Revue Possibles

La revue Possibles est née en 1974 de la rencontre de poètes (Roland Giguère, Gérald Godin, Gilles Hénault, Gaston Miron) et de sociologues (Gabriel Gagnon et Marcel Rioux) soucieux de rêver et de construire une société québécoise solidaire, créative et émancipée de ses multiples sources d’aliénation. La revue Possibles est une revue d’idées qui allie rigueur intellectuelle et accessibilité de l’analyse. La revue Possibles est une revue auto-gérée, auto-financée et collaborative. La revue Possibles publie deux fois par année. La revue Possibles encourage les soumissions spontanées. Nous invitons les auteurs et autrices qui souhaitent soumettre leur texte à se conformer au protocole de rédaction.

Les vaches font-elles l’amour ? Fisting, stripping, et autres bestialités agricoles

14 mai 2024, par Sarah Fravica
Quand nous parlons de sexualité animale, on peut à tout le moins dire qu’il y a un angle-mort à l’égard des animaux domestiqués. Nous nous intéressons moins à leurs (…)

Quand nous parlons de sexualité animale, on peut à tout le moins dire qu’il y a un angle-mort à l’égard des animaux domestiqués. Nous nous intéressons moins à leurs comportements et intentions sexuels qu’aux moyens par lesquels nous pouvons les reproduire le plus efficacement possible ou, à l’inverse, à la façon de limiter leur reproduction. Il ne s’agit pas de leur sexualité, mais bien de notre maîtrise de leur pouvoir reproductif. C’est nous, qui leur faisons des bébés. Pour les vendre, pour les manger. Pour cette raison, je ne sais pas si les vaches font l’amour. Ma question est plutôt ironique, car je sais que cela ne nous préoccupe pas. En m’intéressant à l’infraction de bestialité ainsi qu’à nos mœurs au regard de ce crime, puis par le biais d’une réflexion sur le consentement animal, je problématise les procédures au cœur de l’élevage animalier qui exploitent le système reproductif des animaux domestiqués.

Les humains qui voulaient être prédateurs : méprise identitaire ou écologique ?

14 mai 2024, par Véronique Armstrong
Cet article se concentre sur le désir profond des humains de se voir au sommet de la chaîne alimentaire, tels des prédateurs, et aux impacts environnementaux de ce vertigo. Les (…)

Cet article se concentre sur le désir profond des humains de se voir au sommet de la chaîne alimentaire, tels des prédateurs, et aux impacts environnementaux de ce vertigo. Les motifs derrière cette perception seraient surtout de l’ordre des préférences alimentaires, et plutôt éloignés de ce que peut nous enseigner l’écologie. Or, on peut noter que plusieurs concepts avancés par des spécialistes en éthique environnementale contribuent à renforcer une image positive des humains en tant que prédateurs et à les conforter dans leur hiérarchie imaginaire. La notion de « lois naturelles » est mobilisée afin d’inscrire les réflexions dans un cadre écologique et de vérifier si la prédation que tiennent à pratiquer les humains respecte l’objectif fondamental d’une éthique écocentrée : revoir la place des humains dans leur propre hiérarchie du monde afin de permettre une cohabitation harmonieuse avec la nature.

De la protection des chevaux à la défense de tous les animaux : une brève histoire de la cause animale au Québec

14 mai 2024, par Virginie Simoneau-Gilbert
Mon texte offre un aperçu historique de la naissance de la cause animale au Québec et met en lumière les transformations majeures qui l’ont marquée. Dans un premier temps, nous (…)

Mon texte offre un aperçu historique de la naissance de la cause animale au Québec et met en lumière les transformations majeures qui l’ont marquée. Dans un premier temps, nous pourrons constater que la naissance de la cause animale au 19e siècle est tributaire de nouvelles inquiétudes liées à la manière dont sont traités les chevaux et les animaux de bétail par les membres de la classe ouvrière. Ces préoccupations ne sont pas étrangères aux valeurs bourgeoises portées par les dirigeants montréalais et à l’influence des lois britanniques sur les colonies de l’Amérique du Nord britannique. Dans un deuxième temps, nous verrons que le remplacement des chevaux par l’automobile et que l’implication des femmes au sein du mouvement sont à l’origine d’une redéfinition majeure de la cause animale et de ses priorités à l’aube du 20e siècle. À partir de 1914, la SPCA de Montréal se consacre presqu’entièrement à son refuge pour chiens et chats et ce, jusqu’aux années 1960. Enfin, en guise de conclusion, je retracerai brièvement la trajectoire prise par le mouvement animaliste québécois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en insistant sur la diversité de ses buts.

Pourquoi les féministes ne mangent pas les animaux

14 mai 2024, par Suzanne Zaccour
Peut-on être féministe et manger des animaux ? Si cette question parait saugrenue, c’est que nous n’avons pas l’habitude de voir l’élevage comme une industrie qui exploite le (…)

Peut-on être féministe et manger des animaux ? Si cette question parait saugrenue, c’est que nous n’avons pas l’habitude de voir l’élevage comme une industrie qui exploite le corps des individu·es, qui contrôle leur sexualité et leur reproduction, et qui passe outre leur consentement. En creusant un peu, on s’aperçoit que la consommation de viande est associée à la virilité et que les justifications à l’exploitation animale font écho à la culture du viol. Lorsqu’on exploite une vache sous prétexte qu’elle y consent, lorsqu’on sexualise les truies pour mieux se les approprier, lorsqu’on enferme les poules pour les prétendre « en liberté », on bafoue le consentement et l’intégrité corporelle qui sont si chèr·es au féminisme. De même, à prétendre que manger des animaux n’est qu’un choix personnel, on oublie que le privé est politique – le slogan le plus iconique de la pensée féministe. Et que dire de l’affirmation selon laquelle l’éleveur exploite « par amour », un refrain bien connu des victimes de violence conjugale ? Ce texte présente une critique féministe de l’exploitation animale. Il est composé d’extraits adaptés du livre que l’autrice fera bientôt paraitre. 

La solidarité animale empêchée

14 mai 2024, par Axelle Playoust-Braure
L’engagement pro-animaux se heurte à de nombreux obstacles sociaux et culturels, notamment la pression et les moqueries suscitées par le végétarisme, ainsi que la répression (…)

L’engagement pro-animaux se heurte à de nombreux obstacles sociaux et culturels, notamment la pression et les moqueries suscitées par le végétarisme, ainsi que la répression politique du mouvement animaliste. Ce phénomène, appelé "végéphobie" depuis 2001 en France, peut être comparé à d’autres formes de pression sociale comme celles subies par les femmes ne souhaitant pas procréer. Le spécisme, ou la discrimination fondée sur l’espèce, prend ainsi la forme d’une norme sociale, imposant des sanctions à ceux et celles qui y dérogent. La végéphobie décourage l’expression d’une solidarité envers les animaux, poussant certaines personnes à adopter un comportement de compromis pour éviter le conflit, tandis que d’autres s’efforcent de dépolitiser leur engagement pour échapper aux critiques. Face à ces défis, il existe un besoin critique de construire un mouvement antispéciste fort et inclusif, capable de résister à la végéphobie et d’obtenir des gains politiques pour les animaux.

Vers des villes plus justes envers les animaux

14 mai 2024, par Amandine Sanvisens
Au cœur des villes, de nombreux animaux vivent. Pourtant, ils sont méprisés voire tués ou encore privés de liberté. Des animaux liminaires aux animaux sauvages captifs des (…)

Au cœur des villes, de nombreux animaux vivent. Pourtant, ils sont méprisés voire tués ou encore privés de liberté. Des animaux liminaires aux animaux sauvages captifs des zoos, notre rapport aux animaux en ville est d’abord et avant tout une relation de domination. Les initiatives militantes des associations de protection animale, d’une part, et politique, d’autre part, sont en train d’émerger. Parce que les animaux font partie intégrante des villes, il est temps de les y inclure pleinement dans les politiques de la ville et donc de faire reculer la souffrance animale.

Les actions directes pour les animaux : l’histoire comme manuel d’instruction

14 mai 2024, par Valérie Éthier
Cet article développe une analyse historique des actions directes dans le mouvement de défense des droits des animaux. Après un court passage s’intéressant à l’action directe, (…)

Cet article développe une analyse historique des actions directes dans le mouvement de défense des droits des animaux. Après un court passage s’intéressant à l’action directe, il retrace l’histoire des mouvements du Front de libération animale (ALF), de Stop Huntingdon Animal Cruelty (SHAC) ainsi que de l’Open Rescue et des récentes poursuites contre les activistes pour les animaux.

Plus fantastique qu’un scénario de Disney : l’anthropomorphisme nuit-il aux animaux ?

14 mai 2024, par Émilie-Lune Sauvé
Malgré le vaste consensus scientifique sur les capacités cognitives et émotionnelles des animaux, la prise en compte de leurs intérêts fondamentaux, de leur capacité de (…)

Malgré le vaste consensus scientifique sur les capacités cognitives et émotionnelles des animaux, la prise en compte de leurs intérêts fondamentaux, de leur capacité de souffrir, de leurs capacités émotionnelles et relationnelles, pourtant fondées sur la science la plus récente, est encore parfois confondue avec de la sensiblerie et de l’anthropomorphisme. Bien sûr, pour quiconque cherche à entamer une réflexion rigoureuse sur notre rapport aux animaux, la prudence est de mise.  Éviter l'anthropomorphisme, soit éviter de prêter des intentions ou des comportements humains à d’autres espèces animales, est une notion phare qui doit éclairer notre raisonnement.  Les limitations qu’imposent nos propres référents dans l’appréhension du rapport au monde des autres animaux sont évidentes dans les façons dont les protocoles scientifiques sont conçus, notamment le test du miroir (ou test de Gallup). Toutefois, plutôt que de nier leur vie subjective, une prudence renouvelée envers nos réflexes anthropocentriques devrait bénéficier aux animaux et favoriser des démarches rigoureuses et exhaustives pour comprendre leurs ressentis. Les animaux militent de façon muette pour être considérés à l’intérieur d’une société plus juste qui les inclurait aussi et prendrait leurs intérêts en compte. Quand nous envisageons ce monde, le faisons-nous avec une part d’anthropomorphisme ?  Ce terme est-il nécessairement péjoratif ?

Questions d’éthique intergalactique

14 mai 2024, par Vincent Duhamel
Ce texte propose une expérience de pensée qui questionne la légitimité et la rationalité du spécisme. Imaginons que des extraterrestres viennent nous visiter pour goûter à de (…)

Ce texte propose une expérience de pensée qui questionne la légitimité et la rationalité du spécisme. Imaginons que des extraterrestres viennent nous visiter pour goûter à de la chair humaine, comment pourrions-nous les en dissuader ? Leur dire qu’ils ne peuvent pas nous tuer parce que nous sommes des humains n’aurait évidemment pas de poids, mais nous pourrions peut-être les convaincre en faisant appel à leur sens moral. S’appuyant sur la thèse de Peter Singer selon laquelle la raison est comme un escalier mécanique qui mène à prendre une perspective de plus en plus impartiale, Vincent Duhamel considère que nous avons toutes les raisons de penser que des extraterrestres développés technologiquement seraient assez moralement avancés pour prendre en considération nos intérêts - peu importe que nous soyons moins intelligents ou moins cognitivement sophistiqués qu’eux.

Les algorithmes contre les animaux

14 mai 2024, par Martin Gibert
Les algorithmes ont déjà des conséquences - négatives - sur la vie des animaux. Ils peuvent commettre des erreurs dommageables mais aussi contribuer à leur exploitation comme (…)

Les algorithmes ont déjà des conséquences - négatives - sur la vie des animaux. Ils peuvent commettre des erreurs dommageables mais aussi contribuer à leur exploitation comme dans les robots de traite ou les systèmes de reconnaissance des cris des cochons. Ils sont aussi au cœur du marketing et de la promotion des produits d’origine animale (viande, laitages, cuir). De façon plus indirecte, les algorithmes de génération de textes - comme ChatGPT - ou d’images - comme Midjourney - reproduisent des stéréotypes spécistes et renforcent la croyance commune que les animaux ne méritent pas d’être considérés moralement, si bien que leur exploitation est justifiée. En somme, ils normalisent la violence à leur endroit. C’est ce qu’on peut appeler l’argument du dommage épistémique à l’encontre des animaux. Cet article, à la croisée de l’éthique animale et de l’éthique de l’intelligence artificielle, pose en fin de compte une question aussi fondamentale qu’inédite : voulons-nous vraiment transmettre aux machines nos biais humains défavorables aux animaux?

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