Presse-toi à gauche !

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...

Immigration : Les gens d’affaires avant le regroupement familial

5 décembre 2023, par Anne Michèle Meggs — , ,
Les exemples de l'approche utilitariste du gouvernement en matière d'immigration abondent. Cependant, la cerise sur le sundae se trouve dans la politique de planification de (…)

Les exemples de l'approche utilitariste du gouvernement en matière d'immigration abondent. Cependant, la cerise sur le sundae se trouve dans la politique de planification de l'immigration pour 2024, annoncée le 1er novembre dernier. On y voit peut-être l'ultime pied de nez aux personnes immigrantes qui, aux yeux du gouvernement, ne sont pas « utiles » pour le Québec, c'est-à-dire celles de la catégorie du regroupement familial.

28 novembre 2023 | tiré de l'Aut'journal
https://lautjournal.info/20231128/immigration-les-gens-daffaires-avant-le-regroupement-familial

Dès la campagne électorale de 2018, le premier ministre mettait un accent particulier sur cette catégorie, répétant à plusieurs reprises qu'il fallait absolument que le Québec « rapatrie » l'ensemble des pouvoirs la concernant. Il n'était pas très clair sur les motifs. Il semblerait, à l'entendre, que cette catégorie était particulièrement néfaste pour l'avenir du français au Québec. Il s'agit d'un argument peu convaincant puisque cette catégorie ne représente qu'à peine 24 % de l'immigration permanente et que la moitié des personnes admises déclarent pouvoir communiquer en français lors de leur admission. De plus, la moitié sont des enfants de moins de 14 ans et seront donc inscrits dans les écoles françaises du Québec.

L'argent plutôt que les familles

Cinq ans plus tard, la planification annoncée par le gouvernement privilégie clairement l'argent au regroupement des familles québécoises. Car n'oublions pas que les personnes qui parrainent les conjointes ou conjoints et leurs enfants à l'étranger sont les Québécoises et Québécois « de souche » ou qui ont obtenu un statut permanent grâce à la sélection québécoise.

Le plan d'immigration pour l'année 2024 prévoit une croissance continue de la catégorie économique, tout en maintenant stable le seuil pour la catégorie familiale. De plus, il annonce l'admission de 6 600 personnes de la sous-catégorie « gens d'affaires » au-delà du seuil régulier de 50 000 admissions et des quelques 6 500 admissions additionnelles prévues dans le cadre du Programme d'expérience Québec-diplômés maintenant réservé à des jeunes diplômés ayant fait des études en français.

Il est légitime que le gouvernement sélectionne plus de personnes dans la catégorie économique. Mais la sélection économique génère les demandes de regroupement familial. Plusieurs témoignages ont souligné ce fait incontestable, lors des consultations devant la Commission parlementaire sur la planification de l'immigration.

Les demandes de résidence permanente dans la catégorie « regroupement familial » – dont les dossiers sont approuvés par le fédéral, les ententes de personne garante signées avec le Québec et les Certificats de sélection du Québec délivrés – s'accumulent à Ottawa parce que le gouvernement du Québec n'en reconnait pas la pertinence économique et refuse d'augmenter les seuils de cette catégorie.

Le résultat est aussi évident qu'inévitable. En date du 20 novembre 2023, le délai de traitement d'une demande de résidence permanente du Québec pour le parrainage d'un conjoint ou d'une conjointe déjà au Québec avec un statut temporaire était de 25 mois. Le délai pour la même demande émanant d'une autre province était de 10 mois. Lorsque le partenaire parrainé était toujours à l'étranger, l'attente au Québec était de 33 mois ; dans le reste du Canada, 13 mois. Pire encore pour le parrainage d'un parent ou un grand-parent ; au Québec, le délai à prévoir était de 47 mois, mais dans le reste du Canada, 22 mois.

Cette situation est inhumaine et inexplicable. Une des orientations du gouvernement pour les deux prochaines années est « de favoriser l'intégration sur le marché du travail des personnes issues de toutes les catégories d'immigration ». Le gouvernement sait très bien que la plupart des conjointes et conjoints ont l'intention de travailler dès leur arrivée. De plus, des modifications réglementaires annoncées au mois de mai feront en sorte que la personne garante s'engage à soutenir l'apprentissage du français de la personne parrainée.

Les gens d'affaires

La démarche gouvernementale est tout autre pour la sous-catégorie « gens d'affaires ». Dans ce cas, on sait qu'il y avait 15 400 de ces riches investisseurs et membres de leurs familles sélectionnées par le Québec en attente de leur résidence permanente à la fin de 2022.

Contrairement à la stabilisation des seuils pour la catégorie familiale, le gouvernement n'a pas cessé d'augmenter les seuils des admissions pour la sous-catégorie des gens d'affaires dans un effort pour réduire les dossiers en attente de demandes de résidence permanente des investisseurs.

En 2020 et 2021, le nombre d'admissions dans cette sous-catégorie n'avait pas atteint le seuil prévu. Pourquoi ? Parce que la vaste majorité des immigrants investisseurs sont originaires de la Chine et que la politique très restrictive de confinement de la Chine liée à la pandémie a empêché les personnes de quitter le pays.

Le Québec fait cependant rapidement du rattrapage. En 2022, les admissions additionnelles prévues en « rééquilibrage » postpandémie ont permis au gouvernement de dépasser le seuil prévu dans cette sous-catégorie – 5 196 admissions d'investisseurs avec un seuil établi à 4 300. En 2023, le rattrapage continue avec 5 035 immigrants investisseurs déjà admis à la fin septembre, même si le seuil a été maintenu à 4 300. Maintenant, dans le Plan d'immigration pour 2024, on voit un seuil établi entre 6 600 et 7 900 admissions de gens d'affaires, si on additionne les cibles « régulières » et celles « hors des cibles régulières ».

Rappelons quelques faits concernant les personnes admises dans la sous-catégorie « investisseurs ». Au cours de la décennie 2012 et 2021, seulement 16 % étaient toujours au Québec en janvier 2023. Originaires presque exclusivement de la Chine, celles qui attendent leur résidence permanente sont très peu nombreuses à déclarer pouvoir communiquer en français.

Le programme est suspendu depuis novembre 2019, mais renaîtra de ses cendres en janvier 2024 avec quelques nouvelles conditions, notamment un séjour d'un an au Québec avant de présenter une demande et une connaissance du français de niveau 7. Il faudra chercher ailleurs qu'en Chine pour en trouver.

Même avec ces nouvelles conditions, le programme demeure un mécanisme qui permet à des ultra-riches d'acheter la résidence permanente et donc la citoyenneté canadienne. L'émission Enquête de Radio-Canada a diffusé en septembre 2018 un reportage en profondeur peu flatteur du programme. Il présente des consultants qui expliquaient à des demandeurs, avec des fortunes parfois de source louche et sans une résidence au Québec, comment contourner les conditions d'admissibilité. Il note en même temps que « le programme est une manne pour les courtiers et les institutions financières, comme Desjardins et la Banque Nationale ». Le ministre d'alors, David Heurtel, a reconnu le problème de rétention, mais est cité pour avoir déclaré : « Même si l'immigrant investisseur va ailleurs au Canada, l'argent reste. »

Les valeurs québécoises

Récapitulons. Avec sa planification utilitariste de l'immigration, ce gouvernement met les bouchées doubles pour baisser les demandes en attente dans un programme qui attire l'argent des personnes de l'étranger, plutôt que les personnes elles-mêmes. En même temps, on ne voit pas la même préoccupation pour les demandes en attente qui permettront le regroupement des familles québécoises. Il est à se demander s'il trouve qu'il faudra trop investir dans tous ces enfants de l'étranger avant qu'ils ne deviennent rentables pour le Québec.

Le premier ministre a souvent laissé entendre que l'immigration pourrait avoir un effet néfaste sur les valeurs québécoises, comme stipulé dans notre Charte des droits et libertés de la personne. N'oublions pas que cette même Charte considère que « tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi ».

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Il faut mettre fin à la crise du logement

5 décembre 2023, par Collectif la ville que nous voulons — , ,
Dans notre société le logement est considéré comme un objet d'affaires et de commerce lucratifs alors que c'est un droit fondamental reconnu par l'ONU. L'article 25 de la (…)

Dans notre société le logement est considéré comme un objet d'affaires et de commerce lucratifs alors que c'est un droit fondamental reconnu par l'ONU. L'article 25 de la Déclaration des droits de l'Homme précise que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité́ en cas de chômage, de maladie, d'invalidité́, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté́. »

La Ligue des droits et libertés rappelle que le droit au logement est consacré dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) auquel le Québec a adhéré. Nous pouvons donc affirmer que la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, à l'article 45, consacre implicitement le droit au logement : « Toute personne dans le besoin a droit, pour elle et sa famille, à des mesures d'assistance financière et à des mesures sociales, prévues par la loi, susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent ». 1

Or, il est évident que le droit au logement ainsi que l'ensemble des droits mentionnés à l'article 25 de la Déclaration de l'ONU et dans la Charte des droits et libertés du Québec sont très faiblement respectés lorsque nous constatons à quel point sont nombreuses les personnes privées d'un revenu adéquat pour accéder à un niveau de vie suffisant.
Pour sortir de la crise du logement il faut voir que cette crise est intimement liée aux inégalités sociales et économiques créées par le régime capitaliste et ses alliés politiques. Il importe donc que le logement cesse d'être considéré comme un objet de consommation, une source de profits pour des promoteurs peu soucieux de répondre aux besoins des personnes.

Le collectif La ville que nous voulons appuie les revendications de nombreux groupes et organisations qui visent à assurer de véritables dispositions pour protéger les droits des locataires, des gens à faible revenu, des personnes itinérantes. Le 27 novembre dernier le Comité des citoyens et citoyennes du quartier Saint-Sauveur (CCCQSS), le Comité logement d'aide de Québec Ouest (CLAQO), le Comité populaire Saint-Jean-Baptiste et le Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) réunis devant les bureaux du Conseil du trésor à Québec ont rappeler l'appauvrissement de dizaines de milliers de locataires de Québec. 2

Nous appuyons aussi le Collectif de Québec contre le projet de loi 31 du gouvernement du Québec qui attaque les droits des locataires en abolissant, à toute fin pratique, le droit de cession de bail. La ministre responsable de l'Habitation, France-Élaine Duranceau, a rejeté les revendications du Collectif opposé à ce projet de loi qui donnera des pouvoirs aux propriétaires qui en profiteront pour augmenter les loyers. La ministre, ex-spéculatrice immobilière a donc décidé de maintenir les dispositions de l'article 7 de son projet de loi, qui permet à un propriétaire de refuser une cession de bail sans « motif sérieux » 3

Quelques conditions essentielles pour sortir de la crise du logement

Les gouvernements doivent prévoir, à court terme, des investissements publics suffisants pour que soient construits des logements accessibles financièrement. Il faut un soutien financier pour la construction de logements sociaux ainsi que pour augmenter le nombre de coopératives de logement permettant aux membres de participer à la gestion de leur lieu de résidence.

La ville que nous voulons exige que soient interdite toute fermeture de maisons de chambre qui sont susceptible d'affecter gravement les personnes à risque d'itinérance qui se retrouveront sans ressources pour se loger. De plus, nous considérons que tout aménagement et projet de développement doit faire l'objet d'une acceptation par les citoyennes et citoyens des quartiers ou secteurs concernés ; ils doivent recevoir toutes les informations nécessaires pour exercer leur droit de décider.

Serge Roy
Pour le collectif La ville que nous voulons

Québec, 4 décembre 2023

Notes
1.PL31 – Un coup bas pour le droit au logement, Ligue des droits et libertés - https://liguedesdroits.ca/pl-31-un-coup-bas-pour-le-droit-au-logement/
2.Le FRAPRU et ses membres de la ville de Québec se mobilisent pour revendiquer des logements sociaux – Communiqué - https://www.frapru.qc.ca/rassemblement-chantier/
3. Pivot, https://pivot.quebec/2023/11/29/pl31-et-cessions-de-bail-acte-dernier/

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Espoir et solidarité, regard sur le congrès de Québec Solidaire de 2023

5 décembre 2023, par Laure Frappier-L. — , ,
Les injustices sociales pullulent. La guerre, le racisme, l'insécurité alimentaire, le manque de solidarité sociale, l'effondrement de nos services publics, la difficulté pour (…)

Les injustices sociales pullulent. La guerre, le racisme, l'insécurité alimentaire, le manque de solidarité sociale, l'effondrement de nos services publics, la difficulté pour toutes et tous à se loger décemment, le manque d'action face à la crise climatique, les enjeux d'accessibilité aux services et ressources, l'appauvrissement de la population, la précarité, les enjeux démographiques, et j'en passe.
Le climat pré-congrès était fébrile. Les membres portaient en elles et eux une multitude de préoccupations, qui dans le contexte actuel pouvaient prendre une ampleur considérable. Au final, plus de 800 membres ont répondu présent.e lors du congrès en présentiel à Gatineau, ce qui a représenté pour plusieur.e.s temps et argent, en plus du casse-tête qui peut accompagner cette absence de la maison (Qui gardera les enfants ? Serons-nous en mesure de prendre deux jours de congé ou plus pour faire la route jusqu'au congrès ? Etc.) Malgré les quelques places encore disponibles dans la salle, l'importance de ce congrès se faisait bien sentir et l'énergie des militantes et militants était au rendez-vous.

La conférence d'ouverture à propos de la transition énergétique, à laquelle participaient Adrienne Jérôme, de la communauté anishnabe de Lac-Simon, la professeure en géographie Cynthia Morinville et Jean-Philippe Meloche, professeur à l'École d'urbanisme et d'architecture de paysage de l'Université de Montréal a permis d'entrer doucement et tranquillement dans cet enjeu épineux, notamment au travers du discours de Mme Jérôme (portant sur « les bouleversements » liés à la transition énergétique, pour reprendre les mots de cette sage dame), dont le rythme apaisant, évoquait celui des vagues caressant le sable, nous permettait une pause, un souffle avant cette fin de semaine qui s'annonçait chargée. Plusieurs autres représentant.e.s de communautés autochtones ont également été bien visibles lors du congrès, que ce soit lors d'ateliers, de prises de parole ou de conférences. La volonté de tisser des liens et de faire de la politique “avec” et non “pour” les peuples autochtones semblent continuer à faire son chemin au sein du parti.

Le panel animé par Haroun Bouazzi permettait finalement de mettre en valeur les conclusions de sa tournée sur l'avenir énergétique du Québec et de mettre la table pour les différentes propositions qui allaient être discutées le lendemain. Notons en particulier la sensibilité des délégué.e.s du congrès face aux inégalités régionales et financières qui peuvent être créées par certaines pistes de la transition. Bien sûr on ne souhaite pas, par l'élimination de la TVQ sur l'achat et la réparation des produits usagés, encourager la croissance du parc automobile. Les délégués du congrès ont toutefois convenu que l'amendement visant à exclure les véhicules usagés de cette proposition risquait de nuire de façon démesurée aux personnes à faible revenu et à leur capacité de se déplacer. Cela n'empêche en rien Québec Solidaire de miser en priorité sur les projets de transport collectif, enjeux par ailleurs soulevé lors du débat des candidates et très bien abordé par Christine Labrie.

Le congrès a par ailleurs été un moment d'échange sur des propositions qui touchent une grande partie de la population québécoise. Pour n'en nommer que quelques-unes, les membres ont pu se pencher sur la mise en place d'un programme d'alimentation scolaire universel dans les écoles primaires et secondaires publiques du Québec, le plafonnement des marges de profits des grandes chaînes d'alimentation, ou encore de la possibilité d'augmenter le salaire minimum à 20$ de l'heure afin de pallier à l'inflation et au coût de la vie.

La ligne d'arrivée

“Mais pourquoi ne parle-t-on pas de l'élection de la co-porte-parole féminine” vous demanderez-vous. Nous y arrivons.

C'est qu'il nous faut comprendre le contexte pour comprendre le choix des membres. Il faut comprendre comment les candidates ont rejoint le cœur des militantes et militants dans leurs préoccupations locales, régionales et, pourquoi pas, mondiales.

Alors que les trois candidates ont chacune fait une brillante campagne, une d'entre elles semble avoir répondu davantage aux attentes des solidaires. Il est vrai qu'Émilise n'a remporté la victoire que par quelques voix. Bien que nous pourrions débattre du pourcentage par lequel elle l'a obtenu (ou encore de l'absence d'une partie de son électorat potentiel engendré par les obstacles à la participation pour se rendre à Gatineau), nous aborderons plutôt ce pourquoi Émilise semble être la candidate toute désignée pour ce rôle. Par où commencer ? Chacune des candidates a fait une campagne à leur image. Ruba Ghazal a su inspirer les troupes par sa combativité, son expérience politique et son désir de s'aventurer dans des thèmes comme la culture, la langue et l'identité pour aborder de front le discours souverainiste que Québec Solidaire souhaite renouveler. Christine Labrie a quant à elle fait campagne sur la réactualisation du discours politique dans Québec Solidaire. Elle a mis de l'avant son efficacité et sa compréhension des enjeux bureaucratiques, lesquels pourraient permettre d'aller chercher un électorat peut-être plus libéral. Lors du débat final des candidates le 25 novembre au matin, Christine a été fidèle à elle-même et a tenu sa ligne directrice. Elle a misé sur l'importance à ses yeux de montrer à la population que Québec Solidaire a la capacité de bien administrer le Québec. Elle a su répondre de façon claire et concise à plusieurs questions posées, ajoutant à l'occasion une petite touche d'humour. De son côté, Ruba ne semblait pas avoir toute l'étendue de sa flamme habituelle. Elle a cependant réitéré plusieurs éléments fondamentaux de sa plateforme en répondant avec un vocabulaire s'adressant à un public plus large. Elle est revenue sur l'intérêt d'un nationalisme pour toutes et tous et sur l'importance d'élargir le vote vers une population vieillissante et vers les banlieues. Enfin, les trois candidates ont discuté brièvement de leur vision pour la prochaine campagne électorale de 2026, laquelle devrait s'inspirer de la campagne à succès de 2018.

C'est toutefois l'authenticité et la fougue d'Émilise, la candidate de la « rue[ralité] » qui auront su convaincre les solidaires que sa voix saurait nous porter plus loin. Son énergie et son aplomb sur scène n'auront pas manqué de rappeler la façon dont elle a mené son combat pour la santé de la population en se levant contre la multinationale Glencore (dans le dossier de la fonderie Horne). À entendre les réactions dans la salle, ce moment aura sans doute permis de convaincre les indécis qu'il pouvait encore y avoir à ce moment.

Il est vrai que Christine et Ruba auraient peut-être été des candidates possédant une vision se ralliant un peu plus à celle de Gabriel Nadeau-Dubois. Le pragmatisme de Ruba et les forces administratives de Christine ont plu à plusieur.e.s et ces qualités auraient sans nul doute été utiles en tant que co-porte-parole féminine. Mais au final, c'est la complémentarité du duo GND - ÉLT que les membres ont semblé souhaiter pour le mandat à venir. Ce duo s'inscrit dans la poursuite de la tradition d'un balancier représentant les urnes et la rue. Le côté extra-parlementaire permet de poursuivre l'intention initiale des fondateurs de Québec Solidaires d'accorder une importance égale à ce qui se passe au parlement qu'à ce qui se passe dans les rangs militants (et moins militants).

Lors du discours de Gabriel Nadeau-Dubois dédié à sa collègue et ex co-porte-parole féminine Manon Massé, ce dernier a verbalisé que Manon était là pour l'aider à se “grounder”. C'est sa différence, son approche plus expérientielle et son empathie qui, nous croyons, ont aidé Manon à tenir ce rôle. En ce sens, Émilise possède les mêmes cartes dans sa manche et, souhaitons-le, réussira à incarner un rôle de leader empathique et de femme du peuple, digne du legs de son prédécesseur féminin.

Qui plus est, l'authenticité rayonnante d'Émilise ranime non seulement la flamme militante, mais aussi la solidarité des membres. Émilise ne fait pas que nommer qu'elle est à l'écoute, elle le démontre. Elle dévoile sa compréhension des enjeux qui affectent les individus dans leur quotidien. Elle l'exprime avec brio à l'aide d'exemples concrets qui réfèrent à des êtres humains réels avec des difficultés réelles avec lesquels elle a pris le temps de discuter. Trop souvent en politique, les réponses semblent toutes faites, planifiées pour “fitter” dans le cadre prévu, pas celles d'Émilise. En s'exprimant, elle nous communique son sentiment sincère de faire partie de ce tout rassembleur. Elle ne fait pas simplement être à l'écoute des préoccupations des gens, elle le vit elle aussi. Émilise fait partie du peuple et ça se sent. C'est probablement pour cela que lorsqu'elle parle, on a le sentiment le plus profond qu'elle fera tout en son pouvoir pour incarner les valeurs solidaires.

Laure Frappier-L. avec la délégation de Qs Rimouski.

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Haroun Bouazzi questionne le refus du gouvernement Legault de maintenir le monopole d’Hydro-Québec

5 décembre 2023, par PTAG — , ,
Harroun Bouazzi, député de Québec solidaire (Maurice-Richard) a dénoncé le refus du gouvernement de la CAQ de soutenir une motion défendant le monopole d'Hydro-Québec sur la (…)

Harroun Bouazzi, député de Québec solidaire (Maurice-Richard) a dénoncé le refus du gouvernement de la CAQ de soutenir une motion défendant le monopole d'Hydro-Québec sur la production d'hydro-électricité. La réponse du ministre Pierre Fitzgibbon, malgré ses prétentions, démontre son encouragement à la remise en question de ce monopole. Assemblée nationale, 30 novembre 2023.

Extrait de la vidéo de l'Assemblée nationale sur cette période de questions.

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Au Canada, manger du phoque est « bon pour l’environnement »

5 décembre 2023, par Alexis Gacon — , ,
En berne depuis l'embargo européen de 2009, la chasse au phoque tente de revenir sur le devant de la scène au Canada grâce à une massive campagne de publicité vantant la viande (…)

En berne depuis l'embargo européen de 2009, la chasse au phoque tente de revenir sur le devant de la scène au Canada grâce à une massive campagne de publicité vantant la viande et la fourrure du mammifère marin.

Tiré de Reporterre.

« La viande de phoque, je la considère comme le superaliment. Pour moi, c'est la meilleure viande qui existe. » Les mots sont d'un professeur de cuisine qui témoigne, dans une capsule promotionnelle, de son amour pour la viande de phoque, qu'il cuisine notamment en tataki. D'autres chefs en font des burgers, dont un baptisé le Phoque Brigitte Bardot dans un restaurant de Kamouraska, au Québec. Une seconde vidéo, relayant le témoignage d'une artiste inuit, vante le caractère « durable » de la fourrure de phoque pour confectionner des bottes d'hiver, tandis qu'une autre souligne les bienfaits de l'huile de phoque, riche en oméga 3.

Le phoque ? « Bon pour vous, bon pour l'environnement. » La campagne du Réseau de gestionnaires de la ressource du phoque, chapeauté par l'Institut de la fourrure du Canada, financé en partie par le gouvernement fédéral, vise à doper l'industrie de la chasse et élargir ses débouchés. L'année dernière, Ottawa avait déjà tenu le Sommet sur les phoques, pour discuter des possibilités d'exportation du mammifère marin.

« Le phoque ne va pas remplacer le porc ! »

L'industrie du phoque se cherche de nouveaux débouchés, car rien n'est plus pareil depuis l'embargo de l'Union européenne sur les produits dérivés de l'animal, signé en 2009. Le Parlement européen, qui qualifiait la chasse au phoque « d'inhumaine », avait justifié l'embargo au nom « de la morale publique européenne », après des années de sensibilisation de la part d'associations environnementales.

L'idée derrière la campagne publicitaire est donc de redonner de la légitimité à la pratique. Pour Gil Thériault, directeur de l'Association des chasseurs de phoques intra-Québec et candidat du Parti libéral du Québec aux dernières élections provinciales, cette chasse ne devrait pas avoir si mauvaise presse. « L'embargo européen s'est fondé sur des raisons morales. Comment c'est possible ? s'étonne-t-il. Ici, la chasse aux phoques a toujours fait partie de la vie. C'est une ressource locale, abondante. Plutôt que d'importer de la viande de l'autre bout du monde, on l'a ici. Ça reste un marché de niche, en plus. Ce n'est pas du grand abattage. Le phoque ne va pas remplacer le porc. » En 2023, le nombre de phoques tués dans l'est du pays n'atteint pas le quart du total de 2008.

Une campagne trompeuse

Il assure cependant que le Québec raffolerait du phoque si les infrastructures du secteur permettaient de soutenir l'intérêt, qui va crescendo. « Aux îles de la Madeleine [un archipel du golfe du Saint-Laurent], il y a de la demande pour 10 000 phoques par an à la boucherie, mais elle ne peut en traiter qu'un tiers. » Une seule usine existe en ce moment au Québec pour débiter la viande de phoque et elle est dépassée, assure-t-il. « Je préférerais qu'on mette de l'argent pour former les chasseurs et améliorer les infrastructures plutôt que dans la pub. On a mis la charrue avant les bœufs. »

Mais pour Sheryl Fink, qui milite depuis vingt-cinq ans sur le sujet au sein du Fonds international pour la protection des animaux (Ifaw), la campagne est trompeuse. « La publicité dit que le phoque “augmente l'énergie” quand on le mange. Cette même affirmation pourrait être faite pour n'importe quel type de viande. Le phoque n'est pas spécial. » De plus, la viande de phoque, ne serait pas si bonne pour la santé. « Comme les phoques se trouvent en haut de la chaîne alimentaire marine, ils peuvent accumuler des métaux lourds, tels que le mercure », réplique-t-elle.

La population en hausse

« La chasse se déroule sur des plaques de glace et il est difficile pour un chasseur sur un bateau, dans la houle, de tuer un phoque d'un seul coup, note pourtant Sheryl Fink. Je l'ai observé, il arrive souvent qu'un phoque soit blessé par un tir, qu'il se mette à tourner sur lui-même et à se débattre. Souvent, il glisse dans l'eau et meurt de ses blessures. Dans le cas du matraquage [toujours légal], nous voyons des chasseurs courir sur la glace, poursuivre un phoque en essayant de le frapper à la tête avec une massue. »

Yoanis Menge, un photographe des Îles de la Madeleine qui a vécu en immersion avec des chasseurs de phoque, assure, lui aussi, que cette chasse ancestrale est respectueuse de l'animal. « Les Premières nations la pratiquent aussi et l'ont transmise aux gens d'ici, indique-t-il. Tout le phoque est utilisé lorsqu'il est chassé. Quand on ne vit pas dans la nature, c'est difficile de saisir cette culture. Mais ils sont chassés de manière éthique et efficace. »

« C'est une chasse en plein air… Alors que ce qui se passe dans les abattoirs, on le cache, balaye Gil Thériault. Un phoque vit en liberté, jusqu'au moment où il est atteint par une balle de fusil. On l'a surprotégé et on voit le résultat ! Il y en a trop et ça menace grandement les stocks de poissons. »

La population de phoques gris dans l'est du Canada est estimée à plus de 360 000, indique Pêches et Océans Canada. Celle des phoques du Groenland, qui partagent leur hiver entre l'Arctique canadien et le Groenland, atteindrait 7,6 millions dans l'Atlantique Nord-Ouest, contre 2 millions au début des années 1970, à la suite d'une forte diminution dans les années 1950, d'après les données fédérales. La hausse est nette, mais peut-on vraiment dire qu'il y a trop de phoques ?

Menacés par la fonte de la banquise

Bernard Vigneault, directeur général des sciences des écosystèmes au ministère des Pêches et des Océans, dessine une situation contrastée. D'après les recherches menées par les scientifiques fédéraux canadiens, le phoque du Groenland n'est pas considéré comme un facteur déterminant dans la baisse du stock de morue. Par contre, la morue du sud du golfe du Saint-Laurent est décimée par les phoques gris, qui mangent chacun plus d'une tonne de poissons par an. « La surpêche et la prédation du phoque gris limitent le rétablissement de la morue, de la merluche blanche ou de la raie tachetée », explique le chercheur. Il estime aussi qu'au vu du nombre de prises actuelles — 40 000 phoques du Groenland et près de 1 500 phoques gris ont été tués en 2023 — une augmentation des prises des chasseurs de phoques serait bénéfique.

L'Ifaw, elle, rétorque que les poissons et les autres créatures marines coexistent depuis des millénaires, sans qu'il soit nécessaire que l'homme s'en mêle.

L'inquiétude pour l'avenir des phoques provient surtout de la baisse constatée du nombre de bébés et de la diminution du couvert de glace. Or, le phoque du Groenland a besoin de la banquise pour se reproduire. La vulnérabilité de l'espèce au réchauffement climatique est « très claire » .

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Des GES, des GES, oui toujours plus de GES !

5 décembre 2023, par Coalition Halte-Air Saint-Hubert — , ,
Longueuil, 29 novembre 2023. - La Coalition Halte-Air St-Hubert affirme que le développement du terminal Porter Airlines / DASH-L émettra bel et bien des gaz à effet de serre (…)

Longueuil, 29 novembre 2023. - La Coalition Halte-Air St-Hubert affirme que le développement du terminal Porter Airlines / DASH-L émettra bel et bien des gaz à effet de serre (GES), contrairement à ce que voudrait faire croire S-P. Diamond, le vice-président aux affaires corporatives de l'aéroport Saint-Hubert YHU.

« *Même la construction de l'aérogare, d'un hôtel de 130 chambres et l'aménagement d'un stationnement de 3000 places ne se fera pas sans émission de GES, parce qu'aucune des machineries ni aucun des camions nécessaires pour ce faire ne fonctionne à l'eau, encore moins tout le trafic routier qui découlera des 4 millions de passagers visés et du transport du kérosène qui alimentera la centaine d'avions par jour qui ne volera pas au parfum de rose * », déclare Jacques Benoit, de la Coalition Halte-Air St-Hubert.

Pour le Professeur Julien Keller de la Coalition, qui assistait à l'événement de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain le 24 novembre dernier
<https://drive.google.com/file/d/1Ij...> ,
les déclarations du v.-p. de DASH-L sont d'ailleurs en totale contradiction avec les propos que son directeur général, M. Yanic Roy, y a tenus, à savoir que le trafic aérien sur le grand Montréal atteindrait « *30 millions de passagers en 2030, 40 millions en 2040 et 50 millions en 2050 * », et que l'aéroport de Saint-Hubert participerait au développement de ce
trafic, aujourd'hui d'environ 20 millions de passagers. Le développement de l'aéroport Saint-Hubert, selon M. Roy, s'inscrirait donc dans une politique globale d'augmentation du nombre de passagers et de vols, et non pas dans un simple déplacement de ces vols de Montréal-Trudeau (YUL) vers Saint-Hubert (YHU).

Or l'industrie aérienne repose sur le pétrole, une source majeure d'émissions de GES qui ne cessent d'augmenter : +6.7 % sur l'île de Montréal en 2021 par rapport à 2020, reprenant leur hausse interrompue par la pandémie de COVID-19.

Quant au processus de certification à l'Airport Carbon Accreditation (ACA) auquel fait référence le v.-p. de l'aéroport, cela fait bien rire M. Benoit. « *Ce « programme mondial de gestion du carbone pour les aéroports » dépend de l'ACI, l'Airport Council International, une
association de 500 aéroports à travers l'Europe. C'est comme demander aux compagnies de tabac de certifier que leurs cigarettes ne causent pas le cancer !*, déclare-t-il. « *Ce n'est pas un programme de gestion du carbone, mais seulement du greenwashing ! * » dit-il encore. « *Les seuls avions silencieux qui ne font pas de GES sont les avions en papier ! »*, ajoute-t-il.

Pour la Coalition, si le projet de développement avait d'abord été déposé avec les études probantes, pour qu'on évalue sa pertinence et sa nécessité au vu de ses impacts économiques, sanitaires et climatiques, on n'en serait pas à discuter chaque semaine d'affirmations toutes plus frivoles les unes que les autres.

« *Il serait temps que les propos du v.-p. de l'aéroport soient un plus sérieux : mener les études d'empreinte carbone, de pollutions sonores et atmosphériques du terminal pendant sa construction, c'est un peu comme si un étudiant demandait son diplôme avant d'avoir suivi les cours ! »* conclut le Prof. Keller.

La Coalition Halte-Air Saint-Hubert est un regroupement de groupes et de citoyen.ne.s qui réclame un moratoire sur tout développement de l'aéroport de Saint-Hubert
<https://www.change.org/p/pour-un-mo...> tant et aussi longtemps que le plan complet du projet, incluant les coûts publics, n'aura pas été déposé publiquement et que tous ses impacts, non seulement économiques, mais aussi sanitaires et climatiques, présents et futurs, n'auront pas été analysés et discutés sérieusement et publiquement devant les citoyen.e.s.

Pour information :

coalition.halteair@gmail.com

https://www.facebook.com/coalitionhalteairSH

instagram.com/coalitionhalteairsh/
<https://www.instagram.com/coalition...>

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Au Québec, les feuillus pourraient se déplacer vers le nord. Voici les conséquences potentielles sur le paysage forestier boréal

5 décembre 2023, par Fabio Gennaretti, Maxence Soubeyrand — , ,
Au Québec, on retrouve deux types de forêt distincts : la forêt tempérée nordique au sud et la forêt boréale au nord. Ces écosystèmes forestiers fournissent une diversité de (…)

Au Québec, on retrouve deux types de forêt distincts : la forêt tempérée nordique au sud et la forêt boréale au nord. Ces écosystèmes forestiers fournissent une diversité de services importants au fonctionnement global de la planète et de notre économie. On peut par exemple penser au stockage de grandes quantités de carbone atmosphérique, aux habitats pour de nombreuses espèces, ainsi qu'à la fourniture de matière première pour l'industrie du bois, qui est un pilier de l'économie québécoise et canadienne.

Tiré de La conversation.

Étudiant au doctorat à l'UQAT, je travaille sur le potentiel de colonisation de l'érable à sucre, du bouleau jaune et de l'érable rouge au nord de leur aire de répartition, dans la forêt boréale mixte. Ces trois espèces emblématiques des forêts d'Amérique du Nord sont d'une importance capitale au niveau économique (bois d'œuvre, fabrication de contreplaqué, pâte, ou sirop d'érable pour l'érable à sucre) et contribuent à la diversité des forêts québécoises.

La forêt mixte, entre biome tempéré et boréal

La forêt mixte est située au niveau de la zone de transition (écotone) entre les forêts boréale et tempérée.

Elle désigne la région où ces deux forêts se rencontrent, créant une zone dans laquelle les caractéristiques de ces deux types de forêts s'entremêlent. Cet amalgame se caractérise par une coexistence complexe entre les espèces feuillues tempérées et les conifères typiques de la forêt boréale.

C'est dans cet écotone que les feuillus tempérés atteignent la limite nord de leur répartition.

Un futur incertain pour la forêt boréale mixte

L'impact combiné de l'augmentation des températures (de 2 à 8 °C d'ici 2100) et de l'aménagement forestier dans la forêt boréale mixte pourrait modifier la croissance et la distribution des espèces tempérées. Les services écosystémiques fournis par ces espèces pourraient être alors altérés.

Cette transformation pourrait être profonde. Car les espèces de feuillus tempérés pourraient migrer vers le nord et même devenir des espèces dominantes au sein des peuplements de la forêt boréale mixte.

Un tel changement dans la composition forestière de la forêt boréale mixte pourrait avoir des conséquences majeures pour l'industrie forestière, les régimes de perturbations naturelles et la biodiversité associée aux espèces d'arbres dominantes dans les forêts. Cependant, l'incertitude entourant l'implication des facteurs qui influencent le succès de l'établissement et de la croissance des feuillus tempérés dans la forêt boréale mixte reste considérable.

Il est essentiel de comprendre comment la croissance et la capacité d'établissement des feuillus tempérés au sein des peuplements de la forêt mixte sont influencées par des facteurs tels que le climat, les caractéristiques du sol et les interactions de compétition entre les arbres pour obtenir une vision complète de l'avenir de la forêt boréale mixte.

Des feuillus dans la forêt boréale mixte ?

Dans le cadre de mes travaux de doctorat, nous avons tenté de modéliser les interactions de compétition entre les arbres en tenant en compte des effets des changements climatiques sur leur croissance. Ce modèle simule chaque arbre dans un peuplement. Chaque année, les arbres croissent, se reproduisent et peuvent éventuellement mourir. La croissance de chaque arbre dépend de la lumière que l'arbre reçoit, de la compétition pour les nutriments et pour l'espace, et du climat.

Dans notre étude, publiée dans la revue Ecography, nous avons exploité ce modèle pour évaluer la capacité des feuillus tempérés à s'établir au sein de peuplements de la forêt boréale mixte. Pour ce faire, nous avons procédé à la modélisation de peuplements typiques de la forêt boréale mixte, auxquels nous avons intégré des espèces de feuillus tempérés, offrant l'opportunité de coloniser ces peuplements.

Nous avons montré que les trois espèces de feuillus tempérés pouvaient coloniser le peuplement. Le bouleau jaune avait une meilleure capacité de colonisation, avec ses graines plus nombreuses et plus légères qui peuvent se disperser plus loin. L'érable rouge et l'érable à sucre présentaient quant à eux des capacités similaires pour coloniser les peuplements mixtes boréaux. Cependant, l'érable à sucre montrait une meilleure capacité à coloniser les forêts plus vieilles, en raison de sa croissance supérieure sous une canopée fermée.

La capacité d'établissement des feuillus tempérés dans la forêt boréale mixte était plus élevée dans les peuplements les plus jeunes, ainsi que dans les peuplements après une coupe totale. Par conséquent, l'aménagement forestier et les feux de forêts, en rajeunissant les paysages de la forêt mixte boréale, pourraient accélérer la migration des espèces d'arbres tempérés vers le nord.

L'augmentation des températures due aux changements climatiques ne devrait pas augmenter la capacité des feuillus tempérés à coloniser les peuplements de la forêt boréale mixte, que ce soit dans le climat actuel ou dans des scénarios de forçage climatique élevé. Cela signifie que le climat ne serait pas un facteur influençant la limite nord de répartition des espèces de feuillus tempérés, et que les changements climatiques ne devraient pas avoir d'effet immédiat sur la distribution nordique des feuillus tempérés.

Les types de sols de la forêt boréale mixte pourraient cependant être une limite à la croissance des feuillus tempérés. Dans des sols argileux, la croissance de l'érable rouge et de l'érable à sucre serait faible et ne leur permettrait pas d'être compétitifs avec les espèces déjà présentes, qui tolèrent très bien l'argile.

Les facteurs régissant la croissance des arbres tels que le climat, le sol et la compétition interagissent ensemble et peuvent rendre les prédictions concernant la distribution future des différentes espèces d'arbres très complexes.

Des effets tant positifs que négatifs

L'établissement des feuillus tempérés dans la forêt boréale mixte pourrait accroître la complexité et la diversité dans les peuplements. Cela pourrait renforcer la résistance et la résilience de la forêt boréale mixte face aux perturbations.

La présence des feuillus tempérés en forêt boréale mixte pourrait notamment atténuer les épidémies de tordeuse des bourgeons de l'épinette, car la proportion de sapins et d'épinettes serait plus faible et ces espèces seraient davantage dispersées dans les peuplements.

L'établissement des feuillus tempérés provoquera une augmentation de la proportion de feuillus dans le paysage. Ce phénomène, connu sous le nom « d'enfeuillement », est observé dans la forêt boréale mixte depuis les 100 dernières années et est principalement dû à l'aménagement forestier. Cet enfeuillement pourrait rendre les épidémies de livrée des forêts plus sévères. Cet insecte défoliateur s'attaque aux feuillus et spécialement au peuplier faux-tremble, au bouleau à papier et à l'érable à sucre.

Enfin, les régimes de feux de forêt pourraient être modifiés par les différences d'inflammabilité des feuillus et des conifères. La présence de feuillus tempérés, qui sont moins inflammables que les conifères, pourrait rallonger les cycles de feu. Cet effet positif sera cependant associé à un défi majeur pour l'industrie forestière qui aménage la forêt boréale mixte, puisque la filiale est actuellement tournée majoritairement vers les conifères.

On ne peut s'arrêter là

D'autres études de modélisation sont nécessaires pour explorer l'impact d'autres facteurs susceptibles d'influencer la capacité des feuillus tempérés à coloniser la forêt boréale mixte.

On peut notamment penser à l'impact du sol et des mycorhizes (symbiose entre les racines des plantes et des champignons) sur la germination et la croissance des arbres. Mais aussi à la prise en compte des phénomènes météorologiques, tels que les gelées tardives, qui peuvent affecter la survie et la croissance des jeunes arbres tempérés.

De plus, une modélisation à l'échelle du paysage serait bénéfique pour prendre en considération la topographie du terrain, un facteur potentiellement influent sur la capacité des feuillus tempérés à s'établir plus au nord.

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Journée mondiale de lutte contre le sida, regarder vers le passé pour définir le futur

5 décembre 2023, par Steven Ross — , ,
En 2023, la science et les diverses méthodes de prévention de la propagation du VIH permettent aux personnes atteintes du virus de vivre une vie presque normale. Bien que (…)

En 2023, la science et les diverses méthodes de prévention de la propagation du VIH permettent aux personnes atteintes du virus de vivre une vie presque normale. Bien que l'infection initialement mortelle ait été réduite au fil des ans à une maladie chronique, elle demeure toujours bien présente, tout particulièrement au sein des communautés LGBTQ+. Retour sur l'évolution du virus et perspectives des principaux intervenants dans la lutte au VIH à propos des solutions pour parvenir, une fois pour toutes, à son éradication.

Tiré de Fugues
https://www.fugues.com/2023/11/30/journee-mondiale-de-lutte-contre-le-sida-regarder-vers-lepasse-pour-definir-le-futur/?pk_campaign=L%27infolettre+de+Fugues+%231410+JEUDI+30+novembre+2023&pk_kwd=https%3A%2F%2Fwww.fugues.com%2F2023%2F11%2F30%2Fjournee-mondiale-de-lutte-contre-le-sida-regarder-vers-lepasse-pour-definir-le-futur%2F&utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_term=https://www.fugues.com/2023/11/30/journee-mondiale-de-lutte-contre-le-sida-regarder-vers-lepasse-pour-definir-le-futur/?pk_campaign=Linfolettre+de+Fugues+#1410+JEUDI+30+novembre+2023&pk_kwd=https://www.fugues.com/2023/11/30/journee-mondiale-de-lutte-contre-le-sida-regarder-vers-lepasse-pour-definir-le-futur/&utm_content&utm_campaign=Linfolettre%20de%20Fugues%20#1410%20JEUDI%2030%20novembre%202023

Par
Steven Ross
30 novembre 2023

Le 5 juin 1981 paraît le tout premier article faisant mention d'une infection touchant cinq hommes gais à Los Angeles. Le nom français utilisé mondialement pour identifier l'infection fatale est établi la même année par la Direction de la terminologie du gouvernement canadien : syndrome d'immunodéficience acquise (SIDA). En mars de l'année suivante, le Canada signale son premier cas de sida.

La lutte s'organise au milieu des années 1980 alors que la première Semaine de sensibilisation au sida au Canada est présentée à Toronto, tandis que la première Conférence canadienne sur le sida est mise sur pied à Montréal en 1985. En 1988, l'OMS proclame le 1er décembre Journée mondiale de lutte contre le sida, et, en 1990, le gouvernement canadien crée la première stratégie sur le VIH. Malgré l'avènement de la trithérapie, développée à Montréal au milieu des années 1990, le VIH devient tout de même la principale cause de décès dans le monde chez les personnes âgées de 15 à 59 ans en 2002.

Pour l'équipe de RÉZO, les communautés font aujourd'hui partie de l'équation pour éradiquer le virus, comme elles l'ont été dès le début du combat. L'organisme met donc en place plusieurs services adaptés qui ne jugent pas les pratiques et réalités des communautés, dont le dépistage communautaire à la Zone Rose de RÉZO.

Selon Alexandre Dumont Blais, directeur général de RÉZO : « Pour mettre fin à l'épidémie du VIH/sida d'ici 2030, l'exercice d'un leadership communautaire et politique est crucial afin de mettre les moyens reconnus à disposition des communautés affectées. Sans réserve ni barrière. »

La Maison d'Hérelle adopte une approche axée sur les déterminants sociaux, c'est-à-dire les éléments qui ont un impact direct sur la santé des gens. La directrice générale de l'organisme, Michèle Blanchard, pointe vers diverses pistes de solution concrètes : « Notre vision est qu'il faut prendre position pour l'accès au logement, à l'alimentation, et à du soutien pour demeurer indétectable et donc intransmissible. Ces bases sont pour nous la clé afin d'être des acteurs qui mettront fin au VIH. »

À la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida (COCQ-SIDA), on identifie cinq axes d'action prioritaires pour éliminer la transmission du VIH d'ici 2030 : le dépistage, l'adhérence aux traitements, la réduction des méfaits, les déterminants sociaux de la santé (besoins de base, droits) et les partenariats durables. Selon le directeur général de l'organisme, Ken Monteith, les acteurs communautaires ont les connaissances et les outils d'intervention qui peuvent mener à la fin de la transmission du VIH, mais les ressources sont manquantes pour les déployer adéquatement : « Ce que nous revendiquons de nos gouvernements va au-delà des questions de financement : ça nous prend en plus un engagement moral et le courage d'arrêter de mettre des bâtons dans les roues de la réponse au VIH par des lois qui éloignent les personnes des soins et fragilisent leur vie. Ça nous prend la décriminalisation de la non-divulgation du statut VIH, de la possession simple des drogues, du travail du sexe, et un accès universel à la couverture sanitaire pour toute personne sur le territoire. »

Du côté d'ACCM, on abonde dans le même sens : « Le contexte actuel de crise du logement, de crise des surdoses, d'inflation et de haine envers les communautés LGBTQ+ n'a fait qu'augmenter la précarité, la stigmatisation et les enjeux intersectionnels auxquels font face les personnes vivant avec le VIH, relate la directrice générale de l'organisation, Emilie Renahy. Force est de constater que les priorités que nous avions identifiées dans le cadre des élections municipales et fédérales de 2021 pour mettre fin à l'épidémie d'ici 2030 restent identiques : nous demandions la fin de la criminalisation de la non-divulgation du statut VIH, des drogues et du travail du sexe ; l'accès universel et la couverture de tous les services de santé, incluant les thérapies antirétrovirales, la PrEP, la PEP, le dépistage et les services de santé sexuelle. »

En plus des membres des communautés LGBTQ+, certains autres groupes ou minorités sont disproportionnellement touchés par les cas de VIH. C'est le cas notamment des personnes migrantes, rappelle Joseph Jean-Gilles, directeur général de GAP-VIES : « Nous devrons trouver une réponse adéquate au portrait accablant et inquiétant de l'infection par le VIH chez les migrants originaires de pays où la prévalence du VIH et de l'hépatite C est élevée. Un combat de tous les jours s'impose pour combattre de front la stigmatisation, la discrimination, le racisme, l'homophobie et la transphobie sous toutes leurs formes et par tous les moyens afin de contribuer à réduire les inégalités sociales en santé et en soins, ainsi que faciliter un accès universel aux soins et aux services de santé. À Montréal, éradiquer le VIH et le sida est un défi de taille et, à GAP-VIES, nous avons compris que pour atteindre cet objectif, on ne doit pas travailler de façon isolée, ce qui explique notre ancrage au quotidien dans tous les secteurs de la vie de nos populations clés qui sont très diversifiées. »

Au-delà des organismes communautaires, plusieurs acteurs privés du secteur de la santé sont mobilisés pour soutenir les personnes vivant avec le VIH et identifier les moyens les plus efficaces d'éliminer le virus.

Mentionnons à cet effet ViiV Soins de santé Canada, notamment, la seule société pharmaceutique vouée entièrement à la recherche sur le VIH/sida et à son traitement, ainsi qu'à l'amélioration de la vie des personnes touchées par le VIH/sida. L'entreprise possède une longue histoire d'engagement, en partenariat avec la communauté canadienne du VIH par le biais de son programme d'action positive pour soutenir et améliorer les initiatives communautaires qui améliorent la vie des personnes vivant avec le VIH au Canada.

Par ailleurs, du côté des efforts mis en place au niveau fédéral, le Canada est engagé dans la stratégie 95-95-95 établie par l'ONUSIDA et l'OMS afin d'aider à éliminer le virus d'ici 2030. Alors que plus de 62 000 personnes vivent avec le VIH au pays, l'objectif est d'atteindre les cibles 95-95-95 : 95 % des personnes infectées connaîtront leur statut sérologique, 95 % recevront un traitement antirétroviral continu et 95 % de celles-ci auront une suppression virale, comparativement au profil actuel qui est respectivement de 86 %, 97 % et 92 %.

Plus de 40 ans après l'apparition du VIH, les divers organismes communautaires, privés et publics sont donc toujours à pied d'œuvre pour établir les solutions les plus prometteuses afin de limiter la propagation et d'éliminer le virus de l'immunodéficience acquise.

Au moment où l'objectif semble de plus en plus près, un mot est plus que jamais de mise : espoir.

INFOS | Pour en connaître davantage sur les progrès et les actions nécessaires pour mettre fin à l'épidémie de VIH d'ici 2030, lisez le dernier rapport de l'ONUSIDA

https://www.unaids.org
À propos d'ACCM : https://accmontreal.org
À propos de RÉZO : https://www.rezosante.org
À propos de GAP-VIES : https://gapvies.ca
À propos de la Maison d'Hérelle : https://www.maisondherelle.org

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Pourquoi le pinkwashing d’Israël fonctionne-t-il autant ?

5 décembre 2023, par Zeb Zürcher — , ,
Depuis des années, les militantexs LGBTQIA+ critiquent le discours d'Israël sur les questions d'orientation sexuelle et de genre. Alors qu'il semblait y avoir une victoire – (…)

Depuis des années, les militantexs LGBTQIA+ critiquent le discours d'Israël sur les questions d'orientation sexuelle et de genre. Alors qu'il semblait y avoir une victoire – toute maigre – sur ce front, le regain des discours de soutien aux forces de « défense » israéliennes (IDF) face à une Palestine présumée homophobe est inquiétant et demande analyse.

Tiré de Gauche anticapitaliste
1er décembre 2023

Par Seb Zürcher

En 1993, la plupart des lois d'héritage britannique criminalisant l'homosexualité dans l'armée israélienne ont été révoquées, ce qui a laissé les personnes ouvertement gays et lesbiennes servir dans l'armée. Néanmoins, une division géographique au sein de l'État colonial se fait sentir, entre Tel-Aviv, bastion libéral, et le reste des zones occupées beaucoup plus religieuses et conservatrices, notamment Jérusalem.

Dès la fin des années 90, la Pride de Tel-Aviv est ainsi déjà un grand événement, largement dépolitisé comme dans une partie du monde occidental, avec un accent mis sur la fête plutôt que sur des dimensions révolutionnaires. Pour autant, des groupes tels que Black Laundry (en hébreu Kvisa Shchora) utilisent cet espace au début du 21e siècle pour visibiliser des thématiques queer et l'occupation des terres palestiniennes, en réponse à la deuxième intifada commencée en 2000.

Colonialisme aux couleurs arc-en-ciel

Ces groupes ont malheureusement peu d'échos face à la stratégie du gouvernement israélien adoptée les mêmes années. Dénommée Brand Israël en 2005, la campagne propagandiste au cœur de cette stratégie vise à redorer l'image de marque d'Israël auprès de l'Occident comme un pays moderne, cosmopolite et progressiste.

Principalement, l'idée est d'évacuer l'occupation de la Palestine le plus possible des communications internationales au profit d'aspects culturels, touristiques et festifs. Que ce soit au travers de campagnes montrant des femmes de l'IDF dans des magazines érotiques, des avancées technologiques des industries ou des spécialités culinaires.

C'est dans ce contexte que les notions identitaires sont mobilisées. Une des opérations les plus agressives de Brand Israël est de faire miroiter l'État, ici surtout Tel-Aviv, comme une des destinations les plus gay-friendly du monde. C'est un succès à une période de plus grande acceptation des identités homosexuelles (principalement masculines) dans les sociétés capitalistes, qui voient désormais les hommes gays comme un marché juteux disposant d'un certain pouvoir d'achat.

Au travers d'images aspirationnelles, Israël se crée l'image d'un pays avec de magnifiques plages pleines d'hommes musclés qu'il ne faudrait pas trop tarder d'aller rencontrer, peu importe le sort des Palestinnien.nes qui de toute façon seraient homophobes et dangereux.euses.

Fragmentation et opposition

Comme l'explique le théoricien marxiste Peter Drucker, les communautés LGBTQIA+ se retrouvent dans un processus de fragmentation dès les années 90. Si l'augmentation de la tolérance dans une partie du monde laisse découvrir à une partie des lesbiennes et des gays les joies du capitalisme, une autre partie – notamment les personnes trans, précaires et/ou racisées – se retrouve laissée sur le carreau face à un processus d'homonormalisation. Il ne s'agit plus dès lors de demander libération mais acceptation. Il devient possible de réclamer une partie du gâteau de l'exploitation capitaliste. Cela implique un glissement de la compréhension des activismes LGBTQIA+ et de leur champ d'action.

En effet, comme le dit lae chercheureuse El Chenier, ce glissement s'opère sur la notion d'identité. Un activisme basé sur la notion de libération révolutionnaire aura tendance à s'identifier avec, c'est-à-dire qu'il porte en lui une solidarité inhérente qui permet d'imaginer un changement sociétal. En revanche, lorsque l'activisme représente la protection des intérêts d'un groupe dans l'espace capitaliste, cet activisme permet au sujet d'uniquement s'identifier comme, c'est-à-dire aux autres personnes LGBTQIA+ sans réussir à étendre sa pensée sur les autres opprimé.es.

Cette fragmentation (qui n'est bien sûr pas si claire) entre un espace homonormatif et un espace révolutionnaire dans les communautés LGBTQIA+ donne ainsi lieu à des discours distincts et une incompréhension constante d'une partie du public qui a intégré un discours normatif.

Pour une grande partie des gens, si le sujet discuté par des personnes queer ne touche pas directement aux thématiques LGBTQIA+, il parait hors-sujet vu l'impossibilité de s'identifier avec mais seulement comme. Ainsi, beaucoup peuvent s'identifier aux gays en Israël, mais pas avec les Palestiniennxes sous les bombes.

Les activistes queers ont pourtant été nombreuxses à critiquer l'État d'Israël et ses campagnes de pinkwashing. Mais peut-être n'est-il pas tant surprenant que leur écho ait été au final plus limité que ce que l'on pensait.

Article initialement publié sur le site de solidaritéS le 10 Novembre 2023.

Image : Queers Against Israeli Apartheid, Edmonton Pride Parade 2011 (au Canada). Crédit photo : Kurayba ; disponible sur flickr.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Les organismes communautaires des Laurentides craignent la réforme de santé

5 décembre 2023, par Regroupement des organismes communautaires des Laurentides (ROCL) — , , ,
Saint-Jérôme, 28 novembre 2023 - Le Regroupement des organismes communautaires des Laurentides (ROCL) s'inquiète de la nouvelle réforme du système de santé et des services (…)

Saint-Jérôme, 28 novembre 2023 - Le Regroupement des organismes communautaires des Laurentides (ROCL) s'inquiète de la nouvelle réforme du système de santé et des services sociaux, tant pour ses impacts sur les organismes communautaires que pour la privatisation accrue qu'elle entraînera.

Le projet de loi 15, qui vise à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace, est actuellement à l'étude en commission parlementaire. Ce projet de loi, dont les quelques 1200 articles font 308 pages, modifie 37 lois existantes et vient chambouler plusieurs pans du réseau de la santé. Dans la dernière décennie, les gouvernements successifs ont laissé la porte grande ouverte à la mise en place d'un réseau parallèle de santé privé. Le PL-15 s'inscrit dans cette lignée de réformes qui viendra une fois de plus fragiliser le caractère public du système de santé.

Pour le ROCL, l'adoption de ce projet de loi centralisateur n'améliora en rien l'accès aux soins dont la population a cruellement besoin.

La création de l'Agence Santé Québec, qui viendra du coup intégrer les CISSS et les CIUSSS dans la nouvelle structure, soulève aussi des questions pour les organismes communautaires notamment au niveau de la gestion du programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC).

La mégastructure envisagée par le gouvernement Legault générera inévitablement un accroissement de la bureaucratisation ainsi qu'une perte des espaces démocratiques permettant d'entendre les voix citoyennes. Avec le PL-15, le gouvernement choisit d'orchestrer un système où l'État subventionne les compagnies privées pour qu'elles dispensent des soins de santé. Ce choix contribue à l'effritement des services publics et entrave l'accès gratuit et universel aux soins.

Le ROCL se questionne aussi sur la prise en compte des réalités locales ainsi que sur l'instrumentalisation des organismes communautaires en santé et services sociaux. Dans les visées du projet de loi, les organismes semblent être perçus comme une extension du système de santé plutôt que comme des entités autonomes à part entière.

Rappelons que l'autonomie des groupes communautaires demeure un rempart démocratique important de la société québécoise. “Les groupes communautaires sont souvent ceux qui mettent en lumière les iniquités sociales et proposent des solutions pour les atténuer”, explique Farah Wikarski, agente de liaison au ROCL. La détresse sociale s'accroît avec le taux d'inflation fulgurant, ce qui exerce une pression décuplée sur les groupes communautaires et se manifeste par un accroissement notoire des demandes d'aide. Farah Wikarski ajoute : “ Devant cela, le gouvernement actuel propose très peu de mécanismes structurants qui viendraient agir sur les causes des problématiques sociales, il se contente de saupoudrer des fonds vers les causes qu'il juge importantes, sans considérer les demandes de financement global et récurrent dont les groupes communautaires ont besoin depuis longtemps.”

Afin de signifier ses craintes et son mécontentement au gouvernement Legault, le ROCL a signé la lettre de la Coalition Solidarité Santéet a participé à l'envoi de lettres aux 10 députés de la région en copie conforme au bureau de François Legault. En réponse à cette campagne de lettres, le ROCL a reçu cette réponse questionnable : “Sachez également que le nombre excessivement élevé de courriels envoyés à notre adresse constitue du harcèlement. Nous préférions vous en avertir avant de devoir transmettre cette situation problématique à la Sûreté du Québec pour analyse afin de décider de la suite à donner à ceux-ci. Nous vous prions de cesser ces envois non sollicités et d'agréer nos respectueuses salutations.”

Sophie Dion, présidente du ROCL, partage sa consternation devant cette réponse préoccupante : “ Au ROCL, on est inquiet, parce qu'on a toujours considéré que l'envoi de lettres constituait un mécanisme démocratique sain pour se faire entendre. La menace de judiciariser cette tentative d'expression ne fait que confirmer les craintes que nous avions déjà concernant le mode de gouvernance du gouvernement actuel, tout comme envers le PL-15 et le recul démocratique qu'il laisse présager”.

Le ROCL est un regroupement existant depuis maintenant 30 ans constitué de près de 170 organismes communautaires autonomes qui œuvrent dans les Laurentides. Lieu de rassemblement pour les organismes de la région, il offre de la formation, de l'accompagnement et du soutien aux organismes du territoire afin de leur permettre de s'épanouir pleinement dans leurs racines communautaires. Il vise par son action, son approche et son rôle de représentation à faire rayonner l'identité des organismes communautaires autonomes et à opérer de profonds changements pour plus de démocratie, d'équité et de justice sociale.

Voir la campagne de la Coalition Solidarité Santé :
Action en cours : Lettre aux élus pour faire obstacle au PL-15 • Coalition Solidarité Santé (cssante.com)

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Membres