est passé avec les réformes des retraites et du travail, qui se sont attaquées à la sécurité sociale. Ce sont des moyens que le capital trouve pour continuer à profiter au détriment du droit des peuples à décider. Ce droit est capturé et placé sous l'égide de la financiarisation.

Parmi les nombreuses contraintes, le modèle actuel d'accumulation sous l'égide de la finance a de plus en plus exigé l'appropriation de ressources publiques sous forme de dividendes. Dans le cas du Brésil, le système de la dette publique a transféré, ou plutôt « drainé » les ressources publiques de beaucoup vers les poches de quelques rentiers, comme le dit le professeur Dowbor. C'est un transfert gratuit aux rentiers, ce ne sont que des profits. Jusqu'en 1994, la distribution des bénéfices et dividendes était taxée à 15 %, et a été exonérée jusqu'à ce jour.

Les bénéfices et les dividendes se réfèrent aux gains, presque toujours exclusifs aux 1 % les plus riches de la société. La dette est une carte de crédit illimitée des riches.
Au cours des trois dernières décennies, on estime qu'environ 5 % du PIB du Brésil a été transféré aux riches créanciers de la dette publique, soit 1,6 fois le PIB accumulé depuis les années 1990. Comme indiquent Marques et Nakatani, « l'expansion des actifs financiers dans le monde, tout en restant forte, a connu une croissance particulièrement précipitée dans les années 1990. En 2000, son stock était supérieur de 111,8 % à celui de 1990 ; en 2010, il affichait une croissance de 91,7 % par rapport à 2000, et en 2014, il avait déjà augmenté de 42 % par rapport à 2010 ».

Les dettes financières et sociales sont le résultat d'un passé d'extorsion, d'exploitation et d'anéantissement des peuples autochtones, des Noirs, des femmes et d'autres groupes qui subissent les impacts d'un mode de production qui exécute la nécropolitique, c'est-à-dire l'élimination des vies disponibles pour le capital. Dans ce système, aucun peuple n'atteindra sa souveraineté financière, car il restera dépendant.

La subordination financière, écologique et alimentaire est imposée par une manière de faire de la politique pour répondre aux besoins du marché.
La compétitivité imposée par la course technologique commande des changements dans le tissu technologique et entraîne des gains d'échelle constants. Dans le même sens sont les atouts du marché du carbone, des obligations vertes qui arrivent comme une solution, mais ne sont rien de plus qu'un moyen de financiariser la vie, la nature et le climat. Ils ne génèrent ni souveraineté ni souci de la vie.

On assiste à une aggravation des crises systémiques déclenchées par l'effondrement climatique, l'augmentation des inégalités sociales et la concentration des revenus. Le capitalisme, contrairement à ce que défendaient ses passionnés, ne s'est pas avéré être un mode de production altruiste. Les « sentiments moraux » cultivés sur les principes du marché n'offrent qu'une insécurité sociale et économique, laissant la plupart des nouvelles générations sans possibilité de rêver.

Même avec autant de tragédies, l'hégémonie du capital et son pouvoir prépondérant peuvent s'expliquer par des éléments objectifs et subjectifs qui dépassent notre réflexion. La ligne principale du concept d'hégémonie d'Antonio Gramsci contribue à la compréhension de ce présent conjoncturel. L'hégémonie se réalise par des affrontements qui portent non seulement sur des questions liées à la structure économique et à l'organisation politique, mais aussi sur l'expression éthique et culturelle de savoirs et de pratiques, sur des modes de représentation et des modèles d'autorité qui cherchent à se légitimer et à s'universaliser. Par conséquent, l'hégémonie ne doit pas être comprise dans les limites de la simple coercition, car elle inclut la direction culturelle et le consentement social à un univers de convictions, de normes morales et de règles de conduite, ainsi que la destruction et le dépassement d'autres croyances et sentiments face à la vie et le monde.

La création de l'hégémonie est un processus historiquement long, qui occupe plusieurs espaces, et ses formes varient selon les acteurs sociaux impliqués. Enfin, l'hégémonie s'exprime par une classe qui conduit à la création d'un bloc historique, qui articule et donne cohésion aux différents groupes sociaux autour de la création d'une volonté collective – définie par « la conscience opérante de la nécessité historique ».

Voies vers la souveraineté financière

Différente de la suprématie et de l'hégémonie financière actuelles, la souveraineté financière repose sur la solidarité, l'identité et la créativité des peuples originaires, les quilombolas ; sur le leadership et la fermeté des femmes sur leurs territoires, garantissant la participation populaire et référençant d'autres espaces de prise de décision qui garantissent la participation populaire.

La souveraineté financière est présente dans la lutte du peuple Awá Guarani pour la reconnaissance de son territoire à Foz do Iguaçu (centrale hydroélectrique d'Itaipu), en solidarité dans la lutte contre la militarisation subie depuis des décennies par le peuple haïtien, en solidarité avec le peuple palestinien brutalement massacré, en résistance contre l'imposition des austérités fiscales les plus variées des agences internationales.

La souveraineté financière est intrinsèquement liée à la souveraineté des peuples, à la souveraineté alimentaire, à la souveraineté hydrique et aux territoires. Comme mentionné dans la déclaration de la conférence : « Nous devons décoloniser le pouvoir et construire un contre-pouvoir ascendant des peuples et des territoires, enraciné dans le respect des processus historiques, de la mémoire, de l'ascendance et du travail politique de chaque territoire, ainsi que construire et positionner un récit contre-hégémonique basé sur la réciprocité, la complémentarité, la collectivité et la conscience d'être la nature ».

Le renforcement d'alternatives concrètes contre-hégémoniques, forgées dans la culture populaire et dans la créativité des peuples, vitalise la possibilité d'une autre forme d'organisation de la vie. Avançons dans la création de la souveraineté des peuples et dans la force des organisations populaires qui portent dans leurs corps le bouillon culturel du paradigme du bien vivre et de l'immanence ancestrale d'Abya Ayala.

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Rosilene Wansetto, Sandra Quintela et Talita Guimarães font partie du réseau Jubilé Sud Brésil.

Traduit du portugais par Andréia Manfrin Alves

Révision par Helena Zelic

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S’attaquer à la crise climatique en agissant sur la consommation alimentaire

30 janvier 2024, par GRAIN — ,
Tout le monde sait aujourd'hui que nous devons transformer à la fois la façon dont nous produisons et la manière dont nous utilisons l'énergie si nous voulons infléchir la (…)

Tout le monde sait aujourd'hui que nous devons transformer à la fois la façon dont nous produisons et la manière dont nous utilisons l'énergie si nous voulons infléchir la trajectoire actuelle du changement climatique.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/01/22/sattaquer-a-la-crise-climatique-en-agissant-sur-la-consommation-alimentaire/

Il ne suffit pas de passer de sources d'énergie « polluantes » à des sources « propres ». En fait, nous devons produire et utiliser moins d'énergie globalement si nous voulons garder notre planète vivable tout en luttant pour la justice et l'équité en matière d'accès à l'énergie et de consommation de l'énergie.

Certains parlent à ce sujet de « décroissance », ou de la nécessité d'abandonner une attitude qui considère la croissance économique comme la mesure de notre réussite en tant que société. La recherche montre qu'une croissance économique « verte » ne suffit pas, car il nous faudrait des centaines d'années pour obtenir l'impact dont nous avons besoin [1]. Nous devons réduire radicalement les émissions et nous devons le faire rapidement. Sur le plan politique, nous savons que la décolonisation – garantir la justice dans la répartition des ressources, du pouvoir et des richesses – doit être notre boussole [2]. C'est un petit nombre de sociétés hautement industrialisées qui sont à l'origine de la surconsommation effrénée des ressources de notre planète.

C'est également vrai en ce qui concerne l'alimentation, la deuxième source d'émissions climatiques mondiales après les combustibles fossiles. Nous devons non seulement changer la façon dont nous produisons notre alimentation, mais aussi la façon dont nous la consommons. Cela peut sembler aller de soi, mais, comme le trop évident « éléphant dans la pièce », le volet consommation de la comptabilité climatique est régulièrement ignoré ou insuffisamment pris en compte, et il devient de plus en plus urgent de s'en préoccuper. À elle seule, la consommation alimentaire mondiale pourrait ajouter près de 1°C au réchauffement planétaire d'ici 2100 et nous pourrions déjà atteindre cette année, en 2023, la limite de 1,5°C fixée par l'Accord de Paris [3]. Le temps qui nous reste pour modifier raisonnablement ce scénario est presque écoulé.

Changer le système

Le mouvement climatique actuel, né d'une prise de conscience aiguë du rôle des combustibles fossiles comme principal moteur de la déstabilisation de notre climat, appelle non seulement au déploiement des énergies renouvelables mais également à des réductions majeures dans l'exploration, la production et l'utilisation de l'énergie qui alimente les pays les plus riches. Cela nécessite des changements profonds et structurels dans la manière dont ces sociétés utilisent et consomment l'énergie. Cela signifie davantage de transports collectifs, plus de durabilité et de réparabilité des produits, et une forte réduction dans la consommation de biens non essentiels. S'attaquer à la consommation et la maîtriser signifie aussi plus généralement moins de production, moins de travail, moins de déplacements, plus de temps consacré à des activités « non productives » (et donc non destructrices). Pour ce faire, il faut prendre conscience de ce qui est rare et le réaffecter à d'autres usage. En d'autres termes, nous devons adopter une culture de la sobriété – mais pas sa version néolibérale, aussi connue sous le nom d'austérité, qui punit les pauvres.

Il en va de même pour le système alimentaire. Au cours du siècle dernier, une grande partie du système alimentaire mondial a été industrialisée par l'introduction d'intrants chimiques, de monocultures à grande échelle, d'élevages industriels, d'une mécanisation lourde et de l'irrigation. Les systèmes alimentaires locaux ont été démantelés et mondialisés, et des multinationales ont pris le contrôle de tous les aspects de la chaîne alimentaire. De ce fait, le système alimentaire industriel est désormais responsable de plus d'un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre, tout en étant également la principale cause de la déforestation, des crises de l'eau, de l'effondrement de la biodiversité et de nombreuses maladies. La Banque mondiale, qui a joué un rôle majeur dans la promotion de ce modèle catastrophique, estime que le système alimentaire mondial nous coûte désormais 12 000 milliards de dollars par an en coûts économiques, environnementaux et sociaux cachés [4].

Les multinationales agroalimentaires qui contrôlent ce système alimentaire et en bénéficient ont tardé à proposer des solutions à la crise actuelle. Mais à mesure que les préoccupations liées à la crise climatique se sont progressivement étendues au secteur alimentaire, la situation a changé et, depuis quelques années, la plupart de ces grandes entreprises ont annoncé des plans « zéro émission nette » et se sont associées à des gouvernements et des organismes internationaux dans le cadre de programmes de réduction des émissions dans l'agriculture. Toutes ces initiatives d'entreprises tournent autour de techniques et de technologies qui peuvent, selon elles, rendre les exploitations agricoles plus performantes, et toutes supposent que la production et la consommation peuvent être maintenues. En fait, tous ces modèles d'entreprise s'appuient sur les prévisions de croissance de leurs ventes de produits à fortes émissions, et mettent en avant le message mensonger selon lequel ces produits peuvent être « neutres en carbone », « verts » et « sans déforestation » [5]. Il n'est donc pas surprenant que les engagements « zéro net » des multinationales agroalimentaires s'appuient fortement sur les compensations carbone [6].

Il est évident que cela ne fonctionnera pas. Mais ce n'est pas non plus nécessaire ni souhaitable. La réalité est que le système alimentaire industriel est organisé autour du profit des grandes entreprises, et non en fonction de l'allocation de ressources limitées (et d'émissions) pour faire en sorte que les huit milliards de personnes sur cette planète aient suffisamment d'aliments nutritifs à manger. Notre système alimentaire mondial repose sur la production massive de quelques cultures de base destinées à être transformées en viande, produits laitiers et en aliments transformés, ainsi que sur un approvisionnement régulier en articles de luxe pour les riches (par exemple chocolat, fleurs ou fraises) – qui génèrent tous d'énormes émissions sans apporter beaucoup d'éléments nutritifs en retour.

Ce système alimentaire des multinationales est également source de gaspillage. Un tiers de la nourriture produite est gaspillée. Cela signifie qu'elle finit dans des décharges où elle génère d'importantes quantités de gaz à effet de serre, en particulier du méthane. De plus, une grande partie de la nourriture produite par ces grandes entreprises est déjà de la « malbouffe » au départ. Nestlé (l'entreprise suisse qui domine les rayons des épiceries dans le monde entier et dépense chaque année des centaines de millions de dollars en publicité et en lobbying pour garantir les ventes de ses produits) a reconnu que « la valeur nutritionnelle de moins de la moitié de son portefeuille d'aliments et de boissons grand public peut être considérée comme « saine » selon une définition communément acceptée [7]. » On peut imaginer toutes les terres, l'eau et l'énergie qui pourraient être réutilisées pour la production d'aliments nutritifs si nous supprimions les Nestlé de ce monde.

La consommation est dictée par les grandes entreprises

Pour faire face à la crise climatique, nous devons, de manière équitable, réduire la consommation et la production de viande industrielle, de produits laitiers industriels et d'aliments inutiles privilégiés par les multinationales. Nous devons en revanche accorder la priorité à la production et à la consommation d'aliments locaux et sains. Les avancées de la science montrent à quel point ces aliments industriels contribuent aux ravages climatiques [8]. Nous savons désormais qu'une réduction de la consommation de viande rouge et de produits laitiers industriels chez les populations aisées ou bien nourries pourrait réduire considérablement les émissions climatiques liées à l'alimentation. Cette réduction pourrait atteindre 75%, selon une équipe de recherche de l'Université d'Oxford [9]. Et le remplacement des aliments d'origine animale par des légumineuses, des noix, des fruits et des légumes présente également d'importants avantages pour la santé : diminution du risque de maladies cardiovasculaires et de diabète de type 2, et réduction de la mortalité due aux maladies liées à l'alimentation.

Pourtant, ces changements ne doivent pas être minimisés ou réduits au comportement individuel. Nous produisons et consommons collectivement trop de nourriture et d'énergie. Les objectifs des grandes entreprises – qui vont à l'encontre de l'intérêt public par le biais du marketing, du lobbying politique et des accords commerciaux conduisent à la fois à la surproduction et à la surconsommation. (Voir l'encadré sur Jalisco.) Le système commercial mondial repose sur toujours plus de consommation, de stimulation et de croissance, et il renforce ces tendances. Aujourd'hui, selon l'Organisation mondiale du commerce, les émissions générées par la production et le transport de biens et services exportés et importés représentent 20 à 30% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Dans le cas des fruits et légumes, le chiffre est de 36% [10]. La manière dont la viande de bœuf parvient aux ménages chinois illustre très bien le problème .

Prenons l'exemple du sucre. Alors que les autorités climatiques britanniques ont recommandé une réduction de 20% de la consommation de viande et de produits laitiers d'ici 2030, et de 35% pour la consommation de viande d'ici 2050, c'est désormais le sucre qui retient l'attention [11]. La quantité de sucre produite par le Royaume-Uni dépasse largement les besoins de sa population. Et cette production a un coût « climatique » lié à une utilisation très importante des terres et de l'eau, à la perte de la couche arable, à l'érosion de la biodiversité et à des subventions mal ciblées. Le coût sanitaire est bien sûr tout aussi préoccupant : les deux tiers de la société britannique sont en surpoids ou obèses. Mais le pays importe près de deux fois la quantité de sucre qu'il surproduit, générant ainsi une facture climatique encore plus élevée [12]. Cette consommation excessive n'est pas motivée par la demande des consommateurs mais par la cupidité des grandes entreprises. Le sucre est un ingrédient alimentaire bon marché qui augmente les ventes, en particulier sous forme d'aliments ultra-transformés. Les importations sont intégrées dans les nombreux accords de libre-échange conclus par le Royaume-Uni pour soutenir les intérêts des grandes entreprises, et non ceux du public. Des groupes britanniques exigent désormais une restructuration complète du secteur, allant jusqu'à la réaffectation des subventions en faveur du sucre pour rendre les fruits et légumes plus abordables.

Une occasion d'agir

Comme nous l'avons déjà souligné, si l'action individuelle est importante, nous ne pouvons pas réduire le problème aux individus ni leur en faire porter la responsabilité. Il est parfaitement logique de réduire les importations dans les pays où la viande industrielle, les produits laitiers et les aliments inutiles sont consommés en excès, tout en rendant les systèmes de production plus écologiques. Et nous devons trouver les moyens d'éliminer les grandes entreprises qui sont à l'origine de tous ces dégâts.

Cela nécessite des changements politiques radicaux et une pression organisée de la part des mouvements sociaux. Heureusement, la prise de conscience de la nécessité d'opérer des changements profonds par une action collective s'est développée depuis que les populations subissent directement les impacts du dérèglement climatique.

Une série de mesures concrètes ont déjà été élaborées par des activistes et des équipes de recherche et doivent être accélérées de toute urgence :

Éliminer le gaspillage alimentaire, source majeure d'émissions.

Réduire la consommation excessive dans une minorité de pays, tant de viande et de produits laitiers industriels que d'aliments superflus (fruits et légumes hors saison, produits de luxe comme les baies et les sucreries, etc.). Les taxes, droits de douane et autres instruments fiscaux peuvent jouer un rôle, tout comme des mesures énergiques prises par le secteur de la distribution alimentaire. Les accords commerciaux qui favorisent les schémas d'offre excédentaire, comme l'accord UE-Mercosur, doivent également être stoppés ou abrogés.

Réduire la production industrielle de viande et de produits laitiers en Europe, en Amérique du Nord, au Brésil, en Australie et en Nouvelle-Zélande grâce à des mesures énergiques telles que la réduction du cheptel.

Aider les populations agricoles à abandonner les engrais chimiques et interdire les élevages en milieu confiné, qui génèrent respectivement d'énormes quantités d'oxyde nitreux et de méthane.

Repenser et réamorcer le système de distribution alimentaire. Les villes doivent réorganiser la vente au détail de produits alimentaires de façon à ce que les magasins et les marchés soient répartis de manière égale et proposent des aliments sains plutôt que des produits ultra-transformés. Nous devrions également envisager un zonage ou d'autres politiques publiques pour limiter la présence des grandes entreprises et protéger la vente et les coopératives au niveau local. Nous devons mieux socialiser la distribution alimentaire. Certains tentent déjà d'y parvenir en mettant en place des systèmes de sécurité sociale alimentaire, en se battant pour obtenir des permis locaux et des protections sociales nationales pour les commerces de rue, et en essayant de renforcer les marchés publics par le biais de contrôles des prix, de subventions et d'infrastructures publiques. Il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine.

Supprimer les réglementations et les lois qui portent atteinte aux exploitations de production alimentaire locale et les remplacer par des politiques qui soutiennent les systèmes paysans de production et de commercialisation agroécologiques.

Enfin, nous devons mettre un terme aux accaparements des terres et de l'eau qui sont menés en silence à travers le monde afin d'accroître la production de monocultures agricoles destinées à l'exportation [13]. Nous devons également soutenir les vastes mouvements sociaux qui se mobilisent, de l'Argentine à l'Arizona et du Cameroun à la France, pour maintenir le contrôle social sur la terre et l'eau en tant que biens communs appartenant aux populations dans leurs territoires, et non comme marchandises à exploiter au profit de quelques-uns [14].

En résumé, nous devons mettre en place davantage de systèmes publics, d'actions collectives et de nouvelles économies pour parvenir à la justice à laquelle les gens aspirent. Mais nous devons agir vite. Les entreprises et les autres criminels du climat ne s'écarteront pas du chemin si nous ne faisons pas bouger les choses.

Comment les accords de libre-échange favorisent des modes de consommation qui détruisent les communautés rurales

Voyons comment cela se passe dans les communautés autour d'El Grullo, dans l'État mexicain de Jalisco, un exemple parmi tant d'autres. Avant l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), en 1994, les terres étaient gérées collectivement, les communautés paysannes pratiquant une combinaison de cultures vivrières traditionnelles et faisant paître le bétail dans les forêts à flanc de colline. Les gens avaient accès à l'eau, à la terre et à la nourriture. Les surplus de maïs, de fromage et d'autres aliments produits étaient vendus en ville pour dégager des revenus.
Puis est arrivé l'ALENA. Les populations ont perdu leurs marchés locaux pour le maïs, écrasés par des importations étatsuniennes bon marché et subventionnées. Le gouvernement mexicain a lancé une campagne pour encourager les gens à passer à la production sous contrat de pommes de terre en monoculture et à d'autres cultures pour les entreprises de restauration rapide. C'est ainsi qu'a commencé un cycle d'endettement, d'utilisation de produits chimiques, de déforestation et d'affaiblissement du contrôle collectif des populations sur les territoires.
Aujourd'hui, les communautés sont plus pauvres que jamais et les terres sont dévastées. Les terres et la production ont été accaparées par le crime organisé et les grandes entreprises, qui se concentrent sur la production à grande échelle d'agave (tequila) et de cultures d'exportation destructrices pour l'environnement et la société, comme les avocats, les baies et le raisin, qui sont principalement destinées aux supermarchés des États-Unis et du Canada. Les systèmes alimentaires florissants de Jalisco ont été détruits pour laisser la place à un système de production et de consommation organisé autour du profit des entreprises.
Cette situation ne sera pas résolue en rendant les vignes plus performantes ou plus durables. Elle ne peut l'être que si les communautés reprennent le contrôle de leurs territoires et que les consommateurs et consommatrices des États-Unis et du Canada disent adieu aux raisins importés.
(Texte basé sur un entretien avec des membres du Colectivo por la Autonomía)

[1] Jegim Vogel et Jason Hickel, « Is green growth happening ? An empirical analysis of achieved versus Paris-compliant CO2–GDP decoupling in high-income countries », The Lancet, septembre 2023 :
https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(23)00174-2/fulltext
[2] À ce sujet, voir les excellentes présentations de « Beyond Growth 2023 », Bruxelles, 15-17 mai 2023 :
https://www.beyond-growth-2023.eu.
[3] Catherine Ivanovitch et al, « Future warming from global food consumption », Nature Climate Change, 6 mars 2023 :
https://www.nature.com/articles/s41558-023-01605-8. Berkeley Earth, « September 2023 temperature update » :
https://berkeleyearth.org/september-2023-temperature-update/
[4] Banque mondiale, « Food finance architecture : Financing a healthy, equitable, and sustainable food system », 23 sept. 2021 :
https://documents.worldbank.org/en/publication/documents-reports/documentdetail/879401632342154766/food-finance-architecture-financing-a-healthy-equitable-and-sustainable-food-system
[5] Il faut noter que le terme « neutre en carbone » sera interdit sur les étiquettes des produits (mais pas sur les services comme les billets d'avion) dans l'Union européenne à partir de 2026. Voir Nikolaus Kurmayer, « EU reaches deal banning climate-neutral product claim », 21 sept. 2023
https://www.euractiv.com/section/energy-environment/news/eu-reaches-deal-banning-climate-neutral-product-claims/
[6] Par exemple, le géant étatsunien de la confiserie Mars Inc. admet qu'il lui faudrait compenser au moins 20% de ses émissions pour atteindre l'objectif zéro net. Mars, « Net zero road map », sept. 2023 :
https://www.mars.com/sites/g/files/jydpyr316/files/2023-09/Mars%20Net%20Zero%20Roadmap%202050_2.pdf
[7] Alistair Gray, « Nestlé says less than half of its mainstream food and drinks are considered ‘healthy' », Financial Times, 21 mars 2023 :
https://www.ft.com/content/8d42f7e8-72a6-4d85-9990-ad2a2cd0da21
[8] Voir le résumé de Physicians for Responsible Medicine, 29 octobre 2023 :
https://www.pcrm.org/good-nutrition/vegan-diet-environment
[9] Ces résultats reflètent les régimes alimentaires britanniques. Voir Damian Carrington, « Vegan diet massively cuts environmental damage, study shows. » The Guardian, 20 juillet 2023 :
https://www.theguardian.com/environment/2023/jul/20/vegan-diet-cuts-environmental-damage-climate-heating-emissions-study.
L'étude elle-même a été publiée dans Nature Food le 20 juillet 2023 :
https://www.nature.com/articles/s43016-023-00795-w.
[10] Commission européenne, DG Environnement, « Field to fork : global food miles generate nearly 20% of all CO2 emissions from food », 25 janvier 2023 :
https://environment.ec.europa.eu/news/field-fork-global-food-miles-generate-nearly-20-all-co2-emissions-food-2023-01-25_en
[11] Oliver Morrison, « Sugar : the next ingredient set to come under fire for its climate impact ? », Food Navigator, 23 avril 2021 :
https://www.foodnavigator.com/Article/2021/04/23/Sugar-the-next-ingredient-set-to-come-under-fire-for-its-climate-impact
[12] James Tapper, « Cap UK's sugar supply to fight obesity, say campaigners », The Guardian, 28 octobre 2023 :
https://www.theguardian.com/society/2023/oct/28/cap-uks-sugar-supply-to-fight-obesity-say-campaigners
[13] Voir l'outil de suivi de GRAIN :
https://farmlandgrab.org.
[14] GRAIN, « L'accaparement de l'eau par l'industrie alimentaire mondiale assoiffe les communautés locales », 21 septembre 2023 : https://grain.org/e/7041.

https://grain.org/fr/article/7063-s-attaquer-a-la-crise-climatique-en-agissant-sur-la-consommation-alimentaire

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Soudan. Neuf mois de guerre et si peu d’espoir

30 janvier 2024, par Gwenaëlle Lenoir — , ,
Depuis avril 2023, l'affrontement entre l'armée régulière d'Abdel Fattah Al-Burhan et les paramilitaires de la Force de soutien rapide (FSR) de Mohamed Hamdan Dagalo alias (…)

Depuis avril 2023, l'affrontement entre l'armée régulière d'Abdel Fattah Al-Burhan et les paramilitaires de la Force de soutien rapide (FSR) de Mohamed Hamdan Dagalo alias Hemeti a mis le Soudan à feu et à sang et forcé plusieurs millions de Soudanais à fuir leur foyer, voire à se réfugier à l'étranger. La situation se détériore, dans l'indifférence de la communauté internationale.

Tiré d'Orient XXI.

Appelons-les Nassim et Ibrahim, prénoms d'emprunt pour les protéger. Avant la guerre, Nassim habitait un quartier populaire de Khartoum. Étudiant célibataire, il vivait chez ses parents, des fonctionnaires de la classe moyenne qui luttaient pour maintenir un niveau de vie à peu près correct malgré l'inflation vertigineuse. Étudiant en master, Nassim appartenait au noyau dur du comité de résistance de son quartier, organisation de base de la révolution populaire de 2018 – 2019. Mais après l'euphorie du soulèvement, il s'était un peu éloigné de la politique, déçu par le retour en force des vieux partis englués dans leurs querelles mutuelles et leurs batailles d'égos.

Âgé de quelques années de plus, Ibrahim est divorcé. Avant la guerre, il collaborait avec des organisations internationales, les agences onusiennes et les grandes ONG, auxquelles il ouvrait en quelque sorte les portes de son pays dont il connait les moindres recoins. Lui aussi a participé à la révolution et à cet élan intellectuel qui promettait de reconstruire le Soudan, d'en faire un État pour tous ses citoyens. Lui aussi bataillait contre une crise économique dévastatrice qui laissait exsangue le peuple tout entier, à l'exception de l'élite prédatrice de l'ancien régime, les Kaizan.

Fuir Khartoum

Nassim et Ibrahim ont tenu bon devant les vicissitudes de la période postrévolutionnaire. Avec des millions d'autres, ils ont risqué leur vie pour ne pas céder aux militaires et aux miliciens. Ils n'ont pas reculé face au coup d'État d'octobre 2021, durant lequel l'armée régulière (les Forces armées soudanaises ou FAS) et les paramilitaires (la Force de soutien rapide ou FSR) étaient unis pour mettre fin à l'expérience démocratique.

Pourtant ces alliés d'hier se font aujourd'hui la guerre. Depuis le 15 avril dernier, Abdel Fattah Al-Burhan, commandant en chef de l'armée, chef de facto du pays, est soutenu par les islamistes de l'ancien régime contre Mohamed Hamdan Dagalo, alias Hemeti, à la tête de la FSR, des paramilitaires si puissants qu'ils sont devenus une armée bis.

Comme des millions de leurs concitoyens, le 15 avril 2023 a bouleversé les destins de Nassim et Ibrahim. Ibrahim a fait de multiples aller-retours dans sa voiture déglinguée pour évacuer sa famille d'abord, puis des amis chers, puis des connaissances. Tous ont fui les combats à Khartoum, vers la frontière égyptienne pour certains, vers l'est du pays pour d'autres. La population de la capitale a subi les pillages, les viols et les meurtres des FSR du général Hemeti, fidèles à leur ascendance : les terrifiants janjawid de la guerre au Darfour dans les années 2000, supplétifs du régime d'Omar Al-Bachir. En même temps, les habitants de Khartoum ont subi les bombardements par l'artillerie lourde et l'aviation de l'armée régulière. Ibrahim a donc fini par partir, lui aussi, en direction de Wad Madani, la capitale de l'État d'Al-Jazirah, une vaste province agricole située à 185 km au sud-est de Khartoum.

Nassim et sa famille sont restés à leur domicile pendant plusieurs semaines. Et quand leur quartier est tombé aux mains des FSR, ils se sont déplacés chez une proche, en banlieue de Khartoum. Les paramilitaires ont fini par arriver jusque-là ; Nassim est alors parti vers le sud-est. Il a traversé des barrages militaires avant de s'arrêter à Kosti, une ville de l'État d'Al-Nil Al-Abyad ("le Nil blanc"). Là-bas, il a pu trouver une maison à louer à bas prix. Un sort beaucoup plus confortable que celui des milliers de déplacés entassés dans des écoles ou sous des abris précaires.

Sept millions et demi de personnes sont déplacées à l'intérieur et à l'extérieur du pays, selon le chiffre du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) du 14 janvier 2024, sans oublier les 12 000 morts, un bilan certainement sous-estimé. Tous traversent les mêmes affres : trouver de quoi se loger, récupérer son argent après le pillage et l'effondrement des établissements bancaires, pallier l'absence d'écoles fermées depuis avril, suppléer à la quasi-destruction des infrastructures médicales… Bref, survivre dans un pays déjà appauvri et mal doté avant la guerre.

Les « villas fantômes »

En décembre 2023, le tableau est assez clair : le Soudan est coupé en deux dans le sens est-ouest. La milice de Hemeti contrôle une grande partie de la capitale, l'armée régulière étant cantonnée dans quelques bases et quelques quartiers d'Omdourman. Les hommes de Hemeti tiennent aussi l'ouest, le Darfour, ainsi qu'une partie du Kordofan. Ce n'est guère une surprise : recrutés pour l'essentiel parmi les tribus arabes de la grande province occidentale, les FSR connaissent parfaitement le terrain et se sont emparés sans grandes difficultés des principales villes.

Des comités de paix formés de dignitaires religieux et séculiers ont bien tenté de maintenir des cessez-le-feu, mais ils ont volé en éclat les uns après les autres. La tâche des FSR a été facilitée par le peu d'appétence de l'armée régulière à les combattre. Celle-ci a préféré se retirer dans ses cantonnements.

Partout dans les zones tenues par les FSR, de très graves violations des droits humains sont rapportées, commises soit directement par les hommes de Hemeti, soit par des milices arabes locales liées aux FSR par la famille ou la tribu.

Commandée par le général Al-Burhan, l'armée régulière largement adossée aux islamistes du régime d'Omar Al-Bachir a déménagé à Port-Soudan. Ces hommes tiennent l'est et le nord du pays — la vallée du Nil d'où sont originaires les classes économiques, militaires et politiques des gouvernements successifs depuis l'indépendance du pays. Comme sous l'ancien régime, ils mènent une politique répressive contre tout opposant. Dans ce contexte, la sinistre mémoire des « villas fantômes », lieux secrets de détention, est réactivée.

« Jusqu'à mi-décembre, on semblait se diriger vers un scénario à la libyenne avec un pays scindé et dirigé par deux entités ennemies, chacune soutenue par des parrains étrangers : les FSR par les Émirats arabes unis et les FAS par l'Égypte. Mais ce scénario est caduc », affirme Kholood Khair, analyste soudanaise aujourd'hui en exil.

Le retrait suspect de l'armée régulière

Le 15 décembre à l'aube, les hommes de Hemeti attaquent les faubourgs de Wad Madani, capitale de l'État d'Al-Jazirah vers laquelle ont afflué, comme Ibrahim, des centaines de milliers d'habitants de Khartoum. Abri pour les déplacés, la ville est aussi devenue un centre de stockage d'aide alimentaire et de médicaments.

Les forces régulières se retirent sans presque combattre. Le 18 décembre, Wad Madani est aux mains des FSR. Pillages, viols, menaces, les exactions sont du même type qu'au Darfour. « Au sein des FAS, les officiers de rang moyen sont furieux, car ils ont reçu l'ordre de quitter la ville sans combattre », assure Kholood Khair.

  • Les hauts gradés sont tous islamistes, car ils ont été recrutés et formés sous Omar Al-Bachir. Ils ne discutent donc pas le bien-fondé des décisions de l'état-major. Mais leurs subordonnés s'interrogent : pourquoi tous ces ordres qui semblent favoriser FSR ? Il y a des soupçons d'achat de certains officiers par Hemeti.

La chute de Wad Madani est un choc et, indéniablement, un tournant. Le verrou vers Port-Soudan à l'est ainsi que vers Sennar et Kosti au sud a sauté. Selon l'ONU, 300 000 personnes ont fui Wad Madani dans les premières heures de l'offensive des FSR, et 200 000 supplémentaires les jours suivants.

Ibrahim a été de ceux-là. Il est parti vers Sennar, plus au sud :

  • Nous n'avions pas d'autre destination possible devant l'avancée des FSR, les autres routes étaient coupées. C'était complètement chaotique. Les gens étaient paniqués, tout le monde sait les atrocités commises par les FSR à Khartoum et au Darfour. Nous avons mis plus de deux jours pour atteindre Sennar, qui est à 90 km !

Ibrahim a attendu de voir si les troupes de Mohamed Hamdan Dagalo, dit Hemeti allaient poursuivre leur marche vers l'est et le sud. Celles-ci ont effectivement essayé, mais cette fois, elles ont été bombardées par l'aviation. Pour l'instant, elles restent donc sur leurs dernières positions. Ibrahim rejoint Gedaref puis Port Soudan, à la recherche d'un travail. Il n'envisage toujours pas de quitter le pays.

Supprimer toute résistance civile

Nassim, lui, a jeté l'éponge. La prise de Wad Madani a été celle de trop. En charge de ses parents âgés et traumatisés, ainsi que d'une partie de ses frères et sœurs, il a fini par se résoudre à l'exil. La famille a d'abord fait le voyage de Kosti au sud vers Dongola au nord de Khartoum :

  • Nous avions trop peur que les FSR bloquent la route et que nous soyons pris au piège, pour rester à Kosti. Des milliers de personnes ont fait comme nous : remonter vers le nord tant qu'il en était encore temps.

À Dongola, il a payé des passeurs. Direction l'Égypte. La voie légale est onéreuse, plus encore que la clandestine, et aussi difficile depuis que Le Caire a décidé de restreindre considérablement le passage. « Il suffit de payer les soldats égyptiens », lui ont assuré les passeurs. Aujourd'hui, Nassim est en Égypte.

Certains restent malgré tout. Dans les zones contrôlées par les FSR comme dans celles tenues par les FAS, les organisations révolutionnaires, comités de résistance, comités de quartier, organisations de femmes, syndicats, s'efforcent de pallier l'État désormais failli. Mais partout ces organisations sont en butte à une répression féroce. C'est là le point commun entre les généraux Hemeti et Al-Burhan. Même ennemis, ils se retrouvent dans leur volonté d'en finir avec la révolution. Comme l'analyse Kholood Khair :

  • Les deux sont persuadés de leur victoire. Chacun d'entre eux veut donc supprimer toute résistance civile avant de conquérir le pays. Sinon, ils savent bien que ce pouvoir qu'ils espèrent tant sera trop fragile. Alors l'un comme l'autre utilise le paravent de la guerre pour tuer ce qui reste de la révolution. Des médecins, des journalistes, des activistes sont assassinés, arrêtés, emprisonnés, torturés. Par les deux camps.

Une velléité d'accord vite balayée

Dans ce chaos, une image a surpris : celle de Hemeti serrant la main d'Abdallah Hamdok, ancien Premier ministre durant la courte parenthèse démocratique, de septembre 2019 à octobre 2021. Aujourd'hui, l'ancien chef de gouvernement est à la tête de la coalition des forces démocratiques, appelée également Taqaddom (« avancée »). Créée à Addis-Abeba en octobre 2023, cette plateforme rassemble des partis politiques, des syndicats et des organisations de la société civile qui ont été parties prenantes dans la révolution. Elle veut peser sur les acteurs du conflit pour obtenir une cessation des hostilités et, surtout, des garanties pour l'après-conflit.

Le 2 janvier, Taqaddom a donc signé un accord avec l'un des deux belligérants. Sur X (anciennement Twitter), Abdallah Hamdok s'est réjoui d'avoir obtenu la « pleine disponibilité des FSR à un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel, à des mesures visant à protéger les civils, à la facilitation du retour des citoyens dans leurs foyers, à l'acheminement de l'aide humanitaire et à la coopération avec la commission d'enquête. »

L'encre n'avait pas encore séché que Taqaddom se prenait une volée de bois vert de la part de certains partis, comme le Parti communiste, une faction du Baas, des personnalités du Parti unioniste ou du parti Oumma, des activistes de la révolution ou encore des comités de résistance… À l'autre bout du spectre politique, des islamistes de l'ancien régime, furieux, ont poussé le général Al-Burhan à refuser toute rencontre, avec Taqaddom comme avec Hemeti. Pour Kholood Khair, cela montre à quel point les civils sont divisés :

  • Taqaddom perd sa crédibilité en signant un accord avec Hemeti malgré toutes les atrocités commises par les FSR. Non seulement elles ne sont pas mentionnées, mais elles ont même été niées par leur porte-parole ! Certains, au sein de la plateforme, pensent pouvoir contrôler Hemeti une fois qu'il aura pris le pouvoir. C'est extraordinairement naïf ! Et cela veut dire que ces hommes politiques n'ont rien appris de ces dernières années.

En attendant, aucune promesse contenue dans la déclaration d'Addis-Abeba tant vantée par Abdallah Hamdok n'a connu l'amorce d'une concrétisation. Des témoignages affirment même que la reprise de la « vie normale » vantée par les FSR à Wad Madani se fait à la pointe du fusil. Les médecins sont contraints de reprendre leur poste sous la menace et les commerçants sont rackettés.

Mais les poignées de main ont permis au général Hemeti de gagner encore un peu plus en honorabilité. Il a ainsi été reçu en interlocuteur digne de foi et d'intérêt dans plusieurs capitales africaines, lors d'une tournée qui l'a mené de Pretoria à Djibouti en passant par Nairobi, Kampala et Kigali, où il s'est recueilli au mémorial du génocide…

« Même s'il réussit à progresser vers l'est et le nord, à prendre Port-Soudan et à contrôler tout le pays, il n'aura pas gagné la guerre, prophétise Kholood Khair. Il aura à affronter des groupes armés dans toutes ces régions. » Les FAS distribuent des armes à la population de la vallée du Nil qui tient à défendre ses villes et ses villages. Et qui refusera de voir un homme du Darfour gouverner le Soudan.

Le vieux clivage entre le centre, la vallée du Nil, ancien royaume de Kouch mythifié par les élites soudanaises qui gouvernent depuis l'indépendance, et les périphéries, en particulier le Darfour, n'est pas mort dans le fracas des armes. Au contraire, il est revivifié. Et au Soudan, il n'y a pas de cuillères assez grandes pour dîner avec les trop nombreux diables.

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Maroc. Manifestations populaires et silence royal

30 janvier 2024, par Omar Brouksy — , ,
Tiraillés entre une population majoritairement acquise à la cause palestinienne qui risque de basculer dans un islamisme aux aguets, et l'accord de normalisation signé en 2020 (…)

Tiraillés entre une population majoritairement acquise à la cause palestinienne qui risque de basculer dans un islamisme aux aguets, et l'accord de normalisation signé en 2020 dont ils ne sont pas près de s'affranchir, les dirigeants marocains se réfugient dans un silence de plus en plus pesant.

Tiré de Orientxxi
23 janvier 2024

Par Omar Brouksy

Manifestation en solidarité avec Gaza, le 24 décembre 2023 à Rabat/AFP
AFP

Plus de quatre mois après le déclenchement de la guerre contre Gaza, la mobilisation anti-Israël n'a pas faibli au Maroc. Des milliers de personnes manifestent quasiment chaque week-end dans les grandes villes du pays, notamment à Rabat et Casablanca. Deux revendications dominent les slogans : la fin des massacres de la population gazaouie par l'armée israélienne et, surtout, la fin de la normalisation des relations diplomatiques entre le royaume chérifien et « l'État sioniste », comme le scandent les manifestants.

Commencé en décembre 2020, le processus de normalisation entre les deux États prend la forme d'une transaction tripartie : en contrepartie de la reconnaissance de la « marocanité » du Sahara occidental par l'ancien président américain Donald Trump, le royaume « normalisera » ses relations avec Israël. Une manœuvre habile puisqu'il s'agit de monnayer une « cause sacrée » pour la majorité des Marocains (l'affaire du Sahara occidental, considéré par le Maroc comme ses « provinces du sud ») par une autre « cause sacrée » (la question palestinienne).

Depuis, la coopération, notamment militaire, entre les deux pays est devenue officielle après avoir été longtemps officieuse, même si l'État hébreu tient à la cantonner aux armes défensives et légères. L'attaque d'envergure du Hamas au cœur d'Israël, le 7 octobre 2023, ne représente pas une rupture, mais un point de basculement qui affectera profondément la lune de miel israélo-marocaine, louangée tant par les Etats-Unis que par l'Union européenne.

Manoeuvre politique

Au cœur de ce processus, le Palais royal avait eu recours à un stratagème habile et machiavélique visant à porter le coup de grâce au Parti de la justice et du développement (PJD), le parti islamiste au gouvernement à l'époque, et dont la légitimité religieuse concurrençait celle du roi, le Commandeur des croyants. Ce dernier fait alors signer l'accord de normalisation non pas par le ministre des Affaires étrangères mais par le chef du gouvernement, l'islamiste Saad Dine Elotmani (2017-2021), en même temps secrétaire général du PJD. Les conséquences sur l'identité politique et l'image du parti sont désastreuses car la lutte contre la normalisation avec « l'entité sioniste » fait partie de l'ADN des partis islamistes. Laminé électoralement un an plus tard lors des législatives de 2021 où il obtient 12 sièges au Parlement du Maroc qui en compte 395, le PJD est aujourd'hui l'ombre de lui-même, une coquille vide.

Lors des rassemblements propalestiniens qui se déploient depuis le 7 octobre dans les artères principales des grandes villes, ni les dirigeants du PJD ni ses militants n'osent se montrer ou se mêler aux foules en colère. Et pour tenter de réparer ce que l'ancien secrétaire général avait détruit en signant le traité de normalisation, le nouveau dirigeant du PJD, Abdelilah Benkirane, un populiste lui aussi ancien chef du gouvernement (2011- 2016), multiplie désespérément les sorties médiatiques. « Oui, le PJD s'est trompé en signant la normalisation, nous l'admettons. Mais le parti n'a jamais été pour cette normalisation », déclare-t-il en sanglots, le 19 novembre 2023 devant un parterre de militants. Il va même jusqu'à offrir au leader du Hamas Khaled Mechaal, en visite au Maroc, une tribune dans laquelle le responsable palestinien, devant les militants, invite les Marocains « à s'adresser aux dirigeants du pays (…) pour rompre les relations, arrêter la normalisation et chasser l'ambassadeur » – ce qui suscite une colère noire de l'entourage royal qui y voit une « ingérence intolérable et un appel à peine déguisé au soulèvement. »

Pour réhabiliter son parti, Abdelilah Benkirane ira même jusqu'à tenir des propos ouvertement antisémites : « Ils avaient des savants comme Einstein, mais ils ne voient pas loin. C'est pour cela que Dieu les a favorisés au début et maudit il y a 2 000 ans. Parce qu'en réalité, ils sont idiots. Leur idiotie leur fait croire que c'est la force qui résout le problème ». Mais ces tentatives n'ont pas d'effets marquants sur l'image de sa formation ni de ses dirigeants qui restent parmi les moins considérés sur la scène politique marocaine.

Organisation à la romaine

Toutefois, l'absence du PJD va être vite comblée par l'autre composante de l'islamisme marocain : l'association Justice et bienfaisance (Al-Adl wa Al-Ihsan). Interdit mais toléré, ce mouvement, qui ne reconnaît pas le statut religieux du roi et conteste ses larges pouvoirs politiques, est très présent dans les manifestations propalestiniennes à travers la mobilisation, à Rabat et Casablanca notamment, de l'essentiel de ses sympathisants. Connu pour son organisation à la romaine, la discipline de ses membres et les moyens utilisés pour s'assurer un maximum de visibilité dans l'espace public, Justice et bienfaisance ne pouvait pas rater l'occasion du 7 octobre pour s'affirmer comme "l'unique choix islamiste possible", après le fiasco électoral et politique du PJD.

Très présents sur les réseaux sociaux, dès lors que les médias officiels leur sont fermés, les militants n'hésitent pas à utiliser la question palestinienne et celle de la normalisation comme des vecteurs de redéploiement pour rallier ne serait-ce que les déçus du PJD, mais aussi comme des leviers pour contester le régime monarchique et sa légitimité religieuse – le roi Mohammed VI étant à la fois Commandeur des croyants et président du Comité Al-Qods pour la Palestine.

Silence de cathédrale

En ce qui concerne les autres partis politiques, le contraste reste très marqué avec la population qu'ils sont supposés, selon la Constitution, représenter et encadrer. Pour ces partis parfaitement domestiqués par la monarchie, la question palestinienne est devenue, depuis la signature de l'accord de normalisation, une ligne rouge à ne pas franchir, à l'exception du Parti socialiste unifié (PSU) et de la Voie démocratique travailliste (Al-Nahj Al-Dimokrati Al-Amili), deux organisations de gauche ultra-minoritaires.

Si certains osent, en y mettant beaucoup de gants, contester les attaques israéliennes contre Gaza et le nombre effrayant des victimes, ils évitent soigneusement de demander la fin de la normalisation. Cela se traduit sur le terrain par l'absence des partis politiques dans les manifestations propalestiniennes. S'agit-il d'une prudence stratégique et d'une volonté de leurs dirigeants de ne pas susciter l'ire du roi et de son entourage ? Aucune réponse. Un silence de cathédrale. Y compris, le 12 janvier 2024, au moment même où l'Afrique du Sud défend sa plainte pour génocide contre Israël devant la plus haute Cour de l'ONU, la Cour internationale de justice dont l'un des membres, le juriste Mohamed Bennouna, est Marocain. Au même moment, le Bureau de liaison, une délégation marocaine à Tel-Aviv, annonce la reprise de tous les services consulaires à partir du 22 janvier, après leur suspension, le 19 octobre 2023, lorsque le ministère des Affaires étrangères israélien avait décidé d'évacuer son bureau de liaison à Rabat en réponse à la forte mobilisation des Marocains.

Même silence du côté du Palais royal, à l'exception d'un communiqué laconique datant du 17 octobre, au lendemain du bombardement par l'armée israélienne de l'hôpital Al-Maamdani faisant plusieurs centaines de morts et de blessés palestiniens à Gaza : « Le Royaume du Maroc réitère son appel à ce que les civils soient protégés par toutes les parties et qu'ils ne soient pas pris pour cibles. Sa Majesté le roi Mohammed VI, que Dieu L'assiste, président du Comité Al-Qods, souligne l'urgence de fédérer les efforts de la communauté internationale pour mettre fin, au plus vite, aux hostilités, respecter le droit international humanitaire et œuvrer pour éviter que la région ne sombre dans une nouvelle escalade et de nouvelles tensions. »

Un silence qui sera doublé d'une absence physique du roi dès le 4 décembre. Le président du comité Al-Qods entame alors un long périple mi-officiel mi-privé qui le conduit d'abord aux Émirats arabes unis, où il est reçu en grande pompes par le Cheikh Mohammed ben Zayed fraichement investi, avant de s'envoler le 17 décembre vers les Seychelles, l'archipel africain aux 115 îles paradisiaques dans l'océan Indien. Le roi part ensuite pour Singapour, où il fête le Nouvel An, avant de finalement rentrer à Rabat le 11 janvier, jour de la signature du manifeste pour l'indépendance, célébré au Maroc.

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Guerre d’influence entre l’Occident et les Brics en Afrique

30 janvier 2024, par Nicolas Beau — ,
La présidente de l'Alliance internationale des Brics Larisa Zlenstova et son vice-président chargé des projets stratégiques, Ahoua Don Mello accompagnés des vice-présidents (…)

La présidente de l'Alliance internationale des Brics Larisa Zlenstova et son vice-président chargé des projets stratégiques, Ahoua Don Mello accompagnés des vice-présidents Brics chinois et indien ont parrainé, le jeudi 18 janvier dernier, la signature d'un accord-cadre sur le financement de plusieurs projets stratégiques au profit du gouvernement centrafricain, au moment où le Secrétaire d'Etat américain, Anthony Blinken préparait sa mini tournée dans l'ouest-africain.

Tiré de MondAfrique.

La guerre d'influence que se livrent de plus en plus ouvertement le bloc occidental et l'Alliance internationale des Brics a pris, ces derniers jours, l'allure d'un chassé-croisé diplomatique sur le sol africain où séjourne, depuis lundi, Anthony Blinken. Le Secrétaire d'Etat américain qui doit se rendre dans les prochains jours à Luanda, en Angola, a débuté sa mini tournée diplomatique au Cap vert avant de rejoindre Abidjan le même jour. Partout, il a promis à ses « amis » africains un soutien institutionnel et financier de son pays de nature à aider au renforcement de la démocratie.

La Côte d'Ivoire qui doit organiser une élection présidentielle en 2025, soit dans un peu plus d'un an, partage ses deux frontières nord avec le Burkina Faso et le Mali qui ont tous les deux, plus le Niger, établi des accords de coopération militaire avec Moscou.

La montée du djihadisme

Abidjan s'inquiète également des possibles infiltrations de groupes djihadistes sur son territoire et compte sur ses partenaires occidentaux compte de la guerre larvée qui l'oppose à ses voisins du Sahel. En revanche, les Brics ont le vent en poupe en Afrique où ils doivent maintenant consolider leur influence en réalisant les infrastructures d'interconnexion capables d'aider au développement de leurs partenaires du continent. C'est pourquoi au moment de signer l'accord cadre entre le patron de l'entreprise émirati, Engineering solution (ENGSOL), et le ministre des transports et de l'aviation civile Herbert Djono-Ahaba, tout l'état-major des Brics comprenant la présidente Larisa Zelenstova, le vice-président chargé des projets stratégiques et les vice-présidents chinois et indien des Brics se sont retrouvés au grand complet à Bangui, dans la capitale centrafricaine.

Tous ont donc assisté à la conclusion de l'accord de concession destiné à la construction du futur aéroport international du pays qui, pour l'heure, est le seul à avoir bénéficié d'un contrat de réalisation. A ce titre, ENGSOL finance la conception, l'ingénierie et le financement du nouvel aéroport, ainsi que la création d'une zone franche de fret régional et la mise en place de l'exploitation d'un système de gestion intégrée à l'ensemble des activités du transport aérien dans le pays.

Cette cérémonie de signature a été présidée par le président centrafricain, Faustin Touadéra, président de la République de la Centrafrique qui avait à ses côtés Mme Zlenstova et Ahoua Don Mello en tant que responsable des projets stratégiques dans l'Alliance. Reste désormais à régler les problèmes fonciers et toutes les questions liées aux sujétions coutumières avant le démarrage des travaux.

Baptisés 5G, ces projets majeurs stratégiques comprennent également la construction d'une ville nouvelle et moderne, l'ouverture d'un réseau de chemins de fer destiné à relier les côtes, tout comme divers autres projets intéressant les secteurs des mines, des télécoms et de l'énergie.

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Le Niger, le Burkina Faso et le Mali quittent la CEDEAO

30 janvier 2024, par Rédaction de Mondafrique — , , ,
Les trois pays du Sahel central organisés en Alliance des Etats du Sahel (AES) au sein de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest viennent d'annoncer dimanche (…)

Les trois pays du Sahel central organisés en Alliance des Etats du Sahel (AES) au sein de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest viennent d'annoncer dimanche leur sortie de l'organisation ouest-africaine. La télévision publique nigérienne a publié officiellement la nouvelle.

Tiré de MondAfrique.

Les trois pays ont fondé l'AES après le coup d'Etat qui a renversé Mohamed Bazoum le 26 juillet dernier, pour se défendre contre les pressions très fortes exercées par la France et la CEDEAO, dont les deux leaders, les Présidents ivoirien Alassane Ouattara et nigérian Bola Tinubu, étaient en visite officielle à Paris ces dernières heures.

A la suite du renversement du Président Bazoum, le Niger a exigé le départ du contingent français et de l'ambassadeur Sylvain Itte, dans le cadre d'un bras de fer très dur avec Paris et de sanctions d'une gravité inédite ordonnées par la CEDEAO contre ce pays enclavé.

La CEDEAO prévoit la libre circulation des personnes et des biens pour les ressortissants de ses 15 membres en Afrique de l'Ouest : les 8 Etats réunis au sein de l'UEMOA (Union économique et monétaire d'Afrique de l'Ouest) et fonctionnant avec le franc CFA ainsi que les anglophones et les lusophones, parmi lesquels le géant nigérian.

Les intérèts occidentaux déstabilisés

La crise provoquée par les coups d'Etat militaires dans les trois pays du Sahel a déstabilisé les intérêts occidentaux dans la région. Le Premier ministre du Niger Lamine Zeine est revenu il y a quelques jours d'une tournée en Russie et en Iran.

« Après 49 ans d'existence (de la CEDEAO), les vaillants peuples du Burkina, du Mali et du Niger constatent avec beaucoup de regret, d'amertume et une grande déception que leur organisation s'est éloignée des idéaux de ses pères fondateurs et du panafricanisme », écrivent les trois présidents, le capitaine Ibrahim Traoré au Burkina Faso, le colonel Assimi Goïta au Mali, et le général Abdourahmane Tiani au Niger dans le communiqué conjoint rendu public dimanche. « En outre, la CEDEAO, sous l'influence des puissances étrangères trahissant ses principes fondateurs est devenue une menace pour ses Etats membres et ses populations dont elle est sensée assurer le bonheur. En effet, l'organisation n'a pas porté assistance à nos Etats dans le care de notre lutte existentielle contre le terrorisme et l'insécurité ; pire lorsque ces Etats ont décidé de prendre leurs destins en main elle a adopté une posture irrationnelle et inacceptable en imposant des sanctions illégales, illégitimes, inhumaines et irresponsables en violation de ses propres textes. »

« Toutes choses qui ont davantage fragilisé les populations déjà meurtries par des années de violence imposées par des hordes terroristes instrumentalisées et téléguidées. Face à cette situation qui perdure, (les trois Présidents) prenant toutes leurs responsabilités devant l'histoire et répondant aux attentes, préoccupations et aspirations de leurs populations, décident en toute souveraineté du retrait sans délai du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la Communauté économique des Etats de l'Ouest », conclut le communiqué.

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Sergueï Lavrov, ministre russe des affaires étrangères : « Israël poursuit des objectifs similaires à ceux de la Russie » !

30 janvier 2024, par Yorgos Mitralias — , , ,
Ceux qui doutent encore de l'existence de « similitudes » entre les guerres menées par MM. Poutine et Netanyahou contre l'Ukraine et les Palestiniens, respectivement, peuvent (…)

Ceux qui doutent encore de l'existence de « similitudes » entre les guerres menées par MM. Poutine et Netanyahou contre l'Ukraine et les Palestiniens, respectivement, peuvent désormais se rassurer en voyant leurs doutes enfin et irrévocablement dissipés : Sergueï Lavrov, ministre russe des affaires étrangères et bras-droit de M Poutine, affirme catégoriquement à l'agence de presse officielle russe RIA Novosti, qui dépend du gouvernement de la Fédération de Russie, qu'« Israël a des objectifs similaires à ceux de la Russie » !

22 janvier 2024 | tiré du site Entre les lignes entres les mots | Dessin de Sonia Mitralia
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/01/24/serguei-lavrov-ministre-russe-des-affaires-etrangeres-israel-poursuit-des-objectifs-similaires-a-ceux-de-la-russie/

Et M. Lavrov s'empresse même de préciser que les objectifs d'Israël dans sa présente campagne de nettoyage ethnique et d'extermination du peuple palestinien, à savoir « la destruction complète du mouvement Hamas » et « l'élimination de tout extrémisme à Gaza » sont similaires à la « démilitarisation » et la « dénazification » que Moscou poursuit en Ukraine depuis le début de l'offensive en février 2022 ! [1] Et pour qu'il n'y ait aucun doute sur ce qu'il a dit, M. Lavrov conclut, dans le texte intégral de RIA Novosti que nous publions ci-dessous, par ce qui ressemble fort à un éloge de M Netanyahou, puisqu'il souligne que, contrairement à son prédécesseur, l'actuel premier ministre israélien « a évité de faire des déclarations contre la Russie, malgré les critiques internationales et le fait qu'il se trouve dans une « situation difficile » », et, surtout, « a refusé d'envoyer de l'aide militaire à l'Ukraine » !

Mais à qui s'adresse M. Lavrov avec ces déclarations tonitruantes ? Et quel est l'objectif de ces déclarations particulièrement cyniques du ministre russe des affaires étrangères, qui ne plairont certainement ni aux partisans plus ou moins fervents de la guerre de M. Poutine contre l'Ukraine, ni à ceux qui soutiennent sans réserve la guerre de M. Netanyahou contre les Palestiniens ? La réponse renvoie, d'une part, à l'indifférence traditionnelle du Kremlin à l'égard des « petits » dont il se moque éperdument, qu'ils soutiennent ou non la Russie. Et d'autre part, à la préoccupation permanente du Kremlin, et donc de la diplomatie russe, qui n'est autre que le rapprochement avec les « grands », et surtout avec les États-Unis, en faisant apparaître la Russie de Poutine comme le défenseur le plus conséquent de ce qu'il appelle la « civilisation occidentale », c'est-à-dire des intérêts géostratégiques et autres du capitalisme.

En d'autres termes, M Lavrov s'adresse d'abord à l'establishment américain, et accessoirement européen, c'est-à-dire là où il sait qu'il y a de plus en plus d'« oreilles bienveillantes » disposées au moins à considérer favorablement les arguments russes. Et il le fait en expliquant que la Russie ne fait rien de plus en Ukraine qu'Israël à Gaza, avec le soutien de la quasi-totalité de l'Occident. La différence, cependant, c'est que cet Occident, et surtout les États-Unis, poursuivent une politique « absurde » de deux poids et deux mesures, refusant de faire dans le cas ukrainien ce qu'ils font dans le cas palestinien, ce qui est, après tout, contraire à leurs intérêts à long terme. Bref, M. Lavrov sermonne l'Occident, comme d'ailleurs la fait d'habitude M. Poutine, en essayant de lui faire comprendre que la Russie n'est pas un adversaire mais plutôt un ami, les deux ayant des intérêts communs. Et c'est évidemment pour cette raison que cette interview importante n'a pas reçu l'attention qu'elle méritait, que la presse française l'a passé sous un silence très éloquent (pas un mot !) et qu'elle reste donc totalement inconnue. Quant aux divers « naïfs » qui prennent les vessies coloniales grande-russes pour des lanternes anti-impérialistes, ils ne valent qu'en tant qu'« idiots utiles », et jetables, de la propagande russe…

Conclusion : En affirmant catégoriquement que la Russie de Poutine et l'Israël de Netanyahou ont les mêmes objectifs en Ukraine et à Gaza, M. Lavrov a fait quelque chose qu'il n'a pas l'habitude de faire : il a dit la vérité !

*-*

Israël poursuit des objectifs similaires à ceux de la Russie – Lavrov

La lutte contre le nazisme est ce qui unit historiquement la Russie et le pays du Moyen-Orient, a déclaré le ministre des affaires étrangères.

Les objectifs déclarés d'Israël dans son opération en cours contre les militants du Hamas à Gaza semblent presque identiques à ceux de Moscou dans sa campagne contre le gouvernement ukrainien, a déclaré le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, dans une interview accordée à RIA Novosti jeudi.

Les forces de défense israéliennes (FDI) mènent depuis deux mois une campagne de bombardements incessante dans l'enclave palestinienne de Gaza, à la suite d'une attaque surprise du Hamas contre les territoires israéliens le 7 octobre. L'attaque des militants palestiniens a fait quelque 1 200 morts et plus de 200 otages ont été enlevés. La réponse d'Israël, quant à elle, aurait coûté la vie à plus de 21 000 personnes, selon les autorités sanitaires de Gaza.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré que l'objectif final de Tsahal était la destruction complète du mouvement Hamas sous toutes ses formes, ainsi que l'élimination de tout extrémisme à Gaza.

M. Lavrov a toutefois fait remarquer que ces objectifs semblent similaires à la « démilitarisation » et à la « dénazification », que Moscou poursuit en Ukraine depuis le lancement de son offensive en février 2022.

Le diplomate a relevé l'hypocrisie dont a fait preuve l'ancien gouvernement israélien du Premier ministre Yair Lapid, qui a condamné l'opération militaire russe et accusé Moscou d'attaquer la population civile et d'annexer des parties de l'Ukraine. « C'était injuste », a déclaré M. Lavrov.

Dans le même temps, le ministre a souligné que l'actuel Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu – qui a pris ses fonctions pour un sixième mandat en décembre 2022 – a évité de faire des déclarations contre la Russie, malgré les critiques internationales et le fait qu'il se trouve dans une « situation difficile ».

M. Lavrov a également rappelé que M. Netanyahu avait eu deux conversations téléphoniques avec le président russe Vladimir Poutine et que les Israéliens avaient aidé Moscou à évacuer les citoyens russes de Gaza.

« C'est pourquoi nous devons être très attentifs à notre histoire commune avec Israël et, surtout, à l'histoire de la lutte contre le nazisme. C'est la principale chose qui nous unit historiquement », a déclaré M. Lavrov.

La Russie a appelé à plusieurs reprises Israël et le Hamas à cesser les hostilités à Gaza. M. Poutine a déclaré que le seul moyen de résoudre la crise du Moyen-Orient était de parvenir à une formule « à deux États » approuvée par le Conseil de sécurité des Nations unies.

M. Netanyahou, quant à lui, a refusé d'envoyer une aide militaire à l'Ukraine et s'est proposé comme médiateur potentiel pour des pourparlers de paix entre Moscou et Kiev.
jeudi 28 décembre 2023, par RT News

[1] Dans son résumé, RIA Novosti ne fait référence qu'à la partie de l'interview de Lavrov dans laquelle le ministre russe des affaires étrangères parle d'Israël et de la guerre qu'il mène contre les Palestiniens. L'interview complète (du 28/12/2023) de Lavrov est plus éloquente que son résumé, et peut être consultée, traduite en anglais, sur le site web du ministère russe des affaires étrangère :
https://mid.ru/en/foreign_policy/news/1923676/

Yorgos Mitralias

Russia, per Lavrov Israele persegue obiettivi simili a quelli della Russia

https://andream94.wordpress.com/2024/01/22/russia-per-lavrov-israele-persegue-obiettivi-simili-a-quelli-della-russia/

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La Confédération paysanne appelle à se mobiliser pour des paysannes et paysans nombreux et rémunérés !

30 janvier 2024, par Confédération paysanne — , ,
Le Comité National de la Confédération paysanne réuni aujourd'hui affirme sa pleine solidarité avec les mouvements d'agricultrices et d'agriculteurs en France. Le constat est (…)

Le Comité National de la Confédération paysanne réuni aujourd'hui affirme sa pleine solidarité avec les mouvements d'agricultrices et d'agriculteurs en France. Le constat est partagé : la colère exprimée est légitime, tant le problème de la rémunération du travail paysan est profond. Il y a 25 ans, la Confédération paysanne dénonçait déjà les conséquences du libéralisme, du Larzac à Seattle.

24 janvier 2024, | tiré d'Europe solidaire sans frontières
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article69508

Par contre, sur les solutions proposées, l'agriculture française tourne en rond depuis des décennies derrière la sacro-sainte « compétitivité » chère à l'agrobusiness et aux marchés mondialisés. Résultat : un plan de licenciement massif dramatique qui tue nos campagne.

La Confédération paysanne nationale a aujourd'hui pris la décision d'appeler l'ensemble des structures départementales à exprimer leur solidarité au mouvement, à se mobiliser et à porter des solutions durables de sortie de crise et de système.

Nos mobilisations prendront diverses formes, en fonction du contexte local. Le mot d'ordre commun de la Confédération paysanne est clair : « Un revenu digne pour tous les paysans et paysannes » et « Rompre avec le libre-échange ».

Alors que plusieurs Confédération paysanne départementales étaient déjà mobilisées sur le terrain, la décision de notre Comité National va amplifier cette mobilisation. Plusieurs dizaines de départements ont déjà prévu de se mobiliser pour obtenir des solutions concrètes pour tous les paysans et paysannes. Demain, les Confédération paysanne du Rhône, de Loire-Atlantique et du Var manifesteront, vendredi dans les Pyrénées orientales, ce week-end en Bretagne et dans le Calvados...

Nous souhaitons collectivement apporter de véritables solutions de fond au malaise agricole. Nous demandons donc d'urgence une loi interdisant tout prix agricole en-dessous de nos prix de revient et la fin immédiate des négociations d'accords de libre-échange.

Les gouvernements successifs et la FNSEA ont mené conjointement l'agriculture dans l'impasse actuelle d'un système économique ultralibéral, inéquitable et destructeur. Nous alerterons nos collègues sur le mirage de la « suppression des normes » et celui du « complément de revenu » par la production d'énergies.

Certes, une simplification administrative est nécessaire car beaucoup de procédures administratives et de normes sanitaires sont inadaptées à la réalité de nos fermes. Mais ne nous trompons pas de cible. La demande de la majorité des agriculteurs et agricultrices qui manifestent est bien celle de vivre dignement de leur métier, pas de nier les enjeux de santé et de climat ou de rogner encore davantage sur nos maigres droits sociaux.

Ce n'est pas, comme le font les dirigeants de la FNSEA, en demandant à pouvoir détruire des haies, en instrumentalisant le sujet des jachères, en éludant la question du partage équitable des terres et de l'eau, en négociant des avantages pour la production d'agrocarburants, que nous résoudrons en profondeur les problématiques de notre métier de paysan, producteur d'alimentation pour nos concitoyen·nes.

Nous lutterons sur le terrain contre toute forme de récupération de nos colères pour attiser le chaos, encourager le repli sur soi et in fine poursuivre la fuite en avant d'un système qui nous met en concurrence les uns contre les autres. Nous appelons également à des mobilisations pacifiques respectueuses des personnes, des biens publics et exemptes de racisme, de sexisme ou de toute autre forme de discrimination.

Ce dont nous avons besoin, c'est de s'attaquer aux racines du problème en offrant plus de protection sociale et économique aux agricultrices et agriculteurs.

Instauration de prix garantis pour nos produits agricoles, mise en place de prix minimum d'entrée sur le territoire national, accompagnement économique à la transition agroécologique à la hauteur des enjeux, priorité à l'installation face à l'agrandissement, arrêt de l'artificialisation des terres agricoles : rassemblons-nous sur des solutions d'avenir pour transformer positivement cette colère et sortir du marasme dans lequel est plongé le monde agricole depuis trop longtemps.

Bagnolet, le 24 janvier 2024

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Pourquoi nous sommes tous des paysans en colère

30 janvier 2024, par Nicolas Framont — , ,
Depuis plusieurs mois, le monde paysan est en ébullition : au début cantonné à plusieurs journées d'action organisées par les puissants syndicats patronaux FNSEA et Jeunes (…)

Depuis plusieurs mois, le monde paysan est en ébullition : au début cantonné à plusieurs journées d'action organisées par les puissants syndicats patronaux FNSEA et Jeunes Agriculteurs, il s'est transformé en mouvement de colère un peu plus spontané qui met en œuvre des actions choc de blocage des flux de circulation, en particulier dans le Sud-Ouest du pays. Dans le reste de la population, on pointe – à juste titre – l'attitude des autorités locales et nationales qui auraient été bien plus répressives si ce genre d'action avaient été le fait de syndicalistes, d'écologistes et de gilets jaunes. D'autres, à gauche, s'inquiètent des contradictions du mouvement : les revendications pour un niveau de vie décent se mêlent à un discours antiécologique, la concurrence internationale est critiquée mais les représentants officiels du monde paysan – comme le président de la FNSEA Arnaud Rousseau – sont proches des grands groupes qui en bénéficient… Et pourtant, en montrant aux agriculteurs que nous sommes avec eux, nous pouvons contrer le mal que les gouvernements et les industriels nous font à nous tous.

25 janvier 2024 | tiré du site Frustrations
https://www.frustrationmagazine.fr/agriculteurs-colere/
par Nicolas Framont | 25 Jan 2024 | Édito

1 – Les racines de la colère

Tout le monde sait que la vie d'une agricultrice ou d'un agriculteur français est difficile. Il s'agit pour commencer d'un métier pénible sur le plan physique, qui expose à de nombreux accidents du travail et maladies professionnelles. Dans certains secteurs, comme l'élevage, les amplitudes horaires sont très importantes et il est très difficile, en particulier pour les petits exploitants, de prendre des congés. Cette réalité est de mieux en mieux connue du reste de la population mais de façon souvent superficielle : les épisodes de “l'Amour est dans le pré” ne permettent que peu de comprendre la situation réelle des paysans participants à l'émission tandis que le film à succès “Au nom de la terre”, où Guillaume Canet incarne un agriculteur débordé qui finit par se suicider, ne permet quasiment pas de comprendre les racines du problème. Quant au traitement médiatique des difficultés du monde paysan, il laisse souvent à désirer, comme nous l'expliquions dans cet article. Tout semble fait pour ne pas aborder les sujets qui fâchent, et qui risquent d'exposer les industriels de l'alimentation, les gouvernements successifs et l'entièreté du modèle agricole français et européen qui déconne à plein tube. La preuve infaillible du caractère malsain du système est le taux de suicide des agriculteurs, nettement supérieur au reste de la population (Le risque de mortalité par suicide est supérieur de 43,2% à celui des autres travailleurs, selon la Mutualité Sociale Agricole). Cela signifie que l'organisation de tout un secteur conduit les producteurs à mettre fin à leurs jours tellement ils se sentent pris à la gorge et sans perspective d'avenir. Le taux de pauvreté chez les agriculteurs est de 18% (14,5% dans la population générale) et leurs revenus ont chuté en moyenne de 40% en trente ans, selon le ministère de l'agriculture.

Dans le mouvement social actuel, plusieurs grands problèmes sont mis en avant à travers les revendications, sur les réseaux sociaux et sur les pancartes des paysans mobilisés partout dans le pays

  • La complexité administrative et la charge mentale qui l'accompagne. C'est une des revendications les plus entendues car elle est activement relayée par les gros syndicats comme la FNSEA et les JA (on verra plus loin pourquoi). La plupart des agriculteurs sont des indépendants ou des petits patrons et ils font face à de nombreuses institutions extérieures qui leur demandent des comptes : le ministère de l'agriculture, qui contrôle par exemple le bon usage des produits chimiques, les chambres d'agricultures, qui régulent l'installation, la transmission et les formalités liées à la vie d'une entreprise agricole, l'attribution des terres etc. les banques qui attribuent les crédits aux paysans ou encore la Mutualité Sociale Agricole (MSA) à qui les agriculteurs doivent déclarer leur chiffre d'affaires, qui fixe ensuite le montant des cotisations et qui assure l'ensemble des prestations qui, pour le reste de la population, est confié à la Sécurité Sociale. C'est peu dire que les procédures administratives sont lourdes, nécessitent beaucoup de temps et exposent forcément à plus d'erreurs que lorsque l'on est salarié et que l'on a à faire à moins d'institutions (son employeur, les impôts et la Sécurité sociale, pour faire vite). Les faibles revenus des agriculteurs expliquent aussi qu'il leur soit difficile voire impossible, comme des chefs d'entreprise classiques, d'externaliser ou de confier les tâches administratives à un salarié expert du sujet. Or, “C'est la charge mentale au niveau administratif qui tue petit à petit” expliquait à BFM TV Camille Beaurain, autrice d'un livre-témoignage où elle raconte ce qui a mené au suicide de son mari agriculteur. C'est un constat partagé par Solidarité Paysan, une association qui lutte contre la détresse des paysans en apportant soutien moral et administratif aux paysans en difficulté, et pour laquelle j'ai eu la chance d'être bénévole : les agriculteurs qui contactent l'association sont souvent submergés par des impayés, des relances et une accumulation de difficultés administratives face auxquelles ils n'arrivent plus à faire face. Cette anxiété administrative plombe le moral et finit par alimenter l'idée qu'on ne va plus jamais s'en sortir.

les agriculteurs qui contactent Solidarité Paysan sont souvent submergés par des impayés, des relances et une accumulation de difficultés administratives face auxquelles ils n'arrivent plus à faire face. Cette anxiété administrative plombe le moral et finit par alimenter l'idée qu'on ne va plus jamais s'en sortir.

  • La concurrence internationale déloyale : depuis les années 1960, le secteur agricole français est ouvert à la concurrence internationale, d'abord au niveau européen puis à l'échelle de l'ensemble du globe. Ces dernières décennies, ce processus de “mondialisation” des échanges a été choisi par des gouvernements qui ont conclu des traités de libre-échange. En novembre dernier, le Parlement européen a ratifié un accord de libre-échange entre l'Union européenne et la Nouvelle Zélande : concrètement, cet accord met fin aux droits de douane que pratiquaient les deux zones l'une envers l'autre et va permettre d'intensifier les échanges commerciaux. Sauf que les produits exportés de la Nouvelle Zélande vers l'UE sont principalement de nature agricole : “L'exportation de viande rouge et de produits laitiers, sur lesquels les négociations ont été rudes, devraient générer plus de 500 millions d'euros' supplémentaires pour la Nouvelle-Zélande dans les sept ans à venir” indique ainsile journal New Zealand Herald. Vous avez bien lu : la viande rouge et les produits laitiers, c'est-à-dire ce que produisent actuellement les éleveurs français, lesquels sont déjà la catégorie d'agriculteurs la plus pauvre (25% de taux de pauvreté). Le gouvernement français, qui a soutenu l'accord avec la Nouvelle-Zélande, a donc choisi de sacrifier les producteurs de viande et de produits laitiers au profit d'un autre secteur qui bénéficie, lui, des exportations, notamment le vin. Dans tout processus d'ouverture internationale il y a des gagnants et des perdants : dans le cas de l'agriculture française, des producteurs de vin réputés (comme le Bourgogne) ou de Cognac (les agriculteurs les plus riches dans l'ex-région Poitou-Charente) ont tout à gagner de la concurrence internationale, puisqu'ils disposent d'un terroir unique. En revanche, les éleveurs, eux, ont tout à perdre. Enfin, les accords de libre échange sont toujours injustes, puisque les normes de production ne sont pas les mêmes d'un pays à l'autre et que c'est le pays le moins favorable socialement et environnementalement qui sera le plus compétitif… sans compter l'aberration écologique que constitue l'importation de viandes et de produits laitiers depuis l'autre bout du globe quand on peut produire la même chose localement.
    En novembre dernier, le Parlement européen a ratifié un accord de libre-échange entre l'Union européenne et la Nouvelle Zélande : concrètement, cet accord met fin aux droits de douane que pratiquaient les deux zones l'une envers l'autre et va permettre d'intensifier les échanges commerciaux. Sauf que les produits exportés de la Nouvelle Zélande vers l'UE sont principalement de nature agricole
  • Les prix trop bas : c'est une revendication qui apparaît sur tous les blocages à travers le pays. Les agricultrices et agriculteurs français ont globalement le sentiment de ne pas être suffisamment rémunérés pour leur travail. Effectivement, ils sont pour la plupart pris dans un système où ils ne sont pas maîtres du prix de vente de leurs produits et sont contraints de vendre à prix cassés leurs productions à des industriels bien plus forts qu'eux. Début janvier, le géant de l'agro industrie Lactalis a annoncé unilatéralement une baisse du prix du lait qu'elle achète aux producteurs. Ces derniers ne peuvent pas, individuellement, protester. Lactalis est pourtant une très grande entreprise française. Son PDG, Emmanuel Besnier, est l'un des hommes les plus riches du pays, avec une fortune estimée à plus de 25 milliards de dollars par le magazine Forbes. Pourtant, les producteurs de lait français gagnent en moyenne 25 100 euros par an… C'est dire si le gâteau est mal réparti ! Les agriculteurs mobilisés en Haute-Saône ne s'y sont pas trompés : le 23 janvier, ils sont allés déverser une grande quantité de déchets devant les bâtiments de Lactalis. Depuis les années 90, les prix de vente des productions agricoles ont considérablement baissé, car la production agricole s'est intensifiée, a augmenté et s'est internationalisée. Parallèlement à cela, le secteur agroalimentaire s'est densifié, de grandes entreprises puissantes comme Lactalis et des groupes comme Unilever, Danone, Nestlé se sont structurés. A l'autre bout de la chaîne, la grande distribution a révolutionné la consommation alimentaire en proposant des prix bas et en offrant à ses actionnaires un parfait contrôle de la chaîne de production. Des grandes fortunes se sont constituées sur cette fortification de l'agro alimentaire et de la grande distribution : les Leclerc, Mulliez (Auchan), Besnier (Lactalis) se sont engraissés… pendant que toute une partie du monde agricole, lui, restait composé de petits exploitants qui ne font plus le poids face à de tels géants. Selon l'Observatoire français des prix et des marges, seul 10%, en moyenne, du prix de vente d'un produit agricole revient aux producteurs.

Le PDG de Lactalis, Emmanuel Besnier, est l'un des hommes les plus riches du pays, avec une fortune estimée à plus de 25 milliards de dollars par le magazine Forbes. Pourtant, les producteurs de lait français gagnent en moyenne 25 100 euros par an…

  • Des charges trop élevées : Parallèlement à ça, certaines charges ont augmenté, et de façon particulièrement forte ces deux dernières années avec l'inflation : En 2022, le prix des intrants utilisés par les exploitants pour leur activité agricole a augmenté de 25,9 %, selon le ministère de l'agriculture. Par “intrants” on désigne les engrais et amendements (dont les prix ont augmenté en 2022 de … 74,8 % !), l'énergie et des lubrifiants (+ 41,6 %), et les aliments pour animaux (+ 24,9 %). Comment ne pas comprendre que les agriculteurs se sentent étranglés ? Forcément, lorsque le ministre des finances Bruno Le Maire a annoncé la fin de l'avantage fiscal des agriculteurs sur le gazole non routier (GNR), la colère a franchi un cap. Comme au début du mouvement des gilets jaunes, les agriculteurs se mobilisent contre une taxation qui a des motifs écologiques (désinciter l'utilisation des énergies fossiles) mais qui va d'abord peser sur des gens qui sont déjà au bord du gouffre.

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  • Vivre des aides ou vivre de son travail ? La lourdeur des procédures administratives qui pèsent sur les agriculteurs français tient notamment au fait qu'une partie très significative de leur revenu est étroitement liée à l'obtention d'aides, à commencer par la fameuse PAC, pour “Politique Agricole Commune”. Les aides PAC ont originellement été établies dans l'après-guerre pour relancer le secteur agricole et pousser à sa modernisation. Mais depuis les années 90, les aides PAC servent en réalité à compenser la faiblesse des prix et les effets de la concurrence internationale. Il s'agit de maintenir une agriculture et de la pousser, timidement, à se réformer, notamment pour s'adapter aux évolutions environnementales. Il faut imaginer la complexité des dossiers : si une partie des aides PAC sont associées à des paramètres assez clairs comme le nombre d'hectares, d'autres critères sont liés à l'utilisation des pesticides, au mode de production etc. On imagine bien que pour un exploitant isolé, remplir chaque année des dossiers de subvention qui assurent toute une partie de ses revenus est particulièrement stressant… La dépendance aux aides PAC mine le moral des agriculteurs qui ont l'impression de ne pas réellement vivre de leur travail et de dépendre de l'évolution de la réglementation en la matière, qui est changeante. De plus, la faiblesse de leurs revenus rend 10% d'entre eux dépendants des prestations sociales que sont le RSA et la prime d'activité…. quand ils y ont recours, puisque, selon nos confrères de Reporterre, ils seraient 50 à 60% à ne pas demander les aides auxquelles ils ont droit. La nécessité des aides PAC et des prestations sociales mine le moral du monde paysan et nourrit la complexité administrative dont ils se sentent victimes.

2 – L'hypocrisie du gouvernement et des médias face à la colère des paysans

A l'heure actuelle, la mobilisation des agricultrices et agriculteurs est soutenue par l'intégralité des partis politiques et par une bonne partie des médias, y compris les plus à droite. Il semble bien que la radicalité des actions – blocages des autoroutes, dégradation des bâtiments publics, voire même l'explosion d'un bâtiment de la Direction générale de l'environnement de l'Aude, à Carcassonne, n'empêchent donc pas les bons bourgeois qui nous gouvernent de continuer de soutenir la mobilisation. Même les préfets, habitués à réprimer violemment les manifestations de tout type et de toute fraction de la population (gilets jaunes, cheminots, infirmières, pompiers, écologistes…) sont très complaisants envers le mouvement et leur assure une protection. Ainsi, le mardi 23 janvier, la police a organisé une escorte des tracteurs et autres véhicules venus larguer du fumier et des déchets devant des banques et des bâtiments publics, une séquence qui a suscité la surprise sur les réseaux sociaux.

Comment expliquer une telle complaisance des autorités politiques et médiatiques et que faire de ça ? Tout d'abord, il faut bien comprendre qu'elles n'ont pas vraiment le choix : d'abord, le mouvement est extrêmement populaire auprès de la population française. Selon l'institut Elabe, qui a fait un sondage le 24 janvier, le mouvement est approuvé par 87% de la population. C'est encore davantage que le mouvement des gilets jaunes dans ses débuts (approuvés par 73% des sondés). On y apprend que la population a une excellente image des agriculteurs et une forte empathie pour ses difficultés. Mais ça ne suffit pas à expliquer l'attitude du gouvernement : s'en prendre violemment à la mobilisation contre la réforme des retraites, pourtant ultra populaire, ne lui avait posé aucun problème.

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Par contre, les préfets et le gouvernement savent que l'équipement des agriculteurs et leur détermination ne pourront pas être combattu aussi efficacement que des manifestants non motorisés et moins organisés. Car le rapport de force en faveur de la mobilisation est très très important, ne serait-ce que parce que le mouvement s'étend à l'Europe entière. Peu de professions arrivent à faire cela, et les paysans européens l'ont fait. Le mouvement de blocage a débuté en Allemagne, où des milliers de paysans se sont mobilisés au début du mois de janvier, simultanément à une exceptionnelle grève des cheminots. Le mouvement s'étend désormais à la Roumanie, à la Pologne, aux Pays-Bas… et

il débute en Belgique la semaine prochaine

, qui va favoriser l'exportation vers l'Europe de produits agricoles, ou avec le Maroc, qui va favoriser la concurrence sur les fruits et légumes. Là encore, le gouvernement choisit de sacrifier les agriculteurs français au profit d'autres secteurs : l'accord avec le MERCOSUR vise explicitement à favoriser l'exportation d'automobiles européennes vers l'Amérique du sud. Le gouvernement n'a eu aucune politique volontariste pour réformer ou réorienter les aides PAC, qui continuent de favoriser les plus grosses exploitations agricoles (parce qu'elles sont basées notamment sur la surface exploitée) et donc à creuser les inégalités.

Le gouvernement est lié à l'industrie agroalimentaire, comme il l'est avec toutes les grandes entreprises : le ministre de l'agriculture, Marc Fesneau, a nommé une lobbyste de l'ANIA (Association nationale des industries alimentaires, premier lobby de l'agroalimentaire) au poste de conseillère communication. La Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) a simplement exigé qu'elle n'entre pas en contact avec son ancien employeur… avec qui le ministère traite régulièrement.

3 – Des représentants officiels du monde paysan qui jouent un double jeu

Dès le début de la mobilisation, Gabriel Attal, le premier ministre, s'est empressé de recevoir Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA. La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles est le premier syndicat des agriculteurs exploitants (plus de 50% des voix lors des élections de représentants dans les Chambres d'agriculture), il est donc, pour le moment, l'acteur clef de la mobilisation. Mais face aux revendications de plus en plus claires des agriculteurs mobilisés, notamment sur la question centrale du revenu et le rejet de la concurrence internationale, il est de plus en plus clair que la FNSEA pousse son propre agenda.

Par exemple, concernant le libre-échange et l'accord avec la Nouvelle Zélande, le syndicat demeure très poli : “Nous serons vigilants à ce que les secteurs de production sensibles que sont la viande bovine, la viande ovine et les produits laitiers ne soient pas victimes d'importations qui dérèglent les marchés, écrit la FNSEA au sujet du traité de libre-échange. La Nouvelle Zélande continue à utiliser des produits tels que l'atrazine interdits en Europe. Il est indispensable que l'UE applique la réciprocité des normes, et que par des contrôles robustes aux frontières, le chapitre de l'accord dédié au développement durable ne soit pas qu'un miroir aux alouettes !” Il y a une belle ambiguïté dans ce communiqué : la FNSEA ne rejette pas en bloc une concurrence internationale dont ses adhérents pâtissent et elle demande “la réciprocité des normes”, sans préciser qui doit s'aligner sur qui… De telle sorte que le modèle ultra productiviste de l'agriculture néo-zélandaise pourrait être, pour la FNSEA, à imiter… On comprend bien que pour l'agro industrie qui profite des coûts de production agricole les plus faibles possibles, la réduction des normes environnementales soit un potentiel effet positif du libre-échange… Mais en quoi cela serait-il favorables aux agriculteurs français qui, comme beaucoup le disent sur les blocages, comme le relèvent nos confrères de Reporterre à qui des paysans bloqueurs de l'autoroute A64 ont déclaré : “on voudrait mettre en place des normes écologiques sur nos exploitations, c'est juste qu'il n'y a aucun accompagnement ou trop peu de financements pour cela”.

La FNSEA ne rejette pas en bloc une concurrence internationale dont ses adhérents pâtissent et elle demande “la réciprocité des normes”, sans préciser qui doit s'aligner sur qui… De telle sorte que le modèle ultra productiviste de l'agriculture néo-zélandaise pourrait être, pour la FNSEA, à imiter

La FNSEA et une partie de la classe politique profitent de la mobilisation pour stigmatiser le discours écologiste qui aurait nuit fortement à la condition des agriculteurs français. “La France était la première puissance agricole et on a sacrifié notre agriculture sur l'autel de la bobo-écologie parisienne” a ainsi déclaré le député LR Olivier Marleix. Depuis plusieurs années, à travers le concept d'”agribashing”, la FNSEA a fait de l'opposition aux mesures écologiques son cheval de bataille, et entend amener cette question comme revendication principale de la mobilisation actuelle. Pourtant, on ne peut pas dire que ce soit une politique écologiste qui se soit appliquée en France ces dix dernières années : l'interdiction du glyphosate, ce pesticide cancérigène, a été repoussée de 10 ans avec le soutien du gouvernement Macron, tandis que la gendarmerie nationale a créé, en coopération avec la FNSEA, une cellule chargée de lutter contre l'activisme écologique et antispéciste. Le gouvernement a aussi créé un nouveau label, Haute Valeur Environnemental (HVE) qui permet aux exploitations agricoles de toucher des aides réservées auparavant à l'agriculture biologique mais sans devoir respecter autant de contraintes en termes d'arrêt d'utilisation de substances chimiques. Bref, l'écologie agricole n'est pas au pouvoir, loin de là, et affirmer donc que les paysans seraient d'abord victimes des normes environnementales est un pur mensonge.

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Mais pourquoi la FNSEA l'agite-t-elle, ce mensonge, alors qu'elle est au service des agriculteurs ? Alors qu'il est censé représenter tous les agriculteurs, dans leur diversité, la FNSEA est dirigée par des industriels. Son actuel président, Arnaud Rousseau, dirige aussi le conseil d'administration du groupe Avril, un groupe agro industriel international d'origine française spécialisé dans l'alimentation humaine, l'alimentation animale, l'énergie et la chimie renouvelable. Il possède des filiales comme Puget (huile d'olives), Lesieur ou Matines (les œufs). Le conflit d'intérêt est clair : cet homme est chargé de défendre des paysans que son propre groupe a plutôt intérêt à ne pas trop rémunérer, à diriger et à maintenir sous sa coupe. Dans ces conditions, il n'y a rien d'étonnant à ce que la FNSEA dirige la colère des paysans pour obtenir une réduction des normes environnementales et un alignement sur une concurrence internationale plus productiviste.

4 – Nous sommes tous des paysans : ce qu'ils subissent, nous le vivons aussi

L'omniprésence médiatique de la FNSEA suffit parfois à créer de la défiance envers la mobilisation actuelle. Mais après tout, n'est-ce pas notre lot à tous, toute profession confondue, d'être représentée syndicalement pas des gens qui ont intérêt à nous voir échouer dans nos revendications principales ? Après tout, le premier syndicat des salariés du privé est la CFDT, dont les secrétaires généraux successifs finissent quasi tous par bosser pour le gouvernement et la classe dirigeante ! Notre époque est celle des organisations syndicales et politiques faibles, peu fiables et facilement détournées par ceux qui nous oppriment. Les paysans ne font pas exception.

La surcharge administrative, nous la connaissons tous. Que cela soit au travail ou dans notre vie privée, le niveau de paperasse a atteint des sommets, et c'est une angoisse que nous vivons tous plus ou moins. Or, cela n'a rien à voir avec les restes de socialisme ou à des “normes environnementales”, comme les bourgeois aiment nous le faire croire. Au contraire, le niveau croissant de bureaucratie à tous les niveaux est lié à l'augmentation du capitalisme dans nos vies. Car celui-ci est tellement confus, incohérent et injuste qu'il doit sans cesse être corrigé pour que les choses continuent, malgré tout, de tourner.

Le niveau croissant de bureaucratie à tous les niveaux est lié à l'augmentation du capitalisme dans nos vies. Car celui-ci est tellement confus, incohérent et injuste qu'il doit sans cesse être corrigé pour que les choses continuent, malgré tout, de tourner.

Un exemple : autrefois, les salaires étaient indexés sur l'inflation. En France, c'est fini depuis Mitterrand. Depuis, l'inflation et la faiblesse croissante du rapport de force au travail ont réduit nos rémunérations. A tel point que désormais, toute une partie de la population, salariée et indépendante, ne peut plus vivre de son travail. Comme les paysans, nous sommes de plus en plus nombreux à être contraints à recourir à la prime d'activité, dispositif créé sous François Hollande pour que le contribuable compense les faibles salaires des salariés et les faibles prix des agriculteurs. Vous voulez une mesure de simplification ? Augmentez considérablement le SMIC, réinstaurez l'indexation sur l'inflation, instaurez un contrôle des prix des produits agricoles : nous serons payés par ceux pour qui nous travaillons, et pas par l'Etat. Une mesure de simplification administrative que ni la FNSEA ni le gouvernement ne soutiendront, et pourtant !

Toute la filière agricole pourra fonctionner plus simplement si elle n'était pas soumise à la pression financière et politique de la grande distribution et de l'industrie agroalimentaire. Si l'on veut sauver l'agriculture française, on peut répartir la valeur créée tout le long de cette chaîne, en encadrant les marges de tous les acteurs présents. C'est ce qu'a proposé au Parlement le groupe France Insoumise en novembre, cette proposition a été rejetée par la droite et la majorité. On peut aussi revenir en arrière sur l'ouverture à la concurrence internationale. La “mondialisation” n'est pas une nécessité historique mais un choix politique. Si, en tant que société, nous décidons de sauvegarder un secteur économique parce que nous y sommes attachés et que nous considérons, notamment pour des raisons écologiques, qu'il est absurde d'importer ce que nous mangeons, alors nous pouvons rétablir des barrières douanières au niveau national. Enfin, la complexité des “normes environnementales” tient au fait que nous sommes actuellement dans la demi-mesure : nous vivons dans un système absurde où, actuellement, pour passer en bio, c'est-à-dire produire de façon plus respectueuse de l'environnement, il faut payer des labels et des organismes certificateurs qui vont effectuer des contrôles… Il existe désormais des labels concurrents, entre le AB (agriculture biologique) ou le HVE (Haute valeur environnementale) et ce n'est lisible ni pour le producteur, ni pour le consommateur… parce que le législateur a voulu ménager la chèvre et le choux. Mettre fin à la logique des multiples labels, en proposer un seul, véritablement bio, certifié gratuitement par des organismes publics et avec d'importantes compensations financières, serait à la fois une politique écologique ambitieuse ET une immense mesure de simplification administrative.

Mettre fin à la logique des multiples labels, en proposer un seul, véritablement bio, certifié gratuitement par des organismes publics et avec d'importantes compensations financières, serait à la fois une politique écologique ambitieuse ET une immense mesure de simplification administrative.

Ce qui peut heurter le reste de la population, c'est la revendication, mise en avant par la FNSEA, de “la fin des normes environnementales”. Car oui, l'agriculture intensive pose des problèmes environnementaux et de santé publique, tout le monde le sait. Dans un département agricole comme la Charente-Maritime, l'eau potable est menacée par les pesticides : plusieurs captages ont dû être fermés et il va falloir des millions d'euros pour réussir, à terme, à filtrer l'eau. Le recul de la biodiversité et la disparition de nombreux oiseaux ne convient à personne, pas même aux agriculteurs. Il n'est donc pas très porteur que, face aux caméras, des agriculteurs mobilisés dans le Lot-et-Garonne tiennent des propos hostiles voire insultants envers “les écolos”. En faisant cela, ils s'attirent certes la sympathie des pouvoirs publics et des industriels qui, comme nous l'expliquions dans un précédent article, seraient trop heureux d'utiliser la colère des agriculteurs pour obtenir la possibilité de s'en foutre complètement de l'écologie (ce qu'ils font globalement déjà), mais ils risquent de se couper du reste de la population qui est très majoritairement favorable à une meilleure prise en compte de ce sujet.

Plus nous serons nombreux à rejoindre les agriculteurs et à les soutenir, en partageant des revendications communes – bien vivre de son travail est la première, arrêter de subir la mondialisation forcée en est une autre – plus nous pourrons les amener vers ce qui nous lie tous. En orientant la mobilisation sur la question écologique, forcément clivante parce qu'elle oppose le désir des paysans de produire plus et celle des citoyens de vivre dans un environnement plus sain et plus durable, la FNSEA, la droite, le RN et ses satellites veulent tuer ce qui pourrait conduire à la grande révolte sociale de l'année 2024. Comme au moment des Gilets Jaunes, c'est à la gauche et aux syndicats, ainsi qu'à l'ensemble des autres catégories professionnelles qui subissent le macronisme et le capitalisme de profiter de cette fenêtre de tir et de s'engouffrer dans le combat, aux côtés des agricultrices et agriculteurs. La CGT semble l'avoir compris : le jeudi 25 janvier, elle a appelé ses adhérents à rejoindre la mobilisation !

C'est un grand cap qui peut être franchi par rapport aux mouvements sociaux antérieurs. Car si cette grande révolte sociale advient, nous aurons bien plus qu'un chariot-élévateur à nos côtés.

Nicolas Framont

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Grande-Bretagne. Les femmes et la grève des mineurs de 1984-1985

30 janvier 2024, par Kelly Rogers — , ,
En Grande-Bretagne, la grève des mineurs de 1984-1985 [sous le gouvernement de Margaret Thatcher initié en mai 1979] est un moment riche d'enseignements et d'histoires à la (…)

En Grande-Bretagne, la grève des mineurs de 1984-1985 [sous le gouvernement de Margaret Thatcher initié en mai 1979] est un moment riche d'enseignements et d'histoires à la fois tragiques et stimulantes. L'un de ces aspects réside dans le formidable parcours des femmes du bassin minier.

Tiré de A l'Encontre
24 janvier 2024

Par Kelly Rogers

Le mouvement de soutien des femmes du bassin minier s'est mis en branle quelques semaines seulement après le début de la grève, le 6 mars 1984. Des groupes d'appui ont été créés dans chaque bassin minier par des femmes de la région, principalement des épouses, des sœurs et des filles de mineurs. Elles soutiendront la grève pendant 12 longs mois.

La classe

Dans Never the Same Again, publié en 1987 (The Women's Press Ltd), Jean Stead [journaliste ayant joué un rôle important dans la configuration de The Guardian depuis les années 1960, disparue en 2016] évoque les valeurs traditionnelles des communautés minières. Bien qu'il ne soit pas inhabituel que les femmes travaillent, le nombre de femmes ayant un emploi salarié est plus faible dans les régions minières qu'ailleurs. Il est généralement attendu des femmes qu'elles s'occupent des enfants et des tâches ménagères. Jean Stead écrit : « Au plus profond d'elles-mêmes, elles ont toujours su qu'elles étaient exploitées, mais elles savaient qu'au moins leur exploitation était parallèle à celle des hommes avec lesquels elles partageaient leur vie. C'est pourquoi les femmes de mineurs ne déversent pas, dans l'ensemble, leur amertume du passé sur les mineurs. Elles se plaignent des préjugés de leurs maris, mais elles s'efforcent de les changer, tout en s'occupant des enfants et en préparant les repas pour la fin du service. » Ce qu'elle veut dire, c'est que ce nouveau mouvement n'était pas « féministe » au sens habituel du terme. Certes, les hommes font partie du problème, mais leur situation est aussi le produit de l'exploitation de leur classe.

Il était important pour les femmes du bassin minier de prouver qu'elles étaient derrière leurs hommes. La plupart d'entre elles ne cherchaient pas à bouleverser l'ordre des sexes et étaient heureuses de coordonner le soutien dans les coulisses, en fournissant de la nourriture aux grévistes et à leurs familles. Au fil du temps, de nombreuses femmes se sont de plus en plus impliquées dans les dimensions plus politiques de la grève : organisation de rassemblements, entretiens avec la presse et piquets de grève. Mais là encore, une politique normative de genre se met en place : les femmes se présentent aux piquets de grève avec des banderoles et des pancartes pour soutenir les « vrais hommes » en grève et condamner les briseurs de grève (« scabs » – les « jaunes ») qui, selon elles, ont renoncé à leur masculinité en franchissant les piquets de grève. Quel triste état de fait, disaient-elles, que ces hommes aient besoin de femmes pour les remettre à leur place.

Le soutien à la grève n'était pas unanime. De nombreuses femmes s'inquiètent du prix à payer pour leur famille suite à la grève. La grève fait suite à plusieurs mois d'interdiction des heures supplémentaires décidée par le NUM (National Union of Mineworkers), et de nombreux ménages ont déjà du mal à joindre les deux bouts. L'antipathie à l'égard d'Arthur Scargill [dirigeant du NUM depuis 1982, jusqu'en 2002] était donc très répandue parmi les femmes de mineurs. Mais une forte culture solidaire prévalait dans les communautés minières et, quelle que soit l'opinion de chacun et chacune sur la grève, il était inconcevable pour la plupart des gens de rompre un piquet de grève. De nombreuses femmes du bassin minier étaient issues de familles de mineurs et leur loyauté envers le syndicat était profonde.

Les femmes politiques

Dans leur nouveau livre Women and the Miners' Strike 1984-1985 (Oxford University Press, octobre 2023) Florence Sutcliffe-Braithwaite et Natalie Thomlinson notent que des femmes ayant une expérience politique ont dirigé les groupes de soutien des femmes dans de nombreux endroits. Dans certaines régions, comme à Chesterfield dans le Derbyshire, les regroupements de solidarité sont nés des réseaux politiques existants. Betty Heathfield, membre du Parti communiste de Grande-Bretagne (CPGB) et épouse de Peter Heathfield, secrétaire général du NUM, y a créé un groupe qui a soutenu Tony Benn [personnalité représentant la gauche du Labour et fortement anti-impélialiste] lors de l'élection partielle de Chesterfield en février 1984 [il sera réélu régulièrement dans cette circonscription jusqu'en 2001]. Quelques semaines plus tard, il était tout à fait naturel que le même collectif se réunisse pour soutenir la grève des mineurs. Les femmes actives dans la campagne pour le désarmement nucléaire ou les syndicalistes ont également pris l'initiative.

Les femmes de Barnsley, la ville natale d'Arthur Scargill, ont été parmi les premières à s'organiser. En mai, elles ont organisé une marche nationale des femmes à travers la ville, qui s'est terminée par un rassemblement au Barnsley Civic Hall. Contre toute attente, plus de 10 000 femmes s'y sont rendues. Jean Miller, militante politique au sein du groupe de soutien de Barnsley, a décrit cette journée : « Ce fut vraiment l'expérience la plus passionnante de ma vie. L'atmosphère était formidable. Il y avait tellement de femmes qu'on avait l'impression que le sol allait s'effondrer. » Maureen Douglas, du Doncaster Miners' Support Committee, a pris la parole depuis la tribune : « Le rôle traditionnel des femmes a été sérieusement ébranlé au cours des huit dernières semaines… C'est une nouvelle expérience – nous avons dû repartir de zéro et créer nos propres organisations. C'est intimidant, mais cela a été fait. »

Cette journée a marqué un tournant dans le mouvement. A partir de ce jour, les groupes de femmes construisent un réseau national et s'organisent ensemble. C'est le rassemblement de Barnsley qui a inspiré la création de l'association National Women Against Pit Closures [contre la fermeture des puits], officiellement inaugurée trois mois plus tard, en août 1984.

Nourriture et fonds

Les femmes ont dû surmonter d'importants obstacles pour mettre sur pied leurs collectifs de soutien. A South Kirby, dans le Yorkshire, elles ont utilisé une tente sans eau courante pour préparer 570 repas par jour. Malgré ces difficultés, elles ont réussi à coordonner des cuisines et des colis alimentaires à une échelle colossale. Le groupe de soutien de Swansea, Neath et Dulais Valleys au Pays de Galles confectionnait environ 400 colis alimentaires par semaine en mai 1984, 900 par semaine en juillet et plus de 1000 à la fin du mois de décembre. A Hatfield, dans le Yorkshire, le groupe de soutien servait 300 dîners par jour au centre d'aide sociale des mineurs en juin ; en novembre, il préparait 500 repas par jour et envoyait 700 colis alimentaires chaque semaine.

Les groupes de soutien collectaient également des fonds, à la fois pour financer leurs activités et pour alimenter le fonds de lutte du syndicat. De nombreuses femmes ont dû quitter leur village pour voyager à travers le pays et à l'étranger afin de prendre la parole lors de réunions et de rassemblements.

Entre juillet 1984 et septembre 1985, le National Women Against Pit Closures a collecté plus de 710 000 livres sterling (près de 3 millions de livres sterling en monnaie actuelle – soit 3,5 millions d'euros). A Londres, environ 40 000 livres par mois ont été collectées par l'intermédiaire du comité de soutien officiel du NUM de Londres. Ce chiffre ne tient pas compte des innombrables efforts de collecte de fonds au niveau local. Des fonds ont également été collectés par le biais d'un programme de jumelage, dans le cadre duquel des groupes de soutien extérieurs aux communautés minières, des sections syndicales ou des groupes politiques « adoptaient une mine ». Women's Fightback a lancé un appel aux groupes Fightback locaux et aux sections féminines du Parti travailliste pour qu'ils agissent de la sorte.

Les prises de parole

Lorsque les groupes de soutien de femmes ont commencé à attirer l'attention de la presse, ils ont souvent été décrits comme traditionnels et ordinaires. En fait, il s'agissait d'un récit convaincant : une femme au foyer opprimée devenue militante. Cela a pu agacer certaines des femmes du bassin minier, qui étaient, dans l'ensemble, éduquées, éloquentes et très capables.

Cela dit, un très grand nombre de témoignages montrent à quel point la grève a été un facteur de transformation au plan personnel, en particulier lorsqu'il s'agissait de prendre la parole en public. Les femmes se sont lancées dans des exercices collectifs, discutant de politique et débattant des questions syndicales. Elles y sont parvenues avec une telle efficacité que nombre de leurs maris ont été surpris lorsqu'elles sont montées à la tribune. Doreen Hamber, de Blidworth dans le Nottinghamshire, a parlé de son expérience : « Je me suis vraiment lancée et je me suis laissée emporter. Ils n'arrêtaient pas de pousser des notes devant moi qui disaient ‘tais-toi maintenant', ‘tais-toi maintenant', mais je n'ai même pas regardé les notes ; j'étais juste emportée. Lorsque j'ai terminé et que je suis descendue de scène, mon mari s'est approché de moi et m'a embrassée. Il m'a dit : “Ce discours était fantastique.” Il était stupéfait que je puisse me tenir debout et parler de politique. Toutes ces choses que j'ai apprises, il a fallu qu'il assiste à une réunion pour m'écouter parler et se rendre compte que j'avais progressé en huit mois. »

Les piquets de grève

Certains grévistes étaient réticents à l'idée d'un piquet de grève tenu par des femmes. Outre qu'ils craignaient pour leur sécurité, certains pensaient que les femmes aggraveraient les tensions entre les grévistes et la police. Mais de nombreuses femmes étaient déterminées à manifester leur soutien de la manière la plus directe possible, en se tenant aux côtés de leurs hommes sur le piquet de grève.

Dans certains cas, les femmes ont commencé à participer au piquet de grève presque par accident. Dans une interview réalisée pour Women's Fightback, Sheila Jow, de Thurnscoe dans le Yorkshire, a décrit une de ces occasions en avril 1984. Un groupe de femmes s'était rendu à Ollerton, dans le Nottinghamshire, pour parler aux épouses des mineurs qui brisaient la grève. Elles voulaient convaincre les femmes, qui, pensaient-elles, pourraient ensuite persuader les hommes, que la grève n'était pas aussi difficile qu'il n'y paraissait à première vue. Sur place, elles rencontrent également les épouses des mineurs en grève, qui mettent en place une cuisine et demandent de l'aide. Ils retournent donc à Thurnscoe, rassemblent quelques bras supplémentaires et, quelques jours plus tard, reprennent le chemin d'Ollerton. Lorsqu'elles ont atteint la périphérie du Nottinghamshire, elles ont été arrêtées par la police, qui a bloqué leur bus et menacé de les arrêter. Sheila Jow raconte : « Nous avons décidé que si la police allait nous traiter comme des piquets de grève volants, nous pourrions tout aussi bien être des piquets de grève volants… Nous avons donc marché jusqu'à la mine de Harworth, à trois miles de là. » Le piquet de grève ne comptait que quelques grévistes, qui ont été ravis d'être rejoints par plus de 35 femmes de Thurnscoe, escortées par un cordon de plus d'une centaine de policiers.

Les groupes de soutien de femmes organisent également des piquets de grève réservés aux femmes. Dans la soirée du 11 octobre, 150 femmes ont dressé un piquet de grève devant la mine de Florence, dans les West Midlands. L'action a rassemblé des femmes de toute la région, qui avaient décidé de choisir cette mine en raison du nombre plus élevé que d'habitude de briseurs de grève. Jill Mountford, qui écrivait à l'époque pour Women's Fightback, a déclaré : « Il a été décidé que toute la soirée serait placée sous le signe de la fête… La joie a commencé dès que les femmes sont arrivées aux portes. Leurs chants, leurs danses et leurs moqueries incessants ont généré de l'énergie, de la confiance et de la solidarité. » Ce soir-là, elles ont réussi à refouler trois briseurs de grève.

Les piquets de grève féminins ont été traités de manière extrêmement violente par la police. Elles ont été traînées, bousculées et frappées. Elles ont été arrêtées et harcelées pendant leur détention. Aggie Currie a été arrêtée après avoir tenu un piquet de grève dans le Nottinghamshire : « Ils vous frappent, ils s'en foutent que vous soyez un homme ou une femme. » La photo désormais célèbre de Lesley Boulton, membre de Women Against Pit Closures (WAPC) de Sheffield, attaquée par un policier à cheval armé d'une matraque lors de la bataille d'Orgreave en juin 1984, en est peut-être la meilleure illustration.

National Women Against Pit Closures

La conférence inaugurale de la NWAPC (National Women Against Pit Closures) s'est tenue en juillet 1984 à Barnsley. Une cinquantaine de femmes issues des différents collectifs de soutien y assistent. Un « cercle restreint » s'est réuni avec Arthur Scargill et Peter Heathfield avant la conférence pour discuter de l'orientation de l'organisation. Les dirigeants du NUM tenaient à s'assurer que les « anti-Scargill » de la faction eurocommuniste du CPGB (Scargill était proche de l'aile stalinienne du parti) ne seraient pas en mesure d'occuper des postes d'influence. Cette division durera toute la durée de la grève, Scargill tenant l'organisation en laisse.

Les « scargillistes » tenaient à limiter l'adhésion des femmes de mineurs afin de minimiser l'influence politique extérieure. D'autres souhaitent construire un mouvement qui s'appuie sur la force des syndicalistes, des socialistes et des féministes qui s'engagent à aider. Lors de la conférence de novembre à Chesterfield, seules trois déléguées n'étaient pas des femmes de mineurs. Deux d'entre elles, Ella Egan et Ida Hackett, toutes deux eurocommunistes, plaident en faveur de « liens avec le mouvement pacifiste et les organisations féminines progressistes ». Elles espéraient que la construction d'un « front populaire » suivant ces orientations soutiendrait la grève, tout en remodelant la politique de la classe ouvrière pour qu'elle soit plus inclusive des mouvements féministes et autres mouvements sociaux. Betty Heathfield s'y opposa, défendant la ligne de Scargill : la seule priorité du NWAPC était de soutenir les stratégies du NUM. Heathfield et les autres partisans de Scargill remportent le débat, mais les tensions se poursuivent dans de nombreux groupes locaux. Dans certains cas, comme à Barnsley, les collectifs de soutien se divisent sur des questions comme celles-ci.

Greenham Common

Le féminisme était parfois un sujet controversé dans les villages de mineurs. Une femme, interviewée juste après la grève par Betty Heathfield, associe le féminisme à l'anti-famille : « Nous avons rencontré beaucoup de féministes et nous avons été insultées par beaucoup de féministes. Non pas qu'ils aient voulu nous insulter, mais nous voulons toujours être des femmes mariées. Nous voulons toujours aimer nos maris. Aimer nos enfants. »

Néanmoins, des liens importants ont été établis avec le mouvement des femmes au sens large. Au cours de l'été 1984, des cars ont été loués pour emmener les femmes du camp de Greenham Common [1] aux piquets de grève du Pays de Galles et du Nottinghamshire. Jean Stead décrit ces visites : « Elles arrivaient aux centres de soutien de manière inattendue et impulsive, comme elles le faisaient pour la plupart des choses. Un groupe apparaissait soudainement dans un collectif d'entraide de mineurs… sentant la fumée de bois. Elles commençaient alors à parler. Soucieuses de ne pas s'immiscer dans le monde extrêmement privé des communautés minières, elles étaient néanmoins déterminées à apporter leur aide si elles le pouvaient. » Les femmes de Greenham ont créé leur propre badge – « A Greenham ou sur le piquet de grève » – et ont passé le reste de l'été à tenir des piquets de grève aux côtés des mineurs et de leurs familles. Les femmes des communautés minières visitent Greenham Common en retour, et des liens de solidarité et d'amitié se tissent entre les deux « camps ».

Mais il existe de profonds désaccords politiques. Greenham était un camp pacifiste et les femmes ont discuté avec les mineurs, appelant à la non-violence sur les piquets de grève – une position qui a été accueillie avec incompréhension. Les mineurs étaient confrontés à des batailles quotidiennes avec la police. La non-violence n'était pas une option. Dans quelques cas, les femmes de Greenham ont convaincu les mineurs d'organiser des sit-in de protestation, mais ces expériences se sont révélées désastreuses. Lynn Clegg décrit une tentative de sit-in à Hatfield, dans le Yorkshire, en août 1984 : « Les gars ont été battus à mort… [Ils] n'ont même pas eu l'occasion de comprendre ou de se lever. Les policiers sont intervenus avec des matraques, frappant tout le monde et un garçon a été placé en soins intensifs. C'est le pire jour que nous ayons connu à Hatfield. »

Briseurs de grève

Dans le Nottinghamshire, plus de 27 000 mineurs brisent la grève. Ce fut la bataille décisive du conflit : mineurs contre mineurs. Pendant toute la durée de la grève, des mineurs venus d'ailleurs se déplaçaient pour tenir le piquet de grève dans les mines du Nottinghamshire. Des milliers de policiers hautement entraînés et semi-militarisés ont été envoyés pour terroriser ces « piquets volants » et les grévistes locaux.

Ceux qui ont fait grève, et les femmes qui les ont soutenus, ont eu du mal à s'en sortir. Les femmes du Nottinghamshire sont obligées d'occuper des centres d'aide sociale afin de remettre leurs cuisines en état de marche. A la mine de charbon de Clipstone, un groupe de femmes a pris possession d'un centre de jeunesse appartenant au National Coal Board [société gérant l'industrie charbonnière, créée en 1946]. Elsie Lowe, l'une des responsables de l'occupation, décrit la situation de l'époque : « Les gens commençaient à avoir faim. Nous savions qu'un millier de personnes n'avaient littéralement rien à manger… Nous savions que nous devions faire quelque chose. » Après six nuits d'occupation, les administrateurs ont accepté de leur donner un peu d'espace et ils se sont installés dans le St John's Ambulance centre, où il n'y avait qu'un vieux four sale. « La première chose que nous avons faite a été de nettoyer cette cuisine ! »

Dans certains anciens villages miniers, les divisions se font encore cruellement sentir. Dans le Nottinghamshire, les grévistes ont dû faire face à une violence extraordinaire de la part de la police, qui avait placé les villages en état de siège. Les voitures de police sillonnent les rues jour et nuit, les agents frappent les piquets de grève au hasard et pénètrent de force dans les maisons des mineurs grévistes pour les arrêter. John Lowe, le mari d'Elsie Lowe, a été arrêté alors qu'il était assis sur l'herbe devant sa mine : « Six policiers se sont jetés sur moi en même temps, mais j'ai été accusé d'avoir frappé deux policiers et d'avoir causé des lésions corporelles. »

Un groupe de femmes du Nottinghamshire s'est rendu à la marche des femmes à Barnsley en mai 1984. Elles racontent s'être senties coupables au début : « Les gens semblaient penser que nous étions toutes des briseurs de grève, ils ne se rendaient pas compte du nombre de grévistes dans le comté. » Mais très vite, elles ont été acclamées comme des héros et placées en bonne place au milieu du cortège. Elles ont fièrement traversé Barnsley en chantant “Notts are here ! Les Notts sont là !” » C'était une récompense bienvenue pour les sacrifices et les épreuves qu'elles avaient endurés.

Le NUM

En juin 1984, Jean McCrindle, du WAPC de Sheffield, écrivit au Sunday Times pour demander que les femmes des groupes de soutien puissent adhérer au NUM en tant que membres associés. Le NUM du Yorkshire et le syndicat dans son ensemble étaient majoritairement opposés à cette idée, mais le débat s'avéra important. Même lorsqu'il s'agit de gérer les cuisines, les femmes sont souvent empêchées par le syndicat. A Hetton, dans le comté de Durham, les femmes ont insisté pour qu'une réunion soit organisée afin de convenir des activités du collectif. C'était une expérience humiliante : « Les femmes devaient s'asseoir dans les escaliers, attendant que les hommes décident de leur donner la permission de les servir dans les soupes populaires. » A Woolley Edge, près de Barnsley, Betty Crook a vécu une expérience similaire. Dans l'interview qu'elle a accordée pour Women and the Miners' Strike (Les femmes et la grève des mineurs), elle se souvient qu'elle a dû recourir à la force pour obtenir ce qu'elle voulait : « J'ai été convoquée à une réunion pour l'aide sociale aux mineurs avec des syndicalistes, et il a tout d'abord été dit que nous n'étions pas capables d'assurer la soupe populaire. J'ai répondu : “Bien sûr que si”. On nous a répondu : “Vous ne savez pas comment la faire”. J'ai répondu : “Nous le pouvons”. On m'a dit : “Vous n'avez pas de couverts ni de vaisselle”. J'ai répondu : “Nous avons tout ce qu'il faut”. On me répond : “Vous ne pouvez pas assurer une soupe populaire”. J'ai répondu : “ça va se faire“. »

On peut se demander pourquoi les sections locales du NUM agissent de la sorte. Dans certains cas, il s'agissait de sexisme pur et simple : les membres de ces sections estimaient que les femmes devaient rester à la maison et ne pas se mêler des affaires syndicales. Mais les femmes ont également ébranlé le syndicat. Jean Stead écrit : « Les femmes ont remarqué qu'elles étaient elles-mêmes plus rapides à démarrer des projets, à les mener à bien, à avoir des idées et à les mettre en pratique… Les hommes étaient plus lents et plus conservateurs, moins inspirés. C'est pourquoi ils ont eu peur de laisser les femmes s'approcher du syndicat. »

Certaines femmes membres du NUM travaillaient dans des cantines de puits de mine, comme femmes de ménage ou comme employées de bureau. Pour ces femmes, s'impliquer dans le syndicat était souvent difficile. Jean Stead raconte l'histoire d'Alfreda Williamson, une employée de cantine, âgée de 18 ans, en grève. Chaque matin, à 4 heures, elle préparait le thé dans la salle de repos avant de rejoindre le piquet de grève aux portes de la mine de Murton, à Durham. Plus tard, elle retournait à la cantine pour préparer le thé, avant de faire la vaisselle. « Nous travaillions beaucoup plus dur que les hommes, et je l'ai dit à certains d'entre eux lorsqu'ils venaient se plaindre », raconte-t-elle. Elle a demandé à rejoindre les autres grévistes dans le bus NUM pour se rendre au piquet de grève et à être autorisée à faire le thé, mais le syndicat n'a pas accepté. Malgré cela, elle s'est battue pour convaincre les autres employées des cantines du NUM de soutenir la grève, une bataille qu'elle a souvent perdue : « Dans leur propre esprit, celles qui ont repris le travail l'ont fait parce que le syndicat ne s'est jamais soucié d'elles. »

Fin de la grève

La conférence qui décide de mettre fin à la grève a lieu le 3 mars 1985. Un vote serré – 98 délégués contre 91 – renvoie les mineurs au travail après des heures de débats tendus. Les retombées sont amères. 10 000 mineurs ont été arrêtés pendant la grève et des centaines ont été emprisonnés. Plus d'un millier d'entre eux ont été licenciés. Plusieurs cars de mineurs écossais licenciés rencontrent les délégués lorsqu'ils quittent le Congress House. L'un d'eux s'est écrié, alors que Scargill confirmait les résultats : « Nous vous avons donné nos cœurs, nous vous avons donné notre sang, nous vous avons tout donné et vous nous vendez… Vous êtes goudronnés et plumés avec le reste des bâtards galeux. » Il se met alors à pleurer.

Les femmes étaient tout aussi dévastées. Au début de la grève, Sheila Jow s'était adressée à Women's Fightback et avait déclaré : « Nous mangerons de l'herbe avant de repartir. Il faut se battre jusqu'au bout. » Ce propos a été répété des milliers de fois lors de réunions et de rassemblements dans tout le pays. Dans sa rétrospective de 1987, Jean Stead écrit : « Presque toutes les femmes étaient opposées à ce que les mineurs reprennent le travail. Elles n'avaient pas subi toute une année de privations et de difficultés pour céder à ce moment-là… Mais, en fin de compte, elles n'avaient pas le droit de vote et n'avaient pas vraiment voix au chapitre. »

Les mineurs reprennent le travail sous les bannières des syndicats. Dans de nombreux endroits, les groupes de soutien de femmes ont pris leur place au front.

Une semaine après le vote fatal, Ian McGregor, président du National Coal Board, déclare : « Les gens découvrent maintenant le prix de l'insubordination et de l'insurrection. Et nous allons faire en sorte qu'ils s'en souviennent ! » Des milliers d'emplois ont été perdus au cours des premiers mois qui ont suivi la fin de la grève. En 1991, il ne restait plus que 15 mines sur 174 000 et 160 000 emplois avaient été perdus.

La situation des familles de mineurs est désastreuse : les dettes se sont accumulées pendant la durée de la grève et il faut maintenant payer les factures, les loyers et les hypothèques qui avaient été gelés. Les collectifs de femmes ont continué à fonctionner dans certains endroits pendant encore deux ans pour les aider.

Se souvenir de la grève

En 1985, l'association North Yorkshire WAPC a publié une brochure intitulée Strike 84-5. Dans l'avant-propos, on peut lire : « Dans les bassins miniers, il y a une nouvelle génération de femmes qui n'ont que l'âge de la grève et qui ont gagné l'admiration des gens dans le monde entier. Elles se sont battues non pas derrière leurs hommes, mais côte à côte avec eux. Lorsque l'on écrira l'histoire de la grève, tout le monde sera d'accord pour dire que les femmes sont magnifiques. »

Cela reproduit un récit habituel et assez condescendant : avant la grève, les femmes de mineurs étaient arriérées et simples, mais elles ont été transformées par la grève. Ce récit passe sous silence les innombrables activistes des communautés minières qui ont construit le mouvement de soutien à partir de la base, ainsi que les syndicalistes, les socialistes et les féministes qui ont partagé leurs connaissances et ont passé un an à construire l'effort de solidarité peut-être le plus impressionnant que le pays ait jamais connu.

Mais il est vrai que les femmes ne se sont pas contentées de « soutenir leurs hommes ». Elles sont devenues les leaders de la grève. De nombreux membres du NUM voulaient s'assurer que les femmes restent des auxiliaires du syndicat, fournissant de la nourriture et des fonds mais restant à l'écart de la politique. En fin de compte, nombre d'entre elles sont devenues les décideurs dans leur foyer, veillant à ce que leurs hommes respectent la ligne de conduite. Elles ont parcouru le pays et voyagé à l'étranger pour prendre la parole lors de réunions et de rassemblements. Elles ont mené leurs propres batailles politiques pour décider des stratégies de leur mouvement. Sans leurs efforts, les mineurs n'auraient jamais pu faire grève aussi longtemps.

Les lignes de la guerre des classes ont été mises à nu par la grève des mineurs. Le gouvernement de Thatcher a entrepris de détruire l'une des industries les mieux organisées du pays et, en réussissant, a ouvert la voie à la société déréglementée, caractérisée par une inégalité galopante, dans laquelle nous vivons aujourd'hui. Quarante ans plus tard, il est plus important que jamais de regarder en arrière et de tirer les leçons de cette année décisive. Mais nous pouvons aussi nous inspirer des histoires de courage, de solidarité et de fierté qui jalonnent la grève.

Lorsque la grève a été annulée, Marlene Thompson, femme de mineur et militante, a écrit un poème pour marquer ce jour : « La tête haute, nous continuerons à lutter – Mais un briseur de grève reste un briseur de grève jusqu'à ce qu'il meure. » (Article publié sur le site Worker's Liberty, le 17 janvier 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)


[1] Le Camp de femmes pour la paix à Greenham Common était un campement de protestation pacifiste contre l'installation de missiles nucléaires sur la base Royal Air Force de Greenham Common, dans le Berkshire, l'un des plus anciens comtés d'Angleterre où se trouve le château de Windsor. (Réd.)

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Un mois de gouvernement Milei en Argentine : libéralisme radical et attaques antidémocratiques

Après seulement un mois de gouvernement, le président Milei range dans un tiroir sa principale promesse de campagne : faire payer la crise économique par la caste politique. Ce (…)

Après seulement un mois de gouvernement, le président Milei range dans un tiroir sa principale promesse de campagne : faire payer la crise économique par la caste politique. Ce sont bel et bien les travailleurEs, à commencer par les plus pauvres, qui payent le prix de l'austérité.

18 janvier 2024 | tiré de Hebdo L'Anticapitaliste - 691
https://lanticapitaliste.org/actualite/international/un-mois-de-gouvernement-milei-en-argentine-liberalisme-radical-et-attaques

La principale mesure prise a été de dévaluer fortement la monnaie et de libérer les prix. Le résultat est une inflation de 25 % au mois de décembre, sans qu'on puisse entrevoir une diminution de celle-ci dans les prochains mois. Un seul exemple permet de l'illustrer : l'augmentation du prix des carburants fin décembre enclenchera une nouvelle spirale inflationniste et risque d'obliger à une nouvelle dévaluation, pour enclencher un troisième tour d'augmentations des prix. Pourtant son gouvernement aurait pu négocier avec la petite poignée d'entreprises pétrolières pour au moins échelonner l'augmentation. Mais son dogmatisme libéral le pousse à éviter toute intervention de l'État, même si ceci implique de modérer l'impact de ses mesures et de mettre en péril le succès de son plan économique. Son plan perd une dose de cohérence interne, tout en gardant son côté injuste.

Le projet de Milei : changer le pays à jamais

Cependant Milei ne se contente pas des mesures de court terme. Dans la foulée, il essaye de changer le pays à jamais : privatisation de toutes les entreprises publiques, dérogations aux lois de protection de la nature, dérégulation de tous les secteurs économiques, pour ne nommer que les points saillants. En tout, des centaines de modifications légales avec un méga-projet de loi et un décret présidentiel.

Ceux-ci doivent passer maintenant par l'Assemblée. Ce n'est toujours pas clair ce que feront le Parti radical (aujourd'hui de centre-droite) et les péronistes non alignés avec le kirchnérisme. Concernant le décret, au début ils se disaient contre, mais aujourd'hui leur opposition est de plus en plus tiède. Néanmoins, certains volets, notamment celui de la réforme du droit du travail, ont été suspendus provisoirement par la justice, constituant un premier revers pour le gouvernement. La Cour suprême de Justice doit se prononcer sur la ­constitutionnalité du décret.

Le projet de loi est débattu depuis le 9 janvier. Au début, le gouvernement ne voulait rien négocier, mais pour en faire approuver au moins une partie significative, ils ont été obligés de proposer des modifications. La dérégulation de la pêche a été modifiée face aux pressions du secteur, l'article obligeant une autorisation à toute réunion publique de plus de trois personnes va être retirée. Même la réforme électorale concernant les législatives va être modifiée, voire arrêtée. Cette dernière était très critiquée car, d'une élection à la proportionnelle directe par région, elle passait à une élection uninominale par circonscription. Un autre point, source de grandes critiques, est celui de la déclaration de ­l'urgence économique, qui donne les pleins pouvoirs au président pendant deux ans minimum, c'est-à-dire plus de pouvoirs et pendant plus de temps que lors de la pandémie de coronavirus.

Grève nationale le 24 janvier et solidarité internationale

Le résultat législatif et judiciaire est incertain. C'est la rue qui va changer la donne. Les casserolades, même si elles sont modestes, ont émergé depuis l'annonce du décret, et dans quelques quartiers de la capitale des assemblées populaires (comme celles de 2001) commencent à voir le jour. Mais le plus important est la grève nationale du 24 janvier. La bureaucratie syndicale (beaucoup plus puissante que la française) semble se réveiller d'un sommeil de quatre ans et appelle à une grève générale d'un jour tout en interpellant le péronisme (notamment l'ancienne présidente Cristina Kirchner et le candidat perdant de la dernière présidentielle Sergio Massa) pour agir. Cette journée de grève et de mobilisation peut être le début d'une opposition sociale solide aux politiques libérales de Milei.

Ici, en France, à l'appel de l'ACAF (Assemblée des citoyens argentins en France), de FAL (France Amérique latine) et de syndicats français (CFDT, CGT, FO, FSU, UNSA et Solidaires) un rassemblement est prévu le 24 janvier à 18 heures devant l'ambassade argentine à Paris (angle de la rue Cimarosa et de l'avenue Kléber, 75016 Paris — Métro 6 : Boissière).

Pour que vive la solidarité internationale face aux attaques des ­capitalistes !

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Argentine : la grève fait trembler l’ultra-droite de Milei

30 janvier 2024, par Nicolas Menna — , ,
Le 24 janvier dernier, en Argentine, a eu lieu la première grève générale contre le gouvernement ultra-libéral et réactionnaire de Javier Milei. Organisée à peine un mois après (…)

Le 24 janvier dernier, en Argentine, a eu lieu la première grève générale contre le gouvernement ultra-libéral et réactionnaire de Javier Milei. Organisée à peine un mois après son entrée en fonction, cette journée de grève et de mobilisations exprime une ferme opposition du mouvement ouvrier aux premières contre-réformes en matière de Droit du travail et droits démocratiques jusque-là garantis par la Constitution du pays.

Tiré de Inprecor 716 - janvier 2024
25 janvier 2024

Par Nicolas Menna

Les premières mesures de Milei comprennent : une dévaluation de plus de 100 % de la monnaie, une augmentation des impôts et la libéralisation de nombreux marchés (notamment immobilier) qui ont entraîné dès à présent une hausse des prix de plus de 40 % ainsi qu'une inflation qui ne descend pas en dessous de 25 % chaque mois ; des mesures qui ont déjà durement frappé les travailleurs/euses (dont 40 % travaillent dans le secteur informel) et les classes moyennes.

Privatisations et écrasement des classes populaires

En effet, avec un Décret de nécessité et d'urgence (DNU, qu'on pourrait qualifier de 49.3 argentin) et une loi « omnibus » (paquet de lois), le gouvernement veut déroger à des centaines de lois qui, jusqu'à présent, régulaient les relations de travail, le droit de grève, d'expression et de manifestation ainsi que la concentration de la propriété des médias, des entreprises et de la terre.

Le gouvernement cherche également à amplifier et étendre ses pouvoirs, d'une façon presque dictatoriale, afin d'appliquer son programme d'austérité qui implique des conséquences dramatiques sur les conditions de vie et de travail des classes populaires. Celui-ci prévoit la privatisation des entreprises sous contrôle de l'État, y compris l'entreprise nationale d'hydrocarbures YPF, les centrales atomiques (au nombre de trois dans le pays) et plus de 40 entreprises dans des secteurs stratégiques du pays (aviation, recherche, énergies, transports, communication …).

Une mobilisation qui pourrait déstabiliser le projet de Milei

Le mouvement de grève, initié par les organisations syndicales et sociales – piqueteros, organisations des quartiers populaires, des droits humains, gauche politique, parti-front péroniste « Union por la Patria » (Union pour la Patrie) - constituent une forme de pression pour que le Congrès National (Assemblée Nationale) refuse d'adopter le décret et le paquet des lois.

À ce stade, il n'est pas possible de connaître le taux de participation à la grève mais on sait qu'elle a eu un impact considérable sur les transports, le secteurs des hôpitaux, des services publics et du trafic aérien. Si elle a été fortement suivie par de nombreux syndicats, la grève n'a cependant pas été écrasante. Les manifestations, en revanche, ont donné le rythme à ce mouvement avec des centaines de milliers de personnes dans tout le pays, la plus grande quantité s'est concentré à la capitale où le slogan « l'Argentine ne se vend pas » a résonné devant le palais du Congrès. Ces mots-d'ordre ont été largement repris dans les discours et les chants des manifestants qui intiment aux élus de voter contre « la ley motosierra » (la loi tronçonneuse, en proposant un renversement du symbole utilisé par le candidat ultra-libéral pendant la campagne).

La présence des « Madres de Plaza de Mayo » (les mères des personnes disparues pendant la dictature militaire), symbole de la résistance, a contribué à fournir une forte charge symbolique à la manifestation.

Continuer à construire le rapport de forces

Après cette démonstration cruciale de la force du nombre, plusieurs juges ont déclaré l'inconstitutionnalité de certains articles de la loi, notamment ceux qui s'attaquent directement aux droits du travail. Ils ont également annulé la proposition d'augmentation des tarifs de transport ce qui a entraîné également un report de la loi d'une semaine afin de permettre au gouvernement de s'assurer une majorité désormais incertaine. Dans le même temps, les oppositions « molles » (y compris une partie des députés péronistes) se préparent à voter une loi qui est rejetée par l'immense majorité de la population.

Le rapport de forces est établi, mais il est nécessaire de continuer à pousser pour faire pencher la balance de manière décisive en faveur de la classe travailleuse.

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« Le fascisme américain » : L’historien Rick Perlstein parle de la mainmise de D. Trump sur le Parti républicain et des risques d’un deuxième 6 janvier

30 janvier 2024, par Amy Goodman, Rick Perlstein — , ,
Les Républicains.es se sont réunis et ont conçu un plan complet pour 2025. Il compte des milliers de pages où on trouve l'idée de défaire les services publics. C'est un plan (…)

Les Républicains.es se sont réunis et ont conçu un plan complet pour 2025. Il compte des milliers de pages où on trouve l'idée de défaire les services publics. C'est un plan pour défaire la forme américaine de gouvernement. Donc c'est quelque chose qu'il faut prendre avec sérieux.

Democracy Now, 22 janvier 2024
Traduction et organisation du texte, Alexandra Cyr

Amy Goodman : (…) Nous allons nous arrêter sur l'état du Parti républicain maintenant que la primaire présidentielle (républicaine) au New-Hampshire ne compte plus que deux personnes. Le gouverneur républicain de Floride, Ron DeSantis a annoncé son retrait dimanche dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux. (…) Avec le retrait de Ron DeSantis, il annonce aussi qu'il se range aux côtés de D. Trump, pour qui beaucoup de questions sont soulevées sur son acuité mentale. Vendredi, lors d'un rassemblement au New-Hampshire, il a confondu à plusieurs reprises son opposante républicaine, Mme Nikki Haley, avec l'ancienne présidente de la Chambre des représentants, Mme Nancy Pelosi. (…) Pour aller plus loin, nous rejoignons l'historien Rick Perlstein, auteur d'une série de quatre ouvrages portant sur le conservatisme moderne. Sa chronique dans American Prospect est intitulée « The Infernal Triangle ».

Rick, soyez à nouveau le bienvenu sur Democracy Now. (…) Parlez-nous de la signification du retrait de R. DeSantis et de son appui à D. Trump. Qu'est-ce que cela veut dire maintenant que la course se fait à deux même si les sondages donnaient D. Trump gagnant, avec des marges jamais vues. On lui prédisait 30% d'avance sur DeSantis. Et les uns.es après les autres les Républicains.nes lui donne leur appui.

Rick Perlstein : Oui, sans aucun doute il va devenir le candidat si on tient pour acquis son habileté à se conduire comme un être humain mais, comme vous le savez, c'est un facteur négligeable. Ce qui est important à comprendre, c'est que la course de chevaux va bien mais elle ne compte pour rien si le gars sous la casquette MAGA déraille complètement. Le nombre de vote qu'il peut récolter n'a pas d'importance ; il va gagner l'investiture. Le nombre de vote qu'il va récolter en novembre n'a aucune importance parce qu'il va continuer à revendiquer la victoire. L'important se sont les gens. Combien de personnes sont prêtes à prendre les armes pour D. Trump le 6 janvier 2025 ? Je ne veux pas tomber dans le mélodrame mais, en ce moment, la réalité semble montrer que des millions d'Américains.es, une part considérable du Parti républicain, s'identifient à la personne de D. Trump. Et l'expression que nous devons employer pour désigner cette situation, pour mélodramatique qu'elle semble, est « fascisme américain ».

A.G. : Pouvez-vous nous parler des personnes comme le gouverneur du New-Hampshire M. Sununu, qui a appuyé Nikki Haley et qui dit maintenant que si D. Trump gagne cette primaire, en fin de compte il va lui donner son appui, en répondant à la question de Kristen Welker, à Meet the Press : « Vous dites que vous l'appuriez malgré le 6 janvier, malgré ce que vous avez dit à propos de cette insurrection ? Tous ces dirigeants.es républicains.nes après avoir questionner D. Trump à la fin se mettent à le suivre alors qu'une fois de plus il fait face au viol de Jean Carroll. Le juge a employé ce mot de la langue populaire.

R.P. : Correct. Il n'y a rien de nouveau à ce sujet. Si nous jetons un regard sur ce que des gens comme Lindsay Graham ont dit en 2015 et 2016 à propos de D. Trump, et ce qu'ils ont dit quand ils ont vu qu'il pouvait être un atout pour la conservation de leur propre pouvoir…. Encore une fois, c'est bien dommage que ce que nous avons dans ce contexte de philosophie politique qui décrit ce qui se passe nous vienne de l'Allemand. C'est le terme Führerprinzip » : Le leader détient la vérité.

Et quand ils doivent d'une certaine façon se cacher derrière un criminel pour sembler avoir une figure un peu légitime dans un parti politique ce parti (…) Vous devez vous questionner sur l'allure que ces personnes auront dans, disons 50 ans aux yeux de l'histoire. Ils vont ressembler à des personnages comme Fritz von Papen qui disait : « Nous tenons Hitler dans un coin aussi longtemps qu'il ne rue pas dans les brancards ». Fritz von Papen était le vice chancelier d'Allemagne, celui qui a monté une coalition avec Hitler et qui a pu ainsi devenir chancelier d'Allemagne. Ce sont des processus. Nous sommes rendus.es loin dans un processus pour lequel les questions posées par les journalistes conventionnels.les ne signifient plus rien.

A.G. : Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, s'est retiré de la course deux jours avant la tenue de la primaire du New-Hampshire, moins d'une semaine après qu'il ait perdu par 30 points face à D. Trump lors des caucus de l'Iowa. Et il a donné son appui à D. Trump.

G. Ron DeSantis : Je l'appuie parce que nous ne pouvons pas revenir à la vieille garde du Parti républicain du passé, à un reformatage du bon vieux corporatisme que représente Nikki Haley.

A.G. : Maintenant que Ron DeSantis n'est plus sur les rangs, la course en est essentiellement une à deux : D. Trump et Nikki Haley l'ancienne gouverneure de la Caroline du sud, et qui a été ambassadrice aux Nations Unies sous l'administration Trump. Elle a fait campagne au New-Hampshire durant la fin de semaine. Elle a mis en cause l'acuité mentale de son adversaire après qu'il l'ait confondue avec l'ancienne présidente de la Chambre des représentants, Mme Nancy Pelosi. Joe Biden fait maintenant campagne en ligne et se questionne sur les capacités mentales de D. Trump s'appuyant sur les propos de Mme Haley. (…) Et D. Trump dit avoir été dans la course contre B. Obama. Il demande aussi si nous voudrions voir Joe Biden présider à la deuxième guerre mondiale au lieu de la troisième.

Que représente le gouverneur DeSantis ? Combien a-t-il dépensé et d'où venait cet argent ?

R.P. : Je pense que le plus important à comprendre de R. DeSantis, de ce qu'il représente …. il n'a pas ébranlé le culte de la personnalité voué à D. Trump, aucune contestation sérieuse de sa part. Il représente vraiment l'incapacité des grands médias à faire leur travail d'information à donner aux gens ce que nécessite le fait d'être un.e citoyen.ne qui pense par soi-même. Il a été choisi malgré qu'il ait acclamé la torture à Guantánamo où il était avocat et assurait une sorte de supervision mais qui riait en observant les prisonniers torturés. Il a, pour ainsi dire, transformé son État en petit fief fasciste. Il a été mis en selle non seulement parce qu'il pouvait battre D. Trump, mais parce qu'il serait mieux que lui. D'une certaine façon nous sommes piégés.es dans cette chambre aux miroirs où on répète ce genre de manière de faire du journalisme populaire où on trouve le meneur et le compétiteur, où il y a une course de chevaux et bla-bla-bla et qui ne dit rien de ce qui se passe réellement dans le pays en ce moment.

A.G. : Et le montant d'argent qu'il a reçu ? Il a dépensé quelque chose comme 150 millions de dollars.

R.P. : Oui. Je pense que cela dit quelque chose de la manière dont fonctionne le culte de la personnalité fasciste. Impossible de le mettre au défi, d'accord ? Quand Nikki Haley souligne que D. Trump pense qu'il a fait campagne contre B. Obama et qu'elle était la présidente de la Chambre ça nous rappelle ce que G. Orwell a écrit dans 1984 : « votre loyauté envers Big Brother se manifeste par votre désir de dire que deux et deux font cinq ». Si vous examinez de près ce qu'a dit D. Trump, non seulement il confond Nikki Haley avec Nancy Pelosi mais il dit qu'il a réquisitionné 10,000 soldats.es. Ça ne s'est jamais produit, n'est-ce pas ? Impossible de vérifier les faits quand vous êtes dans cet espèce de monde mythique avec cette figure quasi religieuse qui va nous sauver du mal. Ce n'est pas ce qu'on enseigne dans les écoles de journalisme.

A.G. : (…) le gouverneur de Floride, R. DeSantis a insisté sur les nouvelles règles du Florida Board of Education qui exigent que les éducateurs et éducatrices enseignent que les gens de couleur (durant l'esclavage) : « ont développé des habiletés qui, dans certaines circonstances, pouvaient leur apporter un profit personnel ». Il a défendu ce curriculum. L'association nationale des gens de couleur a qualifié cela de : « javellisé, de récit malhonnête de l'histoire de l'esclavage aux États-Unis ». Je me demandais si vous pourriez vous exprimer à ce sujet et aussi sur les controverses entourant Nikki Haley maintenant que nous sommes dans une course à deux ; entre autre le fait qu'elle dise avoir oublié de dire que parmi les causes de la guerre civile, il y avait l'esclavage. Quand on lui a demandé sur Fox News si les États-Unis étaient un pays raciste, elle a répondu que non et qu'il ne l'avait jamais été. Qu'en pensez-vous ?

R.P. : Oui, d'accord. Nous entrons ici dans l'histoire de la droite, du mouvement conservateur et du Parti républicain. J'ai écrit à ce sujet dans mon livre, The Invisible Bridge en 2014 avec (la photo) de Ronald Reagan en couverture. Quand la série Roots a paru, a été présentée aux Américains.es, beaucoup ont été mis en face de la cruauté de l'esclavage. (R. D.Santis) a déclaré qu'il détestait cette série parce qu'elle traitait, selon lui, tous les Blancs.ches de mauvaises personnes et tous les noirs.es de bonnes.

D. Trump hérite de ce récit qui présente les États-Unis comme un pays innocent, une nation voulue par Dieu, qui ne fait jamais rien de mal mais, comme bien autre chose dans le trumpisme, comme nous l'a monté Nikki Haley, c'est maintenant devenu convenu parmi les Républicains.es (…). Mais ce n'est pas possible de vivre dans notre monde moderne avec l'idée que rien ne peut vous distraire de l'originelle perfection de votre pays, la complexité et les contradictions doivent dicter votre action. Nous sommes donc bloqués.es dans une situation où la moitié de la population doit vivre dans un espace de rêve mythique. C'est ce qui pousse certains.es d'entre nous à utiliser le mot fascisme pour décrire l'hégémonie du Parti républicain.

A.G. : Parlez-nous plus du fascisme.

R.P. : Vous savez ce ne sont pas que des politiques de droite repoussantes. Nous avons connu cela pendant longtemps. Le fascisme est le culte de la personnalité d'un.e individu.e qui est présumé.e représenter la volonté du peuple. C'est aussi l'idée mythique du retour de ce passé qui doit être débarrassé des ennemis.es transcendants.es du peuple, qui est amené à constituer le peuple normal, les vrais.es Américains.es. (…) C'est la conviction qu'ils sont le peuple, qu'ils sont l'État et que toute opposition ne peut être qu'illégitime.

Et si vous ajoutez à cela une opposition armée qui proclame qu'elle se bat contre la tyrannie, pour préserver le gouvernement républicain contre les dangereux tyrans, c'est vraiment une mauvaise conception. Mais c'est l'idéologie de la NRA qui qualifie les Démocrates de tyrans. C'est une très affreuse situation. Et si les gens sont fatigués de la politique, en ont ras-le-bol de la politique, vous ne savez plus quoi dire. Comme le dit D. Trump, il se peut que nous ne reconnaissions pas notre pays dans cinq, dix, vingt ans.

A.G. : Bientôt les primaires au NewHampshire. Quand Kristen Welker, à l'émission Meet the Press, sur NBC a interviewé le gouverneur républicain de cet État, M. C. Sununu, elle lui a demandé ce qui se passait au Parti républicain, il a répondu : « Je n'ai rien à faire avec le Parti auquel vous appartenez, que vous soyez un.e conservateur.trice extrême ou un.e socialiste libéral.e, tout le monde devrait se sentir concerné par le genre de mentalité qui règne à la Maison blanche ».

Kristen Welker : Malgré tous ses commentaires, malgré ceux sur l'immunité, malgré ce que vous avez dit à propos de l'insurrection, vous allez voter pour D. Trump à l'élection présidentielle contre Joe Biden ?

G. Chriss Sununu : Eh ! Bien, selon les sondages, la plupart des Américains.es vont le faire. C'est votre manière de ne pas rapporter (les choses). Joe Biden a été mauvais à ce point, il a été incompétent. Il peut difficilement sortie de scène. Personne ne veut de cela et tout le monde est effrayé de voir Kamala Harris présidente.

A.G. : Quand il dit que tout le monde est effrayé il n'a rien dit des raisons qui l'amènent à appuyer D. Trump après les critiques qu'il lui a faites spécialement à propos de l'insurrection. Mais il parle de Kamala Harris.

R.P. : Oui. C'est l'espace mythique dont je parle : Joseph Biden a complètement failli. On peut critiquer encore et encore J. Biden mais nous avons quand même le plus bas taux de chômage des dernières 50 années. Ce n'est donc qu'une représentation d'un faux monde où tous et toutes sont contre K. Harris. C'est une des manières dont fonctionne le fascisme. Nous avons besoin d'un conservatisme légitime et la famille Sununu a été au service de la famille Bush pour ne donner qu'un exemple. Je crois que son père a été chef de bureau pour le premier Président Bush. Vous devez avoir ce genre de légitimité auprès des soit disant élites conservatrices afin de donner l'impression d'être éligible à une position de pouvoir. Il n'est pas plus responsable de ce qui se passe que les Proud Boy qui acceptent de battre une personne employée au décompte électoral.

A.G. : Je veux que vous nous parliez de Davos, de la rencontre de l'élite d'affaire du monde qui s'y est tenue, des dirigeants.es d'entreprises et des gouvernements. Que s'y est-il dit ? La semaine dernière à ce Forum, le PDG de JPMorgan, Jamie Dimon, a dit que D. Trump a été correct sur bien des enjeux. Il a dit : « Je ne pense pas qu'on vote pour Trump pour ses valeurs familiales. Mais faites un pas de recul et soyez honnête. Il avait raison en quelque sorte sur l'OTAN. De même sur l'immigration. Il a fait progresser l'économie assez correctement. La réforme fiscale a bien marché ». Et ce qui ressort de Davos est que non seulement D. Trump va remporter l'investiture républicaine mais qu'il va gagner l'élection présidentielle.

R.P. : Encore une fois cela me rappelle (les positions) de l'élite allemande tôt durant les années 1930. Elle pensait fondamentalement qu'il était possible de contrôler (ce qui se pointait), qu'elle pourrait retenir le tigre. Ce n'est pas cela qui provoque leur vote pour D. Trump. Vous savez ce que c'est ? 80% des électeurs.trices républicains.ne dans les primaires disent qu'ils et elles sont d'accord avec D.Tump qui dit que les immigrants sans papiers empoisonnent le sang américain. Voilà ! Donc il vit aussi dans cet espace mythique. Et, clairement, si vous ne rejoignez pas la résistance c'est la fin de la démocratie comme nous la connaissons et encore une fois, c'est un membre de l'establishment qui se révèle partie au problème.

A.G. : (…) Après le 7 octobre, l'ex Président Trump s'est adressé à la Republican Jewish Coalition :

« Parce qu'ils veulent détruire notre pays. Ils veulent détruire notre pays. Avec Biden nous n'avons pas qu'un désastre migratoire, nous en avons deux. Nous avons le désastre à la frontière et nous en avons un au Département d'État de Biden qui admet d'énormes quantités de jihadistes dans nos communautés, nos campus et via nos programmes de refuge. C'est ce qui explique toutes ces manifestations à New York et Chicago. Personne ne peut croire à ce qui se passe. Nous ne pouvons pas permettre cela. Et nous ne voulons pas ressembler à l'Europe avec des jihadistes à tous les coins de rue. C'est ce qui arrive. Je veux dire, nous allons avoir … nous allons devenir comme l'Europe. Prenez Londres. Jetez un coup d'œil sur Paris. Arrêtez-vous sur ce qui se passe là-bas. Nous voulons être les États-Unis d'Amérique et nous voulons redonner sa grandeur à notre pays (make our country great again). On nous couvre de ridicule.

Président, je vais mettre fin une fois pour toute à l'importation de masse d'antisémites aux États-Unis. Comme je l'ai déjà fait, je vais tenir les terroristes islamiques radicaux hors du pays. Nous les tenions à l'extérieur. Nous allons les tenir à l'extérieur. L'interdiction d'entrée au pays va s'appliquer à nouveau. Nous allons à nouveau appliquer l'interdiction d'entrée au pays. Au premier jour, je vais autoriser l'application de cette interdiction. Nous avions cette interdiction parce que nous ne voulions pas que des gens caressant l'idée de tout faire sauter entrent dans le pays ; faire sauter nos rues, nos centres commerciaux et notre peuple. Donc, j'ai introduit ce qui est appelé l'interdiction Trump d'entrée. Ce fut un extraordinaire succès. Elle a été suspendue comme elle allait s'appliquer. (Une jugement de cour fédérale suite à des contestations monstres. ndt.). Je n'en ai jamais parlé depuis quatre ans. Je ne l'ai jamais mentionné. Nous n'avons pas eu un seul incident en quatre années parce que nous avons tenus les mauvaises personnes hors du pays. Nous les avons tenues en dehors. Nous n'avons rien eu, pas une seule fois. Je ne veux pas dire durant les quatre années parce que je ne veux pas sortir de mon discours et provoquer quelque chose, n'est-ce pas ?

Je vais aussi introduire des examens idéologiques corsés pour tous.tes les immigrants.es qui veulent (venir ici). Si vous détestez les États-Unis, si vous voulez supprimer Israël, si vous sympathisez avec les jihadistes, nous ne voulons pas de vous dans notre pays, vous n'allez pas y entrer. Je vais annuler les visas de tous les étudiants.es liés.es au Hamas et à leurs sympathisants.es sur les campus des collèges. Les campus des collèges ne doivent pas être assaillis. Et tous les résidents.es étrangers.es qui ont rejoint les manifestations pro jihadistes ce mois-ci … personne n'a jamais vu cela. 2025 arrive, nous allons vous retrouver et nous allons vous expulser. Nous allons vous expulser ».

A.G : Pouvez-vous réagir à cela, Rick ?

R.P. : D'abord, j'apprécie que vous ayez diffusé une grande partie de cet extrait. Les gens doivent vraiment savoir ce qu'est son discours et pas seulement (entendre) de petits bouts que nous donnent les reportages dans les médias.

Ensuite, il y a beaucoup à dire mais ce qui m'a surtout frappé c'est au début quand il dit : « Vous savez, le Département d'État est infiltré par les jiadistes ». C'est exactement un rappel de ce que Joseph McCarthy disais dans son fameux discours en 1950, que le Département d'État était infiltré de communistes. Cela nous fait voir à quel point nous sommes en face à ce genre de racines éparpillées qui sont là dans l'histoire de la droite républicaine.

Ce que McCarthy disait et ce que D. Trump dit, c'est que tout ce qui arrive de mauvais aux États-Unis est le fait des élites. C'est très dangereux de penser ainsi. Et donc, tout ce qui arrive de mal, que les élites ont permis qu'il arrive, est causé par les étrangers.ères. À Chicago, où je me trouve en ce moment, un gamin de huit ans a été poignardé parce qu'il était Palestinien. Est-ce qu'il était un jiadiste ? Il a été le bouc émissaire des immigrants.es sans papiers.

Ce mirage ne peut pas fonctionner. La promesse de rédemption, la promesse que tout ce qui va mal va être éliminé si nous nous débarrassons de ces mauvaises personnes, ne peut être satisfaite. C'est à ce moment-là qu'on choisit un autre groupe. Le Pasteur Niemöller disait : « Il sont venus chercher les communistes, et je n'ai rien dit parce que je n'étais pas communiste ». C'est tellement prophétique. Vous savez, quand la rédemption ne vient pas, que : « renvoyez chez eux les Mexicains, les jiadistes » (ne résout rien), les gens vont se tourner vers un autre bouc émissaire. Nous devons prendre conscience que c'est un processus en marche. Il se dirige vers une forme de plus en plus autoritaire chaque semaine, chaque mois, chaque année, comme s'il n'y avait pas de force pour l'arrêter. Nous sommes dans une dynamique extrêmement dangereuse.

A.G : Je veux savoir comment Wall Street s'insère dans ce tableau. Pendant que nous parlons, CNBC, le canal d'affaire de NBC publie : « Comme D. Trump se dirige vers l'investiture républicaine, plusieurs dirigeants.es de Wall Street ont décidé de ne rien dire contre lui et dans certains cas, on considère l'idée de le soutenir plutôt que Joe Biden. C'est une décision réfléchie selon plus d'une douzaine de personnes familières (de ce milieu). Cela reflète une position partagée par une grande partie de Wall Street qui s'applique à se faire à l'idée que D. Trump sera vraisemblablement investit candidat à la Présidence par le Parti républicain et battra J. Biden en novembre prochain. Un sondage de Real Clear Politics dimanche concluait qu'en moyenne, D. Trump battrait J.Biden par 2 points à l'élection générale ». Qu'est-ce que cela veut dire ? Et croyez vous que l'argent fait le président ? C'est un lieu commun ou non ?

R.P. : Si l'argent fait le Président, Nikki Haley est sur la bonne pente puisqu'elle est la candidate des frères Koch n'est-ce pas ? Bien des choses déterminent qui sera Président.

Ce qui me renverse c'est que cette élite d'affaire dise : « Oui, ça ne fait pas de différence ». Ça ne fait pas de différence que D. Trump gagne. Qu'elle puisse travailler avec lui est un autre exemple de la situation de Fritz vo Papen. L'histoire ne l'absoudra pas. Elle va être vue comme partie du problème quand la population regardera les ruines, les ruines fumantes des États-Unis comme république s'il y a des historiens.nes pour nous le dire dans 50 ans ou 100 ans. Ces gens doivent rejoindre la résistance anti fasciste (…). Pour ainsi dire, ils donnent une corde à D. Trump pour qu'il les pendent. Ils vont être à sa merci. Ce que Ron DeSantis à tenter de faire avec Disney n'est qu'une farce pour ceux et celles qui ont croisé D. Trump même s'ils sont les super dirigeants.es d'entreprises de l'univers. Il va avoir la technologie de la NSA à la portée. Il va avoir l'armée à sa portée. Et s'ils pensent qu'ils vont pouvoir négocier avec le crocodile (ils se trompent), c'est le crocodile qui va les manger finalement.

A.G : Parlez-nous du vote de la jeunesse. Il y a quelques temps, vous avez écrit dans le Washington Post que les Démocrates recherchaient le vote des jeunes.

R.P. : Oui, dans cette chronique et dans le livre sur lequel je travaille qui porte sur les dernières 25 années et qui s'intitule : « The Infernal Triangle ». Ce triangle, c'est l'autoritarisme républicain, l'incompétence des médias, le vôtre excepté, et une sorte d'incompétence de la démocratie. Le fait que le Parti démocrate n'est pas vu l'absolue priorité d'allumer la torche, pour paraphraser J.F. Kennedy, auprès des nouvelles générations américaines, est une vraie faute institutionnelle, une vraie tragédie. Parce que si les gens ne peuvent voir comment ils pourraient s'identifier au Parti démocrate, vous savez, dans notre système politique tel qu'il existe, c'est comme le disait Stephen Douglas aux Afroaméricains.es en 1880. Le Parti républicain peut prendre de la place, peut aussi devenir de plus en plus ploutocratique. (…) Et si le Parti démocrate ne donne pas aux jeunes électeurs.trices, qui dans 10, 20, 30, 40, 50 ans seront l'électorat vieux ; … qu'ils et elles adhérent au Parti démocrate maintenant pourrait maintienir leur loyauté. S'ils et elles ne gagnent pas, ne maintiennent pas leur loyauté, feront pas leur part va manquer dans la lutte au fascisme également.

J'avais été très encouragé par Joseph Biden et Kamala Harris …. en 2020, (disant qu'ils allaient être) une sorte de pont pour la nouvelle génération de Démocrates. Mais ils ont fini par s'accrocher à leur influence comme à une sinistre mort. Vous connaissez Ryan Grim ? Il publie un merveilleux livre intitulé The Squad. (À propos de Nancy Pelosi) le plus choquant, et ont en reste bouche bée franchement, c'est comme si instinctivement, elle semblait traiter avec condescendance la « Squad » (coalition de 4 jeunes femmes de gauche dans le Parti démocrate. Ndt.) et Alexandria Ocasio-Cortez. Elle ne les voit pas comme un atout mais bien comme une menace à son influence. Elle a même renommé le « Green New Deal », « Green new dream ». Elle en fait n'importe quoi.

Je reviens à votre segment précédent sur l'enjeu d'Israël et de la Palestine. (On y trouve une illustration) de la réaction de la classe vieillissante de 70-80 ans quand il s'agit du Proche Orient.Elle n'a aucun sens pour l'électorat dans la vingtaine, n'est-ce pas ? C'est tout simplement une terrible triste situation. Et nous avons ce boulet. Mais je vais me rendre au bout avec les candidats.es démocrates parce que ce Parti est la barque, tout le reste c'est la mer. Nous devons sérieusement penser à comment nous sortir de cette effroyable situation.

A.G. : Pouvez-vous nous dire ce que vous espérez de la primaire du New Hampshire ? Pas la républicaine mais la démocrate. Le Président Biden a dit que cette primaire comme celle de l'Iowa ne devrait pas venir en début de campagne. Ce sont les États les plus « blancs » du pays qui en détermineraient le programme pour le reste, donnant le plan pour ce qui viendra ensuite. Donc, il ne figure pas sur les bulletins de vote au New Hampshire. Discrètement, ses supporters lancent une campagne en sa faveur par l'inscription de son nom à la main sur les bulletins. Expliquez-nous ce qu'il en est et ce que vous surveillez dans la compétition Haley-Trump ; qui vote pour qui ? Qui est le député Dean Phillips ?

R.P. : À propos des Démocrates : voir la direction du Parti dans ces États s'accrocher à sa position de pouvoir comme à une sinistre mort, à persister à être les premiers dans la nation, même si le Comité national démocrate a tenté, raisonnablement et de manière responsable de réformer tout cela ! Cela nous mets face à une tragédie de plus : quand un groupe qui détient le pouvoir se représente, qu'il n'a pas le courage patriotique et civique de faire quelque chose pour le bien commun du pays. Ça aurait pu se régler en 2024, ça ne le sera pas.

Quant aux Républicains : je vais encore et encore répéter que Donald Trump va remporter le maximum de votes dans les primaires. Il ne vaut même pas la peine d'y attacher autant d'attention. Ce qui importe pour ceux et celles qui votent pour lui est de savoir combien d'entre eux et elles seraient prêts.es à prendre les armes le 6 janvier 2025. S'il perd, nous savons très bien qu'il va proclamer qu'il a gagné. Donc, nous devons réellement penser à ces jours non seulement par rapport au vote républicain mais aussi aux Républicains.nes comme formation paramilitaire. Et si les journalistes n'en parlent pas en ce sens, s'ils et elles n'y pensent pas en ce sens c'est que leur vie se passe en 1996.

A.G : Finalement, Rick, (quand on voit) D. Trump applaudir Viktor Orbán de Hongrie et dire ce qu'il va faire le premier jour de sa (future) présidence, c'est-à-dire être un dictateur d'un jour… Quel sérieux faut-il lui accorder ?

R.P. : Beaucoup de sérieux. Il n'existe pas de dictateur d'un jour. Dire que vous allez annuler des décrets de l'exécutif c'est une chose. C'est constitutionnel, légal. Mais si vous y pensez comme une preuve de dictature … Les Républicains.es se sont réunis et ont conçu un plan complet pour 2025. Il compte des milliers de pages où on trouve l'idée de défaire les services publics. C'est un plan pour défaire la forme américaine de gouvernement. Donc c'est quelque chose qu'il faut prendre avec sérieux. (Un art. a déjà été publié sur PTAG à ce sujet. Ndt). Malheureusement, des gens comme Jamie Dimon veulent l'aider à le faire.

A.G. : Pourquoi, selon vous, le soutient à D. Trump ne faiblit pas alors qu'il fait face à 91 accusations ?

R.P. : C'est le « Führerprinzip », le mot allemand pour dire que la personne de D. Trump détient toute la vérité, la réalité, la rédemption. C'est le culte de la personnalité. Rien ne vient briser cela. Si par exemple, c'est un procureur général d'un État qui le poursuit, cela veut dire qu'il est Afro-américain, qu'il est étranger, pas un vrai Américain. Le jury dans la poursuite à Washington va être noir, donc pas de vrais.es Américians.es. S'il s'agit d'une accusation d'un tribunal fédéral, ce n'est qu'une extension de l'État profond et de Joe Biden qui tente de le discréditer. Les faits n'importent pas. C'est l'espace du rêve fasciste, du mythe où il y a des bons et des mauvais et D. Trump est bon. Tous ceux et toutes celles qui lui sont associés.es sont temporairement bons et bonnes et quiconque s'oppose a lui est mauvais et doit être éliminé. Nous sommes dans cette situation en ce moment. Il faut le regarder droit dans les yeux et résister avec tous nos moyens.

A.G. : Rick est l'auteur d'une œuvre en quatre volumes sur le mouvement conservateur moderne.

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Trump gagne en Iowa : l’argent dans la politique américaine

30 janvier 2024, par Dan La Botz — , ,
L'ancien président Donald Trump a remporté la primaire républicaine de l'Iowa à la mi-janvier, la première primaire du pays, avec 51 % des voix, le reste étant réparti entre (…)

L'ancien président Donald Trump a remporté la primaire républicaine de l'Iowa à la mi-janvier, la première primaire du pays, avec 51 % des voix, le reste étant réparti entre ses rivaux, le gouverneur de Floride Ron DeSantis et Nikki Haley, l'ancienne gouverneure de Caroline du Sud.

25 janvier 2024 | Hebdo L'Anticapitaliste - 692
https://lanticapitaliste.org/actualite/international/trump-gagne-en-iowa-largent-dans-la-politique-americaine

Après ce résultat, DeSantis s'est retiré de la course et a annoncé qu'il soutenait désormais Trump. Les candidats sont maintenant en route pour le New Hampshire, où Trump devrait également l'emporter.

Si la victoire de Trump est largement due à son charisme et à la loyauté de sa base, l'argent joue un rôle énorme dans les élections américaines. Les candidats républicains ont dépensé 124 millions de dollars pour l'élection dans l'Iowa, la majeure partie de cette somme étant consacrée à la publicité télévisée et aux médias sociaux tels que Facebook et Google. L'organisation de M. Trump, Make America Great Again Inc. a diffusé environ 21 000 publicités télévisées. Mais l'argent n'a pas été décisif dans l'Iowa : Haley, qui a dépensé le plus, est arrivée en dernière position.

1 112 dollars par électeurE dans l'Iowa

L'Iowa compte 2 083 979 électeurs républicains inscrits, mais seuls 15 % d'entre eux, soit 110 000, se sont présentés aux caucus, la forme que prend leur primaire, dont les réunions se sont tenues dans les 99 comtés de l'État. Les 124 millions de dollars dépensés représentent 1 112 dollars par électeurE. La population de l'Iowa est à 87,9 % blanche et le Parti républicain l'est à 95 %.

Lors de cette primaire, l'Iowa n'élit que 40 des 2 500 délégués républicains à la convention, soit moins de 2 % du total, mais parce qu'elle arrive la première, elle peut donner le ton de l'ensemble des primaires républicaines. Les Démocrates n'organisent plus leur première primaire dans l'Iowa car ils estiment qu'elle donnerait un poids démesuré à une population majoritairement blanche et rurale qui n'est pas représentative du pays.

La prochaine primaire républicaine aura lieu le 23 janvier dans le New Hampshire, où la population est à 88,9 % blanche. Cette primaire permettra de désigner 22 délégués à la Convention républicaine, soit moins de 1 % du total. Les Démocrates de l'État organiseront également une élection primaire non officielle le même jour, mais le nom du président Joe Biden, candidat présumé, ne figurera pas sur le bulletin de vote.

55 % des contributions des entreprises aux Républicains

Dans toutes les élections primaires et, plus tard, dans les élections générales, l'argent jouera un rôle clé dans la détermination du vainqueur. L'affaire Citizens United vs. Federal Election Commission, jugée en 2010 par la Cour suprême, a renversé des règles électorales établies de longue date, et a permis aux riches particuliers, aux entreprises, aux syndicats et à d'autres de dépenser des sommes illimitées pour les élections. Cela a conduit à la création de « super-PACS » (comités d'action politique) qui peuvent accepter des contributions illimitées et les dépenser en faveur ou contre des candidats. On estime que 55 % des contributions des entreprises vont aux Républicains et 45 % aux Démocrates. Les Républicains reçoivent également des fonds de nombreux groupes conservateurs, tels que les chrétiens évangéliques qui ont contribué à hauteur de 2,3 milliards de dollars à l'élection de 2020, presque entièrement au profit des Républicains. Les Démocrates reçoivent également des fonds des syndicats, des organisations de NoirEs, de Latinos, de femmes et de LGBT. Les syndicats ont versé 1,8 milliard de dollars, dont la quasi-totalité aux Démocrates pour l'élection de 2020.

« Le comité exécutif de la classe dirigeante »

Le mouvement Occupy Wall Street de 2011 a exigé que l'argent des entreprises soit retiré de la politique. Bernie Sanders a repris ce cri en 2016 lorsqu'il s'est présenté à l'élection présidentielle. Comme l'a déclaré Nina Turner, coprésidente de la campagne de Sanders, « le trop-plein d'argent dans la politique étouffe les voix des gens ordinaires. Cela fait partie du casse-tête américain : plus on a d'argent, plus on peut s'exprimer. Cela exclut les gens ordinaires de l'équation ».

La gauche américaine au sens large convient que l'argent permet aux entreprises d'acheter le gouvernement qu'elles souhaitent, de sorte qu'il devient, selon les termes de Karl Marx, « le comité exécutif de la classe dirigeante ». L'alternative est la construction d'un mouvement de masse de la classe ouvrière et des personnes opprimées qui pourraient utiliser leur puissance sociale et politique pour créer un pays plus démocratique et socialement progressiste.

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États-Unis : exemple du Massachussetts qui augmente les impôts de 4% pour financer la santé

30 janvier 2024, par Félix Cauchy-Charest — , ,
Lunchs scolaires gratuits pour tous les élèves, investissements dans le transport collectif, abolition des frais de scolarité dans les collèges et universités publics, (…)

Lunchs scolaires gratuits pour tous les élèves, investissements dans le transport collectif, abolition des frais de scolarité dans les collèges et universités publics, investissements dans les infrastructures, voilà autant d'objectifs louables auxquels les membres du gouvernement et faiseurs d'opinion opposent habituellement la fameuse « capacité de payer de l'État ». Pour dénouer ce nœud gordien et diminuer les inégalités de richesse en faisant d'une pierre deux coups, l'État du Massachussetts a peut-être trouvé la solution.

15 janvier 2024 | CSQ
https://www.lacsq.org/actualite/quand-le-massachusetts-montre-lexemple/

Par Félix Cauchy-Charest, conseiller CSQ

Lors des dernières élections de mi-mandat, le 8 novembre 2022, les personnes votantes ont dû se prononcer sur une série de propositions d'amendement à la constitution de l'État, dont celle d'imposer une taxe supplémentaire de 4 % aux contribuables ayant des revenus supérieurs à 1 million $, afin de réinvestir l'argent dans les secteurs de l'éducation et du transport.

Les électrices et électeurs ont voté à 52 % en faveur de cette modification constitutionnelle, après une chaude lutte par le Fair Share Massachusetts, le Vote Yes on Fair Share 2022 ainsi que la Coalition for Social Justice Fair Share 2021-2022 qui s'y opposaient. En 2018, une tentative de faire passer la même mesure comme une nouvelle législation d'initiative populaire avait échoué pour des raisons techniques.

Trois grandes organisations syndicales, l'American Federation of Teachers (AFT), le Massachusetts Teachers Association (MTA) ainsi que le conseil massachusettois du Service Employees International Union (SEIU) figuraient au nombre des organisations appuyant cet amendement.

Les arguments

Les différents groupes défendant cette proposition d'amendement ont fait valoir que la pandémie avait mis en lumière les dangers du sous-financement chronique du filet de sécurité sociale de l'État. Le sénateur démocrate, James O'Day, soulignait que l'économie du Massachusetts fonctionnait très bien pour le 1 % des plus fortunés et qu'il était temps pour l'ensemble des citoyennes et citoyens de l'État de récolter les bénéfices de la richesse que leur travail a produits.

De leur côté, les opposants ont mis de l'avant les arguments classiques anti-impôt, arguant que les dollars prélevés aux riches empêcheraient autant d'investissements dans l'économie et dans la création d'emplois dans les petites entreprises. En résumé : « Créons de la richesse, nous la redistribuerons plus tard. »

Combien vaut le 4 % du 1 % ?

Les partisanes et partisans de l'amendement peuvent dire qu'ils ont visé dans le mille. Avec cette modification constitutionnelle, le Massachusetts, qui compte 6 millions d'habitants,a récolté la coquette cagnotte de 1,5 milliard de dollars. Cette dernière sera investie dans les secteurs identifiés dans le projet d'amendement (voir encadré).

LA QUESTION SOUMISE AUX ÉLECTRICES ET ÉLECTEURS

Voici ce à quoi devaient répondre les électrices et électeurs du Massachusetts lors des élections de mi-mandat, en novembre 2022 :

Approuvez-vous l'adoption d'un amendement constitutionnel tel que résumé ci-bas, approuvé par une session commune des deux chambres (Chambre des représentants et Sénat), le 12 juin 2019 et le 9 juin 2021 ?

Afin d'allouer les ressources nécessaires pour assurer une éducation publique de qualité et une abordabilité pour les collèges et universités, ainsi que pour la réparation et le maintien des routes, ponts et transports collectifs, que tous les revenus reçus en lien avec ce paragraphe soient étendus et sujets à appropriation, pour ces matières seulement. En supplément des taxes sur le revenu autrement autorisées par cet article, que soit instituée une taxe additionnelle de 4 % sur la portion du revenu imposable excédant 1 000 000 $. Afin de s'assurer que cet impôt additionnel continue de ne s'appliquer qu'aux plus riches contribuables, ce seuil d'un million de dollars sera ajusté annuellement pour refléter la hausse du coût de la vie selon les mêmes paramètres utilisés pour calculer les paliers d'impôt du gouvernement fédéral. Ce paragraphe s'appliquera à toutes les années fiscales, commençant le 1er janvier 2023 et suivantes.

Des leçons pour le Québec ?

Attention aux raccourcis, met en garde Minh Nguyen, conseiller à la recherche socioéconomique et à l'action politique à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ). « Le contexte fiscal du Massachusetts n'est pas celui du Québec. Notre 1 % n'est pas le même », explique-t-il.

Rappelons que le régime fiscal québécois prévoit quatre paliers d'imposition :

Premier palier : 14 % sur les premiers 51 780 $ ;
Deuxième palier : 19 % de 51 780 $ à 103 545 $ ;
Troisième palier : 24 % de 103 545 $ à 126 000 $ ;
Quatrième palier : 25,75 % au-delà de 126 000 $.

« En venant ajouter des paliers fiscaux à 250 000 $ et à 500 000 $ de revenu déclaré, par exemple, on viendrait chercher une meilleure répartition de la richesse produite au Québec, c'est certain, affirme Minh Nguyen. Cependant, on ne tient pas compte des gains en capitaux, de la valeur des actifs des mieux nantis ou des stratégies d'évitement fiscal, etc. » En prenant en compte tous ces éléments, on constate qu'« une vraie réflexion sur la fiscalité s'impose », conclut-il.

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Etats-Unis : Mensonges sur les élections

30 janvier 2024, par Flora, Olivia et l'équipe d'Ekō — , ,
Meta vient de lever l'interdiction des publicités affirmant que les dernières élections américaines ont été truquées. *Il s'agit d'un cadeau pour Trump, et d'un cauchemar pour (…)

Meta vient de lever l'interdiction des publicités affirmant que les dernières élections américaines ont été truquées. *Il s'agit d'un cadeau pour Trump, et d'un cauchemar pour la démocratie.

*Dites à Meta de cesser de diffuser de fausses annonces sur les élections.*

SIGNER LA PÉTITION

Ami, amie,

Mark Zuckerberg a discrètement *levé l'interdiction des publicités affirmant que l'élection américaine a été truquée*, autorisant ainsi une nouvelle vague de désinformation pro-Trump sur Facebook et Instagram, alors que les prochaines élections approchent.

Il s'agit ni plus ni moins d'une sordide opération financière destinée à capitaliser sur le flot ininterrompu de mensonges des extrémistes, dans l'indifférence la plus totale quant aux conséquences que cela pourrait entraîner dans le monde. *Mais nous avons l'opportunité de l'empêcher.*

Zuckerberg sait très bien qu'il pourrait s'attirer les foudres du grand public et nuire à Meta avec ce coup bas. Il a donc glissé cette mesure très discrètement dans une mise à jour des politiques de Meta. *À l'approche des élections américaines, nous pouvons lancer une vaste campagne publique *qui obligera Meta à faire marche arrière sur cette politique dangereuse qui pourrait avoir des conséquences désastreuses dans le monde entier. Signez maintenant :

Dites à Meta d'interdire la diffusion de publicités mensongères sur les élections dès maintenant. <https://act.sumofus.org/go/686440?t...>

Les États-Unis ne sont pas le seul pays concerné. Meta a également levé les interdictions relatives aux infox sur les résultats des élections en Italie et au Brésil, pays dans lequel les mensonges de Bolsonaro sur les élections de 2022 ont conduit des manifestants armés à prendre d'assaut le Congrès lors d'une tentative de coup d'État.

Zuckerberg est en train de démanteler les démocraties du monde entier, une élection à la fois, au lieu de faire en sorte que les erreurs du passé ne soient plus jamais commises.

Les *membres d'Ekō ont déjà fait en sorte que Meta fasse marche arrière*, notamment lorsque l'entreprise envisageait de créer un Instagram ciblant directement les enfants. *Nous pouvons renouveler l'exploit ! Signez la pétition :*

Dites à Meta d'interdire la diffusion de publicités mensongères sur les élections dès maintenant. <https://act.sumofus.org/go/686440?t...>

SIGNER LA PÉTITION <https://act.sumofus.org/go/686441?t...>

Merci pour tout ce que vous faites,
Flora, Olivia et l'équipe d'Ekō

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Géographie de la violence : les États-Unis en pole position

30 janvier 2024, par Gilles Fumey, Manouk Borzakian, Nashidil Rouiai, Renaud Duterme — , ,
Le retour de Trump sur la scène électorale (il vient de gagner la 2e étape des primaires républicaines) met en relief une des particularités des États-Unis : ils sont l'un des (…)

Le retour de Trump sur la scène électorale (il vient de gagner la 2e étape des primaires républicaines) met en relief une des particularités des États-Unis : ils sont l'un des États les plus violents de la planète.

Manouk BORZAKIAN (Lausanne), Gilles FUMEY (Sorbonne Univ./CNRS). Renaud DUTERME (Arlon, Belgique), Nashidil ROUIAI (Université de Bordeaux).

24 janvier 2024 | Billet de Blog
https://blogs.mediapart.fr/geographies-en-mouvement/blog/240124/geographie-de-la-violence-les-etats-unis-en-pole-position

On ne parle pas d'un État failli comme certains qui ploient sous les coups des gangs, mais bien d'un pays qui revient tous les quatre ans dans une joute électorale démocratique qui se termine, depuis quelques scrutins, par une contestation des résultats. Un pays menacé par un parti non loin d'adouber Donald Trump pour la prochaine campagne présidentielle puisqu'il vient de remporter la deuxième manche des primaires dans le New Hampshire après l'Iowa. Un parti « axé sur le culte de la personnalité, qui a fait du trumpisme un populisme, un anti-internationalisme » (Fergus Cullen)[1]. Visé par 91 chefs d'accusation et rendu responsable en 2023 d'agression sexuelle, l'ancien président, « autoritaire qui convient bien à un nombre significatif de républicains » est, donc, en passe d'arracher la nomination du parti avec une réélection possible en novembre 2024.

Cette dérive autoritaire et violente peut choquer dans les pays démocratiques. Mais elle oblige à se positionner face à une violence « civilisationnelle »[2] des États-Unis. Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik confiait à Max Armanet : « C'est une morale perverse que de se dire qu'il n'y a qu'une seule morale qui existe, la mienne ! »[3] Il évoquait Poutine en Ukraine et pensait sans doute à Trump, hurlant au complot contre la justice de son pays.

Il n'empêche. Cette violence a pignon sur rue aux États-Unis : 43 000 homicides et suicides pour la seule année 2020. Le taux de mortalité par armes à feu pour 100 000 habitants y est de 4,1[4], et fait du pays le premier de la liste mondiale, le deuxième pays étant la Bulgarie avec 0,6 (environ huit fois moins), la France se positionnant à la 6e place (seize fois moins). Voici donc les électeurs républicains satisfaits du retour de leur chef après son passage en 2023 au congrès de la National Rifle Association, « une association célèbre qui réunit le peureux et les lâches d'Amérique se voyant bien vivre une arme dans chaque main et un couteau entre les dents »[5]. À l'automne 2023, on signalait la présence de Trump à cette réunion au moment où une vingtaine de gamins se faisaient assassiner par un déséquilibré. Et on doit rappeler qu'à la faveur d'un amendement dans la Constitution au 18e siècle, les Etats-Uniens sont autorisés à posséder une arme. Ce n'est même pas assez puisqu'il faudrait, à entendre Trump, équiper les vigiles et… les enseignants, hommes et femmes, arme automatique en bandoulière.

© World Prisons Brief, 2018

La violence, c'est aussi l'enfermement. D'après le World Prison Brief, les États-Unis sont le pays qui a le plus fort taux de détenus par habitant (666 prisonniers/100 000 habitants, soit 2 145 000 personnes derrière les barreaux) à comparer avec le Brésil (trois fois moins par habitant). Et toujours une surenchère pour construire de nouvelles prisons.

Le retour de Trump fait penser à cet épisode où Michel Serres remercie René Girard d'avoir « fait entendre, en ces abois, ces hennissements, ces hurlements d'animaux enragés […] ; d'avoir dévoilé, en cette meute sanglante, en ce nœud de vipères, en ces bêtes acharnées, la violence abominable de nos sociétés. (…) L'origine de la tragédie que Nietzche chercha sans la trouver, vous l'avez découverte, elle gisait, toute offerte, en la racine hellénique du terme lui-même : tragos, signifiant le bouc, ce bouc émissaire que des foules prêtes à la boucherie expulsent en le chargeant des péchés du monde, les leurs propres […] ». La tragédie des États-Unis, la voilà incarnée par Trump qui dévoile au reste du monde cette face qu'Ingrid Carlander qualifiait de « satanique »[6].

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[1] Libération, 23 janvier 2024, p. 6

[2] Marc Dugain, Les Echos, 10 juin 2022

[3] We demain, n°39, août 2022, p. 186.

[4] Source : Institute for Health Metrics and Evaluation's (IHME), 2019

[5] Marc Dugain (cité)

[6] Ingrid Carlander, Le Monde diplomatique, février 1991

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